UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

Domaine : SCIENCES DE LA SOCIETE

Mention : ECONOMIE

GRADE : MASTER

Parcours : ECONOMIE PUBLIQUE ET ENVIRONNEMENT

Mémoire de fin d’études pour l’obtention du Diplôme de

Master Recherche ès Sciences Economiques

Par RAKOTOARIVELO Martin Wilfried

Soutenu publiquement le : 18 Juillet 2016

Membres du jury :

Président : Monsieur RAZAFINDRAVONONA Jean, Professeur des Universités

Examinateur : Madame MAHAVELO Gentilini, Maître de Conférences

Encadreur : Monsieur RAKOTOVAO Heriniaina Andriananja, Maître de Conférences

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REMERCIEMENTS

D’emblée, nous tenons à remercier Dieu Tout-Puissant de nous avoir donné la force d’accomplir ce présent travail.

Par ailleurs, ce présent mémoire n’aurait pas pu se réaliser sans l’aide inestimable de plusieurs personnes auxquelles s’adressent mes vifs remerciements:

‹ Monsieur RAKOTO David, Doyen de la Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie (Fac DEGS) de l’Université d’Antananarivo, de nous avoir accueillis à poursuivre l’étude en troisième cycle dans son Etablissement; ‹ Monsieur RAKOTOVAO Andriananja Heriniaina, notre encadreur pédagogique et notre accompagnateur dès le début jusqu’à la finalisation de ce mémoire. Ses conseils et ses suggestions se sont avérés utiles et importants notamment pour ma future investigation ; ‹ Tous les membres de jury d’avoir bien voulu accepter de juger ce mémoire ; ‹ Tout le corps professoral de la Faculté DEGS depuis la classe de la première année jusqu’à ce jour, nous partageant des connaissances; ‹ Madame RASOARIVELO Simona Pierrette, Directeur du Développement Régional (DDR) ; ‹ Tous les personnels de la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR) Haute Matsiatra, plus particulièrement Monsieur RAFALIARISON Jeriniaina Rabetokotany, Directeur Régional du Développement Rural, d’avoir ouvrir leur porte pour nous permettre d’accéder aux données nécessaires à notre mémoire; ‹ Tous les personnels du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural; ‹ Tous les personnels de l’Office Régional de la Nutrition (ORN) Haute Matsiatra plus particulièrement Docteur RAHERINIAINARIVONY Lalaonantenaina, Responsable Suivi-Evaluation (RSE) de l’office; ‹ Tous les personnels du projet AROPA, Appui au Renforcement des Organisations Professionnelles et aux Services Agricoles; ‹ Mes parents, mon frère et mes sœurs, pour leur soutien moral et financier ; ‹ Tous ceux, par leur part de contribution, ont œuvré à la réalisation de ce présent mémoire.

Merci infiniment

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GLOSSAIRE

Avantage absolu : concept utilisé par Adam Smith (1776) pour désigner la supériorité d’un pays qui réussit à produire un bien à des coûts de production inférieurs à ceux des nations concurrentes.

Avantage comparatif : concept utilisé par David Ricardo (1817) pour démontrer que les pays n’ont pas nécessairement intérêt à se spécialiser sur les productions pour lesquelles ils ont des avantages absolus.

Bien-être : exprime un état caractérisé par l’accès à un minimum de ressources, de biens et services, d’actifs, de droits, de liens sociaux, qui sont considérés comme essentiels pour atteindre le niveau d’accomplissement auquel on accorde de l’importance.

Besoins essentiels : désignent les biens et les services minimum à la réalisation d’une vie décente (Stewart, 1995). Selon Streeten (1981), les besoins essentiels correspondent aux quantités minimum de nourriture, eau, soins sanitaires, logement et vêtements nécessaires pour éviter la faim, la maladie, la mort précoce ou encore toute autre forme de privation.

Capabilité : est un ensemble de vecteur de fonctionnements qui indique qu’un individu est libre de mener tel ou tel type de vie (Sen, 1992).

Croissance économique : est une augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension pour une nation, le produit global net en termes réels (Perroux, 1964).

Croissance endogène : processus de croissance auto-entretenue, reposant sur l’hypothèse de rendements croissants avec une productivité marginale du capital positive indépendante du stock du capital.

Famine : une manifestation particulièrement virulente de pénurie alimentaire causant une mortalité importante (Sen, 1981a).

Rendements d’échelle : accroissement de la productivité suite à l’augmentation des facteurs de production.

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Rente différentielle : différence de productivité entre les terres et qui, selon Ricardo (1817), constitue la base de calcul de rente des propriétaires fonciers.

Vulnérabilité : exprime pour un agent ou un groupe social la probabilité de voir sa situation ou ses conditions de vie, se dégrader ou s’enfoncer, quel que soit son niveau de richesse, face aux fluctuations de la vie (Rousseau, 2001).

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LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS

Ar: Ariary AROPA : Appui au Renforcement des Organisations Professionnelles et aux Services Agricoles. ATS : Association Tefy Saina BNGRC : Bureau National de Gestion de Risques et de Catastrophes CirDR : Circonscription du Développement Rural CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement CREAM : Centre de Recherches, d’Etudes et d’Appui à l’Analyse Economique à CHD : Centre Hospitalier du District COPILO : COmité de PILOtage CSA : Centre de Services Agricoles CSB : Centre de Santé de Base DDR : Direction de Développement Régional DREF : Direction Régionale de l’Environnement et des Forêts DSRP : Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté DRDR : Direction Régional du Développement Rural EAF : Exploitant Agricole Familiale EDS : Enquête Démographique et de Santé EPM : Enquête Périodique/Permanente auprès des Ménages FAO: Food and Agricultural Organisation FOFIFA : Centre National de Recherches Appliquées au Développement Rural FRDA : Fonds Régional de Développement Agricole GTDR : Groupe de Travail pour le Développement Rural Ha : Hectare IDH : Indice de Développement Humain IMF : Institutions de Micro-Finances INSTAT : Institut National de la STATistique MAEP : Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche MAP : Madagascar Action Plan

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MCV : Mécanisme Ciblant les Vulnérables MEF : Ministère de l’Environnement et des Forêts MNP : Madagascar National Park NPK : Azote (N) – Phosphore (P) – Potassium (K) OdR : Observatoire du Riz OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMD : Objectifs pour le Millénaire du Développement ONU : Organisation des Nations Unies OP : Organisation Paysanne OPA : Organisation Professionnelle Agricole OPB : Organisation Paysanne de Base OPF : Organisation Paysanne Faîtière OPR : Organisation Paysanne Faitière au niveau Régional PANSA : Plan d’Action National pour la Sécurité Alimentaire PATAS : Pérennisation des Acquis, Transferts des Avoirs et des Savoirs PDR : Plan de Développement Régional PNDR : Plan National de Développement Rural PNAN : Plan d’Action National pour la Nutrition PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PRDR : Plan Régional pour le Développement Rural PIB : Produit Intérieur Brut PNB : Produit National Brut PNN : Politique Nationale pour la Nutrition PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PTBA : Programme de Travail et de Budget Annuel PP : Projets Professionnels SAN : Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle SRA : Système de Riziculture Amélioré SRI : Système de Riziculture Intensif STATAgri : STATistique Agricole TT : Tranoben’ny Tantsaha (Chambre d’agriculture) TTR : Tranoben’ny Tantsaha Regional USD : United St

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Typologie des risques présents dans les zones rurales pauvres ...... 59

Tableau 2 : Régime alimentaire des ménages ruraux en période normale ...... 87

Tableau 3 : Régime alimentaire des ménages ruraux en période de soudure ...... 89

Tableau 4 : Evolution des effectifs des populations de la Région ...... 95

Tableau 5 : Production régionale selon le type de spéculation ...... 96

Tableau 6 : Evolution des superficies cultivées ...... 98

Tableau 7 : Destination de la production des produits vivriers (% moyenne par rapport aux récoltes) : campagne 2012-2013 ...... 99

Tableau 8 : Evolution du prix du kilo de riz blanc décortiqué de 2005 à 2013 ...... 100

Tableau 9 : Evolution du prix du kilo de maïs grain de 2009 à 2013 ...... 101

Tableau 10 : Evolution du prix du kilo de manioc sec de 2009 à 2013 ...... 102

Tableau 11 : Proportion des ménages ruraux selon les matériels en leur possession ...... 120

Tableau 12 : Proportion des ménages ruraux selon la technique de riziculture ...... 121

Tableau 13 : Proportion des ménages ruraux selon le type de semences utilisées pour la riziculture ...... 122

Tableau 14 : Proportion des ménages ruraux selon leurs techniques utilisées pour l’amélioration de fertilité de sol ...... 123

Tableau 15 : Proportion des ménages ruraux utilisant des produits phytosanitaires ...... 124

Tableau 16 : Facteurs de blocage de l’activité de l’agriculture ...... 125

Tableau 17 : Mode principal d’accès à la terre ...... 126

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Echelle de la hiérarchie des besoins ...... 46

Figure 2 : Capabilités et fonctionnements ...... 68

Figure 3 : Exemple type d’aliments de disette : le raketa ...... 90

Figure 4 : Aliments de base et de substitution chez les ménages ruraux ...... 91

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Liste des 22 Régions à Madagascar ...... 151

Annexe 2 : Liste des Communes par district dans la Région Haute Matsiatra ...... 151

Annexe 3 : Carte d’occupation du sol de la Région ...... 153

Annexe 4 : Liste des Communes intervenues par le projet SiRSA ...... 154

Annexe 5 : Comparaison dans les coûts de revient : SRT – SRA – SRI ...... 154

Annexe 6 : Exemples des meilleurs rendements obtenus en SRI à Madagascar ...... 156

Annexe 7 : Exemples des meilleurs rendements obtenus en SRI dans le monde ...... 156

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE ...... 1

PARTIE I: ANALYSE THEORIQUE DU PARADOXE POTENT IELS AGRICOLES ET INSECURITE ALIMENTAIRE ...... 12

Chapitre 1 : Les enjeux du facteur terre et de l’agriculture dans la pensée économique… ...... 14

Section 1 : La place de la terre dans les débats sur la croissance économique ...... 15

Section 2 : L’agriculture comme frein ou moteur au développement ...... 27

Chapitre 2 : Analyse de l’insécurité alimentaire : approche par les capabilités ...... 40

Section 1: De l’approche subjective du bien être à l’approche objective ...... 41

Section 2 : Processus de constitution du bien-être ...... 49

PARTIE II: ETUDE DE CAS DE LA REGION HAUTE MATSIATRA ...... 70

Chapitre 3 : Présentation du contexte et analyse ...... 72

Section 1 : Paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire ...... 72

Section 2 : Analyse axée sur la non disponibilité alimentaire ...... 95

Chapitre 4 : Analyse axée sur l’accessibilité des paysans aux facteurs de production ...... 104

Section 1 : Le PRDR et sa mise en application ...... 104

Section 2 : Bilan de l’intervention des acteurs et enseignements ...... 119

CONCLUSION GENERALE ...... 141

BIBLIOGRAPHIE ...... 144

ANNEXES ...... 151

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IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN GGEENNEERRAALLEE

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SECTION 1 : ELEMENTS CONTEXTUELS

L'insécurité alimentaire est un phénomène considérable en Afrique Subsaharienne. Dans cette région, 212 millions de personnes souffrent de la faim (FAO, 2008). De surcroît, 31 millions d'enfants de moins de 5 ans sont malnutris (Dembélé, 2001).

Madagascar est un pays situé dans l'Océan Indien, séparé de la côte Sud -Est de l'Afrique par le canal du Mozambique. Historiquement, ledit pays s'est détaché du continent africain il y a environ 165 millions d'années. Madagascar, dont la superficie est de 587 041 km 2, est classé la quatrième grande île du monde après le Groenland, la Nouvelle Guinée et la Bornéo. Madagascar est un pays tropical, traversée par le tropique du capricorne au niveau de la province de Toliara. Selon John (1967), les conditions existantes en Afrique Tropicale sont particulièrement propices à l'agriculture.

A cet égard, Madagascar dispose des climats favorables et des sols diversifiés, adaptés à différentes cultures. Pour les sols, nous citons à titre d'exemple ceux de types hydromorphes organiques et minéraux. D'autres sont de types ferralitiques fortement érodés et désaturés en zone de tanety. Par ailleurs, les sols sodiques ou halomorphes, les complexes lithosols, les sols calcimorphes, vertisols et rouges méditerranéens caractérisent ledit pays. Pour les climats, en ne citant que quelques zones notamment celles du Moyen-Est dotées d'un climat tropical d'altitude moyennant une saison pluvieuse de Novembre à Mars. Les zones Hauts- plateaux Sud sont dotées d'un climat tropical d'altitude, avec gelée durant la période Juin- Août. Les zones Nord-Ouest sont caractérisées par le climat tropical et subhumide avec une forte pluviométrie (1500 mm) sur 5 mois (FAO, 2013).

En outre, Madagascar est un pays riche en ressources naturelles tant renouvelables que non renouvelables. Ce pays est connu à l'échelle mondiale par sa richesse en variétés de faune et de flore. Pour la flore, les scientifiques estiment que l'île compte entre 12.000 et 13.000 espèces dont 80% sont endémiques [Mittermeier et al. (1987) ; Karpe et al. (2004)]. Aussi, le Ministère de l'Environnement et de Forêt a mentionné dans son rapport que la faune de Madagascar présente un niveau d'endémisme qui s'étend jusqu'à la superfamille (lémuriens) et à la famille pour certains groupes taxinomiques. Le taux d'endémisme atteint 100 % pour les poissons, les oiseaux, les carnivora et les chauves-souris (Andreone et al., 2012). Compte tenu de toutes ses particularités, Madagascar est qualifié le « sanctuaire de la nature ». Ce pays est aussi classé parmi les « hot spots en biodiversité » dans le monde.

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Depuis longtemps jusqu'à nos jours, le secteur primaire reste dominant dans ce pays. L'effectif de sa population est estimé à 20,8 millions. Sur cette base, 20,3% résident en milieu urbain et 79,7% en milieu rural (INSTAT, 2010. La plupart de ce dernier sont des paysans exerçant à titre d'activité principale l'agriculture, source de production alimentaire. Ils assurent en majeure partie l'approvisionnement alimentaire du pays surtout en aliments de base tels le riz, le manioc et la patate. Madagascar se caractérise par la jeunesse de sa population. A ce titre, 20% de l'ensemble de ses habitants sont âgés de 5 ans ou moins 1 et 49% sont âgés de 15 ans ou moins. Le rapport de masculinité est de 98% (INSTAT, 2010). Environ 2.000.000 des ménages ruraux de Madagascar, soit une proportion de 87% pratiquent la riziculture irriguée (MAEP, 2008).

Compte tenu de toutes ses potentialités suscitées, Madagascar figure toujours parmi les pays les plus pauvres dans le monde avec une pauvreté endémique en zone rurale. Presque 82,4 % de sa population survivent avec moins de 1,25 dollar par jour et 92,8 % avec moins de 2 dollars par jour (BM, 2013). L'incidence de la pauvreté est élevée en milieu rural avec un taux de 62,1%, contre 34,6% en milieu urbain (INSTAT, 2010). En référence sur l'IDH des pays, le classement du PNUD (2013) a placé Madagascar au 151 ème rang sur 186 Nations.

L'insécurité alimentaire est une des formes de la pauvreté à Madagascar. Ce dernier figure parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Selon la Banque Mondiale (2014), une proportion étonnante de près de 60% de la population Malgache a été estimée extrêmement pauvre. De cette proportion, près de 13 millions de Malgaches gagnent des ressources ou vivent des ressources dont la valeur est inférieure à 2133 kilocalories par jour. L'insécurité alimentaire est un phénomène considérable à Madagascar, très frappant dans les zones rurales. A titre de preuve, 3.957.618 des personnes rurales souffrent de cette insécurité alimentaire (FAO, 2013).

L'insécurité alimentaire est aussi alarmante au niveau régional. La Région Haute Matsiatra est une des 22 Régions à Madagascar (cf. Annexe 1 : liste des 22 Régions), une région unique au monde. Disposant d'énormes potentialités surtout agricoles, elle est cependant paradoxalement frappée par l'insécurité alimentaire.

1 A titre d’éclaircissement, 20% du total de la population sont comprises entre la classe d’âge [0, 5] ans.

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Haute Matsiatra est une région essentiellement agricole. Parmi les 82 communes formant cette région, 3 seulement sont urbaines. De plus, 83,9% de la population constituées essentiellement de jeunes travaillent dans le secteur de l'agriculture (ONE, 2006). La jeunesse de la population caractérise beaucoup ladite région. L'âge moyen de la population active est de 32,6 ans (INSTAT, 2013). Le rapport de masculinité dans le milieu rural est supérieur à celui de l'urbain avec comme proportions respectives de 102,6% et 95,1% (INSTAT, 2010). Par ailleurs, 78,9% de la population pratiquent la riziculture avec une forte proportion de 86,5% dans le milieu rural (INSTAT, 2013). Ladite région est dotée des sols diversifiés adaptés à différentes cultures. Elle dispose, à titre d'exemples, des sols ferralitiques jaunes/rouges et rouges de superficies assez importantes, mais discontinues. De plus, elle est dotée des sols ferrugineux tropicaux couvrant la partie centrale de la région. Par ailleurs, des îlots d'association des sols ferralitiques rouges et jaunes/rouges, des sols faiblement ferralitiques et Ferri sols caractérisent la région. En outre, la Région Haute Matsiatra est dotée d'un climat de type tropical d'altitude alternant deux saisons bien distinctes : la période chaude et pluvieuse ; la période fraiche et humide.

Malgré tous ces éléments distinctifs et favorables à une production suffisante, la Région Haute Matsiatra souffre de l'insécurité alimentaire, une des formes de la pauvreté. Le ratio de pauvreté au niveau de la région est de 79,1%. De plus, 70,3% de l'ensemble de la population de la région Haute Matsiatra vivent dans la pauvreté extrême (INSTAT, 2010). La proportion de la population n'atteignant pas le seuil minimum d'apport calorique est de 51,6% (INSTAT, 2013). La consommation moyenne journalière de riz par personne est faible. Elle est estimée à 287g (DDR/Table ronde des bailleurs, 2005). En conséquence, plus de la moitié de la population régionale sont frappées par la famine. 38% des enfants de moins de 5 ans de la région sont touchés de l'insuffisance pondérale dont 11,1% sous forme sévère. A part l'insuffisance pondérale, la malnutrition chronique constitue un fardeau important de ladite région. Haute Matsiatra figure parmi les régions les plus affectées de la malnutrition chronique à Madagascar. Ce phénomène affecte 65,2% des enfants de moins de 5 ans dont 28,5% sous forme sévère (INSTAT, 2013). Par ailleurs, le taux de mortalité infantile est très significatif dans la région. Selon l'INSTAT (EDS IV, 2009), le taux de mortalité infantile s'élève à 72 ‰ par an. De surcroît, le taux de mortalité infanto – juvénile est de 103‰.

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SECTION 2 : PROBLEMATIQUE

Face à toutes ces situations, notre problématique se pose : « comment s’explique le paradoxe potentiels agricoles et l’insécurité alimentaire ? ».

Pertinence théorique

L'économie est, comme toutes les autres disciplines, une science vivante et dynamique. Les pensées des théoriciens en la matière ont connu depuis toujours des évolutions. Ces dernières sont marquées le plus fréquemment par des controverses dans l'explication d'un problème ou d'un phénomène économique donné tel la famine, une des manifestations de l'insécurité alimentaire. Les économistes se trouvent, à ce titre, motivés par des recherches. Ils s'efforcent de donner des éléments de réponse à un problème économique donné.

Face à notre problématique, des débats théoriques ont suscité beaucoup d'auteurs. Fondamentalement, les Physiocrates (1778) accordent une importance particulière à la terre. Cette dernière dont l'agriculture est la principale source de richesses. L'alimentation est, pour l'essentiel, le produit de la terre par le biais des activités de l'agriculture. Malthus, un économiste réaliste, intègre dans sa pensée (1776) la dimension population. Selon cet économiste, la terre est rare. Les produits dérivés de cette ressource sont conséquents face notamment à l'accroissement brusque de la population. D'où le problème de disponibilité alimentaire se traduisant par un déséquilibre nourriture-population. Aux yeux de Malthus (1776), ce problème de disponibilité est explicatif au problème de la faim. A son tour, Ricardo (1817) a critiqué la thèse physiocratique de la terre. Cet économiste, comme Malthus (1776), a évoqué les facteurs limitatifs de la croissance. Selon Ricardo, la terre a des limites et a connu conséquemment des rendements décroissants. La surexploitation mal des terres ainsi que la mise en culture des terres de moins en moins fertiles ne peuvent pas subvenir aux besoins grandissants et diversifiants de la population. Solow (1956) n'est pas resté inerte face à ces débats. Cet économiste mentionne, dans sa théorie de la croissance, le rôle prépondérant joué par le progrès technique. Ce type de raisonnement fut critiqué par les nouveaux théoriciens de la croissance dont Lucas (1988), Romer (1986). Aux yeux de ces derniers, le progrès technique, considéré comme étant un facteur exogène à la croissance, conduirait à un état régulier de produit par tête. La croissance est transitoire. Par contre, Lucas (1988), dans sa théorie de la croissance endogène, insistait sur le rôle du capital humain comme un

5 déterminant de l'augmentation continuelle et soutenue de la production. Selon Romer (1990), l'accumulation des connaissances est un facteur endogène à la croissance. Comme une alternative à l'idée de Malthus (1776), Romer (1986) et Lucas (1988) ont soutenu que la pluralité effective de la population, accompagnée du renforcement du capital humain, entraînent la croissance des rendements. En outre, Barro (1990) figure parmi les nouveaux théoriciens de la croissance. Il souligne l'importance du capital public dans la promotion de la croissance. Lewis (1954) a une vision large de l'économie. D'après cet économiste, la pauvreté est due par un retard en matière d'industrialisation. Le sous développement résulte de la déconnexion entre le secteur moderne et le secteur traditionnel. La moindre connexion entre ces deux secteurs aggrave les inégalités entre les individus du secteur moderne (capitalistes) et ceux du secteur traditionnel. Chayanov (1966) expliquait le sous développement par la dominance de l'économie paysanne. Selon Chayanov, le blocage au développement de l'économie paysanne est, d ’une part, la réticence dans l'appréhension du changement et d'autre part, le blocage est le fort attachement à la culture et à la tradition. Le développement pour Chayanov (1966) dépend en premier lieu de chaque individu. Amartya Sen (1981a) a repris tous ces raisonnements. Ces derniers sont intégrés dans son modèle de développement axé sur la « capabilité ». Sen, dans son approche par les capabilités, considère l'individu comme étant le moteur et le cible du développement. Cet économiste expliquait la famine par une déficience en capabilité. Le bien-être individuel puise ses racines dans la liberté réelle à choisir et à accomplir certains fonctionnements potentiels. Sen (1981a) avançait que la famine et la malnutrition sont moins liées au problème de disponibilité alimentaire qu'à la possibilité d'y avoir accès. Sen a évoqué tout au long de son modèle des contraintes dont les facteurs institutionnels. Ces derniers pourraient corrompre les objectifs de vie des individus. A cet égard, selon North (1994), les institutions sont des contraintes élaborées par l'homme pour structurer leur interaction. Selon même cet économiste (1994), le sous-développement s'enracine dans le conflit ou l'inadéquation entre la « coordination par le bas » et la « coordination par le haut ». Selon Veblen (1899), les institutions s'auto-renforcent puisque les comportements sont encadrés par les habitudes de pensée. Ces dernières favorisent l'émergence d'autres institutions et qui les perpétuent.

Pertinence politique

Notre problématique est aussi pertinente sur le plan politique. Les dirigeants régionaux ont depuis toujours élaborés et mis en œuvre des politiques de développement

6 rurales. Dans le cadre de son élaboration, ces dirigeants s ’appuient plus particulièrement sur les spécificités régionales et sur les filières porteuses. Sans oublier, l ’élaboration des politiques régionales devrait se référer aux documents nationaux. Malgré les soutiens indéfectibles de ces dirigeants régionaux, ladite Région souffre de l ’insécurité alimentaire.

A Madagascar, trois objectifs majeurs ont été fixés dans le cadre de la mise en œuvre du DSRP. Le premier consiste au passage d'une économie de subsistance à une économie de marché. Le second s'oriente sur le prolongement de l'économie rurale vers l'économie industrielle et l'économie de service (tourisme, crédit agricole), etc. Le troisième objectif consistait à augmenter des exportations. De surcroit, Madagascar fait partie contractante à suivre les OMD. Ces derniers sont au nombre de huit (8) objectifs. Il s'agit entre autres, la réduction de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population souffrant de la faim. Par ailleurs, l'objectif 4 de l'OMD concerne la réduction de deux tiers, entre 1990 et 2015 le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. L'objectif 7 consiste à assurer un environnement durable. Après le DSRP, le MAP a été élaboré, un plan quinquennal fixant les objectifs de développement et les priorités nationales pour les années 2007 à 2012. Le MAP contient huit (8) engagements. A ce sujet, l'engagement 4 porte spécifiquement sur le « Développement Rural ». Cet engagement est accompagné de six défis majeurs à relever : (i) sécuriser la propriété foncière ; (ii) améliorer l'accès au financement rural ; (iii) lancer une Révolution Verte durable ; (iv) promouvoir les activités orientées vers le marché ; (v) diversifier les activités agricoles ; (vi) accroître la valeur ajoutée agricole et promouvoir l'agrobusiness. La révolution verte a pour finalité d'obtenir une forte augmentation des rendements et de la production en un laps de temps relativement court. Cette augmentation permettrait donc d'assurer la sécurité alimentaire en denrées de base et de pouvoir exporter un surplus. Les piliers de la révolution verte tournent autour de la mécanisation agricole et de l'utilisation des nouvelles techniques agricoles. Depuis 2005, les dirigeants Malgaches ont élaboré le Plan d'Action National pour la Sécurité Alimentaire (PANSA) qui vise principalement à atteindre un degré d'auto-approvisionnement proche de 100% pour les denrées de base ; à assurer une croissance annuelle de la production proche de celle de la demande dans le long terme pour toutes les denrées de base ; un abaissement à l'horizon 2015, de 50% des effectifs de personnes vulnérables, particulièrement chez les enfants et les femmes.

Le PRDR est élaboré à la lumière de ces documents nationaux. Cinq (5) orientations ont été fixées dans le PRDR, entre autres : (i) l'amélioration de la sécurité alimentaire ; (ii) la

7 valorisation des ressources naturelles et la préservation des facteurs naturels de production ; (iii) la facilitation d'accès des ménages au capital et aux facteurs de production. Le projet AROPA contribue à la mise en œuvre du PRDR et par conséquent à l'atteinte des objectifs y afférents. Quant à ces derniers, les défis régionaux consistent à atteindre un degré d'auto- approvisionnement alimentaire élevé ; puis d'approvisionner en alimentation les régions voisines.

Le Projet AROPA exerce d’une manière grandiose dans la région. L ’objectif de ce projet consiste à : « renforcer les organisations professionnelles agricoles pour améliorer les revenus et réduire la vulnérabilité des petits producteurs en particulier les plus pauvres d’entre eux, en facilitant leur accès à une offre de services et à des équipements adaptés à leurs besoins » (AROPA, 2014, p.8) . L ’impact attendu du projet est la sortie de la pauvreté indiquée par l ’amélioration de la sécurité alimentaire et de la résilience, l ’augmentation du revenu et l ’amélioration du bien-être des EAF (Exploitant Agricole Familial) bénéficiaires.

SECTION 3 : METHODOLOGIE E Corpus théorique

Pour apporter des éléments de réponse à notre problématique, notre mémoire s’inscrit dans le cadre de l’économie de développement. Cette dernière est une branche de l’économie qui date de la fin de la seconde guerre mondiale (1945). Ladite économie a émergé avec la réalisation que la pauvreté impose une nouvelle contrainte aux individus et change les conditions dans lesquelles ils prennent la décision. Cette discipline s’oriente ainsi plus particulièrement à l’étude des problèmes économiques, sociaux, environnementaux, institutionnels que rencontrent les pays dits en développement. Cependant, elle apporte aussi des éléments de connaissance et de savoir sur le mécanisme d’un pays de parvenir à un tel stade de développement que ce soit développé, en développement et sous-développé. Donc au processus de constitution de leur bien-être. L’analyse de l’économie de développement porte sur le plan macroéconomique et microéconomique. Cette discipline en question analyse aussi les inégalités internationales et celles qui subsistent entre les individus à l’intérieur d’un pays ou d’une région donnée. De ses spécificités, l’économie de développement ne concerne pas non seulement l’économie des pays pauvres. Mais elle s’oriente aussi à l’économie des pays riches. Grosso modo, c’est l’économie de « comment développer ? » du fait même que, rien dans le monde à l’intérieur d’un pays ou d’une région donnée, tous les individus se sont assis sur un même pied d’égalité en terme de bien-être. Des fossés subsistent toujours entre les

8 individus riches et pauvres et qui sont parfois même des causes ou des blocages au développement. Une telle inégalité a des coûts économiques.

E Grille de lecture

L'approche par les capabilités de Sen a été choisie comme cadre théorique de référence. Elle nous a permis d'analyser l'insécurité alimentaire, un problème complexe dans la Région Haute Matsiatra. Ladite approche considère l'homme comme étant à la fois un moyen et une fin au développement. Elle abandonnait aussi l'analyse Malthusienne (1776) de la faim, en terme de déséquilibre nourriture – population. Mais, elle s'oriente plus particulièrement sur l'accessibilité des individus aux facteurs de production. Amartya Sen s'intéressait sur la façon dont l'homme constitue son bien-être. Cet économiste intègre dans son approche les dimensions politiques, économiques, environnementales, sociales, juridiques. L'analyse par les capabilités permet de détecter les forces et les faiblesses, les menaces et les opportunités de vie pour chaque individu.

E Hypothèses

A l’issue de cette grille de lecture et de la théorie Ricardienne de la rente différentielle que nos hypothèses d’étude sont fixées pour étudier le cas Malgache, plus particulièrement la Région Haute Matsiatra. Ainsi, nous émettons à titre de:

- Première hypothèse : l’agriculture malgache qui remet à jour la théorie de la rente différentielle de Ricardo constitue un frein au développement.

Les hypothèses suivantes sont tirées de notre grille de lecture. Ces hypothèses se construisent sur la manière dont se forme la capabilité. Cette dernière est appréciée comme étant l’ensemble des moyens mis à la disposition de l’individu lui permettant de satisfaire ses besoins (Dubois et al., 2003). Ainsi, pour :

- Deuxième hypothèse : le manque des revenus réduit l'accessibilité des individus aux nourritures.

De cette hypothèse, l’insuffisance en moyens financiers ne permet pas à l'individu d'acquérir les moyens de production nécessaires pour accroître la production afin de subvenir ses besoins.

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- Troisième hypothèse : les institutions dont les habitudes de pensée et les traditions constituent un obstacle à l'adoption des techniques agricoles plus performantes. En conséquence, ces institutions constituent un frein au développement.

A titre d'éclaircissement, la deuxième hypothèse est d ’origine interne à l'individu. C'est une question de ressources. L'insuffisance de revenus rend les individus plus vulnérables notamment, pour le cas des ménages agricoles, face à un choc climatique ou à des risques divers. La troisième hypothèse est liée aux influences de l'environnement externe qui limitent la possibilité réelle d'être et d'agir de l'individu. La question des instituions, les normes de la société constituent un obstacle à la conversion des ressources en capabilités. Ces facteurs institutionnels réduisent l'espace des capabilités des individus. En effet, ces facteurs conduiraient à la restriction de fonctionnement chez l'individu.

E Revue de littérature : ouvrages de référence

Sur le plan théorique, l'ouvrage de Sen (1981a) intitulé « Poverty and Famines : An essay on Entitlement and Deprivation » et celui de Clément (2009) qui s'intitule : « Amartya Sen et l’analyse socio-économique des famines : portée, limites et prolongements de l’approche par les entitlements » nous a constitués des documents de référence pour notre étude. Sur le plan empirique, la Monographie de la Région Haute Matsiatra établie par le CREAM (2013) nous a fourni un aperçu global pour notre site d'étude. De plus, ce document nous a donné l’essentiel des informations pour notre analyse.

E Méthode de collecte des données

Quant à l'étude théorique, les ouvrages et les articles faisant l'objet de notre revue ont été mis en main via non seulement la consultation des sites spécialisés tels que : www.repec.org; www.cairn.info; www.pérsee.fr; www.sciencedirect.org. En plus, la consultation des ouvrages auprès de la Bibliothèque Universitaire (BU) et au Bibliothèque Nationale (BN) a été effectuée. Par ailleurs et à titre de révision, la lecture des cours théoriques depuis la classe de première année a été faite d'une grande utilité pour la confection de ce présent mémoire.

Sur l'étude empirique, les ouvrages, les rapports régionaux, nationaux et internationaux, les données chiffrées qui feront l'objet de notre revue et analyse ont été collectées suivant une méthodologie bien claire. Une descente à la Région Haute Matsiatra

10 faite à priori nous a permis de voir de visu la réalité. Une collecte des données a été effectuée auprès de la Direction Régionale pour le Développement Rural (DRDR). De plus, des données et des informations sont collectées auprès de l'Office Régional de la Nutrition (ORN). Des échanges d'idée ont été faits avec le Responsable Suivi et Evaluation (RSE) de cet office. En outre, des données ont été mises à notre disposition via la collecte auprès de l’INSTAT / Direction Haute Matsiatra. Par ailleurs, des données ont été recensées auprès du projet AROPA.

En plus de ces sources, la collecte des données ne se limitait pas seulement au niveau de la Région mais elle s’étend également auprès du Ministère de l ’Agriculture et du Développement rural Anosy-Antananarivo. Les différents départements qui y sont rattachés tels l ’UPDR, l ’OdR, L ’EPP/PADR, le service STATistique AGRIcole (STATAGRI), le FOFIFA (FOibe FIkarohana momba ny FAmbolena) nous a fournis des données essentielles pour notre mémoire. Des fichiers physiques et numériques sont distribués à notre faveur. Par ailleurs, la consultation des sites tels ceux de la Banque Mondiale (BM), le Ministère de l’Agriculture (MinAgri), l ’INSTAT et la FAO a été faite pour compléments des fichiers en main. La revue théorique et pratique s ’est effectuée principalement dans la Bibliothèque Universitaire (BU) d’Antananarivo. Le Centre d ’information et de documentation du Ministère de l ’Agriculture et enfin la Bibliothèque de la DRDR nous a aussi permis de faire la revue des documents nationaux et régionaux.

SECTION 4 : PLAN DE MEMOIRE Notre présent mémoire sera subdivisé en deux parties. La première porte sur l ’analyse théorique du paradoxe potentiels agricoles et l ’insécurité alimentaire. La seconde sera focalisée sur l ’étude de cas de la Région Haute Matsiatra.

La première partie sera déclinée en deux chapitres. Le premier se concentrera sur les enjeux du facteur terre et de l’agriculture dans la pensée économique. Le second sera consacré à l ’analyse de l ’insécurité alimentaire : approche par les capabilités. La deuxième partie sera également déclinée en deux chapitres. Le premier présentera le contexte de la Région suivie de l’analyse portée sur la non disponibilité alimentaire. Le second sera focalisé sur l ’analyse de l’accessibilité des paysans aux facteurs de production.

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PARTIE I: ANALYSE THEORIQUE DU PARADOXE POTENTIELS AGRICOLES ET INSECURITE ALIMENTAIRE

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INTRODUCTION DE LA PARTIE 1 :

Le monde est en perpétuelle évolution. Le développement des théories apportées par les différentes sciences reflète, depuis toujours et à large part, le développement du monde. Au fil de temps, l’évolution des connaissances résulte du dynamisme réflexif des chercheurs. En général, le dynamisme de raisonnement est en adéquation avec l’évolution de la réalité. Cette évolution éveille profondément l’ambition des chercheurs. Ainsi, la science est faite pour apporter des éléments d’explication à la réalité. Chaque discipline a sa propre autonomie. Elle dispose chacune sa vision, sa grille d’analyse face à un tel phénomène ou à un changement social constaté.

L’économie est une science. Equipée des outils et des techniques d’analyse diverses, elle est en mesure d’analyser le sous développement d’un pays. La démarche méthodologique de cette science lui accorde une scientificité dans son analyse, donc d’une objectivité dans sa vision. A l’égard de ses spécificités, la science économique dispose, entre autres, l’aptitude d’analyser une dichotomie dans la réalité d’un pays ou d’une localité donnée.

En référence à notre sujet d’étude, la première partie s’intéressera à l’analyse théorique du paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire. Pour bien cerner l’analyse, cette partie se subdivisera en deux chapitres. Le premier portera sur les enjeux du facteur terre et de l’agriculture dans la pensée économique. Le second sera focalisé à l’analyse de l’insécurité alimentaire via l’approche par les capabilités de Sen.

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CHAPITRE 1 : Les enjeux du facteur terre et de l’agriculture dans la pensée économique Introduction du chapitre 1 L’économie est une science dynamique. Les pensées des économistes ont connu depuis toujours des évolutions. Ces pensées varient aussi selon le contexte. Elles suivent donc les dimensions spatio-temporelles. La terre figure parmi les facteurs de production. L ’agriculture est une activité qui consiste à tirer profit de la terre. Cette activité contribue d ’une manière grandiose à subvenir aux besoins en alimentation de la population. Certes, la terre et l’agriculture ont changé de perception depuis les pensées économiques des temps anciens jusqu ’à celles des temps modernes. Les problèmes rencontrés dans l ’utilisation du facteur terre feront l ’objet des débats suivis des recommandations et des enseignements par les économistes.

Notre premier chapitre se subdivisera en deux sections. La première montrera la place de la terre dans les débats sur la croissance économique dont l ’accroissement de la production pour satisfaire les besoins en alimentation de la population. A cet égard, la perception de la terre est passée d ’une vision positive à une vision négative. Des limites à la croissance ont été évoquées tout au long des débats. Cependant, des perspectives ont été avancées par les économistes pour obtenir une croissance de rendements soutenus et à long terme. Ces rendements permettraient d ’atteindre les objectifs de sécurité alimentaire en termes de stabilité et de durabilité alimentaire. Ainsi, la première section se subdivisera en deux sous-sections. La première expliquera le concept de rendement décroissant. La deuxième sous-section s’intéressera sur le passage au rendement croissant.

La deuxième section expliquera les conditions que l’agriculture constitue un frein ou un moteur au développement. Elle s’intéressera donc sur les facteurs d’échec et de réussite des activités de l’agriculture notamment pour la constitution de bien-être. En effet, cette section se subdivisera en deux sous-sections dont la première analyse le dualisme urbain-rural comme étant un facteur ou un frein au développement. La théorie de Lewis (1954) sera abordée principalement dans l’explication de ce phénomène. La seconde sous-section portera sur l’analyse du sous-développement axée sur le rôle joué par l’économie paysanne.

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Section 1 : La place de la terre dans les débats sur la croissance économique Grosso modo, parler de la sécurité alimentaire revient à considérer les aspects quantité, qualité et durabilité des aliments. Quant au premier aspect, le phénomène de l ’insécurité alimentaire est une question de disponibilité : une offre alimentaire insuffisante face à la demande de la population. Une définition standard attribuée à la croissance économique est une augmentation de la production pendant une période donnée. A cet égard, nous nous sommes intéressés sur la place de la terre dans la promotion de la croissance économique d ’un pays, dont la croissance de la production alimentaire. Indissociablement à cette étude, nous nous sommes interrogés sur la place de l ’agriculture dans l ’économie. L’agriculture est une activité qui consiste à tirer profit de la terre. Son ultime objectif consiste à nourrir la population.

1.1 De la conception physiocratique de l'agriculture comme seule source de richesse à la théorie classique de la rente différentielle

1.1.1 Concept physiocratique

Les physiocrates mettent le fondement de l ’économie en la réalité économique de la nature. D ’ailleurs, le terme « physiocratie » signifie gouvernement de la nature. Le principal auteur de ce courant de pensée est François Quesnay (1694-1774). Les physiocrates accordent beaucoup d ’importance à la terre, la seule source de richesses. La terre a pour rôle de multiplier les biens. A cet effet, une graine semée produit plusieurs graines. De plus, la terre est considérée comme un don de la nature.

Pour les physiocrates, la seule activité réellement productive est l’agriculture. Cette dernière permet, à l’homme, de tirer profit de la terre. Son principal objectif consiste à nourrir la population. La production est un processus de reproduction de produit et de reproduction de capital. La reproduction est réalisée au cours du processus de circulation comme l’achat des matières premières et la location des terres. Les industries et le commerce sont des préoccupations stériles. Ils puisent, de ce fait, les matières de la terre ou de l’agriculture. Le commerce n’appartient pas à la sphère productive mais dans celle de la circulation.

A l’ère des physiocrates, la richesse matérielle provenant de la terre est dominante. En effet, la pensée économique des physiocrates définit l’économie comme une science des richesses matérielles. Cette école de pensée est très attachée à la nature. Le vouloir de la

15 croissance leur conduit à exploiter au maximum le facteur terre et de surcroit à intensifier le travail en dépensant plus d’énergies. A cet égard, les physiocrates sont favorables à une croissance extensive, une croissance fondée sur l’augmentation quantitative des facteurs de production. A ce sujet, Quesnay insiste sur l’importance du facteur travail. La logique de raisonnement de cet auteur réside dans le fait que la nature ne peut rien donner sans le travail des agriculteurs.

Grosso modo, la pensée des physiocrates s’articule autour de trois axes. Primo, la croyance en l’existence d’un ordre naturel. A ce titre, le système économique tend vers un équilibre résultant d’un ordre naturel. Secundo, le droit de propriété apparaît pour les physiocrates comme un droit naturel. Tertio, les physiocrates prônent les vertus du libéralisme.

Le Docteur Quesnay est le premier à s’opposer au mercantilisme. En effet, les physiocrates condamnent l’intervention de l’Etat. Pour développer l’économie, ils préconisent le libéralisme. L’Etat est neutre pour les physiocrates. Son rôle est réduit au rôle de l’Etat gendarme : assurer la sécurité des interventions des acteurs économiques et notamment veiller au fonctionnement normal du mécanisme du marché. Pour ce courant de pensée (physiocrates), le protectionnisme et l’interventionnisme sont créateurs de déstabilisation. L’instauration du libéralisme favorise l’initiative privée et accélère l’enrichissement. De ce fait, le libéralisme conduit l’Etat à laisser faire les individus et à laisser passer les produits. Il permet ainsi au mécanisme du marché de fonctionner librement pour assurer l’autorégulation de l’ensemble du système.

Quesnay (1758) a écrit un ouvrage intitulé « le tableau économique ». Ce dernier décrit la circulation des biens économiques dans la société. Plus précisément, ce tableau montre la façon dont se créent, se consomment et se répartissent les richesses entre les trois classes sociales formant la société. A savoir, la classe productive (agriculteur), la classe de propriétaire et la classe stérile comprenant le reste de la société.

La classe productive crée les biens utiles à la consommation. Elle assure également la reconstitution des semences et la production agricole. Indubitablement, cette classe assure la nourriture de la population, par conséquent maintien de leur survie. Cette classe est la seule productrice du « produit net ». Ce dernier est la différence entre la production et les avances. Pour la classe des propriétaires, le produit net est un revenu versé en leur faveur en raison de

16 leur pouvoir monopole de détention de la terre. La classe stérile est formée de tous les citoyens occupés à d ’autres travaux que ceux de l’agriculture. Les artisans sont, aux yeux des physiocrates, intégrés dans la classe stérile. Ils ne dégagent pas de produit net. Ils ne contribuent pas conséquemment à la création des richesses. Pour les physiocrates, la principale source qui alimente la caisse de l’Etat est l’un impôt direct. Ce dernier est un prélèvement assis sur la richesse foncière et la production agricole. En somme, l’analyse des physiocrates est en termes de flux. Donc elle est de type macroéconomique.

Limites de la pensée physiocratique

La pensée des physiocrates ne fait que décrire la situation économique de la France pendant le XVIIIème siècle. La dominance de l’agriculture marquait cette période sur le plan productif. Ce type d’activité occupait 80% de la population active. De ce fait, l’agriculture exerçait une grande influence à la vie économique. Par ailleurs, Quesnay a une vision uni - sectorielle de l’économie. La définition de la richesse étant limitée au produit agricole. De plus, l’agriculture est la seule activité productive.

Par ailleurs, les physiocrates ne s’interrogeaient pas sur la portée de la production à couvrir les besoins de la population. Quesnay est apprécié comme un auteur quantitativiste. Il ne s’intéressait pas sur les autres facteurs permettant d’accroître la productivité. La mobilisation de beaucoup de forces, aux yeux de Quesnay, permet de tirer de la terre de sa qualité naturelle un profit. De surcroît, Quesnay n’expliquait pas dans sa théorie l’origine des fluctuations des prix des produits agricoles.

L’analyse physiocratique est superficielle. Elle n’a pas suffisamment posé le fondement de l’économie. Pour les physiocrates, le produit net est un don de la nature. Ainsi, la richesse est fortement attachée à la nature. A ce sujet, la place de l’homme dans la sphère productive est de moindre considération. En effet, une faible productivité du facteur terre a été constatée.

Enfin, les physiocrates n’ont pas intégré dans leur raisonnement les facteurs limites de la terre. Le degré de fertilité du sol peut varier. Les rendements ainsi conséquents pourront connaître des fluctuations. A un moment donné, la croissance des rendements se trouve restreinte surtout face à une augmentation explosive de la population. Cette dernière thèse a conduit Malthus à axer sa réflexion sur la population comme un facteur limitatif de la croissance.

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1.1.2 La démographie : facteur limitatif de la croissance

Thomas Robert Malthus (1766 – 1834) est un économiste britannique. Il fait partie aussi des économistes classiques. Malthus devient Pasteur après ses études à l ’Université de Cambridge. L ’école classique nait avec la révolution industrielle. En effet, contrairement aux physiocrates, cette école réfute l ’ordre naturel. Il s ’agit donc d ’un courant intellectuel motivé à rechercher la vérité par une méthode scientifique. D ’ailleurs, cette école repose sur L’existence d ’individualisme utilitariste.

Malthus est un théoricien de la démographie le plus célèbre et le plus influent de tous les temps (Gillis et al., 1990). Il a écrit en 1776 un ouvrage intitulé « essai sur le principe de la population ». Cet économiste, dans son analyse sur la croissance, a intégré la dimension population. Dans sa vision, la « passion sexuelle » entre les couples est source d’une augmentation démographique explosive. En effet, l’exigence de se nourrir en tant qu’être humain amènerait à une hausse de la population active. Cette dernière exercera une pression sur le capital foncier, donc d’une forte mobilisation du travail à tirer de la terre, de sa qualité naturelle, de la subsistance. Ce mécanisme occasionne, selon Malthus (1776), un déséquilibre nourriture - population. Ce déséquilibre est explicatif à la famine, un phénomène économique frappant la majorité de la population. Malthus (1776) a soutenu une idée selon laquelle l’augmentation de la population et celle de la nourriture ne se concorderont jamais, même pour le long terme. A cet égard, la population croît suivant une progression géométrique et les subsistances augmentent selon une progression arithmétique, d’où la pénurie. Le décalage subsistance-population s’explique aussi du fait que la terre a connu des limites. A un niveau d’exploitation supérieur à cette limite, le rendement de la terre a tendance à se décroitre. Par contre, les besoins de la population s’accroissent à un rythme alarmant. En effet, le décalage nourriture – population s’explique du fait que le pouvoir multiplicateur de l’être humain (population) est tellement plus grand que le pouvoir de la terre de produire des subsistances.

La diminution des rendements agricoles amenait à un problème de disponibilité. De plus elle conduirait à une baisse des salaires des travailleurs. Aussi, le prix des denrées alimentaires sur le marché se multiplie face à la demande croissante de la population. D’où le problème généralisé de la famine. Platteau (1984) a reporté l’idée de Malthus sur la manière de mettre fin la misère ouvrière. Selon Platteau, l'éducation des masses laborieuses pouvait entraîner, à terme, un relèvement de leur niveau de vie (Platteau, 1984).

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La question « démographie » est une question centrale pour Malthus. Dans l ’univers morose de ce dernier, les entraves à la croissance démographique sont principalement constituées de facteurs augmentant le taux de mortalité. A ce titre, Malthus inclut tous les désastres comme des facteurs exterminant les masses de la population à savoir les famines, les guerres et les épidémies. Cependant, Malthus (1776) prône des mesures préventives de lutte contre la faim. Pour cet auteur, le retardement de l ’âge de mariage ainsi que le renforcement du niveau éducationnel des personnes laborieuses accroît le niveau de vie de la population. Il ne propose pas aux gens de recourir aux préservatifs étant donné qu ’il est un Pasteur.

Face à la logique de raisonnement Malthusienne, Ricardo (1817) s’intéressait sur le comportement de l’être humain à se nourrir. Plus précisément, sa réflexion est axée sur la tendance de la population à couvrir leurs besoins face à la rareté des terres fertiles. A cet effet, la loi des rendements décroissants et la loi des rentes différentielles de terres cultivées caractérisent l’analyse Ricardienne (1817).

1.1.3 La terre et le rendement décroissant

David Ricardo (1772-1823) est un économiste Britannique et fait partie aussi des anciens théoriciens de la croissance. Ricardo (1817) a écrit un ouvrage intitulé « Principes de l’Economie Politique et de l’impôt ». Cet économiste admet comme point de départ de son analyse la thèse Malthusienne (1776) de la population. Ricardo a mentionné dans son ouvrage que l’augmentation de la population entraine une pénurie des terres productives. Par conséquent, son analyse porte plus particulièrement sur la façon d’un agent, de la population de se nourrir face à la rareté des terres fertiles. Ricardo (1817) s’intéressait donc à la manière dont se créent, se consomment et se répartissent les richesses entre les agents économiques.

Décroissance des rendements et prix sur le marché

Face à la croissance démographique galopante de l’être humain et la rareté des terres fertiles, Ricardo souligne que la tendance humaine consiste à mettre en chantiers les terres de moins en moins fertiles (1817). L’exploitation de ces dernières nécessite, comme exigence, d’une énorme mobilisation de forces de travail. Le dégagement de beaucoup d’énergies est conséquent pour pouvoir tirer profits de la terre. Mais le rendement de cette exploitation s’est rendu faible et tend à diminuer. A cet effet, l’offre alimentaire ne permettra pas de couvrir les besoins grandissant et diversifiant de la population. A long terme, la situation se détériorait. Il

19 s’agit, via la décroissance des rendements, d ’une situation marquée par un grand décalage nourriture-population. Cette situation influence négativement le prix sur le marché. Ce prix tend à s ’accroître d ’une manière significative. En outre, la théorie de rendements décroissants de Ricardo (1817) est une avancée en termes d ’une analyse filière. Le prix des denrées sur le marché dépend du coût d’exploitation des terres de moins en moins fertiles. Selon la théorie Ricardienne (1817), un bien ne sera jamais vendu à des coûts inférieurs à sa production.

La théorie de la répartition et la rente différentielle

La création et la distribution des richesses ont permis à Ricardo (1817) de subdiviser la société en trois (3) classes : les travailleurs, les capitalistes et les propriétaires terriens. Quant à la production agricole, chaque classe offre une contribution particulière au produit. Chaque classe dispose d’un facteur de production propre: la terre, le travail et le capital. Mais la mobilisation de l’ensemble de ces facteurs tire l’économie. Les travailleurs exploitent la terre pour la production des biens de consommation. Ces travailleurs paient, en contrepartie de son exploitation et de son location, des rentes aux propriétaires terriens. La rente signifie « le loyer du sol ». Un terrain se différencie d’un autre par son degré de fertilité. Ainsi, les propriétaires des terres plus fertiles ont récupéré des rentes plus élevées. Par contre, les propriétaires des terres de moins en moins fertiles ont reçu de moindres rentes. Les capitalistes mobilisent des fonds pour accroître la production. Ils reçoivent toujours un profit constant.

La critique Ricardienne (1876) face à la théorie smithienne (1817) du commerce internationale

Ricardo (1817) dans son ouvrage intitulé « Des principes de l ’économie politique et de l’impôt » a une vision large de l ’économie. Il a critiqué la théorie Smithienne (1776) sur le commerce international. Smith (1776) encourageait les pays à concentrer leurs efforts de façon à produire plus sur les biens auxquels ils disposent d ’un avantage absolu. Par force, Smith (1776) recommandait la division de travail dans l ’optique d ’avoir une production à grande échelle. Certes, Smith n ’a pas mis en équation dans sa théorie les limites de la terre. Le rendement peut-être décroissant. Ainsi, Ricardo (1817), dans sa théorie sur le commerce international, oriente les pays vers une autre option pour tirer plus d ’avantages dans l ’échange. A ce titre et comme stratégie, il incitait les pays à devoir se spécialiser dans la production d’autres biens dans laquelle ils disposent d ’un avantage comparatif.

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L’économie est une science d ’administration des ressources rares. Le raisonnement de Ricardo (1817) se limitait à l ’explication de la décroissance des rendements. Cet économiste a exclu également la capacité humaine dans l ’explication de ce phénomène. De plus, il n’avançait pas ou n ’a pas intégré dans sa théorie les voies de passer au rendement croissant. En somme, Ricardo ne s ’intéressait pas sur la manière de satisfaire les besoins grandissants et sur le long terme de la population. Ce qui amenait les Néoclassiques à se pencher sur les nouvelles théories de la croissance. Et ce, dans une optique de promouvoir une croissance de production à long terme.

1.2 Le passage au concept des rendements croissants

1.2.1 Le progrès technique : une prémisse à la croissance endogènen

La quête de satisfaire les besoins à long terme de la population a permis Solow (1956) d’intégrer dans sa théorie de la croissance le facteur « progrès technique ». Le raisonnement de Solow est en permanence considération de la thèse Malthusienne concernant la population. A cet effet, Solow (1956) s ’intéressait sur la manière d ’accroitre la production et surtout de surmonter la décroissance de rendements observée chez les classiques. A ce titre, le progrès technique est une complémentaire aux anciens facteurs de production tels le travail et le capital. Dans la théorie de Solow (1956), le progrès technique est considéré comme étant un facteur exogène à la croissance. Autrement dit, un facteur qui n ’appartient pas à un individu mais considéré comme « une manne tombée du ciel ». Il s ’agit à ce titre d ’un facteur libre ou un don. Le terme « progrès technique » englobe les nouvelles pratiques agricoles et les équipements nouveaux permettant d ’accroître la production. En effet, le progrès technique permet d’augmenter la productivité partielle des facteurs de production de base à savoir la terre et le travail. En définitive, le progrès technique est une source de l ’augmentation de la productivité globale des facteurs de production accumulables.

La théorie de la croissance de Solow (1956) commençait à s’orienter vers la modalité de croissance intensive. Cette dernière se repose sur l’augmentation qualitative des facteurs de production. Cette modalité se passe par l’amélioration des équipements et l’introduction des nouvelles techniques de production. L’analyse de Solow (1956) attribue l’origine de la croissance par tête au montant de capital technique investi (machines, équipements, logiciels, infrastructures…). L’investissement joue donc un rôle crucial dans l’augmentation de la production. L’investissement a ainsi pour rôle de stimuler l’économie. Il est source de gain de

21 productivité pour chaque facteur à la disposition des producteurs. En conséquence, l’investissement est appréhendé comme étant un générateur de la croissance de revenu.

Le modèle de Solow (1956) repose sur des hypothèses de type néoclassique : toute épargne est investie, les rendements sont décroissants, la concurrence empêche l’existence de rentes de monopole. Le revenu est la rémunération de l’effort déployé par un travailleur. Il est décomposé en épargne et en consommation. Un agent à un niveau de revenu élevé a la possibilité d’épargner une grosse somme d’argent. Cet agent dispose de plus de privilège pour s’investir plus par rapport à un agent à faible revenu. La propension à s’investir dépend principalement du niveau d’épargne d’un agent et de leur choix rationnel.

Le modèle de croissance de Solow (1956) admet le progrès technique comme étant un facteur exogène à la croissance. Le désir d’accroître la production conduit un agent à s’investir sur le plan matériel et d’accumuler par la suite un grand nombre de facteurs de production. Cette démarche d’investissement se passe par la mobilisation de l’épargne, un stimulateur de l’économie. Toutefois, la réalité révèle que pour le long terme, le fait d’augmenter le capital par tête amenait à une augmentation moindre de la production. Cette dernière augmente mais de façon non proportionnelle au montant du capital investi pour l’acquisition des biens matériels. C’est le principe des rendements décroissants du capital qui se traduit par un décalage entre le taux d’investissement de l’économie et le taux d’augmentation du produit par tête. Pour le long terme, la croissance du produit par tête finira à un moment donné par cesser de progresser. C’est ce que Solow (1956) appelle l’état régulier du produit par habitant. Le mécanisme généralisé de cet état pourrait conduire à l’état stationnaire de l’ensemble de l’économie.

Limite de raisonnement de Solow

La démarche de Solow (1956), en s’appuyant sur les facteurs exogènes progrès technique, a pour portée à moyen terme. La croissance de la production ainsi obtenue est transitoire. Cette croissance ne permettra pas d’atteindre les objectifs à long terme de sécurité alimentaire en termes de stabilité et de durabilité de la production. La vitesse de la croissance de l’économie a connu des fluctuations considérables. A cet égard, cette vitesse a connu en premier lieu un assaut important mais qui finira peu à peu de progresser. Ce qui conduit à la convergence de l’économie à un état stationnaire ou l’état régulier du produit par habitant.

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Pour les nouveaux théoriciens de la croissance, l’endogénéisation du progrès technique assimilé à d’autres nouveaux facteurs constituent les déterminants à long terme de la croissance. Ce nouveau système productif met en jeu d’autres acteurs de l’économie. La théorie de la croissance de Solow (1956) n’expliquait pas l’essentiel de la croissance économique au sein de la sphère économique.

1.2.2 Le capital humain et la croissance des rendements

La théorie de la croissance endogène fait partie de nouvelles théories de la croissance. Cette théorie se repose sur la manière de promouvoir la croissance face à l ’augmentation continuelle de la population. Elle a donc pour vision sur le long terme. La spécificité de ladite théorie est une réponse aux problèmes confrontés dans la mise en œuvre du modèle de Solow (1956). Ainsi, la théorie de la croissance endogène fait surmonter l ’état régulier de la croissance ou d ’une façon globale de dépasser l ’état stationnaire de l ’économie. A ce titre, il s’agit d ’une nouvelle démarche permettant de rendre plus scientifiques les anciennes théories. A cet effet, cette nouvelle théorie propose les déterminants à long terme de la croissance. Amable (2000) a souligné que les nouvelles théories ont cherché à réintégrer une analyse explicite des déterminants à long terme de l ’augmentation de la productivité.

Le processus à l’origine de la croissance endogène se traduit par le mécanisme de passage de l’état régulier du produit par tête à une croissance auto-entretenue. La théorie de la croissance endogène abandonnait l’hypothèse de rendements décroissants des théoriciens traditionnels dont inclus Solow (1956). L’investissement joue un rôle prépondérant dans cette nouvelle théorie. En effet, ladite théorie accorde beaucoup d’importance à l’investissement immatériel. Cette nouvelle théorie s’oriente peu à peu à la considération humaine au centre de la sphère productive.

Contrairement au modèle de Solow (1956), le nouveau modèle de la croissance se repose plus particulièrement sur le mécanisme d’endogénéisation du progrès technique. A cet effet, ce modèle est caractérisé par la mise en jeu d’autres facteurs tels le capital humain, le capital public. Ces facteurs sont donc incorporés dans le stock global du capital. Par ailleurs, la nouvelle théorie de la croissance est caractérisée par la mobilisation de bon nombre d’acteurs.

A noter également que, le terme endogène signifie « interne à l ’individu ». Ainsi, la théorie de la croissance endogène suppose que la hausse de la production découle de la

23 capacité humaine liée à des décisions microéconomiques (au niveau individuel) ou macroéconomiques (au niveau global). L ’amélioration et la création des nouvelles technologies et techniques agricoles dépendent essentiellement de la capacité humaine à s’innover. Au sens strict et comme remise en cause à la théorie de Solow (1956), la théorie de la croissance endogène est une théorie du progrès technique. Elle repose sur l ’analyse des conditions économiques favorisant le changement technique.

La promotion de la croissance à long terme dépend de quatre variables: le capital physique, le capital humain, l ’innovation et le capital public. Lucas (1988) insiste sur le rôle du capital humain comme déterminant de l ’augmentation continuelle et soutenue de la production. Barro (1990) insiste sur l ’importance du capital public dans la promotion de la croissance. Romer (1988) accorde une certaine importance à l ’innovation dans la recherche de la croissance. Chacun de ces facteurs a sa portée. A l ’échelle globale, l ’essentiel repose sur l’effet engendré par la combinaison effective de ces facteurs. Cependant, la connaissance du ratio associé à chaque facteur entrant en jeu dans la composition du stock global du capital est importante.

Le stock de connaissances et la croissance

L’accumulation des connaissances est un facteur endogène à la croissance (Romer, 1990). Le stock de connaissances regroupe les connaissances pratiques et techniques ainsi que les expériences vécues par l ’homme dans l ’exercice d ’une activité économique. A vrai dire, les générations anciennes ont capitalisé beaucoup d ’expériences et de savoir-faire par rapport aux générations récentes. Le stock de connaissances assimilé au stock de capital disponible constitue le moteur de la croissance endogène. Le fait de s ’appuyer sur le stock d ’idées importantes permet de trouver une nouvelle idée meilleure que l ’ancienne. A cet effet, à titre exemple, de nouvelles techniques ont été découvertes et permettent d ’améliorer la productivité agricole. Le partage des connaissances, des compétences entre les producteurs permettrait d’éviter la baisse tendancielle du rendement de l ’investissement. Bénéficiant de toutes ces informations, les producteurs en question sont en mesure de trouver la bonne voie dans l’atteinte d ’une croissance à long terme. Romer (1990) affirme que c ’est en produisant une économie que nous accumulons spontanément les expériences et donc les connaissances. Plus la croissance est forte, plus l ’accumulation d ’expériences et de savoir-faire est forte. Ce qui favorise en conséquence la croissance.

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Le capital humain et la croissance des rendements

Lucas (1988) a affirmé que la croissance résulte de l ’accumulation du capital humain. Le niveau de ce dernier est proportionnel à la durée de la formation acquise. « Le capital humain est le capital incorporé dans l’homme, disons encore l’ensemble de biens qui, incorporés dans l’homme, permettent d’accroître la productivité du travail humain » (Guillaumont, 1971, p.342) . En effet, le capital humain est bénéfique à l ’individu dans l’exercice d ’une activité économique. Guellec et al. (2003) ont souligné que le capital humain n’est pas seulement les qualifications, mais aussi l ’état de santé, la nutrition et l ’hygiène.

Lucas (1988), dans sa théorie de la croissance endogène, a une nouvelle perspective de promouvoir la croissance économique face à l ’augmentation explosive de la population. Avec une condition stricte, la population constitue un moteur à la croissance. Romer (1986), et Lucas(1988), ont affirmé que la pluralité effective de la population, accompagnée du renforcement du capital humain, entraîne la croissance des rendements. A cet égard, cet accroissement est grandissant et soutenu. L ’investissement en capital humain est subséquemment nécessaire. Il stimule l ’économie. Un individu à niveau élevé de capital humain pourrait rendre son travail plus productif. Le passage du travail non qualifié au travail qualifié est primordial. En conséquence, à un niveau considérable du capital humain, un individu serait apte d ’endogénéiser une partie du progrès technique. A ce titre, la croissance est devenue auto-entretenue. Le fait de s ’investir sans cesse en capital humain est une façon de repousser l ’état régulier du produit par tête. Et d ’une façon globale, c ’est un moyen permettant de surmonter l ’état stationnaire d ’une économie. A ne pas oublier que, l’investissement à court terme en capital humain a une portée sur le long terme. De surcroît, cet investissement est source d ’intérêt individuel et engendrait aussi des effets externes positifs à l ’ensemble de l’économie.

Innovation - recherche et le développement- capital technologique

Le modèle de Paul Romer (1988) rend endogène l ’innovation. Pour cet économiste (1988), le progrès technique n ’est pas exogène, il est produit. Le rythme de la croissance dépend du nombre, de la proportion et de la productivité des chercheurs. Ces derniers jouent un rôle crucial dans une économie donnée. Les chercheurs intègrent dans un système productif donné des idées et des techniques de production nouvelles. Ainsi, par le biais de leur recherche, les agents producteurs peuvent accroître leur production par l ’utilisation des

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équipements nouveaux ou améliorés. Par ailleurs et le plus notamment, l ’amélioration de la qualité et de la diversification des produits découlent des travaux des chercheurs.

Les matériels innovés permettent de rendre l ’économie plus productive. Ces matériels permettent aussi de réduire les embouteillages de main d ’œuvre dans le processus de production. Un gain de temps a été tiré dans l ’usage de nouveaux matériels. Les nouveaux procédés de culture permettent d ’accroître la productivité de la terre. En effet, l ’offre alimentaire sur le marché augmente. Comme déduction, les fruits de la recherche ont pour influence positive sur l ’économie. Ces fruits permettent de compenser les rendements décroissants des investissements matériels. Ils permettent aussi de repousser l ’état régulier du produit par tête. Les biens produits par la recherche ont, d ’un côté, bénéficié son découvreur (intérêt individuel). Et de l ’autre, ces biens pourraient devenir des propriétés collectives. A ce titre, ils sont donc destinés à satisfaire l ’intérêt public favorisant en conséquence l ’économie. Schumpeter (1912) a précisé : plus les efforts de recherche - développement sont importants, plus la croissance est forte et vice versa.

Le rôle joué par le capital public

Barro (1990) souligne l’importance du capital public dans la promotion de la croissance. Le capital public correspond aux infrastructures de transport et de communication ainsi que les investissements opérés par l’Etat dans les secteurs de l’éducation et de la recherche. C’est par le biais des infrastructures publiques à savoir les établissements scolaires que les agents accumulent des connaissances pour être productif dans l’économie. Le fait d’accéder aux infrastructures publiques permet à l’individu de se développer, de se renforcer en capital humain. Cet accès constitue donc une source d’augmentation de sa productivité. Ainsi, le capital public cause des externalités positives aux sujets économiques. Le capital public a été fait pour satisfaire l’intérêt général. Barro (1990) conclut que les infrastructures publiques facilitent la circulation des biens, des personnes, et de l'information. Le financement de ces infrastructures par l'impôt est alors bénéfique.

L’ensemble des débats sur la croissance économique se concentre sur les facteurs promouvant ou limitatifs de la production ou du PIB par tête. Le développement se réfère à une croissance économique soutenue et à long terme. L ’aspect quantité et qualité de la production a été pris en considération dans la réflexion. L ’agriculture est une activité qui

26 consiste à tirer profits de la terre, dont la subsistance. Cette activité met en œuvre divers facteurs de production. Ainsi, nous nous sommes intéressés sur les conditions de prospérité ou d’échec des activités de l ’agriculture.

Section 2 : L’agriculture comme frein ou moteur au développement La théorie de développement analyse la complexité de la réalité d’un pays. Le phénomène de dualisme caractérise l’économie d’un pays donné. Il se définit comme étant la coexistence dans une économie donnée d’un secteur moderne et d’un secteur traditionnel. Les effets engendrés par le mécanisme de ce phénomène déterminent le niveau de développement d’un pays. La science économique a pour fonction descriptive et explicative de la réalité. Chayanov (1966) déduit que la plupart des pays sous développés sont dominés par l’économie paysanne.

2.1 Le dualisme urbain-rural : frein ou facteur du développement

L’analyse de développement des pays, plus particulièrement ceux qualifiés en développement a fait la renommée de Lewis (1954). Cet économiste est né le 23 janvier 1915 à Sainte-Lucie. Il a été décédé le 15 juin 1991 à Bridgetown. Arthur Lewis remporta le prix « Nobel d'économie » en 1979 pour ses travaux en économie du développement.

2.1.1 Disparité secteur moderne – traditionnel

Le monde est complexe. Des inégalités subsistent entre les pays. De même à l ’intérieur d’un pays donné, des écarts se creusent entre les individus. Lewis (1954), dans sa théorie de développement, montrait l ’existence des inégalités entre les secteurs formant une économie, à savoir le secteur moderne et le secteur traditionnel; le secteur urbain et le secteur rural. La théorie de Lewis (1954) s ’oriente plus particulièrement sur les pays en développement.

Lewis a une vision large du fonctionnement de l ’économie des pays en développement. Selon cet économiste, l ’explication au sous développement d ’un pays en développement trouve leur racine du caractère duale de leur économie. Le dualisme caractérise l ’économie des pays en développement. Ce phénomène est défini comme étant la coexistence dans une même économie d ’un secteur moderne et d ’un secteur traditionnel. L’interdépendance entre ces deux secteurs tire l ’économie.

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D’une manière plus large, le dualisme existe bel et bien dans tous les pays. Il se présente sous diverses formes étant donné l ’hétérogénéité de la réalité. La complémentarité entre les éléments formant une économie est une source du développement. Lewis (1954) dans son modèle de développement a fait le découpage de l ’économie des pays en développement en deux secteurs : le premier est de type moderne, tandis que le second est archaïque.

Le secteur moderne ou capitaliste

Lewis (1954) a montré dans sa théorie que des inégalités subsistent entre le secteur moderne ou capitaliste et le secteur traditionnel. Le premier secteur s ’oriente beaucoup plus au secteur secondaire. Le secteur moderne a donc une activité basée principalement sur l’industrie. L ’activité de production est mécanisée, source d ’une meilleure valeur ajoutée. Trois types d ’industrie existent dans ce secteur : l’industrie agricole, l ’industrie manufacturière, l ’industrie commerciale. Par ailleurs, la recherche du maximum de profits motive les agents à travailler. Les profits engendrés par l ’exploitation assurent en premier lieu le financement des investissements. La capacité des agents à transformer l ’épargne en investissement explique le développement du secteur moderne. Le recours des agents à des activités diversifiées favorise le développement du secteur.

L’économie du secteur moderne est caractérisée par des activités à buts lucratifs. A cet effet, l ’agriculture est tournée vers le commerce et les activités manufacturières. Le secteur moderne réalise des économies d ’échelle. Ces dernières se traduisent par la diminution des coûts de production lorsque la production croit en volume. Dans ledit secteur, le produit par tête est considérable. Ce produit augmente lorsque la vitesse d ’investissement s ’accentue. Les mains d ’œuvre dans le secteur moderne sont qualifiées. Comme situation d ’origine, l ’offre de travail dans le secteur capitaliste est inférieure par rapport à la demande de travail. Plus tard, grâce à l ’offre illimitée de travail émanant du secteur traditionnel, l ’offre de travail devient supérieure à la demande. Ce mécanisme intensifie le développement du secteur moderne.

Le secteur traditionnel

Ce secteur est caractérisé principalement par l ’agriculture traditionnelle. A ce titre, les agriculteurs s ’exercent dans les activités de production en utilisant leur force de poignet et de bras. Les autres moyens utilisés sont obsolètes. En conséquence, la production dans le milieu

28 traditionnel est faible et limitée. Cette production est destinée juste à couvrir la subsistance (autoconsommation). Quant au comportement des ménages dans le secteur traditionnel, l’épargne n ’est pas à mobiliser. Le surplus d ’argent résultant de leur exploitation est thésaurisé. L’accroissement grandissant de la population caractérise le milieu traditionnel. Or le champ à exploiter se trouve limiter. Pour le besoin de survivre, des embouteillages de main d ’œuvre sont conséquemment rencontrées dans les zones d ’exploitation. Cet embouteillage engendre une faible productivité pour chaque travailleur. Face à l ’accroissement démographique, le déséquilibre nourriture-population a été constaté. L ’industrie est inexistante dans le secteur traditionnel au sein duquel existe bel et bien le secteur informel. Ce dernier est très développé et se propage par effet de contagion à l ’intérieur du secteur traditionnel.

Par ailleurs, le secteur traditionnel dispose de surplus de main d ’œuvre, mais de type non qualifié. Ces mains d ’œuvre agissent fréquemment dans l ’économie dans des conditions de sous-emploi. Parfois même ils sont en situation de chômage, facteur contribuant à accentuer l ’insécurité sociale dans le pays en développement. Cette situation aggrave le déficit de l’économie du pays. La plupart de main d ’œuvre du milieu traditionnel ne sont pas formés de leur métier. Leur productivité demeure faible. Un secteur informel de grande importance coexiste avec l'économie formelle dans les pays en développement (Claude et al., 1991). Le secteur traditionnel est caractérisé par le niveau supérieur de l ’offre de travail par rapport à la demande.

D’après Lewis (1954), la pauvreté est due par un retard en matière d ’industrialisation. La modernisation de l ’agriculture accroît la productivité. Le sous-développement trouve son origine dans le « dualisme des structures ». Ce dualisme revêt trois aspects : « dualisme territorial », « dualisme fonctionnel » qui se caractérise par l'existence d'enclaves capitalistes modernes au sein de zones d'économie de subsistances et enfin, « dualisme social » qui laisse subsister côte à côte les comportements sociaux et culturels modernes avec les comportements traditionnels (Elias, 1963). Grosso modo, l ’économie des pays du tiers monde est complètement caractérisé par la déconnexion entre le milieu traditionnel et le milieu moderne; le milieu urbain et le milieu rural. Les secteurs ne sont donc pas complémentaires.

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2.1.2 Le main d’œuvre et le développement

La politique de développement de Lewis (1954), en faveur des pays en développement, est d ’ordre interne et organisationnel. La connexion entre les secteurs moderne et traditionnel, urbain et rural tire l ’économie. La complémentarité entre ces secteurs est une exigence nécessaire et favorise le développement de ces pays.

La politique de développement de Lewis (1954) s ’oriente plus particulièrement vers l’industrie. A cet effet, Lewis accorde une place prépondérante au secteur moderne ou capitaliste pour assurer le développement des pays en développement. A ce titre, pour développer ces pays, le surplus de main d ’œuvre dans le secteur traditionnel devrait être affecté et réinvesti dans le secteur moderne (Lewis, 1954). A savoir que dans le secteur traditionnel, l ’offre de travail excède la demande de travail. A contrario, dans le secteur moderne, l ’offre de travail est inférieure à la demande de travail. Ainsi et par complémentarité, le secteur moderne a besoin de main d ’œuvre émanant du secteur traditionnel pour promouvoir la croissance ainsi que pour se développer. Par contre, les travailleurs sous employés ou les chômeurs dans le secteur traditionnel sont en situation d’attendre des emplois stables en l ’assurance de leur mieux-être. Le secteur traditionnel sert de réservoir de main d ’œuvre pour le secteur capitaliste. Ce dernier offre en quantité illimité des emplois aux agents improductifs du milieu traditionnel. Ces emplois illimités s ’expliquent par la tendance effrénée et le désir d ’accroître la production et notamment pour la recherche du maximum de profit. Ainsi, des échanges orchestrés par ces relations s ’établissent entre le secteur moderne et le secteur rural. Par le biais du transfert, les mains d ’œuvre du secteur traditionnel deviendraient des travailleurs salariés. Le salaire est la contrepartie du travail déployé dans le processus de production.

L’affectation de main d ’œuvre a pour objectif d ’accumuler du capital et du travail dans le secteur moderne. Cette accumulation est non seulement source de développement du secteur industriel et par ricochet, source de développement du secteur agricole dans son ensemble. Selon Lewis (1954), le surplus de travail a pour objectif d ’accélérer l’industrialisation. Le développement de l ’agriculture ne pourrait se faire d ’une manière isolée par rapport au secteur capitaliste. Pour Lewis (1954), le secteur traditionnel se développe lorsque les investissements pour l ’industrialisation sont orientés vers le secteur moderne.

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L'investissement du secteur capitaliste permettrait une accumulation élargie et une résorption du sous - emploi.

L’acquisition des compétences, du savoir-faire et des connaissances sont également des fruits du flux migratoire de la main d ’œuvre. Ainsi, les échanges entre les acteurs de l’économie favorisent le développement. La lutte contre la pauvreté devrait se fonder sur l’industrialisation. La modernisation de l ’agriculture accroit la production. Le vouloir d’étendre la production à grande échelle devrait se passer par le mécanisme de l’industrialisation, en d ’autres termes de la transformation du mode de production traditionnel à celui de moderne afin de dégager une meilleure plus value. En somme, la base de la théorie de Lewis (1954) consiste à investir dans le secteur moderne pour accumuler de capital dans le secteur agricole.

2.1.3 L’enjeu du capitalisme et le sous développement

Le dualisme existe bel et bien dans tous les pays du monde. Le dualisme est une manifestation à laquelle s ’apparentent les inégalités sous toutes ses formes dans une économie. Les disparités entre les différents éléments formant une économie sont d ’un côté sources de bon fonctionnement et de l ’autre source de fonctionnement déplorable de cette économie en question. La réalité montre l ’existence dans un pays donné des secteurs moderne et traditionnel, du milieu urbain et rural, de grands et petits exploitants, des entrepreneurs et de petits ouvriers, des agents à fort et à faible niveau du capital humain.

Le sous développement est à priori d ’origine interne (à l ’intérieur même d ’un pays). Ce phénomène résulte de l ’interconnexion entre les acteurs de l ’économie. Les rapports de forces entre les agents enfoncent davantage le pays dans le gouffre de la pauvreté. Les capitalistes ou les détenteurs du capital mobilisent les moyens à leur disposition pour tirer le maximum de profits. Ces personnes mettent en œuvre tant de travailleurs. Ces derniers sont rémunérés à des salaires modiques. Les travailleurs s ’exercent forcément dans l ’économie afin d ’assurer le minimum de leur subsistance notamment de nourrir leur famille. En matière d ’agriculture, les capitalistes forment le groupe de grands exploitants. Une grande partie des terres arables est exploitée par ces derniers. Les produits de l ’agriculture ainsi conséquents sont habituellement vendus sur le marché en période de soudure à des prix exorbitants pour les consommateurs. Le cas des collecteurs des produits agricoles aggrave cette situation. Les collecteurs

31 interviennent dans l ’économie par des actes spéculatifs. Les profits des collecteurs s ’affichent élevés au détriment des consommateurs finaux. Ainsi se creusent les inégalités entre les sujets économiques. Les effets engendrés par les actions des groupes des agents « capitalistes » pèsent lourdement sur l ’économie des pays en développement. Par ailleurs, le marché financier primaire appauvrit les agents qui ont besoin de financements. Le montant à rembourser est presque doublé, parfois même triplé du montant emprunté.

Le sous développement est également d ’origine externe. Les pays capitalistes dominent et exploitent les pays sous développés. Ces derniers disposent d ’énormes richesses naturelles et matérielles et deviendraient un bon champ d ’exploitation pour les pays capitalistes. En outre, le capitalisme est considéré comme un système mondial reposant sur le rapport entre centre et périphérie. Les pays sous développés sont dans une position de périphérie par rapport aux pays capitalistes placés au centre. Les pays du centre se développent par l ’exploitation des périphéries. Ils dictent en majeure partie la politique de développement des pays pauvres. En général, l ’interdépendance entre les pays capitalistes et les pays pauvres se manifeste sous forme multiple. Elle est d ’ordre économique, technologique et culturel.

Les pays pauvres sont pour la majorité des cas, victimes de l ’expansion du capitalisme. Ces pays ont tendance à recourir aux aides financières des pays développés pour sortir de la crise. Or le taux d ’endettement conclu entre les pays contractants est élevé. De plus, les pays développés s ’imposent dans la gérance du fonds emprunté par les pays pauvres. Ce mécanisme amenait les pays en développement à s ’enliser dans la sphère d ’endettement. De plus, par le biais de ce mécanisme, les pays en développement se maintiennent dans l ’état de leur sous-développement et donc dans l’état de leur dépendance.

En somme, La théorie de développement de Lewis (1954) amenait au découpage de l’économie en deux secteurs : l’un moderne ou capitaliste et l’autre traditionnel. La politique de développement de Lewis (1954) consistait à accumuler de capital dans le secteur moderne pour développer le secteur agricole. Cependant, Lewis n’a pas mis en équation dans sa théorie du sous développement, le poids de chaque secteur dans l’économie. En conséquence et par la suite, Chayanov (1966) montrait dans son analyse sur l’économie paysanne la domination du secteur traditionnel ou rural.

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2.2 L’économie paysanne et le sous-développement

2.2.1 Les caractéristiques de l’économie paysanne

L’économie paysanne existe bel et bien. Chayanov (1966) est le grand auteur qui a traité l ’économie paysanne. Certes, Thorner (1964) appelle l’« économie paysanne » l'économie entière d'un pays donné si et seulement si, elle satisfait aux cinq critères suivants :

1) La moitié, ou plus, de la production totale est agricole ; 2) La moitié, ou plus, de la population active est engagée dans l'agriculture, 3) Il y existe une puissance publique organisée (par opposition à une structure tribale lâche ou à une féodalité décentralisée) ; 4) il existe une différence marquée entre la ville et la campagne, donc des agglomérations importantes, ou au moins un minimum de population urbaine ; 5) la moitié, ou plus, de la production agricole résulte du travail de ménages paysans, cultivant leurs terres principalement avec le concours des membres de leur famille.

A la lumière de cette définition, une économie paysanne se caractérise par une économie agraire. L ’agriculture constitue donc la base fondamentale de l ’activité paysanne. La famille, appelée aussi « groupe domestique » joue un rôle primordial dans cet environnement. Tous les membres de la famille assurent l ’exploitation agricole. Pour Chayanov, la structure de l ’économie dépend également de la grandeur familiale. Dans le milieu paysan, la population croit d ’une manière effrénée. Ainsi, la thèse malthusienne de la population est valide dans ce milieu.

Dans le monde paysan, l ’économie capitaliste est inexistante. La notion de salaire n ’a aucune signification puisque la famille est la première source de main d ’œuvre. Tous les membres de la famille sont à la fois des employeurs et des employés. Dans une économie paysanne, la moitié, ou plus, de toutes les récoltes sera produite par des exploitations paysannes s'appuyant principalement sur la force de travail fournie par les familles (Thorner, 1964). Liée à cette notion, l ’agriculture familiale correspond à une forme d ’organisation de la production agricole. Les trois facteurs de production principaux à savoir le capital d’exploitation, le foncier et le travail appartiennent à un même groupe familial. «La conception de l’exploitation paysanne serait donc concevable dans des systèmes économiques

33 qui ignorent totalement les catégories du travail salarié et du salaire, sinon sur le plan historique du moins sur le plan logique » (Chayanov, 1990, p.45).

Dans l ’économie paysanne, la recherche d ’intérêt n ’est pas primordiale. La rente est inexistante car la terre n ’est pas à louer. La production est destinée à satisfaire tout simplement la subsistance. Le processus de production dépend de l ’organisation paysanne. La famille n ’utilise pratiquement pas de main d ’œuvre. Elle ne paie aucun salaire, n ’assume pas par conséquent des charges d ’exploitation. Ainsi, le niveau de production à atteindre est difficile à anticiper. Mais, la force de travail et la répartition des tâches sont déterminées au préalable. « La force de travail de la famille est une donnée de départ et c’est en fonction d’elle que sont fixées, sous une forme techniquement harmonieuse, les rapports des éléments productifs de l’exploitation entre eux » (Chayanov, 1966) .

La main d ’œuvre constitue le principal outil de production. Les activités économiques paysannes s ’orientent donc sur les modalités de croissance extensive. La quantité à produire dépend essentiellement de la grandeur familiale. De plus, le désir d ’accroître la production exige l ’augmentation de la force de travail mobilisée dans le processus de production. « On peut considérer comme statistiquement établie l’existence d’une liaison étroite entre les dimensions de la famille et le volume de son activité économique en général et même de son activité spécifiquement agricole....Il faut cependant interpréter le rapport entre les dimensions de la famille et celle de l’exploitation agricole plutôt comme une dépendance de la surface agricole par rapport aux dimensions de la famille et non l’inverse » (Chayanov, 1990, p.6 et 71). En outre, dans le monde paysan, le climat conditionne la production agricole. Le recours à de nouvelles technologies et à l ’amélioration du capital humain dans la promotion de la croissance sont exclus des comportements des ruraux.

Selon Chayanov (1966), la rémunération du paysan dépend de deux facteurs. Premièrement le travail, et deuxièmement la productivité. « Le premier facteur est le degré d’intensité du travail annuel, la quantité d’énergie que le paysan a pu ou voulu dépenser au cours des douze derniers mois. Le deuxième facteur est la productivité de chaque unité de travail dépensée, les conditions économiques et techniques qui donnent au travail son efficacité productrice propre » (Chayanov, 1990, p78) . Dans l ’économie paysanne, l ’énergie physique est le premier facteur de production. En effet, l ’augmentation des besoins de la famille ou de la taille familiale amenait à accroître l ’énergie physique utilisée dans

34 l’exploitation. D ’une autre manière, l ’accroissement des bouches à nourrir intensifie le travail du paysan et renforce l ’auto exploitation. Des efforts supplémentaires sont à fournir dans la mesure où l ’accroissement de la population n ’arrive pas à suivre la production. Chayanov constate que plus le travail s’intensifie, plus l ’énergie à déployer augmente.

2.2.2 Le modèle producteur-consommateur

Le comportement irrationnel des paysans tend à confondre l ’activité de production et de consommation. La sphère économique est dépourvue des flux entre les agents producteurs et ceux des consommateurs. A ce titre, les paysans adoptent un comportement atypique en matière de production agricole. Ils sont des producteurs - consommateurs. Thiombiano (1997) définit ce dernier comme étant « un agent économique qui ne fait pas de distinction entre activité de production et de consommation, qui dispose d’une flexibilité dans le travail, qui est guidé par un revenu-objectif et qui ne place pas au centre de ses préoccupations le profit » (Thiombiano, 1997, p.821) . Le revenu-objectif ou revenu d ’anticipation du paysan est apprécié comme le revenu permettant de couvrir les dépenses envisagées par les agriculteurs pour l ’année à venir. Dans le même état d ’esprit, Thiombiano (1997) expliquait la faiblesse de la productivité agricole par le comportement atypique des producteurs-consommateurs.

L’étude du comportement des producteurs-consommateurs est inséparable de l ’analyse de l ’économie paysanne. L ’analyse portant sur cette dernière est complexe à cause de l’inexistence d ’inter liaison et de distinction entre la production et la consommation. L’augmentation du profit proprement dit ne constitue pas le principal souci du producteur- consommateur. De surcroit, le niveau de travail et le niveau du revenu ne cessent de se dégrader. La taille des exploitations ne connaît aucun accroissement. En effet, le niveau de production agricole ne cesse de varier. Dans l ’économie paysanne, l ’existence de grands exploitants handicape les paysans. Les prix imposés par les grands exploitants sont déterminants sur le marché. Cette fixation est au détriment des petits producteurs.

Normalement, un revenu peut se décomposer en consommation et en épargne. Un individu disposant d ’un niveau de revenu élevé a la possibilité d ’épargner une grosse somme d’argent et de maximiser leur consommation. Le montant épargné est destiné à l’investissement. Dans l ’économie paysanne, le rôle du revenu consiste tout simplement à faire face aux dépenses futures. La faiblesse du revenu nuirait au bien être de l ’individu. Certes, seulement les grands exploitants, avec une faible proportion de la population paysanne,

35 arrivent à faire face aux difficultés comme les aléas et les imprévus. Les grands exploitants ont les capacités de se prémunir aux risques qui peuvent subvenir. Dans le modèle producteur consommateur du paysan, la production est destinée à l ’autoconsommation, causée par la faiblesse de revenu. De plus, la quête du profit ne figure pas dans les priorités paysannes.

2.2.3 L’économie paysanne et la dégradation de l’environnement

Dans le milieu paysan, la croissance effrénée de la population conduirait les agriculteurs à mettre en culture des terres de moins en moins fertiles, ou à exploiter de nouvelles terres. Cette tendance a pour objectif de satisfaire les besoins alimentaires de la population. A ce sujet, les pratiques agricoles des paysans se manifestent par le défrichage du terrain. La déforestation et l’arrachement des autres couvertures végétales sur les terres à exploiter président le processus productif. Par ces pratiques, l ’environnement serait dégradé. Cette dégradation développe des externalités négatives comme la pollution de l ’eau et de l ’air.

Le comportement irrationnel des paysans porte atteinte sur l ’environnement. Ce dernier est le premier à être victime des activités économiques paysannes. La destruction de l’environnement est à priori source de la déstabilisation climatique. En conséquence, la production a connu des variations trop importantes. Le faible niveau de production influence négativement sur la sécurité alimentaire des ménages. L ’élimination des couvertures forestières conduit à l ’érosion des sols et porte nuisance à sa fertilité. De plus, le déboisement trouble le cycle de carbone ainsi que le cycle de l’eau. La prospérité de l ’activité agricole dépend essentiellement de la disponibilité de l ’eau. La pénurie d ’eau aboutit à une baisse significative de la production agricole. De plus, la déforestation amène à la disparition de nombreuses espèces floristiques et faunistiques.

Face aux comportements irrationnels des paysans, l ’« agriculture traditionnelle » engendre des pertes considérables sur l ’économie. Le capital naturel est le plus affecté par ce type d ’agriculture. Une destruction massive des forêts à court terme, sans activité de régénération, influence négativement et pour le long terme sur l ’économie globale. La non mécanisation de l ’agriculture rend faible la productivité de la terre.

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2.2.4 Les blocages au développement et perspectives sur l’économie paysanne

Selon Chayanov (1966), le blocage au développement de l ’économie paysanne est, d’une part, la réticence dans l ’appréhension du changement. D ’autre part, l ’attachement à la culture et à la tradition sont fortes. La mécanisation de l ’agriculture n ’a pas intégré dans les pensées des paysans. Ces derniers se limitent à l ’accroissement de la main d ’œuvre mobilisé pour accroître la production. Le marché de travail est inexistant dans le monde paysan. Tous les membres de la famille sont à la fois des employés et des employeurs. Ainsi, pour Chayanov (1966), l ’économie paysanne est une structure non capitaliste. La contrepartie, sous forme pécuniaire, du travail mobilisé dans le processus de production est inexistante. Chayanov (1966) préconise l ’adoption d ’un comportement à la fois dynamique, et proactif pour assurer le développement de l ’économie paysanne.

Le développement pour Chayanov (1966) dépend en premier lieu de chaque individu. Ainsi, le développement d ’un pays dépend à priori du comportement microéconomique de chaque agent. Le paysan ne doit pas se préoccuper uniquement du besoin de la famille et de la subsistance. L ’idée de profit et d ’utilité sont à intégrer dans le mode de pensée paysanne. Il s’agit, à titre d ’exemple, de l ’ouverture au commerce. A cet effet, les flux engendrés par les échanges entre les producteurs et les consommateurs favorisent l ’économie.

A part la microéconomie, Chayanov étend sa vision et son analyse à l ’échelle macroéconomique. Le développement de l ’économie paysanne peut améliorer la richesse d ’un pays. A l ’issue du développement des activités paysannes, des emplois seront créés. Les populations actives travaillant en plein emploi dans une économie augmentent. Cette augmentation a pour répercussion positive sur l ’économie globale.

La création et l ’intégration dans une organisation associative permettraient de développer l ’économie paysanne. Les paysans peuvent accroître leur capacité productive via l’organisation associative. De plus, cette dernière offre des débouchés pour les paysans par la mise en marché des produits résultant de l ’exploitation. L ’association paysanne est plus efficace que l ’organisation familiale. L ’entraide entre les paysans permet de réaliser une économie d ’échelle. L ’organisation associative permet de faciliter également le passage d ’une agriculture d ’autosubsistance à une agriculture orientée vers le commerce et l ’industrie. A cet égard, la recherche des profits est intégrée dans les pensées paysannes. Certes, pour

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Chayanov (1966), le risque est la domination des paysans par les acteurs influents. Les petits paysans sont exploités par les détenteurs des capitaux ou les agents disposant des pouvoirs économiques. Ainsi, l ’organisation associative renforce les capacités des petits producteurs à des fins d ’une auto-exploitation et de la maximisation des gains. Cependant, l ’organisation paysanne requiert une adaptation au changement de la part des paysans. La faiblesse du capital humain constitue un frein au développement. L ’économie paysanne a besoin, pour se développer, d ’une connexion avec les autres secteurs comme l ’industrie. La part contributive de cette dernière est essentielle pour obtenir une meilleure valeur ajoutée. L ’isolation au secteur industriel favorise davantage la pauvreté.

En outre, Chayanov (1966) dispose du même point de vue que Ricardo (1776). Selon Chayanov, la terre, liée à sa surexploitation, présente des limites. Ce facteur finira par l’épuisement de leurs éléments nutritifs en défaveur de nouvelles plantations. Cette réalité n’est pas intégrée dans la pensée paysanne. En conséquence, la surexploitation des terres dans le milieu paysan aboutirait à la décroissance des rendements.

Conclusion du chapitre 1

Les pensées des économistes autour de la terre et l’agriculture ont connu des évolutions depuis l’ère des physiocrates jusqu’au temps de Chayanov (1966). Ce dernier est l’auteur principal qui a traité l’économie paysanne. Le niveau de développement d’un pays est apprécié à travers l’évolution de la pensée économique. La plupart des pays sous- développés restent dominés par l’économie paysanne.

La place de la terre dans les débats sur la croissance économique a évolué au cours du temps. Cela marquait aussi l’évolution de la science économique. Grosso modo, les modalités de la croissance sont passées de la croissance extensive à la croissance intensive. Les physiocrates accordent beaucoup d ’importance à la terre. Aussi, l ’agriculture est la seule activité productive. Malthus (1776) a évoqué le facteur limitatif de la croissance. Le pouvoir multiplicateur de la terre ne permet pas de suivre l ’évolution de la population. En conséquence, le déséquilibre nourriture-population surgit. Ricardo (1876) a évoqué la loi des rendements décroissants des terres suite à leur surexploitation pour nourrir la population. Solow (1956) a intégré le progrès technique dans l ’optique d ’accroître la production. La croissance économique ainsi obtenue est de type transitoire. Romer (1988) et Lucas (1986)

38 ont affirmé que la pluralité effective de la population, accompagnée du renforcement du capital humain, entraîne la croissance des rendements. Et ce, dans l ’optique de franchir l ’état régulier de la croissance.

Lewis (1954) dispose d’une large vision de l ’économie d ’un pays. Sa théorie concerne plus particulièrement les pays en développement. Le sous-développement s ’explique par le phénomène de dualisme. Il résulte de la déconnexion entre le secteur moderne et traditionnel. Chayanov (1966) analyse le sous-développement par la dominance de l ’économie paysanne. Pour cet économiste, le blocage au développement est la réticence dans l ’appréhension du changement.

Pour promouvoir le développement, la solution proposée par Lewis (1954) est la connexion entre le secteur traditionnel et le secteur moderne. Le transfert de main d’œuvre du secteur traditionnel vers le secteur moderne assure le développement du secteur agricole. Aux yeux de Chayanov (1966), le développement dépend en premier lieu de chaque individu. L’idée de profit et d’utilité sont à intégrer dans le mode de pensée.

En somme, tout au long des débats sur la croissance et le développement, des limites, des obstacles et des perspectives ont été évoquées. De temps en temps, la réflexion économique s ’est tournée vers la considération humaine comme étant la base du développement. La terre est un capital. Sa rentabilité dépend essentiellement de l’investissement humain. Cependant, l ’interaction entre les hommes dans une société pourrait corrompre les objectifs de vie d ’un individu. A cet effet, nous nous sommes intéressés à s’interroger sur la liberté réelle d ’être et d ’agir des individus dans une économie. La mise en équation entre les forces, les opportunités, les contraintes et les menaces a permis à Sen de bâtir son modèle de développement axé sur la « capabilité ». Ainsi, l ’approche par les capabilités de Sen est un outil permettant d ’analyser l ’insécurité alimentaire, un phénomène complexe.

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CHAPITRE 2 : Analyse de l’insécurité alimentaire : approche par les capabilités Introduction du Chapitre 2 L’insécurité alimentaire est un phénomène complexe. Ainsi, son analyse requiert la prise en considération de tous les éléments formant une économie. Cette dernière est considérée comme étant un système, un ensemble dont leurs éléments constitutifs sont interdépendants entre eux. Les dimensions économiques, politiques, environnementales et sociales entrent en jeu dans l ’analyse de l ’insécurité alimentaire. Toutes ces dimensions sont intégrées et mises en équation dans l ’approche par les capabilités d ’Amartya Sen. Cette approche est englobante. Sen, dans son approche par les capabilités abandonnait la vision « ressourciste » de l ’économie et s ’orientait vers la liberté réelle d ’être et d ’agir des individus. Amartya Sen s ’intéresse sur les moyens et la fin au développement. Cet économiste vise, dans son approche, le plein épanouissement de l ’individu. Ainsi ce présent chapitre se concentre aussi sur la manière d ’évaluer le bien-être d ’un individu en mettant accent sur le caractère subjectif ou objectif (aux yeux de la société dans son ensemble) de l ’évaluation.

Notre chapitre se subdivisera en deux sections. La première s ’intéressera à l ’évolution du concept de bien-être dans la pensée économique : en partant de l ’approche subjective vers l’approche objective. Le jugement et la mesure du bien être se diffère d ’une école à une autre, d’un individu à un autre. La seconde section sera focalisée sur le processus de constitution du bien-être de l ’individu. Les ressources et les opportunités à la disposition d ’un individu constituent des moyens de départ pour leur action. Des obstacles ou des risques de diverses sortes pourraient survenir tout au long du processus de constitution de bien être. Ces obstacles contribueraient ou non à la réalisation de l ’objectif de vie fixé par l ’individu.

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Section 1: De l’approche subjective du bien être à l’approche objective L’homme est un complexe de besoins afin de maintenir sa survie. Grosso modo, les besoins varient selon l ’individu et le milieu à considérer dans l ’étude. Cependant, des besoins sont fondamentaux et d ’autres sont complémentaires. Chaque sujet économique a ses propres moyens, activités de satisfaire ses besoins. En conséquence, dans une société donnée, chaque individu se diffère en termes de bien-être. D ’autant plus et pour un même besoin, le degré de satisfaction est différent selon le type d ’individu. Cette satisfaction dépend essentiellement du taux d ’accomplissement des besoins.

L’activité de production agricole consiste à satisfaire les besoins en alimentation de la population. L ’économie paysanne ne vise que principalement l ’autosubsistance (Chayanov, 1966). Ainsi, nous nous sommes interrogés plus particulièrement sur l ’impact de cette activité de production sur le bien-être individuel et notamment collectif étant donné que le milieu paysan approvisionne aussi en nourriture le milieu urbain. A cet effet, nous nous sommes intéressés sur le comportement d ’appréciation ou de jugement d ’un individu sur son bien- être. A l ’issue des jugements différents, nous nous soucions s ’il existe une norme d ’évaluation du bien–être. Ce qui nous a conduits à se concentrer sur les réflexions économiques du bien-être. Ces réflexions ont été passées d ’une vision subjective à une vision objective. L ’appréhension de la pauvreté sera considérée dans ces réflexions.

1.1 Vision traditionnelle du bien être : le relativisme

• Utilité et le bien-être subjectif

L’école Welfarist regroupe des théoriciens du bien-être. Arthur Pigou, Jeremy Bentham sont, entre autres, des économistes qui s ’inscrivaient dans cette école. L ’analyse Welfarist repose sur l ’individualisme. Ainsi, la définition et la mesure du bien-être social sont en ultime considération du comportement individuel. A cet égard, l ’individu a été pris comme étant un être rationnel. Chaque sujet économique est libre de choisir la façon pour constituer son bien-être et donc de maximiser leur utilité. Chaque individu satisfait son bien-être selon leur préférence. Le raisonnement méthodologique de cette école se passait de l ’échelle micro vers celle de macro. L ’individu est donc l ’unité d ’analyse. Le bien-être de la société est la somme du bien-être particulier. Pellé (2009) signale l ’usage du terme « bien-être » au niveau individuel et du « welfare » pour le niveau agrégé.

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Selon l ’école Welfarist, le bien-être de l ’individu est jugé par leur seule utilité. Les individus cherchent à améliorer leur bien-être en fonction des critères d ’utilité. Ce comportement amène, pour la plupart du temps, à une privation de consommation de certains biens ou services ainsi qu ’à l ’exclusion de certaines actions et à l ’abandon de certains choix. Pigou (1951) entend par utilité les satisfactions ressenties par les individus de façon à dire que le bien-être économique d ’un homme est fait de ses utilités. Par ailleurs, Pellé (2009) décrit que l ’utilité est conçue comme un état mental, tel que le bonheur, le plaisir ou la satisfaction du désir procuré à une personne par la consommation (ou la possession) de biens et services. Pigou (1920) admet comme première hypothèse que : l ’individu est le seul juge de son bien-être. Comme seconde, le bien-être de la société est la somme du bien-être particulier. Pellé (2009) a reporté l ’idée de Pigou (1920) sur l ’utilité. Cette dernière est fondée sur la satisfaction éprouvée par les individus et mesurée par les peines et les plaisirs de ces derniers. Les individus sont les mieux placés pour juger ce qui est bon pour eux-mêmes. D ’où le caractère subjectif du bien-être et de l ’utilité. L ’appréciation de satisfaction est différente pour deux individus en consommant un bien de même qualité et de quantité égale.

En étendant notre réflexion, le caractère subjectif de l ’utilité amène certains individus à transformer la réalité. Les individus en question ont tendance à adapter leur préférence et à orienter leur choix en fonction de ce qu ’ils possèdent. La « résignation » conduirait ces individus à surévaluer leur bien-être réel. En période de soudure, les ménages agricoles adaptent leur préférence et leur besoin en fonction des aliments disponibles en cette période comme les céréales, mais avec une faible quantité. A ce moment, les ménages sont satisfaits de leur ration de soudure. Ils adaptent leur mentalité et leur préférence en fonction de l’existant à cette période. La faiblesse des moyens financiers accentue cette situation.

Pour l ’école Welfarist, la pauvreté s ’évalue en terme monétaire. Cette école se rabat donc sur des indicateurs de type revenu pour mesurer la pauvreté. Le caractère unidimensionnel de cette pauvreté amène à la société de fixer un seuil monétaire. En deçà de ce seuil, un individu est considéré comme pauvre. Par contre, un individu est qualifié de non pauvre si leur revenu excède ce seuil. Enfin, les Welfarist préconisent des politiques axées sur l’augmentation des revenus et de la productivité pour réduire la pauvreté. La pauvreté monétaire est source, à titre d ’exemple, d ’une consommation insuffisante en alimentation.

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• Besoins de base et le bien-être subjectif

A l ’encontre des utilitaristes, les économistes intégrées dans l ’école des besoins de base disposent d ’une vision concrétisée et stricte du bien-être. Cette école abandonnait la pensée Pigouvienne (1920) du bien-être. Pigou (1920) admettait comme hypothèse que l’individu est juge de son bien-être. En conséquence, l’individu est libre de son choix et aussi libre à évaluer son bien-être.

Les tenants des besoins de base s ’orientent peu à peu vers l ’objectivisme. Ils insistent, en admettant comme un minimum à atteindre pour juger le bien-être d ’un individu, la « satisfaction des besoins de base ». Ces besoins regroupent l ’accès à l ’alimentation, à l ’eau, aux conditions d ’habitat, l ’accès à la santé ou encore à l ’éducation. Streeten et al. (1981) définissent la pauvreté comme un cumul de manque des besoins essentiels qui ne peuvent se résumer à la mesure monétaire. Razafindravonona (2008) a reporté l ’idée de l ’école des besoins de base sur le « bien-être ». A ce propos, le bien-être est considéré comme un ensemble d ’éléments jugés essentiels pour mener une vie décente.

La vision des tenants des besoins de base est très humaniste. L ’échelle des valeurs des individus devrait être assise fondamentalement sur la jouissance des besoins de base. La satisfaction de ces besoins permettrait aux individus de se développer. Cette satisfaction permettrait donc d ’atteindre une qualité de vie appréciable. L ’ignorance et la négligence des besoins de base s ’avèrent inacceptables aux yeux des tenants des besoins de base. Au final, la satisfaction d ’un individu en besoins de base est non seulement le reflet de son bien-être réel, mais aussi un préalable à l'atteinte d'une certaine qualité de vie. Par contre, pour une économie donnée, la non satisfaction de ces besoins pour autant d ’individus constitue un obstacle au développement.

A l ’encontre des Welfarist, les tenants des besoins de base critiquent les revenus pour évaluer le bien-être et apprécier la pauvreté. La satisfaction en besoins de base n ’est pas évaluable en argent. D ’autant plus que ce dernier ne suffit pas à atteindre ces besoins. A un niveau égal de revenu entre deux individus, le comportement individuel d ’utiliser, de répartir et d ’affecter le revenu en consommation est différent. Des individus priorisent les besoins de base. D ’autres classent ces besoins à titre subsidiaire. « L’accroissement du revenu des ménages pauvres n’est pas la meilleure façon d’accroître la satisfaction des besoins de base. Quelques-unes des raisons invoquées sont les suivantes: (i) les besoins de base en éducation,

43 santé, eau et en hygiène sont plus facilement satisfaits par des services publics que par des revenus accrus; (ii) les individus n’utilisent pas toujours leur augmentation de revenus pour accroître leur nutrition et leur santé; (iii) il y a souvent une distribution inéquitable des ressources à l’intérieur des ménages » (Asselin, 2000, p.22) .

1.2 Vision moderne du bien-être: une norme d’évaluation

L’économie est une science évolutive. Les pensées économiques sur le bien-être ont passé d ’une vision standard ou restreinte vers une vision élargie. Par la suite, le niveau de développement d ’un pays est mesuré par le niveau du bien-être de l ’ensemble de sa population. La pauvreté a été donc redéfinie comme étant un phénomène multidimensionnel. Ainsi, un nouvel indicateur englobant a été innové. Au sens global, le bien être objectif est une vie jugée aisée aux yeux de la société dans son ensemble.

• Les besoins de Maslow

Le caractère subjectif du bien-être d ’un individu puise a priori ses racines dans la méconnaissance des besoins à satisfaire en tant qu ’un être humain. Par ailleurs, des agents sont privés des moyens (financiers, physiques, etc.) pour satisfaire leur multitude de besoins. Certes, Maslow (1943) mentionnait dans son ouvrage tous les besoins à satisfaire en tant qu ’un être humain, un être progressif dans l ’échelle du temps. A ce titre, l ’homme est souhaité à atteindre le plein épanouissement, le plein développement. La non connaissance des besoins pourrait, d ’ailleurs, être source de démotivation de l ’individu à agir et à travailler.

La théorie des besoins de l ’être humain a fait la renommée d ’Abraham Maslow (1943). L’homme est un complexe de besoins. Cependant, des besoins sont fondamentaux, prioritaires à satisfaire pour maintenir la survie. D ’autres besoins sont classés à titre subsidiaire. Ces derniers sont, comme exigence, nécessaires pour atteindre le plein développement. Ainsi, le Psychologue Américain (Maslow) représente, à l ’aide d ’une pyramide, les besoins humains sous forme hiérarchisée. De la base au sommet, les besoins sont classés par ordre d ’exigibilité à satisfaire et par ordre d ’apparition selon le niveau de vie progressif de l ’individu. Ainsi et pour le plein épanouissement de l ’individu, l ’idéal consiste à suivre étape par étape l ’escalier du pyramide. Arrivé au sommet de la pyramide, l ’individu en question atteint le niveau de vie suprême. Pour ce type d ’individu, la satisfaction des besoins fondamentaux est la plus simple à accomplir.

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Pour le développement complet d ’un être humain, Maslow (1943) distingue cinq (5) types de besoins à satisfaire tels que les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d ’amour, les besoins d ’estime et les besoins d ’accomplissement personnel. A cet égard, Maslow considère l ’homme comme un « tout » présentant des aspects physiologiques, psychologiques, sociologiques et spirituels (dépassement). Quant à la pyramide, la logique de raisonnement de Maslow (1943) s’organise de la manière suivante : la satisfaction des besoins physiologiques doit précéder toute tentative de satisfaction des besoins de protection ou de sécurité. Ces derniers doivent être satisfaits avant les besoins d ’amour et d ’appartenance qui précèdent les besoins d ’estime de soi (reconnaissance). Au sommet de la pyramide sont assis les besoins spirituels (dépassement).

∑ Les besoins physiologiques sont les premiers à satisfaire avant tous les autres besoins. Ils sont considérés comme des besoins de base et regroupent le besoin de respirer, les besoins de boire et de manger, le besoin de sommeil, le besoin de réguler la température corporelle, le besoin de se protéger contre les agressions microbiennes (hygiène). Ainsi, la satisfaction de ces besoins est nécessaire pour maintenir la vie. Les besoins physiologiques sont liés au maintien de l'homéostasie de l'organisme. Autrement dit, la satisfaction de ces besoins assure la régulation de grands équilibres biologiques nécessaires au maintien d'un état de santé physique. Donc, la réussite de toute activité économique dépend essentiellement de la satisfaction des besoins physiologiques. Une personne affamée ne pourrait pas être active dans l ’économie. D ’où le caractère impérieux de ces besoins. ∑ Les besoins de sécurité sont ceux à satisfaire après les besoins physiologiques. Les besoins de sécurité découlent de l'aspiration des individus à être protégés physiquement et moralement. A ce deuxième étage de la pyramide, les individus sont en quête de sécurité, de la stabilité familiale, de la sécurité des revenus et des ressources, de la sécurité morale et psychologique, de la sécurité physique contre la violation, la délinquance et les agressions. ∑ Les besoins d’amour et d’appartenance se trouvent, de la base au sommet, au troisième étage de la pyramide. Ces besoins succèdent les besoins de sécurité et ceux physiologiques. Les besoins d ’amour et d ’appartenance regroupent les besoins de communication et d'expression, les besoins d'appartenance à un groupe. Le raisonnement de Maslow est une évidence claire. Il serait difficile de partager l ’amour à une personne et surtout de mettre des enfants au monde sans avoir la possibilité de les nourrir, en l ’occurrence de rendre stable la vie familiale. L ’acte de procréation est à titre subsidiaire pour Maslow (1943).

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Le fait de s ’avancer dans la procréation constitue un obstacle au développement. Un grand problème surgit suite à l ’inadéquation entre les charges à subir et les moyens disponibles. ∑ Les besoins d’estime se situent au quatrième étage de la pyramide de Maslow. Ces besoins précèdent ceux de l ’accomplissement personnel. Arrivé à ce quatrième étage, l’individu a besoin d ’être respecté et de se respecter. De plus, il a besoin d ’être utile et d ’avoir de la valeur, de conserver son autonomie ainsi que son identité. Par ailleurs, l ’individu a le pouvoir de diriger des employés. Les besoins d ’estime sont liés à une qualité de vie élevée pour l ’individu. Le snobisme entre dans cette catégorie. ∑ Le besoin d’accomplissement personnel se trouve au sommet de la pyramide. Ce type de besoin s ’émerge dans la mesure où les quatre premiers besoins sont réalisés. Un individu sent ce type de besoin lorsqu ’il est arrivé à un niveau de vie supérieur. A ce titre, il a besoin de se communiquer avec son entourage et de participer, modestement, à l'amélioration du monde. L ’individu en question est apte à résoudre des problèmes complexes. De plus, il est motivé à s ’entretenir dans des activités désintéressées. Ce type d ’individu s ’inscrit donc, à titre d’exemple, parmi les intéressés à des actions caritatives.

Figure 1 : Echelle de la hiérarchie des besoins

Source : Maslow (1943)

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• Le bien-être objectif et l’IDH : une norme d’évaluation

Le bien-être objectif correspond à l ’état ou aux conditions de vie d ’un individu, jugées mal ou bien aux yeux de la société dans son ensemble. A ce titre, le jugement personnel est exclu de cette vision. En fait, l ’analyse objective du bien-être devrait prendre en considération tous les aspects de la vie d ’un individu, dont entre autres la santé, la réussite sociale ou économique, le spirituel ou le moral, la réalisation en soi, l ’éducation. Ainsi, le bien-être objectif est d ’ordre multidimensionnel.

Traditionnellement, la banque mondiale mesure le niveau de développement d ’un pays par un simple indicateur de richesse de type « revenu moyen » de la population. Cet indicateur est assimilé au PNB par habitant. Ce dernier a été apparu au même titre que le PIB, un indicateur permettant d ’apprécier la puissance de la production d ’un pays au cours d ’une année. Le PIB intègre la production marchande, évaluée aux prix de marché, et la production non marchande des administrations, mesurée par les coûts de production à défaut de prix de marché des services non marchands. En outre, les tenants de l ’approche monétaire soutiennent le revenu ou la dépense comme étant des indicateurs de bien-être économique. Tous ces indicateurs ne constituent pas d ’un bon aperçu dans l ’évaluation de l ’existence d ’un être humain. Le bonheur ressenti ou la satisfaction des désirs résultant d ’une action est caractérisé par son étroitesse dans l ’appréciation du bien-être individuel.

D’une vision globale, le niveau de développement d ’un pays est apprécié à travers le niveau du bien être de l ’ensemble de sa population. « En 1989, Sen s’est vu sollicité par son ami Mahbub ul Haq 2, qui lui a demandé de prendre part à l’élaboration d’une mesure du bien-être social pour le Rapport mondial sur le développement humain qu’envisageait de publier le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). En l’occurrence, Haq insistait pour avoir un chiffre unique, et non un vecteur ou un ensemble de chiffres, mais qui irait plus loin que le produit national ou intérieur brut (PNB et PIB).» (Bendaoud, 2011, p.1).

Le PNUD a posé les jalons du concept de développement humain. «Le développement humain est un processus qui conduit à l’élargissement de la gamme des possibilités qui s’offrent à chacun.» (PNUD, 1990, p.10). Pour mesurer le bien-être social, le PNUD a

2 Haq était à cette époque le Directeur du PNUD

47 proposé l ’Indice de Développement Humain (IDH). Cet indice est le fruit de recherche des experts de PNUD avec la grande contribution de Sen, un économiste indien qui a obtenu le Prix Nobel d ’économie en 1998. Par cet indice, l ’objectif des Nations Unies consistait alors à proposer une vision du développement humain qui ne se limite pas aux indicateurs monétaires traditionnels de type Produit Intérieur Brut (PIB). En conséquence, l ’IDH permettrait d’apprécier objectivement le niveau de bien-être d ’une nation. D ’autant plus que, Sen marque un certain désaccord avec le critère du bonheur présent chez l ’école utilitariste pour évaluer le bien-être. Le désaccord de Sen s ’est montré d ’une manière persuasive par ses travaux axés sur les « capabilités ».

Ainsi, l ’IDH ne se limite pas à l ’approche monétaire du bien-être ainsi qu ’à la satisfaction des besoins de base. Cet indicateur reflète, d ’une manière générale, les aspects d’ordre quantitatif et qualitatif de l ’existence humaine. L ’IDH présente donc le caractère multidimensionnel de l ’état de vie physique et moral d ’un individu. L ‟IDH de chaque pays a été obtenu par la moyenne de trois indicateurs, à savoir le PIB ou le PNB par tête, l’espérance de vie à la naissance et l ’éducation. Cette dernière est mesurée par le taux d’alphabétisation des adultes et des enfants. En effet, l ’IDH, par ses spécificités, est donc communément appelé un indicateur composite. Autrement dit, un indice qui en agrège d’autres.

Découlant de ces composantes, l ’IDH reflète les possibilités réelles des individus à agir dans l ’économie. Cet indicateur mesure les aptitudes et les capacités humaines à vivre longtemps et en bonne santé, à communiquer et à participer à la vie de la communauté et à disposer des ressources suffisantes. La santé, l ’éducation, le niveau de vie ont des répercussions sur les libertés politiques, sociales, et culturelles des individus. L ’IDH intègre des données quantitatives et qualitatives.

L’IDH est, avec le temps, devenu la mesure la plus largement admise pour établir des comparaisons internationales du bien-être. Cet indicateur permettrait donc de classer les pays selon leur niveau de développement humain que ce soit élevé, moyen ou faible. A l ’issue de ce classement, des pays sont qualifiés de riches, d’autres sont moyens, et enfin d ’autres appartiennent à des catégories des pauvres. L ‟IDH est une mesure comprise entre 0 et 1.

L’homme est un complexe de besoins et de désirs. Par l ’évaluation du bien-être avec l’IDH, l ’homme est sollicité à atteindre le plein épanouissement ou le développement. Au sens strict, l ’IDH du PNUD mesure le niveau d ’accomplissement de l ’individu en se référant sur les

48 dimensions santé, éducation, nutrition, logement. Ces dimensions, par ricochet, offrent à l’individu les possibilités ou non d ’améliorer ses conditions de vie.

Concernant la pauvreté d ’un pays, l ’IDH permet d ’examiner les privations de besoins ou le manque de satisfaction subit par les individus. Les privations en besoins notamment en besoins de base comme le fait de se nourrir correctement influencent négativement au développement d ’un pays. La non satisfaction à ces besoins constitue une source de morbidité chez les individus et fragilise donc l ’économie. Cette fragilisation ou cet ébranlement s’explique par une forte considération que l’homme est l ’initiateur de toute activité économique.

En somme, l ’IDH est devenu actuellement le seul indicateur objectif de mesure du bien-être social. Il s ’agit d ’un indicateur multidimensionnel. Le niveau de développement d ’un pays est apprécié à travers cet indicateur. Un individu, par le biais de l ’évaluation avec l ’IDH, est souhaité à atteindre le plein épanouissement. Ainsi, la section suivante se concentrera sur la manière dont l ’homme constitue son bien-être.

Section 2 : Processus de constitution du bien-être 2.1 Ressources et capabilités

L’approche par les entitlements de Sen est spécifique à l ’analyse de la faim tant au niveau individuel qu ’au niveau global. Cette approche est plus ancienne que celle des capabilités. Mais cette dernière est plus évoluée et englobante. L ’approche par les capabilités porte sur l ’analyse et l ’évaluation du bien-être des individus dont la faim, une des manifestations de l ’insécurité alimentaire.

Amartya Sen, est à la fois un économiste et un philosophe Indien. Né en Novembre 1933, cet économiste a été reconnu par son apport majeur dans l ’analyse des inégalités entre les individus et les théories philosophiques de la justice. Cependant, le travail porté sur l’analyse de la famine a fait la renommée de cet économiste. De sa recherche, Sen a obtenu en 1998 le prix Nobel en sciences économiques.

Le problème de la faim s ’apprécie comme un mal au bien-être d ’un individu. L’insécurité alimentaire est analysée par les économistes à travers le phénomène de la faim ou la « famine ». La faim est considérée comme à la fois : la manifestation, la cause, ainsi que conséquence de l ’insécurité alimentaire. La famine a été défini par Sen (1981a) dans son

49 ouvrage intitulé « Poverty and Famines » comme « une manifestation particulièrement virulente de pénurie alimentaire causant une mortalité importante». En outre, la famine se comprend par une « crise communautaire résultant d’une situation de privation généralisée provoquée par un déclin de la consommation alimentaire par tête sur une période prolongée, et que le résultat final d’une famine est la surmortalité, directe ou indirecte, causée par l’incapacité des plus vulnérables à acquérir suffisamment de nourriture pour prolonger la vie » (Banik, 2007, p. 31).

• Ressources et droits d’accès à l’alimentation

A titre de rappel, Malthus (1776) dans son ouvrage intitulé « Essai sur le principe de la population » montrait l ’origine de la famine. Cette dernière résulte de l ’excès de la croissance démographique par rapport à la croissance de la production agricole. Donc, pour cet économiste, la famine qui sévit dans une localité donnée résulte du déséquilibre nourriture- population. C ’est une question de disponibilité. Le pire de la situation évoquée par Malthus réside dans le fait que la famine deviendrait alors comme un régulateur naturel de la croissance démographique.

La critique Senienne repose sur le caractère superficiel de l ’analyse Malthusienne (1776). Sen veut expliquer la famine par leur fondement. Ainsi, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, Amartya Sen a développé une approche par les entitlements. Cette approche lui a permis d ’expliquer la famine en termes de défaut de droits d’accès des individus à l ’alimentation. « L’approche par les entitlements s’inscrit dans une démarche plus générale en analysant les causes des famines en termes de droits d’accès des populations aux biens alimentaires.» (Clément M., 2009, p.3) . Sen (1981a) avançait que la famine et la malnutrition sont moins liées au problème de disponibilité alimentaire qu ’à la possibilité d ’y avoir accès.

Drèze et Sen (1989) cherche à appréhender la famine non pas en se focalisant sur les aspects ayant trait à l ’offre alimentaire mais en se plaçant du côté des victimes. Sen insiste sur les libertés substantielles disposées par les individus pour acquérir des nourritures suffisantes visant à satisfaire leur besoin. Ces libertés concernent les possibilités réelles des individus à couvrir leur besoin en alimentation étant donné les influences des facteurs externes. Ces facteurs regroupent les environnements politiques, économiques, sociales, institutionnels. Ces

50 environnements permettraient, d’un côté, à l ’individu de se développer. Mais de l ’autre, ils limitent la possibilité de réaliser ses objectifs.

Sen (1981a), dans son approche par les entitlements, expliquait la famine autour de trois concepts clés, à savoir les ressources ou dotations (endowments), les droits d ’accès ou entitlements et enfin la carte des droits (entitlement mapping). Clément (2009) dans son ouvrage intitulé « Amartya Sen et l ’analyse socioéconomique des famines : portée, limites et prolongements de l ’approche par les entitlements » a apporté des éclaircissements à ces trois concepts :

∑ Les ressources ou dotations (endowments) représentent la combinaison de toutes les ressources possédées légalement par un individu. Ces ressources comprennent à la fois les actifs tangibles (la terre, les équipements, les animaux) et ceux intangibles (le capital humain, la force de travail, etc.). ∑ Les droits d’accès ou entitlements représentent l ’ensemble des combinaisons possibles de biens et services (commodities) qu ’un individu peut obtenir légalement en utilisant ses dotations. ∑ En troisième lieu, la carte des droits (entitlement mapping) exprime la relation qui prévaut entre les dotations et les droits d ’accès. C ’est le taux auquel les ressources peuvent être converties en biens et services inclus dans les entitlements.

La possession de la carte des droits accorde à l’individu le droit de jouir aux biens et aux services inclus dans les entitlements. Ces biens et services sont, par nature, de valeurs équivalentes aux ressources et aux efforts de conversion de ces ressources menés par l’individu. Par ailleurs, Clément (2009) souligne que le processus de conversion peut s ’opérer par l ’intermédiaire de trois moyens légaux. Le premier est la production. Le second s’effectue par l ’échange : à titre d ’exemple l ’échange des salaires ou vente d ’actifs pour acquérir de la nourriture sur le marché. Le troisième s ’effectue par les transferts ou héritages.

L’échange des dotations en biens alimentaires peut s ’effectuer de manière directe ou indirecte. La première manière (directe) se déroule tout simplement par le mécanisme d’échange sur le marché des biens et services. Le fait de disposer d ’une telle somme d ’argent permettrait à l ’individu d ’accéder directement aux nourritures de valeurs équivalentes, se manifestant par l ’opération d ’achat. Un individu à faible niveau de revenu ne peut pas accéder

51 aux nourritures de bonnes qualités, en quantités suffisantes et diversifiées pour mener une vie saine. La deuxième manière (indirecte) se déroule par le mécanisme de production. A ce titre et pour le cas d ’un agriculteur, un produit consommé résulte de la combinaison des facteurs de production. La quantité d ’aliments ainsi produite dépend essentiellement de l’efficacité et de l’efficience des facteurs de production.

L’objectif de la conversion consiste en la mise en possession de la carte des droits pour se procurer de la nourriture à des fins de la subsistance. En fait, la carte des droits à l ’échange d’un individu dépend des caractéristiques légales, politiques, sociales et économiques de la société : ce que Gore (1993) nomme les règles d ’entitlements. De plus, la carte des droits dépend de la position de l ’individu dans cette société (Sen, 1981b). Les règles d ’entitlements diffèrent d ’une société à l ’autre. En somme, la carte de droits à l ’échange résulte des rapports entre les valeurs de l’individu confrontés aux effets externes engendrés par l ’environnement dans lequel il vit. Cet environnement est assimilé, d ’une part, à un univers plein de contraintes et des règles de conduite. D ’autre part, cet environnement permettrait à l ’individu de se développer via, par exemple, les infrastructures publiques implantées.

L’accès des individus à suffisamment de nourritures dépend de la quantité d’entitlements en leur disposition. Cette quantité dépend non seulement de leur dotation, mais surtout de l ’environnement dans lequel l ’individu en question a été inscrit. La quantité insuffisante d ’entitlement conduirait pour l ’individu à une privation de certains aliments. Le régime alimentaire ainsi conséquent n ’est pas diversifié. Ce régime est aussi pauvre en qualité. La perte de dotations comme la perte de la terre, les problèmes de santé influencent négativement à la production. Cette perte engendre aussi un défaut d ’entitlement qui conduirait à une restriction de droit d ’accès à l ’alimentation. La modification de la carte de droits d ’accès porte sur les changements dans les conditions de production, d ’échange ou de transferts (Clément, 2009). Une variation trop importante du climat a pour impact négatif sur la production. L ’instabilité politique pourrait conduire à une hausse généralisée du prix des marchandises. Toutes ces situations amènent en conséquence à un problème d’accessibilité chez l ’individu. Par ailleurs, l ’instabilité politique réduit le taux des personnes actives dans l’économie. La carte des droits des individus qualifiés de « chômeurs » s ’est modifiée. Cette modification porte atteinte à leur bien-être. Clément (2009) insistait sur le fait qu ’une situation de chômage de masse dans une société contribue au développement de la famine.

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« La plupart des individus dans les pays en développement ont pour seule dotation leur force de travail, la situation sur le marché du travail est déterminante dans l’explication de la survenue des famines» (Clément, 2009, p.5) . Dans ces pays, le désir d ’accroître la production amène les ménages cultivateurs à intensifier leur force de travail mobilisée dans le processus de production. Cette intensification implique donc un fort dégagement d ’énergie. Cependant, la production ainsi conséquente est insuffisante à couvrir les besoins de la population. De même pour le milieu rural travaillant principalement pour l ’autosubsistance.

Pour Clément (2009), le cadre d ’analyse de Sen met en évidence l ’enjeu de la pauvreté dont l ’insuffisance en moyens financiers comme déterminant de privation alimentaire. A ce titre, « (…) Il n’est pas rare que des individus soient réduits à la famine alors que les ressources abondent autour d’eux, tout simplement parce qu’ils ne peuvent plus les acheter, suite à une perte de revenus » (Sen, 2000, p.216) . Comme illustration, la perte des salaires, le faible niveau de revenu des individus réduisent leur accessibilité aux nourritures. Les moyens « financiers » jouent un rôle crucial dans la constitution de bien-être.

L’approche par les entitlements de Sen est intéressante dans l ’analyse de la famine. Mais, elle présente certaines limites. Selon De Waal (1990), cette approche n’intègre pas dans son contenu le comportement des individus optant délibérément pour la privation alimentaire. Or, ce type d ’individu ne subit pas nécessairement un défaut de droits d ’accès.

Sen, dans son approche par les capabilités, a une vision large et améliorée de l’économie. La société offre des droits à chaque individu comme le droit de se nourrir correctement, le droit d ’être bien habillé. De plus, ladite société accorde, en parallèle, à chaque individu la possibilité d ’agir par n ’importe quel moyen. En outre, par le biais de l’approche par les capabilités, les dotations de l ’individu ne sont pas seulement destinées à satisfaire les besoins en alimentation. Elles sont aussi utilisées et transformées en éléments contribuant à la qualité de vie dans son ensemble. A cet égard, les dotations conditionnent à priori la liberté réelle d ’être et d ’agir d ’un individu pour favoriser ses fins. Néanmoins, Sen dans son approche par les capabilités, s ’efforçait de dépasser largement la vision « ressourciste » de l ’économie dans l ’explication de la famine. La dimension de réalisation effective est essentielle pour cet économiste.

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Enfin, des ressemblances existent entre l ’approche ancienne de Sen centrée sur les « entitlements » et la nouvelle approche par les « capabilités ». Chacune de ces approches a sa particularité. L ’approche par les capabilités est englobante. Elle présente clairement la particularité distinctive de la fin et des moyens au développement. La « liberté » est le pivot de l ’analyse de Sen dans son approche par les capabilités.

• Ressources et capabilités

Le mot capabilité vient de l ’anglais « capability » et signifie l ’ensemble des moyens mis à la disposition d ’un individu lui permettant de satisfaire ses besoins (Dubois et al., 2003). Comme nous avons évoqué précédemment, l ’individu est un complexe de besoins. La satisfaction de ses besoins notamment ceux fondamentaux comme le fait de se nourrir correctement permettrait de maintenir sa survie. De plus, cette satisfaction lui permettrait d’être actif dans l ’économie.

L’approche par les capabilités est une alternative à la façon dont les économistes classiques ont défini et mesurent traditionnellement le bien-être. Par ailleurs, Sen dans cette approche a dépassé la vision « ressourciste » de l ’économie. Les inégalités entre les individus s’apprécient à travers les inégalités en capabilités. Un individu se différencie d ’un autre vu qu ’il est capable de faire ou d ’être. Les dotations ou les ressources mises à la disposition des individus sont converties en capabilité. Cette dernière se traduit par le « pouvoir faire » et le « pouvoir être » de l ’individu. De la sorte, la capabilité se traduit en termes de liberté réelle d’être et d ’agir d ’un individu afin de constituer son bien-être.

L’essence des dotations pour un individu porte sur ses effets positifs au bien-être. Comme dans l ’approche par les entitlements, les dotations des individus constituent les éléments principaux à considérer dans la formation de la capabilité. Ces dotations regroupées en capital font partie des potentialités de l ’individu, ainsi que les aptitudes particulières non valorisées économiquement. Quant aux biens de capital, Guerrien (1996) distingue le capital physique, le capital financier, le capital humain, le capital social et le capital naturel.

E Le capital physique regroupe les actifs productifs et ménagers ainsi que les stocks détenus par l ’individu. La propriété terrienne fait partie de ce type de capital. E Le capital financier est l ’ensemble des ressources provenant de l ’épargne ou de l’emprunt. Ce type de capital est destiné à acquérir des actifs réels comme les machines et les

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équipements. Il permet aussi à l’individu d’améliorer ses conditions de vie. En conséquence, à titre d’exemples, le capital financier est un moyen permettant au sujet économique de s’approvisionner en nourriture à des fins de subsistance. Par ailleurs, ce type de capital permet de financer les besoins en éducation, en santé, en habillement et en logement. Il permet également à l ’individu de se prémunir aux risques et aux chocs qui pourront survenir ; E Le capital humain représente le stock des ressources personnelles économiquement productives. Une action présidée par l ’évidence pensée constitue un avantage en soi. A cet effet, un individu disposant d ’un niveau éducationnel élevé a la capacité de maximiser ses profits et de minimiser ses dépenses tout au long du processus de production. Par ailleurs, une personne en bonne santé physique est plus productive par rapport à une personne souffrant d’une maladie chronique. E Le capital social d ’un individu est une ressource sociale, issue des interactions culturelles et/ou structurelles avec d ’autres individus, capable de générer des externalités durables qui affectent la situation économique de ces individus (Coleman, 1988). Ce type de capital permet donc à l ’individu de renforcer sa capacité afin de pouvoir vivre longtemps et dans une meilleure condition. En outre, les relations établies avec des personnes potentielles figurent parmi les moyens nécessaires de sortir de la pauvreté. Des personnes ou des organisations non gouvernementales ont aussi mené des actions caritatives au bénéfice des populations pauvres, en attentes de financement. Le financement soit d ’ordre matériel ou immatériel. La forte relation sociale permet à l ’individu d ’élargir leur gamme d ’activités. E Le capital naturel regroupe les actifs naturels tels que les ressources hydriques et forestières. Ces ressources produisent des services dont, entre autres, la fourniture de l’oxygène, la régulation climatique. Elles ont servi aussi d ’habitat pour les faunes et les flores. Ainsi le capital naturel est essentiel dans le maintien de la survie des êtres vivants. Par ailleurs, des personnes sont tributaires des produits de la forêt en l ’assurance de leur pain quotidien. Des individus en exploitent pour leur autoconsommation, d ’autres sont à buts lucratifs. Cependant, l ’essentiel consiste à promouvoir des activités de régénération. Ces activités ont non seulement pour objectif de maintenir la biosphère. Elles permettent aussi à bon nombre d’individus d’être toujours actifs dans l ’économie. Enfin, elles permettent de garder la constance de la production. En l ’occurrence, les activités de régénération contribuent d’une manière grandiose à atteindre les objectifs de la sécurité alimentaire en termes de pérennité et de la stabilité de la production alimentaire.

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En somme, un individu se diffère d ’un autre par leurs avoirs, en termes de potentialités. Pour le cas des agriculteurs, ces potentialités constituent des moyens de départ pour leur activité de production. L ’investissement dans des biens de capital permet d ’accroître les potentialités. Cette augmentation offre à l ’individu la possibilité d ’être et de faire une action, une activité. Normalement, la production est une fonction croissante de l ’investissement. Or, dans la réalité, la production dépend essentiellement de la capacité de l ’homme à utiliser et à transformer ses ressources (dotations ou avoirs). Cette capacité leur permet d ’atteindre des fonctionnements réalisables (capabilités propres). Par ailleurs, les effets de l ’environnement économique, social, politique jouent des rôles déterminants dans la formation de la capabilité. Ces environnements constituent d ’un côté des opportunités à l ’individu. Mais de l ’autre, ils constituent des menaces à son activité économique. Ils pourraient engendrer des effets néfastes à la survie des individus. Par ailleurs, des risques pourront survenir à corrompre les objectifs de vie de l ’individu.

• Processus de conversion

Le dépassement de l ’ancienne vision « ressourciste » de l ’économie amène Amartya Sen à examiner pour chaque individu leurs fonctionnements réalisables à l ’issue de l’utilisation et de la transformation de ses ressources. La conversion de ces dernières en capabilité ou en liberté réelle d ’« être » et d ‟ « agir » dépend de deux facteurs. Le premier d’ordre interne, dépend de la capacité et des caractéristiques propres de l ’individu. Le second facteur de type externe, dépend de l ’environnement dans lequel vit l ’individu et surtout des évènements pouvant survenir de manière soudaine.

Pour définir la possibilité réelle d ’un individu de poursuivre ses objectifs, Sen propose de prendre en compte non seulement les biens premiers détenus par l ’agent, mais aussi ses caractéristiques propres et son environnement social, politique et économique puisqu ’ils commandent la conversion des biens premiers en facultés personnelles de favoriser ses fins (Sen, 2000). A titre d ’éclaircissement, la notion des biens premiers de l ’agent fait référence à des potentialités comme nous avons évoqués précédemment. Les caractéristiques propres et l’environnement social, politique et économique se réfèrent à la notion de capacité. Cette dernière désigne l ’aptitude ou la compétence pour un individu d ’agir en conséquence. La capacité intervient à la conversion des ressources en capabilités.

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Sen (1999) distingue plus particulièrement deux sortes de capacités :

∑ Les caractéristiques personnelles ont une influence forte sur la capacité de conversion d’un individu. Elles définissent ce qui est inhérent à chaque être humain et le distingue de tous les autres. Ces caractéristiques portent non seulement sur l ’état ou le comportement de vie d’un individu dans un environnement plus hostile que d’autre. Elles portent aussi sur les traits personnels des individus (âge, sexe, aptitudes physiques et mentales, appartenance ethnique ou religieuse), les dotations initiales en capital (le niveau d ’éducation, l ’état de santé, des infirmités ou handicaps), les dispositions particulières de chacun. ∑ Les opportunités sociales conditionnent également les capacités de conversion. Ces opportunités sont constituées par des règles formelles et informelles d ’une société ainsi que des biens publics (hôpitaux, école, réseau routier…). Ainsi, ces opportunités accroissent ou réduisent la liberté substantielle des individus. Elles permettent aussi aux agents de mieux vivre via l ’accès à des services publics pour l ’accomplissement des besoins essentiels. Les conventions et usages en vigueur dans une société réduisent la liberté réelle d ’être et d ’agir des individus.

« Trois institutions sont au cœur de l ’approche par les capabilités et permettent d ’offrir à l ’individu des garanties quant à la recherche de cette égalité de capabilités. La démocratie, tout d ’abord, est, selon Sen, le seul système politique qui garantisse à tous un égal traitement et un respect des libertés inconditionnelles. Le marché, ensuite qui, au-delà de la simple liberté de créer des richesses, permet aux individus d ’échanger, liberté essentielle aux yeux de Sen. L ’Etat, enfin, en garantissant à la fois le respect de la démocratie et en corrigeant les défaillances du marché, œuvre en faveur du respect du bien commun» (GREThA, 2008).

En somme, la capacité distingue un individu d ’un autre via les inégalités en caractéristiques personnelles ainsi que les différents modes permettant à chaque individu de tirer ficelle des opportunités offertes par la société. Chaque individu a sa singularité et sa particularité. Mais chacun est responsable de savoir les exploiter et optimiser à des fins de constitution de son bien-être.

La structure des ressources mises à la disposition par l ’individu détermine essentiellement sa capacité de conversion. Des éléments ou postes sont plus déterminants que d’autres. Un agriculteur à bas niveau éducationnel ne pourrait pas rentabiliser son capital physique. Cet agent, avec un niveau faible de revenu, se trouve dans l ’impossibilité de

57 s’investir pour rentabiliser son capital « terre ». De plus, cet agriculteur ne peut pas se prémunir aux risques, se résister également ou se corriger face à un choc. Un individu sous- alimenté ou en en mauvais état de santé est incapable de résoudre un problème social complexe.

• Capabilités, risques et vulnérabilité

A part les caractéristiques personnelles et les influences de l ’environnement dans lequel vit l ’individu, les facteurs « risques » entrent en jeu dans la constitution de la capabilité des individus. Sans doute, tout homme vit en permanence dans un univers plein de risques. Le monde est le multiple. L ’alternance du bien et le mal caractérise la vie d ’un homme. Le risque est un évènement survenu de manière soudaine et pourrait corrompre l ’objectif de vie fixé par l’individu. Certes, certains risques sont prévisibles. Le risque peut être formulé de manière très simple à savoir : le risque de souffrir de la famine durant la période de soudure, le risque d’être heurté par une voiture, le risque de ne pas s ’éveiller le matin, etc.

L’analyse du bien-être devrait donc tenir compte des risques qui pourront survenir tout au long de la vie d ’une personne. L ’étude des risques se fait à priori par la délimitation et la détermination de la zone d ’exposition et les individus exposés. La connaissance des types des risques et de leur intensité est aussi primordiale. Le tableau ci-après nous donne des informations sur les types des risques qui pourront être survenues dans les zones rurales pauvres.

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Tableau 1 : Typologie des risques présents dans les zones rurales pauvres

TYPOLOGIE DE RISQUES EXEMPLES Risques liés à l’environnement Aléas climatiques (cyclone, sécheresse, tempête, inondation), insectes nuisibles, changement climatique, déforestation, pollution de l’air, épuisement des ressources naturelles, maladies végétales. Risque sur les prix liés aux Variation des prix des inputs et des outputs fluctuations du marché agricoles, variation des salaires, libéralisation du marché (augmentation de la concurrence internationale) Risques politiques Impacts des conflits armés, des instabilités politiques, etc. Risques sur la santé Les maladies, les accidents et la mort touchent à la fois les riches et les pauvres, mais de manière différente. Les conséquences pour les pauvres étant souvent plus dures. La pauvreté et la mauvaise santé forment ainsi un cercle vicieux. Le pauvre vit et travaille dans un environnement propice aux risques de maladies et d’accidents et possède une accessibilité aux services de santé plus limitée. Risques de l’âge Maladies, cumulatifs associant des problèmes rationnels de santé, d’argent et de déqualification. Risques agricoles Les incertitudes climatiques, les insectes nuisibles, les maladies végétales. En dépit de tous ces risques encourus, les ménages agricoles n’ont pas les mêmes accès aux technologies agricoles (irrigation, pesticides, engrais, etc.) pour y faire face. Source : BNGRC, 2008

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L’analyse des risques, pour une même zone, fait intervenir la notion de « vulnérabilité ». D ’après Dubois et al. (2003, p.17) : « La vulnérabilité est la probabilité de voir sa situation ou ses conditions de vie se dégrader quel que soit le niveau de richesse, face aux fluctuations de la vie ». Dans une société, des individus sont pauvres et d ’autres sont riches. Les capacités des individus formant une société sont différentes. Un individu à forte capacité est capable de se prémunir, d ’affronter et de se résister face, à titre d ’exemple, à un cyclone de niveau élevé. Ce type d ’individu est donc capable de trouver et de recourir à une meilleure solution pour faire face à ce risque. Par contre, un individu à faible capacité s’affiche vulnérable face à ce type de risque. Leur niveau de capabilité est restreint. La liberté réelle d ’être et de faire une activité est limitée. Ainsi, un individu à niveau de capabilité faible n’a pas la possibilité de trouver une solution pertinente et meilleure pour surmonter les risques survenues. Le manque des capabilités est aussi analysé par un problème de structure et d’organisation au sein de la société.

La pauvreté et la vulnérabilité sont liées. Un individu vulnérable à un tel risque n ’est pas forcément pauvre. En général, le fait d ’être pauvre accroît la vulnérabilité. Le manque des moyens financiers, la pauvreté des conditions d ’existence, ne permettent pas à l ’individu d’affronter et de résister à un risque ou à un choc. Ces formes de pauvreté nuisent au bien-être de l ’individu.

En somme, la vulnérabilité est fonction des risques et des capabilités (moyens). La relation entre ces variables est montrée par l ’équation suivante :

Risque éé = Capabilité

A la lumière de cette formule, un individu est qualifié de « vulnérable » face à un tel risque si les moyens en sa disposition (capabilité) ne lui permettent pas de se prémunir ou d’affronter ce risque. Des dégâts sont ainsi conséquents. Le fait d ’augmenter la capabilité de l’individu ou de lui offrir les moyens nécessaires visant à améliorer son bien-être permet de minimiser les risques. Suite à la concrétisation d ’un risque, l ’analyse de la vulnérabilité fait état de question sur la « résilience ». Cette dernière se définit comme étant la capacité d ’un système de résister, d ’absorber un choc, de se corriger et de se relever par ses propres moyens. Suite à la réalisation d ’un risque amenant des dégâts (dommages et pertes) à un tel individu, la question se pose : « cet individu dispose t-il la capacité de se corriger ou de se ramener à l ’état

60 initial ou meilleur face aux dégâts ?». Il s ’agit donc d ’une question des dotations chez l’individu et notamment de l ’environnement où il a été inscrit. Cet environnement est aussi question de toutes les opportunités au développement d ’un individu.

En définitive, la question de résilience est une remise en cause à la capabilité. La résilience devrait par la suite tenir compte du critère économique, social, environnemental, culturel, institutionnel et organisationnel. Les stratégies visant à réduire la vulnérabilité atténuent les risques. Les activités de résilience constituent des outils au développement. Elles pourraient aussi constituer des avances à l ’évitement de certains nouveaux risques.

• Influence des facteurs institutionnels dans le processus de constitution du bien-être

Les enjeux des facteurs institutionnels dans le processus de développement ont d ’une importance majeure. Veblen (1857 – 1929) figure parmi les économistes fondateurs de l’institutionnalisme originaire. Les institutions correspondent aux façons de pensée, aux usages et aux coutumes communes à un ensemble d ’individus (Veblen, 1899). Selon North (1994), les institutions sont des contraintes élaborées par les hommes pour structurer leurs interactions. En fait, les institutions exercent leur domination tout au long du processus de constitution du bien-être des individus notamment dans les pays en développement. Des individus sont réfractaires et d ’autres sont perméables aux enjeux des institutions. Dans une optique de développement, les capacités de l ’homme jouent un rôle prépondérant dans l’apprentissage ou non des institutions. Ces dernières pourraient maintenir l ’homme dans le gouffre de la pauvreté. Dans la majorité des cas, les individus à faible niveau éducationnel sont ceux les plus adaptés aux institutions de la société.

Comme nous avons évoqué précédemment dans la théorie de Sen tant sur l ’approche par les entitlements que sur celle de la capabilité, les institutions exercent leur domination dans la conversion des ressources en capabilités ou des ressources en carte de droits. Les institutions réduisent les libertés réelles d ’être et d ’agir des individus. Elles constituent alors un mal à leur bien-être. Les capacités à échanger les dotations en biens de consommation sont restreintes. Les institutions conduisent l ’individu à être privé de certains fonctionnements élémentaires comme le fait d ’être bien nourri, manger en quantité suffisante et en qualité trois fois par jour. Les institutions engendrent aussi un déficit de la carte de droits. En conséquence, des aliments seront inaccessibles à l ’individu. Les droits d ’accès aux autres

61 biens et services sont limités. Par les effets des institutions, les modes de production seront transformés. Les usages des moyens traditionnels sont les plus fréquents. Ainsi, les biens produits ont connu une forte diminution.

Dans une société donnée, North (1994) distingue deux types de contraintes. Les premières sont de types formels. Elles représentent les normes, les règles, les conventions qui s’imposent aux individus. Les contraintes formelles proviennent du pouvoir de négociation de certains membres capables d ’édicter des règles. Ces contraintes caractérisent et exercent leur influence dans le cadre de la coordination par le « haut ». Cette coordination se caractérise, à titre d ’exemple, par une sorte d ’organisation émanant du pouvoir étatique. En outre, les secondes contraintes sont de types informels. Elles regroupent les coutumes et les habitudes qui s ’inscrivent de manière particulière dans le processus d’apprentissage par les hommes. Ces contraintes exercent leur influence dans le cadre de la coordination par le bas. Cette dernière caractérise le milieu paysan. A cet égard, les paysans sont trop attachés aux coutumes. De plus, ils prouvent le caractère inerte vis-à-vis de leur habitude. Leur comportement entrave le développement. Cette coordination est caractérisée par les façons de faire et de pensée des individus fortement attachés à un ancrage historique et territorial. En fait, les deux types de coordination entrent en conflit. Les contraintes formelles et informelles qui coexistent dans la société ne se concorderont pas. En conséquence, l ’inadéquation entre les règles formelles et informelles anéantit les objectifs de réforme axés vers une efficience supérieure (North, 1994). A ce sujet, le développement devrait se passer par un processus de changement institutionnel. Ce dernier serait donc une question de mise en adéquation entre les deux dispositifs de coordination. La réduction de cet écart permettrait, notamment une diminution de la prolifération du secteur informel. Le renforcement du niveau éducationnel par le biais de l’implantation des infrastructures scolaires publiques rendent les hommes imperméables aux institutions. Un individu à niveau de capital humain élevé dispose de la capacité de contrebalancer les institutions existantes dans une société. Cet individu en question est doté donc d ’une large liberté positive. Par contre, la rationalité limitée amène les paysans, selon North (1994), à se référer au concept d ’idéologie : les croyances et les mythes. Ainsi, les informations et les connaissances émanant de l ’extérieur ne sont pas passées par l ’évidence pensée. Le stock d ’idées dans la pensée paysanne est dépourvu d ’éléments nécessaires pour faire une bonne analyse.

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North (1994) analyse le sous-développement par l ’existence d ’une matrice institutionnelle inefficace. North est un économiste pragmatique. Sa solution consiste tout simplement à remplacer les institutions existantes par de nouvelles capables de capturer les gains de l ’échange. A noter que le développement d ’un pays ou d ’une localité s ’enracine à travers les échanges établis entre les différents acteurs formant cette économie en question. En effet, selon North (1994), les politiques du développement devraient être basées sur la mise en place des programmes politiques qui créeront et renforceront une base institutionnelle efficiente. North accorde d ’importance majeure à l ’Etat. Ce dernier a une double tâche. La première consiste à garantir un environnement institutionnel concurrentiel en éliminant les distorsions du marché. La seconde est axée à l ’instauration des activités qui permettraient le processus de rattrapage. Selon Hassan et al. (2003), l’introduction d ’une nouvelle technologie impulse la nécessité de changement institutionnel.

« L’évolution sociale est un processus d’adaptation sélective du tempérament et des façons de pensée ; ce sont les conditions de la vie qui poussent les hommes à s’adapter. L’adaptation des façons de pensée, c’est le développement même des institutions » (Veblen, 1899, p.140). Comme déduction, le développement de la société s ’apprécie à travers l’évolution de la capacité des individus de résister, de s ’adapter ou non à la façon de pensée commune. Un individu à forte personnalité physique, morale et intellectuelle peut orienter son choix aux dépens de la société où il a été inscrit. Cette personne pourrait aussi recourir, sans hésitation, aux usages des facteurs de production moderne. Par ailleurs, les individus à faible niveau de vie sont les plus perméables aux institutions. La superstition préside toujours leur action.

« Les institutions ne sont pas seulement le résultat du processus de sélection et d’adaptation qui forme les types dominants ou prévalants des attitudes spirituelles et des aptitudes, elles sont en même temps des méthodes particulières de vie et de relations humaines, et sont ainsi à leur tour des facteurs efficients de sélection » (Veblen, 1899, p.188).

L’environnement institutionnel dans lequel s ’inscrit l ’individu a pour influence à leur choix. Cet environnement permet, d ’un côté, de renforcer leur potentialité. De l ’autre et pour la majorité des cas dans le milieu rural, il engendre des impacts négatifs à son choix. Les actions y conséquentes sont également influencées. Les relations humaines comme le

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« fihavanana 3» Malagasy limitent les possibilités d ’action des agents. Les rendements ainsi obtenus sont faibles. Cette forme d ’institution aboutit à la restriction de l ’économie. Elle maintient aussi l ’individu dans l ’impossibilité de se mettre en relation avec les agents externes de la société. Selon Veblen (1899), les institutions s ’auto - renforcent puisque les comportements sont encadrés par les habitudes de pensée qui favorisent l ’émergence d ’autres institutions et qui les perpétuent. Au même titre que cette thèse, Hodgson (1992) traduit un phénomène de « verrouillage » (lock-in). La structure institutionnelle existante a tendance à influencer les autres dimensions de la société. Ainsi, le caractère « auto – renforçant » des institutions est explicatif de l ’inertie des habitudes de pensée. Veblen insiste sur la difficulté de promouvoir le développement en se fondant sur les habitudes de pensée. Il serait difficile de mettre en adéquation les modes de pensée traditionnels et les actions innovantes.

En général, les institutions exercent leur influence dans toutes les fonctions économiques, à savoir la production, la consommation et la distribution. L ’étude de l’économie paysanne de Chayanov (1966) insiste sur le mode de production traditionnel du milieu paysan. A part la terre, la mobilisation des forces du bras, accompagnée par un fort dégagement de l ’énergie constituent les principaux facteurs de production. Par ailleurs, les productions sont destinées en majeure partie à l ’autoconsommation. Les quantités vendues sont faibles. Les consommations des paysans sont pauvres en calories. Par habitude, même si les aliments sont disponibles en quantité, qualité, et en variétés, les ménages ruraux ont tendance à consommer les aliments standards, pauvres en protéines par exemple. Quant à la production, les institutions contraignent l ’homme de ne cultiver que quelques variétés d’aliments. Les choix de fonctionnement sont donc canalisés par les institutions. Les problèmes de comportement dans la formation de la capitale locale sont l ’effet d ’imitation et les consommations ostentatoires (Penouil, 1972).

3 Le « fihavanana » est une des formes des institutions les plus visibles dans la société Malgache. Il se caractérise par un mouvement d’entraides agricoles entre les membres de la société et à l’intérieur de la famille. Les mains d’œuvres mobilisés dans les travaux agricoles par la famille sont issues même de cette famille en question. Une part importante de la production est partagée à la famille et envers les autres agents membres de la société.

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2.2 Capabilités et fonctionnements

La capabilité est l ’ensemble des fonctionnements réalisables des individus. Elle forme aussi l ’ensemble des moyens que l ’individu peut recourir face à des circonstances particulières de leur vie. Par le biais de ces moyens, l ’individu pourrait atteindre son objectif de vie. «Etroitement liée à la notion de fonctionnement, il y a l’idée de capabilité de fonctionner. Elle représente les diverses combinaisons de fonctionnements que la personne peut accomplir. La capabilité est, par conséquent, un ensemble de vecteurs de fonctionnements qui indique qu ’un individu est libre de mener tel ou tel type de vie. (…) L ’ensemble des capabilités reflète, dans l’espace des fonctionnements, sa liberté de choisir entre des modes de vie possibles » (Sen, 1992). Il s ’agit donc d ’une forme de liberté, c ’est-à- dire de la liberté substantielle de mettre en œuvre diverses combinaisons de fonctionnements.

Dans son approche par les capabilités, Amartya Sen s ’intéresse sur la dimension de réalisation effective de l ’individu. L ’espace des fonctionnements est défini par tout ce qu ’il est possible de faire dans la vie, toutes les façons d ’être et d ’agir des individus (Sen, 1985). Tous les individus ont donc le même espace des fonctionnements. Au sein de cet espace, on distingue certains fonctionnements dits incompressibles regroupant les besoins essentiels. Ils forment un ensemble de fonctionnements que les personnes chercheront toujours à atteindre. Cet ensemble de vecteurs de fonctionnements est également appelé fonctions vitales (Guérin, 2003). A cet égard, les fonctionnements être bien nourri, être en bonne santé physique et morale constituent des éléments favorables au maintien de la vie d ’une personne. Ces fonctionnements sont donc déterminants. Ils assurent le développement des autres fonctionnements. Le fait d ’accomplir ces fonctionnements constitue des impératifs de vie.

Certains fonctionnements sont forts, simples comme manger décemment ou être en bonne santé. D ’autres sont très complexes, comme prendre part à la vie de son quartier ou sortir en public sans éprouver de honte, rester digne à ses propres yeux.

Originellement, tous les individus ont la même chance de parvenir à un niveau élevé du bien-être. L ’organisation sociale offre à chaque individu la liberté de constituer son propre bien-être, en termes d ’« agir » (doing) et d ’« être » (being). De plus, cette organisation accorde à l ’individu des variétés de droits, des possibilités d’acquis, et enfin de choix. Un exemple donné par Sen (2000) est celui d ’un individu jouissant d ’une certaine aisance matérielle et qui

65 choisit de jeûner. L ’individu en question adopte le même fonctionnement qu ’un autre qui est réduit à la famine. L ’individu qui choisit de jeûner dispose de la capabilité de se nourrir correctement s ’il le veut. A ce sujet, la liberté de choix a une valeur intrinsèque. Certes, l’environnement social pourrait canaliser le choix de l ’individu de manière directe ou indirecte. Le problème de l ’accoutumance et des préférences adaptatives modifient les choix de l ’individu (Coste, 2011).

Au final, la capabilité décrit le « pouvoir faire » ou le « pouvoir être » d ’un agent. Elle regroupe donc l ’ensemble des réalisations qu ’un agent est capable et serait capable de faire ou d’être face à un ensemble d ’opportunités. A ce titre, la capabilité comprend la dimension de réalisation effective et actuelle. Ces deux types de réalisation constituent pour l ’individu un autre type de liberté. Cette dernière se renvoi à un degré de contrôle de la réalisation d ’une existence. Cette dernière est mesurée par ce que Sen (1992) appelle un « vecteur de fonctionnement ». La capabilité est la matrice de tous les vecteurs de fonctionnement potentiellement accessibles aux individus. La capabilité à base élargie et bien structurée offre à l ’individu une multitude d ’options possibles dans leur vie. Ce type de capabilité lui permet de s ’auto-développer. Leur personnalité s ’auto-renforce par le développement de ses fonctionnements actuels (accomplis).

2.3 Fonctionnements et bien-être

L’évaluation en temps réel du bien-être de l ’individu se fait à l ’issue des fonctionnements accomplis. Bertin (2008) a reporté l ’idée de Sen (1992) sur le fait que « Les fonctionnements sont constitutifs de l ’existence de la personne et l ’évaluation du bien- être personnel doit nécessairement prendre la forme d ’un jugement sur ces composantes ». Une vie confort résulte d ’un bon mode de fonctionnement de l ’individu. Ce fonctionnement est jugé par sa stabilité, son élargissement et son élasticité face aux contextes différents. Ce type de fonctionnement regroupe, entre autres, le fait d ’avoir un travail, être politiquement actif, être en bonne santé physique et mentale, être en bonne sécurité, avoir reçu une bonne éducation.

La réalisation des fonctionnements porte sur l ’obtention des revenus, la santé, l’éducation et sur les conditions de vie. La pauvreté est ainsi évaluée à travers son caractère multidimensionnel.

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La vie d ’un individu est en éternel recommencement. Elle forme un cycle. Le bien-être ainsi constitué entre de nouveau dans le renforcement de leur potentialité et de leur capacité. En effet, la pauvreté sous diverses formes peut créer un goulot d ’étranglement au développement. Le bien-être mal d ’un individu pourrait être source de nombreux cercles- vicieux. Un individu faim et malnutri est inactif dans l ’économie. La productivité du travail est faible. Son corps est sensible à différentes maladies. Le mal état nutritionnel amène à la difficulté de soigner de manière radicale une maladie. La persistance de la pauvreté d ’un pays pourrait s ’expliquer par la proportion étonnante des individus à mauvais état nutritionnel.

La pauvreté monétaire a un caractère déterminant dans l ’économie. La monnaie est un facteur dynamique. Elle permet à l ’homme de bouger. Elle entre aussi, pour la plus grande part, dans la constitution de la capabilité. L ’insuffisance monétaire rend les facteurs de production inaccessibles par l ’individu. Ainsi, le manque des moyens financiers engendre une autre forme de pauvreté qui se traduit en termes de « pauvreté d ’accessibilité ». D ’une façon générale, le revenu résultant de fonctionnement accompli devrait se décomposer en consommation et en épargne. Un individu à faible revenu n ’a pas la possibilité d ’épargner. La rentrée monétaire est presque autoconsommée. L ’investissement est, en effet, exclu de son calcul économique.

Ragnar Nurske (1953) figure parmi les grands théoriciens de développement. La théorie de Nurske (1953) est axée sur la dimension financière de la pauvreté. Selon cet auteur, la pauvreté, est avant tout une question d ’insuffisance monétaire. Dans les pays sous développés, le niveau de revenus des individus est presque faible. Cette situation amène ces individus en question dans l ’impossibilité d ’épargner. Les revenus sont donc destinés, voir même insuffisants, pour la consommation. L ’épargne a pour rôle d ’un fond d ’investissement permettant d’acquérir, à titre d ’exemple, des équipements performants visant à accroître la production. Ainsi l ’investissement est une source croissante des revenus. Pour Nurske (1953), dans sa théorie du sous développement, la pauvreté engendre la pauvreté. Les revenus sont des moyens et fins au développement. C ’est à travers les faibles revenus que les populations pauvres s ’efforcent de constituer leur bien-être. D ’où la difficulté de sortir le cercle vicieux de la pauvreté du fait notamment que l ’argent est un facteur dynamique ou mobilisateur, permet à un agent de bouger. Le mécanisme orchestré par la liaison insuffisance monétaire et la pauvreté générale forme un goulet d ’étranglement au développement.

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La perspective de sortir le cercle vicieux de la pauvreté d ’un individu devrait se baser toujours sur le renforcement de la capabilité. Cette perspective dépend primordialement de la volonté et de l ’effort de l ’individu. De surcroit, elle dépend de l ’environnement dans lequel s’inscrit l ’individu, à savoir économique, social, et culturel. En somme, la promotion du développement d ’un pays dépend essentiellement d ’une coordination systémique et fructifiée de l ’ensemble des agents économiques formant cette économie. Le tout est un système. Le développement d ’un pays se réfère au développement de son système qu ’il soit en ordre ou en désordre.

La figure suivante résume l’approche par les capabilités de Sen.

Figure 2 : Capabilités et fonctionnements

Source : Rousseau (2003)

Conclusion du chapitre 2

L’approche par les capabilités est essentielle pour analyser le développement d ’un pays. Cette approche prend en considération tous les éléments constitutifs de l ’économie. Cependant, Sen prend comme « unité d ’analyse » l ’individu. A cet égard, le développement d’un pays dépend essentiellement du développement de chaque individu. Quel que soit le niveau de la capabilité d ’un individu, la finalité de développement est toujours portée sur le bien être. La capabilité constitue des moyens pour accomplir des fonctionnements potentiels afin de maintenir la vie. Les inégalités entre les individus s ’apprécient à travers les inégalités en capabilités.

En réalité, chaque individu dispose sa propre manière d ’évaluer son bien-être. Ces différentes évaluations ont été aussi mises en avant dans la pensée des théoriciens du bien- être. Selon l ’école Welfarist, le bien-être d ’un individu est jugé par leur seule utilité. L’école

68 des besoins de base apprécie le bien-être d ’un individu à travers la satisfaction en besoins de base. L ’école des capacités a évalué le bien-être d ’un individu à travers les dimensions: économique, sanitaire, éducationnelle et le revenu. Ainsi, le niveau de bien-être d’un pays est, objectivement, mesuré par l ’IDH.

CONCLUSION DE LA PARTIE 1

L’économie est une science dynamique. L’analyse en sciences économiques varie selon le contexte et la zone d’étude. Elle présente également des degrés différents. Traditionnellement, l’insuffisance de la production est analysée à travers la considération isolée des facteurs. A cette époque, une vision unidimensionnelle et uni-sectorielle de l’économie caractérise la pensée. Plus tard, la non disponibilité alimentaire s’apprécie à travers la combinaison productive des facteurs. En dernier ressort, l’efficacité productive de la combinaison dépend énormément de la capacité humaine à s’investir en dotations et de les mettre en œuvre.

En effet, à l’issu de cette dernière vision, l’analyse de l’insécurité alimentaire dans une localité donnée est une remise en cause à la capacité des individus de constituer leur bien-être. A cet égard, l’homme est considéré comme maître à sa production. Il devrait également maîtriser la nature étant donné l’influence des facteurs externes comme les institutions existantes dans la société et les risques survenus. Indubitablement parlant, l’insécurité alimentaire au sein d’un pays est un phénomène complexe. Elle résulte de la déficience en capabilités chez les individus formant la société. Cette déficience se traduit par une faible capacité de fonctionnement pour l’individu, amenant à une privation de certains besoins vitaux comme le fait d’être nourri correctement.

Pour le besoin de confronter les différentes théories ainsi mobilisées à la réalité, une analyse empirique du paradoxe succédera notre étude. Cette dernière consiste à porter l’ensemble des connaissances théoriques mobilisées (Partie I) à l’étude de cas de la Région Haute Matsiatra (Partie II).

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PARTIE II: ETUDE DE CAS DE LA REGION HAUTE MATSIATRA

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INTRODUCTION DE LA PARTIE 2

L’économie est une science. Elle nous a permis de détecter, à travers sa grille de lecture comme le concept théorique, le mal au fonctionnement d’un pays ou d’une localité donnée. Sa démarche méthodologique lui accorde une scientificité dans son analyse. L’essence de la science économique est la confrontation de sa richesse théorique à la réalité. La spécification de l’analyse empirique nécessite, comme exigence, la mobilisation des hypothèses. Ces dernières sont des propositions d’ordre théorique, des réponses possibles à la problématique de l’étude. En dernier ressort de l’analyse économique, les hypothèses sont passées à l’expérimentation dont l’observation sur terrain pour tester sa plausibilité.

La mise à l’épreuve des hypothèses théoriques 4 conduit notre recherche. Elle nous a permis, à la présente partie (II), de faire l’étude de cas de la Région Haute Matsiatra. Cette étude est une analyse empirique du paradoxe entre potentiels agricoles et insécurité alimentaire de ladite région. Pour la confection du livre de mémoire, la présente partie sera bâtie autour de deux chapitres. Le premier portera sur la présentation du contexte suivi de l’analyse sur la non disponibilité alimentaire. Le second sera consacré spécifiquement à une analyse axée sur l’accessibilité des paysans aux facteurs de production.

4 Elles sont énoncées dans la section 3 (Méthodologie) de l’introduction générale.

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CHAPITRE 3 : PRESENTATION DU CONTEXTE ET ANALYSE

Introduction du chapitre 3

La Région ainsi dénommée « Haute Matsiatra » est une des 22 régions à Madagascar. Haute Matsiatra est une région unique au monde. Elle regorge des potentiels divers en matière de l’agriculture, entre autres : les potentiels démographiques, les potentiels économiques et pédologiques, les potentiels climatiques, les potentiels en ressources naturelles et des avoirs en infrastructures publiques. Mais paradoxalement, ladite région souffre de l ’insécurité alimentaire. Ce phénomène est très frappant dans les zones rurales, alors que ces dernières assurent également l’approvisionnement en nourriture de l ’ensemble des villes.

Ainsi, notre présent chapitre présentera la situation paradoxe dans ladite région suivie d’une analyse axée sur l’insuffisance en alimentation à subvenir aux besoins de la population. A cet effet, ce chapitre se subdivisera en deux sections. La première consistera en un état des lieux de la région en mettant en exergue ses spécificités socio-économiques et d’exposer par la suite son bilan de l ’insécurité alimentaire. Après, une analyse axée sur la non disponibilité alimentaire sera entamée.

Section 1 : Paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire La prise en connaissance de la zone d ’étude est primordiale. Ainsi, la présente section nous conduira en premier lieu à connaître la Région Haute Matsiatra dans son ensemble. Elle s’effectue par la présentation de sa situation géographique. Cette section expose aussi les différents moyens pour permettre à ladite région de se développer notamment dans le domaine de l ’agriculture. Malgré ses différents potentiels agricoles, la région en question souffre toujours de l’insécurité alimentaire.

1.1 Spécificités socio-économiques de la Région

1.1.1 Découpage administratif et situation géographique

Selon l ’ancien découpage, Madagascar dispose de six (6) provinces à savoir Antananarivo, Antsiranana, , Mahajanga, Toamasina et Toliara. Dans le cadre de la réalisation de la politique de décentralisation engagée par le gouvernement, un nouveau découpage administratif en 22 régions est officiellement établi en 2004. La Région Haute

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Matsiatra fait partie de l ’une de ces 22 régions. L ’intérêt de ce découpage territorial est d’obtenir des rendements nationaux tangibles conformes aux objectifs de développement fixés par les autorités publiques. La mobilisation de tous les acteurs et la mise en valeur des potentialités de chaque région contribuent à l ’atteinte de ces objectifs. Tout cela entre en jeu dans le cadre de lutte contre la pauvreté.

La Région Haute Matsiatra est située dans la province de Fianarantsoa, dans le centre de l ’île. Cette région fait partie des hautes terres centrales de Madagascar, située entre 45,51°et 47,41° longitude Est et 20,68° et 22,21° latitude Sud. La capitale de la région est Fianarantsoa. Ladite région s ’étend sur une superficie de 23 034,6 km² représentant 20,46 % de la superficie totale de la province de Fianarantsoa.

La Région Haute Matsiatra est délimitée au nord par la Région de l ’Amoron ’i Mania; au sud par la Région d ’Ihorombe ; à l ’Est par la Région de Vatovavy Fitovinany; à l ’Ouest par la Région de Menabe et d ’Atsimo Andrefana. Cette région est subdivisée en sept (7) districts dont Isandra, , , , Fianarantsoa I, , . Chaque district est subdivisé en communes (Cf. Annexe 2 : liste des communes par district). Chacune de ces dernières est subdivisée en fokontany. Au total, la région compte 82 communes et 787 fokontany. Parmi les communes, trois (3) seules sont urbaines.

Quant aux fokontany, le district d ’Ambalavao dispose de 160 fokontany, suivi par Ambohimahasoa avec 158 fokontany. Le district Vohibato possède 145 fokontany. Le district Lalangina est formé par 111 fokontany. Le district de Fianarantsoa I est celui qui possède le moins de nombre de fokontany. Ce district est formé par 50 fokontany. Par rapport à la superficie totale de la région comme nous avons évoqués précédemment, un fokontany a, en moyenne, une superficie de 26,53 km 2.

1.1.2 Potentiels démographiques

La population est considérée comme à la fois l ’acteur et le cible du développement. La région Haute Matsiatra se caractérise par ses populations. Elle dispose donc d ’énormes potentialités en ressources humaines.

Ladite région est classée, après Analamanga, Vakinakaratra, Vatovavy Fitovinany, Atsinanana, Atsimo Andrefana, la sixième région peuplée de Madagascar. 5,9% de la population Malgache résident dans la région Haute Matsiatra. Soit 1 227 200 habitants. Ce

73 dernier est obtenu sur la base de l ’effectif total national qui est égal à 20,8 millions d ’habitants (INSTAT, 2010). La densité moyenne de la population régionale est assez élevée. Elle est équivaut à 61 habitants au km 2 (DDR/Table ronde, 2005). Le niveau de fécondité au niveau de la Région est élevé. Une femme de la région peut avoir en moyenne 6,4 enfants jusqu ’à la fin de son âge de procréation (INSTAT/EDS, 2009).

Haute Matsiatra est une région essentiellement agricole. Parmi les 82 communes formant la région, 3 seules sont urbaines. De plus, 83,9% de la population travaillent dans le secteur de l ’agriculture (ONE, 2006). En effet, plus de trois (3) personnes sur quatre (4) exercent des activités de production alimentaires. L’INSTAT (2010) montre dans son rapport que 81,6% de la population totale de la région résident dans le milieu rural alors que 18,4% seulement vivent dans la zone urbaine.

La région est relativement vaste et très hétérogène en matière de population et démographie. L ’ethnie Betsileo est dominante dans cette région. Cependant, d ’autres ethnies ont été visualisées sur la région en particulier les Merina, l ’Antesaka, le Bara, l ’Antandroy et le Sakalava. Pour des raisons de sécurité ou de recherche de mieux être, une partie de la population décide de migrer. L ’immigration est favorable à l ’économie. Elle accélère davantage le développement de la région. Le transfert des compétences et de savoir-faire tirent l ’économie. Des facteurs motivent les populations régionales à s ’immigrer entre autres le manque de terres arables, le manque d ’opportunité locale en emploi, l ’émergence d ’un pôle de travail, la période de soudure. L ’immigration de proximité caractérise la région. Elle se manifeste par le mouvement des personnes dans le même district.

Quant à l ’éducation, 75,5 % des individus âgés de 15 ans et plus sont alphabétisés (CREAM, 2013). A cet égard, ces individus savent lire, écrire et capable de faire des calculs arithmétiques simples. Ce taux est supérieur à 4,1 points par rapport à celui de l ’ensemble du pays chiffré à 71,4%. Le taux de scolarisation varie d ’un milieu à un autre. Dans la région et en milieu urbain, le taux de scolarisation est élevé avec une proportion de 87,8% contre 72,2% en milieu rural (INSTAT, 2010).

La jeunesse de la population caractérise beaucoup la région Haute Matsiatra. L ’âge moyen de la population active de la région est de 32,6 ans (INSTAT, 2013). De surcroît, les hommes représentent 52% de cette population active (CREAM, 2013). Dans l ’ensemble national, la répartition par genre est presque équilibrée. D ’une façon globale, le rapport de

74 masculinité au niveau de la région est de 101,2% contre 98,0% au niveau national (CREAM, 2013). L ’INSTAT (2010) montre dans son rapport que le rapport de masculinité dans le milieu rural de la région Haute Matsiatra est 102,6% contre 95,1% en milieu urbain.

La participation des enfants dans des activités productives caractérise cette région. 16% des individus âgés de 5 à 17 ans exercent des activités économiques à temps plein ou partiel. (CREAM, 2013). Quant à la structure des emplois dans ladite région, 96,9% sont des travailleurs indépendants. Ces derniers regroupent les agents qui travaillent à titre personnels et ne sont pas soumis à des contrats de travail. Ce sont les commerçants, les travailleurs relevant d ’une profession libérale (avocats, médecins), les agriculteurs sur petite exploitation, les ouvriers, les chauffeurs, etc. 0,4% des employés travaillent dans des entreprises privées. 0,2% des employés travaillent dans des Organisations Non Gouvernementales (ONG). Seulement, 2 % des employés exercent des activités dans le secteur public (INSTAT, 2010).

Quant à cette région, 78,9% de la population pratique la riziculture avec une forte proportion de 86,5% dans le milieu rural. Une proportion de 48,6% de la population urbaine cultive aussi le riz. Cependant, en parallèle à la riziculture, 68,8% de la population cultivent du manioc, 44% pour les patates, 40,2% pour le maïs et enfin 15% des ménages cultivent les autres tubercules (INSTAT, 2013). Selon le chiffre du Ministère de l’Agriculture (2013), 90,6% des ménages ruraux cultivent le riz dont 90,3% adoptent le système de riziculture irrigué 5et 0,3% des ménages ruraux pratiquent la riziculture pluviale 6. En général, la riziculture de la région est essentiellement vivrière. Cette dernière occupe 114 715 hectares des terres arables. Les cultures de rente et celles industrielles occupent respectivement 1070 hectares et 695 hectares. Les autres cultures de diversification alimentaire sont : le maïs, l’arachide, la pomme de terre, la patate douce et le voanjobory.

1.1.3 Potentiels économiques – pédologiques

A part les potentiels démographiques, ladite région regorge de potentiels pédologiques. C ’est par le biais de l ’exploitation et de la mise en valeur de ces potentiels que la plupart des ménages assurent leur nourriture et par conséquent leur survie. John (1967) affirme que la terre représente avant tout une sécurité et assure la subsistance de la famille.

5 La riziculture irriguée se pratique dans les bas-fonds 6 La riziculture pluviale convient aux zones de tanety

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Même ceux qui la quittent temporairement pour aller chercher fortune ailleurs ne l’abandonnent pas entièrement et comptent la retrouver tôt ou tard.

Comme déduction, la terre joue un rôle prépondérant dans la vie économique d ’un individu, d ’un ménage, d’une région ou dans un pays tout entier. En matière d ’agriculture, son rôle est crucial. La région Haute Matsiatra est caractérisée par une grande variabilité du milieu naturel et physique à savoir le relief, le climat, les rivières, les sols et les sous-sols. Ces derniers offrent des conditions favorables à des activités économiques diversifiées et complémentaires entre les sous régions.

La région Haute Matsiatra a pour superficie totale de 23 034,60 km 2. Soit 2 303 460 hectares. 21,8% de la superficie totale de la région est cultivable. Soit 503 905 hectares (CREAM, 2013). Elle est caractérisée par un relief montagneux, heurté par des massifs vigoureux isolés et sillonnés par des dépressions étroites. Trois sous régions naturelles forment la région :

– La partie orientale, à topographie indécise, correspond à la zone de transition entre la falaise Tanala et les hautes terres centrales. Les bas fonds marécageux constituent une réserve superficialité importante, mal exploitée pour la riziculture. L ’altitude moyenne est de 1 000 m; – Les hautes terres centrales correspondent à la partie méridionale du pays Betsileo. Cette zone est densément peuplée et relativement bien desservie. Les hautes terres centrales présentent un relief montagneux sillonné par des vallées plus ou moins étroites; – La partie occidentale et australe offre un paysage de grandes plaines et pénéplaines propices à l ’élevage et à l ’extension de la riziculture (vastes plaines de et de Zomandao).

Les terrasses rizicoles (kipahy) constituent une particularité de la région. Pour pallier l’insuffisance des bas-fonds et profitant des possibilités de captage d ’eau en hauteur, les paysans ont installé des terrasses irrigables sur les flancs des collines.

Quant à la superficie cultivable, la Région Haute Matsiatra dispose de sols ferralitiques jaunes/rouges et rouges de superficies assez importantes, mais discontinues. De plus, elle est dotée des sols ferrugineux tropicaux couvrant la partie centrale de la région. Par ailleurs, des îlots d’association des sols ferralitiques rouges et jaunes/rouges, des sols faiblement ferralitiques et Ferri sols caractérisent la région. Cet ensemble est réuni dans

76 l’espace de la région par des sols peu évolués et rankers ainsi que des sols peu évolués dunaires sableux. En outre, les bas-fonds portent essentiellement des sols hydromorphes à Gley.

Certes, chaque type de sol a ses spécificités et son intérêt agricole y correspondant. A titre d ’exemples : les sols ferralitiques renferment des éléments en fer et en aluminium. Ces composantes sont favorables aux cultures des conifères, d ’eucalyptus, du tabac, de manioc, de riz, de mais et d ’arachides. Les sols ferrugineux de couleur grisâtre sont adaptés aux cultures du coton, du sisal et d ’autres arbres fruitiers. Les sols hydromorphes suffisamment riches en matières organiques plus ou moins décomposées contiennent en permanence d ’eau et d ’argile. Ainsi ce type de sol est favorable aux plantations de riz et du saonjo.

1.1.4 Potentiels climatiques

La Région Haute Matsiatra est dotée d ’un climat de type tropical d ’altitude à deux saisons bien distinctes :

– de novembre en avril : il s ’agit d ’une période chaude et pluvieuse laquelle concentre 90 % des précipitations (1 000 à 1 200 mm/an). La température maximale peut atteindre 30°C ; – de mai en octobre : est une période fraîche et humide pendant laquelle la température peut diminuer jusqu ’à 6 °C.

Force est de reconnaitre que des liaisons existent entre les types de sols et les types du climat. Les sols ferralitiques se forment sous climat chaud et humide. De même que les sols ferrugineux provenant de l ’altération de granites et de basaltes se forment sous climat chaud, moins arrosés.

Des cultures sont favorables à chaque type de saison. La période fraîche et humide est favorable aux plantations de légumes. La période chaude et pluvieuse (l ’automne et l ’été) est favorable à la maïsiculture, à la plantation d ’arachide, à la riziculture, à l ’haricot. Certes, la culture de contre-saison est possible et pratiquée par un nombre important de la population. Cas pour le riz cultivé en zone de « tanety » et la culture de double saison.

La région Haute Matsiatra est classée parmi les régions les plus froides de Madagascar après la région de Vakinankaratra. La température moyenne de la région est de 14,6 °C avec un minimum de 10 °C et un maximum de 18 °C. Nous constatons qu ’au fur et à mesure de la

77 descente vers le Sud, une augmentation des températures jusqu ’à 20 °C a été remarquée. Le même phénomène est observé dans le centre des hautes terres vers l ’Ouest que vers l ’Est (CREAM, 2013).

La pluviométrie de la région diminue d ’Est en Ouest avec une moyenne de 1 400 mm. La période pluvieuse commence en novembre et le niveau maximum des pluies est enregistré en mois de décembre et janvier. La fréquence des pluies décroit rapidement à partir du mois d’avril. La période la plus sèche est comprise entre le mois de mai et le mois d ’octobre, durant laquelle les précipitations prennent la forme de crachin.

1.1.5 Potentiels en ressources naturelles

Ressources forestières

La Région Haute Matsiatra dispose d ’énormes potentiels en ressources naturelles. Ces dernières contribuent d ’une manière grandiose à la formation des richesses de la région. Parmi les ressources naturelles, la forêt joue un rôle primordial dans le fonctionnement de l’économie. Ainsi, la forêt est une composante vitale de l ’économie locale. Elle contribue à l’amélioration de la fertilité du sol et protège ce dernier contre l’érosion. Elle maintient également le cycle de l ’eau et du carbone. Par ailleurs, la forêt constitue un habitat pour un bon nombre d ’espèces animales et végétales. Les biens procurés par les forêts comme les produits ligneux et non ligneux ne sont pas à négliger.

Compte-tenu des rôles accordés aux forêts, ladite région possède une superficie couverte de forêts de 59 453 ha en 2005 (CREAM, 2013). Quant à la végétation, cette région est dominée par de grandes superficies de savanes dont nous pouvons distinguer deux types :

– les savanes herbeuses à Hyparrhenia rufa, Hyparrhenia et Heteropogon ;

– les savanes herbeuses de l ’Ouest à Hyparrhenia dissoluta et Heteropogon.

Ces deux types de savanes couvrent les parties centrales de la région. Les parties orientales sont caractérisées par les savanes et steppes à Aristida et Ctenium ou Loudetia (cf. Annexe 3 : carte d ’occupation du sol de la région). Ces différents types de savanes sont délimités par un mince filet de forêt dense ombrophile de moyenne altitude. La partie orientale des hautes terres, limitrophes du pays Tanala est caractérisée par la présence du

78 corridor forestier reliant les deux parcs nationaux de Ranomafana dans la Région Vatovavy Fitovinany et de celui d ’Andringitra dans la Région Haute Matsiatra au Sud.

Les plantations artificielles de forêt sont essentiellement formées par les plantations de pins avec une superficie approximative de 60 446 ha et représentant 2.9 % de la superficie totale de la Région (ONE, 2006). Des plantations privées d ’eucalyptus ont été rencontrées également dans la Région mais la surface est encore inconnue à défaut d ’inventaires.

En matière d’hydrologie

L’hydrographie de la région est caractérisée par le bassin versant du Mangoky. Le réseau hydrographique de ce bassin versant prend source dans les rivières Manantanana - Zomandao et Ihosy (au sein des régions Haute Matsiatra et Ihorombe).

Un système hydrologique très important prend naissance dans le massif d ’Andringitra. Ce système génère, en aval, des rivières importantes dont Zomandao (affluent de la Mangoky), Menarahaka, Lantara (affluents du Manampatra) et Rienana. Les bassins versants dépendant de ces rivières jouent un rôle important en matière de développement agricole. Beaucoup de villes/villages dépendent des cours d ’eau sortant du massif.

La région est traversée par trois grandes rivières, qui forment toutes des affluents du fleuve Mangoky:

– la rivière Zomandao au Sud de la région; – la rivière Manantanana dans la partie centrale; – la rivière Matsiatra qui prend source dans la partie centrale et passe dans la ville de Fianarantsoa mais qui, plus en aval, forme la limite Nord-Ouest de la région.

La superficie totale du bassin versant de Mangoky est de 55 750 km². Ce bassin se déverse dans le canal de Mozambique. A part les grandes rivières et les cours d ’eau, la région abrite également des lacs et des zones marécageuses non négligeables.

Sans oublier, les différents cours d ’eau et les rivières suscités constituent des opportunités pour la région notamment dans le domaine de l ’agriculture. Ils alimentent en eaux les bas fonds. Et ce, par l ’intermédiaire des barrages construites et réhabilitées par les acteurs régionaux.

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Espèces faunistiques

Les inventaires au niveau des sites comme le Parc National de Ranomafana, le Parc National d ’Andringitra et le corridor forestier reliant les deux aires protégées montrent la situation exceptionnelle d ’espèces animales de la Région de la Haute Matsiatra. La totalité d’espèces faunistiques (Ordres considérés : amphibiens, carnivores, chiroptères, lémuriens, oiseaux, reptiles) inventoriées dans la Région s ’élève à 465 espèces dont 38 espèces de mammifères et 18 espèces de lémuriens sont endémiques. En ce qui concerne les oiseaux, la Région renferme également de nombreuses espèces avec un total de 261 espèces inventoriées et dont 236 espèces soit 90% sont endémiques. La région abrite 66 espèces faunistiques animales menacées dont 11 espèces de lémurien, 14 espèces de mammifère et 41 espèces d’oiseaux (ONE, 2006).

Espèces floristiques

La Région Haute Matsiatra abrite également des richesses exceptionnelles en matière de plantes. D ’après les études menées dans les Parcs Nationaux d ’Andringitra et de Ranomafana et dans le corridor reliant les deux, environ 282 espèces floristiques ont été inventoriées et dont 123 espèces sont endémiques représentant un taux d ’endémisme de 67%. 21 espèces des plantes sont classées menacées dont 4 espèces d ’orchidées (Cynosorchis andringitrensis, Cynosorchis hirtula, Disa andringitrana, Habenaria rutembergii) (ONE, 2006).

1.1.6 Les infrastructures de la Région

En matière de santé

La région dispose des infrastructures sanitaires publiques et privées. Quant aux infrastructures sanitaires publiques, 22 communes de la région disposent de CSB I et 80 communes ont des CSB II. La Région Haute Matsiatra dispose également de quatre (4) Centre Hospitalier du District du Niveau I (CHD I) situés dans les districts d ’Ambalavao, d’Ambohimahasoa, de Fianarantsoa I, et d ’Ikalamavony. Par ailleurs, 80 communes sont pourvues de maternité publique et 8 communes de services de soins dentaires. Haute Matsiatra dispose d ’un Centre Hospitalier de Référence Régional (CHRR).

Quant aux infrastructures sanitaires privées, 6 communes de la Région disposent de cabinet médical privé. Ces 6 communes sont réparties dans les quatre districts à savoir

80

Ambohimahasoa, Fianarantsoa I, Lalangina et Vohibato. En termes de maternité privée, seulement 3 communes de la région en disposent. Les districts de Fianarantsoa et de Lalangina disposent des hôpitaux et cliniques privées. Toutefois, l ’effectif des communes disposant d ’officine ou de dépôt de médicament est relativement élevé car 36 communes parmi les 82 de la région en disposent.

En matière d’éducation

Quant aux infrastructures scolaires publiques, ladite région dispose 1002 EPP, avec un taux de disponibilité de 100%. A ce titre, toutes les communes de la Région Haute Matsiatra disposent au moins d ’une EPP contre un pourcentage au niveau national de 97,9%. Au total, 1002 EPP ont été recensées dans les 787 communes formant la région. Soit donc d’une EPP par fokontany. De surcroît, 95,1% des communes de la Région ont des CEG (Collège d ’Enseignement Général) implantés sur leurs territoires. Cette proportion est élevée par rapport à la moyenne nationale de 70,2%. De plus, 16 communes de la Région disposent d’un Lycée public d ’enseignement général soit 20,2% contre 8% pour tout Madagascar. Ladite région dispose d ’un lycée d ’enseignement technique public implanté à Fianarantsoa I. D’ailleurs, la région possède un établissement d ’enseignement supérieur situé dans le district de Fianarantsoa I.

Quant aux infrastructures scolaires privées, 91,5% des communes de la région sont dotées d ’écoles primaires privées. Cette proportion est très élevée par rapport au niveau national dont le taux s ’élève à 57,6%. De plus, 28,1% des communes de la Région Haute Matsiatra disposent des Collèges privées sur leurs territoires contre un pourcentage de 25,6% pour Madagascar.

Les institutions financières

La région Haute Matsiatra dispose de banques et d ’institutions financières. Ces organismes mettent en rapport les offreurs et les demandeurs de capitaux. C ’est par le biais des institutions financières que les individus peuvent épargner une somme d ’argent. Les ruraux peuvent également y accéder pour le besoin de s’investir en matériels de production. Le trésor public est présent dans les quatre districts de la région à savoir : Ambalavao, Ambohimahasoa, Fianarantsoa I, Ikalamavony. Le district de Fianarantsoa dispose d ’agence de CNAPS, de compagnies d ’assurance, d ’Agences de Banque (BOA, BFV-SG, BNI-CL) et

81 de Caisse d ’épargne. Les institutions de micro finances comme TIAVO (Tahiry Ifamonjena Amin ’ny Vola), CECAM sont très prépondérants dans la région et s ’installent dans beaucoup de communes rurales.

En dépit de toutes ces potentialités abordées précédemment, la majorité des populations de la région Haute Matsiatra s ’engouffrent dans la pauvreté. Le ratio de pauvreté au niveau des ménages de la région s ’élève à 79,1% (INSTAT, 2010). Une des formes de la pauvreté dans cette région est le phénomène de l ’insécurité alimentaire. Ce dernier est alarmant dans ladite région.

1.2 Bilan de l’insécurité alimentaire de la Région 1.2.1 La sécurité alimentaire: un concept multidimensionnel Concept de sécurité alimentaire

L’insécurité alimentaire est un phénomène complexe. Pour nous permettre de se familiariser sur ce concept, la connaissance du concept de la « sécurité alimentaire » nous a constitués de base fondamentale à la compréhension de ce phénomène dans sa globalité.

Historiquement, le terme « sécurité alimentaire » est apparu au milieu des années 70. Ce concept a connu des évolutions au fil des temps. Le sommet mondial de l ’alimentation (1974) associe à cette notion la disponibilité et la stabilité des prix des denrées alimentaires de base dans une localité donnée. A cette époque, l ’existence en quantité suffisante d’alimentation de base et la non fluctuation des prix des produits alimentaires sont explicatifs de la sécurité alimentaire.

Postérieurement, la notion de sécurité alimentaire à cette époque est largement critiquée par des organismes. Cette notion est caractérisée par des manques. La prise en considération des pouvoirs d ’achats des consommateurs pour s ’approvisionner en alimentation est exclue de l ’ancien raisonnement. De plus, ce dernier se limite aux denrées alimentaires de base sans prendre en compte l ’équilibre nutritionnel engendrée par la prise en consommation des aliments diversifiés. L ’aspect quantité est valorisé à cette époque.

La FAO (1983), quant à sa critique, a ajouté comme complémentarité à la vision ancienne de la sécurité alimentaire l ’accessibilité physique et économique de toute personne aux denrées alimentaires dont elle a besoin. De surcroit, la FAO incluait la préférence des individus dans le choix du panier des biens alimentaires à consommer (FAO, 1983).

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Duplantier et al. (2012) a reporté la définition de la Banque Mondiale (1986) sur la sécurité alimentaire. Cette dernière se définit comme étant « l’accès de tous les individus à tout moment, à suffisamment de nourriture pour mener une vie active et saine ». A la différence de la conception ancienne de la sécurité alimentaire, la définition de la banque mondiale intègre l ’objectif à atteindre dans la vision de la sécurité alimentaire. L ’objectif est axé sur l ’obtention d ’un capital humain productif, base du développement. Certes, l ’aspect qualité de l’alimentation n ’a pas mis en exergue ou sous-entend de cette définition.

En effet, une définition consensuelle de la sécurité alimentaire a été donnée lors du sommet mondial de l ’alimentation à Rome en 1996. « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (FAO, 2008, p.4). Cette définition est englobante avec la considération des aspects quantité et qualité des nourritures prises en consommation par chaque individu et notamment de la durabilité de leur consommation. Le niveau individuel et ménages est le plus considéré contrairement au concept traditionnel évoqué lors du sommet mondial de l ’alimentation en 1974.

La définition consensuelle (1996) nous a constitués de base pour nous permettre de comprendre l ’insécurité alimentaire : objet de notre étude. A rappeler que l ’objectif de la sécurité alimentaire est concentré sur la dimension individuelle. Toute politique de sécurité alimentaire d ’un pays devrait donc permettre, à tout moment, à chaque individu d’accéder aux bonnes nourritures tant en quantité qu’en qualité.

« La sécurité alimentaire des ménages se définit comme un accès durable à des denrées alimentaires quantitativement et qualitativement suffisantes pour assurer à tous les membres de la famille une ration adéquate et une vie saine. La sécurité alimentaire des ménages dépend de l'accès aux vivres, à distinguer de la disponibilité des vivres. Même si le marché regorge de produits, une famille trop pauvre pour les acheter ne jouit pas de la sécurité alimentaire » (UNICEF, 1998, p.5).

Dimensions de la sécurité alimentaire

La prise en considération des quatre dimensions suivantes est nécessaire pour atteindre la sécurité alimentaire dans un pays. A savoir : la disponibilité physique des aliments, l’accessibilité économique et physique aux aliments, l ’utilisation des aliments et enfin la

83 stabilité de ces trois premières dimensions dans le temps. La coordination dans le temps de ces dimensions permettrait d ’atteindre la sécurité alimentaire.

- La disponibilité alimentaire porte sur le côté de l ’offre alimentaire en quantité et en qualité. Cette offre est déterminée par le niveau de production du pays, leur niveau de provision et le commerce net. Comme déduction, la disponibilité physique des aliments répondant aux besoins de la population dans une localité donnée est assurée par la production locale (nationale), l ’importation ou l ’aide alimentaire. Certes, la disponibilité physique seule des aliments est insuffisante pour atteindre les objectifs de sécurité alimentaire. L ’accès physique et économique des individus aux alimentations est, comme exigence, nécessaire. - L’accès économique des individus aux nourritures se réfère à leur pouvoir d ’achat. L’accessibilité économique des individus dépend donc de leur capacité de s ’approvisionner en alimentation sur le marché quels que soient les fluctuations des prix. A vrai dire, cette capacité dépend essentiellement du niveau de revenu. Ce dernier est le moyen sûr pour s’approprier de la nourriture. La variation trop importante des prix sur les marchés devrait nécessiter, comme exigence, l ’intervention de l ’Etat afin d ’assurer sa régulation. Et ce, pour faciliter l ’accessibilité de toute personne aux alimentations. Quant à l ’accessibilité physique aux alimentations, une bonne infrastructure routière permet à l ’individu d ’accéder facilement au marché, et de s ’échanger. Une infrastructure délabrée rend difficile l’accessibilité de l’individu à l ’alimentation. De même, elle pourrait altérer la qualité de l ’alimentation étant donné le long trajet du port des aliments d ’un endroit à l ’autre. - L’utilisation des nourritures repose sur la manière de préparer et de cuire les aliments. Le recours à de bonnes techniques culinaires est important pour que les aliments consommés soient favorables à la santé et renforcent les défenses immunitaires de l’organisme. Les aliments cuits avec des techniques culinaires adéquates sont favorables à la santé. A ce titre, il est facile à l ’organisme de métaboliser les différents nutriments présents dans ces aliments. Le recours à l ’eau potable est une condition nécessaire et de base pour toute préparation des aliments. L ’utilisation de l ’eau potable est fondamentale pour mener à bien l’état nutritionnel de l ’individu. De même, la diversité du régime alimentaire optimise l ’état nutritionnel de l ’individu. - La stabilité des trois premières dimensions en tout temps permettrait d ’atteindre les objectifs de sécurité alimentaire. Même si les aliments sont disponibles en quantité et en qualité, l ’accessibilité des individus en tout temps à ces alimentations est nécessaire pour leur

84 mise en possession. Par la suite, si l’individu a un accès économique et physique aux alimentations, la bonne préparation quotidienne de ces dernières permet à l’organisme d’assimiler les différents nutriments présents dans les aliments comme les macronutriments (les protéines, les glucides et les lipides) et les micronutriments (les vitamines et les sels minéraux, etc.). La stabilité des prix à tout moment favorise l ’accès en permanence des individus à l ’alimentation ainsi que la régularité de leur régime alimentaire. La FAO (2008) souligne que les conditions climatiques défavorables (sécheresses, inondations), l ’instabilité politique (troubles sociaux), ou les facteurs économiques (chômage, augmentation du prix des aliments) pourraient avoir un impact sur l ’état de sécurité alimentaire d ’un individu. L’atteinte de cette quatrième dimension nécessite la synergie d ’actions entre les différents acteurs formant l ’économie. A noter que le « tout » est un système, un ensemble dont les éléments constitutifs sont interdépendants entre eux afin d ’atteindre un objectif. L’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire nécessite, comme exigence, la prise en considération des dimensions suivantes: politique, économique, environnementale, institutionnelle, juridique, sanitaire.

1.2.2 Notion de l’insécurité alimentaire et fréquence

L’insécurité alimentaire est un phénomène multidimensionnel. Ce phénomène est facile à comprendre à la lumière de toutes notions de sécurité alimentaire évoquées précédemment. Sans doute, si l ’une des conditions de la sécurité alimentaire n ’est pas atteinte, l’insécurité alimentaire règne dans une localité donnée. Ce phénomène est analysé sous diverses optiques, à savoir sanitaire, économique, politique, environnementale, institutionnelle et juridique. La faim et la malnutrition sous diverses formes se présentent fréquemment comme à la fois des causes, des manifestations et des conséquences de l’insécurité alimentaire.

Types de l’insécurité alimentaire selon leur fréquence

Généralement, deux types d ’insécurité alimentaire existent : le premier est de type transitoire, le second est cyclique. L’insécurité alimentaire transitoire est un phénomène à court terme et aussi temporaire. Ce phénomène résulte d ’une diminution soudaine de la capacité des producteurs à couvrir les besoins de la population en alimentation. De plus la baisse de la capacité d ’accès des consommateurs à suffisamment d ’aliments est à l ’origine de

85 ce type d ’insécurité alimentaire. La diminution temporaire de la production est due fréquemment aux sécheresses, aux inondations, aux conflits et aux épidémies. Cette diminution a pour influence négative sur le prix des produits sur le marché. En conséquence, ce mécanisme rend les denrées alimentaires inaccessibles aux consommateurs. Le revenu faible des ménages est très sensible à la chute de la production. Donc un mal à leur bien-être. L’insécurité alimentaire transitoire peut provenir aussi des crises politiques. Les groupes de personnes concernées par ce type d ’insécurité alimentaire sont appelées des populations à risque. L ’insécurité alimentaire transitoire constitue une source de morbidité de la population active. Une baisse de rendement est aussi conséquente. Cette baisse est causée par la diminution de la productivité du travail.

L’insécurité alimentaire chronique est un phénomène à long terme ou persistant. Elle est liée à des problèmes de pauvreté permanente ou structurelle et à de faibles revenus. Les personnes frappées par ce type d ’insécurité alimentaire n ’ont pas la possibilité d ’accéder aux ressources productives. Le cas le plus fréquent est celui des ménages qui n ’ont pas accès à une terre fertile ou qui sont confrontés à des contraintes permanentes limitant la production. Les individus souffrant de ce type d ’insécurité alimentaire ne sont pas capables de satisfaire leurs besoins nutritionnels sur le long terme.

Pour bien comprendre les aspects et la manifestation de l ’insécurité alimentaire, l’exposition du cas de la région Haute Matsiatra nous a permis d ’apprécier la complexité de ce phénomène.

1.2.3 Régime alimentaire des ménages

La Région Haute Matsiatra regorge des potentialités diverses pour nourrir sa population. Mais paradoxalement, la majorité de cette dernière souffre depuis toujours de l’insécurité alimentaire que nous qualifierons de « chronique ». Par ailleurs, des individus de cette même région souffrent encore de l ’insécurité alimentaire « transitoire ».

A cet effet, le projet SIRSA, sous tutelle de l ’EPP/PADR du Ministère de l ’agriculture Malgache, intervenait dans la région Haute Matsiatra en 2005. Son intervention consistait à en collecter des informations rurales et de sécurité alimentaire. Les bases de données ainsi rassemblées par ledit projet constituent pour l ’Etat Malgache un outil promouvant le développement de cette région. En matière de sécurité alimentaire, l ’intervention du projet

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SIRSA s ’oriente beaucoup plus sur le comportement de consommation des ménages au cours des périodes d ’une année.

Le Projet SIRSA intervenait dans 38 communes rurales de la région (cf. Annexe 4: liste des communes intervenues). Il s ’interrogeait sur le régime alimentaire des ménages ruraux en période normale et en période de soudure. Certes, les résultats d ’enquête du projet SIRSA sont assez vagues. Mais, ils nous ont fournis d ’aperçu pour visualiser le comportement global de consommation des ménages.

Comportement de consommation des ménages ruraux en période normale et de soudure

Le tableau ci-après montre la tendance de consommation alimentaire des ménages ruraux en période normale d ’une année ou en période hors soudure. Cette dernière englobe la période de pré-récolte (du Mars à Avril) ainsi que celle d ’après récolte (du Mai à Septembre).

Tableau 2 : Régime alimentaire des ménages ruraux en période normale

Période Normale Principal Deuxième Troisième Aliments Rz Mc Pt Ms Rz Mc Pt Ms Rz Mc Pt Ms

Nombre de 38 - - - - 33 5 - - 6 20 12 communes Source : SIRSA, 2005

Rz : riz ; Mc : Manioc ; Pt : Patate ; Ms : maïs

A la lumière de ce tableau, nous constatons que le riz est l ’aliment le plus prisé par les ménages en période normale. Tous les ménages dans les 38 communes intervenues par le SIRSA ont choisi le riz comme aliment principal de consommation journalière. Cette prise en consommation est une évidence claire étant donné que le riz constitue l ’aliment de base des malgaches. Mais, la réalité révèle que la production rizicole annuelle de chaque ménage est insuffisante pour couvrir leurs besoins au cours de la période normale d ’une année. La période pré-soudure apparaît. Selon la FAO (2013), la couverture alimentaire de la région dont le riz est réduite à 5 mois.

Ainsi, pour le besoin de survivre, des stratégies d’adaptation ont été adoptées par les ménages. Le manioc, la patate et le maïs ont été choisis comme étant des aliments de complémentarité ou de substitution au riz. Tous les ménages dans 33 communes ont choisi le

87 manioc à titre de deuxième aliment pris après le riz. Certes, tous les ménages dans 5 communes préfèrent, à titre de second rang, la patate comme complémentarité ou substitution aux aliments de base (riz). Dans la réalité, le stock de manioc des ménages se trouve en situation de pénurie. Mais, les ménages veulent diversifier leurs besoins. A cet effet, tous les ménages dans les l2 communes ont choisi le maïs (à titre de troisième aliment) comme complémentarité et de substitution à la première et au deuxième aliment. Tous les ménages dans 20 communes ont choisi la patate et ceux dans les 6 communes ont choisi le manioc.

D’une façon globale et en termes de niveau de préférence : le riz est la denrée la plus préférée par les ménages. Le manioc est à titre de second rang après le riz. La patate est d ’une préférence moindre que le manioc. Le maïs est moins préféré que la patate. Dans la réalité, la complémentarité et la substitution du riz par le manioc, le maïs et la patate s ’expliquent du fait qu ’au petit déjeuner le riz est le plus prisé. Au dîner et au déjeuner, le manioc, la patate, le maïs ont été pris en consommation.

Dans la région Haute Matsiatra, la consommation journalière en riz par personne s’élève à 287g (DDR / Table ronde des bailleurs, 2005). Cette quantité consommée est approximativement égale à 1gobelet / jour, donc d ’une consommation moindre par individu. A cet effet, pour le désir de compenser les rations alimentaires journalières, les ménages ont choisi entre le mais, le manioc et la patate. Ces aliments sont pauvres en macronutriments à savoir les protéines, les glucides, les lipides et les protides. Selon l ’INSTAT (2013), le pourcentage de la population qui a une part élevée de l ’énergie alimentaire à partir des aliments de base dans la région Haute Matsiatra est 85,8%. Par contre, la moyenne nationale est de 84,2%.

Le tableau ci-après récapitule les résultats d ’enquête dudit projet sur le régime alimentaire des ménages en période de soudure. Cette période est délimitée entre le mois d’octobre et Février. Elle se caractérise par la pénurie de stock alimentaire pour chaque ménage. A cet effet et pour le maintien de survie, les ménages devraient donc recourir au marché pour l ’achat des denrées. Pendant cette période, le prix des aliments sur le marché croît d ’une manière effrénée. L ’afflux des collecteurs influence négativement le prix sur les marchés. Il réduit donc l ’accessibilité des ménages aux nourritures.

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Tableau 3 : Régime alimentaire des ménages ruraux en période de soudure

Période de soudure Principal Deuxième Troisième Aliments Rz Mc Pt Ms Rz Mc Pt Ms Rz Mc Pt Ms

Nombre de 1 32 5 - 8 5 17 8 25 - 5 8 communes Source : SIRSA, 2005

Rz : riz ; Mc : Manioc ; Pt : Patate ; Ms : maïs

Pendant la période de soudure, la plupart des ménages ont choisi le manioc et la patate comme aliments de base. Soit, tous les ménages dans 32 communes ont préféré le manioc, ceux des 5 communes ont choisi la patate. Seulement, tous les ménages d ’une commune consomment, à titre principal, le riz en période de soudure. A titre de deuxième aliment de substitution et de complémentarité aux denrées principales, la patate est la plus prisée par les ménages. Par ailleurs, à titre de troisième aliment consommé par les ménages en période de soudure, le riz est le plus prisé, puis le maïs, et enfin la patate.

Comme récapitulation, dans tous les cas présentés, la consommation journalière en riz blanc 7 par personne est estimée à 287g (DDR/Table ronde des bailleurs, 2005). Cette quantité consommée est faible. Elle est équivalente à un gobelet/jour. De plus, l ’espace de choix alimentaire des ménages est restreinte. Cette espace est limitée à des maniocs, des patates et des maïs. La plupart des ménages sont privés d ’autres aliments à forte valeur nutritive. Ainsi, leur structure de consommation alimentaire est pauvre en protéines tant végétales qu ’animales.

Le manioc, la patate, le maïs sont classés parmi les aliments à faible valeur nutritive en macronutriments (protéines, glucides, lipides, protides). Ce sont donc des aliments pauvres en calories. Cependant, ces aliments contiennent des micronutriments mais à proportion faible. A titre de savoir, la patate douce est une excellente source de vitamine A, de la vitamine B6, du Manganèse, de la vitamine C, du cuivre. Le maïs contient du sodium, du magnésium, du phosphore, du potassium, du calcium, de manganèse, du cuivre, de zinc, d ’iode, des vitamines D, C, B1, B2, B3, B12 ou cobalamines.

En tenant compte de toutes ces compositions, la consommation excessive du manioc par les ménages ruraux n ’apporte pas de gain calorique. Elle est nuisible pour la santé. Alors

7 Le riz blanc est la forme de riz débarrassé de sa pellicule de son.

89 que la plupart des ménages ruraux en consomment presque 2 ou 3 fois par jour notamment en période de soudure. Cette prise en consommation est aggravée par des techniques culinaires traditionnelles, bouillies par l ’eau. Le même cas également pour la patate douce.

Il existe de nombreuses recettes possibles à base de manioc. Ce dernier pourrait-être consommé en frites, en beignets, en semoule, en purée. Une autre option est l ’utilisation de sa farine pour préparer des gâteaux. Le fait de changer des techniques culinaires rend les aliments plus nutritifs. Les pratiques de soins sont aussi des démarches à ne pas négliger. Le recours à des aliments de cueillette et de disette constitue aussi des stratégies d ’adaptation des ménages en période de soudure. Pour les aliments de cueillette, nous citons à titre d ’exemple les brèdes, les produits de la pèche, le rotra, les goyaves. Par ailleurs, nous citons à titre d’aliments de disette pour les ménages : les raketa avec leurs feuilles, les tamarins, les tubercules et les racines sauvages.

Figure 3 : Exemple type d’aliments de disette : le raketa

Non accès à des sources améliorées d’eau

L’eau est essentielle à la nutrition. La consommation en qualité et en quantité suffisante d ’e au assure le bon fonctionnement de l ’organisme. Par ailleurs, l ’eau intervient à toutes phases de cuisson des aliments. L ’aspect qualité de la sécurité alimentaire dépend en grande partie de la qualité de l ’eau utilisée. La salubrité des aliments en dépend fortement.

Concernant la Région Haute Matsiatra, seulement 20,6% de sa population totale ont accès à l ’eau améliorée. Cette proportion est inférieure à la moyenne nationale qui est égale à 44,9% (INSTAT, 2010). A Madagascar, la société JIRAMA est l ’unique distributeur de l ’eau

90 potable. Le CREAM (2013) estimait dans ladite région qu ’un peu plus d ’un habitant sur 5 accède à des sources contrôlées pour l ’eau à boire. A l ’issue de la proportion donnée par l’INSTAT (2010), nous déduisons que 79,4% des populations puisent leur besoin en eau dans des cours d ’eaux ou dans des eaux de puits de caractère insalubre. L ’eau émanant de ces sources est dépourvue d ’éléments organiques et minéraux favorables à la santé. De plus, ces types d ’eau ne se procèdent pas à des systèmes de filtration et de purification avant d ’être consommés.

Les enfants de petits âges et les patients sont très sensibles sur l ’utilisation de ces types d’eau. La consommation excessive et continuelle des eaux émanant des cours d ’eau et de puits aggravent l ’état de santé des patients. Elle rend leur maladie chronique. Il est donc difficile de la soigner d ’une manière radicale. En somme, la prise en consommation d ’eau non améliorée engendrait des troubles physiologiques de l ’organisme.

Comme illustration au régime alimentaire des ménages, ci-après les photos associées aux aliments de base et de substitution chez les ménages.

Figure 4 : Aliments de base et de substitution chez les ménages ruraux

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1. 2.4 Etat nutritionnel de la population

La faim : un problème d’insuffisance énergétique et un phénomène frappant dans la région

Compte-tenu de la structure de consommation alimentaire des ménages, la faim est un phénomène majeur constaté dans ladite région. La faim fait référence à un manque de calories. Ce phénomène est d ’ordre quantitatif, sans tenir compte de l ’équilibre nutritionnel engendré par la prise en consommation des aliments diversifiés. Le vouloir de déterminer précisément pour le cas d ’une personne frappée ou non par la faim amène la banque mondiale à fixer un seuil minimum de 2133 Kcal par jour. Au-dessous de ce seuil journalier, un individu est considéré comme victime de la « faim » ou tombé dans un état de « sous alimentation ». D ’une autre manière, ce seuil est une exigence à atteindre ou à surmonter pour ne pas souffrir de la faim. Quant à la région Haute Matsiatra, la proportion de la population n’atteignant pas le seuil minimum d ’apport calorique est de 51,6% (INSTAT, 2013). De cette proportion, plus de la moitié de la population de ladite région souffrent de la faim.

L’évaluation de ce type permettrait aussi d ’apprécier la pauvreté extrême de ladite région. Ce type de pauvreté est une situation dans laquelle vit un individu possédant un niveau de consommation agrégé en deçà du seuil alimentaire de 2133kcal / jour, soit 328 162 Ar/an (INSTAT, 2010). Selon même l ’INSTAT (2010), 70,3% de l ’ensemble de la population de la région Haute Matsiatra vivent dans la pauvreté extrême. Cette proportion est supérieure à la moyenne nationale qui est égale à 56,5%. Soit plus de 11 millions de personnes. Ce type de pauvreté a été pris aussi comme étant une pauvreté alimentaire.

Le phénomène de la malnutrition dans la région

Suite à un régime alimentaire déséquilibré des ménages, la malnutrition apparait comme un phénomène très frappant dans la région. Ce phénomène est donc à la fois d ’ordre quantitatif et surtout qualitatif. La malnutrition est un état dans lequel la fonction physique de l’individu est altérée. « La malnutrition est en général le fruit de l’association d’un apport alimentaire inadéquat et d’une infection » (UNICEF, 1998, p.14). Un individu malnutri ne peut plus assurer la bonne exécution de ses fonctions corporelles. Grosso modo, la malnutrition résulte de l’incapacité des organismes vivants à utiliser la nourriture pour le maintien de la vie et pour la croissance. La prise en consommation des aliments déséquilibrés

92 porte atteinte au fonctionnement normal de l ’organisme. La malnutrition est en fait, lors de la consommation alimentaire, le résultat d ’un apport mal équilibré en énergie, en micronutriments ou macronutriments.

Dans le cadre global, les enfants sont les plus touchés par le phénomène de la malnutrition. Le mauvais état nutritionnel des enfants dépend essentiellement du mode de vie des chefs de famille. A ce titre, les femmes jouent un rôle prépondérant en utilisant leurs avoirs financiers pour le bien être de leur famille. La prise en consommation des aliments diversifiés et équilibrés dépend aussi du choix et du comportement des femmes dans l ’achat de leurs aliments. Sans oublier, pendant la période de grossesse d ’une mère, la prise en consommation des aliments diversifiés et équilibrés influence positivement à la croissance du nouveau-né.

Pour une personne donnée, le phénomène de malnutrition peut s ’apprécier à travers l’inadéquation entre les variables poids et âge ; taille et âge ; poids et taille. 38% des enfants de moins de 5 ans de la région sont touchés de l ’insuffisance pondérale dont 11,1% sous forme sévère. L ’indice poids pour âge est largement utilisé pour le suivi régulier de l ’état nutritionnel de l ’enfant. Cet indice est sensible aux variations saisonnières. Le taux d’insuffisance pondérale de la région est supérieur à 6,4 points de la moyenne nationale qui est égale à 32,4% (INSTAT, 2013).

A part l ’insuffisance pondérale, la malnutrition chronique constitue un fardeau important de ladite région. Cette dernière figure parmi les régions les plus affectées de la malnutrition chronique à Madagascar. Ce phénomène affecte 65,2% des enfants de moins de 5 ans dont 28,5% sous forme sévère (INSTAT, 2013). Ce taux majore de 17,9 points par rapport au taux national égal à 47,3%. D ’autant plus, quant à la sévérité de la malnutrition chronique, la proportion enregistrée au sein de ladite régionale excède de 10,4 points à celle de nationale. Cette dernière s ’élève à 18,1% (INSTAT, 2013). La malnutrition chronique se traduit par l ’inadéquation de la croissance en taille par rapport à l ’âge de l ’individu. Ce type de malnutrition est caractérisé par le retard de croissance de l ’individu. Il pourrait être l ’effet d’une carence alimentaire depuis son enfance. La malnutrition chronique des enfants résulte aussi de la consommation moindre en aliments riches en macronutriments et en micronutriments de la mère pendant sa période de grossesse.

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Par ailleurs, une troisième forme que présente la malnutrition dans ladite région est l’émaciation. Cette dernière se caractérise, pour un individu donné, par une carence en poids par rapport à la taille. Le caractère amaigri de la personne est caractéristique de ce type de malnutrition. En général, l ’émaciation résulte d ’un déficit alimentaire et/ou de maladies récentes. Le taux de l ’émaciation dans la région est assez faible. Ce taux est égal à 4,7% dont 0,9% des enfants de moins de 5 ans souffrent d ’une émaciation sévère (INSTAT, 2013).

Mortalité des enfants de moins de 5 ans

La malnutrition, la faim prolongée ainsi que le non accès aux services de pédiatries et de santé de base expliquent la mortalité des enfants. Selon l ’INSTAT (2010), le taux de consultation au centre de santé dans la région Haute Matsiatra en cas de maladie est de 21,9%. Les ruraux sont les plus réticents à fréquenter les CSB en cas de maladies. Soit un taux d’accès de 18,5%. Par contre, le taux d ’accès aux centres hospitaliers dans le milieu urbain s’élève à 32,5%. L ‟INSTAT (2010) a recensé dans la région les motifs de non consultation suivants avec leur taux respectif. Le fait d ’une maladie qui n’est pas grave amène 36,9% de la population à ne pas fréquenter les CSB. Par ailleurs, 27% de la population régionale n ’ont pas accès au centre de santé à cause du problème financier. 11,5% de la population n ’accède pas au centre hospitalier à cause de l ’éloignement par rapport à leur milieu de résidence. Ces motifs détériorent l ’état de santé de la population. Le mauvais état prolongé de santé d ’un individu conduirait au décès.

Compte tenu de toutes ces causes, la mortalité infantile est un phénomène remarquable dans ladite région. Selon l ’INSTAT (EDS IV, 2009), le taux de mortalité néonatale est de 31‰. De ce taux, 31 nouveau-nés sur 1 000 n ’atteignent pas l ’âge de 1 mois. Par ailleurs, le taux de mortalité post néonatale est de 41‰. Ce dernier signifie que 41 nouveau-nés sur mille seront morts avant l ’âge de 1 an. En somme, le taux de mortalité infantile s ’élève à 72 ‰ l ’an. En outre, le taux de mortalité infanto-juvénile est de 103‰. Ce taux s’explique que 103 nouveau-nés n ’atteignent pas leur 5 ème anniversaire. Dans la région, les risques de mortalité infantile élevés conduiraient les ménages à décider d ’avoir plus d ’enfants pour augmenter l’assurance de la descendance.

Le paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire dans la région nous a permis d’axer primordialement notre analyse sur la non disponibilité alimentaire, source d’une consommation insuffisante en alimentation pour chaque individu.

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Section 2 : Analyse axée sur la non disponibilité alimentaire

L’insuffisance en alimentation caractérise la Région Haute Matsiatra. Cette insuffisance limite la consommation alimentaire de chaque individu. Elle maintient ce dernier dans un état de sous-alimentation et lui rend inactif dans l’économie. La présente analyse est une remise en question à la dimension « disponibilité » de la sécurité alimentaire au sein de la Région. Sans doute, le problème du non disponibilité alimentaire repose sur le côté de l’offre alimentaire à subvenir aux besoins croissants et diversifiants de la population.

2.1 Déséquilibre nourriture-population

La non disponibilité alimentaire au niveau de la région s’explique tout d’abord par le déséquilibre nourriture-population. Ce déséquilibre se traduit par un décalage entre l’offre alimentaire et la demande de la population. Le niveau de fécondité au niveau de la Région est élevé. Une femme peut avoir en moyenne 6,4 enfants jusqu’à la fin de son âge de procréation (INSTAT/EDS, 2009). Le tableau ci-après montre l’évolution des effectifs de la population au sein de la région allant de 2005 à 2013.

Tableau 4: Evolution des effectifs des populations de la Région

Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Effectifs 1155119 1187897 1221290 1144324 1076140 1105841 1136260 1168075 1200782

Source : INSTAT/Direction Haute Matsiatra (2013)

D’une vision globale, l’effectif de la population régionale n’a pas connu une variation trop importante. Dans l’espace de neuf (9) ans, autrement dit de 2005 à 2013, cet effectif est passé de 1.155.119 à 1.200.782. Soit un accroissement de 3,95%. La non fluctuation considérable de l’effectif de la population s’explique par la théorie Malthusienne (1776) de la population et de la famine. A cet égard, la famine et la malnutrition constituent de facteurs augmentant le taux de mortalité. Ce dernier annule approximativement le taux de natalité. La malnutrition chronique constitue un fardeau important pour ladite région. 65,2% des enfants de moins de 5 ans dont 28,5% sous forme sévère (INSTAT, 2013). La mortalité infantile au niveau de la région est considérable. Le taux y correspondant s’élève à 72 ‰ dont 31‰

95 correspondait à un taux de mortalité néonatale et 41‰ correspondait à la mortalité infantile post néo-natale 1. Pour bien détecter le déséquilibre nourriture-population, le tableau ci-après présente l’évolution de la production régionale selon le type de spéculation .

Tableau 5 : Production régionale selon le type de spéculation

Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Cultures

Paddy 236 776 243 880 250 980 307 690 356 920 392 575 331 315 366 517 222 726

Maïs 22 664 22 560 24 860 29 580 26 578 25 249 25 249 25 820 24 529

Manioc 533 087 536 750 536 750 543 260 548 155 563 540 619 895 636 018 507 850

Patate douce 231 097 233 070 235 060 237 060 238 905 240 907 240 907 242 583 -

Source : MinAgri / Service Statistique Agricole (2013)

En faisant rapport entre le tableau 4 et le tableau 5, face à l’augmentation de 3,95% de la population dans l’espace de neuf ans (2005 à 2013), la production rizicole a connu par contre une diminution de 5,93%. En effet, cette production ne permet pas d’assurer suffisamment les besoins croissants de la population en alimentation. Par ailleurs, sur l’échelle même de cette période, la production de manioc a connu une diminution de 4,73%. Or le manioc est le premier aliment de substitution au riz dans la région. L’analyse de la FAO (2013) et le rapport de la DRDR (2013) mentionnent la sécheresse comme étant le facteur déterminant de cette diminution de production agricole. Les ménages ruraux sont vulnérables à faire face à ce risque. Le manque des moyens financiers ne leur permet pas d’affronter et de se prémunir à ce type de risque. Le revenu agricole mensuel par ménage est égal à 94.580 Ar (INSTAT, 2010). La sécheresse exerce ses effets majeurs en l’année 2013. En conséquence, toutes les productions associées à chaque type de spéculation ont connu de fortes diminutions en l’année 2013.

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La sécheresse est due principalement aux pratiques agricoles paysannes. Le déboisement et le défrichement des couvertures végétales pour la mise en culture de nouvelles terres occasionnent la déstabilisation climatique. Ainsi, le retard de la pluie influence négativement à la production agricole. On assiste aussi au niveau de la région une forte pluviométrie manifestée par la pluie incessante qui conduit à un phénomène d’érosion du sol. Ce phénomène réduit la surface cultivable. De plus, il engendre des pertes des éléments nutritifs de la terre. Ces pertes conduiraient à une baisse de productivité du sol, par conséquent à un rendement faible par hectare.

A la lumière même du tableau 5, la production de maïs en 2013 a connu une diminution de 2,78 points par rapport à la production moyenne qui est égale à 25 232 tonnes. La période 2012 -2013 a enregistré une diminution de 5% de la production du maïs. Soit une perte de 1291 tonnes. Le maïs fait partie des aliments de substitution au riz pour les ménages en période de soudure. De même pour le manioc, l’année 2013 a connu une forte diminution de la production. Soit une perte de 128 168 tonnes par rapport à l’année 2012. La proportion de diminution associée à cette perte est de 20,15%. La production de patate douce n’a pas connu de fluctuation de 2005 à 2012. Le faible accroissement de la production de maïs (4,97%) dans l’échelle de neuf (9) ans ne peut pas satisfaire les besoins en alimentation des ménages, surtout en période de soudure. D’où la tendance de certains ménages à consommer des aliments de disette. Ce qui détériore leur état nutritionnel.

Comme explication également à ce déséquilibre, le cas de la Région Haute Matsiatra remet à jour la théorie de la rente différentielle de Ricardo. Le sous-paragraphe suivant fera l’objet de montrer la tendance humaine à subvenir aux besoins grandissants de la population.

2.2 Exploitation croissante des terres de moins en moins fertiles

Face à l’augmentation de la population, et pour nourrir la famille à charges nombreuses, la tendance des ménages consistent à mettre en chantiers des terres de moins en moins fertiles. Le tableau suivant montre l’évolution des terres cultivées d’une année à une autre allant de 2005 à 2008.

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Tableau 6 : Evolution des superficies cultivées (en hectare)

Années 2005 2006 2007 2008 Cultures Paddy 50 163 50 615 51 070 51 530 Mais 6524 6580 6640 6700 Manioc 19 463 19640 19800 19955 Patate douce 10192 10280 10370 10471 Source : CREAM/2013

Malgré l’effort progressif des ménages d’une année à une autre à étendre la superficie cultivée pour chaque type de spéculation, la production globale de la région reste toujours insuffisante à subvenir aux besoins de la population. Le total de superficie cultivée est de 111.071 ha représentant 22% de surfaces cultivables. Ces dernières sont égales à 503 905 ha (CREAM, 2013). A titre d’éclaircissement, le désir des ménages d’accroître la production leur conduit à mettre en chantier des terres de moins en moins fertiles. La culture sur brulis caractérise la région. L’exploitation se procède à priori par la pratique paysanne du déboisement et l’arrachement des autres couvertures végétales qui, pour le long terme, engendre des effets négatifs sur la production.

Dans la pratique, l’exploitation paysanne se fait par la mobilisation de forces de poignets amenant à un fort dégagement d’énergie. En définitive, le décalage nourriture – population s’explique du fait que le pouvoir multiplicateur de l’être humain est tellement plus grand que le pouvoir de la terre de produire des subsistances.

Face à la faiblesse de la production globale de la région, nous nous sommes intéressés sur la manière dont se distribue cette production. Indissociablement à notre étude, nous nous sommes également intéressés sur l’impact de cette distribution sur les prix des denrées alimentaires sur le marché. La variable population est toujours prise en considération dans notre analyse.

2.3 Facteurs distributifs des denrées alimentaires

Grace à l’insuffisance de la production agricole et compte-tenu du comportement atypique des ménages vis-à-vis de la production, les denrées alimentaires ainsi produites sont destinées en majorité des parties à l’autoconsommation. Certes, d’autres sont destinées à la vente, aux semences et aux stocks. Le tableau ci-après montre pour chaque type de

98 spéculation la proportion vendue, autoconsommée, réservée aux semences et celle destinée aux stocks. Tableau 7: Destination de la production des produits vivriers (% moyenne par rapport aux récoltes) : campagne 2012-2013

Produits Riz Manioc Maïs Patate douce Destinations Part vendue 14,8 25 22,1 10,6 Part autoconsommée 57,6 49,1 56,5 64,8 Semences 5,4 - 5,1 - Stocks 11,9 19,7 8,8 20,3 Autres destinations 10,2 6,2 7,4 4,3

Total 100 100 100 100 Source : MinAgri (2013)

A la lumière de ce tableau, une part importante de la production agricole est destinée à l’autoconsommation. Le riz enregistre un fort taux d’autoconsommation. 57,6% de l’ensemble de la production rizicole est destinée à l’autosubsistance. En effet, seulement 14,8% de cette production est destinée à la vente. Une partie de cette faible proportion rizicole (14,8%) est destinée à approvisionner la ville. Par conséquent, une hausse des prix a été constatée sur le marché. Cette augmentation s’explique par le simple jeu de l’offre et de la demande. L’offre rizicole est inférieure à celle de la demande de la population. La faible production vendue sur le marché s’explique également par la quantité de semence déduite de la production totale lors de la récolte. 5,4% de la production rizicole est réservée et réutilisée pour la prochaine culture.

La quantité stockée des denrées alimentaires est destinée à couvrir les besoins des ménages agricoles en cas de période de soudure précoce. Cette quantité est très faible pour le maïs. Soit une proportion de 8,8% de l’ensemble de récolte. Pour le manioc et la patate douce, les quantités stockées sont acceptables, avec respectivement de 19,7% et 20,3% de l’ensemble de la récolte. La quantité stockée de riz est faible (11,9%) alors que ce dernier constitue l’aliment de base de la population. Cette faible proportion rend les ménages plus vulnérables à la soudure précoce. Ces ménages sont à risque de souffrir la malnutrition d’une manière précoce. L’insécurité alimentaire est une manifestation conséquente de cette insuffisance en stock alimentaire.

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Outre la part vendue, autoconsommée, stockée, et celle destinée aux semences, une partie assez importante de la production agricole fait usage à des fins non économiques. A titre d’exemple : une grande partie de la production est destinée, à titre de don, au « lanonana » (fête). Une autre partie de la production est partagée au niveau social pour renforcer le fihavanana . Par ailleurs, une part de la production est destinée à partager, sous forme de cotisation en nature, en cas des évènements sociaux survenus que ce soient une fête, la circoncision et l’exhumation.

Toutes ces circonstances ont des répercussions négatives sur le prix des produits sur le marché.

2.4 Influence du déséquilibre nourriture-population sur les prix

L’insuffisance de la production alimentaire limite la consommation alimentaire des ménages ruraux. La soudure précoce a été constatée dans la région. Une partie de la part non autoconsommée par les ménages est destinée à la vente pour approvisionner la ville. Cette part est en quantité faible. Ce mécanisme de distribution de récolte nous conduit à s’interroger sur le prix des denrées sur le marché.

Grosso modo, la hausse généralisée du prix est due non seulement par le déséquilibre nourriture-population. Elle est due également à la consommation excessive des ménages ruraux et à la vente à bon prix des denrées alimentaires en période de récolte. De cet enjeu, les agents capitalistes tirent profits des échanges sur le marché. Ces agents mobilisent leur fonds et accumulent des produits sur le marché par l’opération d’achat. Les produits ainsi accumulés feront l’objet d’une vente en période de pénurie alimentaire. D’où la flambée des prix au détriment des consommateurs finaux.

Tableau 8: Evolution du prix du kilo de riz blanc décortiqué de 2005 à 2013

Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Niveau Régional (Haute 967 821 920 955 876 1041 1136 1133 1268 Matsiatra) (Ar) National (Ar) 939 870 1072 1116 1051 1087 1253 1246 1320 Source : OdR (2013)

Tant au niveau régional que national, le prix du riz a connu des fluctuations au cours de la période 2005 à 2013. La même tendance a été observée pour les deux niveaux en matière de prix. D’une vision globale, le prix du kilo de riz dans la région est faible par

100 rapport à celui enregistré par la nation. De 2005 à 2013, le prix du riz de la région a augmenté de 23,73 points. Soit une différence de 301 Ar. Pour cette même période, le prix au niveau national est passé de 939 Ar à 1320 Ar. Soit un écart de 381 Ar. Quant à la région, l’augmentation significative a été observée entre 2012 et 2013. Par rapport au prix moyen de la région qui est de 1013Ar, un écart de 255 Ar a été constaté en 2013. La flambée de prix en 2013 s’explique par la survenance de la sécheresse. Le retard ainsi que l’insuffisance de pluie lors de la saison culturale amènent à un fléchissement de la production.

Comme illustration, les variations des prix du riz conduiraient à une variation de consommation chez les ménages. La perte de la carte des droits d’accès à l’alimentation influence négativement sur l’état nutritionnel de l’individu. Quant à la variation de la production et les prix ainsi conséquents, la dimension « stabilité » de la sécurité alimentaire n’est pas atteinte.

Tableau 9 : Evolution du prix du kilo de maïs grain de 2009 à 2013

Années Niveau 2009 2010 2011 2012 2013 Régional (Haute 515 486 590 560 765 Matsiatra) (Ar) National (Ar) 600 556 622 641 821 Source : Observatoire du Riz (2013)

A l’issue du tableau 9, le prix du kilo de maïs grain au cours de la période 2009 à 2013 a connu des fluctuations tant au niveau régional que national. Le prix du kilo de maïs au niveau de la région est faible par rapport au prix moyen national. Une différence de 56 Ariary a été constatée en l’année 2013. Au niveau régional, le prix du kilo de maïs grain est passé de 515 Ariary à 765 Ariary au cours de la période 2009 à 2013. Soit une augmentation de 48,5% dans l’espace de 5 ans. Cette hausse influence négativement à la consommation alimentaire des ménages de la Région, notamment en période de soudure. Le maïs fait partie des aliments de substitution ou de complémentarité au riz en période de soudure. Le prix du kilo de 2012 à 2013 a connu une augmentation considérable. Soit un écart de 182Ar par rapport à la moyenne régionale.

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Tableau 10: Evolution du prix du kilo de manioc sec de 2009 à 2013

Années Niveau 2009 2010 2011 2012 2013 Régional (Haute 341 390 476 381 470 Matsiatra) (Ar) National (Ar) 465 441 528 497 578 Source : Observatoire du Riz (2013)

Le prix du kilo de manioc sec de 2009 à 2013 a connu de variations tant au niveau national que régional. Mais d’une vision globale, ce prix est passé au niveau régional de 341 Ar à 470 Ar dans l’espace de 5 ans. Soit une augmentation de 37,8%. La hausse significative du prix au niveau de la région a été observée en 2011 et en 2013. Par rapport au prix moyen régional qui s’élève à 412 Ar, un écart de 64 Ar a été constaté en référence au prix du kilo de manioc de 2011. Par ailleurs, l’année 2013 a enregistré un écart de 59 Ar par rapport à ce prix moyen. Les variations de prix à l’échelle régionale et nationale influencent négativement à la structure de consommation des ménages en période normale et surtout en soudure. Le manioc constitue le premier aliment de substitution et de complémentarité au riz au niveau régional. A la lumière du tableau 10, nous constatons que le prix national du kilo de manioc excède celui de régional. La région Haute Matsiatra est le grand producteur de manioc dans l’ensemble de la grande île. En comparant le prix moyen au niveau national (502 Ar) et celui de régional (411 Ar), un écart de 91 Ar a été constaté.

Conclusion du chapitre 3

La région Haute Matsiatra dispose d ’énormes potentialités surtout agricoles. Ladite région se caractérise par ses populations laborieuses. De plus, 83,9% de sa population travaillent dans le secteur de l ’agriculture (ONE, 2009). Par ailleurs, l ’âge moyen de la population active de la région est de 32,6 ans (INSTAT, 2013). Le rapport de masculinité dans le milieu rural de la région Haute Matsiatra est 102,6% contre 95,1% en milieu urbain. En outre, ladite région est dotée de divers types de sols adaptés à différentes cultures. Les sols ferralitiques renferment des éléments en fer et en aluminium. Ces composantes sont favorables aux cultures des conifères, d ’eucalyptus, du tabac, de manioc, de riz, de mais et d’arachides. La Région Haute Matsiatra est dotée d ’un climat de type tropical d ’altitude qui alterne deux saisons bien distinctes. La période fraîche et humide est favorable aux plantations des légumes. La période chaude et pluvieuse (l ’automne et l ’été) est favorable à la

102 maïsiculture, à la plantation d ’arachide, à la riziculture, à l ’haricot. Certes, la culture de contre- saison est aussi pratiquée par la population de la région. Cas pour le riz cultivé en zone de « tanety » et la culture de double saison.

Malgré ses énormes potentialités, l ’insécurité alimentaire sévit dans la région. La couverture alimentaire de la région dont le riz est réduite à 5 mois (FAO, 2013). La proportion de la population n ’atteignant pas le seuil minimum d ’apport calorique est de 51,6% (INSTAT, 2013). 38% des enfants de moins de 5 ans de la région sont touchés de l ’insuffisance pondérale dont 11,1% sous forme sévère. Le taux d ’insuffisance pondérale de la région est supérieur à 6,4 points de la moyenne nationale qui est égale à 32,4%. La malnutrition chronique constitue un fardeau important de ladite région. Ce phénomène affecte 65,2% des enfants de moins de 5 ans dont 28,5% sous forme sévère. Le taux de 65,2% de la région majore de 17,9 points à celui du national qui est égal à 47,3%. (INSTAT, 2013)

Cette situation paradoxale est due aux échecs des activités de l’agriculture. La pratique agricole paysanne par l’exploitation incessante des terres moins fertiles aboutit à la décroissance des rendements, source de déséquilibre nourriture-population. D’autant plus, la modalité de la croissance extensive ne permet pas de maximiser les produits de la terre. En conséquence, le pouvoir multiplicateur du capital terre ne permet pas de répondre aux besoins grandissants et diversifiants de la population. Il s’agit donc de l’insuffisance de l’offre alimentaire face à la demande croissante de la population. Le mécanisme engendré par le déséquilibre entre l’offre et la demande alimentaire aboutit à une hausse généralisée de prix sur le marché affectant par la suite les pouvoirs d’achat des consommateurs finaux.

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CHAPITRE 4 : ANALYSE AXEE SUR L’ACCESSIBILITE DES PAYSANS AUX FACTEURS DE PRODUCTION Introduction du chapitre 4

Les potentialités de la Région surtout agricoles, amènent les dirigeants à élaborer le PRDR. Les spécificités de la région ont été mises en valeur dans le cadre de son élaboration. Le PRDR a pour objectif de développer le monde rural afin d ’atteindre, entre autres, la sécurité alimentaire des ménages régionaux. Le PRDR ainsi élaboré est le fruit de nombreuses concertations nationales et régionales. Son élaboration fait aussi référence à des documents internationaux et nationaux comme le MAP, le PNDR, le PANSA. La mise en œuvre du PRDR fait appel à tous les acteurs régionaux dont les projets de développement œuvrant dans la région. Ces projets sont, pour la plupart, financés par les bailleurs de fonds étrangers.

Le présent chapitre analysera l’accessibilité des paysans aux facteurs de production agricoles. D’une manière globale, ll s’intéressera sur le mode de production paysanne qui est le produit de l’intervention des différents acteurs dans la région par la mise en œuvre du PRDR. Ce chapitre examinera aussi les échecs constatés lors de la mise en application du PRDR. Des contraintes et des problèmes ont été évoqués tout au long de cette mise en œuvre.

Ainsi, ce présent chapitre sera subdivisé en deux sections. La première concernera le PRDR et sa mise en application. La seconde portera sur le bilan de l’intervention des acteurs suivis de trois (3) ordres d’enseignement, tels sur le plan local, national et conceptuel. En somme, ce chapitre est un grand champ pour permettre d’évaluer les efforts déployés par les différents acteurs régionaux notamment ceux de l’AROPA qui contribuent au renforcement des capacités des ménages ruraux.

Section 1 : Le PRDR et sa mise en application

1.1 Spécificités du PRDR

La région Haute Matsiatra dispose de sa propre vision. Le bien-être humain a été pris en considération dans la fixation de cette vision. Le PRDR est un instrument d’opérationnalisation qui contribue de manière grandiose à atteindre cette vision. Cette dernière est un état de développement souhaité à parvenir. Le PRDR (2008) constitue de base pour les actions de développement dans le milieu rural de la Région. Les interventions des

104 acteurs de développement régionaux incluant les projets/programmes devraient s ’appuyer sur ce programme. Ce dernier édicte les objectifs en matière de développement rural ainsi que les axes stratégiques pour les atteindre.

1.1.1 Vision du développement rural

La région ainsi dénommée « Haute Matsiatra » est comme toutes autres régions. Elle dispose de sa propre vision. Cette dernière se traduit comme étant des objectifs à long terme visant à atteindre. Le PRD est le principal outil qui oriente et canalise toutes les actions des acteurs de développement régionaux vers un but commun. La conception et la mise en œuvre du PRD font intervenir toutes les forces vives de la région.

La vision de la région Haute Matsiatra est bien définie dans le PRD (2005). Cette vision porte sur le vouloir d’: - Une nature protégée et valorisée ; - Une population dynamique vivant et travaillant dans un environnement sécurisant ; - Une région misant sur ses atouts économiques et ses valeurs socioculturelles.

Découlant de cette vision, toute politique de développement de la région devrait prendre en soin l’environnement. Certes, si le développement est basé sur l’exploitation des ressources naturelles, le caractère rationnel de l’être humain dans l’exploitation sera exigé. L’activité de régénération devrait être envisagée, comme le cas de l’exploitation des ressources forestières.

En partant même de cette vision, le développement de la région veut atteindre via l’exploitation de leurs potentiels économiques et socioculturels. L’objectif de la sécurité alimentaire est aussi intégré dans cette vision : une population bien nourrie par l’exploitation des potentiels terres et ressources naturelles. Une personne bien-nourrie est active dans l’économie. Par conséquent, elle est productive. Sans oublier, les dirigeants de la région, quant à la fixation de cette vision, axent leur préférence sur le processus de l’auto- développement. C’est le vouloir d’une région qui s’autofinance, s’auto-approvisionne en nourriture. Ainsi, le stock alimentaire serait souhaité constamment à un niveau disponible et par la suite à un niveau d’excédent face à la variation de la population. La vision de développement rural régional s’est fixée à l’issu de la vision régionale dans son ensemble. La vision du monde rural est aussi intégrée dans le PRD (2005). Elle porte sur :

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- Une nature protégée et valorisée ; - Un monde rural sécurisé, une population jouissant de ses biens et des produits (en surabondance) de ses activités ; - Une région prospère qui fait sien le défi de l’ouverture au marché local et d’exportation.

Le bien-être humain est en ultime considération dans cette vision. Une nature protégée et valorisée permet à l’homme de survivre longtemps, et dans un environnement sain. En outre, la région est souhaitée de devenir un grenier alimentaire national et capable d’exporter ses produits. A ce titre, l’opération d’exportation constituerait pour la région une importante source monétaire, donc d’une entrée en devise.

L’élaboration du PRDR (2008) doit en référence de la vision du monde rural. Aussi, le PRDR est élaboré suivant les potentialités et les spécificités de la région. Certes, ladite région fait partie de l’une des 22 régions formant Madagascar. En conséquence, l’élaboration du PRDR devrait se fonder sur la politique du pays mère de la région. En fait, l’élaboration du PRDR se fait et suit en amont et en aval de la structure hiérarchique de la nation. Cependant, dans la plupart des cas, la politique nationale est élaborée en harmonie et en cohérence avec les documents de référence internationaux.

1.1.2 Les référentiels du PRDR

Madagascar fait partie des pays membres de l’ONU. En 2000, lors du Sommet du Millénaire ayant réuni l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement au siège des Nations Unies (à New York), Madagascar a déclaré de suivre les OMD. En conséquence, les objectifs de développement dudit pays ont été formulés en référence à ces OMD. Ces derniers sont au nombre de huit (8) dont entre autres, la réduction de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population souffrant de la faim. Par ailleurs, l’Objectif 4 de l’OMD concerne la réduction de deux tiers, entre 1990 et 2015 le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. L’objectif 7 se consacre à assurer un environnement durable.

Le DSRP constitue aussi un document cadre dans l’élaboration du PRDR. Durant le deuxième semestre de l’année 2000, Madagascar a entamé le processus d’élaboration de Document cadre de lutte contre la Pauvreté. Ce document porte le nom de Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté ou le DSRP. L’élaboration de ce document a été effectuée sur la base d’un processus participatif intégrant les pauvres aussi bien dans les

106 réflexions au niveau national que local (régions et communes). Ce processus appelle à la participation d’une large représentativité de toutes les forces vives de la Nation. Dans le cadre de la stratégie de réduction de la pauvreté, le milieu rural est tout particulièrement concerné. Cela est due, d’une part, au caractère préoccupant de la pauvreté dans les campagnes. D’autre part, les objectifs de croissance économique et de réduction de la pauvreté ne seront pas atteints sans une relance de la production agricole. Dans la mise en œuvre du DSRP, trois objectifs majeurs ont été fixés. Le premier consiste au passage d’une économie de subsistance à une économie de marché. Le second s’oriente sur le prolongement de l’économie rurale vers l’économie industrielle et l’économie de service (tourisme, crédit agricole), etc. Le troisième objectif consiste à augmenter des exportations.

Le MAP est un prolongement du DSRP. Il s’agit d’un plan quinquennal fixant les objectifs de développement et les priorités nationales pour les années 2007 à 2012. Le MAP constitue le cadre de référence national pour tous les plans, les programmes et les projets sectoriels nationaux, les programmes régionaux. Le PNDR est ainsi appelé à se conformer à cet outil. Le PNDR (2006) contribue à l’atteinte des objectifs que le MAP s’est fixé. Le MAP contient huit (8) engagements. A ce sujet, l’engagement 4 porte spécifiquement sur le « Développement Rural ». Cet engagement est accompagné de six défis majeurs à relever : (i) sécuriser la propriété foncière ; (ii) améliorer l’accès au financement rural ; (iii) lancer une Révolution Verte durable ; (iv) promouvoir les activités orientées vers le marché ; (v) diversifier les activités agricoles ; (vi) accroître la valeur ajoutée agricole et promouvoir l’agrobusiness. L’objectif vise à promouvoir le développement rural et à lutter contre la pauvreté. La finalité de la révolution verte est d’obtenir une forte augmentation des rendements et de la production en un laps de temps relativement court. Et ce, de manière à assurer la sécurité alimentaire en denrées de base et de pouvoir exporter un surplus. Les piliers de la révolution verte tournent autour de la mécanisation agricole et de l’utilisation de nouvelles techniques agricoles. L’augmentation substantielle de la production et celle de la productivité assureront la sécurité alimentaire et dégageront des surplus exportables. L’objectif national de production de paddy fixé dans le MAP pour la période de 2005 à 2012 s’élève à 3.420.000 à 7.000.000 tonnes.

Le PNDR constitue aussi un référentiel de base du PRDR. La fixation des principes directeurs ou défis régionaux ont été toujours en rapport avec les orientations du PNDR. L’élaboration du PNDR se réfère fondamentalement à la vision « Madagascar

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Naturellement » et au DSRP. Le PNDR se spécifie au développement rural. Cinq (5) grandes orientations caractérisent le PNDR : (i) promouvoir la bonne gouvernance dans le secteur du développement rural ; (ii) faciliter l’accès au capital et aux facteurs de production ; (iii) améliorer la sécurité alimentaire et augmenter la production et la transformation agricole ; (iv) valoriser les ressources naturelles et préserver les facteurs de production ; (v) développer les marchés et organiser les filières. Ces orientations concourent à l’atteinte des objectifs du PNDR :

- au plan social : une pauvreté réduite de 50%, un niveau d’instruction relevé et une santé améliorée. - au niveau infrastructure : la mise en place de silos communaux et régionaux, de marchés centraux, d’agro-cities, de pôles de développement, de terminaux portuaires et aéroportuaires spécifiques (entrepôts frigorifiques) et de zones franches spécifiques. Les réseaux hydro agricoles seront réhabilités. - en ce qui concerne l’environnement de la production, une labellisation de la production, une flexibilité du système de transaction de crédit aux conditions locales de production, l’accès au capital et aux facteurs de production, une fiscalité incitative et modulable pour tous les secteurs, une sécurité rurale, l’articulation des acteurs en groupes d’intérêts et de conseils. - concernant le cadre de vie, la réduction voire la suppression du fossé ville –campagne, la régénération des ressources naturelles. - Valoriser les ressources naturelles et préserver les facteurs naturels de production.

En 2010, les objectifs quantitatifs sont : le doublement de la production agricole et des exportations agricoles, le développement de la production agro-industrielle non alimentaire de 50%.

Le cadre d’élaboration du PRDR s’appuie aussi sur le PANSA . L’atteinte des objectifs nationaux en matière de sécurité alimentaire dépend de la participation et de la coordination de l’ensemble des forces vives de l’Etat. La contribution des différents acteurs locaux, régionaux est primordiale pour atteindre ces objectifs. Comme objectifs, le PANSA (2005) vise principalement :

- un degré d’auto-approvisionnement proche de 100% pour les denrées de base. L’équilibre offre/demande pouvant s’appuyer sur un commerce extérieur dynamique pour le

108 riz notamment (exportation et importation simultanées). Il s’agit d’opérer dans le court et moyen terme un renversement de tendance au niveau de la dégradation continue des consommations moyennes en calories, protides (légumineuses et produits animaux) et lipides (huiles alimentaires en particulier), et d’assurer une croissance annuelle de la production proche de celle de la demande dans le long terme, pour toutes les denrées de base. - une concrétisation des options régionales dans les objectifs de SAN (Sécurité alimentaire et Nutritionnelle). En effet quels que soient les efforts consentis dans l’amélioration du réseau de transport terrestre, certaines régions resteront enclavées en 2015. Il sera donc nécessaire de définir des politiques régionales de SAN car le marché ne sera pas en mesure de résoudre les problèmes de stabilité des approvisionnements ; - un abaissement, à l’horizon 2015, de 50% des effectifs de personnes vulnérables, particulièrement chez les enfants et les femmes, en mettant en place des opérations très ciblées et en recherchant la plus grande complémentarité possible avec la politique nutritionnelle.

Le PANSA repose sur six (6) axes politiques :

– Première axe politique : Développer une politique de régionalisation de la production agricole. – Deuxième axe politique : Renforcer les services d’appui aux producteurs agricoles. – Troisième axe politique : Renforcer les capacités humaines à tous les niveaux. – Quatrième axe politique : Promouvoir une politique de stabilisation des marchés. – Cinquième axe politique : Garantir l’accès alimentaire aux plus vulnérables. – Sixième axe politique : Promouvoir une politique d’information et de suivi d’impact.

A part le PANSA, l’élaboration du PRDR se réfère aussi aux objectifs fixés dans la PNN ainsi que le PNAN . La malnutrition se réfère, à titre de rappel, à l’aspect quantité et qualité de l’alimentation. La diversification des activités de production agricoles contribue à l’atteinte des objectifs de SAN. Le gouvernement Malgache a adopté le 20 Avril 2004 par le décret N°2004-496 la PNN. La concrétisation de cette dernière s’effectue par la mise en œuvre du PNAN. Ce plan a été élaboré par une équipe multidisciplinaire. Il implique les principaux acteurs du gouvernement, les ONG, les partenaires multilatéraux et bilatéraux. La mise en œuvre de PNAN est caractérisée par deux phases. Le PNAN I correspondait à la période de 2005 à 2009. Le PNAN II court la période de 2012 à 2015. De façon globale, la PNN vise

109 d’ici l’an 2015 à réduire de moitié la malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans. Soit de 48% (EDS, 2003) à 25%. Par ailleurs, la PNN a aussi pour objectif de réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans : de 139 décès pour 1000 naissances vivantes à 111 pour mille et à 56 pour mille en 2015. De ces objectifs, le PNAN a pour but d’assurer pour la population Malgache le droit tout entier à une nutrition adéquate en vue d’améliorer la survie des enfants. Il permet aussi d’atteindre un développement maximal de potentialités physiques et intellectuelles des enfants. En outre, la promotion de la santé et le bien-être des mères et des adultes ambitionnent également les acteurs de développement dans la mise en œuvre du PNAN. Cette mise en application s’effectue par la synergie des interventions multisectorielles.

En somme, le PRDR est un outil complexe et synthétique. Ce programme est élaboré à la lumière de tous les référentiels entamés auparavant. Ce programme contribue d’une manière grandiose à l’atteinte des objectifs nationaux et régionaux de développement. Etant donné la complexité du PRDR, ce dernier dispose des objectifs clairs et hiérarchisés. Pour la réalisation de ces objectifs, des axes stratégiques ont été définies dans le PRDR.

1.1.3 Objectifs du PRDR et axes stratégiques Le PRDR est un produit de nombreuses politiques nationales et internationales. Indubitablement parlant, ce programme est apprécié comme étant l’aboutissement de nombreuses réflexions et efforts de toutes les forces vives représentatives de la nation. La réussite ou l’échec constaté lors de la mise en œuvre de ce programme reflète la santé économique de la Région. Le PRDR joue un rôle primordial dans l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire.

L’objectif global du PRDR consiste à augmenter les ressources, les opportunités et les profits tout en diminuant les menaces et les contraintes, au niveau de chaque ménage rural, de manière à lui permettre de satisfaire ses besoins fondamentaux. L’atteinte de l’objectif du PRDR nécessite comme, exigence, la gestion et la maitrise de tout environnement formant l’économie.

Certes, des objectifs spécifiques ont été fixés visant à atteindre l’objectif global, à savoir :

- Préserver, valoriser, et le cas échéant créer des réserves stratégiques de biodiversité, des réserves stratégiques d’eau, des sites de tourisme rural, écologique et culturel ;

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- Augmenter la production alimentaire de base (Riz, plantes à tubercules, viande, etc.), de manière à dépasser de 25 % par an les besoins alimentaires de la Région ; - Etendre et renforcer les filières agricoles commerciales et/ou industrielles en adoptant la démarche « 1 commune au moins 1 culture commerciale » ; - Renforcer, et le cas échéant instituer, des partenariats ou des modules d’accompagnement de proximité, notamment à travers le réajustement et la décentralisation des ressources et des moyens, et de manière à intervenir en appuis directs auprès des acteurs communaux.

Pour atteindre tous ces objectifs, des axes stratégiques sont fixés par le GTDR. Chaque axe correspond à une orientation. Dans le cadre du PRDR, cinq (5) orientations ont été fixées. Elles constituent de guide pour l’action de développement. Ces orientations concernent :

1- La promotion de la bonne gouvernance au sein du secteur de développement rural ; 2- La facilitation de l’accès au capital et aux facteurs de production ; 3- L’amélioration de la sécurité alimentaire et l’augmentation de la production ainsi que la transformation agricole ; 4- La valorisation des ressources naturelles et la préservation des facteurs naturels de production ; 5- Le développement des marchés et l’organisation des filières.

A chaque orientation, sa propre portée. Quant à la deuxième orientation, les axes stratégiques concernent non seulement la facilitation d’accès des producteurs et des investisseurs à la terre. Mais, elles concernent également l’introduction des mécanismes d’organisation, de gestion et de développement des infrastructures. Ensuite, le développement, la pérennisation du financement, la facilitation de l’accès à l’amélioration du matériel et de l’équipement, la promotion de l’électrification rurale constituent des moyens ou stratégies d’atteindre la deuxième orientation.

Quant à la deuxième orientation, l’amélioration de la sécurité alimentaire et l’augmentation de la production et la transformation agricole nécessitent comme stratégies :

- L’amélioration de la productivité agricole ; - la diversification de la production et de l’alimentation ; - l’assurance d’une stabilité et d’une permanence des approvisionnements alimentaires ; - la préparation aux urgences ;

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- la transformation des produits.

En somme, le fait d’atteindre les objectifs du PRDR est avant tout une question de « notion ». La connaissance et la différenciation des moyens-fins, un objectif global et un objectif spécifique, un but et une finalité sont nécessaires. Une synergie d’action entre les différents acteurs de l’économie et notamment la gestion et la maîtrise de tout environnement : économique, politique, juridique, écosytémique, social, constituent de bons chemins visant à atteindre les objectifs du PRDR.

1.2 Les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du PRDR

Face au contexte évoqué précédemment, le PRDR incite la mobilisation et la responsabilisation de toutes les parties prenantes d’une économie. Un système d’évaluation des efforts individuels est nécessaire pour apprécier la part contributive de chaque acteur dans le développement.

Les acteurs de mise en œuvre du PRDR varient selon le type d’activité de développement entrepris. Les acteurs sont classés selon la fonction qu’ils adoptent dans la mise en œuvre d’une activité. En conséquence, trois types d’acteurs existent : les acteurs de pilotage, les acteurs d’appui, les acteurs d’exécution. Comme illustration, une activité de réhabilitation des infrastructures hydro-agricoles est toujours pilotée, présidée par la DRDR. Les projets de développements régionaux en appuient au cas où cette activité s’inscrit dans le cadre de leur intervention ou de leur motivation. La CIRDR et les gens de la commune, par exemple, assurent l’exécution des travaux afférents à cette activité.

Certes, en matière de développement rural, des acteurs disposent de fonctions prépondérantes à savoir : le DRDR, le FOFIFA, la DREF, l’ORN, le GTDR, les IMF comme le TIAVO, les projets et programmes de développement.

E La Direction Régionale de Développement Rural ou DRDR : c’est le représentant du ministère de l’agriculture et de l’élevage au niveau de la région. Elle a pour mission de promouvoir le développement rural de la région. Elle assure aussi la coordination des actions de développement et représente le ministère vis-à-vis des autorités locales, du Personnel du ministère et des partenaires. D’une manière globale, toute activité de développement est presque pilotée par la DRDR. Cependant, il existe dans certaines activités des acteurs de Co-

112 pilotage (avec la DRDR). Une des activités de pilotage ne relevant pas l’activité de la DRDR est l’institutionnalisation du « Dina ». C’est le GTDR en assure. E La Direction Régionale de l’Environnement et des Forêts (DREF) assure l’exécution des actions relatives à la gestion des ressources forestières telles qu’elles sont mentionnées dans la politique sectorielle forestière de l’Etat. Du coté de l’environnement, l’ANAE, et le MNP (Madagascar National Park), en tant qu’agences d’exécution du programme Environnemental, interviennent dans la gestion des sols et des aires protégées. E Le FOFIFA ou Centre National de Recherche Appliquée au Développement Rural représente le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Enseignement Supérieur. Le FOFIFA appuie les paysans par le biais des recherches des méthodes et des techniques agricoles améliorées. E L’Office Régional de Nutrition intervient dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages. Cette intervention s’effectue à travers l’amélioration des mécanismes de survie des populations vulnérables de la communauté qui sont les plus exposées à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. Cet office apporte aussi de soutiens dans la prévention de la survenue de la crise nutritionnelle et l’atténuation des conséquences engendrées par les aléas, les risques et les catastrophes. E Le T.I.A.VO est une association d’épargne et de crédit œuvrant dans la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du niveau de vie de la population. Ses interventions concernent surtout le domaine agricole notamment dans la mise en place des greniers communautaires.

Les projets et programmes de développement (comme l’AROPA, le PURSAPS) interviennent dans la région dans la coréalisation avec le DRDR des objectifs du PRDR. En fait, l’intervention du projet de développement dans la région résulte de la coopération et de la négociation avec le gouvernement Malgache.

1.3 Intervention du Projet AROPA

Le projet AROPA, Appui au Renforcement des Organisations Professionnelles et aux Services Agricoles, est sous tutelle du Ministère de l’Agriculture Malgache. Ledit projet est plus particulièrement rattaché à la Direction de l’Appui et à l’Organisation des Filières de ce Ministère. L’intervention de ce projet s’inscrit dans le cadre de la Coréalisation des objectifs fixés dans le Plan National pour le Développement Rural (PNDR). Le projet AROPA est financé par le FIDA (Fonds International de Développement Agricole.), œuvré pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté.

113

Le projet AROPA est entré en vigueur à Madagascar le 13 Janvier 2009 pour une durée de 9 ans. Ce projet est caractérisé par sa large envergure dans la grande île. Il intervient dans les quatre régions, à savoir Amoron’i Mania, Haute Matsiatra, Ihorombe, Anosy et Androy. Les Districts cibles du projet sont Ambositra, Fandriana, Manandriana, Ambohimahasoa, Lalangina, Vohibato, Isandra, Ambalavao, Ihosy, Iakora, Betroka, Amboasary, Atsimo, Taolagnaro Bekily et Ambovombe Androy.

L’objectif de l’AROPA est de « renforcer les organisations professionnelles agricoles pour améliorer les revenus et réduire la vulnérabilité des petits producteurs en particulier les plus pauvres d’entre eux, en facilitant leur accès à une offre de services et à des équipements adaptés à leurs besoins » (AROPA, 2014, p.8). Cet objectif global se décline en trois objectifs spécifiques :

E Renforcer et professionnaliser les organisations des producteurs de façon à améliorer leurs compétences en vue d’une valorisation durable des systèmes d’exploitation et à faciliter leur intégration dans l’environnement économique; E Faciliter l’accès des producteurs à une offre de services agricoles adaptée à leurs besoins avec la mise en place de mécanismes d’intermédiation facilitant la rencontre de la demande et de l’offre de services ; E Améliorer le niveau de production et de commercialisation des produits dans le cadre de filières prioritaires par la mise en place des mécanismes financiers permettant aux producteurs d’accéder à des ressources pour le financement des services agricoles et des activités productives.

Les deux principaux bénéfices à tirer du projet sont :

Augmentation du revenu annuel par famille bénéficiaire

Le revenu moyen par famille bénéficiaire, estimé à 300 USD (600 000 Ariary) par an au début du projet, devra être quadruplé à la fin du projet, soit 1.200 USD ou 2.600.000 Ariary. Ce changement, survenu après la revue interphase, se base sur l’estimation du montant annuel par personne au seuil de la pauvreté (234 USD ou 468 800 Ariary selon la lettre d’information des Nations Unies à Madagascar, édition 00 de juin 2011) et la taille de moyenne des ménages (5 personnes).

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Création d’emplois directs par les prestataires et OP

Les activités et les filières appuyées par le projet conduiraient à la création d’un nombre d’emplois directs passant (en nombre cumulé annuel) de 100 (en année 2) à 2200 (en année 9). La création d’emplois destinés aux femmes est estimée à environ 60% du total.

La mise en œuvre du projet comporte 3 phases successives dont une phase pilote de 3ans qui court de 2009 à 2011, puis une phase d’intensification de 4 ans allant de 2012 à 2015 et enfin une phase de désengagement pour une durée de 2 ans : entre 2016 à 2017. Pour ce projet, les enjeux et défis pour 2013 consistaient à : (i) produire des résultats tangibles sur le court terme (Production et revenu) tout en s’assurant de l’atteinte des objectifs à long terme (structuration et professionnalisation) ; (ii) avancer davantage dans la professionnalisation et spécialisation des Organisations des producteurs ; (iii) mettre en œuvre la gestion axée sur les résultats et se focaliser sur les impacts.

L’impact attendu du projet est la sortie de la pauvreté indiquée par l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la résilience, l’augmentation du revenu et l’amélioration du bien- être des EAF (Exploitant Agricole Familiale) bénéficiaires. A l’issue du projet et dans l’ensemble de la grande île, 75.000 familles rurales ou EAF devraient être bénéficiaires directs de l’amélioration de leurs revenus par l’accès aux services agricoles et financiers et par la mise en œuvre de microprojets de diversification et d’investissement productif durable. A ce titre, quant à l’intervention, le projet portera également sur le renforcement des capacités du personnel et de l’organisation. Ce sont (i) les OPA (Organisation Professionnelle Agricole), l’Organisation Paysanne Faitière comme le TT (Tranoben’ny Tantsaha) qui seront parties prenantes au projet (que ce soit au niveau national, régional et districal) ; (ii) ainsi que des prestataires de services susceptibles de répondre aux besoins des populations rurales concernées au travers des 15 CSA (Centre de Services Agricoles) appuyés par le projet.

Dans l’ensemble, les bénéficiaires directs visés par le projet sont : 75000 EAF ; 1000 OPB; 1150 prestataires de services. Le projet vise un accroissement de revenu annuel moyen par famille. A cet égard, une rentrée monétaire qui passera de 300 dollars (600.000 Ar), en début de projet, à 1200 dollars (2 600 000 Ar) en fin de Projet.

Dans l’ensemble de la grande île, les objectifs fixés pour l’année 2013 sont : 40.000 EAF bénéficiaires, dont 30.000 EAF pour la zone centre et au moins 10.000 EAF pour la zone sud avec un revenu moyen annuel supérieur ou égal à 420 USD/EAF soit environ 980.000 Ar.

115

Par ailleurs, la création de 800 emplois directs à travers le développement des filières a été posée comme objectif de 2013.

Stratégie du projet

Le projet soutient une démarche d’inclusion des exploitant(e)s les plus pauvres, dont les femmes et les jeunes, dans les dynamiques de développement agricole. Le projet accompagne aussi le développement de projets professionnels portés par des Organisations Paysannes autour des filières porteuses. Pour le développement des services et appuis, le Projet procède à la sélection de « filières prioritaires » adaptées, au développement d’offres de services financiers et non financiers prenant en compte les besoins des plus pauvres et à l’accès à l’information et à l’innovation. La durabilité des acquis sera assurée par le renforcement des institutions et l’autonomisation, l’adaptabilité des prestataires de services et le déclenchement tôt de la PATAS (Pérennisation des Acquis, Transfert des Avoirs et des Savoirs).

Composantes et niveau d’intervention

Le projet comprend quatre composantes :

∑ Composante 1 : Appui à la structuration des OP et à la professionnalisation des producteurs.

Cette composante est axée sur le renforcement d’OP, à la structuration de la demande paysanne de services et à la construction de projets professionnels (niveau local et district). Elle est axée aussi à l’appui à la structuration professionnelle régionale (OPR et TTR). A travers cette composante, les EAF ont bénéficié des formations techniques adéquates à leurs exploitations. Ces formations augmentent la technicité et la productivité des facteurs de production (terre, eau, force de travail). Par ailleurs, l’AROPA aide les paysans à se regrouper en association (OP) afin de trouver des mécanismes pérennes et viables d’approvisionnement en intrants agricoles. Ce projet aide aussi les paysans à négocier en groupe des marchés rémunérateurs pour vendre leurs produits dans de meilleures conditions. Par ailleurs, dans le cadre même de cette composante, le projet aide les paysans à trouver des subventions d’équipement, des financements. Soit par l’affiliation aux IMFs, soit par le MCV (Mécanisme Ciblant le Vulnérable : pour les EAF3 8) pour les aider à capitaliser, soit par la

8 Les EAF3 sont les groupes de ménages les plus vulnérables.

116 combinaison des financements FRDA (Fonds Régional de Développement Agricole), IMFs ou par le financement MCV (pour les EAF3).

Dans cette même composante, le projet appuie l’OPR (Organisation Paysanne Faitière au niveau Régional) au montage et à la mise en œuvre de leurs projets professionnels liés aux filières prioritaires régionales. En plus, il accorde des appuis aux TTR (Tranoben’ny Tantsaha Régional) sur l’organisation des évènementiels régionaux pour favoriser la rencontre entre Producteurs et Opérateurs de marchés. En outre, l’appui du projet concerne aussi le développement de partenariat paysan et leur environnement économique qui lui offre plus d’opportunités. ∑ Composante 2 : Développement de l’intermédiation et des marchés des services :

Dans cette composante, le projet assure le renforcement technique, l’appui matériel et financier des 15 CSA. De plus, son appui concerne au renouvellement des membres des COPILO. Par ailleurs, le projet donne appui au renforcement des PS (Prestataire de Service) sur le montage de dossiers, la formation en référentiels technico-économique des filières agricoles prioritaires, et sur l’agrément des PS.

∑ Composante 3 : Appui au financement de la production et des services agricoles

Cette composante d’activités est centrée sur les appuis aux filières. A ce titre, le projet vise à améliorer le niveau de production et de commercialisation des produits par la mise en place de mécanismes financiers permettant aux producteurs d’accéder à des ressources pour le financement des services agricoles et des activités productives. De plus, le projet AROPA appui à la mise en place d’un FRDA. Il finance aussi les services et les activités productives au niveau régional et local. Ce financement s’est effectué par les FRDA, les MCV, les IMF.

Le montant total prévu sur PTBA (Programme de Travail et de Budget Annuel) 2013 (sur les 5 Régions) s’élève à 3 238 485 000 Ariary. Alors que la réalisation est 2 504 957 678 Ar. Soit un taux de 85%. Les fonds émanant de la FRDA sont destinés à financer les biens et les services en faveur de chaque région tels que les semences, les petits matériels agricoles, les engrais, les NPK, etc. Le total des fonds mobilisés par le FRDA, à titre de l’année d’exercice 2013 (pour les 5 Régions), s’élève à 1 043 978 873 Ariary. Il y a également le MCV avec pour fonds total décaissés pour les 5 régions s’élèvent à 1 232 939 100 Ariary. Ces fonds sont destinés à l’appui des EAF3 en intrants : semences, etc.

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∑ Composante 4 : Appui à la politique nationale de services aux agriculteurs

Dans cette composante, le projet a renforcé les capacités des OPF, la TTN et le TTR afin qu’elles puissent répondre en quantité et en qualité aux besoins de développement des EAF/OPB et OPR membres. Pour la région Haute Matsiatra, le RESEAU SOA est le producteur de semences certifiées. Ce producteur bénéficie l’aide du projet.

La mise en œuvre de toutes ces composantes se fera en deux niveaux : le niveau régional et districal, le niveau local et national.

Intervention du projet dans la Région Haute Matsiatra et appuis

Le projet AROPA intervient sur 15 districts répartis dans 5 régions du sud, à savoir : Anosy (3 Districts dont 41 communes), Androy (2 Districts avec 12 Communes), Ihorombe (2 Districts avec 15 Communes), Amoron’i Mania (3 Districts avec 46 Communes), Haute Matsiatra. Sur cette dernière, le projet s’opérationnalise dans 5 Districts contenant de 51 Communes. Objectivement parlant, par rapport au nombre de districts et de communes intervenus, la région Haute Matsiatra constitue un grand champ d’intervention du projet AROPA. Une démarche spécifique à ce projet est la détermination des EAF bénéficiaires. A ce titre, ledit projet a initié le Mécanisme Ciblant les Vulnérables (MCV). Une enquête sur les revenus et le recensement des emplois de la population des zones intervenues œuvre pour sa réalisation.

Afin d’assurer une sécurité alimentaire et de générer des revenus aux EAF vulnérables, le projet diversifie les filières développés. Dans les cinq régions suscitées, le projet appuie et accompagne autour de 13 filières dont : le riz, le maïs, le café, le poisson, le poulet gasy, la pomme de terre, le haricot, l’oignon, l’arachide, le CUMA, le porc, le miel, et le litchi. La logique d’intervention du projet est la fonction de besoins et le niveau d’accès des ménages aux services agricoles. Les ménages ont bénéficié de conseils techniques, économiques et organisationnels correspondant à leurs services financiers via les mécanismes développés par le Projet.

Quant à l’appui de l’AROPA, pour l’année 2013, la Région Haute Matsiatra a reçu pour la filière riz 1 tonne de NPK pour l’OPR CRAM en collaboration avec le RESEAU SOA, producteur de semence certifiée de la Région. Par ailleurs, l’OPR FIKOVAMA a reçu 400 Kg de NPK. Par ailleurs, 07 barrages hydro agricole sont aménagés, 590 Ha sont des

118 superficies emblavées, 11417 m de canal en terre sont aménagés. De plus, 79m de bâche a été obtenu via le canal FRDA. Le projet a octroyé aussi des engrais aux EAF3 9.

Quant à la filière arachide, le projet a remis comme donation 1494 Kg de semences. De plus, un octroi de 1260 Kg de NPK a été accordé au bénéfice de FIKOVAMA. Par ailleurs, le projet distribue de 1345 Kg de semences d’haricot pour les ménages vulnérables. En outre, 8 périmètres irrigués ont été réhabilitées via le projet.

Compte tenu les appuis du projet sous différentes formes et les enjeux permanents de la DRDR dans la promotion du développement, nous nous sommes intéressés plus particulièrement sur le bilan de ces interventions. Cependant, nous raisonnons toujours dans la logique d’un « système », un ensemble dont les éléments sont interdépendants entre eux. D’autres acteurs interviennent d’une manière directe ou indirecte au processus de développement rural. A cet effet, nous nous sommes intéressés sur les impacts des synergies d’action des différents acteurs ou agents économiques présents dans la Région. Plus concrètement, la section suivante porte tout d’abord sur l’évaluation des efforts entrepris par les différents acteurs de l’économie plus particulièrement la DRDR et l’AROPA. De plus, cette section analyse les contraintes conduisant au non accomplissement des objectifs fixés en matière de production alimentaire et de sécurité alimentaire.

Section 2 : Bilan de l’intervention des acteurs et enseignements

L’intervention du projet AROPA par le renforcement de capacités des ménages ruraux ainsi que l’appui et le pilotage en permanence des activités de développement par le DRDR nous a conduits à évaluer le bilan de ces interventions sur le mode de production alimentaire des ménages agriculteurs. Par ailleurs, la présente analyse s’est axée sur la remise en cause de la décroissance des rendements agricoles étant donné l’accroissement d’une année à une autre des surfaces cultivées. La problématique de notre analyse repose sur l’accessibilité des paysans aux facteurs de production afin de leur permettre de tirer sur la terre le maximum de rendements.

9 Le rapport AROPA (2013) est dépourvu de la mention de la quantité d’engrais offerte aux plus vulnérables.

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2.1 Faible accès des ménages aux facteurs et aux techniques de production performantes Le renforcement des capacités des ménages par le biais de l’AROPA, sous tutelle de la DRDR est faible. D’où la tendance des ménages à recourir à des matériels rudimentaires, employés d’une manière simple et ne demandent pas de compétences techniques dans leur utilisation. Le fort accès des ménages à ces facteurs réduit la production et conduit conséquemment au non atteint des objectifs régionaux.

2.1.1Recours des ménages à des matériels rudimentaires

Tableau 11 : Proportion des ménages ruraux selon les matériels en leur possession

Matériels Possession (%) Non possession (%) Sarcleuse 12,3 87,7 Charrette 10,3 89,7 Charrue/herse 34 66 Tracteur/Motoculteur 0,3 99,7 Faucille / couteau 82,3 17,7 Bêche 95 5 Source : MinAgri/ Recensement Agricole 2005 A la lumière de ce tableau, seuls les petits outils comme les faucilles et les bêches sont les plus possédés par les ménages, avec comme proportions respectives de 82,3% et de 95%. Les sarcleuses, les charrettes et les tracteurs ou motoculteurs sont à faibles taux de possession par les ménages, avec comme proportions respectives de 12,3%, 10,3%, et 0,3%. Le faible pouvoir d’achat amène les ménages ruraux à s’orienter vers la mise en possession des petits outils. De plus, l’utilisation de ces petits outils ne requiert pas de compétence technique ou académique. En conséquence, les ménages sont très réticents à acheter des tracteurs et des motoculteurs. Seulement, 0,3% des ménages ruraux en disposent étant donné la cherté de ces matériels et la difficulté dans l’apprentissage. En outre, l’attachement fort aux pratiques traditionnelles, et la non connaissance des bénéfices engendrés par l’utilisation de ces équipements sont source de démotivation chez les paysans. D’autant plus, les tracteurs et les motoculteurs sont les plus adaptés à l’exploitation de grande échelle. Dans la région, seulement 8,5% des ménages agricoles sont des grands exploitants. Le reste avec une proportion de 91,5% se regroupent dans les catégories de petit (65,7%) et moyen exploitant (25,8%). Dans la globalité, la superficie moyenne exploitée par chaque ménage est égale à 1,6 ha (INSTAT, 2010).

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L’angady ou la bêche et les faucilles sont des matériels rudimentaires. Ils sont donc les plus utilisés par les ménages ruraux avec comme proportions respectives de 95% et 82,3%. Leur coût d’acquisition est faible sur le marché. L’angady est le plus adapté par les ménages ruraux dans l’exploitation des nouvelles terres. Ce matériel est le plus utilisé en vue de labourer les sols, surtout dans les zones de tanety associées à la culture de manioc. L’utilisation de ces équipements ne demande pas de compétence technique ou académique. Mais, elle nécessite, comme exigence, la mobilisation des forces physiques pour assurer la productivité ou augmenter la production. Ainsi, le fort dégagement de l’énergie dans l’exploitation est caractéristique des activités rurales. La mobilisation des forces du bras et du poignet est aussi caractéristique de l’activité rurale. Ce mode de production conduit à une moindre productivité de travail. En fait, la production obtenue dans l’exploitation n’est pas proportionnelle à la quantité de travail mobilisé.

Le faible accès des ménages à des matériels sophistiqués et à ceux sources de bon rendement est dû à la difficulté de s’investir. Le faible moyen financier aggravé par les effets de traditions et des habitudes de pensées conduit au non recours à ces matériels. La faible productivité de la terre est conséquente et ne permet pas de suivre l’accroissement de la population.

2.1.2 Recours des ménages à des semences et à des techniques traditionnelles La pratique agricole dans la région est pleine de paradoxe. Le tableau 12 montre la proportion des ménages ruraux selon la technique de riziculture adoptée. Tableau 12 : Proportion des ménages ruraux selon la technique de riziculture

SRI SRA Autres Total (%) 33,9 66,1 0 100,0 Source : MinAgri/ Service STATAgri (2013)

A la lumière de ce tableau, aucun ménage n’adopte le SRT. Mais dans la réalité, la pratique paysanne se caractérise par le dualisme dans la pratique qui se traduit par une symbiose entre les techniques traditionnelles et les techniques modernes à savoir le SRI et le SRA. Depuis toujours, l’échec de l’agriculture dans la région est du à la non-conformité de la pratique aux principes fondamentaux du SRI et du SRA. Ces derniers exigent l’utilisation des semences améliorées et de l’utilisation des équipements performants. Le pire dans la pratique est la dominance des techniques traditionnelles. En conséquence, les ménages qui s’engagent dans cette pratique dualiste dépensent plus que ceux adoptant les techniques

121 modernes avec ses conditions requises dans l’exploitation. Ainsi, le rendement obtenu via la pratique dualiste est faible par rapport à celui en SRI et en SRA proprement dit. Les ménages ruraux sont réticents à suivre scrupuleusement les conditions exigées par le SRA et le SRI. Les coûts de revient totaux associés à ces derniers sont élevés (cf. Annexe 5). En SRI et pour une rizière de 1ha, le coût de revient total s’élève à 1.649.200 Ar. Pour, le SRA, ce coût est égal à 2.010.000 Ar. En SRT, ce coût de revient s’élève à 1.448.000 Ar. Par contre le prix de revient par kilo du paddy en SRT est de 324Ar. En SRA, il s’élève à 103 Ar. En SRI ce coût est égal à 194 Ar. Cela est due au faible rendement (par kilogramme) par hectare. En SRT, le rendement à l’hectare est de 2000 Kg, celui de SRA est de 4000 kg. Le rendement à l’hectare en SRI est de 8000 kg par hectare.

L’Annexe 6 montre l’exemple des meilleurs rendements obtenus en SRI à Madagascar suite à un concours agricole organisé par l’Association Tefy Saina. De ce concours, la commune rurale de Soatànana, figurant dans la région Haute Matsiatra s’est classée de 1er rang. Elle a obtenu un rendement de 24 tonnes/hectare. Cela nous a permis de montrer qu’en adoptant avec les conditions strictes le SRI, ladite région est très productive.

Mais depuis toujours, les obstacles aux ménages de s’accoutumer scrupuleusement aux techniques de production moderne sont l’insuffisance en fonds de démarrage ou en fonds d’investissement. L’inadéquation entre la coordination par le haut et celle par le bas pèse lourdement dans la société. Les habitudes de pensées et d’action amènent les ruraux à s’enliser dans les pratiques traditionnelles, sources de mauvais rendement. Le tableau suivant montre la proportion des ménages selon le type de semences utilisées pour la riziculture. Tableau 13: Proportion des ménages ruraux selon le type de semences utilisées pour la riziculture

Type Améliorée Traditionnelle Proportion (%) 4% 95,7 Source : MinAgri / Service Statistique Agricole (2013)

Quels que soient les techniques de production adoptées, les semences jouent un rôle essentiel dans l’agriculture. L’échec ou la réussite des activités de production agricole dépend principalement du type des semences utilisés dans l’exploitation. Dans la région Haute Matsiatra, il existe deux producteurs de semences certifiées, à savoir le RESEAU SOA et le

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SDMAD. Ces producteurs sont en étroites collaboration avec le FOFIFA. Ce dernier distribue des semences souches aux producteurs semenciers régionaux.

A la lumière de ce tableau, seulement 4% des ménages agriculteurs utilisent des semences améliorées dans son exploitation. 4% des ménages ruraux font recours donc à vendeurs spécifiques des semences pour leur exploitation. Par contre, 95,7% des ménages sont très attachés aux semences traditionnelles dans leur exploitation. Pour ces ménages, les semences sont, par habitude et par coutume, prélevées de leur propre production. Les nouvelles techniques de production rizicole (SRI, SRA) exigent l’utilisation des semences améliorées, produites par des agents spécifiques autorisés par l’Etat.

Même avec des semences améliorées, le succès ou l’échec des activités de l’agriculture dépend essentiellement de la nature des engrais utilisés.

Tableau 14 : Proportion des ménages ruraux selon leurs techniques utilisées pour l’amélioration de fertilité de sol Types Proportion (%) Engrais organique / fumier du ferme 49,8 Engrais guanomad 1,8 Engrais minéral 6 Assolement / rotation 25,4 Autres 17 Source : MinAgri, 2013

A l’issue de ce tableau, de faibles proportions des ménages se consacrent à l’utilisation des engrais issus des distributeurs spécifiques. Seulement 1,8 % des ménages ruraux utilisent l’engrais guanomad et 6% des ménages ruraux utilisent l’engrais minéral pour leur culture. La plupart des ménages font recours à des engrais classiques, issus de leur lieu d’habitation ou tirés de leur propre exploitation. A titre d’exemple, la transformation des débris végétaux en engrais compost. Ainsi, à la lumière du tableau 14, 49,8% de la population rurale sont des usagers de l’engrais organique ou du fumier de la ferme. Par ailleurs, 25,4% des ménages font recours à des systèmes d’assolement ou de rotation dans l’optique d’une augmentation de la production agricole. L’assolement consiste à alterner les plantations. Cette alternance ou rotation accroît le rendement. De surcroit, elle évite l’épuisement des sols. La jachère est une forme d’assolement. Cette pratique consiste à laisser périodiquement un champ au repos pour qu’il puisse se régénérer ou se reconstituer. La catégorie « autres » mentionnée dans le tableau 14 regroupe les ménages qui adoptent par exemple la jachère. La majorité des

123 ménages ruraux pratiquent à la fois l’agriculture et l’élevage. Ces ménages adaptent leur préférence et leur utilisation sur ce qu’ils possèdent en fumier. Leur choix est restreinte étant donné l’habitude et notamment le manque de moyens financiers pour le surplus afin d’atteindre la norme. Par exemple le SRA nécessite comme norme 25Kg de NPK ou DAP pour une rizière de 1 hectare.

Le tableau suivant montre la proportion des ménages ayant ou non recours à des produits phytosanitaires :

Tableau 15 : Proportion des ménages ruraux utilisant des produits phytosanitaires

Avec utilisation Sans utilisation Total (%) Proportion 26,5 73,5 100 Source : MinAgri (2013) Le non utilisation des produits phytosanitaires conduit à une faiblesse de production de la région. Les produits phytosanitaires sont utilisés pour traiter les plantes en vue de leur bon accroissement. Ces produits sont également destinés à les protéger contre les insectes prédateurs et nuisibles. Le pire des activités des insectes est la coupure subie par les germes des plantes en phase d’accroissement. En conséquence, la quantité alimentaire produite deviendrait faible. D’autant plus, les productions ainsi obtenues, par ses faibles qualités, sont dépourvues d’éléments nutritifs au fonctionnement de l’organisme humain. Le pire encore des rendements obtenus se réfère à des produits qui ne respectent pas des normes d’exportation. Selon le tableau 15, juste un peu plus du quart de la population rurale (26,5%) utilisent les produits phytosanitaires. 73,5% des ménages ruraux ne les utilisent pas dans leur exploitation.

2.2 Autres problèmes liés aux activités de l’agriculture

A part l’insuffisance des moyens financiers et les facteurs culturels, d’autres facteurs entrent en jeu pour constituer des entraves à des activités de l’agriculture dans la région Haute Matsiatra. Le Ministère de l’Agriculture, par le biais de son département STATistique Agricole (STATAgri), a intervenu dans la Région en 2013. Son intervention se manifestait sous forme d’enquête au niveau des ménages ruraux. Cette enquête a permis à ce Ministère de dégager les facteurs de blocage aux activités d’exploitation agricoles dans ladite région.

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Tableau 16 : Facteurs de blocage de l’activité de l’agriculture

Facteurs Poids de chaque facteur en pourcentage Cherté des outils agricoles 27,5 Bas prix des produits au moment de la récolte 0,9 Problème climatique 38,3 Pas de débouché 0,1 Manque de formation 1,6 Insécurité 6,7 Mauvais état du réseau hydraulique 3,7 Insectes/ prédateurs 10,4 Maladies des plantes 0,9 Insécurité foncière 1,9 Autres 7,9 Source : MinAgri / Service de la Statistique Agricole (2013) 2.2.1 Problème climatique

Selon l’étude menée par le MinAgri dans la Région (2013), le problème climatique constitue un obstacle majeur aux activités de l’agriculture. Ce problème avec un poids de 38.3% se manifeste par des pluies tardives ou par des pluies torrentielles conduisant à un phénomène d’érosion. Ce dernier engendre un rétrécissement des surfaces cultivables. Les pluies torrentielles influencent négativement à la production par la perte des éléments nutritifs de la terre. La pratique paysanne de déboisement a pour double finalité. La première consiste à étendre la surface cultivable. La seconde a pour finalité pécuniaire par la mise en marché des produits de bois. L’analyse de la FAO (2013) a montré que la baisse significative de la production entre les années 2012 et 2013 pour chaque type de spéculation est due principalement par la sécheresse. Le manque des revenus des ménages agricoles leur amène à chercher des activités complémentaires visant à satisfaire leurs besoins. Et ce et le plus fréquemment dans la Région par l’acte de déforestation.

2.2.2 Insécurité foncière

La question foncière est fondamentale en matière de l’agriculture. Elle est créatrice d’une déstabilisation sociale. Cette dernière est survenue dans la mesure où l’autorité au niveau d’une localité ou d’une région donnée n’est pas capable d’élaborer et de mettre en œuvre un dispositif permettant de bien gérer les liens existants entre les biens possédés, les propriétaires et le locataire. La question du droit coutumier est aussi créatrice de

125 déstabilisation notamment au sein des pays en voie de développement comme Madagascar. L’occupation des terres soumise à des règles coutumières complexes est source de grave conflit au niveau de la société rurale.

L’intervention du Ministère de l’Agriculture dans la région Haute Matsiatra a permis d’évoquer le mode d’accès à la terre pour les paysans.

Tableau 17 : Mode principal d’accès à la terre

Mode principal d’accès à la terre Proportion (%) Propriétaire avec pièce justificative 52,3 Propriétaire sans pièce justificative 28,7 Locataire 8 Pratique le métayage 1,7 Terres empruntés 9,3 Terres en gages 0 Total 100 Source : MinAgri (2013)

Découlant de ce tableau, seulement un peu plus de la moitié (52,3%) des propriétaires terriens dans le monde rural possèdent des pièces justificatives sur leur propriété foncière, à savoir les titres et les cadastres. La possession de ces derniers offre aux propriétaires terriens la possibilité de maximiser la production. D’une autre manière, ces documents accordent aux propriétaires fonciers les droits d’exploiter ces biens physiques conformément à leur propre objectif. Certes, 28,7% des propriétaires terriens ne disposent pas de pièces justificatives ou de pièces légales. La non possession de ces pièces limite l’activité d’exploitation paysanne par peur de suivie des autorités publiques locales. Cette suivie ou contrôle finira par un paiement d’amende par les propriétaires illégales.

Les paysans sont réticents à titrer ou cadastrer leur possession étant donné longue et le coût d’une démarche administrative. Par ailleurs, 8% des ménages ruraux exercent leur activité d’exploitation agricole par la location des terres moyennant une somme d’argent convenue entre le propriétaire et le locataire. En outre, 1,7% des ménages ruraux pratiquent le métayage pour leur activité d’exploitation. Le métayage est un mode d’exploitation agricole par lequel un propriétaire donne à bail son domaine à un métayer qui s’engage à l’exploiter moyennant le partage des fruits et des pertes.

126

2.2.3 Mauvais état de réseau hydraulique

L’eau joue un rôle prépondérant dans l’agriculture. Le riz pluvial, comme son nom l’indique, dépend fortement de l’eau de pluie. Ce type de riziculture convient aux zones de « tanety » tandis que le SRT et le SRA se pratiquent dans les bas fonds. Ces deux types de système de riziculture nécessitent en permanence des eaux. En fait, les eaux alimentant les rizières prennent leur source dans des barrages hydrauliques. Par ailleurs, les rivières approvisionnent en eaux les cultures en bas fonds. La pluviométrie à intensité moyenne et périodique intensifie les eaux de barrages. Ce type de pluviométrie est favorable à la culture.

L’agriculture paysanne familiale de la Région souffre de manière générale de la non maitrise de l’eau. Le problème d’eau surgit fondamentalement du fait des pratiques paysannes de déboisement. Ces pratiques conduiraient à une déstabilisation climatique. La sécheresse est ainsi conséquente. La faible pluviométrie réduit l’écoulement de l’eau dans des canaux d’irrigation. Dans la région, le système de répartition d’eau approvisionnant les rizières est presque en situation de délabrement. Cela occasionne des pertes de rendements. Une autre conséquence et non la moindre du déboisement serait l’apparition de pluies torrentielles. Ces dernières provoquent des éboulements des bassins versants et la destruction des infrastructures routières et hydro agricoles. Cette destruction influence négativement sur l’approvisionnement en eau de chaque rizière. Elle est aussi source de mauvais rendement.

Certes, la DRDR s’efforçait depuis longtemps d’établir des relations avec les différents projets/programmes pour la construction et la réhabilitation des réseaux hydro agricoles. Selon le Rapport DRDR (2013), 5 barrages ont été réhabilités avec le financement de la FRDA. D’ailleurs, avec le financement de ce même projet, 2 barrages ont été construits.

Ces constructions et réhabilitations sont moins considérables face à l’état de délabrement de l’ensemble des infrastructures hydro-agricoles. D’où la faiblesse des rendements rizicoles.

2.2.4 Insécurité sociale

L’insécurité sociale caractérise la Région Haute Matsiatra. Dans le milieu rural de ladite région, le MinAgri (2013) attribuait à ce facteur un poids de 6,7 %. L’insécurité sociale porte atteinte sur le bien être humain. Elle entre en jeu dans la détermination du niveau de production alimentaire. L’insécurité sociale est causée principalement par la forte

127 prépondérance des gens inactifs ou sous-emploi. Ces gens veulent d’obtenir, par des actes illicites, des moyens nécessaires pour survivre tels l’argent, la nourriture. Grosso modo, ces moyens permettent à ces gens d’accomplir leur besoin.

Le problème d’insécurité rurale est lié au pillage des récoltes et aux vols de bovidés. A part le vol de bœufs, le milieu rural est très propice à des actes de banditisme et des bandits de grands chemins (ou « dahalo»). L’enclavement des zones rurales et leur privation à des infrastructures électriques aggravent l’insécurité sociale. En outre, cette dernière occasionne une démotivation des paysans à produire plus par le souci de vols qui finira parfois même par l’élimination corporelle.

Le pire de la situation engendrée par l’insécurité sociale est la réduction des nombres d’enfants à fréquenter l’école ou à terminer le niveau secondaire. Leur capital humain resterait donc à un bas niveau. Ce dernier place ces personnes dans une situation sans issue face à un grand problème survenu ultérieurement. La mentalité des agents à faible niveau éducationnel ne serait pas favorable à la croissance. Elle reste tardive et amène à un état stationnaire de la production. En somme, l’insécurité sociale enfonce les paysans dans le gouffre de la pauvreté. 2.2.5 Les insectes nuisibles

L’année 2013 est caractérisée par une baisse significative de la production agricole. L’étude de la FAO (2013) axée sur la sécurité alimentaire au niveau de la région a permis d’identifier les facteurs déterminants du niveau de production en l’année 2013. La FAO (2013) montre dans son rapport qu’après la sécheresse, le passage des criquets dans la région représente un poids majeur dans l’aboutissement du faible rendement en 2013. Les colonies de criquets dévastent les cultures notamment le riz. Ces insectes nuisibles exercent leur influence par la coupure des tiges porteuses de grains. Ce cataclysme naturel aboutissait à une perte de récolte. Jusqu’au moment présent, le gouvernement Malgache ne dispose pas de politique efficace et de stratégies adaptatives pour se prémunir ou pour affronter le passage imprévu des colonies de criquets.

En se référant au rapport DRDR (2013), 51 % des objectifs ont été atteints en matière de superficies traitées suite au passage des criquets. Soit 1015 ha sur les 2000 ha prévues à atteindre pour l’année 2013. Ce même rapport mentionnait comme facteur principal de non atteint des objectifs : l’insuffisance des moyens financiers et matériels. Ce

128 manque rend ladite région plus vulnérable face au passage des criquets. Après le choc, la région, par le biais de ses différents acteurs, n’arrivait pas à se corriger ou se ramener à son état initial. C’est donc un problème de « résilience ».

Au final, mis à part les risques encourus par les ménages, l’insuffisance en moyens financiers et matériels accentue le phénomène de l’insécurité alimentaire dans la Région. Ce phénomène résulte d’un problème d’intensification agricole conduisant au déséquilibre nourriture – population. Cette situation a donc le mérite et possible d’être surmontée étant donné l’énorme potentialité de la Région.

Le fait de se référer à la pratique agricole Chinoise constitue, entre autres, un modèle pour le développement agricole de Madagascar dont inclue la Région Haute Matsiatra. La Chine est capable de nourrir 20,5 % de la population mondiale étant donné l’étroitesse de sa surface labourable et l’insuffisance de ses ressources en eau. Ce contexte nous a conduits à aborder un peu l’agriculture chinoise. Cette dernière a connu de nombreuses réformes et a renforcé la position dominante de la Chine à l’échelle mondiale.

2.3 Revue de littérature : pratique agricole Chinoise et sécurité alimentaire ∑ Contexte spécifique

La Chine est un pays d’Asie Centrale. Sa capitale est Pékin (Beijing) et sa plus grande ville est Shangai. La Chine est un pays à niveau moyen de développement humain. Selon le classement du PNUD (2013), en référence à l’IDH des pays, la Chine s’est rangée au 101 ème sur les 186 pays du monde recensés. Certes, selon même le rapport du PNUD (2013), ledit pays a été devenu deuxième puissance économique mondiale. Il a donc dépassé le Japon. La montée en puissance de la Chine a fait sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté. D’ici 2020, d’après les prévisions établies par le présent Rapport (PNUD, 2013), la production économique combinée de trois grands pays en développement (le Brésil, la Chine et l’Inde) dépassera à elle seule la production cumulée du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis. De nos jours, l’influence de la Chine s’étend presque partout dans le monde. Son expansion est en grande partie encouragée par de nouveaux partenariats commerciaux et technologiques mis en place entre les pays du Sud. Ces derniers sont ceux qualifiés de sous-développés, connus également par ses conditions de vie précaires.

129

La Chine est le pays le plus peuplé au monde. Sa population a plus que doublé depuis 1950, passant de 544 millions à 1,35 milliards en 2012 (FranceAgriMer, 2013). La Chine est le pays le plus vaste de la planète. Elle dispose de moins de 10% des terres arables dans le monde. Cette proportion ne représente que 12% de la superficie de la Chine (FranceAgriMer, 2013). Etant donné l’étroitesse de sa terre arable, la Chine est capable de nourrir 20,5% de la population mondiale 10 . Elle produit 50% des légumes du monde (MINEFI, 2006). L’entrée de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) marque l’intensification de sa participation aux échanges agricoles mondiaux. La Chine se met à l’exportation des produits à fort coût de main d’œuvre (légumes, fruits) pour lesquels elle possède un avantage compétitif certain. Cependant, ledit pays a importé des produits de base (soja et céréales) du fait que sa surface cultivable est limitée et ne suffit plus à produire des denrées alimentaires proportionnellement au rythme d’accroissement de sa population. Selon Huang et al. (2009), la Chine est exportateur net de céréales depuis les années 80. Par ailleurs, du fait qu’elle importe du riz indica de haute qualité, la Chine exporte du riz japonica et est devenu exportateur net de riz depuis le début des années 80. Selon MAAF (2015), les clients traditionnels de la Chine sont le Japon (19% de ses ventes) suivi des États-Unis (12%) et de la Corée du Sud (7%). Ces pays lui achètent des légumes, des fruits frais ou transformés, des viandes préparées (raviolis) et des produits de la mer.

A savoir, la Chine est le 1 er producteur mondial de blé, de riz, de pomme de terre et le 2ème producteur en maïs (MAAF, 2015). Mais auparavant, elle a connu une insécurité alimentaire. En 1970, 380 millions de Chinois sont ainsi sous-alimentés. Leur régime alimentaire est en deçà du seuil de sécurité alimentaire en 1970 (2020kcal par personne et par jour) et composé essentiellement de produits végétaux (90%) (Huang et al., 2009). Comme explication, l’insécurité alimentaire chinoise est due fondamentalement à la petitesse de sa surface labourable et la déficience des ressources en eau. La production Chinoise repose principalement sur les productions végétales telles que le blé, le maïs, le riz, la pomme de terre et autres tubercules, soja, coton, canne et betterave à sucre, fruits et légumes. Au début des années 60, l’agriculture est encore traditionnelle, peu mécanisée et recourant peu aux engrais et aux produits phytosanitaires chimiques. Les rendements sont en conséquence insuffisants pour mettre la population à l’abri de la disette ou de la famine. Conscient de ce contexte, la Chine procède depuis toujours à des réformes agricoles. Il s’agit des changements

10 Cette proportion désigne que la population Chinoise est approximativement égale à 1/5 de la population mondiale.

130 apportés sur le mode de production afin d’obtenir le meilleur rendement. Les réformes agricoles figurent, parmi les voies pour la Chine, de parvenir à son stade de développement : au rang de deuxième puissance économique mondiale (2016). Les stratégies de développement apportées par les dirigeants Chinois permettent de nourrir sa population locale et d’approvisionner en alimentation, via l’exportation, d’autres pays étrangers.

∑ Politique agricole Chinoise

Compte tenu de l’étroitesse de la surface labourable et la déficience en ressource en eau, la Chine est capable d’assurer la survie de plus de 20% de la population mondiale. De ce fait, les dirigeants chinois ont depuis toujours déployé des efforts pour qu’il y ait équilibre nourriture-population. Au fil de temps, les objectifs en termes de quantité et de qualité de la sécurité alimentaire ont été suffisamment atteints.

Depuis les années 90, la Chine est confrontée à de nouveaux défis alimentaires. L'autosuffisance alimentaire pour les produits de base de la consommation humaine comme le blé, le riz reste un objectif majeur des dirigeants chinois. Garantir la sécurité alimentaire nationale est l’un des principaux objectifs de la politique agricole de la Chine (Huang et al., 2009). Au plan national, la sécurité céréalière est une question sur laquelle les dirigeants nationaux ont fait porter toute leur attention. A la fin des années 90, les dirigeants ont été fixés comme objectif une production céréalière égale à 95 pour cent des besoins. Pour y parvenir, la Chine s’investit énormément dans l’irrigation et dans l’infrastructure agricole (Wang, 2000), la recherche et la vulgarisation (Huang et al., 2000) ainsi que dans la production nationale et la commercialisation d’engrais chimiques et de pesticides (Nyberg et Rozelle, 1999).

Le passage de l’économie de subsistance à l’économie de marché constitue un point d’orgue dans l’histoire de l’agriculture chinoise. Il s’agit, à ce titre, d’une ouverture au commerce extérieur. Le gouvernement chinois mobilise une large panoplie d'aides publiques pour moderniser le secteur agricole et promouvait une agriculture familiale plus performante via en particulier des réformes foncières. Quant à la modernisation de l’agriculture, la politique chinoise s’inscrit dans le cadre de la « révolution verte ». En l’année 2000, une priorité au relèvement du revenu agricole a été fixée. Par la suite, la question sociale du monde rural est devenue depuis 2004 la première priorité des dirigeants chinois. Cette priorité consiste à réduire les écarts entre villes et campagnes et, de ce fait, réduire le risque

131 d’instabilité sociale, mais aussi dynamiser le marché intérieur, moteur essentiel de la croissance chinoise (MINEFI, 2006).

En outre, selon Guilhot (2015), le modèle de croissance chinoise comporte également d’importantes limites environnementales. Selon même cet auteur (2015), la Chine est en 2013 le premier émetteur d’émissions de gaz à effet de serre sur la planète et représente 28% des émissions mondiales. Elle est également le premier producteur et consommateur de charbon dans le monde. Conscients des enjeux de l’environnement dans l’atteinte des défis de la sécurité alimentaire, les autorités chinoises, depuis le début du XXI ème siècle, accordent d’une manière inséparable des priorités à la croissance et à l’amélioration des conditions environnementales (Guilhot, 2015). Le XI ème plan quinquennal (2006-2010) insuffle les premières réflexions sur les politiques énergétiques et climatiques. Le XII ème plan (2011- 2015) met explicitement au centre de l’économie chinoise la préoccupation environnementale. Il inclut, pour la première fois, la question de la lutte contre le changement climatique et introduit une série de réglementation en faveur de la conservation de l’énergie (Zhou et Delbosc, 2013). La Chine se convertit ainsi au développement durable non pas à la suite de pressions internationales mais de pressions internes (Berthaud et al., 2015). Par ailleurs, la stabilité des disponibilités alimentaires et l’accès des pauvres à l’alimentation sont les autres aspects de la sécurité alimentaire. Ainsi, le gouvernement a élaboré son propre programme de secours en cas de catastrophe et a mis en œuvre un programme national « Vivres contre travail » orienté vers des investissements à long terme (Huang et al., 2009).

Grâce à la modernisation de l’agriculture, le champ chinois porte deux récoltes par an. Dans les zones subtropicales au sud du Yangzi, la moyenne est de trois récoltes par an (MINEFI, 2006). Pendant les années 80 et au début des années 90, l’une des principales contraintes qui ont affecté la stabilisation des disponibilités alimentaires a été l’insuffisance de l’infrastructure de commercialisation et de transport (Nyberg et Rozelle, 1999), mais celle- ci s’est beaucoup améliorée depuis le début des années 90. Huang et al. (2006) ont montré que les marchés intérieurs des produits alimentaires sont extrêmement intégrés depuis la fin des années 90. L’augmentation du prix par tranches de 1 000 km à partir du port d’arrivée n’était que de 5 pour cent, soit un pourcentage comparable à celui qui est enregistré aux États-Unis.

132

Ainsi, grâce à la révolution agricole, la Chine est parvenue à assurer globalement une sécurité alimentaire à sa population.

∑ Bref aperçu sur la sécurité alimentaire Chinoise

Le renforcement des capacités des ménages par les autorités Chinoises accroit la productivité du travail. En effet, l’intensification agricole, résultant de cette politique conduit à la sécurité alimentaire des ménages. L’offre de production alimentaire correspond en effet aux besoins grandissants et diversifiants de la population.

Les efforts déployés par le gouvernement Chinois rend disponible les denrées alimentaires. Selon Huang (2009), l’apport calorique journalier par habitant a atteint 2 990 kcal. Soit un chiffre nettement supérieur aux 2 100 kcal recommandées dans les OMD et 14% de plus que l’apport calorique journalier moyen dans les pays en développement et excède également 8% à la moyenne mondiale. Selon les estimations de la FAO (2008), le nombre de personnes souffrant de la malnutrition est tombé de 304 millions en 1979–1981, soit 30 pour cent de la population totale, à 123 millions en 2003–2005, c’est-à-dire 9 pour cent du total. Pendant cette période, la situation nutritionnelle de la population chinoise s’est considérablement améliorée. L’expansion économique rapide et le développement des marchés des produits alimentaires ont accru la demande. Ils ont également accru la quantité et amélioré la qualité ainsi que la diversité d’aliments comme les légumes, les fruits et la viande.

Selon Huang (2009), le régime alimentaire chinois a toujours été essentiellement végétarien, mais des changements significatifs ont été enregistrés depuis la réforme économique de la fin des années 70. Les ménages consomment actuellement moins de céréales (49 % de l’apport calorique total) et plus de fruits et de légumes (7%) que précédemment. La consommation journalière de fruits a atteint 38 g par habitant en 2004, contre 12 g par habitant seulement en 1990. La consommation journalière de produits d’origine animale a augmenté en milieux aussi bien urbain que rural. Ce qui a porté le pourcentage de protéines d’origine animale par rapport à l’apport protéique total de 17% à 31% entre 1992 et 2002. En 2004, le Chinois moyen mangeait 77 g de viande par jour, contre 57 g en 1989. Ces tendances reflètent habituellement une évolution positive du régime alimentaire des adultes (Huang et al., 2009). Sans oublier, la transition alimentaire a fait apparaître en Chine un phénomène d’obésité. Près de 20% de la population est en surpoids. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les milieux urbains et chez les jeunes, sans

133 que l’Etat chinois n’ait encore pris de mesures pour le limiter. A l’opposé, la réduction du nombre de sous-nourris s’est fortement ralentie, passant de 10 millions en moins par an en moyenne de 1970 à 1990 à 3 millions par an seulement depuis 1990. Cela souligne la persistance d’une insécurité alimentaire pour 120 millions de Chinois, principalement des ruraux pauvres (Huang, 2008).

Découlant de l’expérience de développement Chinoise et en tenant compte de la validation de nos hypothèses tout au long de notre analyse sur la Région, les enseignements ci-après sont proposés:

2.4 Enseignements proposés

2.4.1 Sur le plan local

Du fait que les traditions, les coutumes, les habitudes de pensées réduisent l’espace des capabilités des ménages ruraux, la promotion d’un environnement institutionnel efficace devrait-être nécessaire pour permettre aux individus de renforcer ses capacités. La création de cet environnement par le biais de l’implantation des établissements scolaires de niveau secondaire, lycée, et l’instauration des centres hospitaliers permettraient aux ménages ruraux de renforcer leur capital humain. L’environnement ainsi crée forge la personnalité de l’individu et lui permet d’avoir une capacité réactionnaire ou d’un degré de contrôle vis-à-vis de son milieu d’appartenance. Par l’intermédiaire du renforcement du capital humain, les capacités des individus s’accroissent. Les individus en question acquièrent en conséquence les capacités nécessaires afin qu’ils puissent extirper les idées fantaisistes, sources de dysfonctionnement du système dans le monde rural. En outre, la création de ces environnements institutionnels offre à l’individu la possibilité de recourir aux nouvelles techniques de production, donc d’une possibilité de maximaliser tant en quantité qu’en qualité la production pour subvenir ses besoins afin d’assurer la sécurité alimentaire.

Le renforcement des capacités des ménages ruraux par l’accroissement de leurs revenus devrait-être également mettre en priorité. La promotion des activités complémentaires génératrices de revenus s’avère utile pour permettre aux ménages de s’autofinancer afin qu’ils puissent à tout moment accéder aux équipements nécessaires pour satisfaire non seulement leurs besoins mais surtout ceux des urbains. Une activité de suivi des systèmes salariaux dans les zones rurales devrait-être faite par les dirigeants régionaux pour éviter la surexploitation des personnes laborieuses dans les zones de forte polarité économique.

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L’atteinte de la dimension disponibilité et surtout celle de stabilité de la sécurité alimentaire devrait nécessiter la prise en considération de la préservation de l’environnement. La déforestation abusive, illicite observée au sein de la région est source de mauvais rendement agricole. En effet, des activités de régénération des ressources naturelles notamment celles forestières sont à faire pour permettre d’accroître et de stabiliser la production. Des mesures draconiennes devraient imposer aux exploitants illicites des bois. Les lois régissant la conservation de l’environnement et de la biodiversité devraient-être appliquées. Le principe « pollueur-payeur » pour paiement des services environnementaux devrait-être aussi mis en application. Ce paiement vise à favoriser des externalités environnementales positives grâce au transfert des ressources financières, entre les bénéficiaires de certains services écologiques et les fournisseurs des services ou les gestionnaires de ressources environnementaux. Les agents de la Direction Régionale des Eaux et Forêts (DREF) sont invités à cibler et à faire des descentes dans les zones rurales enclavées où se pratique l’exploitation massive de bois.

En matière de coordination des acteurs, il faut réduire le maximum possible le cout et la longueur d’une démarche administrative de « titre » ou de « cadastre » de la propriété foncière. Tous les ruraux devraient-être aussi à jour sur les informations relatives au lancement des nouvelles techniques agricoles.

2.4.2 Sur le plan national

Pour atteindre les objectifs de sécurité alimentaire dans l’ensemble national, la lutte contre la pauvreté devrait-être remise au centre des politiques publiques. Lutter contre la pauvreté monétaire est une priorité pour permettre aux ménages ruraux d’accéder aux facteurs de production. La pauvreté en milieu rural se traduit particulièrement en termes de pauvreté d’accessibilité. Ainsi, la plupart des ruraux sont privés de droits ou de possibilités d’accès aux équipements performants à la production, à la propriété foncière, au crédit ou à certains services comme l’éducation ou la santé. Ainsi, il serait souhaitable aux dirigeants nationaux de renforcer les capacités des ruraux de façon à faire produire plus pour satisfaire les besoins de la population tant en quantité qu’en qualité. A ce titre, la promotion d’une politique de redistribution des richesses en faveur les ménages de faible revenu devrait-être nécessaire. L’Etat devrait faire allouer plus de budget vers le secteur agricole. Mais, le fond alloué devrait parvenir à célérité rapide aux ménages ruraux. A cet effet, la pauvreté des conditions de vie ou la pauvreté d’existence serait réduite.

135

L’Etat devrait intensifier la politique de résorption de chômage. Le phénomène de non emploi dans la région est une source de l’insécurité sociale à savoir les vols de bovidés dans les zones rurales. En effet, l’Etat doit veiller à la stabilisation des normes sociales pour que la coordination par le haut et celle par le bas sont en adéquation pour parvenir au développement.

Les dirigeants nationaux devraient assurer l’équité inter-régionale en matière de suivi et de formation agricole. Il serait souhaitable également aux pouvoirs publics de procéder à la réforme structurelle. A cet égard, l’allègement des charges fiscales notamment pour les petits exploitants agricoles s’avère utile et permettrait de réduire leur tendance à la fraude ainsi qu’à l’évasion fiscale. Enfin, une politique inclusive des ruraux en matière de décision est, comme exigence, nécessaire pour la promotion du développement.

Mis à part ces enseignements d’ordre local et d’ordre national, la présente recherche nous a permis également d’apporter des enseignements théoriques visant à développer l’« économie de développement », un programme de recherche dans le cadre duquel notre mémoire s’inscrit.

2.4.3 Sur le plan conceptuel

Cette recherche nous a permis de valider les hypothèses suivantes : (i) l’agriculture malgache dont celle de la Région Matsiatra qui remet à jour la théorie de la rente différentielle de Ricardo constitue un frein au développement ; (ii) le manque des revenus réduit l'accessibilité des individus aux nourritures ; (iii) les institutions dont les habitudes de pensée et les traditions constituent un obstacle à l'adoption des techniques agricoles plus performantes. En conséquence, ces institutions constituent un frein au développement.

De la première hypothèse, la pratique agricole malgache qui s’appuie sur l’exploitation croissante des terres de moins en moins fertiles face à l’augmentation grandissante de la population aboutit, pour cette dernière, à l’état de sous-alimentation. A ce sujet, le non recours à des facteurs technologiques est caractéristique de l’activité paysanne. A l’issue de la seconde hypothèse, l’insuffisance en capital financier, assimilée à une pauvreté de potentialité ou à un manque de pouvoir d’achat ne permet pas à l’individu d’acquérir des matériels de production nécessaires capables de satisfaire ses besoins en quantité et diversifiés. De la troisième hypothèse, les facteurs institutionnels limitent la liberté réelle

136 d’être et d’agir des individus. En conséquence, ces derniers ne peuvent pas accéder à des fonctionnements potentiels visant à satisfaire leurs besoins vitaux.

L’approche par les capabilités de Sen est une approche extrêmement gourmande en données. Mais elle est dépourvue de méthode satisfaisante pour mesurer l’ensemble des fonctionnements potentiellement accessibles aux individus. De surcroit, étant donné que le capital financier et les facteurs institutionnels jouent des rôles déterminants dans la constitution de la capabilité, donc dans la constitution du bien-être de l’individu, nous nous sommes intéressés sur la question: à quel niveau de capabilité qu’un individu puisse affronter, par exemple, un cyclone de catégorie 3. Une autre question aussi se pose : à quel niveau de revenu qu’un individu serait-il capable d’accéder aux fonctionnements potentiels lui permettant de satisfaire ses besoins vitaux? A cet effet, l’approche par les capabilités a le mérite d’être révisée en adoptant, à titre d’exemple, un tableau synoptique mettant en évidence de côté à l’autre les intervalles de revenus et les intervalles de capabilités y associés en tenant compte toujours les divers risques qui pourront-être survenus. Il serait également souhaité d’apparaître dans ce tableau synoptique les correspondances entre les variables « potentialités » et « capabilités » de chaque individu. Si ces améliorations seraient faites, ladite approche deviendrait un outil pratique, accessible à tous les acteurs de développement nationaux et locaux. Ainsi, chaque individu aurait la possibilité de mesurer sa liberté réelle d’être et d’agir.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 4

En guise de conclusion, le PRDR est un instrument de planification et d’orientation des activités des acteurs œuvrant dans le développement rural. Le monde rural est le plus concerné dans notre analyse étant donné qu’il représente une forte proportion sur l’ensemble de population régionale. De surcroit, 83,9% de la population de la Région Haute Matsiatra travaillent dans le secteur de l’agriculture (ONE, 2006). Par ailleurs, les populations rurales assurent l’approvisionnement en alimentation de l’ensemble de la Région. Donc, elles assurent d’une manière grandiose à l’atteinte des objectifs de la sécurité alimentaire. Les populations rurales contribuent énormément à la mise en œuvre des politiques de développement régionales.

A l’issue de notre analyse empirique, les interventions des différents acteurs régionaux n’arrivent pas à atteindre les objectifs fixés dans le PRDR. L’effort cumulatif de l’AROPA depuis 2009 à 2013 visant à accroître les revenus des ménages est insuffisant. En conséquence, les ménages ruraux sont vulnérables face à la sécheresse. La couverture de l’intervention de la DRDR est large mais son taux de pénétration dans l’ensemble de l’économie notamment dans le monde rural est faible. Les revenus des ménages ruraux sont donc insuffisants pour acquérir des moyens nécessaires à l’exploitation. 27,5% des ménages ruraux souffrent du problème de la cherté des facteurs de production (MinAgri, 2013). A cet effet, la tendance des ménages s’oriente vers l’utilisation des matériels de production rudimentaires. Par ailleurs, le manque de revenus ne permet pas aux ménages de se procurer des aliments nécessaires à la subsistance sur le marché, notamment en période de soudure.

Le dualisme dans la pratique, causé par des facteurs institutionnels, se manifeste par le mélange des techniques de production modernes et les techniques traditionnelles. Ce dualisme conduirait à une baisse de production agricole. D’où le problème de disponibilité alimentaire. Le manque de revenus aggrave cette situation de non disponibilité. En outre, les facteurs culturels maintiennent les ménages dans des situations sans issues. Les traditions influencent négativement sur la manière dont les ménages préparent les aliments. Les éléments nutritifs présents dans les aliments ne sont pas optimisés. La faible capacité du ménage due à la faiblesse de revenus ne leur permet pas d’affronter les risques climatiques comme la sécheresse. Ainsi, la dimension « stabilité » de la sécurité alimentaire ne sera pas

138 atteinte. Une diminution considérable de la production alimentaire a été constatée en 2013. En conséquence, la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages est affectée.

En outre, le problème foncier comme le problème d’accaparement des terres influence négativement sur le rendement agricole. Les impacts engendrés par le passage des colonies de criquets sont considérables. L’influence de l’insécurité sociale n’est pas à sous-estimer. Le traumatisme engendré par ce facteur occasionne une baisse de production.

En somme, l’agriculture de la Région constitue un obstacle au développement. La politique du développement rural reposant sur le renforcement des capacités des ménages ruraux ne permet pas d’atteindre les objectifs de la sécurité alimentaire. L’intervention des acteurs d’appui financier et en formation ne permet pas aux ménages d’être capable à constituer leur bien-être ou plus précisément d’accomplir des fonctionnements potentiels visant à satisfaire leurs besoins vitaux.

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CONCLUSION DE LA PARTIE 2

L’analyse empirique du paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire de la Haute Matsiatra a été faite d’une grande utilité. Elle nous a permis de détecter le point fort et le point faible du système économique régional. Des menaces comme le risque de sécheresse ont été décelées de l’analyse. Ce type de risque a engendré un fort fléchissement de la production, amenant à une hausse significative de prix des denrées alimentaires. Par voie de conséquence, cette augmentation réduit l’accessibilité des ménages aux nourritures.

D’une vision synthétique de la réalité, l’insécurité alimentaire reflète de façon appréciable le sous-développement de la région. Ce phénomène résulte, d’un côté, d’un défaut de fonctionnement chez l’individu (niveau micro). Mais de l’autre, l’insécurité alimentaire est le produit de dysfonctionnement du système économique de la région (niveau méso). En profondeur, le problème réside dans le défaut d’intervention des dirigeants régionaux à trouver la bonne voie de sortir le sous-développement. En effet, l’environnement économique dans lequel s’inscrit l’individu ne lui permet pas de se développer en capabilité.

Face au problème complexe lié au dysfonctionnement du système économique, politique, environnemental et social, la région Haute Matsiatra a mille manières de sortir l’Insécurité alimentaire. Pour un modèle appréciable de développement, solution est de se référer à la pratique agricole chinoise. La Chine est capable, via ses différentes réformes agricoles, de nourrir 20,5% de la population mondiale. Les efforts déployés par les autorités locales visant à atteindre la sécurité alimentaire font sortir nombreuse population mondiale de la pauvreté.

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CONCLUSION GENERALE

Cette étude présentait comme objet d’apporter des réponses à la question « comment s’explique le paradoxe potentiels agricoles et l’insécurité alimentaire dans la Région Haute Matsiatra ? ». L’insécurité alimentaire est un phénomène complexe. En effet, nous avons mobilisé comme outil d’analyse l’approche par les capabilités de Sen. Cette approche se fondait sur la liberté réelle d’être et d’agir des individus à constituer leur bien-être. En conséquence, tous les éléments témoignant l’existence d’un individu sont recensés et entrent en jeu dans la détermination de cette liberté. Par ailleurs, les facteurs externes d’origine sociale, économique, politique, environnementale sont aussi pris en compte. Ces facteurs contribuent ou non à la réalisation des objectifs de vie de l’individu. Découlant de tout cela, l’approche par les capabilités de Sen nous a permis de comprendre que l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire dépend non seulement des efforts déployés par chaque individu, de leurs avoirs mais aussi de l’environnement dans lequel il s’inscrit. Cette approche nous a permis d’avoir une vision systémique de l’ensemble de l’économie. Elle nous a permis également de détecter les éléments déterminants dans la constitution du bien être, à savoir les revenus et les facteurs institutionnels. Ces derniers facteurs (institutionnels) s’affichent de manière visible ou non. Mais ils rendent arriérée l’économie. L’analyse de développement par l’approche par les capabilités permettrait d’apprécier la santé économique d’un pays. L’Etat joue un rôle majeur dans ladite approche. Il est créateur d’un environnement propice permettant à l’individu de se développer. De plus cette institution a pour rôle d’éliminer toutes les distorsions fragilisant l’économie. En outre, l’approche par les capabilités constituerait, pour les dirigeants politiques, un outil d’aide à la décision. Par le biais de cet outil, les décideurs politiques pourraient saisir en avance les facteurs contribuant au non atteint des objectifs fixés.

Quelques enseignements d’ordre pratique peuvent-être tirés de notre analyse. La Région Haute Matsiatra regorge de potentiels divers surtout agricoles. Ces potentiels constituent des forces et des opportunités. Ils sont donc favorables à leur développement. Certes, des risques sont toujours présents dans la vie. D’autres sont prévisibles et d’autres sont imprévisibles. Ladite région est toujours exposée à des risques divers, à savoir le passage des criquets, le risque cyclonique, le risque d’inondation, la sécheresse. Ces risques

141 conduiraient au non atteint des objectifs fixés en termes de sécurité alimentaire et nutritionnel. Ainsi, solution est de renforcer la capacité de chaque individu par l’amélioration de leur niveau de revenu. De surcroît, le renforcement de la capacité de la DRDR à piloter toutes actions de développement est aussi nécessaire. Ce renforcement devrait se faire par le financement monétaire. Ce genre de financement permettrait à la DRDR de se bouger et d’étendre leur champ d’intervention dans les zones enclavées. Par ailleurs, le changement de l’environnement institutionnel déjà existant par un nouvel environnement permettant à l’individu de développer ses potentialités est nécessaire. L’Etat devrait corriger tous les dysfonctionnements dans l’économie. La formation des paysans dans leur métier est à renforcer. En effet, c’est une introduction à la mise en adéquation entre la coordination par le haut (émanant de l’Etat) et la coordination par le bas (émanant de l’organisation paysanne).

L’Etat joue le premier rôle de gérer et de mettre en équation tous les mécanismes orchestrés par les différents environnements afin d’atteindre un but spécifique. La Région Haute Matsiatra dispose de politiques de développement. Ces dernières se réfèrent, dans le cadre de son élaboration, à des politiques nationales. Cependant, la mise en œuvre des politiques de développement régionales ainsi conséquentes n’a pas connu depuis toujours de prospérité sur le long terme. Le problème constaté s’apprécie en termes de pauvreté d’accessibilité tant du côté des producteurs que de celui des consommateurs. De plus, les ménages ruraux sont réticents à utiliser des moyens de production modernes et aussi de consommer des aliments suffisants en quantité et surtout diversifiés. Ce comportement est dû principalement aux problèmes d’accoutumance et d’adaptation sociale. Face aux problèmes financiers dans le monde rural, l’Etat devrait contrôler et réviser les systèmes salariaux au niveau du secteur privé afin que les ménages, notamment les ruraux puissent jouir ou restaurer leur liberté fondamentale d’être et d’agir. Ce système de contrôle permettrait de réduire les fossés entre les riches et les pauvres. Ce système attenue aussi l’exploitation faite des capitalistes au simple employé.

Enfin, dans l’analyse de l’insécurité alimentaire, la Région Haute Matsiatra constitue un bon champ d’application de l’approche par les capabilités. Malgré ses énormes potentiels agricoles, ladite région souffre de l’insécurité alimentaire. Comme explication à ce paradoxe, nos hypothèses d’étude sont vérifiées tout au long de notre analyse. Le manque de moyens financiers des individus limite leur possibilité de constituer une vie confort dont incluse la satisfaction des besoins de base. Par ailleurs, les facteurs institutionnels à savoir les

142 traditions, les habitudes de pensée et d’agir constituent un obstacle à l’adoption des techniques agricoles plus performantes. Les productions ainsi conséquentes sont faibles en quantité et pauvres en qualité. Le pouvoir multiplicateur des facteurs de production ne permet pas de suivre le pouvoir multiplicateur de la population. Et ce notamment par le non recours à des facteurs technologiques ou à des techniques de production modernes pour exploiter des terres de moins en moins fertiles. Enfin, les facteurs institutionnels réduisent l’espace des capabilités des individus. Ces facteurs détournent notamment leur choix de fonctionnement. et constituent une entrave à la constitution de leur bien-être.

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ANNEXES

Annexe 1 : Liste des 22 Régions à Madagascar ANALAMANGA, VAKINAKARATRA, ITASY, BONGOLAVA, MATSIATRA AMBONY, AMORON’I MANIA, VATOVAVY FITOVINANY, IHOROMBE, ATSIMO ATSINANANA, ATSINANANA, ANALANJIROFO, ALAOTRA MANGORO, BOENY, SOFIA, BETSIBOKA, MELAKY, ATSIMO ANDREFANA, ANDROY, ANOSY, MENABE, DIANA, SAVA.

Annexe 2 : Liste des Communes par district dans la Région Haute Matsiatra

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Districts Communes Fianarantsoa I Fianarantsoa I Ambalavao Ambalavao – – Ambinaniroa – – Ambohimandroso – – Ankaramena – – Fenoarivo – Soamifanaraka – – Miarinarivo – . Ambohimahasoa – Ambohimahasoa – - Ankafina – – Fiadanana – Isaka – Kalalao – – Morafeno – (Tamboharivo) – – Vohitrarivo. Ikalamavony Ambatomainty – – Ikalamavony – – Sakay – Sakay – Tsitondroina. Vohibato – Talatanampano – Vinanitelo – – Vohibato Andrefana – Ankaromalaza Mifanasoa – Mahasoabe – Isandra Ambalamidera II – – Andoharanomaitso – – Ankarinarivo – Fanjakana – Iavinomby Vohibola – – Mahazoarivo – Lalangina – Alakamisy Ialamarina – Ambalakely – – Andrainjato Centre – Androy – – Ranoroahina Mahatsinjo – . Source : CREAM, 2009

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Annexe 3 : Carte d’occupation du sol de la Région

Source: Annexe PRD, 2006

153

Annexe 4 : Liste des Communes intervenues par le projet SiRSA IARINTSENA, AMBOHIMANDROSO, ANDRAINJATO, ANJOMA, ANKARAMENA, AMBINANIROA, AMBOHIMASINA, MIARINARIVO, VOHITSAOKA, AMPITANA, AMBALAKINDRESY, ANKAFINA, VOHITRARIVO, AMBOHITRAMBOARINA, CAMP ROBIN, BEFETA, FIADANANA, IKALAMAVONY, SOLILA, FITAMPITO, TSITONDROINA, ANDRAINJATO EST, TAINDAMBO, SAHAMBAVY, , ANKARINARIVO MANIRISOA, IAVONOMBY VOHIBOLA, ALAKAMISY AMBOHIMAHA, ANDOHARANOMAITSO, MAHASOABE, IHAZOARA, ANDRANOVORIVATO, ANDROY, VOHIMARINA.

Annexe 5 : Comparaison dans les coûts de revient : SRT – SRA – SRI

154

Source : Association Tefy saina (1995)

155

Annexe 6 : Exemples des meilleurs rendements obtenus en SRI à Madagascar

LOCALISATION RENDEMENTS (tonne/ha) Soatànana – Fianarantsoa (2003) 24,0 Tsaranoro Ambalavao (1995) 23,4 Soatànana Fianarantsoa (1998) 21,0 Morondava (1999) 17,5 Ampampana-Fianarantsoa (1993) 17,5 Betafo – Antsirabe (1998) 16,6 Ambano – Antsirabe (1998) 15,2 Anjazafotsy- Betafo (1998) 15,2 Besaha – Betioky – Tuléar (1993) 15,0 Source : Manuel SRI, Association TEFY SAINA

Annexe 7: Exemples des meilleurs rendements obtenus en SRI dans le monde

LOCALISATION RENDEMENTS (tonne/ha) Inde 20,0 Chine 17,6 Sri Lanka 15,2 Cambodge 14,0 Indonésie 13,8 Philippines 13,5 Cuba 12,2 Bengladesh 9,5 Gambie 9,4 Népal 8,0 Source : Manuel SRI, Association TEFY SAINA

156

TABLE DES MATIERES

Remerciements ...... i

Glossaire ...... ii

Liste des acronymes et abréviations ...... iv

Liste des tableaux ...... vi

Liste des figures ...... vii

Liste des annexes ...... vii

Sommaire ...... viii

Introduction générale ...... 1

Section 1 : Eléments contextuels ...... 2

Section 2 : Problématique ...... 5

Section 3 : Méthodologie ...... 8 section 4 : Plan de mémoire ...... 11

Partie 1: Analyse théorique du paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire ...... 12

Introduction de la partie 1 : ...... 13

Chapitre 1 : Les enjeux du facteur terre et de l’agriculture dans la pensée économique ... 14

Introduction du chapitre 1 ...... 14

Section 1 : La place de la terre dans les débats sur la croissance économique ...... 15

1.1 De la conception physiocratique de l'agriculture comme seule source de richesse à la théorie classique de la rente différentielle ...... 15

1.1.1 Concept physiocratique ...... 15

1.1.2 La démographie : facteur limitatif de la croissance...... 18

1.1.3 La terre et le rendement décroissant ...... 19

1.2 Le passage au concept des rendements croissants ...... 21

157

1.2.1 Le progrès technique : une prémisse à la croissance endogène...... 21

1.2.2 Le capital humain et la croissance des rendements ...... 23

Section 2 : L’agriculture comme frein ou moteur au développement ...... 27

2.1 Le dualisme urbain-rural : frein ou facteur du développement ...... 27

2.1.1 Disparité secteur moderne – traditionnel ...... 27

2.1.2 Le main d’œuvre et le développement ...... 30

2.1.3 L’enjeu du capitalisme et le sous développement ...... 31

2.2 L’économie paysanne et le sous-développement ...... 33

2.2.1 Les caractéristiques de l’économie paysanne ...... 33

2.2.2 Le modèle producteur-consommateur ...... 35

2.2.3 L’économie paysanne et la dégradation de l’environnement ...... 36

2.2.4 Les blocages au développement et perspectives sur l’économie paysanne ...... 37

Conclusion du chapitre 1 ...... 38

Chapitre 2 : Analyse de l’insécurité alimentaire : approche par les capabilités ...... 40

Introduction du Chapitre 2 ...... 40

Section 1: De l’approche subjective du bien-être à l’approche objective ...... 41

1.1 Vision traditionnelle du bien être : le relativisme ...... 41

- Utilité et le bien-être subjectif ...... 41

- Besoins de base et le bien-être subjectif ...... 43

1.2 Vision moderne du bien-être: une norme d’évaluation ...... 44

- Les besoins de Maslow ...... 44

- Le bien-être objectif et l’IDH : une norme d’évaluation ...... 47

Section 2 : Processus de constitution du bien-être ...... 49

2.1 Ressources et capabilités ...... 49

- Ressources et droits d’accès à l’alimentation ...... 50

- Ressources et capabilités ...... 54

- Processus de conversion ...... 56

158

- Capabilités, risques et vulnérabilité ...... 58

- Influence des facteurs institutionnels dans le processus de constitution du bien-être ...... 61

2.2 Capabilités et fonctionnements ...... 65

2.3 Fonctionnements et bien-être ...... 66

Conclusion du chapitre 2 ...... 68

Conclusion de la partie 1 ...... 69

Partie 2: Etude de cas de la Région Haute Matsiatra ...... 70

Chapitre 3 : Présentation du contexte et analyse ...... 72

Introduction du chapitre 3 ...... 72

Section 1 : Paradoxe potentiels agricoles et insécurité alimentaire ...... 72 1.1 Spécificités socio-économiques de la Région ...... 72

1.1.1 Découpage administratif et situation géographique ...... 72

1.1.2 Potentiels démographiques ...... 73

1.1.3 Potentiels économiques – pédologiques ...... 75

1.1.4 Potentiels climatiques ...... 77

1.1.5 Potentiels en ressources naturelles ...... 78

- Ressources forestière s ...... 78

- En matière d’hydrologie ...... 79

- Espèces faunistiques ...... 80

- Espèces floristiques ...... 80

1.1.6 Les infrastructures de la Région ...... 80

- En matière de santé ...... 80

- En matière d’éducation ...... 81

- Les institutions financières ...... 81

1.2 Bilan de l’insécurité alimentaire de la Région ...... 82

1.2.1 La sécurité alimentaire: un concept multidimensionnel ...... 82

1.2.2 Notion de l’insécurité alimentaire et fréquence ...... 85

159

1.2.3 Régime alimentaire des ménages ...... 86

- Comportement de consommation des ménages ruraux en période normale et de soudure .. 87

- Non accès à des sources améliorées d’eau ...... 90

1. 2.4 Etat nutritionnel de la population ...... 92

Section 2 : Analyse axée sur la non disponibilité alimentaire...... 95 2.1 Déséquilibre nourriture-population ...... 95

2.2 Exploitation croissante des terres de moins en moins fertiles ...... 97

2.3 Facteurs distributifs des denrées alimentaires ...... 98

2.4 Influence du déséquilibre nourriture-population sur les prix ...... 100

Conclusion du chapitre 3 ...... 102

Chapitre 4 : Analyse axée sur l’accessibilite des paysans aux facteurs de production ..... 104

Introduction du chapitre 4 ...... 104

Section 1 : Le PRDR et sa mise en application ...... 104

1.1 Spécificités du PRDR ...... 104

1.1.1 Vision du développement rural ...... 105

1.1.2 Les référentiels du PRDR ...... 106

1.1.3 Objectifs du PRDR et axes stratégiques ...... 110

1.2 Les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du PRDR ...... 112

Section 2 : Bilan de l’intervention des acteurs et enseignements ...... 119

2.1 Faible accès des ménages aux facteurs et aux techniques de production performantes ...... 120

2.1.1Recours des ménages à des matériels rudimentaires ...... 120

2.1.2 Recours des ménages à des semences et à des techniques traditionnelles ...... 121

2.2 Autres problèmes liés aux activités de l’agriculture ...... 124

2.2.1 Problème climatique ...... 125

2.2.2 Insécurité foncière ...... 125

2.2.3 Mauvais état de réseau hydraulique ...... 127

2.2.4 Insécurité sociale ...... 127

160

2.2.5 Les insectes nuisibles ...... 128

2.3 Revue de littérature : pratique agricole Chinoise et sécurité alimentaire ...... 129

- Contexte spécifique ...... 129

- Politique agricole Chinoise ...... 131

- Bref aperçu sur la sécurité alimentaire Chinoise ...... 133

2.4 Enseignements proposés ...... 134

2.4.1 Sur le plan local ...... ………………………………………………….. 134 2.4.2 Sur le plan national ...... 135 2.4.3 Sur le plan conceptuel ...... 136

Conclusion du chapitre 4 ...... 138

Conclusion générale ...... 141

Bibliographie ...... 144

Annexes ...... 151

161

Nom : RAKOTOARIVELO Prénoms : Martin Wilfried Titre : « Le paradoxe malgache entre potentiels agricoles et insécurité alimentaire: l’exemple de la Haute Matsiatra » Nombre de pages : 161 Nombre de Tableaux : 17 Nombre de Figures : 4

Résumé analytique L’insécurité alimentaire est un phénomène complexe. Elle peut être analysée sous diverses optiques, à savoir : économique, sociale, environnementale, sanitaire et politique. Les analyses des anciens théoriciens de la croissance dont les Physiocrates, Malthus (1776), Ricardo (1817) sont parcellaires. Elles se limitaient au problème de disponibilité face à l’accroissement de la population. Les nouveaux théoriciens de la croissance dont Romer (1986) et Lucas (1988) s’orientaient vers une augmentation soutenue et durable de la production. Lewis (1954), dans sa théorie de développement, explique les échecs de l’agriculture par la déconnexion entre le secteur moderne et traditionnel. Chayanov (1966) expliquait le sous développement par la dominance de l’économie paysanne. Amartya Sen, dans son approche par les capabilités, dépasse largement la vision « ressourciste » de l’économie. Mais il s’oriente sur la liberté réelle d’être et d’agir des individus à constituer leur bien-être. Sen veut dans son approche le plein épanouissement de l’individu.

Quant à la Région Haute Matsiatra, le renforcement de la capabilité de chaque individu constitue la voie d’atteindre les objectifs de sécurité alimentaire. L’amélioration du niveau de revenu et la promotion d’un environnement institutionnel efficace sont déterminantes dans l’accroissement de la capabilité. Un individu à large espace des capabilités dispose différentes stratégies pour se prémunir ou s’affronter aux risques. Enfin, la promotion de développement par l’augmentation des capabilités nécessite, comme exigence, une synergie d’actions émanant de toutes les forces vives au sein de la Région.

Mots clés : Insécurité alimentaire, agriculture, croissance, population, sous-développement, revenu, environnement institutionnel, capabilité, risques, vulnérabilité.

Encadreur : Monsieur RAKOTOVAO Heriniaina Andriananja Adresse de l’auteur : AV 369 Ambohijanamasoandro Itaosy – Antananarivo 102 E-mail : [email protected] Contact : 034 17 747 33

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