Tintin Au Tibet
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L’éditeur tient à remercier Patricia Charbonneau, Christian Viel, Pierre Brouillette, Michel Viau, ainsi que l’auteur. Illustration de couverture : Jacques Samson 1re édition - Mai 2015 Jean-Dominic Leduc Éditeur - Mem9ire Toute reproduction, même partielle et par quelque procédé que ce soit de cet ouvrage est interdite. Tous droits réservés © MEM9IRE et Jacques Samson. ISBN 978-2-9814152-2-6 Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015 Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Canada, 2015 Crédits illustrations : p. 10 Ted Benoit © 2015 ; p. 22 Caroline Mérola © 2015 ; p. 34 Réal Godbout, Pierre Fournier © 2015 ; p. 88 Chris Ware © 2015 ; p. 102 Emmanuel Guibert © 2015 ; p. 118 Jean-Paul Eid © 2015. mem9ire.ca Table des matières 5 Préface 8 Parenthèse sur la fascination-BD 21 Une bande dessinée sans histoire 32 Rencontre avec Réal Godbout et Pierre Fournier 46 L’aventure du nom propre dans Tintin au Tibet 86 Jimmy Corrigan : entre le mythe et le monde 99 Le sujet de la guerre en bande dessinée 115 La bande dessinée québécoise : sempiternels recommencements ? 142 Médiagraphie Préface L’intérêt de Jacques Samson pour la bande dessinée ne date pas d’hier. Il a enseigné cette matière dès 1975 (au collège d’abord, puis à l’université), autant dire en un temps où elle n’avait que très peu droit de cité dans l’institution scolaire et académique. La même année, il participait à l’organisation d’une exposition sur la BD québécoise à la galerie Média, de Montréal, et signait ses premiers articles. Cette passion ne s’est jamais démentie, sans caractère exclusif : le cinéma, la littérature le requéraient tout autant. Depuis quatre décennies, l’activité de Jacques Samson dans le domaine du « neuvième art » s’est déployée à la fois sur la scène natio- nale — à travers l’enseignement, la participation à de multiples revues, des chroniques sur les ondes, l’organisation de colloques (tel, en 1989, celui consacré à Tardi) —, manifestant un souci constant de promouvoir la bande dessinée québécoise, de participer à son essor et à sa diffusion, et sur la scène française et internationale. Une note de l’article « Bande dessinée québécoise : sempiternels recommencements ? » signale pudiquement que Les Cahiers de la bande dessinée « avaient ouvert leur pages à un correspondant québécois de 1984 et 1990 ». Ce correspondant, bien entendu, c’était Jacques, et l’amitié dont il m’honore depuis compte parmi les choses les plus précieuses héritées de cette revue dont j’étais alors le rédacteur en chef. En 1999, j’ai placé mon Système de la bande dessinée sous le signe de cette amitié en dédiant le livre à « Jacques, l’ami lointain ». Les sept textes ici rassemblés sont loin d’épuiser la bibliographie de l’intéressé dans le domaine que nous avons en partage. Ils sont de ca- ractère divers — journalistique, historique, sociologique et théorique —, témoignent de l’éclectisme de ses sujets et dessinent, en pointillés, une trajectoire. Proche aussi de Pierre Fresnault-Deruelle et de Benoît Peeters, Jacques n’a pas, contrairement à nous, tenté d’écrire une théorie complète de la bande dessinée. En revanche il s’est affirmé comme l’un des tout meilleurs lecteurs des « littératures d’expression graphique », comme on disait dans les années soixante. Pour lui, la bande dessinée est un dialogue de sujet à sujet : du sujet racontant, dessinant, au sujet lecteur appréciant, déchiffrant, inter- prétant. Dans ses textes, Jacques a toujours fait droit à la subjectivité, au sentiment intime, au plaisir de lecture (plaisir de voir, plaisir de compren- dre, plaisir de chercher en soi les résonances profondes d’une image, d’une séquence), au vagabondage de la pensée. Dans le même temps, il a aussi su ouvrir la bande dessinée aux discours critiques de la moder- nité. La jointure entre ces deux ordres de préoccupation passe par un emprunt assez constant aux concepts de la psychanalyse : refoulement, satisfaction narcissique, sublimation, élaboration secondaire... (Voir entre autres « Parenthèse sur la fascination-BD », 1981, repris dans ce volume.) Selon Jacques, « la lecture de la bande dessinée au moment de l’âge adulte — re-lecture au sens plein du terme — relève pour quan- tité d’individus d’une fixation à certains objets privilégiés de l’enfance ». Son bon objet à lui est Tintin. Il a régulièrement salué en ce dernier une figure déterminante de son imaginaire personnel. L’imaginaire, c’est précisément l’objet de sa passionnante étude sur « L’aventure du nom propre dans Tintin au Tibet » (texte repris dans ce volume), où il est question du travail du rêve, de l’inconscient, de la répétition du nom propre (« Tchang »), du sous-texte renvoyant à Lewis Carroll. Quand il s’intéresse à Chris Ware, en revanche, ce sont d’abord les procédés formels qui retiennent son attention. Il fut aussi le premier à attirer l’attention sur la fascination de Chris Ware pour le temps mort, assurant que la conquête la plus éclatante de l’auteur de Jimmy Corrigan est « d’assumer l’état suspensif et interrogatif de l’image narrative, son caractère de stase (…), chaque image retardant la suivante et attestant jusqu’au vertige son propre potentiel d’inactivité, d’inertie, de suspen- sion » (« Jimmy Corrigan : entre le mythe et le monde », repris dans ce volume). Mettre en tension la forme et les contenus, démêler l’enchevêtrement des figures textuelles et iconiques, tel est le souci constant de Jacques Samson. S’agissant de Chris Ware, il peut à la fois s’interroger sur « le sens global dont est porteur Jimmy Corrigan » et scruter des motifs mineurs (« un emblématique cardinal rouge », « un regard furtif de Jimmy »...) auquel il consacre autant de microlectures, en phase avec le « souci exacerbé du détail » de l’artiste même (Chris Ware : la bande dessinée réinventée, Les Impressions nouvelles, 2010). Qu’il écrive sur McCay, Hergé, Ware, Tardi, Breccia, Andreas ou Emmanuel Guibert, ses textes procèdent tous du même regard aiguisé, de la même mise en tension entre effet local et sens global, et se caracté- risent en outre par une recherche constante et obstinée, du mot le plus juste, le plus éclairant. Un lecteur hors pair comme lui fait justice, par la richesse de ses analyses, de tous les préjugés que certains entretiennent encore vis-à-vis de la bande dessinée. Il lui restitue toute sa richesse constitutive. Non content d’être un formidable passeur, Jacques a lui-même l’étoffe d’un créateur. Il est passé (trop) tardivement à la réalisation, à la composition musicale et au dessin, avec cette discrétion excessive qu’il met dans toutes ses entreprises. Je suis heureux que ce volume vienne à point nommé souligner l’importance de son travail critique. Thierry Groensteen Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur la bande dessinée vers le milieu des années soixante-dix, j’étais à la recherche d’outils conceptuels qui pourraient me permettre de former et d’aiguiser ma pensée. J’ai fait des études en linguistique et il me sem- blait tout naturel de faire le pont entre la linguistique et les études littéraires, avec en tête l’idée de me consacrer à la bande dessinée, encore largement taxée de genre « mineur ». Je rêvais d’approfondir ma connaissance de ce moyen d’expression pour lequel j’avais développé une véritable passion. J’ai toujours trouvé injuste la discrimination qui le frappe dans le milieu intellectuel et je voulais contribuer à le faire mieux connaître. Comme beaucoup, j’estimais que la rigueur et le caractère « scientifique » de la sémiologie allaient permettre de dédouaner cet objet culturel mal vu par l’institution académique. Et puis, j’étais un grand lecteur de Roland Barthes ; ses livres apportaient un éclairage neuf sur l’analyse littéraire et, plus généralement, sur ce qu’on appelle l’analyse « textuelle », qui inclut toutes les formes de discours, dont le discours publicitaire, le discours amoureux, etc. J’avais en tête de creuser le sillon qu’il avait ouvert et de proposer une nouvelle façon de lire les œuvres qui me paraissaient les plus remarquables en bande dessinée. Et même de chercher à mieux saisir les caractéristiques du médium en tant que tel. En parallèle avec la sémiologie, un courant de psychanalyse a pris forme vers la fin de la décennie. Je me suis mis à lire un grand nombre d’ouvrages de Freud, à la fois par intérêt personnel et avec l’espoir d’en tirer de nouveaux outils con- ceptuels que je pourrais appliquer à la bande dessinée. Mon immersion dans la psychanalyse a donné le texte Parenthèse sur la fascination-BD. Ce texte répondait à une commande de La nouvelle barre du jour pour un numéro spécial sur la bande dessinée. Il s’inscrivait dans la continuité du fameux BDK (La Bande dessinée kébécoise), publié six ans plus tôt par la revue littéraire La barre du jour, ancêtre de la NBJ. Il n’est pas venu facilement. J’y ai travaillé pendant trois longs mois, l’été, dans un chalet que j’avais loué avec ma compagne d’alors. J’ai tenu à souligner ce temps et ce lieu d’écriture en fin de publication. Ce qui est inhabituel pour moi. En filigrane, cette « parenthèse » bien nommée implique quelque chose de personnel : ma ferveur, ma fascination pour l’univers de Tintin que je n’avais toutefois pas envie de dévoiler ou d’expli- citer dans le texte. C’est beaucoup avec les Tintin, lus et relus dans ma jeunesse, qu’a pris forme mon intérêt pour la bande dessinée. Je ne suis d’ailleurs pas le seul pour qui les choses se sont passées de cette manière. Et j’ai eu le désir d’en faire l’objet d’une réflexion à caractère psychanalytique, le temps d’une parenthèse.