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The Departed de , Voyage en Arménie de Robert Guédiguian, Flags of Our Fathers de Clint Eastwood, Persona non grata d’, La dignité du peuple de Fernando Solanas, La belle bête de Karim Hussain, Guide de la petite vengeance de Jean-François Pouliot, Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, The Queen de Stephen Frears, Le génie du crime de Louis Bélanger, Infamous de Douglas McGrath, The Christie’s de Phil Mullroy

En promotion : cinéma québécois Number 130, December 2006, January 2007

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review (2006). Review of [The Departed de Martin Scorsese, Voyage en Arménie de Robert Guédiguian, Flags of Our Fathers de Clint Eastwood, Persona non grata d’Oliver Stone, La dignité du peuple de Fernando Solanas, La belle bête de Karim Hussain, Guide de la petite vengeance de Jean-François Pouliot, Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, The Queen de Stephen Frears, Le génie du crime de Louis Bélanger, Infamous de Douglas McGrath, The Christie’s de Phil Mullroy]. 24 images, (130), 48–55.

Tous droits réservés © 24/30 I/S, 2006 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

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terrible état du monde. Ce regard n'est pas loin de la caricature et le Robert Guédiguian le périple chute en agglutinant les genres (le polar, le mélo, le près s'être éloigné de Marseille avec documentaire, la chronique, la A te promeneur du Champ de Mars fable, etc.). De plus, le portrait (2005), Robert Guédiguian est reparti que trace Guédiguian d'Anna est de nouveau et s'est envolé vers Erevan. pour le moins fâcheux. Celle-ci est C'est une autre façon de vouloir, après dans un état d'hystérie constant, Mitterrand, retrouver un père puisque, lit­ en colère contre tout et contre téralement, c'est ce que fait Anna (Ariane tous, peu chaleureuse, ce qui la Ascaride), qui veut ramener le sien (Chorik rend franchement antipathique. On garde pénétrer dans la réalité sociale et humaine Grigorian) à bon port; se sachant très d'elle une image négative même si, in extre­ d'un pays profondément affecté par 70 ans malade, celui-ci est retourné sur la terre mis, elle accepte, enfin souriante, la décision de pouvoir soviétique. De toutes les direc­ de ses ancêtres sans laisser d'adresse. de son père de demeurer en Arménie et que tions prises par le cinéaste reste ce qui a fait ie voyage en Arménie est prétexte pour le ce pays soit celui des mafieux plutôt que sa marque : un film de proximité qui inter­ cinéaste à analyser son propre pays par la des politiciens - ce qui est déjà un drôle de roge les rêves et les cauchemars de la société lunette d'un autre. De jeter, comme l'ensem­ retournement pour une communiste comme actuelle. - André Roy ble de ses réalisations nous y avait habitués, elle, transformée, d'ailleurs, le plus souvent un regard social, politique et critique sur un en Tintin (elle sait manier les armes comme , 2006. Ré. : Robert Guédiguian. Int. : Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Chorik Grigorian, Jalil Lespert. groupe de personnes aux prises avec des pro­ pas un). C'est là que le bât blesse, pour une 125 min. Coul. Dist. : Métropole . blèmes quotidiens, qui ne reflètent que le fiction qui réussit aléatoirement à nous faire Sortie prévue : 15 décembre 2006

48 N°130 24 IMAGES Flags of Our Father'

Les héros sont fatigués par Gilles Marsolais

oujoursactif là où on ne l'attend pas, cette fois Clint Eastwood explore T la thématique du héros qui lui est chère en revisitant un épisode de la Seconde Guerre mondiale, la bataille sanglante d'Iwo Jima, à laquelle l'armée américaine prit part en février et mars 1945. Soutenu par Steven Spielberg à la production, qui n'a pas craint lui-même de s'attaquer à une vision sacra­ lisée de l'histoire avec La liste de Schindler, Clint Eastwood propose une relecture de cette bataille, non pour magnifier des faits d'armes, mais pour mieux analyser -voire déconstruire - le mythe du héros qui, encore aujourd'hui, sert à raviver l'ardeur patrioti­ que du peuple, au cinéma comme dans la vie, selon le principe des vases communi­ cants qui, de l'image à la réalité, de Ronald trumentalisée, récupérée à des fins de pro­ un effet de dispersion et de lourdeur, avec Reagan à Arnold Schwarzenegger, a permis pagande, la photo, montrant une poignée ses nombreux passages obligés du passé récemment à des icônes du grand écran de de soldats à l'œuvre vus de dos, devint célè­ au présent, mais sans entacher la beauté s'incarner dans la vie politique pour y jouer bre et entra dans la légende. II faut rappe­ plastique crépusculaire de l'ensemble aux un rôle déterminant. ler qu'à cette époque, en 1945, la télévision sombres tons monochromes (qui, sans en Ainsi donc, le 19 février 1945, une armada n'existait pas et que l'image, rarissime dans faire étalage, montre crûment l'horreur des de 30 000 soldats américains soutenue par les journaux et d'autant plus précieuse au combats) ni la pertinence de la remise en l'aviation débarque sur une petite île stra­ cinéma, avait un impact considérable. Qui question que suggère le film qui autorise tégique du Pacifique comptant 20 kilomè­ plus est, le gouvernement américain poussa des rapprochements avec ce qui se passe en tres carrés, gardée par 12 000 soldats japo­ l'audace jusqu'à rapatrier les trois figurants Afghanistan et en Iraq, même si les moti­ nais. Priorité des Américains : s'emparer du de cette photo truquée qui avaient survécu vations et le contexte sont différents. Clint mont Suribachi qui en verrouille l'entrée et au carnage pour les élever au rang de héros Eastwood, on le sait, est assimilé au Parti domine l'ensemble de la région. Ils y parvien­ et les transformer eux aussi en instruments républicain de George W. Bush, mais à son dront quelques jours plus tard et y plante­ d'une machine à propagande. aile libérale qui est, par certaines de ses ront symboliquement leur drapeau alors que Flags of Our Fathers est centré sur la prises de position, plus progressiste que la victoire finale, le contrôle de l'île, est loin mémoire de ces événements tels qu'ils sont l'aile droite du Parti démocrate. Malgré la d'être acquise. Les combats-ou plutôt les relatés par ces vieillards qui vécurent mal, à complexité de son tournage avec plusieurs massacres- auront duré au total 31 jours et des degrés divers, cette imposture et ce car­ équipes et de son dispositif, Flags of Our entraîné la mort de 7 000 Américains et de nage alors qu'ils sortaient de l'adolescence. Fathers, qui déconstruit le mythe du héros 21 000 Japonais, sans compter les blessés! Carnage dû à l'information défaillante des (les demi-dieux ne sont pas ceux que l'on Désireux de garder un souvenir de ce fait services secrets de renseignements et des nous vend) tout en tentant de lui réassi­ d'armes, un politicien de passage dans l'île stratèges militaires quant à la situation gner sa vraie place et sa vraie dimension alors que les combats y font toujours rage réelle sur le terrain (tiens donc !), et mémoi­ à travers certains aspects de ses personna­ (ça ne vous dit rien ?) fait donner l'ordre de res -au pluriel -qui renvoient à autant ges non monolithiques, est sans doute le retirer cette bannière étoilée pour se l'ap­ d'appréciations décapantes de cet épisode reflet fidèle, diffracté, de son tiraillement, proprier comme un trophée et la rempla­ dramatico-loufoque de l'engagement amé­ voire du désenchantement du cinéaste face cer par une autre. Cette opération de mise ricain dans la guerre. Le recours à une voix à l'écroulement de ses valeurs. ?! en scène pour hisser un nouveau bout de off tripartite, identifiée aux narrateurs qui chiffon (cette «saloperie», dira l'un des sol­ d'une façon décalée interviennent à tour États-Unis, 2006. Ré. : Clint Eastwood. Scé. : William dats affecté à cette basse besogne) fut pho­ Broyles Jr. et Paul Haggis, d'après le livre de de rôle à l'écran comme témoins pour don­ James Bradley et Ron Powers. Ph. : Paul Stern. tographiée soi-disant «sur le vif» par Joe ner leur point de vue sur l'acte guerrier et Mont. : Joel Cox. Mus. : Clint Eastwood. Int. : Rosenthal de l'Associated Press. Aussitôt ins- Ryan Philippe, Jesse Bradford, Adam Beach. authentifier cet épisode en particulier, crée 132 minutes. Couleur. Dist. : Paramount.

N°130 24 IMAGES 49 N'anticipons pas. En 2002, c'est Arafat qui Persona non grata occupe les pensées de celui qui se voudrait d'Oliver Stone l'empêcheur de penser en rond. Et il est dif­ ficile de lui reprocher son choix, de même que son approche qui se résume à une exi­ gence : y voir plus clair. Noble entreprise. Pourtant, ce film restera l'échec du récit d'un échec, celui d'obtenir une entrevue personnelle avec le leader palestinien. Ce récit s'articule donc autour de la ten­ tative sans cesse contrecarrée de rencon­ trer Arafat, retranché dans la Moqata'a, son quartier général de Ramallah. II prend / fin au moment du bombardement de ce palais prison, en avril 2002. Entre-temps, Stone se met abondamment en scène et va par contre rencontrer nombre d'acteurs du conflit israélo-palestinien. Côté israé­ lien, Ehoud Barak, Ariel Sharon, Benjamin Nétanyahou... mais surtout Shimon Peres qui, par ses interrogations, sa vision et sa lucidité, reste encore celui qui un jour par­ M tagea avec Arafat (et Rabin) un prix Nobel oilà donc que Sa Majesté Oliver Stone, «rebelles» qui dédièrent leur vie à défier de la paix. Côté palestinien, des dignitaires V désormais sorte de Michael Moore la toute-puissance américaine. En 2004, du Hamas, des civils en colère... mais sur­ auquel aurait échu le portefeuille des c'était le tour de Castro. On a parlé d'un pro­ tout trois membres des brigades des martyrs Affaires étrangères, s'est mis dans la tête jet sur Kadhafi, pourquoi d'ailleurs ne pas d'AI-Aqsa, branche armée du Fatah d'Arafat, d'intéresser l'Amérique bushienne à ces lui suggérer Chavez, Morales ou Ortega? qui revendiquent le droit de lutter contre l'occupation, rhétorique étrangement fami­ lière aux Occidentaux, émanant de plus d'un mouvement laïque qui refusent d'être assi­ milés aux «fous de Dieu » pointés du doigt par la guerre au terrorisme. En tentant de s'inscrire de façon non parti­ sane dans le débat, en tentant de compren­ dre, Stone pèche malgré tout par orgueil. Car au final, Persona non grata n'indique aucune piste nouvelle. Résumé certes plutôt honnête de la situation, ce super-reportage dopé aux vitamines du clip n'offre qu'une perspective éducative à ceux qui ignore­ raient encore la situation; c'est un aide- mémoire en quelque sorte. Avec cependant un absent de taille, les États-Unis de Bush, à peine évoqués!

La suite est connue, Arafat décède le 11 novembre 2004. Le téléfilm de Stone sort donc sur nos écrans deux ans après sa mort, plus de quatre ans après les événements qu'il relate. Et la véritable et douloureuse surprise n'appartient pas au film mais à l'histoire qui semble faire du surplace : Arafat n'est plus et le conflit israélo-palestinien en est toujours au même point. - Philippe Gajan N'ATTENDEZ PAS QU'ON VOUS PRIVE DE L'INFORMATION POUR LA DEFENDRE Soutenez les journalistes emprisonnés en achetant cet album photos ~WTB et maisons de la presse 13$ Esp.-É-U.-Fr., 2006. Ré. : Oliver Stone. 67 min. Dist. Christal Films.

50 N°130 24 IMAGES enser au réalisme social au cinéma renvoie La dignité du peuple P presque instantanément à Frank Capra et dans une certaine mesure aussi à Robert de Fernando Solanas Guédiguian. Faudra-t-il désormais également compter avec Fernando Solanas? On savait le réalisateur argentin Robin des bois toujours prêt à mettre sa caméra au service des peuples plutôt que du pouvoir. On le savait dénonciateur, engagé, mili­ tant. Fondateur de Ciné Liberacion en 1966, groupe indépendant de production et de dif­ fusion prônant un troisième cinéma, dans le cadre duquel il signait le pamphlet L'heure des brasiers et posait les fondations d'une œuvre résolument résistante, tant docu­ mentaire (te regard des autres) que de fic­ tion (te Sud, te nuage), lui-même victime de ses convictions (il a été blessé par bal­ les aux jambes), Solanas avait encore affiné la pertinence de son regard dans Mémoire Construit autour de l'axiome pétri de belles de compter pour avancer. Mais quelque chose d'un saccage en 2001, dénonciation lyrique intentions humanistes «Si tous les hommes grince dans la belle logique de l'œuvre. et puissante des ravages causés à l'Argentine de bonne volonté voulaient bien se donner Narrant d'une voix off trop douce, déréalisant par ses différents gouvernements. Les mots y la main», le film a également la bonne idée presque son propos et accumulant les effets étaient forts, les images d'archives ou prises de ne pas chercher à susciter la compassion de style lourds, Solanas distille en effet une sur le vif saisissantes, le regard sans conces­ mais l'admiration. sorte de naïveté sociale unidimensionnelle sion et la démonstration implacable. D'une main, on applaudit l'imparable sincérité trop datée pour convaincre. D'autant Voilà, entre autres raisons, pourquoi cette de l'entreprise, comme l'ont d'ailleurs fait les qu'en creux du film se dessine également Dignité du peuple, seconde partie d'une série membres du jury du Festival de Venise 2005 l'échec des mouvements sociaux à trouver de quatre documentaires consacrés aux bou­ en lui attribuant les prix du Meilleur docu­ une alternative viable au grand choc de la leversements argentins, étonne. Car Solanas mentaire et des Droits de l'homme. Qui pour­ mondialisation. De quoi se poser la question : y perd quelque peu de sa rage revendica­ rait en effet ne pas constater la profonde au cinéma, est-il plus facile de dénoncer que trice, proposant plutôt de regarder la réac­ utilité du message de Solanas refusant tout d'admirer?- Helen Faradji tion de divers groupes et individus œuvrant cynisme ou sensationnalisme : les «pauvres» avec bien peu de moyens à la reconstruction Arg.-Brésil-Suisse, 2006. Ré. : Fernando Solanas. 120 min. ne sont plus des victimes mais des êtres cou­ Dist. : Métropole Films. sociale de son pays. rageux et dignes sur qui la démocratie se doit Sortie prévue : janvier 2007

nale, qui tenait par la virtuosité de l'écriture La belle bête et l'appropriation distanciée de quelques de Karim Hussain mythes et archétypes littéraires féconds, se trouve ici réduite à un catalogue de lourds l n'est pas rare que la littérature, parce clichés psychologiques, dont l'exposition ™. I qu'on y crée des mondes qui naissent et maladroitement théâtrale finit par ressem­ vivent par la langue de l'écrivain et elle seule, bler à un pastiche de film d'horreur. C'est offre des histoires particulièrement difficiles un peu comme si Hussain avait oublié qu'il 1 à transposer dans un autre support; il faut n'était plus sur le plateau de Subconscious un grand artiste pour saisir ce qui fait l'âme Cruelty et avait décidé d'infliger à l'univers de l'œuvre et en proposer une authentique de Marie-Claire Biais l'espèce d'esthétique fran< ;ais mâtiné d'une pointe d'ac< :ent pari- recréation, qui se met alors à valoir pour elle- gore qui a fait sa (douteuse) renommée. Des sien, ce qui n'aide en rien à entrer dan s ce récit même. L'exemple qui vient tout de suite à l'es­ décors qui accusent la pauvreté de la direc­ male onstruit et incroyable au sens premierd u prit est peut-être Kamouraska d'Anne Hébert, tion artistique au jeu famélique d'acteurs soit term e, plus ridicule encore (il faut vr oir David dont Claude Jutra a su tirer un film éminem­ mal dirigés (Grondin et Dhavernas ont déjà La H;îy e en gentleman gominé !) qc e simple- ment personnel, très différent du roman et été meilleurs) ou carrément mauvais (Carole mem: mauvais. - Pierre BarretteClair e Biais, pourtant admirable. L'adaptation que Karim Laure, égale à elle-même), de la direction Que., 2006. Ré. : Karim Hussain. Scé. : Marie-n de Marie- Hussain vient de réaliser de La belle bête, photo inégale au montage sautillant, tout Hussai n et Julien Fonfrède, d'après le roma Jré Grondin, premier roman de Marie-Claire Biais, est aux dans ce film est faux et transpire l'amateu­ Claire Biais. Int. : Caroline Dhavernas, Marc-Ani Carole Laure. 111 min. Prod.: Équinoxe et La machine antipodes de cette réussite. L'histoire origi­ risme. On y parle de surcroît un impossible écran. Dist. : Équinoxe.

N°130 24 IMAGES 51 convainc, et on se trouve au milieu de cette gue d'erreurs ayant pour conséquence que Guide de la petite vengeance histoire tordue et mal racontée plus égaré même le spectateur habité des meilleu­ de Jear et perplexe qu'amusé, et assez rapidement res dispositions en viendra ultimement à plus fâché que séduit. Outre des personna­ décrocher, à se mettre à distance d'un récit ges qu'on tente de rendre intéressants en t intérêt de ta grande séduction, fruit dont les ficelles peu subtiles sont comme les caricaturant et un ton qui hésite entre la L d'une première collaboration entre un piège trop visible pour être efficace. Jean-François Pouliot à la réalisation et fable morale et la comédie de situation, c'est - Pierre Barrette surtout la multiplication de petites incon­ Ken Scott au scénario, tenait pour beau­ Que., 2006. Ré. : Jean-François Pouliot. Scé. : Ken Scott. coup à l'originalité et à l'intelligence d'un gruités qui gâche la sauce : il ne suffit pas Int. : Marc Béland, Pascale Bussières, Gabriel Gascon, en effet de mettre une perruque de che­ Michel Mùller. Prod. : Roger Frappier et Luc Vandal pour propos qui faisait sortir la comédie qué­ Max Films. Dist. : Les films TVA. bécoise de ses ornières habituelles; l'hu­ veux longs à Marc Béland pour mour bon enfant qui le traversait profi­ rendre crédible le fait que son tait d'ailleurs du fait de se déployer loin de personnage a tout à coup vingt tout milieu à la mode, dans cette Sainte- ans de moins, pas plus qu'il n'est Marie-la-Mauderne dont l'improbable gale­ très heureux de faire mourir rie de personnages un peu archaïques nous aux deux tiers du film le per­ réjouissait. Malheureusement, ou heureu­ sonnage-clé d'une intrigue déjà sement peut-être, Guide de la petite ven­ chancelante, qui va aller à partir geance prouve par la négative qu'il n'existe de là en se décomposant. Et la pas de recette à ce genre de succès : mal­ liste est longue de ces détails en gré tous les efforts que les deux comparses apparence anodins qui finissent y déploient lourdement, jamais le film ne par constituer un vilain catalo­

franquiste (l'action se ceux-ci sont mis au service d'un sujet. Ce Le labyrinthe de Pan situe en 1944, peu de film en impose par sa façon élégante d'en­ de Guillermo del Toro temps après la fin de trelacer dialectiquement l'Histoire (avec un la guerre civile). grand H) et la féerie, et même jusque dans Pari gagné puisque le la manière de côtoyer l'horreur, en évoquant résultat est étonnam­ l'univers pictural de Goya par la représen­ ment convaincant, tation symbolique de Saturne dévorant ses porté par l'interpré­ enfants. tation stupéfiante de En effet, c'est sans lourdeur didactique Sergi Lopez en par­ et sans mièvrerie, à travers le parcours **& à fait salopard dans initiatique d'une fillette dont il épouse i* le rôle du capitaine le regard et l'imaginaire, que ce conte J7W Vidal, chargé de tra­ de fées pour adultes explore, en s'aven- quer en montagne turant sur le terrain miné des monstres >kifci les derniers maqui­ de la mythologie et de la politique, la titeS ^3» sards républicains, et question épineuse du douloureux héri­ nouveau beau-père tage laissé par le fascisme au sein de la W% iyn f **c d'une fillette apeurée société espagnole. Les cinéastes améri­ qui se réfugie dans un cains ont le plus souvent un rapport fan­ monde magique tout tasmé à l'histoire, ancienne ou en marche, pécialiste des effets spéciaux aussi monstrueux où elle doit surmonter dans le but évident d'entretenir ou de S (L'exorciste, Scanners, Les préda­ diverses épreuves imposées par un faune raviver la fibre patriotique chez le spec­ teurs) et du travail à la télévision, et tou­ aussi inquiétant que cette figure paternelle tateur. D'origine mexicaine, Guillermo jours actif à Hollywood dans des adapta­ autoritaire. Tournant le dos à la vacuité de del Toro s'inscrit plutôt dans la tendance tions de comic-books (Blade 2, Hellboy), ces films américains tapageurs axés sur les de ces cinéastes «non alignés» qui, là Guillermo del Toro s'est imposé comme un seuls moyens techniques, et se situant dans comme ailleurs, opèrent un retour sur le réalisateur à part entière ayant son style la lignée de L'échiné du diable (un film de passé dans le but d'éveiller le spectateur propre avec Cronos (1993), acclamé par la fantômes dans lequel des enfants sont à la lucidité citoyenne et à la conscience critique internationale. C'est tout naturelle­ confrontés à un climat de guerre, aussi sous critique. - Gilles Marsolais ment, peut-on penser, que dans te labyrin­ le franquisme), te labyrinthe de Pan, malgré the de Pan, il a choisi le pari risqué de plon­ le classicisme de sa narration, est au final Esp., 2006. Ré. et scé. : Guillermo del Toro. Int. : Sergi Lopez, Ivana Baquero, Ariadna Gil, Mirabel Verdu. 114 min. Dist. : ger dans le conte fantastique pour effectuer une œuvre aboutie au ton grave qui fonde Alliance Atlantis Vivafilm. la pertinence des effets spéciaux lorsque un retour sur les premières heures du régime Sortie prévue : 29 décembre 2006

52 N° 1 30 24 IMAGES epuis My Beautiful Laundrette qui Ce qui aurait pu être The Queen D l'a révélé en 1985, Stephen Frears un ennuyeux échange mène une double carrière, en Angleterre de courbettes appa­ de Stephen Fre et aux États-Unis, et les films qu'il réalise raît ultimement des deux côtés de l'Atlantique sont à cha­ comme une œuvre que fois d'exemplaires caméléons, car ils très intelligente, drôle se fondent à l'environnement culturel qui et finement critique, les baigne de manière toujours fort effi­ marquée tout particu­ cace. Frears aime s'inspirer d'un milieu, lièrement par la per­ entendu au sens quasi anthropologique formance hors norme du terme - le monde des petits criminels d'. En de la fraude dans The Grifters, la jeunesse effet, la profondeur prolétarienne irlandaise dans The Snapper de son jeu n'a d'égale - pour en démonter la logique inconsciente que l'aisance avec et faire la lumière sur les jeux de pouvoir qui laquelle elle se trans­ le règlent. Et c'est bien ce qu'il fait encore forme pour incar­ une fois dans The Queen, s'attaquant au ner une Elizabeth II cercle extrêmement fermé des puissants de stupéfiante de res­ Grande-Bretagne, l'archaïque famille royale semblance. II faut en tête. II prend prétexte des événements dire que cette métamorphose réaliste entourant la mort accidentelle de Diana était nécessaire si l'on considère la proxi­ en 1997 pour réaliser une extraordinaire mité dans le temps d'un tel sujet, et on radioscopie de l'élite anglaise, et en parti­ se trouve plus d'une fois animé par l'im­ culier du bras de fer auquel se sont livrées pression d'assister en direct à une sorte de à cette occasion ses deux principales institu­ téléréalité à laquelle se seraient prêtées tions - la monarchie et le Parlement, repré­ de bonne grâce la reine et sa cour. Frears senté ici par le premier ministre Tony Blair. joue d'ailleurs abondamment de ce plaisir

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Le génie du crime de Louis Bélanger

près Gaz bar blues, voici Louis A Bélanger aux commandes de l'adaptation d'une pièce de George F. Walker, te génie du crime, dans laquelle cinq perdants - deux criminels incompétents, leur patronne, un alcoolique et la fille d'un truand désireuse de régler ses comptes avec son père -se retrouvent dans une minable chambre de motel. Produit à l'initiative de Radio-Canada, le film mise sur le potentiel comique du dialogue et l'indéniable talent de Bélanger pour la direction d'acteurs. Le rire est effectivement au rendez-vous, u terme du percutant Capote de Bennett pudeur, le faisant même précéder d'un rap­ mais les limites du projet apparaissent A Miller, inspiré du livre éponyme de prochement physique plutôt violent mais sans rapidement évidentes. C'est que Gerald Clarke, la cause était entendue : incarné surligner son effet, Douglas McGrath cristallise l'exiguïté des lieux force le cinéaste à l'écran d'une façon convaincante par Philip à l'écran l'importance du baiser du condamné à à coller aux acteurs et à utiliser des Seymour Hoffman, l' de l'inoubliable mort (relire Jean Genet), baiser qui aura réduit objectifs à focales courtes, ce qui a pour In Cold Blood, écrivain homosexuel maniéré, la tension entre les deux hommes, ouvert les effet d'amplifier le côté caricatural des était un ignoble manipulateur, un vampire qui vannes, favorisé les confidences et la confes­ personnages et des situations qu'ils avait entre autres sucé le sang de son informa­ sion, mais qui aura aussi du coup aveuglé l'écri­ provoquent. Sans condescendance ni teur, le meurtrier du Kansas Perry Smith qui, vain - démasqué par son alter ego - au point agressivité, disons que te génie du à son corps défendant, s'était livré à lui pieds de le rendre définitivement improductif après crime est une production télévisuelle et poings liés, moyennant finances et pots-de­ la publication de In Cold Blood. mieux adaptée à la spécificité du petit vin. Du moins, pouvait-on le penser jusqu'à ce Chez Miller, Truman Capote est habillé comme écran qu'à l'écran large de la salle de que nous parvienne enfin ce jouissif et trou­ un comptable, alors que dans Infamous blant Infamous de Douglas McGrath, conçu et McGrath ne craint pas de le dépeindre produit en même temps que le film de Miller comme un queer flamboyant qui dans le par le plus pur des hasards : loin d'être une Sud profond des années 1960 provoque aussi simple redite, il vient singulièrement brouiller bien l'hostilité que le fou rire. Détail parmi les pistes et ébranler nos certitudes de spec­ d'autres s'inspirant d'images d'archives, et tateur. II s'agit donc de deux excellents films du livre documenté de George Plimpton, qui qui appellent un rapprochement incontour­ atteste du souci d'exactitude du réalisateur. nable : en abordant rigoureusement le même Contrairement à Miller dont l'approche reste sujet, ils proposent deux points de vue diver­ consensuelle et les choix esthétiques classi­ gents sur les stratégies d'enquête, et partant, ques, McGrath a opté pour un style alerte, sur la personnalité et la nature véritable du tout en nuances, en accord avec la complexité célèbre écrivain. du personnage. Vaniteux, intéressé, manipu­ cinéma. La qualité technique de l'image Infamous, c'est là sa force, est plus explicite lateur, Truman Capote ? Sans doute, mais dans supporte en effet difficilement la sur le sentiment amoureux qu'a pu entrete­ Infamous, il ressort que, derrière sa façade projection sur grand écran. Par ailleurs, nir Truman Capote (Toby Jones) à l'endroit d'amuseur frivole, c'était surtout un être vul­ si on comprend les raisons dramatiques de Perry Smith (Daniel Craig, qui donne ici la nérable, viscéralement assoiffé d'amour, et qui poussent Bélanger à sortir de la mesure de son talent). Au contraire de Bennett qu'il était capable d'une rare franchise, qua­ chambre de motel pour montrer Miller qui l'évacué pratiquement, Douglas lité qui lui permettait de gagner la confiance l'assaut visant à tuer le caïd, on ne peut McGrath explore à fond cette piste, en faisant des gens et lui ouvrait toutes les portes. La que regretter les choix esthétiques même la clef de voûte de son récit, y décelant prestation remarquable de Toby Jones, que lui dictent alors ses contraintes la seule explication plausible de la confession qui en arrive à faire oublier celle de Philip budgétaires. - Marcel Jean totale de l'assassin à l'auteur et de l'impuis­ Seymour Hoffman tout aussi brillante, nous sance créatrice qui s'ensuivit chez ce dernier, en convainc. - Gilles Marsolais Que., 2006. Ré. : Louis Bélanger. Int. : Gilles Renaud, en plus de souligner le fait que tous les deux Patrick Drolet, François Papineau, Anne-Marie partageaient plusieurs points communs issus É.-U., 2006. Ré. et scé. : Douglas McGrath, d'après le livre Cadieux, Julie Le Breton. 84 min. Prod. : André de George Plimpton. Int. : Toby Jones, Daniel Craig, Sandra Gagnon, Lycaon Pictus. Dist. : K-Films Amérique. d'une enfance privée d'amour. Sans fausse Bullock. 118 min. Dist. : Les films Seville

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ans le domaine du long métrage d'ani­ voisin (il s'agit d'Adolf Hitler), Mme Christie tion lui permet d'audacieux raccourcis nar­ D mation, The Christies apparaît comme annonce qu'elle lui trouve de belles quali­ ratifs, alors que la prise de vues réelles est à une œuvre totalement atypique. Alors que le tés humaines, mais que ses cheveux gras ne cet égard beaucoup plus contraignante. En format long est souvent le cadre d'une pro­ lui donnent pas fière allure, tandis que M. ce sens, The Christies constitue pour lui un fusion d'effets spéciaux et d'un étalage de Christie déclare qu'il n'aime pas les Allemands important changement de cap. Intolerance savoir-faire, le film de Phil Mulloy se distingue et encore moins l'accent teuton. Les person­ III (2004), coproduit avec l'Allemagne, avait par sa technique rudimentaire et son style nages prennent la forme de silhouettes et laissé le sentiment que l'envergure du projet minimaliste. En fait, dans l'histoire de l'ani­ sont filmés de profil et en gros plan, occu­ avait un peu paralysé la spontanéité du réa­ mation, te théâtre de M. et Mme Kabal de pant toujours les extrémités du cadre. Les lisateur. Cette fois-ci, Mulloy a délibérément Walerian Borowczyk apparaît comme un de arrière-plans sont délibérément recouverts cherché à se placer en marge des normes. Le ses proches parents : même refus du beau, de couleurs criardes. Ilya ici peu d'animation budget de production se chiffre à une « poi­ du spectaculaire et du gracieux. On pourrait au sens technique du terme, car les person­ gnée de change», comme on dit ici, le film ajouter : même impossibilité pour le specta­ nages ne bougent presque pas (et parlent ayant entièrement été dessiné à l'aide d'un teur de s'identifier à quelque personnage que beaucoup). L'espace du film se résume en fait ordinateur personnel. Les dialogues viennent ce soit, même rejet de la notion de confort. à une surface sur laquelle le cinéaste dispose d'un logiciel (disponible gratuitement dans En effet, The Christies est une œuvre sèche, des éléments presque statiques. Loin de sus­ Internet) qui prononce les phrases tapées par brute, qui tourne le dos à tout ce que nous citer l'ennui, les images de The Christies sont l'utilisateur et permet de moduler les voix avions appris sur la bonne animation. Et c'est rigides et tendues, en accord avec le disposi­ en fonction du sexe, de l'âge et de l'appar­ un film qui donne une image très peu rassu­ tif agressif de cette œuvre. tenance ethnique du personnage. La distri­ rante, pour ne pas dire effrayante, du monde Mulloy a commencé à pratiquer l'anima­ bution du film se fait sur des DVD gravés par dans lequel nous vivons. II existe toutefois tion après des études en arts modernes et le cinéaste lui-même. Le générique de fin, une différence importante entre le film de grâce à l'influence de sa femme (la cinéaste complètement bidon, a été « volé » sur le DVD Borowczyk et celui de Mulloy : le premier est Vera Neubauer). Plus tôt, il s'était risqué à d'un blockbuster que Mulloy a tout bonne­ un véritable poème aux métaphores parfois la prise de vues réelles, mais sans succès. II a ment piraté (tout en prenant soin de chan­ énigmatiques, tandis que celui de Mulloy est découvert dans l'image par image un moyen ger les noms). En définitive, The Christies une comédie noire dont la charge satirique d'aborder la création avec plus d'immédia- est une œuvre emballante, pleine d'idées, est très clairement affichée. Au plus récent teté. Cela peut apparaître paradoxal, car qui suscite la réflexion - et peut-être même Festival international d'animation d'Ottawa, plusieurs grands cinéastes d'animation peu­ un brin de controverse - aussi bien par son le jury a d'ailleurs fait preuve d'audace en lui vent mettre des années à réaliser un film. Or, contenu que par sa forme et son cadre de accordant le prix du long métrage. l'immédiateté chez Mulloy consiste en une production. - Marco de Blois En une douzaine de sketches durant de sept technique légère et en une extrême concen­ Royaume-Uni. 2006. Ré. et scé. : Phil Mulloy. 80 minutes. à quinze minutes, The Christies dépeint la tration du propos. En d'autres mots : l'anima­ Prod, et dist. : Phil Mulloy (Spectre Films). classe moyenne britanni­ que dans la plus grande trivialité de son existence. Cette frange de la société contemporaine a ici entiè­ rement abandonné les repères moraux, politi­ ques et intellectuels : elle se consacre avant tout à la consommation, saisissant toutes les occasions de pas­ ser chez Tesco (un Wal-Mart européen) afin d'y ache­ ter un chien, des plantes, n'importe quoi. Elle réagit à toutes les situations avec un relativisme déconcer­ tant, n'arrivant plus à dis­ cerner ce qui relève de l'ab­ jection. Par exemple, après avoir rencontré le nouveau

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