Roberto J. Payró

LA MER D’EAU DOUCE

EL MAR DULCE

(tome/tomo 2)

Traduction : Bernard Goorden La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 3/618

1927

bibliothèque numérique romande ebooks-bnr.com LA MER D’EAU DOUCE

XI

LES ADIEUX

Depuis qu’il avait levé l’ancre, perdant de vue la masse de l’Alcázar de Séville, où était hébergée la Casa de Contratación, depuis qu’il avait senti sous ses pieds le doux balancement du navire, Juan Díaz de Solís parut transformé. Dans ses yeux brillait le même feu, mais atté- nué par une grande sérénité. Qu’il fût debout sur le pont, surveillant plus que commandant La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 5/618 la manœuvre, qu’il parcourût à pas lents ce même pont, qu’il visitât les mille recoins du na- vire, veillant à ce que tout fût en ordre, qu’il s’assît sur la dunette afin de se reposer un mo- ment, son air de tranquille assurance inspirait du respect et de la confiance à l’équipage, qui ne l’avait jamais vu ainsi avant le départ, tant qu’il avait été en butte à des difficultés oc- casionnelles et suscitées par la malveillance. Le même vague sourire qui plissait ses lèvres affirmait son autorité. Il était désormais le maître, indépendant de toute influence, sei- gneur et maître de son bateau et de ses gens, comme il l’était des deux navires qui suivaient son étoile, pilotés par Francisco Torres et par Rodrigo Alvarez de Cartaya. Les ancres levées, la flottille en partance, plus personne ne pou- vait l’arrêter et, avant de surgir en face de Sanlúcar de Barrameda, il avait failli passer au large, afin d’éviter le moindre risque de nou- veaux retards. Deux raisons d’ordres distincts l’en avaient empêché : c’est là qu’il devait faire monter à son bord, comme chapelain, un frère La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 6/618 dominicain qui avait accompagné aux Indes fray Bartolomé de las Casas ; et c’est là aussi que pouvait l’attendre une lettre de don Ferdi- nand, à qui il avait écrit en partant, et qui dai- gnerait peut être lui envoyer un mot d’adieu. Et, avant de s’éloigner des côtes espagnoles, il ferait encore une autre escale, dictée plus par les sentiments que déterminée par la né- cessité : doña Ana et ses deux jeunes fils l’at- tendaient à Lepe, afin de lui donner un baiser d’adieu. Mais plus rien de tout cela n’inquiétait le marin, entièrement maître de ses actions de- puis qu’il avait perdu le contact avec « ces mes- sieurs de Séville ». Plus rien ne le préoccupait, à part ses navires. Dorénavant, il allait être le capitaine imperturbable et silencieux qui garde jalousement toute son autorité en raison de la responsabilité dont on l’a chargé. Mais tout fonctionnait sans problème. Les navires étaient bien préparés et, à la place de la cara- velle qui avait sombré et qui, tout compte fait, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 7/618 n’était que « un tas de bois », un vieux bateau peu véloce et à peine apte à naviguer, il en avait obtenu une autre, si pas neuve, solide et maniable. Il emmenait soixante hommes expé- rimentés comme membres d’équipage sur les trois navires, emportait des provisions de bouche pour plus de deux ans, des armes en suffisance et de l’artillerie. Avec cela, un homme comme lui pourrait aller loin et accom- plir beaucoup de choses ; mais, aussi bien fon- dée, sa satisfaction ne diminuait pas sa vigi- lance. Il pouvait cependant être tranquille. Même si ses contrôleurs présumés, le répartiteur Alarcón et le chargé de factorerie Marquina(1), avaient été ses ennemis, au lieu d’être ses amis, il n’aurait pas eu à craindre d’eux la moindre atteinte à son autorité ; à peine le mouvement de la caravelle portugaise avait- elle commencé à les bercer doucement sur le Guadalquivir, les deux malheureux fonction- naires avaient senti le monde tournoyer autour La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 8/618 de leurs têtes et eu l’impression que leur corps voulait se retourner vers le bas, évacuant tout ce qui, jusqu’alors, avait été à l’intérieur ; et s’ils avaient le mal de mer en flottant sur des eaux calmes comme celles d’un lac, qu’allait- il advenir d’eux lorsqu’ils se trouveraient, bon Dieu, sur une mer agitée ?… Solis compatis- sait, sans cesser pour autant de sourire, parce que le mal de mer, forme d’ivresse involontaire et facétieuse, a toujours inspiré simultanément des rires et de la pitié.

La nuit s’était écoulée sans que cessât le va- et-vient des petites embarcations entre la côte et les navires. Dès que le jour se leva et que les premiers rayons du soleil commencèrent à dis- siper la légère brume qui flottait sur le fleuve et la côte marécageuse, on put embrasser du re- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 9/618 gard tout ce que les ténèbres dissimulaient jus- qu’alors. Il y avait, à droite, une sierra aux lignes capricieuses dont surgit, comme un arbre, la tour de Lebrija au pied de laquelle s’étendent les marécages inondés par les eaux de la mer, avec leurs petites montagnes de sel d’un blanc cendré et, là-bas en face, à un peu moins d’une lieue, se dressant sur le terrain plat avec des sablières et quelques fissures, les maisons grises et blanches de Sanlúcar, entourées de jardins verdoyants. La partie haute, la plus an- cienne, était dominée par un château sombre(2), quadrangulaire, du siècle précé- dent, avec une double enceinte, une barba- cane, de lourds donjons aux coins et des tours rondes sur chaque pan de muraille, et par l’église de Nuestra Señora de la O, cent ans plus ancienne. Dans la partie basse et plate ap- paraissaient le couvent de San Francisco et, un peu plus proche de la plage, celui de Santo Do- mingo, que, probablement, à cette heure, fray La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 10/618 Buenaventura, chapelain de la flottille s’apprê- tait à quitter. Sur la plage fourmillaient déjà les vaga- bonds, infatigables pour tout sauf le travail, en quête de distraction ou de profit, voire des deux à la fois, et il s’y ajoutait, peu à peu, quelques individus plus présentables mais qui pouvaient fort bien donner le change car ils différaient des aventuriers de bas étage, dé- peints par un grand écrivain presque contem- porain(3), avec leurs longues moustaches, leurs chapeaux aux grands bords, leur col à la wal- lonne(4), leurs rapières trop longues pendant de la ceinture… De cette foule se détacha enfin un frère, de petite stature, pâle et au visage maigre, vêtu de la tunique blanche et de la ca- puce noire de l’ordre de Saint-Dominique, les joues rasées et le haut du crâne tonsuré, avec une étroite couronne de cheveux. Solís le vit arriver depuis le pont de son navire et lui en- voya Rodrigo avec le canot. Quelques minutes plus tard, on embarquait le frère, accueilli res- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 11/618 pectueusement et affectueusement à bord par le capitaine, qui s’était avancé pour le recevoir. — On n’attendait plus que vous, fray Bue- naventura, car nous n’avons plus rien à faire ici. — J’ai pourtant fait diligence – dit le frère, en souriant d’une façon particulière : il souriait avec les yeux alors que le reste de son visage restait impassible. — Ce n’était pas un reproche car votre ar- rivée me réjouit beaucoup – répliqua Solís. Je l’ai seulement dit parce que j’espérais trouver ici… — Ce que vous trouverez à Lepe – l’inter- rompit fray Buenaventura. Le père prieur en a reçu des nouvelles hier ; vous savez qu’il a des yeux et des oreilles à la Cour. Vous m’êtes re- devable de bonnes nouvelles, capitaine. — Mille mercis. Installez-vous à l’aise, mon père ; Rodrigo vous guidera. Entretemps, je vais me préparer à appareiller, parce que la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 12/618 marée monte et il faut en profiter pour franchir la barre. Avez-vous apporté beaucoup de ba- gages ? Le petit frère, qui était loquace, s’empressa de dire : — Ce que je porte sur moi et, comme linge de rechange, une tunique en coton et deux paires de sandales, les affaires d’apothicaire que vous m’avez dites, puisque je dois faire of- fice de médecin et, bien sûr, le nécessaire pour célébrer la messe, qui a coûté pas moins de vingt-cinq mille maravédis. Notre saint père le Pape nous interdit malheureusement de dire la messe à bord, parce que nous pourrions ren- verser le sang divin du Sauveur mais il ne man- quera pas de terres où nous débarquerons et où l’on pourra célébrer le saint sacrifice, pour la consolation des chrétiens et l’enseignement d’infidèles. — Il en sera ainsi, mon père, comme vous dites – répondit le marin et, tournant les yeux La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 13/618 vers un petit ermitage qui, sur la côte, dominait le mouillage, il ajouta :— J’espère que Nuestra Señora de Bonanza nous préservera en nous permettant de franchir la barre sans difficultés. — Elle nous protégera – dit le frère. Le capitaine monta sur le pont ; on adressa les signaux d’usage aux deux autres navires, on leva les ancres et la flottille, au gré du cou- rant, se dirigea lentement vers la dangereuse barre, banc de rochers par l’une des brèches duquel le Guadalquivir se jette à marée basse dans la mer, et par laquelle, à marée haute, l’océan arrête et repousse le fleuve. La passe franchie sans encombre, la flottille navigua avec un vent favorable vers sa dernière escale sur la terre d’Europe. Le soleil déclinait déjà lorsqu’on jeta l’ancre dans l’embouchure du río Piedras. Les curieux, informés de la proximité des navires, ne man- quaient certes pas sur la plage. Là se trou- vaient également les notables de la ville, ac- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 14/618 compagnant doña Ana de Torres et ses deux petits garçons, Diego et Luisillo. Solís, en les apercevant depuis le pont, ressentit un léger malaise, tandis que sa vue se voilait un instant. Phénomène étrange, attendrissement inhabi- tuel qu’il attribua à la fatigue consécutive à une lutte aussi farouche aussi énervante… Beaucoup de marins et quelques officiers avaient, comme Solís et Francisco de Torres, leur famille à Lepe, et ils espéraient que le ca- pitaine les autoriserait à débarquer et à lui dire au revoir. Ils obtinrent cette permission sans la demander mais le premier à mettre pied à terre fut Solís, qui enlaça dans une seule étreinte son épouse et ses fils, abandonnant toute réserve et ne se préoccupant pas des curieux qui l’en- touraient. — Des nouvelles vous attendent à la mai- son. Je prie Dieu qu’elles soient bonnes – lui dit doña Ana – Je n’ai pas voulu apporter un cour- rier arrivé ce matin, considérant que vous pré- féreriez le lire en étant seul. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 15/618 — C’est le cas – répondit le marin. Surtout si les nouvelles avaient été mauvaises, mais elles ne le sont pas, d’après ce que je sais. Francisco de Torres les avait rejoints et ils prirent ensemble le chemin de la ville, suivis par leurs amis et voisins. Une heure plus tard, ils se retrouvaient dans l’intimité, confortable- ment installés dans la vaste cuisine qui, à l’époque, faisait également office de salon et où l’on cuisinait rarement, utilisant pour ce faire la cuisine des domestiques. Solís ouvrit le pli, qui était de don Ferdinand, mais, tout en ne s’at- tendant à rien de désagréable, il ne put répri- mer une exclamation de joie : le Roi se mon- trait fort satisfait que Solís ait fait diligence et, à titre de récompense, il le dispensait du rem- boursement des deniers que la Casa de Contra- tación de Séville lui avait avancés pour son ra- vitaillement(5). — Que penses-tu de cela, Paco ? – deman- da-t-il, réjoui, après avoir informé Torres. – Je voudrais voir la tête que tirent ceux de Séville ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 16/618 – et ce fut la dernière allusion à ses ennemis que fit alors le pilote. — Et celle que doit tirer Vasconcelos !– s’exclama Torres. Cela lui agacera davantage les dents que manger un coing acide. Solís, qui avait continué à lire, ajouta avec allégresse : — Il y a encore mieux ! — De quoi s’agit-il, dis ? – demanda son épouse qui, dans l’intimité, oubliait le vouvoie- ment. Son Altesse disait que doña Ana de Torres, épouse de Solís, les fils de ce dernier, sa mai- son et mêmes ses frères seraient favorisés par ordre royal, tant que durerait l’absence du pi- lote principal et que pendant la même période, obéissant à sa royale volonté, dans tous les monastères de Séville, on prierait le très-Haut pour le succès de l’expédition et pour la santé et la félicité de celui qui la dirigeait. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 17/618 — Et les mauvaises langues diront encore que don Ferdinand est parcimonieux ! – s’ex- clama Torres. — Je ne dis pas qu’il ne le soit pas – répli- qua Solís, de très bonne humeur. Il doit l’être, il l’est avec celui qui ne mérite pas autre chose ; il doit l’être, il l’est en ce qui concerne sa propre personne, parce que lui importent sur- tout les choses qui ne mettent pas à mal les fi- nances du trésor royal… — Tant qu’il ne s’agit pas de la nouvelle Reine(6)… – murmura doña Ana – Pour elle, il n’y a pas de restrictions… — N’en dis pas plus, femme ! Quand l’amour tente un vieil homme(7), il délie les cordons de la bourse et se dépouille… Mais on n’a pas à se mêler des affaires des grands de ce monde… Ce qui importe, c’est l’intérêt que prend et témoigne à notre voyage Son Altesse, la seule personne, peut-être à cette heure, qui comprenne ou devine, pour le présent et l’ave- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 18/618 nir, la grandeur de ce que nous tentons de faire. Il ne nous récompenserait pas d’avance si ce n’était pas le cas… — Tu as raison – répondit doña Ana. Grâce au Roi, nous ne manquons de rien, et cela sera également le cas durant ton absence, s’il plaît à Dieu(8)… — Cesse les apitoiements, qui ressemblent à des augures, femme ! – s’exclama Solís. Prie mais en remerciant avec foi et espoir… Avant un an, nous serons de retour et – Dieu le veuille ! – après avoir accompli un exploit qui sera célébré… — Que le Ciel le permette ! – s’exclama doña Ana en soupirant, avec l’angoisse de la femme aimante qui craint toujours le pire. — Allons ! Nous avons déjà effectué des voyages plus difficiles et plus dangereux, ma sœur – dit Torres. — Et nous voici, élégants et en bonne santé – termina Solís en riant. Trêve de peine. Sers- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 19/618 nous à boire car nous devons fêter le départ en pensant au retour. — Oui, buvons – déclara Francisco de Torres, en faisant un signe d’assentiment. Doña Ana servit le meilleur vin qu’elle avait dans la maison et les deux beaux-frères burent pendant que Solís expliquait ses projets de dé- part. — Demain, dès le lever du soleil, on dira à Santo Domingo une messe solennelle pour demander à Dieu des vents favorables et la meilleure fortune possible. J’ai choisi l’église de Santo Domingo parce que notre chapelain, fray Buenaventura, appartient à cet ordre et qu’il appréciera ce choix, la préférence que j’ai accordée, tout particulièrement par rapport aux franciscains… même si Dieu se trouve par- tout, comme il dit… Ainsi, nous partirons sain- tement, doña Ana, et tu attendras patiemment l’heure où nous serons à nouveau réunis… peut-être pour ne plus jamais nous séparer, car La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 20/618 je veux te voir comme épouse du gouverneur des terres que nous allons découvrir(9)… — Hein, moi, épouse de gouverneur !Je suis peu ambitieuse, ô mon mari, et je préfé- rerais mille fois… Mais, on le sait, toi tu ne te contentes pas de peu de choses. Tu étais pi- lote principal, tu pouvais vivre heureux dans ta petite maison, avec ton commandement, et honoré ; tu as deux fils, qui sont comme deux petits anges, des revenus au-dessus de la moyenne ; tu m’as moi, qui me mets en quatre pour te servir… Eh bien : non, seigneur, rien de cela n’était suffisant, rien ne te satisfait et tu as besoin de plus et, pour ce plus, inutile, tu mets en péril ta vie et, avec elle, mon bonheur et mon repos… — Chacun naît avec son étoile et je suis né pour réaliser de grandes choses – dit Solís –. Je n’ai encore rien fait si on le compare à ce que j’entreprends aujourd’hui… C’est écrit là-haut. Ce n’est pas de l’ambition : c’est mon destin. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 21/618 Doña Ana se tut, s’essuyant discrètement les yeux, et la conversation aborda d’autres su- jets…

…Peu avant l’aube, les gens de la ville s’en- tassaient dans la vieille église de Santo Domin- go, dont le grand autel resplendissait de lu- mière, se détachant dans la nef encore plon- gée dans les ténèbres. Étaient déjà présents : Solís, ses officiers, l’équipage des trois cara- velles, de nombreux notables ; et les fidèles continuaient à arriver au point que toute la po- pulation se trouvait dans l’église lorsque com- mença l’office divin. Doña Ana était au premier rang entre son époux et son frère ; de part et d’autre, il y avait, en compagnie de l’alcalde de la ville et des autres autorités, le répartiteur Pe- dro de Alarcón et le chargé de factorerie Fran- cisco Marquina, en bonne santé depuis qu’ils avaient remis le pied sur la terre ferme ; der- rière eux se trouvaient : les pilotes, le quartier- maître Diego García de Moguer, l’enseigne La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 22/618 Melchor Ramírez(10), le cambusier Martín García et, répartis dans des groupes correspon- dant à leurs affinités – mais tous recueillis – Rodrigo au visage ingrat, Paquillo fier de son costume de marin – même s’il pouvait en contenir deux comme lui – Montes, le Portu- gais, enrôlé comme gabier et futur interprète ; et d’autres dont l’Histoire n’a conservé que le nom :Jorge Gómez y Arbolancha(11), Alejo Le- desma, Diego de Córdoba, deux camarades in- séparables – mais qui se chamaillaient tou- jours, appelés Pedro Núñez et Santiago Cor- zuelo – en l’occurrence la quasi-totalité des soixante membres de l’expédition, à l’excep- tion des rares marins qui avaient dû rester de garde à bord des navires… La population, ma- tinale et croyante, entourait les familles des marins originaires des environs immédiats ou de la ville même, comme le pilote Juan de Lis- boa, de Lepe, et le pilote Rodrigo Alvarez, de Cartaya. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 23/618 Fray Buenaventura célébra l’office et, la messe terminée, donna la bénédiction aux fi- dèles agenouillés, qui inclinèrent leur front presque jusqu’à toucher le sol. Ils sortirent tous en procession du temple, se dirigeant vers le débarcadère, qui était situé à un peu plus d’une lieue de là et, même s’il y eut plus d’une femme qui pleura et plus d’un trouble-fête qui fit de sinistres prédictions, cela ressembla plus à un gai cortège qu’à de dou- loureux adieux. Le soleil avait fait son appa- rition et inondait les collines et coteaux, cou- verts de figuiers, d’orangers, d’amandiers et de vignes dont l’automne dorait déjà les feuilles. Rodrigo Rodríguez, Montes et Paquillo qui, absorbés par une conversation animée, avaient pris de l’avance sur le cortège, s’arrêtèrent pour l’attendre à proximité de la côte. Une vieille gitane, accroupie à deux pas d’eux, les observait à la dérobée et regardait avancer la procession. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 24/618 Ses pupilles brillaient comme des morceaux de jais et ses lèvres minces et décolorées mau- gréaient dans sa langue barbare. Ils ne firent pas attention à elle jusqu’à ce que la vieille bougonne à plus haute voix, au moment où passaient Solís, en compagnie de Torres et de doña Ana : — Ojola na limbidia… — Que dit cette sorcière ? – demanda Ro- drigo. La gitane lui lança un regard meurtrier et continua à maugréer ou à bougonner. — Elle dit :« Celui-ci ne reviendra pas »– expliqua Paquillo qui, à Cadix, avait un peu ap- pris le jargon de la gitane, grâce à ses relations haut placées. — Et pour qui dis-tu cela, dégingandée ?– s’informa Rodríguez, à la fois alarmé et curieux –Pour celui à la barbe ou pour celui qui che- mine à ses côtés ? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 25/618 La vieille ne cessa pas de marmotter et ne daigna pas davantage lui répondre cette fois-ci mais, alors que passaient à sa hauteur Martín García(12) et Rodrigo Alvarez, elle répéta ses paroles sibyllines : — Ojola na limbidia. — Elle a, à nouveau, dit :« Celui-ci ne re- viendra pas » – expliqua Paquillo. — Et toi non plus – souffla la gitane, en re- gardant Paquillo dans les yeux, tout en se met- tant difficilement debout. — Il ne reviendra pas… mais qui ? Ils sont quatre : le capitaine général et son beau-frère, le pilote et le cambusier… Lequel d’entre eux ne reviendra pas, dis-tu ? La vieille femme s’éloignait déjà, en traî- nant la jambe, comme pliée en deux, et disant d’une voix de crécelle : — ¡Perele yaque dor charo y a cangue ma- rele! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 26/618 — La sournoise demande qu’un éclair nous foudroie et elle m’a dit que je ne reviendrai pas – s’exclama Paquillo, mort de rire. — Malédiction de vieille folle. Cela entre par une oreille et cela ressort par l’autre – dit Montes philosophiquement. Laissons-la à ses divagations, d’autres se chargeront d’elle. — Eh bien, avançons – proposa Rodrigo. Mais, à vrai dire – poursuivit ce dernier, alors que les autres approchaient, je donnerais cher pour savoir qui indiquait la maudite sorcière… Ces engeances s’y entendent, par artifice du diable, en choses malignes, à défaut de pouvoir s’y entendre en choses bienveillantes, parce que Dieu ne leur en donne pas la permission. — Bah ! – s’exclama Paquillo avec toute la joyeuse confiance de son jeune âge. Ne pas re- venir ne veut pas dire mourir… — Tes paroles sont d’or – dit Montes. Et d’autant plus si l’on songe que là où nous allons nous pouvons nous retrouver tellement riches. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 27/618 — Nombreux sont ceux qui ne sont pas re- venus et ne reviendront pas de la Española(13), de Cuba et d’autres îles où ils sont de grands seigneurs ou pas beaucoup moins… Ce serait un moindre mal, et même plutôt bien, si ce de- vait être notre cas – dit Rodrigo Rodríguez en faisant un signe d’assentiment. Le cortège avait atteint la marina et l’ani- mation alla croissant mais ce n’était plus aussi gai qu’avant ; on prenait congé et il y eut des embrassades, des exclamations, des larmes, des bénédictions, de la tendresse, avec tous les chaleureux débordements des épanchements andalous. — Je n’ai rien à rajouter, ma chérie – s’ex- clama Solís – Que Dieu te garde et préserve les enfants… Tu me verras revenir et il te semble- ra que le voyage n’aura duré que le temps d’un éclair… Allons, pas de larmes et viens dans bras… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 28/618

Doña Ana l’étreignit frénétiquement contre sa poitrine et les sanglots lui coupèrent la pa- role. Elle trouva seulement la force de pousser leurs fils contre Solís et tous quatre formèrent pendant un instant un groupe très serré. La brise était fraîche et projeta quelques grains de sable dans les yeux du marin qui, tout en les frottant, entra d’un bond dans le ca- not. On remonta les ancres en un instant et les navires commencèrent à s’écarter du mouillage, glissant à peine à la surface de l’eau… Un souffle plus fort accéléra leur marche. Les caravelles virèrent l’une derrière l’autre et, avant que quelqu’un eût quitté la ma- rina, elles avaient déjà gagné la mer, direction sud-ouest, suivies par les yeux et les pensées de tous ceux qui restaient sur la côte. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 29/618 XII

ENTRE MER ET CIEL

La journée était très belle, le vent favorable, la mer un immense manteau vert foncé ondulé par de légères et longues vagues. La proue orientée vers les Canaries, vers le sud-ouest, naviguant au large, le vent presque en poupe, on devait peu manœuvrer sur les caravelles et l’équipage se reposait en profitant de la vie. Solís était descendu dans sa cabine, confiant le pont à son second, le pilote Juan de Lis- boa(14) ; dorénavant on allait peu le voir, si ce n’était à l’entrée et la sortie du port éven- tuel, lorsqu’il désirait prendre personnellement La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 31/618 la direction et dans un cas difficile. Mais, ma- tins et soirs, on allait l’entendre quotidienne- ment héler les capitaines des autres caravelles, commandées, l’une par Francisco de Torres, secondé par le quartier-maître Diego García de Moguer, et l’autre par le pilote Rodrigo Alva- rez. Porte-voix à la main et, après avoir écou- té ces capitaines, Juan Díaz de Solís donnait ses ordres : en général, ils consistaient simple- ment à continuer de cingler en naviguant de conserve durant le jour et, la nuit, à suivre la lanterne de la caravelle portugaise, qui dirigeait la marche. Dieu leur avait procuré la sécurité – comme disaient les Musulmans, et les jours suivants furent semblables à ce 13 octobre 1515, pre- mier jour de voyage en haute mer, avec du vent frais et des éclaircies telles que rien ne perturba jamais la tranquillité de la navigation. Si du vif-argent n’avait pas coulé dans ses veines, Paquillo aurait pu se croiser les bras, non parce que la vie des mousses à bord fût La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 32/618 alors enviable – car on considérait qu’ils étaient les domestiques de tout le monde – mais bien parce qu’il avait comme protecteur principal Rodrigo Rodríguez, l’homme du capi- taine général, et comme second protecteur le gabier Enrique Montes qui, dès le début, avait pris beaucoup d’ascendant sur les autres ma- rins. On disait également que les deux García – le quartier-maître, qui avait embarqué sur une des caravelles à voiles latines, et le cambusier qui était à bord de la caravelle portugaise – s’in- téressaient au jeune garçon. Mais à tous ces facteurs positifs venait s’ajouter la volonté ac- tive de Paquillo qui, lors du quart de lavage du pont, empoignait gaillardement le faubert, asti- quait ensuite les cuivres jusqu’à les faire briller comme l’or dont il rêvait, grimpait jusqu’aux vergues comme un singe, escaladait le mât de beaupré comme s’il le chevauchait, utilisait le gréement comme un escalier, se laissait glisser le long des haubans, faisait de chaque hune un balcon… Il était disposé à faire face à toute nécessité qui se présenterait et, tous les deux La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 33/618 jours, il aidait à la répartition des rations, à rai- son d’une gamelle pour quatre hommes. Avec tout cela, il lui restait encore du temps pour se joindre aux groupes de marins oisifs qui ra- contaient des histoires, entonnaient des chan- sons populaires ou tapaient subrepticement la carte, jouant leurs rares maravédis et, à dé- fauts, jusqu’à leurs propres vêtements et, du- rant ces si périlleux exercices, Paquillo leur servait habituellement de guetteur afin qu’au- cun supérieur ne les surprenne – et particuliè- rement fray Buenaventura, qui considérait le jeu comme une chose diabolique – ou, pire, le pilote Juan de Lisboa, qui confisquait les jeux de cartes et infligeait des sanctions aux joueurs. Ce qui passionnait surtout le jeune garçon c’étaient les récits des vieux marins et il les écoutait bouche grande ouverte. Tout ce qu’ils disaient était pour lui la pure essence de la vérité ; mais, à la suite d’un accord tacite et appuyés par les autres, ceux qui se croyaient La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 34/618 les plus farceurs se chargeaient de raconter en présence du petit mousse les choses les plus invraisemblables et tirées par les cheveux ou de grossir et défigurer démesurément la véri- té, rendant la monnaie de sa pièce à sa cré- dulité, ce qui n’était pas payer bien cher son apprentissage. Oh ! d’après eux, le garçon al- lait bientôt voir les merveilles les plus extra- ordinaires que l’on puisse imaginer : des pois- sons qui étaient des oiseaux et qui volaient comme les hirondelles, des oiseaux qui étaient des poissons et qui, au milieu de leur vol, pfuit ! s’enfonçaient dans la mer et que l’on ne re- voyait plus ; des chevaux marins qui faisaient des compétitions, disputant des courses de sauts effrénées autour des navires et qui, après en avoir à de nombreuses reprises fait le tour, finissaient par les laisser derrière eux, même s’ils naviguaient en ayant le vent en poupe ; des mers qui étaient de véritables prairies vertes, couvertes de rameaux et de grappes, peuplées d’insectes et d’oiseaux ; chose plus prodigieuse encore : la mer, la mer elle-même, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 35/618 en feu d’un bout de l’horizon à l’autre et brû- lant jusqu’à proximité des navires, sans qu’ils s’enflamment, mais elle ne s’éteignait pas ; des hommes et des femmes qui parlaient et riaient, tout en étant submergés dans la mer, et qui n’étaient pas des sirènes, parce qu’on peut les toucher de la main (les sirènes, on en parle sans que personne les ait vues en réalité) ; des étincelles qui s’arrêtent en haut des mâts, y restent immobiles, sans tomber ni faire de mal à personne ; des villes ou des ruines de cités que l’on voit au fond de la mer, lorsque les eaux sont très calmes ; des baleines comme des montagnes, dont les jets d’eau se perdent dans les nuages ; des requins tellement grands que, d’une bouchée, ils peuvent avaler un na- vire de taille moyenne… — À propos, mais cela te concerne encore peu – dit Santiago Corzuelo à Paquillo, ce que personne ne faisait habituellement, afin que le garçon ne commence pas à se méfier. Toi, cela ne t’intéresse pas encore beaucoup mais Bal- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 36/618

boa(15), qui est un de nos meilleurs capitaines, a découvert(16) récemment une fontaine(17), qui a la vertu de rajeunir tous ceux qui s’y baignent quotidiennement ou boivent de ses eaux, et c’est la plus grande des merveilles que l’on ait trouvées sur ces terres. Étant donné que la Reine est inconsolable de ne pas avoir d’enfants, on dit que le roi Ferdinand va venir s’y tremper un de ces jours afin de rajeunir, et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 37/618 nous aurons alors un jeune roi pour de nom- breuses années… C’étaient là les récits les moins fantas- tiques, nombre d’entre eux étant basés sur la réalité ; les autres étaient monnaie courante même s’ils n’étaient pas tout à fait faux. Et Pa- quillo ne les mettait pas en doute un seul mo- ment ni ne se lassait de les entendre. Mais il tendait également bien l’oreille pour écouter les nouvelles que Rodrigo, en tant que domes- tique du capitaine général, découvrait avant quiconque et qu’il communiquait à ses compa- gnons avec une autorité que tous reconnais- saient. — Si nous continuons à naviguer comme jusqu’à présent – disait-il, par exemple – nous allons nous retrouver soudain devant les Ca- naries, tant nous avons avancé… Nous ne res- terons pas longtemps dans ces îles : juste le temps nécessaire pour nous ravitailler en eau et embarquer des vivres frais parce que, au- delà, ce sont de longues cures de thon fumé La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 38/618 et de pois chiches secs qui nous attendent… Car nous ne ferons plus d’escales avant d’at- teindre des terres inconnues, après avoir laissé derrière nous la Castille de l’Or ou, comme d’autres l’appellent, la Côte d’Or de Co- lomb(18)…

— Je connais ces terres – dit le Portugais – Il suffit de se baisser pour récolter les métaux précieux en abondance. — Si ce miracle est vrai – s’exclama Pedro Núñez avec des yeux brillant de convoitise – La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 39/618 il vaut mieux aller vivre là-bas qu’en n’importe quelle autre partie du monde. — Bien sûr que ce miracle est vrai ! – répli- quait Rodrigo – J’en veux pour preuve le fait que, quelques années plus tard, Don Diego de Nicuesa(19) en a ramené avec lui et de nom- breux autres ont regagné l’Espagne chargés d’or, en n’ayant eu rien d’autre à faire que de dire aux indiens des mines :« Passe-moi ça ! » ou de sacrifier quelques perles de verroterie afin d’en obtenir tout un sac de véritables. En entendant de tels prodiges, les cheveux se dressaient sur la tête de Paquillo et un fris- son le parcourait de la tête aux pieds. — C’était sur les terres que gouverne au- jourd’hui Pedrarias Dávila(20) – poursuivait tranquillement Rodrigo. — Mais, et ceux qui ne sont pas revenus ? – objecta Alejo García, qui n’était pas l’un des plus optimistes. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 40/618 — Balivernes ! Ceux qui ne sont pas reve- nus, ne sont pas revenus parce qu’ils sont morts, et ils ont trouvé ici la paix et connaî- tront ensuite la gloire ; ou il y a les insatiables, comme les hydropiques, qui continueront à ac- cumuler des richesses jusqu’à ce qu’ils en crèvent sans en avoir profité ; et ceux qui se trouvent bien parmi les Indiens et les In- diennes, comme le Grand Turc dans son sé- rail… Grand bien leur fasse ! Nous ne devons nous occuper des premiers que dans nos prières et peu nous importe que les autres en profitent à leur manière qui, sacrebleu, n’est pas mon choix… Bref, comme je vous disais, Pedrarias Dávila a mené là-bas un grand nombre de gens et il n’est pas un homme à qui il faut chercher des poux sur la tête ; si nous faisions une apparition sur ses terres, à l’improviste, sans lui demander sa permission, comme des mendiants à l’heure du repas, il se- rait capable de lâcher sur nous ses chiens et de nous recevoir à coups de bâton, si pas d’ar- quebuse… Mais peu nous importe ! Il y a assez La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 41/618 de terres riches comme celle-là, ou plus riches que celle-là, qui nous disent « prends-moi » et où il n’y a pas d’épouvantail… — Dis tout de suite lesquelles, c’est bon à savoir ! – s’exclama Pedro Núñez. — Par exemple, les terres où nous nous rendons – rétorqua Rodrigo. — Et beaucoup d’autres – ajouta Montes, qui, pour le titiller, demanda au curieux :— Ne serais-tu pas apparenté à Vasco Núñez (de Bal- boa) ? — Non, pas que je sache. — Vérifie-le bien, car cela pourrait te rap- porter gros – déclara Rodrigo, en jouant le jeu –. De tels proches sont un bon soutien et cela ne devrait pas coûter trop de peine… Pendant deux ans, Vasco Núñez de Balboa, chevalier de Jerez, celui de la fontaine qui rajeunit, a traver- sé l’isthme à proximité de la Castille de l’Or, car ce n’est ni une péninsule, ni une île, ni un continent, mais bel et bien un isthme et relati- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 42/618 vement étroit… C’est ce qu’a constaté ton pa- rent, après avoir triomphé de mille périls, lors- qu’il est soudain tombé sur une grande mer qui le baigne au couchant, s’étendant vers le Nord et vers le Sud, aussi loin que portent les yeux depuis une grande hauteur. — Mais même s’il était apparenté à moi, quel profit en tirerions-nous ? – demanda Núñez, prenant la mouche suite à la malice. — Tu verras bien. Vasco Núñez n’est pas re- venu qu’avec la nouvelle de la découverte de cette mer où, dit-on, il s’est plongé jusqu’au cou, avec son habillement et ses armes, sans retirer ne fût-ce que ses bottes, en prenant pos- session au nom du Roi, notre seigneur. Il est revenu avec davantage d’or, de perles et de bi- joux, mais, s’il y en avait beaucoup, il aurait pu mettre des années pour rassembler l’équi- valent des richesses que l’on trouvait à son point de départ : on y foulait aux pieds des pierreries et des pépites grosses comme des courgettes, on y escaladait des dunes de sable La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 43/618 aurifère, au point que l’on finit par dire :« As- sez ! » et, à genoux, on supplie Dieu et les saints pour un lopin de terre où planter un chou…

L’ahurissement des auditeurs et, surtout de Paquillo, était indicible, car même si les plus âgés savaient combien il faut ramener à un ni- veau plus bas ce genre de narrations, d’autres, analogues, leur avaient percé les oreilles et avaient aiguisé leur convoitise. Nuñez insista pourtant : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 44/618 — Mais, seigneur, je le répète : à quoi cela nous avance-t-il ? Rodrigo baissa la voix en répliquant : — Comment cela :« à quoi cela nous avance-t-il » ? Eh bien cela nous avance à beaucoup, parce que, avec nos mains vierges de toute richesse, c’est à bord d’embarcations que nous nous rendons au même endroit que Vasco Nuñez et qu’il n’a pu, lui, gagner que par voie terrestre et au prix de mille dangers et de mille transpirations. Un ah ! étouffé s’échappa de plusieurs poi- trines et Rodrigo l’attribua à l’admiration qu’éveillait son éloquence. — Il existe un passage, cela ne fait pas de doute, plaise à Dieu !Avec mes oreilles péche- resses, je l’ai entendu de la bouche de notre maître, qui en sait plus que l’enchanteur Mer- lin. Et c’est vers ce passage que nous cingle- rons par une route, en laissant derrière nous les Canaries. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 45/618 La fièvre d’ambition des marins sembla monter d’un cran, même si elle était bien forte. Leurs yeux brillèrent mais ils restèrent un ins- tant silencieux. Paquillo, hébété, ne parvenait pas à bouger et il sentait sa gorge nouée. Les mains de Pedro Nuñez, en proie à une agitation extrême, tremblaient. Et Rodrigo Rodríguez, jubilant de voir l’auditoire suspendu à ses lèvres, en rajouta une couche : — Il me semble déjà voir la caravelle portu- gaise et les deux autres navires, chargés à ras bords de tous ces trésors que cache la mer ou que recèle la terre et qui, là-bas, sont à por- tée de la main – dit-il. Et je ne dois pas être loin du compte car si Balboa, en se déplaçant à pieds – puisqu’il ne lui restait plus de che- vaux – et accompagné seulement de quelques porteurs indiens, a ramené en Espagne ce qu’il y a ramené, que ne ferons-nous pas, nous qui sommes nombreux et qui disposons de trois navires tels que chacun d’eux peut charger plus La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 46/618 que les dos bruns de mille Indiens, fussent-ils des colosses ?… — Mais avec quoi Balboa est-il revenu ?– demanda Nuñez. — Comment cela, « avec quoi Balboa est-il revenu » ? Il me suffit de te dire qu’à lui seul le cinquième du Roi était une véritable fortune, et le reste… c’était quatre fois autant. — Mais à combien cela équivalait-il ? — De fortes sommes en maravédis ou en doublons d’or, et contente-toi de cela, car je ne connais pas par cœur les chiffres arabes… Tu as donc une idée de notre bonne fortune… — Le tiers de ce que nous ramènerons au terme de ce voyage nous reviendra – fit obser- ver Fuentes. — Le tiers, oui, après avoir retiré le cin- quième royal, que prélèveront en son nom les officiers royaux, ces infortunés Alarcón et Mar- quina, s’ils ne meurent pas avant, car c’est pour La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 47/618 le prélever qu’ils sont venus avec nous, pour leur malheur,… Ce tiers sera réparti par le ca- pitaine général en personne et à sa conve- nance ; s’agissant d’un tel maître, il va sans dire que ce sera de façon juste, au prorata des mérites de chacun. Et ce, sans nous faire payer notre part dans les frais… — Quelles montagnes d’or on a dû dépen- ser ! – s’exclama Paquillo. — Des montagnes d’or, comme tu dis, ga- min – affirma Rodrigo. Rien qu’en biscuits – et Martín García, le cambusier, présent, ne me démentira pas – nous en avons à bord pour pas moins de dix mille réaux, soit trois cents qua- rante mille maravédis, si je calcule bien. — Allons donc ! – murmura le garçon, souf- flé. — En vin, nous en avons pour trois mille arrobes(21) ; comme cette année, il était bon marché, on l’a eu pour seulement cinq mille trois cents réaux, c’est-à-dire, plus de cent La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 48/618 quatre-vingt mille maravédis… Même si les outres se dessèchent – nous achèverons de les remplir aux Canaries – à raison de deux cho- pines quotidiennes par tête pour les soixante hommes embarqués sur les trois navires, nous aurions de quoi nous arroser le gosier pendant plus de trois ans. — Crois-tu – demanda Montes – que le voyage durera aussi longtemps ? — En aucun cas. Mais le capitaine est un homme prévoyant que l’on ne prend pas de court, et il n’a pas pensé qu’à la soif, même si elle lui importe beaucoup – ajouta Rodrigo en souriant avec son énorme bouche. Comme mangeaille, nous avons à bord : vingt vaches salées ; près de mille réaux de viandes fumées ; autant de fèves et de pois chiches ; pour huit mille maravédis de poisson séché ; dix mille de fromage ; outre des tonneaux de miel, trois mille quintaux d’huile et d’autres produits né- cessaires pour la cuisine. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 49/618 Paquillo avait le vertige en essayant d’ima- giner les sommes fabuleuses investies et en se demandant où on avait pu arrimer un aussi colossal chargement de victuailles. Il avait la bouche tellement bée que plus aucune excla- mation ne franchissait le seuil de sa gorge ; en revanche, les yeux lui sortaient des orbites. Et son admiration ne décrut certes pas en en- tendant les salaires respectifs : les pilotes ga- gnaient au moins deux mille maravédis men- suels, un peu plus que l’enseigne Melchor Ramírez ; les quartiers-maîtres mille, les ma- rins neuf cents, les charpentiers et artilleurs sept cents cinquante, les mousses – lui excepté – six cents, et les domestiques de Alarcón et Marquina quatre cents ; cela, sans compter la part de ce que l’on découvrirait et qui devait revenir à chacun d’eux. — Et, au niveau des armes(22), comment sommes-nous équipés ? – s’informa Alejo Gar- cia, imaginant et redoutant peut-être de pos- sibles combats. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 50/618 — Aussi bien – répondit Rodrigo Rodríguez, fier de ses informations. Chacun des navires transporte deux des six couleuvrines que l’on a achetées à Juan García de Uribarri(23) de Guipuzcoa ; et la caravelle portugaise, comme vous le voyez, est en outre équipée des deux bombardes vendues par le même à raison de vingt-cinq ducats chacune. Afin que ces bouches puissent cracher le feu jusqu’à ce que les Indiens demandent grâce, on a à bord huit barils de poudre d’un quintal chacun, achetés à Antón Cermeño(24) pour vingt mille mara- védis tout ronds, parce que cet usurier s’est fait payer les casques deux réaux pièce. À titre d’armes personnelles, en-dehors des arque- buses, arbalètes, haches, épées et autres, nous emportons en outre soixante corselets et les armures de tête correspondantes. Ainsi, lorsque nous débarquerons, nous ressemble- rons à des rois. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 51/618 — J’ai entendu dire – objecta Montes – qu’il y avait quatre bombardes, et pas achetées mais prêtées par la Casa de Contratación(25). — Tu vas comprendre ! – répliqua Rodrigo. À l’approche du départ, il est apparu qu’il ne restait plus de telles bombardes à la Casa(26) – ou que ces messieurs de Séville, qui détestent le capitaine, n’ont pas voulu les lui prêter – et il a fallu les acheter à Uribarri, de Guipuzcoa. — Mais qui va jamais réunir autant d’ar- gent ! – s’exclama Paquillo, le nœud d’étonne- ment qui étranglait sa gorge étant défait. — Chuuut ! – dit dédaigneusement le do- mestique du capitaine. Même si nous ne trou- vions pas de mines, ce que nous récupérerons suffirait à nous dédommager. Songe que pour un simple hameçon ou un petit couteau de rien du tout, les Indiens donnent volontiers six poules ; pour un petit miroir en mauvais état ou une paire de ciseaux, ils donnent un pois- son suffisamment grand pour nourrir à satié- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 52/618 té dix personnes ; pour un grelot, ce qu’on leur demandera… Pedro Antúnez, lors de l’un de ses voyages, a obtenu six poules pour le roi de denier(27) de cartes dépareillées qu’il avait… Nous, pour le troc, nous apportons des petites haches, des couteaux, des machettes, pour les- quels ils donneront leur poids en or de bas aloi ou en or extrêmement pur, car pour eux c’est la même chose ; et que dire des aiguilles, des hameçons, des peignes, des miroirs, babioles qui ne valent pas un sou mais qui sont de vé- ritables bijoux pour ces innocents. Ils sont pris de folie à la vue de grelots ordinaires et des rondelles de laiton ; les verroteries sont pour eux mieux que des diamants, les petits miroirs des objets magiques ; pour les trompes turques ou les simples cornes, ils sont capables de don- ner leur femme, leurs enfants et tout ce qu’ils possèdent en prime… Et ne parlons pas des bonnets rouges, ni des toques à plumes, car seuls les rois très puissants peuvent songer à en posséder… Mais cela n’est pour nous qu’un lot de consolation, si nous ne rencontrons pas La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 53/618 les montagnes d’or qu’il y a de tous côtés et que seule une malchance très noire s’acharne sur nous. Les marins rêvaient et, sous le charme de la vision de la fortune, ils n’avaient pas remarqué le chapelain qui les écoutait depuis un bon mo- ment, presque intégré au groupe. D’un autre côté, sa présence ne les aurait pas fait taire, parce que fray Buenaventura avait su gagner leur bonne volonté et leur confiance. Son visage maigre, son teint jaunâtre à cause des fièvres contractées à la Española, lui donnaient, c’est vrai, une expression as- cétique, presque sombre ; mais cette sévère austérité disparaissait dès que s’ajoutaient, à l’éclat de ses yeux passionnés, sa parole cha- leureuse, son sourire, sa familiarité affable. La vie à bord devait lui être plus agréable que le contraire car il était, sur le navire comme chez lui et la compagnie des humbles était fort de son goût au point que, ayant une place à la table du capitaine général, à plus d’une reprise, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 54/618 il descendait au pont inférieur afin de parta- ger la pitance des marins ; disons au passage qu’il n’y perdait pas beaucoup, parce que l’or- dinaire de Solís était loin d’être digne de Lu- cullus. Ces hommes craignaient au début ses « sermons », mais fray Buenaventura était un vétéran des Indes, il avait longtemps accompa- gné son maître et amigo, le grand fray Barto- lomé de las Casas, et il savait leur parler de choses qui les intéressaient, parsemées d’anec- dotes pittoresques qui étaient reçues avec un véritable plaisir dans la monotonie de la na- vigation où, si souvent, une seule heure pèse autant que quatre, et plus… Mais ce jour-là, il voulut prêcher un peu : — Grands enfants, hommes candides mais cupides ! – dit-il. Vous ne savez voir que l’or et les richesses. Il vous dévore et provoque la terrible soif des choses matérielles… Je ne veux pas vous réprimander parce que vous le faites sans penser au péché… Mais rappelez- vous que l’homme ne vit pas seulement de pain La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 55/618 et donc ne recherchez pas que le pain… La main de Dieu, mes fils, sachez-le une bonne fois pour toutes, vous amène à réaliser des ex- ploits encore plus grands que ceux dont vous rêvez dans votre fièvre, c’est-à-dire de gagner de nouvelles âmes pour le Ciel… — Nous avons droit à un petit sermon – murmura Rodrigo. — Un petit sermon, oui, fripon ! – dit en souriant fray Buenaventura, qui l’avait enten- du. Et il poursuivit :— Comme vous, vos fils, vos petits-fils, de nombreuses générations peut-être, suivront vos traces vers des trésors trompeurs ; ils vivront cette même aventure sans remarquer que, si le démon de la cupidité les entraîne, c’est avec la permission de Dieu, instrument de ses hauts desseins, afin de réa- liser des choses mystérieuses que l’esprit hu- main n’appréhende pas encore mais qui servi- ront à la gloire du Seigneur… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 56/618 L’esprit matérialiste des marins ne compre- nait pas bien les paroles de fray Buenaventura mais, par bonheur, au même instant, la cloche de poupe annonça sept heures. — Allons prier, mes fils, c’est l’heure !– s’exclama le chapelain, interrompu au milieu de son discours. Il gagna l’échelle pour monter sur le pont- abri, les marins de l’entrepont le suivant ; les autres se joignirent à eux. Les officiers occu- pèrent leurs places, derrière Solís, tous s’age- nouillant. Fray Buenaventura entonna d’une voix chaleureuse le salve vespéral et la prière se diffusa dans les airs, sous forme d’ondes so- nores, sur la mer tranquille. XIII

LE « GOLFO DE LAS YEGUAS »

Tous les matins, au lever du jour et à la tombée de la nuit, les caravelles de Torres et d’Alvarez(28) manœuvraient pour se rappro- cher de la caravelle portugaise, lorsque le vent et la mer le permettaient, afin de pouvoir La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 58/618 converser avec le capitaine général. Grâce au temps paisible, les navires pouvaient appro- cher comme s’il s’était agi de passer à l’abor- dage ; et Paquillo, qui observait la manœuvre, ravi, s’efforçait de comprendre et d’apprendre le jeu combiné des agrès et du gouvernail. Et lorsque les trois navires naviguaient bord à bord, imitant les dauphins avant qu’ils entre- prennent leurs courses vertigineuses jalonnées de sauts, les pilotes sur le pont empoignaient les porte-voix, faisaient leur rapport à Solís puis évoquaient brièvement les événements mineurs à leur bord. Tous étaient fort satisfaits de la merveilleuse tranquillité d’un voyage sans incidents, placide et prometteur comme on n’en avait jamais vu ; ce qu’ils ressentaient, c’était non seulement de la confiance mais de l’assurance et cela les soulageait. Le seul point noir – le mal de mer du répartiteur et du chargé de factorerie – était plus comique que mena- çant ; sournoisement, les pilotes demandaient matin et soir à Solís : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 59/618 — Comment se portent vos malades ? — Aussi mal que hier. Mais ce n’est pas mortel. — Comment les soigne-t-on ? – demandait Torres. — Fray Buenaventura leur conseille de dor- mir à l’ombre d’un arbre. — Comme le mât d’artimon ! – et Torres éclatait de rire. Tous les auditeurs riaient également aux dépens des infortunés malades, dont la mésa- venture constituait le sujet de plaisanterie du moment à bord. Paquillo se tordait littérale- ment de rire et ses convulsions ne prenaient fin que lorsque la caravelle portugaise se remet- tait à avancer gaillardement et que les deux autres navires réduisaient leur allure, jusqu’à reprendre leur place dans la file derrière la lan- terne que venait d’allumer en poupe la pre- mière, afin de naviguer ainsi au milieu des té- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 60/618 nèbres de la nuit, en étant certaines de ne pas être séparées. Messieurs les officiers de Son Altesse n’étaient pas au courant de cela et ça ne les in- téressait pas. Hommes de bureau et de la terre ferme, le premier tangage imperceptible de la caravelle portugaise sur le Guadalquivir avait déjà sapé toute leur énergie. Il va sans dire que, une fois en haute mer, ils avaient contrac- té le mal de mer : ils semblaient sur le point de rendre le dernier soupir, les yeux leur sortaient de la tête, qui faisait mine de se séparer de leur tronc, leurs os étaient moulus, leurs muscles endoloris, leur estomac en violente rébellion, leur ventre sans frein ; leur bouche amère était seulement capable d’exprimer des « cela suffit » et des « aïe »… Étendus dans l’obscurité sur leurs grabats, voyant la mort proche et cer- taine, incapables de mouvoir un membre, leur tremblement et leur transpiration augmen- taient dès que quelqu’un s’approchait d’eux car, à leurs yeux, tout être vivant était un bour- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 61/618 reau qui allait les torturer. Le gros Marquina, le maigre Alarcón, Marquina le bon vivant, Alarcón le taciturne, étaient logés à la même enseigne parce que – la mort rendant tous les êtres égaux – le contexte les avait remis au même niveau, pas en matière de poids – même si Marquina avait perdu en quelques jours de nombreuses livres qu’Alarcón n’avait pas ga- gnées – mais au niveau du caractère et de la pensée, l’un étant renfrogné et l’autre affligé. Et le pire était que, lorsque fray Buenaventura – qui faisait office d’apothicaire, en utilisant quelques connaissances pratiques acquises lors de ses voyages – allait leur rendre visite dans l’exercice de cette fonction et de celles de chapelain, en apercevant ses habits, les ma- lades croyaient leur dernière heure venue et considéraient qu’il était résolu non seulement à les confesser mais à leur donner l’extrême- onction et à bénir leurs corps misérables, avant qu’on ne les jette à la mer par-dessus bord… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 62/618 — Mon père, je me meurs !Je me meurs, mon père ! – murmurait Alarcón, défaillant – Mais, par la Sainte-Vierge, ne nous approchez pas !… Par les clous du Christ, ne me touchez pas !… Tout mon pauvre corps est une plaie ! Une telle plaie n’existait que dans l’imagi- nation du répartiteur ; le dominicain riait pour lui donner du courage et, en voyant que tous ses efforts étaient complètement inutiles pour lui faire prendre l’air, il essayait de lui faire avaler une potion de sa composition, remède – selon lui – merveilleux et infaillible contre le mal de mer. Mais, avec cela, les transes s’ag- gravaient : parce que si le frère parvenait à ce que le malade avalât un peu de son breuvage, la révolution immédiatement provoquée met- tait en péril la sainteté de ses habits, car il jaillissait aussitôt de la bouche de cet homme grave et rigide, comme de celle d’un ivrogne, outre quelque chose d’un peu plus liquide, des jurons et des blasphèmes, auxquels succé- daient, comme un acte de contrition, des sup- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 63/618 pliques, des prières, des râles et des sanglots, jusqu’à la défaillance et l’engourdissement fi- nals. Alarcon, homme sobre, était épouvanté de voir tout ce qu’il avait gardé dans sa cage thoracique, et Marquina, qui avait toujours été glouton, se voyait irrémédiablement réduit à l’extrémité, phénomène inouï, où tout aliment lui répugnait et où il était en proie à une soif in- satiable, mais la pire des soifs, la soif honteuse, le besoin d’eau pure… — Je suis un homme à l’eau – était-il par- venu à murmurer lors d’un intermède comique de son abêtissement. Et, pour tout potage, de temps à autres, il mordait dans des citrons que fray Buenaventu- ra lui avait apportés, en dernier recours, en le voyant réticent à l’encontre de ses prodigieux médicaments. Heureusement pour les deux « hors ser- vice », comme les appelait avec dédain Rodrigo Rodríguez – les officiers royaux n’avaient ja- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 64/618 mais été appréciés des équipages car ils les considéraient pires que le chien du jardinier, sans doute parce que, au contraire de ce der- nier, ils avaient l’habitude de « se repaître » –, leur mal ne tarderait pas à être apaisé, puisque les caravelles approchant à toute voile des Ca- naries, ils pourraient y bénéficier de la bienfai- sante « ombre de l’arbre » conseillée par le do- minicain.

— Ce ne sont pas des hommes mais des souches – racontait le même Rodrigo, qui allait La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 65/618 les voir et s’informer de leur santé sur ordre du capitaine général. — Ce serait bien de leur appliquer ce que l’on fait habituellement aux galériens et à cer- tains mousses qui n’ont pas de cœur au ventre – disait la brute de Corzuelo. Leur passer un fi- lin sous les aisselles, les plonger une demi-dou- zaine de fois dans la mer… et ce serait réglé. C’est prouvé… — Vous verrez – ajoutait Núñez – vous ver- rez que lorsqu’il s’agira de prélever le cin- quième du Roi et de surveiller les trocs, pour nous retirer le pain de la bouche, ils seront frais comme des gardons et se distingueront plus que le Cid ! Que la peste les étouffe ! Les mâts crissaient délicatement, le vent sifflait en s’échappant des voiles gonflées, l’eau susurrait en glissant en légers jets d’écume le long des coques et les navires tanguaient gaillardement en fendant les flots comme des poulains au galop. Il ne fallait presque pas se La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 66/618 préoccuper de la manœuvre et quelques ma- rins tuaient le temps à jouer en cachette au Lansquenet, au Triomphe à renvi ou au truque(29), bien que le pilote Rodrigo Alvarez, chargé de la police à bord, leur eût déclaré une guerre ouverte et confisqué plus d’un jeu de cartes. Au fond du casier de l’un ou l’autre, il échappait toujours à ses perquisitions les mi- sérables « cartes de figure ovale, car, à force de servir, leurs coins s’étaient usés, et, pour les faire durer davantage, on les avait écorniflées et mises en cet état », ancêtres de celles avec lesquelles, près d’un siècle plus tard, Rinconète et Cor- tadillo(30) allaient plumer le muletier. Rodrigo Rodríguez, mettant à profit un moment favo- rable, parla à Solís, la mine contrite de telles confiscations, et ce dernier, en bon maître, compatissant à la faiblesse humaine, tempéra sagement le zèle de son second. — C’est bien de faire respecter les ordon- nances et d’empêcher le jeu – lui dit-il – mais toute attitude extrême est à proscrire. Il faut La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 67/618 pouvoir tolérer les inclinations qui ne causent pas de grand préjudice. L’homme est un grand enfant et on doit lui permettre l’une ou l’autre distraction. Quel soldat, à terre, n’emporte pas de cartes sur lui ? Combien de fois n’a-t-il pas joué jusqu’à son épée ou ses vêtements ? Cela ne l’empêche pas d’accomplir son devoir, le moment venu. Je dis que c’est aussi valable pour les gens de mer. Allons !Je ne vous en donne pas l’ordre mais vous conseille de fer- mer un peu les yeux tant que nos hommes ne manquent pas à leurs devoirs et qu’il n’y a pas de scandale. Fray Buenaventura assistait à la conversa- tion et fit remarquer que le jeu était un péché, même si ce n’était pas un péché mortel, et qu’il convenait de l’éviter. — L’éviter ? – s’exclama Solís – S’ils ne jouent pas aux cartes, ils joueront avec les poux sur leur chemise. C’est ce que l’expé- rience nous apprend, mon père ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 68/618 Alvarez se le tint pour dit, ferma les yeux et alla jusqu’à oublier négligemment les cartes déjà confisquées à portée de leurs anciens pro- priétaires ; mais il avertit qu’il punirait avec ri- gueur toute négligence dans le service. Et tout se passa bien, avec un équipage joyeux, in- souciant et en bonne santé – à l’exception des malheureux affectés par le mal de mer – sans autres péripéties que les continuelles disputes entre Pedro Núñez et son inséparable Santiago Corzuelo, faisant partie des divertissements et des festivités sacramentelles du bord. Et un matin où Paquillo passait comme d’habitude le faubert sur le pont récemment couvert à grande eau, il fut surpris de voir, là- bas en haut et au loin, côté proue, un nuage triangulaire, très blanc, qui restait immobile au milieu du ciel. Depuis la hune, la vigie avait, dès l’aube, déjà annoncé le voir et ce qu’il si- gnifiait, mais le mousse ne l’avait pas entendu parce qu’il n’était pas encore de quart. Il conti- nua donc à sécher le pont mais, à chaque ins- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 69/618 tant, il tournait les yeux vers l’étrange nuage, régulier et fixe comme il n’en avait jamais vu. Et il se creusait la tête, cherchant une explica- tion à ce phénomène. — Ce doit être une de ces nombreuses choses épouvantables qui abondent sur ces mers – finit-il par se dire. Rodrigo Rodríguez était tout près, pares- sant, et le mousse l’interpella : — As-tu vu ce gros nuage ? Que nous an- nonce-t-il ? Rien de bon, n’est-ce pas ? — Bien sûr que je l’ai vu et cela fait un mo- ment que je le regarde – répondit Rodríguez. Eh bien… il nous annonce que, d’ici peu, nous ne tanguerons plus ainsi… — Veux-tu dire que nous aurons du mau- vais temps, qu’il faudra changer de direction en essuyant une tempête ? – demanda Paquillo fort intéressé car, depuis le départ de Lepe, il désirait et redoutait de voir la mer agitée, rom- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 70/618 pant le monotone calme plat qui accompagnait les caravelles comme une bénédiction de Dieu. Rodrigo dissimula un sourire et répondit : — Tu es un bon augure, il n’y a pas à dire ; le gros nuage en question est un présage, et de ceux qui ne trompent jamais. Sur ce, s’approchèrent Santiago Corzuelo et Pedro Núñez, qui venaient de monter du pont inférieur et qui naviguaient pour la première fois sous ces latitudes. En regardant dans la même direction que lui, ils furent également stupéfaits de voir ce nuage dense d’une forme aussi extraordinaire. Comme ils avaient enten- du le mot « présage », ils s’alarmèrent, bien sûr, et leur imagination superstitieuse les fit penser à des dangers proches et, avant tout, à une ter- rible tempête, qui leur venait droit dessus. Le pilote, qui passait près du groupe, les rappela à l’ordre : — Que faites-vous là à gober des mouches ?Avez-vous des domestiques qui La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 71/618 vous servent et vous apportent tout cuit ? Al- lons ! Que chacun retourne à son travail car le navire ressemble à un dépôt d’ordures ! Il avait raison. À part les endroits très vi- sibles, la négligence et la saleté régnaient à bord, menace pour les grandes chaleurs à ve- nir, au-devant desquelles ils allaient : l’entre- pont sentait mauvais ; au pont inférieur, l’at- mosphère était lourde et nauséabonde, l’eau ayant suinté dans la sentine qui commençait à dégager des bouffées de mauvaise haleine lorsqu’on ouvrait les écoutilles ; et les ordures s’amoncelaient dans les recoins malgré les ordres d’Alvarez, exécutés en apparence : elles étaient balayées rapidement et superficielle- ment. Mais avant d’entamer un nouveau si- mulacre de nettoyage, les marins voulaient en avoir le cœur net en ce qui concernait le pré- sage. — C’est que… nous regardions ce nuage… et il n’augure rien de bon, capitaine – dit Núñez. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 72/618 — Que me viens-tu avec ton nuage, triple buse ! N’as-tu pas les yeux en face des trous, requin de comédie ? Ne vois-tu pas que c’est une montagne ? Ne vois-tu pas que c’est le pic du Teide ? Et il s’en alla en criant :— Allons ! Remettez-moi le pont inférieur dans un état ac- ceptable et que je ne revoie plus cette porche- rie ! — Au travail, les lavettes ! – s’exclama en riant Rodrigo Rodríguez, qui était exempté de ces corvées. — Avant cela, je voudrais savoir ce que c’est pour un pic que ce Teide ! – dit Núñez, fai- sant sa mauvaise tête. — Le pic du Teide… Tu ne sais pas, tête de bois, ce qu’est le pic du Teide ? – demanda Cor- zuelo avec un air de supériorité. — Toi non plus ! — Comment cela, je ne le sais pas ?Je l’ai su. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 73/618 — Dis-le, alors, monsieur-je-sais-tout ! — Je n’ai pas envie. — Eh bien tu es un foutriquet et un hurlu- berlu, voilà ce que tu es !… — Me traiter d’hurluberlu, moi, pardieu ! Répète-le, si tu veux que je te fasse avaler ta langue. — Dis, d’abord toi, que tu ne sais pas ce qu’est ce pic, car si tu ne le dis pas c’est que tu parles à tort et à travers. — Du calme ! – dit Rodrigo – Le Teide est le pic de Tenerife.

— Je l’avais sur le bout de la langue ! – s’ex- clama Corzuelo. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 74/618 — Tu mens. Tu ne le savais pas ! – vociféra Núñez.

— Moi, je mens ? Enfer, oser dire que je mens ! Tu vas voir… Mais les autres s’interposèrent et il n’y eut pas de pugilat, cette fois non plus. — Si c’est le pic de Tenerife – dit Paquillo – je comprends pourquoi tu me disais que nous cesserions bientôt de tanguer… Dans peu de temps, nous jetterons l’ancre et sauterons à terre… — Dans peu de temps ?… Si nous arrivons avant trois jours, je m’estimerai bien chanceux. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 75/618 — Allons ! Comme si la « Portugaise » pro- gressait à la vitesse d’une tortue ! — Même si elle était une galère royale avec les cent meilleurs rameurs sous le fouet du garde-chiourme, nous arriverions, au mieux, dans quarante-huit heures… – insista Rodrigo. — Il est si loin ? — Pardi ! À quelque deux cents milles. Le mont est tellement haut qu’il se perd dans les nuages et, comme vous le voyez d’ici avec sa couleur blanche et un peu cendrée, la neige est éternelle à son sommet, toute l’année ! — Ce Teide serait donc, aux montagnes, ce que la cathédrale de Séville est aux autres tours, mais moins effilé – observa Paquillo. — C’est une bonne comparaison – admit Rodrigo. Et Dieu nous y amène comme en nous tenant par la main, ce dont nous devons lui rendre grâce… Quel temps idéal ! — Ce n’est pas toujours le cas ? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 76/618 — Jamais ! Ces eaux qui nous bercent pour le moment, aussi inoffensives que celles du Guadalquivir, portent le nom maléfique de Gol- fo de las Yeguas parce que, dans le meilleur des cas, elles déferlent et bondissent comme des poulains s’emballant ; ou bien elles bouillonnent ; également parce que les navires, transportant aux Canaries des chevaux ou des vaches ont transformé en ossuaire le fond de la mer avec les animaux qui ont succombé à l’ef- froyable roulis et qu’il a fallu jeter par-dessus bord. — Et les chrétiens ? — Ceux-là ne meurent pas, même s’ils sont chargés de factorerie ou répartiteurs mais, comme des chargés de factorerie ou des ré- partiteurs, ils dégueulent au point de rester sans entrailles, desséchés, anéantis, et deve- nant comme des harengs saurs pour peu que la mer se moutonne et entame une danse mau- resque… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 77/618 — Dieu m’en préserve ! – s’exclama Pa- quillo. Mais moi je ferais en sorte que rien ne ressorte, même si ne s’agissait que de pois chiches durs comme de la pierre et de thon sé- ché. — Qu’il en soit selon les vœux de son al- tesse, le prince du brouet et du pain sec… — La faim est une chose et le goût en est une autre – dit sentencieusement le mousse. — D’après les goûts de ce gamin – observa Montes – on dirait qu’il est fils de rois. — Cela pourrait bien être le cas – répondit Rodrigo. On a vu des choses plus bizarres dans ce monde de picaros. Je connais mille histoires de véritables princes qui se prenaient eux- mêmes pour des mendiants, jusqu’à ce que l’on identifiait leurs parents… Il sera plus facile pour Paco de changer de condition que moi de changer de visage. — Mais il n’est pas si difficile que ton visage change… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 78/618 — Comment cela ? — Avec seulement quelques balafres, il se- rait encore plus laid. — Ce n’est pas toi qui me les feras, mon- sieur le raseur – répliqua Rodrigo en riant, car il était une bonne nature. Quant au gamin, puisqu’il n’a pas de parents connus, ils peuvent être tant rois que bergers… Et s’il faut en juger d’après son ingéniosité et ses talents, ce sera plutôt la première que la deuxième possibilité. Paquillo haussa les épaules, comme s’il en faisait peu de cas, mais cette idée qu’il pouvait être fils de rois, ou ne fût-ce que de simples hi- dalgos, ne lui parut pas si loufoque… Ce furent à bord deux jours fort animés. Même s’il s’en était écoulé bien peu depuis que les caravelles avaient levé l’ancre et quitté les côtes d’Espagne, les hommes voyaient joyeu- sement approcher le moment de débarquer et de se délasser à terre, en sachant comme ils le savaient que, après les Canaries, c’étaient La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 79/618 de longues semaines, voire de longs mois, qui les attendaient à ne pas voir autre chose que l’immensité de la mer, en grande partie incon- nue, entre eau et ciel, tant que Dieu le décide- rait. Lorsque vint la soirée de la seconde jour- née, on commença à entonner les couplets, les conversations allant bon train ; ce furent les gaudrioles, les éclats de rire enfantins, comme à l’heure de la récréation. Núñez chantait :

Malheur à moi, encore plus à vous car nous sommes nés sous le signe du destin, l’eau diluant le vin et le vin se répand sur nous. Mais il n’arrivera rien de tel ici Car, sur cette mer salée, le vin est rationné et l’eau on ne peut pas la boire(31).

Et la réplique venait de Corzuelo, entrant en concurrence avec son irréconciliable cama- rade, aidé par les couplets alors populaires de Pérez Patiño : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 80/618

On ne peut superposer une couleur au noir et il n’y a pas de plus grand malheur que la mort ; nombreux sont ceux qui passent, fort affligés, qui, ensuite, connaissent grande réjouissance. Aucun ne désespère car, s’il vit longtemps, il connaîtra le bonheur.

— Cela s’applique bien à nous – dit Rodrí- guez – car si nous survivons, même pas de longues années, nous verrons notre sort chan- ger et nous retournerons en Espagne, chargés de richesses. Poursuis, Corzuelo, poursuis, car ces couples semblent écrits pour nous. Et Santiago Corzuelo continua :

Si la roue de la fortune tourne, celui qui est triste devient joyeux, et bientôt se fait tirer l’oreille, sa réussite le changeant ; toutes les choses ont leur temps ; La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 81/618 les bonnes et les funestes passeront à tour de rôle. Il y a un temps pour rire, un temps pour pleurer ; il en viendra un autre pour donner, et un autre pour demander : un temps chasse l’autre ; mais celui qui a du bon sens sait s’adapter à son temps.

— Je ne crois pas, pauvre pêcheur que je suis, que c’est un bon précepte – objecta Núñez – parce que j’ai eu l’habitude de voir des situations funestes qui se transformaient, c’est vrai, mais pour le devenir encore davantage. — C’est vrai – répliqua Rodrigo – mais même si c’est le cas, cela ne fait pas de mal de dire le contraire pour consoler les hommes en leur donnant l’espoir. Allons, ne l’interromps plus. Continue Corzuelo. — J’ai presque fini – dit Corzuelo, et il pour- suivit : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 82/618

J’ai déjà vu beaucoup de plaisir, après beaucoup de tristesse et, passée, la nuit sombre, j’ai vu l’éclaircie du jour. Et, après un ciel couvert, voir revenir le jour serein, et j’ai vu le pauvre être riche. Par conséquent, aucun homme ne sera jamais défavorisé par la fortune s’il s’y prépare en étant par exemple tempéré quand vient le mal, et si, à l’instant, celui qui est acerbe devient doux et celui qui est fort se maîtrise.

Tous applaudirent sans plus soulever d’ob- jections. Fray Buenaventura, qui s’était appro- ché, applaudit également, et il fit son commen- taire sur la bonté jamais démentie de Dieu, qui n’abandonne pas ses créatures et les console dans cette vie ou l’autre. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 83/618 Là-dessus, ceux qui n’étaient pas de quart allèrent dormir, la fête étant terminée, car elle risquait de se transformer en sermon… Le jour suivant se leva et, dès qu’il y eut un peu de lumière, depuis les caravelles, on put voir les côtes abruptes et désolées de la Grande Canarie. Quelques heures plus tard, elles surgissaient dans le mouillage de Las Pal- mas. Les dernières voiles, qu’ils avaient uti- lisées pour la manœuvre, étant repliées, tous s’apprêtèrent à débarquer, car ils savaient qu’on allait leur en donner l’autorisation, et que les divertissements et la fête les attendaient. XIV

DIVERTISSEMENTS, FÊTES ET MERVEILLES

Solís débarqua du canot, accompagné par le chapelain et les officiers royaux, se sentant mieux comme par enchantement depuis que l’on avait jeté l’ancre. Au débarcadère l’atten- daient : le gouverneur de l’île, don Fernando de Trujillo, lieutenant de l’Adelantado don Al- fonso (Fernández) de Lugo ; le maire principal, les six conseillers et deux employés de la mai- rie ; le prêtre titulaire de l’église de la Concep- ción ; les autres autorités et toute la population de la ville, débordant de joie, car l’arrivée de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 85/618 bateaux était, là, l’occasion d’une fête plus grande que dans les ports d’Espagne. Rodrigo Rodríguez avait, comme toujours, suivi son maître et Paquillo avait trouvé moyen d’être de la partie. À peine à terre, se déclen- cha le moulin à questions du mousse, qui avait l’habitude de mettre dans l’embarras son par- rain ; sa première question fut : — Pourquoi ces îles s’appellent-elles Cana- ries ? — Comment cela ? Ne le sais-tu pas ? Mais où as-tu donc étudié, amiral ? – s’exclama Ro- drigo, se donnant du temps pour chercher la réponse. — Je te l’ai déjà dit : c’est à la almadraba de Cadix, où on apprend beaucoup de choses, mais pas celle que je te demande… — Tu dois alors savoir – dit l’écuyer –, que si ces îles s’appellent Canaries, c’est parce que, à une époque, il s’y trouvait tant de chiens(32), qu’ils ont failli en devenir les uniques habi- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 86/618 tants… À première vue, c’est de là que vien- drait leur nom… Et elles auraient été le royaume des chiens, s’il n’y avait eu les ânes… — Et, que diable, viennent faire les ânes là- dedans ? — Tu vas voir. À cette époque, ont égale- ment commencé à proliférer les ânes sauvages, qui erraient dans ces collines ; et ils devinrent si nombreux qu’ils dérangeaient les chiens. Ces derniers devinrent, naturellement, leurs enne- mis ; les bourriquots leur rendirent la monnaie de leur pièce. Les chiens attaquaient en mor- dant, les ânes se défendaient en ruant, et ce fut une guerre mémorable comme les exploits du Cid, par sa démesure, car chiens et bourriquots ont fini par s’exterminer, au point qu’il n’en est resté aucun pour raconter l’histoire. Ceux que l’on voit à présent, ânons ou roquets, ont été amenés plus tard, afin de compenser la dispa- rition des précédents… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 87/618 — Cette histoire de guerre ne colle pas – grommela Paquillo, haussant les épaules. Les conseils de son protecteur commen- çaient à lui sembler indignes d’un navigateur comme lui et juste bons à embobiner des mou- flets. — Ne le crois pas, si tu ne veux pas – ré- pondit gravement Rodrigo – mais s’il n’y avait pas eu cette guerre entre chiens et ânes, il n’y aurait pas eu ici un chrétien venu d’Espagne et nous n’irions de ce pas caresser une jarre de vieux vin dans une auberge de ma connais- sance, dire deux mots à de savoureuses ba- nanes et à des fromages de chèvre qui, de loin, nous disent déjà « mange-moi ». Car tu dois sa- voir, Paco mon fils, que c’est à présent le tour des chèvres et que si Son Altesse, sa seigneu- rie l’Adelantado ou le gouverneur n’y mettent pas bon ordre, peu s’en faut pour que se répète entre les chèvres et les chrétiens ce qui s’est produit entre les ânes et les chiens. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 88/618 Ils s’étaient installés à l’auberge la plus proche du port et, à l’ombre d’une treille, man- geaient et buvaient avec autant de soif que d’appétit. — Ainsi votre seigneurie se moque égale- ment des chèvres – dit le mousse, s’étranglant avec un gros morceau de fromage récalcitrant. — Arrose-le de vin, fiston, arrose-le de vin et cela passera… — Le coup des chèvres ou le fromage ? — Les deux à la fois – répliqua l’autre en riant. Je ne me moque pas autant que tu sup- poses, mon garçon. Tu es ici sur une véritable terre promise pour tout ce qui concerne plantes et bêtes… Si tu sèmes aujourd’hui un gland, eh bien, reviens dans un an et tu trouve- ras un chêne pansu, qui pourrait servir de mât principal à la caravelle portugaise. Si tu sèmes des tomates, en un clin d’œil, il en pousse, grosses comme des melons ; si tu sèmes des melons, tu en obtiendras en un éclair de la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 89/618 taille des potirons que, en Espagne, on donne aux porcs, et chaque haricot est comme un boulet de bombarde… Mais il te suffit de re- garder les grappes de cette treille, qui pèsent une demi-arrobe(33) et chaque grain de raisin est comme un œuf…, mais il ne s’agit là que de raisin blanc normalement à petits grains… Donc, si tu veux devenir laboureur sans te cas- ser le dos, saisis ta chance et reste ici. — Je préfère la mer… Mais nous aurons de quoi nous régaler à bord… — Ne te fais pas d’illusions, innocent… Le miel n’est pas destiné à la bouche de l’âne… Et ne te fâche pas, car je suis logé à la même enseigne… Toutes ces merveilles vont se re- trouver sur la table du Roi et sur celles des seigneurs de la Cour, des évêques, des cha- noines… C’est à peine si le gouverneur de ces îles lui-même y goûte… Mais en te faisant la- boureur, comme elles t’appartiendront, tu pourras t’en empiffrer. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 90/618 — Même si c’était le cas, ce qui ne sera pas – répliqua judicieusement Paquillo – je ne serais pas tenté de me remplir la panse avec ces fruits géants, alors que plusieurs petites to- mates équivalent à une grande, aussi grande soit-elle (je dis la même chose des haricots et du reste, qui, même petits, n’en sont pas moins savoureux) et cela après avoir sué et avoir qua- si rendu l’âme, plié en deux sur la terre noire, à défricher des lopins de terre, alors que, en me fatiguant moins, je peux faire gonfler ma bourse de bons doublons et que, avec l’or, on peut tout se procurer. — Tu parles comme Salomon, ayant au moins autant de sagesse… Mais bois encore un coup de ce vin. Ici, l’eau est claire, fraîche, pure, incomparable… mais nous aurons le temps d’en goûter à bord, car on en remplira nos citernes mais pas de ce vin… Sur ce, ils remarquèrent que quelques pay- sans, de ceux qui avaient assisté avec un vif in- térêt à leur débarquement, s’étaient approchés La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 91/618 d’eux et les regardaient en souriant avec com- plaisance. — Ces vaillants sont, sans doute, de la ca- ravelle qui vient d’arriver – dit celui qui sem- blait être le plus respectable. — Comme le dit votre grâce et pour vous servir – répondit poliment le marin. — Faites-moi l’honneur de venir avec moi à ma demeure où, même si elle est pauvre, vous trouverez bon accueil. Je ne veux pas être le seul membre de la population à ne pas ac- cueillir des hôtes de votre classe. D’autres membres d’équipage avaient éga- lement rejoint l’auberge et d’autres habitants des Canaries les entouraient et s’empressaient auprès d’eux, sans doute avec les mêmes in- tentions que celui qui parlait avec Rodrigo et le mousse. — Pardieu, bien sûr que cela nous fait plai- sir ! – s’exclama le marin –Je savais bien, moi, qu’il n’y avait pas de gens au monde plus hos- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 92/618 pitaliers et généreux que ceux de ce port bénit. Et nous ne devons pas dédaigner qui nous re- çoit avec un tel empressement et veut nous faire l’honneur de sa propre maison… Mais, pour ma part, je n’accepterai pas votre invita- tion avant que votre grâce ait bu avec nous une coupe de ce petit vin qui a un goût exquis. — Vous en boirez un meilleur chez moi, où j’en ai un qui bonifie depuis des années dans la cave pour une telle occasion – dit l’habitant. Accompagnez-moi car, si la bonne volonté peut être une compensation, vous n’aurez pas à vous plaindre de moi. Tout l’équipage bénéficia ainsi de l’hospi- talité généreuse des habitants de Las Palmas, qui leur firent une fête continuelle durant le sé- jour des caravelles. Personne ne fut exclu de ce bon accueil, car on montait la garde sur les navires à tour de rôle et ceux qui avaient passé quelques jours à bord en passaient en- suite autant à terre. C’était la coutume, non seulement là, mais également dans les autres La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 93/618 ports des Canaries, escale obligée des navires espagnols qui se dirigeaient vers le nouveau monde, comme les îles du Cap Vert l’étaient pour les navires portugais. Solís avait accepté, mais seulement pour quelques jours, l’hospitalité du gouverneur don Fernando de Trujillo, le priant en revanche de mettre toutes les commodités possibles à dis- position des officiers Alarcón et Marquina, qui avaient tant besoin de se refaire une santé, même s’ils n’avaient navigué que quelques jours. De son côté, il préférait se sentir libre, à bord de son navire, même s’il devait se rendre fréquemment à terre afin de surveiller le bon approvisionnement de la flottille et d’un peu se distraire. Fray Buenaventura logeait dans la maison paroissiale, sur les instances du prêtre de l’église de la Concepción, gros et nonchalant, aspirant à devenir chanoine et qui, sauf si les cloches sonnaient, passait du lit à la messe, de la messe à la table et de la table à la sieste, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 94/618 somnolant en raison de l’ardeur du climat. Il trouvait un imitateur en la personne du chargé de factorerie Marquina, qui, sautant la messe, passait également du lit à la table du gouver- neur et, ensuite, trouvait moyen de prolonger un passe-temps aussi réconfortant ; et ainsi, avec l’intermède d’une promenade digestive, le petit déjeuner faisait la jonction avec le dé- jeuner, ce dernier – suivi d’une sieste – avec le goûter, le goûter avec le dîner et le dîner avec le souper… sans négliger quelques casse- croûte intermédiaires. Alarcón, plus fidèle à la sobriété espagnole proverbiale et d’une capa- cité stomacale moindre, effectuait leurs tâches à tous deux, intervenant dans les achats de vivres et autres produits, mais il jouissait au- tant que son compagnon du fait de sentir la terre ferme sous ses pieds, sans le roulis, le tangage, l’atmosphère dense et les mauvaises odeurs du bord. Mais celui qui contrastait en- core plus que lui avec le prêtre de l’église et avec Marquina, c’était l’infatigable fray Buena- ventura, qui semblait avoir du vif-argent dans La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 95/618 les veines, qui, dès le lendemain, tôt le matin, se fit plaisir en célébrant une messe et qui, en peu de temps, connaissait non seulement tous les habitants de la ville, mais également ses alentours pittoresques et accidentés. Aucun des marins, occupés à de fort diffé- rents loisirs, ne le suivait dans ces excursions. Tandis que les uns quittaient leurs chambre d’hôte afin de s’attabler pour toute la journée dans des auberges et tavernes, battant les cartes et empoignant des jarres sans encourir ni observations ni châtiments, d’autres cou- raient la gueuse ; quelques-uns rendaient visite aux boutiques afin d’acheter des fruits ; mais pas un seul ne s’arrêtait pour contempler le paysage africain, s’émerveiller de la fertilité du sol, jouir, ne fût-ce qu’instinctivement, de la douceur de l’air, la limpidité du ciel, l’or- gueilleuse placidité des montagnes, la verdeur des arbres… Mais tous sentaient, sans tenter de se l’expliquer, la bénéfique influence de celles que les anciens avaient appelées « îles La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 96/618 fortunées », et dont les maîtres – avant les Fran- çais, comme Béthencourt(34), avant Herre- ra(35), ou Lugo – furent les valeureux Guanches, exterminés quelques années plus tôt par les conquérants espagnols selon l’ha- bitude universelle à l’époque (et à d’autres époques si proches, comme volontairement oubliées)… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 97/618

Les indigènes, hommes bien proportionnés, sveltes, robustes, aux traits agréables si pas beaux, furent des types superbes de la race africaine et si intelligents que, quand les Eu- ropéens arrivèrent sous prétexte de conquête, ils avaient déjà laissé derrière eux la vie sau- vage, même si, pour échapper aux intolérables ardeurs de l’été, ils habitaient des grottes mé- nagées dans la roche par d’anciennes convul- sions volcaniques. Ces grottes étaient adroite- ment transformées en de spacieuses demeures, confortables et même décorées avec une cer- taine préoccupation artistique et esthé- tique(36). La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 98/618

Et qu’ils étaient sensibles à l’art est prouvé par leur amour pour la musique et la poésie, et par les monuments qu’ils ont érigé en souvenir de grands événements civils et non pas de bar- bares exploits guerriers, parce que l’effusion de sang était pour eux le plus grand des crimes. Ils adoraient Dieu dans la Nature, les préceptes de leur religion étaient basés sur la mansuétude et la bonté, leurs prêtres des vierges Magua- das(37) leur espérance supérieure la résurrec- tion ou, pour le moins, la réincarnation qu’at- tendaient pieusement leurs défunts embaumés et recouverts dans des peaux de chèvre. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 99/618

Leur tempérament doux ne les empêcha pas de défendre, les armes à la main, et au point d’y perdre la vie, la souveraineté de leur terre contre l’invasion des Espagnols, qui en fi- nirent avec eux et occupaient ces lieux depuis un quart de siècle. Davantage que le ravitaillement en eau et en bois et renouveler les provisions de viande, de vin, de fromage, de sucre et autres, les plai- sirs retinrent l’équipage des caravelles beau- coup plus longtemps que nécessaire dans ce paradis regorgeant de mets, de fruits, de vins généreux, de femmes aimables et gracieuses, pas le moins du monde bigotes, de fêtes et de jeux, de guitares et de chants… Mais toutes les La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 100/618 bonnes choses ont une fin et le capitaine géné- ral annonça le départ pour le 6 novembre(38), un mois, plus ou moins, après avoir quitté Lepe. Ils levèrent l’ancre à cette date sans nou- veau retard et personne ne se réjouit d’aban- donner les îles fortunées.Personne, sinon Solís, qui désirait rattraper le temps perdu car son but était de réaliser un voyage remarquable par sa rapidité et pour lequel tout lui souriait jusqu’alors. Personne d’autre ne se réjouit, si- non le chapelain, fray Buenaventura, aspirant à entrer en contact avec les Indiens de nouvelles terres et de les rallier à sa foi. — On parle beaucoup par ici de l’île de Saint Brendan, qui ne doit pas être très loin – dit Pedro Núñez, peu après qu’ils eurent levé l’ancre. Est-ce que le capitaine général nous y mènera, au moins afin de voir si ce que l’on dit est vrai ? — Et que dit-on ? – demanda Paquillo. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 101/618 — Eh bien, on dit que l’on peut voir ses côtes depuis l’île de Gomere ainsi que de l’île de Fer, avec une telle netteté que c’est comme si on est en train de la toucher, même si on ne l’a plus aperçue depuis longtemps.

— Et ne crois-tu pas, nigaud – répliqua Ro- drigo – que si cette île existait l’Amiral Colomb l’aurait découverte au cours d’un des voyages qu’il a faits ? Le capitaine général dit que c’est une fable, une fumisterie comme beaucoup d’autres que l’on invente sur ces contrées. Al- lons, ne t’occupe pas d’elle, Núñez, et suivons notre chemin, s’il te plaît. Et c’est ce qui se fera, et pas autre chose, même si ta seigneurie or- donne le contraire. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 102/618 — On ment beaucoup, en parlant de ces mers et de ces terres – dit fray Buenaventura, qui les entendait – même si la simple vérité suffit amplement pour s’émerveiller ; nom- breux sont ceux qui ne veulent pas y croire. Ainsi moi, espagnol, je suis le conseil de Fernán Pérez de Guzmán, qui était un homme sage et un très grand poète. — Eh bien, quel est ce conseil, mon père ? – demanda Rodrigo Rodríguez. — Il est repris dans des maximes(39), que j’ai apprises étant enfant, enseignées par mon père ; elles méritent d’être connues par cœur et celle-ci dit :

La vérité étrange et nouvelle tenue pour mensongère, ne la dis jamais sans preuve, car, sans faute, elle est honteuse. Et si une vérité ressemble à un mensonge, il faut la taire car combien ne nuit-elle pas La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 103/618 et le pur mensonge ne commence-t-il pas à se répandre !

Les caravelles avaient pris la direction sud- ouest afin de traverser l’Atlantique pour aller du côté du Cabo de Santo Agostinho, qui se trouve un peu plus bas que Pernambuco et, des jours plus tard, ils commencèrent à voir quelques branches flottantes, qui semblaient s’être récemment détachées de quelque côte et que les gens de mer appellent « hierba de peñas(40) ». Malgré le vent frisquet, la mer était très calme et ils ne tardèrent pas à la voir comme couverte de ces herbes, avec des es- paces libres, comme des lacs dans lesquels se La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 104/618 réverbérait le soleil. Bien que quelques-uns fussent avertis, grande fut la stupéfaction de ceux qui traversaient l’océan pour la première fois, en se trouvant confrontés en pleine mer à d’immenses solitudes couvertes de verdure, comme un pâturage qui, de tous côtés, s’éten- drait jusqu’à l’horizon. Les grandes bruyères qui, en certains points d’Europe, s’étendent à perte de vue, n’auraient pu en surface rivaliser avec ce champ flottant peuplé de crustacés, survolé par des oiseaux marins comme des sternes, frégates ou des mouettes grises et même par de petits oiseaux chanteurs ; entre ces herbes, les dauphins se faufilaient ou sau- taient comme des veaux ou des animaux de montagne. Quelques marins recommandaient déjà leur âme à Dieu, considérant comme dia- bolique cette chose qu’ils n’avaient jamais vue et dont ils n’avaient jamais entendu parler, très funeste présage, et leur terreur croissait en voyant la difficulté avec laquelle on naviguait dans ces prairies trompeuses. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 105/618 Ils ne touchèrent heureusement qu’à peine les bords de la mer des sargasses, en bénéfi- ciant d’un vent fort favorable pour en sortir le plus vite possible. Dès les premiers instants, Solís était resté sur le pont de commandement et la caravelle portugaise avait frayé un pas- sage, laissant derrière elle une large brèche dans laquelle s’engouffrèrent facilement les deux autres caravelles. Tous poussèrent tout de même un soupir de soulagement, comme après un danger, dès qu’ils revirent une mer dégagée. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 106/618

À cette latitude et à l’immense surprise de Paquillo, qui n’avait jamais vu une chose pa- reille, des bancs de poissons volants commen- cèrent à surgir des vagues, à traverser l’air, parcourant comme la trajectoire d’une flèche avant de replonger dans la mer. Quelques-uns tombèrent avec un bruit sourd sur le pont, re- bondissant et se tortillant, voulant regagner leur élément, mais on les tuait à coups de gaffes ou les prenait à la main, et ils se retrou- vaient dans la poêle pour améliorer savoureu- sement l’ordinaire. Et, la nuit, autour du na- vire, dans le sillage qu’il laissait derrière lui, comme une large ceinture de soie ridée, et le long de ses flancs, à hauteur de la ligne de flottaison, le mousse commença à voir de fan- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 107/618 tastiques petites lueurs, qui lui semblaient être magiques et qui lui rappelaient ce qu’il avait entendu dire de mers bitumineuses qui brûlent en embrasant les navires et en saturant l’atmo- sphère d’irrespirables émanations. Lors d’une nuit orageuse, il ne réussit pas à vaincre sa peur : la chaleur était suffocante, le ciel était lugubre et la mer, comme rouge jusqu’à ce mo- ment, s’enflamma sur toute sa largeur, lançant des éclats de lumière livide jusqu’à la ligne d’horizon, pendant que, au sommet des mâts des caravelles, les transformant en cierges co- lossaux, brûlaient de petites flammes qui oscil- laient au vent(41).Paquillo poussa un cri d’an- goisse : il se trouvait, à n’en pas douter, au beau milieu de l’Enfer. — Petit sot ! – lui dit Rodrigo, ému par sa terreur. Ce sont les illuminations de bienvenue avec lesquelles ces mers nous reçoivent. Ne t’effraie pas : ce feu est ardent mais il ne brûle pas… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 108/618 Et remplissant dans la mer une coupe d’eau encore légèrement lumineuse, il y plongea la main et fit en sorte que le mousse l’imite et se débarrasse de sa peur. Le phénomène ne dura pas longtemps cette nuit-là : il y eut extinction des feux, comme à la fin d’une fête, et il ne sub- sista que de petites lampes oubliées, quelques lueurs bleutées dans le sillage du navire et, à fleur d’eau, sur toute sa longueur, de l’étambot à l’étrave. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 109/618 Et c’est ainsi que, guidée par sa bonne étoile, l’expédition de Solís se poursuivit, pla- cide et chanceuse, jusqu’à ce que, en naviguant au Sud un quart Sud-est et en se croyant à quelque nonante lieues au vent du cap de San Antonio, un jour, alors qu’il s’y attendait le moins, le grand pilote vit les dunes inhospi- talières de sable blanc, couvertes de cistes et de ronceraies, qui caractérisent le cap de Sâo Roque, extrême nord-est de l’Amérique du sud. Entraînées sans s’en rendre compte par les vents de l’Est et par le courant équatorial qui traverse l’Atlantique de l’Est-sud-est à l’Ouest- nord-ouest, les navires se trouvaient à deux cents milles de l’endroit où ils croyaient être… Solís ordonna de s’écarter aussitôt de cette côte, parsemée de bancs de sable et de récifs, et mettant à profit la bifurcation du courant qui, à hauteur de ce cap, se subdivise, il cingla sur celui de Santo Agostinho, dont il connais- sait très bien les falaises rougeâtres. Il ne le trouva pas non plus facilement car, quand il La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 110/618 crut être à sa hauteur, il déduisit de ses obser- vations que le courant l’avait entraîné deux de- grés plus au Sud… Il rectifia leur position le plus exactement possible, étant donné l’imperfection des ins- truments astronomiques de l’époque ; en mo- difiant la route, il ne tarda pas à reconnaître les dangereux îlots et récifs de « Ouvre l’œil », actuellement Abrolhos(42).Par expérience, il savait où il était mais, après avoir franchi le cap de Santo Tomé(43) il ne put pas recon- naître le cabo Frío(44). Il recourut à nouveau à l’astrolabe et, prenant la hauteur des astres, il se dirigea vers la baie de Rio de Janeiro, où il entra à la tête de sa flottille sans avoir subi d’autres dommages que ces insignifiants contretemps(45). — C’est, pardieu, un bon marin ! – com- menta le quartier-maître Diego García de Mo- guer – Mais, pour naviguer, l’œil est plus fiable que l’estrulogie… XV

TERRE ENCHANTÉE

Sans perturber la manœuvre, tous les membres d’équipage s’entassaient sur le pont des navires aux endroits d’où l’on pouvait le mieux voir l’entrée dans la baie(46). Ils n’étaient pas des artistes, c’est à peine si leur culte instinctif de la nature était embryonnaire, mais ils abordaient pour la première fois des lieux inconnus et cet extraordinaire paysage s’emparait de leur âme, mystérieusement, comme une nouvelle sensation indéfinissable. La mer y ressemblait à un lac entouré de mon- tagnes, çà et là, couvertes de végétation ; l’air La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 112/618 chaud poussait doucement les navires et l’en- trée fut tellement facile et sans complications qu’il ne fallut même pas utiliser les lignes de sonde. On voyait là un haut rocher granitique, pelé, semblable dans sa forme à un casque ger- manique démesuré ou à un immense pain de sucre, qui se dressait à bâbord, et un autre sommet, aigu et élevé, dont la pointe tordue menaçait de tomber sur l’obscure végétation à ses pieds, tous ces monts étant verts jusqu’à une même altitude, en pierre brune à partir de cette ligne presque horizontale, spectacle qui captiva un moment les âmes. Mais, aussitôt après, leurs yeux parcoururent avidement le vaste panorama environnant : les hautes rives tapissées de verdure variée et vibrante, peu- plées d’arbres magnifiques des plus diverses essences, arrosées par des courants d’eaux vives, ornées de fleurs aux couleurs criardes ; les îlots, soit constitués de roche brune et sté- rile, soit couverts d’herbe, de plantes et de fleurs, qui émergeaient du lac diaphane comme de grands cétacés endormis ou comme La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 113/618 des massifs de roseaux d’un merveilleux jardin flottant ; et, surplombait toute cette splendeur, le ciel en mouvement continuel, changeant perpétuellement, tantôt pur et bleu, tantôt en- vahi par des nuages lourds ou vaporeux qui, jouant avec le soleil, dotaient le paysage d’une vie palpitante et surnaturelle. Les caravelles fendaient les eaux avec un léger bruit de feuillage agité et, outre le ruban ondulant du sillage, il passait à la surface de la baie des fré- missements fugaces, des sourires de la mer ; et les courbes ouvertes de la côte, avec leur mince liseré d’écume, emmurées par des buttes et des collines ceintes par la forêt, se découvrant ou s’emmitouflant dans les vapeurs flottant dans l’atmosphère saturée d’humidité, s’évanouissaient de part et d’autre, et là-bas en face, comme si elles étaient sur le point de se dissoudre dans l’air. La chaleur était étouffante et ne parve- naient à l’atténuer ni la brise de mer ni les grains continuels qui criblaient l’eau, l’obscur- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 114/618 cissant, et qui redoublaient sur la voilure et sur le pont sonore des navires. Ces derniers sur- girent bien avant d’atteindre le fond de la baie, située à quelque neuf lieues de son entrée. Une partie de l’équipage, empruntant les canots, débarqua au point le plus proche, avec l’autori- sation du capitaine général ainsi que d’Alarcón et de Marquina, car, puisqu’il n’y avait pas d’Indiens en vue, il ne fallait pas craindre qu’ils commettent des écarts ou mènent des négocia- tions, interdites par le contrat. Une multitude d’oiseaux et de bestioles, abrités sur les branches et parmi le feuillage, qui les protégeait du soleil, prit peureusement son envol ou la fuite, tandis que quelques vi- pères et autres serpents zigzaguaient sur l’herbe sèche, à la recherche d’un nouveau re- fuge. En apercevant les reptiles, les uns de taille démesurée et brunâtres, les autres aux couleurs vives et aussi minces qu’une ba- guette, les marins s’arrêtèrent à l’orée de la forêt, craignant une piqûre mortelle et, seule, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 115/618 une poignée d’entre eux poursuivirent leur chemin, avec beaucoup de précautions, faisant attention où ils mettaient les pieds. Du gibier curieux s’approchait pour les épier entre les branches et, aussitôt, s’enfuyait, plus par éton- nement que par peur ; l’un ou l’autre macaque barbu, qui se balançait à la cime des arbres, sifflait comme le vent, signal d’alarme, imitant leur curiosité et leur timidité ; et les aras blancs, au panache comme le cimier d’un roi, les perroquets bigarrés et jasant, les toucans au formidable bec incurvé et beaucoup plus grand que leur propre tête, fuyaient à leur approche, d’un vol bruyant et pesant. — Il y a ici des chrétiens – pensa plus d’un, en entendant un martelage métallique, suivi par un âpre grincement de lime mordant le mé- tal. C’était l’araponga barbu. Et mille autres oi- seaux inconnus, brillants et effarouchés, s’ap- prochaient et s’éloignaient, voltigeant, dans une rumeur incessante de chants, de batte- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 116/618 ments d’ailes, de froissements de feuillage, qu’accompagnait le bourdonnement lancinant de milliers d’insectes. La forêt entière vivait et palpitait. — Regarde, regarde le drôle d’oiseau !– s’exclama soudain le mousse, en extase. — Que viens-tu avec ton « drôle d’oi- seau » ! C’est un bourdon et rien d’autre – ré- pliqua Fuentes, qui marchait de concert avec Paquillo.

— Comment cela ? Ne vois-tu pas ses pe- tites plumes ? Où as-tu les yeux ? Laisse-lui le temps de se poser sur cette fleur qui semble l’effrayer et tu verras… Il a plus de couleurs qu’une guirlande en verre ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 117/618 — Tu vois bien qu’il ne se pose pas et reste en l’air, comme un frelon et, davantage qu’un oiseau, on dirait un petit nuage ou une boule d’aigrettes d’un pissenlit. — Mais, et ses couleurs ? Es-tu aveugle ?… Je n’ai jamais rien vu de pareil(47). Ils furent également entourés de bandes de papillons de toutes les tailles et de toutes les nuances. Mais l’admiration de Paquillo frisa l’extase lorsque, à la tombée de la nuit, pen- dant qu’il entendait l’interminable concert des grillons et des grenouilles musicales, il com- mença à voir, traçant dans l’air des courbes ca- pricieuses ou le traversant comme une flèche, des essaims d’étincelles, de braises, de petites flammes verdâtres, des yeux de lumière d’êtres fantastiques qui volaient en le regardant, peut- être de façon amicale, peut-être de façon me- naçante… — Sur la mer, il y avait du feu ardent et qui ne brûle pas ; ici, il y a des feux qui volent La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 118/618

dans les airs… ! Que Dieu nous tienne dans sa main ! – se dit Paquillo, en se signant. Solís n’avait pas débarqué. Marquina et Alarcón – qui respiraient pour la première fois depuis le départ des Canaries – Francisco de Torres, les autres pilotes, le quartier-maître Diego García et fray Buenaventura – qui assis- tait habituellement aux conseils – se trouvaient avec le capitaine général, réunis sur le château La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 119/618 de poupe, sous la dunette, profitant du repos, de la fraîcheur relative et de l’agréable conver- sation. — Nous ne devons pas nous plaindre, plu- tôt rendre grâce à Dieu – disait Solís – car nous avons bénéficié d’une traversée idéale, si ra- pide et telle que je n’osais pas en rêver. — Et le temps reste au beau fixe ! – s’excla- ma le quartier-maître. — Tellement beau que nous devrions le mettre à profit pour aller de l’avant – fit obser- ver Torres – C’est avec un temps pareil que l’on arrive au bout du monde. — Nous ne nous endormirons pas, mon frère – répliqua Solís. Dès que les citernes se- ront remplies et que nous nous serons approvi- sionnés, nous repartirons. L’eau des récipients commence à avoir une mauvaise saveur et, pour la santé de l’équipage, on doit avoir quelque chose de plus frais que la viande salée La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 120/618 et le thon séché, que le fromage et les biscuits, que les fèves et les pois chiches secs. — C’était une proposition – précisa Torres. — Grâce à la bonté divine, notre santé ne peut pas être meilleure, même pour vos sei- gneuries, le mal de mer mis à part, mais il est passager – dit fray Buenaventura d’un air qui ne semblait pas ironique, tout en penchant vers Alarcón et Marquina sa tête à nouveau couverte d’une épaisse chevelure, rude et gri- sonnante. Mais, dites-moi, monseigneur le ca- pitaine général, si je ne suis pas indiscret : pourquoi ne nous sommes-nous pas empressés de débarquer, comme nos gens ?Votre excel- lence ne s’intéresse-t-elle pas à ces parages ?… — Je pourrais vous répondre, mon père, que je les connais… – déclara Solís. Mais je di- rai seulement que mon seul but est de me ra- vitailler en eau, comme je l’ai déjà signalé… Je ne peux pas toucher à ces terres(48) et il y a ici le chargé en factorerie Marquina et le La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 121/618 répartiteur Alarcón pour me l’interdire. Nous ne sommes pas non plus les premiers à venir ici car, il y a près de dix-sept ans(49), Juan de la Cosa(50) et Alonso de Ojeda(51) ont navi- gué à partir de ce point jusqu’à un autre que l’on appelle Bahía, reconnaissant sur le chemin un grand fleuve, dit « el dulce », et remontant ensuite le long de la côte jusqu’au golfe de Paría(52). Diego de Lepe(53) a, lui aussi, vers la même époque, touché au cabo de San Agustín(54) et l’a baptisé « Rostro Hermoso », sans que personne n’eût encore rivalisé avec lui. Mais en l’an 1500, les choses se sont em- brouillées avec les Portugais et, depuis, tout va à vau-l’eau… — On ferait bien d’en finir une fois pour toutes avec ces histoires et cela nous serait fa- cile, par le Christ, s’il n’y avait ce maudit lien de parenté – dit Torres. — Tu m’en diras tant – continua Solís – parce que déjà Vicente Yáñez Pinzón, à l’em- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 122/618 bouchure de l’Amazone, a pris possession de ces terres au nom des Rois Catholiques(55)… — Et pourquoi ne s’y maintiennent-ils pas, morbleu ? – s’exclama Diego García. — Allez savoir… Des raisons d’État, de fa- mille… Bref, à la même époque, Pedro Alvarez Cabral(56), envoyé avec des instructions se- crètes par le roi don Manuel, aborda à Porto Seguro. Après avoir dit et répété qu’il ne l’avait pas fait volontairement mais que les vents et les courants l’avaient poussé où il ne voulait pas. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 123/618 — Par Saint Diego, quel faux-jeton et quel menteur ! — C’est ainsi. L’histoire de l’escale forcée était, de notoriété publique, fausse, comme on n’a pas tardé à le découvrir, et Cabral n’a fait que se conformer scrupuleusement à ses ins- tructions. Le fait est qu’il a pris possession au nom du Portugal de ce Porto Seguro, que, d’après ce qu’il a dit, il avait cru être une île et qu’il a appelé Vera Cruz.

— Et ce Cabral est de ceux qui font route en se fiant à l’estrulogie ! – s’exclama le quartier- maître, répétant son refrain en ne dissimulant pas son dédain, sans réfléchir au fait que Solís La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 124/618 et Torres, au moins, étaient des pilotes d’en- vergure. Solís se mit à rire, sans tenir compte du re- proche voilé, car il estimait en García le marin- né, chez qui l’instinct suppléait à la science de- puis qu’il était au berceau. — Le roi don Manuel et Cabral lui-même – poursuivit-il – ont feint d’accorder très peu d’importance à la découverte et à la prise de possession, mais toujours est-il que, l’année suivante – et cela achève de prouver la dupli- cité –, Juan Coelho(57) et Diego Ribeiro(58) re- vinrent pour le compte du roi du Portugal afin de reconnaître plus à l’aise ces côtes, les par- courant depuis le cabo de San Roque jusqu’au Marañón. De notre côté, nous n’avons pas non plus abandonné la partie et sommes venus ici, l’un après l’autre, Vicente Yáñez et moi, Rodri- go de Bastidas(59), Antonio de Ojeda… — Et Amerigo Vespucci ?– demanda fray Buenaventura – Il me semble avoir lu… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 125/618 — Oui, il figure dans les papiers… mais… – répondit avec réticence Solís. Peut-être est- il venu lorsqu’il était au service du Portugal, avec la flotte d’Andrés Gonçalves, qui est allée du cabo de San Roque à la Cananea et ensuite a poursuivi, au large, sa route vers le Sud… Ces reconnaissances se sont faites et conti- nuent à se faire tellement en secret, de part et d’autre, que souvent on ne sait qui ou quoi croire… Il a pu également venir avec ce Gon- zalo Coelho, qui, dans le coin, a construit un fort que, à ce qu’il dit, il a ensuite abandonné et que les indigènes ont rasé. Ce que nous ne tarderons pas à constater, même si cela nous importe bien peu. — Ce Vespucci, que Dieu lui ait pardonné… – dit García – (je ne lui veux pas de mal parce que, le chien étant mort, morte est la rage), ce Vespucci, dis-je, était tel, ou je me trompe, qu’il en a enjôlé plus d’un avec ses histoires de grandeur, en salissant des mains avec des pa- piers de marque… On traite les Andalous de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 126/618 fanfarons mais, par Saint Diego, s’il faut en ju- ger à cet Amerigo, ceux de Florence n’ont rien à envier à ceux d’Andalousie… Il vivait de vent et je le lui pardonne parce que, à moi, il ne m’a rien pris, car je ne vis pas de cela ; mais ce que l’on ne peut pas lui pardonner, c’est que, moyennant des astuces et des subterfuges, il soit parvenu à donner son nom à ce qui reve- nait de droit au vieil Amiral Colomb(60). Et le quartier-maître indigné aurait poursui- vi dans cette voie si fray Buenaventura n’avait réorienté la conversation en demandant à Solís : — Pourquoi dites-vous que nous devons ac- corder peu d’importance à ces terres ? — Eh bien parce que, je le répète, nous ne devons pas y toucher mais aller plus loin, où je sais, et mon père vous ne tarderez pas à voir avec émerveillement… — Si ce sont les Moluques, comme on nous a dit… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 127/618 — Chaque chose en son temps, car il ne faudra pas être trop patient… Donc, comme j’allais le dire, peu avant, un marin français (Paulmier de Gonneville) aurait, lui aussi, navi- gué dans ces eaux et touché à ces terres(61)… ainsi que, secrètement, peut-être quelques autres Portugais… — Et vous-même en 1512… — Taratata, mon père ! Il vaut mieux ne pas l’évoquer(62)… — Quand nous arriverons à bon port, on verra où nous arriverons… – conclut Diego García de Moguer en faisant un clin d’œil. Tout le monde avait regagné le bord à la tombée de la nuit. L’enseigne Ramírez, grand chasseur, revint avec deux pièces de gros gi- bier et d’autres rapportèrent aux navires plu- sieurs pièces de petit gibier, qui relevèrent fort agréablement le repas de ce soir-là. Ils avaient également vu, mais sans les abattre, les uns des sortes d’énormes cochons ou d’éléphants La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 128/618 nains, les autres une sorte de lièvres, des bêtes que par la suite on identifia, respectivement, sous les noms de tapirs et d’agoutis.

Les marins avaient commencé à vider les citernes afin d’assurer le ravitaillement en eau le lendemain. Et, dans la tranquillité de la baie, tous ceux qui n’étaient pas de garde, sans ex- cepter Marquina et Alarcón, dormirent cette nuit-là à poings fermés. Mais, lors du quart de la deuxième veille, avant la relève, ceux qui étaient de faction remarquèrent que, apparem- ment, des gens étaient accourus sur la côte. Et, aux premières lueurs de l’aube, on vit en ef- fet que quelques hommes, des Indiens indubi- tablement, faisaient signes depuis la plage la plus proche. À peine le jour se leva-t-il que l’on La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 129/618 constatait effectivement qu’il s’agissait d’indi- gènes tendant les bras comme pour offrir ce qu’ils apportaient, en gage d’amitié et de bien- venue. Averti, Solís sauta à bas de son lit et quitta sa cabine. Il observa le petit groupe d’In- diens et, appelant le répartiteur et le chargé de factorerie, les invita à aller faire du troc avec les indigènes afin d’obtenir ce qu’il fallait pour les navires, en l’occurrence de la viande, des céréales, des fruits et tout ce qu’ils pourraient fournir. Ils débarquèrent confiants, parce que Solís n’éprouvait habituellement pas le besoin de prendre à terre les précautions d’usage, er- reur que souligna dans son Historia son grand ami Fernández de Oviedo y Valdés(63) en l’ap- pelant « remarquable marin mais mauvais capi- taine », erreur qui, peu après, devait lui coûter si cher. Ils étaient accompagnés d’Enrique Montes, qui allait faire ses premières armes en tant qu’interprète, et emportaient pour les In- diens, à titre d’échange pour leurs victuailles, des bonnets colorés, de la verroterie tout aussi colorée, des rondelles en laiton, des grelots et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 130/618 autres babioles. Paquillo avait trouvé le moyen de se joindre à la délégation et disait au gabier- interprète : — Tu me montreras comment tu leur parles car je veux, moi aussi, apprendre à le faire. — Si ce n’est pas toi qui me l’enseignes… – pensa Montes. Quant à moi, Dieu permette que je m’en tire bien ! Dès qu’ils débarquèrent, Montes tenta de communiquer avec les Indiens, recourant à des gestes s’inspirant des leurs et leur montrant une partie des verroteries et colifichets qu’il apportait ; Solís et les autres procédaient plus ou moins de la même manière et, sans être des spécialistes, se firent comprendre autant que le polyglotte Montes. Les babioles furent plus éloquentes et efficaces. Ces hommes et ces femmes, à la peau cuivrée, de taille moyenne, agiles et ne tenant pas en place, étaient presque entièrement nus, ne portant qu’un pagne, faisant plus office de décoration que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 131/618 de vêtement. Quelques dignitaires arboraient à la ceinture, comme un habit de grand gala, un court cache-sexe ressemblant à une jupe en éponge, tressé avec des plumes aux cou- leurs très brillantes. D’étranges peintures et ta- touages dissimulaient également la nudité de leur corps glabre. Ils portaient leur chevelure laineuse coupée presque à ras et se défigu- raient le visage – qui, autrement, aurait pu être qualifié d’agréable – avec des cylindres en pierre, en os ou en bois, dont ils perforaient leurs lèvres. À ce que l’on vit plus tard – en re- cherchant vainement ce qui pouvait subsister du fort de Gonzalo Coelho – ils vivaient non loin de là, dans de vastes huttes faites de bois et de feuilles, et ils dormaient dans des filets en coton, pendant dans leur abri. Quelques- uns arrivèrent par la voie des eaux, à bord de grands canoës fabriqués en évidant un tronc d’arbre par le feu, et mus par des rames res- semblant à ce que le boulanger utilise pour en- fourner le pain. Pour montrer leur joie et sou- haiter amicalement la bienvenue, ils dansaient La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 132/618 et gigotaient en poussant d’étranges cris ; ils se mêlaient aux Espagnols, en ne manifestant pas la moindre crainte mais une telle curiosité que ces derniers se fâchaient et il était difficile de les contenir sans violence, obéissant aux ordres sévères du capitaine général stipulant qu’on ne leur fît pas le moindre mal, sauf cas extrême et si on ne pouvait pas procéder au- trement. Le groupe des sauvages grossissait peu à peu car les moins audacieux, cachés parmi les arbres, s’enhardissaient peu à peu et finissaient par s’approcher également. Quelques femmes venaient avec leurs nourrissons sur le dos. Tout cela ne tarda pas à devenir une sorte de fête foraine, brouhaha mêlé de sauts et de cabrioles, simulacres de combat et d’amour, danses folles qui inondaient de transpiration les visages peinturlurés et les torses bronzés… Quelques Indiens, comprenant ce que les Espagnols voulaient, commençaient à leur ap- porter de quoi manger et ils leur adressaient La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 133/618 des signes, indubitablement significatifs, que, plus tard ou un autre jour, ils allaient mieux les satisfaire. Attendant, à l’encontre de son désir et sur ordre du capitaine général, qui ne prenait des précautions que pour lui, fray Buenaventura n’avait pas débarqué ; mais Solís, désormais convaincu de la mansuétude des indigènes, lui fit signe qu’il pouvait se rendre à terre. — Que craint votre excellence pour moi ? – avait demandé le prêtre. Si c’est le martyre, je suis venu subir le martyre, quand l’ordonne- ra Notre Seigneur, et non pour faire de la figu- ration car, question sécurité, j’aurais pu rester confortablement dans mon couvent. — Se résigner au martyre est une chose et le rechercher inutilement en est une autre – ré- pliqua Solís. Lorsqu’ils le virent débarquer du canot, la bure tombant jusqu’aux chevilles, les sauvages abandonnèrent en quelque sorte les autres, et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 134/618 ils l’entourèrent, l’examinant sous toutes les coutures : par devant, par derrière et à partir du crâne – à moitié recouvert déjà, comme un marron, de cheveux hérissés comme des pi- quants – jusqu’aux sandales. Les plus auda- cieux le touchaient et le palpaient afin de véri- fier s’il était de chair et d’os ou si, sous la bure, se dissimulait un corps comme celui des autres hommes. — Je me trouve ici dans une situation pire que la guenon du montreur de marionnettes – pensait le bon frère, pendant qu’il distribuait des bénédictions, à gauche et à droite, souriait, priait, laissant faire ces grands enfants. — On vous souhaite la bienvenue, mon père – lui cria Juan de Solís, se moquant affec- tueusement. — Plus que je voudrais… Mais tout va bien ; ce serait mieux si je connaissais deux mots de leur maudite… de leur bénite langue… Quelle occasion pour les endoctriner ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 135/618 À défaut de les connaître, il leur parla en castillan et les Indiens l’écoutaient, bouche bée, et semblaient le comprendre, tant ils étaient tombés sous le charme, dont ils ne s’échappaient qu’afin de se faire des gestes et se tordre comme des damnés. Soit les signes de Montes, soit la perspica- cité des Indiens, soit leur désir de se montrer amicaux, ou tout cela ensemble, firent donc en sorte que, le jour même et les jours suivants, les indigènes arrivèrent sur la plage avec des paniers de maïs, de cassaves, de patates, de noix de coco, de bananes, d’abondants et très savoureux fruits sylvestres, en grande partie si pas totalement inconnus des Espagnols, et avec quelque chose qui devait davantage leur plaire et leur sembler plus consistant : de nom- breux oiseaux analogues à des poules, d’autres à des faisans et à des canards, quelques-uns semblables à la perdrix d’Europe ; du gibier, des tapirs et d’autres quadrupèdes, parce que cette forêt devait être une immense ferme na- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 136/618 turelle avec des greniers démesurés et toute l’arche de Noé pour assouvir la faim humaine. Fray Buenaventura avait, entretemps, satis- fait son grand désir de célébrer une messe et, durant le séjour dans la baie, il la dit tous les matins, ayant pour fidèles Solís, les pilotes, les officiers et l’équipage qui n’était pas de quart sur les navires. À la ferveur religieuse s’ajoutait chez eux l’émotion du souvenir de l’Espagne, de leurs familles, des amis, évoqués par la cé- rémonie dans ces terres sauvages. Les qua- rante ou cinquante hommes qui, avec Solís et les officiers, s’agenouillaient sur l’herbe, sous d’énormes arbres aux luxuriantes frondaisons, n’étaient qu’une poignée mais, à leurs yeux, dans leur imagination exaltée, ils étaient tout un peuple, tout un pays… Fray Buenaventura, qui avait improvisé un autel avec quatre tables assemblées par le charpentier du bord, la cou- vrit d’une nappe blanche à dentelles et la dé- cora avec les vases et ornements sacrés qu’il avait apportés à la demande du capitaine gé- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 137/618 néral. Et cette première messe de campagne fut solennelle, émouvante pour tous. Elle fut cé- lébrée avec l’aide du grand Alarcón qui, en- fant, avait appris ces matines et il fallait le voir porter fièrement, majestueusement, le missel d’un côté à l’autre, faire tinter la clochette, fournir les réponses liturgiques d’une voix so- nore, prendre avec onction l’extrémité de la chasuble lorsque l’officiant se prosternait, ver- ser dans le calice le contenu des burettes pour la consécration et, sur les doigts du prêtre, le petit filet d’eau pour l’ablution… Mais les na- vigateurs ne pouvaient pas entendre la messe avec tout le recueillement souhaitable, à cause des spectateurs. Les Indiens, curieux et admi- ratifs, rendaient peu à peu plus étroit le cercle qu’ils formaient au pourtour et, bien que ti- mides, ils se rapprochaient le plus possible et il fallait les refouler afin qu’ils ne se mêlent pas de façon profane aux fidèles et ne perturbent leur attention. C’était un spectacle prodigieux pour eux que celui de cet homme, merveilleu- sement vêtu de blanc, rouge et or, qui mur- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 138/618 murait des paroles ressemblant à des conju- rations et faisait de grands gestes mystérieux. Ils ne reconnurent certes pas en lui le person- nage brun qu’ils avaient tâté la veille. Il de- vait être un magicien d’un ordre très supérieur, plus riche et plus puissant que ceux de leur terre, et ce qu’il exécutait était, sans doute, une danse, très étrange, mais suffisamment lente et silencieuse à leur goût. Au bout du compte, ils ne perturbèrent pas outre mesure la solen- nité et ne parvinrent pas davantage à l’inter- rompre parce que, dans l’ignorance et la can- deur de leurs esprits, la curiosité et la crainte suppléaient au respect qu’ils ne pouvaient pas encore éprouver. Et, halluciné par les appa- rences, le bon frère pensait : — Comme il sera facile de les amener dans le giron du Christ ! Les hommes de Solís se croyaient au beau milieu du paradis : ils fraternisaient – et même plus, si le sexe le permettait – avec les indi- gènes, candides, bienveillants et enchantés La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 139/618 jusqu’à l’extase par quelques verroteries, un béret rouge, de la menue monnaie de deux ma- ravédis, qu’ils considéraient comme autant de trésors, et ils seraient volontiers restés là à ja- mais. Montes, qu’une jeune fille avait pris pour disciple, connaissait déjà quelques mots de la langue qui, à ce que l’on constata ultérieure- ment, était parlée jusqu’à très loin de là. Mais, alors qu’ils s’habituaient aux dou- ceurs de cette vie, au point de ne presque plus être conscients de la chaleur qui les oppressait, le capitaine général, ayant ses cales remplies et ses citernes pleines d’eau fraîche et cristal- line, donna l’ordre de lever l’ancre et, par une journée torride, vers fin décembre 1515, les trois navires sortirent, l’un après l’autre, de la prodigieuse baie. XVI

RÉCITS CRUELS

Fray Buenaventura n’était pas resté à terre durant tout le séjour des navires dans la baie de Rio de Janeiro. En voyant que Solís préférait rester à bord et, après lui avoir demandé si sa présence ne le dérangerait pas, il s’installa à nouveau sur la caravelle portugaise. Leur mu- tuelle inclination avait crû durant le court voyage. Le frère avait déjà toute la confiance du marin, qui voyait en lui un confident, peut- être un conseiller, bienveillant à l’égard de sa bonne fortune. Ayant adopté à bord une se- reine et, parfois, rude gravité, en bon capitaine La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 141/618 soucieux que les familiarités ne sapent ni n’amoindrissent son autorité, et étant séparé de Francisco de Torres qui n’abandonnait pas sa caravelle, fray Buenaventura était le seul interlocuteur dont la conversation lui était agréable. Quand le dominicain n’était pas assis au chevet de Marquina ou d’Alarcón – à nouveau sujets au mal de mer dès qu’ils avaient remis le pied sur le bateau et qui, haïssant l’humanité entière, auraient préféré, sans le lui dire, qu’il les laissât en paix – et quand il ne parcourait pas le navire jusque dans ses recoins les plus sales et les plus pestilentiels afin d’endoctriner l’équipage, il passait de longs moments avec le capitaine général, qui aimait sa conversation et, obéissant à son caractère expansif, faisait de lui le dépositaire de ses pensées. Au bout de quelques jours de navigation – tant les heures à bord sont longues – le dominicain était au courant, dans presque tous leurs détails, de la formidable lutte soutenue par Solís contre La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 142/618 l’ambassadeur du Portugal, d’un côté, et contre les officiers de Séville de l’autre… Le triomphe enivrait le navigateur et il s’attribuait presque tous les mérites de la victoire. La protection décidée de don Ferdinand en raison de l’intérêt qu’il témoignait à son projet, ainsi que l’effi- cace collaboration de l’évêque de Palencia et du secrétaire Lope Conchillos, pas tout à fait désintéressée en fait, étaient pour lui de simples contingences favorables dont son adresse et son intelligence avaient su se servir efficacement. Il était effectivement – comme Vasconcelos l’avait écrit au roi Manuel – « plein de brumes et d’espoirs ». Fray Buenaventura l’écoutait sans le contredire et même encensait ses mérites, car il éprouvait pour lui une grande et candide admiration, et il espérait faire sa conquête à des fins très élevées. Ce missionnaire exceptionnel s’était proposé de mener à bien une grande entreprise librement consentie en embarquant avec Solís : imitant son frère en religion fray Bartolomé de las Ca- sas(64), il voulait mettre tout en œuvre pour La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 143/618 que les Espagnols des Indes traitent les indi- gènes comme des frères inférieurs et non comme des bêtes sauvages(65). Généreuse candeur ! Les hommes de cette époque, aussi barbares entre eux, tant dans leur pays qu’à l’étranger, tant en terre connue qu’en terre à découvrir, y prenant plaisir, détruisaient sans pitié ; se disputant pour des intérêts mesquins, ils n’étaient pas disposés à obéir, même si avec ferveur – comme les Italiens, trois siècles plus tôt écoutaient la parole du pauvre François d’Assise(66) – ils écoutaient la prédication chrétiennement humanitaire du bon domini- cain. Et les discours ardents ou attendris de fray Buenaventura entraient par une oreille de l’équipage de la caravelle portugaise pour res- sortir immédiatement par l’autre même si, pen- dant le trajet, ils auraient pu leur changer les idées et les étonner alors que, en général, ils n’éveillaient que leur esprit railleur. Lui, ce- pendant, espérait convaincre ces aventuriers, croyait leur inculquer la pitié et les préparer à la bonté, en leur dépeignant de façon imagée La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 144/618 les tourments des malheureux Indiens de Cuba et de la Española et la féroce barbarie des conquistadores ou conquérants. — Ce sont des brutes – avait-il l’habitude de dire, lorsqu’il faisait allusion à eux – qui ne semblent pas avoir reçu l’eau du baptême. — Nous sommes entre hommes et on peut parler sans réserves. Eh bien, il y en a qui, comme pour s’amuser, violent des femmes ma- riées, des pucelles et même des fillettes pas encore pubères, leur ouvrant ensuite la panse d’un coup de couteau – comme vous l’enten- dez ! – je suppose en proie à la démence parce que, autrement, je ne m’explique pas une telle horreur… D’autres, également pour s’amuser, parient que, d’un seul coup d’épée, ils vont faire jaillir les entrailles d’un Indien ou le fendre de haut en bas ou lui trancher la tête d’un revers… Que le parieur gagne ou pas, le malheureux Indien se retrouve toujours mort, et bien mort. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 145/618

— Racontars d’ivrognes ! – dit Rodrigo Ro- dríguez. — D’ivrognes ! – s’exclama fray Buenaven- tura – Même sous l’effet de la boisson, les bêtes fauves ne font pas des choses pareilles ! Crois- tu que le vin est une bonne excuse ? — Les fauves n’en boivent pas, mon père. — Tu as raison, mon fils, et l’exemple est mal choisi mais l’intention était bonne… Néan- moins, les fauves, pour tuer, doivent avoir faim La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 146/618 ou se sentir traqués, alors que ce genre d’hommes le font par jeu, péché horrible dont le Seigneur leur demandera des comptes en temps utiles. — Même s’il s’agit d’Indiens ? — Même s’il s’agit d’Indiens, comme tu dis. Les pauvres ! Au fur et à mesure que passaient ces bourreaux, ils étaient moins nombreux… Vous savez bien qu’ils disposent d’armes lé- gères peu offensives ; les guerres qu’ils mènent les uns contre les autres ressemblent plus à des joutes entre enfants avec des bâtons ; eh bien, ces énergumènes – que Dieu me pardonne de parler ainsi de chrétiens même s’ils le sont fort peu – prétextaient de fausses rébellions(67) pour mettre tout à feu et à sang chez eux et se livrer à d’horribles boucheries… — Et vous ne tentiez pas de les en empê- cher, mon père ? — Que pouvions-nous faire, pauvres de nous ! Le grand fray Bartolomé, mon maître et compagnon, et moi, avec moins d’autorité La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 147/618

mais un zèle égal, nous condamnions publi- quement de tels crimes, menaçant les cou- pables de la justice et de la colère de Dieu mais, bah ! c’était prêcher dans le désert ! Le démon revenait les habiter et, lors de leurs crises de folie, ils en arrivaient à arracher les nourrissons des bras de leur mère et, les sai- sissant par un pied, à les fracasser sur les ro- chers. Dieu les punira, dans l’autre vie, et on ne La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 148/618 devrait pas tarder à y mettre ordre ici-bas, car fray Bartolomé a informé notre roi don Ferdi- nand de tout cela(68) et, comme il est un bon chrétien et si puissant, il saura mettre un terme à tant d’atrocités. — N’exagérez-vous pas les choses, mon père, poussé par votre zèle et votre amour des indigènes ? – demanda Rodrigo en ayant une idée derrière la tête. Je connais beaucoup de Castillans qui sont passés par la Española et d’autres îles et je suis sûr que c’étaient de braves gens, incapables de faire du mal à une mouche si ce n’est en cas de légitime défense. — Je n’exagère pas, non : que le soleil leur ait tapé sur le crâne ou que le diable leur ait perdre la tête, toujours est-il qu’ils prennent plaisir aux bains de sang et que l’on dirait que peu leur importe le ciel ou l’enfer… Oh ! Et comme ils savent varier leurs abominables plaisirs ! Ils dressent, par exemple, des po- tences, pas très hautes mais fort larges, et ils pendent les Indiens par séries de treize en di- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 149/618 sant – les blasphémateurs ! – qu’ils le font en l’honneur de notre Sauveur et de ses douze apôtres… Ensuite, ils boutent le feu en-des- sous et, lentement, les brûlent vifs… D’autres les enveloppent de paille bien tassées et liée, des pieds à la tête, comme des saucisses, et ils mettent le feu comme pour Judas, fils de Sari- phée(69)…

D’autres leur coupent les mains et les pendent à leur cou, par dérision… Ceux qui s’échappent vers les montagnes – il y en a La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 150/618 beaucoup et ils ont bien raison de fuir de tels maîtres – on leur donne la chasse comme à des cerfs ou des sangliers, à l’aide de chiens dres- sés et féroces qui les déchirent à belles dents… — Mais notre seigneur le Roi sait-il tout cela ? – demanda le gabier avec un accent étrange, peut-être d’admiration.

— Comme je vous l’ai déjà dit, fray Barto- lomé a porté tout cela et beaucoup d’autres choses à la connaissance de Son Altesse. Cela figure dans un mémorial(70) que mes yeux de pécheurs ont vu et lu. Il y raconte comment, lorsqu’ils veulent détruire un village pour quelque motif que ce soit, loin de là, ils ré- digent un simulacre de ce qu’ils requièrent et, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 151/618 aussitôt, prétendant que les Indiens ne s’y sont pas soumis, ils l’incendiaient et brûlaient dans leurs huttes tous ceux qui s’y trouvaient ; et ils procédaient toujours de nuit afin que per- sonne n’en réchappe. Et ce que l’on voit lors des expéditions ! Les Indiens portent chacun une charge de plus de trente kilos et sont en- chaînés afin qu’ils ne puissent pas la déposer et fuir ; en raison de la fatigue, nombre d’entre eux meurent en chemin, au point que dix sur quatre mille en reviennent… Ne parlons pas des mines !Je connais un officier qui, ayant reçu trois cents Indiens, n’en avait plus que trente au bout de quelques mois ; on lui en donna trois cents autres et, en un clin d’œil, il les avait également épuisés(71). Un certain Alonso Sánchez(72) – fray Bartolomé écrit son nom afin que son opprobre soit public – a ren- contré un jour un groupe de femmes chargées de victuailles ; elles lui en offrirent ; Sánchez les prit comme si c’était un dû. Et que fit-il en- suite ? Eh bien, il leur ôta purement et simple- ment la vie… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 152/618 — Sans autre motif que lui avoir donné à manger ? – s’enquit Montes.

— Lui et d’autres du même acabit qui n’ont pas besoin de motif ni de prétexte, et ils n’y re- gardent pas à deux fois pour tuer du bétail ou du gibier, alors, tant qu’à faire, pourquoi pas des hommes, a fortiori si ce sont des Indiens… Lors des marches forcées – et les marches sont toujours forcées, comme si le temps manquait pour s’enrichir et se condamner – si un Indien tombe d’épuisement, pour qu’il se relève et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 153/618 poursuive sa marche, on lui casse habituelle- ment les dents avec le pommeau d’une épée. C’est pourquoi, et je l’ai déjà dit, ceux qui sont destinés aux mines – ils y meurent comme des mouches – préfèrent souvent se donner la mort plutôt que d’y aller. Et les mères étouffent leurs nourrissons afin que, plus tard, ils ne doivent pas servir de tels maîtres et subir de tels tour- ments(73)… On dit que Dieu aveugle ceux qu’il veut perdre, mais c’est un concept païen, parce que – Dieu veut, au contraire, tous nous sau- ver… C’est le diable qui aveugle les chrétiens dans ces circonstances, parce qu’il veut les perdre, non seulement dans l’autre vie mais en- core dans celle-ci… Car, qu’espèrent-ils en dé- peuplant de la sorte ? Qui va labourer leurs champs et travailler dans leurs mines quand ils auront exterminé les Indiens ? À plus d’une reprise, lors de ces discussions destinées à semer dans l’esprit des décou- vreurs la graine de la mansuétude à l’encontre des Indiens, la langue de fray Buenaventura La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 154/618 dérapa en parlant des franciscains de la Es- pañola, même s’il tentait de la refréner afin de ne pas scandaliser ces âmes de croyants sim- plets, respectant la bure ou la soutane. Mais c’était plus fort lui, une parole de critique ou de réprobation lui échappait toujours même si, par la suite, leur curiosité étant éveillée, les marins l’interrogeant à ce sujet, il s’empres- sait de filer par la tangente, laissant planer les choses, comme s’il n’avait rien dit. Il sortait da- vantage de son mutisme avec Solís, lui révé- lant les raisons de son animosité à l’encontre des missionnaires franciscains qui, en fait, n’était pas personnelle. Ils étaient arrivés à la Española plus ou moins à la même époque que les dominicains mais, ni eux ni leur prélat, fray Antonio de Es- pinal(74), ne dirent un mot pour condamner la conduite des plus cruels conquérants et coloni- sateurs. Ils semblaient estimer que les Indiens, étant idolâtres, étaient des esclaves du démon et, dans cette vie, pouvaient l’être des Espa- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 155/618 gnols qui, même en les tuant, ne changeaient pas leur destin car, pour eux, il n’y avait pas de salut. Ils paraissaient également approuver le concept selon lequel les Indiens étaient des choses, peut-être des êtres irrationnels ou, pire, des suppôts de Satan. — À noter – disait le frère – que le fait d’être des suppôts de Satan suppose que, comme nous, ils ont une âme… Tandis que les franciscains considéraient avec indifférence le sort des Indiens – poursui- vait fray Buenaventura –, ceux de son ordre(75) assuraient la défense de la race persécutée et exterminée, déclaraient que les « partages des terres conquises »(76) étaient contraires à l’es- prit et même à la lettre du christianisme et pré- disaient aux Espagnols leur propre perte car ils détruisaient précisément les instruments de leur bien-être et de leur richesse. — Notre admirable provincial, le père Mon- tesinos(77), en arriva à refuser l’absolution(78) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 156/618 devant le saint tribunal de la pénitence aux chrétiens qui avaient eu des esclaves. Mais sa- vez-vous, capitaine, ce qui s’est passé ?Vous ne pourrez pas le croire ! À l’époque, l’excommunication était le plus grand des châtiments pour le véritable croyant mais, dans ce cas-ci, elle ne servit à rien. Ceux qui étaient excommuniés par les dominicains allèrent simplement se confesser auprès des franciscains, qui leur donnaient l’absolution et la communion. Ce seul souvenir avait le don d’irriter jusqu’au paroxysme fray Buenaventu- ra, qui multipliait ses exclamations, faisant sourire Solís, qui l’écoutait avec un certain étonnement. — À vous entendre – lui dit-il un soir – on penserait que le diable est franciscain. — Oh ! – s’exclama le frère. Si le Malin se déguise un jour en prêtre, je suis sûr qu’il se sentira fort à l’aise dans les habits de cet ordre. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 157/618 — Cependant, le grand Saint François d’As- sise… — Malheureusement – l’interrompit fray Buenaventura – tous les enfants ne res- semblent pas à leurs parents ! Une autre fois que le dominicain parlait des Indiens à l’équipage, ce fut Rodrigo qui l’inter- rompit – depuis quelques soirs, cela le déman- geait de lui tirer les vers du nez – avec l’ex abrupto suivant :

— J’ai un doute et je voudrais, mon père, que vous le dissipiez, si possible. Le brave chapelain rangea l’homélie(79) qu’il pensait prononcer et dit : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 158/618 — Parle, parle. Si c’est possible, je le dissi- perai. — Eh bien, en parlant des indiens, mon père, vous faites toujours comme s’il s’agissait d’hommes – commença Rodrigo – et je vou- drais que vous me disiez ce qu’il en est car, de l’avis de beaucoup, et pas des moindres ni des plus ignorants, ils sont en réalité un peu moins que des bêtes irrationnelles. Si ces der- niers avaient raison, mon père, le fait de les persécuter et de les tuer ne pourrait être qu’au- tant de péchés véniels que l’on efface simple- ment en se signant avec de l’eau bénite… — Ce sont des péchés mortels ! – s’exclama le frère. Le fait de tuer les Indiens, qui sont des hommes, des créatures de Dieu, constitue un péché mortel(80) et des plus graves à ce qu’a déclaré abondamment notre très Saint Père le Pape !… Et ce serait un péché, même s’ils étaient des bêtes, parce que c’en est un de tourmenter n’importe quel être vivant par simple cruauté en étant sans cœur. Cela ne fi- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 159/618 gure pas dans le Décalogue, mais cela n’em- pêche ; le Seigneur a ordonné qu’on laisse en paix le bœuf et l’âne, c’est-à-dire, que l’on soit doux et bienveillant envers eux, et beaucoup plus envers les Indiens… – Et fray Buenaven- tura, considérant que l’intérêt est l’un des mo- biles les plus puissants de l’homme, insista sur la raison matérielle, déjà exposée en d’autres circonstances :— Par ailleurs, les bouchers sans âme qui les exterminent ne comprennent- ils pas – ne fût-ce qu’en prenant en compte les intérêts terrestres, sans se préoccuper du ciel ni de l’enfer – qu’un Indien vivant et en bonne santé travaille plus et produit plus qu’un indien mutilé ou mort ?… Même si la vie humaine valait bien peu ou rien aux yeux de ces hommes, qui la risquaient à tout moment sans sourciller, les paroles ar- dentes de fray Buenaventura, à la tombée de la nuit, accompagnée par le ressac incessant de la mer, les crissements du navire, la lueur mo- ribonde de la lanterne et les ombres que le tan- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 160/618 gage faisait danser autour d’eux, leur causaient une profonde impression. À bord et sous l’em- prise d’une influence si salutaire, horrifiés, ils se juraient en cet instant de ne pas imiter leurs prédécesseurs et compagnons ; une fois sur la terre ferme, à la lumière du jour et en ayant les Indiens à leur merci, il pouvait en être autre- ment… — Quelle barbarie ! – ajoutait fray Buena- ventura. Je ne vous ai pas encore raconté, me semble-t-il, le crime de ce Castillan qui a arra- ché un petit enfant des bras de sa mère pour le donner en pâture à sa meute affamée(81)… — Ni celui d’un autre qui ayant, un soir, perdu son poignard dans un marais qu’il tra- versait avec ses esclaves, prit un autre enfant à sa mère et lui enfonça toute la tête sous l’eau, afin qu’il indique où il faudrait chercher à la lu- mière du jour… De tels bourreaux finissent par rendre odieuse notre sainte religion, et Dieu ne peut pas leur pardonner un si grand péché… Et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 161/618 fray Bartolomé lui-même témoigne d’un évé- nement où ils l’ont fait prendre en horreur. Pressentant un récit, tous se re- dressèrent ou avancèrent la tête afin de mieux entendre, et fray Buenaventura le raconta, au milieu d’un silence que l’on peut qualifier de « religieux » : — Vous devez savoir que le cacique Ha- tuey(82) est passé de la Española à Cuba, fuyant les chrétiens. À peine y apprit-il que certains allaient arriver derrière lui, il réunit les Indiens et leur dit :« Vous savez que les chrétiens viennent par ici et vous avez entendu des exemples de ce qui est arrivé à nombre des nôtres… Ces gens d’Haïti (qui est la Es- pañola) viennent faire la même chose à Cuba. Savez-vous pourquoi ? Non seulement parce qu’ils sont cruels et mauvais de nature, mais aussi parce qu’ils ont un dieu qu’ils adorent et aiment beaucoup, et ils nous assujettissent et nous tuent afin que nous le cherchions ». Ha- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 162/618 tuey avait à côté de lui un panier rempli de bi- joux en or et il ajouta en les montrant :« Voi- ci le dieu des chrétiens. Célébrons en son hon- neur des areitos (qui sont des danses et céré- monies) et peut-être ordonnera-t-il aux siens de ne pas nous faire de mal ». Ils dansèrent de- vant les bijoux jusqu’à tomber épuisés et le ca- cique Hatuey leur dit alors :« Tout bien consi- déré, si nous gardons ce dieu, ils finiront par nous tuer afin de nous le prendre. Il vaut mieux que nous l’ensevelissions dans la rivière ». Ils jetèrent l’or dans l’eau et Hatuey erra jusqu’à ce que les Espagnols s’emparent par surprise de lui et des siens(83) et résolurent de le brûler vif. Hatuey était attaché à un poteau et un frère franciscain lui parlait de Dieu et de notre foi, que l’Indien ne connaissait pas, l’exhortant à y croire s’il voulait aller au ciel, où régnaient une gloire un bonheur éternels ; dans le cas contraire, il souffrirait perpétuellement dans les enfers. Hatuey, qui l’écoutait en silence, fi- nit par lui demander :« Les chrétiens vont-ils au ciel ? »— Sans aucun doute ! – répondit le La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 163/618 frère. — Eh bien, je préfère aller aux enfers ! – s’exclama le cacique – afin de ne pas être où ils se trouvent et afin de ne pas revoir des hommes si cruels. L’enfer ne peut pas être pire que le ciel, s’ils y sont(84). »

— C’est ainsi que ces faux chrétiens, dans leur aveuglement, contribuent à faire croire que nous sommes des idolâtres, des adorateurs du veau d’or, et ils écartent de Dieu nombre d’âmes qui se condamnent et dont ils seront responsables au jour du jugement dernier !… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 164/618 Lorsque fray Buenaventura eut conclu avec sa péroraison, beaucoup s’étaient déjà retirés pour dormir. Le chapelain n’avait plus pour au- diteurs que : Rodrigo qui avait suscité son dis- cours ; Núñez qui, bâillant, faisait des signes de croix sur son immense bouche ouverte ; et Pa- quillo, que tenait éveillé tout écho, tout ce qui avait la saveur, la couleur ou l’odeur de l’aven- ture. — Toi, au moins, gamin – lui dit le frère – tu suivras la bonne doctrine et tu traiteras ces malheureux comme s’ils étaient tes frères… J’attends cela de toi. — Je vous le promets, mon père, si c’est possible – répondit Paquillo. Je ne leur voudrai pas de mal, tant qu’ils ne m’en feront pas… Et s’ils m’en faisaient, je ne leur en ferais pas non plus… tant que cela me serait possible… Fray Buenaventura rit de la candeur et de la franchise du jeune garçon, même si ses propos n’étaient pas conformes avec ce que le Christ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 165/618 nous enseigne ; lui mettant la main sur la tête avec une expression paternelle, il ajouta grave- ment : — Cela ne suffit pas, ce n’est pas suffisant, mon garçon. Dieu ordonne que nous pardon- nions à nos ennemis. — Eh bien, pour le moment, ils sont par- donnés ! – conclut Paquillo en courant vers son hamac. XVII

LA VISION DE LA MER D’EAU DOUCE

Les caravelles poursuivirent leur voyage avec du beau temps, en longeant la côte, basse, puis parfois plus haute, et qui s’étendait du Nord-est au Sud-ouest. L’équipage était beaucoup plus animé que d’ordinaire, pressen- tant Ia fin du voyage, et Paquillo bondissait de joie en pensant qu’il allait commencer vrai- ment sa vie d’aventures et se rapprocher du but de ses aspirations ingénues. Ce qui contri- bua à l’allégresse générale, ce fut la célébration de la fête de Noël, avec les éléments dont on La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 167/618 pouvait disposer, en l’occurrence : danser seulement entre hommes ; se souvenir du foyer lointain pour ceux qui en avaient un ; pour les autres, se rappeler des fêtes de leur village ; chanter en chœur des villanelles, fray Buena- ventura terminant en récitant, marquant les césures, la vieille cántiga de Villasandino.

Généreuse, très belle immaculée sainte Vierge, vertueuse, puissante, dont Lucifer a peur ; si grande fut ton humilité que toute la Trinité en toi est inclue et se chante. C’est dans ton placenta que tu as ressenti le premier plaisir, dame, quand le vrai messager t’a saluée et que tu lui as répondu. Tu as porté dans ton sein virginal le Père Céleste, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 168/618 à qui tu as donné naissance sans douleur.

Mais il dut soudain s’interrompre. Des cris et des injures attirèrent l’attention de tous. Il venait de se produire une des altercations cou- tumières entre Pedro Núñez et Santiago Cor- zuelo qui, malgré les éternelles tensions entre eux, ne parvenaient jamais à se séparer, comme un ménage de râleurs qui ne laisse pas passer de jour sans querelle afin d’avoir ensuite le plaisir de conclure la paix. Entre menaces et insultes, ils se disputaient, cette fois, à propos d’un couteau pliant en corne que Núñez avait dérobé à Corzuelo et qui ne réap- paraissait pas ni ne rentrait en possession de son légitime propriétaire. Habitués à ces bour- rasques, où cela tonnait beaucoup sans qu’il y eut de retombées, les marins entourèrent les adversaires, les excitant et riant aux éclats de la saynète qu’ils leur offraient pour clôturer la fête. Mais la dispute se révéla plus grave que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 169/618 d’habitude parce que l’enjeu était ce précieux couteau. Ils se traitèrent de voleur et d’effron- té, de truand, de mauvais ami et de traître, pires que des femmes se crêpant le chignon, et ils en seraient sûrement venus aux mains si une bonne âme, caritative et bien inspirée, n’avait averti le capitaine, qui arrivait en cou- rant. Les champions disparurent, encore es- soufflés de s’être égosillés, et la veillée de Noël prit fin sur cet incident, mais il n’en était pas de même du litige relatif au couteau… Le lendemain, 25 décembre, les caravelles passèrent en face d’un cap que Solís baptisa de Navidad (de Noël), et dont on ne connaît pas la localisation avec certitude, car il peut s’agir tant de la pointe de la Isla Grande, actuelle- ment appelée Acaya, que du pic de Paraty, à quelque trente lieues de Río de Janeiro. Le vent intermittent, qui soufflait depuis les terres, tendait à les éloigner de la côte mais, en trois cinglages, ils aperçurent un port naturel, formé par l’embouchure d’un petit cours d’eau, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 170/618

que le capitaine général baptisa des Saints In- nocents, pour commémorer la fête du jour, le 28 décembre. Ils mouillèrent et restèrent quelque temps là, parce que le vent, faible, ne les favorisait pas. Mais, dès qu’un vent à nou- veau favorable se mit à souffler, ils reprirent leur navigation le long de la côte ; quelques trente-cinq lieues plus loin, ils aperçurent le cap de la Cananéia, qu’ils appelèrent ainsi en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 171/618 l’honneur de l’Épiphanie, et, avançant en di- rection du sud-ouest, ils découvrirent l’île de la Plata, connue aujourd’hui sous le nom de San Francisco, à vingt-sept lieues plus ou moins de la Cananéia. De là, ils allèrent mouiller en face d’une terre à laquelle, plus tard, on a donné le nom de Baie des Perdus (ou de Paranaguá) et, de là, tout en continuant toujours à longer la côte, ils passèrent en vue d’une île très vaste et belle, celle de Santa Catalina, couverte de hautes forêts dont, çà et là, émergeaient les panaches élégants de grands groupes de pal- miers. Ils doublèrent ensuite le cap de las Cor- rientes, appelé maintenant de Santa Marta Grande, à quelque vingt-cinq lieues de Santa Catalina et, sans trop s’écarter de la côte, pour- suivirent jusqu’à ce qu’ils aperçurent San Do- mingo de las Torres et, après plusieurs longues journées, aussi tranquilles que les précédentes, la rivière Chuy et los Castillos. — Ce voyage était visiblement bénit de Dieu ! – disait fray Buenaventura. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 172/618

Peu après, ils doublaient le cap de Santa María et, ayant en vue l’île de San Sebastián de Cádiz – aujourd’hui de Lobos (… de mer) –, ils pénétraient dans un port que l’on appela de Nuestra Señora de la Candelaria – Maldona- do – le 20 février 1516, cent trente-cinq jours après avoir quitté Lepe. Bien heureux, ils tou- chaient au but, sans le plus léger contretemps, au terme d’un voyage extrêmement rapide pour l’époque et ces latitudes, comme guidés par la main de la Fortune elle-même, attei- gnant les terres et les eaux que cherchait le grand Juan Diaz de Solís, perspicace décou- vreur de trésors. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 173/618 Les ancres jetées, le capitaine général or- donna que l’équipage des trois caravelles s’arme de la tête aux pieds, comme pour les grandes solennités ou comme s’il devait livrer bataille, et il prit d’autres dispositions, prépa- rant ce qu’il envisageait de faire. L’un de ses ordres consista à arracher de leur lit de douleur les malheureux Alarcón et Marquina, qui y étaient retournés, redevenus des épaves hu- maines depuis qu’ils avaient quitté Río de Ja- neiro. Mais en apprenant qu’on les secouait sur leur lieu de tourment pour qu’ils se rendent à terre, ils recouvrèrent dans la mesure du pos- sible leur courage – pas très grand, étant donné leur faiblesse –, comme si on les invitait à pas- ser de l’enfer au ciel. Les trois navires, immobiles, caressés par les eaux inoffensives, parurent solitaires et abandonnés pendant que les marins s’apprê- taient dans l’entrepont. Quelques instants plus tard, ils commencèrent à apparaître, équipés et martiaux, harnachés comme ils l’étaient, grâce La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 174/618 aux soixante corselets que, avec leur armure de tête, le Roi Ferdinand avait « prêtés » à Solís. Quand tout le monde fut prêt, les canots furent mis à l’eau et Solís embarqua sur le sien avec Marquina, Alarcón, fray Buenaventura et quelques rameurs choisis. Francisco de Torres fit de même avec le quartier-maître Diego García et d’autres officiers ; et Juan de Lisboa le suivit avec ceux de l’autre caravelle latine, à l’exception du cambusier Martín García, qui venait de se sentir tellement malade qu’il dut rester à bord. Les hommes indispensables à leur sécurité montaient la garde sur les navires et, sur la caravelle portugaise, les servants des deux bombardes. Ceux qui descendaient à terre portaient, outre leurs armes habituelles, des haches d’abordage ou des pioches et, l’un d’eux, une grande croix fabriquée à partir de deux petits mâts de réserve. Dès que les proues des canots touchèrent le sable du rivage, les hommes sautèrent à terre et allèrent se mettre en rang près du capitaine La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 175/618 général, qui avait déjà à côté de lui : fray Bue- naventura, en vêtement liturgique ; Alarcón et Marquina, une épée de cérémonie à la ceinture mais jaunes et les jambes flageolantes ; et, der- rière eux : Francisco de Torres, Juan de Lisboa et Diego García de Moguer. L’enseigne Mel- chor Ramírez s’était placé à la tête des « gens qui avaient débarqué », en somme, quasi la to- talité de l’équipage. Les marins faisaient face à la mer, les chefs face à la terre et tous gardaient un silence re- ligieux quand Juan Díaz de Solís avança d’un pas, dégaina son épée, la brandit dans le soleil et coupa une branche de l’arbre qu’il avait à sa droite. Il donna un ordre bref, répété par l’en- seigne, et ceux qui portaient une hache d’abor- dage imitèrent aussitôt l’action du capitaine général, abattant des branches d’autres arbres, tandis que ceux qui portaient des pioches com- mençaient à creuser une large tranchée et, avec la terre extraite, élevaient un simulacre de muraille. D’autres, entretemps, pratiquèrent La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 176/618 deux trous dans cette terre que les outils la- bouraient pour la première fois et, dans l’un d’eux, ils plantèrent l’arbre de la justice ; l’autre était destiné à la croix.

— À vous, s’il vous plaît, mon père ! – dit Solís à fray Buenaventura, lui faisant un signe avec son épée. Des trompettes sonnèrent, les bombardes tonnèrent depuis le bord. Juan Díaz de Solís mit le genou en terre, ainsi que les autres ; et le dominicain, aidé par deux marins, planta la croix dans le second trou et bénit du même large geste la nouvelle terre et ses conquérants La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 177/618 qui courbaient humblement la tête devant le symbole chrétien : — In nomine Patris, et Filii et Spiritus Sanc- tus ! — Amen ! – répondirent-ils tous d’une seule voix. Solís leva l’étendard de Castille de la main gauche et, brandissant de la droite, son épée nue autour de lui, il cria à trois reprises : — Cette terre est pour le Roi d’Espagne ! Une acclamation vibra dans les airs et irra- dia dans l’immense solitude. Se remettant debout d’un bond, arborant leurs armes et les brandissant au-dessus de leur casque en acier, les rudes marins, enthou- siastes, répétèrent leurs vivats jusqu’à ce que, sur une injonction du capitaine général, ils re- devinrent silencieux, tout en étant encore pal- pitants. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 178/618 Solís s’assit sur le tronc d’un arbre abattu ; son état-major l’entoura ; la troupe rectifia sa formation. Sur un signe de l’enseigne, les ma- rins Pedro Núñez et Santiago Corzuelo sor- tirent des rangs et avancèrent de trois ou quatre pas vers le capitaine général qui, pour la première fois sur ces terres, allait exercer la plus importante de ses fonctions, en rendant la justice(85). Invité à exposer ses doléances, Santiago Corzuelo accusa Pedro Núñez de lui avoir dé- robé un couteau qui lui était très utile et auquel il tenait beaucoup ; il exigeait la restitution de l’objet et le châtiment du coupable. Pedro Núñez, s’exprimant à son tour, se défendit en alléguant que, s’il avait pris le couteau, c’était en raison de l’amitié qui, jusqu’alors, le liait à Corzuelo, sans la moindre intention criminelle et avec celle, ferme, de le lui rendre dès qu’il eut élagué un cordage qui s’effilochait. Malheu- reusement pour lui, le couteau, lui échappant des mains, tomba à la mer, où il était impos- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 179/618 sible de le récupérer. Corzuelo insista sur le fait que la perte de l’objet lui causait un grand pré- judice et sur le fait que Núñez, en étant res- ponsable pour l’avoir pris en cachette et sans le consentement de son propriétaire, lui en l’oc- currence, devait le lui rendre et, en cas d’empê- chement, le lui rembourser avec des intérêts, étant donné ce que cela coûterait de le rempla- cer, montant fixé par la justice. Les ayant en- tendus et n’estimant pas nécessaire de faire ap- pel à des témoins, Juan Díaz de Solís rendit au nom de Son Altesse le Roi d’Espagne, don Fer- dinand le Catholique, la sentence suivante : — Pedro Núñez restituera à Santiago Cor- zuelo le couteau qu’il lui a pris contre sa vo- lonté et, à défaut, quelles que soient les rai- sons, qu’elles soient de force majeure ou pas, il lui paiera la somme nécessaire afin qu’il en acquière un autre, parmi les meilleurs destinés au troc, en bonne monnaie sonnante et tré- buchante, étant exempté des dépens s’il n’y a plus préjudice. C’est le jugement du Roi ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 180/618 Les parties adverses, dûment rappelées à l’ordre au préalable, comme s’en était douté l’équipage, s’estimèrent satisfaites. Le réparti- teur Alarcón, déroulant alors un grand docu- ment qu’il tenait à la main, s’avança au milieu de l’assemblée ; de sa voix, faible et sans in- flexions, il lut l’acte dans lequel était stipulée la localisation exacte de cette terre et la si so- lennelle prise de possession au nom du Roi, de cette « province en tout et en partie », conformé- ment aux instructions de Son Altesse. Le tronc, sur lequel s’était assis Solís pour administrer la justice, servit de bureau à Alarcón, exténué, qui mit l’acte le plus possible à plat et, plaçant tout près l’encrier en corne, il présenta la plume d’abord au capitaine géné- ral, comme c’est de rigueur et, successivement, aux autres afin que tous le signent comme té- moins. La majorité, sans exclure le quartier- maître Diego García, se borna à apposer une croix, à côté de laquelle le répartiteur écrivit le nom de chacun. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 181/618 La cérémonie était terminée. Les marins rompirent les rangs. Solís donna l’ordre qu’on leur distribuât une double ration de vin en l’honneur de l’événement et, entouré par Fran- cisco de Torres, Juan de Lisboa, fray Buena- ventura et Diego García, il se mit à marcher lentement, comme s’il se promenait, entre les broussailles et les arbres bas de cette côte qui, à partir de ce jour-là, appartenait désormais légitimement au Roi Ferdinand et à la cou- ronne d’Espagne avec les terres qui la prolon- geaient. Rodrigo Rodríguez et Paco del Puerto leur frayaient un passage, abattant avec leurs haches d’abordage les branches et les buissons lorsqu’ils l’obstruaient, traçant une sorte de sentier tortueux, nouveau mais effaçable signe de la prise de possession. La chaleur était étouffante mais, une fois au sommet d’une col- line pas très haute qu’ils avaient à leur gauche, ils furent rafraîchis par la brise marine qui leur caressa le visage. Ils s’assirent pour la respirer à proximité d’un bosquet, qui les abritait du soleil grâce à sa frondaison verte, légèrement La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 182/618 agitée alors par l’air ; les vents soufflant des pampas et ceux du sud-est devaient s’y en don- ner à cœur joie et le décoiffer très souvent, à en juger par les branches tordues et les troncs inclinés. Du haut de la colline, ils voyaient à leurs pieds le port de Nuestra Señora de la Candela- ria entre les deux pointes, de l’Est et de la Bal- lena, et les îles qui l’abritent et le défendent des vents de mer extérieurs. Et c’est de là, d’après ce que racontent à l’unisson les chroniqueurs de l’époque et nombre d’historiens ultérieurs, que, ce mémorable soir, ils contemplèrent ce que, ensuite, plus aucun œil humain n’a revu, à partir de ce même endroit. Mirage, vision pro- phétique, suggestion de Solís qui connaissait les parages ?… Qui sait et qu’importe ?… Le fait est que, au-delà, à leur gauche, ils virent la mer immense et verte qu’ils venaient de sillon- ner, vaste et calme, mais, à leur droite, comme les appelant, une autre immense mer, brune, majestueuse et tranquille. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 183/618 — Ma mer ! – pensa le grand marin. Et dans son dos, sommeillait comme une autre mer, la troisième, l’étendue couverte de bouquets d’arbres et d’herbe, que le soleil avait rendue dorée et empourprée, avec la silhouette du Pain de Sucre au lointain, et parsemée de petites collines allongées et sinueuses, traver- sées par des cours d’eau dont la verdeur de la végétation, plus fraîche et plus intense, ré- vélait le passage. Pas une seule silhouette hu- maine n’ôtait à ce moment la solennité à ce paysage grandiose qu’animaient uniquement la brise berçant les hautes herbes, les rapaces dé- crivant des cercles dans le ciel ou le déchirant comme une flèche, l’un ou l’autre petit oiseau chantant dans les branches, un plus gros gi- bier, signe de vie dans les terrains incultes et broussailleux. Le soleil déclinait et les nuages entamaient un merveilleux ballet fantasmago- rique aux formes fugaces et aux couleurs chan- geantes. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 184/618 — Quel beau ciel, quel beau sol ! – s’excla- ma fray Buenaventura – Si l’un me donne l’im- pression d’être en Andalousie, l’autre n’attend que l’homme pour se transformer en un verger. — Et l’homme viendra, il est déjà arrivé, mon père, avec l’aide de Dieu – dit Solís –. Mais vous devez admirer des choses encore meilleures et plus fertiles. — Dommage qu’il n’y ait pas ici quelques Indiens afin de voir quelle physionomie ils ont – soupira le dominicain. — Il y en a mais nous ne les voyons pas, parce qu’ils sont sûrement dissimulés dans l’épaisseur des fourrés et ils ne nous perdent pas de vue depuis qu’ils ont remarqué les cara- velles. — Doit-on les craindre ? — Pour le moment, ils se méfient de nous, évitant le contact – dit Torres. Par ailleurs, vous n’auriez pas le temps de les endoctriner, mon père, parce que vous ne connaissez pas La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 185/618 leur langue, que le vent du sud-ouest com- mence à rafraîchir l’atmosphère et, qu’à toutes fins utiles, il vaut mieux s’empresser de rega- gner les navires, ce qui ne vous laissera pas le temps de l’apprendre. — C’est aussi mon avis – renchérit Solís. Pendant qu’ils redescendaient, empruntant le sentier improvisé, le capitaine général en- tendit que Rodríguez, en montrant la mer brune qu’ils croyaient voir d’en haut ou qu’ils voyaient réellement, informait Paquillo d’un ton magistral : — Cette mer sombre que tu vois à ta droite est le passage que nous cherchons vers l’autre mer qu’a vue Vasco Núñez de Balboa. Solís sourit et, ne voulant pas répliquer di- rectement à son domestique, il se plaça en face de fray Buenaventura et lui dit à bien haute voix : — Admirez, mon père, une des plus grandes merveilles de Dieu dans ces terres. Les La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 186/618 eaux que vous voyez, de couleur moins bleue et beaucoup plus trouble que celle des eaux profondes, n’est pas un bras de mer, comme on dirait, étant donné que l’on n’en voit pas la fin même aux confins de l’horizon. Regardez là, où les couleurs se mélangent et se confondent dans un étroit espace aux teintes irrégulières. C’est là même que viennent mourir les eaux saumâtres de l’Océan et que commencent les eaux douces de l’autre mer inconnue… — Une mer d’eau douce ! ô prodige ! – s’ex- clama le frère admiratif, alors que Rodrigo et le mousse étaient bouche bée. — Oui – poursuivit Solís – Une mer d’eau douce, comme vous venez de le dire. Mer par son incomparable grandeur, douce en raison de la douceur de ses eaux. Ce n’est pas une mer mais bien un fleuve, un fleuve qui, par sa lar- geur que rien n’interrompt, est le plus prodi- gieux qu’aient vu, jusqu’ici, des yeux humains. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 187/618 Le frère leva les bras au ciel et resta un ins- tant comme en pâmoison. — C’est un fleuve ! – finit-il par s’exclamer – Qu’en est-il alors du Guadalquivir, du Tage et de l’Èbre, dont nous étions si fiers ?… — Ceux-là et d’autres d’Europe, les plus grands, ne sont que de simples petits cours d’eau à côté de celui-ci, que nous ne tarderons pas à remonter, mon père… Sur ses rives, nous trouverons les choses matérielles pour les- quelles nous sommes venus et, vous, de nom- breux infidèles idolâtres à arracher au dé- mon… Et il se peut que, vaille que vaille, en amont et avec l’aide de Dieu, nous arrivions où j’espère… — Allons-y le plus tôt possible ! – s’exclama le frère en se mettant à marcher beaucoup plus vite, comme si les Indiens l’attendaient à quelques pas – Bénit soit Dieu qui m’a permis de voir tant de grandeur ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 188/618 Et il continua à redescendre le sentier sans quitter des yeux l’extraordinaire fleuve qui, sans berges, allait, au loin, rejoindre le ciel. — Donc ce n’est qu’un fleuve ! – dit d’une voix insipide Rodríguez, qui était resté en ar- rière. — L’aurais-tu voulu plus petit ? – demanda le mousse d’un ton moqueur. — Pour être grand, il est grand, je ne le nie pas – répliqua Rodrigo. – Mais c’est de l’eau douce et je préférerais un bras de mer, même s’il ne fait que deux doigts de large… — Mais, pourquoi ? – demanda le jeune garçon, surpris. — Ne comprends-tu pas, sot, qu’un fleuve ne nous mènera nulle part mais qu’un détroit, fût-il celui de Gibraltar, pourrait nous donner l’accès à une autre mer, qui a sur ses rivages autant d’or que de perles et des richesses de toutes sortes ? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 189/618 — Peut-être un fleuve peut-il nous en rap- porter également ? Et qui nous dit que, sur ces terres, il n’y pas autant et plus de ce que tu dis ? – objecta avec bon sens le jeune garçon. Une fois à bord, Solís se convainquit que les navires ne couraient aucun danger dans le port de Nuestra Señora de la Candelaria, et il diffé- ra le départ jusqu’au lendemain matin. Avec la double ration de vin et un supplément au re- pas habituel, l’équipage fit un festin et passa une agréable veillée. Mais, au petit matin, les caravelles levèrent l’ancre, l’une après l’autre, se mettant lentement en route, avec peu de voilure, ne perdant pas de vue les dunes de la côte et une butte isolée et conique peu éle- vée, ainsi que plusieurs plis de terrain, plus éle- vés que le reste, auxquels on devait plus tard donner le nom de Cuchillas de las Animas ou de Cuchilla Grande. Entre les rochers escar- pés et les terrains incultes et broussailleux de la rive, on voyait des gens qui se glissaient comme pour observer les navires. Des groupes La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 190/618 de huttes misérables se dressaient çà et là mais cela ne méritait pas d’être appelé un village, et il en sortait des hommes et des femmes, faisant de grands gestes, qui semblaient leur offrir di- verses choses, les invitant à débarquer. Ils at- teignirent alors l’embouchure du cours d’eau appelé aujourd’hui de Santa Lucía(86) et Solís, pensant qu’elle pouvait offrir un bon abri, en- voya le canot avec une ligne de sonde et il sut ainsi qu’il avait effectivement un lit profond et large, propice à un mouillage. À la faveur de la marée, les navires fran- chirent la barre, la caravelle aux voiles latines de Rodrigo Alvarez de Cartaya(87), qui était la plus petite, ouvrant la marche, suivie par celle de Torres et, en dernière position, la caravelle portugaise. Ils jetèrent l’ancre et Solís débar- qua – c’était obligé – flanqué de ses insépa- rables Alarcón et Marquina, pour qui chaque escale devenait comme une résurrection. Le site était accueillant, la viande d’ani- maux sauvages abondante, suffisant à elle La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 191/618 seule pour assurer le ravitaillement de l’équi- page, et Solís décida d’y faire halte afin de véri- fier et caréner ses navires, qui en avaient bien besoin après une si longue navigation. Des mil- liers de canards et d’autres oiseaux aquatiques peuplaient le fleuve et, à la tombée de la nuit, ils étaient si prodigieusement nombreux qu’ils formaient, d’une rive à l’autre, un tapis vivant de plumes. — Ce fleuve ne charrie pas de l’eau mais des canards – fit observer, un soir, Rodrigo Ro- dríguez, qui, ce faisant, devint son parrain en le baptisant car, à partir de ce moment-là, tous l’appelèrent le fleuve des canards. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 192/618 La présence de l’homme ne leur faisait pas peur et ils ne la fuyaient pas, sans doute parce que les Indiens, préférant sans doute la chasse au plus gros gibier, passaient peu ou pas du tout dans ces parages où il était rare. Les hommes de Solís en tuèrent, autant qu’ils vou- laient, soit à l’arbalète, soit à coups de bâtons et de pierres, rarement à l’aide d’une arque- buse afin d’économiser la poudre. Un jour, bien qu’il continuât à être malade, le cambusier Martín García inspecta les soutes des caravelles afin de procéder à l’inventaire des vivres encore disponibles et, en fin d’après- midi, Solís le voyant approcher, pâle et trem- blant, lui dit : — Mets-toi au lit, Martín, tu as très mau- vaise mine. — Il ne s’agit pas de cela, monsieur ! – bal- butia le cambusier – Il m’est difficile de l’an- noncer mais le devoir me l’ordonne !… Au- jourd’hui, en ouvrant une barrique de salai- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 193/618 sons, j’en ai trouvé le contenu entièrement pourri… — J’étais déjà étonné – s’exclama Solís – qu’il n’y avait pas encore eu de plainte à pro- pos de ce qu’ont fait embarquer ces messieurs de Séville. Bah ! Le dommage n’est pas si grand… Fais jeter la barrique à l’eau et ouvre- en une autre. — C’est ce que je viens de faire monsieur. Mais c’est le cas pour la deuxième et la troi- sième barriques qui se sont révélées en aussi mauvais état que la première, si pas pire… Nous risquons de nous retrouver sans vivres… Les brouillards, les grandes chaleurs, le suinte- ment ont dû humidifier la viande… — Mais, est-ce que tout est pourri ? — Tout, oui, monsieur – répondit avec re- gret le cambusier. La viande nage au sein des barriques dans un liquide épais, noir et fétide ; même les chiens n’en voudraient pas. — Quelle poisse ! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 194/618 — Ce n’est pas ma faute, monsieur !… — Je le sais bien. Mais, est-ce le cas sur les trois navires ? — Sur les trois navires, oui monsieur. La colère du capitaine général avait été croissant : il trépignait, il jurait et lançait des imprécations à l’encontre des officiers de la Casa de Contratación, qui ne seraient jamais assez maudits, coupables de ce grave manque- ment qui, en haute mer, aurait pu être catas- trophique. Comment leur pardonner que des salaisons, préparées pour durer deux ans au moins soient avariées, sans cause connue, quelques mois après avoir quitté l’Espagne ? N’était-ce pas un acte de criminelle mal- veillance ? L’accès de colère de Solís fut tellement violent qu’aucun des témoins de la scène n’osa s’approcher ; tous, néanmoins, comprirent la gravité de ce qui le mettait dans une si grande fureur et ils ne furent pas peu surpris en voyant La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 195/618 que le fougueux capitaine se calmait aussi sou- dainement qu’il s’était irrité, ceux qui méri- taient sa colère étant loin… — Allons évaluer les dégâts – dit-il à Martín García. Il ne restait, effectivement, qu’une seule barrique de viande que l’on pouvait consom- mer. — Fais jeter à l’eau toute cette pourriture, mais garde les barriques – ordonna Solís –. Elles vont nous servir car ces terrains brous- sailleux ne doivent pas manquer de gibier ; nous en salerons et sécherons la viande. Un pied-de-nez pour ces messieurs de la Casa ! Tranquillisé comme lui, l’équipage, ayant instantanément été mis au courant, passa cet après-midi-là et le matin suivant à pêcher, voire à retirer de l’eau à mains nues les pois- sons qui affluèrent par bancs pour participer au banquet somptueux qu’on leur offrait. Les chefs et les officiers, que Solís convia pour la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 196/618 forme à un conseil, se montrèrent tout aussi tranquilles : Dieu et ces terres allaient pour- voir… — Dès que je reviendrai de la rade que je pense examiner de plus près ces jours-ci, nous veillerons à réparer le préjudice et nous aurons davantage et de meilleurs vivres qu’avant – dit le capitaine général, considérant déjà terminée la réunion. Et la très désagréable aventure pas- sa au second plan, comme une chose de peu d’importance… Un mois durant, résonnèrent dans cette magnifique solitude les coups de marteaux des charpentiers et des calfats, les cris et les chants des marins, que se délassaient sur la rive, les appels ou cris de triomphe des chasseurs lorsque, très exceptionnellement, ils décou- vraient ou ramenaient une pièce de gros gi- bier : avoir tué un daim ou un cerf élaphe était célébré comme un acte glorieux et relevait l’humble pitance du bord, se muant en table seigneuriale. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 197/618 De temps à autres seulement, parmi les broussailles, à l’aube ou au crépuscule, dans les environs immédiats du débarcadère impro- visé ou un peu plus loin, sous les arbres, on ob- servait des mouvements insolites, des glisse- ments d’animaux intimidés, se disposant à fuir mais, lorsque les chasseurs accouraient à toute vitesse, ils ne trouvaient rien, ne découvraient rien : pas une trace, pas la moindre empreinte, rien si ce n’est quelques tiges brisées et, alen- tour, les feuilles des plantes basses débarras- sées de la poussière qui les couvrait habituelle- ment… XVIII

LA PREMIÈRE TOMBE

— Comment pensez-vous appeler cela, que l’on pourrait bien nommer mer d’eau douce, comme on a déjà commencé à le faire ? – de- manda fray Buenaventura à Solís pendant que la caravelle aux voiles latines de Rodrigo Alva- rez de Cartaya, sur laquelle ils avaient embar- qué, longeait lentement les escarpements de San Gregorio, en remontant le grand fleuve. Ils naviguaient à un peu plus d’une lieue du port de los Patos, où étaient restés les deux plus grands navires. Souhaitant être le premier, si pas le seul, à reconnaître ces parages, le ca- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 199/618 pitaine général avait laissé Torres pour le rem- placer à bord de la caravelle portugaise et Die- go García de Moguer pour commander l’autre caravelle, embarquant sur celle aux voiles la- tines déplaçant le moindre tirant d’eau et dis- posant d’une excellente voilure. Le hasard avait fait que l’indisposition du cambusier Martín García, ayant débuté à la Candelaria, avait exigé, en s’aggravant, la présence à bord de fray Buenaventura, qui prodigua au malade le peu de soins corporels que son expérience lui permettait d’offrir, et les aides spirituelles que lui imposait sa fonction de prêtre. Suivant les préceptes de la médecine usuelle parmi les découvreurs des Indes, le brave frère commen- ça par le saigner et lui administrer une potion composée de gousses d’ail pilées et cuites dans du vin, veillant ensuite à ce qu’il s’habille afin de transpirer le plus possible. Mais les dou- leurs ne prirent pas fin, le patient frissonnait de plus en plus et sa fièvre augmentait au point qu’on le donnait déjà pour mort. Le dominicain regrettant de ne pas avoir sous la main La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 200/618 quelques grillons – ou, à défaut, ne fût-ce que des cigales – afin de les griller, les moudre et les ajouter dans du vin – remède merveilleux –, essaya alors une autre décoction composée de bouillon d’olives conservées dans de l’huile, bien chaud, dont Martín García but d’abon- dantes quantités, sans autre résultat que de lui retourner les entrailles et augmenter sa fièvre et sa prostration. Lorsque la caravelle aux voiles latines leva l’ancre, craignant qu’il mou- rût d’un moment à l’autre, le frère ne voulut pas le délaisser et c’est ainsi qu’il se trouva enrôlé dans l’expédition du capitaine général. En faisaient également partie, mais sans beau- coup d’enthousiasme, ses sentinelles obligées, les officiers Alarcón et Marquina qui trouvaient si agréable le port de los Patos, ainsi que Ro- drigo Rodríguez, en sa qualité de domestique, et Paquillo, en tant que page extra-officiel de Rodríguez. — Eh bien, à moins d’un fait notable qui in- fléchisse ma décision – dit Solís, répondant à La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 201/618 la question du dominicain – j’ai pensé l’appe- ler Río de Santa María, en l’honneur de Notre Sainte Vierge qui, visiblement, nous a protégés en écartant de nous jusqu’ici dangers et diffi- cultés. — « Oh Marie, porte et voie de salut et de repos » – récita le frère, se référant une nou- velle fois à Villasandino – Le voyage, en vérité, a été miraculeux et je ne peux qu’applaudir à une si pieuse intention… Accourant, un marin l’interrompit à cet ins- tant, pour l’avertir que Martín García était à l’article de la mort et réclamait une confession. Le frère se précipita à la soupente où le cambusier agonisait effectivement ; s’asseyant à côté de lui comme il put, il ne quitta plus son chevet jusqu’à ce que, après s’être confessé, di- vaguant dans le délire de son agonie, il rendît le dernier soupir. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 202/618 La nouvelle du décès du cambusier se ré- pandit dans le navire et l’équipage s’apitoya mais s’atterra également. — Un naufrage au départ, un défunt à peine arrivés… des vents mauvais soufflent sur nous – commenta gravement Rodrigo, oubliant toutes les réussites du voyage. — Dis ! – s’exclama le mousse, se penchant à son oreille :— Te souviens-tu de la gitane de Lepe ? Eh bien, elle a signalé le mort parmi ceux qui ne devaient pas revenir ?… — Mais c’est vrai. Malédiction !… — Et le glas de Velilla(88) n’a pas sonné ?– s’enquit le mousse. — Oublie cela, sot. Il sonne pour les rois et non pour un pauvre cambusier comme Martín García… Si le glas de Velilla avait sonné, cela aurait été pour don Ferdinand, que nous avons laissé en bien mauvaise santé, même si je lui souhaite mille ans de vie… Mais, à présent que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 203/618 j’y pense, n’ouvre pas la bouche… Ces mauvais augures saperaient le moral de l’équipage… — Tu as bien évoqué, toi, la caravelle qui a coulé ! Même si, pour moi, ce fut une chance car, sans cela, je ne serais pas ici… – dit le jeune garçon – Mais ne t’inquiète pas, je ne desserrerai pas les lèvres. — Tous connaissaient l’accident de la cara- velle et il était difficile de le passer sous si- lence, alors que l’histoire de la gitane – Dieu nous en préserve – nous seuls sommes au cou- rant. Bénéficiant d’un temps paisible que « la mort du cambusier n’avait pas perturbé, comme ne le perturbent jamais les affaires hu- maines », à ce qu’observa le philosophe Rodri- go, la caravelle aux voiles latines continuait à naviguer très doucement. Elle doubla la pointe de Santa Bárbara où, aujourd’hui prospère la Colonia del Sacramen- to, laissa derrière elle la petite île, pas encore La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 204/618 baptisée – mais, plus tard, si souvent mention- née – de San Gabriel, les îlots immédiats, et suivit aussi près que possible la côte, dominée çà et là par des collines et des rochers escar- pés et couverte d’une végétation qui reverdis- sait, passées les rigueurs de l’été. À la tombée de la nuit, après de longues prières pour le repos de l’âme du défunt, fray Buenaventura sortit sur le pont pour prendre un bol d’air au moment où Solís, prévoyant une nuit sombre, ordonnait de mouiller au mi- lieu du fleuve, à l’abri de toute attaque possible depuis la terre – il avait cru remarquer, sans les craindre, plus de mouvements de gens sur la côte – et à titre de précaution afin de ne pas s’échouer sur l’un des nombreux bancs de sable qui rendaient la navigation plus difficile. Pendant que les marins repliaient les voiles et jetaient l’ancre, Solís les surveillait depuis la dunette. Fray Buenaventura et les officiers royaux se réunirent avec lui. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 205/618 — Le malheureux est mort comme un juste – dit le frère, faisant allusion à Martín García. Il me semble qu’il ira droit au ciel. — Tout cambusier ne doit-il pas d’abord passer par le Purgatoire, mon père ? – deman- da le chargé de factorerie Marquina. — Vous connaissez bien la question… – ré- pliqua gracieusement fray Buenaventura. Mais il y a cambusier et cambusier. Parmi les cam- busiers, comme parmi les chargés de factorerie et les répartiteurs, il faut de tout, comme dans la vigne du Seigneur, et du meilleur en l’occur- rence. De Martín García, il n’y a rien de mal à dire mais beaucoup de bien, et Dieu saura le distinguer. — Il était un loyal sujet et serviteur de Son Altesse – renchérit Solís. Et, afin d’honorer sa mémoire, on doit lui donner une sépulture chrétienne sur la première terre où nous accos- terons et elle portera désormais son nom. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 206/618 — Cela me paraît très judicieux – dit Alarcón. — Les humbles seront glorifiés – ajouta le dominicain – et cet homme, qui l’était telle- ment, a mérité cette commémoration. Je serai honoré de pouvoir moi-même le déposer dans un coin de terre bénite. — La tombe du marin doit être au fond de la mer, où il servira de pâture aux poissons et s’incorporera dans son élément à la vie univer- selle – déclara Solís. Mais Martín García n’était pas un marin et ce n’est pas l’espace qui fait dé- faut ici pour qu’il repose en terre… Fray Buenaventura se racla la gorge, ma- nifestant son dégoût en entendant parler du ventre des poissons comme tombe pour les marins et, surtout, de cette incorporation à la vie universelle, ce qui avait des relents d’héré- sie. — Pour parler d’autre chose – dit l’ex-gros Marquina, à qui les conversations funèbres La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 207/618 n’étaient pas agréables – je voudrais savoir comment doit s’appeler le grand fleuve sur le- quel nous avons navigué et que nous sommes les premiers à sillonner… Je sais que l’on en a parlé mais que rien n’a été décidé. Il me semble que le moment est venu… Je serais d’avis, si on me le demandait, considérant l’habileté et l’assurance avec laquelle notre grand capitaine nous a conduits jusqu’ici, comme guidé par la main de Dieu, je serais d’avis, dis-je, qu’on lui donne son nom ; cela sonne si bien : Río de Solís… — J’ai pris d’autres dispositions afin de re- mercier d’évidentes et très hautes faveurs – ré- pondit Solís – vous le savez, et fray Buenaven- tura l’approuve : je pense l’appeler Río de San- ta María. — Devant ce nom disparaissent et s’age- nouillent humblement tous les autres – dit Alarcón. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 208/618 — C’est vrai – dit Marquina en signe d’as- sentiment. Mais vous devez me concéder que, malgré la modestie de notre capitaine, cela n’aurait pas été mal de l’appeler Río de Solís, voire Mar Dulce de Solís, comme la nomme nos gens dans leurs conversations. — Si je ne lui donne pas mon nom – dit Solís – ce n’est pas par modestie, qualité que je n’ai pas, mais par orgueil, mon grand péché, n’est-ce pas, mon père ?Je dois, en priorité le baptiser du nom de la Sainte Vierge. Par ailleurs, comment pourrais-je satisfaire mon orgueil si je donnais moi-même mon nom à ces eaux et à ces terres ? Ce serait de la sotte va- nité, pas de l’orgueil. Si mes contemporains ou ceux à venir l’appelaient ainsi, ce serait une gloire accordée par les seuls qui peuvent le faire et ce serait autre chose… Si je suis or- gueilleux, messieurs, je ne suis pas vain, et notre chapelain me donnera l’absolution pour ce péché en remerciement de ma franchise. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 209/618 Tous éclatèrent de rire, tant le capitaine général avait dit cela sans façons et discrète- ment, et la conversation aborda d’autres sujets laissant, finalement, le baptême du fleuve en suspens. Ayant recouvré l’usage de leurs facultés physiques et mentales, sapées jusqu’alors par le mal de mer, Alarcón et Marquina étaient désireux d’assumer le plus tôt possible leurs fonctions car, pour le moment, ils restaient les mains vides et sans rien à consigner dans les livres comme tiers du roi. On n’avait rien ob- tenu, rien troqué, à part de la nourriture pour l’équipage sur des terres du Brésil et c’étaient là des pertes pas des bénéfices. Les terres qu’ils venaient de découvrir et qu’ils avaient sous les yeux étaient de toute évidence peu- plées car de nombreux indigènes se mon- traient sur la côte et les navigateurs avaient si- gnalé quelques huttes, qui ressemblaient à tout sauf à des habitations humaines. Les premiers trocs ne pouvaient pas tarder. Que leur réser- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 210/618 vaient ces terres ? De l’or ? De l’argent ? Des pierres précieuses ? Des choses de petit vo- lume et de grande valeur, ou le contraire ? Il y avait de tout aux Indes, selon les régions, et l’imagination du chargé de factorerie et du ré- partiteur se plaisait à leur faire croire qu’elles regorgeaient de tout cela et de beaucoup plus… Autrement, pourquoi étaient-ils venus ? Le voyage proprement dit était terminé : ils se trouvaient où ils pouvaient et devaient com- mencer à engranger des résultats dans l’intérêt de Son Altesse et dans le leur… Plus discrètement, Solís abonda dans le même sens : s’ils ne trouvaient pas ce qu’il croyait et espérait – et qui vaudrait plus que de l’or, parce que ce serait la porte ouverte pour se rendre ensuite où les richesses débor- daient – ils ne devaient pas s’en retourner de là les mains vides sans quoi, en regagnant l’Es- pagne, ils ne feraient pas envie aux autres na- vigateurs, espagnols ou portugais. Fray Buena- ventura, qui bâillait depuis un certain temps, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 211/618 se leva soudain et se retira en disant qu’il allait prier auprès de la dépouille de Martín García avant d’aller dormir. Ce fut le signal de la fin de la réunion. Et tous dormirent tranquillement et pleins d’espoirs, bercés par le grand fleuve et le murmure du courant qui léchait les flancs du navire. Le lendemain, tôt le matin, la caravelle aux voiles latines leva l’ancre et poursuivit sa na- vigation vers l’amont. Elle avait peu progressé quand elle arriva près d’une île, ou plutôt un îlot, de roche granitique, couvert de terre fer- tile, légèrement accidenté et faisant plus ou moins une lieue de périmètre. Il se trouvait à courte distance de la rive du levant, sur la- quelle quelques indigènes avaient, à l’abri des arbres et des buissons, suivi la lente marche du navire. Solís, ne voyant pas sur la terre ferme d’en- droit adéquat pour débarquer ou désireux que son cambusier reposât dans la terre jusqu’à l’éternité, à l’abri de profanations, signala l’îlot La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 212/618 afin d’y creuser la tombe ; il fit une nouvelle fois mouiller la caravelle dans le courant, fort, fit descendre un canot, y fit déposer une caisse mal dégrossie qui était le cercueil de Martín García et, les marins ayant embarqué et tenant les rames verticales, Solís empoignant le gou- vernail, fray Buenaventura et les officiers du roi allèrent s’asseoir à la poupe. En quelques coups de rames, ils attei- gnirent une étroite plage de sable. Un peu plus loin, sur une petite colline, on creusa une fosse. Le chapelain la bénit, on descendit le cercueil au fond et, après les répons, exécutés et répé- tés avec une véritable ferveur si pas avec une douleur profonde, la terre retomba à grandes pelletées, jusqu’au niveau du sol que l’herbe ne tarderait pas à recouvrir. Une croix, fabriquée à l’aide de deux piquets en bois, indiqua en- suite la première tombe de chrétiens et d’Espa- gnols sur des terres du Rio de la Plata, sur l’île qui, depuis lors, porte le nom de Martín García. XIX

TRAGÉDIE

Après leur retour à bord, la caravelle aux voiles latines, même si elles étaient peu dé- ployées, continua à vaincre le courant et finit par s’approcher de la côte orientale à un en- droit entouré d’îlots, qui, aux yeux de Solís, pa- rut être le lieu de débarquement le plus pro- pice. Il ordonna donc que l’on mouillât à proxi- mité d’une petite île qui semblait partagée en deux et fit préparer la grande barque. Certain qu’il y avait là des Indiens, il désirait s’emparer de quelques-uns d’entre eux ou d’obtenir d’eux des vivres dont la flottille allait avoir besoin La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 214/618 à court terme ; il voulait, par la même occa- sion, vérifier s’il y avait là ou près de là des métaux ou d’autres choses précieuses. Marqui- na, Alarcón et fray Buenaventura étaient tout disposés à débarquer avec lui mais, comme au Brésil, il s’opposa à ce que le chapelain l’ac- compagne. — Je ne ferai qu’un aller-retour afin de pré- parer le terrain – lui dit Solís. Je préfère que vous restiez à bord. Rodrigo Alvarez est peu énergique avec ses hommes qui, eu égard à vos habits, n’oseront pas dépasser les bornes… Vous débarquerez dès que nous aurons vu quel accueil nous réservent les indigènes. Comme si les événements voulaient donner tort à Solís, quelques sauvages – des hommes, des femmes et même des enfants – commen- cèrent à apparaître entre les arbres de la rive, sur la terre ferme : ils levaient les bras, mon- trant qu’ils étaient désarmés, se livraient à d’insistantes démonstrations d’amitié et of- fraient, comme ceux du Brésil, divers produits La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 215/618 comestibles – des céréales, des racines et des légumes – les déposant sur le sol et s’éloignant pour signifier qu’il s’agissait de présents. À la grande déception de la majorité des marins, ils ne proposaient aucun objet en métal et ne semblaient pas en posséder. Ils étaient de haute taille et bien proportionnés, d’un teint olivâtre, plus foncé chez certains ; les hommes portaient les cheveux attachés sur la nuque et des plumes multicolores au sommet du crâne, un bâtonnet dans la lèvre et un pagne atté- nuant à peine leur complète nudité ; les femmes avaient leur chevelure flottante, des tatouages sur les seins, le front et le nez, cer- taines portaient leurs jeunes enfants sur le dos. C’est ce que les Espagnols virent depuis le ba- teau et, en remarquant les obséquieuses dé- monstrations des Indiens et des Indiennes, fray Buenaventura insista, enthousiasmé : — Ce sont des gens inoffensifs et géné- reux ! Ils donnent ce qu’ils possèdent, offrent La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 216/618 leur amitié !… Permettez que je débarque avec vous afin de les évangéliser ! — Pas maintenant, mon père – répondit Solís. Plus tard, si Dieu le veut. Cinq marins, parmi lesquels le mousse Francisco del Puerto, attendaient déjà sur les bancs de l’embarcation. Solís avait ordonné à Rodrigo Rodríguez de rester au service de fray Buenaventura ; il restait donc à bord, en plus d’eux, le pilote et huit hommes, onze en tout. Accompagnaient le capitaine général : Marqui- na, Alarcón, quatre rameurs et le mousse, qui voguaient vigoureusement vers la côte. Afin de prouver aux Espagnols qu’ils pou- vaient approcher sans danger, les indigènes se tenaient à distance des présents déposés sur le sol, les montrant avec insistance. Le pilote, fray Buenaventura, Rodrigo et les marins de la caravelle, suivaient avec intérêt le déroule- ment de la scène, les uns appuyés au bastin- gage, les autres juchés sur les haubans. Tant La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 217/618 ceux de la barque que ceux du navire atten- daient, dans la plus complète confiance et tranquillité, la première rencontre avec les ha- bitants de la terre qu’ils venaient de découvrir. — Fray Buenaventura a raison – dit Solís en se levant pour débarquer en sautant à terre. Ce sont des gens paisibles et, apparemment, pas bêtes du tout. — Un peu de bêtes ne seraient pas malve- nues – s’exclama Alarcón en pensant au troc. Ils jetèrent une petite ancre, amarrèrent pour plus de sécurité la barque à une pierre qui servit de bitte, et Paquillo, de très mauvaise humeur, reçut l’ordre d’y monter la garde. Prenant la tête du groupe et levant, lui aus- si, les bras en signe d’amitié, Solís avança vers les Indiens, gravissant la petite côte recouverte d’herbe qui le séparait d’eux. Le paysage était beau et paisible, avec de légères ondulations, des arbres bas et, au-delà des dunes de sable doré, il y avait des terrains couverts de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 218/618 chaumes ou de buissons, le tout baigné dans une atmosphère diaphane, sous le soleil ra- dieux et un ciel de soie bleue… La Nature était en fête pour accueillir les Espagnols. Solís et ses hommes allaient rejoindre le pe- tit groupe des indigènes, qui brillaient au soleil comme des statues de bronze, lorsque ces der- niers, réagissant de manière inattendue et in- compréhensible, firent quelques pas en arrière, comme s’ils avaient peur, tournèrent le dos et se débandèrent… Au même moment éclatait un cri sauvage, des dards et des flèches se mettaient à pleuvoir et, des broussailles, sur- gissaient, vociférant et gesticulant, une multi- tude d’Indiens qui, brandissant des piques, des lances et des massues, se précipitèrent sur les marins surpris, les renversa sans leur laisser le temps d’empoigner leurs armes, les cribla de coups de lances, les écrasa sous le nombre… Il n’y eut pas de défense possible. Ce fut un tu- multe, un entassement, une masse informe et convulsive dont s’échappaient des hurlements La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 219/618 infernaux… Un instant plus tard, tout était fi- ni…

La stupeur paralysait leurs compagnons de la caravelle. Réagissant ensuite, ils se préci- pitèrent vers les mousquets, les couleuvrines, prêts à ouvrir le feu… Mais, comment tirer sur cette masse, où Indiens et chrétiens entrela- cés devenaient un seul être aux membres in- nombrables ? Comment ne pas blesser simul- tanément frères et ennemis ?… Ils tirèrent plu- sieurs salves pour intimider les sauvages mais, dans l’ivresse du massacre, ces derniers ne se préoccupèrent pas du tonnerre… Par après… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 220/618 ils n’osèrent pas non plus tirer sur eux pendant qu’ils dénudaient les morts et se disputaient leurs dépouilles… Fray Buenaventura, épouvanté, criait à ceux de la caravelle de tirer, puis de ne plus tirer, qu’ils éperonnent la côte avec le navire, qu’ils se jettent à l’eau et nagent afin de sauver au moins le capitaine, qu’ils mettent un canot à sa disposition afin qu’il aille en personne lui porter secours ; et entre tous ces conseils et ordres désespérés et incohérents, il gémissait, pleurait, levait les bras, bénissait, clamait : — Mes fils ! Mes fils !Je vous absous au nom de Dieu ! Je vous bénis au nom de Dieu ! Les autres, également bouleversés, cou- raient çà et là, ayant perdu la tête. Les uns tentaient de préparer le canot, d’autres char- geaient et pointaient les couleuvrines, d’autres encore s’apprêtaient à appareiller. Et les onze hommes donnaient l’impression d’être cent par La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 221/618 le désordre et le tumulte qui régnaient parmi eux… Les cadavres de Solís et de ses compagnons mis à nu, quelques Indiens se chargèrent d’eux et s’enfoncèrent dans l’épaisseur des fourrés. Les couleuvrines et les arquebuses avaient commencé à les prendre pour cibles quand les hommes du bord se convainquirent que, pour châtier les sauvages, de leur horrible traîtrise, ils ne pouvaient plus que les blesser car aucun ne tomba. Les Indiens ne devaient pas aller très loin puisque, dès qu’ils furent hors de por- tée des projectiles, d’entre les fourrés s’éle- vèrent des petites colonnes de fumée qui gros- sirent peu à peu… Un peu plus tôt, alors que l’essentiel du combat avait déjà eu lieu et que le triomphe des Indiens était déjà évident, un groupe de sauvages – que les hommes de la caravelle crurent identifier comme étant des femmes – s’empara de Paquillo, détruisit la barque et y mit le feu. Comme les autres l’avaient fait avec La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 222/618 les cadavres, ce nouveau groupe emporta le mousse, sans se préoccuper de sa rageuse dé- fense sous forme de coups de pieds, de coups de poings, de morsures, et s’enfonça à son tour dans les fourrés. Quelques instants plus tard, le théâtre du combat et du massacre était dé- sert, silencieux, paisible, sans aucune trace de la tragédie… XX

APRÈS

À la première impression d’horreur, de co- lère et d’impuissant désespoir succéda un pro- fond découragement à bord de la caravelle. Le pilote était indécis, fray Buenaventura pleu- rait comme un enfant, Rodrigo Rodríguez qui, peu avant, ressemblait à un dément, blasphé- mait en s’arrachant les cheveux, effondré sur un rouleau de câbles ; les autres échangeaient des phrases entrecoupées, révélatrices de leur désir de prendre la fuite en direction du Puerto de los Patos, de rejoindre leurs compagnons, de se libérer de l’horrible cauchemar… Solís La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 224/618 mort, ils se retrouvaient sans chef capable de les commander, de leur communiquer de la confiance, car Alvarez s’était révélé sans auto- rité ni énergie durant tout le voyage et il ne ré- agissait pas non plus dans une situation si dif- ficile. Repensant aux très mauvais présages du départ et de l’arrivée, qui s’étaient confirmés par l’horrible boucherie à laquelle ils venaient d’assister, craignant de tomber de désastre en désastre, quelques-uns prenaient déjà l’initia- tive d’appareiller quand, voyant cela et com- prenant qu’il ne lui restait pas d’autre choix, le pilote donna l’ordre du départ. — Il ne faut pas risquer sa peau pour pleu- rer les morts – dit un marin qui mollissait un câble pour baisser la voilure près de Rodrigo. Le domestique sortit de sa torpeur et, avec un accent tragique, où vibraient la colère et l’horreur : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 225/618 — Morts, et c’est tout ? – s’exclama-t-il. Es- pérons que ces foyers, dont nous voyons la fu- mée, ne signifient pas autre chose !… — À quoi penses-tu ?Tu ne supposes pas ?… — Il y a beaucoup de cannibales par ici et il se pourrait bien que… — Des cannibales, dis-tu ! – bégaya l’autre. — Oui – s’exclama Rodrigo. Ce doivent être des cannibales… ! Nombre d’Indiens sont can- nibales ! Ils dévorent leurs ennemis, par le Diable qui les a engendrés ! Et ensuite, sourdement, les sourcils froncés et les poings serrés, il continua, en rappelant : — Dans toutes ces Indes maudites, que Dieu nous en préserve, s’étendant du golfe de Paria vers le sud, sur les îles, sur la terre ferme, les hommes mangent les hommes, et aucun rayon de Dieu ne les éclaire !… Ils les mangent, te dis-je, et ceux-là… ceux-là ne vont La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 226/618 pas faire de différence parce qu’il s’agit de nous ! Fray Buenaventura les avait écoutés, silen- cieux et épouvanté. — Ah, Seigneur ! – s’exclama-t-il. Est-il pos- sible que tu admettes de semblables monstres sur la terre ?… Mon Dieu ! Mon Dieu !Ta sainte colère est terrible, Seigneur ! Le mal- heureux capitaine a fait preuve d’hérésie et a blasphémé hier soir… Le ventre des poissons, la vie universelle… Et voilà que… Non, je ne le crois pas, je ne peux pas le croire !… Un homme aussi accompli, un si bon chrétien. Ro- drigo délire ! Et les infortunés compagnons du capitaine… Alarcón, Marquina… — Paquillo ! – ajouta sombrement Rodrí- guez. — De braves gens ! Le capitaine l’a dit sans arrière-pensées… sans intention de péché… Oui ! Il est un martyr ! Un martyr de la foi… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 227/618 Ah, Seigneur !Pourquoi n’as-tu pas permis que ton humble serviteur partage son martyre ? Et s’humiliant, se frappant la poitrine, fray Buenaventura, les yeux pleins de larmes, mur- mura à plusieurs reprises : — « Domine, non sum dignus »… La caravelle, après avoir viré lentement, naviguait déjà vers l’aval, s’éloignant rapide- ment du théâtre du massacre, sans que per- sonne n’ait songé à marquer d’une croix les lieux de la catastrophe. Et lorsqu’ils repas- sèrent à hauteur de l’îlot où reposait Martín García, personne n’eut un regard ni une pensée pour lui. Rodrigo continuait à maudire son sort, l’ordre qui l’avait empêché de débarquer avec son maître – comme si sa présence avait pu le sauver – et, soudain, obéissant à une réaction impulsive de rage, il se mit à crier à ses com- pagnons qu’ils étaient des lâches, qu’ils ne de- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 228/618 vaient pas fuir, qu’il fallait débarquer et passer au fil de l’épée cette infâme bande de traîtres. Fray Buenaventura tenta de le calmer, lui conseillant la résignation devant les mysté- rieux desseins de la Providence, et le domes- tique de Solís sembla l’écouter, rasséréné, et se soumettre à la volonté de Dieu. Mais, brusque- ment, il s’exclama d’un ton sarcastique : — Mon Père ! Ne disiez-vous pas que les In- diens sont paisibles et bienveillants et qu’ils ne font pas de mal à leurs bourreaux ? Ne nous in- vitiez-vous pas à les traiter comme des frères inférieurs ?Je désavoue cela. Au diable de telles humilités et mansuétudes, ainsi que les poltrons qui défendent ces bêtes féroces ! — Du calme, mon fils, du calme, par les clous du Seigneur ! – balbutia le frère, étourdi. Ne jure pas, ne blasphème pas ! Dieu permet parfois des choses qui dépassent notre enten- dement et il a lui-même été crucifié… Par La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 229/618 ailleurs, ces Indiens-là ne sont pas comme les autres… — Ils mangent les chrétiens, mon père !… S’ils étaient à ma portée, malheur à eux car je ne pardonnerais pas à un seul !… Mais écou- tez, votre seigneurie. Il y a quelque chose que je veux vous dire et qui importe beaucoup… Le capitaine et ses compagnons ont été assas- sinés, cela ne fait aucun doute… Mais il y en a un autre, mon père, il y en a un, qui est vi- vant et aux mains de ces barbares… J’ai vu de mes propres yeux que ce n’étaient pas des hommes armés qui s’emparaient du pauvre Pa- quillo mais des femmes ; elles l’ont arraché à la barque et l’ont emmené à l’intérieur des terres, sans lui faire de mal, bien que le malheureux gamin se défendît comme un possédé et leur plantât les dents dans la peau. — Oui ; il m’a semblé voir qu’elles l’emme- naient – dit le chapelain. Elles l’emmenaient vi- vant, ce qui signifie qu’elles ne pensaient pas à ce que tu dis. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 230/618 — Pas maintenant mais on va l’engraisser, comme ils le font souvent… — L’engraisser ? Doux Jésus ! — Mais il est encore temps, mon père, il n’est pas trop tard ! Que votre seigneurie dise au pilote de détacher un canot et, aussi vrai que je m’appelle Rodrigo, avec ceux qui vou- dront m’accompagner, ou seul s’il le faut, j’irai sauver le gamin… Nous ne pouvons pas l’aban- donner ! Levant les paumes de ses mains et les tour- nant vers Rodrigo, la tête penchée sur sa poi- trine, fray Buenaventura le fit taire et médita un instant. — En conscience, Rodrigo, mon fils – finit-il par dire – je ne peux ni le conseiller ni le de- mander… La vie du plus grand nombre pèse plus dans la balance que la survie d’un seul… Moi, comme toi, je donnerais sans hésiter ma vie pour sauver celle du gamin… Mais ce serait sacrifier les autres… Et, qui sait ? Dieu veut La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 231/618 peut-être faire de Paquillo son instrument pour convertir ces sauvages !… — Taisez-vous, mon père ; ce n’est pas le moment de plaisanter… Je ne peux pas, un instant, m’imaginer Paquillo en train d’évan- géliser… Il ne comprenait pas grand-chose à la religion. Encore faudrait-il sauver son corps afin de pouvoir sauver son âme… Le frère soupira, écrasa de son index une larme qui perlait à ses yeux, et murmura : — Il est trop tard !… Nous sommes déjà loin… Même si ce n’était pas le cas, ce serait la perte de tous… Et regarde la terreur des autres… Ils ne te suivraient pas, mon fils… Maugréant entre ses dents, convaincu mais furieux, Rodrigo s’éloigna et fray Buenaventu- ra, appuyant son front au bastingage, pleura et pria. Le vent, le courant, la tranquillité des eaux, le jour diaphane, tout était favorable au tra- gique retour et la caravelle redescendait La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 232/618 gaillardement et rapidement le fleuve jusqu’au Río de los Patos… Quand elle franchit la barre et s’approcha des autres navires, encore désarmés, elle fut reçue par des vivats qui se transformèrent bientôt en exclamations de stupeur et de consternation. Francisco de Torres, surmontant très vite son affliction, assuma définitivement le com- mandement de la flottille et ordonna que Ro- drigo Alvarez fût mis aux arrêts à bord de la ca- ravelle portugaise jusqu’à plus ample enquête et un conseil de guerre, si cela s’imposait. Étant donné qu’il devenait capitaine général, il confia au gabier Montes le commandement provisoire de la plus petite caravelle aux voiles latines. Les officiers s’étant réunis en conseil, le malheureux pilote de cette dernière exposa tant bien que mal l’épouvantable catastrophe, impossible à imaginer ni à empêcher… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 233/618 Personne n’osa dire mot avant que Francis- co de Torres ne déclare : — Pleurons et prions Dieu pour le repos de leurs âmes, c’est la meilleure décision… Aucun d’entre nous n’ignore qui était et ce que va- lait Juan Díaz de Solís, ni que c’est à lui que revient toute la gloire de ce que nous venons d’accomplir… Ce n’est pas à moi, son frère et son ami de cœur, de faire son éloge… Ce que j’ai à dire, c’est que sans lui nous n’avons plus rien à faire en ces terres. Il faut regagner l’Es- pagne… Nous y arriverons peu nombreux, ap- paremment vaincus, les mains vides, malgré l’exploit accompli… Peu importe… Une fois là- bas, notre seule pensée sera de revenir pour venger impitoyablement notre capitaine, forts de notre expérience avec ces infidèles. — Vive saint Diego ! – s’exclama celui de Moguer qui, plus heureux que Torres dans ce domaine, devait, quelques années plus tard, jouer un grand rôle dans la conquête du Río de La Plata – Pourquoi ne pas leur donner La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 234/618 une bonne leçon dès à présent ? En usant d’un peu de ruse et en étant moins confiants que notre capitaine général – qui, il faut le dire, n’a pas pris de précautions –, nous sommes assez nombreux pour faire irruption dans leur camp et ne pas laisser un Indien vivant. Sus à eux ! Tel est mon avis. L’enseigne Ramírez, alors jeune et fou- gueux, appuya chaleureusement Diego García. Les autres analysaient la situation avec plus de sang-froid. — C’est fort risqué… – finit par murmurer Juan de Lisboa. — Dans l’accord, Son Altesse n’a pas prévu la mort de Solís… – ajouta Torres – Il avait des instructions secrètes auxquelles lui seul pou- vait se conformer, que lui seul pouvait exé- cuter. Nous ne sommes actuellement respon- sables que de ce qui se trouve dans nos mains, mais nous devons en répondre devant Son Al- tesse. Plus que quiconque, je désire venger La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 235/618 mon frère en châtiant sans pitié ses assassins. Mais je crois que nous devons maintenant re- partir pour l’Espagne… — D’autant plus que nous manquons de vivres et que la faim nous menacera dès que nous partirons d’ici – dit Juan de Lisboa –. Nous ne pouvons nous nourrir que de ca- nards… — C’est la décision la plus sage – fit remar- quer le dominicain. D’ailleurs, les indigènes ont déjà dû s’échapper, comme ils en ont l’ha- bitude après un coup de main… On ne les trou- verait pas ou les nôtres pourraient tomber dans une de leurs embuscades. Nous devons, tous, rendre compte de nos vies, d’abord à Dieu, qui condamne le suicide, ensuite au Roi, qui a besoin de ses vassaux et de ses navires… Laissons la vengeance aux soins du Seigneur… Rien n’ôtera à notre grand capitaine la gloire d’avoir découvert cette Mer d’eau douce qui, s’il y a une justice sur terre, s’appellera Río de Solís. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 236/618 Tous se turent ; même Diego García et l’en- seigne Ramírez n’insistèrent plus sur leur pro- position antérieure. — Qu’ordonne notre capitaine ? – finit par demander celui de Moguer. On fera ce qu’il di- ra. Torres se leva, dissimulant mal sa profonde émotion, mais il dit fermement : — J’ordonne que, dès que ce sera matériel- lement possible, nous appareillions pour rega- gner l’Espagne. Personne ne dit mot, quelques-uns acquies- cèrent d’un signe de tête, celui de Moguer s’agita sur son siège comme s’il lui en coûtait de se soumettre à un cas, évidemment, de force majeure. — Je prendrai le commandement de la flot- tille, embarquant à bord de la caravelle portu- gaise et Diego García me remplacera comme capitaine de ma caravelle. Juan de Lisboa sera mon second, comme il le fut pour Solís(89), et La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 237/618 Montes commandera momentanément l’autre caravelle aux voiles latines. Si nous devions rester ici, l’hiver serait encore relativement loin ; mais, pour regagner l’Espagne, il est plus proche et nous devrons nous presser… L’au- tomne frappe déjà à nos portes et, à ce qu’a dit Juan de Lisboa, nous n’avons pas de vivres… Il faut donc nous ravitailler ; il faut, aussi, fran- chir la ligne avant l’hiver, qui nous serait fatal. Nous referons notre réserve de vivres où et comme nous pourrons, dans ces eaux ou sur la côte du Brésil, s’il n’y a pas d’autre solution… Levons l’ancre le plus tôt possible…

* * *

Le voyage avait été joyeux et facile à l’al- ler ; le retour fut triste et ardu. On leva l’ancre dans les premiers jours de mars. Les trois ca- ravelles descendirent le fleuve de conserve et mouillèrent à la Isla de Lobos. Ils allaient re- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 238/618 nouveler leurs provisions avec la seule nour- riture que le destin leur accordait. L’équipage débarqua sans bruit, armé de pics. Tandis que les uns avançaient par la plage afin de couper la retraite vers le fleuve, les autres s’enfon- cèrent à l’intérieur de l’île, décrivant un demi- cercle, et ils commencèrent à rabattre les loups de mer qui, ne connaissant pas encore leur ter- rible ennemi, l’homme, dormaient nonchalam- ment ou paressaient au soleil sur les rochers et le long du rivage. Pris par surprise, les am- phibies tentèrent de se précipiter dans l’eau, sautillant comme des élastiques et se livrant à de grotesques contorsions ; mais ceux qui leur coupaient la retraite les reçurent à coups de pic en pleine tête, sans qu’ils pussent opposer d’autre défense que leurs rugissements horri- fiés et des coups de dents donnés dans le vide. Soixante-six tombèrent, les autres s’échap- pèrent en dodelinant et, une fois dans le fleuve, disparurent pour ne plus revenir. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 239/618 Cette chair huileuse et sentant le poisson, que personne ne mange sinon pressé par la faim, fut découpée en longues tranches, éten- due au soleil pour en faire quelque chose à mi-chemin entre viande séchée et thon fumé, mais qui présentait tous les inconvénients de ces deux types de conserves. Les peaux furent soigneusement séchées en les fixant avec des pieux afin de les emporter en Espagne, en qua- lité de butin… Cette chasse de plusieurs jours étant termi- née, les navires levèrent l’ancre pour gagner l’île de Santa Catalina où, au Puerto de los Pa- tos, ils firent halte dans l’espoir d’augmenter et d’améliorer des provisions de bouche aussi peu ragoûtantes. Ils parvinrent à en faire un peu et Francisco de Torres y embarqua une pe- tite Indienne, pauvre trophée vivant, afin de l’exhiber en Espagne. Il mit les voiles, suivi par le navire de Diego García, lui laissant celui que commandait précédemment Rodrigo Alva- rez(90), laissant la troisième caravelle les re- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 240/618 joindre ultérieurement ; à bord de cette der- nière se trouvaient l’interprète-gabier, à pré- sent capitaine, Enrique Montes, l’enseigne Melchor Ramírez et l’affligé Rodrigo Rodrí- guez. Mais le malheur voulut que, en levant l’ancre, celle-ci échoua sur un haut-fond et coula avec tout ce qu’elle contenait, à l’excep- tion des onze hommes qui étaient à bord et qui furent à grand-peine sauvés du naufrage. — C’était la volonté de Dieu que je me re- trouve dans une situation semblable à celle de Paquillo ! – s’exclama Rodríguez – Je crois, maintenant, que je le reverrai… Les habitants de Santa Catalina ne disent-ils pas que les in- digènes ne tuent pas les femmes ni les en- fants ?… Francisco de Torres et Diego García, igno- rant le sort de la troisième caravelle, firent es- cale au Cabo de San Agustín. Ils ne voulaient pas revenir les mains vides et avaient convenu de se moquer des Portugais en emportant une cargaison de bois du Brésil. L’équipage ne tar- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 241/618 da pas à en avoir coupé cinquante quintaux, qu’il arrima dans les cales. La troisième cara- velle n’arrivait pas, un navire du roi don Ma- nuel pouvait les surprendre, ce qui engendrait un conflit, les brouillerait avec don Ferdinand qui leur avait recommandé tellement de pru- dence… Et ils se mirent en route, emportant comme seul butin ce bois du Brésil, les soixante-six peaux de loups de mer et la petite Indienne de Francisco de Torres… C’est ainsi qu’ils regagnaient l’Espagne – désormais gou- vernée par le futur empereur Charles-Quint(91) – plus pauvres qu’ils n’en étaient partis, ces au- dacieux navigateurs dont l’espoir s’était éva- noui comme les légères brumes matinales de la Mer d’eau douce de Solís, espoir de revenir chargés de trésors, décuplant au moins ce qui avait été risqué dans l’expédition et ayant ou- vert la porte vers la Mer du Sud. Leur retour prit six mois. Quatorze mois(92) après leur départ, le 3 septembre 1516, ils je- taient l’ancre dans des eaux espagnoles. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 242/618 Là-bas en terre américaine, reposaient du sommeil éternel Juan Díaz de Solís, Francisco Marquina, Pedro Alarcón et six marins(93) as- sassinés par les Indiens. Sur un îlot du grand fleuve se trouvaient la dépouille de Martín García. Rodrigo Rodríguez, Enrique Montes et Melchor Ramírez – dont l’Histoire s’occupera à nouveau en narrant les expéditions de Sebas- tian Cabot et de Diego García – et les huit ma- rins ayant, avec eux, survécu au naufrage s’es- sayaient, malgré eux, à la vie sauvage sur San- ta Catalina… Mais, symbole ou présage, l’adolescent, la tendre pousse de l’arbre séculaire, Francisco del Puerto, captif des Indiens, restait sur les rives de la Mer d’eau douce, où il devait mûrir et croître, pour devenir un tronc rappelant à peine la première branche anonyme de créoles du Río de la Plata. Concrétisation d’un rêve d’une façon non rêvée, ses descendants de- vaient voir que les pauvres terres de la dé- ception recelaient en réalité des trésors inépui- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 243/618 sables, plus pérennes que l’or et l’argent. Des années d’oubli et d’abandon suivirent. Plus tard, d’autres navigateurs sur d’autres cara- velles pénétrèrent dans le noble fleuve et Pa- quillo les vit arriver ; il les vit arriver et les vit s’en aller, leurs espoirs également déçus, mal- gré leur intrépidité. Et les tentatives, parfois tragiques, se répétèrent et il y eut de nouveaux échecs dans ces régions hostiles, tant que l’on n’en trouva pas les clés : le travail, la ténacité et la foi. Le premier exploit ne suffit pas pour que le fleuve perpétuât le nom du héros, parce que le succès et la mort furent simultanés et l’exploit manqua de durée… Mais les grands peuples qui, sur ses rives, ont su insuffler une réalité durable aux trésors chimériques du dé- couvreur, ne peuvent pas être oubliés. On n’ou- bliera pas Juan Díaz de Solís, dont l’esprit va- gabonde encore parmi nous.

Roberto J. PAYRÓ Lomas de Zamora, 9 décembre 1927 POSTFACE

Roberto J. Payró a terminé d’écrire son ro- man historique El mar dulce le 9 décembre 1927. Il décède le 5 avril 1928, moins de quatre mois plus tard, à l’âge de 61 ans. Malade, l’auteur ne s’était jamais remis de la mort de son fils aîné le 2 avril 1922, en Bel- gique, à l’âge de 27 ans. Si nous soulignons ces informations biogra- phiques, c’est parce qu’elles ont influé sur cer- taines erreurs de construction, présentes dans le roman. Cela n’enlève rien au mérite de Ro- berto J. Payró qui nous régale avec ce roman d’une richesse extraordinaire. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 245/618

Pédagogue, il y aborde de nombreux thèmes, se livrant à des digressions, même brèves, d’un intérêt que nous avons tenté de mettre en valeur, les illustrant de cartes géo- graphiques ou historiques et d’extraits biogra- phiques. On y trouve aussi des anachronismes dont surtout ses éditeurs argentins auraient dû se rendre compte, comme nous l’avons signalé. Roberto J. Payró, qui a probablement consulté Juan Díaz de Solís (Estudio histórico) de José Toribio Medina, a trouvé dans la bio- graphie de ce navigateur, personnage shakes- pearien ou cornélien, matière à un roman. Roberto J. Payró, homme de théâtre, a mis tout son talent au service de dialogues mémo- rables. Nous retrouverons certains des person- nages de ce roman dans El capitán Vergara La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 246/618

écrit antérieurement par l’auteur (terminé en 1925) mais situé, chronologiquement, plus tard. Bernard GOORDEN

traducteur des œuvres historiques de Roberto J. Payró dont tout son Diario(94)

P.S. Je voulais traduire ce roman depuis 1982. Je remercie toutes celles / tous ceux qui, le dédaignant, m’en ont réservé la primeur pendant que je créais le système REDISTI à la Bibliothèque royale Albert 1er entre 1984 et 1988 ; que je jetais les fondations d’INTER- NET au journal LE SOIR entre 1988 et 1996 ; que je réalisais des outils linguistiques pour les « primo-arrivants » (couronnés en 2005 et 2008 des deux plus hautes distinctions péda- gogiques) entre 1997 et 2015 pour l’enseigne- ment francophone belge. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 247/618

Il est certain que les nouvelles ressources de 2016, notamment sur INTERNET (hyper- liens), ont rendu possible une traduction, fort différente de ce qu’elle aurait pu être plus tôt. NOTES DU TRADUCTEUR

Des informations et des notes plus détaillées, avec reproduction de passages d’ouvrages cités peuvent être consultés dans l’édition d’Ides et Autres : https://www.idesetautres.be/upload/ PAYRO%20MAR%20DULCE%20IN- DICE%20CON%20ENLACES%20INTER- NET%2020%20CAPITULOS.pdf (index).

Chapitre 11 Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; Santiago de Chile, impreso en casa del autor ; 1897, CCCLII + 252 p. (se- gundo libro : documentos y bibliografía) Col à la wallonne : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 249/618

(Portrait de Pieter van den Broecke, huile sur toile, Franck Halls 1633, Kenwood House) : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Frans_Hals_037.jpg

Chapitre 12 Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Es- tudio histórico ; op. cit., CCCLII, 252 p. (se- gundo libro : documentos y bibliografía) Une biographie de Vasco Nuñez de BALBOA a été transposée par Fred FUNCKEN au ni- veau d’une BD en 4 planches aux illustra- tions attrayantes ; elle est parue en Bel- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 250/618 gique, dans le n° 38 de l’hebdomadaire « TINTIN » du 17 septembre 1958 et n’au- rait pas été publiée dans l’édition française. https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Explications, détails et illustrations des armes évoquées dans ce chapitre. Voir le même chapitre dans l’édition « Ides et Autres ». https://www.idesetautres.be/upload/PAY- RO%20MAR%20DULCE%20IN- DICE%20CON%20ENLACES%20INTER- NET%2020%20CAPITULOS.pdf (index).

Chapitre 13 Golfo de las Yeguas :Voir Alexander von Hum- boldt ; Examen critique de l’histoire de la géo- graphie du Nouveau Continent et des progrès de l’astronomie nautique aux XVe et XVIe siècles ; Paris, Librairie de Gide ; 1837, tome troisième, page 85 :« … en opposant La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 251/618 la mer orageuse et houleuse au nord du paral- lèle de 35° (el Golfo de las Yeguas) à la mer calme et unie des tropiques (el Golfo de las Da- mas). Originairement, à la fin du quinzième et au commencement du seizième siècle, l'ex- pression du Golfe de las Yeguas ne fut adap- tée qu’à la partie de l’océan Atlantique, entre les côtes d'Espagne et les Canaries, à cause du grand nombre de cavales (yeguas) qui périrent dans la traversée des ports d’Andalousie aux Antilles, et que l’on jeta à la mer avant d’at- teindre les Canaries. Au sud de ces îles, les ani- maux souffraient moins du roulis … » « Rinconète et Cortadillo (L’illustre laveuse de vaisselle) » est une nouvelle de Miguel de Cervantes Saavedra qui fait partie du re- cueil des Nouvelles exemplaires (1613). https://fr.wikipedia.org/wiki/Nou- velles_exemplaires Traduction par Louis Viardot. J.J. Dubo- chet et cie., 1838 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 252/618 Cancionero de Baena composée de 56 poèmes (1426-1430 ?), de plusieurs auteurs dont Gómez Pérez Patiño. Voir : http://www.spanisharts.com/books/litera- ture/cancionero.htm

Chapitre 14 « Jean de Béthencourt roi des Canaries » : http://www.patrimoine-normand.com/index- fiche-44378.html Voir aussi Jean de Béthencourt dans Jules VERNE ; Découverte de la Terre ; Paris ; Het- zel ; première partie, chapitre VI : http://passerellesdutemps.free.fr/edition_nu- merique/IGCD/9_GEOGRAPHIE_%20HIS- TOIRE_SCIENCES_AUXILIAIRES_DE_L_HIS- TOIRE/91_Geographie_explora- tions_voyages/910.9_Decou- verte_de_la_terre.pdf La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 253/618 Fernán Pérez de Guzmán (1376-1460), « señor de Batres, (…) reclama la atención de la crí- tica bajo el triple carácter de historiador, mo- ralista y pœta. »(Obras completas de Menén- dez Pelayo, ANTOLOGÍA DE LOS POETAS LÍRICOS CASTELLANOS. II :PARTE PRI- MERA : LA POESÍA EN LA EDAD MEDIA. II. CAPÍTULO X. – FERNÁN PÉREZ DE GUZMÁN) : http://www.larramendi.es/menendezpelayo/ i18n/corpus/unidad.cmd?idUni- dad=100275&idCorpus=1000&posicion=1 Voir aussi: Obras digitalizadas de Fernán Pérez de Guzmán en la Biblioteca Digital Hispánica de la Biblioteca Nacional de Es- paña Las setecientas del docto y noble cavallero Fernan Perez de Guzman, las quales son bien scientificadas y de grandes y diversas materias y muy provechosas : [coplas] por las quales qualquier hombre puede tomar La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 254/618 regra y doctrina y exemplo de bien bivir (coplas 7-8) « 5. Del home malo e malvado que alcanza grande poder si es sabio e esforzado ¿quién se podrá defender? 6. Poder, saber, fortaleza, si cayeren en mal va- so, non vale humana sabieza á resistir un tal caso. 7. La verdat estraña e nueva auida por mentirosa nunca la digas sin prueba, pues sin culpa es vergonzosa. 8. Si la verdat que paresce mentira, es de callar, ¡quánto non daña e empesce pura mentira fa- blar! 9. Non puede mucho alcanzar ninguno, es mi creencia, sin el cuerpo trabajar ó cargar la consçiencia. 14. Es virtut e muy loable la justicia executar; más de natura amigable non menos el perdonar. 15. La justicia fasta el cabo todo el mundo aso- laría; luengo perdón non alabo que da del mal osadía. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 255/618 16. Entre aquestos dos extremos si la discreción al- cança, ¿quién dubda que fallaremos, si la bus- camos, templança? 31. El que nunca fue regido nunca bien sabrá regir; el que supo bien servir él se sabrá ser servido. 32. Como de flores e rosas es ventaja conoscida, en las obras virtuosas, la justicia es escogida. Île de Saint Brendan (de Clonfert). Voir, e. a. : D’Avezac ; A. Thomas ; Gaffarel ;« Les îles fantastiques : Les îles de saint-Brandan ». Voir : http://www.cosmovisions.com/$Saint-Bran- dan.htm Une carte de 1891, certifiée par la NOAA, pré- sente les régions à forte et faible concentra- tions en sargasses dans l’Atlantique Nord et les Caraïbes Source de l’image = Les ensei- gnants en mer : https://teacheratsea.wordpress.com/tag/ north-atlantic/ Les algues brunes venues de la mer des Sargasses s’échouent massivement sur les La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 256/618 côtes atlantiques des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Ste Lucie, La Dominique…), entraînées par des courants marins inhabi- tuels : « Le feu de Saint-Elme est un phénomène phy- sique, ne se produisant que dans certaines conditions météorologiques, qui se manifeste par des lueurs apparaissant surtout aux extré- mités des mâts des navires ». + Illustration du Feu de Saint-Elme sur un bateau (G. Hartwig) dans The Aerial World (1886) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Feu_de_Saint- Elme Cabo de San Agustín = Cabo de Santo Agostin- ho, cabo de Consolación, ou cabo de Santa María de la Consolación https://es.wikipedia.org/wiki/Ca- bo_de_Consolaci%C3%B3n Cabo de San Antonio, récifs d’« Ouvre l’œil », actuellement Abrolhos, cabo Frío (carte 21060), cabo de Santo Tomé. Voir: D.A. Al- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 257/618 bert ; Derrotero de las costas de la América Meridional (comprehendidas entre la isla de Santa Catalina y el Maranhao y entre la mis- ma y el río de la Plata) ; 1844,265 pages (page 91). Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; op. cit. (segundo libro : docu- mentos y bibliografía)

Chapitre 15 Araponga barbu https://campanero1967.wordpress.com/ 2008/05/29/el-pajaro-campanero-de-san-es- teban/ « Procnias averano », illustration de Nicolas Huet le Jeune et Prêtre, in Nouveau recueil de planches coloriées d’oiseaux (1838) http://archive.org/stream/Nouveaure- cueild3Temm#page/n85/mode/2up La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 258/618 Oiseaux-mouches :Peinture de Ernst Haeckel parue dans Kunstformen der Natur den 1904 (planche 99). Cabo de San Agustín (8º de latitude Sud) : Ca- bo de Santo Agostinho, cabo de Consola- ción, o cabo de Santa María de la Consola- ción Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; op. cit. (segundo libro : docu- mentos y bibliografía) Rappelons que Bob De Moor (1925-1992) était un dessinateur de la mer et, notamment, de caravelles dans « Cori, le moussaillon », sé- rie de 5 BD se déroulant au 16ème siècle. Afin de lui rendre hommage, nous ne pou- vions omettre son talent, extrayant du tome 2 de « L’invincible Armada » (« Le dragon des mers », page 6) les vignettes extraites (co- pyright BD Must, 2013), illustrent, entre autres, la manœuvre du cabestan . La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 259/618 Intégrale « Cori, le moussaillon » : www.bd- must.be Débarquement de Pedro Álvares Cabral sur Ve- ra Cruz (22 avril 1500). Voir aussi la carte incluant, e. a., Cabral et Vespucci : Lobato, Mirta Zaida ; Juan Suriano ; Nueva Historia . Atlas histórico ; , Su- damericana ; 2010. https://historiasocialyeconomicaargenti- na.wordpress.com/2014/03/29/america-si- glo-xvi-descubrimiento-y-conquista-de-espa- noles-y-portugueses/ Carte des voyages de Alonso de Ojeda : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File%3AViajes_de_Alonso_de_Ojeda.PNG Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdés (1478 – 1557), auteur De l’histoire naturelle des Indes (General y Natural Historia de las Indias), voir : https://www.wdl.org/fr/item/7331/ Vasco Nuñez de BALBOA par Fred FUNCKEN : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 260/618 https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Christophe COLOMB par Fred FUNCKEN : https://www.idesetautres.be/upload/CHRIS- TOPHE%20COLOMB%20FUNCKEN.pdf Illustration par Fred FUNCKEN in « L’Histoire du monde : la course aux épices » (in TINTIN N° 29,16071958) https://www.idesetautres.be/upload/ 19580716%20COURSE%20AUX%20EPICES%20HIS- TOIRE%20MONDE%20144%20TIN- TIN%2029.pdf

Chapitre 16 C’est à notre avis, sciemment, que Roberto J. Payró emprunte des passages de deux œuvres de Fray Bartolomé de las Casas écrites après l’action se déroulant fin 1515 dans ce chapitre. Il voulait comparer la bar- barie des Allemands en Belgique, au moins La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 261/618 à partir du 4 août 1914, à celle de certains Espagnols, quatre siècles plus tôt. Ces ana- chronismes sont voulus. Voir : Roberto J. Payró ;« La Pastoral de Monseñor Mercier » ; in La Nación ; 11/03/1915 : https://www.idesetautres.be/upload/ 19141225%20PAYRO%20PASTO- RAL%20MONSENOR%20MERCIER%20FR.pdf Roberto J. Payró ; Les massacres de Dinant en août 1914 (illustré). Extrait de « Deux repré- sentants argentins tués dans la guerre. » : https://www.idesetautres.be/upload/ 19141020%20PAYRO%20MASSACRES%20DI- NANT%20DEUX%20REPRESEN- TANTS%20ARGEN- TINS%20TUES%20DANS%20LA%20GUERRE%20ILLUSTRE.pdf Traduction (partielle) de « Dos represen- tantes argentinos muertos en la guerra », in La Nación ; 17/11/1914. http://www.idesetautres.be/upload/ 19141020%20PAYRO%20DOS%20REPRESEN- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 262/618 TANTES%20ARGENTINOS%20MUER- TOS%20EN%20LA%20GUERRA.pdf https://www.idese- tautres.be/?p=ides&mod=iea&smod=ieaFic- tions&part=belgique100 Articles de Roberto J. Payró (1867-1928) relatifs à la guerre 1914-1918 et la Bel- gique (ainsi que légendes belges) : https://www.idesetautres.be/upload/PAY- RO%20ARTICLES%20BEL- GIQUE%20GUERRE%201914-1918%20AVEC%20LIENS%20IN- TERNET.pdf Fray Bartolomé de las Casas et Johannes Gy- sius ; Brevísima relación de la destrucción de las Indias (colegida por el obispo don fray Bartolomé de las Casas o Casaus, de la or- den de Santo Domingo. Sebastian Trugil- lo) ; écrite à partir de 1539 et publiée à Sé- ville en 1552 : http://aix1.uottawa.ca/~jmruano/rela- cion.pdf La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 263/618 https://www.youtube.com/watch?v=q0jZ- jtx7e-0 http://www.cervantesvirtual.com/servlet/Sir- veObras/12817291026719384321435/in- dex.htm Bartolomé de Las Casas, La vraye Enarra- tion De la destruction des Indes Occiden- tales Traduction illustrée en français de 1620 de Historia de las Indias, écrite après 1532 Fray Bartolomé de las Casas ; Historia de las In- dias (1527-; Selección, edición y notas de José Miguel Martínez Torrejón), Libro III, Capítulo III :« Del mal tratamiento que hacían los españoles a los indios » : http://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/ historia-de-las-indias--0/html/d31cc52d- acd9-4776-a069-ee37b963f399_14.html Libro III, Capítulo VI De los frailes que vinieron a dar cuenta al rey de lo que pasaba en Santo Domingo : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 264/618 « (…) de cómo las mujeres que se sentían preñadas tomaban hierbas para echar muer- tas las criaturas, por no vellas o dejallas en aquellos infernales trabajos » Libro III, Capítulo IV De las predicaciones de los frailes sobre el buen tratamiento de los indios : fray Antón Montesino, Ego vox clamantis in deserto. « Para os los dar a conocer me he sobido aquí, yo que soy voz de Cristo en el desierto desta isla (…) Esta voz, dijo él (fray Antón Montesino), dice que todos estáis en peca- do mortal y en él vivís y morís, por la cruel- dad y tiranía que usáis con estas inocentes gentes. Decid, ¿con qué derecho y con qué justicia tenéis en tan cruel y horrible ser- vidumbre aquestos indios ? ¿Con qué au- toridad habéis hecho tan detestables guer- ras a estas gentes que estaban en sus tier- ras mansas y pacíficas ; donde tan infini- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 265/618 tas dellas, con muertes y estragos nunca oí- dos, habéis consumido ? ¿Cómo los tenéis tan opresos y fatigados, sin dalles de comer ni curallos en sus enfermedades, que de los excesivos trabajos que les dais incurren y se os mueren, y por mejor decir, los matáis, por sacar y adquirir oro cada día ? ¿Y qué cuidado tenéis de quien los doctrine, y co- nozcan a su Dios y criador, sean batizados, oigan misa, guarden las fiestas y domin- gos ? ¿Estos, no son hombres ? ¿No tienen ánimas racionales ? ¿No sois obligados a amallos como a vosotros mismos ? ¿Esto no entendéis ? ¿Esto no sentís ? ¿Cómo estáis en tanta profundidad de sueño tan letárgico dormidos ?Tened por cierto que en el estado que estáis no os podéis más salvar que los moros o turcos que carecen y no quieren la fe de Jesucristo ». Alfonso Maestre Sánchez ;“Todas las gentes del mundo son hombres” (“All the people in the world are human beings”). El gran debate La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 266/618 entre Fray Bartolomé de las Casas (1474-1566) y Juan Ginés de Sepúlveda (1490-1573), in Anales del Seminario de Historia de la Filosofía ; Universidad Com- plutense de ; Vol 21 (2004) , pp. 91-134. ISSN 0211-2337 ISSN-e 1988-2564 http://revistas.ucm.es/index.php/ASHF/ar- ticle/view/ASHF0404110091A/4728 Extracto del resumen : « (…) Bartolomé de Las Casas y Juan Ginés de Sepúlveda, se reunieron en Valladolid en 1550 para discutir un gran problema nacio- nal que concernía tanto a los indios ame- ricanos como a Aristóteles. Entonces, por primera vez y quizá por última, un imperio organizó oficialmente una encuesta sobre la justicia de los métodos empleados para ex- tender su dominio. La disputa de Vallado- lid ha de interpretarse claramente como el testimonio apasionado de un hecho decisi- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 267/618 vo en la historia de la humanidad : por no haber triunfado las ideas de Juan Ginés de Sepúlveda se dio un paso más, penoso e inseguro todavía, en el camino de la justi- cia para “todas las razas en un mundo de múltiples razas” ; por hablar con tanta ve- hemencia Fray Bartolomé de las Casas en Valladolid en favor de los indios america- nos, su larga y complicada argumentación tuvo también otra utilidad : fortaleció a to- dos aquellos que en su tiempo, y en los si- glos que siguieron, trabajaron con la creen- cia de que “todas las gentes del mundo son hombres”. No bestias, ni esclavos por natu- raleza, no como niños con un entendimien- to limitado o estático, sino hombres que son capaces de llegar a ser cristianos, que tienen pleno derecho a gozar de sus bienes, su libertad política y su dignidad humana, y que en su creencia deberían ser incorpora- dos a la civilización española y cristiana en vez de ser esclavizados o destruidos. » La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 268/618 http://revistas.ucm.es/index.php/ASHF/ar- ticle/view/5571 Fray Alonso de Espinar. Ver : Espinar o Espi- nal, Alonso de (¿-1513). Religioso francis- cano español, nacido en fecha desconocida en España y muerto en 1513 en un naufra- gio en el océano Atlántico. Dirigió el primer grupo de misioneros de su orden que fue- ron a América. Se establecieron en Concep- ción, en la isla Española, donde se fundo el primer convento de esta orden. Espinar fue enviado a España a raíz del sermón de Montesinos y murió en el océano al naufra- gar la embarcación en la que regresaba a Indias con nuevos frailes. Fray Alonso del Espinar, a quien Las Casas llama Espinal, llegó a Santo Domingo en 1502 con la flota de frey Nicolás de Ovando con objeto de establecer la orden francisca- na en América, descubierta diez años antes. El padre Espinar fue como prelado del pri- mer grupo de tales franciscanos, compues- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 269/618 to de doce de ellos. El gobernador ordenó que se les construyera un convento en la población de Concepción de la Vega, que no se construyó en firme hasta 1545 ; allí se colocó la cruz que levantó Colón a su llega- da en 1492. En 1511 Espinar era el superior del conven- to erigido en la ciudad de Santo Domingo, a donde fueron a quejarse los encomenderos cuando el dominico Montesinos pronunció su famosa homilía en la que les acusó de explotadores y de estar condenados al in- fierno y a la corona de haber tergiversando la donación papal de las Indias. Los enco- menderos suplicaron a Espinar que viajara a España y se entrevistara con el rey para explicarle la verdadera situación de la Es- pañola, lo que hizo el franciscano. Se en- trevistó con Fernando el Católico y le dio su punto de vista sobre la crisis moral in- diana. De sus informes y de los de Monte- sinos vinieron a resultar las famosas Leyes La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 270/618 de Burgos de 1512. Se convocó entonces el Capítulo General de la Orden en Segovia al que asistió Espinar y donde se acordó en- viar más misioneros franciscanos a Indias. Se mandaron a Sevilla catorce, que debían viajar a Indias con el padre. Espinar. Sólo hubo pasaje para doce de ellos, que embar- caron de inmediato en 1513, los otros dos se quedaron con Espinar en espera de otra nave. Al fin ésta estuvo lista y en ella via- jó Espinar, emprendiendo una violenta tra- vesía en la que naufragó la nave y se aho- garon los religiosos. Del padre Espinar dijo Las Casas que era “celoso y virtuoso religioso, pero no letra- do, mas de saber lo que muchos religiosos saben, y todo su estudio era leer en la Suma angélica para confesar”. CASTRO SEOANE, J. “Aviamiento y catálogo de las misiones que en el siglo XVI pasaron de España a Indias, según los libros de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 271/618 Contratación”, en Missionalis Hispánica, núm. 37, Madrid, 1956. LOPEZ, FR. A. Fr. “Alonso del Espinar, misio- nero en las Indias”, en Archivo Ibero Ameri- cano, Madrid, 1916. http://www.mcnbiografias.com/app-bio/do/ show?key=espinar-alonso-de Le Décalogue – littéralement les dix paroles, généralement traduit par les Dix Comman- dements – est un court ensemble écrit d’ins- tructions morales et religieuses reçues, se- lon les traditions bibliques, de Dieu par Moïse au mont Sinaï. https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ca- logue El INDIO HATUEY Hatuey, le premier résistant anti-impérialiste. Dans Le système colonial dé- voilé, le baron de Vastey consacre un long développement aux indiens Taïnos et à ce chef légendaire, Hatuey, qui, le premier, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 272/618 s’opposa à l’impérialisme et l’esclavage. Il reste aujourd’hui un symbole… Baron de Vastey ; Le système colonial dé- voilé (1814). Notes à M. le baron de V. P. Malouet, en réfutation du IVe Volume de son ouvrage, intitulé Collection de Mé- moires sur les Colonies, et particulièrement sur Saint-Domingue. (1814). Le combat d’Hatuey est évoqué dans le film d’Icíar Bollaín, “Même la pluie”, réalisé en 2011. C’est l’histoire d’un tournage en Boli- vie. Juan F.Pérez Home Page / Historia de Cu- ba : http://www.juanperez.com/historia/ha- tuey.html Hatuey :“si al cielo van los españoles yo prefiero el infierno” Ne pas confondre avec Alonso Sánchez (e. a. statue à Huelva) : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 273/618 https://historiadelaprovinciadehuelva.blog- spot.com/2012/02/la-leyenda-de-alonso-san- chez-de-huelva.html André Saint-Lu ;« La légende du pilote précur- seur de Christophe Colomb dans l’historiogra- phie du Guatemala » in Bulletin Hispanique, Année 1959, Volume 61 (Numéro 1), pp. 74-81 : https://www.persee.fr/doc/his- pa_0007-4640_1959_num_61_1_3615 Responsables de cruautés : Gonzalo Hernán- dez de Oviedo. « Y que Oviedo haya sido partícipe de las crueles tiranías que en aquel reino de Tierra Firme que llamaron Castilla del Oro, desde el año de 14 que fue, no a gobernallo, sino a destruillo (…) » Fray Bartolomé de las Casas ; Historia de las Indias, capítulo CXLII) Hablando de cómo se saca el oro, en el libro de su Historia, capítulo 8.°, refiere Ovie- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 274/618 do :« Yo he hecho sacar el oro para mí con mis indios y esclavos en la Tierra Firme, en la provincia y gobernación de Castilla del Oro, etc. ». Alonso Sánchez de Carvajal y Francisco Roldán in Juan de Velasco (1727-1792) ; Historia del reino de Quito en la América meri- dional ; Caracas, Fundación Biblioteca Aya- cucho (N° 82) ; 1981, XLIX-669 pages. (page 243) : « Falsas rebeliones » de indios. Ver, e. o. : https://fr.slideshare.net/Elenamohr/rebe- liones-indgenas-en-amrica-colonial Kintto Lucas ; Rebeliones indigenas y negras en América latina : http://www.rebelion.org/docs/18966.pdf « No nacimos indios, nos hicieron indios » : http://www.rebelion.org/docs/18966.pdf Alexandre Cœllo de la Rosa ; “¿Indios bue- nos?”, “¿Indios malos?”, “¿Buenos cristia- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 275/618 nos ?” : La cara oscura de las Indias en Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdés » (*) in Scripta No- va (Revista electrónica de geografía y ciencias sociales) ; Universidad de Barcelona ;Vol V, nº 101,15 de noviembre de 2001 (ISSN : 1138-9788. Depósito Legal : B. 21.741-98) : http://www.ub.edu/geocrit/sn-101.htm (*) Fernández de Oviedo y Valdés, Gonzalo ; Historia General y Natural de las Indias, Islas y Tierra Firme del Mar Océano ; Madrid, Real Aca- demia de la Historia ; 1854,770 p. : https://ia801408.us.archive.org/6/items/his- toriageneraly01fern/historiageneraly01fern.pdf Juan Friede ;« Los Franciscanos en el Nuevo Reino de Granada y el movimiento indigenista del siglo XVI » in Bulletin Hispanique ; 1958, Volume 60, Numéro 1, pp. 5-29 (refus d’ab- solution et mesures de prévention : pp. 16,19,22,24) : https://www.persee.fr/doc/his- pa_0007-4640_1958_num_60_1_3561 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 276/618 José Fernando Ramírez ; Obras históricas (Volume 2) ; UNAM ; 2001,289 p. (p. 46) : Bartolomé de Las Casas, obispo de Chia- pas, niega la absolución a los españoles que poseen esclavos (en 1545). http://moines.mayas.free.fr/frailes.mayas/in- dex_pages/Las%20Ca- sas%20en%20contra%20de%20los%20conquis- tadores(17).htm (Fray Antonio de Remesal, Historia de la provincia de San Vicente de Chiapa y Guate- mala, libro 6, capítulo 2 ; 1619, p. 287) https://ia902705.us.archive.org/4/items/his- toriadelaprov00reme/historiadela- prov00reme.pdf

Chapitre 17 ALFONSO ÁLVAREZ de VILLASANDI- NO(1340-1350 – c 1424) CANTIGA (compo- sition poétique destinée à être chantée). La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 277/618 « TROVADORES CASTELLANOS / CANTIGAS DE AMOR Y RELIGIOSAS » (SELECCIÓN, IN- TRODUCCIÓN Y NOTAS DE ROBERTOF. GIUSTI) : http://www.dim.uchile.cl/~anmoreir/escri- tos/siglo_oro/trova.html

Generosa, muy hermosa, sin mancilla Virgen Santa, virtuosa, poderosa, de quien Lucifer se espanta tanta fué la tu grand omildat, que toda la Trenidat en ti se encierra, se canta.

Placentero fué el primero gozo, Señora, que hobiste; cuando el vero mensajero te saluó, tú respondiste. Trojiste en tu seno virginal al Padre celestial, al cual sin dolor pariste. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 278/618

Quien sabría nin diría cuánta fué tu omildanza, o María, puerta e vía de salud e de holganza. Fianza tengo en ti, muy dulce flor, que por ser tu servidor habré de Dios perdonanza.

Noble rosa, hija e esposa de Dios, e su madre dina, amorosa es la tu prosa, Ave, estela matutina. Enclina tus orejas de dulzor oyendo a mí, pecador, ayudándome festina.

Quien te apela maristela, flor del ángel saludada, sin cabtela non recela la tenebrosa morada. Criada fuste limpia, sin error, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 279/618 porqu’el alto Emperador te nos dió por abogada.

Que parrías al Mexías dijeron gentes discretas, Jeremías e Isaías, Daniel e otros profetas. Poetas te loan e loarán, e los santos cantarán por ti en gloria chanzonetas.

O beata inmaculata, sin error desde abenicio, bien barata quien te cata mansamente sin bollicio. Servicio hace a Dios, nuestro Señor, quien te sirve por amor non dando a sus carnes vicio.

« Armamento naval. La artillería en los siglos XV- XVI – XVII ». Illustration de bombarde utili- sée sur les caravelles. Voir : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 280/618 http://www.armada15001900.net/artilleriana- val.htm Vasco Nuñez de BALBOA par Fred FUNCKEN : https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Río de Santa Lucía (Cuenca del Plata). Images : https://www.youtube.com/ watch?v=DiAvdXBHUw0 https://commons.wikimedia.org/wiki/Cate- gory:R%C3%ADo_Santa_Luc%C3%ADa

Chapitre 18 ALFONSO ÁLVAREZ de VILLASANDINO (1340-1350 – c 1424) CANTIGA: voir le chapitre 17. El Río de Solís = El Río de Quilmes : images. http://fr.slideshare.net/sirincho/el-ro-de-sols Carte du bassin du Río de la Plata : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 281/618

https://es.wikipedia.org/wiki/Cate- gor%C3%ADa:Afluentes_del_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta#/media/File:Plata_buenos_aires_montevi- deo_map.svg Voir aussi: Plata_buenos_aires_montevideo_map.PNG REITANO, Emir ;« El Río de La Plata y la car- tografía portuguesa de los siglos XVI y XVII », in Anuario del Instituto de Historia Argentina N° 3 ; Universidad Nacional de La Plata ; 2003, pp. 159-186 (“Memoria Académica”) : http://www.memoria.fahce.unlp.edu.ar/ art_revistas/pr.3101/pr.3101.pdf La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 282/618 Gobernación del Río de la Plata, carte datant des alentours de 1600. (Jodocus Hondius : 1563-1612). https://es.wikipedia.org/wiki/Goberna- ci%C3%B3n_del_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta_y_del_Paraguay#/media/File:Paraguay_- _O_Prov_de_Rio_de_la_Plata_-_cum_regioni- bus_adiacentibus_Tvcv- man_et_Sta._Cruz_de_la_Sierra_-_ca_1600.jpg

« Glas de Vellila » (« campana de Velilla ») : http://www.enciclopedia-aragonesa.com/ voz.asp?voz_id=2948 Les cloches magiques de Velilla de Ebro : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 283/618 https://www.youtube.com/watch?v=-izx- dosNvDQ « Île de San Gabriel, si souvent mentionnée » : https://es.wikipedia.org/wiki/Isla_San_Ga- briel Île Martín García. Voir, e. a. : https://es.wikipedia.org/wiki/Is- la_Mart%C3%ADn_Garc%C3%ADa Travail propre basé sur le travail de “pruxo” de Licencia de Documentación Libre GNU https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Is- la_martin_garcia-timoteo_dominguez_1.png https://fr.wikipedia.org/wiki/ Mart%C3%ADn_Garc%C3%ADa_(%C3%AEle) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 284/618

L’île se trouve à droite sur la carte qui figure supra dans le texte (carte publiée par la pro- fesseur Luciana Aguiar ) : http://histoestudiantes2000.blogspot.com/ 2010_08_01_archive.html

Chapitre 19 LUIS PRATS ;« Los misterios que dejó Solís : ¿Hizo viajes secretos ? ¿Había sido pirata ? ¿Quiénes lo mataron ? Una historia que cumple 500 años » in El País (domingo), , 14/02/1916 : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 285/618 http://www.elpais.com.uy/domingo/miste- rios-que-dejo-solis.html Expédition de Solís au Río de la Plata https://es.wikipedia.org/wiki/Expedi- ci%C3%B3n_de_Sol%C3%ADs_al_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta Mort de Solís : « Viendo indígenas en la costa oriental, Díaz de Solís intentó desembarcar en un bote con 7 de sus tripulantes (entre ellos Alarcón y Marquina, 4 marineros y el gru- mete Francisco del Puerto), en un paraje entre Carmelo y Punta Gorda, o en alguna isla situada frente a esa costa. Solís y sus compañeros fueron sorpresivamente ataca- dos por un grupo de indígenas que los ma- taron y descuartizaron ante la mirada del resto de los marinos, que observaron im- potentes desde el buque, fondeado a tiro de piedra de la costa. Los cadáveres fueron asados y devorados por los indígenas, que fueron identificados como charrúas, sin em- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 286/618 bargo de que estos no eran caníbales, pero sí sus vecinos guaraníes (los chandules) que vivían en las islas situadas en la cercana costa opuesta. Relation de Herrera de la mort de Solís. (notez la S larga utilisée dans la calligraphie de l’époque, représentée par le symbole “ſ”) : « Siempre que fueron coſteando la Tierra, haſta ponerſe en el altura ſobredicha, deſ- cubrian algunas veces Montañas, i otros grandes Riſcos, viendo Gente en las Ribe- ras : i en eſta del Rio de la Plata deſcubrian muchas Caſas de Indios, i Gente, que con mucha atencion eſtaba mirando paſar el Na- vio, i con ſeñas ofrecían lo que tenian, po- niendolo en el ſuelo. Juan Díaz de Solis, quiſo en todo caſo vèr, què Gente era eſta, i tomar algun Hombre para traer à Caſtilla. Saliò à Tierra con los que podian caber en la Barca : los Indios, que tenian emboſcados muchos Flecheros, quando vieron à los Caſ- tellanos algo deviados de la Mar, dieron en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 287/618 ellos, i rodeando, los mataron, fin que apro- vechaſe el ſocorro de la Artilleria de la Ca- ravela : i tomando acueſtas los muertos, i apartandolos de la Ribera, haſta donde los del Navio los podian vèr, cortando las cabe- ças, braços, i pies, aſaban los cuerpos ente- ros, i ſe los comian. Con eſta eſpantoſa viſ- ta, la Caravela fue à buſcar el otro Navio, i ambos ſe bolvieron al Cabo de S. Aguſtin, adonde cargaron de Braſil, i ſe tornaron à Caſtilla. Eſte fin tuvo Juan Diaz de Solis, mas famoſo Piloto, que Capitan. » (HERRE- RA) « El grumete Francisco del Puerto no fue ase- sinado, pero sus compañeros confundidos al haber perdido a su líder, no intentan re- scatarlo y retornan junto a los otros dos barcos. Tomando el mando Francisco de Torres (cuñado de Díaz de Solís), regresaron inmediatamente al mar, reaprovisionán- dose de la carne de 66 lobos marinos en la is- la de Lobos. Salaron la carne y llevaron los La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 288/618 cueros que luego vendieron en Sevilla. Del Puerto permaneció en Martín García hasta el arribo de la expedición de Sebastián Ca- boto, cuando fue recogido. » HERRERA y Tordesillas, Antonio de ; Barcía Carballido y Zúñiga, Andrés Gonzá- lez ; Historia general de los hechos de los cas- tellanos en las islas i tierra firme del mar océa- no (Ilustrado por Matías Irala) ; Imprenta Real de Nicolas Rodriguez Franco ; 1726,2 tomos, 292 (Decada primera) + 288 páginas (Decada segunda, page 12 :“Muerte de Solís” ; transcription ci-dessus) : https://ia801409.us.archive.org/14/items/ge- neraldehechosd01herr/generaldehe- chosd01herr.pdf

Chapitre 20

Guillaume CANDELA ;« De Cannibale à Géné- ral : Représentations singulières des indiens du Rio de la Plata » : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 289/618

https://www.academia.edu/6244557/ De_Canni- bale_%C3%A0_G%C3%A9n%C3%A9ral_Re- pr%C3%A9sentations_singu- li%C3%A8res_des_indiens_du_Rio_de_la_Plata Cabo de San Agustín (8º de latitude Sud) : Ca- bo de Santo Agostinho, cabo de Consola- ción, ou cabo de Santa María de la Conso- lación « (…) embarqua une petite Indienne (…) ». Voir, dans le livre suivant, à la page CCXCIV. « Enrique Montes y Melchor Ramírez dont l’His- toire s’occupera à nouveau en narrant les ex- péditions de Sebastian Cabot et de Diego García ». Voir, e. a. : pages CCLV, CCXC- CCXCII, CCCXVII-CCCXXIII, CCCXXVIII- CCCXXXI. Dans le livre suivant : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 290/618 José Toribio Medina ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; Santiago de Chile, impreso en casa del autor ; 1897, CCCLII + 252 p. (se- gundo libro : documentos y bibliografía). https://ia800502.us.archive.org/10/items/ juandazdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf « Francisco del Puerto, captif des Indiens, res- tait sur les rives de la Mer d’eau douce, » Voir, e. a. : pages CCCXXXII-CCCXXXIII du livre précédent. José Toribio Medina ; Los viajes de Diego García de Moguer al Río de la Plata, estudio histó- rico ; Santiago de Chile, Imprenta Elzeviria- na ; 1908, 309 p. : https://ia601402.us.archive.org/28/items/ losviajesde00medirich/losviajesde00medi- rich.pdf Expedición de Solís al Río de la Plata https://es.wikipedia.org/wiki/Expedi- ci%C3%B3n_de_Sol%C3%ADs_al_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 291/618 “El grumete Francisco del Puerto (…) permaneció en Martín García hasta el arribo de la expe- dición de Sebastián Caboto, cuando fue reco- gido.” (traduction : Le mousse Francisco del Puerto (…) resta sur l’île Martín García jus- qu’à l’arrivée de l’expédition de Sebastian Ca- bot, quand il fut recueilli.) José Toribio Medina ; El veneciano Sebastián Caboto al servicio de España (…) ; Santiago de Chile, Imprenta y Encuadernación Uni- versitaria ; 1908, IX-634 p. (tomo I ; índice alfabético del texto ; documentos y biblio- grafía) https://ia801407.us.archive.org/35/items/el- venecianosebas01medirich/elvenecianose- bas01medirich.pdf TABLE DES ILLUSTRATIONS

Chapitre 11 Vue de Sanlúcar en 1567, dessinée par Antonio de las Viñas https://commons.wikimedia.org/wiki/Cate- gory:Anthonis_van_den_Wijngaerde#/media/ File:Sanlucar_barrameda_vista_panorami- ca_1567_Wijngaerde.jpg Marins à la manœuvre du cabestan, Anonyme, Original Print, 19e siècle (Wikipédia). La Santa Maria en mouillage (détail), Andries Van Eertvelt, c. 1628 (The Society for Nau- tical Research)

Chapitre 12 Illustration de monstres provenant du Musée Vi- vant du Roman d'Aventures, Muséum La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 293/618

d'Histoire Naturelle de Lausanne in Monstres marins, mythes et légendes, dossier thématique Médiathèque de La Cité de la Mer (Cherbourg), Septembre 2013. https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/medias/ fichier/monstresmarins_1392553930390.pdf Carte situant la Castille d’Or par « Santos30 » (Creative Commons Attribution-ShareA- like3.0Unported license) : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Tierra_Firme_Coquivacoa.PNG Vasco Núñez de Balboa prend possession de l'océan Pacifique au nom des souverains de Castille, gravure, anonyme, 19e siècle (Wi- kipédia). https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Balboa_s%C3%BCdsee.jpg La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 294/618 Chapitre 13 Îles Canaries et Golfo de Yegas, Cartographie Abraham Ortelius, 16e siècle in Juan Tous Meliá ; Las Islas Canarias a través de la Car- tografía : Una selección de los mapas más em- blemáticos levantados entre 1507 y 1898 ; Is- las Canarias [Gaviño de Franchy] ; 2014, 264 p. (172 illustrations). Mapa con Plano y Vistas de la Yslas de Canaria, Première carte imprimée aux Îles Canaries, 1786, levée par Josef Trinidad de Herrera et gravée par Antonio Hemández Bermejo. Pico del Teide (Tenerife) et navires au premier plan, gravure ancienne. Teide, Siruis Enobs, 26.02.2011 (Wikimédia). licence Creative Commons Attribution – Par- tage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non trans- posée). https://web.archive.org/web/ 20161016220014/http://www.panora- mio.com/photo/49132016 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 295/618

Chapitre 14 Pueblo Chico hier : Guanchen, photographie R. Liebau, 05.04.2006 Licence : Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée) https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Pueblo_Chico_Guanchen2.jpg?uselang=fr Costumes des Guanches, écrasant des céréales et faisant cuire leur repas à l’abri d’une ca- verne. Carreaux de faïence au Parque García Sanabria in Santa Cruz de Tenerife photo retouchée par Koppchen, 31.07. 2012 Licence Creative Commons Attribution 3.0 Un- ported https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Parque_03.jpg Llegada de los Conquistadores Représentation de Guanches. Carreaux de faïence au La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 296/618 Parque García Sanabria in Santa Cruz de Tenerife, photo retouchée par Koppchen, 31.07. 2012 Licence Creative Commons Attribution 3.0 Un- ported https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Parque_08.jpg Gravures Guanches/Guanche engravings, Ca- nary Islands : Luc Viatour: Licence : GNU Free Documentation License www.lucnix.be Momie Guanche dans le Museo de la Natura- leza y el Hombre (Santa Cruz de Tenerife) : par Cardenasg – Travail personnel, CC BY 2.5, Détail d’une carte du nord-ouest de l’Afrique par Guillaume Delisle (1707). L’île de Saint-Bren- dan (« St. Borondon ») est en le parage à gauche en dessous du mot « quelques ». https://etiennefd.com/lile-de-saint-brendan/ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 297/618 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Guillaume_Delisle_North_West_Afri- ca_1707.jpg?uselang=fr Emplacement de Cabo de Santo Agostinho, au- jourd’hui une ville du Brésil : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabo_de_San- to_Agostinho La mer des Sargasses dans l'Atlantique nord, Cartographiée d'après Otto Krümmel (1854-1912).- Die nordatlantische Sargasso See (1891), Petermanns geographische Mittei- lungen (1891), Dr. A. Petermann's Mitteilun- gen aus Justus Perthes' geographischer Ans- talt (1891), Justus Perthes Editeur, Gotha, 1891. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:1891_SargassoSee_Krummel_Peter- manns_lores.jpg?uselang=fr Ligne de sargasse dans la mer du même nom. Ces lignes peuvent s'étirer sur plusieurs ki- lomètres. Les amas d'algues flottantes sont La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 298/618 concentrés par les vents forts et l'action des vagues associées au Gulf Stream, anonyme, 09.08.2002, Ocean Explorer/NOAA. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Lines_of_sargassum_Sargas- so_Sea.jpg?uselang=fr Feux de Saint Elme à la pointe du mat d’un navire in The Aerial World, by Dr. G. Hartwig, London, 1886 https://commons.wikimedia.org/wiki/St._El- mo%27s_Fire?uselang=fr

Chapitre 15 Araponga barbu (Procnias averano) empaillé au Muséum d'Histoire naturelle de Genève, photographié par Totodu le 20.06.2009 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Araponga_barbu.JPG?uselang=fr La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 299/618 Trochilidae, peinture de Ernst Haeckel parue dans Kunstformen der Natur de 1904, planche 99. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Haeckel_Trochilidae.jpg 1. Trochilus colubris (Linné) = Archilochus co- lubris (Linnaeus, 1758) 2. Heliactin cornutus (Bonaparte) = Heliactin bilophus (Temminck, 1820)

3. Topaza pella (Gray) = Topaza pella (Lin- naeus, 1758) 4. Sparganura sappho (Cabanis) = Sappho spar- ganura (Shaw, 1812) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 300/618 5. Lophornis ornata (Lesson) = Lophornis orna- tus (Boddaert, 1783) 6. Docimastes ensifer (Gould) = Ensifera ensife- ra (Boissonneau, 1840) 7. Eutoxeres condamini (Reichenbach) = Eu- toxeres condamini (Bourcier, 1851) 8. Lophornis gouldii (Gray) = Lophornis gouldii (Lesson, 1833) 9. Ornismya petasphora (Lesson) = Colibri ser- rirostris (Vieillot, 1816) 10. Augastes lumachellus (Gould) = Augastes lumachella (Lesson, 1838) 11. Hylocharis Stokesii (King) = Sephanoides fernandensis (King, 1831) 12. Steganura underwoodi (Gould) = Ocreatus underwoodii (Lesson, 1832) Voyages de Cabral au Brésil et à Calicut (Khozhi- kode, Kerala), retouchée par Odysseus1479 le 22.10.2010. (En rouge, la route suivie par Cabral du Portugal vers l'Inde en 1500, et la route retour en bleu.) Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 301/618 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Cabral_voyage_1500.svg Peinture romantique du premier débarquement de Pedro Álvares Cabral sur l’île Vera Cruz (22 avril 1500). On peut l’apercevoir sur le rivage au centre debout devant les soldats en armes qui déploie une bannière de l’ordre du Christ : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Desem- barque_de_Pedro_%C3%81lvares_Ca- bral_em_Porto_Seguro_em_1500_by_Os- car_Pereira_da_Sil- va_(1865%E2%80%931939).jpg Carte incluant, e. a., Cabral et Vespucci : Loba- to, Mirta Zaida ; Juan Suriano ; Nueva Histo- ria Argentina. Atlas histórico ; Buenos Aires, Sudamericana ; 2010. https://historiasocialyeconomicaargenti- na.wordpress.com/2014/03/29/america-si- glo-xvi-descubrimiento-y-conquista-de-espa- noles-y-portugueses/ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 302/618 Illustration tirée de : L’Histoire du monde : la course aux épices », Fred Funken in Tintin, n° 29, 16071958 (courtoisie de M. et Mme Fred Funken, selon autorisation donnée à Ber- nard Goorden) https://www.idesetautres.be/upload/ 19580716%20COURSE%20AUX%20EPICES%20HIS- TOIRE%20MONDE%20144%20TIN- TIN%2029.pdf

Chapitre 16 Depiction (Théodore de Bry) of Spanish atroci- ties in the New World, as recounted by Bar- tolomé de las Casas in Narratio Regionum indicarum per Hispanos Quosdam devastata- rum verissima : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Narratio_Regionum_indicarum_per_Hispa- nos_Quosdam_devastatarum_verissima_Theo- dore_de_Bry.jpg La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 303/618 Nous avons également reproduit 4 illustrations provenant respectivement des pages 225 (« Indiens brûlés vifs », page 17 de Las Ca- sas), 168 (« Mines d’or de Cuba », en cou- leurs, Th. de Bry, Grands voyages, Americae, pars. V, planche I), 232 (« Indiens dévorés par des chiens », en couleurs, Th. de Bry, Grands voyages, Americae, pars. IV, planche XXII), 257 (« Les Espagnols attisaient le feu au-dessous du gril »), de VERNE, Jules ; Dé- couverte de la Terre ;Paris ; Hetzel ; pre- mière partie (chapitre V) et deuxième par- tie, chapitre VI : http://passerellesdutemps.free.fr/edition_nu- merique/IGCD/9_GEOGRAPHIE_%20HIS- TOIRE_SCIENCES_AUXILIAIRES_DE_L_HIS- TOIRE/91_Geographie_explora- tions_voyages/910.9_Decou- verte_de_la_terre.pdf Illustration (« Treize pendus brûlés », voir aussi infra) de Théodore de Bry (1528 – 1598) inspirée d’un passage de la Brevísima, dé- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 304/618 crivant des massacres supposés d’enfants amérindiens par les Espagnols. Probable- ment extraite de la traduction latine de 1598 : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:De_Bry_1c.JPG La Minerìa :Trabajada principalmente por indìgenas, donde luego es obrada por los negros, quienes fueron traidos a Amèrica para hacer trabajos forzosos. Los conquis- tadores tenìan el pleno control de la pro- ducciòn y los terrenos. https://nataechev.wixsite.com/unregalopara- ti/single-post/2016/10/28/Actividades-pro- ductivas-en-la-colonia Buste d'Hatuey à Baracoa. http://laurent.quevilly.pagesperso-orange.fr/ Hatuey.html La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 305/618 Chapitre 17 Cartes de la Province du Río de la Plata (…) ex- traites de DUVIOLS, Jean-Paul ; L’Amérique espagnole vue et rêvée. Les livres de Christophe Colomb à L. A. de Bougainville (1492-1768) ; (Paris), Éditions Promodis (Collection diri- gée par Jean Viardot) ; 1985, p. 260 (1602), p. 380 (e. a. Capitanía del Rey ; 17ème siècle). Page 12 de Travels in Buenos Ayres, and the ad- jacent provinces of the Rio de la Plata. With observations, for the use of persons who contemplate emigrating to that country; or, embarking capital in its affairs, BEAUMONT, J. A. B, Londres, 1828. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:(1828)_PLATE_OF_THE_PRO- VINCES_OF_BUENOS_AYRES,_BAN- DA_ORIENTAL_%26_ENTRE_RIOS.jpg Desembarco de Juan Díaz de Solís en las costas de la Banda Oriental (actual ), ace- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 306/618

chado por indios Charrúas que lo matarían poco después, Ulpiano Checa, in "Historia Argentina" de Abad de Santillán, 19e siècle. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Descubrimien- to_del_R%C3%ADo_de_la_Plata.jpg Cinnamon Teal Anas cyanoptera, Los Osos (Cuesta by the Sea Inlet), Morro Bay, CA, March 29, 2007, "Mike" Michael L. Baird. Licence Creative Commons Attribution 2.0 Ge- neric https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Sarcelle_cannelle.jpg

Chapitre 19 LUIS PRATS ; « Los misterios que dejó Solís : ¿Hizo viajes secretos? ¿Había sido pirata? ¿Quiénes lo mataron? Una historia que cumple La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 307/618

500 años » in El País (domingo), Montevideo, 14/02/1916 : http://www.elpais.com.uy/domingo/miste- rios-que-dejo-solis.html EL MAR DULCE

XI

LOS ADIOSES

Desde que zarpó, perdiendo de vista la mole del Alcázar donde se cobijaba la Contra- tación, desde que sintió bajo su planta el suave balance del navío, Juan Díaz de Solís apareció transformado. Brillaba en sus ojos el mismo fuego, pero atenuado por una gran serenidad. Ya estuviera de pie en el puente, vigilando más que mandando la maniobra, ya recorriera a pa- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 309/618 so lento la cubierta, ya visitara los mil recove- cos de la nave, cuidando de que todo estuviese en orden, ya se sentara en la toldilla para re- posar un momento, su aire de tranquila segu- ridad inspiraba respeto y confianza a la tripu- lación, que nunca le había visto así antes de la partida, mientras estuvo en lucha con dificul- tades ocasionales y suscitadas por la malevo- lencia. La misma vaga sonrisa que plegaba sus labios afirmaba su autoridad. Ya era el amo, in- dependiente de toda influencia, dueño y señor de su barco y de su gente, como lo era de las dos naos que seguían su estela, guiadas por Francisco Torres y por Rodrigo Álvarez de Car- taya. Levadas las anclas, puesta en franquía la escuadrilla, nadie podía detenerlo, y antes de surgir frente a Sanlúcar, había estado a pun- to de pasar de largo, para evitar hasta la más remota posibilidad de nuevos entorpecimien- tos. Dos motivos de distinto orden se lo impi- dieron: allí debía tomar a su bordo, como ca- pellán, a un fraile dominico que había estado en Indias con fray Bartolomé de las Casas, y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 310/618 allí también podía esperarle una carta de don Fernando, a quien había escrito despidiéndose, y que quizá se dignara enviarle una palabra de adiós. Y aún haría otra escala, determinada más por el sentimiento que por la necesidad, antes de alejarse de las costas españolas: doña Ana y sus dos hijitos le aguardaban en Lepe, para darle el abrazo de despedida. Pero nada de esto inquietaba ya al marino, enteramente dueño de sus acciones desde que perdió el contacto con “esos señores de Sevilla”. Ni le inquietaba cosa alguna, fuera de sus navíos. De allí en adelante iba a ser el capitán impávido y silencioso que guarda toda su au- toridad celosamente en razón de la responsa- bilidad con que ha cargado. Pero todo marcha- ba sin tropiezo. Las naos iban bien pertrecha- das, y en cambio de la carabela zozobrada que, al fin y al cabo, no era más que “un montón de leña”, un viejo barco poco velero y apenas apto para navegar, había conseguido otra, si no nueva, sólida y manejable. Llevaba sesenta La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 311/618 hombres avezados como tripulantes de los tres navíos, provisiones de boca para más de dos años, armas suficientes y alguna artillería. Con esto, un hombre como él podría ir lejos y hacer mucho; pero su satisfacción, por lo tanto bien fundada, no adormecía su vigilancia previsora. Podía estar tranquilo, sin embargo. Aun en el caso de que sus presuntos fiscales, el conta- dor Alarcón y el factor Marquina(95) fueran enemigos suyos, en vez de amigos, no hubiese tenido que temer de ellos el menor avance sobre su autoridad; los dos desdichados fun- cionarios, apenas iniciado el dulce movimiento de mecedora de la Portuguesa en el Guadalqui- vir, sintieron que el mundo giraba alrededor de sus cabezas y que el cuerpo quería volvérsele del revés, echando fuera lo que hasta entonces había estado dentro; y si se mareaban flotan- do en aguas mansas como las de un lago, ¿qué no sería, vive Dios, cuando se vieran zarandea- dos en alta mar?… Solís los compadecía, sin dejar por eso de sonreírse, porque el mareo, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 312/618 involuntaria y chusca borrachera, ha inspirado siempre risas y lástimas al propio tiempo. La noche había pasado sin que cesara el ir y venir de las pequeñas embarcaciones de la costa a los navíos, y en cuanto amaneció y los primeros rayos solares comenzaron a disolver la ligera niebla que flotaba sobre el río y la cos- ta pantanosa, pudo abarcarse en su conjunto lo que las sombras ocultaban hasta entonces.

A la derecha, una sierra de líneas capricho- sas, de la que surge como un árbol la torre de Lebrija y a cuyo pie se extienden las marismas con sus montañitas de sal de un blanco ceni- ciento, y allá enfrente, a poco menos de una le- gua, alzándose sobre el terreno llano con are- nales y algunas quebradas, las casas grises y blancas de Sanlúcar, rodeadas de huertos ver- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 313/618 degueantes. Dominaban la parte alta, la más antigua, un pardo castillo(96) cuadrangular del pasado siglo, con doble recinto, barbacana, pe- sados torreones en las esquinas y cubos cilín- dricos en cada lienzo de muralla, y la iglesia, cien años más vieja, de Nuestra Señora de la O. En la parte baja y llana aparecía el convento de San Francisco y, algo más próximo a la playa el de Santo Domingo, del que, probablemente a esa hora, aprestábase a salir fray Buenaven- tura, capellán de la escuadrilla. En la playa hormigueaban ya los vagabun- dos, infatigables para todo menos para el tra- bajo, a la husma de diversión o granjería, si no de ambas cosas a la vez, y poco a poco iban agregándoseles algunos mejor puestos, pero que bien podían ser otros que tales, pues poco diferían de los aventureros de baja ralea, pin- tados por un gran escritor casi contemporá- neo(97), con sus largos bigotes, sombreros de grande falda, cuello a la valona(98), espadas de más de marca y broqueles pendientes de la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 314/618 pretina… Entre esta muchedumbre asomó por fin un frailecillo, pequeño de estatura, pálido y enjuto de rostro, vistiendo el hábito blanco y la capilla negra del orden de Santo Domingo, ra- suradas las mejillas y el cráneo que un estre- cho cerquillo ceñía como una cinta. Solís le vio llegar desde el puente y envió en su busca a Rodrigo con el chinchorro. Pocos minutos des- pués se embarcaba el fraile, acogido respetuo- sa y afectuosamente a bordo por el capitán que se había adelantado a recibirle. — Sólo por vos aguardaba, fray Buenaven- tura, pues ya nada tenemos que hacer aquí. — He hecho diligencia, sin embargo – dijo el fraile, sonriendo de un modo particular: son- riendo con los ojos, mientras el resto de la cara se mantenía impasible. — No era queja, que harto me complace vuestra llegada – replicó Solís –. Lo dije sólo porque esperaba encontrar aquí… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 315/618 — Algo que encontraréis en Lepe – inter- rumpió fray Buenaventura –. Al padre prior llegáronle ayer noticias de ello; ya sabéis que tiene ojos y oídos en la Corte. Albricias. Me de- béis albricias, capitán. — De mil amores. Buscad vuestro acomo- do, padre; Rodrigo os guiará. Entretanto, voy a prepararme para aparejar, porque la marea crece y ha de aprovecharse para pasar la barra. ¿Traéis mucho equipaje? El frailecito, que era locuaz, apresuróse a decir: — La que llevo encima, y como repuesto al- guna ropa, una túnica de algodón y dos pares de sandalias, las cosas de botica que me dijis- teis, puesto que he de hacer de físico y, ¡na- turalmente! el aderezo para decir misa, que ha costado no menos de veinticinco mil mara- vedís. Desgraciadamente, nuestro santo padre el Papa nos tiene prohibido que digamos misa a bordo, por lo de que podría verterse la divina La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 316/618 sangre del Salvador, pero no faltará tierra donde desembarquemos y se pueda celebrar el santo sacrificio, para consuelo de cristianos y enseñanza de infieles. — Así será, padre, como decís – contestó el marino, y dirigiendo los ojos hacia una pe- queña ermita que, sobre la costa, dominaba el surgidero, agregó –: Espero en Nuestra Señora de Bonanza que salvaremos el mal paso de la barra sin dificultad. — Ella irá con nosotros – dijo el fraile. Subió al puente el capitán; hiciéronse las señales de práctica a las otras dos naos, levá- ronse anclas y la escuadrilla, al son de la cor- riente, fué arrumbando con lentitud hacia la peligrosa barra, restinga de roca por uno de cuyos resquicios, en marea baja, se echa al mar el Guadalquivir, y por la que, en pleamar, el océano detiene y empuja al río. Salvado el paso sin accidente, la escuadrilla navegó con La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 317/618 viento favorable hacia su última escala en tier- ra europea. Caía ya el sol cuando se fondeó en la boca del río Piedras. Por cierto que en la playa no faltaban curiosos, informados ya de la proximi- dad de las naos. Allí estaban también los no- tables de la villa, acompañando a doña Ana de Torres y a sus dos hijitos, Diego y Luisillo. Solís, al divisarlos desde el puente, sintió ligera congoja mientras que la vista se le nublaba un instante. Cosa extraña, enternecimiento inusi- tado que atribuyó a la fatiga de tanta lucha en- fadosa y enervante… Muchos de los marineros y algunos ofi- ciales tenían, como Solís y Francisco de Torres, sus familias en Lepe, y confiaban en que el capitán les daría licencia para desem- barcar y decirles adiós. La obtuvieron sin pe- dirla, pero el primero en poner pie en tierra fué Solís, que estrechó en un solo abrazo a su mu- jer y a sus hijos, dejando de lado toda reserva, sin ocuparse de los curiosos que lo rodeaban. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 318/618 — En casa os aguardan nuevas, que pido a Dios que sean buenas – dijole doña Ana. – No quise traer un pliego llegado esta mañana, considerando que preferiréis leerlo a solas. — Así es – contestó el marino –. Sobre todo si las nuevas fueran malas, que no han de serlo, según mis noticias. Francisco de Torres se había reunido con ellos y juntos se encaminaron a la villa, segui- dos por sus amigos y vecinos. Una hora des- pués hallábanse a solas cómodamente instala- dos en la vasta cocina, que en aquellos tiem- pos era también sala de confianza y donde rara vez se guisaba, utilizándose para este la cocina de los criados. Abrió Solís el pliego, que era de don Fernando, pero aunque no esperaba nada desagradable no pudo, al reprimir una excla- mación de alegría: el Rey se manifestaba muy satisfecho de su diligencia y, como galardón, dispensábalo del pago de los dineros que la Ca- sa de Sevilla le había adelantado para su abas- tecimiento(99). La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 319/618 — ¿Qué piensas de esto, Paco? – preguntó regocijadamente, después de informar a Torres. – ¡De ver será, la cara de vinagre de los de Sevilla! – y esta fué la última alusión a sus enemigos que hizo por entonces el piloto. — ¡Y la cara de Vasconcelos! – exclamó Torres –. Le dará más dentera que comer mem- brillo acedo. Solís, que había continuado leyendo, agregó con regocijo: — ¡Pues aún faltaba lo mejor! — ¿Qué es ello, di? – preguntó su mujer, que en la intimidad olvidaba el tratamiento. Su Alteza decía que doña Ana de Torres, es- posa de Solís, los hijos de éste, su casa y sus mismos hermanos serían favorecidos por or- den suya, mientras durara la ausencia del pilo- to mayor, y al propio tiempo, que, obedecien- do a su real voluntad, en todos los monasterios de Sevilla se rogaría al Altísimo por el buen La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 320/618 éxito de la jornada y por la salud y la felicidad de quien la capitaneaba. — ¡Y todavía dirán las malas lenguas que don Fernando es cicatero! – exclamó Torres. — No digo que no lo sea – replicó Solís, de muy buen humor –. Lo será, lo es con quien no merece otra cosa; lo será, lo es con su propia persona, porque le importa sobre todas las co- sas que no se malgasten los dineros del tesoro real… — Cuando no se trata de la nueva Reina… – murmuró doña Ana – Para ella no hay corta- pisas… — ¡No digas más, mujer! Cuando el amor tienta al viejo, éste deja la bolsa y el pellejo… Pero no hay que entrometerse en cosas de grandes… Lo que importa es el interés que en nuestro viaje pone y demuestra Su Alteza, el único quizá que a estas horas comprende o adivina, para el presente y el futuro, la grande- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 321/618 za de lo que intentamos hacer. No nos recom- pensaría de antemano si así no fuera… — Dices bien – contestó doña Ana –. Gra- cias al Rey no nos falta nada, ni nos faltará du- rante tu ausencia, que plegue a Dios… — ¡Deja las plegarias, que suenan a agüero, mujer! – exclamó Solís –. Reza, pero agrade- ciendo con fe y con esperanza… Antes de un año estaremos de vuelta, y ¡vive Dios! después de una hazaña que será sonada… — ¡Permítalo el cielo! – exclamó doña Ana suspirando, con la angustia de la mujer amante que teme siempre lo peor. — ¡Vamos! Viajes más difíciles y peligrosos hemos hecho, hermana – dijo Torres. — Y aquí nos tienes, tan guapos y cam- pantes – terminó Solís riendo –. Fuera pena y danos un vaso, que hemos de beber a la parti- da, pensando en la vuelta. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 322/618 — Sí, bebamos – asintió Francisco de Torres. Escanció doña Ana del más rancio que en la casa había, y ambos cuñados bebieron mien- tras Solís explicaba sus planes para la partida. — Mañana, en cuanto asome el sol, ha de decirse en Santo Domingo una misa solemne para pedir a Dios buenos vientos y mejor for- tuna. He elegido la de Santo Domingo porque nuestro capellán fray Buenaventura es de ese orden y le sabrá muy bien la preferencia, muy particularmente sobre les franciscanos… aunque Dios esté en todas partes, como él dice… Así nos despediremos santamente, doña Ana, y tendrás paciencia para aguardar la hora de vernos reunidos otra vez… quizá, para no separarnos ya, pues he de verte gobernado- ra de las tierras que vamos a descubrir… — ¡Ay! ¡gobernadora yo! Poco ambiciosa soy, marido, y preferiría mil veces… Pero ¡ya se ve!, tú no te contentas con nada. Eras piloto La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 323/618 mayor, podías vivir dichoso en tu casita, con mando y honores; tienes dos hijos como dos angelillos, hacienda más que mediana; me tienes a mí, que me desvivo por servirte… pues ¡no, señor! nada de eso era bastante, nada te satisface y necesitas más, y por ese más inú- til, te juegas la vida y con tu vida mi dicha y mi reposo… — Cada cual nace con su estrella, y yo nací para realizar grandes cosas – dijo Solís –. Nada hice todavía si se compara con lo que hoy em- prendo… Está escrito allá arriba. No es ambi- ción: es mi destino. Calló doña Ana enjugándose disimulada- mente los ojos, y la plática tomó otros rum- bos…

…Poco antes de amanecer la gente de la villa se apeñuscaba en la vieja iglesia de Santo Domingo, cuyo altar mayor resplandecía de luces, destacándose en la nave todavía envuel- ta en sombras. Allí estaban ya sus oficiales, la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 324/618 tripulación de las tres carabelas, muchos no- tables, y los fieles seguían llegando, de modo que al comenzar el oficio divino, en la iglesia estaba el pueblo entero; en primera fila doña Ana entre su esposo y su hermano; a ambos la- dos, con el alcalde de la villa y demás autori- dades, el contador Pedro de Alarcón y el factor Francisco Marquina, sanos desde que pusieron el pie en tierra; tras ellos los pilotos, el maestre Diego García de Moguer, el alférez Melchor Ramírez(100), el despensero Martín García y en grupos que obedecían a sus aficiones, pero to- dos con igual recogimiento, el mal encarado Rodrigo, Paquillo orgulloso con su traje de ma- rinero, aunque cupiesen en él dos de su porte, Montes, el portugués, enganchado como ga- viero y futuro lengua, y otros de quienes la his- toria sólo ha conservado el nombre: Jorge Gó- mez y Arbolancha(101), Alejo Ledesma, Diego de Córdoba, dos camaradas inseparables, pero que siempre andaban a la greña, llamados Pe- dro Núñez y Santiago Corzuelo, y la totalidad de los sesenta miembros de la expedición, qui- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 325/618 tados los pocos que habían debido quedar de guardia en los navíos… El pueblo madrugador y creyente, rodeaba a las familias de los mari- nos que la tenían en las inmediaciones o en la misma villa, como el piloto Juan de Lisboa, de Lepe, y el piloto Rodrigo Álvarez, de Cartaya. Ofició fray Buenaventura, y terminada la misa dió la bendición a los fieles arrodillados, que inclinaron la frente casi hasta tocar el sue- lo. Salieron todos procesionalmente del tem- plo, dirigiéndose al desembarcadero, que esta- ba a poco más de una legua de allí, y aunque no faltaron mujeres que lloraron ni aguafiestas que hiciesen siniestros vaticinios, aquello tuvo más de romería regocijada que de dolorosa despedida. El sol había salido e inundaba las colinas y ribazos, cubiertos de higueras, naran- jos, almendros y viñas cuyos pámpanos dora- ba ya el otoño. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 326/618 Rodrigo Rodríguez, Montes y Paquillo, que en amena charla se habían adelantado al cor- tejo, detuviéronse a aguardarlo ya cerca de la costa. A dos pasos de ellos una gitana vieja, en cuclillas, observábalos de reojo y miraba avan- zar la procesión. Brillábanle las pupilas como cuentas de azabache y sus labios delgados y descoloridos mascullaban rezongos en su bárbara lengua. No hicieron caso de ello hasta que, al pasar Solís con Torres y doña Ana, la vieja refunfuñó, más alto: — Ojola na limbidia… — ¿Qué dice esa bruja? – preguntó Rodrigo. La gitana le lanzó una mirada como una saeta y siguió en su rezo o rezongo. — Dice “ese no güerve” – explicó Paquillo, que en Cádiz había aprendido algo de la jerga gitana, merced a sus altas relaciones. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 327/618 — Y ¿por quién lo dices, estantigua? – in- quirió Rodríguez, al mismo tiempo alarmado y curioso –. ¿Por el de las barbas o por el que va a su lado? La vieja no dejó de musitar ni se dignó contestarle esta vez tampoco, pero mientras pasaban frente a ella Martín García(102) y Ro- drigo Álvarez repitió sus palabras sibilinas: — Ojola na limbidia. — Ha vuelto a decir “ese no güerve” – ex- plicó Paquillo. — Ni tú – sopló la gitana, encarándose con Paquillo y poniéndose difícilmente de pie. — No volverá… pero ¿quién? Son cuatro; el general y su cuñado, el piloto y el despense- ro… ¿Cuál de ellos dices que no volverá? La vieja se alejaba ya, renqueando, como doblada en dos, y diciendo con voz de carraca: — ¡Perele yaqué dor charo y a cangue ma- rele! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 328/618 — La muy bellaca pide que nos parta un rayo del cielo, y a mí me ha dicho que no vol- veré – exclamó Paquillo, muerto de risa. — Maldición de loca vieja, por do sale, por allí entra – dijo Montes filosóficamente –. Hay que dejarla, que otros la emplumarán. — Pues andando – agregó Rodrigo –. Pero, a decir verdad – continuó éste mientras se acercaban a los demás –, diera un ochavo por saber a quién o a quiénes señalaba la maldeci- da bruja… Esas tales suelen acertar en las co- sas malas, por arte del diablo, si nunca acier- tan en lo bueno, porque Dios no les da licencia. — ¡Bah! – exclamó Paquillo con toda la alegre confianza que dan los pocos años –. No volver no quiere decir morirse… — Hablas de perlas – dijo Montes –. Y más si se piensa que do vamos puede uno encon- trarse tan ricamente. — Muchos hay que no han vuelto ni vol- verán de la Española, de Cuba y de otras ín- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 329/618 sulas donde son grandes señores o poco me- nos… Si así fuere no habría mal, antes muchí- simo bien en ello – asintió Rodrigo Rodríguez. El cortejo había llegado a la marina y la ani- mación creció, pero ya no tan regocijada co- mo antes; era la despedida, y hubo abrazos, exclamaciones, lágrimas, bendiciones, ternos, con toda la calurosa y desbordante expansión andaluza. — Nada tengo que decirte, hija – exclamó Solís – Que Dios te guarde y guarde a los niños… Ya me verás volver y te parecerá que el viaje ha durado lo que un relámpago… ¡Ea! Nada de lágrimas y venga un abrazo… Doña Ana lo estrechó frenética contra su pecho y los sollozos le cortaron la palabra. Só- lo acertó a empujar a los niños contra Solís, y todos cuatro formaron por un instante apre- tadísimo grupo. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 330/618 La brisa era fresca y arrojó un poco de are- nilla a los ojos del marino, que restregándose para quitarla entró de un salto en el batel.

Cobráronse las anclas en un momento y las naos comenzaron a apartarse del fondeade- ro deslizándose apenas… Un soplo más fuerte aceleró su marcha, viraron una tras otra, y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 331/618 antes de que nadie se hubiera alejado de la ma- rina ya iban mar afuera, rumbo sudoeste, se- guidas por los ojos y el pensamiento de cuan- tos quedaban en la costa. XII

ENTRE MAR Y CIELO

El día era hermosísimo, el viento favorable, el mar inmenso manto verde obscuro ondulado por leves y largas arrugas. Proa a las Canarias, al Sudoeste, navegando a un largo, casi viento en popa, poca maniobra había que hacer en las carabelas y la tripulación holgaba gozando de la vida. Solís había bajado a su cámara, dejan- do en el puente a su segundo, el piloto Juan de Lisboa(103); de allí en adelante poco iba a vér- sele, si no es a la entrada y salida de puerto, cuando deseaba tomar personalmente la altu- ra y en algún caso difícil. Pero por las maña- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 333/618 nas y las tardes se le oiría diariamente ponerse al habla con los capitanes de las otras carabe- las, mandada la una por Francisco de Torres, secundado por el maestre Diego García de Mo- guer, y la otra por el piloto Rodrigo Álvarez. Bocina en mano y después de escuchar el parte de los capitanes, Juan Díaz de Solís daba sus órdenes para la siguiente singladura, órdenes que, por lo general, consistían sencillamente en continuar navegando de conserva durante el día y por la noche seguir el farol de la Portu- guesa, que dirigía la marcha. Dios – como decían los muslimes – habíales escrito la seguridad, y semejantes a aquel pri- mer día de viaje en alta mar – 13 de octubre de 1515 – fueron los siguientes, con viento fresco, claros, apacibles y tales que nada turbó nunca la tranquilidad de la navegación. Si por sus venas no corriera azogue, Pa- quillo hubiera podido estarse mano sobre ma- no, y no porque la vida de los grumetes a bordo fuera entonces muy regalada – pues se les La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 334/618 consideraba criados de todo el mundo –, sino porque tenía como protector principal a Rodri- go Rodríguez, el hombre del capitán general, y como segundo al gaviero Enrique Montes, que desde un principio conquistó mucho as- cendiente entre los marineros. Decíase tam- bién que los dos García, el maestre, que había embarcado en una de las latinas, y el despen- sero que iba en la Portuguesa, se interesaban por el mancebo. Pero a todo esto venía a agre- garse la voluntad activa de Paquillo, que en el cuarto de baldeo empuñaba gallardamente el lampazo, fregaba después las bronces hasta hacerlos parecerse al oro con que soñaba, trepábase a las vergas como un mono, cabalga- ba en el bauprés, hacía escalera de las jarcias, deslizadero de los obenques, balcón de las co- fas, estaba dispuesto a desempeñar cualquier menester que ocurriese, y ayudaba cada dos días en el reparto de las raciones, que se hacía por rancho de a cuatro hombres cada uno. Con esta aún le quedaba tiempo para agregarse a los corros de los marineros desocupados que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 335/618 contaban historias, contaban coplas populares o subrepticiamente sobaban el naipe, jugando sus escasos maravedís y, a falta de estos, sus mismas prendas, y durante tan graves ejerci- cios Paquillo solía servirles de atalaya para que no les sorprendiera algún superior y particular- mente fray Buenaventura, que consideraba el juego como cosa diabólica, o, lo que era peor, el piloto Juan de Lisboa, que secuestraba las barajas e imponía castigos a los jugadores. Apasionaban al chiquillo, sobre todo, los re- latos de los viejos marineros y los escuchaba con tamaña boca abierta. Cuanto decían era para él la pura esencia de la verdad; pero, por tácito convenio y apoyados por los otros, los que se creían más chuscos encargábanse de contar en presencia del grumetillo las cosas más inverosímiles y descabelladas o de abultar y desfigurar desmesuradamente lo verdadero, cobrándole en la moneda de su credulidad el barato del aprendizaje. ¡Oh! A poco andar ya vería el muchacho las maravillas más estupen- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 336/618 das que puedan imaginarse: peces que eran aves y que volaban como las golondrinas, aves que eran peces y que en mitad de su vuelo, ¡pruff!, se zambullían en el mar y ya no volvían a verse; caballos marinos que competían entre sí en desenfrenadas carreras de saltos alrede- dor de los navíos y después de rodearlos mu- chas veces acababan por dejarlos atrás, aunque navegasen viento en popa; mares que eran verdaderos prados verdes, cubiertos de ramos y de racimos y poblados de insectos y pájaros, y, cosa más prodigiosa aún, el mar, el mismo mar, incendiado desde el uno al otro horizonte y ardiendo hasta junto a las naos, sin quemarlas, pero también sin apagarse; hombres y mujeres que hablaban y reían, siempre sumergidos en el mar, y que no eran sirenas, porque éstas puedan tocarse con la mano y de las sirenas se habla sin que nadie las haya visto en realidad; centellas que se detie- nen en la perilla de los mástiles y allí se quedan fijas, sin caer ni hacer daño a nadie; ciudades o ruinas de ciudades que, cuando las aguas están La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 337/618 muy apacibles, se ven en el fondo del mar; bal- lenas como montes, cuyos chorros de agua se pierden en las nubes; tiburones tan descomu- nales que de un bocado pueden tragarse una nao mediana…

— A tí todavía poco te interesa, a la verdad – decía Santiago Corzuelo a Paquillo, cosa que nadie hacía, por regular, para que el muchacho no entrase en desconfianza –. A tí no te inter- esa mucho todavía, pero Balboa(104), que es uno de nuestros mejores capitanes, ha descu- bierto(105) hace poco una fuente que tiene la virtud de remozar a cuantos se bañan en día o beben de sus aguas y es la mayor de las mara- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 338/618 villas que se hayan encontrado en estas tierras. Diz que el rey Fernando, por de la Reina que no se consuela de no tener hijos, va a venir a re- mojarse y remozarse cualquier día de estos, y entonces tendremos Rey mozo y para muchos años… Estos eran los relatos menos fantásticos, basados muchos de ellos en la realidad, cor- rientes los otros, aunque del todo falsos, y Pa- quillo no los ponía un momento en duda ni se hartaba de oírlos. Pero también se le estiraban las orejas para escuchar las noticias que Rodri- go, como criado del capitán general, descubría antes que nadie y daba a sus compañeros con autoridad por todos reconocida. — Si seguimos navegando como hasta aquí – decía, por ejemplo – nos vamos a encontrar de repente de manos a boca con las Canarias, tanto llevamos andado… No quedaremos mu- cho en las islas: lo necesario para hacer aguada y embarcar víveres frescos, porque más allá nos esperan largas cuaresmas de mojama y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 339/618 garbanzo seco… Como que no hemos de parar hasta tierras desconocidas, a espaldas de Cas- tilla del Oro o, como otros le dicen, Costa de Oro de Colón…

— Sé de esas tierras – dijo el portugués –. No hay sino bajarse para recoger a espuertas los metales. — Si el milagro es cierto – exclamó Pedro Núñez con grandes ojos de codicia –, mejor vi- vir allí que en cualquier otra parte del mundo. — ¡Que si el milagro es cierto! – replicaba Rodrigo. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 340/618 — ¡Pues vaya si es cierto! Como que de los que pocos años ha llevó consigo Don Diego de Nicuesa(106) muchos volvieron a España car- gados de oro, sin más trabajo que el de haber dicho a los indios de las minas:” ¡Daca eso!” o el gasto de unas pocas perlas de vidrio para te- ner todo un saco de las verdaderas. APaquillo se le erizaba el pelo de la nuca y un escalofrío le corría de los pies a la cabeza al oír tales prodigios. — Allí gobierna hoy Pedrarias Dávila(107) – seguía reposadamente Rodrigo. — Pero ¿y los que no han vuelto? – saltó Alejo García, que no era de los magnánimos. — ¡Camará! Los que no han vuelto no han vuelto porque se murieron, y aquí paz y des- pués gloria, o los que no se sacian, como los hi- drópicos, y seguirán acumulando riquezas has- ta que revienten sin haberlas gozado, y los que se encuentran bien entre indios e indias, co- mo el gran turco en su serrallo… ¡Buena pro La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 341/618 les haga! De los unos sólo hemos de ocupar- nos en nuestras oraciones, y poco nos importa de que los otros gocen a su manera, que ¡vo- to al chápiro! no es la mía… Pues, como os iba diciendo, Pedrarias Dávila ha llevado allí gran golpe de gente y es hombre de malísimas pul- gas; si nos apareciésemos por sus tierras sin decir agua va y sin pedirle permiso, como por- dioseros a la hora de yantar, capaz sería de sol- tarnos el perro y de acudir con el garrote, si no con el arcabuz… Pero ¡qué más nos da! Tier- ras hay de sobra ricas como aquélla, o más que aquélla, que están diciendo comedme, y en las que no hay espantajo… — Di en seguida cuáles, que bueno es sa- berlo – exclamó Pedro Núñez. — Las tierras do vamos, verbigracia – re- plicó Rodrigo. — Y otras muchas – agregó Montes, que, por chuscada, preguntó al curioso –: ¿No es deudo tuyo Vasco Núñez? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 342/618 — No, que yo sepa. — Averígualo bien, por lo mucho que po- dría irte en ello – dijo Rodrigo, siguiendo la broma –. Deudos así son buen arrimo y no te habría de pesar… Como que, va para dos años, Vasco Núñez de Balboa, caballero jerezano, el mismo de la fuente que remoza, atravesó el ist- mo en que se asienta Castilla del Oro, pues no es península, ni ínsula, ni continente, sino ist- mo y bastante estrecho… Así lo vió tu deudo cuando, después de mil trabajos, topó de pron- to con un gran mar que le baña por el poniente y que se tiende hacia el Norte y hacia el me- diodía, hasta más allá de donde pueden alcan- zar los ojos desde una gran altura. — Pero aunque fuese mi deudo, ¿qué sa- caríamos con eso? – preguntó Núñez, amosca- do con la socarronería. — Ya verás. Vasco Núñez no volvió única- mente con la noticia de ese mar, donde diz que se metió hasta el cuello, con sus ropas y sus ar- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 343/618 mas, sin quitarse siquiera las botas, para decla- rarlo por el Rey nuestro señor. Volvió con más oro, más perlas y más aljófar, amén de otras menudencias por el estilo, que cuando, con ser mucho, hubiera podido coger en años enteros por la parte de acá, pues de la otra banda se va pisando pedrería, y pepitas como calabacines, y arenas de oro como en los médanos, tanto que se acaba por decir:” ¡Basta!” y se suplica de rodillas a Dios y a los santos por un terrón de tierra donde plantar una col… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 344/618 El pasmo de los oyentes y sobre todo de Paquillo era indecible, pues aunque los viejos supieran lo mucho que debe rebajarse en este orden de narraciones, ya otras análogas les habían taladrado los oídos y aguzado la codi- cia. Núñez, sin embargo, insistió: — Pero, señor, y le repito: a nosotros ¿qué? Rodrigo bajó la voz, replicando: — ¿Que a nosotros qué? Pues a nosotros mucho, porque con nuestras manos lavadas, es un decir, vamos muy embarcados y tan rica- mente a do Vasco Núñez sólo pudo llegar por tierra a costa de mil peligros y trasudores. Un ¡ah! sofocado partió de varios pechos y Rodrigo lo atribuyó a la admiración que des- pertaba su elocuencia. — Paso hay, no cabe duda, ¡vive Dios! Con estos oídos pecadores yo lo escuché de labios de nuestro amo, que sabe más que Merlín. Y hacia ese paso enderezaremos por un camino, en dejando atrás las Canarias. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 345/618 La fiebre de ambición de los marinos pare- ció subir de punto aunque ya fuese bien alta. Brilláronles los ojos, pero callaron un instante. Paquillo, alelado, no atinaba a moverse y sentía un nudo en la garganta. Las manos de Pedro Núñez temblaban como las de un azo- gado. Y Rodrigo Rodríguez, gozándose en ver al auditorio pendiente de sus labios, remató la suerte: — Ya me parece estar viendo – dijo – a la Portuguesa y a las otras dos naves cargadas de la quilla a la perilla, con todos esos tesoros que oculta el mar o guarda la tierra y que allí se ofrecen al alcance de la mano. Y no he de engañarme, porque si Balboa, andando a pie, pues ya ni caballos le quedaban, y con unos pocos indios de carga llevó a España lo que llevó, ¿qué no haremos nosotros que somos muchos y que contamos con tres naos tales que cada una de ellas carga más que sobre sus negros lomos mil indios, aunque sean gigan- tones?… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 346/618 — Pero, ¿con qué volvió Balboa? – pre- guntó Núñez. — ¿Que con qué volvió? Básteme decirte que el quinto del Rey, sólo el quinto del Rey, era un verdadero caudal, y el resto… cuatro veces tanto. — Pero ¿como cuánto sería? — Muchos cuentos de maravedises o de doblones de a ocho, y conténtate con esto, que no me sé de coro los guarismos… Conque, ya ves nuestra suerte… — Porque de lo que alcancemos en este viaje, el tercio será para nosotros – hizo obser- var Fuentes. — El tercio, sí, después de quitado el quinto del Rey, que tomarán en su nombre los ofi- ciales reales, esos desventurados de Alarcón y Marquina, si es que no se mueren antes, pues para llevárselo han venido, por su desgracia, con nosotros… Ese tercio será repartido por el capitán general en persona y como él quisiere; La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 347/618 vale decir, tratándose de tal amo, en razón y justicia, a rata por cantidad de los mereci- mientos de cada uno. Y eso sin hacernos pagar nuestra parte en los gastos… — ¡Los montes de oro que se habrán gasta- do! – exclamó Paquillo. — Montes de oro, como dices, Chaval – afirmó Rodrigo –. Piensa que sólo en bizcocho – y allí está, Martín García, el despensero, que no me dejará mentir – llevamos a bordo no me- nos de diez mil reales, o sea trescientos cua- renta mil maravedises, si no cuento mal. — ¡Atiza! – murmuró el chiquillo, azorado. — En vino tres mil arrobas, que como este año iba barato se tuvieron por sólo cinco mil trescientos reales, vale decir, más de ciento ochenta mil maravedises… Aunque se secaran las vasijas, que acabaremos de henchir en las Canarias, y a dos cuartillos diarios por cabeza entre los sesenta hombres que vamos en las La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 348/618 tres naos, tendríamos para remojar más de tres años. — ¿Crees tú – preguntó Montes – que du- rará tanto el viaje? — De ninguna manera. Pero el capitán es hombre prevenido a quien no se coge sin per- ros, y no ha pensado solamente en la sed, aunque la sed le importe tanto – agregó Ro- drigo sonriendo con su enorme boca –. Para la manducatoria llevamos a bordo veinte vacas en sal, cerca de mil reales de cecina, otro tanto de habas y garbanzos, ocho mil maravedís de pescado seco, diez mil de queso, amén de unas barricas de miel, tres mil quintales de aceite y otras cosas necesarias para guisar. APaquillo se le iba la cabeza tratando de imaginar lo que serían aquellas sumas fabulo- sas y preguntándose dónde diablos se había podido arrimar tan colosal cargamento de vi- tuallas. Tal era su pasmo que ya ni una ex- clamación le pasaba de la garganta afuera; en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 349/618 cambio, los ojos sí que se le salían de las ór- bitas. Y su admiración no decreció, por cierto, al oír que los pilotos de respeto iban ganando lo menos dos mil maravedís mensuales, poco más que el alférez Melchor Ramírez; los maestres mil, los marineros novecientos, los calafates y lombarderos setecientos cincuenta, los grumetes – menos él – seiscientos, y los pajes o criados de Alarcón y Marquina cuatro- cientos, esto sin contar la parte de lo que se al- canzara y que debía corresponder a cada uno. — ¿Y de armas(108) cómo vamos? – inqui- rió Alejo Garcia, imaginando y quizá, temiendo posibles combates. — Tal cual – contestó Rodrigo Rodríguez, orgulloso de sus informaciones –. Cada una de las naos trae dos de los seis pasavolantes que se compraron al guipuzcoano Juan García de Uribarri(109), y la Portuguesa, ya lo estáis vien- do, tiene además las dos lombardas vendidas por el mismo a razón de veinticinco ducados cada una. Para que esas bocas puedan escupir La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 350/618 fuego hasta que los indios digan basta, a bordo vienen ocho barriles de pólvora de un quintal cada uno, comprados al polvorista Antón Cer- meño(110) por veinte mil maravedís redondos, porque el muy logrero se hizo pagar los cascos a razón de dos reales. Por añadidura, y como armas personales, fuera de los arcabuces, bal- lestas, hachas, espadas y demás, traemos se- senta coseletes y sus correspondientes arma- duras de cabeza, con los que, en los desembar- cos, pareceremos unos reyes. — Yo había oído decir – objetó Montes – que las lombardas eran cuatro, y no compra- das, sino prestadas por la Casa de Contrata- ción(111). — ¡Ahí verás! – replicó Rodrigo –. A última hora resultó que no quedaban tales lombardas en la Casa(112) – o esos señores de Sevilla, que detestan al capitán, no quisieron prestárselas – y hubo que comprarlas al guipuzcoano Uribar- ri. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 351/618 — ¡Pero quién va a alcanzar nunca tanto di- nero! – exclamó Paquillo, desatado ya el nudo de asombro que estrangulaba. — ¡Psh! – dijo desdeñoso el asistente del capitán –. Aunque no encontráramos minas bastarían los rescates para resarcirnos con las setenas. No; y sino piensa que por un simple anzuelo o un cuchillejo de mala muerte los in- dios dan muy gustosos seis gallinas, por un mal espejillo o un par de tijeras un pescado lo bastante grande para que se ahíten diez perso- nas, por un cascabel lo que se les pida… Pero Antúnez, en uno de sus viajes, logró seis gal- linas por el rey de oros de unos naipes des- parejados que llevaba… Nosotros, para los re- scates, traemos hachuelas, cuchillos, ma- chetes, por los que darán su peso en guanín, que es oro bajo, o en oro purísimo, pues para ellos es igual; y luego agujas, anzuelos, peines, espejos, baratijas que no valen un ochavo, pero que son verdaderas alhajas para aquellos inocentes. Se enloquecen por los cascabeles La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 352/618 ordinarios y los de pie de gavilán, y por las so- najas de latón; las contezuelas de vidrio son para ellos mejor que diamantes, los espejillos cosa de magia; por las trompas turquí o los simples cuernos son capaces de dar la mujer, los hijos y cuanto tienen por añadidura… Y no hablemos de los bonetes rojos, ni de las gorras emplumadas, pues solamente los reyes muy poderosos pueden pensar en poseerlos… Pero esto para nosotros nada vale sino como consuelo, en caso de no dar con los montes de oro que hay por todos lados y que sólo una suerte muy negra puede hacer que no encon- tremos. Los marinos soñaban, y embelesados por la visión de la fortuna no habían advertido al ca- pellán que rato hacía los escuchaba, casi incor- porado al corro. Por otra parte, su presencia no les hubiera hecho callar, porque fray Buena- ventura había sabido granjearse su voluntad y su confianza. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 353/618 Su rostro enjuto, su tez amarillenta a causa de las fiebres contraídas en la Española, dá- banle, es cierto, una expresión ascética, som- bría casi; pero esta severa austeridad desapa- recía en cuanto al brillo de sus ojos apasiona- dos se agregaban su palabra cálida, su sonrisa, su afable familiaridad. La vida a bordo debía serle más grata que molesta, pues estaba en la nao como en su casa y la compañía de los humildes era muy de su gusto, tanto que, te- niendo plato en la mesa del capitán general, más de una vez bajaba al sollado a compartir la pitanza de los marineros; digamos de paso que no perdía mucho, porque el ordinario de Solís estaba lejos de ser luculiano. Aquellos mozos temían en un principio sus “sermones”, pero fray Buenaventura era viejo veterano de Indias, había acompañado largo tiempo a su maestro y amigo, el gran fray Bartolomé de las Casas, y sabía hablarles de cosas que les inter- esaban, matizadas con anécdotas pintorescas que eran recibidas con verdadero placer en la monotonía de la navegación, donde tan a me- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 354/618 nudo una sola hora pesa tanto como cuatro y más… Pero aquel día quiso predicarles un po- co: — ¡Niños grandes, hombres cándidos pero codiciosos! – dijo –. No sabéis ver sino el oro y las riquezas. Os devora y trastorna la terrible sed de las cosas materiales… No quiero reñi- ros, porque lo hacéis sin pensar en el pecado… Pero recordad que no sólo de pan vive el hombre, y que no corréis únicamente en busca de pan… La mano de Dios, hijos míos, sabedlo de una vez, os conduce a realizar hechos aún más grandes de lo que soñáis en vuestra fiebre, es decir, a ganar nuevas almas para el cielo… — Sermoncillo tenemos – musitó Rodrigo. — ¡Sermoncillo, sí, tunante! – dijo sonrien- do fray Buenaventura que lo había oído, y pro- siguió –: Como vosotros, vuestros hijos, vues- tros nietos, muchas generaciones quizá, se- guirán vuestro rumbo tras de tesoros engaño- sos, correrán esta misma aventura sin advertir La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 355/618 que, si el demonio de la codicia los arrastra es con permiso de Dios, como instrumento de sus altos designios, para realizar cosas arcanas que el humano magín no alcanza todavía, pero que servirán a la gloria del Señor… El espíritu materialote de los marineros no comprendía bien las palabras de fray Buena- ventura; pero por fortuna en ese mismo ins- tante la campana de popa picó las siete. — ¡A rezar, hijos, que es hora! – exclamó el capellán, interrumpido en mitad de su discur- so. Encaminóse a la escala para subir a cubier- ta siguiéndole los marineros del entrepuente, agregáronse los demás, ocuparon sus puestos los oficiales, de Solís abajo, arrodillándose to- dos, fray Buenaventura entonó con voz cálida la salve vespertina, y la oración, en ondas so- noras, se difundió por los aires en el mar tran- quilo. XIII

EL GOLFO DE LAS YEGUAS

Todos los días, al amanecer y al caer la tarde, las carabelas de Torres y Álvarez(113) maniobraban aproximándose a la Portuguesa, cuando el viento y el mar le permitían, para ponerse al habla con el capitán general. Gra- cias al tiempo bonancible las naos podían acer- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 357/618 carse tanto como si fueran a tomarse al abor- daje, y Paquillo, que observaba embobado la maniobra, esforzábase por comprender y aprender el juego combinado del aparejo y el gobernalle. Y cuando los tres navíos navega- ban ya borda a borda, imitando a los delfines antes de emprender sus vertiginosas carreras de saltos, los pilotos en el puente empuñaban las bocinas, daban su parte a Solís y luego de- partían brevemente sobre las menudencias de a bordo. Todos estaban muy satisfechos por la maravillosa tranquilidad de un viaje sin inci- dentes, tan plácido y prometedor como jamás se había visto; ya no era confianza sino segu- ridad lo que sentían y les alentaba. La única nube – la dolencia del contador y el factor – era más bien cómica que amenazante, y con sus dejos de sorna los pilotos preguntaban maña- na y noche a Solís: — ¿Cómo van vuestros enfermos? — Tan malejos como ayer. Pero es mal que no mata. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 358/618 — ¿Qué se les da? – solía preguntar Torres. — Fray Buenaventura les aconseja que duerman a la sombra de un árbol. — ¡Como no sea el de mesana! – y Torres rompía a reír. Cuantos escuchaban reían también a costa de los infelices mareados, que eran por el mo- mento la comedia de a bordo, y Paquillo sentíase presa de verdaderas convulsiones que sólo tenían fin cuando la Portuguesa comenza- ba gallardamente a adelantarse y las otras dos naos a disminuir su andadura, hasta tomar el orden de fila tras de la farola que a popa acaba- ba de encender la capitana, para navegar así, seguras de no separarse, en medio de las som- bras de la noche. Nada de esto era advertido por los señores oficiales de S.A., ni les interesaba. Hombres de bufete y de tierra firme, el primer imper- ceptible cabeceo de la Portuguesa en el Gua- dalquivir había, dada al traste con todas sus La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 359/618 energías. Decir que, una vez en alta mar, esta- ban mareados no es bastante: parecían a punto de dar las últimas boqueadas, saltábanseles los ojos, partíaseles la cabeza, los huesos tenían quebrantados, los músculos doloridos, el estó- mago en violenta rebelión, el vientre sin freno, la boca amarga sólo capaz de bascas y de ayes… A obscuras, tendidos en sus camastros, viendo la muerte próxima y cierta, incapaces de mover un miembro, su temblor y trasudores crecían en cuanto alguien se les acercaba, pues todo ser viviente les era sayón que iba a tor- turarlos. Marquina gordo, Alarcón flaco, Mar- quina regocijado, Alarcón taciturno, estaban a la sazón de la misma guisa, porque – como la muerte que todo lo iguala – el marco les había emparejado, no en el peso – aunque Mar- quina perdió en pocos días muchas libras que Alarcón no ganó – sino en el carácter y en el pensamiento, hosco el uno y desconsolado el otro. Y es lo peor del caso que, cuando fray Buenaventura – que hacía de físico utilizando algunos conocimientos prácticos adquiridos en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 360/618 sus viajes –, iba a visitarles en ejercicio de ésa y sus funciones de capellán, al ver los hábitos los enfermos creían sonada su última hora y le consideraban resuelto no sólo a confesarlos si- no a darles la extremaunción y a bendecir sus cuerpos miserables, mientras se les arrojaba al mar por encima de la borda… — ¡Padre que me muero! ¡Que me muero, padre! – murmuraba Alarcón desfallecido – ¡Pero no os acerquéis, por la Santa Virgen!… ¡No me toquéis, por los clavos de Cristo!… ¡Mi pobre cuerpo es todo una llaga! No había tal llaga sino en la imaginación del escribano; el dominico reía para darle aliento, y al ver que eran completamente inútiles todos sus esfuerzos por sacarle al aire libre, trataba de hacerle tragar alguna pócima de su compo- sición, remedio – según él – maravilloso e in- falible contra el mareo. Pero con esto agravá- banse los trances, porque si el fraile lograba que el enfermo sorbiera algo de su brebaje, la revolución inmediatamente provocada ponía La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 361/618 en peligro la santidad de sus hábitos, pues, co- mo de la de un borracho, de la boca de aquel varón grave y adusto, amén de algo más lí- quido, brotaban juramentos y reniegos, a los que sucedían, como acto de contrición, súpli- cas, rezos, estertores y sollozos, hasta el des- fallecimiento y la modorra finales. A Alarcón, hombre sobrio, espantábalo ver lo mucho que había guardado dentro de la caja del cuerpo, y Marquina, que siempre fué glotón, veíase irre- mediablemente en las últimas, ante el inaudito fenómeno de que le repugnara todo lo comes- tible y de que le devorara una sed insaciable, pero la sed peor, la sed vergonzosa, la sed de agua pura… — Soy hombre al agua – había acertado a murmurar en un chusco paréntesis de su aton- tamiento. Y, por todo potaje, de vez en cuando mordía limones que fray Buenaventura le llevó, como último recurso, al verle hacer asco a sus prodigiosas medicinas. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 362/618

Afortunadamente para los dos averiados, como les llamaba con desdén Rodrigo Rodrí- guez – los oficiales reales no fueron nunca de la devoción de las tripulaciones, pues les consideraban peores que el perro del hortela- no, sin duda porque, al revés de éste, solían “comer” – su mal no tardaría en verse remedia- do, como que las carabelas se acercaban a to- do trapo a las Canarias, donde podrían procu- rarse la positivamente bienhechora “sombra del árbol” aconsejada por el dominico. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 363/618 — No son hombres, sino leños – contaba el mismo Rodrigo, que iba a verles e informarse de su estado por orden del capitán general. — Buena sería ensayar en ellos lo que suele hacerse con los galeotes y con ciertos gru- metes que no tienen estómago – decía el bruto de Corzuelo –. Pasarles un cabo por los soba- cos, darles media docena de chapuzones en la mar… y santo remedio. Es probado… — ¡Ya veréis – agregaba Núñez – ya veréis que en cuanto se trate de coger el quinto del Rey y de poner el ojo en truecos y rescates, pa- ra quitarnos el bocado de la boca estarán más frescos que una lechuga y más campantes que el Cid! ¡Mala landre les coma! Crujían blandamente los mástiles, zumbaba el viento al escapar de las henchidas velas, su- surraba el agua deslizándose con ligeros espu- marajos a lo largo de las bordas, y las naos cabeceaban gallardas hendiendo el mar como potros al galope. Casi no era preciso atender La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 364/618 a la maniobra, y algunos marineros mataban el tiempo jugando disimuladamente al parar, al triunfo envidado o a las trucos, aunque el pi- loto Rodrigo Álvarez, encargado de la policía de a bordo, les hubiese jurado guerra abierta y confiscado ya más de un juego de baraja. Siempre, en el fondo de la caja de alguno, es- capaban a sus pesquisas los astrosos “naipes de figura ovada, porque de ejercitarlos se les habían gastado las puntas y porque durasen más se las cercenaron y los dejaron de aquel talle”, ascen- dientes de aquellos otros con que, cerca de un siglo después, Rinconete y Cortadillo(114) des- plumaron al arriero. Rodrigo Rodríguez, apro- vechando un momento favorable, habló com- pungidamente de tales despojos a Solís, y éste, como buen amo, compasivo para con la huma- na flaqueza, entibió sesudamente el celo de su segundo. — Bien está cumplir las ordenanzas e impe- dir el juego – le dijo – pero todo extremo es vi- cioso. Hay que saber tolerar las inclinaciones La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 365/618 que no causan gran daño. El hombre es un niño grande y debe permitírsele algún esparcimien- to. ¿Qué soldado, en tierra, no trae los naipes en la capilla? ¿Cuántas veces no ha jugado has- ta la espada y los vestidos? No empecé que cumpla como bueno, llegado el caso. Lo mis- mo digo para la gente de mar. ¡Ea!, no os orde- no, pero sí os aconsejo que hagáis un tanto la vista gorda mientras nuestros hombres no fal- ten ni lleguen al escándalo. Fray Buenaventura asistía a la conversa- ción y observó que el juego era pecado, aunque no mortal, y convenía evitarlo. — ¿Evitarlo? – exclamó Solís – Si no juegan con los naipes jugarán con los piojos de la ca- misa. La experiencia lo enseña, padrecito. Álvarez se dió por avisado, cerró los ojos y hasta se hizo olvidadizo de los naipes ya se- cuestrados, dejándolos al alcance de sus an- tiguos dueños; pero sí advirtió que castigaría con rigor cualquier negligencia en el servicio. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 366/618 Y todo anduvo bien, con la tripulación alegre, despreocupada y sana – salvo los infelices ma- reados – sin más episodios que las continuas disputas de Pedro Núñez con su inseparable Santiago Corzuelo, dispuestas que eran los di- vertidos y festejadísimos autos sacramentales de a bordo. Y una mañana, que Paquillo pasaba como de costumbre el lampazo sobre la recién bal- deada cubierta, sorprendióse de ver, allá en lo alto y a lo lejos, hacia proa, una nube triangu- lar, muy blanca, que se mantenía inmóvil en mitad del cielo. Desde la cofa, el vigía había anunciado ya, al amanecer, aquella visión y lo que significaba, pero el grumete no lo oyó porque aún no estaba de cuarto. Siguió, pues, enjugando la cubierta, pero cada instante di- rigía los ojos a la extraña nube, tan regular y tan fija como nunca había visto otra. Y daba vueltas al magín tratando de explicarse aquel fenómeno. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 367/618 — Será una de tantas cosas de espanto co- mo abundan por estos mares – díjose al fin. Rodrigo Rodríguez se hallaba cerca, holga- zaneando, y el grumete le interpeló: — ¿Has visto ese nubajo? ¿Qué nos anun- cia? ¿Nada bueno, verdad? — Sí que lo he visto, y ha rato que lo estoy mirando – contestó Rodríguez –. Pues… nos anuncia que dentro de poco ya no cabeceare- mos así, como haciéndole reverencias… — ¿Quieres decir que tendremos mal tiem- po, que habrá que cambiar de rumbo corriendo algún temporal? – preguntó Paquillo muy in- teresado, pues desde la salida de Lepe deseaba y temía ver el mar alborotado, y salir de la monótona bonanza que acompañaba a las ca- rabelas como una bendición de Dios. Rodrigo disimuló una sonrisa y contestó: — Como agüero, no hay que decir; el tal nu- barrón es un agüero, y de los que nunca fallan. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 368/618 Acercáronse en esta Santiago Corzuelo y Pedro Núñez, que acababan de subir del solla- do y navegaban por primera vez en aquellas al- turas. Mirando hacia donde tenía clavados los ojos, pasmáronse también de ver aquel den- so celaje de forma tan extraordinaria. Como habían oído lo del agüero alarmáronse, natu- ralmente, y su imaginación supersticiosa les hizo pensar en peligros próximos, y antes que nada en alguna terrible tempestad que se les venía encima. El piloto que pasaba junto al grupo los llamó al orden: — ¿Qué hacéis ahí, papando moscas? ¿Te- néis criados que os sirven y os lo den todo sal- gado y cocho?! Ea!, cada cual a su faena, que la nao está hecha un muladar! Así era la verdad. Salvo las partes muy vi- sibles, el descuido y el desaseo reinaban a bor- do, como una amenaza para cuando viniesen los grandes calores, a cuyo encuentro iban; el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 369/618 entrepuente olía mal, en el sollado la atmósfe- ra era espesa y nauseabunda, el agua rezuma- da en la sentina comenzaba a lanzar a bocana- das su mal aliento cuando se abrían las esco- tillas, y en los recovecos amontonábase la ba- sura, pese a las órdenes de Álvarez, obedeci- das en apariencia y con una rápida y superfi- cial barrida. Pero antes de comenzar un nuevo simulacro de limpieza, los marinos querían sa- lir de dudas en cuanto al agüero. — Es que… mirábamos esa nube… y nada bueno ha de anunciarnos, capitán – dijo Núñez. — ¡Quita allá con tu nube, cernícalo! ¿Dónde tienes los ojos, tiburón de albañal? ¿No estás viendo que es una montaña? ¿No estás viendo que es el pico del Teide? – Y se marchó gritando: – ¡Ea! ¡A poner el sollado como Dios manda, y que no lo vuelva yo a ver hecho una pocilga! La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 370/618 — ¡A lavar, fregones! – exclamó riendo Ro- drigo Rodríguez, que estaba exento de estos servicios. — ¡Antes quisiera saber yo qué pico es ése del Teide! – dijo Núñez, mal engestado. — El pico del Teide… ¿No sabes, alcor- noque, lo que es el pico del Teide? – preguntó Corzuelo con aire de superioridad. — ¡Ni tú! — ¿Que yo no lo sé? Olvidado le tengo de sabido. — ¡Dilo, pues, recorcho! — No se me da la gana. — ¡Pues eres un chisgarabís y un botarate, eso es lo que eres!… — ¡Botarate a mí, cuerpo de Dios! Repítelo, si quieres que te haga tragar la lengua. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 371/618 — Dí tú primero que no sabes qué es ese pi- co, pues si no lo dices es que hablas a tontas y a locas. — ¡Haya paz! – dijo Rodrigo – El Teide es el pico de Tenerife. — ¡Me o has quitado de la punta de la len- gua! – exclamó Corzuelo.

— ¡Mientes, que no lo sabías! – vociferó Núñez. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 372/618 — ¡Que miento, rayos, que miento! Ahora verás cómo… Pero se interpusieron los demás, y no hubo batalla esta vez tampoco. — Si es el pico de Tenerife – dijo Paquillo –, ya comprendo por qué me decías que pronto dejaremos de cabecear… En un periquete echaremos anclas y saltaremos a tierra… — ¿En un periquete?… Si llegáramos antes de tres días me daría yo por bien servido. — ¡Vaya! ¡Ni que la Portuguesa fuera una tortuga! — ¡Ni aun cuando fuera una galera real con los cien mejores bogas que hayan remado bajo el corbacho, no llegaríamos, a todo tirar, hasta dentro de cuarenta y ocho horas…! – insistió Rodrigo. — ¿Tan lejos está? — ¡Psche! Unas doscientas millas, más bien más que menos. ¡Tan chico es el mojoncillo, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 373/618 que se pierde en las nubes, y como veis desde aquí por la color blanca y algo cenicienta, en todo el año no se quita la montera de nieve! — Entre los montes el tal Teide será, pues, como entre las torres la de la Catedral de Se- villa, desmochada y todo – observó Paquillo. — Es mucha verdad – asintió Rodrigo –. Y Dios nos lleva hacia allá como por la mano, de lo que debemos darle gracias… ¡Vaya un tiem- po de bendición! — ¿No lo es siempre? — ¡Quita allá! Estas aguas que ahora nos mecen, tan mansas como las del mismo Gua- dalquivir, llevan por mal nombre el de Golfo de las Yeguas, porque a la mejor corren y brin- can como potros que se espantan o retozan, y también porque las naos que a las Canarias lle- van caballos o vacas tienen ya hecho osario del fondo da mar con las que se mueren aporrea- das por el tremendo rolido y hay que arrojar por la borda. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 374/618 — ¿Y los cristianos? — Esos no mueren, aunque sean factores o escribanos, pero como factores y escribanos suelen echar los bofes por esa boca, y quedarse sin entrañas, secos, aplastados y amarillos a manera de bacalao, por poco que la mar se pique y empiece la zambra… — ¡Válgame Dios! – exclamó Paquillo. – Pero ya haría yo de modo que nada saliera de adentro, aunque sólo fuesen garbanzos de pie- dra y mojama de estopa. — Quéjese su alteza, el príncipe de la sopa boba y el pan seco… — Una cosa es la hambre y otra el gusto – sentenció el grumete. — Según las aficiones de este chavalillo – observó Montes –, diríase que es hijo de reyes. — Bien pudiera ser – contestó Rodrigo –. Cosas más raras se han visto en este pícaro mundo. Mil historias sé yo de príncipes verda- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 375/618 deros que ellos mismos se tenían por mendi- gos, hasta que se les descubrían los padres… Más fácil es que a Paco se le cambie la condi- ción que a mí la cara. — Pues no es tan difícil que cambie tu ca- ra… — ¿Cómo así? — Con sólo un par de cuchilladas te que- daría aún más fea. — No serás tú quien me las dé, so desa- borío – replicó Rodrigo riendo, pues era de muy buen natural –. En cuanto al chico, no te- niendo, como no tiene, padres conocidos, tan- to pueden ser éstos reyes como pastores… Y si se ha de juzgar por su ingenio y buen talante, más bien será, aquéllo que ésto. Paquillo se encogió de hombros, como no haciendo caso de la ocurrencia, pero aquella idea de que podía ser hijo de reyes, o siquiera de simples hidalgos, no le pareció tan desacer- tada… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 376/618 Aquellos dos días fueron a bordo de gran animación. Aunque habían pasado bien pocos desde que zarparon las carabelas y dejaron las costas de España, los hombres veían con júbilo acercarse el momento de desembarcar y sola- zarse en tierra, sabiendo como sabían que des- pués de las Canarias les aguardaban largas se- manas, quizá, largos meses, de no ver otra co- sa que la inmensidad del mar, para la mayoría desconocido, entre agua y cielo hasta que Dios quisiese. Y cuando cayó la tarde del segundo día comenzaron las coplas, las conversaciones, los dicharachos, las carcajadas infantiles, co- mo de chiquillo a la hora del recreo. Núñez cantaba:

Ay de mí, más ay de vos que nacimos en un sino, que el agua derrama al vino y el vino derrama a nos. Pero aquí tal no ha de ser, pues en esta mar salada, de vino hay ración menguada La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 377/618 y el agua no es de beber.

Y replicaba Corzuelo, entrando en compe- tencia con su irreconciliable camarada, ayuda- do por las entonces populares coplas de Pérez Patiño(115).

Sobre negro no hay tintura ni mayor daño que muerte; muchos pasan pesar fuerte que después han gran folgura. Pues ningún no desespere que si gran tiempo viviere verá mudarse ventura.

— Eso viene muy a cuento con nosotros – dijo Rodríguez – pues si vivimos, aunque no sea tanto, hemos de ver cómo cambia nuestra suerte y volvemos a España cargados de rique- zas. Sigue, Corzuelo, sigue, que esas coplas pa- recen hechas para nosotros. Y Santiago Corzuelo continuó: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 378/618

Si fortuna faz mudanza el triste se torna ledo, y de pronto o quedo a quedo, tórnalo su bienandanza; tiempo han todas las cosas; las buenas y las dañosas pasarán por su ordenanza. Tiempo viene de reir, tiempo viene de llorar; otro viene para dar, e otro para pedir: tras un tiempo otro viene; mas el que buen seso tiene sabe los tiempos seguir.

— No creo yo, pecador de mí, en tan ajusta- da ordenanza – objetó Núñez –, porque he soli- do ver cosas dañosas que se mudaban, es cier- to, pero para hacerse más dañosas todavía. — Verdad es – replicó Rodrigo –, pero aunque así sea, no está mal decir lo contrario La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 379/618 para consolar a los hombres con la esperanza. Vaya, no interrumpas más. Sigue Corzuelo. — Poco falta – dijo Corzuelo, y continuó:

Yo ya ví mucho placer, después de mucha tristura e pasada noche obscura yo ví el día esclarecer. E después de gran nublado tornar día serenado, e ví al pobre rico ser. Por ende mal espantado de fortuna nunca sea ningún hombre, antes provea como sepa ser templado cuando viene el mal, y cedo tornará dulce lo acedo e lo fuerte muy domado.

Aplaudieron todos sin más objeciones. Fray Buenaventura que se había acercado, aplaudió también, e hizo su comentario sobre la bondad nunca desmentida de Dios, que no abandona La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 380/618 sus criaturas y las consuela en ésta o la otra vi- da. Con esto los que no estaban de cuarto fué- ronse a dormir, dando por terminada la fiesta, pues amenazaba convertirse en sermón… Amaneció el día siguiente, y apenas hubo un poco de luz las carabelas se hallaron frente a las costas abruptas y desnudas de la Gran Ca- naria. Horas más tarde surgían en el fodeade- ro de Las Palmas, y recogidas las últimas velas con que habían maniobrado, todos se apresta- ron a desembarcar, pues sabían que había de dárseles licencia, y que les aguardaban la hol- ganza y el holgorio. XIV

HOLGANZA, HOLGORIO Y MARA- VILLAS

Solís desembarcó en el batel, acompañado por el capellán y por los oficiales reales, me- jorados como por ensalmo desde que se echó el ancla. En el desembarcadero aguardábanlo el gobernador de la isla, don Fernando de Tru- jillo, lugarteniente del Adelantado don Alfonso (Fernández) de Lugo, el alcalde mayor, los seis regidores y los dos jurados del Ayuntamiento, el párroco de la Concepción, las demás autori- dades y el pueblo entero de la villa, mostran- do gran alborozo, pues la llegada de barcos era La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 382/618 allí una fiesta mayor que en los puertos de Es- paña. Rodrigo Rodríguez había seguido, como siempre, a su señor, y Paquillo halló manera de agregarse a la partida. Apenas en tierra des- pertó el preguntadero del grumete, que solía poner en graves aprietos a su padrino, y su pri- mera pregunta fué: — ¿Por qué llaman Canarias a estas ínsu- las? — ¿Cómo es eso? ¿No lo sabes? ¿Pues dónde has estudiado, almirante? – exclamó Rodrigo, dándose tiempo para buscar la contestación. — Ya te he dicho que en la almadraba de Cádiz, donde se aprenden muchas cosas, pero no ésa que te pregunto… — Has de saber, entonces – dijo el escudero –, que si estas islas se llaman Canarias, es porque hubo tiempo en que eran tantos los canes, que estuvieron a pique de hacerse sus La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 383/618 únicos señores… De ahí les vino el nombre, como puede verse a primera vista… Y aun fue- ra reino de los canes, a no ser por los asnos… — Y, ¿qué demonche hicieron los asnos? — Verás. Por aquel entonces empezaron también a multiplicarse los asnos salvajes que andaban por esos cerros, y llegaron a ser tan abundantes que molestaban a los canes. Estos se hicieron, naturalmente, sus enemigos, pagá- ronles los borricos en la misma moneda, ata- caban los canes a dentelladas, defendíanse los asnos a coces, y aquello fué una guerra que an- da en romances como las hazañas del Cid, y que le merece por desaforada, como que canes y borricos acabaron por exterminarse los unos a los otros, hasta que no quedó ninguno para contar el cuento. Los que ahora se ven, polli- nos o gozquejos, han sido traídos más tarde, para remediar la falta de los antiguos… — Eso de la guerra no cuela – refunfuñó Pa- quillo, encogiéndose de hombros. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 384/618 Las consejas de su protector comenzaban a parecerle indignas de todo un señor mareante como él, y sólo propias para embobar a niños de teta. — No lo creas, si no quieres – repuso gra- vemente Rodrigo –, pero a no ser por esa guer- ra perruna y asnal, ni aquí hubiera cristiano, ni ésto fuera de España, y no iríamos de este pa- so a acariciar un jarro de lo añejo en mi ven- torrillo que yo me sé, y a decir dos palabrejas a unos sabrosos plátanos y a unos requesones de cabra que ya desde lejos están diciéndonos comedme. Porque has de saber, hijo Paco, que ahora les toca el turno a las cabras, y que si Su Alteza, y el señor Adelantado o el gobernador no aciertan a ponerle remedio, poco falta para que con las cabras y los cristianos se repita lo de los burros y los perros. Habíanse instalado ya en el ventorrillo que más cerca del puerto estaba, y a la sombra de un parral comían y bebían con tanta sed como apetito. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 385/618 — Usía se burla también con eso de las ca- bras – dijo el grumete, ahogándose con un gran pedazo de requesón en rebeldía. — Echale vino, hijo, échale vino y pasará… — ¿Lo de las cabras o el requesón? — Ambas cosas a la vez – replicó el otro riendo – No me burlo tanto como supones, mu- chacho. Aquí estás en una verdadera tierra de promisión para todo lo que es de plantas y de bestias… ¿Siembras hoy una bellota? Pues vente a la vuelta de un año y te encontrarás con una oronda encina, que podría servir de palo mayor a la Portuguesa. ¿Siembras to- mates?, pues en un soplo nacen y crecen como melones; si melones, los tendrás en un credo como las calabazotas que en España damos a los puercos, y cada alubia es como pelota de lombarda… Pero no tienes sino que mirar los racimos de este parral, que pesan media arro- ba y cada grano es como un huevo…, pues se trata sólo de la uva torrontés, que en nuestra La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 386/618 tierra es pequeñita y aquí resulta mayor que la berrocal… Conque, si quieres hacerte labra- dor y te dan los riñones para majagranzas, no tienes sino coger y quedarte aquí. — Prefiero la mar… Pero ya tendremos có- mo regalarnos tan ricamente a bordo… — No lo esperes, inocente… No se ha he- cho la miel para la boca del asno… y no te en- fades, porque también reza conmigo… Todas esas maravillas van a parar a la mesa del Rey y a la de los señores de la Corte, de los obispos, de los canónigos… El mismísimo gobernador de estas ínsulas apenas si las cata cuando repi- can fuerte… Pero, eso sí, en haciéndote labra- dor, ya podrás, como en cosa propia, darte un hartazgo de todo ello. — Aunque sea cierto, que no la será – re- plicó juiciosamente Paquillo –, no me desvi- viría yo por llenar la andorga con esas frutas tamañas, cuando muchos tomates chicos valen uno grande, por mayor que sea (lo mismo digo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 387/618 de las alubias y demás, que no por pequeñas son menos sabrosas) y eso después de sudar y echar el alma doblado en dos sobre la negra tierra, destripando terrones, cuando con me- nos fatigas puedo henchir la cica de buenas do- blas, y cuando el oro sabe a todo, como que to- do la procura. — Hablas como Salomón, y con tanta cor- dura por lo menos… Pero echa otro taco del vinejo ese. Aquí el agua es clara, fresca, pura, incomparable… pero ya tendremos tiempo de gustarla a bordo, que nuestros aljibes se lle- narán con ella y no con vino… En eso notaron que algunos paisanos de los que asistieron con vivo interés a su desembar- co habían ido acercándose a ellos y los mira- ban sonriendo complacidos. — Estos valientes son, sin duda, de la cara- bela que acaba de surgir – dijo el que parecía más respetable. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 388/618 — Como vuestra merced lo dice, y para ser- virla en todo – contestó cortésmente el mari- nero. — Pues han de hacerme el favor de venirse conmigo a mi casa, que, aunque pobre, en ella encontrarán agasajo y buena amistad. No quie- ro ser el único del pueblo que no agasaje a tales huéspedes. Algunos de la tripulación habían ido llegan- do también al ventorrillo, y otros honrados ca- narios les rodeaban y atendían solícitos, sin duda con las mismas intenciones del que ha- blaba con Rodrigo y el grumete. — ¡Vive Dios, que nos place! – exclamó el marinero – Bien sabía yo que no había gente en el mundo más hospitalaria y generosa, que la de este bendito puerto. Y no hemos de des- deñar a quien nos recibe con tal agasajo y quiere honrarnos en su misma casa… Pero no será, por mi nombre, antes de que vuestra mer- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 389/618 ced haya bebido con nosotros una copa de este vinillo que sabe a gloria. — Mejor lo beberéis en mi casa, donde ten- go uno que madura desde hace muchos años en la cueva para estas ocasiones – dijo el cana- rio –. Venid conmigo, que si la buena voluntad puede suplir la falta, no os quejaréis de mí. Toda la tripulación fue así hospedada gene- rosamente por los vecinos de Las Palmas, que hicieron continua fiesta durante la estadía de las carabelas. No hubo quien quedara excluí- do de estos agasajos, porque las guardias de las naos se turnaban, y los que habían pasado unos días a bordo pasaban luego otros tantos en tierra. Era la costumbre, no sólo allí, sino también en los demás puertos de las Canarias, escala obligada de las naves españolas que se dirigían al nuevo mundo, como las islas del Ca- bo Verde la eran para los navíos portugueses. Solís había aceptado, pero solamente por algunos días, la hospitalidad del gobernador La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 390/618 don Fernando de Trujillo, rogándole en cambio que proporcionara todas las posibles comodi- dades a los oficiales Alarcón y Marquina, que tanto necesitaban reponerse, aunque sólo hu- bieran navegado pocos días. El, por su parte, prefería sentirse libre, a bordo de su nao, aunque no dejara de saltar frecuentemente a tierra para vigilar el buen aprovisionamiento de la escuadrilla y darse un poco de solaz. Fray Buenaventura se alojó en la casa par- roquial, a instancias del cura de la Concepción, gordo y cachazudo sacerdote, con trazas, si no con aspiraciones de canónigo, y que, salvo cuando repican fuerte, pasaba del lecho a la misa, de la misa a la mesa y de la mesa a la siesta, amodorrado por los ardores del clima. Gran imitador encontró en el factor Marqui- na, que, saltando la misa, también pasaba de la cama a la mesa en casa del gobernador, y luego hallaba medio de prolongar tan recon- fortante entretenimiento; y así, con el parénte- sis de algún paseíto de digestión, el desayuno La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 391/618 daba la mano al almuerzo, éste – por sobre la siesta – a la merienda, la merienda a la comi- da y la comida a la cena… con algunos ten- tempiés intermediarios. Alarcón, más fiel a la característica sobriedad española y con me- nor capacidad estomacal, cumplía con los de- beres de ambos, interviniendo en las compras de víveres y demás, pero gozaba tanto como su compañero con sólo sentir firme el suelo que pisaba, sin el rolido, el cabeceo, la atmósfera densa y los malos olores de a bordo. Pero aún más que él contrastaba con el párroco y con Marquina el infatigable fray Buenaventura, que parecía de azogue, que desde el día siguiente muy de mañana se dió la satisfacción de decir misa, y que a poco no sólo conocía a todos los habitantes de la villa, sino también sus pinto- rescos y accidentados alrededores. Ninguno de los marineros ocupados en muy distintos pasatiempos le seguía en estas excur- siones. Mientras unos salían de sus regalados hospedajes para instalarse por todo el día en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 392/618 ventorrillos y tabernas, barajando los naipes y empuñando el jarro sin tener observaciones ni castigos, otros corrían la moza, algunos visita- ban las menguadas tiendas para comprar fru- terías, y ni uno solo se detenía a contemplar el paisaje africano, a maravillarse de la fera- cidad del suelo, a gozar, sino instintivamente de la suavidad del aire, la limpidez del cielo, la orgullosa placidez de las montañas, el verdor de los árboles… Pero todos sentían, sin tratar de explicárselo, el gratísimo influjo de aquellas que los antiguos llamaron islas Afortunadas, y cuyos señores – antes que los franceses, que los Béthencourt(116), que Herrera(117), que Lu- go – fueron los valerosos guanches, extermina- dos pocos años atrás por el conquistador es- pañol según la universal costumbre de la épo- ca, y de otras tan cercanas como voluntaria- mente olvidadas… Los naturales, hombres bien proporcionados, esbeltos, robustos, de facciones agradables si no hermosas, fueron ti- pos soberbios de la raza africana y tan inteli- gentes que, cuando llegaron los europeos en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 393/618 son de conquista, ya ellos habían dejado atrás la vida salvaje, aunque, para escapar a los in- tolerables ardores del estío, habitaran cuevas abiertas en la roca por antiguas convulsiones volcánicas. Estas grutas estaban convertidas industriosamente en moradas espaciosas, có- modas y aun adornadas con cierta preocupa- ción de arte y de belleza. Y que eran sensibles al arte está probado por su amor a la música y la poesía, y por los monumentos que erigieron rememorando grandes hechos civiles y no bár- baras hazañas guerreras, porque la efusión de sangre era para ellos el mayor de los crímenes. Adoraban a Dios en la naturaleza, los precep- tos de su religión eran de mansedumbre y de bondad, sus sacerdotes las vírgenes Magua- das(118), su esperanza superior la resurrección, o por lo menos la reencarnación que aguarda- ban sus muertos piadosamente embalsamados y amortajados en pieles de cabra. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 394/618 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 395/618

(119)

Su mansa condición no les impidió defen- der arma en mano, y hasta perder la vida, el señorío de su tierra contra la invasión de los españoles, que acabaron con ellos y ocupaban su lugar desde un cuarto de siglo. Los placeres, más que el trabajo de hacer aguada y leña y refrescar las provisiones de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 396/618 carne, vino, queso, azúcar y demás, detuvieron a la tripulación de las carabelas mucho mayor tiempo del necesario en aquel paraíso rebo- sante de manjares, frutas, vinos generosos, amables y graciosas mujeres sin asomo de mo- jigatería, zambra y juego, guitarreo y jacaran- daina… Pero todo ha de tener un término, y el capitán general, señaló la partida para el 6 de noviembre(120), al mes, o poco menos, de la salida de Lepe. Zarparon ese día sin más demora, y nadie se alegró de abandonar la Islas Afortunadas, nadie, sino Solís, que deseaba ganar el tiempo perdido pues era su propósito realizar un viaje notable por lo rápido y para el cual todo le son- reía hasta entonces, y también el capellán, fray Buenaventura, ganoso de entrar en contacto con los indios de nuevas tierras y atraerlos a su fe. — Mucho se habla por aquí de la isla de San Borondón, que no debe de estar muy lejos – di- jo Pedro Núñez, poco después de zarpar – ¿No La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 397/618 nos llevará a ella el capitán general, para ver por lo menos si es cierto lo que se dice? — ¿Y qué se dice? – preguntó Paquillo. — Pues diz que sus costas pueden verse desde la Gomera, y también de la isla del Hier- ro, con tanta claridad que es como estar tocán- dola, aunque después no se la vuelva a vislum- brar por mucho tiempo.

— ¿Y crees tú, gaznápiro – replicó Rodrigo –, que si esa ínsula existiera no la hubiese des- cubierto el Almirante, en tantos viajes como hizo? El capitán general dice que es una conse- ja, una patraña como muchas otras que se in- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 398/618 ventan sobre estos parajes. ¡Ea! no te ocupes de ella, Núñez, y sigamos nuestra vía, si te place. Y eso se hará, y no otra cosa, aunque tu señoría mande lo contrario. — Mucho se miente, hablando de estos mares y estas tierras – dijo fray Buenaventura, que los oía –, aunque con la simple verdad bas- ta y sobra para maravillarse y muchos hay que no quieren creerla. Así yo, en España, sigo el consejo de Fernán Pérez de Guzmán, que era hombre sabio y muy grande poeta. — Pues, ¿qué consejo era ese, padre? – pre- guntó Rodrigo Rodríguez. — Está en unas coplas(121), que aprendí cuando niño, enseñadas por mi señor padre, que merecen saberse de coro, y que dicen:

La verdad extraña y nueva habida por mentirosa, nunca la digas sin prueba, pues, sin culpa, es vergonzosa. Y si verdad que parece La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 399/618 mentira es tan de callar ¡cuánto no daña y empece pura mentira fablar!

Las carabelas habían tomado rumbo su- doeste para cruzar el Atlántico por la parte del cabo de San Agustín, que está algo más deba- jo de Pernambuco, y días después comenzaron a verse algunas ramas flotantes que parecían desprendidas hacía poco de alguna costa y que la gente de mar llama “hierba de peñas”. A pe- sar del viento frescachón, el mar estaba muy llano y no tardaron en verlo como cuajado de esas hierbas, con espacios libres, como lagos en que reverberaba el sol. Aunque algunos es- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 400/618 tuviesen advertidos, grande fué el pasmo de los que por primera vez atravesaban la charca, al encontrarse en pleno océano con inmensas soledades cubiertas de verdura, como una de- hesa que, por todos lados, llegara hasta el ho- rizonte. Los grandes brezales que en ciertos puntos de Europa se extienden hasta perderse de vista, no hubieran podido competir en cuan- to superficie con este campo flotante poblado de crustáceos, cruzado por el vuelo de los gar- jaos, rabiforcados, pardelas y hasta pajarillos cantores, y entre cuyas hierbas se deslizaban o saltaban como terneros o animales monteses los delfines. Algunos marineros encomenda- ban ya su alma tomando por diabólica y de fu- nestísimo agüero aquella cosa jamás vista ni oída, y su terror crecía de punto al ver la difi- cultad con que se navegaba en aquellos prados engañosos. Afortunadamente tocaron apenas los bordes del mar de sargazo, con viento muy favorable para salir cuanto antes de él. Solís La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 401/618

había permanecido desde el primer momento en el puente de mando, y la Portuguesa abrió paso dejando detrás ancha estela despejada, por la que la siguieron las otras dos carabelas, con toda facilidad. Sin embargo, todos respira- ron como después de un peligro, apenas se vie- ron nuevamente en mar abierto. En estas alturas y con inmensa sorpresa de Paquillo, que jamás había visto cosa pareci- da, comenzaron a surgir de las olas, cruzar el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 402/618

aire y volver a sumergirse en el mar, bandos de peces-golondrinas que volaban como saetas trazando un arco muy tendido antes de zam- bullir de nuevo. Algunos cayeron con ruido sordo sobre cubierta, saltando y retorciéndose en las ansias de volver a su elemento, pero a golpes de espeque se les remataba o con la mano se les cogía, e iban a parar a la sartén y a variar luego el rancho con un bocado sa- broso. Y por la noche, en torno de la nao, en la estela que, como ancha y arrugada cinta de seda iba dejando atrás, y a lo largo de las bandas, a la altura de la línea de flotación, el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 403/618

grumete comenzó a ver fantásticas lucecillas que le parecían cosa de magia y le recordaban lo que había oído decir de mares bituminosos que arden abrasando los navíos y saturando la atmósfera de irrespirables emanaciones. En una noche tormentosa no logró vencer su es- panto: el calor era sofocante, el cielo estaba lóbrego y el mar, como tinta hasta ese mo- mento, incendióse en toda su extensión lan- zando fulgores lívidos hasta la línea del hori- zonte, mientras que en la punta de los mástiles de las carabelas, convirtiéndolos en cirios co- losales, ardían llamitas que oscilaban al vien- to(122).Paquillo lanzó un grito de angustia: es- taba, a no dudarlo, en pleno infierno. — ¡Tontuelo! – le dijo Rodrigo, compadeci- do de su terror –. Esas son las luminarias de re- gocijo con que nos reciben estos mares. No te asustes, porque este fuego arde, pero no que- ma… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 404/618

Y sacando del mar un cubo de agua ligera- mente luminosa todavía, metió en ella la mano e hizo que el grumete lo imitara y perdiese el miedo. El fenómeno duró poco aquella noche: la iluminación se apagó como al terminar una fiesta, y sólo persistieron, olvidadas lampa- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 405/618 rillas, algunos fulgores azulados en la estela del navío y en la rompiente de la eslora. Y así seguía, guiada por su buena estrella, la expedición de Solís, y así continuó, plácida y dichosa, hasta que, navegando al Sur un cuarto Sudeste, y creyéndose a unas noventa leguas a barlovento del cabo de San Antonio, cierto día, y cuando menos lo esperaba, el gran piloto vió los inhospitalarios médanos de arena blan- ca, cubiertos de jaras y zarzales, que caracte- rizan al cabo de San Roque, extremo nordeste de la América meridional. Arrastradas sin sen- tirlo por los vientos del Este y por la corriente ecuatorial que cruza el Atlántico del Este-su- deste al Oeste-noroeste, las naves se hallaban, a doscientas millas de donde creían estar… Solís mandó apartarse en seguida de aquel- la costa, sembrada de bancos y arrecifes, y aprovechando la bifurcación de la corriente que en el cabo se divide, enderezó su rumbo al de San Agustín, cuyos barrancos rojizos co- nocía muy bien. No lo encontró, tampoco, fá- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 406/618 cilmente, pues cuando ya creía demorar a su altura, vió por sus observaciones que la cor- riente le había arrastrado dos grados más al Sur… Rectificó su situación con la mayor exacti- tud posible en aquellos tiempos, dada lo im- perfecto de los instrumentos astronómicos, y modificando la ruta no tardó en reconocer los peligrosos islotes y arrecifes de Abre el Ojo, actualmente Abrolhos(123). Sabía ya a ciencia cierta dónde estaba, pero después de pasar el cabo de Santo Tomé(124) tampoco pudo reco- nocer el (cabo) Frío(125). Apeló nuevamente al astrolabio y, tomada la altura, hizo rumbo a la bahía de Río de Janeiro, en la que entró a la cabeza de su escuadrilla sin haber sufrido más que aquellos insignificantes contratiem- pos(126). — ¡Buen marino lo es, vive Dios! – comen- taba el maestre Diego García de Moguer – Pero, para navegar, más vale el ojo que la es- trulugía… XV

TIERRA ENCANTADA

Cuantos venían a bordo de las naos estaban apiñados sobre cubierta en los sitios donde, sin estorbar la maniobra, podían ver mejor la en- trada de la bahía(127). No eran artistas, ape- nas si tenían el embrionario e instintivo culto de la naturaleza, pero llegaban por primera vez a sitios desconocidos y aquel extraordina- rio paisaje se les adentraba en el alma, mis- teriosamente, como una nueva e intraducible sensación. El mar parecía un lago rodeado de montes aquí y allá cubiertos de verdura, el aire cálido impelía suavemente a los navíos, y la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 408/618 entrada fué tan fácil y sin tropiezos que ni aun hubo de echarse la sondaleza. Una alta roca granítica, pelada, semejante en su forma a des- mesurado gorro alemán o a inmenso pilón de azúcar, que se alzaba a babor, y otra cumbre, aguda y elevada, cuya punta se tuerce amena- zando caer sobre la obscura vegetación de sus faldas, todos los montes, verdes hasta una mis- ma altura, de parda piedra desde esa línea casi horizontal, suspendieron un momento los áni- mos, pero en seguida nadie tuvo ojos sino pa- ra recorrer con avidez el vasto panorama cir- cundante, las altas riberas alfombradas de va- riada y vibrante verdura, pobladas de árboles magníficos de diversísimas esencias, regadas por corrientes de aguas vivas, esmaltadas de flores violentas de color; los islotes, ora de par- da roca estéril, ora tendidos de hierba, plan- tas y flores, que surgían del lago especular co- mo grandes cetáceos dormidos o como arriates de un maravilloso jardín flotante y, sobre todo este esplendor, el cielo en movimiento conti- nuo, en cambio perpetuo, tan pronto terso y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 409/618 azul, tan pronto invadido por pesadas o vapo- rosas nubes que, jugando con el sol, dotaban al paisaje de una vida palpitante y sobrena- tural. Las carabelas hendían las aguas con un leve rumor de follaje agitado y, además de la rizada cinta de la estela, por la superficie de la bahía pasaban estremecimientos fugaces, son- risas del mar, y las abiertas curvas de la cos- ta, con su delgado ribete de espumas, amural- ladas por cerros y colinas ceñidos por la sel- va, descubriéndose o arrebujándose en los flo- tantes vapores de la atmósfera saturada de hu- medad, se esfumaban a uno y otro lado, y allá al frente, como si estuvieran a punto de disol- verse en el aire. El calor era bochornoso y no alcanzaban a templarlo ni la virazón del mar ni los continuos chubascos que acribillaban el agua, obscure- ciéndola, y redoblaban en el velamen y sobre la sonora cubierta de las naos. Estas surgie- ron mucho antes de llegar al fondo de la bahía, que está, como a nueve leguas de su entrada, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 410/618 y parte de la tripulación, tomando los bateles, fué a desembarcar en el punto más cercano, con la venia del general y de Alarcón y Marqui- na, pues no habiendo indios a la vista no era de temer que hicieran rescates ni otras nego- ciaciones prohibidas por la capitulación. Multitud de pájaros y bestezuelas, guareci- dos en las ramas y entre el follaje, que los abri- gaba del sol, alzó el vuelo o se escurrió me- drosa, mientras algunas víboras y serpientes se deslizaban sobre la hierba seca, buscando nue- vo refugio. Al advertir los reptiles, algunos des- mesurados y parduscos, otros de vivos colores y tan delgados como una varilla, los marine- ros se detuvieron en la linde del bosque, teme- rosos de una picada mortal, y sólo avanzaron los menos, con mucha cautela, cuidándose de dónde ponían los pies. Algún venado curioso se acercaba a atisbarlos por entre el ramaje y en seguida escapaba, más de extrañeza que de temor; algún macaco barbudo que se balancea- ba en la copa de los árboles silbaba como el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 411/618 viento, en señal de alarma, imitando su curio- sidad y su timidez; y los aras blancos y empe- nachados como la cimera de un rey, y los pa- pagayos abigarrados y gárrulos, y los tucanes de encorvado y formidable pico, mucho mayor que su propia cabeza, huían al sentirlos con ruidoso y pesado vuelo. — Aquí hay gente cristiana – pensó más de uno, al oir metálico martilleo, seguido por ás- pero chirrido de lima mordiendo el metal. Era el pájaro herrero. Y otras mil aves des- conocidas, brillantes y ariscas, se acercaban y se alejaban, revoloteando, entre un inacabable rumor de cantos, aletazos, rozamientos del fol- laje, al que servía de acordado acompañamien- to el zurrido incesante de millares de insectos. La selva entera vivía y palpitaba. — ¡Mira, mira el pajaruco! – exclamó de pronto el grumete muy admirado. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 412/618 — ¡Bueno estás tú con tus pajarucos! Es un abejorro y nada más – replicó Fuentes, que an- daba con Paquillo.

— ¡Pues qué! ¿No le ves tú las plumillas? ¿Dónde tienes los ojos? Deja que se pose en esa flor que parece asustarle, y ya verás… ¡Tiene más colores que una girándula de vi- drios! — Vaya, que no se posa y se está en el aire, igual que un moscardón, y más que pájaro u otra cosa se diría una nubecilla o una pelusa. — Pero ¿y sus colores? ¿Estás ciego?… Yo nunca había visto nada igual. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 413/618

Envolviéronlos también bandadas de mari- posas de todos los tamaños y todos los ma- tices, pero la admiración de Paquillo rayó en pasmo cuando, al caer la noche, mientras oía el interminable concierto de los grillos y las ranas musicales, comenzó a ver, trazando en el aire curvas caprichosas o cruzándolo como una saeta, enjambres de chispas, de brasas, de llamitas verdosas, ojos de luz de seres fantás- ticos que volaban mirándolo, quizá amistosos, quizá amenazadores… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 414/618 — En la mar, fuego que arde y no quema; aquí, fuegos que vuelan por los aires…! Dios nos tenga de su mano! – se dijo Paquillo, persi- gnándose. Solís no había desembarcado. Marquina y Alarcón, que respiraban por primera vez desde la salida de Canarias, Francisco de Torres, los demás pilotos, el maestre Diego García y fray Buenaventura, que solía asistir a los consejos, hallábanse con el capitán general, reunidos en el castillo de popa, bajo la toldilla, gozando del descanso, el fresco relativo y la agradable plá- tica. — No debemos quejarnos, antes bien dar gracias a Dios – decía Solís – pues nos ha depa- rado una travesía a pedir de boca y tan rápida y tal como yo no me atrevía a soñarlo. — ¡Y el tiempo sigue para bueno! – exclamó el maestre. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 415/618 — Tan para bueno que deberíamos aprove- charlo e ir adelante – observó Torres –. Con tiempos así se llega al cabo del mundo. — No nos dormiremos, hermano – replicó Solís – En cuanto se llenen los aljibes y se coja algún bastimento, hemos de ponernos en fran- quía. El agua de las vasijas comienza a tomar mal sabor y por la salud de la tripulación se necesita ya algo más fresco que la cecina y la mojama, el queso y el bizcocho, las habas y los garbanzos secos. — Era un decir – aclaró Torres. — Gracias a la merced divina, nuestra salud no puede ser mejor, aun para vuestras mer- cedes, salvo el mareo, que pronto pasa – dijo fray Buenaventura con aire que no parecía de broma, inclinando hacia Alarcón y Marquina la cabeza cubierta ya de cabello espeso, rudo y entrecano –. Pero, dígame el señor capitán ge- neral, si no soy indiscreto: ¿por qué no nos he- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 416/618 mos apresurado a desembarcar, como nuestra gente? ¿No se interesa vuestra merced por es- tos parajes?… — Bien podría responder a Su Paternidad que los conozco… – dijo Solís –. Pero sólo diré que mi propósito único es hacer aguaje, como ya he dicho… Tierras son éstas que no puedo tocar(128), y aquí están para defenderlo el fac- tor Marquina y el contador Alarcón. Tampoco somos los primeros que surgimos aquí, porque hace cerca de dieciséis años(129), Juan de la Cosa(130) y Alonso de Ojeda(131) navegaron desde este punto hasta otro que llaman Bahía, reconociendo en el camino un gran río, que di- cen el dulce, y subiendo luego a lo largo de la costa hasta el golfo de Paria(132).También Die- go de Lepe(133) tocó, por el mismo tiempo, en el cabo de San Agustín(134) y lo llamó de Ros- tro Hermoso, sin que nadie alzara el gallo to- davía. Pero luego, el año de 500, las cosas hu- bieron de enredarse muy bravamente con los La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 417/618 portugueses, y desde entonces se anda con que si tú y que si yo… — Bueno sería acabar de una vez con tales historias y fácil nos sería, vive Cristo, a no ser por esa maldecida parentela – dijo Torres. — No lo piensas mal – continuó Solís – porque ya Vicente Yáñez Pinzón, en la desem- bocadura del Amazonas, tomó posesión de es- tas tierras en nombre de los Reyes Católi- cos(135)… — Y ¿cómo no se mantienen, voto al chápi- ro? – exclamó Diego García. — Ahí veréis… Razones de Estado, de fami- lia… Pues por ese mismo tiempo, Pedro Alva- rez Cabral(136), mandado con instrucciones se- cretas por el rey don Manuel, abordó en Puer- to Seguro. Después ha dicho y repetido que no lo hizo por su voluntad, sino que los vientos y las corrientes lo habían empujado adonde él no quería. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 418/618

— ¡Voto a Diego con el embaidor, embuste- ro!

— Así es. Lo de la recalada forzosa fué no- toria falsedad, como no ha tardado en descu- brirse, y Cabral no hizo sino obedecer puntual- mente sus instrucciones. El hecho es que tomó posesión en nombre de Portugal de ese Puerto La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 419/618 Seguro, que, según dijo, había creído isla, y al que llamó de Vera Cruz. — ¡Y ese Cabral es de los que toman su der- rota por estrulugía! – exclamó el maestre, repi- tiendo su estribillo con no disimulado desdén, sin reparar en que Solís y Torres, por lo menos, eran pilotos de altura. Solís se echó a reír no tomando en cuenta la pulla, porque estimaba en García al mareante nato, en quien el instinto suplía a la ciencia aun en pañales. — El rey don Manuel y el mismo Cabral – prosiguió – fingieron atribuir muy poca impor- tancia al descubrimiento y a la toma de po- sesión, pero es el caso que al año siguiente – y esto acaba de demostrar la falsedad – Juan Coelho(137) y Diego Ribeiro(138) volvieron por el de Portugal, a reconocer más despacio estas costas, corriéndolas desde el cabo de San Roque hasta el Marañón. Por nuestro lado no abandonamos tampoco la partida, y aquí he- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 420/618 mos venido, uno tras otro, Vicente Yáñez y yo, Rodrigo de Bastidas(139), Antonio de Ojeda… — ¿Y Américo Vespuche? – dijo fray Buena- ventura – Me parece haber leído… — Sí, en los papeles anda… pero… – contestó con reticencia Solís – Quizá viniera cuando estaba al servicio de Portugal, con la armada de Andrés Gonçalves, que corrió del cabo de San Roque a la Cananea y luego si- guió, mar adentro, su vía al Sur… Tan en se- creto se han hecho y se siguen haciendo estos reconocimientos, por una y otra parte, que mu- chas veces no se sabe a quién ni qué creer… Pudo también haber venido con aquel Gonzalo Coelho, quien, por estos alrededores, construyó un fuerte que, según se dice, aban- donó luego y los naturales arrasaron. Cosa es que no tardaremos en averiguar, aunque im- porte bien poco. — Ese Vespuche, que Dios haya perdona- do… – dijo García – (no le quiero mal porque, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 421/618 muerto el perro se acabó la rabia), ese Ves- puche, digo, era, otro que tal, y, o mucho me equivoco o embaucó a más de uno del extran- jero con sus cuentos de grandezas, emporcan- do manos de papel de marca… Ponen a los an- daluces de fanfarrones que no hay por dónde cogerles, pero vive Diego que si se ha de juzgar por ese Américo que Dios haya, a los de Flo- rencia les sobra con qué dar y prestar a los de Andalucía… Vivía de viento, y yo se lo perdo- no, porque a mí nada me quitó, que de eso no vivo; pero lo que no puede perdonársele es que con astucias y triquiñuelas acabase por dar su nombre a lo que era del viejo Almirante(140). Y el indignado maestre hubiera seguido por este camino, a no desviar fray Buenaventura la conversación preguntando a Solís: — ¿Por qué, decid, ha de importarnos tan poco lo de estas tierras? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 422/618 — Pues porque, repito, no debemos tocar- las, sino ir más lejos, do yo me sé y Su Paterni- dad no tardará en ver con maravilla… — Si es a Malaca, como se nos ha dicho… — Tiempo al tiempo, que no será menester mucha paciencia… Pues, como iba diciendo, poco antes había andado también por estas aguas y estas tierras un mareante francés… (Paulmier de Gonneville) y puede que, secreta- mente, algunos otros de Portugal… — Y vos mismo el año 12… — ¡Tata, tate, padrecico! mejor es que no se toque ese punto… — Cuando lleguemos ya se verá do llega- mos… – concluyó el de Moguer guiñando el ojo. Todo el mundo había vuelto a bordo al caer la noche. El alférez Ramírez, gran cazador, re- gresó con dos venados, y algunos otros lleva- ron a las naos varias piezas menores, que re- forzaron muy agradablemente la cena de aquel La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 423/618

día. Habían visto, también, pero no cobrado, unos a modo de enormes cerdos o de elefantes enanos, y una suerte de liebres, bestias que luego conocieron, respectivamente, con los nombres de tapires y agutís. Los marineros habían comenzado a vaciar los aljibes para hacer aguada a la mañana si- guiente, y en la tranquilidad de la bahía, todos cuantos no estaban de guardia, sin exceptuar a Marquina y Alarcón, durmieron aquella noche a pierna suelta. Pero, en el cuarto de la modor- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 424/618 ra, antes del relevo, los que estaban de vela ob- servaron que a la costa parecía haber acudido gente. Y con las primeras luces del día vióse que, en efecto, algunos hombres, indios sin du- da, hacían señales desde la playa más próxima. Apenas amaneció pudo verse que eran, efecti- vamente, naturales que les tendían los brazos como ofreciéndoles lo que en las manos lleva- ban, en prenda de amistad y bienvenida. Avi- sado Solís saltó del lecho y salió de su cáma- ra. Observó el pequeño grupo de indios y lla- mando al contador y al factor, les invitó a ir a rescatar con los naturales lo que para las naos era preciso, o sea carne, grano, fruta y cuan- to pudieran proveer. Desembarcaron confiada- mente, porque Solís no solía tomar en tierra las debidas precauciones, falta que en su Histo- ria hizo constar su grande amigo Fernández de Oviedo y Valdés(141) llamándole “notable mari- no pero mal capitán”, y que bien poco después había de costarle tan caro. Acompañábalos En- rique Montes, que iba a hacer sus primeras ar- mas como lengua, y llevaban, para dar a los in- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 425/618 dios a cambio de sus vituallas, bonetes colora- dos, contezuelas de vidrio de colores, sonajas de latón, cascabeles y otras fruslerías. Paquillo había encontrado manera de agregarse a la co- mitiva y decía al gaviero-lengua: — Me mostrarás cómo les hablas, que yo también quiero deprenderlo. — Si no te enseñas tú mismo… – pensó Montes. – En cuanto a mí ¡quiera Dios sacarme con bien! Desde que desembarcaron, Montes trató de comunicarse con los indios, valiéndose de ade- manes y gestos imitados de los que ellos hacían, y mostrándoles parte de los abalorios y chucherías que llevaban; Solís y los otros hacían poco más o menos lo mismo y, sin ser especialistas, entendieron tanto como el ladino Montes. Las baratijas fueron más elocuentes y eficaces. Aquellos hombres y aquellas mujeres, color de cobre, de mediana estatura, movedi- zos y ágiles, iban casi enteramente desnudos, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 426/618 con sólo una pampanilla, más bien adorno que vestimenta. Algunos principales ostentaban en la cintura, como traje de gran gala, un corto taparrabo a modo de falda esponjada, tejido con plumas de brillantísimos colores. Disimu- laban, además, la desnudez de su cuerpo lim- pio de vello, extrañas pinturas y tatuajes. Lle- vaban casi al rape el lanudo pelo y desfigurá- banse el rostro – que si no hubiera podido pa- sar por agradable – con cilindros de piedra, de hueso o de madera que embutían en sus labios perforados. Según se vió después – cuando se buscaba en vano lo que podía quedar del fuerte de Gonzalo Coelho – vivían no lejos de allí, en vastas cabañas de palos y hojas, y dormían en redes de algodón colgadas a su abrigo. Algu- nos llegaron por agua, en grandes canoas he- chas ahuecando con fuego un tronco de árbol, e impulsadas por remos a modo de palas de hornear. Como señal de alegre y amistoso aga- sajo danzaban y perneaban lanzando extraños gritos, y se mezclaban a los españoles, sin te- mor alguno pero con tanta curiosidad que re- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 427/618 sultaban enfadosos y era difícil contenerlos sin violencia, obedeciendo a las severas órdenes del general de que no se les hiciera el menor daño, sino en caso extremo y a más no poder. El grupo salvaje iba engrosando poco a po- co, pues los menos atrevidos, ocultos entre los árboles, perdían paulatinamente el miedo y acababan por acercarse también. Algunas mu- jeres acudían con sus pequeñuelos a la espalda y aquello no tardó en convertirse en una es- pecie de feria, estruendosa algarabía mezclada con saltos y zapatetas, simulacros de combate y de amor, danzas locas que inundaban de transpiración los pintarrajeados rostros y los bronceados bustos… Algunos indios, comprendiendo lo que los españoles querían, comenzaban a llevarles co- sas de comer, y les hacían señas, sin duda si- gnificativas de que más tarde u otro día habían de darles mejor satisfacción. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 428/618 Entretanto, contra sus deseos y por orden del capitán general, que sólo para con él toma- ba precauciones, fray Buenaventura no había desembarcado; pero Solís, convencido ya de la mansedumbre de los naturales, hízole señas de que bajase a tierra. — ¿Qué teme por mí vuestra merced? – había dicho el fraile – Si es el martirio, al mar- tirio he venido, cuando le mande el Señor, y no a hartar la botarga, pues para seguridad me hu- biera quedado tan ricamente en mi convento. — Una cosa es resignarse al martirio y otra buscarlo inútilmente – replicó Solís. Cuando le vieron desembarcar del batel, con el hábito hasta los tobillos, los salvajes abandonaron o poco menos a los otros, y lo ro- dearon, examinándolo por delante, por detrás y desde la corona, semicubierta ya, como una castaña, de cabellos como púas, hasta la san- dalia. Los más osados le tocaban y palmeaban para saber si era de carne maciza o si bajo el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 429/618 sayal se disimulaba un cuerpo como el del res- to de los hombres. — Aquí estoy peor que mona de titiritero – pensaba el buen fraile, mientras distribuía bendiciones, a diestra y siniestra, sonreía, re- zaba, dejando hacer su gusto a aquellos niños grandes. — Se os agasaja, padre – le gritó con afec- tuosa burla Juan de Solís. — Más de lo que yo quisiera… Pero bien va, y mejor iría si supiese dos palabras de su maldita… de su bendita lengua… ¡Qué ocasión para doctrinarlos! A falta de saberlas les habló en castellano, y los indios le escuchaban boquiabiertos y pa- recían comprenderle, tal era su embelesamien- to, del que sólo salían para hacerse gestos y re- torcerse como unos condenados. O las señas de Montes, o la perspicacia de los indios, o su deseo de mostrarse amigos, o todo esto junto, hicieron, pues, que ese día y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 430/618 los siguientes los naturales fueran llegando a la playa con cestillas de maíz, cazabe, patatas, cocos, bananas, abundante y sabrosísima fruta silvestre, en gran parte sino toda ella descono- cida para los españoles, y algo que debía agra- darles más y parecerles de mayor substancia: muchas aves como gallinas, otras como fai- sanes y patos, algunas semejantes a la perdiz de Europa, venados, antas y otros cuadrúpe- dos, porque aquella selva debía ser una inmen- sa granja natural con graneros y trojes desme- surados y toda el arca de Noé brindándose al hambre humana. Fray Buenaventura, entretanto, había satis- fecho su gran deseo de decir misa, y durante la permanencia en la bahía la dijo todas las mañanas, escuchándola Solís, los pilotos, los oficiales y la tripulación que no estaba de cuar- to en los navíos. Al fervor religioso agregábase en ellos la emoción del recuerdo de España, de sus familias, de los amigos, evocados por la ce- remonia en aquellas tierras salvajes. Los cua- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 431/618 renta o cincuenta hombres que, con Solís y los oficiales, se arrodillaban sobre la hierba, ba- jo enormes y frondosos árboles, eran un puña- do casi imperceptible, pero, para ellos mismos, en su imaginación exaltada, todo un pueblo, todo un país… Fray Buenaventura, que había improvisado un altar con cuatro tablas ensam- bladas por el carpintero de a bordo, la cubrió con blanco mantel de encajes y la adornó con los vasos y ornamentos sagrados que llevaba por encargo del general. Y esa primera misa de campaña fué solemne, conmovedora para to- dos. Ayudó el gran Alarcón, que cuando niño había aprendido esos latines, y era de verlo lle- var orgullosa, majestuosamente, el misal del uno al otro lado, tañer la campanilla, decir las respuestas litúrgicas con voz sonora, tomar con unción el extremo de la casulla cuando el celebrante se prosternaba, verter en el cáliz el contenido de las vinajeras para la consagra- ción, y sobre los dedos del padre el chorrito de agua de la ablución… Pero los mareantes no podían oír misa con todo el recogimiento La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 432/618 deseable, a causa de sus espectadores. Los in- dios, curiosos y admirados, iban estrechando poco a poco el cerco que formaban a su alre- dedor, y aunque algo medrosos, acercábanse cuanto podían, y era preciso ahuyentarlos para que no se mezclaran profanamente con los fieles y turbaran su atención. Espectáculo pro- digioso para ellos era el de aquel hombre ma- ravillosamente vestido de blanco, rojo y oro, que musitaba palabras como conjuros y hacía amplios y misteriosos ademanes. No recono- cieron por cierto en él al pardo personaje que la víspera habían palmeado y manoseado. Debía de ser un mago de orden muy superior, más rico y más poderoso que los de aquellas tierras, y lo que ejecutaba era, sin duda, una danza, muy extraña, pero harto pausada y si- lenciosa para su gusto. Con todo, no turbaron mayormente la solemnidad, ni menos llegaron a interrumpirla, porque en la ignorancia y la candidez de sus espíritus la curiosidad y el re- celo suplían al respeto que aún no podían sen- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 433/618 tir. Y, alucinado por las apariencias, el buen fraile pensaba: — ¡Cuán fácil será traerlos al rebaño de Cristo! Creíanse los de Solís en pleno paraíso; fra- ternizaban – y aún más, si lo permitía el sexo – con los naturales, cándidos, bondadosos y en- cantados hasta el éxtasis por algunas cuentas de vidrio, algún birrete rojo, alguna baratija de dos maravedís, que consideraban otros tantos tesoros, y hubieran querido quedarse allí para siempre. Montes, a quien una jovenzuela había tomado gustosa por discípulo, sabía ya algunas palabras de la lengua que, según se tuvo luego ocasión de observar, se hablaba hasta muy le- jos de allí. Pero, cuando ya iban acostumbrándose a las dulzuras de aquella vida, hasta el punto de no percatarse casi del calor que los achichar- raba, el capitán general, sabiendo sus bodegas colmadas y sus aljibes llenos de agua fresca La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 434/618 y cristalina, dió la orden de zarpar, y, con un día de fuego, a fines de diciembre de 1515, las tres naos salieron una tras otra de la prodigio- sa bahía. XVI CUENTOS CRUELES

Fray Buenaventura no había permanecido en tierra durante toda la estadía de las naos. Viendo que Solís se quedaba, preferentemente a bordo, y después de preguntarle si su pre- sencia no le molestaría, instaló se de nuevo en la Portuguesa. La mutua inclinación había cre- cido en ambos durante el corto viaje. El fraile tenía ya toda la confianza del marino, que veía en él un confidente, quizá un consejero, pro- porcionado por su buena suerte. En la serena y a veces ruda gravedad por él adoptada a bor- do, como buen capitán celoso de que las fami- liaridades no amenguasen ni debilitasen su au- toridad, apartado de Francisco de Torres que no abandonaba su carabela, fray Buenaventu- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 436/618 ra era el único interlocutor con cuya plática se complacía. Cuando el dominico no se sentaba a la ca- becera de Marquina o de Alarcón – vueltos a caer en el mareo apenas echó a andar la nao, y que, odiando a la humanidad entera, hubie- ran preferido, sin decírselo, que les dejara en paz – y cuando no recorría el navío hasta en sus más sucios y pestilentes rincones adoctri- nando a la tripulación, pasaba largos ratos con el capitán general, quien se complacía con sus pláticas y, obedeciendo a su carácter expansi- vo, le hacía depositario de sus pensamientos. Y a los pocos días de navegación – tan largas son las horas a bordo – el dominico estaba al tanto, casi con todos sus detalles, de la formi- dable lucha sostenida por Solís contra el em- bajador de Portugal por un lado y contra los oficiales de Sevilla por otro… El triunfo em- briagaba al mareante y le hacía atribuirse to- dos, o poco menos, los méritos de la victoria. La decidida protección de don Fernando por La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 437/618 el interés que le iba en ello, y la eficaz cola- boración del obispo de Palencia y del secre- tario Lope Conchillos, no muy desinteresada a la verdad, eran para él simples contingen- cias favorables de que su destreza e inteligen- cia había sabido servirse con eficacia. Estaba efectivamente – como Vasconcelos había escri- to al rey Manuel – “lleno de humos y de espe- ranzas”. Fray Buenaventura le escuchaba sin contradecirle y aun encareciendo sus mereci- mientos, pues sentía hacia él grande y cando- rosa admiración, y esperaba conquistarlo pa- ra fines muy altos: habíase propuesto este mi- sionero excepcional realizar una gran empre- sa libremente acometida al embarcar con Solís. Imitador de su hermano en religión fray Bar- tolomé de las Casas(142), cifrábalo todo en lo- grar que los españoles de las Indias trataran a los naturales como a hermanos menores y no como a bestias salvajes(143). ¡Generosa candi- dez! Los hombres de aquellos tiempos, tan bár- baros para con ellos mismos que en su país y en el extranjero, en la tierra conocida y en la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 438/618 tierra por conocer, se agredían y destrozaban sin piedad, disputándose mezquinos intereses, no estaban preparados para obedecer, aunque escucharan con unción – como los italianos tres siglos antes la palabra del Pobrecillo de Asís(144) – la prédica cristianamente humani- taria del buen dominico. Y los discursos ar- dientes o enternecidos de fray Buenaventura entraban por un oído a la tripulación de la Portuguesa para salir inmediatamente por el otro, aunque en el trayecto tuvieran alguna vez la virtud de entretenerlos y suspenderlos mientras que, en general, sólo despertaban su espíritu zumbón. El, sin embargo, esperaba convencer a sus aventureros, y creía apiadar- los y prepararlos a la bondad, pintándoles a lo vivo los tormentos de los infelices indios de Cuba y la Española(145) y la fiera barbarie de los conquistadores. — Son brutos – solía decir aludiendo a és- tos – que no parecen haber recibido el agua del bautismo. Aquí estamos entre hombres so- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 439/618 los y se puede hablar sin tapujos. Pues hay entre – esos tales quienes, como por diversión, violan casadas y doncellas y hasta tiernas chi- quillas, y luego las despanzurran de una cu- chillada – ¡como lo estáis oyendo! – supongo yo que atacados de demencia, porque de otro modo no me explico semejante horror… Otros, también por diversión, apuestan a que de un solo golpe echarán al aire las entrañas de un indio o que lo abrirán en canal de un fendiente o le rebanarán la cabeza de un revés… Gane o no gane el apostador, el indio infeliz queda siempre muerto, y bien muerto. — ¡Cosas de borrachos! – dijo Rodrigo Ro- dríguez. — ¡Borrachos! – exclamó fray Buenaventu- ra – ¡Ni borrachas las fieras hacen cosa seme- jante! ¿Crees tú que el vino es buena disculpa? — Las fieras no la catan, padrecito. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 440/618

— Razón tienes, hijo, y el ejemplo es malo pero la intención era buena… Sin embargo, las fieras, para matar, han de tener hambre o verse acosadas, mientras que esa clase de hombres lo hacen por juego, pecado horroroso de que el Señor les pedirá cuentas en su día. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 441/618 — ¿Aunque sólo se trate de indios? — Aunque sólo se trate de indios, como dices. ¡Pobrecillos! al paso que iban esos sayones, ya quedaría muy pocos… Bien sabéis que sus armas son flacas y de poca ofensiva; las guerras que mueven unos contra otros, más que guerra parece juego de cañas entre chi- quillos; pues esos energúmenos – y perdóneme Dios que hable así de cristianos aunque lo sean tan poco – pretextaban falsas rebeliones para dar en ellos a sangre y fuego y hacer horribles carnicerías…

— ¿Y no tratabais de impedirlo, padre? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 442/618 — ¡Qué habíamos de hacer, pobres de no- sotros! Mi maestro y compañero, el gran fray Bartolomé, y yo, con menos autoridad pero con igual celo, condenábamos públicamente tales crímenes, amenazando a los culpables con la justicia y la cólera de Dios, pero, ¡quiá! ¡sermón perdido! Volvía el demonio a entrár- seles en el cuerpo y en sus raptos de locura lle- gaban hasta arrancar a los pequeñuelos de los brazos de la madre, y cogiéndoles de un pie es- trellarlos contra las rocas. Dios los castigará, en la otra vida, y aquí abajo no ha de tardar el remedio, porque fray Bartolomé ha instruído ya de todo a nuestro rey don Fernando(146), y tan buen cristiano y tan poderoso, sabrá poner coto a tanta atrocidad. — ¿No abulta las cosas el padrecito, lleva- do de su celo y de su amor a los naturales? – preguntó con cierta intención Rodrigo – A mu- chos castellanos conozco de los que pasaron a la Española y otras ínsulas, y mía fe que era La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 443/618 buena gente, incapaz de hacer daño a una pul- ga como no fuera en su propia defensa.

— No abulto, no: el sol les derretirá los se- sos o el diablo se los trastornará, pero la ver- dad es que se deleitan bañándose en sangre y parece que no se les diera un ardite del cielo ni del infierno…! Oh!! Y cómo saben variar sus abominables diversiones! Hacen, por ejemplo, unas horcas no muy altas pero sí muy largas, y de ellas cuelgan a los indios de trece en trece diciendo –! los muy blasfemos! – que le hacen La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 444/618 así en honor y reverencia de nuestro Reden- tor y de sus doce apóstoles… Después les po- nen fuego debajo y los achicharran vivos len- tamente… Otros los envuelven de pies a cabe- za, como longaniza, en paja bien ceñida y lia- da, y les dan fuego como a Judas de Cuares- ma… Otros les cortan las manos y se las cuel- gan, por escarnio, al cuello… A los que esca- pan a los montes, que son muchos y tienen so- brada razón de huir de tales amos, les dan caza como a ciervos o jabalíes, con perros adiestra- dos y feroces que los hacen cuartos a dentella- das… — Pero ¿sabe todo eso nuestro Rey y señor? – preguntó el gaviero con acento de ex- trañeza, quizá de admiración. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 445/618 — Todo cuanto os he dicho y muchas otras cosas más ha puesto fray Bartolomé en conoci- miento de S.A., como ya os dije. Va en un me- morial(147) que estos ojos pecadores han vis- to y leído. En él cuenta cómo, cuando quieren destruir algún pueblo por cualquier motivo que sea, hacen lejos de él un simulacro de requeri- miento, y acto seguido, diciendo que los indios no la acataron, lo encendían, y así abrasan a cuantos están dentro de las chozas; y esto se hace siempre de noche para que nadie escape. ¡Y lo que se ve en las expediciones! Los indios llevan cada uno una carga de tres arrobas y van encadenados para que no puedan arrojar- la y huir, y por la fatiga quedan tantos muertos en el camino, que a veces de cuatro mil no han vuelto diez… ¡No hablemos del servicio ni de las minas! Un oficial conozco que de trescien- tos indios recibidos, al cabo de pocos meses sólo tenía treinta; diéronle otros trescientos, y en un abrir y cerrar de ojos también acabó con ellos(148). Un tal Alonso Sánchez(149) – fray Bartolomé escribe su nombre para que sea pú- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 446/618 blico su oprobio – topó cierto día con una cua- drilla de mujeres cargadas de condumio; se lo ofrecieron, Sánchez lo tomó como si fuera tri- buto debido, y ¿qué diréis que hizo luego?… Pues quitarles sencillamente la vida… — ¿Sin otro motivo que el de haberle dado de comer? – inquirió Montes. — Ese y otros que tal no necesitan motivo ni pretexto, y más miran para matar ganado o piezas de caza que no hombres, si éstos son in- dios… En las marchas forzadas – y las marchas son siempre forzadas, como si faltara el tiem- po para enriquecerse y condenarse –, cuando algún indio cae rendido, para que se alce y si- ga marchando suelen quebrarle los dientes con el pomo de la espada. Por esto, y por lo ya di- cho, los destinados a las minas – que allí mue- ren como moscas – prefieren muy a menudo darse muerte antes de ir, y las madres ahogan a sus pequeñuelos para que más tarde no ten- gan que servir a tales amos y sufrir tales tor- mentos(150)… Dicen que Dios ciega a los que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 447/618 quiere perder, pero éste es un concepto paga- no, porque nuestro Dios quiere, por el contra- rio, salvarnos a todos… El diablo es quien cie- ga a los cristianos de esos hechos, porque quiere perderlos, no sólo en la otra vida, sino también en ésta… Porque ¿qué bienes esperan de la despoblación, ni quién va a trabajar sus campos y sus minas cuando hayan acabado con los indios?

Más de una vez, en estas pláticas destina- das a sembrar en el cerebro de los descubri- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 448/618 dores la semilla de la mansedumbre para con los indios, a fray Buenaventura se le fué la lengua hablando de los franciscanos de la Es- pañola, aunque tratara de retenerla para no dar motivo de escándalo a aquellas almas de creyentes sencillos, respetuosos del hábito o la sotana. Pero siempre se le escapaba alguna palabra de crítica o reprobación, aunque muy luego, en cuanto la curiosidad despierta de los marinos le interrogaba al respecto, se apresu- raba a escapar por la tangente, dejando las co- sas en el aire, como si no hubiese dicho nada. Desquitábase del necesario mutismo con Solís, revelándole los motivos de su ojeriza, perso- nalmente desinteresada a la verdad, contra los misioneros franciscanos. Estos habían llegado a la Española más o menos en la misma época que los dominicos, pero ni ellos ni su prelado, fray Antonio de Es- pinal(151), tenían una palabra de condenación para la conducta de los más crueles conquista- dores y colonizadores. Parecían decir que co- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 449/618 mo los indios, idólatras, eran esclavos del de- monio, bien podían serlo en vida de los es- pañoles, que, aun matándolos, no cambiaban su destino, pues para ellos no cabía salvación. Parecían también aprobar el concepto de que eran cosas, quizá seres irracionales o, lo que sería peor, siervos de Satanás. — Sin advertir – decía el fraile – que el ser siervos de Satán supone que tienen como no- sotros un alma libre… Mientras los franciscanos miraban con in- diferencia la suerte de los indios – continuaba fray Buenaventura –, los de su hábito(152) asumían la defensa de la raza perseguida y aniquilada, declaraban que los “repartimientos” eran contrarios al espíritu y aun a la letra del cristianismo y pronosticaban a los españoles su propia pérdida, pues destruían precisa- mente los instrumentos de su bienestar y su ri- queza. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 450/618 — Nuestro admirable provincial, el padre Montesinos(153), llegó a negar la absolu- ción(154) en el santo tribunal de la penitencia a los cristianos que tuvieron esclavos. Pero ¿sa- béis, capitán, lo que pasó? ¡No le podréis creer! Era la excomunión, en aquellas épocas, el mayor de los castigos para el verdadero creyente, pero en este caso no sirvió de nada. Los excomulgados por los dominicos fueron sencillamente a confesarse con los francisca- nos, que los absolvían y les daban la comu- nión. Sólo el recuerdo de éste tenía la virtud de irritar hasta el paroxismo a fray Buenaventura, que multiplicaba sus exclamaciones, haciendo sonreir a Solís, que lo escuchaba con cierta ex- trañeza. — Cualquiera al oíros – díjole una noche – pensaría que el diablo es franciscano. — ¡Oh! – exclamó el fraile – Si el enemigo malo se disfraza alguna vez de sacerdote, se- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 451/618 guro estoy de que se encontrará muy a sus an- chas en los hábitos de esa orden. — Sin embargo, el gran San Francisco de Asís… — Desgraciadamente – interrumpió fray Buenaventura, – no todos los hijos se parecen a sus padres! Otra vez que el dominico hablaba de los in- dios a la tripulación, interrumpióle Rodrigo – que desde noches atrás ardía por tirarle de la lengua – con el siguiente ex abrupto:

— Tengo una duda y quisiera que vuestra merced me la resolviese, padre, si es posible. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 452/618 El buen capellán embolsó la homilía(155) que pensaba desarrollar y dijo: — Habla, habla, que si es posible ya te la re- solveré. — Pues, hablando de los indios, Su Pater- nidad lo hace siempre como si se tratara de hombres – comenzó Rodrigo – y yo quisiera me dijese lo que hay en ello, porque, según el pa- recer de muchos, y no de los menores y más ignorantes, son en realidad poco menos que bestias irracionales. Si éstos tuvieran razón, padrecito, el perseguirlos y matarlos sólo po- dría ser uno de tantos pecados veniales como se borran sencillamente tomando agua bendi- ta… — ¡Pecado mortal! – exclamó el fraile – ¡Pe- cado mortal(156) y de los más graves es el de matar a los indios, que son hombres, criaturas de Dios, según lo ha declarado a mayor abun- damiento nuestro Santísimo Padre el Papa!… Y pecado sería, aunque fueran bestias, porque lo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 453/618 es el atormentar a cualquiera ser viviente por simple crueldad y dureza de corazón. No está eso en el Decálogo, pero no empece; el Señor mandó que se dé descanso al buey y al asno, es decir, que se sea blando y bondadoso con ellos, y mucho más con los indios… – Y fray Buenaventura, considerando que el interés es uno de los móviles más poderosos del hombre, insistió en la razón material ya otras veces ex- puesta –: Además, los desalmados carniceros que los destruyen ¿no comprenden – aun mi- rando sólo a los intereses terrenales, sin cui- darse del cielo ni del infierno – que más traba- ja y produce un indio vivo y sano que un indio mutilado o muerto?… Aunque la vida humana contara bien poco o nada para aquellos hombres, que se la juga- ban sin pestañear a cada momento, la palabra ardorosa de fray Buenaventura, en medio de la noche, acompañada por el inacabable rezongo del mar, los crujidos de la nao, la luz morteci- na del farol y las sombras que el balance hacía La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 454/618 danzar en torno, causábales profunda impre- sión. A bordo, y bajo tan saludable influencia, jurábanse en aquel instante, horrorizados, no imitar a sus antecesores y compañeros; una vez en tierra firme, a la luz del día y con los in- dios a su merced, puede que fuera otra cosa… — ¡Cuánta barbarie! – agregaba fray Buena- ventura –. Todavía no os he contado, me pa- rece, lo de aquel castellano que arrancó de los brazos de la madre a un chiquillo para darlo como ración a su jauría hambrienta(157)… — Ni lo de otro que, habiendo cierta noche perdido el puñal en un pantano que atravesaba con sus esclavos, cogió otro niño a su madre y lo sumergió de cabeza en el cieno, para que señalara el sitio donde habría de buscarse a la luz del día… Tales verdugos acaban por hacer odiosa nuestra santa religión, y Dios no puede perdonar tan gran pecado… Y de que la ha- cen odiosa tengo la prueba en un sucedido que atestigua el mismo fray Bartolomé. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 455/618 Todos, oliendo narración, se incorporaron o avanzaron la cabeza para oír mejor, y fray Bue- naventura contó, en medio del mayor silencio:

— Pues habéis de saber que el cacique Ha- tuey(158) pasó de la Española a Cuba huyendo de los cristianos, y, apenas tuvo noticia de que algunos de éstos iban a llegar tras él, reunió a los indios y les dijo: “Ya sabéis que los cris- tianos pasan del lado de acá, y tenéis ejemplo de lo que con ellos ha ocurrido a muchos de los nuestros… Esa gente de Haití (que es la Es- pañola) viene a hacer lo mismo en Cuba. ¿Sa- béis por qué? Pues no es sólo porque de na- tura sean crueles y malos, sino porque tienen un dios que adoran y quieren mucho, y nos La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 456/618 sojuzgan y nos matan para que nosotros se lo busquemos”. Hatuey tenía al lado una ces- ta llena de joyas de oro, y agregó mostrándo- las: “Aquí tenéis al dios de los cristianos. Hagá- mosle areitos (que son danzas y ceremonias) para propiciarlo, y quizá mande a los suyos que no nos hagan mal”. Bailaron delante de las joyas hasta caer rendidos, y el cacique Hatuey les dijo entonces: “Bien mirado, si guardamos este dios, al fin nos matarán para quitárnoslo. Más seguro será que lo sepultemos en el río”. Arrojáronlo al agua, y Hatuey anduvo errante hasta que los españoles le cogieron por sor- presa con los suyos(159) y resolvieron quemar- lo vivo. Atado a un palo estaba Hatuey y un fraile franciscano hablábale de Dios y de nues- tra fe, que el indio no conocía, exhortándolo a que creyese en ella si quería ir al cielo, donde había gloria y eterno contento, pues de otro modo iría a padecer perpetuamente en los in- fiernos. Hatuey, que le escuchaba muy en si- lencio, le preguntó por fin: “¿Van los cristia- nos al cielo?” “¡Sin duda alguna!” – contestó el La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 457/618 fraile. – ¡“Pues prefiero ir a los infiernos! – ex- clamó el cacique – por no estar donde ellos es- tén y no volver a ver hombres tan crueles. El infierno no puede ser peor que el cielo, en es- tando ellos”(160).

— ¡Así, esos falsos cristianos hacen ciega- mente creer que somos idólatras, adoradores del becerro de oro, y apartan de Dios muchas almas que se condenan y de las que serán res- ponsables en el día del juicio!… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 458/618 Cuando fray Buenaventura remató su per- oración ya muchos se habían retirado a dormir. Sólo quedaban escuchando al capellán, Rodri- go que había provocado su labia, Núñez que, bostezando, se hacía cruces sobre la inmensa boca abierta, y Paquillo, a quien desvelaba to- do cuanto tuviese eco, sabor, color u olor de aventura. — Tú, por lo menos, rapaz – díjole el fraile –, seguirás la buena doctrina y tratarás a esos infelices como si fueran hermanos… Así lo es- pero de tí. — Y así lo prometo a Su Reverencia, si es que así puede ser – contestó Paquillo –. No les querré mal, mientras no me hagan daño… Y si me hicieren daño, tampoco les haré mal… mientras pueda… Rióse fray Buenaventura del candor y la franqueza del chico, aunque sus propósitos no estuvieran de acuerdo con lo que Cristo nos La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 459/618 enseña, y poniéndole la mano en la cabeza con expresión paternal, agregó gravemente: — No basta, no basta, muchacho. Dios manda que perdonemos a nuestros enemigos. — ¡Pues, por ahora van perdonados! – concluyó Paquillo corriendo hacia su coy. XVII LA VISIÓN DEL MAR DULCE

Las carabelas siguieron su vía con buen tiempo, sin dejar la costa, que era baja, con al- gunas alturas en segundo término, y que corría de Nordeste a Sudoeste. La tripulación mos- trábase mucho más animada que de ordinario, presintiendo el fin del viaje, y Paquillo saltaba de contento pensando que iba a empezar ver- daderamente su vida de aventuras y acercarse al logro de sus ingenuas aspiraciones. Contri- buyó a la general alegría la celebración de la Nochebuena, con los elementos de que se podía disponer, es decir, bailando entre hombres solos, recordando el lejano hogar los que lo tenían, los que no las fiestas de su pue- blo, y cantando en coro villancicos, que fray La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 461/618 Buenaventura remató recitando, con marcadas cadencias, la vieja cántiga de Villasandino:

Generosa, muy fermosa sin mancilla Virgen santa, virtuosa, poderosa, de quien Lucifer se espanta; tanta fué la tu gran humildad que toda la Trinidad en tí se encierra, se canta. Placentero fué el primero gozo, señora, que hoviste cuando el vero mensajero te saluó y tú respondiste. Trujiste en tu seno virginal al Padre Celestial, al cual sin dolor pariste.

Pero de pronto tuvo que interrumpirse. Gri- tos y denuestos vinieron a llamar la atención de todos. Era que acababa de producirse una La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 462/618 de las acostumbradas reyertas entre Pedro Núñez y Santiago Corzuelo que, siempre a la greña, no acertaban nunca a separarse, como matrimonio de cascarrabias que no deja pasar día sin trifulca para darse luego el gusto de ha- cer las paces. Esta vez disputaban, entre ame- nazas y denuestos, a propósito de cierta navaja de cachas que Núñez había hurtado a Corzue- lo, y que no aparecía ni volvía a poder de su legítimo propietario. Acostumbrados a estas borrascas, que tronaban mucho sin que llovie- ra un cachete, los marineros rodearon a los contrincantes, azuzándolos y riendo a carcaja- das del sainete que se les ofrecía como fin de fiesta. Pero la disputa pareció más grave que de costumbre como que estaba en juego pren- da de tan alto interés como la navaja. Pusié- ronse ambos de ladrón y desvergonzado, de truhán, mal amigo y traidor, como no digan dueñas, y hubieran llegado seguramente a las manos a no gritar un alma caritativa y bien ins- pirada que se acercaba corriendo el capitán. Desaparecieron los campeones, todavía ja- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 463/618 deantes de las voces dadas, y la velada de No- chebuena dió fin con esto, pero no así el pleito navajil… Al otro día, 25 de diciembre, las carabelas pasaron frente a un cabo que Solís llamó de Navidad, y cuya situación no se sabe a ciencia cierta, pues tanto puede ser la punta de la Isla Grande, actualmente llamada Acaya, como el pico de Paraty, a unas treinta leguas de Río de Janeiro.

El terral, calmoso, tendía a alejarlos de la costa, pero en tres singladuras avistaron un La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 464/618 puerto, formado par la desembocadura de un pequeño río, puerto que el capitán general bautizó como de los Santos Inocentes, en ce- lebración de la fiesta de la fecha – 28 de di- ciembre –. Surgieron y permanecieron algún tiempo allí, porque el viento escaso no les fa- vorecía. Pero en cuanto empezó a soplar un tanto favorable reanudaron la navegación a lo largo de la costa; unas treinta y cinco leguas más lejos avistaron el cabo de la Cananéia, que llamaron así en honor de la Epifanía, y avan- zando con rumbo sudoeste descubrieron la isla de la Plata, conocida hoy como de San Francis- co, a veintisiete leguas más o menos de la Ca- nanéia. De allí fueron a surgir frente a una tier- ra a la que más tarde se dió el nombre de Bahía de los Perdidos (o de Paranaguá), y de ésta, costeando siempre, pasaron a la vista de una isla vastísima y hermosa, la de Santa Catalina, cubierta de bosque alto, del que, aquí y allí so- bresalían los airosos penachos de grandes gru- pos de palmeras. Doblaron luego el cabo de las Corrientes, llamado ahora de Santa Marta La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 465/618 Grande, a unas veinticinco leguas de Santa Ca- talina, y sin apartarse demasiado de la costa siguieron hasta avistar San Domingo de las Torres, y después de largos días, tan tranquilos como los anteriores, el arroyo Chuy y los Cas- tillos. — ¡Aquel viaje estaba visiblemente bende- cido por Dios! – decía fray Buenaventura.

Poco después doblaban el cabo de Santa María y, dando vista a la isla de San Sebastián de Cádiz – hoy de Lobos (… de mar) –, en- traban en un puerto que se llamó de Nuestra Señora de la Candelaria – Maldonado – el 20 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 466/618 de febrero de 1516, a los ciento treinta y cinco días de haber zarpado de Lepe. Llegaban así, con toda felicidad, sin el más leve contratiem- po casi, después de un viaje, para aquella épo- ca y aquellas alturas, rapidísimo, y como lle- vados de la mano por la misma Fortuna, a las tierras y las aguas que buscaba el gran Juan Diaz de Solís, zahorí descubridor de tesoros. Echadas las anclas, el capitán general or- denó que la tripulación de las tres carabelas se armase de punta en blanco, como en las grandes solemnidades o como si fuese a entrar en batalla, y tomó otras disposiciones prepa- ratorias de lo que pensaba hacer. Una de sus órdenes fué arrancar a los desventurados Alarcón y Marquina del lecho de dolor, a que habían caído de nuevo, hechos una piltrafa, desde que se zarpó de Río de Janeiro. Pero al saber que se les sacudía para que saltasen a tierra desde su potro de tormento, cobraron ánimo en la medida de lo posible – que no podía ser muy grande, dada su debilidad – y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 467/618 como si les invitasen a pasar del infierno al cie- lo. Las tres naos, inmóviles, acariciadas por las mansas aguas, parecieron solitarias y abando- nadas mientras los marineros se aprestaban en el entrepuente. Momentos después comenza- ron a aparecer, apuestos y marciales de des- garrados que andaban, merced a los sesenta coseletes que, con sus armaduras de cabeza, había “prestado” a Solís el Rey católico. Cuan- do todo el mundo estuvo listo, echáronse al agua los bateles y Solís embarcó en el suyo con Marquina, Alarcón, fray Buenaventura y algu- nos remeros escogidos. Francisco de Torres hi- zo lo mismo con el maestro Diego García y demás oficiales y Juan de Lisboa le siguió con los de la otra carabela latina, salvo el despen- sero Martín García, que acababa de sentirse tan enfermo que debió quedar a bordo. En las naos montaban la guardia los hombres impres- cindibles para su seguridad, y en la Portugue- sa los sirvientes de las dos lombardas. De los La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 468/618 que bajaban a tierra, amén de sus armas habi- tuales, éstos llevaban hachas de abordaje, es- totros picos y azadones, y uno de ellos una gran cruz hecha con dos mastelerillos de re- puesto. Apenas las proas tocaban la arena de la orilla, saltaban los hombres a tierra e iban a formar fila cerca del capitán general, que ya tenía a su lado a fray Buenaventura, de sobre- pelliz, a Alarcón y Marquina, de espadín al cin- to pero amarillos y trémulos de piernas, y de- trás a Francisco de Torres, Juan de Lisboa y Diego García de Moguer. El alférez Melchor Ramírez se había puesto a la cabeza de la “gente de desembarco”, que era, en suma, casi la totalidad de la tripulación. La marinería daba frente al mar, los jefes a tierra, y todos guardaban religioso silencio cuando Juan Díaz de Solís avanzó un paso, de- senvainó, hizo relampaguear la espada en el aire y cortó una rama del árbol que a su de- recha tenía. Dió una breve orden, repetida por La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 469/618 el alférez, y los del hacha de abordaje secun- daron inmediatamente la acción del capitán general, abatiendo ramas y gajos de otros ár- boles, mientras los de pico y azadón comenza- ban a abrir ancha y larga zanja, y con la tier- ra extraída levantaban un simulacro de mural- la. Otros, entretanto, abrieron dos hoyos en aquella tierra que las herramientas labraban por primera vez, y en uno de ellos plantaron el árbol de la horca; el otro era para el árbol de la cruz.

— ¡A vos, si os place, padre! – dijo Solís a fray Buenaventura, haciendo con la espada una señal. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 470/618 Sonaron trompetas, tronaron las lombardas desde a bordo, puso Juan Díaz de Solís la ro- dilla en tierra, imitáronle los demás y el do- minico, ayudado por dos marineros, plantó la cruz en el segundo hoyo, y bendijo con el mis- mo amplio ademán a la nueva tierra y a sus conquistadores que humillaban la cabeza ante el símbolo cristiano: — ¡In nomine Patris, et Filii et Spiritus Sanctus! — ¡Amén! – contestaron todos a una voz. Solís se levantó con el estandarte de Cas- tilla en la siniestra mano, y blandiendo en tor- no suyo con la diestra la espada desnuda, gritó por tres veces: — ¡Esta tierra por el Rey de España! Una aclamación vibró en los aires e irradió en la inmensa soledad. Puestos en pie de un salto, enarbolando las armas y blandiéndolas sobre su casco de ace- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 471/618 ro, los rudos marinos, llenos de entusiasmo, re- pitieron sus vítores hasta que, a una voz del ca- pitán general, guardaron silencio, palpitantes todavía. Sentóse Solís en un tronco de árbol abatido, rodeólo el estado mayor, la tropa rectificó su formación, y los marineros Pedro Núñez y San- tiago Corzuelo salieron de las filas a una señal del alférez y avanzaron tres o cuatro pasos ha- cia el capitán general, que iba, por primera vez en aquellas tierras, a ejercer la más importante de sus funciones, administrando justicia(161). Invitado a exponer sus quejas, Santiago Corzuelo acusó a Pedro Núñez de haberle hur- tado una navaja que le era muy útil y tenía en grande estima, exigiendo la restitución de la prenda y el castigo del culpable. Pedro Núñez, a su vez, defendióse de la acusación, alegando que si había tomado la navaja era por la amis- tad que hasta entonces lo ligaba a Corzuelo, sin el menor propósito criminal, y con la firme intención de devolverla en cuanto cortase la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 472/618 punta de un cabo suelto que chicoteaba. Por desgracia suya, la navaja, escapándosele de la mano, cayó al mar, de donde era imposible sa- carla. Corzuelo insistió en que la pérdida del objeto le causaba gran perjuicio y en que Núñez, responsable de ella por haberlo tomado ocultamente y sin consentimiento de su dueño, que era él, debía devolvérselo, y en caso de im- posibilidad pagárselo con creces, visto lo que costaría reemplazarlo y salvo el mejor parecer de la justicia. Oído lo cual, y sin llamar testigos por creerlo innecesario, Juan Díaz de Solís falló en nombre de S.A. el Rey de España, don Fernando el Católico, este pleito de menor cuantía, diciendo: — Devuelva Pedro Núñez a Santiago Cor- zuelo la navaja que le ha tomado sin su vo- luntad, y si no la hubiere, per cualesquiera ra- zones, de fuerza mayor u otras, páguele la can- tidad que sea necesaria para que se avíe con otra de las mejores que vienen para los re- scates, en buena moneda contante y sonante, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 473/618 sin estimación de daños y perjuicios, por no haber lugar. ¡Y esta es la justicia del Rey! Diéronse por contentos los litigantes, debi- damente aleccionados de antemano a lo que sospechó la tripulación, y desenrollando un gran pliego que en la mano llevaba avanzó al medio el escribano Alarcón, quien, con voz fla- ca y sin inflexiones, leyó el acta en que se había puntualizado la situación exacta de aquella tierra, y la tan solemne toma de pose- sión en nombre del Rey, de ella “e todo su par- tido e provincia”, de acuerdo con las instruc- ciones de Su Alteza. El tronco en que se había sentado Solís para administrar justicia sirvió de bufete al exte- nuado Alarcón, que tendiendo el acta en lo más llano, y poniendo junto a ella el tintero de cuerno, ofreció la barbada pluma primero al capitán general, como es de rigor, y suce- sivamente a los demás para que todos la si- gnaran como testigos. La mayoría, sin excluir al maestre Diego García, limitóse a poner una La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 474/618 cruz, a cuyo lado extendió el escribano el nombre de cada cual. La ceremonia había terminado, la marinería rompió filas, dió Solís orden de que se les dis- tribuyese doble ración de vino en honor del acontecimiento, y rodeado por Francisco de Torres, Juan de Lisboa, fray Buenaventura y Diego García, echó a andar lentamente, como de paseo, por entre los matorrales y los árboles bajos de aquella costa que, desde ese día y con las tierras que la prolongaban, pertenecía ya legítimamente al Rey Fernando y a la co- rona de España. Abríanles paso Rodrigo Ro- dríguez y Paco del Puerto que con sendas ha- chas de abordaje abatían las ramas y la maleza cuando estorbaban el paso, trazando una espe- cie de tortuoso sendero, nueva aunque no im- borrable señal de la toma de posesión. El ca- lor era ardiente, pero una vez en la cumbre de una colina no muy alta que tenían a su izquier- da, viéronse recompensados por la brisa mare- ra que les enjugó el rostro. Sentáronse a respi- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 475/618 rar junto a un bosquecillo que los abrigaba del sol y cuya melena verde levemente agitada en- tonces por el aire, debían alborotar y desgreñar muy a menudo los pamperos y las sudestadas, a juzgar por lo retorcido de sus ramas y lo in- clinado de sus troncos. Desde la colina veían a sus pies el puerto de Nuestra Señora de la Candelaria entre las dos puntas, del Este y de la Ballena, y las islas que la abrigan y defienden de los vientos de mar afuera. Y allí, según cuentan al unísono los cronistas de la época y muchos historia- dores venidos después, contemplaron aquella memorable tarde lo que luego, y desde aquel mismo punto, no han vuelto a ver ojos huma- nos. Espejismo, visión profética, sugestión de Solís que conocía el paraje ¡quién sabe! ni ¡qué importa!… El hecho es que, más allá, a su iz- quierda, vieron tendido y en calma el mar in- menso y verde que acababan de surcar, y a su derecha, como llamándoles, otro inmenso mar, pardo, majestuoso y tranquilo. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 476/618 — ¡Mi mar! – pensó el gran marino. Y a sus espaldas, como otro mar, el tercero, dormitaba la campiña cubierta de bosquecillos y de hierba que los soles habían dorado y en- rojecido, con la silueta del Pan de Azúcar en la lejanía, y cruzada por largas cuchillas sinuo- sas, cortadas por riachos y arroyuelos cuyo pa- so revelaba el verdor más fresco e intenso de la vegetación. Ni una sola figura humana restaba en aquel momento solemnidad al paisaje gran- dioso que animaban únicamente la brisa me- ciendo las altas hierbas, las aves rapaces tra- zando círculos en la atmósfera o rayándola co- mo una flecha, algún pajarillo cantando en las ramas, alguna pieza mayor que prestaba vida a los matorrales. Caía el sol y las nubes inicia- ban una maravillosa fantasmagoría de formas fugaces y de cambiantes colores. — ¡Hermoso cielo, hermoso suelo! – ex- clamó fray Buenaventura – Si el uno hace que me crea en Andalucía, el otro sólo aguarda al hombre para convertirse en un vergel. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 477/618 — Y el hombre llegará, ya ha llegado, padre, con la ayuda de Dios – dijo Solís –. Pero todavía habéis de admirar cosas mejores y de más provecho. — Lástima que no haya aquí algunos indios para ver qué catadura tienen – suspiró el domi- nico. — Sí que los hay, pero no los vemos, porque andan seguramente disimulados en la espesura y sin perdernos de ojo desde que atis- baron las carabelas. — ¿Son de temer? — Por lo pronto recelan de nosotros y hur- tan el cuerpo – dijo Torres –. Además, no ten- dríais tiempo de doctrinarlos, padre, porque no sabéis su lengua, comienza a refrescar el su- doeste y, por lo que pueda acontecer, bueno es apresurarse a ganar las naos, lo que no os de- jará tiempo de aprenderla. — Eso pienso – apoyó Solís. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 478/618 Mientras bajaban, desandando el improvi- sado sendero, el capitán general oyó que Ro- dríguez, al señalar el pardo mar que creían ver o que en realidad veían desde lo alto, informa- ba a Paquillo con tono magistral: — Esa mar oscura que estás viendo a tu de- recha, es el paso que vamos buscando hacia la otra mar que vió Vasco Núñez de Balboa. Sonrió Solís y, no queriendo replicar direc- tamente a su criado, se encaró con fray Buena- ventura y le dijo en voz bien alta: — Admire vuesamerced, padrecito, una de las mayores maravillas de Dios en estas tierras. Las aguas que está viendo, de color menos azul y mucho más turbio que el de las aguas hon- das, no es brazo de mar, como se diría dado que no se le ve término ni en el confín del ho- rizonte. Mire allí, donde los colores se mezclan y se confunden en un estrecho espacio que pa- rece una tinta sinuosa. Pues allí mismo acaban La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 479/618 las ondas salobres del Océano y empiezan las dulces de otro mar desconocido… — ¡Un mar dulce! ¡oh portento! – exclamó el fraile admirado, mientras Rodrigo y el gru- mete abrían tamaña boca. — Sí – continuó Solís – Un mar dulce, como acabáis de decir. Mar por su incomparable grandeza, lo otro por la dulcedumbre de sus aguas. Pero no es mar, sino río, un río que por su anchura que nada interrumpe, es el más portentoso que hasta aquí hayan visto ojos hu- manos. Alzó el fraile los brazos al cielo y permane- ció un instante como pasmado. — ¡Eso un río! – exclamó por fin – ¿Qué ha- cemos entonces con el Guadalquivir, el Tajo y el Ebro de que estábamos tan ufanos!… — Esos y otros de Europa, los mayores, son simples arroyos al lado de ése, que no tarda- remos en remontar, padrecito… En sus riberas encontraremos nosotros las cosas materiales La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 480/618 en cuya busca venimos, y vos muchos infieles idólatras que arrancar al demonio… Y puede que, hala hala, aguas arriba y con la ayuda de Dios, lleguemos adonde yo me sé… — ¡A ello y lo más pronto posible! – ex- clamó el fraile echando a andar con mucha pri- sa, como si los indios lo aguardaban a los po- cos pasos. – ¡Bendito sea Dios que me ha per- mitido ver tanta grandeza! Y siguió sendero abajo sin apartar la vista del estupendo río que, sin orillas, iba, en lonta- nanza, a reunirse con el cielo. — ¡Con que no es sino un río! – dijo de- sabridamente Rodríguez que se había ido que- dando atrás. — ¿Le querías más talludito? – preguntó burlonamente el grumete. — Como grande es grande, no lo niego – re- plicó Rodrigo. – Pero es dulce, y preferiría un brazo de mar, aunque fuese de dos dedos de ancho… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 481/618 — Pero, ¿por qué? – preguntó el chico, sor- prendido. — ¿No comprendes, bobo, que un río no nos llevará a ninguna parte, pero que un estre- cho, aunque lo fuera más que el de Gibraltar, podría darnos paso hacia el otro mar, al que tiene en sus riberas tanto oro y perlas y rique- zas de todas clases? — ¿Acaso un río no puede llevarnos tam- bién? Y ¿quién nos dice que en estas tierras no hay otro tanto y más de eso de que hablas? – objetó sesudamente el chico. Una vez a bordo Solís se convenció de que las naos no corrían peligro alguno en el puerto de Nuestra Señora de la Candelaria, y aplazó la partida hasta el amanecer del día siguiente. Con la doble ración de vino y alguna añadidura a la comida habitual, la tripulación hizo festín y pasó regocijadamente la velada. Pero a la ma- drugada leváronse anclas y las carabelas, una detrás de otra, echaron a andar lentamente, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 482/618 con poco trapo, a la vista de los médanos de la costa y de un cerro aislado y cónico de poca al- tura, y de varios pliegues del terrera, más ele- vados que el resto y a los que se daría lue- go el nombre de Cuchillas de las Animas o Cuchilla Grande. Entre los riscos y matorrales de la ribera solían ver gente que se desliza- ba como observando los navíos. Aquí y allí, alzábanse misérrimos grupos de chozas, que no merecían llamarse aldeas, y de ellos salían hombres y mujeres que con grandes ademanes parecían ofrecerles diversas cosas, invitándo- los a desembarcar. Llegaron con esto a la de- sembocadura del río que hoy se llama de Santa Lucía(162), y Solís, pensando que podía ofrecer buen abrigo, envió el batel para que echara la sondaleza, y supo, así, que efectivamente den- tro de la barra tenía hondo y ancho cauce, muy propio para fondeadero. Favorecidas por la marea las carabelas transpusieron la barra, abriendo la marcha la Latina de Rodrigo Alvarez de Cartaya(163), que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 483/618 era la menor, y siguiendo la de Torres y por úl- timo la Portuguesa. Echaron anclas y Solís de- sembarcó junto con sus obligatoriamente inse- parables Alarcón y Marquina, para quienes ca- da escala venía a ser como una resurrección. Ameno era el sitio, tan abundante en salva- jina que ella sola aseguraba el abastecimiento de la tripulación, y Solís resolvió detenerse allí para recorrer y carenar sus naves, bien necesi- tadas de ello después de tan larga navegación. Millares de patos y otras aves acuáticas pobla- ban el río, y al caer la tarde era su número tan prodigioso que de la una a la otra orilla tendían una viviente alfombra de pluma. — Este río no arrastra agua sino patos – observó una tarde Rodrigo Rodríguez, que fué con ello su padrino de bautismo, pues Río de los Patos le llamaron todos. No los espantaba ni ahuyentaba la presen- cia del hombre, sin duda porque los indios, de- dicados preferentemente a la caza mayor, pa- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 484/618

saban poco o nada por aquellos parajes donde era escasa. Mataron los de Solís cuanto quisie- ron, ora con ballesta, ora a palos y a pedradas, rara vez con arcabuz para economizar la pól- vora. Pero cierto día, pese a sentirse tan malo, el despensero Martín García anduvo visitando los pañoles de las carabelas para hacer el recuento de las vituallas existentes, y por la tarde Solís que le vió acercarse pálido y trémulo, le dijo: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 485/618 — Métete en cama, Martín, que tienes muy mal semblante. — ¡No se trata de eso, señor! – balbuceó el despensero – Cuéstame decirlo, pero ¡me lo manda el deber!… Hoy, al abrir una barrica de salazón me encontré con que estaba entera- mente podrida… — Ya extrañaba yo – exclamó Solís – que aún no hubiera queja de lo que han hecho em- barcar esos señores de Sevilla. Pero ¡bah! el daño no es tan grande… Arroja al agua la bar- rica, y abre otra. — Es lo que hice al momento, señor. Mas es el caso que la segunda y la tercera barricas resultaron tan malas como la primera, si no peores… Estamos amenazados de quedarnos sin víveres… Ya se ve: las nieblas, los grandes calores, el rezume habrán humedecido las carnes… — Pero, acaso ¿se ha podrido todo? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 486/618 — Todo, sí, señor – contestó compungido el despensero –. La carne nada dentro de las bar- ricas en un líquido espeso, negro y hediondo, y los mismos perros no la querrían. — ¡Mal rayo! — ¡No soy culpado, señor!… — Bien lo sé. Pero ¿eso pasa en las tres naos? — En las tres naos, sí señor. El capitán general había ido enardecién- dose y, enajenado de cólera, pateando el suelo, prorrumpía en denuestos e imprecaciones contra los nunca bastante maldecidos oficiales de la Casa de Contratación, culpables de aquel grave tropiezo que en alta mar pudiera haber sido catástrofe. ¿Cómo perdonarles que sala- zones preparadas para durar dos años por lo menos se corrompieran sin causa conocida a los pocos meses de salir de España? ¿No la ha- brían querido así por criminal malevolencia? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 487/618 Tan violento fué el desahogo de Solís que ninguno de los testigos de la escena se atrevió a aproximarse; todos comprendieron, sin em- bargo, la gravedad de lo que tanto le enfurecía, y no fué poca su sorpresa al ver que el fogoso capitán se calmaba tan repentinamente como se había irritado. Lejos estaban aquellos en quienes hubiera hecho su cólera efectiva… — Vamos a ver el daño – dijo a Martín García. No quedaba, efectivamente, una sola barri- ca de carne que se pudiera aprovechar. — Al agua con toda esa podre, pero guarda las barricas – ordenó Solís –. Han de servirnos, porque no faltarán por estos matorrales vena- dos y otras piezas mayores que salaremos y secaremos tan ricamente. ¡Una higa para esos señores de la Casa! Tranquilizada como él, la tripulación que se había puesto instantáneamente al tanto de lo ocurrido, entretúvose aquella tarde y la maña- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 488/618 na siguiente en pescar, y aun en sacar del agua a mano limpia los peces que en cardúmenes acudieron al opíparo banquete que se les ofrecía. Los jefes y los oficiales a quienes Solís llamó por fórmula a consejo, mostráronse igualmente tranquilos: Dios y aquellas tierras proveerían… — Apenas vuelva de la entrada que pienso hacer en estos días, nos ocuparemos de repa- rar el daño y tendremos más y mejores vitual- las que antes – dijo el capitán general, dando por terminada la reunión, y la desagradabilí- sima aventura pasó a segundo término, como cosa de poca monta… Durante todo un mes resonaron en aquella magnífica soledad los martillazos de carpinte- ros y calafates, los gritos y los cantos de los marineros, que se solazaban en la ribera, las voces de llamada o de triunfo de los cazadores cuando, muy excepcionalmente, descubrían o cobraban alguna pieza mayor. Un venado o un gamo era conquista celebrada como acto glo- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 489/618 rioso, y luego daba a la humilde comida de a bordo relieves de mesa señorial. Sólo de vez en cuando observábanse en la maleza, entre dos luces, a inmediaciones del improvisado desembarcadero o algo lejos, ba- jo los árboles, movimientos insólitos, desliza- mientos de animales intimidados, disponién- dose a la fuga, pero cuando los cazadores acudían a todo correr nada encontraban, nada descubrían, ni una huella, ni un simple rastro, nada sino algunos tallos quebrados y, en torno, las hojas de las plantas bajas limpias del polvo que siempre las cubría… XVIII

LA PRIMERA TUMBA

— ¿Cómo pensáis llamar a éste, que bien podría apellidarse mar dulce, según ya co- mienza a decírsele? – preguntó fray Buenaven- tura a Solís mientras la Latina de Rodrigo Ál- varez de Cartaya, en la que iban embarcados, costeaba lentamente las barrancas de San Gre- gorio, aguas arriba del gran río. Navegaban a poco más de una legua del puerto de los Patos, donde habían quedado las dos naos mayores. Deseando ser el primero, si no el único, que reconociera aquellos parajes, el capitán general había dejado a Torres como La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 491/618 su reemplazante en la Portuguesa, y a Diego García de Moguer al mando de la otra cara- bela, para embarcarse en la Latina de menor calado y excelente velera. Cuadró la casuali- dad de que la dolencia del despensero Martín García, iniciada en la Candelaria, había exigi- do, agravándose, la presencia en la nao de fray Buenaventura que llevó al enfermo los pocos auxilios corporales que su experiencia le per- mitía ofrecer, y los espirituales que su carác- ter de sacerdote le imponían. El buen fraile, si- guiendo lo que aconsejaba la medicina usual entre los descubridores de Indias, comenzó por sangrarle y propinarle una poción com- puesta de ajos majados y cocidos en vino, mandando luego que se arropara bien para su- dar cuanto fuera posible. Pero los dolores no cejaron, aumentó el frío y con él la calentura del paciente que ya comenzaba a darse por muerto. Lamentándose de no tener a la mano algunos grillos – o siquiera cigarras, a falta de éstos – para tostarlos, molerlos y dárselos en vino – que es maravillosa medicina –, el do- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 492/618 minico ensayó entonces otra pócima compues- ta del caldo de las aceitunas conservadas mez- clado con aceite, y bien caliente, pócima de la que Martín García bebió abundante cantidad, sin otro resultado que el de que se le revolvie- ran las entrañas y aumentaran su fiebre y su postración. Temeroso el fraile de que muriera de un momento a otro, al zarpar la Latina no quiso desampararle y encontróse, así, incorpo- rado a la expedición del capitán general. Con éste iban, también, aunque sin mayor entusias- mo, sus obligados centinelas los oficiales que se encontraban tan agradablemente en el puer- to de los Patos, Rodrigo Rodríguez, en su cali- dad de asistente y Paquillo en la suya de paje extraoficial de Rodríguez. — Pues, salvo algún hecho notable que me aconseje otra cosa – dijo Solís contestando a la pregunta del dominico –, he pensado en lla- marle Río de Santa María, en honor de Nuestra Señora que tan visiblemente nos ha protegido La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 493/618 apartándonos hasta aquí de peligros y dificul- tades. — “Oh María, puerta e vía de salud e de fol- ganza” – dijo el fraile, recordando otra vez a Villasandino – El viaje ha sido en verdad mila- groso, y aplaudo tan piadosa intención… Interrumpióle en esto un marinero acudien- do apresurado a avisarle que Martín García es- taba en las últimas y que clamaba confesión. Corrió el fraile al camaranchón en donde el despensero efectivamente agonizaba, y sentándose junto a él, como y en lo que pudo, ya no se apartó de su cabecera hasta que, des- pués de confesarse, divagando en el delirio de la agonía, rindió el último suspiro. La noticia del fallecimiento del despensero cundió en la nao y la tripulación se condolió, pero también se aterró. — Naufragio al partir, difunto apenas llega- dos… malos vientos nos soplan – comentó gra- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 494/618 vemente Rodrigo Rodríguez, olvidando todas las bienandanzas del viaje. — ¡Oye! – exclamó el grumete, agregándole al oído –: ¿Te acuerdas de la gitana de Lepe? Pues señaló a ese que ha muerto entre los que no habrían de volver… — Toma, es verdad. ¡Mala peste!… — Y ¿no sonó la campana de Velilla?(164) – agregó el grumete. — Quita allá, bobo, que eso va con los reyes y no con un pobre despensero como Martín García… Si tañó la campana de Velilla, por don Fernando habrá sido, que bien malejo le dejamos, y aunque yo le desee mil años de vida… Pero, ahora que lo pienso, no abras esa boca… esos malos agüeros quitarían el ánimo a la gente… — Bien has recordado tú lo de la carabela zozobrada, que para mí fué suerte, pues sin eso no estaría aquí… – dijo el chiquillo – Pero des- cuida, que no despegaré los labios. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 495/618 — Lo de la carabela lo sabían todos, y no había de faltar quien lo mentara, mientras que lo de la gitana que Dios confunda, sólo noso- tros lo sabemos. Con tiempo bonancible que “la muerte del despensero no había perturbado, como no lo per- turban jamás las cosas humanas”, según observó el filosófico Rodrigo, la Latina continuaba na- vegando muy mansamente, dobló la punta de Santa Bárbara, donde hoy prospera la Colonia del Sacramento, dejó atrás la pequeña isla, aún no bautizada, pero más tarde tan mentada, de San Gabriel, los islotes inmediatos, y siguió cuan cerca pudo de la costa, aquí y allí domi- nada por colinas y riscos y cubierta de vegeta- ción que reverdecía, pasados ya los rigores del verano. Al caer la noche, después de largas ora- ciones por el descanso del alma del difunto, fray Buenaventura salió a respirar sobre cu- bierta, al tiempo que Solís previendo una noche obscura, mandaba fondear en mitad del La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 496/618 río, lejos de todo ataque posible desde tierra – había creído observar aunque sin temerlo, mayor movimiento de gentes en la costa – y como precaución necesaria para no varar en alguno de los numerosos bancos de arena que dificultaban la navegación. Mientras los marineros recogían velas y echaban el ancla, vigilábalos Solís desde la tol- dilla y fray Buenaventura y los oficiales reales se reunieron con él. — El desventurado ha muerto como un jus- to – dijo el fraile aludiendo a Martín García –. Me parece que irá derecho al cielo. — Todo despensero ¿no ha de pasar antes por el Purgatorio, padre? – preguntó el factor Marquina. — Conocéis el paño… – replicó donosa- mente fray Buenaventura –. Pero hay sastres de sastres. Entre despenseros, como entre fac- tores y escribanos, ha de haber de todo, como en la viña del Señor, y mejorando lo presente. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 497/618 De Martín García nada hay malo que decir, si- no mucho bueno, y Dios lo premiará. — Era leal vasallo y servidor de Su Alteza – terció Solís –. Y, para honrar su memoria, en la primera tierra que toquemos ha de dársele cristiana sepultura, y esa tierra llevará de hoy en más su nombre. — Me parece muy acertado – dijo Alarcón. — Los humildes serán ensalzados – agregó el dominico –, y este hombre que lo era tanto, tiene ganado ese recuerdo. Me honraré depo- sitándolo yo mismo un rincón de tierra bendi- ta. — La tumba del marino debe ser el fondo del mar, donde sirva de pasto a los peces y se incorpore dentro de su elemento a la vida universal – dijo Solís –. Pero ni Martín García era mareante ni por aquí falta espacio para que descanse en tierra… Fray Buenaventura carraspeó y mostró su disgusto al oír hablar del vientre de los peces La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 498/618 como tumba del marinero, y sobre todo de esa incorporación a la vida universal, que estaba oliendo a herejía. — Para hablar de otra cosa – dijo el ex gor- do Marquina, a quien no agradaban las conver- saciones fúnebres –, yo quisiera saber cómo ha de llamarse el gran río en que estamos fondea- dos y que somos los primeros en surcar… Sé que algo se ha hablado al respecto, pero nada se ha decidido, aunque ya me parece hora… Yo votaría, si se me pidiese mi opinión, conside- rando el acierto y la seguridad con que nuestro gran capitán nos ha conducido hasta aquí, co- mo guiado por la mano de Dios, yo votaría, di- go, porque se le diera su nombre, que tan bien suena: Río de Solís… — Otra cosa he dispuesto para agradecer evidentes y altísimas mercedes – contestó Solís – y ya lo sabe y lo aprueba fray Buena- ventura: pienso llamarle Río de Santa María. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 499/618 — Ante ese nombre desaparecen y se hu- millan todos los demás – dijo Alarcón. — Verdad es – asintió Marquina –. Pero no habéis de negarme que, pese a la modestia de nuestro capitán, no hubiera estado mal lla- marle Río de Solís, y aun mejor Mar Dulce de Solís, como ya empieza a decirle nuestra gente en sus conversaciones. — Si no le doy mi sobrenombre – dijo Solís – no es por modestia, virtud de que carezco, sino por orgullo, mi gran pecado, ¿no es así, padre? Tengo en primer lugar el de bautizarle como de Nuestra Señora, y en segundo, ¿cómo había de satisfacer mi orgullo si yo mismo die- ra mi nombre a estas aguas y estas tierras? Sería necia vanidad, no orgullo. Otro gallo me cantara si presentes y venideros la apellidaran así, pues eso sería gloria otorgada por los úni- cos que pueden darla… Si soy orgulloso, señores, no soy vano, y nuestro capellán absol- verá el pecado en premio de la franqueza. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 500/618 Riéronse todos, tan campechana y discreta- mente había dicho aquello el capitán general, y la plática tomó otros rumbos dejando, al fin, pendiente el bautizo del río. Vueltos al uso de sus pocas o muchas facul- tades físicas y mentales, suspendidas hasta en- tonces por el mareo, Alarcón y Marquina es- taban ganosos de iniciar cuanto antes sus fun- ciones, pues hasta ese momento permanecían con las manos vacías y sin partida alguna que asentar en los libros como tercio del rey. Nada se había alcanzado, nada se había rescatado, salvo el condumio para la tripulación en tierras del Brasil, y eso era pérdida, no ganancia. Las tierras que acababan de descubrir y que tenían a la vista estaban evidentemente pobladas, pues ya muchos naturales asomaban a la cos- ta, y los navegantes habían señalado algunas cabañas, que a todo se parecían menos a vi- viendas humanas. Los primeros rescates no podían tardar. ¿Qué les reservaban aquellas tierras? ¿Oro? ¿Plata? ¿Piedras preciosas? ¿Co- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 501/618 sas de poco bulto y mucho precio, o al revés? De todo había en Indias, según las regiones, y la imaginación del factor y del escribano se complacía en hacerles creer que ésta rebosaba de todo eso y mucho más… Porque sino ¿a qué habrían venido? El viaje propiamente di- cho quedaba terminado, hallábanse donde podían y debían comenzar a aprovechar de sus resultados en bien de Su Alteza y en el pro- pio… Con palabra más discreta, Solís abundó en el mismo sentido: si no encontraban lo que él creía y esperaba y que valdría más que el oro, porque sería la puerta abierta para ir luego a donde las riquezas desbordaban, de allí no habían de volverse con las manos vacías, y al tocar de nuevo en España no tendrían por qué envidiar a los demás mareantes, españoles o portugueses. Fray Buenaventura, que bosteza- ba hacía buen rato, levantóse de pronto y se re- tiró diciendo que iba a rezar junto a los restos de Martín García antes de ganar el lecho. Esta La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 502/618 fué la señal que puso fin a la reunión. Y todos durmieron tranquilamente y llenos de esperan- zas, mecidos por el gran río, arrullados por el murmullo de la corriente que lamía los flancos de la nave. A la madrugada siguiente la Latina levó an- clas y siguió navegando aguas arriba. Poco había andado cuando llegó cerca de una isla, o más bien islote, de roca granítica, cubierta de tierra fértil, ligeramente accidentada, y como de una legua de perímetro. Hallábase planta- da en pleno río, a corta distancia de la ribera de levante, por la que algunos naturales habían seguido, entre arboledas y malezas, la lenta marcha de la nao. Solís, no viendo en la costa firme sitio ade- cuado para desembarcar, o deseoso de que su despensero descansase en tierra hasta la eter- nidad, al abrigo de profanaciones, señaló el is- lote para abrir en él su tumba; fondeó la cara- bela otra vez en la fuerza del río, botóse una embarcación después de haber depositado en La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 503/618 ella una caja mal desbastada que era el ataúd de Martín García, y embarcados los marineros, y con los remos en alto, fueron a su vez a sen- tarse a popa, Solís empuñando el gobernalle, fray Buenaventura y los oficiales del rey. En pocas bogadas llegaron a una estrecha playa de arena. Algo más lejos, en lo alto de un terreno, abrióse un hoyo, bendíjolo el ca- pellán, bajóse al fondo el ataúd, y después de los responsos, rezados con verdadera unción si no con dolor verdadero, la tierra suelta vol- vió a caer a grandes paletadas, hasta igualar el suelo que la hierba no tardaría en cubrir. Una cruz hecha con dos espeques señaló luego, la primera tumba de cristianos y españoles abier- ta en tierras del Plata, en la isla que desde en- tonces se llama de Martín García. XIX TRAGEDIA

Vueltos a bordo, la Latina, aunque con poco paño, siguió venciendo la corriente y acabó por acercarse a la costa oriental en un punto rodeado de islotes que pareció a Solís el más cómodo desembarcadero. Ordenó, pues, que se surgiera junto a una isla pequeña que pa- recía partida en dos, e hizo botar la barca grande. En la certeza de que por allí había in- dios, deseaba apoderarse de algunos o ponerse al habla con ellos para ver de conseguir los bastimentos que en breve iba a necesitar la ar- mada, y quería, a la vez, averiguar si allí o cer- ca de allí había metales o cosa que los valie- ra. Marquina, Alarcón y fray Buenaventura es- taban muy dispuestos a desembarcar con él, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 505/618 pero se opuso, como en el Brasil, a que el ca- pellán lo acompañara. — No haré sino ir y volver para preparar el terreno – le dijo Solís –. Prefiero que os que- déis a bordo. Rodrigo Alvarez es poco enérgico con su gente, que, en honor a vuestros hábitos no se atreverá a desmandarse… Ya desembar- caréis en cuanto veamos qué recibimiento nos preparan los naturales. Como si quisieran contestar con los hechos a Solís, por entre los árboles de la orilla, en tierra firme, comenzaron a aparecer en ese punto algunos salvajes, hombres, mujeres y hasta niños, que alzaban los brazos mostrán- dolos sin armas, hacían insistentes demostra- ciones de amistad y ofrecían, como los del Bra- sil, diversos comestibles – granos, raíces y le- gumbres – poniéndolos en el suelo y aleján- dose para significar que eran presentes. Pero con gran desencanto de la mayoría de los ma- rineros no mostraban objeto alguno de metal ni parecían poseerlo siquiera. Eran erguidos y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 506/618 bien proporcionados, de tez aceitunada, más obscura en algunos, los hombres con el cabello atado en la nuca y plumas vistosas en lo alto del cráneo, barboto en el labio y una pam- panilla atenuando apenas su completa desnu- dez; las mujeres de cabello suelto, tatuadas las sienes, la frente y la nariz, algunas con sus críos a la espalda. Esto vieron los españoles desde a bordo, y observando las obsequiosas demostraciones de indios e indias, fray Buena- ventura insistió entusiasmado: — ¡Mansa y generosa gente! ¡Da lo que tiene, ofrece su amistad!… Permitid que de- sembarque con vosotros para evangelizarla! — Ahora no, padrecito – contestó Solís –. Más tarde será, Dios mediante. Cinco marineros, entre ellos el grumete Francisco del Puerto, aguardaban ya en las bancadas de la embarcación. Solís había or- denado a Rodrigo Rodríguez que se pusiera a las órdenes de fray Buenaventura; de modo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 507/618 que a bordo quedaban éstos, el piloto y ocho hombres, once en todo. Con el capitán general iban Marquina, Alarcón, cuatro remeros y el grumete, que bogaban vigorosamente hacia la costa. Para demostrar a los españoles que los de- jaban amistosamente en plena libertad, los na- turales manteníanse apartados de los obse- quios puestos en el suelo, señalándolos con in- sistencia. El piloto, fray Buenaventura, Rodrigo y los marineros de la Latina, seguían con inter- és el desarrollo de la escena, los unos asoma- dos a la borda, los otros encaramados en los obenques. Tanto los de la barca como los de la nao aguardaban, en la más completa confian- za y tranquilidad, el primer encuentro con los habitantes de la tierra que acababan de descu- brir. — Tiene razón fray Buenaventura – dijo Solís al ponerse en pie para desembarcar de un salto – Es gente mansa y nada tonta al parecer. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 508/618 — Un poco de tontería no estaría de más – exclamó Alarcón pensando en los rescates. Echóse un rezón, amarróse para mayor se- guridad la barca a una piedra que sirvió de proíz, y Paquillo, muy malhumorado, recibió la orden de quedarse guardándola. A la cabeza de su gente y alzando también los brazos en señal de amistad, Solís avanzó hacia los indios subiendo la cuestecilla cubier- ta de hierba que de ellos le separaba. El paisaje era hermoso y apacible, con leves ondula- ciones, arboleda baja, más allá oteros de arena dorada, pajonales, chaparrales, todo envuelto en una atmósfera diáfana, bajo el sol radiante y un cielo de seda azul… La naturaleza estaba de fiesta para acoger a los españoles. Ya iban Solís y sus hombres a reunirse con el pequeño grupo de los naturales, que brilla- ban al sol como estatuas de bronce, cuando és- tos, con inesperada e incomprensible manio- bra, dieron, como temerosos, algunos pasos La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 509/618 atrás, volvieron la espalda y huyeron desban- dados… Al propio tiempo estallaba un alarido salvaje, comenzaban a llover dardos y flechas, y de matorrales y bosquecillos surgía vocife- rante y gesticuladora una muchedumbre de in- dios que, blandiendo chuzas y lanzones y enar- bolando mazas, se precipitó sobre los descui- dados mareantes, los derribó sin darles tiem- po de empuñar sus armas, los acribilló a lanza- das, los aplastó bajo el número… No hubo de- fensa posible. Aquello fué un tumulto, un ha- cinamiento, una masa informe y convulsa de la que brotaban baladros infernales… Un ins- tante después todo había concluído… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 510/618 El estupor paralizaba a los de la carabela. Reaccionando en seguida, corrieron a los mos- quetes, a los pasavolantes, prontos a abrir el fuego… Pero, ¿cómo tirar sobre aquel montón, en que indios y cristianos entrelazados se convertían en un solo ser de miembros innu- merables? ¿Cómo no herir a hermanos y ene- migos al propio tiempo?… Dispararon repeti- das salvas para amedrentar a los salvajes, pero éstos no hicieron caso del estruendo, en la em- briaguez de la matanza… Después… tampoco se atrevieron a tirar sobre ellos mientras des- nudaban a los caídos y se arrebataban mutua- mente sus despojos… Fray Buenaventura, despavorido, gritaba a los de la carabela que tiraran, que no tiraran, que embistieran la costa embicando la nave, que se echaran a nado para salvar al capitán por lo menos, que botaran un batel para ir él en persona a socorrerle, y entre todos estos de- sesperados e incoherentes consejos y órdenes, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 511/618 gemía, lloraba, alzaba los brazos, bendecía, clamaba: — ¡Hijos! ¡Hijos! ¡Os absuelvo en nombre de Dios! ¡Os bendigo en nombre de Dios! Los demás, igualmente trastornados, corrían de aquí para allá, sin ideas, sin tino. Estos trataban de botar el batel, aquéllos car- gaban y apuntaban los pasavolantes, los otros se disponían a aparejar las velas, y los once hombres parecían ciento por el desorden y el tumulto… Desnudos los cadáveres de Solís y sus com- pañeros, algunos indios cargaron con ellos y se internaron en la espesura. Los pasavolantes y los arcabuces habían comenzado a tomarlos por blanco apenas los de a bordo se convencie- ron de que ya sólo podían herir a los salvajes, castigando su horrenda traición. Pero ningu- no cayó, aunque les indios no debieron de ir muy lejos, porque, ya fuera del alcance de los proyectiles, de entre el matorral alzáronse co- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 512/618 lumnitas de humo que fueron engrosando poco a poco… Algo antes, cuando había pasado lo más re- cio de la lucha y el triunfo de los indios era ya evidente, un grupo de salvajes – que los de la Latina creyeron mujeres – apoderóse de Pa- quillo, destrozó la barca y le puso fuego. Como los otros con los cadáveres, este nuevo grupo cargó con el grumete, sin hacer caso de su ra- biosa defensa a puntapiés, a puñetazos, a den- telladas, le internó en la espesura y, momen- tos después, el teatro del combate y la matanza quedaba desierto, silencioso, apacible, sin ras- tro alguno de tragedia… XX DESPUÉS

A la primera impresión de horror, de cólera y de impotente desesperación sucedió a bordo de la Latina el profundo desaliento. El piloto no sabía qué resolver, fray Buenaventura llora- ba como un niño, Rodrigo Rodríguez, que po- co antes parecía un loco, blasfemaba mesán- dose los cabellos, desplomado sobre un rollo de maromas, los demás cambiaban entrecorta- das frases reveladoras del deseo de huir hacia el Puerto de los Patos, de reunirse con los com- pañeros, de librarse de la horrible pesadilla… Muerto Solís quedaban sin jefe capaz de man- darlos, de infundirles confianza, porque Alva- rez se había mostrado sin autoridad ni energía durante todo el viaje, y no reaccionaba tam- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 514/618 poco en tan difícil situación. Cavilando sobre los pésimos agüeros de la partida y la llegada, confirmados con la horrenda carnicería que acababan de presenciar, temerosos de caer de desastre en desastre, algunos tomaban ya por cuenta propia la iniciativa de aparejar, cuando al ver esto y comprender que no le quedaba otro camino el piloto dió la orden de partida. — No hay que dejar la pelleja por llorar a los muertos – dijo un marinero que arriaba un cabo cerca de Rodrigo Rodríguez. El asistente salió de su desesperado ensi- mismamiento, y con acento trágico, en el que vibraban la cólera y el horror: — ¿Muertos, nada más? – exclamó –. Ojalá no digan verdad esas hogueras cuyo humo es- tamos viendo… — ¿Qué crees? Acaso supones… — Mucho caníbal hay por estas tierras, y bien podría ser que… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 515/618 — ¡Caníbales, dices! – tartamudeó el otro. — Sí – exclamó Rodrigo –. ¡Han de ser caní- bales…! ¡Muchos indios son caníbales! ¡Devo- ran a sus enemigos, voto al Diablo que los en- gendró! Y luego, sordamente, con el ceño fruncido y los puños apretados, continuó, recapitulando: — En todas estas malditas Indias, que Dios confunda, del golfo de Paria abajo, en los is- leos, en tierra firme, los hombres se comen a los hombres, ¡y no los parte un rayo de Dios!… Se los comen, te digo, y éstos… ¡éstos no han de dejar de hacerlo por tratarse de nosotros! Fray Buenaventura había estado oyéndo- los, silencioso y espantado. — ¡Ah, Señor! – exclamó – ¿Será posible que permitas semejantes monstruos sobre la tierra?… ¡Dios mío! ¡Dios mío! ¡Tu santa ira es terrible, Señor! Herejía y blasfemia fué lo que dijo anoche el desgraciado capitán… El vientre de los peces… la vida universal… Y La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 516/618 ahora… ¡No, no lo creo, no puedo creerlo!… Un hombre tan cumplido, tan buen cristiano. ¡Rodrigo delira! Y los infelices compañeros del capitán… Alarcón, Marquina… — ¡Paquillo! – agregó sombríamente Rodrí- guez. — ¡Almas de Dios! Pero el capitán lo dijo sin pensar… sin intención pecaminosa… ¡Sí! ¡Es un mártir! Un mártir de la fe… ¡Ah, Señor! ¿Por qué permitiste que tu humilde siervo no compartiese su martirio? Y humillándose, golpeándose el pecho, fray Buenaventura murmuró repetidas veces con los ojos llenos de lágrimas: — “Dómine, non sum dignus”… La Latina, después de virar lentamente, na- vegaba ya aguas abajo, alejándose con rapidez del teatro de la matanza, sin que nadie hubiera pensado siquiera en señalarlo con una cruz pa- ra eterna memoria de la catástrofe. Y cuan- do pasaron frente al islote en que descansaba La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 517/618 Martín García, nadie tuvo una mirada ni un re- cuerdo para él. Rodrigo seguía maldiciendo de su suerte, de la orden que le impidió desembarcar con su amo – como si su presencia hubiera podido sal- varle – y de pronto, obedeciendo a una reac- ción explosiva de rabia, comenzó a gritar a sus compañeros que eran unos cobardes, que no habían de huir, que era preciso desembarcar y acabar a cuchilladas con la infame chusma traidora. Fray Buenaventura trató de calmarle, acon- sejándole la resignación ante los misteriosos designios de la Providencia, y el criado de Solís pareció escucharle más tranquilo, acatar sin rebeldía la voluntad de Dios, cuando de re- pente y con sarcasmo: — ¡Padre! – exclamó – ¿No decíais que los indios son mansos y bondadosos y que sólo ha- cen daño a sus verdugos? ¿No nos invitabais a tratarlos como a hermanos menores? Reniego La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 518/618 yo, ¡voto al diablo!, de tales humildades y man- sedumbres, y de los mandrias que defienden a esas bestias feroces! — ¡Sosiega, hijo, sosiega, por los clavos del Señor! – balbuceó el fraile atolondrado –. ¡No jures más, no blasfemes! Dios permite a veces cosas que sobrepasan nuestro entendimiento, y él mismo murió clavado en un madero… Además, estos indios no son como los de allá… y… — ¡Y se comen a los cristianos, padre!… ¡Como llegue a tenerlos a mi alcance, malhaya, amén, si perdono a uno solo!… Pero oiga vue- samerced algo que quiero decirle y que im- porta mucho… El capitán y sus compañeros han sido asesinados, de ello no cabe duda… Pero hay uno, padre, hay uno, que está vivo y en manos de esos bárbaros… Yo mismo, con estos mismos ojos, ví que al infeliz Paquillo no lo tomaban hombres armados, sino simples mujeres, quienes lo arrancaron de la barca y se lo llevaran tierra adentro, sin hacerle daño, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 519/618 aunque el desdichado rapaz se defendiese co- mo un poseído y les clavara los dientes en las carnes… — Sí; bien me pareció ver que se lo lleva- ban – dijo el Capellán –. Se lo llevaban vivo, lo que significa que no pensaban en lo que tú dices. — Ahora no, pero sí en engordarle, como hacen a menudo… — ¿Engordarle? ¡Jesús mil veces! — !Pero aún es tiempo, padre, aún es tiem- po! Diga vuesamerced al piloto que desprenda un batel, y por quien soy que, con los que quie- ran acompañarme, o solo si es preciso, iré a salvar al muchacho… ¡No lo podemos desam- parar! Alzando y volviendo hacia Rodrigo las pal- mas de las manos e inclinando la cabeza sobre el pecho, fray Buenaventura le hizo callar y meditó un instante. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 520/618 — En conciencia, Rodrigo, hijo – exclamó por fin –, no puedo ni aconsejarlo ni pedirlo… La vida de los más tiene en la balanza mayor peso que la salud de uno solo… Yo, como tú, daría sin vacilar la mía por salvar la del chico… Pero sería sacrificio de los que quedan… Y ¡quién sabe si Dios no quiere hacer de Paquillo su instrumento para convertir a esos sal- vajes!… — Calle vuesamerced, padre, que no son estos momentos de reir… Por mucho que haga no puedo figurarme a Paquillo evangelizador… Poco entendía de religión, tan poco que aun por ese lado habría que salvarle el cuerpo para que pudiera salvar el alma… Suspiró el fraile, aplastó con el índice una lágrima que le asomaba a los ojos y murmuró: — ¡Es tarde!… Vamos ya lejos… Aunque no fuera así, sería la perdición de todos… Y mira el terror de los demás… Tampoco te seguirían, hijo, tampoco te seguirían… La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 521/618 Renegando entre dientes, convencido pero furioso, Rodrigo se alejó, y fray Buenaventura, apoyando la frente sobre la borda, lloró y rezó. El viento, la corriente, la tranquilidad de las aguas, la diafanidad del día, todo era favorable para el trágico regreso, y la carabela bajaba gallarda y rápida hacia el Río de los Patos… Cuando salvó la barra y se acercó a las otras naos, desarmadas todavía, fué recibida con vítores regocijados que pronto se trocaron en exclamaciones de estupor y consternación. Francisco de Torres, sobreponiéndose desde el primer momento a su aflicción, asu- mió definitivamente el mando de la escuadrilla y ordenó que Rodrigo Alvarez quedara arresta- do a bordo de La Portuguesa hasta la averigua- ción de los sucesos, mediante sumario y has- ta el consejo de guerra, si había lugar a juicio. Como él pasara a la capitana, dió al gaviero Montes el mando provisional de la Latina. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 522/618 Reunidos en consejo los oficiales, el desdi- chado piloto de esta última expuso entrecorta- damente la espantosa catástrofe, imposible de imaginar ni impedir… Nadie acertó a decir palabra hasta que Francisco de Torres exclamó: — Lloremos y pidamos a Dios el descanso de sus almas, que es el mejor discurso… Nin- guno de nosotros ignora quién era y cuánto valía Juan Díaz de Solís, ni que es suya toda la gloria de lo que acabamos de realizar… No he de hacer su elogio yo, su hermano y su ami- go de corazón… Diré, sí, que sin él ya nada nos queda que hacer en estas tierras. Preciso es volver a España… Llegaremos pocos, al pa- recer vencidos, con las manos vacías, pese a la hazaña realizada… No importa… Una vez allí, nuestro único pensamiento será volver a ven- gar a nuestro capitán escarmentando sin pie- dad a estos infieles. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 523/618 — ¡Vive Diego! – exclamó el de Moguer, quien más feliz que Torres en ese sentido, había de desempeñar, años después, un gran papel en la conquista del río(165) – ¿Por qué no escarmentarlos ahora mismo? Con un poco de maña, menos confiados que nuestro capitán general, que, fuerza es decirlo, no tomó pre- cauciones, somos suficientes para hacer entra- da y no dejar indio vivo. ¡Sus y a ellos! tal es mi parecer. El alférez Ramírez, entretanto, joven y fo- goso, apoyó calurosamente a Diego García. Los demás guardaban encarando la situación con mayor sangre fría. — Es muy aventurado… – murmuró por fin Juan de Lisboa. — En la capitulación, Su Alteza no ha pre- visto la muerte de Solís… – agregó Torres – Traía instrucciones secretas, a las que él sólo podía obedecer, que él sólo podía cumplir. Ahora somos responsables únicamente de lo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 524/618 que ha quedado en nuestras manos, pero de el- lo tenemos que responder ante Su Alteza. De- seo más que cualquier otro vengar a mi herma- no castigando sin piedad a sus asesinos. Pero creo que debemos volver, hoy por hoy, a Es- paña… — Tanto más cuanto que nos faltan basti- mentos y el hambre nos amenazará en cuanto salgamos de aquí – dijo Juan de Lisboa –. No podemos llevar patos como única vitualla… — Es lo más acertado – observó el domini- co –. Y, por otra parte, los naturales habrán es- capado ya, como acostumbran después de un golpe de mano… No se les encontraría y los nuestros podrían caer en sus negras embosca- das. Todos debemos cuentas de nuestras vidas, primero a Dios, que condena el suicidio, luego al Rey, que necesita de sus vasallos y de sus naves… Dejemos la venganza en manos del Señor… Nada quitará a nuestro gran capitán la gloria de haber descubierto este Mar Dulce, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 525/618 que, si hay justicia en la tierra, ha de llamarse Río de Solís. Todos callaron y ni Diego García ni el mis- mo alférez Ramírez insistieron en su anterior proposición. — ¿Qué manda nuestro capitán? – pre- guntó por fin el de Moguer – Lo que él diga eso se hará. Torres se puso de pie, disimulando mal su profunda emoción, pero dijo con firmeza: — Mando que en cuanto sea materialmente posible, aparejemos para regresar a España. Nadie dijo palabra, algunos asintieron con la cabeza, el de Moguer se revolvió en su asiento como si le costara acatar una disposi- ción que, evidentemente, era de fuerza mayor. — Yo tomaré el mando de la escuadrilla, embarcando en la “Portuguesa”, y Diego García me reemplazará como capitán de mi ca- rabela. Juan de Lisboa será mi segundo, como La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 526/618 lo fué de Solís (166), y Montes mandará por el momento la “Latina”. Si hubiéramos de que- dar aquí, el invierno estaría relativamente lejos aún; para regresar a España está harto cerca y habremos de apresurarnos… El otoño golpea ya a nuestras puertas, y según lo que ha dicho Juan de Lisboa, no tenemos bastimento… Hay, pues, que hacerlo; hay, también, que cruzar la línea antes del invierno, que nos sería fatal. Re- frescaremos víveres donde y como se pueda, en estas aguas o en la costa del Brasil, si no hay otro remedio… Y a zarpar cuanto antes…

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Alegre y fácil había sido la venida; triste y arduo fué el regreso. Zarpóse en los primeros días de marzo. Las tres carabelas, de conserva, bajaron el río y surgieron en la Isla de Lobos. Iban a refrescar provisiones con lo único que la suerte les deparaba. La tripulación desem- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 527/618 barcó sin ruido, armada de espeques, y mien- tras unos avanzaban por la playa para cortar la salida del río, los otros se internaron, forman- do semicírculo, y comenzaron la batida de los lobos marinos que, no conociendo aún a su ter- rible enemigo, el hombre, dormían descuida- dos o se desperezaban al sol en lo alto de las peñas, y a lo largo de la costa. Los anfibios, to- mados por sorpresa, trataron de precipitarse al agua, saltando como elásticos y con grotescas contorsiones, pero los que les cortaban la reti- rada les recibieron a golpes de espeque en el hocico, sin que les valieran para su defensa sus mugidos horrorosos y sus dentelladas al aire. Sesenta y seis cayeron, los demás escaparon dando tumbos, y una vez en el río desaparecie- ron para no volver. Aquella carne aceitosa y hediendo a pesca- do, que nadie come sino urgido por el hambre, fué cortada en lonjas, y tendida al sol para ha- cer con ella algo entre cecina, y mojama, pero que tenía todo la malo de cada una de estas La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 528/618 dos conservas. Las pieles fueron cuidadosa- mente estaqueadas para llevarlas a España, en calidad de botín… Terminadas estas faenas, que exigieron va- rios días, los navíos zarparon con rumbo a la isla de Santa Catalina, en cuyo Puerto de los Patos se detuvieron con la esperanza de au- mentar y mejorar tan menguadas provisiones de boca. Algo, aunque poco, lograron, y Fran- cisco de Torres embarcó allí una indiecilla, pobre trofeo viviente, para ostentarlo en Es- paña. Dióse a la vela seguido por la nave de Diego García, dejando a la que antes mandó Rodrigo Alvarez, que debía reunírsele en segui- da, y en la que iban el lengua-gaviero y aho- ra capitán Enrique Montes, el alférez Melchor Ramírez y el afligido Rodrigo Rodríguez. Pero quiso la malaventura que, al zarpar, esta cara- bela diese en un bajío y zozobrara con cuanto contenía, excepto los once hombres que esta- ban a bordo y que se salvaron a duras penas. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 529/618 — ¡Estaba de Dios que yo también quedara como Paquillo! – exclamó Rodríguez – Ahora creo que he de volver a verle…? No dicen los de Santa Catalina que los naturales no matan a las mujeres ni a los chiquillos?… Francisco de Torres y Diego García, igno- rando la suerte de la tercera carabela, fueron a recalar en el cabo de San Agustín. No querían volver con las manos vacías y habían conve- nido en burlarse de los portugueses cargando palo de tinte. La tripulación no tardó en cortar cincuenta quintales de brasil, que arrumó en las bodegas. La Latina no llegaba, algún navío del rey don Manuel podía sorprenderlos, pro- vocar una cuestión, malquistarlos con don Fer- nando que les recomendó tanta prudencia… Y se pusieron en franquía, llevando por toda for- tuna aquel poco de palo de tinte, las sesenta y seis pieles de lobo y la indiecilla de Francisco de Torres… Así volvían a España gobernada ya por el futuro emperador don Carlos(167) – más pobres que salieron, los audaces navegantes La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 530/618 cuya esperanza de llegar cargados de tesoros, decuplicando por lo menos lo arriesgado en la expedición y dejando abierta la puerta hacia el Mar del Sur, se había desvanecido como las li- geras nieblas matutinas del Mar Dulce de Solís. Seis meses duró el regreso. Catorce des- pués de su partida(168), el 3 de septiembre de 1516, echaron el ancla en aguas españolas. Allá en tierra americana, dormían el eterno sueño Juan Díaz de Solís, Francisco Marquina, Pedro Alarcón y seis marineros(169) asesina- dos por los indios. En un islote del gran río des- cansaban los restos de Martín García. Rodrigo Rodríguez, Enrique Montes y Melchor Ramírez – de quienes vuelve a ocuparse la historia al narrar las expediciones de Sebastián Caboto y de Diego García – y los ocho marineros esca- pados con ellos del naufragio ensayaban, a pe- sar suyo, la vida salvaje en Santa Catalina… Pero, símbolo o vaticinio, el adolescente, el tierno vástago del árbol secular, Francisco del La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 531/618 Puerto, cautivo de los indios, quedaba a orillas del Mar Dulce, donde reverdecería y crecería, como tronco apenas recordado de la primera anónima rama de criollos del Río de la Pla- ta. Realización de un sueño en forma no soña- da, sus descendientes habían de ver que las pobres tierras de desengaño, escondían en rea- lidad tesoros inagotables, más perennes que el oro y que la plata. Vinieron años de olvido y abandono. Después, en el noble río penetra- ron otros navegantes en otras carabelas, y Pa- quillo les vió llegar; les vió llegar y les vió mar- charse, burlados también, pese a su intrepi- dez y su esperanza. Y las tentativas, trágicas a veces, repitiéronse y fracasaron de nuevo en estas regiones hostiles, mientras no se encon- tró su llave, hecha de trabajo, de tenacidad y de fe. La primera hazaña no bastó para que el río perpetuara el nombre del héroe, porque el éxito y la muerte fueron simultáneos, y la du- ración faltó… Pero los grandes pueblos que en sus riberas han sabido infundir perdurable rea- lidad a los tesoros quiméricos del descubridor, La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 532/618 no pueden olvidar, no olvidarán a Juan Díaz de Solís, cuyo espíritu vaga todavía entre no- sotros.

Roberto J. Payró Lomas de Zamora, 9 diciembre 1927 NOTAS DEL TRADUCTOR AL FRAN- CÉS

Más informaciones i citaciones originales en la edición de “Ides et Autres”: https://www.idesetautres.be/upload/PAY- RO%20MAR%20DULCE%20IN- DICE%20CON%20ENLACES%20INTER- NET%2020%20CAPITULOS.pdf.

Capítulo 11 Cuello a la valona: https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Frans_Hals_037.jpg (Retrato de Pieter van den Broecke, Franck Halls 1633, Kenwood House) : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 534/618

https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Frans_Hals_037.jpg

Capítulo 12 Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Es- tudio histórico ; op. cit., CCCLII, 252 p. (se- gundo libro : documentos y bibliografía) Ver biografía de Vasco Nuñez de BALBOA per Fred FUNCKEN (Bélgica, “TINTIN” 38, 17 de septiembre 1958). La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 535/618 https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Aclaraciones, detalles et ilustraciones de ar- mas mencionadas en este capitula, ver el mismo capitulo en la edición de « Ides et Autres ». https://www.idesetautres.be/upload/PAY- RO%20MAR%20DULCE%20IN- DICE%20CON%20ENLACES%20INTER- NET%2020%20CAPITULOS.pdf (index).

Capítulo 13 Golfo de las Yeguas: http://www.banrepcultural.org/blaavirtual/ historia/india/india1a.htm «En esa ruta hacia las Américas, las Islas Ca- narias jugaban un papel decisivo toda vez que el primer tramo de la navegación era costoso. Al espacio que separa la Península y Canarias se le conocía como el “Golfo de las Yeguas”» La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 536/618 (Capote, J. Y OTROS: “Introducción de ca- prinos en las Islas Canarias y América…”, XXVII Jornada Ver Alexander von Humboldt ; Examen cri- tique de l’histoire de la géographie du Nou- veau Continent et des progrès de l’astronomie nautique aux XVe et XVIe siècles ;Paris, Li- brairie de Gide ; 1837, tome troisième, page 85 s científicas de la S.E.O.C., 2002). Cartografía Abraham Ortelius s. XVI (Juan Tous Meliá; ver abajo) Vista de la Degollada de Las Yeguas (Este- ban Cabrera Méndez) Morro y degollada de Las Yeguas (Patrinet) http://toponimograncanaria.blogspot.be/ 2013/05/yeguas-las-de-aldea-de-san-nico- las.html «La ruta de la flota de Indias»: http://rutaslegendarias.blogspot.be/2009/05/ la-ruta-de-flota-de-las-indias.html La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 537/618 Juan Tous Meliá; Las Islas Canarias a través de la Cartografía: Una selección de los mapas más emblemáticos levantados entre 1507 y 1898; Islas Canarias [Gaviño de Franchy]; 2014, 264 páginas. (172 ilustraciones, e. a., el primer mapa impreso en las Islas Cana- rias.) Gonzalo Menéndez Pidal; Hacia una nueva imagen del mundo; Real Academia de la His- toria; 2003, 436 páginas. (p. 257) CANCIONERO DE BAENA Es monumental el Cancionero de Baena (¿1426-1430?), recopi- lado por el converso Juan Alfonso de Baena (¿1375-1434?) para Juan II. Incluye obras de 56 poetas – brevemente presentados –, desde 1370, y se conserva en una copia descuidada, de hacia 1465, en 192 folios – se añadirán trece. Su prólogo elogia el valor de la palabra y presenta el arte de la poetria como “gracia La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 538/618 infusa del Señor” para “home que haya (…) leído”, aunando inspiración y estudio. (…) Una segunda generación presenta poetas “logicales” y eruditos, como Francisco Im- perial (¿1350-1409?) (…) Cultivan una poesía teológica y moral los hermanos Diego y Gonzalo Martínez de Medina. Siguen a Pero González de Uceda, Pero Vélez de Guevara y Gómez Pérez Pa- tiño. Juan Alfonso de Baena, compilador del Cancionero, compone preguntas sobre ins- piración y técnica poéticas. Poemas de Gómez Pérez Patiño en el Can- cionero de Baena http://www.spanisharts.com/books/litera- ture/cancionero.htm

Capítulo 14 « Jean de Béthencourt roi des Canaries »: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 539/618

http://www.patrimoine-normand.com/index- fiche-44378.html « La Conquista de Canarias ». Ver, e. o.: http://canariastoni.blogspot.com/2010/06/ la-conquista-de-canarias.html Antonio Pérez García; « SÍNTESIS DE HIS- TORIA CANARIA ». Ver: http://www.gobiernodecanarias.org/educa- cion/culturacanaria/historia/historia.htm Ver también Jean de Béthencourt in Jules VERNE ; Découverte de la Terre ; Paris ; Het- zel ; première partie, chapitre VI : http://passerellesdutemps.free.fr/edition_nu- merique/IGCD/9_GEOGRAPHIE_%20HIS- TOIRE_SCIENCES_AUXILIAIRES_DE_L_HIS- TOIRE/91_Geographie_explora- tions_voyages/910.9_Decou- verte_de_la_terre.pdf Fernán Pérez de Guzmán (1376-1460), « señor de Batres, (…) reclama la atención de la crí- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 540/618 tica bajo el triple carácter de historiador, mo- ralista y pœta. »(Obras completas de Menén- dez Pelayo, ANTOLOGÍA DE LOS POETAS LÍRICOS CASTELLANOS. II :PARTE PRI- MERA : LA POESÍA EN LA EDAD MEDIA. II. CAPÍTULO X. – FERNÁN PÉREZ DE GUZMÁN) : http://www.larramendi.es/menendezpelayo/ i18n/corpus/unidad.cmd?idUni- dad=100275&idCorpus=1000&posicion=1 Ver también: Obras digitalizadas de Fernán Pérez de Guzmán en la Biblioteca Digital Hispánica de la Biblioteca Nacional de Es- paña Las setecientas del docto y noble cavallero Fernan Perez de Guzman, las quales son bien scientificadas y de grandes y diversas materias y muy provechosas : [coplas] por las quales qualquier hombre puede tomar regra y doctrina y exemplo de bien bivir (coplas 7-8) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 541/618 « 5. Del home malo e malvado que alcanza grande poder si es sabio e esforzado ¿quién se podrá defender? 6. Poder, saber, fortaleza, si cayeren en mal va- so, non vale humana sabieza á resistir un tal caso. 7. La verdat estraña e nueva auida por mentirosa nunca la digas sin prueba, pues sin culpa es vergonzosa. 8. Si la verdat que paresce mentira, es de callar, ¡quánto non daña e empesce pura mentira fa- blar! 9. Non puede mucho alcanzar ninguno, es mi creencia, sin el cuerpo trabajar ó cargar la consçiencia. 14. Es virtut e muy loable la justicia executar; más de natura amigable non menos el perdonar. 15. La justicia fasta el cabo todo el mundo aso- laría; luengo perdón non alabo que da del mal osadía. 16. Entre aquestos dos extremos si la discreción al- cança, ¿quién dubda que fallaremos, si la bus- camos, templança? La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 542/618 31. El que nunca fue regido nunca bien sabrá regir; el que supo bien servir él se sabrá ser servido. 32. Como de flores e rosas es ventaja conoscida, en las obras virtuosas, la justicia es escogida. Isla de Saint Brendan (de Clonfert). Ver, e. a. : D’Avezac ; A. Thomas ; Gaffarel ;« Les îles fantastiques : Les îles de saint-Brandan ». Voir : http://www.cosmovisions.com/$Saint-Bran- dan.htm Mapa de 1891 presentando regiones con concentraciones en sargazos en el Atlántico Norte y Antillas (Fuente de la imagen: https://teacheratsea.wordpress.com/tag/ north-atlantic/ « El fuego de San Telmo o Santelmo es un meteoro ígneo consistente en una descarga de efecto co- rona electroluminiscente provocada por la io- nización del aire dentro del fuerte campo eléc- trico que originan las tormentas eléctricas. ». + Ilustración del Fuego de San Telmo en la La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 543/618 arboladura de un barco en el mar (G. Hart- wig) en The Aerial World (1886): https://fr.wikipedia.org/wiki/Feu_de_Saint- Elme Cabo de San Antonio, arrecifes « Ouvre l’œil », actuablemente Abrolhos, cabo Frío (mapa 21060), cabo de Santo Tomé. Ver: D.A. Al- bert ; Derrotero de las costas de la América Meridional (comprehendidas entre la isla de Santa Catalina y el Maranhao y entre la mis- ma y el río de la Plata) ; 1844,265 p. (p. 91). Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; op. cit. (segundo libro : docu- mentos y bibliografía) Dibujo guanche: http://grancanariatradicionycultura.blog- spot.be/p/manolito-guedes-depositario- de.html Mundo guanche N° 12, junio 2006: http://www.mundoguanche.com/portada/ portada.php La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 544/618 « Las harimaguadas » in Mundo guanche N° 18, enero 2007: http://www.mundoguanche.com/portada/ar- ticulo.php? id_articulo=165 https://cubabuestra7eu.wordpress.com/ 2014/08/03/canarias-ritos-de-passage-de-las- maguas-o-maguadas-ex-harimaguadas/ Juan Carlos Mora es autor de las ilustraciones y del guión de una estupenda novela gráfi- ca. Ver: Fernán Pérez de Guzmán (1376-1460), « señor de Batres, (…) reclama la atención de la críti- ca bajo el triple carácter de historiador, mora- lista y poeta. »(Obras completas de Menén- dez Pelayo, ANTOLOGÍA DE LOS POETAS LÍRICOS CASTELLANOS. II: PARTE PRI- MERA: LA POESÍA EN LA EDAD MEDIA. II. CAPÍTULO X. – FERNÁN PÉREZ DE GUZMÁN): La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 545/618 http://www.larramendi.es/menendezpelayo/ i18n/corpus/unidad.cmd?idUni- dad=100275&idCorpus=1000&posicion=1 Obras digitalizadas de Fernán Pérez de Guzmán en la Biblioteca Digital Hispánica de la Bibliote- ca Nacional de España: Las setecientas del docto y noble cavallero Fernán Pérez de Guzmán, las quales son bien scientificadas y de grandes y diversas materias y muy provechosas: [coplas] por las quales qualquier hombre puede tomar regra y doctrina y exemplo de bien bivir (coplas 7-8) Bruno PERERA; « LA LEYENDA DE LA ISLA DE SAN BORONDÓN ES UN MITO NACI- DO DE LA IGNORANCIA, ESPEJISMOS Y ALUCINACIONES (Foto Google Earth del Archipiélago Canario con el Archipiélago Salvaje). Ver: http://elcanario.net/Articulos/sanborondon- mitobp.htm La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 546/618 Luis Regueira Benítez; Manuel Poggio Capote; « Rincones de San Borondón »: http://www.rinconesdelatlantico.com/num3/ 17_san_borondon.html Cabo de San Agustín: Cabo de Santo Agostin- ho, cabo de Consolación, o cabo de Santa María de la Consolación Cabo de San Antonio, arrecifes de Abre el Ojo, actualmente Abrolhos, cabo Frío (mapa 21060), cabo de Santo Tomé. Ver: D.A. Albert; Derrotero de las costas de la Amé- rica Meridional (comprehendidas entre la isla de Santa Catalina y el Maranhao y entre la misma y el río de la Plata); 1844, 265 páginas (p. 91).

Capítulo 15 “Pájaro herrero”, (Araponga barbu, Al Cam- panero Herrero en inglés se le conoce por La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 547/618 Bearded Bellbird. En portugués se le llama Araponga-do-nordeste. https://campanero1967.wordpress.com/ 2008/05/29/el-pajaro-campanero-de-san-es- teban/ “Procnias averano”: ilustración de Nicolas Huet le Jeune et Prêtre, in Nouveau recueil de planches coloriées d’oiseaux (1838) http://archive.org/stream/Nouveaure- cueild3Temm#page/n85/mode/2up Oiseaux-mouches :Peinture de Ernst Haeckel parue dans Kunstformen der Natur den 1904 (planche 99). Cabo de San Agustín (8º de latitude Sud) : Ca- bo de Santo Agostinho, cabo de Consola- ción, o cabo de Santa María de la Consola- ción Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu- dio histórico ; op. cit. (segundo libro : docu- mentos y bibliografía) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 548/618 Rappelons que Bob De Moor (1925-1992) était un dessinateur de la mer et, notamment, de caravelles dans « Cori, le moussaillon », sé- rie de 5 BD se déroulant au 16ème siècle. Afin de lui rendre hommage, nous ne pou- vions omettre son talent, extrayant du tome 2 de « L’invincible Armada » (« Le dragon des mers », page 6) les vignettes extraites (co- pyright BD Must, 2013), illustrent, entre autres, la manœuvre du cabestan . Intégrale « Cori, le moussaillon » : www.bd- must.be Desembarco de Pedro Álvares Cabral en Vera Cruz (22 de abril 1500). Ver también mapa incluyendo, e. o., Cabral y Vespucce : Lo- bato, Mirta Zaida; Juan Suriano; Nueva His- toria Argentina. Atlas histórico; Buenos Aires, Sudamericana ; 2010. https://historiasocialyeconomicaargenti- na.wordpress.com/2014/03/29/america-si- glo-xvi-descubrimiento-y-conquista-de-espa- noles-y-portugueses/ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 549/618 Mapa de los viajes de Alonso de Ojeda: https://commons.wikimedia.org/wiki/ File%3AViajes_de_Alonso_de_Ojeda.PNG Gonzalo Fernández de Oviedo y Valdés (1478 – 1557), escritor de General y Natural Historia de las Indias, ver: https://www.wdl.org/fr/item/7331/ Vasco Nuñez de BALBOA per Fred FUNCKEN : https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Christophe COLOMB per Fred FUNCKEN : https://www.idesetautres.be/upload/CHRIS- TOPHE%20COLOMB%20FUNCKEN.pdf Ilustración per Fred FUNCKEN in « L’Histoire du monde : la course aux épices » (in TINTIN N° 29,16071958) https://www.idesetautres.be/upload/ 19580716%20COURSE%20AUX%20EPICES%20HIS- TOIRE%20MONDE%20144%20TIN- TIN%2029.pdf La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 550/618

Capítulo 16 Anacronismos. Ver: Roberto J. Payró ;« La Pastoral de Monseñor Mercier » ; in La Nación ; 11/03/1915 : https://www.idesetautres.be/upload/ 19141225%20PAYRO%20PASTO- RAL%20MONSENOR%20MERCIER%20FR.pdf Roberto J. Payró ; Les massacres de Dinant en août 1914. Extrait de « Deux représen- tants argentins tués dans la guerre. » : https://www.idesetautres.be/upload/ 19141020%20PAYRO%20MASSACRES%20DI- NANT%20DEUX%20REPRESEN- TANTS%20ARGEN- TINS%20TUES%20DANS%20LA%20GUERRE%20ILLUSTRE.pdf Traducción de « Dos representantes argenti- nos muertos en la guerra », in La Nación ; 17/ 11/1914. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 551/618 http://www.idesetautres.be/upload/ 19141020%20PAYRO%20DOS%20REPRESEN- TANTES%20ARGENTINOS%20MUER- TOS%20EN%20LA%20GUERRA.pdf https://www.idese- tautres.be/?p=ides&mod=iea&smod=ieaFic- tions&part=belgique100 Artículos de prensa de Roberto J. Payró (1867-1928): guerra de 1914-1918 y la Bél- gica: https://www.idesetautres.be/upload/PAY- RO%20ARTICLES%20BEL- GIQUE%20GUERRE%201914-1918%20AVEC%20LIENS%20IN- TERNET.pdf Fray Bartolomé de las Casas et Johannes Gy- sius ; Brevísima relación de la destrucción de las Indias (colegida por el obispo don fray Bartolomé de las Casas o Casaus, de la or- den de Santo Domingo. Sebastian Trugil- lo) ; écrite à partir de 1539 et publiée à Sé- ville en 1552 : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 552/618 http://aix1.uottawa.ca/~jmruano/rela- cion.pdf https://www.youtube.com/watch?v=q0jZ- jtx7e-0 http://www.cervantesvirtual.com/servlet/Sir- veObras/12817291026719384321435/in- dex.htm Bartolomé de Las Casas, La vraye Enarra- tion De la destruction des Indes Occiden- tales Fray Bartolomé de las Casas ; Historia de las In- dias (1527-; Selección, edición y notas de José Miguel Martínez Torrejón), Libro III, Capítulo III :« Del mal tratamiento que hacían los españoles a los indios » : http://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/ historia-de-las-indias--0/html/d31cc52d- acd9-4776-a069-ee37b963f399_14.html Libro III, Capítulo VI De los frailes que vinieron a dar cuenta al rey de lo que pasaba en Santo Domingo : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 553/618 « (…) de cómo las mujeres que se sentían preñadas tomaban hierbas para echar muer- tas las criaturas, por no vellas o dejallas en aquellos infernales trabajos » Libro III, Capítulo IV De las predicaciones de los frailes sobre el buen tratamiento de los indios : fray Antón Montesino, Ego vox clamantis in deserto. « Para os los dar a conocer me he sobido aquí, yo que soy voz de Cristo en el desierto desta isla (…) Esta voz, dijo él (fray Antón Montesino), dice que todos estáis en peca- do mortal y en él vivís y morís, por la cruel- dad y tiranía que usáis con estas inocentes gentes. Decid, ¿con qué derecho y con qué justicia tenéis en tan cruel y horrible ser- vidumbre aquestos indios ? ¿Con qué au- toridad habéis hecho tan detestables guer- ras a estas gentes que estaban en sus tier- ras mansas y pacíficas ; donde tan infini- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 554/618 tas dellas, con muertes y estragos nunca oí- dos, habéis consumido ? ¿Cómo los tenéis tan opresos y fatigados, sin dalles de comer ni curallos en sus enfermedades, que de los excesivos trabajos que les dais incurren y se os mueren, y por mejor decir, los matáis, por sacar y adquirir oro cada día ? ¿Y qué cuidado tenéis de quien los doctrine, y co- nozcan a su Dios y criador, sean batizados, oigan misa, guarden las fiestas y domin- gos ? ¿Estos, no son hombres ? ¿No tienen ánimas racionales ? ¿No sois obligados a amallos como a vosotros mismos ? ¿Esto no entendéis ? ¿Esto no sentís ? ¿Cómo estáis en tanta profundidad de sueño tan letárgico dormidos ?Tened por cierto que en el estado que estáis no os podéis más salvar que los moros o turcos que carecen y no quieren la fe de Jesucristo ». Alfonso Maestre Sánchez ;“Todas las gentes del mundo son hombres” (“All the people in the world are human beings”). El gran debate La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 555/618 entre Fray Bartolomé de las Casas (1474-1566) y Juan Ginés de Sepúlveda (1490-1573), in Anales del Seminario de Historia de la Filosofía ; Universidad Com- plutense de Madrid ; Vol 21 (2004) , pp. 91-134. ISSN 0211-2337 ISSN-e 1988-2564 http://revistas.ucm.es/index.php/ASHF/ar- ticle/view/ASHF0404110091A/4728 Extracto del resumen : « (…) Bartolomé de Las Casas y Juan Ginés de Sepúlveda, se reunieron en Valladolid en 1550 para discutir un gran problema nacio- nal que concernía tanto a los indios ame- ricanos como a Aristóteles. Entonces, por primera vez y quizá por última, un imperio organizó oficialmente una encuesta sobre la justicia de los métodos empleados para ex- tender su dominio. La disputa de Vallado- lid ha de interpretarse claramente como el testimonio apasionado de un hecho decisi- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 556/618 vo en la historia de la humanidad : por no haber triunfado las ideas de Juan Ginés de Sepúlveda se dio un paso más, penoso e inseguro todavía, en el camino de la justi- cia para “todas las razas en un mundo de múltiples razas” ; por hablar con tanta ve- hemencia Fray Bartolomé de las Casas en Valladolid en favor de los indios america- nos, su larga y complicada argumentación tuvo también otra utilidad : fortaleció a to- dos aquellos que en su tiempo, y en los si- glos que siguieron, trabajaron con la creen- cia de que “todas las gentes del mundo son hombres”. No bestias, ni esclavos por natu- raleza, no como niños con un entendimien- to limitado o estático, sino hombres que son capaces de llegar a ser cristianos, que tienen pleno derecho a gozar de sus bienes, su libertad política y su dignidad humana, y que en su creencia deberían ser incorpora- dos a la civilización española y cristiana en vez de ser esclavizados o destruidos. » La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 557/618 http://revistas.ucm.es/index.php/ASHF/ar- ticle/view/5571 Fray Alonso de Espinar. Ver : Espinar o Espi- nal, Alonso de (¿-1513). Religioso francis- cano español, nacido en fecha desconocida en España y muerto en 1513 en un naufra- gio en el océano Atlántico. Dirigió el primer grupo de misioneros de su orden que fue- ron a América. Se establecieron en Concep- ción, en la isla Española, donde se fundo el primer convento de esta orden. Espinar fue enviado a España a raíz del sermón de Montesinos y murió en el océano al naufra- gar la embarcación en la que regresaba a Indias con nuevos frailes. Fray Alonso del Espinar, a quien Las Casas llama Espinal, llegó a Santo Domingo en 1502 con la flota de frey Nicolás de Ovando con objeto de establecer la orden francisca- na en América, descubierta diez años antes. El padre Espinar fue como prelado del pri- mer grupo de tales franciscanos, compues- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 558/618 to de doce de ellos. El gobernador ordenó que se les construyera un convento en la población de Concepción de la Vega, que no se construyó en firme hasta 1545 ; allí se colocó la cruz que levantó Colón a su llega- da en 1492. En 1511 Espinar era el superior del conven- to erigido en la ciudad de Santo Domingo, a donde fueron a quejarse los encomenderos cuando el dominico Montesinos pronunció su famosa homilía en la que les acusó de explotadores y de estar condenados al in- fierno y a la corona de haber tergiversando la donación papal de las Indias. Los enco- menderos suplicaron a Espinar que viajara a España y se entrevistara con el rey para explicarle la verdadera situación de la Es- pañola, lo que hizo el franciscano. Se en- trevistó con Fernando el Católico y le dio su punto de vista sobre la crisis moral in- diana. De sus informes y de los de Monte- sinos vinieron a resultar las famosas Leyes La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 559/618 de Burgos de 1512. Se convocó entonces el Capítulo General de la Orden en Segovia al que asistió Espinar y donde se acordó en- viar más misioneros franciscanos a Indias. Se mandaron a Sevilla catorce, que debían viajar a Indias con el padre. Espinar. Sólo hubo pasaje para doce de ellos, que embar- caron de inmediato en 1513, los otros dos se quedaron con Espinar en espera de otra nave. Al fin ésta estuvo lista y en ella via- jó Espinar, emprendiendo una violenta tra- vesía en la que naufragó la nave y se aho- garon los religiosos. Del padre Espinar dijo Las Casas que era “celoso y virtuoso religioso, pero no letra- do, mas de saber lo que muchos religiosos saben, y todo su estudio era leer en la Suma angélica para confesar”. CASTRO SEOANE, J. “Aviamiento y catálogo de las misiones que en el siglo XVI pasaron de España a Indias, según los libros de La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 560/618 Contratación”, en Missionalis Hispánica, núm. 37, Madrid, 1956. LOPEZ, FR. A. Fr. “Alonso del Espinar, misio- nero en las Indias”, en Archivo Ibero Ameri- cano, Madrid, 1916. http://www.mcnbiografias.com/app-bio/do/ show?key=espinar-alonso-de El Decálogo: https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ca- logue El INDIO HATUEY En 1511, Diego Velásquez partió de La Española (ahora la República Dominicana) para conquistar y colonizar a Cuba. Entre sus soldados estaba Hernán Cortéz, que posteriormente conquistaría a Méjico. Al llegar a Cuba, Velásquez fundó a Baracoa la primera población española. Hatuey, un jefe Taíno de isla de La Españo- la, que había escapado en canoas con alre- dedor de cuatrocientos hombres, mujeres y niños, advirtió a los cubanos lo qué podían La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 561/618 esperar de los españoles. Él les explicó la necesidad de unirse contra los hombres blancos el enemigo común, los que habían infligido mucho sufrimiento a su pueblo. Según lo reportado más tarde por el sacer- dote Bartolomé de Las Casas, Hatuey mos- tró a los cubanos una cesta llena de oro y de joyas. Y dijo "este es el dios que los es- pañoles adoran. Por esto ellos luchan y ma- tan; por esto nos persiguen y es por eso qué tenemos que lanzarlos al mar" Ellos nos dicen, "que adoran a un dios de la paz y de la igualdad, pero usurpan nues- tras tierras y nos hacen sus esclavos. Nos hablan de un alma inmortal y de sus recom- pensas y castigos eternos, pero roban nues- tras pertenencias, seducen a nuestras mu- jeres, violan a nuestras hijas. Y como no pueden igualarnos en valor, estos cobardes se cubren con hierro que nuestras armas no pueden romper." La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 562/618 Los Taínos de Cuba oriental y central no podían creer el horrible mensaje de Hatuey, y solamente unos pocos se le unieron. La estrategia de Hatuey contra los es- pañoles fue la de atacar, a manera de guer- rilla, y después dispersarse a las lomas, donde los se reagrupaban para el siguiente ataque. Por cerca de tres meses las tácticas de Hatuey mantuvieron a los españoles a la defensiva, asustados de dejar la fortaleza de Baracoa. Gracias a un traidor, Velásquez pudo rodear y capturar a Hatuey. En Febrero 2, 1512, Hatuey fue atado en una hoguera en el cam- po español, donde fue quemado vivo. Mo- mentos antes de encender el fuego, un sa- cerdote le ofreció la salvación de su alma, mostrándole la cruz y pidiendo que él acep- tara a Jesús para ir al cielo. “¿Hay gente como ustedes en cielo?” Preguntó Hatuey. "Hay muchos como nosotros en cielo” contestó el sacerdote. Hatuey contestó que La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 563/618 él no deseaba saber nada de un dios que permitía que tal crueldad fuera hecha en su nombre. Juan F.Pérez Home Page / Historia de Cu- ba : http://www.juanperez.com/historia/ha- tuey.html Hatuey : “si al cielo van los españoles yo prefiero el infierno” https://desdeminsulacuba.com/2015/03/09/ hatuey-si-al-cielo-van-los-espanoles-yo-prefie- ro-el-infierno/ Juan F.Pérez Home Page / Historia de Cu- ba : http://www.juanperez.com/historia/ha- tuey.html Hatuey: “si al cielo van los españoles yo prefiero el infierno” No debe confundirse con Alonso Sánchez (e. a. estatua a Huel- va) : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 564/618 https://historiadelaprovinciadehuelva.blog- spot.com/2012/02/la-leyenda-de-alonso-san- chez-de-huelva.html André Saint-Lu ;« La légende du pilote précur- seur de Christophe Colomb dans l’historiogra- phie du Guatemala » in Bulletin Hispanique, Année 1959, Volume 61 (Numéro 1), pp. 74-81 : https://www.persee.fr/doc/his- pa_0007-4640_1959_num_61_1_3615 Responsables de crueldades: Gonzalo Hernán- dez de Oviedo. “Y que Oviedo haya sido partícipe de las crueles tiranías que en aquel reino de Tierra Firme que llamaron Castilla del Oro, desde el año de 14 que fue, no a gobernallo, sino a destruillo (…)” Fray Bartolomé de las Casas ; Historia de las Indias, capítulo CXLII) Hablando de cómo se saca el oro, en el libro de su Historia, capítulo 8.°, refiere Ovie- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 565/618 do :« Yo he hecho sacar el oro para mí con mis indios y esclavos en la Tierra Firme, en la provincia y gobernación de Castilla del Oro, etc. ». Alonso Sánchez de Carvajal y Francisco Roldán in Juan de Velasco (1727-1792); His- toria del reino de Quito en la América meridio- nal; Caracas, Fundación Biblioteca Ayacu- cho (N° 82) ; 1981, XLIX-669 p.. (p. 243) : “Falsas rebeliones” de indios. Ver, e. o. : https://fr.slideshare.net/Elenamohr/rebe- liones-indgenas-en-amrica-colonial Kintto Lucas ; Rebeliones indigenas y ne- gras en América latina : http://www.rebelion.org/docs/18966.pdf “No nacimos indios, nos hicieron indios”: http://www.rebelion.org/docs/18966.pdf Alexandre Coello de la Rosa ; “¿Indios bue- nos?”, “¿Indios malos?”, “¿Buenos cristia- nos ?” : La cara oscura de las Indias en Gonzalo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 566/618 Fernández de Oviedo y Valdés » (*) in Scripta No- va (Revista electrónica de geografía y ciencias sociales) ; Universidad de Barcelona ;Vol V, nº 101,15 de noviembre de 2001 (ISSN : 1138-9788. Depósito Legal : B. 21.741-98) : http://www.ub.edu/geocrit/sn-101.htm (*) Fernández de Oviedo y Valdés, Gonzalo ; Historia General y Natural de las Indias, Islas y Tierra Firme del Mar Océano ; Madrid, Real Aca- demia de la Historia ; 1854,770 p. : https://ia801408.us.archive.org/6/items/his- toriageneraly01fern/historiageneraly01fern.pdf Juan Friede ;« Los Franciscanos en el Nuevo Reino de Granada y el movimiento indigenista del siglo XVI » in Bulletin Hispanique ; 1958, Volume 60, Numéro 1, pp. 5-29 (refus d’ab- solution et mesures de prévention : pp. 16,19,22,24) : https://www.persee.fr/doc/his- pa_0007-4640_1958_num_60_1_3561 José Fernando Ramírez ; Obras históricas (Volume 2) ; UNAM ; 2001,289 p. (p. 46) : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 567/618 Bartolomé de Las Casas, obispo de Chia- pas, niega la absolución a los españoles que poseen esclavos (en 1545). http://moines.mayas.free.fr/frailes.mayas/in- dex_pages/Las%20Ca- sas%20en%20contra%20de%20los%20conquis- tadores(17).htm (Fray Antonio de Remesal, Historia de la provincia de San Vicente de Chiapa y Guate- mala, libro 6, capítulo 2 ; 1619, p. 287) https://ia902705.us.archive.org/4/items/his- toriadelaprov00reme/historiadela- prov00reme.pdf

Capítulo 17 ALFONSO ÁLVAREZ de VILLASANDI- NO(1340-1350 – c 1424) CANTIGA ver el capítulo 17. « TROVADORES CASTELLANOS / CANTIGAS DE AMOR Y RELIGIOSAS » (SELECCIÓN, IN- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 568/618 TRODUCCIÓN Y NOTAS DE ROBERTOF. GIUSTI) : http://www.dim.uchile.cl/~anmoreir/escri- tos/siglo_oro/trova.html

Generosa, muy hermosa, sin mancilla Virgen Santa, virtuosa, poderosa, de quien Lucifer se espanta tanta fué la tu grand omildat, que toda la Trenidat en ti se encierra, se canta.

Placentero fué el primero gozo, Señora, que hobiste; cuando el vero mensajero te saluó, tú respondiste. Trojiste en tu seno virginal al Padre celestial, al cual sin dolor pariste.

Quien sabría nin diría La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 569/618 cuánta fué tu omildanza, o María, puerta e vía de salud e de holganza. Fianza tengo en ti, muy dulce flor, que por ser tu servidor habré de Dios perdonanza.

Noble rosa, hija e esposa de Dios, e su madre dina, amorosa es la tu prosa, Ave, estela matutina. Enclina tus orejas de dulzor oyendo a mí, pecador, ayudándome festina.

Quien te apela maristela, flor del ángel saludada, sin cabtela non recela la tenebrosa morada. Criada fuste limpia, sin error, porqu’el alto Emperador te nos dió por abogada. La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 570/618

Que parrías al Mexías dijeron gentes discretas, Jeremías e Isaías, Daniel e otros profetas. Poetas te loan e loarán, e los santos cantarán por ti en gloria chanzonetas.

O beata inmaculata, sin error desde abenicio, bien barata quien te cata mansamente sin bollicio. Servicio hace a Dios, nuestro Señor, quien te sirve por amor non dando a sus carnes vicio.

« Armamento naval. La artillería en los siglos XV- XVI – XVII ». Ilustración de bombardea uti- lizada en las carabelas. Ver: http://www.armada15001900.net/artilleriana- val.htm La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 571/618 Vasco Nuñez de BALBOA per Fred FUNCKEN : https://www.idesetautres.be/upload/BAL- BOA%20FUNCKEN.pdf Río de Santa Lucía (Cuenca del Plata): https://www.youtube.com/ watch?v=DiAvdXBHUw0 https://commons.wikimedia.org/wiki/Cate- gory:R%C3%ADo_Santa_Luc%C3%ADa

Capítulo 18 ALFONSO ÁLVAREZ de VILLASANDINO (1340-1350 – c 1424): ver el capítula 17 El Río de Solís = El Río de Quilmes. http://fr.slideshare.net/sirincho/el-ro-de-sols Mapa de la cuenca del Río de la Plata: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 572/618

https://es.wikipedia.org/wiki/Cate- gor%C3%ADa:Afluentes_del_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta#/media/File:Plata_buenos_aires_montevi- deo_map.svg Ver también: Plata_buenos_aires_montevideo_map.PNG REITANO, Emir; “El Río de La Plata y la car- tografía portuguesa de los siglos XVI y XVII”, in Anuario del Instituto de Historia Argentina N° 3; Universidad Nacional de La Plata; 2003, pp. 159-186 (“Memoria Académica”): http://www.memoria.fahce.unlp.edu.ar/ art_revistas/pr.3101/pr.3101.pdf La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 573/618 Gobernación del Río de la Plata, mapa de 1600. (Jodocus Hondius: 1563-1612). https://es.wikipedia.org/wiki/Goberna- ci%C3%B3n_del_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta_y_del_Paraguay#/media/File:Paraguay_- _O_Prov_de_Rio_de_la_Plata_-_cum_regioni- bus_adiacentibus_Tvcv- man_et_Sta._Cruz_de_la_Sierra_-_ca_1600.jpg

“Glas de Vellila” (“campana de Velilla”): http://www.enciclopedia-aragonesa.com/ voz.asp?voz_id=2948 https://www.youtube.com/watch?v=-izx- dosNvDQ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 574/618 “Isla de San Gabriel (…) más tarde tan menta- da”: https://es.wikipedia.org/wiki/Isla_San_Ga- briel Isla Martín García. Ver, e. o.: https://es.wikipedia.org/wiki/Is- la_Mart%C3%ADn_Garc%C3%ADa Trabajo propio basado en el trabajo de “pruxo” de Licencia de Documentación Libre GNU https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Is- la_martin_garcia-timoteo_dominguez_1.png https://fr.wikipedia.org/wiki/ Mart%C3%ADn_Garc%C3%ADa_(%C3%AEle) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 575/618

Se encuentra a la derecha en el mapa que fi- gura arriba en el texto (mapa publicada por profesora Luciana Aguiar ): http://histoestudiantes2000.blogspot.com/ 2010_08_01_archive.html

Capítulo 19 LUIS PRATS, “Los misterios que dejó Solís: ¿Hizo viajes secretos? ¿Había sido pirata? ¿Quiénes lo mataron? Una historia que cumple 500 años” in El País (domingo), Montevideo, 14/02/1916: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 576/618 http://www.elpais.com.uy/domingo/miste- rios-que-dejo-solis.html Expedición de Solís al Río de la Plata: https://es.wikipedia.org/wiki/Expedi- ci%C3%B3n_de_Sol%C3%ADs_al_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta Muerte de Solís: “Viendo indígenas en la costa oriental, Díaz de Solís intentó desembarcar en un bote con 7 de sus tripulantes (entre ellos Alarcón y Marquina, 4 marineros y el grumete Fran- cisco del Puerto), en un paraje entre Car- melo y Punta Gorda, o en alguna isla si- tuada frente a esa costa. Solís y sus com- pañeros fueron sorpresivamente atacados por un grupo de indígenas que los mataron y descuartizaron ante la mirada del resto de los marinos, que observaron impotentes desde el buque, fondeado a tiro de piedra de la costa. Los cadáveres fueron asados y devorados por los indígenas, que fueron identificados como charrúas, sin embargo La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 577/618 de que estos no eran caníbales, pero sí sus vecinos guaraníes (los chandules) que vivían en las islas situadas en la cercana costa opuesta. Relación de Herrera sobre la muerte de Solís. (Nótese la S larga utilizada en la caligrafía de la época, representada con el símbolo “ſ”): “Siempre que fueron coſteando la Tierra, haſta ponerſe en el altura ſobredicha, deſ- cubrian algunas veces Montañas, i otros grandes Riſcos, viendo Gente en las Ribe- ras : i en eſta del Rio de la Plata deſcubrian muchas Caſas de Indios, i Gente, que con mucha atencion eſtaba mirando paſar el Na- vio, i con ſeñas ofrecían lo que tenian, po- niendolo en el ſuelo. Juan Díaz de Solis, quiſo en todo caſo vèr, què Gente era eſta, i tomar algun Hombre para traer à Caſtilla. Saliò à Tierra con los que podian caber en la Barca : los Indios, que tenian emboſcados muchos Flecheros, quando vieron à los Caſ- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 578/618 tellanos algo deviados de la Mar, dieron en ellos, i rodeando, los mataron, fin que apro- vechaſe el ſocorro de la Artilleria de la Ca- ravela : i tomando acueſtas los muertos, i apartandolos de la Ribera, haſta donde los del Navio los podian vèr, cortando las cabe- ças, braços, i pies, aſaban los cuerpos ente- ros, i ſe los comian. Con eſta eſpantoſa viſ- ta, la Caravela fue à buſcar el otro Navio, i ambos ſe bolvieron al Cabo de S. Aguſtin, adonde cargaron de Braſil, i ſe tornaron à Caſtilla. Eſte fin tuvo Juan Diaz de Solis, mas famoſo Piloto, que Capitan.” (HERRE- RA) “El grumete Francisco del Puerto no fue ase- sinado, pero sus compañeros confundidos al haber perdido a su líder, no intentan re- scatarlo y retornan junto a los otros dos barcos. Tomando el mando Francisco de Torres (cuñado de Díaz de Solís), regresaron inmediatamente al mar, reaprovisionán- dose de la carne de 66 lobos marinos en la is- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 579/618 la de Lobos. Salaron la carne y llevaron los cueros que luego vendieron en Sevilla. Del Puerto permaneció en Martín García hasta el arribo de la expedición de Sebastián Ca- boto, cuando fue recogido.” HERRERA y Tordesillas, Antonio de; Barcía Carballido y Zúñiga, Andrés González; His- toria general de los hechos de los castellanos en las islas i tierra firme del mar océano (Ilus- trado por Matías Irala); Imprenta Real de Nicolas Rodriguez Franco; 1726,2 tomos, 292 (Decada primera) + 288 páginas (De- cada segunda, page 12: “Muerte de Solís”; transcription ci-dessus): https://ia801409.us.archive.org/14/items/ge- neraldehechosd01herr/generaldehe- chosd01herr.pdf

Capítulo 20

Guillaume CANDELA ;« De Cannibale à Géné- ral : Représentations singulières des indiens du La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 580/618

Rio de la Plata » : https://www.academia.edu/6244557/ De_Canni- bale_%C3%A0_G%C3%A9n%C3%A9ral_Re- pr%C3%A9sentations_singu- li%C3%A8res_des_indiens_du_Rio_de_la_Plata Cabo de San Agustín: Cabo de Santo Agostin- ho, cabo de Consolación, o cabo de Santa María de la Consolación « (…) embarqua une petite Indienne (…) ». Ver. p. CCXCIV. “Enrique Montes y Melchor Ramírez – de quienes vuelve a ocuparse la historia al nar- rar las expediciones de Sebastián Caboto y de Diego García (…)”. Ver, e. o.: páginas CCLV, CCXC-CCXCII, CCCXVII-CCCXXIII, CCCXXVIII-CCCXXXI. En el libro si- guiente: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 581/618 José Toribio Medina ; Juan Díaz de Solís. Es- tudio histórico ; Santiago de Chile, impreso en casa del autor ; 1897, CCCLII + 252 p. (segundo libro : documentos y bibliografía). https://ia800502.us.archive.org/10/items/ juandazdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf « Francisco del Puerto, captif des Indiens, res- tait sur les rives de la Mer d’eau douce, » Voir, e. a. : pages CCCXXXII-CCCXXXIII del libro anterior. José Toribio Medina ; Los viajes de Diego García de Moguer al Río de la Plata, estudio histó- rico ; Santiago de Chile, Imprenta Elzeviria- na ; 1908, 309 p. : https://ia601402.us.archive.org/28/items/ losviajesde00medirich/losviajesde00medi- rich.pdf Expedición de Solís al Río de la Plata https://es.wikipedia.org/wiki/Expedi- ci%C3%B3n_de_Sol%C3%ADs_al_R%C3%ADo_de_la_Pla- ta La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 582/618 “El grumete Francisco del Puerto (…) permaneció en Martín García hasta el arribo de la expedi- ción de Sebastián Caboto, cuando fue recogi- do.” José Toribio Medina; El veneciano Sebastián Caboto al servicio de España (…); Santiago de Chile, Imprenta y Encuadernación Uni- versitaria; 1908, IX-634 p. (tomo I; índice alfabético del texto; documentos y biblio- grafía) https://ia801407.us.archive.org/35/items/el- venecianosebas01medirich/elvenecianose- bas01medirich.pdf FUENTES DE LAS ILUSTRACIONES

Capítulo 1 Vista de Sanlúcar en 1567, dibujada por Anto- nio de las Viñas https://commons.wikimedia.org/wiki/Cate- gory:Anthonis_van_den_Wijngaerde#/media/ File:Sanlucar_barrameda_vista_panorami- ca_1567_Wijngaerde.jpg Marins à la manœuvre du cabestan, Anonyme, Original Print, 19e siècle (Wikipédia). La Santa Maria en mouillage (détail), Andries Van Eertvelt, c. 1628 (The Society for Nau- tical Research)

Capitulo 12

Illustration de monstres provenant du Musée Vi- vant du Roman d'Aventures, Muséum La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 584/618

d'Histoire Naturelle de Lausanne in Monstres marins, mythes et légendes, dossier thématique Médiathèque de La Cité de la Mer (Cherbourg), Septembre 2013. https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/medias/ fichier/monstresmarins_1392553930390.pdf Mapa del Castilla de Oro per « Santos30 » (Creative Commons Attribution-ShareA- like3.0Unported license) : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Tierra_Firme_Coquivacoa.PNG Vasco Núñez de Balboa prend possession de l'océan Pacifique au nom des souverains de Castille, gravure, anonyme, 19e siècle (Wi- kipédia). https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Balboa_s%C3%BCdsee.jpg La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 585/618 Capitulo 13 Islas Canaríes y Golfo de Yegas, Cartografía Abraham Ortelius, 16e siclo in Juan Tous Meliá; Las Islas Canarias a través de la Car- tografía : Una selección de los mapas más em- blemáticos levantados entre 1507 y 1898 ; Is- las Canarias [Gaviño de Franchy] ; 2014, 264 p. (172 ilustraciones). Mapa con Plano y Vistas de la Yslas de Canaria, Première carte imprimée aux Îles Canaries, 1786, levée par Josef Trinidad de Herrera et gravée par Antonio Hemández Bermejo. Pico del Teide (Tenerife) et navires au premier plan, gravure ancienne. Teide, Siruis Enobs, 26.02.2011 (Wikimédia). licence Creative Commons Attribution – Par- tage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non trans- posée). https://web.archive.org/web/ 20161016220014/http://www.panora- mio.com/photo/49132016 La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 586/618

Capitulo 14 Pueblo Chico hier: Guanchen, fotografia R. Lie- bau, 05.04.2006 Licence : Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée) https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Pueblo_Chico_Guanchen2.jpg?uselang=fr Costumes des Guanches, écrasant des céréales et faisant cuire leur repas à l’abri d’une ca- verne. Carreaux de faïence au Parque García Sanabria in Santa Cruz de Tenerife photo retouchée par Koppchen, 31.07. 2012 Licence Creative Commons Attribution 3.0 Un- ported https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Parque_03.jpg Llegada de los Conquistadores: Representa- ciones de Guanches. Carreaux de faïence La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 587/618 au Parque García Sanabria in Santa Cruz de Tenerife, Koppchen, 31.07. 2012 Licence Creative Commons Attribution 3.0 Un- ported https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Parque_08.jpg Gravures Guanches/Guanche engravings, Ca- nary Islands : Luc Viatour: Licence : GNU Free Documentation License www.lucnix.be Momia Guanche en el Museo de la Naturaleza y el Hombre (Santa Cruz de Tenerife) : par Cardenasg – Travail personnel, CC BY 2.5, Détail d’une carte du nord-ouest de l’Afrique par Guillaume Delisle (1707). L’île de Saint-Bren- dan (« St. Borondon ») est en le parage à gauche en dessous du mot « quelques ». https://etiennefd.com/lile-de-saint-brendan/ La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 588/618 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Guillaume_Delisle_North_West_Afri- ca_1707.jpg?uselang=fr Cabo de San Antonio, arrecifes de Abre el Ojo, actualmente Abrolhos, cabo Frío (mapa 21060), cabo de Santo Tomé. Ver: https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabo_de_San- to_Agostinho La mer des Sargasses dans l'Atlantique nord, Cartographiée d'après Otto Krümmel (1854-1912).- Die nordatlantische Sargasso See (1891), Petermanns geographische Mittei- lungen (1891), Dr. A. Petermann's Mitteilun- gen aus Justus Perthes' geographischer Ans- talt (1891), Justus Perthes Editeur, Gotha, 1891. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:1891_SargassoSee_Krummel_Peter- manns_lores.jpg?uselang=fr Ligne de sargasse dans la mer du même nom. Ces lignes peuvent s'étirer sur plusieurs ki- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 589/618 lomètres. Les amas d'algues flottantes sont concentrés par les vents forts et l'action des vagues associées au Gulf Stream, anonyme, 09.08.2002, Ocean Explorer/NOAA. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Lines_of_sargassum_Sargas- so_Sea.jpg?uselang=fr Fuego de San Telmo en la arboladura de un barco en el mar in The Aerial World, by Dr. G. Hart- wig, London, 1886 https://commons.wikimedia.org/wiki/St._El- mo%27s_Fire?uselang=fr

Capitulo 15 Araponga barbu (Procnias averano) embalsama- do en el Muséum d'Histoire naturelle de Ge- nève, fotografiado per Totodu le 20.06.2009 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Araponga_barbu.JPG?uselang=fr La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 590/618 Trochilidae, cuadro de Ernst Haeckel in Kunst- formen der Natur de 1904, planche 99. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Haeckel_Trochilidae.jpg 1. Trochilus colubris (Linné) = Archilochus co- lubris (Linnaeus, 1758) 2. Heliactin cornutus (Bonaparte) = Heliactin bilophus (Temminck, 1820)

3. Topaza pella (Gray) = Topaza pella (Lin- naeus, 1758) 4. Sparganura sappho (Cabanis) = Sappho spar- ganura (Shaw, 1812) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 591/618 5. Lophornis ornata (Lesson) = Lophornis orna- tus (Boddaert, 1783) 6. Docimastes ensifer (Gould) = Ensifera ensife- ra (Boissonneau, 1840) 7. Eutoxeres condamini (Reichenbach) = Eu- toxeres condamini (Bourcier, 1851) 8. Lophornis gouldii (Gray) = Lophornis gouldii (Lesson, 1833) 9. Ornismya petasphora (Lesson) = Colibri ser- rirostris (Vieillot, 1816) 10. Augastes lumachellus (Gould) = Augastes lumachella (Lesson, 1838) 11. Hylocharis Stokesii (King) = Sephanoides fernandensis (King, 1831) 12. Steganura underwoodi (Gould) = Ocreatus underwoodii (Lesson, 1832) Voyages de Cabral au Brésil et à Calicut (Khozhi- kode, Kerala), retouchée par Odysseus1479 le 22.10.2010. (En rojo, camino seguido por Cabral desde Portugal hacia India en 1500, y el camino de vuelta en azul). Licence: Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 592/618 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Cabral_voyage_1500.svg Desembarco de Pedro Álvares Cabral en Porto Se- guro el 22 de abril de 1500 por Oscar Pereira da Silva (1865–1939): https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Desem- barque_de_Pedro_%C3%81lvares_Ca- bral_em_Porto_Seguro_em_1500_by_Os- car_Pereira_da_Sil- va_(1865%E2%80%931939).jpg Mapa incluyendo, e. o., Cabral y Vespucce: Loba- to, Mirta Zaida; Juan Suriano; Nueva Histo- ria Argentina. Atlas histórico; Buenos Aires, Sudamericana; 2010. https://historiasocialyeconomicaargenti- na.wordpress.com/2014/03/29/america-si- glo-xvi-descubrimiento-y-conquista-de-espa- noles-y-portugueses/ Illustration tirée de : L’Histoire du monde : la course aux épices », Fred Funken in Tintin, n° 29, 16071958 (courtoisie de M. et Mme Fred La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 593/618 Funken, selon autorisation donnée à Ber- nard Goorden) https://www.idesetautres.be/upload/ 19580716%20COURSE%20AUX%20EPICES%20HIS- TOIRE%20MONDE%20144%20TIN- TIN%2029.pdf

Chapitre 16 Depiction (Théodore de Bry) of Spanish atroci- ties in the New World, as recounted by Bar- tolomé de las Casas in Narratio Regionum indicarum per Hispanos Quosdam devastata- rum verissima : https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Narratio_Regionum_indicarum_per_Hispa- nos_Quosdam_devastatarum_verissima_Theo- dore_de_Bry.jpg Nous avons également reproduit 4 illustrations provenant respectivement des pages 225 (« Indiens brûlés vifs », page 17 de Las Ca- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 594/618 sas), 168 (« Mines d’or de Cuba », en cou- leurs, Th. de Bry, Grands voyages, Americae, pars. V, planche I), 232 (« Indiens dévorés par des chiens », en couleurs, Th. de Bry, Grands voyages, Americae, pars. IV, planche XXII), 257 (« Les Espagnols attisaient le feu au-dessous du gril »), de VERNE, Jules ; Dé- couverte de la Terre ;Paris ; Hetzel ; pre- mière partie (chapitre V) et deuxième par- tie, chapitre VI : http://passerellesdutemps.free.fr/edition_nu- merique/IGCD/9_GEOGRAPHIE_%20HIS- TOIRE_SCIENCES_AUXILIAIRES_DE_L_HIS- TOIRE/91_Geographie_explora- tions_voyages/910.9_Decou- verte_de_la_terre.pdf Ilustración (« Treize pendus brûlés », ver tam- bién infra) de Théodore de Bry (1528 – 1598) inspirée d’un passage de la Brevísima, décrivant des massacres d’enfants amérin- diens par les Espagnols. Probablement ex- traite de la traduction latine de 1598 : La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 595/618 https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:De_Bry_1c.JPG La Minerìa :Trabajada principalmente por indìgenas, donde luego es obrada por los negros, quienes fueron traidos a Amèrica para hacer trabajos forzosos. Los conquis- tadores tenìan el pleno control de la pro- ducciòn y los terrenos. https://nataechev.wixsite.com/unregalopara- ti/single-post/2016/10/28/Actividades-pro- ductivas-en-la-colonia Hatuey (Baracoa). http://laurent.quevilly.pagesperso-orange.fr/ Hatuey.html

Chapitre 17 Mapas de la Provincia del Río de la Plata (…) sacados de DUVIOLS, Jean-Paul ; L’Amé- rique espagnole vue et rêvée. Les livres de Christophe Colomb à L. A. de Bougainville La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 596/618 (1492-1768) ; (Paris), Éditions Promodis (Collection dirigée par Jean Viardot) ; 1985, p. 260 (1602), p. 380 (e. a. Capitanía del Rey ; 17ème siècle). P. 12 de Travels in Buenos Ayres, and the adja- cent provinces of the Rio de la Plata. With ob- servations, for the use of persons who contem- plate emigrating to that country; or, embar- king capital in its affairs, BEAUMONT, J. A. B, London, 1828. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:(1828)_PLATE_OF_THE_PRO- VINCES_OF_BUENOS_AYRES,_BAN- DA_ORIENTAL_%26_ENTRE_RIOS.jpg Desembarco de Juan Díaz de Solís en las costas de la Banda Oriental (actual Uruguay), ace- chado por indios Charrúas que lo matarían poco después, Ulpiano Checa, in "Historia Argentina" de Abad de Santillán, 19e siècle. https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Descubrimien- to_del_R%C3%ADo_de_la_Plata.jpg La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 597/618 Cinnamon Teal Anas cyanoptera, Los Osos (Cuesta by the Sea Inlet), Morro Bay, CA, March 29, 2007, "Mike" Michael L. Baird. Licence Creative Commons Attribution 2.0 Ge- neric https://commons.wikimedia.org/wiki/ File:Sarcelle_cannelle.jpg

Chapitre 19 LUIS PRATS ; “Los misterios que dejó Solís: ¿Hizo viajes secretos? ¿Había sido pirata? ¿Quiénes lo mataron? Una historia que cumple 500 años” in El País (domingo), Montevideo, 14/02/1916 : http://www.elpais.com.uy/domingo/miste- rios-que-dejo-solis.html Ce livre numérique

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— Élaboration : Ont participé à l’élaboration de ce livre nu- mérique : Bernard Goorden (Ides et Autres), Isabelle, Maria Laura, Françoise. — Sources : Ce livre numérique est réalisé principale- ment d’après : Roberto J. Payró, El mar dulce, roman historique (avec traduction française), La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 599/618 Bruxelles, édition numérique « Ides et Autres », 2016. L’édition BNR est réalisée avec l’aimable autorisation de Bernard Goorden. L’illustration de première page, Desembarco de Juan Díaz de Solís en las costas de la Banda Oriental (actual Uruguay), acechado por indios Charrúas que lo matarían poco después, Ulpiano Checa, in Abad de Santillán, Historia Argentina, 19e siècle (Wikipédia). — Dispositions : Ce livre numérique – basé sur un texte libre de droit pour le texte espagnol – est à votre disposition. La traduction française de Bernard Goorden est sous copyright, 2016. Vous pou- vez utiliser ce livre numérique, sans le modi- fier, mais vous ne pouvez en utiliser la partie d’édition spécifique (traduction française, notes, présentation éditeur, photos et ma- quettes, etc.) à des fins commerciales et pro- fessionnelles sans l’autorisation de la Biblio- thèque numérique romande et du traducteur (pour la traduction française et les notes). Mer- La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 600/618 ci d’en indiquer la source en cas de reproduc- tion. Tout lien vers notre site est bienvenu… — Qualité : Nous sommes des bénévoles, passionnés de littérature. Nous faisons de notre mieux mais cette édition peut toutefois être entachée d’erreurs et l’intégrité parfaite du texte par rap- port à l’original n’est pas garantie. Nos moyens sont limités et votre aide nous est indispen- sable ! Aidez-nous à réaliser ces livres et à les faire connaître… — Autres sites de livres numériques : Plusieurs sites partagent un catalogue com- mun qui répertorie un ensemble d’ebooks et en donne le lien d’accès. Vous pouvez consulter ce catalogue à l’adresse : www.noslivres.net. 1 24 novembre 1514 + 6 août 1515 ;Toribio Medina, pp. CCXXXII-+ 133-+ 142-143 (N.d.T.) 2 De Santiago. (N.d.T.) 3 Miguel de Cervantes. (N.d.T.) 4 voir Notes du traducteur. 5 2 octobre 1515 ;Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.) 6 Germaine de Foix l’est tout de même depuis quelque 10 ans, depuis le 19 octobre 1505 ! (N.d.T.) 7 Le roi a 35 ans de plus que sa deuxième épouse. (N.d.T.) 8 Toribio Medina, e. o. pp. 119-120 + 126-128. (N.d.T.) 9 « Adelantado », Toribio Medina, pages CLXXXI + 64. (N.d.T.) 10 Toribio Medina, p. CCXCI. (N.d.T.) 11 Toribio Medina, p. CCXCII. (N.d.T.) 12 Toribio Medina, p. CClXII. (N.d.T.) 13 Ancien nom de Saint Domingue. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 602/618 14 Alvarez de Cartaya : voir chapitre 10. (N.d.T.) 15 Voir « Notes du traducteur. » 16 Ce serait Juan Ponce de León. (N.d.T.) 17 … de Jouvence. (N.d.T.) 18 Rappelons tout de même que l’on contesta certaines de ses découvertes entre, au moins, dé- cembre 1512 et février 1513. Toribio Medina, pp. 101-106. (N.d.T.) 19 Conquistador espagnol, fondateur en 1510 de la ville de Nombre de Dios dans l’isthme de Pa- nama. (N.d.T.) 20 Pedro Arias Dávila. (N.d.T.) 21 Équivalant à 16 litres. (N.d.T.) 22 Voir « Notes du traducteur ». 23 8 septembre 1515 ;Toribio Medina, p. 167. (N.d.T.) 24 30 août 1515 ;Toribio Medina, p. 165. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 603/618 25 27 mars 1512 + 24 novembre 1514 + 27 juillet 1515 ;Toribio Medina, pp. CCXXXVIII + 116 + 136 + 139 + 151-152. (N.d.T.) 26 8 septembre 1515 ;Toribio Medina, pp. CCXLII + CCXLIV. (N.d.T.) 27 Jeu de Tarot. (N.d.T.) 28 Juan de Lisboa ; voir chapitre 10. (N.d.T.) 29 Jeu de cartes avec vades et envis. (N.d.T.) 30 Cervantes, dans Nouvelles exemplaires.Voir aussi « Notes du traducteur ». (N.d.T.) 31 Poemas de Gómez Pérez Patiño dans le Can- cionero de Baena. (N.d.T.) 32 « Canis » en latin. (N.d.T.) 33 Quelque 6 kilos. (N.d.T.) 34 Jean de, 1402. (N.d.T.). voir aussi « Notes du traducteur. » 35 Diego García de Herrera y Ayala, 1454. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 604/618 36 Gravures Guanches (photo Luc Viatour / https://Lucnix.be. Informations sur l’image : voir table des illustrations.) 37 http://www.tenerife-guanches.com/fr/re- ligion.aspx 38 1515. (N.d.T.) 39 Setecientas coplas de bien vivir. (N.d.T.) 40 « Plantes de la nature de celles qui poussent dans les fentes des rochers » in Colomb, premier voyage, 17 septembre 1492. (N.d.T.) 41 Feu de Saint-Elme. (N.d.T.) 42 Archipel volcanique situé au large de l’État de Bahia (Brésil) dans l’Océan Atlantique. (BNR.) 43 Péninsule sur la côte sud-est du Brésil (État de Rio de Janeiro). (BNR.) 44 Aujourd’hui une ville de l’État de Rio de Ja- neiro). (BNR.) 45 Toribio Medina, pp. CCL-CCLIII + 217-218. (N.d.T.) 46 De Guanabara, de río de Genero ou río de Janeiro. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 605/618 47 Il s’agit vraisemblablement d’un oiseau- mouche ou d’un colibri. (N.d.T.) 48 Traité de Tordesillas. (N.d.T.) 49 1499. (N.d.T.) 50 Toribio Medina, pp. LII + LVIII + LXVI + LXXVI + LXXXIII-LXXXV + XCVIII + CIX + CXI + CXIII + CXCIX + CCXVI + 213. (N.d.T.) 51 Navigateur et explorateur espagnol, l’un des pionnier dans la conquête des Amériques. (BNR.) 52 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.) 53 Toribio Medina, pp. LXXIV-LXXV + LXXXIX + CCIX-CCXIII + 100. (N.d.T.) 54 Situé à l’Est de l’embouchure du ria de Na- via. (BNR.) 55 Toribio Medina, pp. XLIV + LXXIII + XCI. (N.d.T.) 56 Toribio Medina, pp. XC-XCIII. (N.d.T.) 57 Gonzalo ; juin 1503 ;Toribio Medina, p. XC- VI. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 606/618 58 Toribio Medina, pp. CXXXIX + CLIX + CCLXV. (N.d.T.) 59 Toribio Medina, pp. LII + LXXVII + XC + CXV + CXLVIII + 101 + 103. (N.d.T.) 60 Toribio Medina, pp. 101-106. (N.d.T.) 61 6 janvier 1504. (N.d.T.) 62 Expédition annulée. (N.d.T.) 63 Historien et chroniqueur des « Indes ». Éga- lement administrateur espagnol. (BNR.) 64 1484-1566. (N.d.T.) 65 Très brève relation de la destruction des Indes, écrite à partir de 1532 ; controverse de Valladolid, 1550. (N.d.T.) 66 1182-1226. (N.d.T.) 67 e. o. Puerto Rico, 1511. (N.d.T.) 68 Les lois de Burgos du 27 décembre 1512, à l’instigation de Montesinos. (N.d.T.) 69 Flavius Josèphe, Histoire des Juifs, VI ; Anti- quités judaïques, XVII. (N.d.T.) 70 1542. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 607/618 71 Capitaine Pánfilo de Narváez. (N.d.T.) 72 De Carvajal. Fray Bartolomé de las Casas, Histoire des Indes, chapitre CLII. (N.d.T.) 73 Histoire des Indes, op. cit., livre III, chapitre VI) . (N.d.T.) 74 Fray Alonso de Espinar. (N.d.T.) 75 Les dominicains. (N.d.T.) 76 1512 ; Las Casas en bénéficiera personnel- lement. (N.d.T.) 77 Fray Antonio ou Moisés Montesinos. (N.d.T.) 78 Bulletin Hispanique ; 1958, Volume 60, Nu- méro 1, pp. 5-29 (negación de absolución y medi- das de prevención: pp. 16,19,22,24) (BNR.) 79 Ecclésiaste 34, 18. (N.d.T.) 80 Histoire des Indes, op. cit, livre III, chapitre IV ; fray Antón Montesino, Ego vox clamantis in de- serto. (N.d.T.) 81 Très brève relation de la destruction des Indes, « De l’île Española ». (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 608/618 82 chef Taïno. (N.d.T.) 83 En 1512. (N.d.T.) 84 Très brève relation de la destruction des Indes, op. cit.,« De l’île de Cuba ». (N.d.T.) 85 Capitanía del Rey, voir carte. (N.d.T.) 86 Le rio Santa Lucia constitue la limite na- turelle entre les départements de Florida y Cane- lones, de Canelones y San José, plus au sud, et de San José y Montevideo (BNR.) 87 Juan de Lisboa. (N.d.T.) 88 Se réfère à un glas réel qui se trouve dans l’ermitage de Saint Nicolas de Bari de Velilla de l’Èbre et qui aurait eu la propriété de sonner sans intervention humaine. (BNR.) voir « Notes du Tra- ducteur . » 89 C’était Rodrigo Álvarez de Cartaya. (N.d.T.) 90 Celui que commandait précédemment Francisco de Torres lui-même. (N.d.T.) 91 Don Ferdinand était décédé le 23 janvier 1516. (N.d.T.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 609/618 92 Onze mois depuis le 8 octobre 1515. (N.d.T.) 93 On parle au chapitre 19 de « quatre ra- meurs » . (N.d.T.) 94 Voir : https://www.idese- tautres.be/?p=ides&mod=iea&smod=ieaFic- tions&part=belgique100. La version espagnole fi- gurant aussi sur le site www.idesetautres.be . 95 24 de noviembre de 1514 + 6 de agosto de 1515; Toribio Medina, pp. CCXXXII-+ 133-+ 142-143. (N.d.T.a.F.) 96 De Santiago. (N.d.T.a.F.) 97 Miguel de Cervantes. (N.d.T.a.F.) 98 Ver Notas del traductor al Francés 99 2 de octubre de 1515; Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.a.F.) 100 Toribio Medina, p. CCXCI. (N.d.T.a.F.) 101 Toribio Medina, p. CCXCII (N.d.T.a.F.) 102 Toribio Medina, p. CCIXII. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 610/618 103 Álvarez de Cartaya; ver capítulo 10. (N.d.T.a.F.) 104 Ver Notas del traductor al Francés. 105 sería Juan Ponce de León. (N.d.T.a.F.) 106 Conquistador español, fundador en 1510 de la ciudad de Nombre de Dios en el istmo de Pa- namá. (N.d.T.a.F.) 107 Pedro Arias Dávila. (N.d.T.a.F.) 108 Ver Notas del traductor al Francés. 109 8 de setiembre de 1515; Toribio Medina, p. 167. (N.d.T.a.F.) 110 30 de agosto de 1515; Toribio Medina, p. 165. (N.d.T.a.F.) 111 27 de marzo de 1512 + 24 de noviembre de 1514 + 27 de julio de 1515; Toribio Medina, pp. CCXXXVIII + 116 + 136 + 139 + 151-152. (N.d.T.a.F.) 112 8 de setiembre de 1515; Toribio Medina, pp. CCXLII + CCXLIV. (N.d.T.a.F.) 113 Juan de Lisboa; ver capítulo 10. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 611/618 114 Cervantes, en Novelas ejemplares. (N.d.T.a.F.) 115 Poemas de Gómez Pérez Patiño en el Can- cionero de Baena. (N.d.T.a.F.) 116 Jean de; 1402. 117 Diego García de Herrera y Ayala; 1454. 118 http://www.tenerife-guanches.com/fr/ religion.aspx 119 Guanche engravings, Canary Islands: Luc Viatour ver www.Lucnix.be .Ver Fuentes de las Ilus- traciones. 120 1515. (N.d.T.a.F.) 121 Setecientas coplas de bien vivir. (N.d.T.a.F.) 122 Fuego de San Telmo. (N.d.T.a.F.) 123 Archipiélago volcánico situado en el Océa- no Atlántico, perteneciente al estado brasileño de Bahía. (BNR.) 124 Pequeña península localizada en el estado de Río de Janeiro, en la costa del sureste de Brasil. (BNR.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 612/618 125 Actualmente ciudad del estado de Río de Janeiro. (BNR.) 126 Toribio Medina, pp. CCL-CCLIII + 217-218. (N.d.T.a.F.) 127 de Guanabara, de río de Genero o río de Janeiro. (N.d.T.a.F.) 128 Tratado de Tordesillas. (N.d.T.a.F.) 129 1499. (N.d.T.a.F.) 130 Toribio Medina, pp. LII + LVIII + LXVI + LXXVI + LXXXIII-LXXXV + XCVIII + CIX + CXI + CXIII + CXCIX + CCXVI + 213 . (N.d.T.a.F.) 131 Navegante y explorador español, uno de los pioneros en la empresa de conquista que siguió al descubrimiento de América. (BNR.) 132 Entre Trinidad y Venezuela. (N.d.T.a.F.) 133 Toribio Medina, pp. LXXIV-LXXV + LXXXIX + CCIX-CCXIII + 100. (N.d.T.a.F.) 134 Situado al oeste de la desembocadura de la ria de Navia (BNR.) 135 Nota: Toribio Medina, pp. XLIV + LXXIII + XCI. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 613/618 136 Toribio Medina, pp. XC-XCIII. (N.d.T.a.F.) 137 Gonzalo; junio de 1503; TORIBIO MEDI- NA, p. XCVI. (N.d.T.a.F.) 138 Toribio Medina, pp. CXXXIX + CLIX + CCLXV. (N.d.T.a.F.) 139 Toribio Medina pp. LII + LXXVII + XC + CXV + CXLVIII + 101 + 103. (N.d.T.a.F.) 140 Toribio Medina, pp. 101-106. (N.d.T.a.F.) 141 Historiador, cronista de Indias y adminis- trador español. (BNR.) 142 1484-1566. (N.d.T.a.F.) 143 Brevísima relación de la destrucción de las In- dias, escrita a partir de 1532; disputa de Valladolid, 1550. (N.d.T.a.F.) 144 1182-1226. (N.d.T.a.F.) 145 Actual Santo Domingo. (N.d.T.a.F.) 146 Las leyes de Burgos del 27 de diciembre de 1512, a instancias de Montesinos. (N.d.T.a.F.) 147 1542. (N.d.T.a.F.) 148 Capitán Pánfilo de Narváez. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 614/618 149 De Carvajal; Historia de las Indias, capítulo CLII. (N.d.T.a.F.) 150 Historia de las Indias, op. cit., libro III, capí- tulo VI. (N.d.T.a.F.) 151 Fray Alonso de Espinar. (N.d.T.a.F.) 152 Los dominicanos. (N.d.T.a.F.) 153 Fray Antonio o Moisés Montesinos. (N.d.T.a.F.) 154 Bulletin Hispanique; 1958, Volume 60, Nu- méro 1, pp. 5-29 (negación de absolución y medi- das de prevención: pp. 16,19,22,24). (BNR.) 155 Eclesiástico 34,18. (N.d.T.a.F.) 156 Historia de las Indias, op. cit., libro III, capí- tulo IV, fray Antón Montesino, Ego vox clamantis in deserto. (N.d.T.a.F.) 157 Brevísima relación de la destrucción de las In- dias, “De la isla Española” (N.d.T.a.F.) 158 Jefe Taíno. (N.d.T.a.F.) 159 En 1512. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 615/618 160 Brevísima relación de la destrucción de las In- dias, op. cit., “De la isla de Cuba”. (N.d.T.a.F.) 161 Capitanía del Rey, ver mapa. (N.d.T.a.F.) 162 ? El río Santa Lucía constituye el límite na- tural entre los Departamentos de Florida y Cane- lones, entre Canelones y San José, y más al sur, entre San José y Montevideo. 163 Juan de Lisboa. (N.d.T.a.F.) 164 ? Se refiere a una campana real que existió en la ermita de San Nicolás de Bari de Velilla de Ebro y que tenía la propiedad de sonar por sí sola anunciando desgracias, sin ninguna mano humana que la tocase. Era pues una campana agorera. (Wi- kipedia/BNR.) Ver “Notas.” 165 Participó en la expedición de Magallanes y Elcano que dio la vuelta al mundo. (BNR.) 166 Lo era Rodrigo Álvarez de Cartaya (N.d.T.a.F.) 167 Don Fernando ha fallecido el 23 de enero de 1516. (N.d.T.a.F.) La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 616/618 168 Once; tuvo lugar el 8 de octubre de 1515. (N.d.T.a.F.) 169 Se habla en el capítulo 19 de “cuatro reme- ros”. (N.d.T.a.F.) Table des matières

LA MER D’EAU DOUCE XI LES ADIEUX XII ENTRE MER ET CIEL XIII LE « GOLFO DE LAS YE- GUAS » XIV DIVERTISSEMENTS, FÊTES ET MERVEILLES XV TERRE ENCHANTÉE XVI RÉCITS CRUELS XVII LA VISION DE LA MER D’EAU DOUCE XVIII LA PREMIÈRE TOMBE XIX TRAGÉDIE XX APRÈS POSTFACE NOTES DU TRADUCTEUR TABLE DES ILLUSTRATIONS EL MAR DULCE La Mer d'Eau douce - El Mar dulce (tome/tomo 2) 618/618 XI LOS ADIOSES XII ENTRE MAR Y CIELO XIII EL GOLFO DE LAS YEGUAS XIV HOLGANZA, HOLGORIO Y MARAVILLAS XV TIERRA ENCANTADA XVI CUENTOS CRUELES XVII LA VISIÓN DEL MAR DULCE XVIII LA PRIMERA TUMBA XIX TRAGEDIA XX DESPUÉS NOTAS DEL TRADUCTOR AL FRANCÉS FUENTES DE LAS ILUSTRA- CIONES Ce livre numérique