Escape The Shadows 2 - Délivrance Léa Trys Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés fictivement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des établissements d’affaires, des événements ou des lieux serait pure coïncidence. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.

Tous droits réservés © Aurélie Martel Maury, 2019

Dépôt légal : Juillet 2019

Tous droits réservés. Crédit photo : 123RF / captblack76 / Przemyslaw Koch / Sergei Vidineev ISBN : 9781790976102 Escape The Shadows 2 - Délivrance Prologue

Mai 2015 — Alessandra

Le téléphone sonne encore. Il n’arrête pas. Chaque jour, c’est la même rengaine et pourtant je n’ose le débrancher, parce que le silence est effrayant. Le fixe a pris le relai de mon portable qui n’a plus de batterie, je ne l’ai pas mis à recharger. Pourquoi le ferais-je, je ne veux parler à personne, alors je ne réponds pas. Je laisse le répondeur faire son travail et lorsque je me lève enfin de mon lit, je les efface sans prendre la peine de les écouter. Je ne veux pas les entendre, tout comme je ne veux pas voir leurs visages emplis de compassion. Je n’arrive pas à faire face. J’ai l’impression que chaque geste est difficile à exécuter. Et pourquoi les faire ? Je suis au fond du gouffre et je ne vois pas comment je pourrais refaire surface. Je désire seulement être seule. Et ne plus rien ressentir. 1

Samedi 10 Juin 2017 — Alessandra

À chaque concert, c’est toujours le même rituel, notre chef, Christopher Lemmon, fait son repérage et marque le sol, puis nous débarquons pour nous mettre au travail. Après cinq heures de montage, tout est enfin prêt et je vais pouvoir prendre une pause bien méritée. Je laisse ma place aux spécialistes sons et lumières qui vont faire leurs derniers réglages et tests. Je me déleste de mon harnais, de mes gants et de mon casque, puis range le tout dans mon sac à dos. J’attrape mon lecteur mp3 et enfonce les écouteurs dans mes oreilles. Je meurs de faim lorsque je quitte enfin la scène, en tapotant ma cuisse au rythme de la musique[1] qui résonne dans mes oreilles. Sur le côté, les backliners[2] commencent déjà à installer les enceintes pour les retours, et les amplis. Ce sont aussi eux qui s’occupent des instruments des musiciens, qui les placent, les entretiennent, les accordent et les réaccordent pendant le concert. Je rejoins l’équipe du catering[3] en coulisse, Lester Johnson, mon binôme, m’accompagne. La quarantaine, c’est un type costaud d’un mètre soixante- quinze. Pas un poil sur la tête, des yeux marron rieurs, il est sympathique et je suis contente d’être tombée sur lui. Travailler en tant que roadie[4] n’est pas facile pour une femme, et encore moins en étant riggeuse[5], comme c’est mon cas. Le milieu est très machiste et nous devons être au total quatre femmes sur la tournée. Et autant dire que nous sommes loin de faire l’unanimité parmi toute la testostérone présente. Il n’y a pas un jour où l’on ne se prend pas une réflexion, et il faut avoir un moral d’acier. Généralement, je ne fais pas attention à ce que disent mes collègues masculins, parce que pour eux, je ne suis pas assez costaude pour porter les grosses charges. Ce qui est complètement stupide, car pour les charges trop lourdes même les hommes doivent s’y mettre à plusieurs pour ne pas risquer de se blesser. Des fois, je me demande comment ils font pour ne pas se rendre compte à quel point ils sont lourds… Je travaille sur les concerts des Escape The Shadows depuis trois semaines, j’ai dégoté ce poste grâce à Olin Kant, mon beau-frère, ou plutôt ex-beau-frère. Ce soir, le groupe fait la première partie de Soul Scars, un groupe de rock mondialement connu, au Madison Square Garden, une salle exceptionnelle qui a vu passer les plus grands et qui peut accueillir vingt mille personnes. Aujourd’hui, nous devons travailler avec l’équipe de l’autre groupe, nous sommes donc plus nombreux et avons utilisé une bonne partie de leur matériel. C’est une vraie fourmilière, mais les équipes sont bien rodées. Il y a ceux qui déchargent les semi-remorques, ceux qui s’occupent du montage des ponts, puis les équipes sons et lumières et bien d’autres. Mon métier consiste à installer les décors, les lumières et les appareils de sonorisations en hauteur. C’est un poste qui peut être dangereux si les consignes de sécurité ne sont pas respectées, et où nous n’avons pas le droit à l’erreur car les conséquences en cas de bévue peuvent être désastreuses, voire mortelles. J’arrive dans la salle et constate qu’un buffet est dressé. Après un rapide coup d’œil, j’attrape un panini au poulet, une canette de soda et un brownie, puis vais m’installer à une table. Lester se place en face de moi en me souhaitant un bon appétit. — Merci, à toi aussi, je lui réponds la bouche pleine. Ouais, côté féminité, on repassera… D’autres membres de l’équipe sont installés autour de nous, mais peu parlent. La soirée d’hier s’est finie assez tard — ou tôt, c’est selon comment on voit les choses —, et j’ai gagné ma couchette dans le tour-bus sur les coups de deux heures du matin, pour me réveiller à six heures. Nous avons roulé une bonne partie de la nuit et étant la dernière arrivée, on m’a aimablement offert la couchette du fond, celle au-dessus du moteur. Moi qui aime le silence pour dormir, je suis servie et autant dire qu’à l’heure qu’il est, je ne suis plus très fraîche. Je rêve d’une douche et de me poser dans un coin pour faire un petit somme avant de reprendre le travail. Car non, la journée n’est pas finie puisqu’après le concert, il faudra tout démonter pour reprendre la route. Je mange rapidement puis débarrasse. Je remets mon sac sur le dos avant de retourner voir si Chris a encore besoin de moi. La scène, qui est prête, est maintenant presque vide. Les backliners installent la batterie et les guitares, les ingénieurs lumière font les retouches de programmations. Toutes les lumières sont programmées à l’avance sur une console, mais les salles étant toutes différentes, les lumières ne donnent pas le même effet, tout doit donc être vérifié et adapté. Quant aux musiciens, ils devraient bientôt arriver pour faire les balances. Mon chef me congédiant, je me dirige vers les vestiaires. Je pousse la porte et soupire de contentement lorsque je constate qu’ils sont vides, un peu de calme ne va pas me faire de mal. Je m’engouffre dans une cabine, sors des affaires propres, mon gel douche et une serviette, puis je me déshabille avant de me glisser sous l’eau. Pendant quinze minutes, je me délasse sous la douche, ça fait un bien fou. Une fois sèche, je passe un jean et un t-shirt propres puis range mes affaires. Je ressors vite des vestiaires pour rejoindre le tour-bus et ma couchette, mais j’ai à peine fait quelques pas qu’une main m’agrippe le bras. Sans que je puisse me contrôler, un petit cri m’échappe, la peur m’assaille, mon cœur bat plus vite, plus fort, et résonne dans mes tempes. Je me retourne vivement et rencontre le regard malicieux de Zack Shane, le bassiste des Escape The Shadows, je soupire de soulagement. — Où files-tu comme ça, ma belle ? me demande-t-il. — Dormir. Je suis claquée. Il me relâche tout en se rapprochant légèrement. — Tu veux que je te borde ? J’éclate de rire tout en secouant négativement la tête. Depuis notre rencontre, Zack n’arrête pas de faire des sous-entendus. Contrairement à certains hommes, il n’est pas lourd, ou alors, c’est parce qu’il me plaît. Il faut avouer que depuis le début, il y a une certaine attirance entre nous. Du moins, moi je la ressens, et elle est un peu plus forte à chaque jour qui passe. Je n’ai connu qu’un seul homme dans ma vie et ne me suis intéressée à aucun autre. Il n’y a toujours eu que William Kant dans ma vie, mais les choses ont définitivement changé. Ça fait déjà deux ans, mon cœur s’en remet tout doucement, mais il y a encore des moments où la douleur est très forte. Le petit jeu qui s’est mis en place avec Zack me fait sourire et plaisir aussi. Il me plaît énormément, mais je ne suis pas encore prête à ouvrir mon cœur à un autre homme, même si tout mon entourage me dit d’aller de l’avant. Mais Zack a quelque chose qui m’attire, et chaque fois que je le croise, je tombe un peu plus sous son charme, ce qui est assez troublant. Il n’a rien à voir avec William, qui était comptable et n’arborait aucun tatouage. Nous étions le jour et la nuit. Lui était d’un calme à toute épreuve, il était prudent, alors que moi j’aime les sensations fortes et suis une tête brulée. Du moins, je l’étais. Entre nous, ça a été comme une évidence. Enfants, nous étions amis et petit à petit, en grandissant, d’autres sentiments ont commencé à voir le jour. Nous nous aimions très fort et nous avions beaucoup de projets. Et puis plus rien. La vie nous a séparés sans prévenir. Zack est un très bel homme. Grand, musclé, tatoué, il a des cheveux châtain coupés courts, des yeux marron, il arbore toujours une barbe de trois jours. Et il y a son sourire qui me fait fondre à chaque fois. Avec lui, j’ai envie de sauter dans le vide et de profiter. La vie est courte et il faut la vivre à fond. Je suis bien placée pour le savoir et pourtant, il y a quelque chose qui me retient. — Toujours pas. Mon regard glisse une dernière fois sur son corps dont je me délecte. J’adore le rendu de l’encre sur sa peau, je trouve ça sexy. Je reprends mon chemin et le plante dans le couloir, accélérant le pas pour quitter les locaux. Dehors, le temps est doux, le soleil brille et le ciel est dégagé. C’est une belle journée même si l’humidité est perceptible. Un léger courant d’air s’engouffre entre les immeubles. Je ferme les yeux et profite un instant des rayons après les heures enfermées que je viens de passer. Jeff, le chauffeur de mon car, est en train de griller une cigarette. Je le salue rapidement et monte à l’intérieur. Je prends une bouteille d’eau dans le frigo puis gagne l’étage supérieur. Je balance mon sac sous ma couchette, bois une gorgée de ma bouteille puis je la range avant de défaire mes chaussures. Je m’écroule sur mon lit en poussant un long gémissement d’aise et d’un geste de la main, je referme le rideau en fermant les yeux. Merde ! Mon téléphone ! Je l’attrape pour enclencher l’alarme, active le mode silencieux et enfin, je peux me laisser aller au repos.

2

Zack

— Fini les cochonneries, on doit y aller ! J’entends les rires de mes amis et fais demi-tour pour me diriger vers la scène, tout en pensant que Seth trouvera bien un moyen de se venger de mon interruption. Je suis vraiment heureux pour mon ami, et pour Kristen. Ils sont heureux, ils s’aiment et ils le méritent. Plusieurs roadies se démènent encore dans les couloirs et m’obligent à m’écarter de leur passage. Jason et Mike attendent déjà en backstage[6], dissimulés par les taps[7]. Je vais me poster près d’eux, nerveux, au moment où j’entends des pas précipités dans mon dos. Je me retourne et vois Seth arriver en courant, suivi par Kristen. La salle est plongée dans la pénombre, un léger bourdonnement nous provient du public, qui finit par se taire. Certains sifflent et crient lorsque nous gagnons nos places. Mike s’installe derrière sa batterie, légèrement en retrait par rapport à nous mais au centre de la scène, tandis que Seth va se positionner à sa gauche et moi à sa droite, légèrement en arrière aussi par rapport au guitariste. Jason, sa guitare à la main, est devant. Je souffle un bon coup et passe la sangle de ma basse. Je ne me sers pas de médiator, je trouve que le son n’est pas le même, je préfère utiliser mes doigts. Pour certains, cet instrument n’est pas important dans un groupe, mais je ne suis pas de cet avis, jouer de la basse, c’est avoir un rôle majeur dans la formation, je crée une osmose. Tout comme le batteur, je donne du rythme au morceau, je lui offre une âme. Chaque note qui sort de mon instrument a une profondeur. Le son que j’envoie résonne dans chacun, au rythme des battements de leur cœur. On voit de plus en plus de groupes jouer sans bassiste, j’estime que c’est une hérésie et trouve cela dommage. La musique est plus fade ainsi, mais ce n’est que mon avis. Mes doigts se referment sur ma basse, la tenir contre moi me rassure, elle est mon prolongement. Seth gratte ses cordes, commençant une mélodie. Des volutes de fumée se déversent sur la scène et les projecteurs se braquent sur nous, je suis ébloui et me force à regarder le sol plutôt que de chercher à voir le public. Les gens frappent dans leurs mains, nous sifflent, nous encouragent et Mike donne alors le coup d’envoi, tout en puissance, et ça dégomme ! Mes doigts jouent sur les cordes et je m’enferme dans mon monde, celui où il n’y a plus que la musique qui compte. Le sourire aux lèvres, je donne tout. — Bonsoir New York ! crie Jason dans son micro. Nous sommes Escape The Shadows ! Le public l’acclame puis il commence à chanter. Le stress que j’ai ressenti avant de monter sur scène se dissipe petit à petit, même si une certaine tension persiste, c’est l’adrénaline. C’est notre drogue, grâce à elle, nous donnons le meilleur de nous. Avec Seth, nous faisons les chœurs, et le public reprend les paroles, c’est géant. Nous enchaînons ainsi les chansons, certaines avec des rifts puissants et un rythme rapide, d’autres plus lentes. Nous ne pouvions pas rêver meilleur accueil. Le public est là pour Soul Scars, mais ça ne les empêche pas de nous connaître et de connaître nos morceaux. Les gens sont survoltés et l’ambiance n’aurait pas pu être meilleure. J’ai chaud, des mèches de cheveux me collent au visage, je suis en sueur, mais je m’en fiche. Je suis dans mon élément. Sur scène, j’ai l’impression d’être libre de tout, seule la passion de faire ce que j’aime m’anime. Mon cœur bat fort, en rythme avec mon instrument, comme si c’était lui qui lui intimait la cadence à laquelle battre. Les yeux fermés, je suis dans ma bulle, quand tout d’un coup, je suis surpris par le son de la guitare de Seth. Je rouvre les yeux en tournant la tête vers lui. Mes doigts ont un raté sur mes cordes lorsque je le vois et je me débarrasse de ma basse pour courir vers mon ami. Seth se tient l’épaule gauche, à genoux par terre, et semble souffrir le martyre. Avec Mike, nous le rejoignons tandis que Jason est déjà près de lui. Putain de merde ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tout se passe très vite, la lumière se fait dans la salle, j’entends des cris, les gars de la sécurité viennent nous encercler. Toute mon attention est focalisée sur lui, je ne comprends pas ce qui lui arrive. Seth vacille et on le fait s’allonger par terre. Mike soulève alors la manche de son t-shirt, d’où du sang se déverse. — Putain de merde ! Il comprime la blessure pendant que Jason hurle, il crie pour que les secours se dépêchent d’arriver. — Reste avec nous, mon pote ! paniqué-je. Je prends sa main, mais elle est sans force, et il a du mal à garder les yeux ouverts. Je tourne la tête derrière moi et vois Kris arriver en courant. Elle tombe à mes côtés, les larmes dévalant ses joues. Je lâche mon ami pour me concentrer sur sa femme. — Non Kris, écarte-toi ! J’essaie de la retenir pour l’éloigner mais n’y arrive pas. Elle fait montre d’une force dont je ne la soupçonnais pas capable, et finit par me repousser pour s’approcher davantage de lui. — Ça va aller, bébé, murmure-t-il à son intention. Mais quand elle voit le sang, son visage est saisi d’horreur. Je ne sais pas si c’est grave, mais j’ai l’impression que des litres se déversent. Je prends Kristen dans mes bras, du moins j’essaie, mais elle ne m’écoute pas, elle est loin de moi. Elle a peur, elle est choquée et la panique déforme ses traits. Je relève la tête et parcours la salle du regard. Les gens se bousculent et cherchent à quitter les lieux. Ils ont peur, comme moi, comme nous tous. Seth vient de se prendre une balle, c’est inimaginable, et pourtant c’est bien ce qu’il vient de se passer. Sur le côté de la scène, je vois l’équipe médicale présente pour la soirée arriver en courant. Ils nous informent que les secours ont été prévenus et nous demandent de nous reculer. J’aide Kristen à se relever et la maintiens dans mes bras. Je la serre contre moi pour l’écarter le plus possible. Jason nous rejoint et lui dépose un baiser sur la tête tandis qu’elle sanglote dans mes bras. Aucun de nous ne sait quoi faire, nous sommes complètement impuissants et désemparés. Je suis aussi en colère, comment quelqu’un a-t-il pu entrer avec une arme ? Et pourquoi Seth a-t-il été visé ? Est-ce que celui qui a fait ça a été interpellé ? Depuis la scène, je n’ai rien entendu, rien vu. Le gars a peut-être eu le temps de s’échapper. J’ai beau regarder la salle, je ne vois rien. J’ai les nerfs à fleur de peau et ce sont les sanglots de Kris qui me ramènent à la réalité. Je me concentre sur elle, elle a besoin de moi, mon ami aussi. Le médecin s’occupe de Seth, vérifie ses voies respiratoires et déballe sa sacoche. Mike comprime toujours la blessure et quand l’urgentiste est prêt, il le fait reculer pour appliquer un bandage après un rapide nettoyage. Je reste fixé sur chacun de ses gestes, toujours incapable de bouger, c’est comme si mon esprit s’était déconnecté de mon corps et que je regardais ça de loin, dans une autre réalité. Pourtant, tout ce que je vois est bel et bien en train d’arriver. Je me sens minable. Le médecin contrôle ses fonctions vitales, il sort de son sac une couverture thermique et l’en recouvre, en continuant de lui parler. Seth tremble légèrement, le contrecoup du choc. C’est un véritable cauchemar. Les vigiles finissent de faire évacuer la salle quand enfin j’aperçois les ambulanciers. En quelques instants, ils rejoignent le médecin et après quelques paroles échangées, Seth est emmené sur un brancard. Un des gars de la sécurité vient nous informer qu’une voiture est prête pour nous emmener à l’hôpital. — Je veux aller avec lui, s’affole Kris en tentant de s’échapper de mes bras. — Non, laisse-les faire leur travail, la coupe Jason. On y sera en un rien de temps, ne t’inquiète pas. Le gars nous entraîne à sa suite à travers les coulisses et nous fait monter dans une Lincoln Navigator noire. Je peux constater que tout a été prévu, une voiture de police nous précède et nous ouvre la route jusqu’à l’hôpital. Je serre la main de Kris qui est assise entre Jason et moi. Elle essaie de se calmer, mais les larmes coulent sans discontinuer. Je lui parle doucement, j’essaie de la réconforter même si à l’intérieur, je suis dévasté. Seth est mon ami, il est comme mon frère, au même titre que Mike et Jason. Ce soir, il aurait pu mourir et je ne sais pas comment j’aurais réagi si cela s’était produit.

3

Zack

Notre chauffeur nous dépose devant l’entrée des urgences et nous nous précipitons tous en dehors de la voiture. Jason file à l’accueil, l’ambulance n’a que quelques minutes d’avance. Kris ne lâche pas ma main, elle s’y accroche comme à une bouée de sauvetage. — Il a été pris en charge, nous annonce-t-il en revenant. On doit attendre, ils viendront nous voir. Kris ronchonne, elle n’apprécie pas d’être laissée sur la touche sans avoir plus d’informations, comme nous tous. Je la dirige dans la salle d’attente plutôt que de la laisser aller s’en prendre à la pauvre infirmière de l’accueil. Mike s’éclipse pour aller se nettoyer, il est encore couvert du sang de Seth. La pièce doit faire dans les vingt mètres carrés, on y trouve des chaises et une table basse où sont posées quelques revues. Il y a quelques cadres représentants les monuments de New York accrochés aux murs, mais ça reste froid et impersonnel. Je n’ai rien contre les hôpitaux, cependant je ne m’y sens jamais à l’aise. Je m’installe sur une chaise et tire sur le bras de Kris pour qu’elle en fasse de même, mais elle résiste et se tourne vers Jason. — Ils ne t’ont vraiment rien dit ? demande-t-elle à mon ami. — Non, mais ça va aller, Kris. Une nouvelle larme dévale son visage. — Je veux le voir, murmure-t-elle. Jason la prend dans ses bras et la serre contre lui. Je me penche en avant et pose mes coudes sur mes genoux en passant mes mains dans mes cheveux. Je suis complètement impuissant face à toute cette merde, et là, j’aimerais avoir en face de moi un sac pour me défouler. — Bientôt, murmure-t-il. La blessure n’avait pas l’air trop grave. Ils finissent par s’asseoir et nous attendons, c’est tout ce que nous pouvons faire pour le moment. Seul le silence résonne dans la pièce, c’est oppressant. Mike revient et propose d’aller chercher des cafés, ce que nous acceptons. Jason l’accompagne pour l’aider à tout ramener. Je reste avec Kris, il n’est pas question qu’elle soit seule dans un moment comme celui-ci. Quelques minutes plus tard, du bruit nous parvient de l’accueil. Je me lève pour aller voir ce qu’il se passe et à hauteur de la porte, je tombe nez à nez avec Danny Baker. — Ça va mec ? me demande-t-il. Il pose une main sur mon épaule pour essayer de me réconforter et pour apporter son soutien. — Ouais. — Où est ma sœur ? Je lui désigne la salle où il se précipite et constate qu’il n’est pas venu seul. Mark, Scott et Franck, les autres membres de Soul Scars sont également là, tout comme Blair, qui est en retrait, le téléphone collé à l’oreille et visiblement énervée. Ce soir, ils auraient dû se trouver sur scène, devant des milliers de personnes, et à la place, ils sont là, à nous apporter leur soutien. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est appréciable, surtout pour Kris. Ils sont sa famille. À travers les vitres, je peux voir des dizaines de journalistes agglutinés devant l’hôpital et des gars de la sécurité qui bloquent l’entrée. Quelle bande de connards ! Blair passe à côté de moi en soupirant. — Quel bordel ! lâche-t-elle. Je n’aurais pas dit mieux. Oui, c’est une véritable merde et tout sera bientôt étalé dans la presse. De vrais charognards qui n’attendent qu’un malheur pour se repaître de la détresse des autres. — J’ai fait sécuriser les entrées du bâtiment, m’apprend-elle. Personne ne rentrera sans montrer patte blanche. — C’est bien, acquiescé-je. — Alors, des nouvelles ? — Pas encore, je lui réponds. Kris est dans la salle d’attente. — Merci. Nous entrons dans la pièce quand Mike et Jason reviennent. J’attrape un café puis m’appuie contre le mur tout en observant Blair aller prendre des nouvelles de son amie. Elle la serre dans ses bras en lui chuchotant quelques mots à l’oreille, Kris est toujours prise de douloureux sanglots qui me déchirent les tripes. Blair la relâche après quelques secondes et lui dépose un baiser sur le front puis, en se relevant, elle lui prend son téléphone pour ensuite aller se poster dans un coin de la pièce tout en pianotant. Elle passe d’un téléphone à l’autre sans perdre de temps, et Jason, tout naturellement, va s’installer non loin d’elle. J’ai remarqué que depuis qu’ils se connaissent, ils se rapprochent de plus en plus, à voir ce que ça donnera dans le temps. Mon téléphone me surprend en vibrant dans ma poche, je l’attrape et constate la réception d’un message d’Alex. Je viens d’apprendre ce qui s’était passé. Comment va Seth ? Et toi ? Je suis là si tu as besoin. Je lui réponds rapidement que nous attendons d’en savoir plus et que je la tiendrai au courant. Ça me fait plaisir qu’elle prenne des nouvelles. J’aimerais qu’elle soit là, j’ai envie de la prendre dans mes bras, et bien plus encore, pour oublier cette soirée qui avait pourtant bien commencé. Je ne la connais pas beaucoup, mais à chaque fois, je me sens bien en sa présence, elle me fait du bien. Contrairement aux filles que je me tape d’ordinaire, elle possède une grande sensibilité, et même si j’ai envie de passer à la vitesse supérieure avec elle, j’ai aussi envie de la connaître. La première fois que je l’ai vue, elle rembarrait un mec d’une vingtaine d’années. Pour lui, une femme n’était pas capable de faire le métier qu’elle faisait. Elle lui a rétorqué qu’il n’y avait pas de raison, étant donné que visiblement un gros con en était capable. Ça m’a fait rire même si, moi aussi, je me suis demandé comment un petit bout de femme comme elle pouvait porter des charges lourdes et les hisser en hauteur. Pendant une heure, je suis resté dans un coin à l’observer. À plus de vingt mètres du sol, ses gestes étaient assurés, elle ne tremblait pas et faisait ce qui lui était demandé consciencieusement et avec rapidité. À aucun moment, elle n’a émis la moindre plainte. Elle faisait équipe avec un autre gars, plus âgé. Lui n’a fait aucun commentaire sexiste et lorsqu’ils sont redescendus, il lui a même fait un check. Pour lui, elle faisait partie de l’équipe. L’autre abruti est revenu à la charge, lui disant que le rôle d’une femme était d’écarter les cuisses et de s’occuper de la table. Putain, j’ai eu envie de le frapper ! Ce type est un macho de la pire espèce, qui pense que les femmes sont inférieures aux hommes et il mériterait une bonne leçon. Alex l’a regardé avec un petit sourire, a haussé une épaule et lui a tourné le dos. Elle est passée sur ses paroles en un claquement de doigts alors que moi, je lui aurais foncé dedans et lui aurais foutu mon poing dans la gueule. À la place, il s’est retrouvé comme un con à la regarder partir. Il l’a appelée, lui a crié dessus en lui demandant de lui répondre, ce qu’elle a fait en lui montrant tout le bien qu’elle pensait de ses paroles à l’aide de son majeur. L’ignorance peut être le meilleur des mépris et elle l’a mis en pratique. J’ai été fier d’elle sans que je sache vraiment pourquoi, mais elle avait tout compris, elle ne s’abaissait pas à son niveau et elle avait bien raison. J’ai souri et c’est à ce moment que j’ai quitté mon coin. Il fallait que je lui parle. C’était plus qu’une simple envie et c’est ce que j’ai fait. Je ne pouvais pas attendre plus longtemps. Je l’ai rattrapée dans le couloir qui menait aux vestiaires. Je l’ai hélée à plusieurs reprises et elle a fini par se retourner, légèrement exaspérée. Mes yeux ont alors rencontré les siens et ça a été comme me faire foudroyer sur place. Je me suis approché, mon cœur battant de plus en plus vite sans que je ne comprenne vraiment pourquoi et en me demandant si elle ressentait la même chose. Puis j’ai pris une douche froide, ses premiers mots étant pour me demander si moi aussi je comptais la faire chier. Je lui ai répondu que je comptais la faire jouir. Parce que je suis comme ça, je vais droit au but, ça passe ou ça casse. Généralement, j’obtiens ce que je veux, mais avec elle, je savais que le jeu ne faisait que commencer. Son petit nez s’est adorablement retroussé, ses yeux se sont plissés, elle a dû se demander sur quel taré elle était encore tombée. Moi, j’ai pu détailler chaque trait de son visage. De près, je pouvais en voir la délicatesse et ses origines asiatiques. J’ai depuis appris que sa mère est japonaise. Alex a des yeux légèrement bridés, d’un marron foncé où l’on peut tout de même percevoir des éclats d’un beau vert jade. C’est étrange et fascinant, jamais je n’ai vu pareil regard. Des taches de rousseur parsèment son nez et ses pommettes, c’est mignon et ça lui va bien, encore plus avec la légère rougeur qui apparaît sur son visage lorsqu’elle est gênée. Je n’ai pas l’habitude de faire les choses à moitié et ce jour-là, j’ai pris le temps d’observer tout son corps. À chaque fois que je la vois, je ne me gêne pas pour recommencer. Elle en avait fait de même et elle a apprécié ce qu’elle avait devant les yeux. Nos regards se sont accrochés dans une joute silencieuse et j’ai ressenti une certaine alchimie entre nous. Elle a fini par me dire qu’elle n’avait pas de temps à perdre, à quoi j’ai répondu que j’avais tout mon temps pour la séduire. Elle a ri puis elle est partie, me laissant comme un con en plein milieu du couloir. Chaque jour qui a suivi, je me suis arrangé pour avoir un instant avec elle. J’ai réussi à obtenir son numéro de téléphone à la longue, nous nous envoyons des messages, des fois, juste pour ne parler de rien, d’autres où je me montre plus rentre-dedans. Elle m’envoie toujours bouler quand je lui dis ce que j’ai envie de lui faire. Mais je sais qu’elle apprécie mes petites attentions, car si je ne lui envoie pas un message dans la journée, elle s’en charge. Je n’en ai pas l’air, mais je peux me montrer très patient quand je veux quelque chose. Et je finis toujours par l’obtenir. Et je veux Alex, comme jamais je n’ai voulu personne. Je ne sais pas pourquoi je m’acharne ainsi, je ne regarde même plus les autres femmes. C’est comme si j’étais un prédateur en chasse, et qu’il n’y avait qu’une seule et unique proie, les autres n’existent pas, comme si elle m’avait ensorcelé.

Des pas dans le couloir attirent mon attention, deux hommes passent la porte de la salle d’attente. Ils nous détaillent un instant, j’en fais tout autant. Ma première impression en les observant est qu’ils me font penser à des flics. Elle se révèle exacte lorsque j’aperçois un insigne à la ceinture du plus jeune. Le premier a une bonne cinquantaine d’années et doit attendre la retraite avec impatience. Ses traits sont marqués par ses années de service et toutes les choses qu’il a dû voir. Le second doit avoir la trentaine et a un visage plus avenant. — Mesdames, messieurs, je suis le lieutenant Scott et voici le lieutenant Mitchell, nous apprend le plus vieux. Nous nous levons tous pour nous approcher. — Vous êtes de la famille à monsieur Turner ? — Oui, je m’empresse de répondre. Nous sommes ses amis, il n’a plus de famille. Vous pouvez parler. L’homme grimace légèrement, sûrement peu enclin à dévoiler des informations dans un lieu public. — Je suis navré pour ce que vous avez subi ce soir, continue-t-il. Néanmoins, l’homme qui a tiré a été arrêté. Un immense soulagement m’envahit, je lâche un profond soupir et la tension quitte légèrement mes épaules. Je ferme les yeux un instant et remercie le ciel pour ça. — Vous savez de qui il s’agit ? demande alors Mike. Le détective Scott fouille dans sa poche et en sort un carnet qu’il ouvre pour en tourner quelques pages. — Il s’agit de Stuart Stafford.

4

Zack

À la seconde où le nom franchit les lèvres du policier, mon regard se tourne vers Kristen. Elle est pâle comme la mort et son frère la maintient contre lui en lui murmurant quelques paroles à l’oreille. Tout dans l’attitude de Danny montre à quel point il a envie de commettre un meurtre, et je ne suis pas dans un meilleur état. Quand ce connard va-t-il lui foutre la paix ? Il lui a tant pris et il continue de lui pourrir la vie ! Ce type mérite de crever et j’aimerais l’avoir en face de moi pour lui faire payer toute sa merde. — Il a été pris en flagrant délit. Un agent était à proximité de lui pendant le concert. Il n’a malheureusement pas pu intervenir à temps, mais il a au moins empêché qu’il ne prenne la fuite. Je me passe une main sur le visage, n’arrivant pas à croire que pour le coup la chance a été de notre côté. Enfin, façon de parler, elle n’y était qu’à moitié sinon il aurait loupé son coup. — Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? demande Jason. — Il est en garde à vue, lui répond le détective Mitchell. Il sera présenté au juge, lundi matin. — Il va être inculpé ? demande Mike. — Le juge va décider si oui ou non, continue Scott. Il va être maintenu en détention jusqu’à son passage devant le grand jury… dans moins d’une semaine. Ensuite, eux voteront à leur tour et s’il est inculpé, il passera en jugement. Ce sera en fonction de ses antécédents et de ce qu’il plaide. Il se gratte le front de l’index, et semble perdu avec ses notes. Ça m’exaspère. — On vient juste de prendre l’affaire, annonce son collègue. Je soupire, ces types se pointent ici et ils ne sont même pas foutus de se renseigner un minimum. Ce n’est pas forcément leur faute, mais c’est affligeant. — Moi, je peux vous dire qu’il a des antécédents et que ce type est complètement cinglé ! s’énerve Danny en se rapprochant de lui. Le détective Scott se tourne vers le batteur des Soul Scars en plissant les yeux. La colère du frère de Kristen se lit parfaitement sur son visage et dans tout son corps. Kris s’assied sur sa chaise en se prenant la tête entre les mains. — Vous le connaissez ? Mon amie ne réagit pas, elle est amorphe. Je me demande ce qu’il se passe dans sa tête, mais je suis certain qu’elle doit s’en vouloir pour ce qu’il vient de se passer. — C’est l’ex de ma sœur, reprend Danny. Il a déjà fait de la prison pour violence aggravée sur elle. Elle a failli mourir ! Kristen se relève et attrape les mains de son frère pour l’obliger à la regarder. — Danny, calme-toi, s’il te plaît. Sa voix est à peine audible et pleine de souffrance, ça me déchire le cœur de la voir ainsi. Son frère ferme les yeux en secouant la tête et l’attrape pour la serrer dans ses bras. Je sais qu’il essaie de se contenir, j’en suis rendu à faire la même chose. Pour la protéger, pour ne pas l’effrayer plus qu’elle ne l’est déjà. — Excuse-moi, mon p’tit chat. Il l’embrasse sur la tête puis fixe son regard dans celui du détective Scott. — Vous devez tout faire pour le faire enfermer définitivement. Les deux policiers acquiescent et posent différentes questions auxquelles Kristen répond laconiquement. Sa voix tremble, ses yeux sont humides des larmes qu’elle retient. Je souffre en silence pour elle parce que j’ai connu ça, pas directement, mais j’ai subi quand même. Encore une fois, je suis impuissant face à cette détresse que je connais bien. Jason et Mike, qui ne connaissent pas toute son histoire, en découvrent de grosses parties et semblent choqués. Avec Seth, nous n’avons jamais révélé ce qu’elle nous a confié, ce n’était pas à nous de le faire, c’est son histoire et c’est à elle de la raconter si elle en éprouve l’envie ou le besoin. Aujourd’hui, elle n’a pas vraiment le choix et je serre les poings tout en la regardant. Elle est là sans être là. J’ai envie de l’emmener loin d’ici, dans un endroit où ce salaud ne pourra jamais la retrouver ni lui faire de mal. J’aime Kristen, pas comme Seth l’aime, mais elle est comme une sœur pour moi. Kristen est une personne forte, mais comme l’a déjà dit Blair, même la personne la plus forte qui soit a un point de non-retour. Et j’ai peur que Kris ne l’atteigne. Quand je l’ai rencontrée, j’ai tout de suite eu un pressentiment sur elle et son histoire. Peut-être parce que j’ai grandi dans un climat différent de certains enfants, mais en attendant j’ai senti quelque chose chez elle qui m’a comme appelé. Le soir où Seth s’est battu avec un type qui n’avait pas voulu la lâcher alors qu’elle le repoussait, j’ai tout de suite compris à son regard terrorisé que la violence lui faisait peur. Ce n’était pas la peur habituelle que l’on ressent lorsque quelque chose nous échappe. Non, c’était bien plus profond que ça, car c’était quelque chose qu’elle connaissait, qu’elle avait vécu. Quelque chose qui l’avait brisée. Je n’ai pas réfléchi et je l’ai emmenée avec moi, loin de tout ça. Elle était complètement paniquée, je l’ai ramenée chez elle, faisant tout mon possible pour la calmer. Petit à petit, je lui ai livré mon histoire et celle de ma mère. Elle a beaucoup pleuré, puis elle m’a ouvert son cœur. Ce soir-là, nous avons longuement discuté et chacun s’est fait une place dans le cœur de l’autre. Aujourd’hui, elle a enfin parlé à Seth de son passé, et ils sont heureux ensemble... et ce connard vient tout gâcher. Il veut tout lui prendre parce que c’est un salopard qui pense qu’elle lui appartient. Ça me dégoute ! Lorsqu’ils en ont fini avec leurs questions, les détectives quittent la salle d’attente, nous laissant dans un silence lourd. Ils doivent encore s’entretenir avec Seth. J’attrape mon téléphone, Facebook affiche plusieurs notifications. Je clique sur l’application qui s’ouvre, et je peux lire sur la page du groupe, des centaines de messages de soutien. Des messages de remerciements ont déjà été postés, un autre prévient que nous attendons toujours d’avoir des nouvelles. Je jette un coup d’œil en direction de Blair, c’est elle qui gère tout, elle enlève un poids énorme des épaules de son amie. Elle a toute ma gratitude alors qu’elle aussi doit être chamboulée par ce qu’il se passe. Une infirmière débarque après plusieurs longues minutes d’attente. Elle s’arrête dans l’encadrement de la porte pour nous dévisager, son regard étant un peu plus appuyé sur les membres de Soul Scars. Normal, ce sont des stars planétaires. Remarquant probablement qu’elle est à la limite de baver et que ce n’est pas très professionnel, elle secoue la tête pour se reprendre. — Vous êtes les amis de Seth Turner ? nous demande-t-elle. Nous lui répondons tous par l’affirmative. — Tout va bien. La blessure n’est pas trop grave. Il reçoit les soins en ce moment même, mais il veut que Kristen Anderson soit près de lui. Normalement, ce n’est pas autorisé, mais heu… il est tellement… — Chiant, dis-je pour l’aider. L’infirmière m’adresse un sourire contrit tout en rougissant. — Il est énervé et dit qu’il sera calme quand elle sera là, donc… si vous voulez bien me suivre, s’il vous plaît. Kris se dépêche de lui emboîter le pas. J’expire un profond soupir. Être à ses côtés va la rassurer, tout comme lui. Seth est très protecteur avec elle et il doit se douter qu’elle est dans tous ses états. — Tu crois que cette fois il restera derrière les barreaux ? demande Mark Neville à Danny. Mark est le guitariste des Soul Scars. C’est un type imposant, avec une carrure de rugbyman, il porte une barbe et son regard est la plupart du temps assez dur. Mais en réalité, quand on le connaît, c’est un gros nounours, à croire qu’il met d’énormes barrières entre le monde et lui. La sollicitude de Mark à l’égard de Kris me touche même si je sais qu’ils ont grandi ensemble, tout comme Scott et Franck. Ils forment une famille et prennent soin les uns des autres. — Je l’espère, répond Danny. Il se lève et commence à faire les cent pas dans la pièce. — Je reviens, je vais appeler nos parents, nous informe-t-il. En l’entendant dire cela, je pense instantanément à Harper. Putain, comment ai-je pu ne pas penser à mon petit moucheron ? Elle est chez eux. Contrairement à Jason, Mike et moi, Kris et Seth dorment chez les parents de Kris avec Harper. Ça permet à mon amie de passer un peu de temps avec eux. Je sais que depuis qu’elle s’est installée à Chicago, elle n’est pas retournée très souvent à New York, préférant s’éloigner de la ville où elle a vécu l’horreur. Elle a clos ce chapitre de sa vie, passant son temps plongée dans le travail, et les seules vacances qu’elle s’est octroyées — de force — ont été la semaine avant de commencer à travailler avec nous. Le téléphone de Kris sonne. Je sais que c’est le sien, car elle a enregistré une partie instrumentale d’un de nos morceaux et l’a installée comme sonnerie. Blair décroche. — Salut Chester, c’est Blair. Naturellement, notre producteur vient aux nouvelles. — Pour le moment, on attend toujours, reprend-elle après un court instant. Une infirmière a emmené Kris près de lui. Elle arrête de nouveau de parler pour l’écouter. — Je n’en sais rien. Mike et Jason disent que sa blessure n’avait pas l’air trop grave… on verra bien. Le tireur a été arrêté, c’est Stuart Stafford. Silence, elle est attentive aux paroles de son patron et grimace. — Elle va bien, ne t’inquiète pas. Et je lui dirais. Bye, Ches. Jason va s’asseoir plus près d’elle et lui prend la main, elle le laisse faire, perdue dans ses pensées. Elle a les traits tirés, elle doit être fatiguée avec cette histoire et les téléphones qui n’arrêtent pas de biper. Mais elle est là, elle fait face et aide son amie du mieux qu’elle peut. Elle est un roc pour Kristen et je sais que Jason l’apprécie beaucoup. Je me demande néanmoins ce qu’il attend pour passer à l’action, même si je me doute que la carrière de la demoiselle prend une place importante dans sa vie, tout comme Kristen, et il y a sûrement une cause à cela. Nous avons fait quelques soirées en sa compagnie et à chaque fois, elle et Jason ont passé leur temps ensemble. Je ne sais pas si ça a été plus loin que le flirt entre eux. Jason n’est pas du genre à parler de ses conquêtes et je n’ai jamais remarqué le moindre geste qui prouverait qu’il y a plus que de l’amitié entre eux, mais à cet instant, leur connexion est frappante. — Chester n’en revient pas que Stuart ait fait un truc comme ça, nous dit- elle après plusieurs minutes. Tu m’étonnes ! Qui pourrait s’attendre à cela. C’est le genre de chose que l’on ne voit qu’à la télé. Jusqu’à ce que ça nous arrive. Comme quoi, personne n’est à l’abri d’un détraqué.

5

Alex

La sonnerie de mon téléphone résonne dans ma couchette et me tire du sommeil. Le temps que je réagisse, j’entends les plaintes de mes compagnons qui pestent d’être ainsi sortis de leur sommeil. Je décroche rapidement sans prendre le temps de regarder qui m’appelle. — Allo, dis-je en chuchotant. — Je te réveille ? me répond une voix que je commence à bien connaître. Je regarde l’écran pour être sûre que je ne rêve pas, mais c’est bien lui. Il est à peine neuf heures. — Désolé. — C’est pas grave, je chuchote. Attends un instant. Je m’extirpe de sous la couette et sors de la couchette en essayant de faire le moins de bruit possible. Étant tout au fond du car, je dois remonter une partie du couloir pour gagner l’escalier. Je descends puis vais m’installer à l’avant de la partie salon du tour-bus pour ne pas déranger les chauffeurs qui dorment au fond. L’équipement est sommaire et c’est exigu, mais c’est tout de même confortable. L’espace salon se compose de deux banquettes en cuir de huit places placées de chaque côté de l’allée ainsi que de quatre petites tables avec porte- gobelets. J’allume une petite lampe, les rideaux sont tirés et aucune lumière de l’extérieur ne pénètre dans l’espace. À l’avant, il y a une kitchenette avec machine à café, réfrigérateur, micro-onde et quelques rangements. Je bâille à m’en décrocher la mâchoire avant de remettre le combiné à l’oreille. Avec les événements de la veille, je me suis couchée sur les coups de trois heures du matin. La scène a dû être démontée une fois le feu vert de la police donné et comme à chaque fois après un concert, avec les autres roadies, nous avons pris un verre tout en discutant et en nous demandant comment se portait Seth. C’était la folie. — C’est bon, dis-je. — Désolé de t’avoir réveillé, me répond-il d’une petite voix. Je souris tout en me massant le crâne. — T’inquiète. Alors comment va ton ami ? — Ça va. Il y a eu plus de peur que de mal. La balle l’a touché au bras et l’a entaillé, mais d’ici quelques jours tout ira bien… les médecins l’ont recousu. En entendant cela, je suis soulagée. Je ne connais pas vraiment Seth Turner, mais c’est l’ami de Zack, alors ça me touche parce que plus le temps passe, plus Zack se fait une place dans mon cœur. Nous sommes amis, du moins je le pense, alors il est normal que je m’inquiète. Nous papotons quelques instants, j’en profite pour prendre des nouvelles de tout le monde et en particulier Kristen. Je ne la connais que très peu, mais c’est l’amie d’Olin et elle compte pour lui. Il m’apprend que tout le monde est rentré à l’hôtel et aussi que le tireur a été arrêté. Je suis ébranlée lorsqu’il m’apprend qu’il s’agit de l’ex de Kris. Je ne connais pas vraiment son histoire, Olin ne s’est pas étendu sur ce sujet, mais je sais qu’elle a beaucoup souffert avec cet homme. — Tu ne voudrais pas venir me consoler ? me demande le bassiste. Je suis triste, j’ai besoin de chaleur humaine. Je lève les yeux au ciel et pose une main sur ma bouche lorsque je pouffe. — Tu ne perds jamais une occasion, toi ! — Tous les coups sont permis, bébé. J’étouffe un nouveau petit rire. Depuis notre rencontre, Zack m’appelle ainsi. Les premières fois, j’ai rougi, maintenant je m’y suis habituée et je laisse courir. Ça fait presque trois semaines qu’il me court après, ça me fait plaisir, mais Gina, une roadie avec qui je travaille sur la tournée et avec qui j’ai sympathisé, m’a avertie que Zack était un coureur et draguait à longueur de journée. Je n’ai pas été étonnée plus que ça. Zack est un très bel homme, il est jeune et il en profite. En attendant, depuis trois semaines, c’est moi qu’il a dans sa ligne de mire. Je ne sais pas s’il voit d’autres filles et je m’en fiche, nous sommes amis, rien de plus. Du moins, j’essaie de m’en convaincre. — Tu n’as personne d’autre à embêter ? lui demandé-je. — Que veux-tu ? Je ne désire que toi ! Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Lorsqu’il dit des choses comme ça, j’ai l’impression de me liquéfier sur place. Il faut vraiment qu’il arrête, aussi je décide de mettre un terme à cet échange qui prend une direction dangereuse pour mon self-control. — Je vais devoir te laisser, Zack. Mon lit m’appelle. — C’est une invitation ? — Non ! m’écrié-je un peu trop fort. Je plaque ma main sur ma bouche. Je vais m’en prendre plein les oreilles si je réveille tout le monde. — Oh bébé ! Tu me fends le cœur. Tu as tort de refuser. Je pourrais te faire découvrir toute l’étendue de mes qualités. Je n’en doute pas. — Mes mains parcourraient ton corps, tout comme ma bouche et ma langue. Je déposerais des baisers sur chaque centimètre carré de ta peau. À mesure qu’il parle, ses paroles se font plus hachées, sa voix est rauque. Je me demande s’il se touche en même temps qu’il parle. Je ne suis pas mieux, car j’imagine parfaitement tout ce qu’il me dit. Je me consume et mon sexe palpite dans l’attente d’un plaisir qui lui est refusé. Mon corps en a assez de l’abstinence que je lui fais subir, il se révolte, alors que jusqu’à présent il n’avait rien dit, c’est assez déstabilisant. — Je te dévorerais et te ferais jouir comme personne ne l’a fait. J’ai hâte de t’entendre crier mon nom. J’avale difficilement ma salive. Je suis en feu, mon corps réclame du sexe et plusieurs orgasmes. Et Zack. Mon corps veut Zack. Ce n’est pas le seul d’ailleurs, ma tête aussi. — Je te souhaite une belle journée, réussi-je à dire d’une voix étranglée. Je n’attends pas de réponse et raccroche aussi sec. Je lâche mon téléphone sur la banquette tout en laissant ma tête retomber sur le dossier. — Il va me tuer, murmuré-je pour moi-même. Je suis excitée et je vais devoir réfréner mon désir. Je suis tout de même contente de voir que Zack va mieux, les messages que nous avons échangés hier soir étaient assez distants de sa part. J’aurais voulu être là pour lui et pouvoir le prendre dans mes bras, le rassurer. Là, au moins, je vois qu’il a retrouvé sa gaieté, ça allège le poids qui s’était formé dans mon cœur. Après cette conversation, il m’est impossible de retourner me coucher, je n’arriverais pas à me rendormir. Je remonte doucement à ma couchette, attrape mon sac et en sors des sous-vêtements, un jeans et un t-shirt, avant de prendre ma trousse de toilette puis de redescendre. Je vais m’enfermer dans la petite salle d’eau. C’est minimaliste, il y a un w.c., un lavabo et une petite cabine de douche ainsi qu’un mini placard, mais c’est suffisant. Je pose mes affaires sur le plan et me brosse les dents, puis je prends une douche rapide — il faut économiser l’eau —, avant de m’habiller. Je me maquille légèrement quand mon portable sonne pour m’indiquer la réception d’un message. C’est Christopher, mon chef, qui donne rendez-vous à tout le monde pour une réunion. Lorsque je sors de la salle d’eau, tout le monde est déjà dans le salon à prendre un café. Je vais me servir à mon tour. — Alex ! m’interpelle Lewis, un autre rigger. S’il te plaît, mets ton téléphone en silencieux la nuit. Je lui adresse une petite moue navrée qui doit plus ressembler à une grimace. — Désolée, ça ne se reproduira pas. Je le fais d’habitude, j’ai complètement oublié en me couchant. — Ça, c’est parce que t’avais un bon coup dans la tronche, rigole Lester. Je lui donne une tape sur l’épaule en m’installant près de lui, cependant il n’a pas tort, j’ai l’impression qu’un marteau-piqueur a élu domicile dans ma tête. — Je te signale que tu n’étais pas dans un meilleur état. — Oui, mais j’avais bu plus que toi ! — T’as bu de la bière ! je m’indigne. J’ai bu du rhum ! Y a pas de comparaison possible ! 6

Alex

Je glisse mon portefeuille et mon téléphone dans ma poche puis range mon sac à dos sous ma couchette. Pendant la réunion, Chris nous a annoncé que plusieurs dates avaient été annulées en raison de l’état de Seth. Il est évident qu’un concert de rock sans le guitariste principal, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Il est donc prévu que nous reprenions la route pour Chicago demain matin. En attendant, nous avons quartier libre. Avec les filles, nous avons prévu de nous retrouver ce soir, j’ai hâte, mais si pour le moment elles comptent se recoucher et se reposer, moi j’ai envie d’aller me promener et de profiter de la ville. Je retourne dans le coin salon du tour-bus et m’installe à table. Je suis seule, soit mes collègues sont repartis se coucher, soit ils sont sortis. Je profite de ces minutes de tranquillité, il est très rare d’en avoir en travaillant sur une tournée. Généralement, nous sommes plus les uns sur les autres. Avachie sur la banquette, je surfe sur le net à la recherche d’une activité à faire et tombe sur une foire à la photographie. Je clique sur l’adresse et enclenche le GPS tout en sortant du car. Il fait déjà chaud et l’air est étouffant avec la circulation. Nous sommes dimanche, mais ça n’empêche pas la ville d’être animée. J’arrive sur Broadway quand je reçois un message de Zack. Il veut savoir ce que je fais, et si je suis toujours à New York. Je lui réponds que je cherche à occuper ma journée.

J’ai quelques idées si tu veux.

Je souris, sa réponse ne m’étonne pas.

Foire de photographie, ça te tente ?

Non ! J’y crois pas ! Alex qui me propose un truc ! Je lève les yeux au ciel en pouffant. Moi aussi je m’étonne, mais quelques fois il faut savoir prendre des risques, et aller me promener avec lui dans la ville n’engage à rien de toute manière. Je passe te prendre.

Trop tard, suis déjà en route. On se retrouve là-bas. Un dernier message pour lui transmettre l’adresse et je range mon téléphone dans ma poche. Je continue ma route tout en regardant les vitrines des bijouteries et des parfumeries. Quelques personnes prennent un café en bordure du Madison Square Park, où il y a là aussi apparemment une animation. Je m’arrête au Starbucks sur Union Square pour prendre un Chai Tea Latte et reprends ma route en consultant mon GPS. Avec la chaleur, je sens déjà quelques gouttes de sueur dévaler mon dos. Ce matin, en regardant la météo, ils disaient que les températures atteindraient les 32 degrés. Je n’ai pas hâte que ça arrive, j’ai déjà chaud.

La foire a lieu entre la 5th et 6 th Avenue sur la 18th. Pour l’occasion, la police a bloqué la rue et il y a déjà du monde. Une banderole, où l’on peut lire « Sunday Family Funday », a été placée à l’entrée ainsi qu’une arche de ballons blanc et bleu. Je cherche Zack du regard, mais ne le vois pas. Je décide de l’attendre à l’ombre des immeubles tout en buvant ma boisson. Si ça se trouve, lorsque je lui ai proposé de me rejoindre il n’était pas du tout prêt et du coup, il est peut-être encore sous la douche. Le mot douche passe à peine mes pensées que mon imagination prend le relai. Je n’ai jamais vu Zack autrement qu’habillé, mais ça ne m’empêche pas d’imaginer ce qu’il y a sous la couche de vêtements. Je suis certaine qu’il a un corps magnifique, il n’y a qu’à voir comment ses t-shirts le moulent. Il prend soin de lui et ça se voit. Ce n’est donc pas difficile pour moi de me le représenter sous la douche. Et c’est ce que je fais, pour mon plus grand malheur. Je vois son corps nu et l’eau qui ruissèle dessus, ses mains puissantes en laver chaque partie, son visage exposé au jet. Je m’imagine le rejoindre et… Je sursaute quand des mains se glissent sur ma taille. Je tourne la tête au moment où Zack me dépose un baiser sur la joue, ça coupe court à mon fantasme et je rougis considérablement. Heureusement qu’il ne peut pas lire dans mes pensées sinon c’est la honte assurée. Mon regard glisse rapidement sur lui. Un jean gris, un t-shirt blanc, ses boots… c’est sa tenue habituelle. Son t-shirt épouse son torse à la perfection, tout comme les manches courtes qui font ressortir ses biceps tatoués. Quant à son jean, il souligne la musculature de ses cuisses, les dessinent. J’en frissonne de désir. — Ça va ? me demande-t-il. Je relève les yeux sur son visage. Ses mains s’attardent sur mes hanches, j’essaie de ne pas y prêter attention. — Très bien ! je lui réponds avec un sourire crispé. Et toi ? Son regard pénètre le mien, j’ai l’impression qu’il me sonde, qu’il cherche à savoir si ce que je lui dis est vrai. Je vais bien, c’est la vérité, je vais toujours bien quand il est là. Il me fait sourire et rire, il est comme un baume sur mon cœur, il l’apaise. Sans compter toutes les sensations qui m’assaillent lorsqu’il est là. Des sensations que j’avais oubliées et que je ne pensais pas retrouver un jour. — Maintenant ça va ! Son sourire est éclatant, cependant j’ai l’impression de lire dans son regard une forme d’angoisse. Sa prise se raffermit légèrement sur moi, comme s’il ne voulait pas me lâcher, qu’il avait peur que je m’enfuie s’il le faisait, mais je n’ai pas envie de partir. Je veux être avec lui aujourd’hui. Profiter de sa présence. C’est la première fois que nous sommes seuls, loin de la scène et de l’ambiance vive qui y règne, j’appréhende beaucoup. — Tu es de bonne humeur, lui dis-je en me dégageant. — Toujours quand je te vois ! Mon cœur a un raté — encore —, je suis troublée. Et nerveuse aussi. Je lui offre une petite moue dubitative pour qu’il ne remarque pas l’effet qu’ont ses paroles sur moi. Zack est un boute-en-train et je l’ai toujours vu le sourire aux lèvres, même quand il ne me voyait pas, alors, je ne sais pas si ce qu’il me dit est sincère ou s’il sort le même discours à toutes les filles. J’ai envie de croire qu’entre nous, c’est différent, mais la vérité est que je n’en sais rien. Je ne l’ai jamais vu avec une autre femme alors je ne peux juger son comportement. J’ai envie de céder à mes envies, mais c’est difficile. Ce n’est pas le genre de choses que j’ai l’habitude de faire. Je ne l’ai même jamais fait. C’est comme passer un cap et c’est effrayant. Gina me dit qu’il ne faut pas se prendre la tête quand on ne veut pas d’histoire d’amour, qu’il faut profiter de ce que nous offre la vie. Elle dit aussi que Zack ferait un excellent coup d’un soir ! Je n’en doute pas, mais je ne sais pas si je pourrais. Déjà, je n’ai jamais eu de relation éphémère et deuxièmement, je connais Zack. Nous échangeons par messages tous les jours. Jusqu’à présent, nous ne passions que quelques instants à nous voir, et toujours rapidement car pendant le travail, aujourd’hui, j’ai fait un pas vers lui même si je ne sais pas vraiment vers quoi nous allons. La semaine dernière, je l’ai croisé alors qu’il était en train de parler avec une jeune femme. Une fan apparemment. Il ne m’a pas vue, mais moi, je suis restée quelques instants à l’observer, cachée dans mon coin. La femme était belle et aguicheuse avec lui et j’ai été frappée par une pointe de jalousie. Ça a pris naissance dans mon ventre et c’est remonté jusqu’à mon cœur sans que je ne puisse le contrôler. Zack n’a nullement répondu à la femme, il est resté aimable, souriant et à bonne distance, sauf lorsqu’elle a voulu faire une photo avec lui. Sa main sur son torse m’a envoyé une seconde décharge. Je n’ai pas vraiment compris ce qu’il m’arrivait, et je ne suis pas certaine de le comprendre mieux aujourd’hui. C’était étrange comme sensation, je ne l’avais jamais ressentie avec Will, peut-être parce qu’il était à moi, que nous nous aimions, et que j’avais confiance en lui. Mais avec Zack, qu’est-ce que je veux ? Est-ce qu’il est mon ami ou est-ce que j’attends plus de lui ? Je n’arrive pas à me décider. On me bouscule et Zack me rattrape alors que l’homme s’excuse. Il a au moins le mérite de m’avoir sortie de mes pensées. Je tourne la tête vers mon compagnon de la journée, mon regard glisse sur ses lèvres avant de retrouver ses yeux, il me fait un clin d’œil. Je me dégage de ses bras et l’attrape par la main pour l’entraîner dans la foire. J’essaie de me focaliser sur autre chose que nos mains jointes et la chaleur qui s’en dégage. Je regarde partout autour de moi, sauf dans la direction de Zack. De nombreux stands ont été installés, des clowns amusent les enfants, d’autres leur font des maquillages et la musique[8] résonne dans la rue. J’aime beaucoup cette ambiance bon enfant. Je tente de récupérer ma main, cependant Zack raffermit sa prise. Je me retourne pour le regarder, il la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser et il entrecroise nos doigts. Nouveau raté de mon cœur, c’est beaucoup plus intime comme ça. — Tu me l’as donnée ! m’informe-t-il en plongeant son regard dans le mien. Je ne vais pas te la rendre. Je rougis. Encore. — Comme tu veux. Sa main est chaude dans la mienne et j’aime la sensation qu’elle me procure, c’est agréable. Peut-être un peu trop. Pendant plus d’une heure, nous déambulons ainsi de stand en stand. Il y a des vendeurs d’appareils photo, vidéos et audios. Zack s’intéresse naturellement un peu plus au stand Fender[9]. Il s’essaie aussi à la commande de drones. Nous pouvons faire quelques photos avec les champions du Super Bowl des New York Giants, Shaun O’Hara, Joe Anderson, David Diehl et Rodney Hampton. Notre tour terminé, nous décidons de nous rendre au Madison Square Park. J’ai vu en venant qu’il y a quelque chose d’organisé là-bas, mais je ne sais pas quoi. Tout en marchant, nous parlons de nos goûts musicaux. Zack est un fan des Foo Fighters[10], alors que je n’ai pas particulièrement de groupe préféré. Je peux aussi bien écouter du rock indé ou des trucs plus commerciaux, tant que la musique me plaît, c’est le plus important. Il me fait écouter quelques chansons sur son téléphone. Je prends note en particulier d’un groupe : Royal Republic[11]. Leurs chansons[12] sont légèrement décalées et bien rythmées, j’ai direct accroché. Zack ne se prend pas la tête, il chante dans la rue, fait même quelques pas de danse en m’entraînant avec lui. Les gens nous regardent, pour certains bizarrement, mais je n’en ai que faire. Zack me fait rire, et j’adore la journée que je passe avec lui. J’ai l’impression d’être dans une bulle, rien ne vient la gâcher, encore moins mon passé. Lorsque nous arrivons enfin au parc, nous découvrons que c’est le Big Apple Barbecue Block[13] qui a lieu. Il y a de nombreux stands, beaucoup de monde et une bonne ambiance au rythme de The Lazy Song[14]. Nous nous arrêtons à un stand pour faire la queue. Je n’ai pris qu’un café au petit-déjeuner et je meurs de faim. L’attente est longue, mais une fois nos barquettes en main, nous allons nous installer dans un coin du parc pour profiter du soleil. — Si tu ne manges pas tout, je suis là, m’informe Zack. — Dans tes rêves ! Je croque dans la saucisse épicée recouverte de fromage et ferme les yeux sous l’explosion de saveurs. Un gémissement m’échappe, c’est une tuerie ! — Qu’est-ce que vous avez toutes avec la bouffe ? La dernière fois, Kristen a failli m’estropier ! J’avale rapidement tout en secouant la tête. — La bouffe… — C’est la vie ! me coupe-t-il. Oui, je sais. — Alors pourquoi demandes-tu ? Il hausse une épaule. — Je croyais que les filles ne mangeaient que de la salade ! Je lève les yeux au ciel devant tant d’aprioris. Nous mangeons tranquillement en écoutant la musique[15]. Le silence entre nous n’est pas pesant, je profite de sa présence et c’est vraiment agréable. Quand nous terminons, Zack prend ma barquette pour aller la jeter avec la sienne dans une poubelle. Je m’allonge dans l’herbe en fermant les yeux, appréciant la caresse de la légère brise sur ma peau. Je les rouvre dans un sursaut lorsque je sens une main me caresser le visage. Zack n’est qu’à quelques centimètres de moi et m’observe. Mon rythme cardiaque s’accélère, mais je ne bouge pas. J’ai envie de l’embrasser, cependant je n’ose pas le faire. — Passe la soirée avec moi, me demande-t-il d’une voix douce. J’en ai envie, mais j’ai promis aux filles que l’on sortait ensemble ce soir. J’apprécie trop la présence de Zack, je ne suis pas certaine de ce que je veux et c’est dangereux pour moi. — J’ai déjà des plans, murmuré-je à contrecœur. — Alors, change-les. Sa main quitte ma joue et se pose sur ma hanche, nonchalant, il affiche comme un air de défi. Il se penche sur moi, les yeux mi-clos focalisés sur ma bouche. Mon cœur accélère encore son rythme, et lorsque Zack pose enfin ses lèvres sur les miennes, c’est comme une tempête qui fait rage dans ma poitrine, mon sang pulse à mes tempes. Je ferme les yeux, je veux ressentir chacune des sensations qu’il fait naître en moi. C’est grisant. D’abord timide, notre baiser s’intensifie. Mes lèvres s’ouvrent et il en profite pour glisser sa langue dans ma bouche. La mienne vient à sa rencontre et ensemble, elles jouent un jeu que la mienne n’a pas connu depuis longtemps. C’est agréable. Si agréable que mon ventre se serre et un gémissement m’échappe. Le désir monte en moi à une vitesse fulgurante, réchauffant mon corps. Sa main glisse dans mes cheveux et il m’attire un peu plus à lui. Zack est à la fois doux et tendre, tout en étant passionné. Ma main remonte sur son torse et apprécie sa fermeté, j’aimerais ne pas avoir son t-shirt entre nos peaux. Je profite de l’instant. Jamais un baiser ne m’a autant chamboulée, ce qui me fait penser à Will et mon esprit matérialise une image de lui. Je me fige. Zack recule aussitôt. Je ne veux pas penser à lui, mais c’est ainsi. Ça brise notre instant magique et je m’en veux. — Ça ne va pas ? me demande-t-il. Je me redresse, l’obligeant à s’écarter. Je me passe une main sur le visage, essayant d’effacer ce souvenir tout en ravalant la boule de culpabilité qui grossit en moi et me ronge de l’intérieur. — Si, tout va bien. C’est juste la fatigue. Zack se redresse à son tour et pose une main sur ma nuque qu’il se met à masser. — Tu devrais peut-être te reposer ce soir. — Tout va bien.

7

Alex

Avec Gina, Liz et Wendy, les roadies qui travaillent avec moi sur la tournée des ETS, nous nous sommes données rendez-vous à deux pas de Central Park, au Roof. L’endroit m’a été recommandé par Kristen, j’ai proposé aux filles de le découvrir. Nous avons réussi à nous dégoter des places assises en terrasse, ce qui est un véritable exploit avec le monde qu’il y a. Le Roof est ce que l’on appelle un rooftop[16], il se situe au vingt-neuvième étage d’un building, et offre une vue exceptionnelle de New York. Le soleil est en train de se coucher, la vue est sublime. On peut apercevoir le One World Trade Center et l’Empire State Building. Le mobilier est moderne, il y a une salle où l’intérieur est recouvert de bois du sol au plafond, c’est assez sombre avec l’éclairage tamisé. À l’extérieur, des fauteuils et canapés sont installés ainsi qu’un bar. Le serveur qui s’occupe de nous est agréable et souriant, et depuis notre arrivée, Gina lui fait du rentre- dedans, je suis convaincue qu’elle réussira à obtenir son numéro avant la fin de la soirée. — Alors Alex ? T’as fait quoi aujourd’hui ? me demande Wendy. Elle fait partie de l’équipe du catering, a les cheveux violets, des tatouages partout et est plutôt du genre déjanté. Et hier soir, elle a fini dans un état pitoyable à cause du rhum et de quelques joints qui ont tourné. — J’ai été à une foire sur la dix-huitième et à un barbecue géant à Madison Square. Et vous ? Les trois filles se lancent un regard complice avant de se tourner vers moi. — Dodo ! me répondent-elles d’une même voix. — Pour une fois qu’on a une journée off, tient bon d’ajouter Gina. Mes épaules s’affaissent. — Toute la journée ? m’étonné-je. On est à New York les filles ! Vous ne pouvez pas ne pas en profiter ! Gina hausse une épaule, Wendy prend une gorgée de son verre. — J’ai aussi téléphoné à mon copain, me dit Liz. Liz est sûrement la fille la plus calme du groupe après moi. Elle a un visage de poupée, des cheveux courts noirs, on dirait une petite fée. Sa folie, ce sont ses tatouages, elle en a plusieurs, mon préféré étant le paon qui s’étend sur quasiment tout son dos. Comme nous toutes, elle vit à Chicago, elle est fiancée, et elle doit se marier au mois de septembre. — Il est content de te voir demain ? — Il dormira sûrement quand j’arriverai ! La discussion se poursuit autour du mariage de Liz. Elle nous parle de ce qu’elle a déjà prévu et ce qu’il lui reste encore à faire. Je ne dis rien, j’écoute, mais mon cœur se serre. Avec Will aussi nous préparions notre mariage. Nous avions choisi les invitations et je travaillais activement sur la décoration, que nous voulions simple et romantique. Nous ne voulions pas d’un mariage en grande pompe, nous ne souhaitions à nos côtés que les personnes les plus chères à notre cœur. — Oh, Alex, je suis désolée, s’exclame Liz tout d’un coup. Je relève la tête de mon verre et la regarde. — Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Elle tend la main et passe un doigt sur ma joue. Je ne me suis même pas aperçu qu’une larme m’avait échappé. — Je ne voulais pas te faire de peine, je n’aurais pas dû parler de ça. Je lui attrape la main et la serre en lui adressant un sourire. — Ne t’excuse pas, ma belle. Ne t’excuse surtout pas pour ça. Je suis heureuse pour toi et tu as le droit d’être heureuse. Tu es quelqu’un de formidable alors ne fais pas attention à moi. D’accord ? Elle secoue la tête. — Je ne sais pas… te voir si triste. — Je ne suis pas triste ! je la coupe. Je vais bien. Je vais très bien. — Et même si ce n’est pas le cas, nous interrompt Gina, elle ne le sera plus très longtemps. Je tourne la tête vers elle, les yeux plissés, tout comme mes deux amies. — Qu’est-ce que tu veux dire ? demande Wendy. — Je veux dire qu’un homme, super sexy et complètement accro, vient vers nous et qu’il a les yeux braqués sur notre chère Alex. Elle nous indique une direction d’un signe de tête. Je regarde par-dessus mon épaule et vois Zack qui se dirige droit sur nous. Nos regards se connectent et l’espace d’un instant, je ne perçois plus rien de ce qui m’entoure. Les gens, le bruit, la musique[17]… tout disparaît. Il n’y a plus que lui. Il marche vers moi d’un pas assuré avec son petit sourire aux lèvres qui me nargue et semble me dire qu’il est tout à fait conscient de l’effet qu’il a sur moi. Car oui, il me fait de l’effet, et pas qu’un peu. Tout d’un coup, j’ai chaud, mes hormones sont en ébullition et des papillons élisent domicile dans mon ventre. — On peut se joindre à vous, mesdemoiselles ? demande-t-il. On ? Je détache mes yeux de lui et constate que Mike est à ses côtés. Gina et Wendy, qui sont sur une banquette, se décalent pour faire une place au batteur entre elles. Zack s’installe sur l’accoudoir de mon fauteuil. Posant son bras sur le dossier, sa main vient me caresser la nuque et je frissonne. Liz me regarde avec des yeux ronds, ce qui me fait rougir davantage. Si les filles ont suivi depuis le début notre rapprochement — merci, Gina —, je ne leur ai pas dit que j’avais passé la journée avec lui. De toute façon, je ne sais pas vraiment s’il y a quelque chose à dire. Nous nous sommes embrassés, mais je ne sais pas si ça veut dire quoi que ce soit. Pour moi ou pour lui. Est-ce que j’en attends un truc ? Je ne le sais toujours pas. Et lui ? Je le sais encore moins. Certes, il y a une certaine alchimie entre nous, une attirance indéniable, et nous nous entendons bien, mais est-ce que cela va nous mener quelque part ? Je suis perdue. Tout s’est passé tellement différemment avec William que je ne sais pas où je vais avec Zack, ni si je dois attendre quoi que ce soit de cette relation. Si relation il y a. À vingt-quatre ans, je suis complètement à côté de la plaque en matière de mec et d’amour. Jamais je n’ai dragué qui que ce soit. Avec Will, notre rapprochement s’est fait naturellement. Avec Zack, c’est bien différent. Sur tous les points. Avec lui, je ressens des choses que je n’ai jamais ressenties avec William, et ça fait vraiment très mal de le réaliser. Était-on réellement faits pour être ensemble ? Ou nous étions-nous trompés sur toute la ligne ? De toute ma vie, je n’ai aimé que lui, je n’ai connu que lui. Il a été le seul homme à me connaître et j’ai l’impression de le trahir en regardant un autre homme. Olin me répète qu’il n’aurait jamais voulu que je passe ma vie seule, qu’il aurait voulu que j’aime à nouveau… mais suis-je seulement prête à ouvrir mon cœur à un autre homme ? Je voudrais avoir une amie à qui me confier, à qui poser toutes les questions qui me passent par la tête, mais je me suis éloignée de tout le monde après sa mort. Je n’ai plus qu’Olin et je trouve étrange de lui poser ce genre de questions. Will était son frère et ils étaient très proches. Il a beau me dire de rencontrer du monde, de sortir avec des hommes… comment réagira-t-il en voyant que je mets en application ses conseils ? M’en voudra-t-il ? Je ne veux pas le perdre lui aussi, il est tout ce qu’il me reste. William est mort depuis deux ans, j’ai fait mon deuil, du moins, c’est ce que je pense, mais il me manque toujours. Il n’a pas seulement été l’homme que j’ai aimé, mon amant. Il a été bien plus que ça. Il était mon meilleur ami, mon confident, celui sur qui je pouvais me reposer en toute circonstance. Il m’encourageait, me tempérait. Il a été pendant dix-huit ans mon roc et aujourd’hui, il n’est plus là. Il ne le sera plus jamais. — Alex ? m’interpelle Gina. T’es avec nous ? — Oui, désolée, dis-je en secouant la tête. Je pose mon verre sur la table et me lève, leurs regards braqués sur moi. — Je vais aux toilettes. Zack m’attrape la main, je tourne la tête vers lui, son regard me sonde, et il semble inquiet. — Ça va ? J’avale la boule dans ma gorge et lui souris. — Très bien. Je mens. Il me relâche, je prends sur moi pour ne pas me précipiter en courant aux toilettes. Je passe la porte coulissante du bar et me dirige vers eux. Je m’engouffre rapidement à l’intérieur en refermant la porte derrière moi. Je m’approche du lavabo et pose mes mains sur le rebord tout en contemplant mon reflet. Je me trouve pâle, mais je n’ai pas le loisir de continuer mon inspection que la porte s’ouvre, me faisant sursauter. Liz entre et vient me rejoindre, elle passe un bras autour de mes épaules tout en me regardant à travers mon reflet. — Qu’est-ce qui ne va pas, ma belle ? me demande-t-elle d’une voix douce. Un sanglot m’échappe et je remarque une larme qui coule sur ma joue. Liz ne bouge pas et attend que je lui réponde. — J’ai l’impression que ce que je fais est mal. — Quoi ? Mais pourquoi dis-tu ça ? Elle se recule et me fait pivoter pour que je sois face à elle puis elle prend mes mains dans les siennes. — Je repensais à Will. Et… Je ne sais pas comment lui avouer mes pensées. Je me sens tellement minable. Comment pourrait-elle comprendre ? — Tu as l’impression de le tromper en t’intéressant à Zack ? Je hoche la tête. Liz est une fille douce, attentive et même si j’en suis surprise, elle a parfaitement cerné mon problème. — Dis-moi, Alex, si c’était toi qui étais morte, voudrais-tu que Will passe sa vie à se morfondre ? J’ai l’impression de me prendre une gifle. Comment pourrais-je vouloir une chose pareille ? — Non ! dis-je en me reculant. Jamais je n’aurais voulu ça pour lui ! — Tu aurais voulu qu’il refasse sa vie, qu’il aime à nouveau, qu’il se reconstruise. Je hoche vivement la tête. — Oui, murmuré-je. C’est la vérité, jamais je n’aurais voulu qu’il reste seul. — Et c’est ce que Will aurait souhaité pour toi. J’en suis certaine. Je fais quelques pas dans la salle d’eau avant d’aller m’asseoir sur le rebord du lavabo. — Il n’y a pas que ça. — Qu’est-ce qu’il y a alors ? — Avec Zack, c’est tellement différent. — C’est normal, ma belle… — Non, tu ne comprends pas, je la coupe. Aujourd’hui, on s’est embrassés et… je n’avais jamais ressenti autant d’émotions avec un simple baiser. Du coup, je me demande si avec Will, on n’était pas… dans le faux. Mon cœur saigne rien qu’à prononcer cette simple phrase. Liz s’approche et attrape mon visage entre ses mains. Elle essuie mes larmes avec ses pouces. — Vous vous aimiez, Alex. Ne remets pas en question votre amour. Chaque relation est différente. Avec Will, tu avais une relation exceptionnelle de ce que tu m’en as dit. Avec Zack, ce sera différent. Parce qu’il n’est pas Will et tu n’es plus la même Alex. Tu as grandi, tu as mûri et tu as tes fêlures, mais tu as un cœur qui bat Alex, et je suis certaine qu’il a envie d’aimer à nouveau. — Je ne suis pas sûre d’être prête pour ça, je lui réponds en me dégageant. Elle me sourit malicieusement avant de rétorquer : — Je suis convaincue que ton corps doit avoir beaucoup d’autres envies aussi, poursuit-elle en me faisant un clin d’œil. Depuis quand n’as-tu pas couché avec un homme juste pour prendre du bon temps ? Je sens mes joues chauffer, je dois être rouge et je baisse la tête. — Mon corps ne doit même plus savoir comment on fait, confessé-je. Ses yeux s’agrandissent sous ma révélation. — Quoi ? s’étonne-t-elle. — Tu as l’air choquée, Liz, je rétorque en haussant une épaule, mal à l’aise. — Sous mes airs timides, je suis assez dévergondée ! Comme on dit, méfie- toi de l’eau qui dort ! Je pouffe. — Donc ? reprend-elle. — Donc, il n’y a eu que Will.

8

Zack

Alex a accepté de venir à mon hôtel. Pourtant, ce n’était pas gagné étant donné l’état dans lequel elle se trouvait lorsque je l’ai rejointe au Roof. Lorsqu’elle m’a vu, il y a eu cette connexion entre nous qui s’est établie. Comme à chaque fois, elle nous engloutit et plus rien ne compte. Il n’y a plus que nous, dans notre bulle. Lorsque je suis arrivé près d’elle, elle rougissait, ça la rendait encore plus belle. Et pourtant, un peu plus tard, elle est partie dans ses pensées, elle était loin de nous tous, loin de moi. Son amie Gina l’a appelée plusieurs fois avant qu’elle ne réagisse et elle a pris la fuite. Ça m’a touché plus que ça n’aurait dû, je me suis senti mis de côté. Son autre amie — Liz, il me semble —, l’a suivie. Je me suis retrouvé comme un con à tenir la chandelle à Mike qui draguait les deux autres. En les attendant, j’ai descendu une bière et je me suis posé tout un tas de questions. Celle au sommet de la pile étant de savoir s’il y a un autre homme derrière son comportement malgré le fait qu’elle m’ait dit être seule depuis deux ans. Elle est finalement revenue. Je l’ai observée marcher en détaillant chaque courbe de sa silhouette, partant de la finesse de ses chevilles et remontant jusqu’à ses yeux. Alex est magnifique et je suis assoiffé de son corps. Il m’a suffi de la contempler pour que mes interrogations se fassent la malle. J’avais envie de dévorer ses lèvres, de retrouver leur douceur comme plus tôt dans la journée. Et plus encore. Quand elle m’a proposé de la rejoindre ce matin, j’étais avec Mike. Il s’est fait un plaisir de me chambrer en me disant qu’une femme me tenait par les couilles. Elles ont protesté — oui, mes couilles sont douées d’émotions — mais, dans ma tête, je vois les choses différemment. Alex m’a attiré à la seconde où j’ai posé les yeux sur elle. J’ai été fasciné et plus rien n’a compté si ce n’est la conquérir. Je mentirais si je disais qu’au début c’était plus que sexuel, car oui, ce jour-là, j’ai voulu la prendre de bien des manières, mais depuis, les choses ont changé. Peut-être parce qu’elle ne m’est pas tombée dans les bras comme toutes les autres. Peut-être aussi parce que j’arrive à un tournant de ma vie où j’attends autre chose, tout comme Seth. Ou peut-être est-ce simplement elle qui me donne des aspirations différentes. En tout cas, mes sentiments ont évolué bien plus que je ne l’aurais pensé, et je crois que je suis en train de tomber amoureux d’elle. Et elle est là, dans ma chambre. Mon cœur bat fort dans ma poitrine et j’ai les mains moites tellement je suis nerveux. J’ai envie de lui faire l’amour et pourtant je le redoute tout autant, j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Alex s’est postée devant la fenêtre et regarde New York qui s’étend sous ses yeux. Je vais la rejoindre, tout en restant dans son dos, et pose une main sur son ventre. Je la sens se crisper sous mes doigts, mais elle finit par se laisse aller contre moi, posant sa tête contre ma poitrine, et c’est à ce moment-là que je me rends compte que j’ai retenu mon souffle. Je plonge le nez dans ses cheveux et inspire profondément son parfum. Elle sent bon la noix de coco, c’est doux et simple, comme elle. J’aime qu’elle reste naturelle, qu’elle ne cherche pas à en faire des tonnes comme bon nombre d’autres femmes. Elle se retourne pour me faire face et passe ses bras autour de mon cou. Je baisse la tête et rencontre son regard dans lequel je peux lire une certaine attente, mais aussi de l’appréhension, ce qui me trouble. J’embrasse son front, descends sur son nez puis je capture ses lèvres. Je les butine délicatement pour savourer leur douceur, un désir fiévreux se répandant dans tout mon corps. Ma langue les caresse délicatement puis Alex approfondit notre baiser en glissant sa langue entre mes lèvres. J’explore alors sa bouche plus sauvagement, n’arrivant plus à me contenir, tandis que je pose mes mains sur ses cuisses pour la soulever. Elle enroule ses jambes autour de ma taille, mon érection se retrouve nichée contre son intimité. Je la plaque contre la vitre et appuie un peu plus mon corps contre le sien, la faisant gémir contre ma bouche. Ses seins sont plaqués contre ma poitrine, je peux sentir leurs pointes durcies à travers le tissu et son cœur battre au même rythme que le mien. Je quitte ses lèvres et descends dans son cou que je lèche, tout en remontant sur son oreille que j’attrape entre mes dents pour la mordiller, ce qui la fait gémir davantage. Elle penche la tête sur le côté pour me permettre un meilleur accès, tandis que ses mains parcourent mon dos, mes cheveux. Elle me fait frissonner et j’adore toutes ces sensations, mais j’en veux encore plus. Je pourrais la prendre ainsi, contre ce mur, mais ce n’est pas ce que je veux. Avec elle, je veux ce qu’il y a de mieux, et tout en l’embrassant, je me redresse, son corps toujours collé au mien, pour l’emmener vers mon lit. Là où je la veux pour notre première fois. Mes lèvres quittent les siennes lorsque je la pose délicatement dessus. Je prends un instant pour la contempler, mes yeux se promènent sur son corps de déesse, mais elle me ramène très vite à elle en tirant sur mon t-shirt. Je l’embrasse à nouveau avant de l’aider à me l’enlever, puis je la débarrasse du sien avant de m’attaquer à son pantalon. Elle soulève les hanches et je tire dessus avant de le balancer par terre. Il ne lui reste plus que sa lingerie en dentelle noire qui tranche merveilleusement sur sa peau laiteuse. Debout face à elle, j’avale la boule dans ma gorge en découvrant sa beauté. Mon observation commence à ses pieds puis remonte sur ses chevilles délicates. Je continue mon ascension sur ses jambes élancées, avant de river mon regard sur son mont de vénus qu’il me tarde de découvrir. Un grognement de satisfaction m’échappe, cependant contre toute attente, Alex se redresse légèrement en serrant les cuisses et ramène un bras sur sa poitrine, en rougissant. Elle baisse la tête, je ne comprends pas ce qui lui arrive, aussi je la rejoins sur le lit et m’allonge près d’elle. Je ne sais pas ce que j’ai fait de mal, mais sa détresse est palpable.

— Ne te cache pas, ma belle, lui dis-je d’une voix douce, mais rauque. Tu es sublime. Elle ne me répond pas, mais semble me croire. Elle s’appuie sur un coude et m’embrasse timidement, comme si elle voulait surpasser quelque chose qui m’échappe. Je glisse une main sur sa nuque pour la maintenir contre moi et la dévorer. Ma bouche capture les gémissements qui lui échappent, ça ne fait qu’augmenter mon désir d’elle. Je relâche sa nuque et dégage son sein droit de la dentelle tout en me détachant de ses lèvres pour le prendre dans ma bouche. Je me nourris du moindre soupir qui s’échappe des lèvres d’Alex. Je bande tellement fort que j’en ai mal. Je veux m’enfouir en elle, et plus les minutes passent et plus ça devient vital. Je glisse une main dans sa culotte, son sexe est trempé, ce qui envoie immédiatement un pic de plaisir au creux de mes reins. Délicatement, j’écarte ses lèvres et enfonce deux doigts en elle tout en massant son bouton du pouce. Elle ferme les yeux et savoure ce moment, son corps ondule doucement contre ma main et accompagne mes mouvements alors que son sexe commence à se contracter sur mes doigts. J’enlève ma main, ce qui lui arrache une plainte de frustration, puis la débarrasse de ses sous-vêtements. Je souris en lui faisant un clin d’œil et me relève pour enlever le reste de mes vêtements. Je prends mon temps, j’en profite pour admirer encore une fois son corps. Elle aussi scrute le mien et j’aime sentir son regard sur moi, j’aime savoir que c’est moi qui la mets dans cet état pantelant. Ses yeux s’attardent un instant sur mon sexe dressé pour elle et elle rougit, ce qui réveille une certaine fierté toute masculine en moi. J’aime qu’elle apprécie ce qu’elle voit. Une fois nu, je me dirige vers la table de chevet et en sors un préservatif. Je retourne face au lit tandis qu’Alex suit le moindre de mes gestes. D’une main, j’attrape mon sexe et me branle doucement en la fixant. Ses yeux sont fixés sur mon membre et elle se mord la lèvre. Lorsque son regard retrouve le mien, ses joues rougissent de nouveau. Je pose le préservatif sur le lit et m’installe à genoux dessus. Tout en la fixant dans les yeux, j’écarte ses cuisses qui m’offrent une légère résistance. — Je veux te goûter, ma belle, je lui annonce. Je la vois déglutir tout en s’abandonnant à moi pour mon plus grand plaisir. Je me rapproche et me penche sur elle, mes mains remontent sur son corps que je sens tendu sous mes doigts. Je ne veux pas qu’elle ait peur avec moi, je veux qu’elle me fasse confiance. Je ne ferais jamais quoi que ce soit qui la mette mal à l’aise, et si ce soir, elle préfère arrêter, alors c’est ce que l’on fera. Je ne veux pas qu’elle se force. — Si tu ne veux pas aller plus loin ma belle… — Si ! me coupe-t-elle presque désespérément. J’en ai envie ! Elle baisse la tête. — C’est juste que ça fait longtemps, reprend-elle. J’ai l’impression qu’elle s’excuse, mais elle n’a pas à le faire. — Tu n’as pas à t’en vouloir pour ça. Personne ne doit se forcer à faire l’amour. Je veux juste être certain que c’est ce que tu veux. Elle redresse la tête et plonge son regard dans le mien. Je peux y lire tout le désir qu’elle a pour moi, mais aussi, je n’y décèle aucun doute et ça me rassure.

— Oui, c’est ce que je veux. Sa voix n’a pas tremblé, elle est assurée et rendue rauque par le désir. Une chaleur envahit ma poitrine et fait battre mon cœur un peu plus vite. Je me penche sur elle et l’embrasse ardemment. Notre baiser s’éternise, nous enivrant pendant de longues secondes. Je me détache de ses lèvres, le souffle court et mon sexe lourd et palpitant, puis me penche sur son cou pour y semer une nuée de baisers tout en descendant le long de son corps qui tremble sous mon assaut. Son souffle se fait plus haché alors que j’atteins son paradis. Tout en embrassant tendrement son intimité, je relève les yeux vers son visage. Ses yeux mi-clos sont braqués sur moi, dans l’attente du plaisir que je m’apprête à lui donner. Ma langue vient alors se glisser entre ses plis et je découvre enfin sa saveur sans la quitter des yeux. Ma belle rejette la tête en arrière, ses mains agrippant le drap. Ma langue agace son sexe, titille son bouton. Je me repais des gémissements qui lui échappent, mon sexe toujours plus lourd ne demandant qu’à pénétrer son fourreau. Ma bouche, mon corps, tout mon être est avide d’elle. Elle se laisse totalement aller entre mes mains et ma bouche experte. Ses hanches viennent à ma rencontre alors que ma langue plonge dans son antre. Lorsque j’insère deux doigts en elle, je sens ses parois intimes se resserrer autour de moi, son corps tremble, puis ses cuisses enserrent mon visage quand la jouissance la surprend et elle murmure mon nom en haletant. Moi, je suis fébrile. C’est indescriptible ce que je ressens. J’embrasse ses cuisses et me redresse. Alex est encore pantelante de son plaisir, son visage affiche un sourire ravi, ses joues sont rosies. Elle est tout simplement magnifique. À genoux sur le lit, j’attrape le préservatif, en déchire l’emballage, puis le déroule sur mon sexe. Elle ne rate rien de mes gestes malgré sa timidité évidente. Je me penche sur elle et embrasse sa cheville, son mollet, sa cuisse. Tout doucement, je remonte son corps jusqu’à gagner ses lèvres. Mon sexe pulse contre son intimité tandis que je m’empare de sa bouche, doucement, tendrement. Nos langues jouent langoureusement ensemble alors qu’elle enroule ses jambes autour de ma taille, et d’une puissante poussée, je la pénètre. Elle relâche mes lèvres et sa bouche s’ouvre dans un cri silencieux. Je plonge la tête dans son cou et savoure les sensations que je ressens. C’est démentiel d’être en elle. C’est peut-être couillon de dire ça, mais jamais je ne me suis senti aussi bien dans le sexe d’une femme. Nos poitrines collées, je sens son cœur battre aussi fort que le mien. Ils battent en harmonie, comme s’ils étaient connectés, réglés sur la même fréquence. Elle passe une main dans mon dos, je frissonne. Je relève la tête et retiens les paroles qui ont failli m’échapper. À la place, je l’embrasse et je mets dans ce baiser toute mon âme, tout mon cœur et toutes les émotions qui me submergent. Je commence un lent va-et-vient, je veux faire durer notre première fois aussi longtemps que possible. J’attends ce moment depuis un petit bout de temps et finalement je ne regrette pas. C’est encore meilleur. Je veux laisser mon empreinte dans son âme et dans son corps. Une empreinte indélébile qui lui fera comprendre qu’elle est à moi, et je veux qu’elle comprenne que moi aussi, je suis à elle. Je vais et viens en elle, son sexe se contracte de plus en plus autour de moi. Nos corps sont recouverts d’une fine couche de sueur. Je continue de l’embrasser, de la lécher, de la mordiller. Aucun de nous ne parle, tout passe par les regards, les gestes, les soupirs. Et c’est bien plus fort que tous les mots que nous aurions pu prononcer. Peu à peu, j’accélère la cadence dans un ballet sensuel qui décuple nos sensations. Son sexe se contracte plus fort jusqu’à me serrer tel un étau. Elle crie mon nom en enfonçant ses ongles dans mon dos. J’aime qu’elle me marque ainsi et lorsque je me laisse aller à mon tour, je la presse encore plus contre moi, son nom sur mes lèvres. Un puissant orgasme me submerge, bien plus intense et vif que tout ce que j’ai connu jusque-là. Je m’effondre sur elle, le cœur palpitant. Nos corps tremblent et peinent à se remettre de la puissance de notre jouissance. Je me décale et me laisse tomber sur le côté puis l’attire à moi pour la serrer dans mes bras et déposer un baiser sur sa tempe. Je peine à respirer et je suis en sueur, mais putain qu’est-ce que c’était bon ! Je ferme les yeux un instant pour tenter de me remettre de mes émotions. — Excuse-moi, dis-je au bout d’un moment. Il faut que j’aille à la salle de bain. Elle se décale et je me dépêche d’aller me débarrasser du préservatif. Je me lave les mains et reviens rapidement dans le lit. Je l’attire à nouveau à moi et savoure sa présence tout en fermant les yeux. Je suis bien. Je suis détendu. Et mon cœur bat à un nouveau rythme. Je ne crois plus être amoureux. J’en suis certain.

9

Zack

Je me réveille en sursaut, un mauvais pressentiment me tenaillant. Les lumières de la ville éclairent faiblement la chambre, lui donnant un côté lugubre. Je tourne la tête vers la place à côté de moi et constate qu’elle est vide. Une drôle de sensation prend vie dans mon ventre et mon cœur s’enflamme sous la peur que je ressens. Je me lève d’un bond et vois ses vêtements encore par terre. Une part de moi est rassurée, elle n’est pas partie et en tendant l’oreille, j’entends l’eau couler. J’attrape mon portable pour regarder l’heure tout en fronçant les sourcils, il est un peu plus de trois heures. Elle compte peut-être partir finalement ? Je décide de tirer cela au clair. Il n’est pas question qu’elle se barre comme ça ! J’enfile un boxer puis me dirige vers la salle de bain. J’ouvre la porte et constate que la pièce est pleine de vapeur, du coup, je me demande depuis combien de temps elle est là-dedans. Je pénètre à l’intérieur tout en regardant à travers la vitre de la douche. Alex est recroquevillée par terre. Merde ! Qu’est-ce qui se passe ? La peur me prend aux tripes tandis que je me précipite sur elle. — Alex ! l’interpellé-je en coupant l’eau. Elle ne réagit pas. Je m’agenouille face à elle en caressant ses cheveux. Elle bouge légèrement et finit par relever la tête. Ses yeux sont rougis et quelques larmes s’en échappent encore. Ça me fait mal au cœur de la voir ainsi. Je ne supporte pas de voir une femme pleurer, j’ai trop souvent vécu cela, enfant. — Alex, bébé, qu’est-ce qui t’arrive ? lui demandé-je d’une voix douce. Je suis tendu, stressé, j’ai peur et j’appréhende sa réponse. Je ne veux pas qu’elle regrette ce qu’il s’est passé entre nous. Elle ne me répond pas mais tremble, alors je l’aide à se relever puis attrape une serviette. Je l’enroule dedans et la prends dans mes bras avant de la ramener dans la chambre où je l’installe sur mes genoux, sur le lit, tout en la frottant pour la sécher. — Je suis là, ma puce. Ça va aller. Je dépose des baisers sur ses cheveux humides. Je veux la rassurer, lui montrer que je suis là pour elle, et que je ne compte pas partir. — Parle-moi, ma puce, chuchoté-je à son oreille. Dis-moi ce qui t’arrive que je puisse t’aider. Elle niche sa tête dans mon cou et inspire profondément. — Je suis désolée, finit-elle par dire entre deux sanglots. Je retiens le soupir de soulagement qui tente de franchir mes lèvres en entendant le son de sa voix. — Pourquoi es-tu désolée ? je lui demande d’une voix douce. Elle secoue légèrement la tête. — C’est le bordel dans ma tête. Tu vas me prendre pour une folle. Je prends son visage d’une main pour l’obliger à me regarder. Ses yeux brillent, elle est désemparée et sa fragilité me percute de plein fouet. — Jamais. Tu m’entends ? Jamais je ne penserais ça de toi. Maintenant, dis- moi ce qu’il s’est passé. Pourquoi t’es-tu réveillée ? Elle étouffe un nouveau sanglot. — C’est… c’est à cause de Will. Je me tends en entendant cela. La jalousie gagne mon cœur, je ne comprends pas. J’ai l’impression de me prendre un coup en plein plexus solaire. Qui est-ce ? Pourquoi un autre homme vient-il s’immiscer dans ses pensées alors qu’elle est avec moi ? — Ce n’est pas ce que tu crois, ajoute-t-elle rapidement ayant certainement perçu la tension de mon corps. — Alors, explique-moi, la supplié-je. Elle me regarde tristement, ça me fout les boules. Je suis persuadé qu’elle regrette ce qu’il s’est passé, alors j’essaie de bloquer mes sentiments. J’ai trop peur qu’elle me le balance à la figure, et que ça ne me brise. — Cette nuit avec toi a été merveilleuse… Merci, mon Dieu ! — Depuis que je t’ai rencontré, je suis vraiment perdue. Ça peut paraître bête, mais tu me fais ressentir tellement de choses. C’est loin d’être stupide, je ne suis pas dans un meilleur état qu’elle, mais je ne dis rien, je ne veux pas l’interrompre. — Tu es… Elle s’interrompt et baisse la tête, malmenant ses doigts entre eux tellement elle est stressée. — Tu es le deuxième homme avec qui je couche, m’avoue-t-elle. Avant toi, il n’y a eu que Will. C’était mon fiancé. Nouveau coup dans la poitrine. Son fiancé ? — On devait se marier l’année dernière. Au printemps. J’encaisse. C’est difficile, et complètement inattendu, mais c’est ce que je fais, j’encaisse, car je ne peux rien faire d’autre. Alex se passe une main sur le visage pour essuyer ses larmes, tandis que mon cœur se fissure un peu plus en comprenant qu’elle en aime un autre. Elle prend une profonde inspiration avant de reprendre. — Un jour, en rentrant du travail, il a eu un accident... un poids lourd est rentré dans sa voiture. Le conducteur était bourré… William est mort sur le coup. On m’a dit qu’il n’avait pas souffert. Je ferme les yeux tout en la rapprochant de moi pour la serrer dans mes bras. Elle se laisse faire un instant et s’écarte pour plonger son regard dans le mien. — Je veux que tu saches que je ne regrette rien de ce qu’il s’est passé entre nous, mais je dois t’avouer que ça m’a mis un gros coup au moral quand je me suis réveillée. Je me doute qu’une part d’elle aime toujours ce Will et l’aimera toujours. Je ne lui en veux pas, c’est normal, elle chérit son souvenir. Mais, je ne suis pas certain de faire le poids face à lui, on ne peut pas rivaliser avec un mort. — Pourquoi ? je lui demande tout de même. — Parce que c’est une des plus belles nuits de ma vie. Elle porte une main à mon visage, et j’appuie un peu plus ma joue. Peut- être qu’en recherchant ce contact, je me fais du mal pour rien, tout va peut-être s’arrêter dans quelques secondes, mais je veux profiter de ce qu’elle a à m’offrir jusqu’au bout, même la plus petite miette. — Depuis que je t’ai rencontré, j’ai l’impression d’être passée à côté de plein de choses… et je m’en veux de penser ça. Parce que j’ai aimé Will et une part de moi sera toujours à lui... Et je veux être honnête avec toi, mais... avec toi, tout est différent. Elle dépose un rapide baiser sur mes lèvres. — Tout ce que je ressens avec toi est tellement plus fort. Elle fond en larmes et prend son visage entre ses mains. — Je m’en veux tellement de ressentir tout ça, si tu savais. J’ai des pensées que je ne devrais pas avoir. Dans un certain sens, ses paroles me ravissent, car elles me redonnent espoir. L’espoir d’un nous, même si ce ne sera sûrement pas facile. — Regarde-moi, ma belle, lui demandé-je en retirant ses mains. Tu aimais Will et il t’a été arraché d’une horrible manière, c’est dur de refaire sa vie après un tel drame, mais je suis persuadé qu’il aurait voulu que tu sois heureuse. — C’est ce que tout le monde me répète, me répond-elle en hochant la tête. Je la fais s’allonger dans le lit. Nous sommes face à face, j’entrelace nos doigts ensemble et les embrasse. Je n’aurais jamais pensé faire cela un jour, pourtant avec elle je le fais. Je veux connaître son histoire et Will en fait partie. Alors, je lui demande de me raconter et elle le fait. Leur rencontre à l’école, leur amitié et comment l’amour est né entre eux. Je refrène la part de jalousie en moi, Will a eu la chance de passer dix-huit ans de sa vie auprès d’elle, il l’a rendue heureuse, et elle a peur de l’oublier. Elle a l’impression de lui être infidèle, de le trahir, dans un certain sens. Elle culpabilise de se laisser vivre de nouveau et j’espère qu’elle arrivera à surpasser ce sentiment, car je ne suis pas certain d’être capable de tirer un trait sur elle. Alex prend ma main pour la déposer sur le bas de son ventre, sur le tatouage qu’elle arbore. — Chez nous, au Japon, le papillon est un symbole qui représente la vie après la mort. Certains pensent que c’est un transporteur d’âme… je l’ai fait faire pour lui. Je trouve son geste magnifique, il montre à quel point elle l’aimait et combien il lui manque. Elle m’avoue aussi que je lui fais ressentir des choses qu’elle n’avait jamais éprouvées avec lui. Et elle s’en veut de penser qu’elle s’était peut-être trompée avec lui pendant toutes ces années, car elle n’a jamais ressenti la connexion que nous avons. — Il n’y a pas de comparaison à faire, ma puce. Chaque histoire est différente. Elle continue de me parler de lui, je suis jaloux de l’amour qu’elle lui a porté et me demande si un jour, elle ressentira la même chose pour moi. Elle finit par s’endormir, la tête au creux de mon épaule, et je la serre dans mes bras. Je voudrais rester ainsi et la garder près de moi, mais lorsque l’on se réveillera, la vie reprendra et cette parenthèse prendra fin. En attendant, je savoure sa présence, sa peau contre la mienne et son souffle qui vient caresser ma poitrine.

10

Alex

Un bruit récurrent résonne dans ma tête. Ça s’arrête, puis ça recommence, c’est agaçant. C’est comme… — Coupe-moi ça ! grogne une voix endormie à côté de moi. Dans un sursaut, j’ouvre les yeux en grand. Je suis dans le lit de Zack et c’est mon téléphone qui sonne. Merde ! Je balance le drap et me précipite en dehors du lit. J’atterris à genoux par terre, là où se trouve mon pantalon et en fouille la poche jusqu’à dénicher mon portable. J’ai quatre appels en absence de Gina. Je n’ai pas le temps d’appuyer sur la touche rappel que déjà il sonne de nouveau et je décroche. — T’es où, bordel ? me crie-t-elle dans l’oreille, me faisant tressaillir. On part dans une heure ! — Oh merde ! J’arrive ! Sans aucune forme de politesse, je lui raccroche au nez puis m’active dans tous les sens pour retrouver mes affaires. Zack les a balancées un peu partout dans la chambre, ce qui me fait grogner. Une fois le tout entre mes mains, je me précipite vers la salle de bain. J’ouvre la porte comme une furie et gémis de douleur lorsque je me cogne le petit doigt de pied dans le chambranle en voulant pénétrer à l’intérieur. — Putain de bordel de merde ! m’écrié-je un peu trop fort. J’attrape mon pied en grognant et sautillant. Un gloussement me répond. Je regarde en direction du lit et fusille du regard l’homme qui s’y trouve. Zack est allongé sur le ventre, la tête sous l’oreiller et le drap lui recouvre à peine les fesses, me laissant ainsi tout le loisir d’observer son dos musclé. Merci la compassion ! Je ne fais pas de commentaire et vais prendre une douche. Je n’ai pas de temps à perdre et en cinq minutes, je suis propre. Je me sèche et m’habille tout aussi vite. Une fois devant le lavabo, je regarde autour de la vasque. J’ai besoin de me laver les dents, mais je n’ai rien. Je repère la brosse à dents de Zack qui me fait de l’œil. J’hésite un court instant avant de m’en saisir, ainsi que de son dentifrice, puis frotte activement. Une fois prête, je retourne dans la chambre, attrape mon téléphone et commande un Uber. — On peut savoir ce qu’il t’arrive ? me demande Zack, la voix encore ensommeillée. Je tourne la tête vers lui. Il s’est retourné et se tient en appui sur ses coudes, le drap laissant apparaître son alléchant V, je constate aussi le renflement sous le drap — alléchant lui aussi. Je me mords la lèvre et réprime le désir qui commence à naître au creux de mon ventre. — Le bus va partir, faut que je file ! — Viens là, demande-t-il en tendant une main. Je souffle en levant les yeux au ciel pour la forme, mais je ne peux résister à l’envie de l’embrasser une dernière fois et vais donc le rejoindre en vitesse. Je me penche pour l’enlacer quand il m’attrape le bras et me fait basculer sur le lit. En moins de deux, il me surplombe, et mes yeux glissent sur son corps entièrement nu avant de remonter vivement sur son visage qui affiche un petit sourire coquin au coin des lèvres. Lui est loin d’être gêné contrairement à moi. Surprise en flagrant délit de matage ! Je dois être rouge comme une tomate. Zack se penche et m’embrasse tendrement tout en se nichant entre mes cuisses pour se frotter contre mon intimité. Son sexe lourd et gonflé enflamme mon envie de lui. Punaise pourquoi je n’ai pas plus de temps ? Je le repousse légèrement. — Je dois vraiment partir, lui dis-je. — Tu peux rentrer avec moi, contre-t-il. La proposition est tentante, mais je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure chose à faire. — Je ne crois pas. Je le pousse un peu plus fort, il se dégage et se laisse tomber sur le lit. J’en profite pour me lever en lui adressant un dernier regard. Il est magnifique, ainsi allongé sur le lit, en aucun cas gêné par sa nudité. J’aimerais être aussi à l’aise avec mon corps, c’est loin d’être le cas. J’attrape mon sac puis me dirige vers la porte sinon je sens que mes résolutions vont se faire la malle. — On se revoit quand ? me demande-t-il alors que j’ouvre cette dernière. Je hausse une épaule. — Au prochain concert ? — Je ne crois pas, rétorque-t-il avec un petit sourire. Je lui fais un clin d’œil et sors en claquant la porte. J’appelle l’ascenseur et m’y engouffre aussitôt que les portes s’ouvrent. Dehors, mon chauffeur m’attend déjà. — Bonjourrr Alexandrrra., me salue-t-il. Je suis Dimitrrri. Oh la vache ! Je refrène la grimace qui pointe. Son accent russe est à couper au couteau et m’arrache un frisson. — Bonjour, je réponds d’une petite voix en m’installant à l’arrière. — Il y a de la place devant, poursuit-il. L’arrière, c’est bien aussi. — Oh euh… la prochaine fois ! Il démarre immédiatement. D’habitude, ça ne me dérange pas de discuter avec les chauffeurs, mais là, je flippe un peu. Le gars est une véritable armoire à glace. À moitié voûté sur son siège, ses cheveux d’un blond très clair touchent le plafond et ses larges épaules ont du mal à se carrer dans son siège, qui pour le coup, est vraiment trop petit pour un homme de sa carrure. L’ambiance dans la voiture est assez austère, il n’y a même pas de musique pour me détendre. Mon regard se promène partout. Le véhicule est très propre, il y a même une boîte de mouchoirs sur la plage arrière, des petits sacs à vomis dans les rangements des sièges. Je souris en pensant qu’il y a du vécu derrière cette délicate attention pour ses passagers, cependant, mon regard qui tombe sur le chapelet accroché au rétroviseur me coupe toute envie de plaisanter, et je me fais toute petite sur la banquette. Tout en le surveillant du coin de l’œil — on ne sait jamais, ce type fait peut- être partie de la mafia russe et a peut-être dans l’idée de m’enlever — mes pensées prennent la direction de la nuit que je viens de passer avec Zack. J’ai accepté de le suivre et nous avons fait l’amour. Ça a été magique. Il n’y avait plus que lui et moi. Je me suis endormie dans ses bras, j’étais vraiment bien. Puis je me suis réveillée, car j’ai eu envie d’aller aux toilettes et là, tout a basculé. Will s’est immiscé dans mes pensées et j’ai paniqué. J’ai eu l’impression de le trahir, de l’oublier. Zack m’a trouvée alors que j’étais dans un brouillard total et il m’a ramenée vers lui. Nous avons ensuite parlé — surtout moi —, et je lui ai raconté mon histoire. Je me suis confiée sur mon passé, ça a été étrange. Et difficile. Mais Zack m’a rassurée, il m’a dit que nous n’étions pas pressés et que nous avions tout le temps devant nous. La douceur de sa voix, la teneur de ses paroles et l’intensité de son regard m’ont fait comprendre qu’il ne plaisantait pas. Si je me suis laissée tenter par une nuit sans lendemain, j’ai compris que ce n’était pas son cas. Le problème est que je ne suis pas certaine d’être prête pour une nouvelle histoire. Pourtant, au fond de moi, j’en ai envie. Et si je doutais encore de ses paroles lorsque Gina m’a réveillée, la déception dans ses yeux à mon départ m’a ébranlée. Il peut arriver à chacun de prononcer des paroles réconfortantes face à une personne en profonde détresse, mais avec Zack, il n’y a pas de faux semblant. Chaque parole qu’il prononce, il la pense. Je ne sais pas où je vais, ni où nous allons, et encore moins s’il y a un « nous ». Je n’arrive pas à m’imaginer dans une nouvelle relation pourtant, lorsqu’il m’a demandé quand nous nous reverrons, une chaleur s’est répandue dans mon cœur. Parce que j’en ai envie aussi, mais j’ai peur que lorsque ça se terminera, je souffre de nouveau. — On arrrive, mademoiselle. La voiture ralentit puis mon chauffeur me dépose près du tour-bus. Gina est sur le trottoir en train de fumer une cigarette avec Jeff. — Bah alors, Sunshine ! On a failli partir sans toi ! plaisante-t-il. Je lève les yeux au ciel en entendant mon surnom que je dois à mes origines japonaises. — T’aurais été content ! je rétorque en souriant. — Moi ? Non, ça m’aurait brisé le cœur ! Il écrase son mégot puis monte dans le bus. — Alors ? Raconte ! s’impatiente Gina. Elle me tire le bras pour que je vienne plus près d’elle. Je glousse devant tant d’impatience et appuie une épaule contre le véhicule. — Alors quoi ? demandé-je, l’air de ne pas comprendre où elle veut en venir. — Quoi ? Tu ne vas rien raconter à ta super copine ? s’horrifie-t-elle. Elle me fait les gros yeux, mais c’est ainsi, je ne suis pas du style à m’épandre sur ce genre de choses. C’est mon jardin secret. — Eh non ! soupiré-je. J’ai passé une bonne soirée. — Et c’est tout ? — C’est tout ce que tu sauras.

11

Alex

Je suis encore en train de penser à lui alors que je devrais me concentrer sur le repas que je suis en train de préparer. Depuis que j’ai cédé et que je lui ai donné mon numéro de téléphone, il n’y a pas un jour où nous n’échangeons pas de messages. Jusqu’à présent, je gérais, mais depuis que les choses ont évolué entre nous, je ne sais plus où j’en suis. C’est une véritable torture. J’ai vraiment envie d’aller plus loin avec lui, mais mon passé me retient toujours, tout comme le souvenir de William me hante. J’ai peur de l’oublier si je me laisse aller à aimer un autre homme, et je n’en ai pas envie. J’ai tellement souffert lorsque je l’ai perdu… c’est une partie de moi que l’on m’a arrachée, un bout de mon cœur… et il en possédait une immense partie. La vie est tellement fragile… elle n’en est que plus précieuse. Elle peut nous être enlevée tellement vite. Après sa mort, j’étais une loque. Je n’arrivais plus à rien, je passais mon temps à pleurer. Je ne sortais plus, je ne voulais plus voir personne, je refusais les jobs pour lesquels on m’appelait. Je n’ai jamais eu des quantités d’amis, le seul qui comptait, c’était lui. À sa mort, je me suis éloignée de tout le monde et ceux qui se disaient mes amis n’ont pas cherché plus loin. Au début, il y avait des appels, des messages sur le répondeur. Je n’avais pas la force d’y répondre, je n’avais pas envie de parler, pas envie de les entendre me raconter leur vie qui continuait. Je ne leur en veux pas. Ainsi est la vie. Pour moi, la mienne s’était arrêtée en même temps que la sienne. Je me couchais seule dans un lit froid où son odeur disparaissait un peu plus chaque jour. Je pleurais puis je me réveillais le lendemain aussi épuisée que lorsque je m’étais allongée. Et encore, ça, c’était quand j’arrivais à dormir. Lorsqu’on a passé des années avec la même personne, qu’on a vécu avec… c’est difficile de continuer. On sait que plus rien ne sera comme avant, mais c’est compliqué de l’accepter. Ma vie à ses côtés était toute tracée et son fil a été rompu brutalement, alors qu’il était si jeune. J’aurais aimé ce matin-là lui dire encore une fois à quel point je l’aimais, à quel point il comptait pour moi, mais on ne sait jamais quand la fin arrive. J’en ai voulu au destin de se jouer ainsi de nous. Il avait mis sur ma route la plus belle personne que j’ai connue, que j’ai aimée et il me l’avait reprise. Je me suis souvent demandé comment continuer à vivre sans lui. Nous avions toujours été « nous » et il fallait que je sois « moi ». Seule, sans lui. Au bout de deux mois comme cela, mes parents ont tiré la sonnette d’alarme, et ils m’ont obligée à venir vivre chez eux. Ma mère avait besoin de prendre soin de moi, elle ne supportait plus de me voir dépérir. Je répondais à peine au téléphone et de toute façon, une mère sait quand sa fille ne va pas bien. Ça a été un autre coup dur de quitter notre appartement. J’y avais mes souvenirs avec lui. Être chez mes parents, c’était… comme être dans un épais brouillard. Je ressassais encore et encore toute ma vie avec Will. Tous les moments que nous avions eus, nos jeux quand nous étions enfants, les secrets que nous avions partagés, notre premier baiser. La première fois que nous avons fait l’amour. Nous étions gênés et maladroits… mais ça reste tout de même un très beau souvenir. Et toutes les autres fois… Et puis, il y a eu le jour de trop. Le jour où ma mère n’a plus accepté de me voir ainsi. Presque un an s’était écoulé depuis la mort de mon amour. Jamais je ne l’avais vue s’énerver de cette manière. Ça a été une sorte d’électrochoc pour moi. Ça m’a fait réagir et j’ai compris que mes parents souffraient aussi. Il n’y a pas de temps défini pour faire son deuil, mais il y a un moment où l’on accepte. On accepte que l’autre nous ait quitté, qu’il ne reviendra pas, mais que malgré tout le manque que l’on ressent, la vie continue. On accepte de refermer le livre de cette belle histoire, de faire un trait sur les projets que l’on avait fondés ensemble. Car il n’y a rien d’autre à faire. Il ne reviendra pas. Jamais. Les gens nous disent que le temps apaise les souffrances, on finit par se rendre compte qu’effectivement c’est ce qu’il se passe. J’ai entamé une thérapie et ça m’a fait du bien. Doucement, à mon rythme, j’ai remonté la pente. Je ne suis pas la seule à vivre cela après tout, et la vie continue pour moi. Désormais, je vais mieux. Aujourd’hui, je recommence une vie loin de New York et de Phoenix, là où j’ai passé plusieurs mois chez mes parents qui s’y sont installés depuis leur retraite. J’ai décidé de venir à Chicago parce qu’Olin me l’a proposé. Il m’a accueillie chez lui, m’a énormément aidée, notamment à retrouver du travail, et j’ai repris pied avec la réalité. Et puis maintenant il y a Zack. Zack qui me fait à nouveau ressentir des choses. Zack qui fait naître des envies en moi. Il me sort de ma zone de confort, il me fait rire et c’est quelque chose qui n’était pas arrivée depuis un moment. J’ai l’impression qu’il me rend heureuse, le monde est moins sombre lorsqu’il est là. Je me sens bien en sa présence, mais par moments, je me sens mal, car William ne sera plus jamais heureux, et j’ai l’impression de le trahir parce que j’ai envie d’être heureuse à nouveau. — Alex ? La voix de mon beau-frère me fait réagir. Je tourne la tête dans sa direction et le contemple. Se tenant dans l’embrasure de la porte, il me scrute, un pli soucieux lui barrant le front, signe qu’il est inquiet. — Oui ? je lui réponds en souriant. — Ça va ? — Très bien. Il hoche la tête au moment où mon téléphone vibre sur la table, attirant mon regard. Zack ? Aussitôt cette pensée traverse mon esprit, aussitôt mon cœur s’emballe et j’ai des papillons qui prennent d’assaut mon ventre. C’est rafraîchissant de ressentir tout ça à nouveau. — Tu reçois beaucoup de messages, remarque-t-il. Je suis certaine de rougir. Je le vois pencher la tête, ses yeux se plissent et me considèrent, tandis que ses lèvres arborent un petit sourire en coin. — Raconte ! Je glousse. C’est hallucinant comme il aime les potins. — Il n’y a rien à dire, je me défends en lui tournant le dos. Et aussi, j’ai peur de sa réaction si je lui parle de Zack. — Pas de ça avec moi ! Je suis persuadé que t’as rencontré quelqu’un ! Je ne réponds pas. À la place, j’attrape un couteau et ouvre le four pour vérifier la cuisson de mon pain de viande. — Encore dix minutes, dis-je pour moi-même. Je referme la porte et pose mon couvert sur le plan de travail. Un cri m’échappe en sursautant au moment où je sens une douleur cuisante sur mes fesses. Je me retourne d’un bond et fusille l’auteur des faits du regard. — Toi ! hurlé-je en pointant un doigt accusateur vers lui. Il rigole et déjà je le vois préparer à nouveau son torchon. Parce que c’est ce qu’il vient de se passer, il m’a fouettée avec et visiblement, il compte bien recommencer. — Raconte où je t’en remets un coup ! me menace-t-il. — Tu n’oseras pas ! Il me fait un clin d’œil. — On parie ? Un duel commence entre nous. J’essaie de retenir mon rire en me mordant les joues, mais c’est difficile. On tourne autour de la table et Olin fait tournoyer son linge entre ses mains. Je ne tiens plus et pouffe. — Je le connais ? demande-t-il. — Je n’en sais rien. Un grand sourire illumine son visage. Merde ! Je viens de lui confirmer ce qu’il pensait. Je réagis au quart de tour quand il bondit en avant, mais alors que je pense qu’il va m’attraper, il s’empare de mon téléphone resté sur le plan de travail. — Non ! hurlé-je. Rends-le-moi ! Je me précipite sur lui pour essayer de le lui reprendre, mais il est plus grand que moi et lève le bras en l’air. Ni une ni deux, je lui saute sur le dos et tente de le lui arracher, cependant c’est peine perdue, il se défend le bougre ! Je finis par me détacher de lui et capitule. — Bon d’accord, je souffle. Il me tend mon téléphone, je m’en saisis du bout des doigts, mortifiée d’avoir été ainsi mise au pied du mur. Le four sonne et me laisse encore un temps de répit. Je l’éteins puis sors le plat que je pose sur les plaques. Une délicieuse odeur flotte dans l’air et m’ouvre l’appétit. Olin prend une bouteille de vin blanc dans le réfrigérateur, puis farfouille dans un tiroir à la recherche de l’ouvre-bouteille. Je m’occupe de la purée. Je n’ai toujours pas lu le message de Zack, mais je sais que c’est lui, car j’ai tout de même pris le temps de regarder l’expéditeur. Je n’ai pas pu m’en empêcher. Du coin de l’œil, je vois mon beau-frère sortir de la cuisine. Je coupe le feu sous ma casserole au moment où je le vois revenir avec deux verres. Je m’appuie contre le plan de travail tout en le regardant faire le service. Il m’en tend un puis lève le sien, j’en fais autant même si je n’en comprends pas la raison, puis nous entrechoquons nos verres avant d’en prendre une gorgée. Je ferme un instant les yeux et le garde en bouche, laissant ainsi les saveurs se développer. D’une texture grasse aux arômes fruités légèrement acides, avec un léger trait d’épices, le vin est d’une agréable fraîcheur. — Bon alors, tu racontes ? Olin l’impatient ! J’avale ma gorgée puis ouvre les yeux, le nez baissé sur mon verre. C’est dingue comme ce que je m’apprête à faire est flippant. Jamais je n’aurais pensé avoir ce genre de discussion avec lui. Bon, OK, je le considère comme un ami, mais je pense que dans mon cœur, il restera toujours mon beau-frère. Je sais que ce dernier point n’est plus vraiment d’actualité, mais c’est ainsi. Et c’est vachement gênant ! — Je suis ton ami, Alex. Tu peux tout me dire. Tu le sais ? Je pousse un profond soupir. — Non, je ne le sais pas ! Parce que franchement, je trouve ça vraiment bizarre de parler de ça avec toi ! Oh, mon Dieu ! Ça fait du bien de le dire. Olin me regarde avec une moue perplexe. — En quoi c’est bizarre ? — Tu le sais très bien ! Il pose son verre sur le bar et s’approche. Il place ensuite ses mains sur mes épaules puis les presse doucement, en me regardant le plus sérieusement du monde. — Alex, soupire-t-il. Je me doute que tu crois que, parce que je suis le frère de Will, je pourrais penser que tu trahis mon frère si tu refaisais ta vie. J’acquiesce. D’un, c’est vrai. Et de deux, même sans lui, j’ai cette impression. Plus les jours passent, plus les souvenirs s’effacent. Son visage est toujours présent, mais par moment, j’ai du mal à me rappeler sa voix, son rire. Des choses simples, mais qui ont tellement d’importance pour moi. Plus le temps s’écoule et plus il s’éloigne de moi. Mais je vais mieux, j’ai appris à vivre sans lui. Le quotidien fait son œuvre et la douleur est chaque jour un peu moins forte. J’en ai voulu au monde entier de me l’avoir pris, mais après avoir ressassé pendant des semaines tout cela, je remercie le destin de l’avoir mis sur mon chemin. Pendant longtemps, j’ai été au bord du précipice, mais il sera toujours dans mon cœur, alors je mets ma rancœur de côté. — Mais, c’est faux ! continue-t-il en haussant le ton. Personne ne t’en voudra jamais ! C’est même tout ce que l’on te souhaite ! On veut tous que tu sois heureuse. Ma gorge se serre et une larme m’échappe. Olin me prend dans ses bras en me frottant le dos. J’ai tellement de chance de l’avoir dans ma vie. — Comment tu fais ? je lui demande quand il me relâche. Il s’éloigne en prenant son verre avant d’en boire une gorgée. Son regard se perd ensuite dans la contemplation du liquide qu’il fait tourner dans le cristal. Il soupire profondément. — Il me manque tous les jours, dit-il d’une voix éteinte. La tristesse m’étreint un peu plus. Olin et William étaient proches, et je m’en veux de le faire replonger ainsi dans ses souvenirs. Ce n’est pas seulement son frère qu’il a perdu, c’est aussi son ami. — Chaque jour, je pense à lui, continue-t-il. Nos soirées me manquent. Aller jouer au squash avec lui me manque… même nos embrouilles me manquent. Il relève la tête et plante son regard dans le mien. — Mais, on n’a plus que nos souvenirs, Alex. Le pleurer, s’apitoyer sur notre sort… ça ne le fera pas revenir ! Il se rapproche et me dépose un baiser sur la tempe. — Donc maintenant, poursuit-il plus gaiement, raconte-moi tout ! C’est qui ce type ? Ça a intérêt à être quelqu’un de bien ! Je ne veux pas qu’il te fasse souffrir. Sinon, il aura affaire à moi ! Il m’arrache un sourire. Olin vient de passer en mode grand frère protecteur. — C’est un roadie ? — Non. En fait, c’est... Zack Shane. Il marque un temps d’arrêt en affichant une drôle d’expression. Visiblement, il le connaît et n’approuve pas vraiment mon choix. — Ouaip ! Il grimace. — Quoi ? demandé-je. — Je ne suis pas sûr… Je pose mon verre un peu trop brutalement sur le plan de travail, ce qui l’interrompt. — Je sais ce que tu vas dire. Je sais comment il est avec les femmes… enfin, ce qu’on m’en a dit. Je soupire. — Mais je m’en fiche, je continue. On ne s’est rien promis et franchement, je ne cherche pas de relation. Je ne pense pas être prête pour ça. Je hausse les épaules, je suis légèrement confuse dans ma tête. — Je… en fait, je ne sais pas ce que je veux, mais Zack… il me fait rire. Je me sens bien avec lui. J’ai l’impression de… Je ne termine pas ma phrase. Je ne sais pas quoi dire finalement, et je ne sais même pas pourquoi je me justifie. — Tu te sens vivante, termine Olin pour moi. Vivante ? Est-ce que c’est ça ? Est-ce que je me sens vivante quand je suis avec Zack ? Peut-être bien que oui, à bien y réfléchir. — Depuis que tu es rentrée, reprend-il, tu souris. Et ça faisait longtemps que tu ne l’avais pas fait. Je ne vais pas te dire que je ne veux pas te voir avec un type comme lui, ce n’est pas mon rôle, mais protège ton cœur. D’accord ? Je lui souris en hochant la tête. Olin quitte la cuisine, j’en profite pour prendre mon téléphone pour ouvrir le message de Zack.

J’ai envie de te voir.

Je suis convaincue que je souris bêtement juste à la lecture de ces mots. Moi aussi, j’ai envie de le voir, mais ce soir, je ne peux pas. Je tape rapidement ma réponse. Impossible.

Sa réponse fuse, à croire qu’il attendait son téléphone greffé à sa main.

Pourquoi ?

Occupée. C’est la vérité. Les parents d’Olin viennent dîner et ils ne devraient plus tarder à arriver.

Donne-moi ton adresse et je viens te chercher.

NON ! Tu sais faire des phrases ? Non. Je pouffe comme une adolescente. La sonnette retentit, je repose mon téléphone sur la table. Zack devra attendre.

12

Zack

Seth et Kristen sont rentrés aujourd’hui tandis qu’avec les mecs et Harper, nous sommes revenus hier de New York. Nous avons tous été convoqués par la police et une fois leur feu vert obtenu, nous avons ramené la petite pour qu’elle puisse retourner à l’école dès aujourd’hui. Pendant la tournée, elle a un précepteur, mais étant donné que des dates sont annulées, Seth pense qu’elle est aussi bien avec des enfants de son âge. J’assiste Mike dans la préparation du repas tandis que Seth se repose dans le canapé et que Jason aide la petite à faire ses devoirs. Quant à Kris, elle est enfermée dans la chambre de Seth. Elle a à peine eu le temps de saluer tout le monde que son téléphone s’est mis à sonner. Depuis trois jours, je n’arrête pas de penser aux confessions d’Alex. Pour le moment, elle a encore du mal à accepter ce que nous avons fait. Elle s’en veut, car elle a l’impression de trahir son ancien amour. Je peux comprendre, ou du moins essayer — même si c’est difficile pour moi —, néanmoins même si elle m’a dit ne pas être dans l’optique d’une relation amoureuse, je garde espoir. Je ne suis pas tranquille non plus, cet homme a été le seul dans son cœur, depuis toujours. Ses paroles m’ont néanmoins rassuré, il y a entre nous, une connexion indéniable, je ne suis pas le seul à la ressentir, et ce n’est pas seulement une attirance physique, l’alchimie va bien au-delà. Depuis que nous nous sommes séparés à l’hôtel, nous avons échangé quelques messages, sans vraiment reparler de la nuit que nous avons passée ensemble, mais je veux la voir. J’ai envie de la toucher, de l’embrasser, de passer du temps avec elle. Je me suis habitué à la voir tous les jours et là, nous sommes à Chicago et je ne sais même pas où elle vit, et ça me frustre énormément. Elle a besoin de distance alors que moi, j’ai besoin de la rétrécir cette distance. C’est comme si cette fille m’avait ensorcelé. Ma salade de pommes de terre terminée, je décide d’aller voir Kristen, je suis convaincu qu’elle peut m’aider. Je monte à l’étage en essayant de ne pas faire trop de bruit puis m’approche de la porte pour coller une oreille dessus. Pas un bruit, je frappe. — Entrez ! J’ouvre le battant et mon regard tombe sur mon amie allongée sur le dos sur le lit. — Le coup de feu est terminé ? je tente de la faire sourire. — Ouaip. Elle se redresse sur les coudes pendant que je ferme la porte. — Qu’est-ce qu’il se passe ? me demande-t-elle. Un problème ? Je tire la chaise du bureau et m’assieds. Mon regard se promène dans la pièce, leurs valises sont encore posées par terre et n’ont pas été ouvertes. Kris n’a eu le temps de ne rien faire et la connaissant, ça m’étonnerait qu’elle laisse Seth s’en charger. La blessure n’est pas extrêmement grave, mais elle s’en veut. Je peux comprendre dans un certain sens, à sa place j’aurais eu le même ressenti, mais elle n’est pas fautive, c’est son connard d’ex, cependant rien de ce que l’on peut lui dire ne la fera changer d’avis, je le sais, Kris fait passer tout le monde avant elle. — Non, pas de problème. Comment ça va, toi ? Elle hausse une épaule. — On fait aller. Traduction, le moral est au plus bas. Je détaille son visage las et fatigué. Elle se redresse, le dos voûté. — Ça va bien se passer, Kris. Il va aller en prison et tu seras enfin tranquille. Elle m’adresse un sourire sans joie, aussi je crains qu’elle ne fasse une connerie et que mon ami en pâtisse. — Qu’est-ce que tu veux Zack ? — Ne change pas de sujet, miss ! Je ne veux pas que tu fasses n’importe quoi. Ses sourcils se haussent haut sur son front. — Zack, c’est gentil de t’inquiéter, mais je te rassure, je ne compte pas faire de conneries. Je ne sais pas ce que tu imagines, mais je ne compte pas prendre la fuite ! Kristen s’est faite plus véhémente à mesure que ses paroles ont franchi ses lèvres, et alors je sais qu’elle dit la vérité. — Je ne veux plus fuir, Zack. OK ? Elle baisse la tête et déglutit. — Je veux être avec Seth, d’accord ? Je veux faire ma vie avec lui. Je souris en entendant cela. — Quoi ? se renfrogne-t-elle. — Tu imagines à quel point tu as évolué depuis qu’on s’est rencontrés ? je lui dis alors. Je suis fier de toi ! Elle lève les yeux au ciel, mais finit par sourire à son tour. Ses yeux brillent, je sais qu’elle est touchée par mes paroles, mais c’est la vérité, je suis vraiment fier d’elle. Après tout ce qu’elle a vécu, elle a accepté d’être heureuse et de vivre, elle mérite tellement de bonheur. — Assez parler de moi, veux-tu ! tranche-t-elle. Dis-moi pourquoi tu es venu me voir ! Je lui fais un clin d’œil. — J’ai besoin que tu me rendes un service. Ses yeux se plissent. — Quel genre ? m’interroge-t-elle, suspicieuse. Je me penche en avant, pose mes coudes sur mes genoux et croise les mains sous mon menton. Kris s’installe en tailleur sur le lit sans me lâcher du regard. — Tu te souviens de cette fille dont je t’ai parlé ? Un sourire fugace passe sur son visage. — Alex, me répond-elle. — Oui, Alex. J’ai besoin d’avoir son adresse. Il faut que je la voie. — Pourquoi tu ne la lui demandes pas ? Je souffle en passant une main dans mes cheveux. Ça va être plus complexe que ce que je pensais. — C’est compliqué. Je me décide à lui expliquer la situation. J’ai confiance en Kris, alors je me livre sans difficulté, et c’est beaucoup plus facile de parler avec elle de ces choses-là qu’avec les mecs, même si je ne doute pas qu’ils soient tout aussi attentifs. Nous l’avons été pour Seth, mais Kris est une femme, et elle sait donc comment ça marche dans la tête d’une femme. Logique. Une fois que je lui ai tout balancé, je n’ai le droit qu’au silence comme réponse. Elle me regarde et tout d’un coup, elle éclate de rire. Super. J’étais loin de m’attendre à cette réaction. J’aurais peut-être dû aller voir les mecs finalement. — Laisse tomber ! je souffle en me relevant. — Non ! Non, attends ! Je prends sur moi et me rassieds. — Mets-toi à ma place aussi ! lance-t-elle. Depuis que je te connais, on ne peut pas dire que tu fasses dans la dentelle avec les filles alors… enfin, voilà quoi, faut que j’encaisse le truc ! Je souffle. Elle se fout de ma gueule. Ça m’énerve, même si je l’ai peut-être mérité. Sûrement même. — Et alors ? Tu vas me donner son adresse ? je reprends plein d’espoir. Elle s’arrête de glousser et soupire. — Je ne peux pas, m’annonce-t-elle. Je suis désolée. Je m’y attendais un peu, ce ne serait pas très professionnel de sa part de faire cela. Kristen est une personne intègre et je suis certain qu’elle respecte le choix d’Alex. Et elle a raison, c’est à Alex de me donner cette adresse pour que je puisse la voir. Je n’aurais pas dû demander cela à mon amie. — Tant pis. Je vais la harceler. Désolé de t’avoir dérangée. — Tu ne m’as pas dérangé, Zack. Je suis désolée de ne pas pouvoir t’aider. Las, je passe une main dans mes cheveux. — Ne t’inquiète pas, je comprends tout à fait ton choix… et il est logique. Son téléphone lui annonce l’arrivée d’un message. Elle grogne, ce qui me fait sourire. Je me lève pour gagner la porte quand elle m’interpelle. Je me retourne et la vois se lever à son tour. Elle me rejoint en sautillant, un petit sourire aux lèvres. — Quand elle se sera décidée, elle aura beaucoup de chance, Zack. T’es un chic type et je sais que tu la rendras heureuse. — Merci Kris, dis-je en la prenant dans mes bras. Elle me rend mon étreinte avant de me relâcher rapidement, affichant un air étrange et se tapotant la lèvre de l’index, comme si elle manigançait quelque chose. — Au fait, reprend-elle. J’ai un petit service à te demander moi aussi. Tu pourrais m’accompagner demain chez Olin ? Sa demande me surprend, mais je n’ai rien à faire. — Pas de problème. — Merci ! Elle retourne vers le lit et attrape son téléphone alors je sors. Je retourne au rez-de-chaussée, Harper a fini ses devoirs et est en train de mettre la table. Je rejoins Mike et Jason à la cuisine, puis attrape un plat pour le ramener dans la salle à manger, suivi de mes deux amis. Nous nous installons pendant que Seth nous rejoint. Je le regarde se servir un verre d’eau et prendre un antidouleur, ça me fait un pincement au cœur, j’ai failli perdre mon ami, mon frère, il a eu énormément de chance sur ce coup. Je baisse la tête en avalant difficilement la boule que j’ai dans la gorge et essaie de chasser ces pensées inopportunes. Harper prend place à côté de lui et commence à nous raconter sa journée d’école. Les devoirs qu’elle a faits, ses jeux avec ses copines dans la cour de récréation… tout y passe. Harper est assez renfermée concernant ses sentiments, mais je ne doute pas que ce doit être difficile pour elle. Il s’est passé tellement de choses dans sa vie en l’espace de quelques semaines. C’est une petite fille vraiment courageuse. Je sais que ça a été dur pour elle d’apprendre que son oncle était à l’hôpital, elle s’est énormément attachée à lui. Cette nuit encore, elle a fait un cauchemar où Seth mourrait. Elle est très angoissée par la mort et c’est normal, c’est elle qui a trouvé sa mère en rentrant de l’école… je ne peux imaginer ce que ça fait. Depuis qu’elle est ici, elle a régulièrement rendez-vous avec la psychologue de Kristen. Je l’ai rencontrée une fois, c’est une femme très bien et je fais entièrement confiance à mon amie dans son choix. Je sais que si Harper ne s’était pas sentie à l’aise avec elle, elle aurait trouvé un autre psy pour elle. Mais tout se passe bien et c’est le plus important pour le bien-être de la petite. — Commence à manger, ma puce, l’interrompt Seth. — On n’attend pas Kristen ? demande-t-elle. — Non, ma puce, elle travaille et je ne sais pas pour combien de temps elle en a. Harper s’exécute tout en reprenant le déroulement de sa journée. Kris finit par arriver en s’excusant. Ça fait du bien de se retrouver tous à table ainsi. Avec la tournée, c’est difficile d’avoir ces petits moments-là, une soirée normale chez les ETS. De se retrouver en famille. Nous commençons donc à dîner, et Kris nous informe qu’elle sera à son bureau la semaine prochaine. Elle nous avertit également qu’elle a reçu plusieurs demandes d’interview. Les charognards ne sont visiblement pas décidés à nous lâcher.

13

Zack

— T’es prête ? demandé-je à Kristen. — Oui, c’est bon. Elle pose sa tasse dans l’évier puis je la suis dans le salon. Seth essaie de la retenir lorsqu’elle l’embrasse, si bien que je m’éclipse pour leur laisser un peu d’intimité. Je n’ai pas besoin d’assister à ça, car je crève de jalousie en les voyant ainsi. Je les envie d’être heureux et j’aimerais pouvoir en faire autant avec Alex, mais je dois être patient. Je prends les clés de la voiture sur la console de l’entrée puis sors. Je gagne mon véhicule et m’installe au volant au moment où Kris quitte la maison. Elle ne tarde pas à venir prendre place à côté de moi et tout en s’attachant, me donne l’adresse de son ami. Je m’empresse de la rentrer dans le GPS avant de me mettre en route. Les Mumford and Sons[18] nous accompagnent et me pousse à m’interroger sur ma vie, sur les choix que j’ai faits par le passé. J’ai conscience que ce que j’ai vécu a forgé ma carapace, mais je ne veux pas être comme l’homme de cette chanson, pour une fois dans ma vie, je veux écouter mon cœur. Nous arrivons une vingtaine de minutes plus tard. Je reconnais le quartier où nous avons passé la soirée de la Saint Patrick. La rue est bordée par de nombreux restaurants, bars, et autres boutiques en tous genres. Nous sommes même passés devant un magasin qui vend du popcorn ! Olin habite dans une tour au-dessus d’une pizzéria à l’angle de State Street et Ontario. Dès que je trouve une place, je m’y gare. Nous descendons de la voiture et mon amie m’entraîne à l’intérieur de l’immeuble avant de s’arrêter devant la cabine de l’ascenseur et d’appuyer sur le bouton. — On prend les escaliers ? je lui propose. Elle se tourne vers moi, un sourcil dressé. — On peut se rejoindre là-haut. C’est au seizième, alors tu ne me feras pas prendre les escaliers ! J’enregistre l’information. Ça fait quand même beaucoup de marches. Kris me sourit. — Ne me dis pas que tu as peur ! Un grand garçon comme toi ! J’enfonce les mains dans mes poches et me dandine sur mes pieds. — J’y peux rien ! tenté-je. Je n’aime pas les petits espaces confinés comme ça. En plus, tu sais le nombre de fois où ces engins tombent en panne ? Mon amie s’approche de moi, un sourire insolent aux lèvres. — Mon petit chou, susurre-t-elle. Je vais te donner la main comme ça tu seras rassuré. Ça te va ? Ah, tu veux jouer à ça ? — Je pourrais me serrer contre toi et poser ma tête sur tes seins ? dis-je en lui faisant un grand sourire. Elle souffle et se retourne. — Abruti ! grogne-t-elle. Je me marre. — Mais tu m’aimes comme ça ! Pour toute réponse, elle secoue la tête et me donne un coup de poing dans le ventre. Outch ! Je me plie en deux en me tenant le bide, le souffle coupé. Note à moi-même, ne pas oublier qu’elle a pris des cours d’autodéfense ! Le ding de l’ascenseur retentit et les portes s’ouvrent. Je ne fais plus le malin. Je regarde l’espace à l’intérieur en pensant que ce n’est vraiment pas très grand, ce truc. — Bon, tu viens ? s’impatiente Kris, déjà à l’intérieur. J’avale la boule qui s’est formée dans ma gorge tout en pénétrant dans la machine. Les portes se referment derrière moi, j’ai des sueurs froides qui dévalent mon dos, et Kris appuie sur le bouton du seizième. — T’es blanc, se marre mon amie. — La ferme ! Elle glousse. La cabine se met en branle — ma main droite s’accroche immédiatement à la barre — et monte. Je fixe mon regard sur le petit écran au- dessus des portes et regarde les étages défiler. Les doigts de ma main gauche tapotent ma cuisse. Nerveux, moi ? Non ! Mais qu’est-ce que c’est long ! Lorsqu’enfin nous arrivons au bon étage, les portent mettent quelques secondes à s’ouvrir. Je me demande si nous ne sommes pas bloqués, mais elles finissent par le faire et je bondis à l’extérieur. — Je n’aurais jamais pensé ça de toi ! s’esclaffe mon amie. Je la fusille du regard, mais ne réponds pas. Elle avance dans le couloir au moment où son téléphone bipe à nouveau. — T’as jamais envie de te débarrasser de ce truc ? je lui demande. — Ça fait partie du job. — Et Seth accepte de te partager avec lui ? Elle hausse une épaule. — Il n’a pas vraiment le choix. Mais quand on se couche, il l’éteint. — Tu m’étonnes ! Je pourrais pas baiser ma meuf et avoir son téléphone à côté de moi à faire que de sonner ! — Zack ! ronchonne-t-elle. — Oui, je sais. Moi aussi, je t’aime. Elle s’arrête devant une porte tout en regardant son message alors j’appuie sur la sonnette. La porte s’ouvre une fraction de seconde plus tard et je me fige. Je suis comme en arrêt sur image. La fille qui s’immisce dans chacun de mes fantasmes est devant moi. Alex ! Mon Alex ! Tout aussi stupéfaite de me voir à sa porte, ses yeux sont grands ouverts alors qu’elle me dévisage bouche bée. En moi, le doute se fraie un chemin sournois, car je me demande ce qu’elle fout là et si au final, elle ne s’est pas complètement foutue de ma gueule. On est censé être chez Olin, le pote à Kris. Alors pourquoi est-elle là ? Putain, elle couche avec lui ? Fait chier ! Je suis dans la merde ! On se dévisage. Mon regard parcourt rapidement son corps, je constate qu’elle ne porte pas grand-chose, un débardeur et un short qui lui arrive légèrement plus bas que les fesses. J’avale ma salive péniblement, la jalousie s’immisçant elle aussi en moi. L’un comme l’autre, nous ne comprenons pas ce que nous foutons là, mais Alex se ressaisit plus vite que moi lorsqu’elle remarque mon amie. — Kristen ! Comment vas-tu ma belle ? Je crois que mes sourcils touchent mes cheveux tellement je vais de surprise en surprise. Alex prend Kris dans ses bras. Je les regarde, abasourdi, je ne comprends plus rien. Elles se connaissent ? La question est purement rhétorique, car visiblement la réponse est oui. Mais pourquoi personne ne m’a rien dit ? — Je ne savais pas que tu devais passer, dit-elle en se reculant. — J’ai envoyé un message à Olin, hier, lui apprend Kris. Zack s’ennuyait alors il a proposé de m’accompagner. Hein ? C’est quoi ces conneries ? Ce n’est pas beau de mentir ! Je le pense très fort et lui lance un regard qui en dit long. Elle se contente de me sourire, et c’est à ce moment-là que la lumière se fait dans mon esprit. Je comprends mieux maintenant son attitude d’hier soir et ses petits sourires. Si elle m’a proposé de l’accompagner, elle avait une idée derrière la tête. Kristen ne pouvait pas me donner l’adresse d’Alex, mais il n’y a aucun mal à ce que je l’accompagne voir son ami. Putain, je l’adore cette meuf ! Le malaise qui a pris racine en moi il y a quelques minutes se dissipe alors, car je sais que Kristen ne m’aurait pas mis dans une situation délicate. Alex nous invite à entrer, j’en profite pour regarder son petit cul qui se dandine devant moi alors qu’elle nous entraîne dans l’appartement. Après un couloir, nous débouchons dans une vaste pièce, très lumineuse. Sur la gauche, la cuisine américaine avec un large comptoir en marbre, sur la droite, une table ronde en verre avec quatre fauteuils et un peu plus loin, un canapé en cuir noir qui fait face à un grand écran. Les murs sont peints en taupe et le sol est recouvert d’une moquette gris clair. — Olin ! appelle Alex. J’entends du bruit venant du couloir puis il arrive, vêtu d’un short hawaïen et d’un t-shirt orange. Visiblement, aujourd’hui, c’est tenue décontractée. Il prend Kris dans ses bras avant de me tendre une main que je serre. Son regard me scrute curieusement. Après cet instant étrange, il nous invite à nous installer dans le salon tandis qu’Alex nous propose des rafraîchissements. De là où je me trouve, je peux voir tous ses faits et gestes pendant que les deux autres parlent du festival, Olin s’inquiétant de notre participation en raison des derniers rebondissements. Alex s’active en cuisine et visiblement, elle connaît très bien les lieux, je dirais même qu’elle vit ici avec lui étant donné qu’elle n’a aucune hésitation en prenant ce dont elle a besoin. Elle sort une bouteille de soda du réfrigérateur et installe quatre verres sur un plateau avant de revenir. Elle pose le tout sur la table puis s’empresse de nous servir. Quand elle relève la tête et que nos regards se croisent, je lui décoche mon plus beau sourire. L’effet est immédiat, elle rougit intensément en baissant la tête sur son verre. Ma belle est tendue, je peux le voir rien qu’à sa posture. Elle ne s’attendait vraiment pas à me voir débarquer, j’espère qu’elle n’en voudra pas à Kris. La discussion continue autour du festival, mais aussi sur l’état de santé de Seth, Kris engage la conversion avec Alex pour prendre de ses nouvelles. J’en profite donc pour poser la question qui me trotte dans la tête depuis qu’elle a ouvert la porte. — Pourquoi personne ne m’a dit que vous vous connaissiez ? je demande alors. Tous les regards se braquent sur moi, ce qui ne me fait ni chaud ni froid, et c’est Alex qui prend la parole. — Comme tu as pu le voir, je travaille dans un milieu très masculin. Et très machiste. Je ne voulais pas que l’on pense que j’étais là parce que je suis pistonnée… même si au final, c’est la vérité. C’est déjà dur de se faire embaucher en tant que rigger et ça l’est encore plus quand t’es une femme. Mais je connais mon métier, et je le fais bien. Et puis, je me prends assez de réflexions sans avoir besoin de rajouter ça. — Mais, du coup, vous êtes amies depuis longtemps ? — En fait, on est plus des connaissances que des amies, me répond Kris. On se connaît grâce à Olin et parce que… Elle ne termine pas sa phrase. Elle a peur de trop en dire et sait qu’elle n’est pas censée savoir tout ce que je lui ai dit. Bien que, elle doit connaître le passé d’Alex, mais c’est plutôt moi qui ne suis pas censé lui avoir révélé ce que m’a raconté Alex. Putain, je m’embrouille tout seul ! — Olin est mon beau-frère, continue Alex. Enfin, c’est le frère de William. Entre les trois, il y a quelques échanges de regards. — Alex a emménagé ici quelques jours avant votre tournée, précise Olin. Avant, elle était à Phoenix en Arizona. Je croyais qu’elle était de New York. Elle ne m’a jamais parlé de sa vie à Phoenix. — Tu es d’Arizona ? je demande. — Non, je suis née à New York, mais mes parents ont une maison là-bas et ils s’y sont installés pour leur retraite. Après la mort de Will, j’ai été vivre là-bas. J’acquiesce d’un signe de tête. Chaque jour, je découvre un bout de son histoire, de sa vie ou de sa personnalité. J’aime ça, et j’ai toujours envie d’en savoir plus. J’aimerais lui poser d’autres questions, lui demander de passer du temps avec moi, mais je me retiens. Je me doute que ce ne doit pas être facile avec son beau-frère. Je ne veux pas la mettre en porte-à-faux devant lui. Je ne sais pas si elle lui a parlé de moi ni si elle compte le faire et je ne veux pas lui forcer la main. Du moins, pas pour l’instant.

Lorsque le moment vient pour nous de partir, l’envie de l’emmener avec moi est tenace. Elle nous raccompagne à la porte pendant qu’Olin, après nous avoir salués, débarrasse la table. Kris la prend dans ses bras puis sort rapidement tandis que je m’attarde un instant. Je m’appuie contre le chambranle de la porte d’entrée en la regardant. La tête baissée, elle joue avec ses doigts. Depuis mon arrivée, elle s’est légèrement détendue, mais ce n’est pas encore ça. — On dirait que j’ai réussi à avoir ton adresse, finalement, je murmure. Elle relève la tête et me sourit tout en rougissant. — On dirait bien, oui. — Kristen ne m’avait pas prévenu que tu vivais avec Olin. J’ai été… surpris de te voir. Elle grimace légèrement, mais son sourire refait rapidement surface. — Moi aussi ! Mais je suis contente de t’avoir vu. Je m’avance d’un pas vers elle et me penche. Elle ne bouge pas, nos regards se croisent, mais le sien dévie rapidement vers ma bouche. J’ai envie de l’embrasser, et je sais que c’est ce qu’elle attend, mais je me contente de déposer un baiser sur sa joue, m’attardant un petit moment sur sa peau. Quand je me redresse, elle baisse les yeux sur ses mains, visiblement déçue. — À très bientôt. Elle acquiesce de la tête et je me détourne pour rejoindre Kris qui m’attend près de l’ascenseur. Quand les portes s’ouvrent, je m’engouffre dedans, Kris à ma suite. Les portes se referment et je ne me retiens pas plus longtemps, je la prends dans mes bras. — Tu sais que je t’aime, toi ! lui dis-je, tout excité. Elle rit et je lui dépose un baiser sur le front. — Cachottière, va ! — Tu me faisais de la peine, me répond-elle en haussant une épaule.

14

Alex

Je souffle en m’écroulant contre la porte. Elle est à peine refermée que je peux enfin respirer normalement, enfin, c’est l’impression que j’ai. Je suis une boule de nerf depuis des jours et la visite-surprise de Zack n’a rien arrangé. J’avais envie de lui arracher ses vêtements et de ne faire plus qu’un avec lui. J’osai à peine le regarder, mais lui ne se gênait pas. J’avais l’impression que son regard me déshabillait. — Tu sais quoi ? m’interpelle Olin. Je me suis trompé. — À quel propos ? je lui demande en allant m’asseoir dans le canapé. — J’en connais un qui est accro ! — Ne dis pas n’importe quoi, Olin. Je ramène mes pieds sous mes fesses. Il vient prendre place sur la table basse face à moi, un grand sourire accroché aux lèvres. — Attends ! T’étais dans la même pièce que moi ? Parce que Zack n’arrêtait pas de te bouffer du regard. J’ai même cru qu’il allait nous dégager, Kris et moi, pour te sauter dessus ! Je lève les yeux au ciel. — Ça s’appelle du désir, ça, je lui réponds, blasée. — Mais il t’aime bien ! Crois-en mon expérience ! Je suis un mec et je peux te dire quand un mec s’intéresse sincèrement à une fille. Et Zack ne fait pas semblant ! Je bondis du canapé et me dirige vers la cuisine. — Et alors quoi ? Un coup, tu me dis de me méfier et là, tu me donnes ton feu vert ? je commence à m’énerver sans que je ne sache vraiment pourquoi. — Ce n’est pas ça, soupire-t-il. Il se relève et vient me rejoindre. — Écoute Olin, je le coupe. Je t’ai déjà dit que je passais du bon temps avec lui. C’est suffisant. Je n’ai pas envie de me prendre la tête. J’attrape un verre puis me sers de l’eau au robinet. Mon téléphone bipe sur le comptoir. Je repose mon verre pour m’en saisir, Olin éclate de rire. — Qu’est-ce qui t’arrive ? je lui demande en déverrouillant l’écran. — Rien. Je suis sûr que c’est lui ! Effectivement. Toi. Moi. Ce soir. Restaurant. Je passe te prendre à 19 h. Déjà, mon ventre se contracte. J’ai envie de le voir, très envie même, mais, est-ce raisonnable ? Je n’ai pas l’occasion de me poser davantage de questions qu’Olin m’arrache le portable des mains. — Rends-le-moi ! trépigné-je en lui courant après. Je le fusille du regard alors qu’il est en train de lire le message tout en souriant. — Tu hésites ! Je vais répondre à ta place ! Mes yeux s’écarquillent tellement je suis stupéfaite par ce qu’il est en train de faire. Je les ferme et me passe une main sur le visage tandis qu’il met sa menace à exécution. C’est pas vrai… Il revient vers moi, me tend mon téléphone que j’attrape en lui faisant les gros yeux et je regarde sa réponse.

OK.

— Merde ! Olin ! m’énervé-je. Et si je n’en ai pas envie ! — Tu en meurs d’envie ! Il te faut juste un coup de pouce. Il s’assied à la petite table et croise les jambes devant lui. Il m’énerve à sourire comme un idiot. — En quoi ma vie sentimentale te regarde-t-elle ? Un rire nasal lui échappe, ce qui a le don de m’irriter davantage. — Tu n’as pas de vie sentimentale ! Donc, je m’en occupe. Et j’ai envie de tester un nouveau job ! Il me fait un clin d’œil. Je le fusille du regard. — Un nouveau job ? Et c’est quoi ? — Cupidon ! Malgré l’énervement, je ne peux m’empêcher de rire. — Tu ne lui ressembles pas trop ! je lui rétorque. — Comment oses-tu !? renchérit-il faisant mine d’être vexé. Je tape Cupidon dans le moteur de recherche de mon téléphone et clique sur la première photo qui apparaît. — Petit ange joufflu, les fesses à l’air ! je lui donne pour explication. Je lui tends mon portable pour qu’il regarde la photo. — C’est vrai, dit-il avec une petite moue. Je suis bien plus sexy ! Je lève les yeux au ciel en secouant la tête. Il est irrécupérable. Mon portable sonne, Zack vient de me répondre. J’ai hâte.

Je soupire. Où tout cela va-t-il me mener ? — L’heure tourne, poulette ! me sort de mes pensées Olin. Y a du boulot ! — Eh ! m’offusqué-je. Je lui donne une tape sur l’épaule. — T’es vraiment un salaud ! — Je sais ! Que veux-tu ! Je ne réponds rien, ça ne servirait à rien de toute manière. Je file dans ma chambre et ouvre mon armoire. Du coin de l’œil, je vois Olin débarquer et s’appuyer contre le mur. Il m’observe, je déteste ça. Je ne sais pas ce que je dois faire, ça aussi ça m’énerve. Ce soir, j’ai un rendez-vous. Avec un homme. Comment ça se passe un rendez-vous ? Je ne sais pas… je ne sais plus. Si j’y réfléchis bien, je ne suis même pas certaine d’en avoir déjà eu un. Avec Will, c’était différent, on avait l’habitude de se voir tous les jours et rien n’a changé lorsque nous nous sommes mis ensemble. Nous étions différents. Aujourd’hui, je ne suis plus la même, et je ne sais pas comment se passe un rendez-vous avec un homme, un comble ! Dans son message, il parle de restaurant. Comment dois-je m’habiller ? Dans quel genre de restaurant compte-t-il m’emmener ? Je me sens fébrile. C’est complètement stupide, je connais Zack, ce n’est pas un inconnu que je viens de rencontrer pourtant, je stresse à mort ! — Arrête de te ronger les ongles, m’interpelle Olin. Je fais ça moi ? Je baisse les yeux et effectivement, je mordille l’ongle de mon pouce. — Détends-toi, ça va bien se passer ! Il est drôle lui ! Bien se passer ? Mais, si je ne sais pas quoi dire, ou comment me comporter ? Il va me prendre pour une imbécile. Je peux toujours annuler, non ? Je suis pathétique, mais il faut regarder les choses en face, j’ai vingt-quatre ans, je ne suis sortie qu’avec un seul garçon, qui a aussi été mon fiancé, et je n’ai jamais imaginé ma vie sans lui. Depuis sa mort, je n’ai jamais pensé à refaire ma vie, aucun homme n’a attiré mon attention. À part Zack. Je ne me sens pas prête à refaire ma vie, enfin je ne suis pas certaine, mais je n’ai pas non plus envie de passer à côté de quelque chose. Au début, je me disais qu’on pourrait juste passer du bon temps ensemble, mais les sentiments s’en sont mêlés. Et maintenant, il me propose un rendez-vous. Ça me paraît une épreuve insurmontable, ce qui est complètement stupide, mais c’est comme ça. J’ai l’impression de tout recommencer à zéro. Et de toute façon, pourquoi je pense ça ? J’ai dit que je n’étais pas prête pour une relation amoureuse, alors pourquoi je me prends la tête ? Est-ce que j’ai envie de plus avec Zack ? Si j’arrête de me mentir, je peux dire que oui. Mais, et lui ? Il veut quoi au juste ? Bon, arrête de te prendre la tête, ma fille ! Ce n’est qu’un rendez-vous. Je connais Zack et je passe toujours de bons moments avec lui. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement ce soir. Ce n’est pas comme si c’était la première fois que l’on se voyait. Allez, on se concentre ! Je regarde de nouveau ma penderie. Je ne sais pas dans quel restaurant il m’emmène, mais je ne pense pas que ce soit un truc trop guindé, ça ne lui ressemble pas. Donc, il me faut une tenue simple, décontractée, mais pas non plus quelque chose de trop moche. Punaise, c’est la cata ! Je dois mettre une robe ou j’y vais plus simple ? Là, tout de suite, j’ai envie de lui tordre le cou pour ne pas m’avoir donné plus d’info. En même temps, une robe… j’ai beau regarder ma penderie, c’est un peu le désert de ce côté-là. Je ne suis pas du genre à être super sexy avec talons et tout ce qui va avec. Je sais faire, du moins je pense, mais la plupart du temps, je suis féminine avec le strict minimum. Avec le travail que j’exerce, je n’ai jamais pris le temps de faire attention à ce genre de chose. Pendant les grosses périodes de travail, je me lève tellement tôt et je me couche tellement tard que je ne perds pas de temps en maquillage ou autre truc girly. Pourquoi tout est si compliqué ? Olin arrive et me pousse. Visiblement, il prend les choses en main. Il observe un instant mon armoire, fait défiler les cintres, et après quelques minutes de réflexion, il me sort un débardeur noir au décolleté en dentelle, un jean slim de la même couleur et un gilet fluide blanc. — Look naturel, dit-il. Simple, chic. Avec ça, tu n’en fais pas trop, mais tu seras belle quand même. Pour les chaussures, t’as qu’à mettre tes boots camel. Ce sera super. Je le regarde, abasourdie. J’adore la tenue qu’il m’a concoctée et je ne m’attendais pas à cela de sa part. Lorsqu’il se retourne vers moi, il remarque mon expression — sûrement figée — et fronce les sourcils. — Ne me regarde pas comme ça, ma poulette ! Qu’est-ce que tu crois ? Je suis sorti avec beaucoup de filles et j’ai toujours fait attention à elles. Ce n’est pas compliqué d’arranger une tenue. Pas compliqué ? Ça dépend pour qui ! Pour moi, c’est compliqué. Et puis, ce rendez-vous complique tout. Nous avons déjà passé du temps ensemble, je l’ai même entraîné avec moi une journée à New York et nous nous sommes retrouvés en boîte le soir, mais, là, c’est différent. Du moins, c’est l’impression que j’en ai. Comme si le simple fait de dire que c’est un rendez-vous, de poser une étiquette, ça changeait tout. Je me secoue, c’est complètement stupide de penser comme ça. Il faut que j’arrête de flipper, ça va bien se passer. — Je te laisse choisir ta lingerie toute seule, continue-t-il en me faisant un clin d’œil. Je lève les yeux au ciel pendant qu’il sort de ma chambre. Je ne compte pas coucher avec Zack ce soir, mais je choisis tout de même un joli ensemble de lingerie en soie et dentelle noire. Mes affaires sous le coude, je file prendre une douche. Je me déshabille et prends le temps de m’épiler. Ça n’engage à rien, et c’est toujours mieux d’être à l’aise dans son corps pour être bien dans sa tête. Une fois que ma peau est toute douce, je plonge sous la douche. Je me lave les cheveux, utilise mon gel à la noix de coco et me rince. Une fois sèche, je m’applique du lait sur tout le corps. La salle de bain embaume la noix de coco, j’ai l’impression d’être transportée dans les îles. J’adore cette odeur. Je passe ensuite ma lingerie et les vêtements qu’Olin m’a choisis puis me maquille légèrement. Je passe une noisette de mousse coiffante dans mes cheveux pour leur donner un peu de volume puis les sèche rapidement. Un coup d’œil dans le miroir, le résultat n’est pas trop mal. Je me lave les mains, inspire un bon coup et sors enfin. Je passe dans ma chambre mettre mes chaussures puis rejoins mon ami dans le salon. Lorsque j’arrive, ses yeux glissent sur moi et je crois rougir. Il lève alors un pouce. — T’es magnifique, Alex. Et s’il ne le pense pas, je me charge de lui ! Je secoue la tête et essaie de me détendre. — J’ai besoin d’un verre, dis-je pour moi-même. Je vais dans la cuisine, mais visiblement Olin m’a entendue. — Un seul ! rétorque-t-il.

15

Alex

La sonnette résonne dans l’appartement et je me crispe. Respire, tu peux le faire ! Je répète cette phrase dans ma tête comme un mantra et tout en me dirigeant vers la porte d’entrée, je jette un coup d’œil à l’horloge. Zack est pile à l’heure. Depuis son message de l’après-midi, je n’ai pas eu de nouvelles et je ne sais toujours pas où nous allons. J’ouvre la porte et me fige. Il a pris le temps de se changer et il est magnifique, comme d’habitude. Cela dit, il n’a pas besoin de grand-chose pour l’être. Il porte son perfecto en cuir, un jean noir et une simple chemise blanche qui dévoile ses tatouages. Sa veste est ouverte et je peux voir à quel point sa chemise épouse parfaitement ses muscles. Mon regard parcourt son corps et lorsque je gagne ses yeux, je constate qu’il en fait de même avec moi. Je suis certaine que je rougis, j’ai l’impression que son regard me pénètre. Ma bouche est sèche et j’avale difficilement ma salive. — Salut, murmuré-je. — Tu es prête ? me demande-t-il d’une voix caressante. J’acquiesce et attrape mon sac sur la console puis je sors en refermant la porte derrière moi. Zack attrape ma main pour m’entraîner vers l’ascenseur. Ce contact, si simple et si futile, me réchauffe. Je sens mon cœur battre un peu plus vite dans ma poitrine, ma main me picote et je suis envahie d’une grande timidité. J’ose à peine le regarder, c’est fou. Je me demande si toutes les femmes ressentent ce genre de choses lors d’un rendez-vous, ou alors si ce n’est que moi parce que je manque cruellement d’assurance et de pratique. Nous montons dans l’ascenseur, Zack raffermit sa prise sur ma main. Lorsque les portes se referment, il se place devant moi, ses mains se posent sur ma taille et il se rapproche jusqu’à ce que nos chaussures se touchent. L’espace entre nos lèvres est infime et nos regards s’accrochent. Mon cœur bat encore un peu plus vite. J’ai envie qu’il m’embrasse, mais pour mon plus grand malheur, il ne le fait pas. — Tu es magnifique, murmure-t-il. Mon regard glisse sur ses lèvres. Je mords la mienne et mes mains timides se posent sur son torse. Je sens son cœur battre sous elles, sa poitrine se soulever plus rapidement. Alors je réduis l’espace qui nous sépare, mes lèvres entrent doucement en contact avec les siennes, je ferme à demi les yeux et savoure leur douceur. Notre baiser est tendre et léger, presque chaste, mais il m’enivre. Zack me laisse mener la danse, j’entrouvre mes lèvres et la pointe de ma langue va caresser les siennes dans une demande explicite. Je sens son sourire contre ma bouche, cependant il ne tarde pas à répondre à mon attente et je sens que son contrôle faiblit. Sa prise sur ma taille se raffermit à mesure que notre baiser se fait plus profond. Nos langues s’emmêlent et tournent langoureusement l’une autour de l’autre, se caressent. Dans mon ventre, mon désir grandit de plus en plus, se faisant plus avide de lui, et ma peau se couvre de chair de poule. Mes mains remontent sur sa nuque tandis que mon corps vient se lover contre le sien avec ce besoin pressant d’être plus proche encore. Zack passe ses bras autour de moi, me collant un peu plus à lui, comme s’il voulait fusionner avec moi, et je peux sentir son désir contre mon ventre. J’ai de plus en plus chaud. Je voudrais arracher nos vêtements et ne faire plus qu’un avec lui, mais le souffle nous manquant à tous les deux, nous nous séparons. Zack relâche légèrement sa prise sur moi, alors qu’il pose son front contre le mien. Nos regards s’accrochent, nos poitrines se soulèvent l’une contre l’autre. Zack me regarde souvent comme cela, avec cette intensité qui me rend fébrile. Ce n’est pas la première fois qu’il y a cette promiscuité entre nous, et si au début elle me faisait peur et me gênait, je m’y habitue et l’aime de plus en plus. Elle tisse un lien entre nous, un lien que j’apprécie énormément. Par ses gestes et ses regards, Zack crée une bulle d’intimité rien que pour nous. J’ai l’impression qu’il cherche à capter la moindre de mes émotions, la moindre de mes réactions. Je suis terrifiée à l’idée de tomber amoureuse, mais je crois que mon cœur en a décidé autrement. Plus je passe de temps avec lui, plus nous échangeons de simples messages, et plus ce lien se transforme. Il devient de plus en plus fort, me faisant ressentir à nouveau. C’est comme si mon corps reprenait vie. Je déglutis avant de prendre la parole. — Alors ? Qu’est-ce que tu as prévu ? Je rougis encore, rien qu’en entendant le son de ma propre voix. J’ai l’impression qu’une autre personne parle à ma place. Son timbre est tellement rauque que j’ai du mal à la reconnaître, et ça ne passe pas inaperçu aux oreilles de Zack qui resserre sa prise sur moi pour plonger sa tête dans mon cou. Il dépose de petits baisers dessus avant de faire glisser sa langue jusqu’à mon oreille. Il prend mon lobe en bouche et un gémissement m’échappe. J’adore lorsqu’il fait ça. À chaque fois, j’ai l’impression que cette partie de mon anatomie est directement reliée à mon sexe, ce qui a pour conséquence que je ne contrôle plus mon corps qui ondule lascivement contre le sien. Ses mains se crispent sur ma taille. — Calme-toi, ma puce, sinon je vais devoir bloquer l’ascenseur, murmure- t-il à mon oreille. C’est difficile d’obéir quand son souffle caresse ainsi la partie tendre de mon cou. Je frissonne de désir, mais je me reprends aussi. Faire l’amour dans l’ascenseur ? Je ne sais pas si cela me plairait. En plus, il doit y avoir des caméras. Nous avons déjà dû offrir un petit spectacle et cela me suffit amplement. Je m’écarte de lui, à contrecœur. — Tu n’as pas répondu à ma question, dis-je. — Et je ne le ferai pas ! J’espère juste que ça va te plaire ! L’ascenseur stoppe sa descente et les portes s’ouvrent. Zack reprend ma main en m’entraînant à l’extérieur de l’immeuble. Il m’ouvre la portière de sa Chevrolet Silverado puis m’invite à prendre place. Je souris, je ne le pensais pas si galant. À l’intérieur, ça embaume le cuir, la forêt et l’air pur. Ça sent bon Zack. Je m’enivre de cette odeur qui lui correspond parfaitement tout en attachant ma ceinture de sécurité alors qu’il prend place derrière le volant. Lorsqu’il met le contact, la musique se déverse et je reconnais Roots d’[19]. J’aime beaucoup ce groupe, Zack le sait étant donné que nous avons parlé de nos goûts musicaux. Je me demande si c’est fait exprès ou non, néanmoins je me laisse bercer par la musique et la voix envoûtante de Maria Brink. Les morceaux se succèdent, tout comme les kilomètres. Je regarde par la vitre les immeubles défiler sous une forte pluie. Toute la journée s’est écoulée ainsi, entre averses et éclaircies. Nous ne parlons pas, mais ce n’est pas pesant, même si je suis nerveuse. Après une quinzaine de minutes, Zack s’engage dans un parking où plusieurs véhicules sont stationnés. La pluie a enfin cessé, le soleil commence à décliner et de nombreux nuages parsèment le ciel. Mon chauffeur se gare et coupe le moteur. Nous nous détachons dans un même mouvement. — J’espère vraiment que ça va te plaire, dit-il. Je n’ai jamais fait ça. Mon musicien serait-il nerveux ? — Ne t’inquiète pas, je lui réponds. Je suis certaine que ça va être génial… même si je ne sais pas ce que tu as prévu. Je le pense sincèrement, parce que je passe toujours de bons moments avec lui. Zack attrape ma main et dépose un baiser sur mes doigts. Lorsqu’il la relâche, j’attrape sa nuque et le rapproche de moi pour capturer ses lèvres. Par ce baiser, je veux le rassurer, lui montrer que je suis heureuse d’être avec lui. Alors je m’applique, tendrement. Lorsque je m’éloigne, il me fait un clin d’œil. — C’est pour quoi ça ? Je hausse une épaule. — Juste comme ça. — Alors, recommence quand tu veux. Nous sortons de la voiture, je regarde autour de moi, mais rien ne me saute aux yeux. Nous sommes du côté de South Loop. Le quartier est assez animé, d’après ce que m’en a dit Olin. Depuis quelques années, la ville lui offre une nouvelle jeunesse, les anciennes usines et entrepôts étant reconvertis en habitations et commerces. Mais là, je ne comprends pas ce que nous faisons ici. Dans son message, Zack me parlait d’un restaurant, or je n’en vois pas. Il fait le tour de la voiture et me prend la main, son pouce décrit des cercles sur ma peau, m’arrachant un frisson, puis il me guide vers un entrepôt. La porte s’ouvre sur un couloir faiblement éclairé. Je réprime une grimace en me demandant dans quoi il m’entraîne et je commence à flipper. Je suis une adepte des films d’horreur et là, ça me fait l’effet d’être en plein dans l’un d’eux. Il n’y a pas un bruit, c’est assez lugubre. Je le suis, mais ce n’est pas de gaieté de cœur, j’ai l’impression d’avancer à reculons. Zack finit par s’arrêter devant une porte et frappe. Le bruit résonne étrangement dans cet endroit vide. Elle s’ouvre quelques instants plus tard sur une femme d’une quarantaine d’années. Les cheveux roux ramenés en une épaisse tresse sur son épaule gauche, elle porte une tunique à fleurs et un pantalon ample vert d’eau. Légèrement maquillée, elle a de magnifiques yeux verts et son sourire est communicatif. — Bienvenue à vous deux, nous accueille-t-elle. Vous devez être Alessandra et Zack ! Je suis Bianca. Nous la saluons d’une poignée de main et la remercions pour son accueil. Je jette un coup d’œil à Zack, qui me rend mon regard. Je me demande toujours ce que je fais là, mais je ne vais pas tarder à le savoir. Bianca nous entraîne à sa suite et nous arrivons dans une grande pièce très lumineuse, où deux couples sont installés autour d’une table ronde. Notre hôtesse nous invite à prendre place avant de nous présenter au reste du groupe. Nous faisons ainsi la connaissance de Heath et Elsa, un tout jeune couple d’une trentaine d’années, puis de Pamela et Georges, des quinquagénaires mariés depuis vingt ans. Sur la table, plusieurs plats contenant des petits feuilletés, des canapés, des verrines. Il y a aussi une bouteille de vin blanc, des verres et des serviettes. La pièce est haute de plafond et plusieurs tableaux d’art abstrait sont accrochés aux murs. Bianca nous sert en vin puis nous invite à nous servir. Elle nous explique à tous le but de notre présence ici. À mesure qu’elle parle, le stress laisse place à l’excitation. Je n’aurais jamais pensé que Zack m’emmènerait dans un endroit pareil, mais je suis ravie. Nous allons faire de la poterie ! Je n’en ai jamais fait et, comme me l’a dit Zack tout à l’heure, lui non plus. Après avoir pris un verre et grignoté tout en parlant avec les deux autres couples et Bianca, cette dernière nous fait nous installer autour d’un tour de potier après nous avoir donné des tabliers. Zack est face à moi, le tour entre nos jambes, nos genoux se frôlent. Un bloc d’argile est posé dessus et un seau d’eau est à nos pieds. Les mains posées sur mes genoux, je regarde la masse marron devant moi. — Tu veux faire quoi ? me demande mon binôme. Je relève la tête vers lui et, devant ma moue indécise, il éclate de rire. J’aime ce son tout comme j’aime le voir si heureux et spontané. À la fois brute et chaude, sa voix me caresse comme une douce mélodie qui gonfle mon cœur de bonheur et fissure ma carapace. — Je n’en sais rien. Il expire profondément. — OK. On peut essayer un vase ou une urne. — Ça me va ! Nous mouillons donc nos mains et le pain d’argile. La pédale étant de mon côté, j’appuie dessus, puis nous positionnons nos mains sur la terre. Nos doigts se frôlent, nos regards se croisent. Bianca parle, mais je ne l’écoute pas, c’est comme si tout disparaissait autour de nous. L’argile tourne et se creuse, commençant à prendre forme. Zack me surprend lorsqu’il se lève et déplace son tabouret pour se placer derrière moi. Son corps épouse le mien et des frissons remontent ma colonne vertébrale. Il joint ses mains aux miennes, son souffle me caresse le cou, je frissonne tout en sentant son sourire contre ma peau. J’ai chaud et j’ai envie de lui, c’est fou comme cette simple activité peut devenir si sensuelle. Je ne sais pas si c’est à cause de notre proximité, de nos effleurements, ou bien rien que cette terre que nous travaillons ensemble, mais j’ai l’impression que mes sensations sont exacerbées. Et je suis certaine que mon visage affiche un sourire niais. Je suis heureuse. Et pour la première fois depuis longtemps, je m’autorise à l’être.

16

Zack

Mon assiette dans une main, mon sandwich dans l’autre, j’avale ma bouchée tout en retournant dans le salon où résonnent des tirs, Jason et Mike sont en train de jouer à Call Of Duty[20]. Kristen donne son cours de piano à Harper dans l’autre salon, quant à Seth, une infirmière lui change son pansement. Hier, l’avocat des Baker a téléphoné pour nous tenir informés de l’affaire Stafford. Le jury a voté en faveur de l’inculpation, ce qui signifie qu’il va y avoir un procès. Ça va prendre quelques semaines, mais en attendant, l’ex de Kris reste derrière les barreaux. C’est une très bonne nouvelle et il encourt au minimum une peine de vingt ans de prison. C’est vraiment un gros soulagement pour tout le monde de savoir que ce connard ne s’approchera plus d’elle. Je m’installe dans un fauteuil et regarde les mecs jouer. — Tu fais une partie après ? me demande Jay. — Non merci, ça ira. Je termine de manger tranquillement tout en pensant qu’il n’y a pas si longtemps, j’aurais répondu par l’affirmative à sa demande. Avant, mes amis et la musique m’étaient suffisants, mais c’était avant. Aujourd’hui, j’aimerais être ailleurs, ou alors ici, mais pas seul. Je voudrais qu’Alex soit avec moi, mais à la place, elle passe sa journée et sa soirée avec ses amies. C’est ce que je suis censé faire aussi, mais malgré la soirée d’hier, elle me manque déjà. D’ailleurs, hier soir, parlons-en ! Jamais je n’aurais pensé faire ce genre de truc cucul. Et ça l’était ! Mais, c’était aussi génial, tout simplement parce que j’étais avec elle. Au début, j’étais sceptique lorsque Kris m’a parlé de cette soirée poterie et finalement, je ne regrette pas. Bien que… si je pouvais revenir en arrière, nous ne serions que tous les deux dans cet entrepôt et la soirée aurait évolué différemment. Dans le genre, Alex et moi nus faisant l’amour dans l’argile. Ça, ça aurait été vraiment génial ! À la place, nous avons réalisé une sorte d’urne. Je dis bien une sorte, car c’est tout biscornu, mais ce n’est pas le plus important, car avec Alex, nous nous sommes énormément rapprochés. Je me pose encore énormément de questions, j’aimerais savoir ce qu’elle ressent pour moi. En ce qui me concerne, mes sentiments ne cessent d’évoluer et prennent de plus en plus de place dans mon cœur, mais elle ? Il n’y a pas si longtemps, elle flippait à cause de son ex. Enfin ex… ce n’est pas vraiment un ex, ils ne se sont pas séparés parce qu’ils le voulaient, la vie le lui a arraché et j’ai l’impression que cette blessure n’est pas encore refermée pour elle. Je comprends, je ne suis pas un salaud, mais c’est tout de même difficile à accepter. Je suis certain qu’elle l’aime encore et elle l’aimera probablement toujours, il représentait énormément pour elle. Je sais qu’elle a voulu me rassurer sur ses sentiments à mon égard, elle m’a dit que c’était intense et qu’elle était attachée à moi… mais est-ce qu’elle m’aime ? C’est ça que je voudrais savoir. Je pense que c’est encore trop tôt pour parler de ces choses-là et je ne veux pas la brusquer, elle a déjà fait un pas vers moi en acceptant ce dîner alors qu’au début elle n’imaginait pas se lancer dans une nouvelle histoire. J’ai l’impression qu’elle a changé d’avis à ce sujet, donc voilà, les choses évoluent plutôt bien, mais je suis tout de même déçu de l’avoir ramenée à son appartement, j’aurais voulu passer la nuit avec elle. J’ai tout de même eu le droit à un baiser à la limite du classé X. Dans le hall de son immeuble, je me suis jeté sur elle. J’ai capturé ses lèvres, je l’ai soulevée et maintenue contre un mur, et ma belle ne s’est pas fait prier. Ses jambes se sont enroulées autour de moi et il n’y avait plus le moindre espace entre nous. J’étais terriblement excité et le lui ai montré explicitement. Je ne sais pas exactement combien de temps nous avons passé à nous chauffer ainsi, mais la fin a été assez brutale quand un raclement de gorge nous a interrompus ! J’avais les mains sur ses fesses, Alex, les siennes dans mon dos sous mon t-shirt, et nous étions figés ne sachant pas vraiment quoi faire. Dans ce genre de situation, la plupart des gens passent leur chemin, sauf hier ! Une vieille dame est venue se positionner à côté de nous. Alex était rouge de honte, moi je me mordais les joues pour ne pas rire. Nous avons tourné la tête vers elle, toujours enlacés, et contre toute attente, la dame a engagé la conversation, tout en me reluquant. J’avais l’impression d’être un morceau de viande chez le boucher ! Autant dire que mon érection s’est vite faite la malle, parce que franchement, il y a une différence entre se faire reluquer par une fille de vingt ans et une de quatre-vingts. D’ailleurs, pourquoi elle n’était pas couchée la mamie ? J’ai relâché Alex qui était tout intimidée face à l’octogénaire. Mais ce n’est pas le pire ! Moi qui pensais être au bout de ma vie en entendant parler la dame de la chance que nous avions d’être jeune et qu’il fallait en profiter. Ouais, je le croyais. Le pire a été quand elle a commencé à nous parler de protection et des risques du sexe. Ouais… là, j’ai touché le fond ! Je ne pensais pas qu’à mon âge, j’aurais encore le droit à un cours sur la sexualité. Mais si ! N’empêche, la vache ! C’est que sa voisine était vachement portée sur le sujet ! Elle nous a d’ailleurs fait promettre de faire du sport, car dixit la grand-mère, « c’est important pour la souplesse et certaines positions ». Ça a été difficile de me retenir de rire, surtout avec la tête d’Alex qui blêmissait un peu plus à chaque parole qui sortait de la bouche de sa voisine. Lorsqu’enfin cette dernière nous a quittés et qu’elle est montée dans l’ascenseur, nous avons tout simplement explosé de rire. Il nous a fallu plusieurs minutes pour nous calmer. Nous nous sommes embrassés une dernière fois, plus sagement, et je l’ai regardée monter à son tour dans l’ascenseur. Je n’ai pas encore parlé avec les gars, mais je suis certain qu’ils ne manqueront pas de me poser des questions ce soir et de me charrier par la même occasion. En attendant, j’ai hâte de la revoir. Mon téléphone sonne. Je le sors de la poche de mon jean et regarde qui m’appelle. Ma mère. — Salut m’man ! dis-je une fois décroché. — Bonjour, mon chéri ! me répond-elle de sa voix chantante. Comment vas-tu ? Je lui réponds tout en prenant la direction de ma chambre pour être tranquille. Une fois à l’intérieur, je m’allonge sur mon lit. Elle me demande comment vont les garçons et surtout elle prend des nouvelles de Seth. Je l’appelle régulièrement, même si je sais qu’elle a désormais Stephen et que c’est un type bien, mais les habitudes ont la vie dure, et je ne suis pas prêt à arrêter de m’inquiéter pour elle. Enfant, je n’ai pas su la protéger, mais aujourd’hui rien ne m’en empêcherait. Je me suis juré que plus personne ne lui ferait de mal. Ma mère me raconte les derniers potins de ses amies de Saint Louis. À mesure qu’elle parle, je me rends compte que son entrain habituel faiblit et je suis prêt à lui demander ce qu’il se passe quand elle reprend. — Dis-moi mon chéri, commence-t-elle hésitante. Je me redresse sur mon lit. L’intonation de sa voix est étrange. — Est-ce que tu serais libre ce week-end ? continue-t-elle. J’aimerais que tu viennes à la maison. Je n’hésite pas une seule seconde. — Oui, aucun souci. Tant que Seth est en convalescence, nos engagements ont été repoussés. — Oh ! Je suis si contente ! Tu me manques tellement ! Ma mère étant très sensible, j’entends l’émotion dans sa voix et ça me comprime le cœur. — Tu me manques aussi. Elle m’annonce que la météo prévoit du beau temps le week-end prochain et que ce serait une occasion d’aller voir un match de baseball. Tout en l’écoutant, je pense à Alex et au fait que je n’ai jamais présenté de femme à ma mère. Bien sûr, elle a sûrement vu défiler quelques filles lorsque je vivais chez elle, mais elle ne m’en a jamais rien dit et ce n’était rien de sérieux. Je n’ai jamais fait les choses officiellement, genre comme un dîner, mais avec Alex, j’ai envie de le faire. — Maman, je l’interromps. Je ne viendrai peut-être pas seul. — Oh oui, aucun souci. Les garçons sont toujours les bienvenus à la maison, tu le sais. Naturellement, elle pense tout de suite à eux, ce qui me fait sourire. Je ne la détrompe pas, elle aura la surprise et puis de toute manière, ce n’est pas assuré qu’Alex soit d’accord pour m’accompagner, c’est une sacrée étape que je m’apprête à franchir avec elle. Nous discutons encore un peu, de tout et de rien, mais l’heure tourne. Il faut que j’aille prendre une douche et me préparer. — Maman, désolé de te couper, mais va falloir que je te laisse. — Bien sûr, mon chéri. Tu dois avoir plein de choses à faire plutôt que d’écouter une vieille folle parler. — Tu n’es pas vieille et encore moins folle… — Ttt, aller ! Je te laisse, passe une bonne soirée ! — Toi aussi ! Embrasse Stephen pour moi. À bientôt. Nous raccrochons après qu’elle m’ait dit qu’elle m’aime. Je laisse mon téléphone sur mon lit et file prendre une douche rapide. Avec les gars, nous allons à l’Underground pendant que Kris reste avec Harper. Elle a forcé la main à Seth pour qu’il nous accompagne. Une fois propre, je retourne dans ma chambre une serviette autour de la taille. J’attrape un jean, une chemise grise et un boxer, puis je m’habille. Je retourne dans la salle de bain mettre un peu de gel dans mes cheveux et une fois prêt, je passe par la chambre d’Harper pour lui souhaiter une bonne nuit avant de descendre. Les mecs sont déjà dans l’entrée, n’attendant plus que moi, sauf Seth qui vérifie que la langue de Kris fonctionne toujours correctement. J’arrive à leur hauteur et les décolle en posant une main sur chacun d’eux. — Tu pourras reprendre quand on rentrera, dis-je à mon pote. J’embrasse Kristen sur la joue puis attrape Seth par le bras pour le faire avancer. Sur la route, nous nous arrêtons au Gage pour dîner. Comme d’habitude, l’endroit est bondé et bruyant, heureusement nous avons une réservation. Le serveur nous installe dans un box aux banquettes de cuir marron et nous tend la carte. Tout en discutant de l’évolution de la blessure de Seth, nous faisons notre choix. Le mien se porte sur un burger accompagné de frites. Pendant le repas, nous parlons musique. Jason travaille sur les paroles d’une chanson, il nous parle des influences qu’il voudrait faire passer dans les prochains morceaux, il a de très bonnes idées. Il est vrai que sur l’album que nous venons de sortir, certaines datent de plusieurs années, mais nous tenions à les faire figurer dessus. Nous avons encore beaucoup de morceaux en stock et je sais que Kris en veut quelques-uns sur le prochain album, mais depuis certaines, nous avons évolué, d’ailleurs depuis que nous sommes arrivés ici, à Chicago, nous ne sommes plus vraiment les mêmes. Nous avons gagné en maturité et même dans notre façon de vivre. Quand je vois Seth, qui se satisfaisait d’aventures d’un soir… maintenant, il a un enfant et Kris qui, j’en suis convaincu, deviendra bientôt sa femme. Même moi, depuis ma rencontre avec Alex, je me sens différent. J’attends de nouvelles choses de la vie. Jason est assez discret, cependant je vois bien qu’il a la tête ailleurs. Quant à Mike, pour lui, c’est compliqué. Il a déjà connu l’amour contrairement à nous, mais il a fait le con et depuis il s’en veut toujours. Je suis persuadé qu’au fond de lui, il aime toujours Callie, sa copine du lycée. Entre eux, ça avait été un véritable coup de foudre quand elle avait débarqué en ville, à tout juste dix-sept ans. Tout le monde aimait Callie, elle était vraiment géniale. Je suis certain que s’il n’avait pas voulu profiter du petit succès que nous avions à Saint Louis, qu’il ne s’était pas bourré la gueule et ne s’était pas retrouvé au lit avec une fille, ils seraient mariés et auraient des enfants à l’heure qu’il est. Depuis, il continue sur la même lancée avec les femmes, il n’en laisse aucune pénétrer son cœur, c’est pour cela que je pense qu’il l’aime toujours. Le problème, c’est que personne n’a de nouvelles d’elle depuis leur séparation. Elle est partie et a tout quitté du jour au lendemain, et ses parents en veulent énormément à Mike qu’ils tiennent pour responsable. Il n’a jamais démenti et s’en est toujours voulu. Mike renvoie l’image d’un mec sûr de lui, toujours à rigoler et qui prends tout au second degré, mais je sais qu’au fond il est blessé et souffre. Ça fait pourtant huit ans, mais la blessure ne s’est toujours pas refermée et je ne sais pas si elle le fera un jour. Ça me fait de la peine de voir mon pote ainsi, faire semblant d’être un autre, mais lorsque l’un de nous aborde le sujet, il se braque aussitôt et prend la fuite.

17

Alex

Je m’installe derrière le volant après avoir balancé mon sac à dos sur la banquette arrière de ma vieille Buick LeSabre. Pour tout dire, elle a mon âge et je la conduis depuis que j’ai mon permis. Elle en a fait des kilomètres, mais elle tient la route et je l’aime bien. L’année dernière, j’ai refait la peinture rouge vif et elle claque ! Cette voiture m’a accompagnée partout et j’espère qu’elle le fera encore longtemps. Hier, j’ai reçu un message de Michael Hazelton, un pote roadie, qui me disait qu’il avait besoin de main d’œuvre aujourd’hui pour le concert de Metallica[21] au Soldier Field. J’adore ce groupe, alors je n’ai pas tergiversé, j’ai tout de suite répondu positivement. Bien sûr, je ne vais pas faire ma groupie, mon métier demande un professionnalisme sans faille. Hors de question d’aller quémander un autographe, mais dans la grande majorité des cas, les groupes font une photo souvenir avec les roadies. Donc voilà, pas de délire, c’est avant tout le plaisir et la satisfaction de bosser sur le concert d’un groupe mythique qui prend le pas sur le reste. C’est le genre de concert où à la fin de la journée, on a un sentiment d’immense satisfaction quand tout s’est bien passé. Je suis complètement excitée. Je n’ai jamais bossé au Soldier Field, aussi je rentre l’adresse dans le GPS de mon téléphone et me mets en route, et j’accompagne Corey Taylor[22] au chant[23]. Il s’agit du stade mythique des Bears de Chicago, une équipe de la NFL[24]. Situé le long de lac Michigan, il a été inauguré en 1924, mais reconstruit en 2003. L’excitation monte encore d’un cran lorsque je l’aperçois alors que je me trouve sur Lake Shore. J’arrive avec une dizaine de minutes d’avance. Je me présente à la guérite du personnel et un gars de la sécurité vient à ma rencontre. Après vérification, il lève la barrière et je m’engouffre dans le parking. Je me gare sur une place libre, coupe le contact puis attrape mon sac et mon portable avant de sortir de mon véhicule. Je me dirige vers la cage d’escalier lorsque mon nom résonne dans l’immense espace. Je me retourne dans un sursaut et aperçois Gina qui court dans ma direction. — Salut, ma belle ! Comment vas-tu ? me demande-t-elle en arrivant à ma hauteur. Je la prends dans mes bras avant de lui répondre. — Très bien, et toi ? — Ça va, me dit-elle avec une petite moue. Même si j’aimais bien être en vacances. Je lui réponds d’un sourire et nous reprenons notre chemin. J’ouvre la porte des escaliers en laissant mon amie passer devant moi. La soirée va se dérouler en trois parties. Il y aura tout d’abord Local H[25], un groupe de rock qui a gagné un concours et qui ainsi fait l’ouverture de Metallica sur cinq dates, mais ce n’est pas tout, car pour mon plus grand plaisir, il y a aussi Avenged Sevenfold[26] ! Et que dire mis à part que j’ai hâte de voir Synyster Gates[27] sur scène ! Lorsque nous arrivons, Gina, qui connaît les lieux, m’emmène voir le chef qui nous fait signer notre contrat. Il nous envoie ensuite auprès de Jimmy, un roadie du groupe Metallica. Aujourd’hui, mon travail est axé sur la manutention et je serai donc au service de Jimmy. Je suis là pour décharger les camions, monter les structures puis une fois le concert terminé, démonter et ranger. Nous sommes loin de mes compétences, mais pour rien au monde je n’échangerais ma place. Dans un coin, avec Gina, nous nous équipons de gants et casques en ignorant les commentaires désobligeants de certains hommes qui passent à proximité. Et ouais les mecs, on a des vagins ! Je lève les yeux au ciel, fatiguée d’assister toujours à la même rengaine. Heureusement que je suis motivée et que j’aime ce que je fais parce qu’il y a des jours, c’est vraiment lourd. On trouve de tout chez les roadies. Il y a ceux qui n’aiment pas voir des femmes faire ce métier et il y a les autres qui nous respectent et qui trouvent que notre présence dans les équipes calme le trop-plein de testostérone. Une fois que nous sommes prêtes, Gina me fait un check tout en envoyant un baiser à un type qui fait des commentaires sur nos seins, puis nous prenons la direction de la zone de déchargement. Il est sept heures trente, j’ai une petite pensée pour mon musicien qui doit encore être en train de roupiller dans son lit. Pendant les quatre heures qui suivent, nous déchargeons, nous montons les structures, et à aucun moment, nous ne nous plaignons soi-disant parce que nous n’avons pas la même force que les hommes. Nous faisons ce que l’on nous demande consciencieusement et les quelques mecs lourds finissent par nous foutre la paix. Un des gars du groupe raconte quelques anecdotes, je trouve cela vraiment enrichissant comme expérience, et je finis par me détendre. Après une bonne douche, nous allons manger un morceau. Gina me raconte ses dernières aventures à Chicago — avec des hommes —, et m’apprend qu’elle a vu Liz jeudi pour l’aider à faire quelques achats pour son mariage. Je m’étonne de ne pas ressentir une pointe au cœur à cette évocation, mais j’en suis ravie. C’est bien, ça veut dire que j’avance, que je vais mieux. — Qu’est-ce que t’as avec ton téléphone ? Je fixe mon amie sans vraiment comprendre. — Quoi ? Elle désigne de la tête mon téléphone posé sur la table. — Tu n’arrêtes pas de le regarder. — Ah bon ? je feinte. Elle me fait une moue qui me dit clairement qu’on ne la lui fait pas. — Tu attends des nouvelles de Zack ? me demande-t-elle l’air de rien. Je bois une gorgée de mon soda et lui souris. — Bon OK, j’avoue. Elle piaille comme une adolescente. Les quelques personnes autour de nous se retournent pour tenter de comprendre ce qu’il se passe. Je suis certaine d’être rouge pivoine, je n’aime pas être le centre de l’attention. — T’es obligée de me raconter ! geint-elle. Tu ne peux pas me balancer ça et t’arrêter là ! — OK. OK. Je passe à table ! Et, c’est ce que je fais. Je lui donne assez d’informations pour assouvir sa curiosité, mais sans entrer dans les détails, de toute façon Gina commence à me connaître et ne s’en formalise pas. — Je suis contente pour toi, m’annonce-t-elle lorsque je termine mon petit discours. Je n’en reviens pas que tu sois en couple avec Zack Shane ! Moi non plus.

Nous terminons rapidement notre repas puis reprenons la direction de la scène. Fatiguées, et la journée n’étant pas encore terminée, nous cherchons un coin tranquille où faire une sieste. Dans un couloir, nous trouvons des flight- cases[28] vides, ce qui en fait un endroit de choix, car personne ne viendra nous déranger ici. Je m’installe sur l’une d’elles et utilise mon sac à dos comme oreiller. Je ferme à peine les yeux que des éclats de voix attirent mon attention, je soupire de frustration en pensant que je perds de précieuses minutes de sommeil. — Qu’est-ce qui se passe ? grogne Gina. Je me redresse en reconnaissant une voix en particulier. Je dois me tromper. Les pas se rapprochent, la dispute continue et enfin je le vois. Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Son visage se tourne dans ma direction et nos regards se croisent. Un sourire insolent naît sur son visage. L’autre type se place devant lui et l’avertit d’un ton irrité, qu’il n’a rien à faire ici. Je reconnais Martin Schmidt, un abruti que je n’ai pas oublié depuis le premier jour de la tournée des ETS et qui fait tout pour me mettre dans son lit — comme la majorité des filles du groupe. — Fous-moi la paix ! grogne Zack en le repoussant. C’est elle que je suis venue voir. Il contourne Martin et avance vers moi d’une démarche déterminée. Vêtu d’un jean brut et d’un t-shirt à l’effigie de Pantera, sa mâchoire porte l’ombre de sa barbe et ses cheveux sont ébouriffés. Je le trouve trop sexy et encore plus lorsqu’il me déshabille du regard comme en ce moment, sans compter son sourire en coin qui me fait fondre. Lorsqu’il arrive à ma hauteur, Zack attrape ma nuque d’une main, glisse l’autre sur ma taille et sa bouche s’écrase sur la mienne. Ma tête bascule en arrière alors qu’il me revendique, marque son territoire. Je réponds à cette attaque et enroule mes jambes autour de lui tout en me perdant dans ce baiser. Assise sur la flight-case, je suis à la bonne hauteur pour sentir son désir prendre forme dans son pantalon. Ma libido s’affole, un feu ardant prend naissance au creux de mon ventre et m’embrase, provoquant un véritable incendie dans tout mon corps. J’ai l’impression d’être un volcan prêt à exploser. Et lorsqu’il me relâche, j’ai l’impression de flotter dans les nuages. Les baisers de Zack sont une vraie drogue qui me catapulte tout droit au septième ciel. Mon bassiste me fait un clin d’œil avant de se tourner vers Martin qui nous regarde en affichant un rictus mauvais. — Tu veux du pop-corn ? lui demande-t-il. Je pouffe, mais je suis vraiment gênée. — Non, c’est bon, grogne l’autre. Par contre tu peux me la passer après. Je ne suis pas trop regardant et je veux bien m’amuser aussi. Je me crispe instantanément. Je n’ai pas le temps de voir Zack lui foncer dessus, je bondis en vitesse sur mes pieds et m’élance vers lui. Je le bloque en me positionnant devant lui. Il continue d’avancer, moi de reculer en le repoussant, complètement effrayée par ce qu’il pourrait se produire. Zack affiche un visage fermé, son regard est noir et tout son corps crispé par la fureur. — Zack ! S’il te plait ! Il s’arrête enfin et j’attrape son visage entre mes mains pour le forcer à me fixer. — Regarde-moi, le supplié-je. Il baisse les yeux sur moi, son regard s’adoucit légèrement. — Il n’en vaut pas la peine, lui dis-je d’une voix douce, mais tendue. L’autre éclate de rire. — Petit toutou à sa maîtresse ! siffle-t-il. Je me hisse sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur ses lèvres en caressant ses joues de mes pouces. Zack soupire, se passe une main dans les cheveux et finit par me serrer contre lui. — Tu as raison, murmure-t-il contre mes lèvres. — Laisse-moi régler ça, tu n’es pas toujours là et je sais y faire avec lui, je chuchote. — Oui, j’ai déjà vu. Très sexy d’ailleurs. Je fronce les sourcils. — Je t’expliquerai, se contente-t-il de me dire. Je lui souris et me dégage de sa prise pour me retourner vers l’autre abruti. — Ce n’est pas de l’obéissance, lui dis-je alors. Ça s’appelle de la maturité. Tu sais, le truc dont tu es dénué et qui sert à réfléchir avant d’agir. Son rire cesse et son sourire se fige alors qu’il me fixe dédaigneusement. Je pose mon index sur mes lèvres et les tapote doucement en faisant mine de réfléchir. — Toi, la définition qui te caractérise le mieux est sans aucun doute celle d’idiot. D’ailleurs, je suis certaine que si l’on prend un dictionnaire, ton nom apparaît en face, dans les synonymes. Il fait volte-face et part en grommelant des insultes tandis que Zack éclate de rire. Gina, dont j’avais complètement oublié la présence, m’applaudit. — Tu finis à quelle heure ? me demande Zack une fois calmé. — Tard. — Dis-moi, rétorque-t-il en mordillant le lobe de mon oreille. Un gémissement m’échappe et je craque, j’adore quand il fait ça. — Vers trois heures, je ronronne. — OK. Je passe te prendre. — Je ne sais pas, Zack. Je vais être crevée et j’ai ma voiture… Il me coupe la parole d’un baiser. — Je veux juste te tenir dans mes bras cette nuit, ma puce, murmure-t-il à mon oreille. Je demanderai à Mike de me déposer, comme ça ta voiture ne restera pas là. Je baisse les yeux et appuie mon front contre son torse musclé. Comment résister à de telles paroles ? Indécise, mes mains jouent avec l’ourlet de son t-shirt. Zack me redresse alors la tête d’une main et plonge son regard dans le mien. J’y découvre l’espoir, mais aussi l’appréhension ou peut-être la peur, je ne sais pas trop. — Qu’est-ce que tu veux, Alex ? me demande-t-il d’une voix douce. Ce que je veux ? Je veux passer la nuit avec lui. Je veux sentir son parfum, je veux sa peau contre la mienne. Je veux bien plus que simplement dormir. — Tu rougis, m’informe-t-il avec son sourire taquin. Ça veut dire oui ? Je hoche la tête. Un immense sourire s’affiche alors sur son visage et mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Zack me dépose un baiser au coin des lèvres puis s’éloigne de moi à reculons. Après un dernier clin d’œil, il tourne les talons et disparaît à l’angle du couloir. Un gros soupir se fait entendre à côté de moi. Je tourne la tête vers mon amie qui affiche un air rêveur. — Je veux un Zack, dit-elle. J’éclate de rire. — Non, mais je ne rigole pas, se défend-elle. Si tu ne veux plus de lui, file- lui mon numéro. Je suis sérieuse ! Aucune chance pour ça.

18

Zack

Je tourne la tête sur la gauche et constate que la place à côté de moi est vide. L’estomac noué, je me passe une main sur le visage et me redresse sur les coudes en tendant l’oreille. Elle est passée où encore ? L’idée d’acheter un kit de bondage m’effleure l’esprit. Je pourrais ainsi l’attacher et l’obliger à rester dans ce putain de lit avec moi ! Et profiter de son corps accessoirement. Idée à creuser ! Je repousse le drap et me lève. J’entends l’eau qui coule, j’espère que je ne vais pas la retrouver dans le même état que la dernière fois. J’arrive devant la porte, fébrile, inspire un grand coup, et l’ouvre. Mon sexe se réveille instantanément alors que je reste un instant figé dans l’encadrement de la porte tout en remerciant celui qui a inventé la douche à l’italienne. La pièce est disposée de manière à ce que j’aie une vue directe sur son corps. Alex me tourne le dos en offrant son visage au jet, l’eau dévale son corps qui est la perfection incarnée. J’en profite pour en reluquer chaque courbe avec un désir de plus en plus dévorant. Elle est magnifique et le pire est qu’elle ne s’en rend même pas compte. Et je suis le chanceux qui lui a tapé dans l’œil. Sans un bruit, je pénètre dans la pièce pour la rejoindre. Elle sursaute lorsque je pose mes mains sur ses hanches et essaie de se retourner, mais je la maintiens en place. Je plonge la tête dans son cou pour l’embrasser. Elle soupire et penche la tête en arrière en se cambrant tout en commençant à onduler lascivement des hanches contre mon sexe, m’arrachant un gémissement. — Ma puce, si tu savais comme j’ai envie de toi. Elle presse un peu plus ses fesses contre mon érection et tourne la tête vers moi. — J’en ai une petite idée, confirme-t-elle avec un sourire. Je glisse une main dans ses cheveux humides et m’en saisis avant d’attraper ses lèvres et de glisser ma langue dans sa bouche. Je lui empêche tout repli et la dévore sans lui laisser le moindre répit pour un supplice délicieux et passionné. Mon sexe dressé contre ses fesses n’attend qu’une chose, s’enfoncer profondément en elle. Cette nuit, j’ai respecté ce que je lui avais promis, je me suis contenté de la serrer dans mes bras, même si tout mon être en réclamait davantage. Comme je le lui avais dit, je suis venu la chercher au Soldier Field, elle était tellement claquée que c’est moi qui ai pris le volant de sa voiture. Arrivés à la maison, je l’ai fait monter dans ma chambre, et elle avait à peine enlevé ses chaussures de sécurité et son pantalon, qu’elle s’écroulait sur mon lit. Elle s’est endormie dans la seconde et n’a même pas réagi lorsque je lui ai retiré son t-shirt et son soutien- gorge. Je me suis déshabillé à mon tour puis l’ai rejoint avant de ramener son corps contre moi. Il ne m’a pas fallu longtemps pour moi aussi m’endormir, bercé par sa respiration et la chaleur de son corps. Mais maintenant, elle est bien réveillée et je compte bien en profiter. Je la veux. Je veux m’enfouir en elle et si j’en crois les gémissements qui lui échappent, elle aussi en a envie. Ma main gauche remonte sa hanche puis glisse sur son flan avant de prendre son sein en coupe. Je le masse, pince son téton entre mon index et mon majeur. Alex lâche mes lèvres et retient un instant son souffle puis elle ferme les yeux et bascule sa tête sur mon épaule. Elle savoure pleinement les sensations que je lui procure. J’en profite pour faufiler mon autre main entre ses cuisses qu’elle écarte pour mieux me faciliter l’accès à son antre. Je ne me fais pas prier, et caresse ses lèvres avant de les écarter. Avec deux doigts, je la pénètre et commence à la masturber tout en parsemant sa nuque de baisers puis attrape le lobe de son oreille avec mes dents. Mon pouce agace son clitoris tandis que je le mordille, le lèche, le suce. Alex s’excite de plus en plus entre mes bras. Son oreille, c’est son point sensible et elle s’enflamme à chaque fois en un quart de seconde quand je m’y attaque. — Tu en as envie ? je lui demande. Elle hoche vigoureusement la tête. Sa poitrine se soulève rapidement et elle s’appuie davantage contre moi. — Pose tes mains sur le mur. Elle s’exécute immédiatement, faisant pencher son buste en avant. Elle m’offre ainsi une superbe vue de sa chute de reins. Mes doigts toujours en elle, je parsème son dos de baisers. — Ne bouge pas, lui intimé-je. Je m’éloigne à contrecœur avec néanmoins la satisfaction de la voir m’obéir. Des tendances de dominateur, moi ? Oui, j’avoue. J’aime être maître du plaisir de ma partenaire. Je fouille les tiroirs du meuble sous-vasque et dans l’un d’eux trouve mon Graal. J’attrape un préservatif que je m’empresse d’ouvrir. Tout ce bruit attire l’attention de ma belle, elle tend l’oreille, mais ne bouge pas tandis que l’eau continue de dévaler son dos avant de s’écraser à ses pieds. Les mains en appui sur le mur, les fesses qui pointent vers moi et les jambes écartées, elle m’offre une pure vision érotique. J’ai hâte d’être en elle et mon sexe en frémit d’avance. J’enfile la capote et la rejoins. Elle frissonne légèrement quand mes mains retrouvent son corps. Je me rapproche d’elle, mon sexe effleure sa jambe et vient se nicher entre ses cuisses. Je fais coulisser mon phallus le long de sa fente ce qui lui arrache un nouveau gémissement. Ses hanches viennent à ma rencontre montrant ainsi son impatience à me sentir en elle. D’une main, j’attrape ses cheveux et tire légèrement en arrière pour la faire se cambrer davantage. Elle hoquète, mais ne se plaint pas. Mon autre main guide mon membre en elle. Mon souffle se bloque et mes yeux se ferment alors que je m’enfonce doucement en elle. La sensation est démentielle tandis que son sexe m’accueille, s’ouvre pour moi. Lorsque je suis entièrement en elle, j’ouvre les yeux et caresse son dos de haut en bas puis remonte jusqu’à ses seins que je cajole. J’embrasse son dos, le lèche. Alex s’impatiente et ondule légèrement sur ma queue, m’envoyant un pic de plaisir en plein dans les reins. Je la laisse faire un instant, parce que ça m’excite terriblement de la voir prendre en main son plaisir et parce que j’adore la sensation de son sexe qui se comprime sur moi à chaque fois qu’elle m’enfonce en elle. Mes mains finissent par quitter sa poitrine et reviennent s’ancrer à ses hanches. Je reprends le contrôle, car je veux la faire jouir, je veux qu’elle sente ma marque sur elle, en elle. Je me retire doucement puis m’enfonce de nouveau d’un coup puissant. Alex laisse échapper un cri m’emplissant de satisfaction. Je me redresse tout en l’embrassant et commence un lent va-et-vient, mes yeux se rivant sur l’endroit où nos corps se soudent. Les sons de nos souffles chaotiques, de nos gémissements et de l’eau résonnent dans la salle de bain. Le plaisir se répercute dans chaque partie de mon corps pendant de longues minutes alors que les parois intimes d’Alex se referment de plus en plus fort autour de moi, preuve qu’elle est proche de la jouissance. D’une main, je dégage sa nuque de ses cheveux et l’embrasse, la lèche. J’adore le goût de sa peau. Alex accompagne chacun de mes coups de reins et vient à ma rencontre plus vigoureusement. Elle lâche la paroi d’une main et la passe sur ma nuque pour me rapprocher d’elle tandis que ma main vient masser son clitoris. Je m’enfonce plus fort et plus profondément en elle, lui arrachant de nouveaux gémissements, et il ne lui en faut pas plus pour sombrer. Je la sens se tendre autour de moi, son corps tremble et elle crie. Je m’abreuve du plaisir que je lui donne. Si je pensais avoir atteint le sommet de mon excitation, je m’étais trompé, car là, je l’atteins avec une immense satisfaction. Il n’y a rien de plus excitant que de sentir et d’entendre le plaisir d’Alex s’exprimer. Je quitte son antre et la retourne plus brusquement que je ne l’aurais voulu avant de la plaquer contre le mur de nouveau. Je passe mes mains sous ses cuisses et la soulève vivement, ses jambes viennent s’enrouler aussitôt autour de moi et je la pénètre de nouveau. Je retrouve ses lèvres alors qu’elle gémit, nos langues se déchaînent tout comme ma queue en elle. Je ne veux pas m’arrêter, et pourtant lorsque son sexe me comprime de nouveau, je me sens défaillir. Alex plante ses ongles dans ma nuque alors qu’un cri silencieux s’échappe de ses lèvres. Son regard, planté dans le mien, vacille au moment où ce nouvel orgasme la submerge et c’est à cet instant que je me laisse aller à mon tour après un dernier coup de reins. Mon souffle se bloque et mon corps tremble alors que je me répands en elle dans un orgasme dévastateur. Mon cœur bat tellement fort que j’ai l’impression qu’il va s’échapper de ma poitrine et mon sang bouillonne dans mes veines. Je laisse ma tête tomber sur l’épaule de mon amante et la serre contre moi. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi, elle dans mes bras, le dos collé au mur et moi l’écrasant, mais l’eau commence à tiédir et nous sort de notre transe. Je me détache d’elle et la repose délicatement sur le sol avant de retirer le préservatif que je jette à la poubelle. Je retourne sous l’eau avec Alex et l’embrasse tendrement. — C’était… Je n’ai pas de mots. — Ouais, c’était… renchérit-elle. On éclate de rire. J’attrape le gel douche et en prends dans ma paume puis commence à la laver. Elle ferme les yeux et s’abandonne complètement à moi. C’est extrêmement sensuel comme moment et très intime, il n’en faut pas plus à mon sexe pour se remettre au garde-à-vous. Lorsque je termine, les rôles s’inversent et elle s’occupe de mon corps. Je ferme les yeux à mon tour et me laisse envahir par les sensations que me procurent ses mains sur ma peau. C’est juste démentiel ! Je sursaute légèrement quand je sens ses lèvres embrasser ma verge. J’ouvre alors les yeux et baisse mon visage vers elle. À genoux devant moi, sa langue parcourt ma longueur et son regard est plongé dans le mien. D’une main, j’agrippe ses cheveux lorsque sa langue se fait trop insistante sur ce point sensible qui me ferait jouir en une seconde si je ne l’arrêtais pas. Son souffle chaud me caresse et elle gémit de frustration lorsque je la tire légèrement en arrière. C’est terriblement excitant, et un grognement de satisfaction m’échappe quand ses lèvres se referment sur moi. Elle m’aspire au fond de sa gorge avec gourmandise. Elle n’a aucune idée du pouvoir qu’elle a sur moi, mais elle me possède corps et âme. Je ferais n’importe quoi pour elle. Le plaisir monte rapidement, car elle met tout son cœur à l’œuvre. Mon bassin va à sa rencontre sans que je ne puisse me contrôler. Alex m’aspire entre ses lèvres et je halète sous le plaisir qui se fait de plus en plus intense et foudroyant. Elle va plus vite, m’enserre plus fort. Alex se saisit alors de mes testicules et les malaxe, et lorsque mon gland bute au fond de sa gorge, j’atteins mon point de rupture. Je vacille, ma respiration se bloque, et je jouis en m’accrochant à ses cheveux. Putain ! Elle va m’achever. Je la regarde passer sa langue sur ses lèvres alors qu’elle se relève. Je me sens complètement vidé. Ses joues sont rougies et ses lèvres gonflées, elle est terriblement belle et désirable. Et bien plus encore. J’ouvre la bouche pour parler, mais me ravise et l’embrasse à la place. Je ne suis pas certain qu’elle soit prête à entendre les sentiments que j’éprouve pour elle. À la place, je les fais passer dans mon baiser. Je t’aime. C’est ce que je voudrais lui dire, mais je ne le fais pas. J’ai trop peur que ce ne soit pas réciproque et qu’elle ne me repousse. Ses mains se posent sur ma poitrine et elle me repousse légèrement. — On va prendre le petit-déjeuner ? me demande-t-elle. — Bonne idée ! Je coupe l’eau et sors en attrapant une serviette. Je la lui passe autour des épaules et la serre contre moi en lui frottant le dos. — On ne sortira jamais de cette salle de bain si tu continues comme ça, me sermonne-t-elle. — Ça m’irait très bien aussi, je murmure contre sa bouche. Elle secoue la tête et rigole. — Je meurs de faim. — Et moi, c’est de ton corps que j’ai faim. Elle rougit. — Charmeur ! — Tant que c’est avec toi et pour toi, je suis tout ce que tu veux, je lui réponds en me détachant d’elle.

19

Zack

Une fois que nous sommes prêts, nous descendons à la cuisine qui se trouve être vide. Je sais que Kristen est à son bureau, Harper à l’école, quant à mes amis, je n’en ai pas la moindre idée. — Installe-toi là, proposé-je à Alex en lui désignant les tabourets. — J’ai envie de t’aider, proteste-t-elle. Je m’approche d’elle et prends son visage en coupe. — Et moi, j’ai envie que tu te reposes, martelé-je. Elle ouvre la bouche, mais je ne lui laisse pas le temps de prononcer la moindre parole et l’embrasse. — Un jus d’orange ? je lui demande. Elle hoche lentement la tête et consent à poser ses jolies petites fesses sur le tabouret. Je sors la bouteille du réfrigérateur, attrape verres, tasses et couverts, puis pose le tout sur le comptoir. Je nous sers en jus de fruits avant de préparer du café. Pendant qu’il coule, je mets du pain de mie au four à chauffer puis m’attèle à préparer une omelette aux poivrons. Je prends les ingrédients dont j’ai besoin puis les pose sur le plan de travail en face de ma douce. Je sens son regard sur moi, j’aime être le centre de son attention. Je redresse la tête et lui fais un clin d’œil, néanmoins je suis nerveux. J’ai une demande à lui faire et j’appréhende sa réponse. Tout en commençant à couper mes légumes, j’engage la conversation. — Alors, tu as bien dormi ? je lui demande en lui jetant un rapide coup d’œil. Ma question n’est pas anodine, ne pas l’avoir à mes côtés à mon réveil m’a fait flipper. J’ai vraiment cru que ça recommençait comme à New York. — Très bien. Et désolée de m’être écroulée comme ça. Je lui souris tout en l’observant passer avec grâce une main dans sa chevelure d’ébène. — Ne t’en fais pas, tu étais crevée. Elle acquiesce et prend une gorgée de sa boisson. Lorsqu’elle repose son verre, elle se passe inconsciemment la langue sur les lèvres et je décroche. Me reviennent en tête les images de notre douche et de l’endroit où se trouvaient cette langue et ses lèvres il y a à peine quelques minutes. Ça y est, je suis à l’étroit dans mon pantalon. — Zack ? Je retrouve ses yeux. Ses sourcils sont froncés et son regard interrogatif. — Pardon, dis-je en reprenant mes esprits. Tu disais ? — Je te demandais comment s’est passé ton week-end. Je passe mes poivrons dans un saladier. — Avec Jason et Mike, on a travaillé quelques paroles de chanson. — C’est vrai ? dit-elle attentive. Je sais qu’elle aime notre musique, je ne suis donc pas étonné qu’elle soit enthousiaste à l’idée que de nouveaux morceaux voient le jour. — Ouais. On a pas mal de nouvelles idées, mais tu n’en sauras pas plus, même sous la torture. Elle sourit. — Non, t’inquiète. Je comprends. Je prends les œufs et les casse sur mes légumes, Alex se lève pour sortir le pain du four, laissant une délicieuse odeur de pain chaud se répandre dans la pièce. — Et toi alors ? — Shopping et on a fini dans un club de jazz. C’était sympa, termine-t-elle en haussant les épaules. — Cool. C’est dommage, on aurait pu finir la soirée ensemble. On a été à l’Underground. Elle acquiesce, mais ne dit rien et se mord la lèvre. Considérant son attitude, je suis persuadé qu’elle se demande si j’ai rencontré une autre fille là- bas. — Tu m’as manqué, l’informé-je. Elle me sourit timidement tout en gardant une certaine distance. Je lâche ma fourchette et vais la rejoindre, puis je passe mes bras autour de sa taille pour la rapprocher de moi. — Il n’y a personne d’autre, Alex, dis-je avant de déposer un baiser sur son front. Elle hausse une épaule, ses doigts jouent avec mon t-shirt. — On ne s’est rien promis, finit-elle par me dire la tête basse. — Pourquoi tu dis ça ? demandé-je légèrement sur la défensive. Tu vois quelqu’un d’autre ? Je sais que ce n’est pas le cas, du moins j’en suis quasiment certain, cependant j’ai envie de la provoquer un peu. — Non ! rétorque-t-elle vivement en relevant la tête. Elle se tend légèrement. — C’est ton cas ? me demande-t-elle en tentant de se dégager de mes bras. Je ne la laisse pas faire et raffermis ma prise. — Alex, dis-je d’une voix douce. Il n’y a personne d’autre. Elle sonde mon regard dans lequel j’essaie de faire passer mes sentiments. — Il n’y a personne depuis que je t’ai rencontrée. J’espère qu’elle comprend le sous-entendu. Elle me sourit et se met sur la pointe des pieds pour m’embrasser furtivement. N’en ayant pas assez, je pose une main sur sa nuque et mes lèvres retrouvent les siennes pour un baiser passionné, nos langues s’apprivoisant. — J’ai une demande à te faire, je lui annonce lorsque je me détache d’elle, à bout de souffle. — Ah oui ? s’étonne-t-elle, ses sourcils se fronçant. C’est quoi ? Je prends mon temps avant de lui répondre, je stresse et j’ai besoin de m’occuper les mains. Je la relâche et vais prendre la cafetière pour la poser sur le comptoir puis je mets à cuire mon omelette pendant qu’elle nous sert en café. — Où est le sucre ? me demande-t-elle. — Au-dessus de l’évier. Elle ouvre le placard et se met sur la pointe des pieds ce qui fait relever son t-shirt et découvre la peau de son ventre. Elle peste sur l’emplacement qui n’est pas pratique, mais l’attrape et retourne à sa place. Je lui tourne le dos et retourne à ma cuisson tout en sentant son regard dans mon dos. J’ai les mains moites et n’ose lui faire face. Un comble pour moi qui d’habitude montre une assurance sans faille. Pourtant, il va bien falloir que je le fasse. C’est un énorme pas que je m’apprête à faire, je n’ai jamais présenté personne à ma mère parce que je n’en ai jamais eu envie, mais avec Alex, c’est différent, ce n’est pas une simple envie ou lubie, c’est un besoin. Ma mère est la personne la plus importante pour moi, jusqu’à présent elle était la seule femme de ma vie, mais aujourd’hui, il y a Alessandra. Je l’aime, elle ne le sait pas, même si j’espère qu’elle s’en doute, et je veux qu’elle fasse la connaissance de ma mère. J’ai peur de sa réponse. Je prends des assiettes dans un placard et sers les œufs avant de m’installer près d’elle. — Tu comptes faire durer le suspense encore longtemps ? Je tourne la tête et la regarde. Les avant-bras croisés sur la table, elle me fixe intensément, un petit sourire accroché aux lèvres. Ses lèvres… Je me penche et l’embrasse de nouveau. Dès que je les vois, je ne peux pas m’en empêcher. Je me redresse sur mon siège et prends une bouchée de mon plat. Je mâche lentement et du coin de l’œil, je peux voir qu’elle n’a pas bougé. Je pose ma fourchette et pivote vers elle puis la fais se tourner vers moi avant d’emprisonner ses jambes entre les miennes. — OK, je soupire en prenant ses mains. Alors voilà… j’ai eu ma mère au téléphone et elle veut que j’aille la voir le week-end prochain. — C’est génial, me répond-elle. Tu ne l’as pas vue depuis un moment, c’est l’occasion. J’approuve de la tête. — J’aimerais que tu viennes avec moi. Elle ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort, puis la referme. Elle semble perplexe et ne s’attendait clairement pas à ce que je lui demande cela. Elle va dire non. Je passe une main dans mes cheveux en baissant la tête. Je n’aurais jamais dû lui poser la question. Elle n’est pas prête. — C’est d’accord. Je me redresse brusquement, les yeux écarquillés. — Quoi ? — Je veux bien venir avec toi. Mon cœur part dans une course furieuse, je lâche un profond soupir et me jette sur ses lèvres. Mon corps se détend tellement je suis soulagé. Je me sens beaucoup mieux maintenant. — Aller ! Mange, lui dis-je lorsque je me sépare d’elle. Nous reprenons notre position initiale et commençons notre petit-déjeuner. Je pose une main sur son genou et le presse. J’aime le contact de sa peau, j’ai l’impression de ne pas pouvoir m’en passer, et le savoure dès que j’en ai l’occasion. Je lui parle de la ville où j’ai grandi, des bars où l’on a fait nos premiers concerts avec les gars, des lieux où j’aimerais l’emmener pendant ce week-end. Alex est enthousiaste et a hâte de les découvrir. Du bruit dans l’escalier attire notre attention, Mike débarque quelques instants plus tard, simplement vêtu d’un jean. Il ne pourrait pas mettre un t-shirt ? Je n’aime pas particulièrement le fait qu’elle puisse reluquer d’autres hommes même s’il s’agit de mon pote et que j’ai toute confiance en lui. — Salut mec ! me lance-t-il en passant la porte. Je le salue d’un geste de la tête puis son regard se braque sur ma copine. — Bonjour, chère demoiselle, dit-il avec un sourire qui ne m’inspire pas confiance. Tu dois être Emma ? Ma main se crispe sur le genou d’Alex. Elle tourne la tête vers moi — au ralenti, comme dans les films — tandis que je fusille mon ami du regard. Il joue à quoi ce con ? Elle va s’imaginer plein de trucs maintenant ! Alex coince ses mains sous ses cuisses, clairement mal à l’aise et sûrement agacée. — Emma ? me demande-t-elle. J’ouvre la bouche pour parler, mais il me coupe l’herbe sous le pied. — Non, je déconne, dit-il en se marrant. Je sais que tu es Alex ! Il ne parle plus que de toi depuis des semaines ! Je lui lance un regard noir, mais je sens ma belle se détendre sous ma main. — Connard, grogné-je. Mike m’ignore et détaille Alex avant de s’arrêter sur son assiette. Il s’installe près d’elle et s’empare de sa fourchette avant de piocher dedans. Elle le regarde faire, interdite, ce qui me fait rire. En réponse, je reçois un regard peu amène avant qu’elle ne reporte son attention sur mon ami. Il s’apprête à recommencer alors je me décide à intervenir, cependant Alex lui reprend sa fourchette des mains et le menace avec. — Ceci, cher monsieur, est mon déjeuner et je ne suis pas du genre à partager. Alors un conseil, si tu ne veux pas que j’abîme une certaine partie de ton anatomie avec cet objet… Elle lui désigne la fourchette. — Et crois-moi, ce ne sera pas tes mains, tu ne recommences jamais ça ! Mike la regarde, statufié, et finit par éclater de rire. — Putains les mecs ! reprend-il une fois calmé. Qu’est-ce que vous avez tous à vous trouver des furies de la bouffe ? Je hausse les épaules. — J’en sais rien. — Moi je sais, nous coupe Alex. Vous choisissez des femmes qui travaillent dur et qui ne peuvent pas se contenter d’une feuille de salade comme repas. Mike lève un index en la visant, montrant qu’il accorde du crédit à ses paroles, puis se lève pour aller se servir une tasse de café. C’est lui qui m’a déposé dimanche au Soldier Field, il interroge donc Alex sur le concert. Elle se fait un immense plaisir à lui décrire le show. Je suis un peu — beaucoup — jaloux quand elle se met à parler du guitariste d’Avenged Sevenfold avec passion, dire qu’elle l’adore est un euphémisme. Elle lui décrit la scène avec les immenses écrans, la pyrotechnie, elle nous parle même de leur setlist et du moment où Hetfield[29] était à genoux avec les fans dans la fosse. Elle lui montre aussi quelques photos qu’elle a prises avec son téléphone. Je suis persuadé que mon ami aurait adoré assister à ce show, c’est un grand fan du groupe. À plusieurs reprises, je surprends son regard sur ma main toujours sur la cuisse d’Alex et comme un éclair de tristesse passer dans ses yeux, aussi je finis par la retirer. Lorsqu’elle a terminé de manger, Alex se lève puis débarrasse avant de nous annoncer qu’elle monte préparer ses affaires. Au moment où elle passe la porte et disparaît de mon champ de vision, je reporte mon attention sur mon ami perdu dans ses pensées, le regard rivé sur la tasse qu’il sert entre ses mains. — Ça va ? je lui demande. — Tout roule, me répond-il après un instant de réflexion. Je soupire en passant une main dans mes cheveux. Il ment, je le sais, son attitude le trahit. C’est pareil lorsque Kris et Seth sont dans la même pièce que lui. Généralement, s’ils se câlinent ou s’embrassent, il prend la tangente. — Ça te ferait du bien d’ouvrir ton cœur des fois, lui dis-je en me levant. 20

Alex

Zack s’engage sur le Poplar Street Bridge, le pont qui traverse le Mississippi et qui relie l’Illinois et le Missouri. Je sens l’excitation, mais aussi l’appréhension, me gagner. Je ne suis jamais venue à Saint-Louis, pourtant c’est une ville mythique, pleine d’histoire, où notamment passe la célèbre Route 66[30] sur plusieurs kilomètres. Je regarde le Mississippi, ce célèbre fleuve qui a vu naître le blues sur ses rives, cette musique magnifique, riche, intense et poignante d’émotions, qui était chantée autrefois par les esclaves noirs dans les plantations. Mon cœur se serre rien qu’en pensant à tous ces gens qui ont souffert pendant des siècles, victimes de la cruauté de certains. Des bateaux naviguent sur le fleuve, j’aperçois la Gateway Arch, qui consacre la conquête de l’ouest, avec en fond visuel un nombre conséquent d’immeubles de tailles différentes. Zack s’engage sur I-55, nous longeons des entrepôts, des églises... Je trouve la vue plutôt désolante, j’ai l’impression de voir des bâtiments tombés en ruines, mais heureusement, à mesure que nous avançons, la verdure transforme le paysage urbain. La boule grossit toujours dans mon ventre. Zack n’est pas dans un meilleur état que moi. Aucun de nous ne parle et ça n’arrange pas les choses. Je me demande pourquoi il m’a demandé de venir s’il est si stressé. Ça m’aurait évité la tension que je ressens depuis quelques jours et qui s’est accrue depuis hier. D’ordinaire, la musique arrive à m’apaiser, mais aujourd’hui c’est loin d’être le cas. La voix du chanteur est pourtant envoutante, l’instrumentalisation parfaite, et le tout crée un morceau[31] sublime, mais rien n’y fait. Ce matin, dans mon appartement, j’ai mis un temps fou à m’habiller. Heureusement qu’Olin était à son bureau, sinon il se serait bien foutu de moi. J’ai fini par opter pour un pantacourt en jean, un t-shirt cache-cœur turquoise et des spartiates. Je ne me suis pas maquillée, le soleil des derniers jours donnant un doré naturel à ma peau. En revanche, hier soir lorsque j’ai préparé mon sac, Olin était bien présent, et il ne s’est pas gêné pour me charrier devant mes nombreuses hésitations. Pour ma défense, ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre les parents de son copain. Je n’ai pris que des tenues décontractées, ce qui, de toute façon, remplit mon dressing. J’ai l’impression d’aller à un entretien pour un boulot et dans un certain sens, c’est un peu ce qu’il va se passer. Sa mère, Judy, va m’observer, me juger… Elle va vouloir me poser à tous les coups tout un tas de questions pour savoir si, au final, je suis digne de son fils. Mon beau-frère a essayé de me rassurer me disant que ça allait bien se passer. Il n’a pas tort, il n’y a pas de raison que ça se passe mal. J’ai naturellement posé quelques questions à Zack, il m’a assuré que sa mère était quelqu’un d’adorable. Le contraire m’aurait étonnée, c’est sûr qu’il n’allait pas me vendre une image d’elle tel un dragon crachant les flammes de l’Enfer. Ça ne me rassure pas pour autant. Je sais qu’elle a un passé difficile et qu’aujourd’hui, elle a refait sa vie avec Stephen et qu’elle est heureuse. Il m’a dit que j’allais l’adorer et que la réciproque serait vraie également. Ça reste à voir… Les mamans sont toujours très protectrices avec leurs garçons. Je le sais parfaitement, car avec William, sa mère avait toujours été super avec moi, jusqu’au moment où nous avons décidé d’être plus que des amis. Bon, ça n’a pas non plus été un monstre, mais ça ne l’a pas empêchée de me dire de ne pas faire souffrir son fils même si je savais qu’elle m’aimait comme si j’étais sa propre fille. C’est normal, c’est aussi son rôle, s’assurer que ses enfants se portent bien et qu’ils sont heureux. J’ai tout de même appris que Judy et Stephen aiment le vin, alors hier, je suis passée chez un caviste qui a pu me conseiller. Personnellement je n’y connais rien, alors je lui ai fait entièrement confiance. J’espère qu’ils apprécieront, je ne me voyais pas débarquer les mains vides surtout que je vais dormir chez eux. Et d’ailleurs ? Je pense à ça tout d’un coup… où est-ce que je vais dormir ? Avec Zack ou dans une chambre à part ? Je lui pose la question ou pas ? Je me passe une main sur le visage. Ce n’est pas possible d’être aussi indécise sur des questions aussi bêtes ! Je tourne la tête vers Zack. Ses lunettes de soleil sur le nez, une main sur le volant et l’autre qui tapote sa cuisse, il semble détendu, mais je sais que ce n’est qu’une apparence. Il est calme et ce n’est pas son genre. J’ai l’impression qu’il me cache quelque chose. Il doit sentir mon regard sur lui, car sa tête pivote un instant dans ma direction avant de se reconcentrer sur la route. — Quelque chose ne va pas, ma puce ? La gorge sèche, j’humidifie mes lèvres avant de me lancer : — Euh.. J’essaie tout du moins. T’es pitoyable, Alex ! — Oui ? — Je me demandais où est-ce que j’allais dormir ? je finis par dire d’une traite. Je souffle. Voilà, c’est fait ! Il doit vraiment me trouver bizarre des fois à ne pas oser dire ce que j’ai sur le cœur. Zack me regarde à nouveau rapidement en me souriant. — Avec moi ! répond-il tranquillement. — Ça ne va pas déranger ta mère ? Nouveau coup d’œil amusé. — Pourquoi ça la dérangerait ? — Bah… euh… je n’en sais rien. Comme ça ! Sa main quitte son genou pour se poser sur ma cuisse qu’il caresse. — Je compte bien profiter de toi, dit-il d’un air canaille. Je croise les bras sur ma poitrine et soupire. Il est sérieux ? — T’inquiète, je te bâillonnerais pour que tu ne fasses pas trop de bruit. — Dans tes rêves ! m’offusqué-je. Zack naturellement se marre. — Ne me parle pas de mes rêves, bébé, ils me donnent plein d’idées. Je lève les yeux au ciel, mais ris à mon tour. Il n’est pas possible ! Le silence se réinstalle entre nous, simplement troublé par Maynard et ses acolytes[32], je pose ma tête contre la vitre. Du coin de l’œil, je regarde Zack. Ce qu’il vient de me dire est en train de faire son bout de chemin dans ma tête. Qu’est-ce que je ressentirais si j’étais bâillonnée et attachée ? Entièrement à sa merci ? Est-ce que j’aimerais ? Je n’ai jamais testé ce genre de choses avec Will qui était assez conventionnel dans les rapports. Généralement, c’était moi qui demandais pour que l’on teste de nouvelles positions. Attention, je ne dis pas que je n’avais pas d’orgasmes, mais c’était un peu routinier. Avec Zack… il n’y a rien de comparable. Nous avons passé quasiment toute la semaine ensemble et énormément de temps à découvrir nos corps. Notre relation a considérablement évolué et j’en suis heureuse. Je lâche prise, j’essaie de ne pas penser au passé et de construire une histoire avec lui. Je ne sais pas où cela va nous mener ni si ça va durer, mais il a su me rassurer et sa présence me fait du bien. Avec lui, tout est tellement différent. Je ne sais pas si c’est l’attrait de la nouveauté, mais j’ai l’impression de découvrir le sexe. C’est tellement intense. À chaque fois que nos corps se retrouvent, ils se déchaînent et j’ai l’impression de vivre une explosion. Rien de ce que j’ai connu n’est comparable. Il n’y a pas que le sexe, j’aime passer du temps avec lui. Parler, nous promener, lire un livre alors qu’il joue de la basse… Cette semaine, j’ai passé beaucoup de temps chez lui, j’appréhendais pourtant la présence de ses amis, mais je les ai à peine croisés. Il faut dire que nous nous levions assez tard et que nous passions beaucoup de temps dans sa chambre. Je ne me projette pas encore dans le futur même si j’éprouve des sentiments forts pour lui. Il ne le sait pas et je ne suis pas encore prête à lui dire, il y a toujours en moi la peur que tout ne s’arrête brutalement. Je sais qu’il n’y a pas de raison, mais un accident est si vite arrivé… ça s’est déjà produit une fois et la probabilité de revivre le même drame est quasiment nulle, mais cette peur est ancrée en moi. Alors, je n’arrive pas à me projeter, à espérer des choses qui pourraient ne pas se produire. — On va bientôt arriver, m’annonce Zack. Je me redresse et regarde autour de moi. Zack quitte enfin l’autoroute pour s’engager dans un quartier résidentiel où les maisons aux parements de briquettes ou de bois se succèdent. Judy et Stephen vivent dans une maison sur Virginia Avenue dans le quartier de Carondelet. Après être passé devant le Carondelet Historical Society[33], une organisation qui préserve le patrimoine de Carondelet, et une pharmacie, Zack tourne à droite puis à gauche et nous nous retrouvons enfin sur Virginia Avenue. Je regarde de chaque côté de la rue les maisons qui défilent. À mesure que la voiture avance, la boule dans mon ventre grossit, mes mains tremblent légèrement, aussi je les coince sous mes cuisses. Après avoir passé une école primaire, il commence à ralentir. Ça y est, on arrive. Il finit par s’arrêter devant une jolie maison au bardage crème, sur un étage. Il y a un petit bout de jardin à l’avant avec une allée qui mène à la porte d’entrée avec des petits arbustes de chaque côté. Tout est très bien entretenu, comme le reste du quartier. C’est accueillant. — Prête ? me demande Zack en coupant le moteur. Pas du tout. — Bien sûr ! je lui réponds en souriant. Il me regarde avec une petite moue dubitative. — Je t’assure, ça va bien ! Zack quitte le premier la voiture. J’en profite pour inspirer un grand coup et sors à mon tour. En même temps, c’est de sa faute si je suis aussi stressée. S’il ne m’avait pas avoué n’avoir jamais présenté ses copines à sa mère, je ne serais probablement pas dans cet état, à savoir une vraie boule de nerfs. T’es sûre de toi, là, ma fille ? Si, je l’aurais probablement été tout autant. J’essaie de sourire et vais le rejoindre, mais étant donné la tête qu’il affiche, ce ne doit pas être très concluant. — Détends-toi, me dit-il. Il caresse mon bras et dépose un baiser sur ma tempe. — C’est toi qui me dis ça ? C’est une blague ? Il éclate de rire. Quoi encore ? Il se fiche vraisemblablement de moi. Je ne trouve pas ça drôle, mais s’il peut se détendre, ça m’aidera peut-être aussi. Il attrape ma main et entrelace nos doigts. Son pouce me caresse dans une vaine tentative de m’apaiser. Ça ne marche pas vraiment, même si à son contact je me sens un peu mieux. Nous avançons sur le petit chemin qui mène au porche lorsque la porte s’ouvre. Si je comptais sur quelques secondes supplémentaires de répit, mes espoirs viennent de partir en fumée. Une petite dame, pas plus grande que moi, et toute fluette, se tient sur le pas de la porte. Vêtue d’une robe à fleurs, ses cheveux châtains sont relevés en un chignon. Un immense sourire accroché aux lèvres, elle regarde son fils avec admiration et bonheur. Le mien, crispé, doit plus ressembler à une grimace. La main de Zack se resserre légèrement sur la mienne. Est-ce que je dois la lâcher ? Je me dis que ça ne se fait peut-être pas d’arriver main dans la main avec son fils alors je tente de me dégager, mais visiblement il n’est pas du même avis et raffermit sa prise en accélérant le pas. — Maman ! s’écrit-il. Elle vient à notre rencontre, les larmes aux yeux, et il me lâche enfin pour la serrer dans ses bras. Je les regarde s’enlacer et je ne peux m’empêcher de sourire. À voir tout l’amour qu’ils se portent, je me détends. Lorsqu’elle le relâche, elle se tourne vers moi avec un regard curieux que je n’arrive pas à déchiffrer. — Bonjour, madame, dis-je d’une voix pleine d’appréhension. — Oh ! Pas de madame avec moi. Appelle-moi Judy ! Elle donne une petite tape sur le bras de son fils, ce qui me surprend. — Ce chenapan ne m’a pas détrompée quand je croyais qu’il venait avec un des garçons. Quoi ? Mes yeux s’agrandissent d’effroi en entendant cela. Je reste bouche bée et ma tête pivote au ralenti vers mon petit-ami que je fusille du regard. Je pensais que sa mère était au courant de ma venue alors qu’en fait, ce n’est pas du tout le cas. Zack passe une main sur sa nuque en baissant la tête et laisse échapper un petit rire tendu. Il semble gêné, mais sûrement pas autant que moi. — Ouais. Surprise ! tente-t-il. Il affiche un sourire crispé. — Ça, tu peux le dire ! lui répond Judy en souriant. Je dois être blême. Je n’arrive pas à croire qu’il ait osé faire une chose pareille. — Je ne veux pas vous déranger, intervins-je. — Oh, mais non, jeune fille ! me contre-t-elle. Je suis si contente ! Elle s’approche de moi et prend mes mains dans les siennes. — Comment t’appelles-tu ? Je suis terriblement confuse. Il ne m’a rien dit ! Et moi donc… — Je… je suis Alex. — Alex ? répète-t-elle, ses yeux plissés me scrutant intensément. — Alessandra, je réponds, mal à l’aise. Mais tout le monde m’appelle Alex. Elle me sourit, d’un sourire communicatif qui m’apaise, et me presse les mains. — Eh bien, Alex, tu dois être très importante pour mon fils. Il ne m’a jamais présenté personne. Sois la bienvenue ! — Oh euh… Je ne sais même pas quoi dire. Je baisse la tête un instant, sûrement plus rouge qu’une tomate bien mûre. — Merci, je finis par dire d’une petite voix. Judy me relâche pour retourner auprès de son fils et je souffle discrètement. — Elle est toute mignonne et toute timide, Zacky ! Allez ! Ne restez pas là. Elle revient vers moi, m’attrape la main et m’entraîne dans la maison telle une tornade. — Va donc chercher vos bagages, ordonne-t-elle à sa progéniture. Nous allons faire connaissance toutes les deux ! Je lance un regard désespéré à Zack en la suivant, auquel il répond d’un clin d’œil avant de tourner les talons. Lâcheur !

21

Alex

Je suis assise droite comme un i sur le canapé dans le salon tandis que Judy nous prépare une petite collation. Je lui ai proposé mon aide, mais elle a refusé, arguant qu’avec la route je devais être épuisée. Ce n’est pas totalement faux, surtout que je n’ai pas très bien dormi cette nuit. Je n’ai pas arrêté de me poser toutes sortes de questions, notamment comment allait se passer cette première rencontre. Autant dire que j’étais très loin d’imaginer que Zack n’avait pas avisé sa mère de ma présence ! Je comprends mieux son attitude désormais. Tu parles d’une surprise ! J’ai envie de le tuer ! J’entends Judy s’activer dans la cuisine. Les portes s’ouvrent et se ferment à plusieurs reprises et je me demande si, comme moi, elle ne redoute pas notre face à face. La porte d’entrée s’ouvre, des pas résonnent dans le couloir, puis je distingue le bois qui craque dans l’escalier, ce qui veut dire que Zack monte nos bagages à l’étage. Dépêche-toi ! Je souffle un bon coup en essayant de me détendre. Mission impossible, je suis aussi tendue qu’un arc. Je profite de ces quelques instants seule pour observer mon environnement. Les meubles sont anciens, mais en très bon état. De nombreuses photos ainsi que des bibelots sont dispersés un peu partout. La décoration est sobre, mais chaleureuse, on voit tout de suite que Judy prend soin de sa maison et qu’elle est remplie d’amour. Du coin de l’œil, je la vois pénétrer dans la pièce avec un énorme plateau dans les mains. Je bondis de ma place pour l’aider, ce qui la fait rire. — Détends-toi, Alex ! Plus facile à dire qu’à faire. Elle pose son chargement sur la table basse avant de se redresser. — Du thé glacé ? me propose-t-elle. — Avec plaisir, madame. — Ah non ! gronde-t-elle gentiment. Ne recommence pas, appelle-moi Judy. Je ne vais pas te mordre ! Elle me fait les gros yeux, mais peine à retenir un sourire. — D’accord. Désolée, Judy. Je lui souris franchement et elle s’occupe de faire le service alors que je reprends place dans le canapé. Mes yeux tombent sur l’assiette contenant des cookies et mon estomac se réveille instantanément, me rappelant qu’il est désespérément vide. Je grimace rien qu’en l’entendant et me fige. Trop la honte ! Le rire cristallin de Judy lui répond. — Mon fils ne te nourrit pas ? — Oh si ! je le défends. On a fait une pause en chemin, mais je n’avais pas faim. C’est la pure vérité. Zack s’est arrêté dans un truck stop[34] au niveau de McLean[35] pour que nous mangions, mais j’avais l’estomac trop noué pour avaler quoi que ce soit. — Tu savais que Zack t’amenait ici ? me demande-t-elle en me tendant l’assiette. J’attrape un biscuit sans me faire prier. — Oui, je savais, mais je pensais que vous aussi. Je ferme les yeux un instant et baisse la tête. — Si vous saviez comme je me sens mal, lui confessé-je. Je me sens comme une petite fille prise en faute. — Pourquoi ? me coupe-t-elle. Il n’y a pas de raison. Je suis vraiment heureuse de te rencontrer ! J’acquiesce d’un signe de tête et prends une gorgée de mon thé. Il est délicieux. — Je désespérais de voir un jour mon fils me présenter quelqu’un, poursuit- elle. Avec Stephen, nous avons même pensé qu’il préférait peut-être les hommes et qu’il n’osait pas nous l’avouer. — Non, ce n’est pas le cas, nous surprend Zack, nous faisant sursauter toutes les deux. Je ne l’ai pas entendu arriver. À croire qu’il nous observait tapi dans l’ombre pour voir comment ça se passait entre nous. Judy se retourne vers son fils et lui sourit. — C’était légitime de s’interroger, lui dit-elle. Tu n’as jamais ramené de filles à la maison. — J’ai ramené des filles, mais en douce, contre-t-il. Zack lève les yeux au ciel et un petit rire m’échappe. Il fait mine de me fusiller du regard, mais le résultat est loin d’être effrayant. Il vient s’installer à mes côtés, je me décale légèrement pour lui laisser plus de place, mais naturellement ça le fait sourire et il m’attrape la main pour entrelacer nos doigts avant de les porter à sa bouche pour y déposer un rapide baiser. Je sens mes joues rougir violemment sous le regard de Judy. J’essaie de me libérer, mais il resserre son étreinte en me faisant un clin d’œil. — Que vous êtes mignons tous les deux ! Je baisse les yeux sur mon verre. Judy est vraiment très gentille, mais je ne peux pas empêcher ma timidité maladive de pointer le bout de son nez. — Alors Alex, que fais-tu dans la vie ? me demande-t-elle après avoir pris place dans un fauteuil en face de nous. Ça y est, l’heure de l’interrogatoire a sonné ! — Je suis riggeuse, je lui réponds. Je travaille sur la tournée du groupe de votre fils. — C’est comme ça que vous vous êtes connus ? — Oui, lui répond Zack. J’ai été subjugué par sa beauté et ses acrobaties. Un petit coup de plus pour mon cœur. Je me demande s’il va tenir le choc à force de l’entendre dire des choses pareilles. — Ses acrobaties ? s’étonne Judy. Je lui explique donc plus en détail en quoi consiste mon métier. Elle m’interrompt à plusieurs reprises pour m’interroger. Au fur et à mesure, je me détends, le fait qu’elle s’intéresse et pose des questions pertinentes n’y est pas étranger. Je termine à peine mes explications lorsque nous entendons la porte d’entrée s’ouvrir. — Voilà Stephen ! annonce Judy. Elle se lève d’un bond avec un sourire resplendissant accroché aux lèvres. Je jette un regard à Zack, car je sais qu’il se fait du souci pour sa mère. Il m’a avoué l’avoir trouvée étrange lorsqu’il l’a eue au téléphone. Je le comprends, c’est parfaitement normal quand on sait ce qu’elle a vécu. Judy revient quelques instants plus tard en tenant la main d’un homme aux cheveux poivre et sel qui semble être un peu plus âgé qu’elle. Vêtu d’un costume gris foncé, Zack m’a déjà informée qu’il travaillait dans les assurances et qu’il avait deux filles. Ça fait maintenant cinq ans que lui et Judy sont ensemble. Avec Zack, nous nous levons pour aller le saluer. Stephen prend mon petit- ami dans ses bras en lui donnant une tape virile dans le dos. Lorsqu’il le relâche, il s’avance vers moi et me tend la main. — Alex ! me salue-t-il. Bienvenue chez nous ! Je le salue à mon tour et nous reprenons la conversation, Stephen s’asseyant sur l’accoudoir du fauteuil de Judy. Je les trouve mignons tous les deux et on sent qu’ils débordent d’amour l’un pour l’autre, ça saute aux yeux. Je trouve ça fantastique qu’elle ait réussi à surpasser son passé et à refaire sa vie. Beaucoup de femmes victimes de violence n’y arrivent pas. Kristen a bien failli ne pas trouver la force de le faire.

Un peu plus tard, Judy me propose de l’aider en cuisine, ce que j’accepte avec plaisir, pendant que les hommes vont faire griller la viande sur le barbecue. Je me suis considérablement détendue depuis mon arrivée et je me sens plus à l’aise même seule avec elle. Surtout comme en ce moment, où elle profite de l’absence de son fils pour me raconter quelques petites anecdotes le concernant. Je dois reconnaître que déjà petit, Zack avait de la suite dans les idées. — Il y a une fois où il m’a particulièrement mise dans l’embarras, me dit- elle. Je ne sais plus trop, il devait avoir quatre ou cinq ans et on faisait la queue au supermarché. Il y avait du monde et il avait envie d’aller aux toilettes. Elle rit avant même de terminer alors que j’attends religieusement la chute de son histoire. — Donc, on faisait la queue, il n’arrêtait pas de tirer sur ma chemise pour y aller et je lui disais qu’il devait attendre. C’était notre tour, alors je commençais à mettre tout mon chargement sur le tapis et à un moment, je me retourne pour regarder ce qu’il fait et qu’est-ce que je vois ? Il avait baissé son pantalon et s’apprêtait à faire pipi par terre ! J’éclate de rire. — Non ! C’est pas possible, il n’a pas osé faire ça ! j’arrive à articuler entre deux gloussements. — Oh que si ! On rentrait de vacances en forêt. On avait fait beaucoup de randonnées, alors tu imagines bien, il faisait où il voulait en pleine nature. Il a pensé qu’il pouvait continuer ! J’imagine la scène et me tords de rire. — Eh bien ! Il y a de l’ambiance ici ! déclare Stephen d’un ton jovial en pénétrant dans la pièce. — Je racontais à Alex quelques petites péripéties de Zack. — Je vois. Il y a de la matière, lui rétorque son compagnon. Je pouffe. Visiblement, lui aussi a eu le droit aux dossiers Zack Shane ! — Je vois ça, oui, je lui réponds.

Lorsque tout est prêt, nous passons à table. Zack a ramené la bouteille de vin que j’ai achetée et Judy et Stephen me remercie chaleureusement. Chacun se sert en viande, légumes et purée. À plusieurs reprises, je surprends des regards entre nos hôtes, et l’ambiance, qui jusque-là était détendue, devient légèrement oppressante. Je sursaute légèrement lorsque, à côté de moi, Zack pose ses couverts un peu trop brutalement sur la table. Visiblement, je ne suis pas la seule à trouver cela étrange. — Bon, vous lâchez le morceau ! leur dit-il, tendu. Les deux concernés échangent un nouveau regard avant de poser à leur tour leurs couverts. — Bien, soupire Judy. Mon chéri, si je voulais te voir, c’était pour une raison particulière. — Je n’en doute pas. Tu étais bizarre au téléphone. Judy grimace légèrement sous le ton accusateur de son fils tandis que je me tasse sur ma chaise avec l’impression d’être de trop. Zack pose une main sur ma cuisse tout en fixant sa mère, la mâchoire serrée. Je place la mienne dessus et il enlace nos doigts tout en se laissant aller sur sa chaise, comme si ce simple contact suffisait à le détendre. — J’ai demandé ta mère en mariage, annonce Stephen d’une traite. Ma respiration se bloque et je jette un coup d’œil à Zack. Je ne pense pas qu’il s’attendait à cela. Il fixe Stephen, enregistrant probablement ce qu’il vient d’entendre, puis son visage finit par s’animer. Il était temps, personne n’osait plus parler ou faire le moindre geste. Il sourit à Stephen et se lève en me lâchant, puis contourne la table pour prendre son beau-père dans ses bras en le félicitant. Une main sur le cœur et les larmes aux yeux, Judy relâche son souffle et sourit. Zack se tourne vers elle et grimace en la voyant ainsi. — Ne pleure pas, maman, dit-il en la prenant à son tour contre lui et en l’embrassant. Je suis vraiment très heureux pour toi. Et pour Stephen. Judy pleure, ça me fait monter les larmes aux yeux. Je suis toujours une grande sensible dans ce genre de situation. — Tu me conduiras à l’autel ? lui demande-t-elle, la voix pleine de sanglots. — Avec plaisir, maman. Lorsqu’il la relâche, Judy vient vers moi et je me lève pour la prendre à mon tour dans mes bras et les féliciter tous les deux. Je ne les connais pas beaucoup, seulement depuis quelques heures, mais ça ne m’empêche pas d’être heureuse pour eux.

22

Alex

— Amusez-vous bien ! crie Judy depuis le porche. Je lui adresse un geste de la main en prenant place dans la voiture. Cette femme est vraiment adorable et a même proposé de nous préparer un pique- nique pour le déjeuner, mais Zack a refusé, arguant qu’il avait prévu quelque chose. Il démarre en trombe et à mesure que la voiture avale les kilomètres, il m’entraîne à travers les rues de la ville pour me montrer les écoles qu’il a fréquentées, les endroits où, avec ses amis, il traînait et où il a fait les quatre cents coups. — Tu vois ce parc, là-bas ? me demande-t-il en désignant un grand espace devant nous sur la droite. Je regarde dans la direction qu’il m’indique. En lieu de parc se trouve une grande étendue de pelouse très bien entretenue où sont plantés quelques arbres. C’est l’endroit idéal, à mon avis, pour venir jouer au foot. — Oui, je lui réponds rapidement. Il stoppe la voiture le long du trottoir puis coupe le moteur. — Un jour avec Mike, Seth et un autre pote, Jackson, on est venu ici comme on le faisait souvent. Moi, ça me permettait d’être avec mes potes et loin de mon père. Je tourne la tête vers lui et l’observe avec tendresse. Rien qu’à l’évocation de cet homme, mon cœur se comprime dans ma poitrine. Je ne peux imaginer ce qu’il a vécu, mais je compatis et je ressens une grande tristesse pour lui et sa mère. — C’était pendant l’été et il n’avait pas plu depuis un bon moment. L’herbe était un peu haute et aurait dû être tondue, mais on n’y a pas vraiment prêté attention. Jackson avait ramené des pétards… alors naturellement, on a fait les cons avec. Tu vois le genre ! — Complètement, m’esclaffé-je en souriant. Avec Will, nous aussi nous faisions ce genre de choses. — Donc voilà, on fait les idiots, on lance les pétards et on rigole bien. Sauf qu’on n’avait pas fait gaffe que l’herbe était vraiment très sèche et que ça avait commencé à bien cramer, sans qu’on arrive à faire quoi que ce soit. — Oh mon Dieu ! m’alarmé-je. Mais vous n’avez pas été blessés au moins ? Il tourne la tête vers la rue de son côté et me désigne les maisons. — Non. Un des voisins a appelé les pompiers. — Ça s’est terminé comment ? Il tourne de nouveau la tête vers moi avec un sourire canaille rivé aux lèvres. — Au poste de police ! dit-il en rigolant. Je peux te dire que ma mère était grave énervée ! — Tu m’étonnes ! Zack redémarre et nous reprenons notre chemin. — Un peu de détente, ça te dit ? me demande-t-il les yeux fixés sur la route. — Avec plaisir ! Surtout si ça veut dire que nous pouvons être collés l’un à l’autre. Après plusieurs minutes, il se gare sur un parking à proximité d’un autre parc. — On est à Forest Park, m’apprend-il. Il détache sa ceinture et se penche vers la banquette arrière. Lorsqu’il se redresse, il visse sur sa tête une casquette à l’effigie des Cardinals, une équipe de baseball de Saint-Louis. Nous sortons rapidement et je ferme les yeux pour apprécier la caresse des rayons du soleil sur mon visage. Le temps est magnifique, le ciel dégagé, c’est vraiment agréable. Zack attrape ma main pour m’entraîner à travers les allées du parc. Nous croisons beaucoup de cyclistes et joggeurs, des familles avec des enfants qui jouent sur les pelouses. Zack m’apprend que le parc fait plus de cinq cents hectares et propose différentes activités comme un parc zoologique, un planétarium ou encore des musées. Je note mentalement de revenir dans le futur pour découvrir tout cela. Après une petite heure de marche, nous nous installons à l’ombre d’un arbre. Allongés l’un en face de l’autre, je contemple son visage. On ne se touche pas, nous nous contentons de nous observer, mais l’envie est bien présente. Mon regard finit par glisser sur sa bouche qui s’entrouvre, probablement le signal qu’il attendait, car il s’avance vers moi et nos lèvres se frôlent. Les yeux mi-clos, ma langue vient caresser la commissure des siennes et en trace le contour. Zack soupire puis finit par me céder. Sa bouche prend possession de la mienne alors qu’il perd le contrôle. Sa main vient se nicher sur ma hanche et l’agrippe fort, me faisant légèrement mal, mais cette douleur ne me dérange pas. Il m’attire à lui et sans que je n’omette la moindre résistance alors que nos langues s’enroulent et nos dents s’entrechoquent, je me positionne à califourchon sur lui. Mes mains se perdent dans ses cheveux que j’adore toucher tellement ils sont doux, je suis insatiable de lui. Nous sommes insatiables l’un de l’autre. Mon cœur bat fort dans ma poitrine et j’aimerais être ailleurs qu’ici pour que nos corps ne fassent plus qu’un. Sentir son désir contre mon ventre m’électrise. Je me colle un peu plus à lui, je sens sa main remonter sur mon flanc, me faisant frissonner. Il exerce une légère pression sur mon épaule, ses lèvres relâchent les miennes puis glisse dans mon cou qu’il me mordille, le souffle court. Moi aussi, je suis essoufflée, mais je m’en fiche, j’en veux encore. — Si tu continues comme ça, ma puce, on va se retrouver en garde à vue pour exhibitionnisme. Je lâche un long soupir de frustration. Ma main glisse de sa nuque à son torse puis je dépose un rapide baiser sur ses lèvres avant de m’éloigner. Je quitte son corps et nous nous allongeons sur le dos pour regarder le ciel. On ne se touche plus et c’est préférable pour réfréner mon désir. — On reprend notre marche ? je demande en tournant la tête vers lui. — Bientôt, ma puce. Laisse-moi un instant, me répond-il en me désignant son entrejambe d’un geste de la tête. Je regarde et éclate de rire devant la bosse qui déforme son pantalon. — Vas-y ! Fais-toi plaisir, raille-t-il. Je me tourne de l’autre côté pour essayer de me calmer. Exercice difficile, je ris tellement que j’en ai mal aux côtes.

* * *

— En voiture, mademoiselle ! m’ordonne Zack. Il m’ouvre la portière et me fait une petite courbette pour que je m’exécute, ce qui me fait sourire. — Tu m’emmènes où ? — Dans l’un des meilleurs restaurants de la ville ! — Rien que ça ! je rétorque. Je lui lance un regard légèrement dubitatif. — Oui, m’dame ! — Et on aura le temps ? demandé-je en posant un pied dans la voiture. Je pose la question, car nous devons retrouver Judy et Stephen pour un match de baseball en début d’après-midi. — Monte dans la voiture et on l’aura, s’impatiente-t-il. Je m’exécute en levant les yeux au ciel. Zack claque ma portière, se dépêche de faire le tour de la voiture et démarre aussitôt installé derrière le volant. Il quitte rapidement notre stationnement pour s’engager sur la route. Le décor est bien différent du lieu paisible que nous venons de quitter, l’avenue que nous empruntons étant bordée de magasins, de bureaux et d’entreprises. Une dizaine de minutes plus tard, Zack se gare près du Pappy’s Smokehouse. Après être descendu de voiture, il m’apprend que le restaurant est un barbecue de style Memphis, ce qui signifie que les côtes sont frottées avec des épices et cuites sur du bois de pommier et de merisier pendant plusieurs heures avant d’être servies. Il est encore tôt, mais il y a déjà du monde, ce qui nous oblige à patienter. Zack est dans mon dos, je me laisse aller dans ses bras alors qu’il parsème ma nuque de petits baisers. Avec Will, nous n’étions jamais très collés, contrairement à Zack qui ne peut s’empêcher de me toucher, j’aime ça et je me rends compte à quel point cette intimité m’avait manqué. J’observe l’environnement, l’intérieur ne paye pas de mine. Le sol en béton est craqué par endroit, le plafond est fait de simples tôles et des tuyaux sont visibles. Les murs peints en jaune et orange sont recouverts de photographies, de tableaux noirs affichant les menus. Il y a également des feuilles dédicacées par des célébrités, c’est d’ailleurs impressionnant de constater le nombre de personnes connues qui sont passées entre ces murs. Je tourne la tête vers Zack. — Toi aussi, tu pourrais laisser ton autographe, je lui murmure. Il me mordille la clavicule. — Je ne suis pas assez célèbre pour ça, finit-il par me répondre. Je me tourne complètement vers lui et passe mes bras autour de son cou tandis qu’il me presse un peu plus contre lui. — Je suis certaine que si tu enlevais cette casquette, beaucoup de gens te reconnaîtraient. Il m’embrasse rapidement. — Ça, c’est parce que tu n’as d’yeux que pour moi. Je secoue la tête négativement et glousse devant tant de modestie. — N’importe quoi ! Il est vrai que personne dans le restaurant ne nous prête attention, mais je suis convaincue que c’est parce qu’il se cache derrière moi. Pendant des années, il a joué avec son groupe dans cette ville, et j’ai été faire un tour sur les réseaux sociaux, résultat : ils ont beaucoup de fans ici. Je le relâche et me tourne pour me concentrer sur le menu. — Qu’est-ce que tu me proposes ? je lui demande pour changer de sujet. — Les ribs. Ils déchirent ! Va pour les ribs alors. La file avance et vient notre tour. — Oh bordel ! Zack ! Je dirige mon regard vers la voix féminine. Il s’agit de la serveuse et elle se jette littéralement dans les bras de Zack, me bousculant au passage. Zack la serre brièvement contre lui et tente de prendre ses distances, mais c’est sans compter sur la demoiselle qui en a décidé autrement. J’en profite pour l’observer. De longs cheveux noirs, des yeux de biche, une silhouette de rêve, la meilleure description que je puisse en faire est qu’elle ressemble à une bombe latine. Ce qui est loin d’être mon cas. Très, très loin même. — Je suis trop contente de te voir. Tu m’as manqué ! Zack grimace, moi j’encaisse. La fille minaude, bat des cils et en fait des tonnes, visiblement j’ai devant moi un spécimen du harem de Zack ! Je me sens légèrement de trop, aussi je décide de me concentrer sur tout, sauf sur eux. Le menu est une bonne alternative même si je finirai sûrement par le connaître par cœur, mais ce n’est pas grave, ce sera toujours mieux que d’assister à ce spectacle qui me donne la nausée. Avec Will, je n’ai jamais été jalouse, du moins je ne pense pas l’avoir été et il ne m’en a jamais donné l’occasion. Il avait toute ma confiance. Mais Zack, je le connais si peu. Il n’a jamais vraiment été en couple, passant plus de temps à collectionner les filles qu’à chercher à approfondir avec l’une d’elles. Le voir avec elle me met du plomb dans l’estomac et ça se répand comme une traînée de poudre dans tout mon être. C’est comme si ça me rongeait de l’intérieur, et le doute s’immisce en moi. Une main se pose sur mon bras. Je me tourne vers lui. — On peut s’installer, m’annonce-t-il d’une voix tendue, visiblement mal à l’aise. Il m’entraîne vers une table. Physiquement, je le suis, mais mon esprit est loin, plongé en pleine réflexion. Nous sommes à peine assis que la serveuse nous sert du thé glacé puis des personnes se présentent à notre table, entamant la conversation avec Zack. Les éclats de sa groupie ont attiré l’attention et certains l’ont reconnu. Je souris, car malgré le malaise que je ressens, je suis heureuse pour lui, les garçons se donnent à fond dans leur groupe et ils méritent tout cela. Parmi les fans, il y a beaucoup de femmes et, malgré ma présence, elles n’hésitent pas à draguer ouvertement mon petit-ami. J’en vois même certaines lui glisser des petits papiers, contenant probablement leur numéro de téléphone. Je détourne le regard, gênée mais aussi blessée qu’il les prenne. Je ne suis pas idiote, je sais comment est cette vie faite de strass et de paillettes. Certes je la côtoie avec mon métier, mais de loin. Zack est une star en devenir alors que moi, j’aime être dans l’ombre. Je le regarde et constate à quel point il est heureux. Il répond aux questions, fait avec plaisir des photos et signe quelques autographes. Les filles se pressent contre lui, il se prête au jeu en tentant de maintenir une certaine distance. J’essaie de ne pas prêter trop attention à tout cela, mais je capte tout de même quelques paroles venant de certaines, et le doute s’immisce de plus en plus profondément en moi, me plongeant dans un engrenage de pensées. Elles tournent en boucle dans ma tête, toutes plus douloureuses les unes que les autres. Je ne suis pas persuadée d’arriver à supporter tout ça, me demander à chaque instant si Zack ne se laisse pas séduire par une de ces femmes. Ce serait tellement facile, elles sont toutes plus belles les unes que les autres, alors que je suis si banale. Plus les jours passent et plus mes sentiments pour lui grandissent. Pour l’instant il s’intéresse à moi, mais pour combien de temps ? Combien de temps lui faudra-t-il pour réaliser que je n’ai pas ma place près de lui ? Combien de temps avant qu’il ne reprenne ses habitudes et sa liberté ? J’ai bien cru mourir lorsque Will a disparu. Je suis amoureuse de Zack, ça ne fait plus aucun doute. C’est intense et profond, et de plus en plus fort chaque jour. Je suis certaine que s’il me quittait pour une autre, je serais complètement anéantie. Je ne suis pas le genre de fille pleine de confiance qui affronte tout et se relève après chaque tempête encore plus forte. Zack a besoin de ce genre de femme. Une femme qui n’a peur de rien, et ce n’est pas mon cas. Moi, je me terre et me morfonds pendant des lustres. Nos mondes sont trop différents. Zack est fait pour la lumière, pour briller sous le feu des projecteurs, alors que j’aime ma tranquillité. La musique est sa raison de vivre. Pendant ses années de souffrance, c’est ce qui l’a sauvé. Le show-biz est un monde à part, fait de tentation, et il est facile d’y céder. Zack me fait vivre et ressentir comme jamais. Je ne veux pas perdre cela, mais je ne veux pas souffrir non plus, et je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est ce qu’il va finir par arriver lorsque je vois toutes ces femmes lui tourner autour. Je ne sais pas ce que je me suis imaginé, mais j’ai complètement fait fausse route. Zack ne m’aime pas, au mieux, il est attaché à moi, mais je ne pourrais jamais rivaliser avec elles. Ça me déchire le cœur de penser cela, mais je n’y peux rien, le fossé qui est en train de se creuser en moi, entre nous, est en passe de devenir infranchissable. Lorsque je pense que le brouhaha retombe, une femme, qui doit certainement avoir mon âge, se présente à Zack. Mon regard glisse brièvement sur elle, mais je me détourne rapidement. Elle est magnifique, encore plus que toutes celles qui viennent de partir, et je ne suis clairement pas à l’aise face à elle. Cependant, contre toute attente, c’est le nom de Jason qui franchit ses lèvres. Je pose un coude sur la table et mon menton dans ma main. Ça ne se fait pas, et si ma mère me voyait, elle me sermonnerait pendant des heures, mais j’écoute ce qu’elle a à lui dire. T’as que ça à faire de toute façon ! Pas faux. — Tu pourras lui dire de m’appeler ? lui demande-t-elle. Un tic nerveux fait tressauter la mâchoire de Zack. — Bien sûr, lui répond-il. Elle le remercie et s’en va rapidement, nous laissant enfin seuls tous les deux. Je devrais en être soulagée pourtant, c’est tout le contraire. Je me sens horriblement mal. — Ça va, ma puce ? me demande-t-il. Non, pas du tout. Il se déplace pour s’assoir près de moi. D’un bras, il enveloppe mes épaules et me serre contre lui en déposant un baiser sur ma tempe. — Ça va, je murmure contre ses lèvres. Je me déteste de lui mentir, mais je ne veux pas gâcher son week-end. 23

Zack

Je pose mon sac sur mon lit et l’ouvre violemment pour enlever mes fringues que je balance par terre. Je suis énervé. Pourquoi ? Parce qu’il y a environ vingt minutes, j’ai déposé Alessandra chez elle. Pas de quoi fouetter un chat, c’est sûr, mais c’est pourtant le cas. Je pensais qu’entre nous tout allait bien. Et c’était le cas ! Je lui ai présenté la personne la plus importante pour moi et je suis ravi que toutes les deux se soient si bien entendues. Plus que bien même. Mais voilà, depuis que nous avons pris la route, elle s’est complètement refermée. Elle ne m’a quasiment pas décroché un mot de tout le trajet, complètement perdue dans ses pensées qu’elle était. Je voulais la ramener chez moi pour lui faire l’amour étant donné que le séjour chez ma mère a été très chaste — normal en même temps, ma chambre donne juste à côté de la sienne —, mais non ! Elle m’a demandé de la déposer chez elle parce qu’elle travaille demain et qu’elle est fatiguée. OK, je veux bien comprendre et mettre mes idées lubriques de côté, je me serais contenté de dormir avec elle. Je ne suis pas un salopard, mais elle ne m’a même pas donné l’occasion de la suivre. A peine descendue de voiture, elle a attrapé son sac, m’a dit qu’elle allait prendre une douche et se coucher et hop ! Un petit bisou digne d’enfants de maternelle, un petit merci et elle a tourné les talons. Je suis resté comme un con devant ma voiture, sur le trottoir, à la regarder regagner son immeuble. J’ai attendu qu’elle se retourne, en vain. Elle a marché, la tête baissée, et je n’ai pas réagi. J’étais comme anesthésié par ce qu’il se passait, cette distance qu’elle mettait entre nous sans que je n’en comprenne la raison. J’étais perdu et je le suis encore. Je m’assieds sur mon lit et me prends la tête entre les mains. Les coudes sur les genoux et la tête baissée, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je n’arrête pas de me refaire le film du week-end et je ne vois pas à quel moment ça cloche ou ce que j’ai mal fait. Ou alors, ce sont ses peurs qui ont refait surface. J’aimerais savoir ce qu’il y a dans sa tête. Putain de merde ! Ça me tord les tripes et je ne sais ni quoi faire ni comment l’aider. Je veux qu’elle sache qu’elle peut compter sur moi, qu’elle ne doit pas avoir peur de me dire ce qui ne va pas. J’attrape mon téléphone portable sur ma commode et commence à taper un message que j’efface aussitôt pour recommencer. Passe une bonne nuit ma puce. Tu me manques. J’appuie sur « envoyer ». Et j’attends. Plusieurs minutes passent sans que je ne reçoive la moindre réponse et je finis par me faire une raison, elle doit être couchée. Je me lève en mettant mon téléphone dans ma poche puis descends au salon où je trouve Jason devant la télé. — Ça va, mec ? demandé-je en prenant place à côté de lui. — Ouais et toi ? Je m’avachis sur le canapé. La tête en arrière sur le dossier, je contemple le plafond. — J’en sais rien. Jason éteint la télé et je sens son regard sur moi. — On bouge ? finit-il par me proposer. J’acquiesce et me relève. Je me dirige vers l’entrée où je prends mes clés et mon portefeuille puis je suis Jay jusqu’à sa voiture. Je m’installe côté passager pendant qu’il démarre. Le dernier album des Menzingers[36], un groupe de punk originaire de Pennsylvanie, se déverse dans l’habitacle alors qu’il s’engage sur la route en direction de River North[37]. Mon téléphone sonne, je l’extirpe précipitamment de ma poche en pensant qu’il s’agit peut-être d’Alex, mais l’emballement retombe vite en voyant le nom de Michael s’afficher. — Allo ? — Vous êtes où les mecs ? me demande mon ami. — On va prendre un verre. Tu te joins à nous ? — Ouaip ! Je demande à Jason où nous allons et lui transmets l’adresse avant de raccrocher. Après plusieurs minutes de route, mon chauffeur se gare dans un petit parking sur Hubbard et m’entraîne dans un petit pub irlandais. Tout en longueur, l’intérieur est assez sobre tout en affichant tout de même les couleurs du pays. Quatre petites tables se trouvent à l’avant, et il faut monter trois marches pour accéder au comptoir qui se trouve sur la gauche avec de nombreux tabourets. Sur la droite, le long du mur, des tables pour deux s’alignent. Ce n’est pas la première fois que nous venons, l’endroit étant plutôt tranquille et offrant une certaine intimité que nous ne trouvons pas ailleurs depuis que le succès est au rendez-vous. Quelques personnes sont installées au comptoir où nous nous arrêtons pour saluer le patron et commander deux bières. Une fois servis, nous nous asseyons à une table au fond de la salle. — Alors ? Ce week-end ? me demande mon ami alors que je prends une gorgée de mon verre. Je m’apprête à lui répondre lorsque je vois Mike passer la porte. D’un geste de la tête, je le désigne à Jason. Le batteur s’arrête comme nous un peu plus tôt au bar avant de nous rejoindre, une bouteille à la main. — Ça n’a pas l’air d’aller ! constate-t-il en me regardant. Je hausse une épaule, reprends une gorgée de ma bière et me décide à parler. Je raconte à mes potes mon séjour chez ma mère, leur annonce son mariage et termine par ma drôle d’impression sur le retour et lorsque j’ai déposé Alex chez elle. — Je ne la comprends pas, terminé-je. Le silence s’installe autour de la table. — Pourquoi tu t’emmerdes ? me dit alors Mike. Passe à la suivante ! Jason lève les yeux au ciel en secouant la tête. Mike est exaspérant certaines fois. Il en a de bonnes lui ! — Comment tu veux qu’il passe à la suivante alors qu’il l’aime ? lui demande Jay, perspicace. Le regard de Mike se pose alors sur moi et me scrute attentivement. Nous nous connaissons depuis l’enfance, nous n’avons pas de secrets les uns pour les autres, mais Mike, c’est un peu mon double, c’est celui dont je suis le plus proche et inversement. Je ne pense pas qu’il s’attendait à cela, et je n’ai parlé à personne de mes sentiments pour Alex. Elle-même les ignore, mais Jason est certainement le plus lucide d’entre nous, sans compter qu’il est très observateur. Je ne me suis jamais attaché à aucune femme et n’ai jamais eu de relation suivie, et jusqu’à présent tout ce qui comptait pour moi, c’était ma mère, mes potes et la musique, mais aujourd’hui, Alex est entrée dans ma vie, s’y est enracinée petit à petit et a pris place dans mon cœur. Un titre de MKTO[38] passe en ce moment même. Ma poitrine se comprime en écoutant les paroles. Je ne veux pas faire comme ce chanteur, je ne veux pas que tout finisse entre nous. Je ne veux pas la perdre, car je sais que j’ai trouvé celle qui est faite pour moi. Je sais que c’est la femme de ma vie, j’en suis persuadé. — Tu l’aimes vraiment ? me demande Mike au bout d’un moment. Je plante mon regard dans le sien et hoche la tête. Mon geste est lent et mesuré, je veux qu’il comprenne à quel point je suis sérieux, que tout cela n’est pas une plaisanterie. — Alors, accroche-toi, ne fais pas le con, finit-il par me dire. Parle-lui et rassure-la. Ne brise pas son cœur. Je vois un éclair de tristesse passer dans son regard, mais c’est tellement fugace que je me demande si je n’ai pas rêvé. — Désolé, mec, soufflé-je. Il plisse les yeux et ses sourcils se froncent. — Tout va bien pour moi, rétorque-t-il d’un ton abrupt. Il détourne le regard pour couper court à tout questionnement et boit sa bière. J’échange un regard avec Jason, aucun de nous n’est dupe. Mike se mure dans ses retranchements et refuse toute discussion. Il a fermé son cœur à toutes les femmes sauf à une, la seule qu’il a aimée sincèrement et de tout son être. Ça peut paraître con à dire, mais Callie et Mike étaient de véritables âmes sœurs, ils étaient faits l’un pour l’autre, et il aura suffi d’une fois pour que tout s’effondre. Dans un certain sens, je me sens aussi responsable, probablement comme Seth et Jason, mais nous étions jeunes et stupides, et nous profitions du succès naissant de notre groupe. Mike a fait une erreur et le paie amèrement aujourd’hui. Il n’a plus rien à voir avec le gars qu’il était. Il boit, fume et couche avec une fille différente à chaque fois. Il a toujours aimé faire la fête, mais il n’en reste pas moins qu’il a toujours été le plus romantique d’entre nous. Du moins, avec Callie. Il lui a brisé le cœur, brisant le sien par la même occasion. Aujourd’hui, je peux comprendre sa souffrance. Avant Alessandra, je n’ai jamais aimé et je ne veux pas savoir ce que ça fait d’avoir le cœur brisé. Je ne sais pas si je le supporterais alors que j’ai déjà l’impression que mes entrailles se déchirent avec la distance qu’elle met entre nous.

24

Zack

J’extirpe de ma poche mon téléphone qui vient de vibrer. Je regarde rapidement le message et y réponds avant de le ranger. J’essaie de ne rien laisser paraître, mais j’ai hâte de m’éclipser de cette réunion. Je relève la tête et constate que Mike m’observe, cependant il se détourne précipitamment et comme lui, je focalise mon attention sur Kristen qui nous informe des changements quant à la tournée et nous donne les chiffres de nos ventes. — Vous avez dépassé les deux millions les gars ! dit-elle surexcité. Je ne réagis pas. Mes amis non plus. Le silence règne dans la pièce, toute mon attention est focalisée sur notre manager et mon cerveau tente d’assimiler l’information qu’elle vient de nous donner. Kris affiche un sourire radieux, son regard passant sur chacun d’entre nous. — Vous avez compris ce que je viens de vous dire ? nous demande-t-elle. Je hoche la tête. J’ai très bien entendu, j’ai compris aussi, mais je ne réalise pas. C’est le brouillard dans ma tête. — Putain, les mecs ! s’exclame Mike nous sortant de la torpeur. Deux millions de disques vendus ! C’est comme un signal. Nous nous levons, nous prenons dans les bras, l’émotion nous submergeant. Seth se précipite vers sa chérie, la fait se lever pour la prendre dans ses bras et l’embrasse à pleine bouche. Toutes les heures passées à travailler, à composer, à donner le meilleur de nous-mêmes… tout cela est enfin récompensé, et c’est indescriptible. Nous avons réussi, notre rêve est en train de se réaliser. Nous avons une chance incroyable et cette chance, nous la devons à Chester, qui a cru en nous, mais aussi à Kristen. Elle aussi croit en nous, mais elle fait aussi un travail exceptionnel au quotidien. Elle nous soutient, nous pousse lorsque l’on doute, est présente à chaque instant, et travaille extrêmement dur pour que nous soyons au top. Lorsque Seth la lâche, je me précipite pour la prendre dans mes bras à mon tour. — Merci, ma belle, je murmure avant de l’embrasser sur le front. Elle s’écarte de moi, me tenant à bout de bras. — Dis plutôt merci à votre talent ! Je vais pour lui répondre, mais Jason est plus rapide que moi. — Ne rabaisse pas tout ce que tu as fait, Kris ! Sans toi, on n’en serait pas là et on le sait tous. Une larme échappe à mon amie. Je la serre rapidement contre moi avant de l’abandonner aux bras de Seth. Je laisse mes amis pour m’éclipser, prétextant un besoin pressant. Je marche rapidement, descends les escaliers quatre à quatre et lorsque je tourne à l’angle d’un couloir, je la vois enfin. Je m’arrête un instant pour la contempler. Elle me tourne le dos, appuyée contre un mur. Elle porte une jupe en jean et un débardeur noir, sa tenue me donne plein d’idées. Ça fait deux jours que je ne l’ai pas vue et je suis déjà en manque. Hier, nous avons à peine échangé par message, je ne supporte pas son éloignement. Peut-être que je me trompe, elle a prétendu être fatiguée, cependant j’ai du mal à y croire. Je m’élance à grandes enjambées vers elle et lorsqu’elle entend mes pas résonner dans le couloir, elle fait volte-face et nos regards se trouvent. Tout devient superflu, il n’y a pas besoin de mot, nos yeux parlent pour nous. Les miens lui disent à quel point je suis heureux de la revoir, à quel point je la désire et à quel point je l’aime. Et je suis certain de lire la même chose dans son regard. J’arrive à sa hauteur et fonds sur ses lèvres en serrant son corps contre le mien. Ses mains agrippent mes épaules alors que je dévore sa bouche. Elle répond à mon baiser et j’ai l’impression que la douleur qui avait pris racine dans mon cœur s’éloigne, un soulagement indescriptible m’envahissant. Il faut que nous parlions, je le sais parfaitement, mais pour l’instant c’est impossible, elle m’a trop manqué. Je me détache à contrecœur d’elle, le souffle court, et contemple son visage. Ses yeux papillonnent, ses joues sont rougies et ses lèvres gonflées. Le désir que j’éprouve à cet instant est tel que je ne peux résister plus longtemps à mon envie. J’attrape sa main et l’entraîne un peu plus loin. — Où va-t-on ? me demande-t-elle. Je ne lui réponds pas. À la place, j’ouvre la porte d’une réserve, la pousse à l’intérieur, puis jette un coup d’œil dans le couloir avant de la suivre et de refermer derrière moi. Je baisse les yeux sur la poignée et regarde la serrure, je grimace en constatant qu’il n’y a pas de clé. — Qu’est-ce que tu fais ? s’impatiente-t-elle. Je tourne la tête dans sa direction et lui fais un clin d’œil pour seule réponse. Elle prend un air boudeur absolument adorable en croisant les bras sur sa poitrine. Je la quitte des yeux pour chercher quelque chose pour bloquer la porte. Pas question que l’on nous surprenne. Dans le fond de la pièce, j’aperçois une chaise que j’attrape pour la coincer sous la poignée avant de tester la solidité. Satisfait, je fais de nouveau face à ma belle qui n’a pas bougé d’un pouce. — Zack ! Merde ! Qu’est-ce que c’est que ça ? dit-elle en désignant la porte. Je la rejoins en deux enjambées et pose mon front contre le sien, ancrant ainsi nos regards. — J’ai envie de toi, murmuré-je contre ses lèvres. Mes mains sur ses hanches, je la colle à moi pour qu’elle se rende compte de l’étendue de mon désir. Son souffle se fait plus court alors que ses lèvres s’entrouvrent. — On ne peut pas, tente-t-elle en me repoussant mollement. Sa voix est hésitante. Mes mains glissent le long de ses cuisses jusqu’à trouver l’ourlet de sa jupe. Je soupire de contentement quand mes doigts entrent en contact avec sa peau. Tout doucement, elles font le chemin inverse, cette fois sous le tissu, et lui procurent quelques frissons. Son souffle s’accélère un peu plus quand mes lèvres viennent butiner son cou et son sac glisse de son épaule avant de venir s’écraser par terre. — Zack, on ne peut pas faire ça ici. — Personne ne viendra, je la rassure. J’attrape le lobe de son oreille et le suce. Elle gémit en ondulant lascivement contre moi, ce qui m’envoie un pic de plaisir dans tout le corps. Mon sexe frémit d’impatience de la retrouver. Je ne m’embête pas à lui enlever sa culotte et la pousse pour avoir accès à son antre. Comprenant ce que je veux faire, elle écarte les cuisses, je souris contre sa peau. Elle a beau essayer de se raisonner, son corps est avide de mes caresses. D’une main, j’agrippe ses cheveux et mes lèvres retrouvent les siennes pour un baiser affamé, alors que de l’autre je caresse son sexe déjà humide. Les mains d’Alex glissent sur mon torse et descendent à mon pantalon. L’une caresse mon érection à travers le tissu tandis que l’autre se débat avec ma ceinture. N’allant pas assez vite à mon goût, je m’écarte d’elle brusquement, un hoquet de surprise lui échappe. J’attrape mon portefeuille, en sors une capote puis finis d’ouvrir mon jean que je baisse en même temps que mon boxer. J’ouvre l’emballage à l’aide de mes dents et déroule le préservatif sur mon sexe sous son regard étincelant. Alex glousse en me regardant, mais je ne lui laisse pas le temps de se moquer davantage de mon empressement. Je relève sa jupe et me jette de nouveau sur elle pour l’embrasser tout en agrippant ses cuisses pour la soulever. Elle enroule ses jambes autour de ma taille et je la plaque contre le mur. Ses bras autour de mon cou me pressent contre elle tandis qu’elle plonge son regard dans le mien. Je peux y lire le désir, cependant il y a autre chose que je perçois sans parvenir à le définir. Mes yeux se plissent, je l’interroge du regard, mais je n’ai pas le temps de plus chercher à comprendre qu’elle m’embrasse. Elle le fait avec passion comme si le temps nous était compté. Je lui rends son baiser avec la même avidité en m’enfonçant en elle jusqu’à la garde. Elle se cambre et ma bouche vorace aspire son gémissement. Je tremble sous le plaisir que me procure son sexe chaud serré autour du mien. Je relâche ses lèvres en m’écartant légèrement. Je commence à bouger en elle, mon regard rivé sur nos sexes ne faisant plus qu’un. Le plaisir m’inonde à mesure que je la pénètre. Je relève la tête et retrouve son visage. Les yeux fermés et la tête rejetée en arrière, elle est entièrement livrée au plaisir, elle n’est plus que sensation, et je me repais de cette vision. Ma main quitte ses cheveux et vient caresser son sein alors que ma bouche retrouve le soyeux de la peau de son cou. Alex gémit de plus belle et son cocon se resserre de plus en plus fort autour de moi. Elle est proche de l’orgasme. Je continue à la pilonner avec des va-et-vient longs et puissants, haletant sous les sensations parfaites que nos corps créent ensemble. Ses bras se rivent autour de mes épaules et sa tête vient se nicher dans mon cou, me faisant frissonner sous son souffle, ses gémissements résonant à mon oreille et attisant le feu qui coule en moi. Puis ses parois intimes se contractent violemment autour de mon sexe et elle jouit enfin en me mordant l’épaule pour étouffer son cri. Ce geste brutal déclenche ma propre jouissance, je donne un dernier coup de reins accompagné d’un râle profond et me perds en elle en la serrant contre moi, le corps tremblant. Encore haletant, je pèse de tout mon poids sur elle. Ses mains caressent mon dos, mes cheveux, je savoure avec félicité ce moment exquis. Jamais je n’aurais imaginé un jour vouloir une femme à ce point. Jamais je n’aurais imaginé ressentir un désir et un plaisir si fort pour quelqu’un. Alex est celle que je veux, et il n’y a rien de plus merveilleux que de tenir la femme que j’aime dans mes bras. Je sens son étreinte se relâcher, je me redresse en me retirant en douceur de son antre. Je contemple son visage en la reposant à terre, mais elle détourne le regard. Je grimace et prends ça comme un rejet, ça fait mal. Vraiment très mal. Je ne sais pas ce qu’elle a en ce moment, mais j’en ai assez de tous ces non-dits. La colère me gagne, prenant le dessus sur ma tristesse. Je retire le préservatif, y fais un nœud et le jette dans une poubelle avant de me rhabiller. Alex met de l’ordre dans sa tenue en gardant le silence. Je me tiens face à elle, mais elle m’évite toujours. — Qu’est-ce qui se passe ? je lui demande un peu sèchement. Son regard croise enfin le mien. Ses yeux pleins de larmes me déchirent de l’intérieur. Je fais un pas vers elle, seulement elle lève une main, m’intimant de rester où je suis. Je m’arrête net, mes yeux se plissant en l’observant. Je n’aime pas ce qui est en train de se passer. — Je suis désolée, murmure-t-elle en sanglotant. J’ouvre la bouche, mais une boule obstrue ma gorge. J’avale péniblement ma salive pour la faire passer. — Comment ça, t’es désolée ? arrivé-je à dire. Elle secoue la tête et ses bras se referment sur eux, comme si elle avait froid, comme si elle voulait se protéger. — Je ne peux pas, articule-t-elle difficilement. Je suis blême. Ses mots parviennent à mon cerveau, mais je refuse de leur donner du sens. — Toi et moi, ça va trop vite. Je ne peux pas. Mon cœur se fissure.

25

Alex

— Toi et moi, ça va trop vite. Je ne peux pas. Mon cœur saigne et se révolte dans ma poitrine alors que je prononce ces mots, mais c’est la vérité, ça va trop vite. Les sentiments que j’éprouve pour lui me dépassent. Ils me terrifient et j’ai besoin de faire le point. Je ne connais pas l’étendue des sentiments de Zack, mais je me doute qu’il en a, sinon pourquoi m’avoir présentée à sa mère. Lorsqu’il m’a envoyé un message un peu plus tôt dans la journée, je n’ai pas réussi à lui dire non. Je ne l’avais pas vu depuis dimanche soir et il me manquait. Hier, je travaillais et nous n’avons échangé que quelques messages. À plusieurs reprises, il m’a demandé si tout allait bien, il se rend compte que je m’éloigne de lui. J’ai répondu positivement même si dans ma tête c’est le bordel. J’ai besoin de réfléchir, que ce soit à la puissance des sentiments que j’éprouve pour lui, ou encore à ce qu’il s’est passé ce week-end. J’ai besoin de me poser les bonnes questions, à savoir si je serais capable de vivre ainsi. La jalousie peut détruire un couple, une personne. Elle nous ronge de l’intérieur en nous volant ce que nous avons de plus beau. Ce que j’ai ressenti ce week-end était déstabilisant, car je n’avais jamais éprouvé cela avec une telle force, mais aussi douloureux, car j’ai peur de le perdre. Je ne suis pas une personne avec une assurance sans faille, j’en suis loin, et avec toutes ces femmes plus belles les unes que les autres, je me suis sentie minable et insignifiante. Ça fait si peu de temps que nous nous connaissons, c’est pour cela que j’ai l’impression que ça va trop vite. Pour moi, une relation a besoin de temps pour se construire. Le seul point de comparaison dont je dispose est ma relation avec Will, et c’est ainsi que notre relation s’est construite, avec du temps. Je sais que je ne devrais pas faire de comparaison, cependant c’est plus fort que moi. J’ai tellement peur de m’engager à nouveau, peur de souffrir encore que je préfère arrêter. Seulement, en suis-je capable ? Zack me fixe et intensément. — C’est quoi ces conneries ? s’énerve-t-il en me foudroyant du regard. Il ferme les yeux et inspire profondément. Tout son corps est tendu et ça me déchire le cœur de le voir ainsi, parce que c’est de ma faute. — Explique-moi, dit-il d’une voix plus calme, mais qui cache mal sa colère. Je ferme les yeux en baissant la tête. Mes poings se serrent, j’ai envie de me mettre en boule et de me cacher pour ne plus voir son visage dévasté par le chagrin. — Je te l’ai dit, ça va trop vite et ça me fait peur, dis-je la gorge nouée. Il croise les mains sur sa nuque en me fixant de son regard triste. Les yeux rougis, ses lèvres sont pincées et ses traits tirés. Je n’aurais pas dû venir. Je n’aurais pas dû le laisser m’entraîner dans ce placard et encore moins le laisser me faire l’amour. — Alors c’est ça ! C’était une baise d’adieu ! crache-t-il vindicatif. Ses paroles me percutent violemment et je ne peux plus retenir mes larmes qui dévalent mes joues. Je ne l’ai jamais vu si énervé et je ne pense pas que ce soit de bonnes conditions pour parler, même si je comprends son animosité. — Écoute Zack, je pense qu’il vaut mieux que l’on se calme et qu’on en parle plus tard. Il ne me regarde pas, c’est à son tour de mettre une distance entre nous, et elle est méritée. D’une main, j’essuie mes larmes en ravalant mes sanglots, ramasse mon sac puis me dirige vers la porte. J’enlève la chaise qui la bloque pour la placer plus loin, mais je pose à peine la main sur la poignée que Zack m’agrippe le bras et me tire pour que je lui fasse face. Un petit cri m’échappe sous la surprise. Sa main serre mon bras fort, il me fait mal, mais ce n’est rien en comparaison de la douleur qui résonne dans mon cœur alors que je regarde l’homme que j’aime complètement anéanti par ma faute. Son regard voilé par la tristesse me transperce l’âme, la déchire douloureusement. — Ne fais pas ça, me supplie-t-il d’une voix rauque. — Zack, je murmure. Je m’étais jurée que je ne tomberais plus amoureuse et tu es arrivé… tu as tout fait voler en éclat. Je pose délicatement ma paume sur sa joue rugueuse et la caresse un instant avec tendresse avant qu’il n’arrête mon geste en emprisonnant mon poignet. — Je t’aime Zack, je lui avoue alors, mais j’ai besoin de l’accepter. Ses yeux s’écarquillent et sa bouche s’ouvre avant de se refermer. Il ferme les yeux avant de prendre une profonde inspiration. — Tu ne peux pas me dire ça et te barrer ! Tout en parlant, sa prise sur mon bras se resserre et je grimace. — Zack ! Tu me fais mal ! protesté-je. Il me relâche d’un seul coup en reculant de plusieurs pas, l’air complètement désorienté. Son visage est plus pâle que la mort et me donne l’impression de l’avoir frappé. — Je suis désolé, murmure-t-il. Son regard tourmenté me quitte, il semble complètement perdu, mais aussi apeuré. — Je suis désolé, répète-t-il désespérément. — Zack ? Précipitamment, il me contourne et quitte la pièce faisant claquer violemment la porte derrière moi, ce qui me fait sursauter. Je suis figée, je n’arrive pas à comprendre ce qu’il vient de se passer. Jusqu’à présent, j’avais peur de ce que je ressentais pour lui, mais là, tout de suite, j’ai peur de ce que tout ça présage pour la suite. Mon cerveau arrête de cogiter et mon corps se met enfin en mouvement. Je sors de la pièce et regarde de chaque côté du couloir, mais il n’est pas là. Je prends à gauche en direction de la sortie en avançant rapidement et en essayant de garder le contrôle sur le désespoir qui me gagne. J’ai l’impression de suffoquer. Je bifurque à droite et aperçois Kristen qui vient dans ma direction en souriant, mais à mesure que nous nous rapprochons l’une de l’autre, son sourire s’efface et un trait soucieux barre son front. — Alex, qu’est-ce qui t’arrive ? m’interroge-t-elle, inquiète, en arrivant à ma hauteur. — Tu as vu Zack ? je lui demande au lieu de répondre à sa question. Elle m’observe un court instant, les sourcils froncés, se faisant probablement plusieurs scénarios dans sa tête. — Non, finit-elle par me répondre d’une voix douce. Mais je crois qu’il est parti. Je baisse la tête et ferme les yeux. Qu’est-ce que j’ai fait ? — Viens avec moi dans mon bureau, m’enjoint-elle. Tu vas m’expliquer ce qu’il se passe. D’accord ? Je hoche la tête et elle passe un bras autour de mes épaules pour me guider, je la suis tel un pantin. Je suis encore sous le choc de ce qu’il vient de se passer. Mon cœur se fissure un peu plus dans ma poitrine à chaque seconde qui passe. C’est douloureux. À un point que je ne pensais pas pouvoir ressentir encore une fois. Je me demande si je n’ai pas fait une erreur en lui parlant, mais dans un couple, être honnête est aussi important que l’amour et le respect. Bien que ce soit un peu l’hôpital qui se foute de la charité. Je parle d’honnêteté, mais je ne l’ai pas vraiment été ce week-end. J’aurais dû lui parler tout de suite de mes doutes au lieu de ressasser dans mon coin. Je l’aime tellement que c’est effrayant. La raison me pousse à me protéger alors que mon cœur ne peut s’empêcher de battre pour lui. La semaine dernière, nous nous sommes vus tous les jours, nous nous sommes aimés de nombreuses fois. Pendant à peine deux jours, je ne l’ai pas vu et il m’a manqué cruellement. C’est déroutant de voir la place qu’il a prise dans ma vie en si peu de temps. Je ne pensais pas pouvoir ressentir cela de nouveau, et pourtant… C’est comme si la vie m’offrait un cadeau. Mon Dieu, mais qu’est-ce que j’ai fait ? L’amour est tout aussi précieux que la vie, il lui donne une autre consistance et elle devient plus belle et plus lumineuse. Chaque instant passé avec l’être aimé, même le plus banal, devient merveilleux, je me rends compte que c’est ce que Zack a fait pour moi. Il a rendu ma vie insipide merveilleuse. Alors suis-je capable de refuser ce cadeau ? Je ne pense pas. Le temps est inestimable et précieux, je ne le sais que trop bien. J’en ai voulu à la Terre entière lorsque Will est mort, mais je ne regrette en rien notre histoire. Je suis de ceux qui pensent qu’il vaut mieux avoir aimé et perdu que de n’avoir jamais ressenti ce magnifique sentiment. Zack vit son rêve et je ne peux pas lui en vouloir. De toute façon, il n’y a pas à lui en vouloir, je suis tellement heureuse pour lui. C’est ça aussi l’amour, c’est se réjouir du bonheur de l’autre, se soutenir en toutes occasions. Dans un sens, j’ai échoué, car mes craintes ont pris le dessus. Zack ne m’a pas trahie et il n’a rien fait pour remettre en cause ma confiance. Il est franc, droit et protecteur. Il est attentionné, patient et aimant. Je ne le mérite pas et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de le vouloir. Je me sens tellement minable de m’être laissée dominer par mes incertitudes. Pourquoi ne l’ai-je pas réalisé avant ? Pourquoi me rendre compte de tout ça alors que je l’ai peut-être perdu ?

26

Alex

— Tu vas voir, ça va s’arranger, tente de me rassurer Kristen. Je hausse les épaules, le nez toujours plongé dans ma tasse. Je viens de lui raconter ce qu’il vient de se passer et j’aimerais être aussi optimiste qu’elle, mais c’est loin d’être le cas. — Quand il sera calmé, il viendra te voir, continue-t-elle. — Je n’en suis pas si sûre. Je ne l’ai jamais vu énervé comme ça… et quand il est parti… Ma voix se brise sur ces derniers mots. Je pose mon breuvage sur la table et ferme les yeux en refoulant le flux d’émotions qui me submerge. — J’ai eu l’impression de l’avoir frappé. Son visage était… comme torturé. Kristen attrape ma main et la serre entre les siennes. — Je suis persuadée qu’il est aussi perdu que toi et je comprends parfaitement que tu aies peur de t’engager à nouveau. Ce n’est pas moi qui te jugerai là-dessus. — J’ai peur qu’il se lasse de moi, dis-je. Quand je vois toutes ces filles qui font la queue pour avoir son attention… ça me rend folle ! Kristen sourit en relâchant ma main avant de se réinstaller plus confortablement. — C’est stupide, terminé-je. — Mais non ! objecte-t-elle. C’est normal d’être jalouse et tu es amoureuse. Et avec ce que tu as vécu, tu as peur de t’attacher à nouveau et de le perdre. Tu sais, ça n’a pas été facile pour moi non plus avec Seth, mais il s’est accroché et il a su me mettre en confiance. Je ne réponds rien. Kris a eu énormément de courage de refaire sa vie et d’arriver à accorder de nouveau sa confiance à un homme. Kris est une battante et elle a tout mon respect. Elle mérite tellement d’être heureuse. — Ton passé fait partie de toi, ma belle. Il t’a fait grandir et évoluer. Tu as eu des moments de bonheur et d’autres de tristesse, mais comme tout le monde, tu mérites d’être heureuse. Je vous ai vus, tous les deux, et Zack t’aime profondément, ça se voit. Il est fâché et probablement blessé dans son égo, mais c’est quelqu’un de sincère et de profondément attaché à ceux qu’il aime. Néanmoins tu dois, toi aussi, de ton côté, faire le deuil de Will. Son téléphone, resté sur son bureau, sonne et capte son attention. — Ne t’inquiète pas, tout va s’arranger, termine-t-elle en se levant. Je me redresse à mon tour, plus rassurée qu’il y a quelques minutes. Elle regarde rapidement son message et revient vers moi. — Merci, Kris. — C’est quand tu veux ! D’ailleurs, il faudra qu’on voie pour se faire une soirée entre filles. Je lui souris. — Ce sera avec plaisir. Je la quitte après l’avoir serrée dans mes bras et gagne la sortie du bâtiment. Je repense à ce qu’elle vient de me dire concernant Will et mon deuil. Je pensais l’avoir fait, mais je n’en suis plus aussi certaine. Et si ce n’était pas le cas ? Je m’inquiète de ma relation avec Zack pourtant je n’arrête pas de la comparer à celle que j’ai vécue avec William. C’est n’importe quoi de faire ça et comme Kris me l’a si bien dit, je dois passer à autre chose. Rien ne sera jamais pareil et en faisant ainsi, je mets un frein à cette nouvelle relation, je la sabote toute seule et je fais souffrir celui que j’aime désormais. Ça ne peut plus durer ainsi. J’attrape mon portable dans mon sac et compose le numéro de Zack tout en poussant la lourde porte du bâtiment. Le répondeur se met directement en marche. Je raccroche sans prendre la peine de laisser de message, je déteste parler à une machine. Je soupire et range mon téléphone en avançant sur la quarante-septième rue. Je me décale sur le trottoir pour laisser passer un homme qui ne m’a pas l’air très frais quand celui-ci me bloque le passage. Instinctivement, je recule, mon regard se braque sur lui et je l’examine de haut en bas. Je ne l’ai jamais vu et je me demande ce qu’il lui prend. Vêtu d’un jean troué, d’un polo vert tâché et de baskets complètement usées, l’homme ne doit pas avoir vu une salle de bain depuis plusieurs jours. Ses cheveux sont gras, sa barbe pas rasée et il pue à un kilomètre à la ronde. Pourtant, il a quelque chose chez lui qui m’est familier, cependant j’ai beau chercher, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Le regard qu’il me retourne est plein de fureur et de mépris. L’homme ne m’a toujours pas dit ce qu’il me voulait, mais je le vois serrer et desserrer les poings. Mon organe cardiaque commence à s’agiter, ma gorge s’assèche et ma mâchoire se contracte. Je peux le dire, je flippe carrément ! Je veux regarder derrière moi s’il n’y aurait pas quelqu’un dans la rue pour m’aider, mais je n’arrive pas à détacher mes yeux de lui. Je suis comme pétrifiée devant cet homme qui me dépasse de presque deux têtes, et malgré son air fatigué, sa stature est assez impressionnante. J’ai envie de crier à l’aide, mais je n’arrive pas à ouvrir la bouche. Autre solution, me mettre à courir dans l’autre sens et retourner dans les locaux du label. Ce type sent l’alcool à plein nez et malgré ses grandes jambes, je suis quasiment certaine de pouvoir le distancer. — Espèce de sale petite pute ! crache-t-il d’une voix caverneuse. Un hoquet de surprise m’échappe. Après ce qu’il vient de se passer avec Zack, je ne m’attendais pas à me faire accoster par un type louche dans la rue, et encore moins à me faire insulter. Il se prend pour qui ce con ? Je ne le connais pas, il ne me connaît pas, et il ose me traiter de pute ! La raison devrait me pousser à me tempérer, mais la colère prend le pas sur ma peur et je m’énerve. — De quel droit vous me dites ça ? craché-je à mon tour. Malgré sa barbe fournie, je peux voir un sourire sinistre apparaître sur ses lèvres et un frisson me parcourt l’échine. Il avance encore vers moi et je recule de plus belle. J’ai beau être en colère, il m’effraie tout de même. Sauf qu’idiote que je suis, je me retrouve dos au mur et il en profite pour me bloquer. Instinctivement, je lève les bras devant moi pour l’empêcher de s’immiscer dans mon espace vital, mais il m’attrape par les poignets d’une poigne ferme et puissante qui m’arrache un cri. Faible le cri. À quoi ça servirait de hurler à s’en arracher les cordes vocales dans une situation pareille ? À croire que ma voix s’est fait la malle en même temps que mon courage. Je me crispe sous la douleur, mon cœur bat à cent à l’heure dans ma poitrine, et je tente de me dégager. Mon désarroi a l’air de le satisfaire, car il sourit de plus belle. J’ai tellement mal que les larmes me montent aux yeux. Je cligne plusieurs fois les paupières pour essayer d’endiguer le flot qui ne tardera pas à se déverser si je ne me ressaisis pas, mais rien n’y fait. Le désespoir me gagne alors que je regarde autour de moi la rue désespérément vide. L’homme plonge son regard dans le mien et j’y vois de la haine. Une haine profonde et vive, qui est dirigée contre moi sans que je n’en comprenne la raison, néanmoins je suis certaine que je ne vais pas tarder à la découvrir. — Je veux que tu lui foutes la paix, vocifère-t-il à quelques centimètres de mon visage. Son haleine empeste l’alcool et me fait monter la bile. — Je ne veux pas d’une sale pute opportuniste dans sa vie ! Putain ! Mais de quoi il parle ? Je ne comprends rien de ce qu’il me raconte et pense qu’il doit me prendre pour quelqu’un d’autre, ce n’est pas possible autrement, je n’ai jamais vu cet homme de ma vie. — Vous vous trompez de personne, dis-je d’une voix tremblotante. Il me rit au nez sans toutefois relâcher mes poignets. Au contraire, il resserre encore sa prise et une plainte m’échappe. J’ai l’impression que mes os vont se disloquer tellement il serre fort. — Je t’ai vue avec mon fils, reprend-il. Son fils ? Je plisse les yeux sous l’incompréhension et puis la lumière se fait dans mon esprit. Je sais désormais ce qui me semble si familier depuis le début chez cet homme. Ce sont ses yeux, les mêmes que ceux de Zack. J’ouvre la bouche pour parler, mais rien n’en sort, je suis sous le choc. Jamais je n’aurais pensé rencontrer cet homme que Zack méprise tant, et qui l’a fait souffrir pendant de nombreuses années, tout comme sa mère. — Ça y est ? Tu vois qui je suis ? Je hoche la tête lentement. — Alors tu vas faire ce que je te dis, tu vas sortir de sa vie ! Il n’a que faire d’une fille comme toi, qui est là juste pour profiter de lui. Tu n’es rien et tu ne vaux rien pour lui. Dans un premier temps choquée et blessée par ses paroles, je ravale la boule dans ma gorge, puis galvanisée par ma colère, je le repousse d’un geste brusque. Il ne s’attendait pas à un tel retournement de situation et me lâche en reculant et titubant. — Vous n’avez aucun droit, espèce de connard ! hurlé-je à mon tour. Vous n’avez jamais été là pour lui, vous l’avez brisé ! Vous avez détruit votre famille alors vous n’avez rien à me dire. J’aime Zack pour lui, et sa notoriété ou son fric je n’en ai rien à foutre ! Est-ce que vous pouvez en dire autant ? Pendant des années vous avez été absent et vous revenez maintenant ? C’est une blague ! Le père de Zack est rouge de colère. Il avance vers moi et avant que j’aie le temps de réagir, il m’assène un revers de la main en pleine figure. Ma tête part en arrière et la violence du coup entraîne mon corps à sa suite. J’atterris par terre en me rattrapant avec les mains qui rappent durement sur le bitume. Merde ! Ça aussi ça fait mal. — T’as intérêt à faire ce que je te dis, salope ! Là, je suis gentil, mais ça ne va pas durer !

27

Alex

— Espèce de connard ! hurle une voix derrière moi. Dans un sursaut, je tourne la tête et vois Mike arriver en courant. Mes yeux pivotent à nouveau vers l’homme qui vient de me frapper pour constater qu’il s’est redressé et a fait plusieurs pas en arrière, le regard toujours plein d’animosité. Mike se positionne entre nous deux dans une position offensive pour me protéger. Les jambes écartées et les poings serrés prêts à frapper, tout son corps est tendu. — Dégagez Carl et ne revenez pas, lui ordonne-t-il d’une voix froide. — Je suis là pour voir mon fils, lui répond-il, hargneux. Mike lâche un rire mauvais sans le lâcher du regard. — Votre fils n’en a rien à foutre de vous, et quand il apprendra ce que vous lui avez fait, crache-t-il en me désignant d’un doigt, il n’aura qu’une envie, celle de vous tuer. Je me relève en grimaçant et constate que mes mains sont écorchées tout comme ma jambe droite, quant à ma jupe, elle est déchirée dans le bas. Je me frotte les mains délicatement pour enlever les petits cailloux qui se sont logés dans les plaies et passe la langue sur mes lèvres douloureuses. Je goûte mon sang et tressaille quand elle glisse sur l’endroit où il m’a frappée. Super ! Je passe le dos de ma main sur mon menton pour m’essuyer, car je perçois le liquide couler et y découvre une belle trace rouge. Je dois avoir une belle tête avec tout ça. Je reporte mon attention sur les deux hommes, Mike me bouche la vue alors je me décale légèrement pour mieux voir. Ils se jaugent, échangeant des regards peu amènes. J’ai peur qu’ils n’en viennent aux mains, mais je n’ose pas intervenir. Le père de Zack me fait peur et je crains de tout faire dérailler en disant quelque chose, mais contre toute attente, il fait un geste dédaigneux de la main et se détourne. Je le regarde partir, figée. — Ça va ? me demande Mike en posant une main sur mon épaule et en la pressant. J’acquiesce. — Ça va, je murmure en me secouant. Merci, Mike. — Viens, m’ordonne-t-il. Je t’emmène à l’hôpital. Il commence à avancer dans la rue, cependant je ne le suis pas. — Ce n’est pas la peine, lui dis-je. Ça va. Il s’arrête net et se retourne pour me faire face, les lèvres serrées dans une expression furieuse qui me donne envie de partir en courant. — Tu vas aller te faire examiner et tu vas porter plainte, décrète-t-il d’un ton lent en agitant un doigt dans ma direction. Je lève les yeux au ciel. Les hommes sont-ils tous aussi têtus et autoritaires ? — Je ne veux pas porter plainte, Mike, je m’énerve. Zack n’a pas besoin de ça ! Il passe une main sur sa barbe de trois jours — geste qui trahit son irritation —, en poussant un profond soupir. — OK, concède-t-il. Mais on va à l’hôpital ! Même si tu ne portes pas plainte, je veux que tu fasses constater tes blessures. — Tu crois qu’il pourrait recommencer ? je lui demande, légèrement effrayée. Il regarde dans la direction qu’a prise Carl Shane quelques minutes plus tôt. — Je ne sais pas, confesse-t-il. Ça fait des années que personne ne l’avait vu. J’assimile ses paroles et un frisson me dévale l’échine tandis que Mike sort son téléphone et compose un numéro. Après un instant où visiblement il n’obtient pas de réponse, il raccroche et le range. Je tressaille lorsqu’il passe un bras autour de mes épaules pour m’entraîner vers sa voiture. Il m’ouvre la portière et me fait monter avant d’ouvrir la boîte à gant pour me tendre un paquet de mouchoirs la seconde suivante. — Pour ta lèvre, dit-il. Je lui prends le paquet et il referme la portière. J’abaisse le pare-soleil pour regarder l’étendue des dégâts dans le miroir. Ma lèvre inférieure est gonflée et un peu fendue sur le côté. Je soupire, ce n’est pas très joli à voir et c’est douloureux, mais ça aurait pu être pire. Mike ne perd pas de temps et démarre aussitôt installé derrière son volant. Je plaque un mouchoir contre ma lèvre que je tapote pour endiguer le flux et ainsi éviter de salir le siège. Je me tourne vers ma vitre pour regarder les immeubles défiler, je ne me sens pas très bien, sûrement la tension qui retombe. Le silence s’installe, légèrement pesant. Je ne me suis jamais retrouvée seule avec Mike par le passé. J’ai bien évidemment déjà discuté avec lui, à plusieurs reprises même, Mike est très gentil et on devine qu’il a ses blessures, mais Zack était toujours présent. Donc, seule avec lui, je ne me sens pas très à l’aise. Je ne sais pas quoi dire ni si je dois dire quelque chose, alors je préfère me concentrer sur le paysage. Lorsque je sens que ma lèvre ne saigne plus, je glisse mon mouchoir dans ma poche. — Tu es certaine que ça va ? me demande-t-il tout d’un coup d’une voix plus calme. Tu as été agressée, c’est normal d’être en état de choc. J’avale difficilement ma salive, mais suis tout de même touchée qu’il s’inquiète. — Ça va. — Alex, dit-il en tournant un instant la tête vers moi. Tu trembles. Je baisse la tête vers mes mains qui, effectivement, jouent des castagnettes. Je croise les doigts sur mes genoux pour les bloquer et ne peux m’empêcher de grimacer lorsque mes paumes entrent en contact. Je suis peut-être effectivement en état de choc avec tout ce qu’il vient de se passer. D’abord ma dispute avec Zack, qui a pris des allures de rupture définitive lorsqu’il est parti, puis l’agression de son père. Je crois bien que même sans cette agression, ça aurait été un choc de le voir, étant donné ce que Zack m’en a dit. Et quand je repense à ce qu’il m’a dit… comment peut-il oser me traiter d’opportuniste ? Mais ce n’est pas ça qui m’a fait le plus de mal, car je sais que je ne suis pas ce genre de personne. Non, ce qui m’a le plus touchée, c’est de l’entendre dire que je ne suis rien pour son fils. Et s’il avait raison ? — Qu’est-ce qu’il te voulait ? m’interroge le musicien. Il t’a dit quelque chose ? — Rien d’intéressant, murmuré-je. Mike stoppe à un feu rouge et se tourne dans ma direction. — Écoute Alex, reprend-il d’une voix tendue, je ne te connais pas beaucoup, mais tu comptes pour Zack donc tu comptes pour moi aussi. Je l’observe, les yeux plissés, alors que tout un tas d’émotions se déverse en moi. Le désespoir, la tristesse, mais aussi le soulagement de l’entendre tenir ces propos. Ça me submerge, la tension se relâche, les vannes cèdent et je fonds en larmes. J’essaie d’étouffer mes sanglots, c’est gênant de pleurer ainsi devant lui. — Raconte-moi, me demande-t-il d’une voix plus douce en reprenant la route. Tu te sentiras mieux après. Alors c’est ce que je fais. J’essuie mes larmes en prenant une profonde inspiration, puis je lui raconte tout, et effectivement ça me fait du bien. Je commence par ma dispute avec Zack qui a entraîné son départ. Je lui dis à quel point je me sens stupide d’avoir réalisé, seulement après coup, la bêtise que je venais de faire, et que je m’en veux énormément de l’avoir fait souffrir. Puis je termine avec mon altercation avec son père. À aucun moment, Mike ne m’interrompt, il semble concentré sur la route, mais je sais qu’il m’écoute et je sens son regard sur moi à plusieurs reprises pendant mon monologue. Je termine au moment où il entre sur le parking de l’hôpital. Le silence se fait dans l’habitacle alors qu’il cherche une place et lorsqu’il en trouve enfin une, il se gare rapidement avant de couper le contact. Je pose la main sur la poignée pour ouvrir ma portière, mais il interrompt mon geste en prenant la parole. — Ce n’est pas ta faute, s’il est parti. Je me tourne vers lui, perplexe. J’ai l’impression que mes batteries sont à plat et je n’arrive pas à comprendre pourquoi il me dit cela. Il est évident que c’est de ma faute, je l’ai blessé et il est parti pour digérer tout ça. — Il t’a fait mal, reprend-il. — Non, c’est moi qui lui ai fait du mal, je le coupe. Il secoue la tête négativement en se réinstallant dans son siège. — Tu ne comprends pas, souffle-t-il en se passant une main sur le visage. — Alors, explique-moi, commencé-je à m’énerver. Il se laisse aller en appuyant sa tête contre l’appuie-tête, le regard fixe devant lui. — C’est le geste qu’il a eu envers toi. Mes sourcils se froncent, je ne vois pas de quoi il parle. — Quand il t’a agrippé le bras, ça t’a fait mal et il s’en veut. Il s’est barré parce qu’il n’a pas supporté te faire mal. J’ouvre la bouche et la referme plusieurs fois, genre poisson rouge dans son bocal. Je suis stupéfaite par cette révélation et n’arrive pas à aligner la moindre pensée cohérente. Je reste interdite, à regarder l’ami de l’homme que j’aime me faire découvrir une vérité à laquelle je n’avais pas pensé. Mike continue de parler. Je l’écoute, attentive, le cœur toujours plus lourd et de plus en plus douloureux à mesure que je découvre cette partie de Zack que je ne connais pas. Je l’ai toujours vu comme un homme fort, attentif aux autres et protecteur, comme avec sa mère ou même Kristen. Je le connais tendre et passionné, donnant toujours le maximum dans ce qu’il entreprend. Et là, je découvre sa faille, cette partie de lui qu’il enfouit profondément et qui le terrifie. Tout au fond de lui, Zack est encore un petit garçon blessé par la vie. Réfugié derrière une attitude désinvolte, il n’en reste pas moins qu’il possède un cœur énorme malgré qu’il soit meurtri. Il se révèle plus complexe que ce que je pensais. J’aimerais tellement revenir en arrière... OK, Zack a serré un peu trop fort mon bras et ça m’a légèrement fait mal, mais à aucun moment je n’ai eu peur qu’il ait un geste déplacé. À aucun moment, je n’ai eu peur de lui. Un homme comme Will ou Olin m’aurait relâchée et se serait excusé, mais Zack n’est pas un homme comme les autres. Il a des blessures profondes, il a été meurtri dans son cœur par l’homme qui était censé aimer et protéger sa famille. Un homme qui a lamentablement échoué dans son rôle de mari et de père, et qui a fait de sa femme son punching-ball. Zack a grandi dans la peur, il a été le témoin impuissant de la violence faite à sa mère. Je sais qu’il a voulu intervenir, mais qu’enfant, il n’avait pas la force pour le faire et que c’était pire par la suite, car son père disait que Judy montait Zack contre lui. Je comprends sa peur, mais elle est injustifiée. Il était une victime de cet homme, lui aussi. Il n’a pas une once de méchanceté en lui. Je me sens tellement minable, j’espère que je n’ai pas tout gâché.

28

Zack

Je lave ma tasse dans l’évier en écoutant B.B. King[39]. Je suis chez ma mère et je n’ai prévenu personne que je m’absentais. Mardi, après ma dispute avec Alex, je suis passé prendre quelques vêtements, j’ai coupé mon téléphone et je suis venu ici. J’avais besoin de réfléchir. Pour le coup, je suis un gros connard, Alex a dû terriblement s’inquiéter, mais j’ai eu peur après ce que je lui ai fait. J’ai énormément parlé avec ma mère. C’est la personne qui me connaît le mieux et elle a su me rassurer, pourtant ça n’a pas été facile. Quand Alex s’est plainte que je lui faisais mal, j’ai eu l’impression de me disloquer en mille morceaux. C’était comme si elle venait de me frapper en plein plexus solaire, juste avec ses paroles, car elles me ramenaient à ma plus grande frayeur. Car oui, j’ai peur, chaque jour. Comme tout homme, j’ai une faiblesse et celle-ci me pourrit l’existence depuis l’enfance. J’ai peur de devenir comme lui. Pendant des années, je ne me suis jamais attaché à aucune femme et si j’y réfléchis bien, c’est à cause de ça. Avec Alex, je n’ai rien prémédité ni rien pu empêcher. Et je n’ai pas voulu le faire. Je l’aime tellement, cependant je m’en veux énormément pour ce que je lui ai fait et je ne sais pas si elle voudra bien me pardonner. Ma mère a su trouver les mots pour me rassurer. Comme elle l’a si bien dit, tous les enfants battus ne deviennent pas violents en grandissant. Certaines personnes reproduisent alors que d’autres non. Comme elle l’a si bien résumé, c’est une prise de conscience. Il n’y a pas de raison que je devienne comme lui, il n’était pas mon seul parent, elle aussi était là et n’avait pas le bon comportement, car pendant des années elle a été une victime et ça non plus, ce n’était pas la bonne chose à me montrer. Elle l’a quitté, a compris tout cela et est devenue une femme heureuse et épanouie. Elle m’a montré ainsi ce que devait être une femme. Et elle le fait encore aujourd’hui. Comme elle me l’a si bien fait remarquer, ma peur est totalement inutile, car je l’ai créée avec mes sombres pensées qui n’ont rien d’objectives, mais ce n’est pas la réalité. Elle a terminé son discours en me disant que j’étais Zack et non Carl. Que même si nous avons des points communs physiquement, j’ai mon propre caractère et que je suis seul maître de ma vie. Qu’il ne faut pas oublier qu’elle est tombée amoureuse de cet homme et que c’est la vie qui l’a rendu ainsi, comme la perte de son travail et l’alcool. Elle m’a avoué être fière de moi et de l’homme que je suis. Jamais ma mère ne s’était autant livrée, j’ai eu l’impression de la découvrir. Elle a parlé pendant des heures, et je l’ai écoutée religieusement. J’ai réalisé beaucoup de choses, notamment vis-à-vis de cette crainte, mais aussi par rapport à Alex. J’aime cette femme de tout mon être, et il n’est pas question que je la perde. Nous devons discuter, mais je ne la laisserai pas mettre un terme à notre relation. Surtout après m’avoir dit qu’elle m’aimait. Je ne veux pas devenir comme Mike et vivre le restant de mes jours avec des regrets. Je veux qu’elle devienne ma femme, qu’elle porte nos enfants. Aujourd’hui, je rentre à Chicago, il faut que je la vois, que je lui explique. Grâce à ma mère, j’ai repris confiance en moi, mais rien n’est joué en ce qui concerne Alex. J’espère qu’elle va me pardonner pour tout. Que ce soit ma réaction, mon départ précipité, mon silence… j’ai complètement merdé. Sa confiance en moi a dû s’effriter, voire s’effondrer, et je vais tout faire pour qu’elle me l’accorde à nouveau, car une vie sans Alex, c’est comme être privé d’oxygène. C’est ainsi que je me sens depuis que je l’ai quittée et j’en suis le seul responsable. J’ai l’impression d’étouffer alors que c’est moi qui ai mis cette distance en place, mais je ne pouvais pas faire autrement, j’avais besoin de me remettre en question. Des fois, certaines décisions sont nécessaires même si elles sont douloureuses. Et j’ai souffert de son absence. J’ai eu l’impression que des griffes me labouraient le cœur et les entrailles. Alex est dans ma vie depuis peu de temps, mais je ne peux plus imaginer une vie sans elle. Et là, tout de suite, j’ai besoin d’elle. J’ai besoin de la voir, de la toucher, de la sentir. J’ai besoin de la serrer contre moi. Je monte dans ma chambre pour faire mon sac. Une fois prêt, j’attrape mon téléphone et l’allume en descendant l’escalier au pied duquel je pose mon bagage avant d’aller rejoindre ma mère et Stephen dans le jardin. Mon portable m’annonce un message vocal de Mike, mais je ne prends pas le temps de l’écouter. Je m’arrête près de la porte-fenêtre et à la place, je compose le numéro d’Alex. J’attends que ça sonne, mais le répondeur se déclenche aussitôt. Son téléphone est éteint. C’est le douloureux retour du bâton. J’écoute la voix enregistrée débiter son message et décide de lui en laisser un. — C’est moi. Je suis désolé d’être parti comme ça. Je suis chez ma mère… Je souffle lentement. Je suis stressé et une boule s’est formée dans ma gorge. — J’ai besoin de te voir, de t’expliquer. Je… j’arrive. Je raccroche, les mains tremblantes. J’ai failli lui dire que je l’aimais, mais je préfère le lui dire de vive voix pour la première fois. Je lui ai sûrement brisé le cœur, mais je veux qu’elle sache à quel point je l’aime et à quel point elle est importante pour moi. J’ouvre la porte de la baie vitrée et sors sur la terrasse. Ma mère et Stephen, assis sur des chaises longues, tournent la tête dans ma direction. Ma mère est la première à se lever. — Tu rentres, mon chéri ? me demande-t-elle. J’acquiesce simplement. Elle me sourit tendrement en s’avançant vers moi. — Elle va te pardonner, mon chéri, me dit-elle de sa voix réconfortante. Elle t’aime et vous êtes fait l’un pour l’autre. Ça saute aux yeux ! — Merci, maman, dis-je d’une voix serrée en la prenant dans mes bras. Je l’étreins fort contre moi parce que je l’aime inconditionnellement, et parce qu’elle me donne la force dont j’ai besoin. Le nez plongé dans son cou, j’inspire profondément son doux parfum qui m’a tant réconforté par le passé, et qui le fait encore aujourd’hui. Je les quitte après quelques mots de remerciement. Ma mère exige que je lui donne des nouvelles rapidement et que je la tienne informée de mes retrouvailles avec Alex. Je récupère mon sac et sors de la maison. Je balance mon bagage dans le coffre de ma voiture puis m’installe derrière le volant. J’essaie de nouveau de joindre Alex, cependant son téléphone est toujours éteint. Ça m’inquiète. L’icône du répondeur clignote toujours sur mon écran me rappelant que Mike m’a laissé un message alors je me décide à l’écouter. La voix enregistrée m’informe qu’il date de mardi après-midi, alors que j’étais sur la route pour venir à Saint Louis. — T’as intérêt à avoir une bonne raison de ne pas répondre ! crache la voix énervée de mon ami. Mes sourcils se haussent haut sur mon front, je suis stupéfait de l’entendre si véhément à mon encontre. — Et une pour ne pas être là pour ta copine. Putain, mec ! J’ai dû l’emmener à l’hôpital ! Mes doigts se contractent violemment sur mon téléphone tandis que ma respiration se bloque. Le message se termine ainsi et ma main tenant mon portable retombe lourdement sur ma cuisse. Pourquoi l’a-t-il emmenée à l’hôpital ? Putain, qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai l’impression d’être dans un trou noir, qu’il n’y a plus rien autour de moi. La seule chose que je perçois, ce sont les battements assourdissants de mon cœur qui résonnent dans mes tempes. Je me demande ce qu’il a bien pu arriver pour qu’elle doive aller là-bas. Je me demande si c’est de ma faute, et aussi si elle y est encore ou bien si elle est rentrée chez elle. Elle a peut-être eu un accident et c’est pour ça que je n’arrive pas à la joindre. C’est peut-être grave, et je n’étais pas là pour elle. Putain, si ça se trouve elle était si mal après mon départ qu’elle n’a pas fait attention et s’est fait renverser par une voiture. Je lâche mon téléphone et me prends la tête entre les mains. J’ai tout foiré ! Il faut que je me ressaisisse. J’ai plusieurs heures de route à faire et je ne tiens pas avoir un accident si je veux la rejoindre. Il faut que je me concentre ! Le téléphone d’Alex est éteint, alors je décide de rappeler Mike pour en savoir plus. Il décroche à la deuxième sonnerie.

29

Alex

Je suis épuisée, je me sens vide. Depuis deux jours, je n’arrive pas à trouver le sommeil et j’ai perdu l’appétit. Un trou béant est en train de se former en moi. Son absence me fait terriblement mal, traçant un sillon de désespoir dans mon âme. Ce soir, Olin m’a crié dessus et m’a obligée à m’assoir à table pour dîner avec lui. Alors j’obéis, car je n’ai que ça à faire si je veux regagner ma chambre rapidement. Et ce soir, je vais dormir que je le veuille ou non, Olin a déposé un somnifère près de mon verre d’eau. Il m’en restait dans une boîte qui m’avait été prescrite par mon médecin au moment où William est mort. À cette époque, je n’étais plus capable de m’endormir sans cela. Je détestais cette dépendance, mais je ne pouvais pas m’en passer si je voulais que mon corps et mon esprit se reposent. Et aujourd’hui, j’en ai une nouvelle fois besoin. Depuis que Mike m’a déposée à la maison après notre passage à l’hôpital, j’ai aussi fait ce qui devait être fait. J’ai suivi le conseil de Kristen. J’ai dit au revoir à Will. Ma chambre était un peu un sanctuaire qui lui était dédié. Il y avait des photos de lui, de nous. Des petites babioles qu’il m’avait offertes, le classeur dans lequel je regroupais tous mes choix et préparatifs pour notre mariage. Et il y avait ma bague de fiançailles dans ma boîte à bijoux. Alors, accompagné de ma playlist des jours de déprime, Pieces[40] en tête, je me suis attelée à tout mettre en carton. Ça n’a pas été aussi difficile que je l’avais imaginé. Peut-être parce que désormais j’ai Zack, je ne sais pas, mais je m’étais attendue à beaucoup de larmes, et ça n’a pas été le cas. Il y en a eu quelques-unes bien évidemment, cependant j’étais assez sereine. Pendant dix-huit ans, il a été la plus belle partie de ma vie, d’abord en amitié, puis l’amour est venu s’ajouter à notre histoire. Je ne pourrais jamais l’oublier, il fera toujours partie de moi, en témoigne le papillon qui marque ma peau à jamais. J’ai grandi avec lui, nous avons partagé nos secrets et nos bêtises. Avec lui, j’ai appris à aimer et je suis devenue une femme. C’est pour tous ces moments qu’il fera partie de moi pour l’éternité. Je l’ai aimé pleinement, de tout mon être, et personne ne pourra jamais m’enlever cela, mais il était temps de lui dire au revoir pour de bon et de me défaire de cette relation qui n’existe plus. Aujourd’hui, il y a Zack. Il est mon présent et mon futur, c’est l’homme de ma vie. Je le sais et le ressens dans chaque partie de mon être. Je l’aime plus que tout, plus que je n’ai jamais aimé et aujourd’hui, il me manque atrocement, mais je sais que je vais le retrouver, il ne peut pas en être autrement. Depuis ma discussion avec Mike, j’ai compris certaines choses, notamment son départ précipité après lui avoir dit que je voulais que l’on prenne notre temps, ce qui était une erreur monumentale, le temps est trop précieux pour en perdre une seule seconde. Son départ m’a prise au dépourvu et même si je comprends, je me sens blessée. J’aurais aimé qu’il me parle, qu’il se confie à moi au lieu de se renfermer. Depuis que nous nous connaissons, il n’y a pas eu un seul jour sans que l’on se parle, ce silence me fait vraiment mal. Mais en même temps, pourquoi m’aurait-il parlé alors que je venais de le blesser ? J’étais trop focalisée sur mes craintes pour me rendre compte que lui aussi avait ses propres démons. Alors, je prends sur moi et j’attends. Je n’ai que ça à faire de toute façon. C’est un nouveau chapitre de ma vie que je commence et j’espère qu’il aura une fin heureuse. Je mets le comprimé dans ma bouche et l’avale avec une grande gorgée d’eau. Lorsque je relève la tête, je constate qu’Olin m’observe. — Ça va te faire du bien, une bonne nuit de sommeil, me dit-il. — Je sais. Je prends un morceau de poulet dans mon assiette et le porte à ma bouche. Je prends le temps de mâcher, mais comme je n’ai pas faim, c’est difficile de le faire passer. Je sais que je ne dois pas me morfondre ainsi, cependant c’est plus fort que moi. Il me manque atrocement. — Je t’avais dit de protéger ton cœur avec ce type… — Ne recommence pas, Olin ! je le coupe, d’une voix sèche. Il croise les doigts sous son menton en me fixant durement. Je déteste quand il fait cela et il le sait parfaitement. Olin est mon ami, mais depuis que je suis rentrée de l’hôpital, il a tendance à se comporter comme un grand frère hyper protecteur, c’est agaçant. — Je comprends que ça ne te plaise pas, reprend-il, mais je m’inquiète ! Écoute, je sais que tu l’aimes, mais… — Il m’aime aussi, murmuré-je plus pour moi-même qu’à son attention. J’en suis persuadée, même s’il ne me l’a jamais dit. — Écoute, Olin, je comprends ton inquiétude en me voyant, mais tu ne connais pas Zack comme je le connais. Je sais que tu te poses des questions sur son silence, mais… je ne peux rien te dire parce que ce n’est pas à moi de le faire. Tu peux trouver ça complètement con, mais je ne te dirais rien sur les motivations qui l’ont conduit à une telle situation. Olin soupire et laisse tomber sa tête entre ses mains, ébouriffant ses cheveux au passage. — Ce n’est pas con, finit-il par dire en relevant la tête. C’est même tout à ton honneur. C’est juste que je me fais du souci. Je n’ai pas envie de te voir sombrer encore. Mon cœur se serre, car ses paroles me ramènent quelques années en arrière, je lui souris tendrement. — Je ne sombre pas. — Ça y ressemble pourtant. Je baisse les yeux sur mon assiette. — Non, je murmure. J’ai juste besoin d’accepter qu’il me mette de côté. Du moins, pour l’instant. Chacun d’entre nous sur cette Terre a ses démons. Nous vivons avec et arrive un moment où nous devons leur faire face et les affronter. Je comprends désormais mieux le nom du groupe, il prend tout son sens. Pendant longtemps j’ai cru que pour Zack, cette ombre qui planait sur lui, était son père, mais c’est bien plus complexe et profond que cela. J’espère qu’il arrivera à combattre sa peur. J’ai confiance en lui, il faut juste que lui aussi ait confiance. Et je ferai tout pour l’aider.

30

Zack

Je frappe deux coups à la porte et patiente. J’aimerais la défoncer pour pouvoir être à ses côtés plus vite et la prendre dans mes bras, mais de quoi aurais-je l’air à faire ça ? D’un fou. C’est ce que je suis. Je suis fou de rage, car je viens d’apprendre ce qu’il s’est passé mardi après mon départ. Je suis furieux contre mon géniteur qui vient de réapparaître et qui a osé lui faire du mal, et enragé contre moi qui n’ai pas été là pour la protéger. En arrivant de Saint Louis, je suis passé à la maison pour voir Mike. Quand je l’ai eu au téléphone plus tôt dans la journée, il n’a rien voulu me dire sur ce qu’il s’était passé, ni où elle se trouvait. Je n’ai donc pas eu d’autre choix que de faire ce qu’il me demandait. Il m’a tout de même légèrement rassuré en me disant qu’elle allait bien, mais ce n’était pas suffisant pour moi. Je ne savais rien et j’ai passé tout le trajet à monter différents scénarios dans ma tête. Cependant j’étais bien loin de la réalité. Rien ne m’y avait préparé et quand, à mon arrivée, Mike m’a enfin raconté ce qui était arrivé, j’ai eu l’impression de vivre une descente aux Enfers, de me prendre un trente-huit tonnes en pleine face… Jamais je n’aurais pensé un jour entendre de nouveau le nom de l’homme qui se disait être mon père. Ça a été un choc, très rapide parce que la colère a rapidement pris le pas dessus, mais un choc tout de même. Pendant des années, il a fait comme s’il n’avait pas de famille et il revient pour s’en prendre à la femme que j’aime. Il l’a frappée, il a osé lever la main sur elle et je n’ai plus qu’une seule envie, le tuer. Ce n’est pas la première fois que j’éprouve cela, c’est arrivé à de nombreuses reprises quand, alors que j’étais enfant, il s’en prenait à ma mère. Mais comme elle me l’a si bien dit hier, c’était son choix à elle de rester et d’être sa victime. Jusqu’à ce qu’elle réalise son erreur, elle lui trouvait des excuses et acceptait cela. C’était un cercle vicieux et elle était enfermée dedans. Mais Alex ? Elle n’a rien demandé ! Rien fait. Elle ne savait même pas à qui elle avait affaire ! Mike m’a également appris que Carl l’avait menacée en lui ordonnant de ne plus me voir. Je ne comprends pas de quel droit ce type se permet ce genre de chose. Son comportement me donne envie de vomir. Je comprends désormais encore mieux tout ce que m’a dit ma mère. J’ai toujours eu dans mon cœur la blessure d’un père qui n’a pas été à la hauteur, à cause de lui, j’ai eu peur d’aimer et de faire souffrir les femmes. J’ai eu peur d’être dangereux, mais je ne suis pas comme lui, et je ne le serais jamais. Je ne suis pas d’un tempérament violent, pourtant lui, j’ai envie de le frapper. La serrure se déverrouille enfin et la porte s’ouvre. Je me retrouve face à Olin qui grimace à ma vue. Visiblement, il n’est pas ravi de ma présence, mais je n’en ai rien à foutre, je suis là pour Alex. Néanmoins je prends sur moi, car pour la voir, je dois en passer par lui. Il veut la protéger et je ne peux que l’en remercier, même si c’est de moi sur ce coup-là. Ça m’énerve, mais c’est ainsi, je l’ai bien cherché. Au moins, ça me réconforte de savoir qu’elle a quelqu’un sur qui compter et qui l’aime assez pour se mettre en travers de ma route. Car pour être franc, Olin ne fait pas le poids face à moi. Il est athlétique et s’entretient, ça se voit, mais il ne doit pas passer autant de temps que moi dans une salle de sport ou sur un ring même si ça fait longtemps que je n’ai pas boxé. — Qu’est-ce que tu veux ? me demande-t-il en gardant une main sur la porte. — Voir Alex. Un petit rire cynique lui échappe. Je serre les dents. — Tu te fous de moi ? Il n’attend pas de réponse de ma part et poursuit : — Depuis deux jours, elle n’a pas arrêté d’essayer de te joindre sans succès. Le pire, c’est qu’elle a été agressée par ton père ! Elle est malheureuse et n’arrête pas de pleurer par ta faute. Il pointe un doigt accusateur vers moi. — Et tu te pointes comme une fleur, en me disant que tu veux la voir ! Il se pince l’arête du nez et ferme les yeux en prenant une profonde inspiration. Quand je disais qu’il n’était pas ravi de me voir, j’étais loin du compte. Il est plus proche de la fureur que d’autre chose. Je comprends sa colère et ne bronche pas, cependant savoir qu’Alex a pleuré par ma faute me fend le cœur. — Oui, il faut que je lui explique ce qu’il s’est passé. Sa main lâche la porte et il prend appui contre le chambranle en croisant les bras. — Et si tu commençais par m’expliquer, à moi ? Je baisse la tête et la secoue négativement. — Je ne vois pas en quoi ça te regarde, je lui rétorque. Olin lève une main et fait mine de regarder ses ongles, l’air nonchalant, un petit sourire accroché aux lèvres. Je peux dire qu’il me tape profondément sur le système ? Parce que c’est le cas, il me gonfle de plus en plus et me coûte du temps auprès de la femme que j’aime. — C’est simple, me dit-il posément. Alex a pris un somnifère et dort profondément. J’ai essayé de savoir ce qu’elle avait, elle a bien voulu me dire certaines choses, mais pour le reste, elle m’a dit que ce n’était pas à elle d’en parler. Alex t’aime et a trop de respect pour toi pour dévoiler tes secrets. Donc, si tu veux la rejoindre et lui faire la surprise d’être à ses côtés à son réveil, tu m’expliques ou alors tu dégages ! Je soupire une nouvelle fois en me passant une main sur le visage. Je n’ai jamais douté d’Alex et je ne peux que l’admirer davantage quand je vois que, malgré le mal que je lui fais, elle cherche à me protéger, même avec son meilleur ami. Comment ne pas aimer une femme comme elle ? Elle est douce, passionnée, loyale et a encore beaucoup d’autres qualités. Je ne la mérite pas, et pourtant je ne peux pas me résoudre à la laisser. Depuis deux jours, je regrette de l’avoir quittée et il n’est plus question que ça se reproduise. Alors je me décide à lui dire la vérité, parce qu’elle a confiance en cet homme qui a toujours été dans sa vie. Il est aussi l’ami de Kristen qui a eu beaucoup de difficultés avec la gent masculine. C’est un type bien, je n’en doute pas, et il veut juste la protéger. — D’accord, mais pas ici, lui dis-je. J’ai besoin d’une bière. Olin attrape ses clés et referme derrière lui. L’ascenseur nous entraîne au rez-de-chaussée dans un silence de plomb. À l’intérieur de la cabine, je n’en mène pas large, je suis si terrifié à l’idée de me livrer à un type que je connais à peine, que même le fait de me trouver dans cet endroit n’arrive pas à me faire paniquer. Une fois à l’extérieur, sur le trottoir, il m’entraîne dans un bar à quelques mètres de son immeuble. Nous nous installons à une table au fond de la salle, à l’abri des regards. La serveuse nous apporte deux bières en faisant du charme à mon compagnon qu’elle connaît visiblement très bien. J’attends qu’elle s’éloigne et me décide à ne pas perdre plus de temps, je livre à Olin ce qu’a été ma vie. Du moins dans les grandes lignes. Je m’étale davantage sur ce qui m’a fait prendre la fuite mardi. Lorsque je termine, il reste silencieux tout en fixant son verre, perdu dans ses pensées, avant de le saisir et de le vider d’une gorgée. Le silence s’étire entre nous, me mettant de plus en plus mal à l’aise. — Merci, finit-il par me dire. De m’avoir raconté. Tu vas pouvoir la rejoindre. Je lève les yeux sur lui, sourcils froncés, complètement étonné par les mots qu’il vient de prononcer. — C’est tout ? je lui demande. — Bien sûr, me répond-il en se levant. Je ne bouge pas et le dévisage. Il est certain que j’espérais qu’il accède à ma demande, mais j’attendais… en fait, je ne sais pas ce que j’attendais, mais probablement pas cela. Je ne pensais pas que ce serait aussi simple. — Écoute Zack, reprend-il. Tout ce qui compte pour moi, c’est qu’Alex soit heureuse, et je sais que tu la rendras heureuse. Tu as été honnête avec moi, et je t’en remercie. Et après tout ce que tu m’as raconté, je peux comprendre ta réaction. J’ai bien compris que tu tiens à elle, alors maintenant, viens, on rentre. Je me lève d’un bond, par peur qu’il ne change d’avis, et dépose un billet sur la table. Lorsque nous pénétrons dans l’appartement, Olin me demande de ne pas la réveiller, m’informant qu’elle a besoin de dormir étant donné qu’elle n’a presque pas fermé l’œil les deux nuits précédentes. Je gagne donc à pas feutrés sa chambre. J’ouvre la porte en prenant soin de faire le moins de bruit possible et la referme derrière moi. Les rideaux sont tirés, mais une légère pénombre règne dans la pièce grâce à la lumière qui arrive encore à filtrer à travers. Doucement, et le cœur battant à tout rompre, je m’approche du lit pour la contempler. Il est un peu plus de vingt et une heures, mais elle dort déjà profondément, assommée par les comprimés qu’elle a avalés. Mon amour est roulée en boule et elle paraît si fragile ainsi. Elle semble sereine, pourtant je suis certain qu’elle ne l’était pas avant de plonger dans les bras de Morphée. Je finis par remarquer la marque bleutée au niveau de sa bouche et sa lèvre encore un peu gonflée où apparaît une cicatrice. La haine se déverse dans tout mon être, refluant tel un tsunami. Mes poings se serrent à m’en faire mal tellement j’ai envie de refaire le portrait de Carl Shane. J’aurais dû être avec elle, j’aurais dû la protéger contre ce monstre. Je m’en veux énormément et ça fait horriblement mal de ne pas avoir été à la hauteur encore une fois. Je ferme les yeux et inspire profondément, ce n’est pas le moment de penser à lui. Il faut que je me ressaisisse, ça ne sert à rien de ruminer encore et encore. Je dois me convaincre que ce n’est pas ma faute, c’est entièrement la sienne, à lui. Je me déshabille, gardant seulement mon boxer, puis je la rejoins sous le drap. J’essaie d’être le plus discret possible lorsque je m’allonge dans son dos, elle ne se réveille pas, même au moment où je passe un bras autour de sa taille. Elle se blottit néanmoins contre moi, comme si elle avait senti ma présence. Je plonge la tête dans ses cheveux pour embrasser le sommet de son crâne en inspirant profondément son parfum. Je retrouve sa chaleur, tout son être qui m’enivre, et je me détends enfin. Son contact me réconforte. Je suis là où je dois être. Avec elle. — Je t’aime, je murmure dans un souffle avant de fermer les yeux.

31

Alex

J’ouvre les yeux en grand en réalisant que je ne suis pas seule dans mon lit. Pourtant, je me souviens parfaitement que je l’étais lorsque je me suis couchée hier soir, mais ce matin, il est là. Enfin. À sa vue, mon cœur s’emballe dans ma poitrine, mes yeux s’humidifient et une délicieuse chaleur se répand dans tout mon être. Je sens un sourire soulagé se dessiner sur mes lèvres tandis qu’une larme m’échappe. J’ai l’impression de rêver et pour être certaine que ce n’est pas le cas, je me pince le bras. Aïe ! Ma bouche se tord sous la douleur, j’aurais certainement pu y aller moins fort. Néanmoins, ma grimace se transforme en sourire alors que je réalise que mes vœux ont été exaucés. Depuis qu’il m’a laissée, je n’ai pas arrêté d’espérer son retour, et ça y est, il est enfin là. J’aimerais me blottir contre lui, sauf que je crains trop de le réveiller. À la place, je préfère le regarder dormir de tout mon soûl, ce que je n’ai jamais pris le temps de faire, parce que j’étais trop enchevêtrée dans mon passé. On se rend compte souvent trop tard à quel point on aime une personne, et on prend le risque de la perdre. C’est ce qui a failli se passer pour nous. J’ai failli le perdre parce que j’étais trop bête pour écouter mon cœur. Trop stupide pour le laisser s’exprimer alors qu’il avait tout compris. J’ai préféré écouter la raison et j’ai manqué passer à côté de l’homme de ma vie. La chambre est plongée dans la pénombre, l’homme que j’aime dort profondément près de moi, je peux voir que son beau visage est détendu. Mon regard glisse sur ses cils, sur son nez puis plus bas. Je suis la courbe de sa mâchoire recouverte d’une barbe de trois jours, ce qui lui donne un petit côté ténébreux, le rendant encore plus sexy. La plupart du temps, il est rasé de frais, mais j’aime le contraste qu’elle crée. Plus brut, alors qu’à l’intérieur c’est une crème. Il est évident que dit comme cela, ce n’est pas très masculin, mais un homme n’a pas besoin de faire le gros dur pour être viril. OK, j’apprécie son corps musclé, mais j’aime aussi sa tendresse, sa générosité et son côté enfantin. Il n’en reste pas moins un homme très protecteur. Il n’est pas du genre à écraser les autres malgré l’assurance qu’il dégage. Mais ce que j’aime par-dessus tout chez lui, c’est qu’il n’a pas peur de laisser parler son cœur avec moi. Je me sens envahie par la plénitude et un profond bonheur. Je suis tellement heureuse qu’il soit là ! Je me sens bien, en sécurité et parfaitement à ma place. Je sais que ma vie est avec lui désormais. Il est torse nu, je peux admirer les différents tatouages qui ornent son corps, et comme ses amis, il possède celui de leur groupe qu’il a fait faire sur son flanc gauche. Je ne connais pas leur signification à tous, mais je sais qu’ils ont chacun leur histoire, heureuse ou malheureuse. Ils représentent son passé, son présent… ses rêves et ses envies. Sa poitrine se soulève au rythme régulier de sa respiration. J’aimerais me coller à lui, entendre les battements de son cœur, m’enivrer du parfum de sa peau, mais je me retiens. Je ne sais pas où il était ces deux derniers jours, mais je me doute qu’il n’a pas dû beaucoup se reposer, tout comme moi. À mesure que j’observe le contraste de l’encre noire sur sa peau dorée, mes pensées prennent un tournant plus débridé qui met à mal mes résolutions. J’ai envie de lécher sa peau, d’en savourer son goût. Ma peau me picote comme si elle réclamait un contact physique entre nous et j’ai de plus en plus de mal à me refréner. Une pensée lubrique me traverse l’esprit et je me demande s’il apprécierait un réveil un peu spécial. Je me glisse sous le drap pour constater qu’il a gardé son boxer. Il ne pouvait pas dormir nu comme d’habitude ? Ce n’est pas très pratique, mais je fais avec. Délicatement, je dégage son sexe de sa prison, geste qui lui arrache un léger grognement dans son sommeil. Je me fige en me demandant si c’est une bonne chose ou non, mais son sexe qui gonfle dans ma main me conforte dans mon idée. J’embrasse son gland qui frémit sous mon geste, puis je lèche sa grosse veine sur toute la longueur. Il soupire d’aise puis s’étrangle à moitié lorsque je le prends en bouche. Je commence à le sucer, le faisant aller et venir entre mes lèvres tout en le caressant de ma langue. D’une main, je joue avec ses bourses tandis que l’autre passe sur ses fesses. Zack ondule des hanches et vient à ma rencontre. Je peux entendre sa respiration qui s’est accélérée puis mon prénom qu’il récite d’une voix rauque, encore ensommeillée, mais pleine de désir. Je m’évertue à ma tâche, de plus en plus excitée moi aussi. J’aime l’avoir dans ma bouche, j’aime l’avoir à ma merci et être la maîtresse de son plaisir. Mon sexe palpite lui aussi entre mes cuisses et crie son désespoir de ne pas voir son besoin assouvi. Mes cuisses se serrent dans une vaine tentative de l’apaiser, ce qui n’est pas suffisant, mais pour l’instant seul compte le sexe lourd et tendu de mon homme et son plaisir à lui. — Alex, grogne-t-il en m’attrapant les cheveux. Pour toute réponse, je gémis. Il me tire légèrement en arrière, mais je résiste et le prends profondément dans ma gorge. — Arrête, s’étrangle-t-il. Je n’en fais rien et accélère la cadence. Son corps tremble et se tend alors que la jouissance atteint son point culminant. J’accueille avec plaisir, et une immense satisfaction, sa semence qui se déverse en jets chauds sur ma langue. Je l’avale jusqu’à la dernière goutte avec gourmandise puis lèche encore son sexe jusqu’à ce qu’il me tire et que cette fois, j’obtempère. Je remonte le long de son corps en le parcourant de baisers jusqu’à sa bouche. Lorsque nos lèvres se rencontrent, c’est comme une explosion en moi. Zack en prend possession avec fougue et de ses bras puissants, il colle mon corps au sien. Je passe les miens autour de sa nuque en me frottant sans aucune pudeur contre lui. J’ai parfaitement conscience que nous devons parler, mais je ne peux attendre davantage pour ne faire qu’un avec lui. Je veux qu’il sache à quel point je l’aime, et que même s’il m’a blessée en prenant la fuite, je ne lui en veux pas. Il est là désormais, et c’est tout ce qui compte. Nos bouches se dévorent, nos poitrines se soulèvent rapidement, nos cœurs livrent bataille dans nos poitrines, mais tout d’un coup, sans prévenir, Zack s’écarte. J’ouvre les yeux et le contemple, mon cœur se serre en voyant son regard rempli de larmes et l’expression si triste qu’il arbore. — Je suis désolé, Alex, articule-t-il péniblement. J’ai l’impression de ne pas reconnaître sa voix tellement elle est brisée. Mon cœur se gonfle de tristesse alors que je prends son visage en coupe et caresse ses joues. J’ai besoin de ce contact. J’ai besoin qu’il soit avec moi, qu’il se focalise sur moi et non sur ce qui lui fait peur. — Chut, je murmure. Il ferme une fraction de seconde les yeux en secouant négativement la tête. — Non, je suis tellement désolé, répète-t-il. Pour tout. — Je ne t’en veux pas, Zack, je chuchote. — Je t’aime, me coupe-t-il. Mon cœur a un raté et mes yeux s’écarquillent. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me le dise de cette manière. Je reste interdite ne sachant pas quoi dire, mais il me sort de ma torpeur en continuant. — Je t’aime tellement. Je ne veux pas te perdre. Sa voix cassée par l’émotion me prend aux tripes, mais ses mots me vont droit au cœur. Jamais je n’aurais pensé entendre à nouveau ces mots un jour, et pourtant c’est bien le cas, et c’est l’homme dont je suis tombée amoureuse qui les prononce. — Tu ne me perdras pas, je le rassure, des larmes dévalant mes joues. — Comment peux-tu dire ça avec ce qu’il s’est passé ? Je promène mes doigts sur son visage dans une caresse légère. Mon pouce capture une larme qui lui échappe puis je pose mes lèvres sur les siennes en plongeant mon regard dans le sien. Il répond d’abord timidement à mon baiser, mais lorsque ma langue vient le titiller, il ouvre les lèvres et je prends possession de sa bouche. Lentement, nos lèvres se caressent, nos langues se frôlent, nous refrénons notre envie de nous jeter l’un sur l’autre pour profiter de cet instant. Notre baiser est à la fois tendre et passionné, chacun faisant passer à travers ce geste ses sentiments. Lorsque je m’écarte pour reprendre mon souffle, je lui souris tendrement tandis que son pouce caresse ma lèvre inférieure, me faisant frémir. — Je t’aime Zack, je lui murmure. Et rien ne m’empêchera de t’aimer. J’ai confiance en toi… — Mais tu ne sais pas tout. Je baisse les yeux en attrapant ses mains pour entrelacer nos doigts avant de déposer un baiser sur les siens. — Mike m’a fait comprendre certaines choses, confessé-je. Je sais pourquoi tu es parti Zack, et je ne t’en veux pas. Je me blottis contre lui et le serre dans mes bras pour le rassurer. Je ne supporte pas de le voir souffrir. Sa fragilité me bouleverse. — Je t’aime tellement que ces deux jours sans toi ont été comme si on m’arrachait le cœur. J’ai mis du temps à m’en rendre compte et je suis désolée pour le mal que je t’ai fait. Mais je ne t’abandonnerai pas Zack, je veux être avec toi. Pour toujours. Je n’ai pas le temps de réagir qu’il se jette avidement sur mes lèvres. D’une main, il m’agrippe la nuque, et me fait pivoter en roulant sur moi. Ses bras de chaque côté de ma tête, sentir le poids de son corps sur le mien est grisant. Niché entre mes cuisses, son bassin est collé au mien. Zack ondule lascivement contre moi, affolant un peu plus mon intimité, qui attend toujours douloureusement de voir son désir assouvi, et malgré l’orgasme qu’il vient d’avoir, Zack n’a rien perdu de sa superbe. De plus en plus excitée, je me frotte contre son érection, une délicieuse chaleur se propageant dans tout mon être, je m’impatiente de le sentir en moi après ces jours où j’ai été privée de lui. Un grognement sourd m’échappe lorsqu’il me quitte pour se débarrasser de son boxer, avant de m’aider à en faire autant de mon t-shirt et de mon shorty. Mes yeux se posent un instant sur son sexe dressé qu’il recouvre de latex avant qu’il ne reprenne sa place en me surplombant dans sa parfaite nudité. Zack me fait l’amour tendrement, tout en douceur. Nous prenons notre temps, nos regards noyés dans celui de l’autre. Ce n’est pas seulement un moment de plaisir entre deux êtres. C’est un abandon total que nous nous offrons, où se mêlent amour, confiance, complicité et partage.

32

Alex

— Tu comptes me lâcher un jour ? demandé-je à Zack. Je suis assise sur ses genoux et nous prenons notre petit-déjeuner. Enfin, surtout Zack, moi je me contente d’un café. — Je ne te lâche plus, me répond-il après avoir avalé sa bouchée de croissant. Je lève les yeux au ciel, mais ne peux m’empêcher de sourire, puis dépose un rapide baiser sur ses lèvres. — Il le faudra bien pourtant ! Tu ne peux pas me coller tout le temps. Il faut que je travaille, et toi aussi ! Une de ses mains remonte le long de mes fesses et passe sous mon top. Je frissonne en sentant ses doigts courir sur la peau de mon dos avant de venir agripper ma taille. — Il n’y a pas le feu, ma puce, susurre-t-il à mon oreille. Il cale son menton au creux de mon épaule avant d’ajouter : — Laisse-moi me rassasier de toi. Je laisse échapper un profond soupir en prenant un air défaitiste, mais à l’intérieur, je jubile et moi aussi, je me rassasie de son contact et de sa présence. Olin étant parti au travail depuis un moment, rien ne nous empêche de nous câliner. Je prends une nouvelle gorgée de ma boisson lorsque son téléphone sonne. Zack soupire avant de m’embrasser dans le cou. — On ne peut jamais être tranquille, souffle-t-il. Je pose ma tasse et entreprends de me lever, mais il m’en empêche en passant un bras sous mes genoux. Un cri m’échappe lorsqu’il me soulève et je m’agrippe à son cou. — Mais qu’est-ce que tu fais ? je lui demande alors qu’il rejoint le salon. Il me décroche son sourire insolent — celui auquel j’ai énormément de mal à résister — et me fait un clin d’œil. — Je te l’ai dit, je ne te lâche plus ! — Euh… ce n’est pas un peu excessif ? dis-je sceptique. — Nan ! Allez, attrape ! Il me désigne d’un geste de la tête son téléphone posé sur le buffet. Je le saisis et il nous amène sur le canapé. J’ai l’impression d’être aussi légère qu’une plume — ce qui est loin d’être le cas — mais Zack n’est pas du tout essoufflé par l’effort. Il s’assied en me calant confortablement sur lui et je lui tends son bien. — Merci, gente demoiselle. Je pouffe comme une adolescente en l’entendant prononcer cette phrase à la manière d’un vieux lord anglais, puis je me blottis contre lui pendant qu’il lit son message. Bien que je sois curieuse et jalouse, et aussi qu’étant donné notre position, je pourrais très bien lire son message, je ne le fais pas, bien décidé à lui faire confiance. — Un barbecue, ce midi à la maison, ça te tente ? m’interroge-t-il. — Oui, pourquoi pas. Il y aura qui ? Il hausse une épaule. — Probablement tout le monde. J’acquiesce et commence à me lever, mais pour la seconde fois, il m’en empêche, me faisant basculer sur le canapé avant de recouvrir mon corps du sien. — Zack, protesté-je en tentant de le repousser. Il faut qu’on aille prendre une douche. Il plonge la tête dans mon cou et me mordille la peau. — Oh oui, la douche ! gémit-il. J’adore les douches avec toi. Installé entre mes cuisses, il frotte son bassin contre le mien, me faisant ainsi comprendre les idées qu’il a en tête pour notre douche. Je me tortille pour échapper à sa prise. Il finit par se calmer et se redresse sur les coudes. Zack me contemple en caressant mes cheveux tendrement. La malice a déserté son regard, je peux désormais y lire la passion et le désir, mais j’y vois aussi tout l’amour qu’il me porte. Mon rythme cardiaque s’affole, mon cœur se gonfle d’amour et mon corps se réchauffe, un tel regard de Zack est un présent inestimable pour moi. — Chacun son tour la douche, je lui intime. Sinon, on ne sortira jamais de cet appart ! Il m’embrasse à nouveau, les yeux mi-clos, en attrapant mes mains et en les ramenant au-dessus de ma tête. — C’est un programme très alléchant, je trouve, ronronne-t-il. Je gémis en sentant son sexe frotter contre le mien. Cet homme va me rendre folle. Folle de désir pour lui, quoiqu’en y réfléchissant bien, c’est déjà le cas. Néanmoins, je tente de le repousser avec mon corps, en vain. Il pèse sur moi de tout son poids, et je dois avouer que c’est une sensation délicieuse. — Obsédé ! — Mais tu aimes ça ! se défend-il. Sa bouche retrouve mon cou et il commence à me faire des papouilles. Je tente de me contenir, mais je finis par exploser de rire en me tortillant, de plus en plus à bout de souffle. Au bout de plusieurs minutes, il accepte de me relâcher alors j’en profite pour me relever rapidement. — Prends ta douche en premier, lui ordonné-je en agitant un doigt sous son nez. Tu en as besoin. Mon regard glisse plus bas, là où son boxer ne cache rien de son désir. Il jette un rapide coup d’œil, me fait une petite moue désinvolte, mais finit par capituler. — Bien, chef ! me répond-il en se levant et en me faisant un salut militaire. Je souris et file dans la cuisine nettoyer les vestiges de notre repas. Je me refais également un café que je bois en lavant la table. Zack revient au moment où je termine d’astiquer l’évier. Il finit de boutonner son jean et a son t-shirt posé négligemment sur son épaule, j’en profite pour le reluquer. J’aime regarder la manière dont son corps bouge, voir comment il occupe l’espace, et un frisson d’envie me parcourt l’échine. Accro ? Moi ? Non ! — Tu baves ! Bing ! Prise la main dans le sac ! Je me redresse en passant, sans vraiment m’en rendre compte, la main sur ma bouche. Zack éclate de rire et je m’éclipse en bougonnant vers ma chambre. Ce n’est tout de même pas ma faute si son corps est si agréable à regarder. Allez, direction la douche ! Moi aussi, j’en ai besoin !

Quinze minutes plus tard, je suis prête et rejoins mon homme qui s’est installé devant la télévision. Nous quittons l’appartement pour prendre l’ascenseur et, une fois à l’intérieur, Zack m’attrape pour me placer dos contre lui. — Il faut que je t’avoue quelque chose, murmure-t-il contre ma nuque. — Hum. Ah oui ? — Oui… quelque chose d’effroyable. Mes yeux se plissent tandis que je me demande quelle bêtise va sortir de sa bouche. — Et quelle est cette chose si horrible ? je demande d’un ton dramatique. — J’ai… peur dans les ascenseurs. Je reste un instant interdite face à cette révélation puis, sans que je ne puisse me contrôler, j’éclate de rire. Je me bidonne tellement que mes côtes sont douloureuses. — Je n’aurais jamais pensé ça de toi ! arrivé-je à dire au bout d’un moment. Je me retourne et passe mes bras autour de son cou. — Mais ce n’est pas grave, je t’aime quand même. Je l’embrasse jusqu’à l’arrêt de la cabine puis nous sortons dans la rue main dans la main. Il a dû pleuvoir plus tôt dans la matinée, le sol est encore humide, mais il fait désormais beau et le soleil se reflète sur les façades des gratte-ciels. Zack m’entraîne à sa voiture puis nous prenons la direction de sa maison, accompagnés par la voix de Billie Joe Armstrong[41]. Arrivée sur place, je salue tout le monde et suis heureuse de constater que Kristen est présente. Zack disparaît dans sa chambre se changer avant de rejoindre Jason et Seth pour s’occuper du barbecue. Harper, souriante, part en courant à sa suite. À chaque fois que je vois cette petite fille, je suis soufflée par la force et la résilience dont elle fait preuve. Elle est entourée, aimée, et je sais que son oncle fait tout pour elle. Et ce n’est pas le seul. J’ai pu, à plusieurs reprises, tous les observer avec elle et ils sont géniaux. Tous attentionnés et protecteurs, sans oublier Kristen. On ne peut pas passer à côté de l’amour qu’elle porte à cette enfant. Harper a perdu la personne qu’elle aimait le plus au monde, mais elle n’est pas seule, elle est au cœur d’une grande famille, certes pas ordinaire, mais s’en est une tout de même. — Tu coupes ça, Alex ? Je me tourne vers la voix qui vient de me sortir de mes pensées, Mike me dépose sur une planche un chou rouge. Je vais me laver les mains puis me mets à la tâche. Kristen arrive telle une tornade en nous regardant tour à tour. — Ça manque de musique ici ! lance-t-elle en tapant dans ses mains. Je hausse les épaules tout en découpant mon légume. Quelques instants plus tard, la voix envoutante d’Ellie Goulding[42] résonne dans la cuisine et Kristen se joint à nous pour la préparation du repas, en se plaçant de l’autre côté du plan de travail, face à moi. — Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? me demande-t-elle en jetant un coup d’œil à ma lèvre. Ma respiration se bloque un instant et un frisson remonte mon échine. Je ne sais pas si je peux réellement lui dire la vérité. Je ne veux pas mettre Zack dans l’embarras à cause du comportement de son géniteur. — Elle a rencontré le père de Zack, lui apprend Mike. Il coupe ainsi court à mon dilemme. Je relève les yeux sur Kristen qui m’observe les sourcils froncés et les lèvres pincées. Si son regard pouvait tuer, je n’aimerais pas être la personne responsable de sa colère. — Ça va, finis-je par dire pour faire retomber la tension. Mike est intervenu à temps. — Pas assez vite, rétorque ce dernier d’une voix dure. Lui aussi fixe sévèrement l’hématome que j’arbore. On est sûrs que la machine à remonter le temps n’a pas été inventée ? Parce que là, franchement, j’aimerais l’avoir entre mes mains et revenir au moment où Zack me laissait choisir entre venir déjeuner avec ses amis et rester au lit. Je choisirais la deuxième option, la tension qui règne dans la pièce est à couper au couteau, aussi je préfère me concentrer sur mon chou rouge et m’applique à le découper. — Tu ne l’as pas revu ? m’interroge Mike, me faisant relever les yeux sur lui. Il coupe des morceaux de poulet avec acharnement, la lame fendant la chair avec facilité sous son geste. Pauvre bête… même si techniquement elle est morte. Ses doigts crispés sur la dépouille et sur le manche du couteau, il la maintient comme si elle risquait de s’enfuir, et je suis persuadée qu’il imagine le père de Zack entre ses mains. — Non, je lui réponds en avalant difficilement ma salive. Je ne suis pas trop sortie ces derniers jours. En vérité, je n’ai pas mis le nez dehors. Je me suis terrée à l’appartement, premièrement parce que j’ai passé pas mal de temps à pleurer, et deuxièmement, je dois avouer que me faire agresser en pleine rue et en plein jour m’a terrifiée. Que ce serait-il passé si Mike n’était pas intervenu ? Je préfère ne pas le savoir. Et puis, une autre question m’a taraudé l’esprit, si cet homme a su me trouver ce jour-là, qui me dit qu’il ne m’a pas suivie jusque chez moi ? Seule, je ne me sens pas vraiment en sécurité. Je ne l’ai pas dit à Zack, il se sent déjà suffisamment responsable de ce qu’il s’est passé, je ne veux pas lui rajouter un poids sur les épaules. — Fais quand même attention, ce type est timbré. J’acquiesce sans prononcer le moindre mot, touchée qu’il se fasse du souci pour moi alors qu’il me connaît à peine. Pourtant, il n’a pas hésité quand j’ai eu besoin de lui, il est venu à mon secours et s’est occupé de moi après, jusqu’à ce que je sois en sécurité dans mon appartement. Il aurait pu me laisser me débrouiller à l’hôpital, mais il est resté avec moi. Il a même été jusqu’à me rassurer sur ma relation avec Zack. La première fois qu’on le voit, on se dit que c’est un mec qui joue de son charme et qui profite des filles, mais quand il nous laisse pénétrer son univers, on découvre une tout autre personne. Un homme avec un cœur énorme, qui prend soin de ceux auxquels il tient. Je ne connais pas son histoire, mais je suis certaine qu’il a eu le cœur brisé et qu’il n’a toujours pas recollé les morceaux. J’espère qu’il y parviendra un jour, car la femme qu’il laissera entrer dans son cœur sera vraiment chanceuse.

Une fois nos préparations terminées, nous rejoignons le reste du groupe à l’extérieur. Nous sommes loin de l’ambiance musicale douce de la cuisine, ici une batterie énergique et des riffs entêtants accompagnent la voix puissante de Winston McCall[43]. Jason nous offre des bières et nous nous installons tous autour de la table. Zack se retrouve à ma droite et ne peut s’empêcher de poser une main possessive sur mon genou qu’il se met à caresser tout en remontant le long de ma cuisse. Il fait ça l’air de rien tout en discutant et je ne suis même pas certaine qu’il en soit réellement conscient. Ce qui est loin d’être mon cas ! Moi je la sens sa main, et je ne peux réprimer les frissons qu’elle me procure et surtout la montée en flèche de ma libido. Le repas servi, il finit tout de même par me lâcher pour manger et je peux me concentrer sur les discussions. Les garçons parlent des reprises des répétitions et de leur prochaine setlist pour le concert de la semaine prochaine. De notre côté avec Kristen, nous nous organisons pour sortir entre filles. Je ne connais presque personne à Chicago, alors elle me propose de me présenter une de ses meilleures amies, Taylor.

33

Alex

La semaine est passée rapidement et ce soir, les ETS remontent sur scène avec Unbound, l’autre groupe qui partage la tournée avec eux. Ils ont passé toutes leurs journées en répétitions pour être fin prêts pour ce soir, Seth était légèrement inquiet pour son bras, mais finalement tout s’est bien passé, il n’a ressenti aucune douleur. Je n’ai pas beaucoup vu Zack, si ce n’est le soir, car j’ai passé toutes mes nuits chez lui. Au début, c’était un peu étrange d’arriver là-bas alors qu’il n’était pas encore rentré, mais j’ai fini par m’y faire. Chaque jour, je fais des allers- retours entre chez lui et l’appartement d’Olin, ce n’est pas très pratique, mais j’ai encore besoin de laisser certaines choses se mettre en place en douceur. Zack ne dit rien, il me laisse faire, mais ça ne m’a pas empêchée de le surprendre en train de réorganiser son dressing. Comme souvent, j’ai fait l’autruche. J’ai pris ce que j’avais à prendre — à savoir mon téléphone — et je suis ressortie en faisant comme si je n’avais rien vu. Je ne suis pas stupide et je sais que s’il fait cela, c’est pour une bonne raison, pour que je puisse y installer mes affaires, mais nous n’en avons pas encore parlé. Pas que j’attende de pied ferme cette discussion, je viens d’accepter mes sentiments pour lui, chaque chose en son temps. En attendant, nous vivons pleinement notre amour et c’est merveilleux au quotidien. J’aime me réveiller à ses côtés, prendre mon petit-déjeuner avec lui et bien d’autres choses. Après l’avoir surpris à me faire de la place dans ses placards, je me suis, à plusieurs reprises, étonnée en imaginant une vie à deux, dans notre propre appartement. Comme d’habitude, je ne sais sur quel pied danser, parce que oui, je veux prendre mon temps, mais d’un autre côté, je ne veux plus passer une seule nuit sans lui. J’ai également eu ma mère au téléphone, mercredi. Elle s’inquiétait de ne pas avoir de mes nouvelles. Il est vrai qu’avec les derniers événements, je n’ai pas pris le temps de l’appeler. Je n’ai pas hésité à lui parler de Zack et elle a hâte de faire sa connaissance. Elle n’a d’ailleurs pas perdu de temps, après que je lui ai appris qu’il s’agissait d’un musicien, pour faire une recherche sur Google. Kristen ayant fait des miracles sur les réseaux sociaux avec des images plus qu’alléchantes des garçons, sans compter les articles parus depuis la sortie de leur album, ma mère était ravie, faisant beaucoup d’éloges sur leurs physiques. Dois-je dire que j’ai préféré ne pas écouter ses commentaires ? En tout cas, elle m’a fait promettre de venir rapidement avec Zack, car elle veut rencontrer l’homme qui fait battre mon cœur. Elle n’a pas arrêté de me répéter à quel point elle était heureuse pour moi et je crois bien qu’elle pleurait, même si elle ne l’avouera jamais. Avec Zack, nous avons convenu d’y aller dès que la tournée sera terminée, nous pourrons ainsi rester plusieurs jours sur place. En attendant, les concerts reprennent. J’ai pris la route avec le reste de l’équipe des roadies à trois heures du matin, direction Détroit. Ce soir, les deux groupes jouent au Saint Andrews Hall. L’endroit est ancien et la salle assez étroite. Plus longue que large, elle peut accueillir tout de même jusqu’à mille personnes. Ce n’est pas énorme, mais de grands noms se sont produits ici tels que Bob Dylan, Iggy Pop, Nirvana ou encore les Red Hot Chili Peppers. La salle a aussi gagné en notoriété avec le film 8 Miles,[44] car la scène de combat de rap a été tournée au Shelter qui se trouve dans le sous-sol de Saint Andrews. Comme je le disais, la salle et la scène sont petites, ce qui donne un aspect plus intime aux performances live, et nous devons nous adapter aux contraintes techniques. Avec Lester, mon binôme, nous terminons d’accrocher les lumières, les ingénieurs vont bientôt prendre la suite pour effectuer leurs réglages. Je ne sais pas si les garçons sont arrivés, Zack m’a envoyé un message lorsqu’ils sont partis de Chicago, mais je n’ai pas eu de nouvelles depuis. En même temps, mon téléphone est resté dans mon sac posé dans un coin de la scène, alors que je suis perchée sur les hauteurs, quelques mètres au-dessus. Pas de distractions, sécurité oblige. — Hey, Lester ! C’est bon pour moi ! Il se redresse sur sa poutre et lève un pouce. — Pour moi aussi ! me répond-il. — Cool. Je me laisse glisser le long de la structure métallique en gardant une main sur ma corde et dès que mes pieds touchent le sol, je me détache. Je me débarrasse de mon équipement tout en me dirigeant vers mon sac dans lequel je range mes affaires avant d’attraper mon téléphone. Zack m’a laissé un message il y a à peine quelques secondes, me disant qu’il était arrivé. Rejoins-moi aux vestiaires. Je vais prendre une douche. Sa réponse ne se fait pas attendre. J’arrive, je suis avec Jason. On ne va pas tarder à faire les balances alors il est de corvée de chaperon sinon Kristen va péter une durite. Je souris en rangeant mon portable puis prends la direction desdits vestiaires. Un coup d’œil à l’intérieur m’indique que je suis seule. Je sors tout ce dont j’ai besoin et commence à me déshabiller, mais à peine ai-je enlevé mon t- shirt que la porte s’ouvre puis se referme bruyamment, me faisant sursauter. Je me retourne vivement pour voir Zack, mais aussitôt mon sourire s’efface et je recouvre ma poitrine de mon t-shirt. — Martin, qu’est-ce que tu fais là ? m’écrié-je. Sors ! Il me fixe en souriant étrangement puis fait quelques pas dans ma direction. Je recule. Mes poings se crispent sur mon vêtement tandis qu’un désagréable frisson parcourt mon échine. Je sens une sueur froide couler le long de mon dos et tout mon corps se tend. Mon cœur s’emballe dans ma poitrine, j’ai peur. Je ne connais pas vraiment Martin, la seule chose dont je sois certaine est que je n’ai jamais été très à l’aise en sa présence. Sans parler de la manière dont il s’adresse à moi, il y a quelque chose chez ce type qui m’a toujours fait froid dans le dos. — Sors d’ici, lui intimé-je de nouveau en essayant de garder une voix assurée. Pour toute réponse, il fait claquer sa langue contre son palais et avance encore de quelques pas. Je recule de nouveau. Une grosse boule d’angoisse s’est formée dans ma gorge et je commence à avoir du mal à respirer. — Pourquoi veux-tu que je sorte, ma belle ? On peut s’amuser tous les deux, non ? Le dégoût me gagne. Je me demande ce que j’ai bien pu faire dernièrement pour avoir ce karma de merde, parce que deux dégénérés en moins de quinze jours, ça fait quand même beaucoup ! — Dégage, ou je te préviens je crie si fort que tu te feras sortir d’ici à coups de pied au cul par la sécurité. — Vas-y ! rigole-t-il. Il n’y a personne dans les couloirs. On est que tous les deux. Bon OK, ça c’est la merde ! Il croise les bras sur son torse en m’observant. Je me demande ce qu’il attend, car s’il a l’intention de me faire quelque chose, il prend le risque que quelqu’un nous trouve. Pas que ça me dérange, bien au contraire, mais ma tension est en train de grimper dangereusement. Réfléchis ! Zack doit me rejoindre, mais s’il a un contretemps, je ne peux compter que sur moi-même. Je cherche quelque chose dans la pièce qui pourrait me servir pour me défendre puis mon regard tombe sur mon sac à dos. Le spray au poivre ! Un éclair de soulagement me traverse. J’avais complètement oublié ce dernier. Mon sac est à quelques pas de moi. J’ai juste à l’attraper, ouvrir la poche de devant et le prendre avant de lui en balancer une giclée dans la figure. Simple. J’inspire un bon coup et tente de calmer les battements de mon cœur. Martin avance encore, je n’ai donc plus le choix. Je rassemble tout mon courage et bondis sur mon sac. J’arrive à ouvrir la pochette, cependant je me retrouve très vite entravée par des bras. Je hurle. Si fort que j’ai l’impression de m’arracher les cordes vocales. Je me débats comme une furie en prenant soin de ne pas lâcher mon sac. Mes mains en fouillent l’intérieur et je suis rassurée quand elles tombent enfin sur l’objet de tous mes espoirs. Je le prends bien en main en positionnant mon index sur le bouton. J’arrête de me débattre en essayant de me détendre au maximum pour que Martin baisse sa garde, et contre toute attente ça marche ! Au bout de quelques secondes, je sens sa prise sur moi se relâcher. — C’est bon, t’as gagné, lui dis-je d’une petite voix en baissant la tête. Je ferais ce que tu veux. Mon sac tombe à mes pieds alors qu’il éclate de rire en me poussant devant lui. Je ne réfléchis pas et laisse mon corps prendre le contrôle instinctivement. Je pivote vers mon agresseur, tends mon bras qui tient ma bombe et presse le bouton. Martin se prend une grosse giclée du produit dans les yeux, le nez et la bouche. Il recule en titubant et en se frottant le visage, puis en à peine quelques secondes, il est pris d’une violente quinte de toux. Il peine à respirer et ne doit plus voir grand-chose. — Salope ! hurle-t-il. Je bondis sur le côté en hurlant de peur alors qu’il essaie de m’attraper en faisant de grands gestes avec ses bras, c’est alors que la porte s’ouvre avec fracas. Je tourne précipitamment la tête et rencontre le regard plein de haine de mon sauveur. Il n’est pas seul, il est avec Jason. Ce dernier tente de le retenir quand il se jette dans la pièce, mais Zack le repousse violemment en arrière. Martin continue de vociférer et n’a probablement pas le temps de comprendre ce qu’il lui arrive lorsque Zack le percute de plein fouet. Ses poings s’abattent sur le visage de l’autre raclure qui tente vainement de se défendre. C’est violent, et je recule dans un coin de la pièce en enroulant mes bras autour de moi, complètement effrayée par le spectacle qui se déroule devant mes yeux. Jamais je n’ai assisté à une telle scène et je suis comme statufiée, complètement ahurie par la sauvagerie de Zack. Je ne le reconnais pas. J’entends Jason hurler qu’il a besoin d’aide, puis des bruits de pas précipités. Il faudrait que je bouge, mais je n’arrive pas à détacher mes yeux de cette scène quand plusieurs hommes entrent dans mon champ de vision. Il y a Jason, je reconnais aussi Lester, plus un autre homme que je n’ai jamais vu. Ils agrippent Zack par les épaules et les bras pour le tirer en arrière. Mon musicien résiste avec fougue, mais à trois, ils sont plus forts que lui. Ils le maintiennent tandis que Jason lui parle, cependant je suis trop loin pour entendre ce qu’il lui dit. Mon regard dévie sur Martin, allongé par terre et le visage en sang, sa poitrine se soulève rapidement. Moi aussi, ma respiration est rapide, je viens d’avoir la peur de ma vie. Je sursaute quand une main se pose sur mon épaule dénudée. Elle me quitte immédiatement tandis que je tourne la tête vers son propriétaire, à genoux près de moi. — Ça va, ma grande ? me demande Lester d’une voix douce et basse, comme s’il s’adressait à une petite fille effrayée. J’avale difficilement ma salive et hoche la tête. Je ne tente même pas de prononcer le moindre mot, car je sais que je n’y arriverais pas. Je suis trop choquée pour cela. Je sursaute une nouvelle fois quand un corps me percute, mais me détends aussitôt. Ce parfum, cette chaleur, ce corps… je les connais. Je plonge la tête contre sa poitrine pour inspirer profondément son odeur. Mes bras s’enchaînent autour de lui et plus rien n’existe autour de moi, de nous. Il n’y a plus que son étreinte réconfortante et son corps. Zack se laisse tomber sur les fesses et m’installe sur ses genoux pour me serrer contre lui tout en me berçant. Il me murmure des paroles réconfortantes et s’excuse pour toute cette violence. Je me blottis davantage contre lui pour le rassurer, parce que je ne compte pas m’enfuir. Il est là et je n’ai plus peur. Je sais que je suis en sécurité avec lui. 34

Zack

Je viens de lâcher toute ma fureur sur ce type, mais j’aimerais encore l’avoir entre mes mains. J’ai envie de le tuer pour ce qu’il a fait, pour ce qu’il a voulu faire. Assis sur le sol, je serre mon amour qui s’est recroquevillée dans mes bras. Elle a arrêté de trembler et se presse contre moi, comme si elle voulait pénétrer à l’intérieur de mon corps pour s’y cacher, s’y réfugier. Quand j’ai entendu son cri alors que j’étais dans le couloir, suivi des injures de ce connard, mon sang s’est glacé dans mes veines. J’ai eu une seconde de flottement, n’arrivant pas à croire ce que j’entendais, et j’ai couru. J’ai eu peur. Peur de ce qu’il était en train de se passer dans ces vestiaires, peur d’arriver trop tard, peur de ne pas avoir été là pour la protéger. Encore une fois. Si Jason n’était pas intervenu, je crois bien que j’aurais été capable de tuer ce salopard. L’envie est toujours là, mais mon besoin d’être présent pour Alex est plus important encore, surtout après ce qu’elle vient de vivre. Je ne peux imaginer la frayeur qu’elle a dû éprouver, ce que je ressens n’est pas comparable, mais la voir ainsi me broie le cœur. Jamais je n’ai ressenti une telle souffrance dans ma vie. Et pourtant, j’ai souffert plus d’une fois en voyant ma mère se faire battre par mon père, mais Alex… Je suis arrivé à temps, mais ça ne m’empêche pas d’être déchiré à l’intérieur. Alors, je la serre contre moi, mes bras deviennent un cocon protecteur pour elle. Je dois la rassurer pour qu’elle se sente en sécurité, mais aussi pour me rassurer moi-même. J’ai besoin de ce contact, de cette étreinte, pour savoir que tout va bien, du moins aussi bien que possible. Je lui répète que ça va aller, mais aussi que je suis désolé pour toute cette violence, et je la berce. Je suis dans un état second, tout mon corps est encore empli de tension, au point que j’en tremble encore. J’ai peur de l’avoir, moi aussi, effrayée en me laissant submerger par ma haine. Je ne veux pas la perdre. Je ne peux pas la perdre, j’ai trop besoin d’elle. Je redresse la tête et constate que la pièce est désormais déserte, les gars ont fait sortir l’autre ordure. Alex se redresse dans mes bras et pose ses mains sur mon visage avant de me déposer un baiser délicat sur les lèvres. — Je t’aime, murmure-t-elle en se reculant. — Je t’aime aussi, ma puce, je lui réponds. J’ai eu si peur. Je la ramène contre moi, n’arrivant pas à la laisser s’éloigner, et elle enfouit sa tête dans mon cou. Je plonge le nez dans ses cheveux pour inspirer son parfum, elle frémit tandis que je caresse la peau nue de son dos lorsqu’on frappe à la porte. Alex se détache alors de moi et nous nous relevons avant que je n’attrape son t-shirt pour la recouvrir. Je vais ouvrir la porte et tombe nez à nez avec Jason. — La police est là, nous annonce-t-il. C’est bien, ils ont fait vite. Son regard plein de sollicitude se pose un bref instant sur Alessandra avant de revenir sur moi, interrogatif. Je lui réponds silencieusement d’un hochement de tête pour lui signifier que ça va. Il y a eu plus de peur que de mal, Alex a échappé au pire. Mes poings se serrent le long de mon corps rien que d’y penser, je n’arrive pas à faire taire ma colère. Si Martin avait réussi à aller au bout de ses ardeurs, personne n’aurait pu m’empêcher de le tuer. Alex vient près de moi, sa main glisse le long de mon bras jusqu’à ma main. Mes poings se relâchent et elle entrelace nos doigts avant de se tourner vers moi. — On y va, me dit-elle d’une voix douce, mais ferme. Autant en finir vite. J’acquiesce et nous suivons mon ami dans le couloir. Nous arrivons devant un bureau dont la porte est restée ouverte. La pièce, qui n’est pas très grande, trouve sa capacité réduite avec le nombre de personnes qui se trouve à l’intérieur. Martin est assis sur une chaise, la gueule toujours en sang, entouré par Lester et le gars de la sécurité. Il nous jette un coup d’œil, mais devant l’air mauvais que j’affiche, il baisse instantanément le regard. Bon chien ! Je jure que si Alex ne s’agrippait pas à ma main comme si sa vie en dépendait, il serait de nouveau en train de lécher le sol. Deux policiers en uniformes s’avancent vers nous, le visage fermé. Alex se rapproche de moi en resserrant sa prise sur ma main. Je me tourne vers elle pour déposer un baiser sur sa tempe. Les deux hommes se présentent rapidement avant de l’interroger sur ce qu’il s’est passé dans les vestiaires. — Vous n’aviez pas fermé la porte à clé ? demande le plus petit des deux après avoir entendu ses explications. Putain, quel con ! Je ne laisse pas le temps à Alex de répondre et m’énerve. — C’était les vestiaires des femmes, putain de merde ! — Calmez-vous ! m’ordonne le second officier en faisant un pas vers moi. Un rire méprisant m’échappe. — Que je me calme ? je répète. Votre collègue insinue que ma femme a voulu se faire violer et il faut que je me calme ? Alex m’agrippe le bras des deux mains, sûrement de peur que je ne pète un câble, et franchement, je n’en suis pas loin. — C’est une putain de plaisanterie ! fulminé-je. — Zack, calme-toi, s’il te plait, me supplie-t-elle. Je pousse un profond soupir en fermant un instant les yeux. Elle a raison, m’énerver ne mènera à rien. Je passe un bras autour de ses épaules et la rapproche de moi, sa présence, sa chaleur et son parfum m’apaisant. L’interrogatoire se poursuit encore plusieurs minutes. Alex devra passer au commissariat pour déposer plainte. Lorsqu’il ils partent, ils embarquent Martin, qui les suit sans broncher, la tête basse. Bon débarras ! Je raccompagne Alex aux vestiaires pour qu’elle prenne sa douche et récupère ses affaires. Sa copine Gina étant à l’intérieur, je reste devant la porte pour l’attendre. Quant à Jason, il est parti rejoindre les gars. Nous devions passer en premier pour faire les balances, mais avec ce qu’il s’est passé, ce sont finalement les Unbound, le groupe qui fait la tournée avec nous, qui s’y collent. Il n’est pas question que je laisse Alex seule, même si je dois faire le piquet devant une porte. Au moins, comme ça, je sais qu’elle est en sécurité. En l’attendant, je me repasse en boucle notre entrevue avec les policiers et souris. J’ai appelé Alex « ma femme ». Je ne sais pas si elle y a fait attention, elle n’a rien dit, mais il est évident qu’un jour elle sera ma femme aux yeux de tous. Parce que je veux que tout le monde sache que c’est elle que j’aime. Elle est mienne comme je lui appartiens. Alex ressort dix minutes plus tard, les cheveux encore humides, et nous prenons le chemin de la scène. — Je veux que tu restes près de la scène pendant le concert, lui dis-je d’une voix un peu trop sèche. Elle stoppe net dans le couloir en relâchant ma main. Bon OK, je dois passer pour un gros connard maniaque du contrôle à ses yeux, mais je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. — Zack, soupire-t-elle. Franchement, tu n’exagères pas un peu, là ? Je me tourne pour lui faire face et la fusille du regard. Fermement campée sur ses jambes, elle croise les bras sur sa poitrine en me rendant mon regard. — J’exagère ? je répète, incrédule. — Zack, c’est bon, tout va bien maintenant, me réprimande-t-elle avec plus de rudesse dans la voix. Je secoue la tête nerveusement et me passe les mains dans les cheveux tout en marchant de long en large dans ce foutu couloir. Je reviens vers elle et pose mes mains sur ses épaules que je presse légèrement en plongeant mon regard dans le sien. Puis je me perds dans ses yeux marron aux reflets de jade, et alors ma colère reflue, remplacée par le soulagement que je ressens en sachant qu’elle n’a rien. Alex ne mérite pas ma colère, cependant j’ai besoin de savoir qu’elle sera près de moi pendant que je serai sur scène. — Écoute ma puce, je sais que tu dois me prendre pour un fou, mais je ne pourrais pas jouer correctement ce soir, si tu es loin de moi. J’ai besoin de savoir que tu es en sécurité. Je veux, si je tourne la tête, pouvoir te voir. S’il te plaît ma puce, fais ça pour moi. Mon ton a perdu toute sa hargne pour se transformer en une supplique. Son regard devient plus tendre, elle capitule, me souriant même tendrement. Ses bras viennent enlacer ma taille et elle se lève sur la pointe des pieds pour m’embrasser. Je ferme les yeux pour profiter de la douceur de ses lèvres qui m’effleurent en faisant glisser mes mains le long de son corps et ainsi la rapprocher de moi. Je savoure ses lèvres sucrées, ma langue vient les titiller pour les faire s’ouvrir, ce qu’elle finit par faire. Je laisse échapper un soupir de satisfaction lorsque ma langue pénètre sa bouche et vient cajoler la sienne dans une caresse langoureuse et impérieuse. Puis notre baiser devient plus brutal, je la dévore comme elle me dévore. J’aspire son air, son goût. Chacun prend totalement possession de l’autre, il nous emporte dans un autre monde faisant monter le désir en moi. Alex se presse un peu plus contre moi, mon sexe durci accueille ce contact avec plaisir et gonfle un peu plus dans mon jean, me mettant clairement à mal, l’envie de m’enfouir en elle devenant de plus en plus forte. J’ai envie de nous trouver un coin tranquille et de lui arracher ses vêtements, cependant, un raclement de gorge nous interrompt en faisant sursauter Alex. Dans un même mouvement, nous tournons la tête vers l’intrus. Seth. Un grand sourire plaqué sur le visage, il nous regarde avec une lueur étrange dans le regard. — Fini les cochonneries, on doit y aller ! annonce-t-il d’un ton enjoué. Je baisse la tête dans le cou d’Alex pour cacher mon sourire.

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Alex

Avec ce qu’il s’est passé tout à l’heure, Christopher m’a libérée pour le reste de la journée. J’ai fait ce que Zack m’a demandé et suis restée sur le côté de la scène, en backstage. Je ne suis pas certaine qu’il ait pu me voir à cause des lumières, mais il savait que j’étais là, pas très loin de lui, alors il a pu se donner à fond pour son concert. Et c’était vraiment génial, comme d’habitude. Les garçons sont en train de saluer la foule qui les applaudit et crie leurs noms. Je suis toujours émue de voir le public acclamer les artistes, mais ce soir à une saveur particulière, parce que c’est pour l’homme que j’aime. Enfin, pas que pour lui évidemment, pour ses amis aussi, mais je suis vraiment fière de lui. J’adore le voir sur scène, il est fait pour ça, il s’éclate. Depuis plusieurs semaines, j’ai appris à le connaître et lorsqu’il se tient devant tous ces gens, il ne joue pas un rôle comme certains. Il est authentique et généreux, comme dans la vie de tous les jours. Lorsqu’il tient sa basse entre ses mains, il est lumineux, dans son monde aussi, comme s’il était à des années- lumière de tout. Il n’y a plus que lui et sa musique. Alors voilà, je suis fière et heureuse qu’il fasse ce qu’il aime, et j’espère que le succès fulgurant qu’ils connaissent aujourd’hui durera longtemps. Le public continue de crier et de frapper dans ses mains, c’est assourdissant, j’ai l’impression que tout mon corps vibre en rythme. Zack accourt dans ma direction en tendant sa basse à Adam, un backliner, et dès qu’il a les mains libres, il se jette sur moi pour me prendre dans ses bras. Mes mains se posent instinctivement — comme un moyen de défense — sur son torse, et j’essaie de le repousser en m’écartant autant que je le peux. Son t-shirt est trempé, c’est répugnant. — Zack, hurlé-je. Arrête ! T’es tout poisseux ! — Oh, mais t’aimes ça d’habitude quand je suis en sueur ! Il rigole en se frottant contre moi, m’arrachant une grimace de dégoût. — C’est dégoutant ! — Juste un petit bisou, me supplie-t-il en me faisant son regard de petit garçon triste. J’arrête de me débattre et le regarde d’un œil suspicieux. — Juste un petit bisou ? je répète, dubitative. Et après tu me lâches ? Je n’y crois pas vraiment. Zack n’est pas du genre à se contenter de si peu. — Oui, ma puce. Promis ! Je lève les yeux au ciel, mais consens à l’embrasser. Je relâche la pression sur ses pectoraux et pose mes lèvres sur les siennes, mais lorsque je me recule, il agrippe ma nuque pour approfondir notre baiser. Et je lui réponds, parce que j’adore ses baisers. Aucun ne se ressemble, mais chacun me trouble. Mes mains agrippent son t-shirt tandis que nos langues jouent ensemble sensuellement. Comme sur scène, Zack se donne entièrement, et même plus. J’ai toujours trouvé qu’embrasser donnait une intimité plus profonde qu’un acte sexuel. C’est à la fois un acte simple et pourtant empli de mystère. On peut faire passer tellement de choses avec un simple baiser, que ce soit l’émotion, le désir, ou bien l’amour. C’est comme si nos âmes fusionnaient et lorsqu’il me relâche, je suis à bout de souffle. — T’avais dit un petit bisou, je le gronde gentiment. Un sourire malicieux sur les lèvres, il me fait un clin d’œil avant de se pencher à mon oreille, me faisant m’interroger sur la bêtise qui va sortir de sa bouche. — C’est bien ce que l’on vient de faire, murmure-t-il. Sinon j’aurais embrassé tout ton corps. Je sens mes joues chauffer violemment en l’imaginant faire cela, et malgré le faible éclairage, il le remarque lorsqu’il s’écarte. — Hey, les gars ! nous interpelle Kristen. Ça vous dit de poursuivre la soirée dans un club ? Merci, Kristen, de me détourner de mes pensées perverses ! — Oui, dis-je avec entrain. Ce serait super ! Elle me sourit et s’empare aussitôt de son téléphone en s’éloignant. — Je vais me doucher, m’annonce Zack. Hum, la douche… Il me claque les fesses et part en rigolant. Je rouspète après lui puis pars rejoindre Kristen qui déjà raccroche lorsque j’arrive à sa hauteur. Elle range son téléphone dans son sac en souriant. — Tout est réglé, m’annonce-t-elle. Elle s’approche de moi et passe un bras autour de mes épaules tout en m’entraînant dans les coulisses. — Maintenant, on s’occupe de toi ! Je stoppe, l’obligeant à en faire tout autant. — De moi ? — Oui, ma grande ! J’ai pensé à tout, Zack ne va pas détacher ses yeux de toi de toute la nuit. Je m’interroge sur ce qu’elle a prévu tout en la suivant. Elle me fait pénétrer dans une loge en refermant la porte derrière nous. Ces dernières semaines, j’ai passé énormément de temps avec Kristen et Harper lorsque Zack était en répétition. Avec Kris, nous nous sommes considérablement rapprochées au point de devenir amies. Elle m’a confié son histoire, je lui ai parlé de mes deux dernières années et de la façon dont j’avais sombré. Du moins, jusqu’à ma rencontre avec Zack. Avant ça, je ne connaissais pas tous les tenants de son histoire, et j’ai été émue aux larmes lorsqu’elle m’a dévoilé ce par quoi elle était passée. Elle a fait le deuil de tout cela, je la trouve vraiment courageuse et je n’en suis que plus admirative. Mon amie me fait installer sur une chaise devant une coiffeuse. Je l’observe alors qu’elle attrape un sac dont elle sort une panoplie de maquillage. Mes yeux s’agrandissent d’effroi en voyant tout cela. — J’ai une tête si affreuse pour avoir besoin de tout ça ? je l’interroge, médusée. Elle arrête de fouiner dans son sac en relevant la tête vers moi pour me contempler un instant avant de revenir à tout son bazar. — Non, rassure-toi, me répond-elle en secouant la tête. J’ai tout pris, mais on n’aura pas besoin de grand-chose. Je vais surtout sublimer ton regard. J’expire l’air de mes poumons, soulagée. J’avais peur d’avoir une tête de zombie. — Dis Kris, est-ce que je peux proposer à mon amie Gina de venir avec nous ? Elle se tourne dans ma direction en me souriant. — En fait, j’ai déjà envoyé un message à Christopher pour qu’il la libère et lui dise de nous rejoindre ici. Mes sourcils se lèvent haut sur mon front. — Tu peux faire ça ? — Je peux tout faire, me répond-elle comme si ma question n’avait pas lieu d’être. Ça, je veux bien le croire ! Je n’ai pas oublié ce que Zack m’a raconté, à savoir que Chester Curtis leur avait présenté leur manager comme étant un tyran. Kris me fait pivoter dans sa direction et commence à sublimer mon regard — pour reprendre ses termes — lorsque l’on frappe à la porte. — Entrez ! crie-t-elle. Je m’écarte d’un bond en l’assassinant du regard. Merci pour mes tympans ! La porte s’ouvre et la tête de Gina apparaît, suivie par celle de Wendy. — Coucou les filles ! lance cette dernière. Ravie de la voir elle aussi, je les regarde déposer leurs affaires sur la banquette pendant que Kris les invite à se préparer. Visiblement elle avait tout prévu puisqu’elle sort d’un sac plusieurs robes ainsi que des chaussures. Nous faisons toutes approximativement la même taille, même si j’ai quelques centimètres en moins, alors ça n’a pas dû être trop difficile pour elle. Kristen me tend une petite robe noire, je me change dans un coin de la pièce, tout comme mes amies. Je ne sais pas où Kris a prévu de nous emmener, mais nos tenues sont élégantes tout en restant assez simples. Je souris en voyant Wendy habillée ainsi. C’est la première fois que je la vois en robe et le résultat est assez étonnant avec tous ses tatouages et ses cheveux violets. — Alex ! m’interpelle Gina. Tu nous racontes ce qu’il s’est passé cet après- midi ? Les filles ont entendu des bruits de couloir et veulent tout savoir. Elles se sont inquiétées et même Kristen, qui a eu quelques échos, veut en savoir davantage. Je leur raconte donc ce qu’il s’est passé et elles sont sidérées que Martin ait pu faire une chose pareille. — Tu vas porter plainte, n’est-ce pas ? me demande Wendy. — Je dois passer au commissariat demain matin, mais je ne suis pas sûre que ça serve à grand-chose. — Oh que si ! me coupe Kristen, énervée. Les sourcils froncés, elle attrape son sac à main et fouille dedans jusqu’à en sortir son téléphone. Avec Wendy et Gina, nous la regardons taper sur les touches de son clavier avec une rapidité déconcertante, affichant sur son visage un air machiavélique et déterminé. Malgré l’heure plus que tardive, elle obtient étonnamment une réponse. Nous observons l’échange sans vraiment comprendre ce qu’il se passe, et lorsqu’elle termine, elle remet son portable dans son sac en se tournant vers nous, l’air satisfait. — Voilà ! Tout est réglé, annonce-t-elle. — Tout est réglé ? répète Gina, confuse. Kris acquiesce d’un geste de la tête. — Je viens de parler avec Brooks Sullivan, il supervise la tournée. Bref, Martin ne travaillera plus pour Curtis Records. Je suis soufflée. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle fasse une telle chose, je suis vraiment touchée. Au point que je ne sais pas quoi dire, alors je fais la seule chose qui me passe par la tête, je la prends dans mes bras. Nous rejoignons ensuite les garçons à l’entrée de service. En me voyant, Zack fronce les sourcils et son sourire disparaît. Je baisse la tête pour regarder si je n’ai pas quelque chose qui cloche, mais je ne vois rien d’étrange. Il s’approche de moi et prend ma main qu’il lève en l’air puis me fait tourner sur moi-même pour inspecter chaque partie de mon corps. Je sens mes joues s’échauffer sous son regard scrutateur, me sentant gênée étant donné que nous ne sommes pas seuls. De nouveau face à lui, je peux voir que malgré son air sévère, il apprécie ce qu’il a sous les yeux, son regard le trahissant. — Je ne suis pas sûr qu’on y aille finalement. J’ouvre la bouche pour parler, mais Kristen prend les devants. — Ne fais pas ton néandertalien, Zack ! le réprimande-t-elle. Elle est superbe comme ça. Il la foudroie du regard, elle ne bronche pas et passe même un bras autour de son cou. — T’as peur que les autres hommes s’approchent de trop près ? Pour toute réponse, il grogne, ce qui me fait sourire. Ouais, ça lui va bien « néandertalien ». Kris le relâche pour retourner auprès de Seth qui passe un bras possessif autour de sa taille. Je me rapproche de mon petit-ami et pose une main sur sa joue pour ramener son visage vers moi. Son regard ombrageux devient plus doux, plus sensuel, les flammes du désir dansent dans ses yeux. Et réveille instantanément le mien. Cependant je tiens bon, je sais ce qu’il essaie de faire, mais je ne changerai pas d’avis. À la place, je lui souris et passe mes bras autour de sa nuque en me levant sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Ses mains parcourent mon dos dans une caresse légère avant de se poser sur mes hanches puis ses doigts se crispent dessus alors que je me laisse délicieusement emporter par la douceur de ses lèvres.

Vingt-cinq minutes plus tard, nous sommes devant un club de Windsor, au Canada. Kristen a vraiment tout prévu, car lorsque nous sommes sortis de Saint Andrews, deux voitures avec chauffeurs nous attendaient. Le manager des Escape The Shadows nous entraîne directement vers l’entrée, nous faisant passer devant la foule qui patiente, puis salue les videurs au moment où un homme en costume sort du bâtiment. — Kris ! dit-il en affichant un immense sourire tout en la prenant dans ses bras. Elle répond amicalement à son étreinte tandis que Zack, qui se trouve à mes côtés, se moque du visage renfrogné de Seth. Je lui mets un coup de coude dans les côtes, mais c’est à peine s’il le sent, moi en revanche... Kris nous présente ensuite l’homme — il s’agit de Christian, le propriétaire du club —, et lui parle du groupe, de leur musique et de leur prochaine scène au Chicago Open Air, le week-end prochain. Ça, c’est du placement de produit ! Je ne loupe pas une miette de son speech, à croire qu’elle ne se met jamais en pause. Christian salue chacun d’entre nous et lorsqu’il arrive à ma hauteur, je vois son regard passer rapidement sur le bras de Zack autour de ma taille avant qu’il ne s’empare de ma main et, tout en se baissant, la porte à sa bouche pour y faire un baisemain. OK. Stupéfaite, je ne réagis pas et le laisse faire. — Et cette délicieuse demoiselle est… Je me sens rougir sous son regard charmeur, plus gênée qu’autre chose, et récupère ma main le plus délicatement possible pour ne pas le froisser. — Alex, je réponds avec un sourire crispé. Zack resserre sa prise autour de ma taille, me pousse un peu et tend une main à Christian. — Moi, c’est Zack, dit-il d’un ton bourru. L’homme se redresse en le détaillant des pieds à la tête. Du coin de l’œil, je vois Kristen se retenir de rire, ce qui me fait plisser les yeux. Tout en me demandant ce qu’il lui prend, mon attention revient aux deux hommes. Christian attrape la main de Zack et le tire vers lui — ce qui l’oblige à me lâcher — pour ensuite le prendre dans ses bras comme s’ils se connaissaient depuis des lustres. Mon petit ami est, comme moi plus tôt, pris de court et lui tapote mollement l’épaule, mais alors que je pense que Christian va en faire autant, je vois l’une de ses mains se diriger plus au sud de l’anatomie de mon compagnon. Je suis le mouvement, comme dans un film au ralenti, et le vois lui mettre la main au cul. Je distingue le sursaut de Zack et c’en est fini de moi. J’explose de rire, au point que j’en ai les larmes aux yeux, tout comme le reste de notre petit groupe.

36

Zack

Je me réveille et tâte la place à ma gauche. Encore une fois, elle est vide. Je jette un coup d’œil à mon réveil et constate qu’il est un peu plus de dix heures. Pas étonnant qu’elle soit déjà levée, même si j’aurais préféré un réveil différent. Avec les gars, nous avons eu un week-end épuisant entre le concert et les interviews pour différentes radios FM et web. Kristen nous a également fait rencontrer des journalistes et blogueurs du Missouri. Ça a été ainsi jusqu’à hier, en fin d’après-midi, alors Alex a préféré revenir à Chicago en tour-bus avec ses amies. Quand je suis rentré, il était plus de minuit et elle dormait déjà. Je me suis donc déshabillé rapidement sans faire de bruit avant de me glisser dans son dos, j’ai dû m’endormir rapidement, bercé par le rythme de sa respiration, car je n’ai aucun souvenir de l’après. J’étais complètement claqué. Je m’étire et bâille à m’en décrocher la mâchoire avant de me lever. J’attrape un boxer dans ma commode puis l’enfile avant d’ouvrir le tiroir du haut que je trouve désespérément vide. Je soupire de frustration en le refermant. La semaine dernière, j’ai commencé à libérer de l’espace dans mes armoires pour Alex. Je sais qu’elle m’a surpris en train de le faire, alors j’ai pensé que j’allais la laisser se faire à l’idée et je ne lui en ai pas parlé pour ne pas la brusquer. Sauf qu’elle n’a pas l’air de se décider. Alors oui, je sais que c’est rapide, mais je ne peux plus me passer d’elle et je ne veux plus passer une nuit seul. De toute manière, elle vit déjà ici, dans un certain sens. Elle passe toutes ses nuits ici, je ne vois donc pas où est le problème ! Ou alors je m’y prends mal. Je descends et la trouve dans le salon, allongée sur le canapé, en train de lire. Je la rejoins, lui enlève son livre des mains et recouvre son corps du mien. Ma belle brune ne dit rien et me laisse faire. Les bras en appuis de chaque côté de sa tête, j’essaie de ne pas l’écraser. Elle passe ses bras autour de mon cou en approchant ses lèvres que je capture avec plaisir comme j’aime tant le faire. Je n’ai pas eu ma dose d’elle hier et je compte bien me rattraper. Je pose une main sur son cou et caresse la courbe de sa mâchoire avec mon pouce. Elle entrouvre la bouche et j’en profite pour glisser ma langue entre ses lèvres. Un gémissement lui échappe alors que j’intensifie notre baiser. Ses cuisses s’écartent, me permettant de me glisser entre elles, rapprochant ainsi mon sexe dressé de son paradis. Je me frotte lascivement contre elle, puis m’arrête d’un coup en relevant la tête. — Quoi ? dit-elle, perplexe. Je ne lui réponds pas. À la place, je me relève d’un mouvement vif en l’entraînant avec moi. Un petit cri lui échappe alors qu’elle s’agrippe à moi, ses bras se refermant autour de mon cou et ses jambes autour de ma taille. Mes mains descendent sur ses fesses pour mieux la soutenir tandis que je me dirige vers l’escalier. Elle resserre sa prise puis sa bouche trouve le chemin de mon cou. Ses lèvres douces me butinent, son souffle chaud me caresse. J’arrive dans ma chambre puis referme la porte derrière moi d’un coup de pied. Je pose ma muse par terre, effleure ses lèvres des miennes puis attrape le bas de son t-shirt. Elle lève les bras pour que je le lui enlève puis je le balance à l’autre bout de la pièce. Son soutien-gorge ne tarde pas à le rejoindre, me laissant admirer de tout mon soûl la magnifique vue qui s’offre à moi. Ses seins parfaits se dressent dans ma direction, je pose mes mains dessus, les soupèse puis en caresse leurs pointes durcies. Mes yeux retrouvent les siens emplis de désir, mes mains glissent sur ses hanches avant que je ne me baisse devant elle. Nos regards ne se quittent pas tandis que j’embrasse son ventre. Sa respiration s’accélère et un gémissement lui échappe lorsque je prends l’un de ses seins dans ma bouche pour le sucer, le lécher et le mordiller. Alex se cambre, gémissant de plus belle alors que j’offre le même traitement à son jumeau. Ses mains fourragent dans mes cheveux, je soupire d’aise, j’adore les sentir sur moi. Les miennes quittent sa peau douce pour se poser sur son jean tandis que je m’agenouille. Je m’attaque à son bouton en prenant mon temps tout en continuant d’embrasser son ventre, puis je le baisse, entraînant sa culotte dans un même mouvement. Alex pose ses mains sur mes épaules, elle lève ses pieds chacun leur tour pour m’aider à la dévêtir. Une fois cela fait, je me redresse pour la contempler. Elle rougit sous mon regard en se mordillant les lèvres, ce qui me fait sourire. Nous avons fait l’amour un nombre incalculable de fois, j’ai parcouru son corps avec mes yeux, mes mains et mes lèvres, mais il y a toujours une certaine pudeur chez elle. Je trouve ça craquant sachant qu’elle est loin d’être timide et passive pendant nos ébats. Ses yeux me scrutent intensément et s’attardent sur le tissu qui emprisonne mon sexe. Elle tend un doigt qu’elle passe sous l’élastique de mon boxer avant de tirer dessus pour le faire descendre lentement. Sa langue qu’elle passe sur sa lèvre inférieure à mesure qu’elle découvre mon sexe dressé pour elle a raison de ma retenue. J’attrape sa main et elle relève le visage vers le mien, le regard interrogatif. — Fini de jouer, dis-je d’une voix rauque. Je l’attrape par les hanches pour la soulever. Surprise, elle s’agrippe à mes épaules et je la dépose avec empressement sur le lit. Je prends un préservatif dans ma table de nuit, enlève mon boxer et recouvre mon sexe du latex. Tout ça en un temps record qui fait rire Alessandra. Je la rejoins sur le lit et me glisse entre ses cuisses qui s’écartent pour m’accueillir, mon sexe bute contre le sien tandis que je capture de nouveau ses lèvres tout en glissant une main entre nous. Mes doigts glissent sur son mont de vénus et j’en insère deux dans sa fente humide et déjà prête à me recevoir. — Putain, grogné-je. Alex, tu vas me tuer. Je joue un instant avec son clitoris, mais le besoin de la posséder est trop fort pour que j’attende davantage, alors je la pénètre d’un puissant coup de reins. Ma respiration se bloque sous la pression de son sexe qui enveloppe le mien, elle m’emprisonne en elle si fort que je suis à la limite de jouir. Ses mains courent sur ma peau me faisant frissonner et je relâche mon souffle pour l’embrasser avec toute la passion qu’elle m’inspire. Commence alors un lent va-et-vient empli de volupté, attisant de plus en plus mon plaisir, mais très vite, elle me fait comprendre qu’elle en veut plus. Alex agrippe mes fesses de ses mains et vient plus fort à la rencontre de mes coups de boutoir. J’accélère le rythme, lui arrachant de nombreux gémissements et soupirs. Nous plongeons avec allégresse dans une frénésie de plaisir, chacun accompagné par un besoin puissant de posséder l’autre, de le marquer à jamais dans son âme. Ma bouche quitte ses lèvres et descend sur ses seins que je titille du bout de la langue. Je sens le plaisir déferler en elle tandis qu’elle m’aspire profondément dans son intimité. Tout son corps se cambre et ses parois intimes se resserrent autour de moi alors qu’elle crie mon prénom. Je laisse alors une jouissance brûlante m’emporter à mon tour, j’explose en elle avec l’impression de voir des étoiles tellement cet instant est intense. Le souffle court, je la serre avec tendresse dans mes bras en prenant soin de ne pas trop l’écraser. Il me faut un temps considérable pour la relâcher, presque incapable de me détacher d’elle, mais je finis par le faire et me laisse tomber sur le côté. Alex se tourne pour me faire face en se redressant sur un coude et d’une main caresse ma joue rugueuse. Son regard de biche pénétrant mon âme et l’enveloppant d’une chaleur divine m’émeut par l’intensité qu’il dégage. Mon amour pour elle est plus qu’une évidence, elle m’a fait renaître, m’a appris à aimer. Alex est un diamant que je ne pourrais laisser m’échapper, prêt à tout pour elle. — Je t’aime, souffle-t-elle avant de m’embrasser.

* * *

Après une bonne douche et un copieux petit-déjeuner, je décide de parler avec Alex, aussi je la rejoins dans le salon et lui demande de lâcher son bouquin. — Qu’est-ce qu’il y a ? me demande-t-elle en se redressant. Je m’installe à ses côtés en lui prenant les mains. — J’ai remarqué quelque chose, ce matin, l’informé-je. Elle plisse les yeux, attentive, et attend que je poursuive. — Je t’ai fait de la place dans mon armoire et tu n’as toujours pas ramené tes affaires. Mon ton n’est pas accusateur, c’est juste un constat que je lui exprime. Elle prend une profonde inspiration en détournant la tête, cependant je vois bien qu’elle se retient de grimacer. — Je vois, soupire-t-elle. Je lâche ses mains et me lève pour lui faire face, plus blessé qu’en colère. — Écoute Zack, je… nous n’en avons même pas parlé. Je ne sais pas… Elle ne termine pas sa phrase. Je m’agenouille devant elle en posant mes mains sur ses genoux. Elle semble perdue et ça me fait mal. Je n’ai aucun doute sur son amour, mais c’est la réserve qu’elle met dans certaines choses qui m’agace. Je ne m’y prends peut-être pas de la bonne manière, cependant je n’ai jamais fait cela. C’est nouveau, et moi aussi je ne sais pas trop où je vais, mais je suis néanmoins certain de mes choix. — Tu n’en as pas marre de faire tous les jours des allers-retours entre ici et chez Olin ? je lui demande. — Qu’est-ce que tu veux dire ? J’attrape ses mains et entrelace nos doigts. — Rien ne te retient. Tu vis chez Olin et peut-être aimerait-il retrouver sa liberté. Ses doigts se crispent dans les miens, son regard s’assombrit. — Tu insinues qu’il n’est pas libre de faire ce qu’il veut avec moi ? lâche-t- elle sur la défensive. Merde, quel con ! Je passe une main nerveuse dans mes cheveux en inspirant profondément. — Non, ce n’est pas ce que je veux dire, je reprends d’une voix douce, mais tendue. Écoute, je ne suis pas doué pour tout ça. Je n’ai jamais eu envie de ça avant, mais je sais que je le veux avec toi. Je t’aime Alex, et je veux finir ma vie avec toi. Je comprends que ça te fasse peur, mais qu’est-ce que tu as à perdre ? Tu vis quasiment ici, il ne manque plus que tes affaires. Lorsque je termine, je suis essoufflé. Pendant tout mon laïus, j’ai retenu mon souffle et maintenant je suis suspendu à ses lèvres. — C’est toi que j’ai à perdre, me répond-elle après plusieurs secondes d’un silence pesant. Je fronce les sourcils. — J’ai peur que si l’on ne se précipite, ça ne marche pas, reprend-elle d’une voix vacillante. J’ai peur qu’entre nous, ça se passe mal, j’ai peur de perdre Olin… Après la mort de Will, il a été le seul à ne pas me tourner le dos. Ça me fait mal au cœur de savoir que ses amis n’ont pas été présents pour elle, même si elle avait besoin de rester seule. Quand on tient à quelqu’un, on respecte sa douleur et les besoins qui l’accompagnent. Elle avait besoin de solitude, ils auraient dû attendre que cette phase lui passe. À la place, ils l’ont lâchement abandonnée. — Ce n’est pas parce que tu n’habiteras plus avec Olin que tu vas le perdre, je la rassure. C’est ton ami et il tient à toi, vous continuerez à vous voir. En ce qui nous concerne, la vie est faite d’imprévus, ma puce. Je ne sais pas de quoi sera fait demain. La seule chose dont je sois certain aujourd’hui, c’est mon amour pour toi. Je n’ai pas envie de perdre du temps, parce que c’est toi que je veux. Rien que toi. Je n’étais jamais tombé amoureux, mais quand je t’ai vue, ça a été une évidence. Ce sera toujours toi. Je ne peux rien dire de plus, elle se jette dans mes bras et m’embrasse à perdre haleine.

37

Alex

Je regarde dans mon rétroviseur et capte le regard d’Harper. — Alors la journée t’a plu ? Un franc sourire illumine le visage de la petite fille. — Oh oui ! C’était génial ! Merci, Alex ! On pourra le refaire ? — Bien sûr ma puce, si ton oncle est d’accord, c’est quand tu veux ! Ne travaillant pas aujourd’hui, j’ai proposé à Seth de m’occuper de sa nièce. La journée touche à sa fin, je suis épuisée, quant à Harper, elle déborde encore d’énergie. Je me gare sur le bord du trottoir, coupe le contact, puis sors rapidement de la voiture. En refermant ma portière, mon regard est attiré par un homme qui se tient à l’angle de la rue, sur le trottoir d’en face, et qui regarde dans ma direction. La silhouette m’étant vaguement familière, je plisse les yeux pour mieux voir et c’est alors qu’un frisson me parcoure l’échine tandis que je reconnais le père de Zack. J’ai un mouvement de recul, mon cœur rate un battement et le souffle me manque. Tout mon corps se met à trembler, je n’ai pas oublié ses paroles et ses gestes lors de notre seule et unique rencontre. Et je ne veux pas que ça se reproduise, surtout en présence d’Harper. Allez, bouge-toi Alex ! Je me secoue et contourne le véhicule pour faire sortir la fillette. Je lui ouvre la porte tout en surveillant l’homme. Dès qu’elle est sortie, je lui attrape la main, claque la portière et avance vers le bâtiment de Curtis Records au pas de course. Je regarde à plusieurs reprises par-dessus mon épaule et vois qu’il avance dans notre direction. Les battements assourdissants de mon organe cardiaque résonnent dans mon crâne et je sens des sueurs froides dévaler mon dos. — Dépêche-toi, Harper. — Qu’est-ce qu’il y a ? me demande la petite fille en se retournant. Je pose une main sur son épaule et la force à avancer. — Rien ma puce, ne t’inquiète pas. Dit la fille qui est morte de trouille ! Tu frôles les sommets niveau crédibilité ! — T’es bizarre Alex, dit-elle en levant la tête et en m’observant. — Les adultes sont bizarres parfois, vaut mieux pas chercher à comprendre. Je la vois encore regarder par-dessus son épaule. — T’as peur du monsieur qui nous suit, lâche-t-elle le plus simplement du monde. Je me décompose. Ce n’est pas une question, Harper a tout compris. Des fois, j’oublie d’où elle vient et ce qu’elle a vécu, mais cette petite est d’une grande perspicacité. Elle a vu des choses qu’elle n’aurait jamais dû voir et l’insouciance de l’enfance s’est envolée beaucoup trop tôt pour elle. Je presse sa main au moment où nous arrivons devant la porte de la maison de disque et la fais entrer à l’intérieur avant de jeter un dernier coup d’œil au père de Zack. Il s’est arrêté à quelques mètres et me foudroie du regard. J’entre dans le bâtiment et referme la porte avec fracas avant de m’y adosser en fermant les yeux. Je prends soin d’inspirer profondément et ma respiration se calme doucement. Ici, nous sommes en sécurité. — Quelque chose ne va pas ? Je relève la tête et croise le regard inquiet de Taylor, assise derrière le comptoir de l’accueil. — Si, si. Tout va bien, je mens. Ses sourcils se froncent et elle se lève pour prendre un verre en plastique qu’elle remplit d’eau à la fontaine avant de me l’apporter. — Bois ça, tu es toute pâle. J’attrape le gobelet qu’elle me tend et le vide d’une traite. — Merci, Taylor. — Tu en veux encore ? me demande-t-elle en me le reprenant des mains. Je secoue la tête négativement puis me passe une main nerveuse dans les cheveux. — Non, ça va. Face à mon refus, elle le jette dans la poubelle. — C’était le père de Zack ? Je tourne la tête vers Harper qui vient de me poser cette question. Ses grands yeux bleus me fixent avec une douceur mêlée à une certaine inquiétude. — J’ai entendu mon oncle en parler avec les autres, m’explique-t-elle. Il a été méchant avec toi. Je lui souris en m’approchant d’elle. — Toi, t’avais encore les oreilles qui traînaient, la sermonné-je gentiment. Elle croise les mains dans son dos et me regarde avec malice. — Ça peut servir des fois ! Je lève les yeux au ciel. — Tout n’est pas bon à entendre à ton âge. Allez, viens, on va voir les garçons. Je l’entraîne vers le studio de répétition en espérant qu’elle garde le silence sur ce qu’il vient de se passer. Nous y entrons sans faire de bruit, Mike est le premier à nous voir et fronce les sourcils lorsque son regard tombe sur moi. Je lui fais un signe de tête accompagné d’un léger sourire, que je veux rassurant, pour le saluer et m’installe sur la banquette près d’Harper. Les garçons continuent de jouer, mais je ne les écoute pas. Les images de ma première rencontre avec Carl Shane tournent en boucle dans mon esprit et s’y ajoutent celles d’aujourd’hui. Je me demande aussi comment l’annoncer à Zack, parce que je suis obligée de le lui dire. Une relation est basée sur la confiance et je ne peux pas lui mentir à propos de cela. Le truc, c’est comment le lui dire ? Samedi, il a un gros concert et je ne veux pas que ça lui plombe le moral. Je ne veux pas que ça lui absorbe toute sa capacité de concentration et qu’il ne soit pas capable de jouer. Dans ce monde, c’est toute leur carrière qui peut être ruinée à cause d’une seule mauvaise prestation. Je pourrais aussi attendre que le concert soit passé pour le lui dire. Certes, je subirais les foudres de sa colère sur le coup, mais il finirait par comprendre mon point de vue. Je sursaute lorsqu’une ombre passe devant moi et me sort de mes interrogations. Zack s’accroupit devant moi en posant une main sur ma joue. Je n’avais même pas remarqué qu’ils avaient arrêté de jouer. — Qu’est-ce que tu as, ma puce ? Son regard est inquiet. Je me mords la lèvre, toujours indécise. — On a vu ton père, l’informe Harper. Ma tête pivote si vite dans sa direction que ma nuque craque. Je la fusille du regard et pour toute excuse, elle hausse une épaule. — Comment ça ? demande mon petit ami d’une voix tranchante. Bon, bah voilà, je n’ai plus le choix. — Il n’y a pas grand-chose à dire, je consens à lui répondre. Il était là, c’est tout ! Je ne sais pas ce qu’il voulait, il s’est avancé vers nous, mais on s’est dépêchées de rentrer dans le bâtiment avec Harper. — On a presque couru ! s’empresse d’ajouter la fillette. — Harper ! l’apostrophe son oncle en lui faisant les gros yeux. Et si tu allais voir Kristen ? — Putain ! Mais qu’est-ce qu’il veut ce con ? s’énerve Zack en faisant les cent pas dans la pièce. — Zack ! tonne Seth. Ton langage ! Je ne peux m’empêcher de sourire devant la réprimande du guitariste. Harper pouffe et se dépêche de quitter la pièce avant de subir elle aussi les foudres de son oncle. — Alex, il vaut mieux que tu ne sortes plus seule, me conseille Jason. Hein ? Il est sérieux là ? Je lui jette un regard désabusé. Non, mais franchement, on n’est pas dans un film ! — Vous plaisantez ? m’étranglé-je. — Jason a raison, soutient Mike en posant une main sur mon épaule. On ne sait pas de quoi il est capable. Et apparemment, il en a après toi. Reste à savoir pourquoi. Il m’a dit vouloir que je sorte de la vie de son fils, mais je ne vois pas pourquoi. Que cherche-t-il ainsi ? Il faut plusieurs longues minutes à Zack pour se calmer. Je tente de le rassurer, ses amis aussi, mais c’est comme parler à un mur. Il veut que j’aille porter plainte, mais le problème est qu’aujourd’hui son père n’a rien fait de répréhensible. Si ça se trouve, j’ai pris peur pour rien et il venait s’excuser, même si, avec le regard mauvais qu’il avait, je n’y crois pas vraiment, mais tout peut arriver.

Il est dix-neuf heures lorsque, avec Zack, nous quittons les studios et regagnons ma voiture. Je remarque rapidement le papier glissé sous l’essuie- glace et m’approche en tendant la main pour m’en emparer, mais Zack est plus rapide que moi. Il ouvre la feuille pliée en deux, lit ce qui y est écrit, puis referme son poing dessus, le visage fermé. — Qu’est-ce que c’est ? je demande. — Rien, ma puce. Rien ? Mon œil, oui ! Je le regarde la ranger dans la poche de son jean en ouvrant ma portière puis monte à l’intérieur. Zack scrute la rue et finit par me rejoindre. — Un resto pour oublier cette journée merdique, ça te tente ? me demande- t-il alors que je démarre. — Bonne idée. Tu as une destination en tête ? — Ouais. Prends la direction de Rush Street. Le trajet se fait dans un silence écrasant. La tension qui émane du corps de Zack m’oppresse tant que j’allume l’autoradio[45] pour me changer les idées. Une trentaine de minutes plus tard, je me gare le long du trottoir comme me l’a demandé Zack. Il prend ma main aussitôt que nous sommes descendus de voiture et nous commençons à marcher. Le temps est doux en ce début de soirée, ça fait du bien après la chaleur étouffante de l’après-midi. — Où va-t-on ? je l’interroge. — Tu verras. J’espère qu’il sera plus bavard une fois que nous serons arrivés, je ne suis pas certaine de supporter cette ambiance glaciale encore longtemps. Sur le trajet en voiture, il n’a pas décroché un mot et je pouvais même sentir sa colère tellement il était à fleur de peau. Ça s’est un peu arrangé, il recommence à me sourire, mais on est tout de même loin de son entrain habituel. Nous passons devant plusieurs vitrines avant de nous arrêter à l’angle de Bellevue et de Rush. Zack m’ouvre la porte du steackhouse et nous pénétrons à l’intérieur où nous sommes accueillis par un serveur en chemise blanche et pantalon à pinces. Je ne suis jamais venue ici alors je le suis tout en regardant autour de moi. L’ambiance est à la fois chic et décontractée. L’éclairage a été tamisé et des bougies sont allumées sur les tables. Lorsque nous arrivans à la nôtre, Zack me laisse la banquette pour s’installer sur la chaise et commande à Manuel, notre serveur, une bouteille de vin. Ce dernier nous laisse les cartes avant de disparaître rapidement pour nous laisser le temps de faire notre choix. Nous lui passons commande lorsqu’il revient puis nous bavardons de notre journée en omettant la dernière partie. Zack se détend en me racontant les heures passées à jouer sur sa basse pour la préparation de leur prochain concert. Ils ont pu préparer certains enchaînements, et Seth a même arrangé un petit quelque chose, néanmoins mon bassiste reste discret. Nos plats arrivent au moment où je commence le résumé de ma journée en compagnie d’Harper. N’ayant pas d’obligations professionnelles aujourd’hui, j’en ai profité pour l’emmener visiter l’aquarium Shedd[46] puis nous avons poursuivi avec une promenade dans Lincoln Park où nous avons pu déguster une glace. Je suis heureuse d’avoir passé la journée avec elle, cette enfant est adorable. Plus la soirée avance et plus Zack retrouve le sourire, ce qui me fait énormément plaisir, même si je n’oublie pas la raison de sa colère. Nous en venons même à parler de notre futur emménagement. Zack a réussi à venir à bout de mes réticences et surtout de mes peurs. Il n’a pas envie de perdre de temps et moi non plus. Nous avons pris la décision de nous trouver un appartement dès que la tournée des ETS sera terminée, parce qu’il faut tout de même l’avouer, c’est sympa de vivre en communauté, mais pour l’intimité, on repassera. En attendant, j’ai ramené une bonne partie de mes affaires chez lui. Notre dîner terminé, nous sortons main dans la main dans la rue et décidons de profiter de la douceur de la soirée en flânant le long des vitrines. — Qu’est-ce que tu as de prévu demain ? m’interroge-t-il. Je vois parfaitement où il veut en venir, il n’a pas de répétitions de prévues et a sûrement quelques projets en tête, mais je ne compte pas lui répondre avant d’avoir moi-même obtenu ce que je veux. — C’était quoi le papier sur ma voiture ? Sa main se contracte sur la mienne et il se passe l’autre dans les cheveux. — Tu ne vas pas lâcher, soupire-t-il d’une voix lasse. — Non, je confirme. Il souffle et m’entraîne vers une fontaine sur la place Bellevue. Nous nous asseyons sur le rebord et il entrelace nos doigts en me serrant tendrement contre lui. Le temps s’étant encore rafraîchit, je me blottis contre lui pour profiter de la chaleur de son corps musclé, me laissant envahir par le parfum ensorcelant de sa peau. — Mon père veut de l’argent, m’annonce-t-il de but en blanc. Mes sourcils se haussent sous l’étonnement et la consternation. Cet homme est une calamité. Il a fait de la vie de Zack un désastre pendant son enfance, il l’a abandonné comme une merde, et maintenant il revient comme s’il était parti hier en lui réclamant du fric… c’est juste hallucinant ! Et après, c’est moi qu’il traitait d’opportuniste ? C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! — En gros, je lui file du fric ou il continue de te faire chier, continue-t-il. Il m’attire sur ses genoux et me serre fort contre lui. Je lui caresse les cheveux pour l’apaiser, dépose aussi quelques baisers sur sa tempe, mais je ne suis pas certaine que cela suffise. — Je ne sais pas quoi faire, murmure-t-il. Je ne veux pas te perdre, ma puce. Je lui redresse la tête et l’embrasse tendrement sur les lèvres en plongeant mon regard dans le sien. Il me regarde les yeux mi-clos, mon cœur se serre devant son regard tourmenté. J’aimerais pouvoir enlever cette ombre qui plane sur lui, cependant je ne sais comment le faire, alors je fais la seule chose dont je sois capable pour le moment. — Tu ne me perdras pas, Zack, je le rassure. Je te le promets, mais je veux que toi aussi tu me fasses une promesse. — Tout ce que tu veux, s’empresse-t-il de me répondre. — OK ! Alors, ne lui cède pas. Ne lui donne pas d’argent. Ses mains se crispent sur mes cuisses. — Si je ne le fais pas, il s’en prendra à toi. — Et si tu le fais, il t’en demandera toujours plus ! S’il fait quoi que ce soit, il ira en prison. Il semble peser le pour et le contre. — S’il te plaît, murmuré-je contre ses lèvres. — C’est vraiment ce que tu veux ? Je hoche lentement la tête. — Parfaitement. Il détourne le regard en mordillant sa lèvre inférieure, contemplant les quelques passants qui se promènent encore dans la rue. Je peux capter les rouages de son cerveau qui tournent à plein régime, cherchant une solution à son problème. — OK, capitule-t-il en ramenant son visage dans ma direction. Après un dernier baiser, plein de tendresse, nous nous levons pour retourner à la voiture et reprenons notre marche tranquillement quand tout d’un coup Zack stoppe devant la vitrine d’un bar. — Putain ! Je n’y crois pas ! Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Zack est figé comme s’il avait vu un fantôme, puis son corps se met en mouvement. — Reste là, ma puce, m’ordonne-t-il en me lâchant la main. Je n’ai pas le temps de répondre quoi que ce soit qu’il me laisse en plan et entre à l’intérieur précipitamment. Je regarde l’établissement, la devanture ne paye pas de mine et aurait besoin d’un bon coup de peinture, puis je suis du regard Zack, à travers la vitre. Mon cœur a un raté. — Oh putain de merde ! Je vais à contrecourant de ce qu’il vient de me demander et me précipite à mon tour dans le bar. Une chance pour moi, il n’y a presque personne, mais Zack à une longueur d’avance sur moi et il fond sur l’homme avec une rapidité déconcertante. Je le vois l’attraper par le col de sa chemise pour le mettre sur ses pieds. Il lui parle, mais je suis trop loin pour entendre quoi que ce soit, et lorsque j’arrive enfin à sa hauteur, j’ai juste le temps d’attraper son poing qu’il arme pour le frapper. Sa tête pivote d’un geste brusque vers moi, son regard noir me faisant légèrement frémir, cependant il s’adoucit dès qu’il se rend compte de ma présence et baisse légèrement son bras. — Ne fais pas ça, le supplié-je. — Dégage, espèce de salope ! m’insulte son géniteur. Ça ne te regarde pas ! — Oh vous la ferme ! le rabroué-je, passablement énervée. Zack pivote vers lui, le poing de nouveau haut. — Ne lui parle pas comme ça, ordure ! hurle-t-il de nouveau prêt à le frapper. Je raffermis ma prise sur son bras, réprimant l’envie de lever les yeux au ciel, et le tire en arrière. — Zack ! Il n’en vaut pas la peine ! Tu n’es pas comme lui. Mes paroles trouvent rapidement écho en lui, car il le relâche d’un geste vif, comme s’il s’était brûlé. — Tu n’auras pas un seul centime de ma part, pourriture ! lui crache-t-il à la figure. Mon compagnon me prend la main et m’entraîne vers la sortie d’un pas précipité. — Zack, implore l’homme en nous suivant. Je suis ton père ! Tu dois m’aider ! Zack s’arrête et inspire un grand coup avant de se retourner pour lui faire face. — Tu n’es pas mon père, Carl, assène-t-il lentement. Tu n’es qu’un déchet de l’humanité et pour moi, tu es mort depuis longtemps. — Ils me tueront si je ne les rembourse pas ! Je tressaille en entendant de telles paroles. Je me demande ce que ça veut dire, de quoi il parle. L’homme qui se tient devant son fils est complètement désespéré, cependant je ne m’apitoie pas sur son sort, je ne veux pas que Zack soit mêlé à quoi que ce soit de louche. — Ce ne sont pas mes affaires, conclut Zack.

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Zack

Depuis hier, les festivaliers ont envahi Toyota Park à Bridgeview pour la deuxième édition du Chicago Open Air. Pendant trois jours, ils peuvent assister à plus de quarante concerts de hard rock et metal qui ont lieu sur les deux scènes installées. Le festival accueille plusieurs milliers de personnes et cette année, nous y sommes ! Nous allons jouer devant cette foule ! Pour l’instant, je suis super excité, j’ai hâte de monter sur scène, mais ça n’empêche pas le stress de grimper. On a beau être préparés, avoir déjà fait plein de concerts, le trac est toujours là et il nous porte, nous forçant à donner le meilleur de nous-mêmes. C’est l’histoire de quelques heures avant le concert et les premiers instants sur scène, après il se transforme en allégresse. Avec les mecs, nous jouons dans l’après-midi sur la Blackcraft Stage[47], en attendant je me promène sur le site pour écouter les différents groupes qui se produisent. Alex s’est arrêtée à un stand pour prendre un Po-Boy, un sandwich typique de Louisiane à base de crevettes épicées. Je n’ai pas faim, j’ai l’estomac trop noué pour ça, mais j’accepte la bouchée qu’elle m’offre en me faisant les gros yeux, arguant que je ne dois pas monter sur scène le ventre vide. OK, elle n’a pas tort. Nous déambulons ainsi pendant encore une petite heure, quelques personnes m’arrêtant après m’avoir reconnu pour une photo ou un autographe, puis nous reprenons le chemin du tour-bus. Les gars sont en train de se préparer, je file me changer. Je sors à peine de la salle de bain que Kristen nous presse pour rejoindre notre scène qui est prête. Je crois qu’elle est aussi stressée que nous. Le bus se situant à quelques mètres derrière la scène, il ne nous faut que quelques minutes pour la rejoindre. Mike et Jason prennent le temps de se griller une cigarette, Seth étreint Kris dans ses bras, et je décide moi aussi de prendre un peu de tendresse dans les bras d’Alex avant d’affronter la foule. Puis le moment tant attendu arrive. Nous montons les quelques marches et mon regard se promène sur le décor. Une grande affiche a été tendue à l’arrière de la scène avec la photo de notre logo, la batterie de Mike a été installée légèrement en hauteur et les micros sont répartis sur le devant. Je passe la sangle de ma basse alors que le soleil est haut dans le ciel faisant culminer les températures à près de 30 °C. La foule est déjà chaude. À nous d’assurer.

Pendant trente minutes, nous jouons non-stop et à la moitié de notre setlist, nous faisons une petite pause. Avec Mike et Jason, nous quittons un instant la scène pour nous placer sur le côté et ainsi laisser Seth faire son show. J’en profite pour embrasser rapidement Alex avant de descendre une bouteille d’eau tout en regardant mon ami sur scène. Il regarde le public en souriant, parcourant la scène sur sa longueur. Ses doigts courent sur sa guitare, il offre au public un solo comme il aime tant en faire et les gens frappent en rythme dans leurs mains pour l’accompagner. Je suis convaincu que ça doit être magique d’être seul sur scène avec le public. Notre musique, c’est notre cœur, notre âme. Chacune de nos chansons a son histoire. Je connais Seth depuis que nous sommes gosses, je l’ai toujours vu avec une guitare dans les mains. Il travaille tous les jours sans relâche et lorsqu’il joue, c’est phénoménal. Même avec le nombre d’années passées à l’écouter, il arrive encore sur certaines chansons à m’arracher une larme. C’est exceptionnel l’intensité des émotions qu’il arrive à faire passer avec son instrument. Aujourd’hui, il a choisi un rythme entraînant, gai, et lorsque les dernières notes résonnent, le public le remercie en l’acclamant. Nous le rejoignons sur scène pour reprendre la suite du concert, avec toujours cette euphorie qui nous habite. Lorsque la dernière chanson arrive, notre leader regarde la foule, sûrement aussi ému que moi, que nous. Chaque concert est différent, je ne peux pas dire qu’il y en a un meilleur qu’un autre parce que ce n’est pas le cas, mais aujourd’hui, au festival Open Air, ce concert est différent, car c’est la première fois que nous jouons devant autant de monde. — Merci Chicago ! crie Jason dans son micro. La foule hurle, siffle. — Et maintenant les gars, vous allez nous faire un putain de braveheart[48] ! Mike donne le rythme à la batterie. Je ris et m’approche du bord de la scène en frappant dans mes mains. Je les regarde tous alors qu’ils s’écartent en laissant un grand vide devant la scène, tel que la mer rouge devant Moïse. Jason les encourage encore et encore, et quand il est satisfait, il nous donne le signal et nous commençons à jouer. Dans la foule, les deux côtés se regardent en trépignant d’impatience et lorsque Jason hurle dans son micro, c’est le signe qu’ils attendaient tous. Les deux côtés du public refluent l’un vers l’autre en courant. Je souris de plus belle devant ce gros bordel tout en martelant les cordes de ma basse. Le rythme est infernal, Seth et Jason produisent des riffs puissants, Mike se déchaîne sur sa batterie. Le public est excité, il y a une énergie de malade et le Wall of Death ne tarde pas à se transformer en un Circle Pit[49]. C’est à la fois impressionnant et exaltant. C’est pour tout ça que l’on joue, pour donner du plaisir, pour réunir les gens. Nous aussi, nous prenons du plaisir à les voir ainsi, c’est indescriptible ce que je ressens en voyant tous ces inconnus chanter nos chansons, s’éclater. Et lorsque les dernières notes résonnent, c’est à une ovation que nous avons droit. Mon cœur tambourine comme un fou dans ma poitrine, mon corps vibre sous les applaudissements et l’excitation qui en résulte. Mon souffle est archaïque et je suis en sueur, on en prend plein les yeux et les oreilles. C’est un truc de malade, une larme m’échappe tellement je suis heureux. Je n’aurais pas pu rêver mieux. Lorsque nous quittons la scène, je retrouve l’amour de ma vie et la prends dans mes bras. Comme d’habitude, elle ronchonne, car je suis trempé de sueur, mais comme à chaque fois, elle se laisse faire. 39

Zack

Je me tiens dans cette église et regarde le cercueil qui se trouve au centre. Le prêtre parle tandis je me demande encore ce que je fous là avec l’impression de ne pas être à ma place. La personne qui se trouve à l’intérieur de cette boîte ne représente rien pour moi. Si je suis ici, c’est seulement parce qu’Alex avait peur que j’aie des regrets plus tard. Je ne vois pas de raison valable d’en avoir, cependant je fais cet effort et dans un sens, cette journée merdique met un point d’honneur à refermer le chapitre d’une partie de ma vie. La police a téléphoné à ma mère lundi matin, ils ne savaient pas qui prévenir, et je suis son seul enfant connu. Carl a été tué d’une balle en pleine poitrine. Ça a fait la une des journaux et d’après la police, il s’agirait d’un règlement de compte. J’ai été convoqué au poste et leur ai raconté ma dernière rencontre avec lui. Je leur ai également transmis la lettre qu’il avait laissée sur la voiture d’Alex, ce qui corroborait leurs suppositions. Aucun lien n’a été fait entre lui et moi, cependant les flics restent sur leurs gardes. Kristen a fait appel à une société de protection rapprochée de peur qu’il ne m’arrive quelque chose, ça rassure également Alex. Ce n’est l’histoire que de quelque temps. À croire que Carl n’aura fait que de la merde toute sa vie et même après sa mort, il nous pourrit encore l’existence en laissant planer une ombre au-dessus de nous. Il m’est arrivé un jour, alors que j’étais enfant, de penser que si mon père venait à mourir, je serais triste malgré tout le mal qu’il faisait à ma mère et à moi. Parce que c’était mon père et que j’étais censé l’aimer. Mais aussi loin que je me souvienne, ça n’a jamais été le cas. C’est désolant de se dire que l’on n’aime pas notre père, celui grâce à qui l’on est sur Terre, mais c’est mon cas. Je ne l’aime pas et je ne l’ai jamais aimé. Pour moi, il n’est… n’était qu’une ordure sur Terre. Pendant des années, je ne l’ai pas vu et il ne m’a pas manqué. Lorsque j’ai appris qu’il était de retour, j’ai eu envie de le tuer pour ce qu’il avait fait à la femme que j’aime. La semaine dernière, lorsque je l’ai vu, j’ai eu envie de le cogner si fort pour qu’il en oublie mon existence. Pendant près de quinze ans, je n’ai pas eu de nouvelles de lui — et je n’ai pas non plus cherché à en avoir — et il est revenu pour m’extorquer de l’argent en s’en prenant à Alex. Je n’ai pas cédé et j’ai signé son arrêt de mort, en parfaite connaissance de cause. La lettre qu’il avait laissée sur le pare-brise d’Alex était très claire. Si j’ai eu une hésitation au début, ce n’est pas par peur pour sa vie, mais pour celle de ma femme. Il s’en était déjà pris à elle et je le savais capable de recommencer. Mais répondre positivement à sa demande aurait été rentrer dans un cercle vicieux, et comme l’a si bien dit Alex, il serait revenu à la charge encore et encore. Alors oui, j’ai peut-être scellé son destin, pourtant je ne me sens pas responsable. Il était le seul maître de sa vie, et il a joué au con. Je ne ressens aucune culpabilité. À plusieurs reprises, il aurait pu tuer ma mère, heureusement ça n’a pas été le cas, mais dans le cas contraire, j’aurais souhaité qu’il finisse dans le couloir de la mort. Aujourd’hui a lieu son enterrement. Et je n’en ai rien à faire. J’ai beau chercher au plus profond de moi, je ne ressens pas la moindre tristesse. Juste un profond soulagement. Dans un sens, sa mort est une délivrance. Il ne fera plus jamais de mal aux personnes que j’aime. Aujourd’hui, je suis un homme heureux comme je ne l’ai jamais été avant, il ne viendra pas gâcher ça. J’ai pris conscience que je n’étais pas comme lui, que j’étais capable d’aimer et d’être aimé. Je fais ce que j’aime, avec les personnes que j’aime, je suis amoureux fou d’une femme magnifique et qui m’aime pour moi. La vie ne pourrait pas être plus belle. Le prête termine son discours en invitant les personnes présentent à un dernier recueillement autour du cercueil. Mis à part lui, un employé de l’église et moi, il n’y a personne d’autre. Installé tout au fond de l’église, je me lève alors que le curé me sonde d’un regard empli de compassion. Il sait qui je suis, j’ai payé les obsèques, car je ne voulais pas que ma mère le fasse, cependant il ne connaît pas mon histoire. Je me lève en lui adressant un dernier regard accompagné de mon plus beau sourire qui le déstabilise, puis je quitte les lieux sans un regard en arrière. — Monsieur ! m’appelle sa voix geignarde. Mais déjà, je suis près des lourdes portes et les pousse. C’est terminé. Je suis soulagé lorsque mes yeux se posent sur elle, mon cœur bat un peu plus vite et mes poumons se gonflent de cet oxygène qu’elle seule est capable de m’apporter. Appuyée contre sa Buick flamboyante, Alex sourit timidement en me voyant. Elle ne bouge pas, probablement incertaine de mon état d’esprit, et lorsque j’arrive à sa hauteur, son regard scrutateur plonge dans le mien avec bienveillance tandis que je joins nos mains. — Ça va ? m’interroge-t-elle de sa voix douce. — Maintenant, oui. Mes mains lâchent les siennes, remontent le long de ses bras puis viennent prendre son visage en coupe. Mes pouces caressent sa mâchoire, et lentement j’approche mon visage du sien pour poser mes lèvres sur les siennes. Chastement. Puis je recommence encore. Et encore. Je me perds dans ce baiser, me laissant emporter par sa douceur. Alex passe ses bras autour de ma nuque en se mettant sur la pointe des pieds pour m’embrasser plus profondément. — On rentre à la maison, je lui propose lorsque nous nous séparons. Elle me répond d’un sourire et se détache de moi pour ensuite contourner sa voiture. Je grimpe à l’intérieur, pressé d’être chez nous, avec elle. Pour le restant de mes jours. Aujourd’hui marque la fin d’une histoire, mais aussi le début d’une autre. Je ne doute pas que nous devrons probablement affronter quelques difficultés à l’avenir, mais la Lumière a effacé mes Ténèbres. Alex est mon présent et mon avenir, rien d’autre ne compte plus que ça.

Playlist

Counting Stars — OneRepublic I Gotta Feeling — Black Eyed Peas Baby — Royal Republic The Lasy Song — Bruno Mars In Too Deep — Sum 41 Lilo — The Japanese House Broken Crown — Mumford & Sons Roots — In This Moment Circle — Slipknot The Pot — Tool 10 000 Days — Tool Thick as Thieves — The Menzingers Wasted — MKTO The Thrill Is Gone — B.B. King Pieces — RED Still Breathing — Green Day Your song — Ellie Goulding Vice Grip — Parkway Drive In Chains — Shaman’s Harvest Retrouvez-moi sur

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[1] Counting Stars — OneRepublic.

[2] Technicien chargé de la préparation et de la maintenance de l’ensemble des équipements propres à l’artiste musicien, instruments et périphériques, ainsi que de l’assistance technique des artistes musiciens. [3] Dans le domaine du spectacle, notamment sur un tournage de film ou d’émission de télévision, une tournée, un concert, un événement ou un festival, il s’agit de la cantine, des repas servis au personnel (artistes et techniciens), parfois sous une grande tente installée pour l’occasion. [4] Un machiniste itinérant est un employé qui voyage sur la route avec les artistes et groupes de musique lors de leurs tournées. [5] Pour les besoins d’un spectacle, l’accrocheur-rigger accroche, lève et décroche des matériels permettant l’installation d’appareillages (lumière, son, vidéo, décor…), d’agrès ou de personnes (artiste en vol…). [6] Coulisses, loges d’une salle de théâtre ou de concert. Parfois employé de façon métaphorique pour décrire les coulisses d’une affaire, d’un scandale... [7] Les pendrillons, pendillons, ou taps, sont des rideaux de théâtre de faible largeur (2 à 6 mètres), souvent en velours noir, qui servent à cacher les coulisses. [8] I Gotta Feeling des Black Eyed Peas.

[9] Une des firmes les plus reconnues dans le monde sur le marché de la fabrication de guitares électriques, de guitares acoustiques, de basses et d’amplificateurs.

[10] Foo Fighters est un groupe de rock américain, formé à Seattle, Washington. Il est formé en 1994 durant la dissolution de Nirvana, à la suite de la mort de son leader Kurt Cobain.

[11] Groupe de rock suédois formé en 2007.

[12] Baby.

[13] La Big Block Barbecue Block Party présentée par Kingsford Charcoal est le plus grand festival culinaire du pays dédié aux meilleurs en matière de barbecue. [14] Bruno Mars.

[15] In Too Deep – Sum 41

[16] Bars aménagés au sommet des immeubles de Manhattan et qui vous permettent de boire un verre tout en profitant d’une vue spectaculaire sur New York. [17] Lilo — The Japanese House

[18] Broken Crown.

[19] Groupe de , originaire de Los Angeles, en Californie.

[20] Jeu vidéo sur la guerre.

[21] Groupe de heavy metal américain, originaire de Los Angeles, en Californie. Formé en 1981.

[22] Corey Todd Taylor, né le 8 décembre 1973 à Des Moines, est un chanteur américain, membre principal du groupe de metal Slipknot ainsi que de . Il est surnommé « The Sickness » ou « Neck ».

[23] Circle — Slipknot.

[24] La National Football League, abrégée par son sigle NFL, est une association d’équipes professionnelles de football américain, active aux États-Unis. La NFL a été créée en 1920, d’abord sous le nom d’American Professional Football Association, avant d’être rebaptisée National Football League en 1922.

[25] Groupe de rock américain formé en 1987 à Zion, Illinois.

[26] Groupe de heavy metal américain, originaire de Huntington Beach, en Californie. Formé en 1999.

[27] Guitariste d’Avenged Sevenfold.

[28] Caisse de transport dans laquelle on enferme généralement le matériel de sonorisation fragile (amplis, consoles, instruments de musique, et cetera) lors d’une tournée ou d’un déplacement. [29] James Alan Hetfield est un musicien américain né le 3 août 1963 à Downey, en Californie. Avec Lars Ulrich il est le cofondateur, chanteur et guitariste rythmique du groupe de Metallica.

[30] La Route 66 (officiellement US Route 66) est une ancienne route américaine qui reliait Chicago (Illinois) à Santa Monica (Californie), entre les années 1926 et 1985 aux États-Unis. La route 66 a été officiellement déclassée en 1985. Si elle n’a plus d’existence officielle, elle conserve un caractère mythique et est sans doute la plus connue des routes américaines. Depuis le début des années 1990, des mouvements se sont créés pour assurer sa préservation, et les initiatives visant à y développer le tourisme sont de plus en plus nombreuses. La route est ainsi à nouveau fléchée à plusieurs endroits sous le nom Historic Route 66.

[31] The Pot — Tool.

[32] 10 000 Days — Tool.

[33] organisation qui préserve le patrimoine de Carondelet qui était autrefois un village indépendant avant de devenir un quartier de Saint-Louis

[34] Un truck stop est une installation commerciale qui fournit le ravitaillement, le repos (stationnement), et souvent des plats préparés et d’autres services aux automobilistes et chauffeurs routiers.

[35] Village du comté de McLean en Illinois. Il a été fondé en 1855, et incorporé en 1866. La population est 830 habitants en 2010. On y trouve le Dixie Travel Plaza, anciennement Dixie Trucker’s Home, un des premiers établissements destinés aux voyageurs de la U.S. Route 66.

[36] Thick as Thieves [37] Une des 77 zones communautaires définies de Chicago. Avec le Loop et le Near South Side, elle constitue le centre de la ville. [38] Wasted.

[39] The Thrill Is Gone.

[40] RED.

[41] Still Breathing – Green Day.

[42] Your song.

[43] Vice Grip — Parkway Drive.

[44] Film réalisé par Curtis Hanson avec Eminem, Kim Basinger.

[45] In Chains — Shaman’s Harvest

[46] L’aquarium John G. Shedd se trouve dans la ville de Chicago dans l’Illinois aux États-Unis, sur le Museum Campus qui regroupe d’autres institutions culturelles comme l’Adler Planetarium et le Field Museum of Natural History. Il fut inauguré en 1930 et était alors le plus grand aquarium du monde avec un total de 19 millions de litres d’eau et quelque 25 000 poissons. Il abrite environ 2100 espèces animales, parmi lesquelles des poissons, des mammifères marins, des oiseaux, des serpents, des amphibiens et des insectes. Connu comme étant l’un des plus grands bienfaiteurs de Chicago, John G. Shedd offre 3 000 000 de dollars à la ville de Chicago dans les années 1920 pour construire l’aquarium qui portera son nom comme le Sheeld. [47] Une des deux scènes du Festival Open Air Chicago. La principale étant Monster Energy Main Stage.

[48] Appelé aussi le mur de la mort (wall of death), est un mouvement de foule parfois rencontré dans les concerts metal et rock.

[49] Le Circle pit est une danse où les participants courent en cercle sur un rythme rapide et agressif durant les concerts punk hardcore, metalcore et thrash metal.