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09. GANAC Cimetière communal de Saint-Pierre-de-Rivière

Monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1945.

Patrick Roques, 2012 ______

Étude Inscriptions Documents Sources Illustrations

Étude

Le 6 juin 1919, sitôt la Grande Guerre terminée, le conseil municipal de Saint-Pierre-de-Rivière et son maire Aubert Becq désignent une commission extra communale chargée de l'érection au cimetière de la commune "d’un monument à la mémoire des enfants de St-Pierre morts pour la patrie et la Liberté". Le cimetière de Saint-Pierre-de-Rivière est situé sur la commune de Ganac. Le maire, son adjoint Ferdinand Caralp, les conseillers municipaux Bernard Labatut et Honoré Delrieu, madame veuve Cazes propriétaire, Alexis Lagarde propriétaire, mademoiselle , l’abbé Cancel, monsieur Chausson maître forges, monsieur Chalou percepteur, madame veuve Caralp institutrice composent cette commission. En juin, le maire annonce qu'une souscription va être lancée - elle rapportera 3 372 50 francs -et en août, il présente trois projets de

© Région Midi-Pyrénées. Direction de la Culture et de l’Audiovisuel, service Connaissance du Patrimoine – 2012 1 monuments. L'un des projets, celui d’Émile Sauret, architecte départemental et membre de la commission d'esthétique, est choisi. Le 19 octobre la commission d'esthétique réunie à donne un avis favorable et le 27 janvier 1921, le décret présidentiel approuvant ce projet est signé. Le 10 mai suivant, un traité de gré à gré est conclu entre le maire Aubert Becq et Baptiste Combes, tailleur de pierre demeurant à Foix, travaillant avec le sculpteur toulousain Georges Vivent. Le monument, d'un coût de 5 400 francs, doit être terminé avant le 1er septembre 1921. Firmin Hachaguer, entrepreneur, tailleur de pierre à Saint-Martin-de-Caralp, exécute le soubassement pour 1 000 francs. Puis, le préfet de l'Ariège informe le maire du montant de la subvention de l'État de 1 560 francs. Enfin, le monument aux morts est inauguré le 18 septembre 1921 sous la présidence du préfet Marcel Bernard, du député Lafagette et de nombreux élus locaux, du conseil municipal et son maire - ce dernier est élevé pour l'occasion au grade de chevalier de la Légion d'honneur -, des représentants d'associations et d'une nombreuse foule. Le 15 octobre suivant, le maire signe le procès-verbal de réception définitive du monument. Après la Seconde Guerre mondiale, le 22 novembre 1948, la dépouille mortelle de Charles Delsol, combattant de 1939-1945 décédé en captivité en Allemagne est retournée à Saint-Pierre-de-Rivière, inhumée le lendemain. Les années suivantes, la plaque dédiée à ceux morts au cours de 1939-1945 est ajoutée. En effet, le 3 juillet 1952 paraît dans la Dépêche du Midi un article annonçant le dimanche 6 juillet le dépôt d'une gerbe lors de la fête locale au monument aux morts des deux guerres. En 2002, le parterre autour du monument aux morts est réalisé car, à l'origine, la plate-forme du monument était seulement entourée d'un talus en terre. Puis les deux stèles encadrant le monument, dédiés celle de gauche à tous les concitoyens du village tombés au champ d'honneur, celle de droite en hommage aux déportés et résistants ont été ajoutées. Enfin, les deux plaques situées contre le mur d’une maison du village sont inaugurées le 21 juin 1997, dédiées aux Chantiers de jeunesse français et à la présence du groupement 28 de 1940 à 1943, et de son commandant, Jean de Milleret, Compagnon de la Libération.

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Inscriptions

Les listes suivantes sont établies à partir du relevé des noms et prénoms portés sur le monument aux morts de Saint-Pierre-de-Rivière dans le cimetière communal situé dans la commune de Ganac. Les informations complémentaires (dates et lieux de décès, de naissance, grade et régiment) en bleu proviennent du site « memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr » et celles portées en rouge du centre des archives contemporaines (Archives Nationales) à Fontainebleau (77). Les archives contemporaines (CAC) détiennent les listes par départements et communes des soldats « Morts pour la » au cours de la Grande Guerre. La loi du 25 octobre 1919 prescrit, en effet, qu’un Livre d’or sera déposé au Panthéon et que chaque commune en recevra un extrait. Il renfermera les noms des combattants des armées de terre et de mer1 et ceux des « non-combattants ayant succombé à la suite d’actes de violences commis par l’ennemi, soit dans l’exercice de fonctions publiques, soit dans l’accomplissement de leur devoir de citoyen » morts entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919 date officielle de la cessation des hostilités. Ce Livre d’or n’a jamais été versé au Panthéon et les listes se trouvent aux archives à Fontainebleau. Le conseil régional Midi-Pyrénées en détient une copie. Pour l’armée de terre, le service de l’État civil et des Sépultures Militaires du ministère des Pensions dresse ces listes – documents historiques – vers la fin des années 1920. Par lettre datée du 20 septembre 1929, le maire de Saint-Pierre-de-Rivière signale au ministre des Pensions qu’il n’a aucune observation à porter sur les listes qu’il a reçues des services de l’État. Aussi, si le 17 mai 1935, le ministre des Pensions ajoute à cette liste le nom d’Augustin Vidal qui était domicilié lors de la mobilisation dans la commune de Saint-Pierre-de-Rivière, les situations de Paul Amardeilh, François Astre, Jean Rey Caralp, Saturnin Dimond, Henri Galey, François Lagarde, Armand Rouch, Henri Roumieu, Albert Roussin et Jean-Baptiste ne doivent pas correspondre aux conditions exigées par les lois du 25 octobre 1919 et du 28 février 1922. Leurs noms ne sont pas portés sur le Livre d’or qui en contient 18.

Saint-Pierre-de-Rivière, au recensement de 1911, comptait 402 habitants. Les 28 noms portés sur le monument aux morts correspondent à 4,5 % de la population de ce village.

Militaires morts en 1914-1918

NOM PRENOM Date décès Lieu décès Date et lieu de Grade Régiment naissance AMARDEILH Paul ASPO Alphonse 15 juil 1918 Mont Sans 9 juin 1895 soldat 366e R. I. Nom (Marne) Saint-Pierre- de-Rivière ASTRIE François ASTRIE* Raymond 23 oct 1917 Laffaux 5 déc 1896 soldat 30e R. I. (Aisne) BONNEFONT Baptiste 17 avr 1917 Moronvilliers 29 jan 1895 soldat 20e R. I. (Marne) Saint-Pierre- de-Rivière CARALP Ferdinand 29 sept 1914 Bois de la 19 juil 1891 soldat 53e R. I. Jérôme Hazalle Saint-Pierre- (Meurthe-et- de-Rivière Moselle)

1 L’armée de l’air française, dépendant de l’Armée de terre depuis 1909 est une arme à part entière depuis 1934.

© Région Midi-Pyrénées. Direction de la Culture et de l’Audiovisuel, service Connaissance du Patrimoine – 2012 3 CARALP Jean Rey CARALP Bernard 31 déc 1914 Perthes-les- 26 juin 1889 soldat 59e R. I. Joseph Hurlus Saint-Pierre- (Marne) de-Rivière CARALP Marius 18 mai 1916 Montmédy 31 mai 1889 Sous- 416e R. I. Jérôme (Meuse) Saint-Pierre- lieutenant de-Rivière DARAU Bernard 16 avr 1917 Berry-au-Bac 9 mai 1890 Sous- 162e R. I. Augustin (Aisne) Saint-Pierre- lieutenant de-Rivière DELRIEU Jean Léon 20 août 1914 Dieuze 24 juin 1891 soldat 53e R. I. Ferdinand (Moselle) Saint-Pierre- de-Rivière DELRIEU Philippe 11 mars 1915 Reichaherkop 26 mars 1893 soldat 24e Bat. f (Haut-Rhin) Vernajoul Chasseurs DIMOND Saturnin GALEY Henri LABATUT Paul 27 sept 1914 Toul 9 juin 1893 soldat 143e R. I. Gabriel (Meurthe-et- Saint-Pierre- Isidore Moselle) de-Rivière LAGARDE Bernard 7 mars 1916 Bois des 28 fév 1887 caporal 259e R. I. Clément Corbeux Saint-Pierre- fourrier (Meuse) de-Rivière LAGARDE François LAGARDE Jules 9 juil 1916 Biaches 24 déc 1879 soldat 37e R. I. Cle (Somme) Labastide de Sérou LAGARDE Louis 20 avr 1916 Avocourt 22 avr 1882 soldat 83e R. I. (Meuse) Labastide de Sérou MARROT Jean 8 sept 1914 Ippecourt 21 mars 1885 soldat 259e R. I. Baptiste (Meuse) Saint-Martin MARROT Paul 6 sept 1918 Moulin de 5 mars 1895 soldat 167e R. I. Séraphin Laffaux Saint-Pierre- (Aisne) de-Rivière ROUCH Armand ROUMIEU Henri ROUSSIN Albert RUFFIE Augustin 20 mars 1915 Beauséjour 30 déc 1892 soldat 142e R. I. Noël (Marne) Saint-Pierre- de-Rivière SAURAT Jean Baptiste VERGE Pierre 30 avr 1917 Thuisy 26 nov 1874 soldat 107e R. I. (Marne) La Bastide de Sérou VIDAL Augustin 9 oct 1918 Montpellier 15 juil 1890 soldat 9e R. Artillerie (Hérault) Illier-et- de campagne Laramade

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NOM PRENOM Date décès Lieu décès Date et lieu de Statut Régiment naissance BERNE Louis 20 mai 1940 Hôpital mixte 5 sept 1912 militaire Compagnie de Casimir Saint- Saint-Pierre- ballons de Germain-en- de-Rivière protection Laye (Seine- 8/222 et-Oise) BONNEFONT Marcel DELSOL Charles 22 mars 1945 Wesphalie 19 nov 1907 militaire 143e R. I. Justine (Allemagne) Foix Elisée DELRIEU Emile 21 août 1944 11 fév 1925 militaire F. F. I. (Aimé Saint-Pierre- Jean) de-Rivière ROUSSIN Antonin 25 nov 1939 Besancon 13 mars 1916 militaire air Compagnie de (Doubs) Saint-Pierre- combustibles de-Rivière liquides 15/105

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Documents

Localisation du cimetière communal de Saint-Pierre-de-Rivière, cadastré 2012 A1 77.

Sources

Archives départementales de l'Ariège : série 258 EDT / M2, liasse concernant le monument aux morts.

Archives privées, La Dépêche du Midi : années 1920 à 1950.

Archives contemporaines de Fontainebleau (77) : 19860711-046-F9-3947

Site internet du Ministère de la Défense : www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/

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09. Ganac Cimetière de la commune de Saint-Pierre-de-Rivière : monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1945 Document n°1 Discours du préfet Marcel Bernard prononcé le 18 septembre 1921 lors de l’inauguration du monument aux morts.

St-Pierre de Rivière 13 septembre 1921

Une fois encore, me voici, entouré de fidèles Ariégeois, pieusement réunis, pour adresser le suprême hommage aux disparus de la grande tourmente. Une fois encore – Oh Ariège – je sens battre le cœur de tes enfants tout près du Mien. Souvent déjà j’ai vécu en effet des moments d’émotion tout pareils à ceux d’aujourd’hui par de radieuses journées d’été, par d’éclatantes heures d’automne ou par de pluvieuses matinées de Toussaint lorsque de venais voir – comme chez vous – s’élever les Monuments qui entendent perpétuer dans le recueillement des cimetières ou dans le tumulte des places publiques, le Souvenir qui prolonge la Vie. Vous avez, en Ariège, le culte profond de vos Morts et c’est le motif sentimental pour lequel peut-être même ceux qui ne sont pas vos enfants, s’attachent tant à vous et c’est pourquoi mon cher Maire vous qui saviez combien je vis la vie de mes administrés, vous étiez certain – en me proposant la présidence de cette cérémonie – de l’empressement que je mettrais à accepter votre invitation puisqu’il s’agit de participer à ce culte patriotique qui est notre foi commune. Merci donc à vous, Merci à tous vos collaborateurs, à tous ceux qui ont participé à la réussite et à l’organisation de cette journée. Vous avez voulu que le souvenir de vos grands Morts fut perpétué et vous avez élevé ces pierres glorieuses qui se profilent dans le ciel tout pareil à celui sous lequel ils sont tombés là-bas et vous avez inscrit simplement ces noms qui sont un hommage, un exemple et un enseignement. Aussi vous, enfants des Ecoles qui êtes au premier rang ici et qui venez chanter avec vos douces voix mais aussi avec tout votre amour et qui, pour la plupart, pouvez déjà réfléchir et comprendre, puisse ce jour laisser en vous un souvenir profond… Rappelez-vous que notre indépendance et notre fierté nous les devons à ceux qui les ont achetés de leur vaillance et de leur sang. Dans vos jeux et dans vos coeurs me manquez pas de réserver la meilleure place à vos petits camarades qui vont lire sur ce monument le nom de leur père, de ce soldat chéri qui, la guerre finie, n’a pu reprendre au foyer la place où il était cependant indispensable. Et vous, glorieux mutilés ou anciens combattants survivants de cette guerre effroyable, semeuse de ruines si longues à relever, camarades de Mort, de ceux qui sont les héros de cette journée, soyez pour nous toujours les fidèles dépositaires de leur pensée. Votre confiance à tous, votre élan, votre ardeur furent des causes de notre Victoire dans cette guerre véritablement nationale où notre force morale est restée le facteur prédominant. Vous restez pour nous les éternels gardiens de la pensée de vos frères d’armes. Et si un jour il en était besoin, si quelques uns redevenaient hésitants sur nos futures destinées ou perdaient notre espoir dans l’avenir resplendissant de la Patrie, oh, alors, c’est vers vous que nous nous retournerions pour leur redire vos vertus et votre exemple. Et vous, familles éplorées dont je comprends si bien l’éternelle douleur, devant vous respectueusement je m’incline. Les qualités qu’ils eurent sur le front, la ténacité, l’endurance, le courage ce sont les vôtres aussi puisqu’aussi bien ce sont celles de notre race. Depuis vos terribles malheurs, le lourd chariot de la Paix semble bien avoir avancé de quelques tours de roue mais l’heure est encore ingrate ; ce n’est plus l’angoisse formidable de la guerre qui nous étreint mais tout ce que vous aviez espéré ne s’est pas encore réalisé. Nous ne serions plus nous-mêmes, si nous n’avions pas parfois besoin de nous plaindre et cependant il faut nous accommoder des conditions de la vie présente, tel le voyageur qui fait un long voyage et qui, mal installé, dans un véhicule défectueux sur des routes défoncées n’en songe pas moins que chaque tour de roue le rapproche de son étape. L’étape définitive c’est le moment où la France refaite, l’ordre et le travail restaurés, les finances prospères nous en aurons fini enfin avec toutes les conséquences de la guerre et réaliserons les promesses de cette victoire obtenue par le sacrifice de vos morts toujours présents dans nos cœurs.

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09. Ganac Cimetière de la commune de Saint-Pierre-de-Rivière : monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1945 Document n°2 Discours du maire de saint-Pierre-de-Rivière, Aubert Becq, prononcé le 18 septembre 1921 lors de l’inauguration du monument aux morts.

Inauguration du Monument aux Morts De St-Pierre de Rivière

Monsieur le Préfet, Monsieur le Député,

Votre présence parmi nous, en ce jour solennel, est le plus sûr garant de la reconnaissance immanente que la Gouvernement et le Parlement de la République Française accordent à ceux qui bravement sont morts pour la Patrie, pour sauver la France, l’Humanité, et la liberté des peuples par le triomphe du Droit contre la Force. Au nom de tous, veuillez agréer l’expression de nos sincères remerciements.

Mes chers concitoyens, J’ai le cœur de vous dire publiquement, au nom du Conseil Municipal et de la Commission du Monument, toute notre satisfaction et notre reconnaissance pour l’empressement que vous avez mis à répondre à notre appel. Tous ceux qu’un lien quelconque attachait à St-Pierre, vous avez voulu participer à notre œuvre, vous imposant parfois des sacrifices au-dessus de vos moyens. Je n’en attendais pas moins de vous tous ; je savais combien vous aviez secondé mes efforts dans l’accomplissement de notre devoir à l’arrière.

St-Pierre n’y a jamais failli – Merci !

Mes chers enfants, C’est à vous que plus particulièrement je m’adresse et c’est sur vous que nous comptons pour la transmission, aux générations futures, des épisodes glorieux de vos pères – de vos aînés-. Souvenez-vous que c’est pour vous tous, pour notre indépendance, pour nous conserver une France meurtrie, mais noble, fière, courageuse et libre, qu’ils ont donné leur vie. L’avenir réside dans le culte des grandes et nobles actions du passé – souvenez-vous en.

Debout les Morts !

Ceux de la bataille de la Marne, de la Somme, de l’Yzer et de Verdun ; tous ceux qui, dans le feu de la bataille, la boue de la tranchée ou le lit de l’hôpital, avez rendu votre dernier soupir, en pensant à votre foyer, à votre village natal, à votre Patrie, venez vous joindre à vos compagnons d’armes, aux mutilés, aux nobles combattants, à vos épouses, à vos enfants, et recevoir tous l’expression de notre admiration, de notre reconnaissance éternelle, de tous nos devoirs envers vous . Et vous, ceux de St-Pierre, qui dormez votre dernier sommeil dans notre champ de repos, à l’ombre de ces sapins, réveillez-vous ! Élevez vos âmes jusqu’à nos cœurs, et dites-leur combien vous êtes fiers de leurs exploits ! La signification du monument, que nous vous dédions est la glorification de nos Morts, l’attestation de la reconnaissance que nous leur avons voué, de l’impérissable et pieux souvenir que nous conservons de leur sacrifice, et l’engagement solennel que nous avons pris d’entourer de sollicitude les orphelins de nos héros, leurs veuves leurs ascendants éplorés.

© Région Midi-Pyrénées. Direction de la Culture et de l’Audiovisuel, service Connaissance du Patrimoine – 2012 8 La plupart dorment leur dernier sommeil dans l’immensité du champ de bataille. Sentinelles avancées, ils réalisent par leur présence, le « on ne passe pas, des Français dorment là ». S’il nous est à jamais refusé d’aller fleurir leurs tombes glorieuses dans l’inconnu, nous aurons la satisfaction de pouvoir honorer leur mémoire devant ce monument ! Je les ai vus partir tous ! tous animés du même enthousiasme et de la même fierté ! Mon cœur brisé par les conséquences de cette guerre que je devinais meurtrière, qui faucherait les plus vaillants, faisait des efforts surhumains pour se contenir. Je savais que ces manifestations de leur élan étaient sincères et que seule la mort les arrêterait. C’est que pendant trente ans ces générations avaient été élevées par un maître sublime, auquel je veux rendre ici un hommage public de reconnaissance : il avait entretenu dans le cœur de tous l’amour de la Patrie et de la Liberté. Que M. Forgues qui a voulu rendre un dernier hommage à la mémoire d ses anciens élèves, en assistant à cette cérémonie, reçoive l’expression de toute notre considération et de notre sympathie. Partis ! je savais qu’ils feraient tous leur devoir. Pourquoi faut-il que dès les premiers combats la mort frappe les plus vaillants ! Je voudrais les citer tous, parce que tous sont irréprochables, et nombreux leurs exploits ! La liste en est malheureusement trop longue, j’aviverais trop de douleurs, et je craindrais d’en oublier quelques uns. Mais il en est parmi tous, certains que j’ai plus particulièrement fréquentés et que je vous demande la permission de citer : Léon Delrieu, le premier tombé, le patriote par excellence, fils d’ancien combattant blessé en 1870 ; dès son plus bas âge, retenant les épisodes racontés par son père, il précisait que ce dernier avait été ramassé blessé « dins une curado », dans un sillon, disait-il en patois, et dès qu’il sut lire il parcourut l’histoire illustrée de la guerre de 1870-1871. Celui-là nous ne l’avons plus revu après son départ. Le caporal-fourrier Clément Lagarde, le poilu sans peur et sans reproche, partageant avec tous ses camarades des largesses que lui prodiguaient ses parents. Comment oublierai-je notre dernière conversation : « on les aura M. le Maire, mais Lagarde, si on l’a, ce ne sera que son cadavre ». Il justifia ses paroles, alors que le 259e surpris au bois des Chevaliers, était en partie fait prisonnier ; lui mourait face à l’ennemi. Le Capitaine Roussin, les lieutenants : Caralp Marius, Darau, tous, tous, tous, prêchèrent d’exemple, et tous tous les imitèrent : les citations sont nombreuses et nombreux sont ceux qui les ont obtenues parmi les vivants et les morts ! Tous ces braves que nous croyions devoir encourager pendant leurs courtes permissions, nous étonnaient par leur courage et leur entrain ; et c’étaient eux qui nous conseillaient « Tenez bon l’arrière – On les aura ». Voilà leur maxime ! On les a eux ! Mais au prix de combien d’efforts et de sacrifices ! Oui , mes chers amis, vous avez été sublimes d’entrain, de courage et d’endurance ; ni la boue des tranchées, ni les intempéries, ni les privations, ni la sauvagerie des Boches, ni leur méconnaissance des lois de la guerre ; rien n’a arrêté vos efforts. Vous avez payé de votre vie notre indépendance, la liberté des peuples et vous avez sauvé la France. Adolescents, vous avez fait à la Patrie le sacrifice d’une vie pleine de beauté et remplie d’espoirs. Jeunes hommes et vieux territoriaux, chefs de famille, vous vous êtes sacrifiés à la Grande Famille Nationale. Honneur à vous tous ! soyez assurés de nos sentiments de grande fierté, de gratitude immense et de pensée émue. Vous êtes des Morts qu’on ne pleure pas ; on est fier de vous, et l’on vous vénère. J’ai compris dans mon admiration tous ceux qui à l’avant ont contribué à la victoire ; je serai injuste si je n’y englobais ceux qui à l’arrière ont secondé les efforts des premiers. Vous nous avez dit « Tenez l’arrière on les aura » ; je veux ici rendre un respectueux hommage de reconnaissance à toute la population du canton de Foix : Municipalités et habitants, vous avez obéi ; ils ont tenu et secondé votre vaillance. St-Pierre a donné l’exemple, j’en suis fier ; merci à tous pour votre dévouement et votre concours. Je terminerai par vous : les ascendants, les veuves et les orphelins ; vous nous êtes les plus chers, parce que vous êtes les plus cruellement éprouvés.

© Région Midi-Pyrénées. Direction de la Culture et de l’Audiovisuel, service Connaissance du Patrimoine – 2012 9 Vous représentez ceux qui ne sont plus, en vous se reflètent leurs images et leurs exploits. Vous représentez le passé, mais les enfants vous êtes aussi l’avenir. La France qui s’est souvenue, continuera à se souvenir. Souvenez-vous à votre tour, mes chers enfants que vous représentez ce que la France a de plus glorieux, vous êtes la France de demain que vos pères ont sauvée, par leur union , leur courage, leur sacrifice, soyez dignes d’eux ! N’oubliez Jamais !

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09. Ganac Cimetière de la commune de Saint-Pierre-de-Rivière : monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1945 Document n°3 Discours de l’instituteur Lucien-Omer Forgues, prononcé le 18 septembre 1921 lors de l’inauguration du monument aux morts.

Discours prononcé le 18 septembre 1921 par M. Forgues Lucien-Omer , ancien instituteur de St-Pierre de Rivière à l’occasion de l’inauguration du Monument aux Morts pour la Patrie.

Monsieur le Préfet, Mesdames, Messieurs, Permettez-moi d’abord de remercier la municipalité de son aimable invitation. J’aurai cru manquer à un de mes devoirs les plus impérieux, les plus sacrés si je n’avais répondu à son appel.

J’avais à cœur, et M. le Maire le sait bien, d’assister à l’inauguration du monument aux Morts pour la Patrie, cérémonie si émouvante, rehaussée par la présence du sympathique et dévoué Préfet de l’Ariège, Monsieur Marcel Bernard, et d’apporter à mes anciens élèves, Morts pour la France, l’hommage ému de mon admiration et de ma profonde reconnaissance. Qui mieux que moi avait pu apprécier leurs qualités de coeur et leur caractère ? N’avais-je pas fait leur éducation durant les trente meilleures années de ma vie ? Je puis dire avec une fierté légitime que les bons principes, les meilleurs sentiments que je n’avais cessé d’inculquer dans leurs jeunes âmes ont porté leurs fruits. Affectueux et respectueux dans la famille, dociles, studieux et appliqués à l’école, ils furent des soldats héroïques jusqu’au sacrifice. Partis le cœur plein d’espérance, animés du pur patriotisme, tous sans exception ont fait leur devoir jusqu’au bout. De la mer aux Vosges, sur la Marne, sur l’Yser, devant Verdun, ils ont opposé à l’orgueilleuse Germanie, au Boucher de Verdun la barrière de leurs poitrines et versé leur sang pour la plus noble des causes, pour sauver de la Barbarie non seulement notre belle France mais l’humanité tout entière. Ils sont restés, mes chers disparus, stoïques au milieu des luttes effroyables et des souffrances sans nom. Honneur à vous, honneur aux braves soldats français. Et, dans leurs lettres admirables de courage et de sang-froid, d’aucunes ne cessaient de dire « Nous les aurons » un autre « Je compte revenir, mais après la Victoire ». Bien peu d’entre eux, hélas ont assisté au triomphe définitif. Et vous, pères, mères, épouses, sœurs, orphelins, séchez vos larmes. Les morts de la Grande Guerre ne veulent pas être pleurés. Vénérez leur mémoire et dites-vous avec quelle fierté que ces glorieuses victimes du devoir sont mortes pour la défense du droit, de la Justice et de la Liberté. Quant à vous, mes chers enfants, prenez exemple sur ces vaillants qui se sont si noblement sacrifiés. Ne passez jamais devant ce beau monument destiné à perpétuer leur mémoire sans vous découvrir et sans vous dire : c’est grâce à leur héroïsme que nous vivons en paix. Nous ne serions pas dignes d’eux si nous ne faisions tous nos efforts pour faire fructifier la Victoire. C’est par l’union, le travail et la persévérance de tous les citoyens que la France immortelle reprendra le cours de ses glorieuses destinées.

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09. Ganac Cimetière de la commune de Saint-Pierre-de-Rivière : monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1945 Figure unique Vue d'ensemble depuis le nord-ouest du monument aux Phot. Région Midi-Pyrénées morts de Saint-Pierre-de-Rivière inauguré le 18 P. Roques 2012 09 03103 NUCA septembre 1921.

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