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J.A. 1209 Genève / www.letemps.ch CHF 5.– / France € 4.60 SAMEDI 24 ET DIMANCHE 25 JUILLET 2021 / N° 7075 EXPOSITION MUSIQUE CONFLUENCES Les pastels de Nicolas Party Du kitsch au cataclysme, «Coup de torchon», ou au Musée d’art de la Suisse un éventail de sons du comment Bertrand Tavernier WEEK-END ●●● ●●● ●●● italienne PAGE 23 Japon PAGES 20-21 a lu Jim Thompson PAGE 30 ÉDITORIAL Covid-19: le cuisant échec de la riposte Sponsor des JO, un choix STÉPHANE BUSSARD t @StephaneBussard L’Organisation mondiale de la santé qui n’est pas sans risques l’a martelé sans cesse depuis l’irrup- tion de la pandémie au début de 2020: IMAGE Dans les écoles de sponso- DZ Toyota, Panasonic et nombre DZ Les entreprises chinoises, elles, «Personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas.» L’appel ring, on apprend qu’il est moins de partenaires japonais des Jeux semblent s’être précipitées pour est tombé dans l’oreille de sourds. risqué de s’associer à un événe- ont renoncé à y déployer tout fournir aux JO biens et services. Un an et demi plus tard, au cœur de ment qu’à un sportif ou une ou partie de leur campagne. Des tapis de judo aux balles de l’été, où les nouveaux cas de Covid-19 explosent en raison d’un variant Delta équipe. Mais les JO de Tokyo pour- Le suisse Omega, chronométreur ping-pong en passant par la diffu- hyper-transmissible, le constat est raient bien infirmer cette règle officiel, préfère y croire sion médiatique de l’événement amer: nous avons échoué à dompter la pire pandémie depuis la grippe espa- ●●● PAGE 11 gnole de 1918. Plus de quatre millions de morts, peut-être trois fois plus, des secteurs économiques dévastés, des séquelles sanitaires durables. Rien ne dit qu’en 2023 nous aurons retrouvé une vie normale. Une flammèche olympique et beaucoup de retenue Dans un monde aussi interconnecté, où l’on parle d’intelligence artificielle et de missions vers Mars, les raisons de cette terrible défaillance paraissent inexcusables. Il aurait été possible d’enrayer la pandémie plus tôt. Les experts en santé globale ne cessaient de le souligner avant l’émergence du SARS-CoV-2: le monde n’était pas prêt à affronter une pandémie. Des plans pandémiques nationaux n’ont pas ou peu été mis en place. Les scienti- fiques ont été insuffisamment enten- dus ou sinon diabolisés. Les premières recommandations de l’OMS de ne pas fermer les frontières, selon un mantra dicté par un Règlement sanitaire internatio- Il y a nal, ont été domma- urgence et geables. L’impossible un espoir dialogue entre les res- ponsables de la poli- tique, de l’économie et de la santé a fortement entravé une riposte coor- donnée. Il était absurde d’opposer de façon manichéenne mesures sani- taires et maintien de l’activité écono- mique. On a cru que la fabrication en un temps record de vaccins anti-covid allait être la panacée. C’était oublier que seule une solidarité globale en termes d’accès au vaccin allait per- mettre de vaincre plus rapidement le fléau. Aujourd’hui, si on peut se féli- citer de constater que la moitié des adultes européens est vaccinée, seul 1,5% de la population africaine l’est. Ce nouveau fossé Nord-Sud montre qu’on n’a toujours pas saisi la notion de bien commun de l’humanité. Le populisme irresponsable des Boris Johnson, Jair Bolsonaro ou Narendra Modi, qui ont surfé sur l’ins- tabilité du moment, a sapé les moyens reconnus de lutte contre une pandé- SPORT La tenniswoman Naomi Osaka allumant, hier, la flamme à Tokyo. La cérémonie d’ouverture des Olympiades, à huis clos, a fait le choix de la dignité. mie. On aurait aimé qu’ils prônent les (FRANCOIS-XAVIER MARIT/AFP) libertés fondamentales plutôt que de ●●● PAGES 15-16 dénoncer la soi-disant «dictature sani- taire» que représente l’obligation du port du masque ou la vaccination. Jouet politique entre Washington et Pékin, faible financièrement et insti- En Allemagne, on Le jeu vidéo suisse «Le circuit ne me tutionnellement, l’OMS a fait ce qu’elle a pu. Mais elle doit impérativement déblaie dans la colère craint le «game over» manque pas tant que ça» être réformée et renforcée si on veut REPORTAGE Après les intempéries mortelles de ÉCONOMIE Les studios de création GRANDE INTERVIEW Médail- une gouvernance sanitaire globale la semaine passée, l’heure est au déblaiement lée d’argent – aux côtés de Mar- digne de ce nom pour éviter de vivre dans les régions d’Allemagne les plus touchées disent avoir été les grands oubliés tina Hingis – lors des JO de 2016, le même cauchemar à l’avenir. En par les catastrophes naturelles. Le Temps s’est des aides liées à la pandémie Timea Bacsinszky a décidé de novembre, l’Assemblée mondiale de rendu à Bad Münstereifel et à Altenahr, deux loca- de coronavirus ne pas faire le déplacement à la santé se penchera sur un possible lités particulièrement meurtries. Sur place, entre Tokyo et de mettre fin à sa car- traité pandémique. Il y a urgence et deux coups de pioche pour déplacer des gravats, DZ Ils demandent au Conseil fédéral rière de tenniswoman. Pour Le un espoir: que l’humanité retrouve un c’est une colère qui germe. Contre les gouverne- de mieux soutenir cette branche Temps, elle revient sur son par- minimum de rationalité. ■ ments (régional et fédéral). Au point de peser sur cours parfois heurté, mais sur- les futures élections législatives et la couleur de du savoir-faire helvétique tout empreint d’une très belle l’Allemagne post-Merkel? ●●●PAGE 2 ●●● PAGE 13 humanité. ●●●PAGES 8-9 LE TEMPS 6 0 0 2 9 Avenue du Bouchet 2, 1209 Genève www.letempsarchives.ch INDEX Fonds ................................................10 SERVICE ABONNÉS: Tél. +41 58 269 29 00 Collections historiques intégrales: Journal de Genève, Avis de décès................................6 Bourses et changes ........... 12 www.letemps.ch/abos Fax +41 58 269 28 01 Gazette de Lausanne et Le Nouveau Quotidien. Convois funèbres ....................6 Toute la météo ....................... 12 Tél. 0848 48 48 05 (tarif normal) 9 7 7 1 4 2 3 3 9 6 6 0 5 C M Y K LE TEMPS SAMEDI 24 JUILLET 2021 2 Récit du samedi Au bord de la rivière meurtrière INTEMPÉRIES Tandis qu’un monumental travail de reconstruction a commencé en Allemagne, les habitants des régions sinistrées au bord de l’Ahr et de l’Erft oscillent entre espoir et fatalisme TEXTE: CÉLINE ZÜND pour préserver l’environnement», PHOTOS: EDDY MOTTAZ dit Louisa, 16 ans. Assise au bord t @celinezund de l’Erft avec une poignée d’amis, elle attend la venue d’Angela Mer- Depuis sa cuisine, elle pointe le kel. Mardi, la chancelière a choisi tas de ruines, en face de chez elle. Bad Münstereifel, pôle régional tou- De la maison de ses voisins alle- ristique de 18 500 habitants, pour un mands, il ne reste que trois pans de discours, après la catastrophe. mur, debout au milieu d’une mon- En 2020, ils ont participé aux tagne de gravats. Makhfirat a émi- grèves pour le climat à Cologne, à gré il y a six ans du Tadjikistan à une cinquantaine de kilomètres. Bad Münstereifel avec son mari et Ce jour-là, dans le fracas des pelles ses enfants, fuyant la pauvreté et mécaniques, leurs attentes à l’égard les conflits politiques. Cette femme de la politique sont d’autant plus au visage rond serré dans un voile grandes. «Peut-être que pour une n’imaginait pas un jour assister à ce fois les politiciens apprendront genre de scènes en Allemagne, pre- quelque chose et cesseront de faire mière puissance d’Europe, où une comme ils ont toujours fait», lâche autre crise, écologique celle-ci, a fait Charlotte, 17 ans. Jannick, 21 ans, irruption devant sa fenêtre. fronce les sourcils: «Pas sûr. Il y a Là, dans la nuit de mercredi à trop de personnes qui préfèrent ne jeudi dernier, huit personnes se pas voir la réalité. J’entends déjà tenaient sous le vent et la pluie bat- dire que les inondations ont été cau- tante, emprisonnées par les flots. sées par la présence des «Ils criaient «à l’aide! à l’aide!», mais éoliennes, dont les fon- nous ne pouvions rien faire. Même dations auraient entravé REPORTAGE les pompiers, de l’autre côté de la la rétention de l’eau dans rive, n’ont pas pu venir les chercher les vallées. C’est faux!». Il avec leur gros camion. Je répon- s’interrompt: «Angie arrive!» dais «Hallo!» et j’agitais la lampe de Ce mardi au bord de l’Erft, c’est poche de mon téléphone dans leur le candidat à la succession d’An- direction. A chaque fois, ils étaient gela Merkel, Armin Laschet, aussi encore là», raconte Makhfirat. ministre-président de Rhéna- Vers 4h, enfin, l’eau a cessé de nie-du-Nord-Westphalie, où se monter. La famille piégée a pu sor- trouve Bad Münstereifel, qui abor- tir, par ses propres moyens, fran- dera en fin de discours le thème le chissant les décombres. Ils se sont plus important aux yeux de cette réfugiés aujourd’hui dans un hôtel jeunesse allemande: «Nous devons sur la colline, en attendant de trou- lutter contre le changement clima- ver un nouveau logement. tique, au niveau national, en Europe, Cette nuit-là, la sidération et l’im- mais surtout de manière globale. puissance ont surgi dans un pays C’est un changement causé par habitué à l’efficacité et au bien-être.