Chanoine X. OHRESSER

HISTOIRE DE L'ABBAYE DEBERSMUNSTER

PREFACE

La brochure «Eglise et Abbaye d'Ebersmunster», de M. le Chanoine Ohresser, parue il y a quelques années, a connu un réel succès, de sorte qu'une 2e Edition a dû être publiée, qui cependant ne contenait que la partie archéologique. L'étude que le même auteur fait paraître dans ce livret est spécialement consacrée à l'histoire de cette vénérable abbaye.1 Il s'agit d'un travail fouillé, de recherches minutieuses faites avec conscience et amour de l'histoire ; l'auteur a su faire revivre tout un passé glorieux d'une de nos plus belles abbayes, riche en souvenirs de 11 siècles de vie bénédictine. Le texte ayant déjà été publié dans l'Annuaire de la Biblio- thèque de Sélestat, nous exprimons à M. l'Abbé Dr. Adam notre gratitude pour avoir mis à notre disposition la composition. Puisse cette brochure trouver le même succès que les précé- dentes et contribuer à mieux faire connaître cette abbaye qui avait été si longtemps un foyer de science et de prière. L. E.

L'ABBAYE D'EBERSMUNSTER A TRAVERS L'HISTOIRE

par Xavier OHRESSER

L'abbaye d'Ebersmunster remonte à la fin du VIF siècle et passe, à juste titre, pour une fondation des parents de sainte Odile e). Le duc d', Adalric, et sa pieuse femme Béreswinde, avaient déjà créé pour leur fille un couvent de femmes sur une cime solitaire des Vosges, à deux lieues seulement d', leur résidence habituelle selon une vieille tradition locale, et à huit lieues tout au plus d'Ebersmunster : le célèbre moutier de Hohenbourg, connu de nos jours sous le nom presti- gieux de Mont Sainte-Odile (2). A défaut de charte de fondation, perdue, sans doute, dans la tourmente des siècles, on peut invoquer pour cette origine historique de l'abbaye d'Ebersmunster tout un ensemble impressionnant de diplômes ou de chartes qui remontent apparemment aux époques mérovingienne et carolingienne, mais qui, en réalité, ne sont que des originaux falsifiés au cours du XIIe siècle (3).

Ces faux titres sont, du reste, d'origine et d'âges différents : le plus ancien d'entre eux remonte au premier quart du XIIe siècle et est l'œuvre d'un moine de Reichenau ; les autres ont été fabriqués vers 1167 dans l'abbaye d'Ebersmunster et trahissent l'influence du faussaire de Reichenau. Peut-être

1) Voir à la fin de l'article : Sources et bibliographie. 2) M. BARTH, Die hl. Odilia, t. I, pp. 26, 29, 34-39 ; H. BUTTNER, Geschichte des Elsass, pp. 71-75 ; Ch. PFISTER, Le Duché Mérovingien d'Alsace et la Légende de sainte Odile, Paris 1892, pp. 17-18 ; M. BURG, Le Duché d'Alsace au temps de sainte Odile, Woerth, 1959 : Ebersmunster, pp. 55-59. 3) Hans HIRSCH, Die Urkundenfülschung des Klosters Ebersheim un-J die Entstehung des Chronicon Ebersheimense, dans Festschrift, Zurich, 1934, pp. 23-53 ; A. DOPSCH, Die Ebersheimer Urkunden/ülschung und ein bisher unbeachtetes Dienstrecht aus dem 12. Jahrhundert, dans Mitteilungen des Institut Jür osterreichische Geschichte, 1. 19, 1898, pp. 577-614 : P. WENTZCKE, Chronik und Urkundenfâlschung des Klosters Ebersheim, dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, N. F. t. 25, 1910, pp. 35-75 ; Stefan INGLOT, Essai sur la Vie rurale et les Colonges d'Alsace (XP-XTIP siècles), , 1932, pp. 48, 107, 108, 110, 111, 112, 158, 190. sont-ils de la main même de celui qui a rédigé vers cette époque la première partie de la Chronique d'Ebersmunster (4). Chose curieuse ! Ces faux tranchent sur des documents authentiques par une particularité historique. De fait, le faussaire se vit contraint d'insister sur la situation et les conditions juridiques de l'abbaye, qui l'avaient poussé à rédiger ces titres. Aussi, tout falsifiés qu'ils sont, ces documents constituent-ils, pour l'époque de leur composition, une source historique précieuse, source plus riche même en informations que les chartes authentiques qui sont généralement de teneur beaucoup plus sobre (5). Pour la fabrication de ces titres, les faussaires se sont servis, selon le cas, de diplômes originaux de l'époque mérovingienne ou carolingienne dont ils ont retouché ingénieusement la partie essentielle, le dispositif, tout en laissant subsister, avec les sceaux qui y étaient attachés, le cadre de la charte aVf;C son protocole initial et final ; par ce moyen, ils conféraient à leurs actes falsifiés l'apparence d'une authenticité réelle. Dans le maquis embroussaillé des vieilles chartes. Le plus ancien de ces originaux falsifiés est attribué au roi mérovingien Théodéric III de Neustrie (673-690/91) qui l'aurait délivré le 9 février 672 dans sa résidence de Soissons à la demande d'Erhard, le premier abbé d'Ebersmunster, et de son envoyé, le moine Radebert (6). Ce diplôme accorde à l'abbaye naissante l'immunité royale pour ses possessions dans le village avoisinant de , et informe de cette faveur le fondateur du monastère, le duc Adalric et son fils, le comte Adalbert, frère de sainte Odile. L'original falsifié de ce diplôme royal est conservé aux Archives muni- cipales de Sélestat : c'est un document authentique de l'époque mérovin- gienne, qui avait été retouché dans la seconde moitié du XII0 siècle et peut être attribué, pour l'affinité de style et de pensée qu'il présente, à l'auteur de la première partie de la Chronique d'Ebersmunster. Il s'y trouve, du reste, reproduit sous une version légèrement différente, mais plus com- plète ; il pourrait même avoir vu le jour après la rédaction de la Chronique (').

4) H. HIRSCH, op. cit., pp. 24-25, 28-29 : M. BARTH, Handbuch der e^sassischen Kirchen im Mittelalter, dans Archives de l'Eglise d'Alsace, N. S., t. XI, 1960 : Ebersmunster, pp. 314-315. 5) H. HIRSCH, op. cit., pp. 43-45 : H. DUBLED, Les Avoueries en Alsace au Moyen-Age, dans Archives de l'Eglise d'Alsace, N. S., t. X, 1959, pp. 1-88 : les chartes apocryphes d'Ebersmunster pp. 43-47 avec les notes 204, 205 et 206. 6) Albert BRUCKNER, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini (496-918), t. 1, Strasbourg-Zurich, 1949, p. 21, nO 58 : H. HIRSCH, op. cit., p. 32. 7) Chronicon EbersheinJr>nse, M. G. SS XXIII., c. 11, p. 437 : A. BRUCKNER, op. cit., p. 21, no 58 ; H. HIRSCH, op. cit., p. 32 ; H. BUTTNER, op. cit., p. 71. Fr. HOEBER, Die Frührenaissance in Schlettstadt, Strasbourg, 1911 : Das Hotel Ebers- munster von 1541, pp. 10-29, avec plan et nombreux dessins et reproductions. Stefan INGLOT, Essai sur la vie rurale et les colonges d'Alsace (XIe-XIIIe siècles) (Collection d'Etudes sur l'Histoire du Droit et ses institutions de l'Alsace), Strasbourg, 1932 : Ebersheimmunster ou Ebersmunster, passim. A. INGOLD, Voyage Littéraire en Alsace de Dom Mabillon, Colmar, 1893 : Ebersmunster, pp. 14-15. A. INGOLD, L'Ex-libris de l'abbaye d'Ebersmunster avec onze planches, dans Archives de la Société Française des Collections Ex- Libris, Paris, 1897, p. 556. F. X. KRAUS, Kunst und Altertum im Elsass, Strasbourg, 1876-1892, 4 vol., : Ebers- munster, t. I, pp. 50-51. J. KRUG-BASSE, L'Alsace avant 1789, Colmar, 1876 : Ebersmunster, pp. 188-189. Frédéric METZ, , Landschaft, Kultur, Industrie, Lindau-Konstanz, 1960, mit Bildnis von Peter Thumb (1681-1766), p. 89. Norbert LIEB und Franz DIETH, Die Vorarlberger Barockbaumeister, Munich, 1900. A. RINGEISEN, Enlèvement du badigeon des fresques de l'Eglise d'Ebersmunster, dans Bull M. H., IIe Série, t. V, 1868, pp. 36-37. A. RINGEISEN, Moulage d'ornements d'une cloche d'Ebersmunster, dans Bull M. H., IIe Série, t. V, 1868, p. 20. SCHWEIGHAEUSER et GOLBERY, Antiquités de l'Alsace, 2 vol., Mulhouse, 1828 : l'église d'Ebersmunster, un bel édifice, p. 29. P. STINTZI, Elsâssische Klôster, Colmar, 1933 : Ebersmunster, pp. 112-115, avec une gravure. F. W. E. ROTH, Zur Geschichte der Klôster Murbach und Ebersmunster, dans Bull MH, IIe Série, t. XIV, 1889 : La Poésie de Nicolas Specklin, abbé, sur la destruction de l'abbaye et de son église pendant la Guerre de Trente Ans : Excidium Monasterii Aprimonasteriensis a 1632 a suevis. M. VOGELEIS, Quellen und Bausteine zu einer Geschichte der Musik und des Theaters im Elsass, Strasbourg, 1911 : Die Orgelbauer-Familie Silbermann, pp. 587-593, et le Père Célestin Harst, pp. 637-638. Ignace WALLER, Die ehemalige Benediktinerabtei Ebersheimmunsler, Rixheim, 1903 ; réédité à Sélestat en 1931 avec des illustrations. Rodolphe WERNEBURG, Peter Thumb und seine Familie, Strasbourg, 1916 : l'église d'Ebersmunster, pp. 61-81, avec une reproduction. Robert WILL et François - J. HIMLY, Les Edifices religieux en Alsace à l'Epoque Pré-Romane (V'-X' siècles), dans Revue d'Alsace, Strasbourg, t. 93, 1954, pp. 35-76 : Ebersmunster, p. 60. Joseph WOERSCHING, Die Orgelbauer-Familie Silbermann in Strassburg i. E., Mayence, pp. 99-102.

Imprimerie «Alsatia» Sélestat — Dépôt légal 824 — 1" trimestre 1963

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