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Chapitre 6

ÉTOILÉS

La terrible efficacité des rafles lensoises s’explique largement par un travail régulier et méthodique de mise à jour des fichiers juifs, le renforce- ment chaque jour plus intensif de la surveillance et la diligence des autori- tés en place dans la région vis-à-vis des consignes des occupants. Car pour spolier, marquer, puis déporter les Juifs, encore fallait-il savoir à quelles portes frapper. C’est là le rôle dévolu aux autorités françaises, administra- tivesetpolicières.Ellesvonts’en acquitter avec une application minu- tieuse. Au cours de l’été 1942, la distribution des étoiles jaunes, qui s’insère dans la séquence d’accélération brutale de la Shoah sur le territoire euro- péen, fait figure de répétition générale des drames à venir.

Surveillances rapprochées

UN PROCESSUS EUROPÉEN

La soudaine détérioration des conditions d’existence des Juifs lensois au cours de l’été 1942 prend place dans la séquence temporelle d’accéléra- tion brutale de la Solution finale qui court du printemps au mois de novembre 1942, date à laquelle les convois de déportation à partir de la Hollande, de la France, enfin de Belgique (d’où les derniers Transports XVI et XVII de 1942 partent le 31 octobre) sont momentanément stoppés. Le 4 mars 1942, Eichmann, chef du service des affaires juives à l’Office central de sécurité du Reich, et à ce titre organisateur des déportations, convoque à Berlin Theodor Dannecker, Willy Zoepf et Kurt Asche, respecti- vement Judenreferent à Paris, La Haye et Bruxelles. Il leur expose les résul- tats de la réunion de Wannsee, le 20 janvier 1942, les incite à introduire, de façon coordonnée sur chacun de leurs territoires d’administration, Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 150/304

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l’obligation de porter l’étoile jaune. Dannecker propose alors de déporter 5 000 Juifs de France au cours de l’année. Mais pour ce qui concerne la Hollande et la Belgique, aucun programme de déportation massive à brève échéance n’est encore lancé. Le 11 juin 1942, nouvelle réunion entre les mêmes interlocuteurs. Cette fois Eichmann rappelle le programme élaboré en janvier par Himmler de déportation de 150 000 Juifs à Auschwitz1.Ils’agit encore, à ce moment-là, de déportations d’hommes et de femmes âgés de 16 à 40 ans, même si 10 % de Juifs dits « inaptes au travail » (en clair les enfants, les malades et les per- sonnes âgées) peuvent être inclus dans ces convois. Le quota fixé se monte à 125 000 déportations pour l’année : 15 000 des Pays-Bas, 10 000 de Belgique et 100 000 de France. Après qu’Eichmann a eu connaissance de nouvelles possi- bilités de transport en Hollande et, à l’inverse, de difficultés « françaises », les objectifs à atteindre sont révisés quelques jours plus tard à hauteur de respec- tivement 40 000, 10 000 et 40 000 personnes pour les trois pays. Tout va ensuite très vite. En France, huit convois partent de Drancy, Angers et Pithiviers entre le 17 et le 31 juillet, soit un tous les deux à trois jours. En Belgique, il n’existe pas d’équivalent à Drancy au début du mois. En moins de quinze jours, le choix de la caserne Dossin, à Malines, est acté : le camp de transit, situé à mi-chemin entre Anvers et Bruxelles, est tout proche d’une importante voie ferrée vers l’Est. Le 27 juillet, les pre- miers internés passent la porte de l’enceinte. Le 4 août, le premier train part de Malines vers Auschwitz. À son bord, 998 personnes. La course à la réalisation des objectifs d’Eichmann est lancée.

DISTRIBUTIONS DES ÉTOILES

Première étape : faire porter l’étoile jaune à l’ensemble des Juifs de Belgique, de Hollande et de France. Les Allemands décident alors d’étendre la mesure qu’ils ont déjà mise en œuvre en 1939 en Pologne occupée et depuis septembre 1941 dans tout le territoire du Reich : le mar- quage physique des Juifs2. Ils édictent l’obligation pour tous les individus de plus de 6 ans de porter, en public, sur le côté gauche de la poitrine, bien cousue sur les vêtements, une étoile jaune à six branches sur laquelle est imprimé en noir le mot « Juif », dans une calligraphie qui imite les carac- tères hébraïques. Pour ce qui concerne les Lensois, l’opération est ordon- née par la Militärverwaltung de Bruxelles. Le 27 mai 1942, elle publie sa 12e ordonnance « sur le signe distinctif des Juifs » que, tous, à partir de 7 ans, doivent porter en public dès le 7 juin. Elle est relayée, pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, par l’OFK 670. Le port de l’étoile juive y est imposé par la 7e ordonnance en date du 3 juin 1942, publiée le 13 du même mois3. Le 29 juin, la préfecture du Pas-de-Calais envoie ses consignes aux commissariats de police : « Les juifs ne pourront Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 151/304

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paraître en public sans être porteurs de l’étoile juive. La distribution de ces insignes doit s’effectuer le 1er juillet dans les mairies et commissariats de police4. » Pas d’association juive ici pour distribuer étoiles et convocations comme en Belgique : c’est la police française qui s’en charge. Les fonction- naires sont chargés, dans le même temps, de ramasser de l’argent puisque les Juifs sont tenus d’acheter les étoiles5. Dès le lendemain, le commissariat de police de Lens reçoit de la sous- préfecture de Béthune 1 196 « insignes étoiles de David » à distribuer en double exemplaire. Début juillet, le commissaire Humetz, entré en fonc- tion à Lens en avril 1941, rédige un rapport sur la planification de la distri- bution : il établit la liste des personnes auxquelles il faut remettre (et faire payer,lescommunesrenvoyantscrupuleusementlestimbrescartesde paiement) deux étoiles par personne : « Lens 308, Billy-Montigny 9, Bully- les-Mines 2, Carvin 9, Harnes 3, Hénin-Liénard 2, Liévin 12, Sallaumines 20. Total 774 étoiles à distribuer. Reste 4226. » Quelques jours plus tard, les policiers en ont distribué 300 à Lens pour 308 prévues. Mais l’opération n’est en rien terminée à la mi-juillet. Les services français, en ne distribuant que deux insignes par personne, ont commis une erreur, ou peut-être prévu une ultime précaution en s’assurant d’abord qu’aucun Juif ne se verrait privé d’étoile par manque de tissu : les consignes allemandes prévoient trois étoiles par personne, « sauf si leur nombre est insuffisant ». Le 31 juillet, une nouvelle consigne du préfet est adressée à son représentant à Béthune : «D’après l’état de répartition des étoiles juives, je constate qu’il vous reste 402 insignes, alors qu’il n’en a été attribué que deux à chaque israélite. Le reliquat en votre possession étant suffisant pour procé- der à la distribution d’une troisième étoile, je vous prie de bien vou- loir procéder à cette opération sans tarder, dans les conditions fixées par ma communication du premier juillet 1942. » Le jour même, le sous-préfet transmet les ordres aux commissaires de police de son arrondissement. Il écrit par exemple au commissaire de Carvin : « J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint 8 étoiles juives. Je vous prie d’en remettre une à chaque israélite âgé de plus de 6 ans demeurant dans votre commune afin que, conformément aux instructions, chaque juif soit en possession de 3 insignes. Il sera réclamé une somme de 0,60 F par insigne distribué. » Début août arrivent sans faillir les réponses des com- munes concernées. Le commissaire de Bully-les-Mines écrit le 4 : « J’ai remis un troisième insigne aux onze israélites âgés de plus de 6 ans en résidence à Bully. Je vous adresse la somme de 6,60 F, montant de ces onze insignes7.» Le port de l’étoile jaune, affichage public du caractère juif, vaut comme une discrimination supplémentaire et particulièrement violente. Elle pro- voque de la part de certains la volonté d’échapper à la stigmatisation identi- taireetquelquesdemandesd’exemption8. Mais ces tentatives échouent. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 152/304

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Betty Mohr demande le 7 juillet 1942 à se soustraire à l’obligation du port de l’insigne. Betty et ses parents sont identifiés comme Juifs dès décembre 1940. Ils figurent sur la liste récapitulant les « déclarations reçues à la sous- préfecture de Béthune suite à l’ordonnance du 18 novembre 1940 », sur le recensement de décembre, sur le recensement du 23 avril 1941 et même sur celui de janvier 1942. Pourtant, le 7 mai 1941, Israël Mohr est parti seul pour la Haute-Savoie, non sans avoir déposé en sous-préfecture une décla- ration indiquant qu’il n’était pas juif de naissance, sans doute pour protéger sa fille cadette, restée sur place. C’est cette pièce qu’évoque Betty, alors âgée de 20 ans, le 7 juillet 1942, pour demander à être dispensée du port de l’étoile : « Monsieur le sous-préfet. Je viens solliciter de votre haute bien- veillance de bien vouloir m’envoyer un double de la déclaration faite par mon père, monsieur Jules Mohr. Lors du recensement des juifs, monsieur Mohr a déclaré qu’il n’était pas juif de naissance, mais seulement depuis son mariage. Mon père nous a quittés, maman et moi, l’année dernière au mois de mai. Pour vérifier ces dires, la Kommandantur réclame un double de cette déclaration. Car il s’agit aussi de savoir si moi, sa fille, Betty Berthe Mohr, de mère juive et d’un père ne l’étant pas de naissance, doit porter l’étoile juive. Avec l’espoir que ma demande sera favorablement accueillie, veuillez agréer, Monsieur le préfet, mes distinguées salutations. Mlle Mohr, 15 rue du Marais. » Au cours de cette requête, on observe que Betty (comme ses parents) maîtrise mal les considérants juridiques au fondement de la définition offi- cielle des Juifs en vigueur (changeante, il est vrai). Mais elle prend la pré- caution de changer le prénom de son père devenu Jules (et non plus Israël). La requête donne néanmoins lieu à enquête, comme en témoigne le rapport établi par le commissaire de police lensois Louis Humetz à la demande du sous-préfet : « En exécution de vos instructions en date du 8 juillet écoulé, rela- tives à la nommée Mohr Betty, âgée de 20 ans, de confession juive, demeurant à Lens rue du Marais no 15, qui sollicite l’autorisation de ne pas porter l’insigne de “David”,j’ai l’honneur de vous rendre compte des renseignements qui ont été fournis par l’intéressée et sa mère. Le père Mohr Israël né le 7 mars 1892 à Kalinka (Pol) n’était pas avant son mariage de confession juive. Lorsqu’il a convolé en justes noces le 15 février 1916 à Brodock (Pol) avec Fuzetzer Rosalie de race juive, il aurait acquis la religion israélite. C’est à ce sujet que cette jeune fille étant née d’un père catholique de naissance se croit dispensée du port de l’insigne. Ces déclarations n’ont pu être contrô- lées ni affirmées par des pièces authentiques. Le manuscrit libellé au crayon à l’encre a été déposé à la sous-préfecture par le père Mohr Israël en mai 1941 [du 23 avril] lors du recensement imposé à cette Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 153/304

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date à tous les éléments israélites. Depuis il a abandonné sa famille et cette dernière ignore totalement son refuge actuel. La sus nommée ne présentant aucune preuve de ses déclarations, j’estime que sa demande n’est pas susceptible d’être favorablement accueillie et qu’elle doit être astreinte à porter l’insigne de “David”9.» Le commissaire n’use pas d’arguments de droit, et il reste particulière- ment flou quant aux termes utilisés (entre confession et race, juif et israé- lite), ce qui ne l’empêche en rien de confirmer plus que fermement l’identification et ses conséquences. Ce qui semble être une tentative du père pour offrir un peu de protection à lui-même, sinon à sa fille, alors qu’il choisit de partir seul, échoue : Betty et sa mère sont astreintes au port de l’étoile et raflées quelques jours plus tard. Israël-Jules, quant à lui, parvient à franchir la frontière suisse, en octobre 1942 ; il se déclare alors de confes- sion « mosaïque10 ». Mais à Lens, les contestations de l’assignation identi- taire sont vouées à l’échec. De plus, l’identification a désormais changé de mains : c’est alors la police, et non plus les maires comme lors de l’établis- sement des premiers recensements, qui se charge d’appliquer les consignes préfectorales.

MISE À JOUR DES LISTES

Mais l’imposition du port de l’étoile n’est pas le seul objectif visé : la distribution des insignes est l’occasion saisie par les autorités pour vérifier et consolider les fichiers qui identifient les familles juives présentes dans le bassin. La communauté lensoise a déjà fait l’objet de multiples recense- ments depuis 1940 : deux listes publiées en décembre 1940, une autre éta- blie le 23 avril 194111. Parallèlement un certain nombre de listes comptent et recomptent ceux des Juifs qui ont quitté la localité. En janvier 1942, un nouveau recensement est fabriqué par la sous-préfecture de Béthune qui énumère 437 individus pour l’arrondissement12.L’obligation du port de l’étoile permet, une fois de plus, de mettre à jour les fichiers. Le 18 juillet, le préfet demande que lui soient indiqués « ceux des israélites qui ne se seraient pas présentés à la distribution des insignes ». Le 21, il écrit au sous-préfet de Béthune : « À la demande des autorités d’occupation, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien donner, d’extrême urgence, toutes instructions utiles aux maires et commissaires de police intéressés en vue de faire établir immédiatement une fiche personnelle de tous les israé- litesâgésdeplusde6ansrésidantdansvotrearrondissement. Ladite fiche sera reproduite en 5 exemplaires. Les 6 fiches devront être établies très lisiblement. Ce travail doit être transmis par mes soins à la préfecture régionale de Lille pour le 29 juillet courant. » Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 154/304

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La pression des autorités d’occupation s’accentue. Deux jours plus tard, nouvelles instructions : « D’après la communication téléphonique que je viens de recevoir de la préfecture régionale, je vous signale que l’OFK 670 attache une importance toute spéciale à ce que les fichiers des israé- lites soient en sa possession pour le 29 juillet. » Sur le terrain lensois, le commissaire Louis Humetz applique les consignes à la lettre : il met scrupuleusement à jour les fichiers en sa pos- session, les compile, les vérifie, les corrige. Il envoie ses hommes à domicile remettre les étoiles. « L’état de distribution des étoiles juives » qu’il établit en date du 12 août 1942 renseigne l’état civil et l’adresse, mais précise également, pour la première fois en quatre recensements depuis 1940, le numéro de la carte d’identité de chacun des « récipiendaires » de l’étoile13. Surtout, la liste nominative inclut des personnes encore inconnues des ser- vices de police. Quatre familles se retrouvent mentionnées sur « l’état de distribution » alors qu’ellesnesesontpasdéclaréesen1940etqu’elles n’apparaissent dans aucun des recensements successifs. La remise des insignes provoque des identifications supplémentaires. Au sein même des familles… David Piotrowski s’est déclaré en 1940. Il n’a alors pas donné l’adresse de son domicile mais celle de son local professionnel et, surtout, il n’a mentionné, dans sa déclaration, ni sa femme, ni son fils, Français, né en 1934 à Paris. De fait, à la différence du père, ces derniers ne figurent sur aucune liste avant juillet 1942. Et pourtant, tous trois se voient attribuer l’étoile. La remise en main propre des insignes permet un contrôle de visu qui resserre les processus de l’identification policière. En outre, le commissaire Humetz rend compte, par un rapport hebdo- madaire au sous-préfet, du recensement des Juifs de Lens, qui dénote une surveillance étroite des déplacements. Ainsi, le 13 août 1942, il écrit : « Pour faire suite à mon rapport du 5 août courant, concernant le recensement hebdomadaire des Israélites, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’en plus de ceux qui ont été signalés la semaine dernière, les personnes de confession juive, dont les noms suivent, ont quitté furtivement la localité sans laisser aucune adresse : 1) Klein Mendel, 41 ans, et ses enfants Joaquin 11 ans et Henri 4 ans. 2) Weissberg Ita, 47 ans. 3) Skopicki Chil, 44 ans, sa femme née Gutsztajn Sara, 41 ans et leur enfant Arnold âgé de 13 ans. D’autre part les personnes ci-après dénommées ont été arrêtées par la Feldgendarmerie de Lens, le 9 août 1942 et conduites le même jour à la Kreiskommandantur de Béthune [les noms et âges de 11 personnes suivent]. En outre les nommés Mohr Betty, 20 ans, Kanner née Eintracht Hella, Kanner Rosa, 16 ans, et Kanner Norbert 12 ans, qui avaient été indiqués la semaine précédente comme ayant quitté la ville ont réintégré leur domicile, ils étaient simplement en vacances14.» Le rapport du commissaire est visé à la sous-préfecture puis trans- mis à la préfecture et à la Kreiskommandantur de Béthune (il porte les Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 155/304

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mentions « copie préfet et KK »), non sans que certaines annotations pré- cisent, scrupuleusement, les données. « Pas d’étoile », est-il ainsi men- tionné devant le nom du petit Henri Klein, 4 ans. Depuis le recensement de janvier 1942, la surveillance des Juifs fait partie de la routine administrative locale, objet d’échanges intenses et régu- liers entre Lens, Béthune et Arras. Fin août 1942, le sous-préfet se félicite d’ailleurs de l’action du commissaire Humetz : « Excellent commissaire de police, intelligent, capable et dévoué, s’est largement distingué depuis quelques mois dans la répression des menées terroristes et la lutte contre le marché noir15.»

Les hommes au travail

LES PRÉFETS ET LE COMMISSAIRE

Présenter l’administration préfectorale du Pas-de-Calais des années noires est chose aisée : département important, il est géré par des fonction- naires d’expérience, bien formés ; en bref, de parfaits représentants de l’administration républicaine de l’entre-deux-guerres, comme le montre le tableau page suivante qui synthétise les parcours des deux préfets, deux sous-préfets, trois chefs de cabinet et deux secrétaires généraux entre 1940 et 194216. À quelques rares exceptions près, tous les titulaires de ces fonctions ont une vingtaine d’années d’expérience de l’administration préfectorale républicaine17. Tous, sauf le sous-préfet Pierre Brisset, ont au moins une licence en droit voire un doctorat et/ou un diplôme de l’École libre des sciences politiques. Tous ont rang de sous-préfet et, à la seule exception du jeune Joseph Fouet (âgé de 25 ans en 1940, année où il termine premier au concours de chef de cabinet pour la zone occupée), ont déjà exercé leur fonction comme titulaires dans des arrondissements moins importants sous la République. En outre, plusieurs de ces hommes ont connu précé- demment un passage par la capitale. Ces fonctionnaires sont en mesure d’assurer une solide continuité administrative avec les dernières années de la République. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 156/304

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Tableau 25. L’administration préfectorale dans l’arrondissement de Béthune, 1940-1942. années ’ Nombre d 21 21 13 6 2 23 20 35 le grade préfet Douai), 26/3/1941 (préfet Ardennes) préfet Lunéville) préfet Guingamp) (sous-préfet Redon) cabinet Ardennes) préfet Corte) préfet Saint- Nazaire) Corse puis Calvados) Accession dans Date entrée administration 1921 1934 (sous- 19211929 1934 (sous- 1940 (sous- 1936 30/10/1940 1940 1940 (chef 19191922 1924 (sous- 1933 (sous- 1907 1929 (préfet au er tère Intérieur rédacteur sta- giaire ministère Intérieur chef cabinet du préfet adjoint chef cabinet du préfet (1 concours ZO en 1940) chef cabinet du préfet chef cabinet du préfet cabinet du pré- fet études ’ supérieures ? doc. droit lettres, DES droit, avocat droit droit, EL des sciences poli- tiques Âge en 1942 Formation Premier poste poste Date sortie du Date installation 17/7/1939 10/1/194211/1/1942 44 15/8/1943 32 pas d licence lettres, 16/11/1940 10/6/194203/7/1942 30 16/5/1943 27 licence droit chef cabinet licences droit et 27/5/1936 15/11/1940 ? ? ? Avant 1936 ? Au moins 5 12/6/193411/7/1941 10/7/1941 20/2/1944 47 46 licence et doc. licence et doc. 9/8/1940 31/5/1942 56 licence droit chef adjoint classe 01/6/1942 08/5/1943 48 licence droit rédacteur minis- e classe classe classe re e e en 1940-1942 classe classe 1 2 sous-préfet 3 classe classe préfet hors classe Grades et classes Noms Sous-préfets de Béthune Brisset, Pierre sous-préfet hors Leydet, Victor sous-préfet hors Chefs de cabinet du préfet Douay, Michel sous-préfet Fouet, Joseph sous-préfet Lépinard, Maurice Secrétaires généraux de la préfecture Théry, PaulTouze, Eugène sous-préfet hors sous-préfet hors Préfets du Pas-de-Calais Bussière, Amédée Daugy, Marcel préfet 2 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 157/304

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La trajectoire du préfet Amédée Bussière est particulièrement presti- gieuse : préfet à de nombreuses reprises puis directeur général de la Sûreté nationale de mai 1938 à mai 1940, il quitte le Pas-de-Calais en juin 1942, appelé par Laval (en même temps que Bousquet au secrétariat général à la police) pour diriger la Préfecture de police à Paris, où il reste en place jusqu’à la Libération18. Marcel Daugy, son successeur, est secrétaire puis sous-chef de la direction du personnel et de l’administration générale au ministère de l’Intérieur de 1928 à 1931. Pierre Brisset, sous-préfet de Béthune, est chef du secrétariat de la direction de la Sûreté nationale de 1929 à 1931, puis chef adjoint du cabinet du préfet de la Seine de 1931 à 1934. Son successeur dans le poste, Victor Leydet, est chef adjoint puis chef de cabinet dans les gouvernements du Front populaire de juin 1936 à avril 1938. Eugène Touze encore, secrétaire général de la préfecture du Pas-de- Calais à partir de juillet 1941, est lui aussi chef adjoint du cabinet du préfet de la Seine entre 1933 et 1935. En outre, en 1940, plusieurs d’entre eux sont déjà en place dans une région qu’ils connaissent donc bien : Michel Douay, chef de cabinet de 1936 à novembre 1940, quitte la préfecture pour le poste de sous-préfet de Douai, dans le Nord, où il remplace… Marcel Daugy, futur préfet du Pas- de-Calais, alors en poste à Douai depuis 1934, qui rejoint provisoirement l’arrondissement voisin de Valenciennes. Paul Théry est secrétaire général à Arras depuis 1934. Enfin, l’ensemble de ces hommes dépend du préfet de région, Fernand Carles, entré dans cette nouvelle fonction le 19 avril 1941. Ancien de l’admi- nistration coloniale, il est préfet du Nord depuis 1936 après une longue carrière en cabinets ministériels et préfectoraux19. Ce profil de groupe illustre l’importance démographique et écono- mique du ressort du Pas-de-Calais dans la hiérarchie administrative des départements métropolitains20. La sous-préfecture de Béthune est d’ailleurs la plus importante de France à l’époque avec 142 communes à gérer (ce n’est qu’en 1962 que Lens deviendra elle-même sous-préfecture). Il témoi- gne de ce que le gouvernement de Vichy envoie dans ces terres, économi- quement stratégiques mais sous domination bruxelloise, des hommes d’expérience et de confiance pour gérer des relations difficiles avec l’occu- pant et, si possible, y réaffirmer l’autorité « nationale ». Ces hommes s’entendent bien et s’estiment : Amédée Bussière recom- mande et obtient pour Pierre Brisset, son bras droit à Béthune, une pro- motion au poste de préfet de l’Aube fin 1941. Dès l’automne 1940, il porte sur le sous-préfet le jugement suivant : « Très bien à tous points de vue. Je le considère comme un sous-préfet de premier plan et je suis sûr que, comme préfet, ses initiatives, son activité et l’impulsion qu’il saurait donner à toutes entreprises utiles au relèvement du pays, répondraient à la confiance que le gouverne- ment aurait placée en lui21.» Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 158/304

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Par ailleurs, il emmène également avec lui à la préfecture de police son chef de cabinet Maurice Lépinard (son successeur, M. Daugy, s’installe également accompagné de son tout jeune chef de cabinet à la préfecture des Ardennes, Joseph Fouet). Des hommes mûrs, tout sauf des novices, dont le travail et la compétence sont reconnus et appréciés. Outre Bussière et Brisset, quatre d’entre eux sont promus par le régime. Le jeune Fouet poursuit sa rapide carrière en devenant sous-préfet de Segré en mai 1943. Les trois autres deviennent préfets : le secrétaire général Théry dès juillet 1941 (Haute-Saône), le sous-préfet Leydet en août 1943 (Hautes-Pyrénées), le secrétaire général Touze en février 1944 (Basses-Alpes). Les quelques portraits des contemporains suggèrent une atmosphère de complaisance22. En témoigne le jugement que porte un commissaire du pouvoir sur le préfet Bussière, en décembre 1941, alors que celui-ci est toujours en fonction à Arras : « Une adroite bonhomie, un optimisme actif et le sens des réalités ont sans doute aussi bien, sinon mieux, servi le pays que ne le feraient les dons éminents. La noble attitude de n’être vis-à-vis de l’autorité occupante que le fidèle second de M. Carles a été particu- lièrement heureuse23.» Le ton dont use à son sujet le représentant de Vichy n’est pas sans faire écho à celui qu’emploie le commissaire principal chef du district de Béthune, en décembre 1944, pour faire le portrait de Louis Humetz, à la tête du commissariat de Lens du 21 avril 1941 à la Libération : « Vieux fonctionnaire connaissant toutes les roueries du métier. Placé à la tête de l’un des postes les plus importants du bassin minier, s’est servi de ses connaissances administratives et de sa finesse de vieux policier pour remplir sa mission sans heurts au milieu des temps mouvementés. A procédé à quelques arrestations malheureuses. N’a cependant pas été inquiété lors des événements de libération. Ce n’est que quelques mois après qu’il s’est vu contraint de quitter sa place. Objet d’un arrêté de suspension24.» Àl’instar du commissaire Humetz, les hommes en poste aux différents échelons de l’administration appliquent avec un sérieux et une célérité jamais démentis les nombreuses directives nazies ou vichystes concernant la discrimination, la spoliation, enfin l’« évacuation » des Juifs habitant le territoire dont ils ont la charge.

ZÈLES ET CONCURRENCES ADMINISTRATIVES

Les directives de l’OFK 670 de Lille sont prises en charge avec rapidité, détermination et efficacité par les différents services pré- Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 159/304

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fectoraux. Dès l’hiver 1940, ces derniers transmettent aux Kreis- kommandanturen les listes des premiers recensements de décembre et janvier : l’habitude perdure tout au long de la guerre. Le 16 juin 1941, Bussière adresse une énième circulaire aux différentes sous-préfectures du département pour leur répéter qu’il est responsable envers l’OFK 670 de Lille de l’« exécution des mesures prises contre les Juifs25 ». La préfec- ture ne se contente pas d’obéir aux ordres des occupants. Elle justifie aussi son implication « antijuive » dans le cadre d’une politique plus large de lutte contre les empiétements de souveraineté imposés par les Allemands. Chaque fois que l’occasion lui en est donnée par l’édiction de nouvelles ordonnances ou circulaires en provenance de Vichy, le préfet s’efforce de les mettre efficacement en application pour, entre autres, « concurrencer » les dispositions allemandes. À tel point qu’au début du mois de juillet 1942, le bureau B/Jud de l’OFK 670 adresse aux préfets un sévère rappel à l’ordre et conteste la latitude d’action dont est autorisée à faire preuve l’annexe du Commissariat général aux questions juives, installée à Lille depuis le printemps 1941. Sous l’intitulé « Direc- tives pour l’étude des affaires juives dans les départements du Nord de la France », l’OFK rappelle : « 1) que le CGQJ n’est pas autorisé à fonctionner comme organisme indépendant dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. 2) que l’influence dont jouissent les services centraux qui fonctionnent dans le reste de la France ne peut nullement être exercée dans les départements du Nord. 3) que dans les deux départements, seuls les préfets sont investis des pouvoirs d’action en ce qui concerne les affaires juives […]. Le préfet est seul autorisé à nommer les adminis- trateurs provisoires. 4) […] Il est donc inadmissible que, lorsque dans une affaire on a demandé la décision ou l’assentiment de l’OFK, on s’adresse ensuite au commissariat pour obtenir ultérieurement son assentiment26.» La réaffirmation des prérogatives « nationales » ne touche pas les seules questions « économiques ». Au printemps 1941, le préfet Bussière s’inquiète des suites à donner « à la circulaire en date du 28 avril dernier de M. le préfet délégué du ministère de l’Intérieur à Paris [J.-P. Ingrand, le représentant de Vichy en zone occupée] concernant les israélites étran- gers susceptibles d’être groupés dans des camps27 ». Et quand bien même il constate très vite qu’il lui manque à cette date, pour obéir et mettre en pratique la directive, au moins un camp digne de ce nom dépendant de son ressort administratif, il enclenche néanmoins une procédure de dési- gnation d’internés potentiels. Les injonctions préfectorales sont suivies à Lens avec un zèle tout particulier, grâce à l’implication « exemplaire » du commissaire Humetz. Alors qu’il est arrivé depuis à peine un mois à Lens (faut-il expliquer ainsi son désir de « bien faire » ?), il ne se contente pas d’envoyer au sous-préfet, le 28 mai 1941, une liste proposant Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 160/304

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l’internement de 17 personnes, mais se fend d’un commentaire général et de jugements tout personnels justifiant ses choix : « En vous transmettant la liste des israélites étrangers domiciliés à Lens, j’ai l’honneur de vous faire connaître que pour le bien public, tous seraient à interner. En effet aucun ne travaille régulièrement et ceux qui déploient une certaine activité peuvent être soupçonnés de se livrer au marché noir. Néanmoins voici la liste de ceux qui seraient à interner les premiers28.» Suivent 17 noms à côté desquels sont apposés des avis du type « très mauvais caractère, ne travaille plus », « en situation irrégulière, ne travaille pas », « mauvais caractère, a été expulsé, ne travaille pas », « mauvais carac- tère, a fait l’objet de nombreuses contraventions » ; en bref, six fois la men- tion « mauvais caractère » et quatre fois la qualification « prétentieux ». Le méticuleux activisme du commissaire Humetz, en réponse aux injonctions préfectorales, ne se dément pas. La coordination des actions entre la police locale et les services de la préfecture atteint son efficacité maximale à l’été 1942.

DERNIERS PRÉPARATIFS

Septembre 1942. Tout est en place. Le contexte de mise au travail forcé des hommes adultes sert grandement les opérations. Depuis mars 1942 et sa nomination par Hitler comme « commissaire à la main-d’œuvre », le Gauleiter Fritz Sauckel a accéléré le recrutement forcé d’hommes dans toute l’Europe, afin de pourvoir les usines du Reich en main-d’œuvre. Sommé de fournir 350 000 travailleurs à l’Allemagne, le chef du gouverne- ment français, Pierre Laval, a dans un premier temps, le 22 juin 1942, annoncé la « Relève » afin de susciter des volontaires sur le principe d’un prisonnier libéré pour trois travailleurs volontaires envoyés. Mais la mesure ne provoque aucun élan et Pétain promulgue la loi de réquisition, le 4 sep- tembre 1942, qui concerne les hommes âgés de 21 à 35 ans, essentiellement les ouvriers de la zone occupée29. Dès lors, début septembre, l’arrivée à domicile de gendarmes allemands et de policiers français, venus réquisi- tionner de la main-d’œuvre, constitue un horizon d’attente possible pour les Lensois. Certes il n’y a pas, dans le Pas-de-Calais, de convocation des Juifs en bonne et due forme pour rejoindre les bataillons du travail forcé. À l’ori- gine en effet (début juillet 1942), les « évacuations » belges sont d’abord des convocations obligatoires de travail : faute de disposer des forces de police belges pour arrêter les Juifs, les Allemands tentent de ruser en faisant distri- buer, par l’Association des Juifs en Belgique (AJB) et à partir de la mi-juillet, des « ordres de prestation de travail » appelant les individus convoqués à venir d’eux-mêmes se présenter aux portes de la caserne Dossin (30 % des Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 161/304

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13 000 réquisitionnés ont répondu30). Les Lensois entendent-ils parler de ces convocations « réservées » aux Juifs ? Nous ne le savons pas. En revanche, ils ont très certainement connaissance des convois de «travailleursobligatoires»juifsqui,depuisle13juin,transportentdes Juifs d’Anvers et Bruxelles vers les camps de l’organisation Todt du Nord et du Pas-de-Calais via le camp de Dannes-Camiers31.Auseinmêmedela communauté du bassin houiller, deux des neveux de Joseph Dawidowicz, Léon et Paul Glicksman (26 et 20 ans), domiciliés à Douai, sont arrêtés et « recrutés » pour travailler aux fortifications de l’organisation Todt dans les îles anglo-normandes. En outre, les familles lensoises ont pu constater, dans tout le bassin houiller et depuis l’automne 1940, les ravages de la chasse aux travailleurs pour l’Allemagne menée par l’occupant : « Le Nord et le Pas-de-Calais constituent la seule région occupée de l’Europe de l’Ouest à subir, de juin 1940 à mai 1941, les rigueurs de la déportation de travail32. » Jusqu’en septembre 1942, les seules rafles que le bassin houiller a connues ont visé, à l’hiver 1940-1941, les jeunes ouvriers (notamment à la sortie des lieux publics), contraintsdepartirsouspeinedesanctionsà l’encontre de leurs familles. À l’été 1942, la première « opération Sauckel », débutée en juin, bat son plein. Son objectif consiste à acheminer en Alle- magne, avec l’aide de l’administration locale et avant la fin de l’année, 16 000 travailleurs. Pourtant cette « atmosphère » n’explique pas, à elle seule, l’efficacité des rafles de septembre 1942 dans le bassin. Les Juifs restés à Lens n’ont pas porté l’étoile longtemps. La distribu- tion des insignes durant l’été a surtout servi à la mise à jour des fichiers. À quelques heures de la rafle du 11 septembre, les occupants disposent d’un jeu complet et précis des personnes à arrêter, listes actualisées chaque semaine grâce au travail des policiers lensois et reçues en main propre via le sous-préfet. Ils savent aussi et surtout pouvoir compter, le jour dit, sur la détermination des troupes du commissaire et le zèle des administrations préfectorales. Le 9 septembre, deux jours avant la rafle, Louis Humetz est convoqué à Arras par le préfet : « L’entretien a duré 15 minutes. M. le préfet m’a demandé certains renseignements concernant l’effectif actuel de la police lensoise, sur l’état d’esprit de la population, etc., etc.33. » Du côté des autorités, tout est en place. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 162/304 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 163/304

Chapitre 7

RAFLÉS

Que s’est-il passé à Lens au matin du 11 septembre 1942 ? Pas grand- chose à en croire les archives ordinaires de la police et de l’administration locale. La main courante du commissariat ne dit rien de l’activité antijuive de la police1. Est-ce parce que la source est réservée aux petits délits de voie publique ? Rien non plus dans les rapports mensuels du préfet, au contraire d’autres départements. Ils ne comportent aucune référence à la rafle, et ce quel que soit l’état d’avancement de la copie (préparatifs, brouillons, rédac- tion finale)2. De même l’état des arrestations durant les mois d’août et de septembre 1942 établi par le directeur départemental des Renseignements généraux ne mentionne que 221 individus appréhendés pour « menées com- munistes » par les forces françaises et 70 arrestations opérées par les occu- pants, dont la « déportation de cinquante otages » le 20 septembre. Pas un mot sur les Juifs raflés3. Un silence assourdissant4. Cette quasi-absence de traces de l’action policière est d’autant plus frappante qu’elle contraste avec la fréquence et le nombre des documents qui consignent le travail d’identifi- cation des Juifs réalisé jusque-là par les autorités locales. L’arrestation de centaines de personnes ne semble pas avoir fait événement localement. Elle se déroule dans une grande indifférence. À la fin du mois de septembre 1942 pourtant, le bassin minier est quasiment « libre de Juifs », selon la terminologie alors en vigueur. À Lens, la petite salle qui fait aujourd’hui office de synagogue renferme une immense plaque de marbre sur laquelle sont gravés, sous la simple mention « À la mémoire des Juifs de Lens victimes de la barbarie hitlé- rienne », tous les noms des déportés, de Malines, Drancy, ou d’ailleurs. En observant l’imposante plaque, un détail frappe immédiatement : il existe quelques familles pour lesquelles les graveurs ont laissé un blanc en lieu et place des prénoms, souvent des enfants, ou des noms de jeune fille5. Que s’est-il donc passé à Lens au matin du 11 septembre 1942 ? Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 164/304

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Les rafles de septembre 1942 dans le Nord-Pas-de-Calais

LE 11 AU MATIN

À la veille de Roch Hachanah, le nouvel an juif, à 4 heures du matin, la Feldgendarmerie, avec l’aide des policiers du commissariat, tambourine aux portes et fait sortir de chez eux la quasi-totalité des Juifs lensois encore en ville. À Lens même, les familles tirées de leur sommeil, sans distinction de sexe ou d’âge, constituent petit à petit un groupe d’environ 230 personnes. Quelques heures plus tard, ce sont 317 individus arrêtés dans tout le bassin houiller (dont 223 Lensois) qui sont emmenés, en train, jusqu’à la gare de Fives-Lille où ils retrouvent les Juifs raflés dans le département du Nord. Nous ne sommes pas en mesure de raconter précisément les heures qui séparent le rassemblement à la gare, au petit matin, du départ du train, en milieu de journée : à Valenciennes, les wagons quittent les quais à 13 h 186. Les Lensois ont traversé le centre-ville en un lent cortège jusqu’àla gare. Vingt minutes à une demi-heure pour un groupe conséquent avec quelques bagages. Là, ils ont vu arriver, par petits groupes, les 95 membres des familles arrêtées dans les communes environnantes, la veille (pour les trois ménages de Sallaumines) ou le jour même. Puis ils ont décliné leur identité en vue d’un premier enregistrement administratif, deux listes nominatives tapées à la machine en témoignent. Sur les deux documents, les individus sont rangés par famille et dans un ordre strict (père, mère, enfants de l’aîné au cadet) à l’exception des bébés ou enfants en très bas âge, qui viennent juste après leurs mères. Elles ont décliné leur identité en les portant dans leurs bras. Pour le reste, les deux listes ne se ressemblent pas. La première n’est pas datée et orthographie les noms de famille de façon très hésitante, sou- vent phonétique. Intitulée « Commissariat de Lens. Liste nominative des juifs déportés le 11 septembre 1942 », elle dénombre 238 personnes et semble avoir été établie le jour même7. Les personnes y sont classées selon une logique géographique, par rue8. Comme un ordre des arrestations. La seconde, alphabétique et à l’orthographe plus sûre, intitulée « Commissariat de police de Lens. Liste des Israélites évacués le 11 sep- tembre 1942 », énumère 226 noms. Elle figure dans un dossier daté du 18 septembre 1942 avec trois autres inventaires que le commissaire Humetz envoie au sous-préfet de Béthune le lendemain : les listes des 53 individus « ayant quitté la localité avant le 11 septembre », des 16 « arrêtés par les Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 165/304

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autorités occupantes avant le 11 », enfin des 32 personnes « existant à Lens au 15 septembre »9. La comparaison des documents nous apprend qu’une petite partie des individus inscrits sur la première liste ne sont pas emmenés à Lille le 11 sep- tembre. Parmi eux, Jechezkiel Himmelfarb, le représentant de la commu- nauté. Mais s’ils « existent » encore à Lens le 15, comme l’écrit le commissaire, ce n’est plus pour longtemps : le 25 septembre, une seconde et dernière vague achève le travail entrepris le 11, emportant seize individus supplémentaires10. Tous les Juifs lensois ont, ensuite, connu le même sort : après une pre- mière halte à Lille, le train repart jusqu’au camp de rassemblement de Malines11 où il arrive le 12 septembre. Là, à la Aufnahme (accueil) du camp, des secrétaires juives polyglottes enregistrent les identités et actent les déci- sions de tri opérées par l’adjudant-major SS Max Boden et ses adjoints : déportation pour presque tous, intégration au personnel du camp ou enquête pour réexamen des cas douteux pour quelques-uns12.ParmilesLensois arrêtés le 11, trois font l’objet d’une nouvelle « enquête de situation » : Joseph Lunenfeld reste interné sur place jusqu’au 10 mai 1943, date de sa remise en liberté ; les époux Krzentowski aussi : Hélène est allemande et sera envoyée à Ravensbrück, alors que son mari, sarrois, est libéré « par erreur » le 19 mai 194313. Dans l’enceinte de la caserne, les familles, dont tous les effets person- nels sont détruits après fouille, doivent porter au cou une étiquette indiquant leur statut. Et très vite, tous les Lensois désignés pour la déportation partent vers Auschwitz. Pour la plupart avec les 1 048 déportés du Transport X du 15 septembre, pour les seize raflés du 25 septembre dans le Transport XI parti le 26, à peine plus de vingt-quatre heures après leur arrestation à Lens.

DES VOIX DANS LE SILENCE

Les sources concernant les arrestations sont d’abord des listes de noms. Quelques rares témoignages donnent pourtant un aperçu des événe- ments. Pour Lille et Valenciennes, le journal intime de Léon Fau, ouvrier du jour à Thiers, dans les mines du Pas-de-Calais, évoque « des scènes affreuses [qui] se sont déroulées à Valenciennes, des mères traînées comme des loques […], une femme séparée de son enfant de 18 mois. […] Et dire que ce sont des policiers français accompagnés d’un Allemand qui accom- plissent cette sale besogne14 ». Il fait écho aux descriptions, plus imprécises encore, de La Voix du Nord clandestine : « Ceux qui n’ont pas vu ces juifs arrachés à leur foyer, malmenés et brutalisés par des forcenés, ces femmes juives pleurant des enfants arrachés de leurs bras ; ceux qui n’ont pas vu ces malheureux inno- cents se dirigeant vers leur sombre destinée ne peuvent imaginer le sentiment de révolte éprouvé par la population15.» Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 166/304

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L’image de la séparation entre mères et nourrissons est particulière- ment marquante16. Pourtant les listes de transport montrent que les familles lensoises, lorsqu’elles sont arrêtées ensemble le 11 septembre, n’ont pas été séparées. Quel que soit leur âge, les enfants sont déportés : le Transport X qui quitte Malines vers Auschwitz le 15 septembre emporte 57 petits Len- sois (presque tous nés dans la région Nord-Pas-de-Calais dans les dix ans qui précèdent) parmi lesquels 11 bébés de moins de 3 ans. Le plus petit n’a pas 2 mois. Le lendemain de la rafle, à Lille, la Feldgendarmerie va d’ailleurs chercher chez leur nourrice les deux enfants Stubcab, Oscar, 10 ans, et Jean, 21 mois, « pour être rassemblés avec leur famille17 ». Les témoignages se focalisent sur les moments les plus poignants, même s’il ne s’agit là que d’exceptions. Dans quelques rares cas, certains parents ont pu confier leurs enfants aux cheminots, en gare de Fives18. Surtout, les forces de l’ordre ordonnent, avant le transport vers Lille, des séparations forcées. Le jeune cheminot Édouard Desprez assiste, le 10 septembre 1942 au matin alors qu’il se rend en vélo à son travail, à l’arrestation des huit membres la famille Klajnberg à Sallaumines. Il témoigne : « Mon attention fut attirée par un rassemblement sur le côté gauche, devant une habitation minière [Szmul Klajnberg est recensé comme mineur]. J’entendis alors des cris, des supplications, les pleurs des enfants [les deux plus jeunes ont 8 et 15 ans]. J’assistais sans le savoir à l’arrestation d’une famille par la police dite française. Ayant mis pied à terre, je voyais ces hommes, en uniforme et en civil, séparant sans ména- gement les individus de sexe masculin, des femmes et des enfants19.» Une note du sous-préfet de Douai suggère la violence des scènes : « Le départ a eu lieu sans incident, mais au préalable le public avait été invité à évacuer les quais de la gare. Je dois signaler que cette opération a toute- fois jeté un certain émoi dans une partie de la population20.» Dans le bassin lensois même, l’indignation paraît sensiblement moindre même si, redisons-le, les témoignages sont rarissimes. À Sallaumines, le « rapport journalier » du commissaire de police mentionne à la rubrique « Faits intéressant l’ordre public », deux événements : « Arri- vée de 5 nouveaux gardiens de la paix » et « Arrestation des familles juives Katz, Klajnberg, Dawidowicz par les autorités allemandes. Les animaux et volailles sont donnés au Secours national ». Puis conclut : « Aucun fait important21. » Danielle Delmaire signale qu’à Lens même, « des rescapés raflés se souviennent que sur leur passage, alors qu’ils se dirigeaient vers la gare, des Lensois se réjouissaient de leur arrestation22 ». Dans son journal, à la date du 11, un instituteur des écoles privées des Mines de Lens, Alfred Buquet, note simplement : « Ces dernières années, de nombreux Juifs ont quitté l’Allemagne pour fuir les persécutions d’Hitler. Une centaine de familles se sont fixées Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 167/304

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dans notre ville. Elles portent obligatoirement l’étoile jaune à 5 pointes23, qui les distingue du reste de la population. Ces familles ont été rassemblées ce matin à la gare et embarquées dans un train spécial pour la Pologne, dit-on. On ajoute que les enfants à partir de 12 ans ont été séparés de leur famille. On parle beaucoup des Juifs et avec passion ; l’on discute leurs moyens d’existence, surtout depuis l’occupation24.» Dans les semaines qui suivent, les commissaires gérants chargés de l’administration des biens des personnes arrêtées se contentent de consta- ter les disparitions. La plupart se bornent ainsi à écrire que l’« intéressé a quitté Lens » comme s’il s’était enfui, en précisant néanmoins la date du départ (« depuis le 11 septembre »)25. Quelques-uns se montrent plus précis, témoignant de la connaissance des événements. Eugène Braco, voisin de Léa Mandel à Harnes, chargé de la liquidation de l’entreprise de cette der- nière, mentionne dans son rapport de fin de mission, le 11 décembre 1942 : « Madame Mandel, partie avec un convoi d’israélites pour une destination inconnue, n’a rien enlevé ; les clefs de l’immeuble sont aux mains des auto- rités occupantes26. » À Lens, Pierre Dubois, commissaire gérant de treize entreprises locales, constate à propos de l’entreprise de Hersz Klajman : «Le9octobre1942,M.lesous-préfetm’invitait à procéder à la liquidation du matériel : table en bois blanc, deux machines à coudre, une table ordinaire et fers à repasser. Je n’ai pu procéder à cette liquidation, l’intéressé n’étant plus à Lens depuis le 11 ou le 25 septembre 1942 et les scellés ayant été apposés sur sa maison27.»

QU’A FAIT LA POLICE ?

Dans le Pas-de-Calais, pas de notes des services de police détaillant, comme pour le Vel d’Hiv en juillet ou en Isère le 26 août28, les consignes données aux forces de l’ordre. Nulle trace des échanges éventuels entre autorités d’occupation, services préfectoraux et commissariats locaux qui permettrait d’établir, avec précision, les modalités de l’organisation des rafles de septembre 1942 dans le Pas-de-Calais. Rien non plus du côté de la municipalité : le maire de Lens, Marcel Hanotel, un ancien de la SFIO, se prépare à rejoindre Vichy avec une délégation de maires du Nord-Pas-de- Calais : tous y sont reçus par le maréchal le 15 septembre29. À défaut, il est possible d’évoquer les sources concernant les opérations menées dans le département voisin du Nord. Le commandant de la section de gendarmerie de Valenciennes dresse le jour même le rapport suivant : « Rapport […] sur l’arrestation des Juifs de nationalité étrangère dans l’arrondissement de Valenciennes. Référence : art. 52 et 53 du décret du 20 mai 1903. Le 10 septembre 1942 à 17 h 30, M. le Kreiskommandant de Valenciennes a donné ordre de mettre à sa Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 168/304

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disposition pour le lendemain matin à 4 heures un effectif de 25 gen- darmes. La brigade de Denain avait reçu un ordre identique pour deux gendarmes qui devaient être rendus à l’Ortskommandantur de Denain le 11 septembre à 4 heures. À l’heure indiquée, les gendarmes se présentèrent à la Kreiskommandantur de Valenciennes et de Denain et ils furent répartis en groupes sous la direction de gendarmes allemands. Ils reçurent pour mission d’accompagner la gendarmerie allemande au domicile des juifs de nationalité étrangère tant à Valen- ciennes qu’à Denain. Les juifs étrangers dont ci-joint la liste [familiale, elle dénombre 59 « individus arrêtés sur ordre des autorités d’occupa- tion »] durent accompagner les gendarmes allemands et français et furent conduits dans une des salles d’attente de la gare de Valen- ciennes. Les gendarmes français furent alors rendus libres et rejoi- gnirent leur brigade. Les gendarmes ont dressé procès-verbal de ces opérations. Les PV ont reçu la destination ci-après : M. le Kreiskommandant de Valenciennes, M. le préfet du Nord, archives. Aucun incident n’est à signaler. Aux termes d’un imprimé qui a été soumis par l’autorité allemande à la signature des gendarmes français, prêtant ainsi main-forte à l’armée d’occupation, il est spécifié que les maisons abandonnées par les juifs sont placées sous la surveillance de l’autorité française. À cet effet et en accord avec M. le sous-préfet de Valenciennes, une surveillance de ces immeubles sera assurée par la gendarmerie au cours des services ordinaires en attendant que des mesures conservatoires appropriées puissent être prises30.» Ce rapport permet d’abord d’évaluer le nombre de policiers impliqués dans les arrestations de septembre 1942. À Valenciennes, 25 gendarmes sont mobilisés pour arrêter 48 personnes à 18 adresses ; à Denain, 2 poli- ciers pour 11 individus à 3 adresses. À Douai, 4 policiers viennent arrêter 4 familles d’« étrangers de race juive » (9 personnes)31. Dans la commune de Condé-sur-Escaut, ce sont deux policiers qui « assistent à l’expulsion », à la même adresse, des six membres de la famille Berkowicz, « tous de race juive »32. À Lille, le commissaire central de police écrit : « Conformément aux instructions qu’il m’avait données hier après-midi, j’ai mis ce matin à 4 heures à la disposition de M. le commandant de la Feldgendarmerie cinq gradés et 100 gardiens de la paix33 » pour « évacuer » environ 150 per- sonnes34.Laparticipationdesforcesdepolicefrançaisesauxraflesdes Juifs du Nord représente ainsi entre le tiers et plus de la moitié des indivi- dus arrêtés. C’est donc sans doute la quasi-totalité des 70 gardiens de la paix que compte le commissariat de Lens en 1942, encadrés par quelques- uns de leurs 20 gradés, qui ont été mobilisés pour arrêter les 226 Juifs lensois lors de la rafle du 11 septembre 194235. Surtout, le rapport valenciennois renseigne sur la participation effec- tive des forces françaises dans ces opérations. À Lille, le commissaire mini- mise dans son rapport l’action de ses agents : « Ces gradés et gardiens [mis à disposition] ont été chargés par l’autorité allemande de surveiller les Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 169/304

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immeubles dans lesquels des juifs étaient domiciliés, à l’effet d’empêcher l’entrée et la sortie dans les immeubles en question jusqu’àl’intervention de la Feldgendarmerie allemande. » Puis loin, il insiste sur le fait que « les opéra- tions en question ayant été effectuées uniquement par la Feldgendarmerie [cette phrase est surlignée en bleu et notée “vu” par le cabinet du préfet], il ne m’a pas été possible de connaître le nombre de personnes arrêtées36 ». Peut-être les choses se sont-elles passées ainsi dans la capitale régionale, même si la faiblesse relative des effectifs des Feldgendarmen (1 500 pour tout le Nord-Pas-de-Calais et la Belgique) conduit à douter du fait qu’à Lille, ils aient pu se passer de l’assistance plus directe des policiers37.Surtout, nombre d’autres rapports indiquent que les policiers ou gendarmes français ont « accompagné » et prêté « leur concours » (Douai), « assisté à l’expul- sion » (Condé) ou « accompagné » (Valenciennes) les allemands, ce qui témoigne a minima d’une division du travail moins marquée. Le compte rendu, cité plus haut, du capitaine de la gendarmerie de Valenciennes est sans équivoque. Il prend soin, tout en répétant qu’il obéit aux ordres des occupants, d’encadrer juridiquement les arrestations en référence à des textes réglementaires nationaux. Surtout, il mentionne explicitement que les gendarmes ont, pour l’occasion, « prêté main-forte à l’armée d’occupa- tion » et assume pleinement le rôle que ses hommes ont dû tenir en « accompagnant » les Allemands au domicile des personnes arrêtées. En ce qui concerne Lens, on dispose sur ce point d’un document, excep- tionnel même si non contemporain des événements, qui décrit avec préci- sion l’implication d’un policier français au cours des arrestations. Il s’agit du témoignage, rédigé en 1945, de Jacques Grinfas, qui a échappé à la rafle : « Je soussigné, Monsieur Grinfas Jacques, demeurant provisoirement 3 bis Gd rue de Montplaisir à Lyon, anciennement 44 rue F. Gauthier à Lens, déclare que : Le 11 septembre 1942 à 5 heures du matin, l’inspec- teur Dehont de la sûreté de Lens, s’est présenté à mon domicile, accom- pagné d’un Allemand, pour nous arrêter [et nous déporter, mention ajoutée à la main au tapuscrit]. Ma femme croyant qu’il s’agissait seule- ment de moi, me dit de me cacher. Cela n’empêche qu’ils emmènent ma femme et mon gosse âgé de 16 mois. De ma cachette j’ai pu entendre ses pleurs et cris, et pour la petite [Hélène, née le 25/5/1941] qui était malade ce jour ils les ont tellement pressées que tout en hurlant, ne les ont même pas laissé enlever le plus strict nécessaire : vêtements et nour- riture. Trois ans plus tard, je ne vis toujours pas ma femme et mon gosse rentrer, on sait ce que cela prouve. Je les tiens donc directement responsables de la perte de ma famille. L’aînée de mes gosses, âgée de 8 ans se trouvant en pension à ces moments, a pu ainsi échapper. Il est intolérable qu’un an après la libération, non seulement cet inspecteur a conservé son poste à la sûreté de Lens, mais il est encore monté en grade. Ce n’est point la vengeance que je demande, mais que la pure justice se fasse. Je réclame mon droit. J’ai comme témoin de ces faits, madame Mendelbaum à Byquoy [Bucquoy], Pas-de-Calais, qui a pu Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 170/304

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s’échapper du convoi à Fives. Elle peut confirmer ces déclarations et apporter d’autres précisions étant la dernière personne qui ait vu ma femme et mon enfant. Lens, le 4 septembre 194538.» Jacques Grinfas retourne la proposition habituelle : c’est ici le gen- darme allemand qui accompagne l’inspecteur lensois. À Sallaumines, Édouard Desprez soutient même n’avoir vu aucun uniforme allemand lors de l’arrestation de la famille Klajnberg39. Au-delà de la question de la parti- cipation des autorités françaises dans les rafles du bassin lensois, le témoi- gnage nous renseigne aussi sur les infimes opportunités qu’ont pu saisir quelques-uns pour tenter d’échapper à l’arrestation.

RARES ÉCHAPPÉES

Trois enfants et deux adultes, les époux Mendelbaum évoqués par Jacques Grinfas dans sa lettre, figurent sur la liste des personnes arrêtées le 11 septembre mais plus sur les listes d’internement ou de déportation à Malines. Tous les cinq ont ainsi réussi, avec ou sans l’aide des cheminots lillois, à s’évader avant le départ du train vers la Belgique40. Lejbus par- vient à s’enfuir avec sa femme Tauba : elle se cache en France, il rejoint la Suisse. Ils ont réussi à envoyer leur fils Daniel, âgé alors de 2 ans, à l’abbaye de Valloires, à Argoules, dans la Somme41. Surtout, d’après la « liste des israélites qui ont quitté la localité avant le 11 septembre 1942 sans faire connaître leur adresse », établie par le commissariat de Lens42, neuf individus sont partis le 10 septembre, et cinq autres ont disparu, à l’instar de Jacques Grinfas, le jour même de la rafle. Malgré l’heure tardive à laquelle les Allemands avertissent les forces fran- çaises, la veille en fin d’après-midi, quelques rares personnes ont été préve- nues de l’imminence des arrestations ou eu la chance d’être absentes, ce matin-là. Margot Thau parvient à échapper à l’arrestation, au contraire de ses parents et de sa sœur. Un rapport du commissariat de police lensois, après guerre, « certifie qu’il apparaît au fichier des étrangers que la nommé Thau Margotte [?] a résidé à Lens 16 rue Gambetta du 4 novembre 1939 au 11 septembre 1942, date de sa déportation en Allemagne ». Mais un second rapport, établi cette fois-ci par le secrétaire de police du service des étran- gers du commissariat central de Lille, indique qu’elle « figure au service comme ayant résidé à Lille du 11 septembre 1942 à ce jour43 ». Margot n’est inscrite sur aucune des listes d’arrestations et est mentionnée « partie le 10 septembre sans faire connaître son adresse » par la police lensoise dès le 18 septembre 194244. Elle s’enfuit et se cache à Lille, où elle passe le reste de la guerre sous le nom de Marthe Tison, sans doute hébergée par quelque ami. En février 1945, elle obtient le baccalauréat à Lens45. Les échappés disparaissent parfois in extremis,àl’approche des poli- ciers. Trois des ménages qui ne sont pas arrêtés habitent, comme Jacques Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 171/304

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Grinfas et les siens (on sait désormais que sa fille a hurlé), la rue François- Gauthier. Celle-ci, située en plein centre-ville, est perpendiculaire et paral- lèle aux rues Anatole-France et Victor-Picard où la rafle semble avoir débuté, vers 5 heures du matin. Le bruit a sans doute alerté le voisinage. Parfois, un seul membre de la famille va ouvrir, pendant que les autres se cachent. Le père, chez les Munz, ouvre la porte et est arrêté, alors que sa femme et ses enfants parviennent à se cacher. La femme, chez les Grinfas, pour protéger son époux, « lui dit de [se] cacher ». Henri Dunayer, qui habite aussi rue François-Gauthier, parvient, sans sa femme, à « s’enfuir en mettant à profit les vingt minutes que les autorités leur avaient données pour se préparer46 ». Ces cas restent l’exception. Les rafles lensoises sont d’une remarquable efficacité lorsqu’on les compare même aux autres arres- tations de masse visant les Juifs sur le territoire français. La rafle du Vel d’Hiv à Paris donne lieu à 12 884 arrestations pour plus de 25 000 « espé- rées » comme il y a eu, en Isère, le 26 août, 413 arrestations pour 1 050 prévues47. Celles de Lens vident la ville de ses habitants juifs.

Les acteurs des arrestations

LES CIBLES

On a parfois écrit que « conformément aux accords Laval-Oberg, la rafle du 11 septembre 1942 ne concerne, pour l’instant, que les apatrides et les dénaturalisés48 ». Mais ce n’est pas le cas à Lens. Parmi les Juifs arrêtés, on compte un nombre important de Français. Surtout, la police lensoise le sait parfaitement puisqu’elle égrène, à 34 reprises, « nationalité française » sur la liste des raflés établie par ses soins le 18 septembre 1942. Parmi les 216 Juifs du bassin houiller qui sont français en 1940, cinquante sont arrêtés le 11 septembre, et encore huit le 25 (dont trois seulement aux- quels on a « retiré » la nationalité française depuis 1940). Il s’agit, à six excep- tions près, d’enfants de moins de 17 ans dont les parents ne sont pas français, mais le nombre est trop important pour que le fait ait échappé à la vigilante attention des autorités policières et administratives. Les services de préfecture sont tout à fait au courant : ils ont reçu, autour du 16 septembre, un courrier de Jechezkiel Himmelfarb, « chef du culte israélite de Lens », qui est sans équi- voque sur ce point : il utilise en effet, quelques jours après la rafle, l’argument de la nationalité pour tenter de sauver les enfants de la déportation. «Monsieurlechefdecabinet,suiteàlavisited’hier que vous avez accepté de m’accorder, j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir inter- venir auprès des autorités supérieures de Lille, comme vous m’avez Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 172/304

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promis de le faire, en vue d’obtenir la libération de personnes qui ont été arrêtées à Lens, le 11 septembre, qui ont des Français dans leur famille ou qui sont elles-mêmes françaises. 1) PAHMER Jacques-Léopold, né le 15/5/1931 à Lille, Abraham, né le 15/1/1933 à Lille, Jacqueline, née le 15/7/1935 à Lille, qui sont les enfants français de ma belle-sœur et que je pourrais accueillir s’ils m’étaient confiés. 2) SZOR Sarah, 11 ans, née à Lille, Smil, 8 ans, né à Lens, Denise, 6 ans, née à Avion, qui pourraient être rendus à leur grand-mère, Mme Kosman Chana qui est restée à Lens pour cause de maladie grave. 3) STERNBERG Louise, née le 4/1/1929 à Metz, Jacques, né le 14/1/1937 à Lens, qui pourraient être rendus à leur mère, Mme Sternberg qui est restée à Lens pour cause de maladie grave. 4) KLAJMAN Rachel, née le 14/2/1931 à Lens, Bernard, né en septembre 1933 à Lens, que je pourrais prendre à ma charge en attendant que je puisse les envoyer en zone non occupée, chez ma tante, à Crécy (Rhône). Le père de ces enfants a d’ailleurs servi comme engagé volontaire pendant la guerre de 1939. D’autre part, je me permets de vous signaler le cas de personnes emmenées le 11 septembre et qui ont des enfants français actuellement prisonniers comme soldats en Alle- magne [suit la liste et « qualités » françaises de ces personnes]. Ces per- sonnes ont été emmenées avec deux autres enfants incurables. Elles ont eu en outre deux enfants tués par bombardement au Pont d’Ardres en Calaisis le 23/5/1940. Une autre fille, Schiff Ryfka-Rachel, a été blessée pendant le même bombardement et est restée estropiée. Elle a été emmenée également le 11 septembre. […] Je sollicite enfin qu’il me soit permis de pénétrer dans le local, qui sert de synagogue, 14 bis rue Félix Faure à Lens, dans le fond de la cour, et où je demande à pouvoir pratiquer ma religion. Je signale d’ailleurs que dans cette pièce se trouvent quinze chaises qui ont été prêtées par un Français, monsieur Hutert, 2 place du Cantin à Lens, et que je voudrais pouvoir restituer à leur propriétaire. Avec mes vifs remerciements, et dans l’espoir d’une réponse favorable, je vous prie d’agréer, Monsieur le chef de cabinet, mes salutations respectueuses. Le chef du culte israélite de Lens, Jechezkiel Himmelfarb49.» Cette démarche est classée sans suite. Requête désespérée et désespé- rante : à cette date, Jechezkiel Himmelfarb ne le sait pas mais le Transport X a déjà quitté Malines en direction d’Auschwitz, emportant avec lui l’ensemble des enfants qu’il mentionne et qui seront envoyés dans les chambres à gaz, dès leur arrivée. Neuf jours plus tard, c’est lui et quinze autres Lensois qui, à leur tour, sont arrêtés, transportés en Belgique puis envoyés vers la mort.

QUI SAIT QUOI ? LES DONNEURS D’ORDRE

Le chef de cabinet de la préfecture ne semble pas en savoir beaucoup plus. Deux documents sont conservés avec la lettre de Jechezkiel : une note Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 173/304

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adressée à Pierre Laval et une courte liste manuscrite. Celle-ci, intitulée « enfants français », énumère quelques cas supplémentaires : « Aichenbaum Isaac né le 11/10/1925, Fanny née le 20/7/1929, naturalisés français le 26/1/ 1931 sous le no 170 Ministère de la Justice. Finkenberg Jeannette 1/1/1940 à Lens, Marcel 9 mois à Lens, Simon 2 ans. Tanchumy Théodore né le 15/9/1933 à Lens. » Une autre main a ajouté, sous les noms, un renseigne- ment supplémentaire : « Malines (Belgique). »

Document 6. Note manuscrite du cabinet du préfet suite à la rafle du 11 septembre.

Source : ADPC 1W12864-3. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 174/304

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Tout se passe donc comme si le chef de cabinet faisait droit aux argu- ments « nationaux » de J. Himmelfarb et pensait encore pouvoir intervenir, comme il l’a apparemment promis, auprès des représentants de l’OFK 670 ou de la préfecture régionale, ayant entre-temps appris où les Lensois avaient été emmenés. En outre, il a rédigé pour le préfet une courte note que celui-ci adresse le 16 septembre à Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy : «J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’au cours de la nuit du 11 au 12 septembre dernier, les autorités allemandes ont procédé, en particulier dans le bassin minier du département, à l’arrestation d’un certain nombre de familles juives apatrides. À Lens, tout spéciale- ment, une centaine de familles ont été emmenées vers une destina- tion inconnue. Je ne manquerai pas de vous tenir informé de tout fait nouveau de ce genre qui parviendrait à ma connaissance50.» Le préfet du Pas-de-Calais ne semble avoir aucune idée précise du nombre de personnes arrêtées ni de leur destination. Son courrier à Laval représente un élément de compréhension de l’efficacité de la rafle. La simple énonciation du double stigmate « apatride » et « juif » semble suffire à rendre ces « faits nouveaux » relativement peu importants. Ce désintérêt, mâtiné du refus de reconnaître toute implication « française » puisqu’il ne dit mot de l’engagement policier (« les autorités allemandes ont procédé… »), mélange de consciencieuse routine et de profonde indiffé- rence, explique, pour une part, comment et pourquoi la quasi-totalité des Juifs encore présents dans le bassin houiller à l’été 1942 ont pu, en quelques heures, disparaître du paysage. Il se peut même, comme la dernière phrase le suggère, que le préfet n’ait pas été prévenu des opérations. Les occupants n’ont averti personne de leur objectif ultime : la déportation lointaine, immédiate et complète de la communauté, sans même parler de l’assassinat de ses membres. En témoi- gne la réponse faite par le sous-préfet de Béthune à Maurice Schiff, caporal- chef matricule 34985/VI A au Stammlager VI C, qui s’inquiète, le 16 novembre 1942, du sort des siens (son père Kalman, sa mère Esther mais également ses frères et sœurs, Aaron, 27 ans, Marcus, 20 ans, Régina, 18 ans et Hélène, 8 ans) arrêtés le 11 septembre, et probablement déjà morts à cette date : « Mon cher camarade, M. le maire de Lens me transmet votre lettre du 22 octobre par laquelle vous lui signalez la situation pénible de votre famille. Je tiens à vous faire connaître que par courrier de ce jour, j’ai saisi du cas que vous m’exposez les autorités locales d’occupation, en appelant de façon spéciale leur attention sur les points que vous m’avez signalés, etc.51.» L’en-tête de la lettre (« mon cher camarade ») le suggère, les deux hommes se connaissent. On peut même émettre l’hypothèse qu’ils ont milité Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 175/304

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ensemble dans les rangs de la SFIO locale dans l’entre-deux-guerres, la dési- gnation de « camarade » étant tout à fait caractéristique des sociabilités socialistes d’alors52. Le sous-préfet s’emploie à tenter d’obtenir une réponse pour Maurice Schiff. Le jour même, il envoie une lettre au « conseiller supé- rieur d’administration militaire [allemande] » de Béthune dans laquelle il transmet la « requête par laquelle le prisonnier de guerre Maurice Schiff sollicite une mesure de bienveillance en faveur de ses parents israélites, qui seraient de nationalité française. Ces israélites, domiciliés 108 ave Raoul Briquet à Lens, auraient été récemment emmenés en même temps que les israélites français. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir exami- ner la suite qui pourrait être donnée à cette requête d’un prisonnier de guerre53 ». Pourtant même du côté allemand, clarifier la chaîne de décision qui a conduit à la rafle reste malaisé. Elle met en jeu les conflits et concur- rences au sein même des autorités nazies, armée d’un côté, police de l’autre. On ne sait qui, de l’OFK 670 ou de la représentation locale de la Sipo-SD à Lille, a initié et dirigé les arrestations du 11 septembre dans les départements français : les archives des Ober et Felkommandanturen sont introuvables, celles de la Sipo-SD en Belgique rarissimes. S’il existe des « conventions » passées entre Sipo-SD et Militärverwaltung (l’état-major administratif du Militärbefehlshaber à Bruxelles) à propos des « évacua- tions » de l’été 1942, l’OFK 670 (via son propre Verwaltungstab,l’état- major administratif) semble impliquée au premier chef, puisque c’est l’administration militaire de Bruxelles qui conserve la responsabilité poli- tique et le contrôle du programme de déportation des 10 000 premiers Juifs de Belgique à l’été 194254. Une chose est sûre : les donneurs d’ordre allemands ont directement fait appel, via les Kommandanturen locales, aux échelons inférieurs (commissariats, gendarmeries), peut-être même sans prévenir les préfec- tures. Tous les rapports des commissariats et gendarmeries dont on dispose notent, on l’a vu, que les autorités occupantes s’adressent, le 10 en fin d’après-midi, directement à eux : aucun des gradés qui les rédigent, toujours après les arrestations, ne laisse entendre qu’il aurait informé la hiérarchie administrative de l’ordre de convocation qui leur a été donné par leurs homologues des Kommandanturen.L’organisation des arrestations dans le Nord-Pas-de-Calais se rapproche ainsi du schéma qui a été suivi lors des deux grandes rafles anversoises d’août 1942 : la police communale belge y est appelée à collaborer, aux côtés de Feldgendarmen, par des ordres prove- nant de la section locale de la Sipo-SD, sans que celle-ci ne prévienne même l’administration militaire allemande à Bruxelles55. Il est d’ailleurs tout à fait possible que les policiers français n’aient pas su, avant le 11 septembre au petit matin, pour quelles tâches ils étaient requis : à Château-Gontier (Mayenne) le 16 juillet 1942, lors de l’arrestation des Lensois réfugiés sur place, le commissaire n’apprend qu’au retour de l’agent qu’il a mis à Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 176/304

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disposition des occupants l’objectif de cette « mission tenue secrète », comme il l’écrit dans son rapport56. Polices et gendarmeries du Nord-Pas-de-Calais sont, en septembre 1942, habituées à obéir aux consignes des Allemands qui, plus encore dans ces départements qu’en zone occupée, se mêlent de tout, apposant un visa obligatoire sur n’importe quelle décision. Dès juillet 1940, les occupants exigent des maires et employés de l’État français une déclaration sur l’hon- neur par laquelle ils s’engagent « à obéir aux autorités allemandes ». En avril 1941, le préfet de région, Fernand Carles, se plaint dans son rapport à Vichy que « les représentants de l’OFK donnent à mon insu leurs instruc- tions aux divers fonctionnaires et notamment à la police57 ». En août 1942, le chef supérieur des SS et de la police, Oberg, officialise des accords de collaboration avec le nouveau secrétaire général à la police, René Bousquet. Dans une note présentée aux préfets régionaux de zone occupée le 8 août, puis diffusée le 13 août 1942 par Bousquet aux préfets départementaux, avec mission de la porter à la connaissance des chefs des services de police et de gendarmerie, « les Allemands s’engagent à ne plus adresser d’ordres directement aux fonctionnaires subalternes de l’administration française. En aucun cas les opérations ne doivent être engagées en commun par des policiers allemands et français58 ». Manifestement, ces instructions n’ont pas passé la frontière de la Somme.

Frapper dans le vide

Vider les jardins. Occuper les maisons. En professionnels, les policiers de Lens et des environs s’emploient, les jours suivant la rafle, à nettoyer les lieux et à les remettre en ordre. Le 13 septembre au petit matin, les hommes du commissaire Humetz placent des scellés sur les portes des appartements et maisons non sans avoir auparavant pris soin de récupérer les denrées périssables à l’intérieur, mais également de récolter les légumes dans les jardins des familles arrêtées deux jours auparavant. Si leurs supé- rieurs paraissent ignorants des objectifs de l’opération, les policiers sur le terrain savent au moins une chose : les arrêtés du 11 ne sont pas près de revenir chez eux. Les produits « récoltés dans les jardins juifs » forment un court inven- taire concernant cinq terrains. 15 kilos de carottes, 20 kilos de betteraves rouges et 15 kilos de navets sont ramassés chez les Mendelbaum ; 10 kilos de céleris chez les Rosenblum, 20 kilos de pommes de terre chez les Hauser. Les Mohr et les Schiff cultivaient quant à eux un véritable carré. Les poli- ciers français font l’inventaire de leurs récoltes : 100 poireaux, 450 kilos de Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 177/304

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patates, persil, carottes, haricots verts chez les premiers ; 27 kilos de choux, 33 de radis noirs, 149 de pommes de terre chez les seconds. Une autre liste recense les denrées « récupérées chez les ressortissants juifs ». Elle s’étend sur dix pleines pages à propos de 55 logements. On y lit la vie difficile des temps de pénurie. La situation du Nord et du Pas-de- Calais est particulièrement critique pour ce qui concerne l’approvisionne- ment et le ravitaillement59. Les difficultés sont accentuées pour une popula- tion rendue encore plus miséreuse du fait des spoliations et des interdits professionnels. Partout les mêmes produits reviennent : sucre, huile, vinaigre, du café toujours qualifié de « national », farine, coquillettes, Maï- zena, semoule, riz, pommes de terre, petits pois, chicorée, marmelade, allu- mettes, lessive, savon… Parfois des œufs, jamais de viande. Les policiers dressent minutieusement chaque inventaire, le 13 septembre mais égale- ment le 26, au lendemain des dernières arrestations, puis ils adressent « le relevé certifié exact » aux bons soins du Secours national, avec copie au sous-préfet de Béthune60. Récompense du travail effectué, remerciements pour bons et loyaux services ou simple hasard de calendrier ? Le 30 septembre 1942, veille de l’envoi des deux inventaires, le préfet Daugy transmet au préfet délégué auprès du ministère de l’Intérieur à Paris, avec avis très favorable, une demande de congé de dix jours présentée par le sous-préfet de Béthune, M. Leydet : « Je vous serais très obligé de bien vouloir envisager la possibi- lité de donner satisfaction à ce fonctionnaire61. » Juste avant son départ en vacances, il a reçu du commissariat de Lens la nouvelle et dernière liste de recensement des Juifs de la ville, en date du 1er octobre 1942. N’y figurent plus que treize individus. Le 12 septembre, le préfet du Pas-de-Calais adresse à son subordonné à Béthune un « relevé des immeubles situés dans votre arrondissement, qui m’ont été signalés comme appartenant à des israélites. Vous voudrez bien vous assurer sans retard de l’exactitude des renseignements portés sur ce document et faire procéder à des investigations afin de vérifier si des immeubles, bâtis ou non bâtis, appartenant à des israélites n’ont pas été omis dans ce recensement. Par ailleurs, en vue d’arriver à l’aryanisation de ces biens, je vous prie de vouloir bien m’adresser sans tarder des proposi- tions pour la nomination d’administrateurs provisoires62 ». Les transferts de propriété prévus par le préfet se poursuivent jusqu’aux dernières semaines qui précèdent la Libération. En revanche, l’ensemble des maisons des familles raflées en septembre ne sont pas concernées par les mesures d’aryanisation : celles-ci sont direc- tement réquisitionnées par l’occupant. Dès le 10 juin 1942, le sous-préfet de Béthune avait demandé au préfet l’autorisation de loger des gardiens de la paix « dans des immeubles juifs63 ». Avec la rafle, le nombre de logements « laissés vacants » qui peuvent être mis à disposition des agents de la police régionale augmente d’autant. Après s’être réservés quelques immeubles, les Allemands mettent à la disposition des fonctionnaires lensois et des Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 178/304

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nouveaux membres de la police régionale, les appartements restants. La demande émane du commissaire Humetz. Dans une note traduite en alle- mand envoyée pour approbation, le commissaire a réparti, en fonction des grades de ses hommes, chacune des adresses « anciennement juives » qui lui ont été laissées. Le commissariat est désormais chez les Litwak, au 68 rue Pasteur. L’inspecteur-chef qui a procédé à l’arrestation de Jacques Grinfas se réserve l’appartement des Greller, 7 rue Anatole-France. Les trois appartements situés rue Félix-Faure sont attribués à des inspecteurs de la nouvelle police régionale de sécurité64. Lorsqu’il établit le bilan de ces opérations immobilières, le commissaire Humetz se satisfait, le 21 janvier 1943, « qu’il n’existe plus à Lens, aucune maison vacante parmi celles occu- pées par des juifs avant leur arrestation. Presque toutes ont été réquisition- nées par les autorités occupantes ou laissées à la disposition du personnel de la Police Régionale d’État de Lens. Les autres ont été attribuées aux personnes qui, en temps voulu, se sont conformées à vos instructions contenues dans votre lettre du 22 décembre 194265 ». Pourtant, malgré ces règlements amiables entre services, la « question juive » n’est pas close dans les départements du Nord-Pas-de-Calais. En février 1943, le préfet de région Fernand Carles reçoit de Vichy, au même titre que ses homologues, un nouvel ordre d’arrestations de Juifs étrangers. Immédiatement, il demande l’accord des occupants pour mener à bien sa mission. Un télégramme du préfet d’Arras est envoyé au sous-préfet de Béthune noté « très signalé, urgent » : « Je vous communique ci-dessous le texte d’un télégramme de la Direction générale de la police nationale concernant l’internement de certaines catégories de ressortissants juifs : “circulaire 1968 vous prie de procéder immédiatement internement juifs étrangers 16 à 65 ans, sexe masculin, appartenant à nationalité ci-après : apatrides, alle- mands, autrichiens, tchécoslovaques, réfugiés russes, réfugiés sarrois, hollandais,grecs,estoniens,lituaniens, lettons, polonais, yougo- slaves, roumains, belges, luxembourgeois, dantzigois, bulgares ; diri- ger personnes arrêtées sur camp internement de Drancy”. M. le préfet régional est immédiatement intervenu auprès de l’OFK 670 à Lille pour l’application éventuelle de ces instructions dans les départe- ments du NPDC et les conditions du transfèrement de ces israélites au camp de Drancy. D’après le recensement effectué au 1er octobre 1942, quatre israélites de votre arrondissement seraient susceptibles d’être visés par les présentes mesures : Goldstein Lucien et Jacques (belges), Rosenzweig Jacob, Isbergue, dantzigoise, Garbaz Maurice, Labuissière, polonaise66.» Les autorités d’occupation, jalouses de leurs prérogatives en matière d’arrestations, refusent la demande « française » pour finir par arrêter eux- mêmes, le 28 octobre 1943, et interner, à Malines, les derniers Juifs encore présents dans les deux départements. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 179/304

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Et la politique « antijuive » se poursuit bien au-delà. Tout au long de l’année 1943, la gestion des notifications de déchéance de nationalité mobi- lisent, toujours à propos de personnes absentes, arrêtées ou en fuite, les services préfectoraux et ceux du commissaire Humetz ; en 1944 encore, le scrupuleux suivi de dossiers d’aryanisation, concernant souvent de minus- cules affaires, occupe largement la sous-préfecture et la chambre de commerce de Béthune. La disparition n’empêche en rien la discrimination de se poursuivre. À la mi-1943, le responsable de l’aryanisation de l’OFK 670, Teichmann, s’interroge à propos du dossier de Szlama Aichenbaum : « Le commissaire gérant parle dans son rapport d’une maison fermée, sous scellés. Nous vous prions de nous informer s’il s’agit ici d’une maison de commerce ou d’une autre maison. Pourquoi cette maison a-t-elle été placée sous scellés ? Quel service a ordonné la mise sous scellés ? » Après enquête, le sous-préfet lui rappelle alors les faits, qu’il ne peut pourtant ignorer : « Lors de l’arrestation des israélites domiciliés à Lens, les 11 et 25 sep- tembre 1942, par les autorités occupantes, les habitations de ceux-ci ont été placées sous scellés par la Feldgendarmerie de Lens. Par la suite, la même autorité a procédé à l’enlèvement des biens mobiliers appartenant aux Juifs et laissé les immeubles vides à la disposition des propriétaires. Actuellement, le 56 de la rue du Cantin et en parti- culier l’appartement qu’occupait Aichenbaum, est loué à divers parti- culiers67.» Le 27 juillet 1944, le service des abonnements téléphoniques des PTT à Arras souhaite « régulariser la situation de l’abonné 279 à Lens, M. Lévi », et pour ce faire s’inquiète de savoir « si cet abonné est de race juive ». Le 1er bureau de la préfecture (étrangers et « affaires juives ») lui répond sans faillir le 8 août, moins d’un mois avant la Libération et alors que la région tremble sous les bombes alliées : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que M. Henri Lévi m’a été signalé comme israélite [le mot « juif » d’abord écrit a été barré] par le Commissariat général aux questions juives68.» Remarquable acharnement de ces procédures administratives et judi- ciaires qui portent sur des fantômes : depuis presque deux ans au moment où les PTT s’inquiètent de la « race » d’Henri Lévi, les Lensois arrêtés dans le bassin houiller, ou ailleurs en France, ont été emmenés bien loin vers l’Est. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 180/304 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 181/304

Chapitre 8

DÉPORTÉS

Les ordonnateurs de la Solution finale à l’Ouest ont fait preuve d’une grande méticulosité dans leur travail : les listes des transports (Transportliste) vers l’Est recensent individuellement chaque personne déportée. Elles permettent de mesurer l’ampleur des déportations, de comprendre qui ont été les personnes déportées parmi les Juifs lensois, mais ne disent que peu de choses sur ce qui leur arrive.

Les déportés lensois

UN BILAN

Au total, 487 des 991 Juifs vivant dans le bassin houiller lensois en 1939 sont arrêtés entre 1941 et 1944, soit 50 %. Parmi eux, 467 sont dépor- tés vers l’Est (tableau 26). Ce pourcentage (47 %) est largement supérieur au taux pour l’ensemble du territoire français où un quart environ des Juifs est déporté1.L’immense majorité d’entre eux (456) sont emmenés vers Auschwitz-Birkenau, via Malines pour les trois quarts (344 individus, dont 309 dans le seul Transport X du 15 septembre 19422), via Drancy ou d’autres camps de zone occupée pour le dernier quart (112 individus). Parmi eux, 18 personnes sont revenues des camps d’extermination. 37 des 73 convois de France comptent au moins un Juif de Lens. Les trains quittent la France jusqu’aux derniers mois du régime de Vichy : les numéros 72 à 74 d’avril et mai 1944, ou le numéro 78 parti de Lyon le 11 août 1944 comptent chacun un habitant du bassin houiller, tous dispa- rus. Cependant, la plus grande partie des déportations est extrêmement resserrée dans le temps : en trois mois à peine, de juillet à septembre 1942, la moitié de la communauté juive vivant dans le bassin lensois en 1939 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 182/304

182 FACE À LA PERSÉCUTION

Tableau 26. Lieux de déportation et d’internement des Juifs lensois arrêtés.

Auschwitz via Malines 344

Auschwitz via Drancy 82

Auschwitz via Angers 21

Auschwitz via Beaune-la-Rolande 4

Auschwitz via Pithiviers 4

Auschwitz via Lyon 1

Maïdanek via Drancy 9

Kaunas via Drancy 1

Ravensbrück via Malines 1

Vittel via Malines 2

Internement Malines 4

Internement Italie 2

Arrêtés non déportés 12

Total général 487

disparaît. Ce fait ne s’explique pas uniquement par les rafles de sep- tembre 1942 qui visent ceux qui sont restés à Lens. Parmi les 122 Juifs lensois déportés qui ne sont pas passés par le camp belge de Malines, 83 (68 %) sont envoyés dans les camps de la mort avant novembre 1942. L’arrestation des familles juives lensoises prend place dans la séquence d’accélération brutale de la Shoah à partir du printemps 1942. En France, 39 convois emportent vers Auschwitz 39 839 Juifs entre le 22 juin, date du départ du premier train déportant deux Juifs lensois (convoi 3), et le 11 novembre 1942 (convoi 45). L’objectif des 40 000 Juifs déportés, fixé par les Allemands au début de l’été, est atteint. Ces six mois concentrent la déportation d’un peu plus de la moitié des 76 000 déportés de France3.En Belgique, 67 % du total des 24 906 déportés juifs le sont dans l’année 1942, et 41 % (10 038) plus précisément dans les 10 premiers convois qui partent entre le 4 août et le 15 septembre, soit en à peine un mois et demi4.La déportation des Juifs du bassin houiller est encore plus rapide : 89 % des déportés le sont en 1942, 8 % en 1943, 3 % en 1944.

LES CRITÈRES DE DÉPORTATION

La massification des déportations à partir de l’Europe de l’Ouest en 1942 s’accompagne d’une modification des populations visées. Début juillet Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 183/304

DÉPORTÉS 183

1942, en France comme en Belgique, l’heure est encore à l’application des critères définis par les Judenreferent lors de la réunion du 11 juin, dans les locaux berlinois d’Eichmann : une déportation majoritairement vouée au travail (hommes et femmes entre 16 et 40 ans) et touchant donc sans dis- tinction Juifs nationaux et étrangers. En quelques jours pourtant, dans les deux pays bien que sous des modalités différentes, le critère national va supplanter la question de l’aptitude au travail. En Belgique, le 9 juillet, c’est le chef allemand de l’administration militaire à Bruxelles qui, de sa propre initiative et en obtenant l’accord direct d’Himmler, décide d’exclure des déportations les 6 % de Juifs belges recensés en 1940 pour ne pas devoir faire face aux éventuelles réactions hostiles des autorités locales5. En France, ce sont les autorités de Vichy qui insistent pour que, même en zone occupée, les Juifs de nationalité fran- çaise ne soient pas inclus dans les convois. Karl Oberg, entré en fonction le 1er juin comme chef supérieur de la SS et de la police, engage presque immédiatement, avec son adjoint Knochen (commandant pour la France de la Sipo-SD), des négociations avec Laval, revenu aux affaires en avril, et Bousquet, le nouveau secrétaire général à la police au ministère de l’Inté- rieur. Au terme de celles-ci, suite aux réunions des 2 et 4 juillet, les repré- sentants de Vichy obtiennent d’une part que les Juifs français ne soient pas « évacués », et d’autre part que le régime puisse reprendre le contrôle des forces de police en zone occupée. La contrepartie de l’accord est exorbi- tante : elle consiste à offrir les services de la police française pour l’arresta- tion des Juifs étrangers et apatrides dans les deux zones, mais aussi à livrer aux occupants un contingent important de Juifs apatrides résidant en zone sud6. Les conséquences en sont dramatiques : pour s’éviter la charge de trop longs internements d’« inutiles » arrêtés (enfants et personnes âgées inaptes au travail), pour remplir les trains, enfin pour répondre aux capa- cités d’extermination nouvellement disponibles à Birkenau à partir de l’été, les nazis vont élargir sensiblement les critères d’éligibilité aux dépor- tations. Le 11 juillet tout d’abord, la limite d’âge supérieure est repoussée de 40 à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes7. Dans les neuf convois partis entre le 19 juillet et le 3 août pour lesquels la sélection à l’arrivée a débuté, la part de personnes immédiatement gazées n’est encore « que » de 12,2 %8. À partir du convoi no 15 du 5 août, en revanche, la proportion « autorisée » de 10 % de Juifs « inaptes au travail » n’est plus du tout respectée et la majorité des déportés sont immédiatement assas- sinés à leur arrivée. Surtout, les responsables berlinois de la Solution finale vont accepter, oralement dès le 20 juillet (lors d’un appel téléphonique d’Eichmann à Dannecker9), et mettre en pratique le 14 août (lorsque est composée la Transportliste du convoi 19) la proposition que leur a faite Laval d’inclure les enfants de moins de 16 ans dans les convois au départ de Drancy. Le chef du gouvernement français fait cette proposition, qualifiée par lui Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 184/304

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d’« humanitaire », pour les seuls enfants des parents arrêtés en zone sud dont il ne veut pas avoir à supporter la charge. Certains des parcours des familles lensoises portent tragiquement le poids de cette évolution des critères de composition des trains vers l’exter- mination. Parmi les 21 Lensois du convoi 8 parti d’Angers le 20 juillet 194210, Szlama et Helena Czyzewski, arrêtés à Angers dans les jours qui précèdent, sont déportés après avoir été arrachés à leurs enfants11. Roger et Sylviane, nés en 1936 et 1939, rejoignent au camp de La Lande à Monts, près de Tours, les autres petits subissant le même sort parce qu’ils n’ont pas atteint l’âge officiel décrété pour la déportation. Abandonnés à eux-mêmes, ils sont finalement conduits à Drancy, avant d’être convoyés vers Auschwitz en septembre12. Depuis, en effet, comme Laval l’a proposé, même les plus jeunes font partie des convois. Et la machine ne s’arrête plus. Le petit Jacques Mantel, né à Lens le 11 février 1939 et dont la mère et la sœur sont décédées lors d’un bombarde- ment à Guéret en juin 1940, a été recueilli par d’anciens voisins, les Gertner. Tous sont arrêtés ensemble à Saint-Martin-de-Vésubie puis transférés à Drancy. Les époux Gertner et leur fille de 8 ans sont enfermés dans le train no 64 du 7/12/1943. Jacques, lui, est déporté un peu plus tôt, le 20 novembre par le convoi 62, celui qui emporte également l’ancien légionnaire lensois « Max Mayer » (la liste du convoi donne les deux prénoms) Steinitz, qui compte parmi les 17 rescapés lensois d’Auschwitz. On ne sait pas si Jacques a pu être accompagné par quelqu’un qu’il connaissait13.

Qu’en est-il de ceux passés par Malines ? Début juillet 1942, les Alle- mands tentent de faire entrer les Juifs d’eux-mêmes dans la caserne Dossin au moyen de « convocations pour le travail » distribuées par l’Association des Juifs en Belgique. Pourtant ils ne prennent même pas la peine de mas- quer leur objectif et adressent des ordres de rassemblement à des enfants et à des vieillards. Dès le premier traindu4août,lesdéportationsbelges touchent toutes les classes d’âge sans distinction : sur les 10 038 déportés de Malines entre le 4 août (Transport I) et le 15 septembre (Transport X), 59 % sont « inaptes au travail » selon les critères nazis : 37 % ont plus de 40 ans, 22 % moins de 16 ans14.

LA SOCIOLOGIE DES DÉPORTÉS

La transformation des critères de sélection se lit dans la sociologie des déportés juifs lensois : 20 % ont plus de 45 ans, et 29 % moins de 16 ans (tableau 27). Comme le montre la comparaison avec la structure par âge de l’ensemble de la population juive du bassin minier, c’est une communauté entière, grands-parents, parents, enfants, petits-enfants, qui disparaît. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 185/304

DÉPORTÉS 185

Tableau 27. Distribution par âge (en 1942) des déportés comparée à celle de la population juive lensoise.

Âge en 1942 Déportés Population totale

0-16 ans 130 29 % 259 28 %

16-30 ans 78 17 % 176 19 %

31-45 ans 150 34 % 330 36 %

46 ans et plus 89 20 % 148 16 %

Total 447 100 % 91315 100 %

Les victimes de la Solution finale dans le Pas-de-Calais sont, pour 80 % d’entre elles, étrangers et apatrides16. Les immigrants sont ainsi sur- représentés puisque si la moitié des Juifs lensois de 1939 est déportée, c’est le cas de 59 % des étrangers (tableau 28). Néanmoins, la nationalité fran- çaise protège relativement peu : plus du tiers des 216 Juifs français vivant à Lens au moment de la déclaration de guerre sont également déportés, pourcentage comparable à la situation des Juifs belges (33 %), mais très supérieur à celui des Juifs français pour l’ensemble de la France (17 %).

Tableau 28. Les déportations en fonction de la nationalité.

France Belgique 17 Bassin lensois Population juive Déportés Taux de déportation Population juive Déportés Taux de déportation Population juive Déportés Taux de déportation

Nationaux 56 % 32 % 17 % 7 % 5 % 33 % 26 % 17 % 35 %

Étrangers 44 % 68 % 43 % 93 % 95 % 46 % 74 % 83 % 59 %

Total 100 % 100 % 28 % 100 % 100 % 45 % 100 % 100 % 52 % (259 717) (73 853) (55 671) (25 124) (839) (441)

Pour expliquer cette singularité lensoise, on peut convoquer l’argu- ment de la précipitation, sur le modèle du convoi 8 de juillet 1942. Celui-ci est resté « célèbre » en raison du zèle manifesté par le capitaine SS et commandant de la Sipo-SD d’Angers, Hans-Dietrich Ernst, pour remplir « son » train : il est le seul des six convois de province initialement pro- grammés par Dannecker qui n’a pas été annulé par l’accord Oberg- Bousquet au sujet des Juifs français. Ernst n’hésite pas à inclure deux cents Français dans le convoi. Parmi eux, trois jeunes Lensois de 16 et 18 ans, Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 186/304

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dont les deux fils d’Abraham Beiser dit Thau, Samuel et Eisig, arrêtés avec 12 autres Lensois à Château-Gontier. Le rapport dressé par le commissaire de police local au sujet de leur arrestation soulève scrupuleusement ce point, expliquant qu’ils sont toujours français parce que la déchéance de leur nationalité n’a pu leur être notifiée dans les formes : « [Les 15 israélites arrêtés] sont tous étrangers à l’exception toutefois des deux derniers [Samuel et Eisig Beiser]. Encore en ce qui concerne ces deux-là se sont-ils vus retirer la nationalité française par décret du 22 novembre 1941 paru au JO du 26. […]J’avais attiré l’attention de monsieur le procureur sur ce fait, mais il n’avait rien pu faire person- nellement, car ces deux individus étaient indiqués comme demeurant à Dinard, ce qui était vrai jusqu’à la fin d’octobre 1941 mais ne l’était plus au début de novembre car les autorités occupantes les avaient refoulés à cette date. Ils étaient venus rejoindre leur père qui était astreint à résidence à Château-Gontier. Dans ces conditions, monsieur le procu- reur de Château-Gontier n’était pas compétent […]. La nationalité des deux fils Beiser dit Thau semble donc être française, bien qu’un texte la leur retirant ait été pris par le ministère de la Justice, alors que norma- lement ils devraient être apatrides et astreints de ce chef à la possession d’une carte d’identité d’étranger. Quoi qu’il en soit de ce point de droit – qui ne doit plus guère avoir d’importance actuellement –,maissur lequel j’ai cependant voulu revenir, je me permets de vous signaler en terminant que je raye ces étrangers de mes contrôles et vous envoie dans le même but les avis de départ ainsi que le double au service régional des statistiques. En plus, en ce qui touche les fils Beiser dit Thau, j’envoie au même service un avis de changement de domicile, sans pouvoir préciser la destination prise par les intéressés18.» Quant aux rafles du Pas-de-Calais, la question de la nationalité française n’y a pas joué de rôle puisque du point de vue des autorités allemandes de Bruxelles, les 60 Français déportés via Malines sont des étrangers comme les autres. Rappelons que la zone est annexée à la Belgique : il n’y a donc guère de raisons d’exclure les Juifs français des convois, au contraire des Juifs belges. Le 13 juillet 1942, Theodor Pichier, chef du groupe XII (aryanisation économique) de l’administration militaire à Bruxelles, explique que le plan prévu de déportation à partir de la Belgique comprend « 10 000 Juifs non belges (anciens ressortissants autrichiens, tchèques, lithuaniens, lettons, russes, norvégiens, français, grecs, yougoslaves et apatrides) », les Français étant inclus dans cette population19. Le 11 et le 25 septembre 1942, tous les Juifs recensés dans le bassin lensois, Français compris, sont arrêtés. Tout le monde ou presque : exemptés, pour un temps, les « conjoints d’aryens » et une famille… belge, les Goldstein, tanneurs à Carvin. Finalement internés à Malines le 30 octobre 1943, le père et sa fille sont transférés le 23 février 1944 au camp de Vittel dans les Vosges. Grâce à la nationalité brésilienne d’un autre de leurs enfants, les Goldstein se tournent vers le consulat du Brésil pour obtenir des passeports et échappent à la déportation vers Auschwitz. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 187/304

DÉPORTÉS 187

La double connaissance des listes de déportation et des critères uti- lisés pour les établir permet d’expliquer le nombre des déportés du Pas-de- Calais et d’en préciser la sociologie. En revanche, ces inventaires restent muets pour ce qui concerne à la fois les conditions mêmes du transport vers l’Est et, surtout, leur devenir à l’arrivée des convois à Auschwitz.

Transports

LES CONVOIS

En l’état actuel de nos connaissances, aucun des survivants lensois n’a raconté les conditions de son « évacuation » vers Auschwitz ou, pour quelques-uns, vers Maïdanek. Le moment de déportation, entendu dans le sens du transport vers l’Est, doit donc être approché à partir des témoi- gnages laissés par d’autres. Tous dépeignent, à Drancy20, Malines comme ensuite dans le train, la promiscuité, les privations, la disparition de toute intimité. L’attente, l’incertitude et l’angoisse surtout. Herman Idelovici, jeune lycéen de 15 ans embarqué dans le convoi 37 du 25 septembre 1942, décrit le long voyage : « Le lendemain [25 septembre 1942], à 5 heures du matin, il y a eu un appel de fait dans la cour centrale et le convoi s’est préparé pour être conduit à la gare du Bourget-Drancy, qui servait de gare d’embarque- ment en direction de l’Est. Dans ces wagons de marchandises devenus célèbres depuis et dont on a montré pas mal de photos, wagons de marchandises qui étaient prévus pour, je crois, quatorze chevaux si je ne dis pas de bêtises, on a entassé soixante hommes, soixante per- sonnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, malades, bébés, nourris- sons, y’avait des nourrissons dans mon wagon. On nous a fait monter, les portes ont été cadenassées, l’aération ne se faisait qu’à travers de petits vasistas en hauteur, c’était l’aération pour les chevaux, bien entendu. Il y avait un bac vide, un genre de tonneau vide pour les besoins intimes et on nous a donné à chacun un pain, un morceau de saucisson et un morceau de margarine. Je dois vous dire que l’atmo- sphère qui régnait dans ce wagon, qui a commencé de régner depuis le 25 au matin […]c’est quelque chose qu’il est très difficile de décrire, des cris, cris des femmes, cris des malades et des nourrissons, la soif, fin septembre il faisait encore relativement chaud, la soif, l’ignorance, l’inquiétude, évidemment personne n’imaginait où nous allions, per- sonne n’imaginait non plus ce que nous allions faire, personne n’ima- ginait non plus ce qu’on allait faire de nous21.» Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 188/304

188 FACE À LA PERSÉCUTION

Déporté deux mois plus tard par le transport 44 parti de la gare du Bourget-Drancy le 9 novembre 1942, Jacques Levy évoque également, dès 1947 quant à lui, des conditions de transport similaires. « Chaque voiture, wagon à bestiaux, reçut une moyenne de 70 per- sonnes. Comme provisions de voyage, les déportés reçurent une innommable boule de pain, un maigre bout de fromage et… ce fut tout. Comme boisson, deux seaux d’eau pour tout un wagon, dont l’un une fois vidé, devait servir aux besoins de l’ensemble des voyageurs. […] Dans quelques wagons, il y eut à déplorer plusieurs décès. Dans celui où nous nous trouvions, nous eûmes la douleur d’assister à des scènes profondément affligeantes. Un de nos camarades eut une crise effrayante d’aliénation mentale. Tous nos efforts pour le calmer et le ramener à la raison furent vains. […] Nous nous consultâmes en groupe et décidâmes, malgré nous, le cœur ulcéré, pour ne pas rendre notre camarade plus dangereux, de l’attacher22.» Les témoignages de Jacques Levy et Herman Idelovici sur le transport vers Auschwitz aident à comprendre la violence à laquelle la plupart des déportés lensois partis de Drancy ont dû faire face. Une partie non négli- geable d’entre eux ne retrouvent pas d’autres connaissances lensoises dans les wagons. Certes les deux frères Junger et leurs épouses sont ensemble dans le convoi 7, Berish Nussbaum et sa sœur Fejga sont avec les familles Borensztajn et Haberman dans le convoi 19. Sarah Lieber part avec ses deux enfants de 22 et 10 ans dans le convoi 30. Perla Wajnsztat dans le 36e avec ses deux enfants de 2 ans et 7 mois, Yvette et Emmanuel. Mais on compte nombre de Lensois qui sont les seuls de la commu- nauté lors du transport, souvent même séparés de leurs familles. Ester Padawer est déportée dans le convoi 16, qui quitte Drancy le 7 août 1942. Son époux Naftali ainsi que leurs deux premiers enfants âgés de 20 et 18 ans ont été déportés par le convoi 13 (Pithiviers-Auschwitz) du 31 juillet 1942. Quant à Ytzhak, le troisième, né en 1928, il figure dans le convoi 42 du 6 novembre 1942. Trois convois vers Auschwitz font exception : le convoi 8 parti d’Angers et, surtout, le Transport X qui emporte de Malines les 309 Lensois raflés le 11 septembre et le Transport XI qui emmène les 21 Juifs arrêtés le 25 sep- tembre à Lens (tableau 29). Bien que la plupart d’entre eux aient été arrêtés ensemble dans la commune de Château-Gontier, on l’a vu, nous ne savons pas si les Lensois du convoi 8 ont pu faire le voyage conjointement. En revanche, les archives de Malines laissent penser que les Lensois du Trans- port X ont été groupés lors de leur transfert vers l’inconnu. La Transportliste allemande mentionne en effet un numéro d’ordre individuel. Il est probable qu’il ait servi à faire monter les déportés dans le train en bon ordre23. Plusieurs faits plaident en faveur de cette interpréta- tion : la méticulosité des enregistrements administratifs des SS d’une part, le fait que les internés à Malines, après avoir été privés de leurs effets Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 189/304

DÉPORTÉS 189

Tableau 29. Nombre de Lensois parmi les convois de déportation de 1942.

Train vers Nombre Départ Nombre total Auschwitz no de Lensois

3 22/06/1942 2 1 000

5 28/06/1942 4 1 038

7 19/07/1942 6 999

8 20/07/1942 21 827

12 29/07/1942 1 1 001

13 31/07/1942 3 1 049

I (Malines) 04/08/1942 4 998

16 07/08/1942 2 1 069

19 14/08/1942 9 991

20 17/08/1942 2 1 000

21 19/08/1942 2 1 000

23 24/08/1942 1 1 000

25 28/08/1942 3 1 000

26 31/08/1942 2 1 000

27 02/09/1942 1 1 000

29 07/09/1942 3 1 000

30 09/09/1942 3 1 000

31 11/09/1942 1 1 000

32 14/09/1942 1 1 000

X (Malines) 15/09/1942 309 1 048

34 18/09/1942 1 1 000

36 23/09/1942 6 1 000

XI (Malines) 26/09/1942 20 1 742

40 04/11/1942 4 1 000

42 06/11/1942 5 1 000

personnels et papiers, portent autour du cou, pour toute identité, une pancarte qui mentionne en chiffre romain le numéro du transport, et en chiffre arabe celui de leur « place »24. Or on constate que les Lensois portent des numéros bien souvent proches voire consécutifs. Les familles élargies sont systématiquement réunies dans une même série chronologique. Abraham Dawidowicz, son épouse Mirla et leurs trois enfants Bella, Joseph et Liliane occupent des numéros côte à côte. Les huit Katz jouxtent les Szor, sans nul doute parce que Estera Szor est la Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 190/304

190 FACE À LA PERSÉCUTION

fille de Jacob Katz. Les familles Klajman, Bender et Berger, voisines à Lens puisqu’elles vivaient aux 121 et 125 rue Émile-Zola, sont enregis- trées ensemble entre les numéros 620 et 644. De même des Steiner et des Beiline, voisins rue Casimir-Beugnet, ou encore des Geldner et des Hoffner, qui logent à la même adresse rue Decrombecque. Cette proxi- mité des Lensois lors de l’enregistrement sur la Transportliste laisse penser que les Juifs qui ont été arrêtés à Lens sont restés groupés lors du transport qui les mène quelque part vers l’Est. Pour la plupart, ils resteront ensemble jusqu’à la mort : les Transports X et XI sont sans arrêt jusqu’à Auschwitz. Pour d’autres déportés, le voyage comporte un arrêt : Kosel.

ARRÊTS À KOSEL

Outre ce qu’ils décrivent du transport, les témoignages de Jacques Levy et Herman Idelovici ont la particularité de raconter l’arrêt de leur convoi à Kosel. Là, les responsables de l’organisation Schmelt (du nom du général SS chargé par Himmler de mettre au travail les Juifs étrangers et apatrides dans les territoires polonais rattachés au Reich, Haute-Silésie et Posnanie) prélèvent un contingent d’hommes destinés au travail forcé dans le réseau de Zwangarbeitslager für Juden (ZAL)25 relevant de leur ressort : «C’est dans ces dispositions d’esprit que nous arrivâmes à Cossel où le convoi fit halte. […] Par des cris gutturaux et épileptiques, ordre fut intimé à tous les hommes jusqu’à 50 ans de descendre à terre. Les plus âgés ainsi que les femmes devaient demeurer dans les véhicules. Une horde d’assassins nazis armés de matraques nous attendait devant les portières. Quand les femmes se rendirent compte qu’on les séparait de leurs maris, quand les mères comprirent qu’elles seraient désormais éloignées de leurs fils, que les vieux et les enfants se crurent à jamais abandonnés, des scènes déchirantes se produisirent. […]À cinq ans d’intervalle,jemerappelle,j’entends, je vois encore les appels poignants des compagnes restées dans les wagons, les suppli- cations des vieux et des petits, leur désespoir, l’angoisse qui nous étreignait tous, leur stupeur, leur affolement26 !» Herman Idelovici a tout juste 15 ans lorsque le 28 septembre 1942, un SS le contraint à descendre du train pour rejoindre son père : « Et puis, le 28 [septembre] en fin de matinée, nous sommes arrivés en Haute Silésie, dans cette gare qu’on appelle Kosel. […]lesSSont commencé à hurler sur le quai, curieusement, les premières phrases que j’ai entendues en allemand, c’étaient, c’étaient des hurlements, des gueulements, des gueulements. Les wagons ont commencé d’être ouverts à grand fracas et ils ont passé l’inspection, wagon par wagon Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 191/304

DÉPORTÉS 191

pour voir s’il y avait des morts, s’il restait encore des vivants. Beau- coup de gens étaient morts, d’autres étaient devenus fous. Passée cette première visite, les hurlements des SS, gueulent devant chaque wagon, en allemand évidemment, que tous les hommes de 18 à 55 ans descendent immédiatement sur le quai. […] Mon père a, à l’époque, 43 ans, il descend sur le quai et se met, se regroupe avec les quelques dizaines d’autres, une petite centaine qui s’y trouvait déjà. Quelques minutes se passent, je reste donc dans le wagon, puisque j’avais 15 ans, je reste donc avec ma mère et mes sœurs. Quelques minutes se passent et on entend à nouveau les portes qui claquent, de wagon en wagon. Les SS referment les portes et les recadenassent. Au moment où ils arrivent devant mon wagon, les yeux du SS se portent sur moi et il commence à m’apostropher en allemand. […] Donc, je descends, je, je ne me souviens pas si j’ai, si j’ai pu dire au revoir à ma mère, à mes sœurs, je crois que dans ces moments-là on ne dit rien, je suis donc descendu avec le menu bagage qui me restait encore dans les mains et je rejoins mon père sur le quai27.» Comme Jacques Levy et Herman Idelovici, au moins deux Lensois sont descendus du train, contraints et forcés, dans cette gare de Haute-Silésie à quelque 120 kilomètres d’Auschwitz, sur l’Oder. Âgés respectivement de 18 et 28 ans en 1942, Jacques Adler et Szmul Goldszmidt sont déportés par le convoi 30 du 9 septembre 1942 sans pour autant se voir attribuer un des 23 « numéros masculins » (63471 à 63493) enregistrés à l’arrivée le 11. Pour- tant, tous deux sont bien immatriculés à Auschwitz (sous les numéros 177 221 et 176 510) mais le 1er avril 1944 seulement, lorsque le comman- dant du camp d’Auschwitz III (Monowitz) prend le contrôle du camp satel- lite de Blechhammer, tout proche de Kosel, pour le rattacher à sa nébuleuse carcérale. 3 056 prisonniers en provenance de l’organisation Schmelt sont immatriculés conjointement ce même 1er avril 1944 à Auschwitz28.Les deux Lensois sont encore en vie en février 1945 : enregistrés après leur transfert au camp de Buchenwald, ils y décèdent probablement peu avant la Libération, même s’il ne subsiste aucune trace de leur disparition29. Sans doute ne sont-ils pas les seuls Lensois à avoir été mis en dehors des trains avant leur arrivée à Auschwitz, en 1942. Mais nous n’avons pu retrouver de documents certifiant l’enrôlement forcé d’autres Lensois parmi ceux sélectionnés à Kosel. D’une part, les sources provenant d’Ausch- witz sont lacunaires (une grande part des archives du camp a été détruite par les SS dès l’automne 1944 et lors de leur fuite en janvier 1945). D’autre part, certains hommes sont parvenus à contourner cette première sélec- tion : à l’exception du convoi 25, les huit convois « français » ayant marqué une halte à Kosel comptent à leur arrivée quelques immatriculations d’hommes de moins de 50 ans. Chil Skopicki et son fils Arno (nés en 1898 et 1928), déportés par le convoi 25 du 28 août, Israël Perles (né en 1907), dans le convoi 32 du 14 septembre ou encore Abraham Goldberg (né 1916) dans le convoi 34 du Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 192/304

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18 septembre, ont probablement dû quitter leurs compagnons de transport à Kosel et, pour Chil et son fils, leur femme et mère, Sara. Le fait qu’aucun homme du convoi 25 n’ait été immatriculé à l’arrivée à Auschwitz le laisse clairement entendre. Tout du moins pour Chil. Pour Arno, âgé de 14 ans, la probabilité est moindre. Mais Herman Idelovici n’aqu’un an de plus que lui lorsqu’il descend sur le quai de Kosel. Qu’il ait été ou non sélectionné à Kosel, Arno Skopicki n’est pas revenu des camps d’extermination. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 193/304

Chapitre 9

EXTERMINÉS

À de très rares exceptions près, arrestations et rafles ne sont que la première étape de la déportation : 467 Juifs lensois sont déportés vers l’Est, dont 456 à Auschwitz. Peut-on écrire sur ces heures, semaines ou mois passés dans les camps ou à leurs abords ? Sans témoignages, la tâche est difficile : d’une part, les archives ont été en grande partie détruites fin 1944 et en janvier 1945, d’autre part, la dissimulation constitue l’une des caracté- ristiques de la Solution finale1. Tenter de suivre le devenir des Juifs lensois à Auschwitz conduit à se confronter aux principes fondamentaux du pro- cessus d’extermination nazi : la production en masse de la mort et de la disparition, jusque dans les sources. Nous ne voulions pas clore l’enquête au constat « qu’ils ont été déportés ». Recueillir les quelques traces laissées dans les camps par-delà l’extermination est donc essentiel si l’on ne veut pas laisser ces vies à la disparition à laquelle elles sont aujourd’hui réduites en raison des efforts des architectes de la Solution finale pour masquer leur entreprise d’annihilation2. Qu’est-ce qu’être déporté3 ? Entendue de façon générale la question a donné lieu à une littérature immense composée de témoignages, de mono- graphies de camps et de synthèses scientifiques4.Lasouleveràhauteur d’hommes, pour David et Else Schneebaum, nés en 1885 et 1889, Pesa Gotteiner, née Tokar en 1910, Isaac, Albert et Hélène Filosof, nés en 1931, 1935 et 1938, tous Lensois, c’est rappeler que la disparition est l’une des spécificités de l’extermination des Juifs d’Europe. Pour eux, les traces s’arrêtent à l’inventaire des individus des convois « nach Auschwitz eva- kuiert », pour reprendre l’expression qui désigne le Transport X parti de Malines le 15 septembre 19425. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 194/304

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Les disparus d’Auschwitz

La caractéristique première des archives d’Auschwitz concernant les déportés est l’absence de traces. La plupart des déportés lensois dispa- raissent à jamais en même temps qu’est attestée l’arrivée à Auschwitz des convois qui les y conduisent. Les premiers gazages ont commencé en décembre 1941 au camp principal, dans le sous-sol du block 11, mais c’est au printemps 1942 que des parties spécifiques du complexe concentration- naire sont aménagées pour servir aux « actions spéciales ». Àl’arrivée de chaque train venu de France et de Belgique, à partir de la fin juillet 1942, sur une voie de garage de la gare d’Auschwitz située à mi-chemin entre le camp principal et celui de Birkenau, les SS opèrent une « sélection » parmi les déportés. Rudolf Höss, ancien commandant du camp d’Auschwitz, l’évoque dans le mémoire qu’il a rédigé en prison à Cracovie en 1946. « La sélection se faisait de la façon suivante : on déchargeait les wagons les uns après les autres. Ayant déposé leurs bagages, les Juifs devaient passer devant un médecin SS qui décidait pendant qu’ils marchaient s’ils étaient capables ou non de travailler. Ceux qui étaient reconnus capables étaient immédiatement conduits dans le camp par petits détachements6.» Lesdéportéssontrangésendeuxfiles:d’un côté les enfants, les vieillards et les femmes qui accompagnent des enfants, de l’autre ceux jugés aptes pour le travail. Cette minorité d’individus est enregistrée dans le camp au moyen d’un numéro d’internement dans une série dont on connaît systématiquement les bornes extrêmes. Ainsi, le 17 septembre 1942, parmi les 1048 déportés du convoi X de Malines, 331 sont jugées aptes pour le travail forcé : 203 hommes se voient attribuer les numéros allant de 64 005 à 64 234 et 101 femmes, ceux entre 19821 et 199217.Maispourtousles autres (717 sur 1048), aucune trace ne subsiste : c’est qu’ils ont été dirigés vers la mort dès leur descente du train. Le 2 septembre, seuls douze hommes et vingt-sept femmes du convoi français no 26 ont été enregistrés à Auschwitz (mais il y a eu un premier arrêt à Kosel où des hommes ont été sélectionnés pour le travail). Le 8 novembre à l’arrivée du convoi 42, sans arrêt jusqu’à Auschwitz, 227 sont jugés aptes pour le travail forcé et enre- gistrés comme détenus dans le camp (tableau 30). Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 195/304

EXTERMINÉS 195

Tableau 30. Les sélections à l’arrivée des convois de 1942 déportant des Juifs lensois à Auschwitz. arrivée ’ Numéro du convoi Nombre de Lensois Arrêt Kosel Date d Nombre total dans le train Disparus Hommes enregistrés dans le camp Matricules Femmes enregistrées dans le camp Matricules

3 2 24/06/1942 1000 0 933 40 681-41 613 66 7 961-8 026 5 4 30/06/1942 1 038 0 1 004 42 777-43 780 34 8 051-8 084 7 6 21/07/1942 999 375 504 49 777-50 280 121 9 703-9 823 8 21 23/07/1942 827 23 411 51 015-51 425 390 10 177-10 566 12 1 31/07/1942 1 001 216 270 54 153-54 422 514 13 320-13 833 13 3 02/08/1942 1 049 0 693 55 083-55 775 359 14 156-14 514 I (Malines) 4 05/08/1942 998 254 426 56 433-56 858 318 14 784-15 101 16 2 09/08/1942 1 069 794 63 57 720-57 782 211 15 961-16 171 19 9 16/08/1942 991 875 115 59 229-59 343 0 20 2 19/08/1942 1 000 878 65 60 113-60 177 34 17 679-17 713 21 2 21/08/1942 1 000 817 138 60 471-60 608 45 17 875-17 919 23 1 26/08/1942 1 000 908 92 61 662-61 753 0 25 3 K 31/08/1942 1 000 929 0 71 18 749-18 819 26 2 K 02/09/1942 1 000 961 12 62 897-62 908 27 18 827-18 853 27 1 K 04/09/1942 1 000 877 10 63 055-63 064 113 19 003-19 115 29 3 K 09/09/1942 1 000 889 59 63 164-63 222 52 19 243-19 294 30 3 K 11/09/1942 1 000 909 23 63 471-63 493 68 19 414-19 481 31 1 K 12/09/1942 1 000 920 2 63 529-63 530 78 19 530-19 607 32 1 K 16/09/1942 1 000 893 56 63 898-63 953 49 19 772-19 820 X (Malines) 309 17/09/1942 1 048 717 230 64 005-64 234 101 19 821-19 921 34 1 K 20/09/1942 1 000 859 31 64 710-64 749 110 20 328-20 436 36 6 26/09/1942 1 000 475 399 65 460-65 858 126 20 723-20 848 XI (Malines) 20 28/09/1942 1 742 1 398 286 66 070-66 355 58 21 034-21 091 40 4 06/11/1942 1 000 639 269 73 219-73 487 92 23 625-23 716 42 5 08/11/1942 1 000 773 145 74 021-74 165 82 23 963-24 044

De nombreux rescapés ont décrit ces sélections : Eva Tichauer, jeune femme de 24 ans arrivée à Auschwitz par le convoi 36, dans lequel sont déportés 6 Lensois, raconte comment sa mère a été séparée d’elle, à l’arri- vée du train, le 25 septembre 1942. « Les mille que nous sommes se bousculent en avançant vers notre première sélection. Une voix, qui commande, crie : “Männer rechts, Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 196/304

196 FACE À LA PERSÉCUTION

Fauen links”. Nous n’avons pas besoin de traduction [les Tichauer se sont arrivés en France de Berlin en 1933], mais nous disons à ceux qui nous entourent que les hommes et les femmes doivent se séparer ici. Ce sont les femmes qui tiennent les enfants par la main. Deux colonnes se forment dans le désordre. Nous arrivons à la hauteur d’une file de camion où s’opère un nouveau partage. Des hommes en uniforme poussent vers les camions les femmes et les enfants. J’aperçois une dernière fois la jeune femme de l’infir- merie [de Drancy] tenant à la main l’enfant qu’on lui a confié. On y dirige aussi les invalides, les malades et “les vieux”. Ma mère a aujourd’hui 50 ans et les aura toujours. Elle se cramponne à mon bras quand on cherche à la séparer de moi. Nous sommes à la hauteur du commandant SS. Elle s’adresse à lui en allemand : “Laissez-moi aller avec ma fille, je suis bonne marcheuse.” Et le Kommandant,j’ai su après qu’il s’agissait de Aumeier, pendu en Pologne à l’issue de son procès après la victoire, lui répond avec une exquise politesse : “Ne vous faites pas de souci, chère madame [Machen Sie sich keine Sorgen, gnädige Frau], nous voulons vous faciliter le chemin. Vous retrouverez votre fille au camp.” Ma mère me lâche. Nous nous regardons, yeux dans les yeux, profon- dément, en silence. Nous sommes séparées et je ne la vois pas montrer dans le camion. Nous ne nous sommes pas dit au revoir, nous ne nous sommes pas embrassées. Je n’ai jamais revu ma mère8.» À 2,5 kilomètres de la rampe, après avoir traversé des champs à l’emplacement de ce qui deviendra le secteur III, dit Mexico, de Birkenau, les sélectionnés pour la mort parviennent devant l’« installa- tion destinée à l’extermination, désignée communément comme “Bun- ker” », précise Höss9. Il existe deux anciennes fermes aménagées en chambres à gaz à l’époque : dans le jargon du camp, la « petite maison rouge » (ou bunker 1), entourée d’arbres fruitiers, est prévue pour 800 personnes ; la « petite maison blanche » (ou bunker 2), à l’orée d’une forêt de bouleaux, est capable d’en contenir un millier10. La première a été mise en service au printemps 1942, la seconde entre en fonctionnement fin juin, pour faire face à l’augmentation régulière des convois11.Àl’arri- vée devant les fermes, les victimes doivent se déshabiller dans des baraques spécialement construites, au prétexte d’un « épouillage ». Les soldats SS les font entrer, de gré ou de force, le cas échéant en abattant immédiatement les plus récalcitrants12, dans une des pièces. Les portes closes, les SS déversent alors par plusieurs orifices les cristaux de Zyklon B. L’extermination immédiate à l’arrivée des trains des hommes, femmes et enfants est ce qui caractérise et distingue fondamentalement « la Solu- tion finale de la question juive ». Parmi les déportés du Transport X, 717 personnes sont gazées ainsi peu après leur descente du train. Ce nombre est Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 197/304

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établi par soustraction des hommes et femmes admis comme travailleurs forcés dans le complexe concentrationnaire du total initial des déportés. Il ne tient donc pas compte de ceux morts durant le voyage ou devant les portes d’une chambre à gaz dans laquelle ils refusent d’entrer. Jusqu’en septembre 1942, les corps des morts sont jetés dans des fosses communes qui bordent les bunkers. Quatre jours après l’arrivée du Trans- port X de Malines, le 21 septembre13, débute l’opération consistant, jusqu’à la fin novembre, jour et nuit, à déterrer les corps des fosses pour les inciné- rer à ciel ouvert. L’ordre vient d’Himmler après sa visite au camp des 17 et 18 juillet : les cendres doivent être dispersées pour que nul ne puisse imagi- ner et « par la suite en tirer des conclusions concernant le nombre des incinérés14 ». La disparition est désormais effective.

RETROUVER LES MORTS

Nous ne sommes pas en mesure d’indiquer avec exactitude le nombre et l’identité des Juifs lensois gazés dès l’arrivée. Certes, pour chaque convoi, on connaît les bornes de la série des numéros d’immatri- culation attribués aux déportés jugés aptes au travail et admis dans le camp. On peut donc compter leur nombre mais sans connaître avec pré- cision leur identité. Le cas du Transport X de Malines est exemplaire de ces difficultés. Passé l’arrivée sur la rampe, il est impossible d’indiquer ceux des 308 déportés lensois qui ont été immédiatement dirigés vers les chambres à gaz. La source dont on dispose pour savoir qui est sélec- tionné pour le travail – les registres d’immatriculation dans le camp – est lacunaire. Dans les archives d’Auschwitz15, nous avons pu identifier 58 Lensois du Transport X en retrouvant soit le questionnaire et le numéro de leur matricule, soit un certificat de décès dans le camp. Le travail des archivistes de Malines a permis, sur le même modèle, d’identifier 125 autres détenus (non lensois) du convoi16. Au total donc, seuls 183 des 331 sélectionnés, un peu plus de la moitié d’entre eux, ont pu être retrouvés individuellement. Ce sont essentiellement les femmes qui manquent dans les archives du camp : elles représentent 30 % des membres du convoi. Or on a retrouvé la trace de l’entrée au sein du camp d’Auschwitz pour seulement deux d’entre elles : Betty Mohr et Emma Katz (nées en 1922 et 1924) sont indiquées mortes les 20 octobre et 3 novembre 1942 dans les registres de décès du camp (Sterbebücher)17. Frida Thau figure parmi les déportés du Transport X ; on sait qu’elle est revenue d’Auschwitz. Pourtant les archives du camp qui subsistent n’ont gardé aucune trace d’elle. Parmi les 456 déportés lensois vers le complexe concentrationnaire de Haute-Silésie entre 1942 et 1944, 108 (un quart) sont à coup sûr passés Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 198/304

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sous le portail « Arbeit macht Frei » : 18 qui font partie de convois, début juillet 1942, qui ne marquent pas encore de sélection à l’arrivée (convois 3, 5, 8, 13, voir tableau 30 supra) et 90 dont la présence est attestée dans les archives du camp ou/et qui sont revenus en 1945. La répartition par sexe et par classe d’âge des Lensois immatriculés dans le camp est sans équivoque quant aux principes de la sélection effectuée par les SS à l’arri- vée.

Tableau 31. Devenir des 456 déportés lensois vers Auschwitz en fonc- tion de l’âge et du sexe.

Âge Sexe Disparus Enregistrés Total dans le camp

de 0 à 15 ans F 100 % 0 % 100 % (55) M 99 % 1 % 100 % (75) Total de 0 à 15 ans 99 % 1 % 100 % (130) de 16 à 26 ans F 74 % 26 % 100 % (35) M 44 % 56 % 100 % (36) Total de 16 à 26 ans 59 % 41 % 100 % (71) de 27 à 40 ans F 84 % 16 % 100 % (62) M 29 % 71 % 100 % (52) Total de 27 à 40 ans 59 % 41 % 100 % (114) de 41 à 51 ans F 98 % 2 % 100 % (41) M 52 % 48 % 100 % (54) Total de 41 à 51 ans 72 % 28 % 100 % (95) plus de 51 ans F 100 % 0 % 100 % (20) M 85 % 15 % 100 % (26) Total plus de 51 ans 91 % 9 % 100 % (46) Total général 75 % 25 % 100 % (456)

Les enfants de moins de 15 ans et les adultes de plus de 50 ans comptent respectivement 99 % et 91 % de déportés dont on n’a aucune preuve de pré- sence dans le camp. Pour toutes les classes d’âge, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à être immatriculées, même si la sous- identification des femmes dans les archives conservées du camp rend ces pourcentages plus fragiles (tableau 31). Mais pour les déportés lensois exter- minés dès l’arrivée, on ne peut dire plus. Leurs vies s’arrêtent au seuil des bunkers de Birkenau. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 199/304

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Détenus à Auschwitz

On conserve les traces de 108 Lensois, 88 hommes et 20 femmes, déte- nus dans le camp d’Auschwitz. « Détenu », c’est le mot que nous choisissons pour traduire le terme allemand employé pour les désigner : Häftling18. Mais le terme ne doit pas prêter à confusion : évoquer les trajectoires des Lensois qui ont été sélectionnés pour le travail forcé à Auschwitz, c’est décrire leurs parcours vers la mort. « Tout le complexe d’Auschwitz avec ses trois parties (camp de base, Birkenau et le système d’usines et de mines autour du camp) n’était qu’une vaste entreprise d’extermination. Si, dans les chambres à gaz, la mort était immédiate, dans le camp, c’était la mort lente du fait des conditions de vie des détenus : travail dépassant les forces humaines, humidité malsaine du lieu, sous-alimentation et faim chro- nique,coupsdematraqueàlamoindreoccasion.Desmaladiesépidé- miques inhérentes à la vie de camp : dysenterie, typhus, phlegmons (infection des blessures), gale s’ajoutaient aux piqûres de phénol et aux exécutions19.»

LES ARCHIVES D’AUSCHWITZ

Écrire l’histoire des détenus à Auschwitz, c’est partir à la recherche de matricules dans des registres, arides et lacunaires. Parfois, les noms n’y figurent même plus. Le processus de dépersonnalisation est radical20. L’entrée dans le camp s’accompagne de l’attribution de numéros d’immatri- culation. Les détenus sont placés en quarantaine. Après avoir été dépouillés de toutes leurs affaires personnelles, « désinfectés », rasés des pieds à la tête, les déportés doivent se séparer de leurs habits pour revêtir une nou- velle tenue, fréquemment reprise aux morts. Chaque nouvel arrivant fait l’objet d’un enregistrement qui donne lieu à un questionnaire scrupuleuse- ment rempli par les services administratifs. Cette « feuille personnelle de détenu » (Häftlinge Personalbogen21)qu’on appellera ici « questionnaire », renseigne état civil, métier et niveau d’études. Mais y figurent aussi ses mensurations, une description morphologique et un inventaire de la denti- tion. Les Juifs font l’objet d’une mesure supplémentaire : en sus du port de l’étoile, ils doivent changer de prénom. Probablement en application de la loi nazie du 17 août 1938 qui fait obligation aux hommes juifs de faire rectifier leur état civil par insertion systématique du prénom « Israël » (les femmes devant, elles, ajouter « Sara »22), les déportés se voient attribuer ces prénoms supplémentaires, marques d’une uniformisation de leur identité Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 200/304

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anthroponymique. La dépersonnalisation prend place au sein même de l’opération d’immatriculation, matérialisée par le tatouage du numéro d’entrée sur l’avant-bras des internés, d’abord « réservé » aux Juifs à partir de mai 1942 avant d’être étendu, début 1943, à l’ensemble des détenus du camp. Nous avons retrouvé les questionnaires de 11 Lensois. Parmi eux, Abraham Frenkiel (document 7). Comme ses dix compagnons, il donne son adresse dans le Pas-de-Calais. Sur la partie inférieure de la feuille figurent la date et le lieu de son arrestation : Lens le 11 septembre, ainsi que la date de son arrivée à Auschwitz. À la question d’antécédents judi- ciaires, criminels ou politiques, une seule mention : « keine ». La catégo- rie de détenu à laquelle appartient Abraham Frenkiel figure à côté de son numéro en haut à droite : « Jude », juif. Plus bas, la Gestapo du camp (Politische Abteilung) précise encore : de « race juive » et de « reli- gion mosaïque » (mentions entourées sur le document 7). Enregistré sous le matricule 64 027, Abraham Frenkiel est décrit selon les normes anthropométriques : cinq dents en or, cheveux bruns, yeux gris, bouche « normale », « petites oreilles », il mesure 161 cm, parle allemand, polo- nais et français (mention entourée), a fréquenté quatre ans l’école élé- mentaire. Il acquiert le nouveau prénom d’Israël (mention entourée). Sur le questionnaire porteur du premier numéro attribué aux déportés du convoi X, le 64 005, son voisin lensois Nathan Alpern a fait inscrire dans le détail ses états de service militaires au 21e RMVE en 1939-1940. Outre ces 11 questionnaires, 45 attestations de décès ont été retrou- vées concernant les 108 Lensois enregistrés à Auschwitz. Ces certificats sont consignés par les équipes du Hauptscharführer Palitzsch, officier SS dont la fonction – Rapportführer du camp – consiste à organiser l’inlassable et interminable comptabilité des détenus y compris, au besoin, en les exé- cutant lui-même23. Transmis aux services administratifs du camp, le décès est enregistré sous la forme du rappel du numéro et d’une date figurant dans le registre des Krematorium, lorsque ceux-ci fonctionnent, et dans les registres de décès (Sterbebücher). Subsistent également les traces de 34 admissions individuelles de Len- sois dans les « hôpitaux » (Häftlingskrankenbau, HKB) du complexe (cha- cune d’elles pouvant générer plusieurs documents par individu selon leur parcours dans les différents blocks des infirmeries). Huit enregistrements dans les rangs du Kommando Golleschau attestent l’affectation de Lensois dans une cimenterie dépendant de la SS qui constitue un camp annexe situé à une cinquantaine de kilomètres d’Auschwitz. Dans le vocabulaire des camps nazis, le Kommando désigne en effet un détachement de détenus affectés à une tâche et par extension, le lieu dépendant du camp qui regroupe des détenus travaillant ensemble. Au final, seuls 13 des 108 parcours sont documentés par plus de quatre sources différentes. Il s’agit pour la plupart de détenus encore en vie en janvier 1945. Pour une majorité (67), nous ne disposons donc que Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 201/304

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Document 7. Le questionnaire (Häftlinge Personalbogen)d’Abraham Frenkiel.

Source : ITS, OCC 2/3/a. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 202/304

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d’un ou de deux documents d’archives : attestations de décès pour la plupart (28) ou simples mentions, dans les sources de l’ITS, du matri- cule qui leur a été attribué lors de leur arrivée au camp (20). Pour six des Lensois, cette mention de matricule est même la seule trace de leur admission dans le camp (tableau 32).

Tableau 32. Documents identifiant les 108 Lensois détenus à Ausch- witz. ) Auschwitz, ’ individus ’ arrivée, tab. 30) ’ Auschwitz ’ Häftlinge concernés 1944-1945) Enquête ITS Autre identification Nombre d Nombre de documents ITS par individu Entrées non identifiées (convois antérieurs aux sélections àl Matricules d Questionnaires ( Personalbogen Attestations de décès Registres des hôpitaux du complexe Registre des analyses médicales (1944) Kommando Varsovie Kommando Golleschau Block 11 (prison) Autres camps (hors complexe d

Un 16 6 22 44

Deux 2 14 1 6 9 1 4 9 23

Trois 26 4 14 19 2 6 5 5 3 28

Quatre 8 2 2 3 2 2 1 6 4 2 8

Cinq 3 2 2 1 1 3 3 3

Six 2 2 1 1 2 1 2 1 2

Total 18 59 11 45 34 5 4 8 2 20 22 5 108 des documents

LA MORT CONCENTRATIONNAIRE

Les traces laissées dans les archives d’Auschwitz par les détenus juifs lensois sont d’abord des traces de mort. Les documents sont secs, les noms ont parfois disparu comme sur cette page du registre du crémato- rium du camp principal qui indique les corps des détenus enregistrés aux dates des 23 et 24 décembre 1942 (document 8). Sur la page de droite qui correspond à la date du 24 décembre figurent deux Lensois, Léon Brener et Icek Kwecksilber dont les identités personnelles ont disparu, rempla- cées par leurs numéros, respectivement 64 015 et 64 056 (entourés)24. Sur la page de gauche (23 décembre), on note la présence de deux numéros de matricules, les 64 018 et 64 024, attribués à des déportés du Transport X de Malines, mais dont nous n’avons pas retrouvé l’identité (entourés en noir). Le registre indique les provenances des corps, sur la colonne à droite du numéro. Dans le camp, chaque baraquement, en bois ou en briques est appelé « block ». Les corps de Léon Brener et Icek Kweksilber viennent du block 20, block qui fait partie de l’hôpital des détenus d’Auschwitz (mention entourée)25.D’autres corps sont indiqués provenir Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 203/304

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Document 8. Registre du crématorium d’Auschwitz, 24/12/1942.

Source : ITS OCC2/22 ordner 85c seite 35. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 204/304

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du block 28 (l’hôpital encore), mais également de Buna (Monowitz, le complexe d’IG Farben à Auschwitz) ou encore de Jaw (abréviation de Jawischowitz), camps satellites situés en périphérie d’Auschwitz (men- tions entourées). L’histoire des Juifs lensois détenus dans le camp d’Auschwitz est d’abord l’histoire de morts. Parmi les 108 Lensois dont on sait qu’ils ont été immatriculés, 91 (84 %) sont morts. On connaît les dates de décès de 45 d’entre eux. Le quart de ceux-ci ne survit pas au pre- mier mois, près de la moitié décède dans les huit semaines, 85 % sont morts au bout de quatre mois. Seuls trois survivent plus d’un an (tableau 33).

Tableau 33. Durées de vie à Auschwitz des 45 Lensois dont la date de décès est connue.

Moins d’un mois 11 24 %

De 1 à 2 mois 9 20 %

Entre 2 et 3 mois 11 24 %

Entre 3 et 4 mois 7 16 %

Entre 4 et 6 mois 4 9 %

Plus de 18 mois 3 7 %

Total 45 100 %

Les rythmes de la disparition concentrationnaire des détenus lensois confirment les caractéristiques connues de la mortalité dans le camp. Ils rappellent combien il est rare de survivre aux premières semaines à Auschwitz. La grande majorité des détenus ne survit pas au-delà de quatre mois26. Parmi les 2 845 Juifs slovaques arrivés en quatre convois entre les 17 et 29 avril 1942, avant que les sélections sur la rampe ne soient mises en place, seuls 182 (6 %) sont encore vivants le 15 août de la même année. Données identiques pour le premier convoi parti de France le 27 mars 1942. Cinq mois plus tard, en août 1942, 91,6 % des 1 112 déportés imma- triculés à Auschwitz sont morts : 525 en avril, 244 en mai, 156 en juin, 62 en juillet et 21 en août. Seuls 23 reviendront en 194527. Hersh Meller, marchand forain de lingerie sur les marchés de la région lensoise avant la guerre, naturalisé français en 1936, réfugié puis arrêté à Nice, déporté à Auschwitz en mars 1944, meurt trois jours après son arrivée. Rosa Junger meurt après cinq jours, Henoch Adamsbaum, après dix jours, Icek Ickowicz et Émile Klaymberg quinze et seize jours après leur entrée dans le camp. Meer Katz, commerçant roumain arrivé en France en 1925, est arrêté à Lens le 11 septembre 1942. Il est déporté à Auschwitz par le Trans- port X de Malines, le 15 septembre 1942, sélectionné pour le travail et envoyé avec sept autres Lensois travailler dans la cimenterie du Kommando Golleschau. Vingt et un jours plus tard, il y est déclaré mort. Le registre des Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 205/304

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décès de la cimenterie date la mort du 8 octobre et indique comme motif une attaque cérébrale (Hirnschlag)28. Mais l’administration du camp d’Auschwitz produit également un certificat de décès pour Meer Katz, qui mentionne une autre cause de mort : « œdème pulmonaire par insuffisance cardiaque » (Lungenödem bei Herzschwäche)29. La date diffère, mentionnant le 9 octobre (et non le 8) et le lieu aussi, situant le décès comme sur tous les certificats de décès du complexe, à une même et unique adresse : « Auschwitz, Kasernenstrasse. » Raya Kagan, ancienne détenue préposée à l’établissement des certificats de décès, a expliqué cette mention, dans son témoignage au procès Eichmann : « Il fallait […]préciserqu’il était décédé à Auschwitz- Kasernenstrasse, c’était très important […] parce que Auschwitz- Kasernenstrasse c’était la rue principale où se trouvait le siège du quartier général, vis-à-vis de la villa de Höss, le commandant du camp. Il est évident qu’un malheureux qui avait succombé dans la boue de Birkenau n’était pas mort à Auschwitz-Kasernenstrasse. Cela illustre bien le pédantisme des Alle- mands et la minutie avec laquelle ils faisaient consigner des choses notoire- ment fausses30. » Changements de causes, de dates et de lieux des décès entre Golleschau et Auschwitz en témoignent, les renseignements qui figurent sur les registres d’Auschwitz ont pour unique fonction de compter les morts. L’objectif est de tenir une comptabilité sans faille des détenus enregistrés dans le camp. Chaque matin et chaque soir, lors des appels, les corps des morts pendant la nuit ou la journée doivent être ramenés pour être comptés31.Maisl’enregistrement des corps sert également à dissimuler le processus d’extermination en falsifiant les causes de la mort. Dès lors, les certificats de décès n’ont le plus souvent aucun rapport avec la réalité de la mort concentrationnaire, qu’on connaît essentiellement via les témoignages des déportés qui ont survécu. Pinkas Honig, Szmil Junger ou Juda Padawer disparaissent officiellement atteints d’une pneumonie (Pneumonie ou Lungenentzündung selon la formule utilisée par les employés de l’administra- tion du camp). Si la maladie est fréquente dans le camp, il est impossible, comme toujours à Auschwitz, de savoir ce que cette indication signifie. Deux rescapées d’Auschwitz affectées à la Registratur du camp, l’état civil géré par la Politische Ableitung, ont mentionné la « crise cardiaque » et l’« œdème pul- monaire » comme deux des motifs les plus fréquemment utilisés pour camoufler les assassinats dans les actes de décès32. Le cas de Sara Piotrowski, déclarée officiellement morte de pro- blèmes cardiaques (Herzschlag) le 7 septembre 1942, permet d’illustrer ces pratiques de dissimulation et d’évoquer le cas des femmes détenues. Les sources concernant les quelques Lensoises détenues dans le camp sont très peu nombreuses. Début août 1942, les détenues ont été transférées du camp principal à Birkenau, où est construit le camp des femmes. Face à l’augmentation des arrivées, les SS décident rapidement d’y mettre en œuvre leurs « actions spéciales » à l’intérieur même du camp sur le modèle dessélectionsquiexistentdésormaisàl’arrivéedechaqueconvoi.Le 5 septembre a lieu une violente et radicale opération de réduction de la Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 206/304

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population féminine. Le camp compte 16 649 détenues le 4 septembre dont 7886 juives. Elles ne sont plus que 6 039 le 733.C’est ce même jour que Sara Piotrowski, Lensoise âgée de 33 ans déportée par le convoi no 3 parti de Drancy le 22 juin, est déclarée officiellement morte de problèmes cardiaques (Herzschlag)34. Début octobre, deux « opérations spéciales » éli- minent près de 4 000 détenues juives. Le 5 décembre, une nouvelle sélec- tion massive a lieu. Au 31 décembre 1942, l’état des effectifs mentionne 5 398 détenues dont 1 554 juives35. Ces données brutes donnent à voir le destin des Lensoises détenues dans le complexe d’Auschwitz-Birkenau. Le rappel des nombres aussi. Parmi les 456 déportés lensois, on compte 213 femmes (46 %). Parmi les 17 survivants, elles sont 3.

LE TRAVAIL

Oswald Pohl, chef de l’« Office central d’administration économique de la SS » (WVHA), et à ce titre responsable des Konzentrationlager (KL) à partir de mars 1942, estime dans un règlement adressé aux commandants des différents camps que l’exploitation de la main-d’œuvre « devait être épuisante au vrai sens du mot36 ». Dans un rapport portant sur l’évaluation du montant des bénéfices que le WVHA espère tirer de la mise au travail des détenus, ses services tablent, tous camps confondus, sur une durée de vie moyenne de neuf mois37. Trois types de Kommandos existent dans le complexe d’Auschwitz : ceux liés à l’anéantissement des Juifs ; ceux chargés de l’entretien et du fonctionnement ordinaire des camps ; ceux enfin où les prisonniers travaillent pour des firmes privées (comme l’usinedecaout- chouc synthétique d’IG Farben située à Buna-Monowitz) ou pour des entre- prises dépendant, aussi bien en chantiers extérieurs (carrières de sable) que dans des ateliers de serrurerie et de menuiserie, des « Établissements alle- mands d’équipement » (Deutsche Ausrüstungswerke GmbH,DAW),une société dont les capitaux sont détenus par la SS. Entre 1942 et 1943, une part essentielle du travail consiste à édifier et aménager les installations d’un complexe en constant agrandissement. La diversité des situations au sein de l’espace concentrationnaire est extrême et fondamentale puisqu’elle détermine largement la survie ou la mort38.Letyped’affectation est crucial et la déclaration de profession à l’arrivée dans le camp également. La possession d’une compétence profes- sionnelle jugée utile peut permettre à certains détenus d’échapper aux sélections et, parfois, d’être affectés à des postes moins exposés. Le moment de la déclaration s’avère particulièrement important39. Parmi les 41 déte- nus pour lesquels on a l’information relative à la profession, 23 sont enre- gistrés à Auschwitz sous un métier identique à celui occupé dans le bassin minier : Hersz Klajman, Juda Padawer, Judel Szor ou Idel Josefowicz sont « tailleurs », Pinkas Honig et Abraham Beiser dit Thau « commerçants », Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 207/304

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Simon Weitz « électricien » (elektro-mechaniker), Meer Katz « horloger », Leybus Landau médecin. Mais les 18 autres sont crédités dans les registres du camp d’une profession différente de celle qu’ils exerçaient à Lens : Abra- ham Finkenberg, Smiel Junger, Szlama Czyzewski se déclarent menuisiers (tischler), Faiwa Beiline, représentant de commerce dans le Pas-de-Calais, se dit chauffeur automobile (kraftwagenführer), Nathan Alpern et Betty Mohr, marchand forain en mercerie et sans profession à Lens, sont tous deux enregistrés comme comptables (buchhalter-in), Henoch Adamsbaum et Chil Roth, respectivement forain à balle et commerçant dans le Pas-de- Calais, sont immatriculés comme ouvriers agricoles (landarbeiter)40. Le plus souvent, la déclaration d’une qualification professionnelle ne garantit rien, notamment pour les détenus juifs situés en bas de la hiérar- chie sociale du camp et placés dans les Kommandos les plus durs. À l’arri- vée, la grande majorité des détenus sont systématiquement affectés aux travaux les plus éprouvants : terrassement, assèchement des marais, creu- sement des canalisations à Birkenau, exploitation des sablières, envoi dans les mines ou les cimenteries environnantes41. Meer Katz ne rejoint pas, malgré ses qualifications, l’atelier d’horlogerie du camp principal mais est envoyé, avec au moins sept autres Lensois, au Kommando Golleschau, un camp satellite formé à cinquante kilomètres d’Auschwitz autour de l’exploitation d’une cimenterie (Ostdeutsche Baustofwerke GmbH) dépen- dant de la SS. Chaïm Schleider, étudiant en 1939 lorsqu’il s’engage dans les RVME,ouJosephLitwak,marchandforain en rideaux dans le bassin houiller, sont tous deux enregistrés comme simples « travailleurs » (arbei- ter) sur leurs certificats de décès qui datent de quelques semaines après leur arrivée42. Parfois, pourtant, la déclaration d’une qualification professionnelle permet à ceux qui survivent d’obtenir un emploi plus « protégé ». Les com- pétences de chauffeur automobile de Faïwa Beiline sont mentionnées dans le questionnaire qui marque son arrivée à Mauthausen début 1945, après l’évacuation d’Auschwitz devant l’Armée rouge : il y est inscrit comme mécanicien automobile (automechaniker)43. De même, la formation d’élec- tricien de Simon Weitz, compétence rare à l’époque, le rend utile pour les SS d’Auschwitz : à son entrée à Dachau, il est dit « elektriker44 ». Abraham Frenkiel,enregistrédanslecample17septembre1942commesimple tailleur (schneider), est embauché en juin 1943 dans l’atelier de coupe (schneiderei) des services du HKB du camp annexe de Eintrachthütte (une usine d’artillerie de défense antiaérienne située à une cinquantaine de kilo- mètres au nord d’Auschwitz), où il est encore en vie en septembre 194445.

DANS L’HÔPITAL DES DÉTENUS D’AUSCHWITZ

Le HKB d’Auschwitz (Häftlingskrankenbau, soit « hôpital des détenus », également appelé Revier) se compose des blocks 9, 19, 20, 21 et 28. Avant Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 208/304

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1943, il s’agit d’une « antichambre de la mort46 ». Des médecins SS y « sélec- tionnent » régulièrement des détenus : tuberculeux, malades mentaux, déte- nus jugés inaptes au travail sont tués par injection létale de phénol dans le cœur47. La convalescence ne doit pas excéder quatre semaines48. Le transfert dans l’un des blocks du HKB signifie ainsi, pour nombre de détenus, la mort, par injection létale ou envoi dans les chambres à gaz. Nous avons retrouvé la trace du passage de 34 Lensois dans les registres du HKB d’Auschwitz. Le 26 novembre 1942, les registres du crématorium du camp principal attestent le décès du détenu 64041, Salomon Hauser, deux mois après son arrivée dans le camp. Il était entré au Revier la veille sur un diagnostic de faiblesse générale (Schwäche)49. Quant à Salomon Rubin, vendeur de postes TSF à Lens avant la guerre, âgé d’à peine 30 ans, arrivé à Auschwitz le 15 septembre 1942 par le Transport X, enregistré comme détenu et envoyé à la cimenterie de Golleschau, il est ramené au camp et admis au block 28 du Krankenbau central le 29 octobre, un peu plus d’un mois après son arrivée (document 9). Le registre du HKB porte le même diagnostic : diarrhées, faiblesse générale (Durchfall, Köperschwäche)50.Àl’issue d’un rapide examen, Salomon Rubin n’est pas renvoyé dans son Kommando (entlassen), mais transféré le lendemain 30 octobre au block 19 (mention dans la dernière colonne à droite). Le block 19, officiellement dédié aux soins pour convalescents, est aussi le lieu où sont désignés pour la mort ceux qui sont jugés inaptes à reprendre le travail dans un délai raison- nable51. Pour Salomon Rubin, les informations portées dans le registre de l’hôpital constituent la dernière trace de son existence à Auschwitz. Sur la même page du registre du block 28 du HKB, un autre Lensois (mention entourée sur le document) : Abraham Kleinhandler, pour lequel est consta- tée une infection à la jambe gauche (Krankheit : Phlegmon am li. Bein)52.Il est également admis le 29 octobre et indiqué « transféré » le 30 octobre au block 19. Le 20 octobre, Joachim Hoffner, lui aussi travailleur de la cimenterie de Golleschau arrivé par le Transport X, est également admis au block 28 sur un diagnostic d’abcès (Geschwüre) puis transféré, le lendemain, au block 1953. Ces hommes disparaissent avec leur inscription au registre du HKB. L’existence de sélections pour la mort à l’intérieur du camp est connue par les témoignages des rescapés, mais aussi par les archives du HKB du camp principal. Le jour où Salomon Rubin et Abraham Kleinhandler sont envoyés au block 19, le 30 octobre 1942, 84 prisonniers malades jugés inaptes au travail sont sortis de l’infirmerie centrale pour être conduits dans les chambres à gaz de Birkenau54. Szypa Zysmann, Lensois de 41 ans, entre au block 28 le 12 novembre. Deux jours plus tard, le 14, il est noté « entlassen Birkenau » (envoyé à Birkenau)55.Cemêmejour,110 déportés du HKB sont envoyés vers Birkenau pour y être gazés56.Le 8 décembre, même motif, « envoyé à Birkenau », pour signer la sortie du block28deDavidWiner,horloger-bijoutieràLens57. David Klajnberg, Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 209/304

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Document 9. Page du registre du block 28 du HKB du camp central, admission de S. Rubin et A. Kleinhandler le 29 octobre 1942, transférés au block 19 le 30 octobre 1942.

Source : ITS OCC 2/80 ordner 129 seite 37. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 210/304

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mineur à Sallaumines âgé de 17 ans en 1942, entre au HKB le 23 novembre, le quitte le 26, puis y est de nouveau admis le 30. Le 8 décembre, comme David Winer, il est rayé des inventaires : c’est la dernière mention de son nom dans les documents conservés du camp58. Ce jour-là, 94 malades du block 28 sont sélectionnés et envoyés dans les chambres à gaz de Birkenau. Le lendemain, 9 décembre, des rapports de la Résistance font état de 64 détenus tués par injection de poison dans le cœur59. Les risques de sélection pendant les périodes d’hospita- lisation sont omniprésents. Judel Szor et Majer Steiner, Lensois de 21 et 33 ans, décèdent officiel- lement les 13 et 14 janvier 1943, alors qu’ils sont enregistrés au block 28 du HKB60. Or le 12, 35 malades du HKB sont tués d’une piqûre dans le cœur ; le 14, 5261.C’est l’Obersturmführer Entress qui paraphe les certificats de Judel Szor et Majer Steiner les 13 et 14 janvier : tous deux décèdent, sur le papier, d’une faiblesse du muscle cardiaque (herzmuskelschwäche)62. Les parcours au sein du HKB sont quelquefois plus longs : Leser « Israël » Berger, né en 1900 à Varsovie, marchand de bonneterie à Lens, déporté par le Transport X, est lui aussi affecté au Kommando Golleschau lors de son arrivée au camp63. Il revient dans le camp principal d’Auschwitz le 15 octobre 1942 pour être affecté au HKB, block 28 ; transféré au block 19 le lendemain, il est opéré d’un phlegmon au block 21 (chirurgie) le 18 novembre ; sa mort est attestée le 8 janvier 194364. Les déportés qui sont revenus d’Auschwitz ont quasiment tous connu le Revier. Les témoignages ont rappelé l’ambivalence des perceptions des détenus vis-à-vis de cet endroit, où l’on peut à la fois être sélectionné pour la mort mais parfois aussi trouver, pendant quelques jours, un peu d’aide ou de repos65. Faïwa Beiline et Icek Goldszmidt sont enregistrés au block 28 pour des infections localisées, respectivement les 10 novembre et 28 octobre 1942. Puis ils sont envoyés vers le block 21 où ils sont opérés66. Les deux hommes survivent à leur passage au HKB d’Auschwitz : ils comptent parmi les 17 Lensois rescapés.

Les survivants d’Auschwitz

Survivre à Auschwitz est l’exception. Dix-sept des 456 Lensois dépor- tés à Auschwitz réchappent de la mort. Le nombre des survivants est d’autant plus infime que les déportés sont arrivés à Auschwitz tôt. Parmi les 416 Lensois déportés Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 211/304

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en 1942, on a retrouvé la preuve d’une existence dans le camp pour 101 d’entre eux. Vingt-trois sont encore en vie en 1943 ; 14 sont rescapés. Concernant les 40 déportés lensois déportés à Auschwitz en 1943 et 1944, 7 ont laissé une trace d’existence à l’intérieur du camp ; 3 sur- vivent (tableau 34).

Tableau 34. La survie des détenus lensois d’Auschwitz.

Morts Morts après En vie en à Auschwitz janvier 1945 septembre 1943 Survivants en 1944 (autres camps)

101 immatriculés 23 3 6 14 de 1942

7 immatriculés 73 1 3 de 1943-1944

La feuille d’admission de Nathan Alpern à l’infirmerie-hôpital de Monowitz (Auschwitz III), le 21 décembre 1943, donne à voir un aperçu de ce que représente la survie dans le complexe concentrationnaire (docu- ment 10)67. La page du registre rappelle que, fin 1943, l’ajout du second prénom « Israël » reste un moyen d’identification central en usage dans le complexe, à parité avec le rappel du matricule. Elle confirme visuellement que ce sont essentiellement des détenus juifs qui ont été envoyés pour travailler dans le complexe IG Farben de Buna : à l’exception de la troisième personne sur la liste, tous ont, accolé à leur nom, l’abréviation « Isr. », Israël68. On y observe également l’« ancienneté » de Nathan Alpern, qui à l’exception du dernier détenu de la page, Elias Melkmann, est le seul dont le matricule est infé- rieur à 80 000. Ces numéros datent l’admission dans le camp. Tous les autres malades ont été enregistrés à Auschwitz plus de six mois après lui. Sally Sternberg (107 110) et Fritz Levy (107 877) sont deux Berlinois entrés dans le camp les 6 et 13 mars 194369 ; les numéros 130 000 et suivants sont attribués fin juillet 1943, les 150 000 (noms soulignés) à partir du 11 sep- tembre de l’année70. Voilà un an et deux mois que Nathan a été arrêté, quasiment la même durée qu’il est détenu à Auschwitz. C’est déjà un survi- vant. On constate sur le registre que Nathan Alpern est autorisé à retourner dans son block de Buna : la mention Entlassen (sorti), typographiée, figure à droite de son nom. D’autres meurent à l’« hôpital » (marqués d’une croix sur le document d’archive) ou, comme Elias Melkmann, sont envoyés « nach Birkenau » (sur la dernière page). La destination est presque toujours synonyme de mise à mort71. Dans la même source, à la date du 30 novembre 1943, on apprend que Szmul Berenzon, marchand forain arrêté avec sa femme à Lens le 11 septembre 1942, est envoyé « à Birkenau ». Le Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 212/304

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Document 10. Registre des admissions du HKB Monowitz, décembre 1943.

Source : ITS OCC 2/31. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 213/304

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diagnostic ? Faiblesse corporelle (körperschwäche). C’est l’unique men- tion de Szmul Berenzon dans les archives du camp. Lors d’une nouvelle hospitalisation au HKB du camp III du 25 février au 12 avril 1944, Nathan Alpern reste le seul des matricules inférieurs à 100 000 de la page encore en vie72.

Survivre requiert d’être affecté à un emploi autre qu’un travail de force. La moindre mortalité des détenus dans le camp principal tient à l’existence sur place d’emplois « en atelier73 ». Les Lensois déportés en 1942 qui sont encore en vie en septembre 1943 ont été mis au travail sur des postes moins exposés. Faïwa Beiline travaille comme mécanicien pour le parc des véhicules motorisés du camp. Israël Szwarc, commerçant en tex- tile à Bully-les-Mines, occupe le poste de cocher (kutscher)74.Chanina Honig, un des arrêtés de Château-Gontier, est encore vivant à la fin 1944 : il est évacué vers Mauthausen en janvier 1945 où il est dit tourneur (dreher)75. Il y meurt. Gabriel Lipszyc, jeune homme de 18 ans en 1942, enregistré comme agriculteur à l’arrivée à Auschwitz, est le seul des Lensois envoyés à Golleschau qui survit dans le camp annexe de la cimenterie jusqu’à la libé- ration du camp. Mais à la fin 1943, il est inscrit comme ouvrier qualifié (Facharbeiter)etnonplussimplemanœuvre (Hilfsarbeiter)76.Hersz Klajman et Israël Szlamkowicz sont affectés dans les services médicaux SS du camp, le premier auprès du médecin chef du camp principal, le second auprès du médecin des troupes77.

Parler plusieurs langues, comprendre et parler l’allemand, ont pu aussi constituer pour les détenus une aide pour parvenir à s’orienter dans le camp. Les connaissances linguistiques ont été citées dans de nombreux témoignages de rescapés comme l’un des atouts de leurs parcours, aug- mentant les chances d’établir les contacts sociaux indispensables à la sur- vie78. Originaires de Pologne pour 14 d’entre eux, mais aussi d’Allemagne et de Russie, les survivants lensois comprennent tous plusieurs langues. Le yiddish est souvent leur langue maternelle, mais ils parlent aussi polo- nais, parfois allemand et ont appris le français. Dans le questionnaire qui marque son enregistrement dans le camp le 17 septembre 1942, Nathan Alpern, né à Karlsruhe en Allemagne en 1917, déclare parler français et allemand. David Piotrowski est né en 1906 à Tomaszow, en Pologne. Il a émigré dans le bassin lensois en 1936 où il est arrêté le 11 septembre 1942. Déporté à Auschwitz par le Transport X, il est transféré à Dachau le 6 août 1944 où il déclare parler trois langues : le polonais, le français et l’allemand. De même pour Abraham Frenkiel et Jankiel Szlamkowicz. En plus du polonais et de l’allemand, Israël Woldstajn maîtrise le tchèque et l’italien. Née en Allemagne, Frida Thau est la seule femme lensoise dépor- tée en 1942 à être rentrée d’Auschwitz. Elle a raconté comment sa maîtrise de l’allemand lui avait permis d’échapper à la sélection pour les chambres à gaz, à l’arrivée à Auschwitz, puis d’obtenir un emploi dans un bureau de Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 214/304

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l’administration du camp : sur la rampe, elle a pu renseigner deux officiers SS qui s’interrogeaient sur la provenance des déportés79.Bienqueson immatriculation n’ait laissé aucune trace dans les archives, l’enquête menée à son sujet par l’ITS a encore permis de retrouver son nom dans les registres de l’établissement pénitentiaire pour femmes de Jauer (Jawor en polonais), au sud-ouest de Wroclaw (Breslau)80. Elle est enfermée dans cette prison d’application de peines de travaux forcés en théorie « réser- vée » aux femmes détenues à Breslau dans le cadre de la procédure « Nacht und Nebel » et aux prisonnières de droit commun, jusque-là enfer- mées dans la prison d’Anrath, dans la Ruhr. On ne sait comment Frida Thau y parvient, mais ce transfert dans un environnement carcéral essen- tiellement réservé aux « aryennes » l’a sans nul doute aidée à survivre81.Au printemps 1945, elle est transportée vers Ravensbrück puis Malchow.

Le moral et l’entraide amicale ou politique ont également été mis en avant, par les rescapés des camps de la mort, pour expliquer leur survie. Les survivants des convois « militants », partis de Compiègne le 6 juillet 1942 pour les hommes, de Romainville le 24 janvier 1943 pour les femmes (dont Danielle Casanova, décédée à Auschwitz et Marie-Claude Vaillant- Couturier, qui témoigne au procès de Nuremberg) ont mentionné l’impor- tance des sociabilités collectives, essentielles82. Dans son témoignage, Eva Tischauer montre que son expérience concentrationnaire fut aussi un moment d’intense socialisation politique au contact notamment des déte- nues politiques (communistes en particulier) allemandes et françaises, dont plusieurs déportées de Romainville83.L’importance du soutien idéolo- gique a été avancée dans les études sur les formes de résistance à Ausch- witz84. Concernant les Lensois, nous n’avons pas trace de sociabilités proprement politiques. En revanche, il est possible de mettre au jour, à partir des archives, le maintien de liens collectifs entre originaires du bas- sin minier détenus dans le camp. C’est notamment le cas dans un Kommando de travail formé en octobre 1943 afin d’envoyer des détenus d’Auschwitz à Varsovie, nettoyer les ruines du ghetto, le « KL Warschau ». Parmi ces hommes, on compte au moins quatre Lensois : David Piotrowski, David Rosental, Israël Szwarc et Berek Zylberberg. Ce dernier est le plus ancien déporté lensois rentré en 1945 : il arrive à Auschwitz dans le 3e convoi français parti le 22 juin 1942 de Drancy. Il est enregistré sur la Transportliste d’Auschwitz comme marchand ambulant (Händler), métier qu’il occupait dans le bas- sin houiller85. Lorsqu’il est transféré à Dachau en août 1944, il y est inscrit comme couvreur (Dachdecker)86. À Auschwitz, il a travaillé, comme Jankiel Szlamkowicz et d’autres, dans le complexe IG Farben de Buna- Monowitz87. Mais en octobre 1943, il est sélectionné pour intégrer le KL Warschau avec trois de ses compagnons. Ils quittent Auschwitz et gagnent les ruines dévastées du centre de l’ancienne capitale polonaise où ils res- tent pendant presque un an, jusqu’en août 1944 (document 11)88. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 215/304

EXTERMINÉS 215

Document 11. Registre des entrées à Dachau. 6/8/1944 : arrivée des anciens détenus du « KL Warschau ».

Source : ITS GCC 3/62/-IA/4-Ori. Dachau Entry Register. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 216/304

216 FACE À LA PERSÉCUTION

En observant en détail la page du registre d’entrée à Dachau des anciens du « KL Warschau » en août 1944, on constate la présence, aux côtés des Lensois, de plusieurs autresdétenusoriginairesdeBelgique (David Krzetowsky par exemple, Transport XVI matricule 72 585) ou de France, deux d’entre eux viennent du Nord-Pas-de-Calais (Lucien Schillio, Lillois, et Adolf Sokolski, Douaisien). Ce regroupement n’est probablement pas le fruit du hasard. On peut ainsi noter que l’immatriculation à Dachau des anciens du KL Warschau s’effectue sous-groupe par sous-groupe : quatre hommes tous nés à Grosswardeyn se suivent sur la liste ; un peu plus loin, cinq viennent de Salonique (marques verticales sur le document). Ces individus unis par d’anciennes sociabilités ont sans doute choisi de se por- ter volontaires ensemble à l’annonce de formation du Kommando, malgré les risques que comporte tout changement dans la vie concentrationnaire. Quitter Auschwitz a permis aux quatre Lensois enrôlés dans le Kommando Warschau de survivre, pour un temps. À Dachau, on les retrouve employés, ensemble, au Revier du Kommando Mühldorf.

À la différence de ces hommes, Israël Woldstajn, âgé de 40 ans au moment de son arrestation, arrivé en France en 1922 et employé comme mineur à Divion, dans le Pas-de-Calais, jusqu’en 1940, connaît une autre trajectoire de survivant. On ne sait où cet homme assez grand (175 cm) et fort (stark écrit le préposé à l’enregistrement pour décrire sa carrure89)a travaillé après son immatriculation dans le camp. Mais en juillet 1943, la direction d’Auschwitz signe un accord avec IG Farben qui prévoit la construction d’un nouveau camp satellite autour de la mine de charbon de Fürstengrube, 30 kilomètres au nord d’Auschwitz. Propriété de la société chimique depuis 1941, celle-ci prévoit le creusement d’une nouvelle mine, plus moderne, pour ses besoins en énergie à Monowitz. À partir de sep- tembre 1943, le camp est prêt à accueillir les premiers détenus d’Auschwitz sous la direction de l’ancien responsable des crématoriums de Birkenau, Otto Moll90. Israël Woldstajn, mineur dans le bassin lensois avant sa dépor- tation, y est envoyé. Il entame alors, dès l’automne, une progression dans la hiérarchie administrative des détenus : ouvrier qualifié dans le creusement de la nouvelle mine de septembre à décembre 1943, il touche 3 RM (Reichsmark) par semaine à partir d’octobre 1943 avec 14 autres détenus. Puis il devient contremaître (Vorarbeiter) en janvier 1944, accédant enfin à la fonction de kapo (5 RM par semaine) un mois plus tard, et jusqu’à la fin novembre 194491.

En janvier 1945, 24 Lensois sont encore en vie à Auschwitz. À l’approche de l’Armée rouge, les nazis décident d’évacuer le camp. Le 18 janvier 1945, les détenus rassemblés par les SS sont jetés sur les routes. À pied ou dans des wagons à ciel ouvert, ils sont transférés dans les diffé- rents camps du Reich encore en activité, au cours des « marches de la mort92 ». Parmi les Lensois, 21 hommes : 6 sont admis à Mauthausen, 3 à Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 217/304

EXTERMINÉS 217

Buchenwald, 2 à Dora, 1 à Flossenburg et 5 à Dachau. Nous ne savons pas où les 4 autres survivants ont été libérés. Sept de ces hommes décèdent après leur transfert. Trois meurent au Kommando Ebensee (Mauthausen), les 25 février (Chanina Honig), 9 mars (Hersz Klajman) et 21 avril 1945 (Zyndal Wajntal). Trois autres décèdent après leur arrivée à Buchenwald en février (Hersh Garbus, Szmul Goldszmidt et Jacques Adler). Enfin, Gabriel Lipszyc meurt à Flossenburg. Trois Lensoises rentrent des camps au printemps : Frieda Thau et Georgette Krempling sont libérées à Ravensbrück, Claire Schafier à Bergen-Belsen. Enfin, Hélène Krzentowrski, déportée directement de Malines à Ravensbrück, revient également. Parmi les 18 survivants, 10 choi- sissent, à leur retour, de revenir s’installer dans le Nord-Pas-de-Calais. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 218/304 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 219/304

Chapitre 10

RETOURS

En quatre ans, la communauté juive lensoise a perdu la moitié de ses membres : 463 personnes sont décédées, 450 dans un des camps de la mort nazis, 13 en France. Parmi les 528 survivants, 280 environ, soit un peu plus de la moitié, décident de revenir à Lens. Les premiers retours datent de l’automne 1944 puis ils s’échelonnent au cours de l’année 1945. Mais, dès décembre 1944, le nouveau commissaire de police lensois qui rem- place Louis Humetz, démis de ses fonctions, alerte le sous-préfet sur l’état de tension qui règne dans la ville : «J’ai l’honneur de vous exposer la situation particulière de la ville de Lens en ce qui concerne les israélites. Il existait ici avant la guerre une colonie de juifs qui occupaient dans le commerce local une situa- tion importante. Certains d’entr’eux ont fait l’acquisition d’immeubles, les autres ont contracté des baux à long termes. Les commerçants français qui les concurrençaient n’ayant pu les écarter avant la guerre ont exploité largement les mesures prises à leur encontre pendant l’occupation et entravent leur réinstallation dans toute la mesure du possible. Les juifs qui ont échappé aux arresta- tions et reviennent dans la localité ne peuvent récupérer leur mobilier qui a été confisqué et vendu par les domaines ou volé par les alle- mands ou dispersé. Leurs habitations qui ont été ou détruites ou réquisitionnées soit pour les sinistrés, soit pour les services publics. Les fonds de commerce existants encore ont été cédés à d’autres com- merçants. Journellement la Police est appelée à intervenir pour apai- ser les conflits et éviter les rixes résultant de cette situation que j’ai cru devoir vous signaler, étant donné l’importance de la colonie juive installée à Lens avant la guerre (351 personnes) et l’absence de toute instruction officielle s’y rapportant1.» La vie ne peut reprendre comme avant. Jean Dawidowicz clôt par ces mots ses souvenirs : « Nous redémarrons de zéro. Pas de logement, héber- gés chez une tante. Nous allons nous battre pour obtenir réparation pour les spoliations, si ce n’est les nôtres celles de nos parents2.» Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 220/304

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Les épreuves du retour

RENTRER CHEZ SOI

Début septembre 1944, les départements du Nord et du Pas-de-Calais sont libérés. L’euphorie et l’enthousiasme sont de courte durée. Ils laissent peu à peu place aux désillusions, à la lassitude voire au mécontentement. Les bombardements et combats de la Libération ont fortement endom- magé le bassin houiller : les immeubles sont détruits, l’activité industrielle paralysée. Les difficultés de ravitaillement sont immenses et s’aggravent au cours de l’automne 1944. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais ne sont plus qu’un champ de ruines3. Certains Juifs lensois sont loin du bassin minier. Jeannette Schafier parvient à rejoindre son père parti en Palestine, via l’Espagne et le Portugal. Elle figure sur les listes de passagers du bateau Guine parti le 23 octobre 1944 pour Haifa. Perla Beck reste en Suisse où elle a trouvé refuge, avec sa mère et son fils. La famille Klein, exilée en Suisse, part en Palestine dès 1945. Le jeune Henri Stolik quitte Gênes pour Melbourne sur le bateau Surriento le 1er novembre 19494. Mais une petite majorité des survivants revient : on a la trace de retours dans les départe- ments du Nord et du Pas-de-Calais pour 280 personnes. Ce n’est pas toujours chose facile, notamment pour les réfugiés suisses qui doivent attendre une autorisation officielle des autorités pour rejoindre la France. Les enfants seuls sont rapatriés les premiers, par convois : Blanche et Léa Perles en janvier 1945, Marie Meller en mars… Certains d’entre eux, sans nouvelles de leurs parents, appréhendent ces retours. Erna Schafier écrit aux autorités fédérales le 23 décembre 1944, après avoir rempli les formulaires de rapatriement : « Je ne désirerais rentrer avant d’avoir reçu une nouvelle, un indice de mes parents dont je n’ai de signalement depuis le vingt et un avril 1944. Je suis mineure, ayant à charge mon petit frère se trouvant au home Waldresli. La situation qui se présente m’effraie beaucoup. Je vous prierais, Monsieur, s’il est en votre pouvoir de le faire, de regar- der un peu la date de rapatriement entre-temps puis-je avoir quelques informations de mes parents que j’attends anxieusement5.» Son père a réussi à fuir pour la Palestine. Sa mère a été déportée en mai 1944. Elle reviendra de Bergen-Belsen au printemps 1945. Mais Erna le ne sait pas. Pour ceux des adultes réfugiés en Suisse, qui ont laissé leur famille en France, il n’est pas question d’attendre les autorisations de sor- tie du territoire, qui tardent à venir : Simon Agman quitte la Suisse comme il y est entré, clandestinement. Ses trois enfants sont restés en Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 221/304

RETOURS 221

France. Dans la précipitation, il laisse une malle pleine d’affaires chez un ami à Genève qu’il tente de récupérer après être revenu à Lens6. Abraham Ringel s’adresse le 24 juillet 1945 au consulat de Suisse à Lille pour récu- pérer ses papiers d’identité qu’il a laissés en terre helvétique : « Il a séjourné en Suisse comme réfugié et a quitté récemment notre territoire sans avoir rempli les formalités d’usage », expliquent les fonctionnaires du consulat à l’appui de sa demande. À cette date, Abraham Ringel est revenu à Lens où il loge chez une dénommée Blondel, 60 avenue du 4-Septembre, avec sa femme et ses deux enfants Benjamin et Jaffa7.Lejbus Mandelbaum a moins de chance : interné au home pour réfugiés de « Sylvana », à Epalinges vers Lausanne, il profite d’une permission pour tenter de s’évader et « regagner son domicile à Lens ». Il est arrêté par la police helvétique au poste frontière de Perly, dans le Genevois, le 10 février 1945 puis condamné à six jours d’« arrêts de rigueur ». Lejbus Mandelbaum n’obtient son autorisation de sortie qu’en septembre 19458. Pour nombre de familles juives qui rejoignent le bassin houiller, le retour chez soi est pourtant une épreuve. Et pas uniquement en raison des destructions matérielles. À Lens comme dans les autres communes du bas- sin, plusieurs maisons ont été réquisitionnées par les troupes d’occupation, la police française, voire d’autres organisations proches du pouvoir d’alors : l’immeuble de Jacob Weissman a été mis à la disposition du Parti populaire français, celui de Max Finkel confié aux bons soins du Rassemblement national populaire, celui des Beiser dit Thau est devenu le bureau de recru- tement lensois des Waffen SS9. Si les Allemands ne sont plus là fin 1944, d’autres n’ont pas encore quitté les lieux. Lorsque Chaïm Schneider revient à Béthune, son immeuble est toujours occupé par un brigadier de la police municipale, logé là « à titre gratuit » par la ville10. La disparition des dépor- tés permet que certaines occupations perdurent : en juin 1949, l’immeuble de Joseph Litwak, déporté à Auschwitz via Drancy, par le convoi 12 du 24 juillet 1942, est toujours réquisitionné par la Sûreté nationale au profit du commissariat de police de Lens11. Certes, l’ordonnance du Gouvernement provisoire du 9 août 1944 abroge les décrets de Vichy concernant la question juive, rétablit la légalité républicaine et prononce la nullité de tous les actes pris en cette matière pendant la période. Mais son application juridique rencontre quelques dif- ficultés12. Le commissaire gérant chargé d’administrer les biens de Joseph Dawidowicz a résilié le bail de l’immeuble qu’il occupait rue des Treilles. Puis l’immeuble a été vendu à la municipalité. Au rez-de chaussée, elle y a installé des bureaux administratifs.ÀsonretouràBéthuneenoctobre 1944, Joseph s’adresse au préfet : « Afin de pouvoir réhabiter mon immeuble, je me suis rendu à la mai- rie de Béthune, où j’ai rencontré monsieur le maire, après avoir exposé ma situation monsieur le maire m’a répondu qu’il ne pouvait me remettre mon immeuble ni même mon appartement pour Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 222/304

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permettre d’y loger ma famille ; qu’une question juridique devait être solutionnée. En raison du refus qui m’est opposé, je vous demanderais très respectueusement, monsieur le préfet, de vouloir bien intervenir près monsieur le maire afin qu’il m’autorise à habiter mon logement qui est inoccupé pour me permettre de loger ma famille qui se compose de 8 membres, dont 4 mineurs et qui a besoin de repos en raison des péripéties qu’elle a dû supporter pendant 4 années. Veuillez agréer […]13.» Débute alors une longue bataille juridique. Le 9 novembre 1944, le préfet écrit au maire pour obtenir son point de vue. Celui-ci répond le 15 « au sujet de l’affaire juive Dawidowicz » pour dire qu’il a confié le litige à messieurs Boudry, avocat et Delhaye, avoué, tous deux… conseillers muni- cipaux. Il conclut ainsi sa lettre : « Entre temps, quoique je ne sois autorisé à réquisitionner des appar- tements que pour des sinistrés, j’ai accordé deux faveurs à la famille Dawidowicz en raison de sa qualité de juive. J’ai réquisitionné : un appartement chez Mme Deligny, propriétaire ; un local pour son mobilier chez Mlle Hanicotte. » Le même jour, Joseph investit le premier étage, inoccupé, de la mai- son de la rue des Treilles. Presque immédiatement, le maire demande en référé son expulsion mais le 18 novembre, le président du tribunal civil donne raison à Joseph en se déclarant, par ordonnance, incompétent pour donner suite à la demande du maire au motif que le commissaire gérant n’avait pas qualité pour résilier le bail. Fin décembre 1944, nouveau coup de force de Joseph : il récupère cette fois le rez-de-chaussée et fait mettre un nouveau verrou, retournant aux autorités le geste de pose des scellés qu’elles ont si souvent réalisé, dans les années qui précèdent, aux portes des maisons des exilés et déportés juifs. Le 24 janvier 1945, le maire envoie un huissier pour signifier que « la ville de Béthune donne préavis et congé aux époux Dawidowicz pour le premier février 1946, leur faisant somma- tion de déguerpir, délaisser et rendre libre ladite maison pour ladite date du premier février 1946 ». La famille parvient néanmoins à rester à Béthune.

RÉCUPÉRER SES BIENS

Le temps est à la pénurie. Transports désorganisés, infrastructures détruites, les départements du Nord et du Pas-de-Calais connaissent d’importants problèmes économiques. Or revenir, pour les Juifs lensois, c’est aussi tenter de récupérer leurs professions, leurs commerces et leurs biens.AdolpheJurkiewiczseretrouvesansrien.Dépossédé,démuni,il Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 223/304

RETOURS 223

décide de s’adresser en dernier recours au ministre de la Population en février 1945 pour lui exposer sa situation : « Monsieur le Ministre, Israélite, naturalisé français, j’ai dû, avec ma famille, fuir la localité en septembre 1942 pour échapper à l’arresta- tion par les Allemands et me réfugier de ville en ville pour échouer à Muret n’ayant pu emporter que les vêtements dont nous étions vêtus. Quelque temps après notre fuite, les Allemands ont vidé mon habita- tion, mon atelier de coupe, et mon magasin de la totalité de son contenu. En août 1944, l’immeuble que j’occupais, 69 boulevard Basly à Lens, a été sinistré et est irréparable. Le propriétaire actuel, Mon- sieur Buridan, garagiste à Lens, ne pourra, comme d’ailleurs bon nombre de propriétaires lensois, entreprendre la démolition et la reconstruction de l’immeuble. Étant marié et père de deux petits enfants, sans ressources, j’ai dû cependant réintégrer Lens pour y exercer mon métier de tailleur. J’ai eu recours, pour me loger, à de braves gens qui ont bien voulu mettre provisoirement à ma disposi- tion, une chambre pour ma femme et pour moi-même. Nous n’avons plus ni logement, ni literie, ni linge, ni ustensiles de ménage, ni atelier de travail, ni marchandises. Nous sommes sur le point d’avoir épuisé toutes nos économies. La Mairie où je me suis adressé, pour me venir en aide m’a simplement renseigné d’avoir à m’adresser à vos services. Espérant que ma requête sera prise en considération […]14.» Les processus de restitution des biens « aryanisés » sont complexes. Ils sont régis par une série de textes et pris en charge par deux organismes, le Service temporaire de contrôle des administrateurs provisoires (SCAP) et le Service des restitutions des biens des victimes des lois et mesures de spolia- tion créé auprès du ministère des Finances en janvier 1945. L’ordonnance du 21 avril 1945 précise les missions de ces organismes administratifs et définit les procédures judiciaires en matière de restitution, qui incombent aux tribunaux civils et aux tribunaux de commerce. Mais l’ensemble de ces mesures « laissent les victimes relativement seules face aux différentes for- malités visant à récupérer leurs biens démembrés15 ». À partir du mois de septembre 1945, le Service des restitutions adresse un questionnaire aux victimes afin d’évaluer les préjudices subis16. Il concerne tous les biens, que le propriétaire lésé soit présent, prisonnier, déporté ou décédé. Mais le moins que l’on puisse dire est qu’il ne brille pas par sa simplicité : « 1° Avez-vous introduit une demande de constatation de nullité en vertu de l’art. 1er de l’ordonnance 45770 du 21/4/45 ? 2° Avez-vous introduit une demande d’annulationenvertudel’article11dela même ordonnance ? 3° Si oui, devant quel tribunal (civil ou de commerce) et dans quelle ville ? 4° Quel a été le résultat de votre action en justice ? 5° Prière de joindre, le cas échéant, le texte de l’ordonnance rendue. 6° A-t-il été fait appel de la décision du tribunal, soit par vous soit par votre acquéreur ? 7° La décision d’appel est-elle Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 224/304

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intervenue et si oui, quelle est-elle ? 8° Avez-vous conclu un accord amiable avec votre acquéreur ? 9° Si oui l’avez-vous fait homologuer par la justice, par application de l’article 26 de l’ordonnance 45770 ? » Parmi les 103 Juifs lensois qui ont fait l’objet d’une procédure d’arya- nisation, seuls 27 remplissent et retournent ce questionnaire : 19 commer- çants et 8 héritiers17.Dans20cassur27,lesvictimesrenvoientle questionnaire sans y répondre, se contentant d’un « non » ou d’un blanc. Le questionnaire adressé au nom de Chakiel Birman, décédé en déporta- tion, est retourné par l’un de ses deux frères : à toutes les questions, une seule réponse : « néant ». Jules Biezunski répond « non » à toutes les ques- tions. Certains préfèrent reprendre leurs biens dans le silence. D’autres se fendent de réponses minimales et lapidaires. Abraham Finkenberg renvoie deux questionnaires en septembre 1946. « Je repren [sic] mon commerce au marché », écrit-il simplement pour le questionnaire qui le concerne ; « Déporté le 11 septembre 1942. Non rentré » pour celui de son frère Benjamin18. Alter Manela signale qu’il a conclu avec le commissaire gérant, un « Accord entre nous sans tribunal19 ». Maislesréponsestémoignentsurtoutd’une volonté d’aller au plus pressé, de reprendre la vie d’avant aussi vite que possible, sans engager d’autres procédures. Une certaine perplexité naît de la formulation du ques- tionnaire, qui semble caractériser des affaires de quelque importance. Comme le rappelle la mission Mattéoli, « c’est peut-être qu’ils ont renoncé devant les formalités administratives à effectuer, voire les contentieux à ouvrir : ont pu jouer ici l’accablement, la fatigue et le désir de ne plus entendre parler de cette période maudite, le manque de moyens financiers pour prendre un avocat, ou le simple constat de la minceur des enjeux20 ». La précarité économique des petits commerçants ambulants lensois leur donne un sentiment d’illégitimité à demander quelque réparation pour les préjudices subis. Entre désarroi et incompréhension, les réponses témoignent aussi de la détresse et du dénuement des Juifs lensois, à leur retour. « J’ai fait un état récapitulatif des biens m’appartenant et enlevés par les Allemands pour une destination inconnue. Je ne puis donc répondre aux questions que vous me posez ci-contre », écrit Boris Gotteiner, « sinistré à 100 % » à Billy-Montigny21. Les informations manquent parfois. Moïse Garbus n’apprend qu’en janvier 1947 l’existence d’un administrateur provi- soire pour son commerce : « Il ne m’a jamais été versé aucune somme ni par cet administrateur ni par l’État22.»

CONFLITS DE RESTITUTIONS

Lesprocéduresderestitutionnesontnisimplesniautomatiques. L’évaluation des dommages et des préjudices reste individualisée. En outre, Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 225/304

RETOURS 225

les restitutions rencontrent des résistances, de la part des acquéreurs des biens « aryanisés » comme des administrations concernées. Dès l’automne 1944, on compte en France une douzaine d’associations de défense d’acqué- reurs de biens juifs qui se regroupent au sein de l’Union républicaine des familles françaises23. Mais les résistances sont aussi d’ordre individuel. En septembre 1946, Henri Schneider joint au questionnaire rempli le message suivant : « J’ai réclamé à plusieurs reprises à M. Gambiez, commissaire gérant, le remboursement des loyers perçus par lui et matériel et mobilier. Je n’ai jamais pu obtenir satisfaction de ce dernier. Je vous en ai d’ailleurs avisé24. » Simon Kagan demande lui aussi l’aide du service : « Mon gérant Mr Vandenweghe ne m’arestituéqu’une somme de 1 900 environ. J’avais remis cette affaire entre les mains d’un huissier – ami de Mr Vandenweghe, chose que j’ignorais et celui-ci a laisser passé les délais impartis. Je n’ai jamais pu avoir de compte exact pour mon affaire. Au moment où Mr Vandenwaghe est devenu mon gérant j’étais prisonnier au stalag XVII B. Je possédais un garage qui m’a été restitué mais vide. Celui-ci avait été vendu par Mr Vandenweghe avec tout ce qu’il contenait en autre bois charbons, agencement, etc. Je n’ai jamais pu obtenir de compte réel de la gestion. Si vous pouvez y faire quelque chose je vous en remercie à l’avance25.» Les tentatives de récupération sont rares. Les restitutions de peu de choses. Et les résistances féroces. Pour le fils d’Arik Ekman, décédé en 1941, l’envoi du questionnaire déclenche la volonté d’obtenir réparation : « Je n’ai pas encore entrepris d’action en justice mais je désire le faire26. » La maison de son père a été louée par l’administrateur provisoire et le nouvel occupant refuse de quit- ter les lieux. Arik porte l’affaire en référé devant le tribunal civil de Béthune, obtient gain de cause, mais le locataire fait appel devant la cour de Douai : « Voici dix-huit mois que je le poursuis et n’arrive pas à rentrer chez moi », écrit-il en janvier 1947 au Service de restitution où il se déplace un mois plus tard27. Mme Zissman veuve Kagan est de retour à Lens le 7 novembre 1944. Elle trouve, elle aussi, la maison dont elle était propriétaire occupée parce que vendue par le commissaire gérant. En avril 1945, après de nombreux courriers et une enquête de police, sans résultat tangible, elle n’est tou- jours pas rentrée en possession de son bien et se résout à écrire au général de Gaulle, alors chef du gouvernement : « Je ne viens pas vous demander de secours, ni de faveurs spéciales, mais je suis âgée de 58 ans et me trouve sans abri et sans ressources. J’ose espérer que vous voudrez bien vous pencher sur mon cas et me faire rendre justice28.» Les recours en justice sont très minoritaires. Huit familles lensoises entreprennent une action en justice dans le cadre des procédures de Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 226/304

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restitutions des biens, avant 1947. À une exception près, ces procédures concernent uniquement des biens qui ont fait l’objet d’une vente. Les recours en justice sont déclenchés à propos d’affaires relativement impor- tantes puisqu’ils concernent, dans 7 cas sur 8, une entreprise dont le chiffre d’affaires dépassait 100 000 francs en 1939. Parmi les plaignants de 1945, on retrouve les descendants ou les rares survivants de l’élite de la commu- nauté lensoise d’avant-guerre : Lucien Goldstein à Carvin, l’épouse d’Abra- ham Beiser dit Thau, Léon Himmelfarb… Il peut s’agir simplement de faire valider par voie judiciaire les actes réalisés. Léon Himmelfarb conclut « un accord amiable avec l’acquéreur et l’a fait homologuer par la justice suivant l’article 26 de l’ordonnance 4577029 ». D’autres déposent plainte contre les occupants ou les acquéreurs de leurs logements et de leurs entre- prises. La femme de Mandel Fakuchen, non revenu de déportation, porte plainte devant le tribunal de commerce d’Arras30. Max Finkel déclare qu’il a « fait une plainte contre pillage et une demande de dommage de guerre, ainsi j’ai porté plainte contre le parti de Marcel Déat qui avait réquisitionné ma maison31 ». Fanny Beiser dit Thau, unique survivante de sa famille en 1945, est la seule à qui le Service de restitution promet des indemnités pour la réquisition de son immeuble et propose la constitution d’un dossier de dommages de guerre32. La femme et les enfants de Chaskiel Süsskind renoncent quant à eux à engager des procédures coûteuses. Ils se rendent devant la justice pour signaler simplement qu’ils ont repris possession du fonds de commerce de meubles qu’il exploitait avant sa déportation. Vendu 70 000 francs par l’administrateur gérant Dubois à un Rouennais, puis revendu à une femme de Tourcoing, le fonds a finalement été « aimablement racheté » devant notaire à cette dernière, au prix de 150 000 francs, par… la famille du disparu33.

Stigmates

TENTER D’EFFACER

Restaurer la légalité républicaine revient, dans le même temps, à ne pas reconnaître la spécificité des mesures antisémites ni même des vic- times en tant que Juifs34. Dès février 1945, André Weil-Curiel rédige un pamphlet mordant intitulé Règles de savoir-vivre à l’usage d’un jeune juif de mes amis. « Mes conseils sont simples. Suis-les. Ne fais pas étalage de tes droits. C’est un abus. N’arbore pas tes décorations. C’est un défi, et puisque Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 227/304

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tu es revenu, puisque tu n’as eu la chance suprême qui eut tout arrangé de perdre ta vie au service de la France – mort tu serais un héros, vivant tu es gêneur – fais en sorte que les bons Français de France qui espéraient ne plus te revoir, oublient que tu existes35.» Obtenir la nationalité française s’impose comme une nécessité pour la majorité de ceux qui rentrent à Lens après la fin de la guerre. Parmi les 192 étrangers, 115 sont naturalisés, soit 60 % (tableau 35).

Tableau 35. Naturalisations après guerre pour les survivants.

Revenus dans le Nord et le Pas-de-Calais %

Français par déclaration avant 1941 46 16 %

Français par naturalisation avant 1941 42 15 %

Français par naturalisation après 1944 115 41 %

Non naturalisés 77 28 %

Total 280 100 %

Ce taux de naturalisation indique au moins autant une volonté d’inté- gration, d’autant plus souvent invoquée qu’elle reste mal documentée, que la conscience aiguë du stigmate qu’a représenté, entre 1940 et 1944, le fait d’être étranger en plus que d’être juif. À la question, posée par les formu- laires des dossiers de naturalisation, des raisons de la démarche, la plupart se contentent d’ailleurs de répondre, simplement, « pour devenir français » ou « pour bénéficier des droits des français »36. Dans cet après-guerre, les pouvoirs publics et les politiques s’efforcent, au nom de la tradition républicaine, de gommer toute catégorisation au nom de la race mais peinent, par conséquent, à reconnaître la spécificité de la discrimination raciale. La mise en place du statut de déporté, en 1948, inclut deux ensembles : les déportés et internés de la Résistance, d’une part, les déportés et internés politiques, d’autre part. « Rien n’est prévu, on le voit, pour les dizaines de milliers de Juifs morts dans les chambres à gaz, dont les corps furent brûlés et les cendres dispersées37.»À l’appui des demandes de nationalité française, l’accent est mis sur les ser- vices accomplis dans la Résistance, plus que sur les souffrances subies. Abraham Beiline insiste d’abord sur son parcours militaire pendant le conflit et sur les faits d’arme de ses parents. « Monsieur le préfet, J’ai l’honneur de vous exposer ma situation au point de vue nationalité. Je suis né le 1er mai 1905 à Tolotchine (Russie) et j’habite à Lens depuis bientôt 30 années. Jusqu’à la mobi- lisation de 1939 j’étais toujours de nationalité russe. En janvier 1940 j’ai été appelé à la mairie de Lens et j’ai passé le conseil de révision devant la commission française sous le no 38 de la liste cantonale, je Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 228/304

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fus pris pour le service armé et j’ai signé pour accomplir mon service militaire en France. Je devais être appelé avec la classe 1940 mais avec les événements il n’en fut rien. Le 11 septembre 1942 en ma qualité d’israélite, je fus arrêté par les autorités allemandes et déporté en Haute Silésie à Auschwitz, Mauthausen et Gousen II d’où je viens d’être rapatrié. J’indique à toute fin utile que mon père était ancien combattant français de la guerre 14-18 ainsi que mon oncle habitant Paris, et que mes deux frères sont français, dont un a accompli son service militaire au 8e zouaves. Vu ma situationtoutespéciale,je vous serais très obligé, monsieur le préfet, de vouloir bien me faire connaîtresijen’ai pas acquis la nationalité française. Avec mes remerciements anticipés, […]38.» Plusieurs requérants, anciens combattants, choisissent de transmettre àl’administration française en charge d’examiner les demandes de natura- lisation, une photographie d’identité sur laquelle ils posent en uniforme. Uniformes résistants pour David Auslender et son jeune fils, Sylvain, qui arbore à la manche le bonnet phrygien, uniforme de la 2e DB pour Maximilien Wiesen, uniforme de soldat pour Froïm Litwak (document 12, de gauche à droite)39.

Document 12. Photos d’identité en uniforme, dans les dossiers de naturalisation.

Source : CAC 19770893, 19770881, 19780015.

Mais il serait sans doute hâtif d’assimiler le désir de naturalisation à l’effacement de la judéité. Au contraire, c’est bien souvent à travers la participation à des associations juives, locales ou nationales, que se construisent les trajectoires des Juifs revenus à Lens après la guerre. La section locale de l’Union des engagés volontaires anciens combattants juifs (UEVACJ) est instituée en mars 1946 et compte alors une vingtaine de membres40. Or son secrétaire appuie, à plusieurs reprises, les demandes de naturalisation de ses membres, comme Icek Stolik ou Wolf Szpigler41. Les anciens engagés volontaires sont fréquemment membres des bureaux des associations d’entraide juives qui voient le jour à Lens dans l’immédiat Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 229/304

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après-guerre : l’Union des sociétés juives (USJ), section de Lens enregistre 98 membres le 14 novembre 194542. Cette association, dite aussi Farband, adopte des positions politiques proches de la SFIO. Mais une section locale de l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE) est également créée à Lens le 11 février 1947, mouvement issu de la Résistance juive et de la MOI, proche du Parti communiste43. Effacer les stigmates de la guerre ne signifie pas, à Lens, se fondre dans la masse. La « communauté israélite de Lens et environs » créée en 1926, est reformée dans la première moitié de l’année 1945 et compte une centaine de membres à l’été. Elle se donne « pour tâche essentielle d’apporter une aide matérielle et morale aux affiliés et à leur famille », en particulier via la mise en place d’un « service des déportés et disparus »44.L’association orga- nise, le 11 septembre 1945, la première commémoration du 3e anniversaire de la rafle. La réunion, « placée sous la présidence de M. Auslender, pré- sident des communautés israélites », attire 120 personnes salle Gabilly. Sont notamment présents un abbé représentant l’évêque, le directeur de la Maison du prisonnier de Lens, le secrétaire départemental du Comité d’action et de défense des immigrés, le secrétaire départemental du Conseil national polonais, enfin MM. Alpern et Feld, secrétaires de l’Organisation nationale de lutte contre le racisme. Auguste Lecœur, le tout nouveau maire communiste de Lens « qui devait présider cette réunion commémorative, ne s’est pas présenté et n’a pas été excusé45 ». Les Juifs lensois s’organisent en associations, participent aux fêtes, reprennent progressivement leurs activités professionnelles. Mais ils tentent aussi d’échapper aux stigmates de leur origine.

CHANGER DE NOM

Comment continuer à porter une identité désormais douloureuse qui, si elle n’est en théorie plus stigmatisée ou objet de dénombrements, reste plus que jamais, qu’elle soit ou non revendiquée, au fondement des trajec- toires personnelles des individus ? En 1947, le Conseil d’État reconnaît explicitement la « consonance israélite » en tant que motif légitime de chan- gement de nom46. Mais les changements sont soumis à contrôle. Les déci- sions frisent souvent l’absurde. Pour Wolf Szpigler, le fonctionnaire de la sous-direction des naturalisations propose Spigler ou Pigler47.Chaskiel Dembinski requiert de devenir Charles Dambin, en insistant pour que ses enfants portent bien ce nouveau nom. « Francisation acceptée mais le pré- nom demeure bien Chaskiel et non Charles », répond le fonctionnaire de la sous-direction des naturalisations48. En 1949, Chaskiel a pourtant décidé de signer « Charles » et a mis à jour ses en-têtes professionnels « Ch. Dembin » dans l’attestation d’emploi de culottière qu’il remet à Sara Mendlewicz pour sa propre demande de naturalisation (document 13)49. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 230/304

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Document 13. Francisation des papiers de commerce de Ch. Dembin.

Source : CAC 19790853/52 dossier 14906X49.

Feiwel Morgenstern demande quant à lui à devenir M. Morgenstin. Trois ans après le dépôt de sa requête en mairie, en 1950, l’administration finit par refuser la francisation au motif qu’il « s’agit d’un nom d’origine germanique50 ». Moïse Ingwer suggère Angvert. L’administration répond Inguever. Après le délai légal de 15 jours de réflexion, Moïse choisit de conserver son nom « dans son orthographe actuelle51 ». De même pour Szlama Kojfer : il propose Cauchefert, le fonctionnaire dit Kofer, tout en admirant l’inventivité du requérant : « En l’état actuel de la pratique en matière de francisation, impossible d’accepter Cauchefert, qui est pourtant Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 231/304

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très réussie [sic]. Maintenir la formule no 2 Kofer. » Szlama revient à la charge et obtient une nouvelle réponse : « Proposer Coferre et pour prénom Salomon. » Il finit alors par refuser lui aussi la francisation du nom tout en tentant Simon plutôt que Salomon. Pourtant, là encore, le couperet tombe : « Le postulant refuse la francisation de son nom, il accepte néanmoins Salomon comme prénom mais préférerait Simon. La solution définitive paraît donc être Kojfer, Salomon52. » Les changements de noms ne signi- fient pas effacement de la judéité. Leurs sociabilités locales, leurs modes de vie, leurs participations associatives et parfois, aussi, leurs pratiques reli- gieuses ancrent ces survivants au sein de la communauté juive lensoise, qui renaît de ses cendres. Mais le lien avec la judéité doit, désormais, faire partie de la sphère privée et se soustraire à toute emprise étatique et admi- nistrative.

TOUJOURS JUIFS ?

Et pourtant, à plusieurs reprises sous les plumes des fonctionnaires, la qualification d’israélite survient, venant rappeler la prégnance des stig- mates dans la France de l’après-guerre. Si l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 frappe de nullité « tous les actes qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif », les modes de désignation des individus par leur « confession » ou leur « race » ne dispa- raissent pas pour autant des dossiers administratifs. Certains fonction- naires continuent d’employer ces catégories. Le commissaire de police de Béthune précise ainsi, dans son rapport du 11 septembre 1946 à propos de la demande de naturalisation de Nathan Alpern qu’il « est de nationalité roumaine et de confession israélite53 ». De même, le commissaire de police lensois qui rédige le rapport à propos de la naturalisation de Froïm Litwak précise en décembre 1945 : « De bonne conduite et moralité, la famille de Froïm Litwak, de confession juive, n’a fait l’objet d’aucune remarque défa- vorable au point de vue national54.» Les candidats à la naturalisation doivent fréquemment faire face à l’ignorance des fonctionnaires et aux mauvaises habitudes que ceux-ci ont pu prendre durant les années de guerre. En novembre 1948, un inspecteur de police lensois explique ainsi qu’avant guerre, Hélène Nowak épouse Kiatkowski était « célibataire. Elle vivait en concubinage avec le sieur Katz Meer, de race juive ». Il passe par contre sous silence le fait que Meer Katz a été assassiné à Auschwitz55. Le fonctionnaire préfectoral chargé d’instruire le dossier de naturalisation déposé par Sara Mendlewicz en 1949 constate qu’elle parle « français, polonais, allemand et israélite56 ». « Français, polo- nais, allemand et juif », est-il noté pour Szeindel Süsskind, en 195057. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 232/304

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Vivre avec

DIRE LA DOULEUR

On a longtemps évoqué le silence des survivants à leur retour. Et pour- tant, les archives portent les traces d’une incontestable volonté de dire ce qui s’est passé. Abraham Finkenberg témoigne dans l’immédiat après- guerre, et sa parole est recueillie par le Centre de documentation juive contemporaine dans un ouvrage publié dès 194758. Mais au sein même des formulaires administratifs, les survivants écrivent, parfois dans un français hésitant comme Fajvel Lichtenstajn, leur douleur. «J’ai fait faire une constat par la police de Lance PC [Lens Pas-de- Calais] que le propriétair ma volé des effets et le reste été pris par les boches. J’ai soumis mon affaire au tribunal de Arras. Le juge- ment n’est pas fini. Une appel été fait par le propriétaire. J’ai des certificats de la police de Avion que je ne possède plus rien que tous m’été enlevez meme ma femme et 5 gosses59.» Ceux qui rentrent affirment avec clarté, précision et parfois insistance la brutalité des années de persécution. C’est particulièrement le fait de ceux qui ont directement, ou via des proches, subi la violence et la mort. Chaskiel Dembinski écrit crûment le moment où tout a basculé : lorsqu’il a été « ramassé par les Allemands en 194260 ». Markus Adlerfligel évoque sa captivité de prisonnier de guerre et la déportation de sa mère, « non ren- trée » : « Je désire me fixer définitivement en France étant orphelin et n’ayant plus aucune attache en Pologne61. » Au fil des questionnaires, for- matés par l’administration pour un tout autre usage, pointe le besoin de témoigner des deuils. Alors qu’on lui demande de décliner les identités de ses parents, lors de sa seconde demande de naturalisation en mars 1947, Jenny née Dawidowicz répond sèchement : « Tués par les Allemands (chambre à gaz) » alors que son époux, Nathan Alpern, l’un des 17 rescapés des camps de la mort, précise que ses père et mère sont « décédés en déportation à Auschwitz le 17 septembre 194262 ». Charles Sigal énonce ses pertes lorsqu’il doit justifier de ses différents domiciles entre 1940 et 1944 : « Je soussigné Charles Sigal 10 rue de Lille à Lens, déclare ne pouvoir fournir de certificat de résidence pour la période mai 1940 au 16 novembre 1944, ayant été contraint de vivre dans la clandestinité pour ne pas subir les sévices des Allemands (toute ma famille, femme, 2 filles, 1 fils, 1 gendre ayant été déportés en Allemagne ne sont pas rentrés)63.» Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 233/304

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L’expression « non rentré » est partout. Dans l’après-guerre, les morts par déportation sont évoqués par l’absence. L’expression qu’on égrène, dans les dossiers, pour parler des disparus, est toujours la même : « déporté, non rentré ». Elle porte les traces de l’absence de reconnaissance du géno- cide, dans la France de l’après-guerre64. Jean-Claude Grumberg, dans sa pièce L’Atelier (1979), met en scène le personnage de Simone qui court les bureaux pour obtenir une preuve du décès de son mari, déporté. On retrouve, dans les documents d’archives, des scènes équivalentes. Sara Mendlewicz peine à réunir les pièces nécessaires à sa demande de naturalisation. Elle a perdu son mari Isaac et sa fille Henriette, âgée de 10 ans, tous deux déportés le 11 sep- tembre 1942 de Lens. Or, en 1949, elle « déclare ne pouvoir fournir qu’un bulletin de naissance de sa fille Henriette pour prouver son existence. Elle ne peut obtenir l’acte de décès de celle-ci, la transcription n’ayant pas été effectuée à ce jour65 ». La déportation s’apparente à un trou noir que les administrations ne parviennent pas à saisir. Que reste-t-il à Sara de sa fille ? Comment prouver son existence et donc son décès ? Ce sont les consignateurs de l’arrestation d’Henriette qui vont, finalement, lui procu- rer le document requis. Identifiée deux ans durant par les policiers len- sois, c’est vers le commissariat qu’elle se tourne pour authentifier la disparition des siens et sa propre arrestation. Le 5 mai, le commissariat de police de Lens se fonde sur ses archives, celles-là mêmes que nous venons d’utiliser dans les chapitres précédents, pour attester du destin des « Mendlovitch » : « Le commissaire principal à la sécurité publique de Lens certifie que le nommé Mendlovitch Isaac ainsi que sa fille Henriette, née le 12 décembre 1932 à Lens, figurent sur la liste nominative des per- sonnes arrêtées par les autorités allemandes, le 11 septembre 1942, lors de la répression raciale. En foi de quoi le présent certificat est délivré pour servir et valoir ce que de droit. Signé le commissaire principal. » Ilcertifieégalementque«LubaSuraSawikaaétéarrêtée[le 9 août, mais le commissaire écrit le 10 septembre, parce qu’il se contente de recopier l’intitulé de la liste “des israélites arrêtés avant le 11 septembre 1942”], transférée successivement dans les maisons d’arrêt de Béthune, Loos-lez-Lille et Le Forest à Bruxelles. Elle aurait été libérée de ce dernier lieu le 3 mars 1943 ». Le fonctionnaire de la sous-direction des naturalisations, qui examine la demande, reste suspi- cieux : « Assimilée. Bons renseignements. Arrêtée par les Allemands, et emprisonnée en Belgique, la postulante a été libérée le 3.3.43. Aucune explication de cette étonnante libération ne figure au dossier. Il ne semble toutefois pas qu’il faille suspecter l’intéressée. » Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 234/304

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Les survivants parlent, mais ils ne sont pas entendus. Le doute est de mise. Les silences, imposés dans un absurde arbitraire, vont jusqu’àla négation des souffrances endurées.

SILENCES IMPOSÉS

«J’ai toujours été disposée à en parler, à témoigner. Mais personne n’avait envie de nous entendre », raconte Simone Veil66. Difficile de parler. Mais difficile surtout d’être entendu. Léon Landau, docteur en médecine, est installé à Berck-Plage depuis 1932. Engagé volontaire en 1939, il est nommé médecin requis dans les mines de Dourges, à Hénin-Liétard, dans le Pas-de-Calais. Le 11 septembre 1942, il est arrêté en compagnie de son épouse, Anna née Sznajder, et de leur fils Alain, alors âgé de 3 ans et demi. Revenu seul d’Auschwitz, il essuie un ajournement lorsqu’il dépose une demande de naturalisation en 1948 pour des motifs de « concurrence déloyale » aux médecins locaux : « Durant la guerre, le Dr Landau, non mobilisé, n’a pas participé aux opérations militaires et cette situation privi- légiée lui a permis, tant à Berck qu’à Hénin-Liétard, de se créer une très forte clientèle au détriment de ses collègues. […]Sil’intéressé a été, par la suite, déporté comme juif, des renseignements contradictoires ont été recueillis sur son attitude au camp de déportation », rapporte le préfet du Pas-de-Calais en 194967.L’assertion ne repose sur aucune donnée autre que l’avis défavorable à la naturalisation exprimé par le conseil de l’ordre des médecins du Pas-de-Calais la même année et celui, « réservé », du directeur départemental de la Santé. Seule l’absence de réponse de ces institutions à l’invitation que leur fait la direction des naturalisations de motiver leurs avis conduira le préfet à inverser ses conclusions, et Léon Landau à obte- nir, en 1953, cinq ans après sa dernière demande, vingt-deux ans après la première, la qualité de citoyen. L’absence de reconnaissance des persécutions subies conduit à l’éta- blissement de rapports totalement kafkaïens où les trajectoires familiales deviennent incompréhensibles, souvent humiliantes. Concernant Eisig Greller, « la mère et la sœur du pétitionnaire ont été déportées en Alle- magne et n’ont pas donné signe de vie » (décembre 1945) ou « ne sont pas encore de retour » (avril 1947), et lui-même devient un simple « réfractaire au STO »68. La demande des Scharf conduit à une étrange enquête locale dans les Basses-Pyrénées. En novembre 1947, deux gendarmes de Nay sont missionnés pour auditionner le maire du village de Coarraze, où la famille a résidé durant le conflit, ainsi que leur logeuse. Aucune mention, dans les interrogatoires, sur les raisons de la présence des Scharf dans la région. Mais une conclusion : « Du point de vue national, durant l’occupation, les époux Scharf n’ont jamais manifesté des idées pro-allemandes69. » Parfois l’absurde va encore plus loin. Slaïm « Solo » Erlich, né en 1900, en France Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 235/304

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depuis 1919, marié à une française et père de deux enfants français, engagé en 1940 au 22e RVME, a été fait prisonnier et passe cinq ans au Stalag VII en Bavière. Pourtant, un des fonctionnaires chargés de constituer son dos- sier a jugé utile d’y insérer un « certificat de bon comportement national » délivré par le service des étrangers du commissariat de Lens stipulant que « le commissaire principal à la sécurité publique certifie qu’il n’est pas à ma connaissance que le susnommé Erlich Slaïm soit justiciable des ordon- nances sur la répression des faits de collaboration, sur l’épuration adminis- trative, sur l’indignité nationale et sur le commerce avec l’ennemi70 ». Dans le même ordre d’idées, le sous-préfet de Béthune nous apprend que, si Chaskiel Dembinski a été arrêté par les Allemands le 10 septembre 1942, c’est « pour son attitude francophile », comme il l’ajoute au stylo de sa main71. Rares sont les autorités locales qui reconnaissent la persécution, à l’instar du sous-préfet de Béthune à propos d’Arthur Kanner en septembre 1945 : « De religion israélite, il a été persécuté par les Allemands. Sa mère et plusieurs de ses frères et sœurs ont été déportés en Allemagne. » Sur le même dossier, le commissaire de police parisien d’abord chargé de l’enquête en juillet ne dit mot des souffrances subies et conclut d’ailleurs par un avis défavorable à la naturalisation : « Insuffisamment assimilé. Actuellement sans profession. Origine allemande, n’a donné jusqu’àpré- sent aucune preuve de loyalisme. À ajourner72.»

Si l’État annule en bloc l’ensemble des condamnations pour « abandon de chantier de jeunesse » entre 1941 et 1944 par décision de la chambre de révision du ministère public le 25 janvier 1945, ce n’est pas le cas pour les condamnations suite à la législation antisémite. Effacées, en théorie, par l’ordonnance du 9 août 1944, elles font l’objet de démarches individuelles : c’est pourquoi nombre de personnes ne voient pas leur casier judiciaire blanchi. Et par ailleurs, certains tribunaux, comme en Isère, continuent à rechercher les personnes condamnées pour défaut de tampons juifs, faussescartesd’identité, comme le Trésor public persiste à réclamer les amendes desdites condamnations73. De même, les poursuites engagées contre les Juifs lensois pendant le conflit, condamnations ou simples men- tions dans un procès-verbal, continuent de jouer en leur défaveur après la guerre, lors de l’instruction de leurs demandes de naturalisation. Dans cer- tains cas, les autorités locales font preuve d’un étonnant acharnement à s’inscrire dans la continuité du travail effectué par leurs collègues sous l’Occupation74. Le 21 février 1946, Mendel Taustein certifie sur l’honneur qu’il a vécu caché à Niort, Labastide-d’Anjou, Aix-les-Bains et Le Puy, pour la période allant du 19 février 1941 au 13 mars 1945 et « par suite de l’obli- gation dans laquelle je me suis trouvé, étant juif, de vivre sous l’occupation caché ou sous de faux papiers ». L’enquêteur de la sous-préfecture précise quant à lui qu’il est « complètement assimilé à notre culture. A adapté ses usages. Parle et écrit correctement notre langue. Fréquente les Français. A Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 236/304

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fréquenté pendant six mois l’université de Lille (faculté des lettres) ». Pour- tant à Paris, la sous-direction des naturalisations rappelle, dans son avis, la condamnation le 6 novembre 1942 par le tribunal de Castelnaudary à 300 francs d’amende pour défaut de visa sur la carte d’identité d’étranger75. Ce rappel ne vaut pas, cette fois-ci, refus de naturalisation. Mais un certain nombre de survivants essuient ajournement sur ajournement en raison de leurs « agissements » pendant la guerre. La continuité bureaucratique conduit à la négation des persécutions. Feiwel Morgenstern a déjà demandé par deux fois la nationalité fran- çaise avant la guerre. Deux fois on la lui refuse. Nouvelle demande en 1947, nouveau refus « pour marché noir ». Trois ans plus tard, le sous-préfet de Brive, sollicité pour l’enquête puisque Feiwel a trouvé refuge dans cette ville à partir de 1940, émet ses réserves : « Étant donné que le postulant avait manifesté le désir de partir à l’étranger et effectué les démarches pour se rendre en Argentine au cours de l’année 1941, il y aurait lieu de lui faire préciser son attitude vis-à-vis de la France et des intérêts français76. » Il faut l’intervention du député Évrard pour que la sous-direction des naturalisa- tions accorde, finalement, la nationalité à Feiwel et son épouse « bien qu’un doute puisse être conservé sur leur assimilation réelle, sur leur mora- lité commerciale et sur leur loyalisme ». Du silence au scepticisme, le pas est franchi. Abraham Kanner dépose une première demande de naturalisation début 1948 pour sa famille. Il essuie rapidement un avis défavorable de la sous-direction des naturalisations, le 12 juillet, au motif que « lors de leur séjour dans le département de l’Aveyron, a fait l’objet le 19/3/1944 d’un arrêté d’assignation à résidence à la suite d’une condamnation à un mois d’emprisonnement et 1 000 F d’amende pour recel, abus de confiance et utilisation indue de tickets d’alimentation ». Au terme d’un premier ajour- nement de trois ans, Abraham dépose une seconde demande. Les enquêtes reprennent, s’appuyant sur… les rapports établis pendant la guerre. « Le rapport établi le 28/2/1944 par le commissaire des RG de Rodez, ainsi qu’un rapport rédigé le 3/4/1944 par le commissaire principal, chef des RG de Béziers sont défavorables à Kanner. […] En raison de ce qui précède, la requête formulée par Kanner doit être rejetée. » Un autre fonctionnaire instruit le dossier du fils d’Abraham, Oscar, mécanicien et rappelle, dans son rapport du 16 décembre 1952, les faits reprochés au père, ajoutant même : « On peut signaler que Kanner Oscar figure au fichier régional de la XIVe brigade régionale de PJ sur une liste de déserteurs du 143e GTE stationné à Cardenac, datée du 15 juin 194377.»Et bien qu’Oscar produise une note du 7e bataillon régional des FFI de l’Hérault datée du 12 /12/1944, qui atteste son activité de résistant comme chauffeur et mécanicien auto, sa demande est elle aussi ajournée. Devant une telle incompréhension, Abraham choisit de s’adresser directement au président de la République René Coty, le 9 mars 1954 : Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 237/304

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« À M. René Coty, président de la République française, Je voudrais tout d’abord vous féliciter pour votre élection au rang de premier citoyen français. J’ai lu par les journaux tout votre passé et votre vie, et c’est donc à l’avocat d’abord que je voudrais expliquer mon cas. Je suis venu en France en 1937 avec ma femme et mes 6 enfants au titre de réfugié sarrois, mais je suis de nationalité polonaise. J’ai eu le malheur de perdre mon plus jeune fils pendant les bombardements de 1940. J’ai trois enfants mariés en France et maintenant de nationalité française, ainsi que des petits-enfants français. J’ai fait une demande afin d’obte- nir la nationalité française en 1947, en 1949 je fus ajourné 3 ans. J’ai donc refais une nouvelle demande il y a un an et l’on me fait tant de difficultés que je crains maintenant d’être refusé de nouveau, c’est- à-dire pour toujours. Si encore je savais pour quels motifs ? Je n’ai jamais été condamné, je ne fais pas de politique, à moins que ce soit parce que je suis de religion israélite. Je suis commerçant, je n’ai jamais failli à ma parole ni à ma signature et je paie mes impôts comme tous les Français. Je sais que vous avez maintenant le droit de grâce pour les criminels. Si c’est donc un crime de vouloir obtenir la nationalité fran- çaise, je vous demande respectueusement la grâce de l’obtenir78.» Sa demande est de nouveau examinée et Abraham Kanner obtient la nationalité française… en 1956.

La question change d’énoncé, au fil des formulaires de naturalisation. « Quelles sont ses fréquentations », demande-t-on dans les années 1930. « Français et israélites », répond-on en juin 1934 pour Jankiel Grinfas, préfi- gurant les rapports établis, à partir de 1941, au cours des procédures de dénaturalisation. « Ils fréquentent indifféremment des juifs et des aryens », note le fonctionnaire de la préfecture de Paris en juillet 1943 à propos des époux Borensztajn. Après guerre, on précise : « Le postulant fréquente-t-il habituellement des Français ou des étrangers ? » « Nos nationaux », écrit l’un en 1947, « Les deux », dit l’autre en 1953. « Les uns et les autres », peut- on lire sur la plupart des questionnaires. La vie a repris à Lens. À ceux qui ont survécu se sont joints de nou- veaux venus, rescapés de la Shoah, arrivés d’Europe de l’Est après guerre. Les magasins ont rouvert, les colporteurs ont repris le chemin des corons et des marchés. « C’était une vie très chaleureuse, très solidaire. […]Ily avait en plus une communauté très active des immigrants et de leurs enfants, qui faisait qu’il y avait un environnement qui était assez protec- teur, même si les conditions économiques étaient difficiles. Mais c’est une période que vous ne connaissez pas et que vous ne pouvez pas imaginer. Mais c’était une belle période. Nous étions pauvres, mais le lendemain était meilleur que la veille, toujours. C’était une époque de reconstruction des pays, de développement, d’optimisme79… » La rafle du 11 septembre 1942 a donné lieu à une manifestation com- mémorative dans la ville en 1945. Puis plus rien, le silence. Jusqu’au Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 238/304

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baptême d’une « rue des 528 fusillés juifs », dans le centre-ville lensois, en 1979. Il faudra attendre soixante années pour qu’une commémoration de taille soit organisée dans la ville, le 11 septembre 2002. Deux plaques sont apposées pour l’occasion, l’une à la gare, l’autre au monument aux morts80. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 239/304

ÉPILOGUE

Le livre était fini, le manuscrit rendu à l’éditeur quand, par un des curieux hasards qui font la joie des chercheurs, une découverte est venue nous interroger. L’histoire est curieuse. Dans la nuit du 22 septembre 1942, un homme passe la frontière franco-helvétique à hauteur d’Annemasse, dort quelques heures dans un champ, gagne Genève à pied et prend le train pour Zurich. C’est là qu’il se rend dans les locaux de la police suisse pour raconter son histoire1. Cet Autrichien, né en mai 1908 à Vienne, se déclare de religion « mosaïque ». Après l’école, Joseph Strohs est entré en apprentissage chez un maroquinier. Parallèlement, au milieu des années 1920, il a commencé une carrière de footballeur dans les rangs du Sporting Club Hakoa. Hakoa, « force » en hébreu, est ce club de football juif viennois mythique qui arbore un blason blanc et bleu en forme d’étoile de David comme emblème. L’équipe a été fondée en 1909 afin de permettre aux Juifs bannis des clubs de la capitale de pouvoir trouver un refuge sportif. Quand Joseph Strohs en devient membre, à la fin des années 1920, le club accumule les succès et caracole en tête du championnat autrichien. Mais, durant les années 1930, les saisons sont plus mitigées. L’existence des Juifs en Autriche devient également de plus en plus difficile. En août 1937, Joseph Strohs quitte Vienne et le SC Hakoa pour la France. Il vient de recevoir une proposition de contrat d’un club français qui a entamé depuis peu sa conversion vers le professionnalisme : le Racing Club de Lens. Doté d’un nouveau stade depuis juin 1934, le club se lance dans une politique offensive de recrutement de joueurs étrangers afin de gagner le soutien des supporters du pays minier2.«J’ai accepté la proposi- tion et c’est pour cela que j’ai quitté Vienne. À Lens, j’ai travaillé en même temps comme mineur, comme peintre en bâtiment et comme footballeur engagé par le Racing Club de Lens. » Le 7 septembre 1939, Joseph Strohs est placé dans un camp de concen- tration par les autorités françaises, arrêté en tant qu’Autrichien et donc « ressortissant d’une puissance ennemie ». À cette date, c’est par son appar- tenance nationale qu’il est identifié. C’est elle qui le met en danger. Libéré en mai 1940, le footballeur se porte engagé volontaire dans la Légion Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 240/304

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étrangère où il sert jusqu’en novembre 1940, quand il est démobilisé en Afrique du Nord. Il rentre alors en métropole et s’installe à Lyon. C’est désormais son appartenance juive, revendiquée à Vienne non sans fierté lors des matchs joués sous les couleurs du SC Hakoa, qui lui fait courir un danger de mort. En juin 1942, il est placé en résidence surveillée dans une petite commune du département du Rhône, Saint-Laurent-de- Chamousse. Il y travaille dans une fabrique de saucisses, mais entraîne et joue aussi dans l’équipe de foot locale. Puis, comme il raconte : « Le samedi 19 septembre 1942, à quatre heures du matin, la police est arrivée avec des camions pour emmener les Juifs et les autres étrangers. J’ai pu m’enfuir et me suis rendu à Lyon, à 50 kilomètres. Mais à Lyon aussi, il y avait des rafles et je n’avais plus de papiers. J’ai donc pris la décision d’aller à Anne- masse pour passer la frontière suisse. » Sauvé.

Nous ne connaissions pas Joseph Strohs. Ce Juif de Lens, membre de l’équipe de foot qui fait la gloire de la ville en septembre 1939, ne figure sur aucune des listes, recensements, fichiers, dossiers que nous avons dépouillés au cours de notre enquête. Plusieurs raisons l’expliquent : il quitte la ville dès les premiers jours de la guerre ; il est d’abord identifié et discriminé comme « autrichien » ; son profil atypique le place en dehors de la communauté. Néanmoins, l’apparition d’un 992e homme vient rappeler, pour finir, que l’enquête reste ouverte. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 241/304

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Le récit qui s’achève soulève sur le plan de la méthode une question centrale. C’est un nombre qui tient cette histoire : 991. Mais quelle valeur lui accorder ? Le cas de Joseph Strohs, apparu dans les derniers jours de rédaction de ce livre, est déjà venu l’interroger. On pourrait en proposer une autre formulation : comment savoir qui est juif et qui ne l’est pas ? La ques- tion, universelle, a suscité nombre de réflexions philosophiques et théolo- giques. Notre réponse se situe résolument d’un point de vue pragmatique : donner à voir ce qu’a signifié être Juif lensois pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais qu’est-ce qu’un « Juif lensois » ? On peut poser la question de façon plus prosaïque encore : que viennent faire Joseph Dawidowicz, Béthunois, son frère Abraham, Avionnais, sa belle-sœur Sara Glicksmann, Douaisienne, parmi les Juifs de Lens ? Répondre à cette question, autre- ment dit préciser les différentes manières de définir les frontières du groupe des 991, c’est revenir sur l’enquête telle qu’elle s’est déroulée, de ses pre- mières hypothèses aux sources qui les ont transformées. C’est évoquer aussi les lectures qui l’ont infléchie et les méthodes qui la fondent. Ce faisant, cette annexe aborde deux points centraux de notre démarche : son parti pris quantitatif et le statut du cadre monographique.

Les questions

Àl’origine, cette enquête débute par une double interrogation théo- rique. La première question porte sur l’intersection entre les processus d’identification et les différentes appartenances des individus identifiés. Il s’agit, pour le dire rapidement, de réfléchir à la fabrique historique des groupes sociaux, et en particulier à ce que cette « construction sociale » doit aux efforts respectifs de l’État et des membres de ces ensembles pour imposer l’existence d’un collectif et en définir les frontières. Les travaux Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 242/304

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empiriques alors consacrés à la création et à l’apprentissage concret des identités nationales comme à la définition et au traitement de l’étranger étaient au cœur de nos préoccupations 1. Dans le cadre de travaux anté- rieurs, nous avons abordé la question des décalages possibles entre les processus de catégorisation administrative et les modes de déclaration de soi à partir du cas des immatriculations d’entreprises au registre du commerce de la Seine. Nous avons alors pu observer la variété possible des autodéclarations d’objets du commerce ou des nationalités, témoignant de résistances individuelles face à l’imposition de catégories administratives 2. Nous avons aussi montré comment les pratiques de dénomination commerciale différaient entre Français et étrangers et évoluaient face à la stigmatisation, croissante dans les années 1930, de l’origine des commer- çants. Cette réflexion a été poursuivie collectivement à propos des dossiers individuels d’étrangers au XXe siècle, dans un article rédigé avec Anne- Sophie Bruno, Philippe Rygiel et Alexis Spire 3. Menées avec pour objectif de saisir la force du droit sur les comportements, de comprendre la nature de la contrainte statutaire sur les trajectoires individuelles, ces recherches ont ouvert un vaste ensemble d’interrogations autour de l’articulation entre les processus de stigmatisation et les pratiques des individus. Était-il, dès lors, possible de construire des indicateurs pertinents capables de mettre au jour les rapports entre les normes et les comportements, l’identification et l’appropriation, les discours et les pratiques ? Pour ce faire le terrain national, déjà bien labouré, n’est pas resté le lieu central de l’investigation. L’enquête lensoise a assez vite représenté un terrain idéal pour ces ques- tionnements : comment est-on parvenu, en France, à identifier une popula- tion dans un but discriminatoire, à partir de critères jusqu’alors considérés comme relevant strictement de la sphère privée ? Surtout il nous permet- tait de comprendre comment les individus avaient réagi, s’étaient appro- prié, avaient ignoré ou refusé ces assignations identitaires, bref de poser la

1. Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le dis- cours patriotique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997 et La Création des identités nationales, Paris, Seuil, 1999 ; Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996 ; Gérard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001 ; Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002 ; Vincent Denis, Une histoire de l’identité, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008. Pour une synthèse, voir Martina Avanza et Gilles Laferté, « Dépasser la “construction des identités” ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses,no 61, décembre 2005, p. 154-167. 2. Claire Zalc, « Immigrants et indépendants. Parcours et contraintes. Les petits entre- preneurs étrangers dans le département de la Seine (1919-1939) », thèse de doctorat d’his- toire, université Paris-X, 2002 ; Claire Zalc, « Trading on origins : Signs and windows of foreign shopkeepers in inter war Paris », History Workshop Journal,no 70, automne 2010. 3. Anne-Sophie Bruno, Philippe Rygiel, Alexis Spire et Claire Zalc, « Jugés sur pièces. Le traitement des dossiers de séjour et de travail des étrangers en France (1917-1984) », Population,no 61 (5-6), septembre-décembre 2006, p. 737-762. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 243/304

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question des marges de manœuvre des uns et des autres face à la contrainte dans ses différentes dimensions.

La seconde interrogation à l’origine de cette enquête reprend des questionnements soulevés, du côté des combattants ordinaires, sur le ter- rain des violences de guerre. Plus précisément, elle en reprend les enjeux consistant à mettre en question, là comme ailleurs, et peut-être là plus qu’ailleurs, l’idée que nos actes doivent être prioritairement analysés comme le résultat d’une longue délibération intérieure. Pourquoi faudrait- il que les choix manifestés par les comportements des familles lensoises soient prioritairement observés à l’aune de perceptions morales, autrement dit comme des décisions prises « en toute connaissance de cause » ? Pour- quoi faudrait-il renvoyer leurs actes aux idées, valeurs, représentations dont ceux-ci seraient inévitablement la cause ? Prendre ce chemin d’inves- tigation, c’est, immanquablement ou presque, enfermer les réponses dans ces alternatives étroites qui polluent systématiquement les débats sur ces questions : obéissance ou consentement ? Naïveté ou lucidité ? Résistance ou collaboration ? Avec pour terme ultime l’inévitable « qu’aurais-je fais à leur place ? », comme si la réponse pouvait être trouvée dans une réflexion intime pesant avec soin et raison les idéaux en présence. Lors de précédentes recherches, nous avons discuté les motivations trop fréquemment et mécaniquement imputées aux combattants ordi- naires : faut-il être motivé pour tuer ? demandions-nous alors 1. La question a son possible équivalent dans le cas des Lensois : fallait-il être extralucide pour survivre ? La soulever, dans ce second cas plus encore que dans sa première formulation, c’est percevoir qu’elle n’a guère de sens. Parvenu à la fin de ce livre, on sait comment le problème a été reformulé : non pas esti- mer si la déclaration de judéité était ou non opportune ou si elle aurait dû être évitée, mais restituer du mieux possible le déroulement des opérations et l’horizon du pensable dans son moment même, en décembre 1940. Non pas indiquer à quel point le fait de rester à Lens était naïf ou « perdant », mais parvenir à décrire les formes et conditions de possibilité du départ, ou encore les obligations et incitations à rester. Non pas rattacher la survie à une stratégie individuelle bien menée, mais raconter les étapes d’un par- cours et indiquer les déterminants sociaux qui en facilitaient la réussite, tout en gardant à l’esprit qu’en cette matière, l’« échec » restait à tout instant possible. Dans le cas de la violence infligée comme dans celui où elle est imposée, le moyen de l’investigation, assumé dès les débuts de l’enquête, consistait à se demander si un traitement sociologiquement informé des

1. Nicolas Mariot, « Faut-il être motivé pour tuer ? Sur quelques explications aux violences de guerre », Genèses. Sciences sociales et histoire,no 53, décembre 2003, p. 154-177 et « Pour compter des mutins faut-il soustraire des moutons ? », in André Loez et Nicolas Mariot, Obéir/désobéir. Les mutineries de 1917 en perspective, Paris, La Découverte, 2008, p. 345-372. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 244/304

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comportements a un sens dans de tels contextes « extrêmes », et s’il est possible. En quoi la connaissance des attributs sociaux et biographiques des individus permet-elle de mieux comprendre l’engagement, mais aussi la soumission et le conformisme, autrement dit l’éventail des formes d’adapta- tion des individus aux violences auxquelles ils sont confrontés ? Reconsti- tuer et la diversité des itinéraires et les réseaux de sociabilité (familiaux, amicaux, professionnels) a représenté l’outil central pour tenter de com- prendre les rapports à l’autorité engagés par les individus.

Au croisement de ces deux questionnements épistémologiques, une découverte archivistique, presque fortuite, nous a rapprochés. Le recueil des archives privées d’une petite entreprise de confection, tenue à Lens des années 1930 aux années 1990 par une immigrante juive polonaise a donné lieu à une expérience singulière de recherche collective qui a mobilisé, pen- dant six ans, une dizaine de chercheurs et d’étudiants issus de différentes disciplines des sciences sociales (anthropologues, sociologues, politistes, économistes et historiens) 1. Au cours de l’enquête in situ, alors que nous cherchions à mieux comprendre l’insertion locale de cette entrepreneuse, un certain nombre de sources ont été collectées auprès des familles : entre- tiens biographiques menés avec certains immigrants lensois et leurs des- cendants qui permettent de disposer de nombreux renseignements sur les trajectoires précises des Juifs de Lens, archives privées des familles qu’on a pu retrouver et rencontrer, mais également quelques sources provenant des instances communautaires locales comme le plan et la liste des personnes inhumées au cimetière juif d’ Éleu-dit-Leauwette, limitrophe de Lens. Sur- tout, c’est au cours de cette première recherche que nous avons localisé, en avril 2003, aux archives départementales du Pas-de-Calais, l’ensemble des fonds relatifs à l’identification et la discrimination de la population juive de Lens pendant la Seconde Guerre mondiale, qui venaient de s’ouvrir sans restriction aux chercheurs 2.

1. Nous remercions ici encore nos compagnons de route qui ont participé activement à la recherche : Martina Avanza, Françoise de Barros, Marion Fontaine, Gilles Laferté, Emmanuel Martin et Étienne Pénissat. 2. Arrêté du 29 avril 2002 instituant une dérogation générale pour la consultation de fonds d’archives publiques concernant la Seconde Guerre mondiale. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h31 Page 245/304

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Premières sources, premières délimitations du groupe

Les fonds départementaux du Pas-de-Calais sont particulièrement riches : ils contiennent une documentation abondante qui retrace les pro- cédures d’identification, de surveillance, de discrimination, de spoliation mais aussi d’arrestation et de déportation dont les Juifs ont été les victimes dans le département entre 1940 et 1944. Mais ils comprennent, en outre, un matériau rare : l’ensemble des déclarations, faites par les individus eux- mêmes, de leur « qualité de juif », ce qui nous offrait la possibilité, pra- tique, de commencer à répondre à nosquestions.Nousavionsànotre disposition une dizaine de listes comprenant des centaines de noms. Nous avons alors commencé à accumuler les informations sur chacun d’entre eux 1.

C’est ainsi par cercles concentriques que nous avons procédé, laissant de côté la méthode onomastique. Repérer les Juifs par leur nom présente deux inconvénients majeurs. L’onomastique est tout d’abord accusée d’être un moyen non fiable : « En réalité, il n’existe presque pas de patronymes exclusivement juifs, c’est-à-dire portés “uniquement” par des juifs. Nous répétons : de tout temps, des juifs ont porté aussi des noms primitivement non juifs et des non-juifs ont porté aussi des noms juifs au départ 2.» Ce critère onomastique est d’autant plus contestable que l’origine géogra- phique et nationale de la population juive est multiple. Or, dans le cas lensois, il n’est pas rare que des Polonais catholiques portent les mêmes noms que des Juifs, et inversement. Autre possibilité souvent utilisée par les historiens : utiliser les sources communautaires 3. Mais, malgré l’accueil chaleureux des enfants des immi- grants des années 1930 encore présents à Lens, et en dépit de diverses

1. Sur l’utilisation des archives départementales dans une logique biographique, voir par exemple Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944, Périgueux, Éditions Fanlac, AD Dordogne, 2003 ; Karine Macarez, Shoah en Sarthe, Coudray-Macouard, Cheminements, 2006 ; Jacky Dreyfus et Daniel Fuks, Le Mémorial des Juifs du Haut-Rhin. Martyrs de la Shoah, édité par Jérôme Do Bentzinger, 2006 ; Alexandre Doulut et Sandrine Labeau, Les 473 déportés juifs du Lot-et-Garonne, coédité par « Après l’Oubli » et les « Fils et filles des déportés juifs de France », 2010. 2. Pierre Lévy, Les Noms des Israélites en France, Paris, Presses universitaires de France, 1960, p. 11. 3. Voir par exemple Nancy L. Green, Les Travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque, op. cit. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 246/304

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recommandations, nous n’avons pu avoir accès à l’ensemble des archives de la « Communauté juive de Lens et environs ». Nous restons d’ailleurs ignorants, aujourd’hui encore, de leur contenu exact. Reste que même si leur contenu n’apportait que le dixième des précieuses et riches informa- tions mises au jour par Danielle Delmaire à partir des archives de la com- munauté lilloise 1, nous regrettons de n’avoir pu les utiliser. Dès lors, comment procéder ? Nous sommes partis de deux listes, très proches, recensant les noms des victimes de la Shoah à Lens. La première est gravée sur une plaque de marbre apposée dans la salle qui tient lieu de synagogue de la ville, sous la mention « À la mémoire des Juifs de Lens victimes de la barbarie hitlérienne ». La seconde liste, dite « des 528 déportés juifs de Lens » fut publiée dans la revue Gauhéria en 1990. Les fonds des archives départementales du Pas-de-Calais nous ont permis de préciser les caractéristiques de la majorité des victimes recensées (vingt d’entre elles nous sont restées, aujourd’hui encore, inconnues), mais aussi et surtout de leur adjoindre les familles qui avaient échappé à la mort qui s’étaient déclarées aux autorités comme « juif » en 1940 et/ou qui avaient été identifiées par les autorités entre 1940 et 1942 (tableau 36).

Tableau 36. Les listes des Juifs de Lens.

Nombre Ordre chronologique de noms

« Liste des juifs, arrondissement de Béthune. 11 décembre 203 1940 » (ADPC 1Z500bis)

« Juifs (ordonnance du 18/10/40). Déclarations reçues à la 438 sous-préfecture de Béthune » (ADPC 1Z500 bis)

« Liste des israélites recensés en décembre 1940 à la suite 482 de l’ordonnance du 18/11/1940 de l’Oberfeldkommandantur 670 à Lille » (ADPC 1Z499)

« Ville de Lens. Liste de la population juive venue après la date 29 du 15 décembre 1940 » (fait le 27/12), (ADPC 1Z500).

« Sous-préfecture de Béthune. Recensement des israélites » en date du 23 avril 1941 (ADPC 448 1Z503)

« Liste des Israélites ayant habité Lens et quitté la ville depuis 365 mai 1940 », commissariat de police de Lens, 10/01/1942 (ADPC 1Z499)

« Arrondissement de Béthune. Recensement des juifs ». Janvier 1942 (ADPC 1Z497) 437

« Arrondissement de Béthune. État de distribution des étoiles juives », en date du 12/08/1942 376 (ADPC 1Z497)

1. Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales 1791-1939. Naissance, croissance, épanouissement, op. cit. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 247/304

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« Liste des israélites arrêtés par les autorités occupantes avant 13 le 11 septembre 1942 », commissariat de police de Lens, 18/09/1942 (ADPC 1Z497)

« Liste des israélites évacués le 11 septembre 1942 », (220, Lens) commissariat de police de Lens, 18/09/1942 (chiffre entre 301 bassin lensois parenthèse) + commissariats du bassin (ADPC1Z497)

« Liste des israélites qui ont quitté la localité avant 45 le 11 septembre 1942 sans faire connaître leurs adresses actuelles », commissariat de police de Lens, 18/09/1942 (ADPC 1Z497)

« Liste des Israélites existant à Lens au 15 septembre 1942 », commissariat de police 29 de Lens, 18/09/1942 (ADPC 1Z497).

« Liste des juifs arrêtés le 25 septembre 1942 », Commissariat 15 de police de Lens (ADPC 1Z499)

« Recensement au 1er octobre 1942, arrondissement Béthune » (ADPC 1Z497) 13

« Liste nominative des juifs lensois déportés non rentrés, 452 arrêtés à Lens ou ailleurs », datée du 26/04/1965, « dressée par la communauté israélite (voir M. (Israel) Susskind, 7 rue Berthelot) » (AM Lens 3W 14)

« La liste des 528 déportés juifs de Lens » publiée dans 450 Gauhéria no 22, 1990, p. 54-56

Nombre total de noms mentionnés au moins une fois 926

La compilation de ces différentes listes a commencé d’être faite dans un tableur qui contenait en ligne les individus et en colonnes les différents renseignements donnés dans ces différentes sources : les dates et lieux de naissance, composition des ménages, professions, adresses, nationalités, parfois les dates d’entrée en France… La consultation des dossiers d'aryanisation, pour les 103 Lensois ayant fait l’objet d’une telle mesure, a représenté une étape décisive dans la col- lecte des renseignements de tous ordres concernant les familles juives du bassin houiller. Les procédures d’aryanisation visant les biens et immeubles étaient menées localement avant d’être centralisées, au plan national, par le Commissariat général aux questions juives (CGQJ). Les dossiers administratifs qu’elles ont produits sont conservés au sein de la série AJ38 des Archives nationales. Les enquêtes policières et « écono- miques » (menées, pour ces dernières, par les administrateurs gérants et la chambredecommerce)auxquelleslaprocédure donne lieu localement nous ont permis de présenter un état des lieux des entreprises juives avant guerre et d’évaluer les hiérarchies socio-économiques dans la communauté (prologue), d’étudier les dynamiques de la spoliation dans le cas lensois (chapitres 4 et 5), mais aussi de mieux saisir les rapports des Lensois à leur voisinage, les modalités les plus matérielles du retour sur place (cha- pitre 10), ou encore le travail de surveillance réalisé par le commissariat via ses échanges avec d’autres services de police de zone occupée ou de zone libre. Au-delà, c’est avec les dossiers d’aryanisation que nous avons pu Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 248/304

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établir ou compléter certaines variables de la base de données, au premier rang desquelles la propriété immobilière ou l’approximation du niveau de revenu. L’exploitation de ces informations s’est heurtée à un ensemble de pro- blèmes classiques de la mise en forme de sources archivistiques en don- nées historiques quantifiables 1. La diversité des sources reflétait la variété des moments où ces listes avaient été dressées et des auteurs qui les avaient établies. Cet ensemble donnait immédiatement à voir la pluralité desmodesetdestemporalitésd’identification des Juifs lensois, venant battre en brèche l’idée de l’imposition d’une définition unique et univoque. Les appellations utilisées pour classer la « population juive » varient d’une liste à l’autre : juifs, israélites ou personnes de religion ou de confession juive… Surtout, ces identifications administratives et policières pouvaient immédiatement être confrontées aux déclarations de soi produites par les individus eux-mêmes (chapitre 1). En sus, on se heurtait à une hétérogénéité spatiale dont rend bien compte l’inventaire établi plus haut : certaines listes concernaient l’ensemble des localités de l’arrondissement de Béthune alors que d’autres étaient restreintes à la ville de Lens. Nous nous sommes ainsi rapidement aperçus, via les adresses, que toutes les personnes identifiées comme vic- times n’habitaient pas nécessairement à Lens même (voir carte no 3). Les limites géographiques de l’étude se sont ainsi trouvées redéfinies en suivant l’autodéfinition des instances communautaires lensoises recensant ses vic- times. Nous avons procédé selon le principe suivant : chaque fois qu’une personne était désignée comme « victime lensoise » (dans les listes publiées après guerre), nous avons tenté d’inclure l’ensemble des familles identifiées comme juives habitant la même commune 2. Ces allers-retours permettent, on le voit, de ne pas limiter l’étude à une population dont les contours seraient définis par un seul principe (que ce soit l’identification par l’extérieur ou la seule autodésignation). La constitu- tion de la population étudiée ne se fonde pas sur quelque découpage admi- nistratif (une histoire des Juifs « de l’arrondissement de Béthune » eût été en ce sens possible), elle n’épouse pas non plus les frontières du groupe dessinées par ses membres, mais elle tente de se situer au croisement des deux moyens de définir ce groupe social, travaillant par là même les rap- ports entre identifications et appartenances. Notre population comptait alors 926 individus.

1. Claire Lemercier et Claire Zalc, Méthodes quantitatives pour l’historien, Paris, Repè- res, 2008. 2. Exception à cette règle, les sous-préfectures de Douai et de Béthune, pour lesquelles seules les familles Dawidowicz et Glicksman ont été retenues en raison de la présence de leurs noms sur la plaque de la synagogue lensoise. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 249/304

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Nouvelles sources, redéfinition des frontières

Nous étions encore pauvres en informations pour mettre en œuvre notre démarche, soit rapporter les parcours des personnes à leurs caracté- ristiques sociales et familiales. Les frontières de notre population présen- taient des limites qui provoquaient, entre nous, doutes et débats : avait-il existé entre 1940 et 1945 des Juifs lensois qui ne s’étaient pas déclarés, n’avaient jamais été identifiés par ailleurs par les autorités locales et ne comptaient pas parmi les victimes de la Shoah ? Prudemment, nous n’osions pas désigner cette population autrement que par « déclarants iden- tifiés » ou encore « non-déclarants identifiés » 1. La suite de l’enquête nous a donné raison puisque nous avons localisé 69 « non-déclarants non identi- fiés ». Et il est probable, le cas de Joseph Strohs est venu nous le rappeler, quecertains«Juifslensois»nous soient toujours, aujourd’hui encore, inconnus. C’est en tâchant d’enrichir nos connaissances sur les trajectoires des individus identifiés comme Juifs que nous avons localisé ces Lensois inconnus « en tant que Juifs » des autorités de l’époque mais absents, éga- lement, des listes de victimes dressées par la communauté. Suivant une logique nominative, nous avons en effet mis en œuvre une démarche pro- sopographique en cherchant les informations disponibles sur les 926 Juifs lensois identifiés. Ont ainsi été dépouillés les dossiers d’aryanisation conservés dans la série AJ38 des Archives nationales, les mémoriaux des victimes de la Shoah en France et en Belgique établis par Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg, les archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), mais également les « feuilles de témoignage » sus- citées et archivées par le Mémorial Yad Vashem en Israël 2. La numérisa- tion d’un certain nombre de ces fonds a grandement facilité ces recherches : la constitution de bases de données informatiques des vic- times consultables à distance par Yad Vashem et le CDJC nous a permis de

1. C’est la terminologie employée dans nos premiers articles réalisés à partir de ces sources : Nicolas Mariot et Claire Zalc, « Identifier, s’identifier : recensement, auto- déclarations et persécution des Juifs de Lens (1940-1945) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54-3, juillet-septembre 2007, p. 90-117 et « Acteurs, pratiques et problèmes de l’identification des Juifs lensois (1940-1944) », in Gérard Noiriel (dir.), L’Identification. Genèse d’un travail d’état, Paris, Belin, 2007, p. 181-200. 2. Créé en 1953 par une loi du Parlement israélien, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem à la fois un lieu de mémoire, de recherche, d’enseignement est un complexe muséologique. Son but est de perpétuer la mémoire individuelle et collective des victimes de la Shoah, d’honorer les Justes des Nations et de lutter contre l’oubli. Voir la base de données des noms des victimes : http://www.yadvashem.org/wps/portal/IY_HON_Welcome Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 250/304

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réaliser à domicile le long travail consistant à chercher, un à un, les noms des Lensois pour y récupérer d’éventuelles informations les concernant. Or l’interrogation systématique de ces deux bases a induit une lente modifica- tion des frontières de notre groupe, suivant alors une logique familiale. Nous retrouvions un enfant, un frère, comme Abraham, par exemple, le frère de Joseph Dawidowicz, déporté aux côtés de son épouse Mirla et de ses trois enfants, Bella (15 ans), Joseph (13 ans) et Lilane (1 an et demi). Non déclaré, non identifié auparavant, il apparaît, pour la première fois à notre connaissance, sur la liste du Transport X parti de Malines le 15 sep- tembre 1942. Notre dette vis-à-vis des recherches accomplies par les spécialistes de la Shoah en France et en Belgique est immense. Sans l’extraordinaire tra- vail réalisé par Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg, ce livre n’existerait pas. Grâce aux multiples listes, inventaires et compilations documentaires aujourd’hui disponibles suite aux entreprises qu’ils ont initiées ou réali- sées 1, nous avons été en mesure d’apprendre, exception faite de vingt noms pourtant gravés sur la plaque de marbre, que nous n’avons pu retrouver dans les listes des convois ou des internés en France ou à Malines, d’où, quand et où les déportés lensois l’ont été (chapitre 7). Deux autres corpus de sources, postérieures au conflit, sont venus encore transformer l’enquête. Les « feuilles de témoignages » conservées au mémorial Yad Vashem, d’une part. Ces simples feuilles, déposées par des parents ou proches, donnent des renseignements souvent émouvants sur les trajectoires géographiques des victimes pendant la guerre. Elles éta- blissent également des liens de parenté dont nous ignorions l’existence. La fiche signée de Betty Taustein concernant Simon et Frida Lieber nous per- met de disposer de quelques éléments des parcours de ces derniers et d’y apprendre que Betty est leur cousine par alliance. Simon fait l’objet d’un autre témoignage-souvenir établi par un ancien camarade lensois, aujour- d’hui installé à Chicago. Ce fonds nous a permis de préciser les lieux de fuite, les modes de clandestinité et, encore, de localiser des Juifs lensois qui nous étaient restés jusque-là inconnus. Précisément ceux qui, souvent parce qu’ils étaient cachés, viennent témoigner auprès de Yad Vashem pour les membres de leur famille ou leurs proches qui ont été assassinés. La feuille déposée par Franck Fajnkuchen au nom de son grand-père Manek nous révèle l’existence d’une épouse et d’un enfant, « cachés » durant la guerre et jamais identifiés par la police ou l’administration. Joseph Kleinhandler, exilé à New York, évoque ses parents Czarna et Abra-

1. Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des juifs de France, op. cit. ; Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg, Le Mémorial de la déportation des juifs de Belgique, op. cit. La liste des déportés pour l’ensemble de la région Nord-Pas-de-Calais a été établie grâce au travail de l’association La Coupole, dirigée par Yves Le Maner. Elle est disponible sur Internet àl’adresse suivante : http://www.lacoupole-france.com/fr/eo_profs/deportes/listeshtml/ index2.htm Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 251/304

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ham. Nous ignorions tout de lui car, comme il l’écrit à la rubrique « situa- tion pendant la guerre », il était caché (hidden). En outre, ces sources, pour la première fois, sont venues donner un visage aux disparus. Ce moment a joué un rôle dans l’attachement que progressivement nous portions à ces personnes, dont nous ne connaissions rien. Nous avons également retrouvé quelques photographies dans les dos- siers de naturalisation. Leur consultation a constitué l’un des tournants majeurs dans les redéfinitions des frontières du groupe. La mention de l’acquisition de la nationalité française figurait pour une cinquantaine des « Juifs lensois identifiés » entre 1940 et 1942. La démarche a alors consisté à chercher, grâce aux tables alphabétiquesexistantes,lesnomsetpré- noms des Lensois pour obtenir, le cas échéant, les numéros des décrets de naturalisation et aller consulter lesdossiersindividuels de demandes, pour la plupart (ceux postérieurs à 1930) déposés au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau 1. Selon la date de dépôt de dossier, les formulaires et les dossiers de demande de naturalisation diffèrent 2. Mais ils offrent un aperçu saisissant des trajectoires professionnelles, domici- liaires et matrimoniales, d’autant plus « complet » que les demandes ont été souvent ajournées ou refusées. Le livre qui se termine porte la trace de cette richesse documentaire. Nous avons dépouillé 140 dossiers de natura- lisation, qui concernaient 195 personnes ayant déposé leur première demande entre 1914 et 1959 (nous ne considérons pas dans ce comptage l’ensemble des enfants nés en France, obtenant la nationalité par déclara- tion). La source offre à l’historien un matériau utile pour reconstituer les itinéraires mais également les réseaux et les liens de parenté : structure et composition familiale sont renseignées ainsi que les identités des ascen- dants et des descendants. Et, non sans surprise, nous avons commencé de relever les noms d’enfants, d’épouses et de maris, de frères et de sœurs dont nous ne connaissions pas jusque-là l’existence. Grâce à ces dossiers, on a pu reconstituer les parcours de nombreuses familles lensoises avant, pendant et après les années noires. Ils nous ont également aidés à mettre au jour nombre de liens entre les familles. Ils ont en outre été indispensables à la fabrique de nombreuses variables : ancienneté sur le territoire français et à Lens, état civil précis, nationalité, nature de l’occupation professionnelle, apparentements familiaux à Lens ou ailleurs, engagement militaire en 1939-1940, parcours clandestins, évi- demment caractéristiques du retour dans le Pas-de-Calais, etc. Enfin, c’est au sein des dossiers de naturalisation que nous avons « localisé » la plus grande partie des Juifs lensois « non-déclarants non identifiés » qui sont

1. Liste alphabétique des personnes ayant acquis ou perdu la nationalité française par décret, années 1921-1930, 1931-1940, 1940-1950, 1950-1960, Paris, Imprimerie nationale. 2. Voir Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ?, Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, op. cit., notamment p. 64-65 ; Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’admi- nistration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005, p. 323-355. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 252/304

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venus s’adjoindre à notre population : plus d’une soixantaine d’individus dont a considéré qu’il était légitime de les considérer comme Juifs lensois, si nous possédions la trace, dans les dossiers, d’une domiciliation à Lens juste avant la guerre et d’un lien de filiation ou matrimonial avec l’un des Lensois identifiés auparavant. Nous sommes alors arrivés au nombre de 991, qui donne son titre à ce livre. Puis nous sommes partis à Washington.

Le dernier centre d’archives visité dans les tout derniers mois de l’enquête fut en effet l’United States Holocaust Memorial Museum (USHMM) de la capitale américaine. Outre leurs extraordinaires ressources bibliographiques, deux fonds principaux y ont été consultés (il ne s’agit pas d’ailleurs à proprement parler d’archives mais de copies numérisées ou microfilmées) : les dossiers de réfugiés des 54 Lensois qui ont réussi à gagner la Suisse entre 1942 et 1944 tout d’abord, copies microfilmées des Archives confédérales de Bern. Les archives de l’International Tracing Ser- vice surtout, situées en forme originale à Bad Arolsen, en Allemagne, et qui viennent d’être mises à disposition des chercheurs sous une forme numéri- sée rendant leur consultation relativement aisée. Ces documents nous ont permis d’interroger le devenir tragique des déportés lensois jusqu’au cœur même d’Auschwitz. Les sources de l’ITS compilent en effet, sur une base individuelle, l’ensemble des documents relatifs à la surveillance policière et l’internement des personnes persécutées, pour des raisons politiques ou « raciales », par les nazis et leurs séides dans toute l’Europe. Le service de recherche, afin de répondre aux questions que lui adressent survivants, descendants ou institutions (en particulier dans le cadre de procédures de restitution, mais aussi dans des cadres mémoriels), s’est efforcé de rassem- blerlemaximumdesourcesdisponiblessurlespersécutionsetinterne- ments des nazis et de leurs alliés. Les archives de l’ensemble des camps en Europe, des déportations, mais aussi celles de la Gestapo en Allemagne avant 1939 (nous avons constaté que certains Lensois avaient fait l’objet d’une enquête de la Gestapo avant leur immigration en France) ou de mou- vements de résistance ont été ainsi rassemblées en un même lieu pour pouvoir documenter le parcours de persécution de millions d’individus. Chaque fois que l’ITS fait l’acquisition d’un nouveau fonds, ses services établissent de nouvelles cartes pour chaque individu mentionné dans ce fonds. L’ensemble de ces fiches, aujourd’hui au nombre d’environ 50 mil- lions pour 17,5 millions d’individus recensés, compose, suivant un classe- ment phonétique élaboré par l’ITS, « l’index central des noms » (Central Name Index) que nous avons consulté à l’USHMM. Très concrètement, chaque déporté et/ou interné lensois fait ainsi l’objet d’autant de petites fiches cartonnées qu’il a connu d’arrestations, de camps (en France comme ailleurs) ou de convoi de déportations. Chacune de ces fiches renvoie, via un système de correspondance complexe, aux documents originaux dont quelques-uns ont été reproduits au chapitre 9. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 253/304

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Le plus souvent, on l’a vu, les renseignements restent lacunaires, limités aux listes des convois de déportation disponibles par ailleurs, ou aux lieux d’internement antérieurs à l’« évacuation ». Mais lorsque les individus concernés n’ont pas été assassinés dès leur arrivée à Auschwitz et que les sources n’ont pas disparu, alors les documents indexés sur chaque fiche peuvent être relativement riches. C’est particulièrement le cas des question- naires lors de l’immatriculation ou des deux grands types de registres en partie conservés : ceux des hôpitaux et ceux des décès. En tout état de cause, ces archives sont particulièrement utiles en ce qu’elles permettent théoriquement de retracer l’intégralité des itinéraires de persécution, et dès lors de ne pas s’arrêter aux marches des trains de la déportation (ou, à l’inverse, de retrouver le parcours d’internement antérieur à la déporta- tion). Pourtant, on l’a vu, il ne faut pas surestimer leur contenu : elles res- tent marquées des vides et absences créés par les politiques de masquage et de secret mises en œuvre par les nazis, en particulier pour tous les déportés exterminés à l’arrivée des convois.

Ce sont le cumul et la comparaison systématiques de ces différentes sources qui ont permis de construire notre propos. Le suivi longitudinal d’un millier d’individus a mis en lumière des liens entre les différentes sources et les différentes personnes. Un exemple parmi d’autres : la liste du convoi 5 parti de Beaune-la-Rolande pour Auschwitz le 28 juin 1942 men- tionne les noms de deux Lensois arrêtés dans la même commune de La Petite Saucelle, Eure-et-Loir : Elie Srebro et Hersh Garbus. Le fait que tous deux soient nés dans la même ville polonaise de Wegrow incitait à penser qu’ils se connaissaient avant même leur arrivée à Lens. L’enquête nous l’a confirmé : le fils de Hersh, Philippe Garbus, rédige une feuille Yad Vashem en 2006 pour chacun des deux hommes, précisant à cette occasion que son père et Elie étaient cousins germains. La comparaison permet également de montrer combien les renseignements, saisis dans un cadre spécifique, sont situés. Certains diffèrent ainsi d’une source à l’autre : années de naissance par exemple (dont on a vu l’enjeu lors du passage de la frontière suisse), professions, etc., qui témoignent des décalages possibles entre les processus de catégorisation administrative et les modes de déclaration de soi. Le codage et la mise en forme des différentes informations fut pourtant une opération nécessaire. Nous voulions tenter d’offrir une mesure des compor- tements. Pour cela, il fallait quantifier. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 254/304

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Quantifier

Dès lors qu’on se donnait pour objectif de rendre aux parcours et déci- sions observables leur épaisseur sociale, de rapporter les comportements aux caractéristiques de celles et ceux qui les adoptent, il fallait quantifier. Il ne s’agissait pas uniquement de compter combien avaient été spoliés, cachés ou déportés, mais encore de savoir qui ils étaient et en quoi ils se distinguaient (ou non) de ceux qui ne l’avaient pas été. Concrètement, nous nous sommes donc employés à remplir patiemment un grand tableau : en ligne les noms des individus ; en colonne l’ensemble, aussi systématique- ment renseigné que possible, des informations personnelles et familiales les concernant (âge, nationalité, date d’entrée en France, composition de la famille, métier, etc.). La réunion de ce matériau en une seule base de don- nées a permis de proposer un traitement statistique du devenir des indivi- dus visés par les mesures d’identification. En particulier, de comparer systématiquement les caractéristiques et itinéraires des individus et des familles selon qu’ils sont déclarés ou non identifiés, partants ou « restants » à Lens, assignés à résidence, internés ou au contraire « partis sans laisser d’adresse » durant le conflit. Cette méthode n’est pas neuve même si elle reste peu développée, en particulier en France1. Dans une remarquable note de recherche posté- rieure au lancement de notre enquête, deux chercheurs l’ont utilisée dans le but, initial, de rendre leurs noms aux victimes du nazisme d’une petite ville de Lituanie où un peu plus de 7 000 Juifs ont péri 2. Cet objectif n’était pas à l’origine de notre projet mais elle en a constitué une étape, puisque, aujourd’hui encore, on l’a dit, quelques-unes des identités des personnes inscrites sur la plaque de marbre de la synagogue de Lens restent incom- plètes, privées de prénoms ou de noms de jeune fille. Compilant, réunis- sant et croisant entre elles en une même base de données un ensemble d’informations issues de treize sources distinctes, semblables à celles que nous utilisons dans cet ouvrage (recensements, enregistrements policiers, listes de victimes et de survivants), les deux chercheurs sont parvenus à retrouver 95 % des victimes quand, au début, seuls 20 % des noms appa-

1. Pour un exemple récent d’usage secondaire des recensements successifs des Juifs, voir Camille Ménager, « Rafles, sauvetage et réseaux sociaux à Paris (1940-1944) », in Jacques Sémelin, Claire Andrieu et Sarah Gensburger (dir.), La Résistance aux génocides. De la pluralité des actes de sauvetage, Paris, Presses de Sciences Po, en particulier le tableau synthétique no 9, p. 442. 2. Edward Anders et Juris Dubrovskis, « Who died in the Holocaust ? Recovering Names from Official Records », Holocaust and Genocide Studies, vol. 17, no 1, Spring 2003, p. 114-138. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 255/304

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raissaient sur les listes. Ils soulignent en conclusion les potentialités de traitements statistiques secondaires (démographiques en particulier) que recèle la collecte des renseignements recueillis pour chaque personne « retrouvée », appelant au développement d’études semblables dans d’autres pays.

Cet appel n’a que très peu été entendu, à une exception, d’importance, près 1. Aux Pays-Bas, Manix Croes et Peter Tammes ont récemment relancé, dans une série d’articles 2, le riche débat historiographique portant sur l’explication à donner au taux de survie des Juifs vivant en Hollande en 1940 (27 %), très faible comparé aux situations belge (60 %) et française (75 %). Leur argumentation repose sur la construction d’indicateurs statis- tiques permettant d’interpréter les fortes variations du taux de survie observables au niveau des districts de la police nazie et des municipalités 3. À partir, là encore, de la constitution d’une base de données agrégées por- tant sur 306 des 496 communes du pays (l’unité d’observation n’est pas, comme dans notre cas, l’individu mais un territoire local), les deux auteurs cherchent à observer si telle ou telle variable (parmi lesquelles le pourcen- tage de catholiques, de policiers néerlandais pro-allemands, de mariages mixtes ou la date de début des déportations dans le territoire considéré) est corrélée, positivement ou négativement, au nombre de disparus à cha- cun des niveaux d’analyse considérés. C’est précisément ce type de logique que nous avons mis en œuvre dans le cas lensois. D’aucuns reprocheront à ce type de méthode de reprendre, scientifi- quement, la logique d’identification dont a été victime la population juive du bassin lensois (on parle souvent de variable « discriminante » en statis- tique), ou au minimum de conforter la logique identificatrice des adminis- trateurs et des policiers en regroupant selon une dénomination unique (la

1. Voir néanmoins, avant même cet appel, l’article pionnier de Michael L. Gross, « Jewish Rescue in Holland and France during the Second World War : Moral cognition and collective action », Social Forces, 73 (2), décembre 1994, p. 463-496. 2. Voir, outre leurs publications communes en néerlandais, Manix Croes, « The Netherlands 1942-1945 : Survival in hinding and the hunt for hidden jews », Netherlands’ Journal of Social Sciences, vol. 40, no 2, 2004, p. 157-175 et « The Holocaust in the Netherlands and the rate of jewish survival », Holocaust and Genocide Studies, vol. 20, no 3, Winter 2006, p. 474-499 ; Peter Tammes, « Jewish Immigrants in the Netherlands during the nazi occupation », Journal of Interdisciplinary History, vol. XXXVII, no 4, 2007, p. 543-562. 3. Manix Croes remet en cause les interprétations données à propos du seul taux national. Elles se révèlent fragiles, soutient-il, dès que l’on descend à des niveaux spatiaux inférieurs où les facteurs explicatifs avancés au niveau global ne jouent pas forcément ni partout ni à l’identique. Voir en contrepoint les travaux de Pim Griffioen et Ron Zeller, « La persécution des Juifs en Belgique et aux Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale. Une analyse comparative », Cahiers d’histoire du temps présent, CGTP-BEL,no 5, 1998, p. 73-132 et, en miroir à l’article de Croes dans la même revue, « Anti-jewish policy and organization of the deportations in France and the Netherlands, 1940–1944 : A comparative study », Holocaust and Genocide Studies, vol. 20, no 3, 2006, p. 437–473. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 256/304

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« population juive ») un ensemble varié d’individus, contribuant ainsi à lui conférer une existence censément homogène. Redisons-le donc nettement : l’un des objectifs essentiels de l’enquête consiste précisément à défaire l’homogénéité préconstruite du groupe, en particulier en se déprenant des formes officielles d’identification pour comprendre comme les individus vivent ou habitent, selon les moments et les lieux, leurs appartenances sociales, ethniques ou encore nationales. Au-delà même de ce premier reproche inhérent aux réquisits de la quantification, d’autres encore émettront sans doute, en observant nos tableaux, des réserves de principe : peut-on raisonnablement réduire les choix opérés en des circonstances tragiques aux caractéristiques sociales, démographiques ou familiales des individus concernés ? Pense-t-on réelle- ment rendre compte d’enjeux aussi cruciaux, mettant en cause l’Humanité même, à l’aide de variables triviales comme le nombre d’enfants, l’âge ou le niveau de revenu ? Face à ces objections, nous espérons seulement qu’au terme de ce livre, le surplus de connaissances apporté à des questions trop souvent sujettes, faute d’enquêtes empiriques, à l’expression de points de vue impressionnistes (naïveté ou lucidité ?), apporte quelques éléments de compréhension. Car procédant ainsi, on se donne les moyens de comparer des trajec- toires individuelles ou familiales sinon laissées à leur singularité. En sui- vant pendant cinq années une cohorte d’un millier de personnes, on entreprend de dépasser les jugements psychologiques quant aux choix effectués par les personnes. Ceux-ci ne sont plus ramenés à des décisions morales censément effectuées en toute connaissance de cause, ni évalués au prisme des catégories de jugement des enquêteurs ou de leurs lecteurs, mais rapportés à l’environnement familial, économique, de voisinage dans lequel ils prennent place. La quantification permet ainsi de rompre avec une logique individuelle, avantage considérable lorsqu’on traite de ques- tions controversées et enjeux de mémoire. Procéder à partir de parcours singuliers, c’est en partie risquer de ne conserver que les plus « exem- plaires » ou « hors norme », ceux qui ont laissé les traces les plus fortes ou les plus parlantes, ceux que l’on connaît le mieux parce qu’on a pu retrou- ver les descendants ou collecter des archives privées. Sans les atouts de la quantification, il nous aurait été difficile de prendre l’exacte mesure du caractère exceptionnel des départs de la famille Dawidowicz au regard des ressources et réseaux des autres Lensois, alors même qu’elle est celle que l’on connaît avec le plus grand luxe de détails. Dans une perspective qui n’est, disons-le nettement, aucunement antagoniste ou exclusive d’une démarche plus qualitative, on a tenté de qualifier statistiquement les carac- téristiques des partants, selon les moments de leur fuite et les lieux atteints. Certains indicateurs sont déterminants (la taille du ménage par exemple), d’autre pas. C’est un point particulièrement important : l’indication systé- matique du test de Khi 2 pour l’ensemble des tableaux du livre permet de rendre compte de la significativité, ou non, des résultats obtenus. Or la Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 257/304

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non-significativité statistique peut constituer en elle-même un résultat marquant. Montrer qu’il y a une probable indépendance entre le fait de se déclarer ou de ne pas le faire et le fait d’être ou non déporté par la suite permet d’écarter résolument tout jugement de valeur quant à la « qualité » supposée du « choix » opéré par les familles. En ce sens, la mise en fichier est aussi une forme de plaidoyer pour une analyse dépersonnalisée et col- lective des situations dites extrêmes.

Le cadre monographique

Le cadre monographique s’est imposé dans cette démarche. Il semble être le seul moyen d’ancrer l’analyse des comportements au sein des espaces sociaux où ils prennent concrètement forme et sens. Ce n’est pas Lens qui donne une raison à cette histoire, la recherche aurait pu se dérouler dans bien d’autres endroits, mais il était nécessaire que notre recherche s’inscrive « quelque part », dans un lieu identifiable en tant qu’espace social, un terrain d’observation circonscrit sur lequel il devenait possible de restituer, entre choix et contrainte, les déterminants sociaux des décisions prises par les individus. L’adoption d’un cadre local conduit à éclairer d’une lumière différente, moins strictement intellectuelle, la question des « choix » et des « déci- sions ». On l’a vu : le départ n’est pas toujours, loin s’en faut, un choix, même s’il a pu l’être pour quelques-uns. Il suppose des conditions maté- rielles et des moyens humains. Bien rares sont les cas où les « décisions prises » peuvent être résumées à de purs arbitrages intérieurs et individuels. Le cadre monographique permet de rendre aux décisions, qu’elles soient volontaires ou imposées, leur épaisseur familiale et sociale 1.L’hypothèse

1. Sur l’apport de la démarche monographique à l’analyse du nazisme, voir le classique de William S. Allen, Une petite ville nazie, Paris, Robert Laffont, « 10/18 », 2003 [1965], et plus près encore de notre objet, Henry Huttenbach, The Destruction of the Jewish Community of Worms, 1933-1945 : A Study of the Holocaust Experience in Germany, New York, Memorial Committee of Jewish Victims of Nazism from Worms, 1981, ou encore Panikos Panayi, « Victims, perpetrators and bysbanders in a German town : The jews of Osnabrück before, during and after the Third Reich », European History Quarterly, 33 (4), 2003, p. 451-492. Sur le cas français, Tal Bruttmann, La Logique des bourreaux, 1943-1944, op. cit. ; Renée Dray- Bensoussan, Les Juifs à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale. Août 1939-août 1944, Paris, Les Belles Lettres, 2004 ; Romain Dupré, La Communauté juive de Reims des années trente à la fin des années quarante, mémoire de master d’histoire sous la direction de Catherine Nicault, université de Reims Champagne-Ardenne, 2008 ; Michael Iancu, Vichy et les Juifs. L’exemple de l’Hérault (1940-1944), Montpellier, Éditions des Presses universitaires de la Méditerranée, 2007. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 258/304

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de travail qui nous a constamment guidés est en ce sens très simple : les attitudes des Juifs lensois face à la persécution seront d’autant mieux com- prises que sera finement restitué leur ancrage social. Dans cette perspec- tive, le bassin lensois offrait deux avantages : la taille de la population, à la fois importante mais pas trop, vivant sur un terrain d’enquête circonscrit à quelques dizaines de kilomètres carrés d’une part ; la relative homogénéité du milieu étudié d’autre part. Le cadre monographique a ainsi permis de mettre en œuvre avec efficacité notre démarche : mener une recherche à la fois intensive et, autant que faire se peut, exhaustive, des liens, lieux et personnes qui composent et traversent l’espace social lensois afin d’insérer localement, socialement et chronologiquement, les décisions prises. Cette histoire adopte un point de vue qu’on pourrait qualifier de « mésoscopique » pour reprendre la terminologie de Paul-André Rosental 1. Via l’analyse des trajectoires biographiques, la démarche relève pour partie du mouvement récent de développement des monographies familiales de victimes de la Shoah2. Pourtant elle ne s’yréduitpas,encesensqu’elle s’efforce de reconstituer un collectif dans lequel les trajectoires familiales sont liées et, pensons-nous, prennent sens. Dans son livre Into the Tunnel, Götz Aly tente de raconter la vie d’une petite fille, née le 27 juillet 1931 en Allemagne, tuée à Auschwitz le 3 mars 1943 alors qu’elle n’a pas 12 ans 3. Son choix s’est porté sur Marion Samuel, l’héroïne du livre, à l’occasion de la remise d’un prix portant le nom de cette victime anonyme parmi tant d’autres de la Shoah. Réfléchissant à ce qu’il pourrait dire dans son discours de récipiendaire, l’historien allemand s’est mis en tête de raconter le parcours des membres de la famille Samuel et les événements de leur vie. Into the Tunnel est le fruit de cette enquête : il s’apparente à une sorte d’inventaireou,mieux,delongcommentaire, appliqué à un exemple travaillé sous toutes les coutures, des documents d’archives allemandes sur le fonctionnement ordinaire de la Shoah : listes, tableaux, comptes bancaires, inventaires d’expropriation, réponses au recensement, carte de vaccination scolaire… Dans un deuxième livre, qu’on pourrait traduire par « Les voix du peuple », il propose l’analyse de différents indicateurs macrosociologiques conçus comme autant d’outils de mesure de la « réception » du message hitlérien dans la société 4. Il examine, sur la

1. Paul-André Rosental, « Pour une analyse mésoscopique des migrations », Annales de démographie historique,no 2, 2002, p. 145-160. 2. Pensons aux beaux livres de Daniel Mendelsohn, Les Disparus, Paris, Flammarion, 2007 ou, pour ce qui concerne la clandestinité, de Mark Roseman, The Past in Hiding, Londres, Allen Lane, 2000, analyse de la trajectoire de fuite d’une jeune juive allemande dans un groupe clandestin au cœur de l’Allemagne nazie. En France, voir Françoise Milewski, Un livre du souvenir. À la recherche d’une famille juive décimée en Pologne, Paris, La Décou- verte, 2009. 3. Götz Aly, Into the Tunnel. The Brief Life of Marion Samuel, 1931-1943, op. cit. 4. Götz Aly (dir.), Volkes Stimme. Skepsis und Führervertrauen im Nationalsozialismus, Francfort, Fisher Verlag, 2006. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 259/304

RETOUR SUR UNE ENQUÊTE 259

période 1932-1945, l’évolution des attributions des prénoms des dignitaires du régime aux nouveau-nés, des abandons de déclaration d’appartenance à une église, des versements d’épargne à la caisse « nationale-socialiste », ou encore le choix des familles de préférer, dans les annonces de décès, la mention « tombé pour le Führer » plutôt que « pour la mère patrie ». Bref, autant de phénomènes sociaux dont les variations indiquent, sans doute plus objectivement et précisément que l’« antisémitisme éliminationniste » d’un Goldhagen1,laprofondeurdel’imprégnation du nazisme dans la société allemande. Pour intéressant et novateur qu’il soit, l’ouvrage ne répond pas pour autant aux questions que nous souhaitions poser : les don- nées qui y sont analysées, produits d’agrégations nationales, ne permettent pas de contextualiser ces choix. On ne sait pas quelles familles allemandes ont adopté ces comportements, et moins encore dans quelles circonstances (familiales, amicales, de voisinage, de travail, etc.) elles ont décidé ou ont été conduites à les tenir. L’échelle adoptée ici se situe en quelque sorte à mi- distance entre les deux possibilités explorées par l’historien allemand. L’individu y reste au centre mais nous y multiplions par 991 le travail réalisé par Götz Aly à propos de Marion Samuel. C’est pourquoi notre enquête adopte les limites circonscrites d’un milieu social cohérent, qui permet de repérer et d’analyser avec précision l’ensemble des relations interperson- nelles observables historiquement et les ressources dont les individus dis- posent. En ce sens, elle repose sur des principes comparables à ceux mis en œuvre par Mark Roseman. Ce dernier souligne en effet, à propos des réseaux de sauvetage des Juifs, la nécessité de se déprendre d’analyses dominées par la personnalité ou le profil psychologique des sauveteurs pour insister bien plus sur la structure des groupes concernés, leurs moyens matériels et l’économie morale (ici au sens plein de l’expression) de ces collectifs 2.L’enquête peut encore être rattachée aux questions soule- vées par Gunnar Paulson dans l’étude, pour partie quantitative, qu’il consacre à l’analyse des rares Juifs survivants cachés dans Varsovie après avoir échappé à l’enfermement dans le ghetto ou réussi à le quitter, clan- destinement et, très souvent, fort tardivement 3. Si l’objectif revient donc bien à exposer les déterminants qui pèsent sur les comportements, on ne saurait qu’abusivement assimiler la démarche à l’établissement d’un modèle explicatif rigide. Il ne s’agit en rien de donner les causes des décisions prises, mais de considérer celles-ci en contextes, à

1. Daniel J. Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l’holocauste, Paris, Seuil, 1997 [1996]. 2. Voir Mark Roseman, The Past in Hiding, op. cit. Et du même en français, « Survivre dans la clandestinité. Le “Bund” dans l’Allemagne nazie », in Jacques Sémelin, Claire Andrieu et Sarah Gensburger, La Résistance aux génocides, op. cit., 2008, p. 475-490. 3. Gunnar S. Paulson, Secret City : The Hidden Jews of Warsaw, 1940-1945, Yale, Yale University Press, 2003. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 260/304

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la fois familiaux, sociaux, temporels et locaux. Mettre en lumière ces déter- minations collectives, c’est éclairer comment des actes et des comporte- ments, même en situation extrême, ne résultent pas uniquement du seul jeu de l’individu dans un face-à-face de soi à soi. En ce sens nous espérons avoir convaincu, au terme de cette enquête, de l’intérêt d’adopter les démarches classiques de l’histoire sociale sur des objets de recherche qui en sont trop souvent privés. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 261/304

NOTES

Avant-propos 1. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Fayard, 1988 [1961] ; Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive ». La technique, le temps et les catégories de la décision, Paris, Fayard, 2004 ; Saul Friedländer, Les Années d’extermina- tion. L’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Paris, Seuil, 2008. Pour la France, Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Hachette, 1994. Pour la Belgique, Maxime Steinberg, L’Étoile et le fusil, Bruxelles, Éditions Vie ouvrière, 2 volumes, 1984, et La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Bruxelles, Éditions Complexe, 2004. 2. Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Paris, Beate et Serge Klarsfeld, 1978 et Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la question juive en France, Paris, Fayard, 1983-1985 ; Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg, Le Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique, Bruxelles, Union des déportés juifs de Belgique et Klarsfeld, 1982. Enfin et surtout voir l’édition récente des 4 volumes du nouveau mémorial des Juifs de Belgique, Mecheln-Auschwitz. 1942-1944. La destruction des Juifs et des Tziganes de Belgique, Malines, Joods Museum van Deportatie en Verzet, VubPress, 2009. 3. Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Paris, Plon, 1998. 4. Götz Aly, Into the Tunnel. The Brief Life of Marion Samuel, 1931-1943, New York, Metropolitan Books, 2007 ; Alain Corbin, La Vie retrouvée de Louis François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 1998.

Prologue 1. Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales 1791-1939. Naissance, croissance, épanouissement, doctorat d’État, Université de Lille-III, 1998 et plus spécifi- quement sur Lens, « Grandeur et misère de la communauté juive de Lens (1920- 1944) », Gauhéria,no 21, 1989, p. 65-70. 2. Nous utilisons le terme « communauté » non dans son sens cultuel ou associatif mais comme expression pour qualifier le groupe des Juifs lensois. 3. Janine Ponty, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988. 4. Ibid., p. 71-81. 5. Patrick Weil, La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours, Paris, Gallimard, 1995 (1re éd. Calmann-Lévy, 1991), p. 27. 6. Jean-Charles Bonnet, Les Pouvoirs publics français et l’immigration dans l’entre- Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 262/304

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deux-guerres, Lyon, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976. 7. Didier Witrant, Les Étrangers aux Compagnies de Lens et d’Aniche dans l’entre- deux-guerres (1920-1932), Aspect économique et sociologique,mémoiredemaîtrise, Lille-III, 1991. 8. Janine Ponty, Polonais méconnus, op. cit., p. 118-124. 9. Ibid.,p.20-29et39-50;Tous gueules noires. Histoire de l’immigration dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Centre historique minier du Nord-Pas-de-Calais, coll. « Mémoires de Gaillette », no 8, 2004, p. 52 et 60. 10. Les lieux de naissance ont été classés et codés en fonction des découpages admi- nistratifs de la Pologne des années 1930, même si pour les individus nés avant la Première Guerre mondiale, ces frontières ne correspondent pas à celles en vigueur durant leur enfance. 11. Centre des archives nationales (CARAN), dossier de demande de naturalisation, BB11/12613. Son parcours détaillé est évoqué plus loin. 12. CARAN BB11/13162. 13. Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles. Espaces, familles et migrations dans la France du XIXe siècle, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1999. 14. Les données dépendent en effet des dossiers de naturalisation et ne concernent que 167 individus. 15. Daniel Tollet, Histoire des Juifs en Pologne du XVIe siècle à nos jours, Paris, PUF, 1992, p. 260-261. 16. Emanuel Melzer, « Antisemitism in the last years of the Second Polish Republic », in Yisrael Gutman, Ezra Mendelsohn, Jehuda Reinharz et Chone Schmeruk (éds), The Jews of Poland Between Two World Wars, Hanovre et Londres, University Press of New England, 1989, p. 126-137. 17. Centre des archives contemporaines, Fontainebleau (désormais CAC), dossiers de demande de naturalisation respectivement datés des 25/5 et 14/8/1947, CAC 19780029/45 dossier 21142X47 et 19780030/53 dossier 32285X47. 18. CAC 19780013/281 dossier 25907X46. 19. Georges Mauco, Les Étrangers en France, Paris, Colin, 1932, p. 137. 20. CAC 19790852/164 dossier 10268X49. 21. CAC 19780029/53 dossier 21440X47. 22. CAC 19780018/192 dossier 17744X47. 23. CAC 19790852/174 dossier 10606X49. 24. Entretien avec Sylvain Auslender et Adolphe Ekman, 12 juin 2003, Lille. 25. L’obligation scolaire est portée de 13 à 14 ans par Jean Zay, ministre de l’Éduca- tion nationale sous le Front populaire, le 9 août 1936. 26. Archives confédérales de Bern (ACB), E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 11452. 27. Nancy Green, LesTravailleursimmigrésjuifsàlaBelleÉpoque:le«Pletzl»à Paris, Paris, Fayard, 1985, p. 147 et p. 152-153. Sur le cas anglais, David Feldman, Englishmen and Jews. Social Relations and Political Culture, 1840-1914, New Heaven et Londres, Yale University Press, 1994, p. 185 et suiv. 28. Entretien avec Sylvain Auslander et Adolphe Ekman, 12 juin 2003, Lille. 29. Claire Zalc, Melting Shops. Une histoire des commerçants étrangers en France, Paris, Perrin, 2010, p. 122-133. 30. 50 % du total des indépendants, mais 68 % de ceux dont on connaît le secteur d’activité. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 263/304

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31. Nancy Green, Du Sentier à la Septième avenue. La confection et les immigrés, Paris-New York 1880-1980, Paris, Seuil, 1998, en particulier p. 268 et suiv. 32. Entretien avec Mireille Schafier, secrétaire de la communauté juive de Lens, 16 avril 2003. 33. Chone Schmeruk, « Hebrew-Yiddish-Polish : A trilingual jewish culture », in Yisrael Gutman et alii (éds), The Jews of Poland Between Two World Wars, op. cit., p. 285-311. 34. Entretien avec Adolphe Ekman, Paris, 12 juin 2003. 35. Claire Zalc, « Partenaires économiques et insertion locale. Une entrepreneuse immigrée à Lens dans l’après-guerre », Migrations Société, vol. 18, no 108, novembre- décembre 2006, p. 195-211. 36. Entretien avec Greta Schor, Paris, 10 janvier 2003. 37. Ibid. 38. Entretien avec Sylvain Auslender, Lille, 16 avril 2004. 39. Nancy Green, Les Travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque, op. cit., p. 156. 40. Entretien avec Joseph Pahmer, 16 avril 2003, Lens. Dossier de naturalisation CARAN 23524X47. 41. CARAN, BB11/13162, avis du préfet, 31 juillet 1930. 42. Claire Zalc, « Contrôler et surveiller le commerce migrant. Nomades, forains et ambulants à Paris (1912-1940) », in Marie-Claude Blanc-Chaléard, Caroline Douki, Nicole Dyonet et Vincent Milliot (dir.), La Police et les migrants, Rennes, Presses uni- versitaires de Rennes, 2001, p. 365-388. 43. Harrisson C. White, « Where do markets come from ? », American Journal of Sociology, vol. 87, 1981, p. 517-547 et Markets from Networks : Socioeconomic Models of Production, Princeton, Press, 2002. 44. Entretien avec Charles Szulman, 13 avril 2004. 45. Jean Laloum, Les Juifs dans la banlieue parisienne, des années 20 aux années 50, Paris, CNRS Éditions, 1998. 46. CAC 19780036/152 dossier 30544X48 ; Thomas Piketty, Les Hauts Revenus en France au XXe siècle. Inégalités et redistributions, 1901-1998, Paris, Grasset, 2001, p. 679. 47. CAC 19770890 dossier 34669X36. 48. CARAN AJ38/4925. 49. CARAN AJ38/4927. 50. CAC 0019770893 dossier 17717X37. 51. CARAN AJ38/5851 dossiers 12373 et 12374. 52. Michel Lescure, PME et croissance économique. L’expérience française des années vingt, Paris, Économica, 1996. 53. CARAN AJ 38/4927 et 5851 dossiers 11931 et 11792/11793. 54. CARAN AJ 38/4915 et 5851 dossiers 11791 et 47. 55. CARAN AJ 38/4919 dossier 8785. 56. CARAN AJ 38/4919 dossier 9746. 57. Rapport du commissaire spécial de Lens à Monsieur le sous-préfet de Béthune, le 15 novembre 1929, dossier de demande de naturalisation, CARAN BB11/12613. 58. Lettre du 17 juin 1930, CARAN BB11/12613. Sur les réseaux socialistes dans le bassin minier, voir Frédéric Sawicki, « Le bassin minier, bastion de la gauche », in Jean-Claude Rabier, Hubert Cukrowicz, Hubert Bataille (dir.), La Remonte : le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, entre passé et avenir, Lille, Presses du Septentrion, 2002, notamment p. 80-87 pour l’entre-deux-guerres. 59. Rapport des Renseignements généraux de Lens au sous-préfet de Béthune sur les associations juives existant avant 1940, daté du 23/11/1942, Archives Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 264/304

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départementales du Pas-de-Calais (ADPC) 1Z1022. Voir aussi le dossier de naturalisa- tion de Szawel Thau, CAC 19780029/247 dossier 28815X47. 60. Marie-Claude Blanc-Chaléard, « L’habitat immigré à Paris aux XIXe et XXe siècles : mondes à part ? », Le Mouvement social, no 182, janvier-mars 1998, p. 29- 53. 61. ADPC 1Z1022, rapport des Renseignements généraux de Lens au sous-préfet de Béthune sur les associations juives existant avant 1940 (rapport du 23 novembre 1942). 62. Emmanuelle Saada, « Les territoires de l’identité. Être juif à Arbreville », Genèses,no 11, 1993, p. 111-136. 63. Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales 1791-1939, op. cit., p. 853. 64. Entretien avec Mathilde Goldblum, 18 avril 2003. 65. Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales 1791-1939, op. cit., p. 738-739. 66. Patricia Hidiroglou, Rites funéraires et pratiques de deuil chez les Juifs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1999. 67. Répertoire du cimetière israélite, Éleu-dit-Leauwette, arrondissement d’Arras. Archives privées Sylvain Auslender. 68. ADPDC 1Z1022. 69. La Terre retrouvée, 25/5/1934, cité par Danielle Delmaire, art. cité, p. 71. Sur ce type de manifestations sionistes du KKL, voir Catherine Poujol, « Vie quotidienne d’un propagandiste au bureau de Paris du Fonds national juif (KKL) (1926-1936) », Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem,no 8, 2001, p. 69-85. 70. Catherine Nicault, La France et le sionisme 1897-1948. Une rencontre manquée ?, Paris, Calmann-Lévy, 1992. 71. CAC 34078X38, 17515X36, 6435X38 et 33086X39. 72. Manuscrit intitulé « La question juive », daté d’octobre 1940, présenté et cité par Maxime Steinberg, L’Étoile et le fusil, tome 1 : La question juive, 1940-1942, Bruxelles, Éditions Vie ouvrière, 1983, p. 71-72. 73. Cahier des PV de la commission, cité par Danielle Delmaire, Les Communautés juives septentrionales 1791-1939, op. cit., p. 817 et 740. 74. PV de la séance du 13/4/1926, ibid., p. 736. 75. Ibid., p. 679. 76. Lettre du 28/2/1933, Archives départementales du Nord (AD Nord) M/154 1313, cité par Danielle Delmaire, art. cité, p. 69. 77. En majuscules dans le texte. CARAN F7 16036. Dossier C 13 2. 78. Claire Zalc, Melting Shops. Une histoire des commerçants étrangers en France, Paris, Perrin, 2010, p. 205-231 ; Vicki Caron, « The Antisemitic Revival in France in the 1930’s : the Socioeconomic Dimension Reconsidered », The Journal of Modern History, vol. 70, no 1, 1998, p. 24-73.

CHAPITRE 1 Se déclarer 1. Pour la zone sud, voir le dossier « Les évictions professionnelles sous Vichy », Archives juives, 2008/1, no 41. 2. Paul Schor et Alexis Spire, « Les statistiques de la population comme construction de la nation. La mesure des origines nationales dans les recensements français et Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 265/304

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américains (1850-1920) », in Riva Kastoryano (dir.), Les Codes de la différence. Race – Origine – Religion. France – Allemagne – États-Unis, Paris, Presses de la FNSP, 2005. 3. Olivier Le Guillou, « L’émigration russe en France, Boulogne-Billancourt et les usines Renault : lieux d’habitation et emplois des émigrés russes dans l’entre-deux- guerres », in Éric Guichard et Gérard Noiriel (dir.), Construction des nationalités et immigration dans la France contemporaine,Paris,Pressesdel’École normale supé- rieure, 1997, p. 223 à 228 ; Catherine Gousseff, L’Exil russe. La fabrique du réfugié apatride (1920-1939), Paris, CNRS Éditions, 2008, notamment p. 106-108. 4. Nancy Green, Les Travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque, op. cit., p. 263. 5. Gaël Eismann, « La politique de “maintien de l’ordre et de la sécurité” conduite par le Militärbefehlshaber in Frankreich (commandant militaire allemand en France) et ses services, 1940-1944 », doctorat d’histoire, Institut d’études politiques de Paris, 2005. 6. Éric Alary, Les Français au quotidien, 1939-1949, Paris, Perrin, 2006, p. 223. 7. Sur ces questions, voir Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, 1940-1944, Lille, Éditions La Voix du Nord, 2006, partie « La toute-puissance de l’occupant », p. 78-140 (p. 89 et 96 pour les citations). 8. Étienne Dejonghe, « Les départements du Nord et du Pas-de-Calais », in Jean- Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France des années noires, tome 1 : De la défaite à Vichy, Paris, Seuil, 1993, p. 495. 9. Journal officiel (Verkündungsblatt des Oberfeldkommandanten) contenant les ordonnances du Gouverneur militaire pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, no 7, 6/12/1940, p. 129-130, ADPC 1Z497. 10. Ibid. Pour la zone occupée, voir CDJC, Les Juifs sous l’Occupation. Recueil des textes officiels français et allemands, 1945, rééd. 1982 par l’Association « Les fils et filles des déportés juifs de France », p. 18. 11. Journal officiel du Gouverneur militaire pour les départements du Nord et du Pas- de-Calais,no 7 daté du 6/12/1940, p. 129-130. 12. Jean Lubetzki, La Condition des Juifs en France sous l’Occupation allemande, 1940-1944, Paris, CDJC, 1945, p. 136-137. 13. Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., note 46 p. 70 ; Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives. L’administration française et l’application de la législation antisémite (1940-1944), Paris, La Découverte, 2005, p. 29-32 ; Laurent Joly, Vichy et la « solution finale ». Histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944), Paris, Grasset, 2006. 14. CDJC, Les Juifs sous l’Occupation, op. cit., p. 19. La loi du 3 octobre prescrit d’emblée tout un ensemble d’interdits professionnels mais ne prévoit pas encore de recensement : il ne sera organisé en zone libre que suite à la loi du 2 juin 1941. 15. Jean Marcou, « La “qualitédeJuif” », Le Droit antisémite de Vichy, Le Genre humain no30 et 31, Paris, Seuil, 1996, p. 156-157. 16. Ordonnance du 5/7/1941, Journal officiel (Verkündungsblatt des Oberfeldkommandanten) du Gouverneur militaire pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais en date du 16/7/41, p. 312-313, ADPC 1Z497. 17. Jean Lubetzki, La Condition des Juifs en France sous l’Occupation allemande, 1940-1944, op. cit., p. 136. 18. Gérard Noiriel, Les Origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette Littératures, 1999, p. 204-206 en particulier. 19. ADPC 1Z500bis et 1Z499. 20. Ibid. 21. Il s’agit bien entendu d’une erreur de la sous-préfecture de Béthune, l’ordon- nance datant du 18 novembre 1940. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 266/304

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22. ADPC 1Z500bis. 23. Circulaire citée par Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives, op. cit., p. 47. 24. Note sans date du ministre de l’Intérieur au garde des Sceaux, en réponse à un courrier du 21/11/1940, ibid., p. 43. 25. ADPC 12500 bis. 26. Sur le désordre, en zone non occupée, voir Tal Bruttmann, « La mise en œuvre du statut des Juifs du 3 octobre 1940 », Archives juives, 2008/1, no 41, p. 11-24. 27. Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique, op. cit., p. 137. 28. CAC 19770892, dossier 10149X37. 29. CAC 19770897, dossier 34078X38. 30. CAC 19770901, dossier 33086X39. 31. CARAN AJ38/4915, D 2469. 32. Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, tome 2 : Sep- tembre 1942-août 1944, Paris, Fayard, 2001, p. 1051. 33. Léon Poliakov, L’Étoile jaune, Paris, Grancher, 1999, 1re éd. 1949, p. 54. 34. Jean Lubetzki, La Condition des Juifs en France sous l’Occupation allemande, 1940-1944, op. cit., p. 136. 35. Martina Avanza et Gilles Laferté, « Dépasser la “construction des identités” ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses,no 61, décembre 2005, p. 134- 152. 36. Jean-Jacques Becker et Annette Wieviorka (dir.), Les Juifs de France de la Révo- lution française à nos jours, Paris, Liana Levi, 1998, p. 200. 37. Sur les positions des instances communautaires nationales, voir Michel Laffitte, Juifs dans la France allemande. Institutions, dirigeants et communautés au temps de la Shoah, Paris, Tallandier, 2006, notamment sur la question du « fichage », p. 99-117. 38. Rapport du commissaire principal de Béthune du 6/3/1943, ADPC 1Z497. 39. L’ensemble des déclarations est conservé sous la cote ADPC 1Z500bis. 40. Il subsiste un doute pour les 10 restantes. 41. Le « Fichier juif ». Rapport de la commission présidée par René Rémond au Pre- mier ministre, Paris, Plon, 1996, p. 63-65. 42. Juliette Cadiot, Le Laboratoire impérial Russie-URSS, 1870-1940, Paris, Presses du CNRS, 2007 ; Nathalie Moine, « Le système des passeports à l’époque stalinienne. De la purge des grandes villes au morcellement du territoire, 1932-1953 », Revue d’his- toire moderne et contemporaine, 50/1, 2003, p. 145-169. 43. Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives, op. cit., p. 25. 44. Rapport d’octobre 1940 présenté et cité M. Steinberg, L’Étoile et le fusil, tome 1, op. cit., p. 69. 45. Gérard Noiriel, La Tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p. 156-180. 46. Gérard Noiriel, Les Origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette, 1999, p. 173. 47. Lettre du 27 septembre 1941. ADPC 1Z499. 48. Lettre du commissariat d’Auchel du 10/10/1941, ADPC 1Z499. 49. ADPC 1Z499.

CHAPITRE 2 Partir 1. Konrad Kwiet, « To leave or not to leave : The German Jews at the crossroads », in Walter H. Pehle (éd.), November 1938 : From « Reichskristallnacht » to Genocide, Oxford, Berg Publishers Inc., 1991. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 267/304

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2. Les listes sont conservées dans cinq cartons des Archives départementales du Pas-de-Calais, référencés aux cotes 1Z497, 1Z499, 1Z500, 1Z500bis et 1Z503. 3. Lettre manuscrite datée du 27/4/1947, CAC 19780029/68 dossier 21992X47. 4. Archives confédérales de Bern (ACB), E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 11452. 5. CAC, dossier de naturalisation 19790853/52, 14906X49. 6. Rapport de police du commissaire de Bully-les-Mines daté du 20/5/1947, CAC 19780018/192, dossier 17744X47. 7. Note du préfet de Dordogne, bureau des étrangers, 4/7/1947, ibid. 8. Les Juifs lensois de nationalité tchèque auraient également pu, théoriquement, être mobilisés dans la division de l’armée tchécoslovaque reconstituée et organisée en France par l’ambassadeur Osulsky en septembre 1939, mais nous n’avons pas trace de semblables enrôlements. Cf. Jean-Philippe Namont, « Les Tchèques et les Slovaques en France depuis la fin du XIXe siècle », http://www.histoire-immigration.fr/index.php ? lg=fr&nav=830&flash=0 9. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 12646, questionnaire. 10. CAC 19770890/245, dossier 36491X36. 11. Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 42. 12. Démobilisation à Montpellier en septembre 1940, CAC 19770881, dossier 24134X33. 13. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 07385. Déclaration de B. Schiff à la police de Genève le 17/12/1942. 14. CAC 19780029/68, dossier 21988X47. 15. Articles 1 et 2 du décret du 12/4/1939, JO du 16/4/1939. La mention « dans un corps de l’armée » explique peut-être que certains Lensois aient pu être, comme on l’a vu, versés dans des régiments « nationaux ». 16. Christian Eggers, Im Vorzimmer zu Auschwitz. Juden aus Deutschland und Mitteleuropa in französischen Internierungslagern 1940-1942,doctoratsoutenuàla Freie Universität Berlin, 1992, et du même auteur, « L’internement sous toutes ses formes : approche d’une vue d’ensemble du système d’internement dans la zone de Vichy », Le Monde juif-Revue d’histoire de la Shoah,no 153, janvier-avril 1995. 17. Décret du 27/4/1939, JO du 9/6/1939, p. 7286. Voir Regina M. Delacor, « From potential friends to potential enemies : The internment of “Hostile foreigners” in France at the Beginning of the Second World War », Journal of Contemporary History, vol. 35, no 3, 2000, p. 361-368. 18. Les liens entre les différents pans de la gestion des étrangers transparaissent d’ailleurs clairement dans le premier bilan établi, le 25 avril 1940, par l’état-major et pour les seuls 104 000 réfugiés espagnols encore présents, puisque tous ont été astreints aux prestations prévues : 40 000 sont directement mis au travail dans l’indus- trie ou l’agriculture, 55 000 sont intégrés dans les CTE, 6 000 engagés dans la Légion ou les RMVE (cité par Denis Peschanski, Les Camps français d’internement (1938- 1946), thèse d’État sous la dir. d’Antoine Prost, université Paris-I, 2000, version électro- nique tel-00362523, version 1 du 18/2/2009, p. 228-231). 19. Sylvain Zorzin, « Le camp de Septfonds (Tarn-et-Garonne) : soixante ans d’his- toire et de mémoires (1939-1999) », mémoire de recherche de l’IEP de Bordeaux, 2000, p. 31-51 pour l’histoire du camp. 20. Stéphane Courtois et Adam Rayski (dir.), Qui savait quoi ? L’extermination des Juifs 1941-1945, Paris, La Découverte, 1987, p. 123 ; Anne Grynberg, Les Camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, Paris, La Découverte, 1991. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 268/304

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21. Joseph Ratz, La France que je cherchais. Les impressions d’un Russe engagé volontaire en France, Limoges, Imp. A. Bontemps, 1945, p. 83 et 108. 22. Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 215. 23. Gérard Gobitz, Les Déportations de réfugiés de zone libre en 1942, Paris, L’Har- mattan, 1996, p. 34. 24. CAC 19770904, dossier 22267X40. 25. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 06395. Déclaration de M. Mendlewicz, Kriminalpolizei du canton de Zurich, 12/10/1942. 26. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 9596. Déclaration de A. Ringel le 10/4/1943, police de Genève. 27. CAC 197800180/58, dossier 12454X47. 28. CAC 19790855/275, dossier 16546X50. 29. CAC 19790855/223, dossier 14709X50. 30. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 86. 31. Étienne Dejonghe, « Les départements du Nord et du Pas-de-Calais », in Jean- Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France des années noires, tome 1 : De la défaite à Vichy, op. cit., p. 490-492 ; sur l'Exode, Éric Alary, L'Exode, un drame oublié, Paris, Perrin, 2010. 32. A. Kaspi, Les Juifs pendant l’occupation, Paris, Seuil, 1991, p. 91. 33. ADPC 1Z717 et 1Z499. 34. Apriori, seuls 6 des 320 ménages juifs lensois possèdent une automobile en 1940 (par comparaison, le taux d’équipement national atteint 20 % des ménages avant guerre ; André Villeneuve, « L’accoutumance à l’automobile », Économie et statistiques, vol. 23, 1971, p. 3). Ceux qui parviennent vite au sud de la Loire ont pu prendre un train vers Paris avant le 18 mai, date à laquelle la gare de Lens, bombardée, cesse tout fonctionnement. 35. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 07385. Déclaration de B. Schiff, police de Genève le 17/12/1942. 36. Respectivement CAC 20020469/388 dossier 13391X57 et 197780029/108 dossier 23524X47. 37. Archives Sylvain Auslender, tapuscrit « Les hasards de la vie », septembre 2003, p. 3. 38. CAC 19790858/18 dossier 14110X51. 39. Archives Jean Dawidowicz, mémoire sans titre manuscrit et tapuscrit en deux parties, « 1939-1941 » et « 1941-1945 », sans date mais postérieur à 1990, partiellement publié dans « Un jeune couple dans la guerre. Témoignage de Jean et Charlotte Dawidowicz », Tsafon, revue d’études juives du Nord,no 47, 2004, p. 41-60. 40. Danièle Gervais-Marx, dans son témoignage, raconte comment sa mère et elle, venues rendre visite au père démobilisé en zone sud, se retrouvent coincées en octobre 1940, au moment de tenter de regagner leur domicile et leur magasin, à Paris, en zone occupée. La ligne de démarcation, Paris, Hachette, 2004, p. 15-28. 41. AD Nord, 85W49768. 42. Archives Jean Dawidowicz, mémoire sans titre cité, 1re partie, « 1939-1941 ». 43. Lettre du commissaire de police de Lens du 12/5/1941, ADPC 1Z500 bis. 44. Dans une lettre du 7/12/1944 au sous-préfet, le commissaire de police lensois souligne que de nombreux Juifs avaient contracté de tels baux à long terme, ce qui consolide juridiquement leur position face aux occupations indues dont leurs loge- ments ont pu faire l’objet (ADPC 1Z499). Sur la question des retours, voir le cha- pitre 10. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 269/304

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45. CAC 19770901/151 dossier 33086X39. 46. Note de l’inspecteur des RG au directeur départemental d’Ille-et-Vilaine, 29/7/ 1947, dossier Margot Thau CAC 19780030/53, dossier 32285X47. 47. Lettre du 23 juillet 1940, 19770901/151, dossier 33086X39. 48. Entretien avec Henri Donscoi, avril 2003, Lens. 49. Rapport du commissariat de Saint-Malo no 5459 pour « révision naturalisation de M. Donskoï, Isaac, de son épouse et de leurs enfants, en résidence à Dinard », CAC 0019770894 dossier 7072X38. 50. Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 61-70, p. 86-87, p. 91-94. 51. Jean-Marc Dreyfus, Pillages sur ordonnances. Aryanisation et restitution des banques en France, 1940-1953, Paris, Fayard, 2003, p. 67. 52. Contrairement à ce que dit Jean Lubetzki, cette mesure d’expulsion ne s’applique pas à tous « les Israélites du Pas-de-Calais », mais seulement à ceux qui résident dans la « zone rouge ». (La Condition des Juifs en France, op. cit., p. 133.) 53. « Témoignage de Mme Fanny Kleinman née Dawidowicz », Tsafon,no 9-10, été- automne 1992, p. 7. 54. « Ils ont été traités comme des malfaiteurs que l’on photographie de face et de profil avec un numéro sur l’épaule », cité par Renée Poznanski, « Avant les premières grandes rafles. Les Juifs sous l'Occupation (juin 1940-avril 1941) », Les Cahiers de l'IHTP,no 22, décembre 1992, note 17, p. 64. 55. Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 258. 56. Ibid., p. 375. 57. Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, Paris, Perrin, 2004, p. 157-159, p. 269-274. 58. CAC 19780036/150 dossier 30485X48. 59. ACB, E-4264 1985/196 dossier de réfugié no 9988, déclaration du 21 avril 1943. 60. Rapport de police de Lens, 21/4/1947, CAC 19780029/53 dossier 21440X47. 61. Pour une approche, à partir d’entretiens, des « perceptions » des Français juifs, voir Muriel Pichon, Les Français juifs, 1914-1950. Récit d’un désenchantement, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2009. 62. CAC 19780013/281, dossier 25907X46. 63. Pour un exemple de mise en œuvre systématique de ce principe de méthode, voir Florent Brayard, « Goebbels et l’extermination des Juifs », Journal de Goebbels, 1939-1942, Paris, Tallandier, 2009, p. LXIII-XCIII. 64. ADPC 1Z499.

CHAPITRE 3 Où aller ? Trajectoires de fuite 1. ADPC 1Z717. 2. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 5865. Déclaration de Lejbus Mandelbaum le 12/10/1942, police de Genève. 3. Éric Alary, « Les Juifs et la ligne de démarcation », Les Cahiers de la Shoah, 5/1, 2001, p. 25-26. 4. Sur les itinéraires de passage de la ligne, cf. Éric Alary, La Ligne de démarcation, Paris, Perrin, 2003, p. 160-162. 5. Archives en ligne du CDJC, liste en allemand (Transportliste) dressée par la Sipo- Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 270/304

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SD d’Angers, avec séparation hommes/femmes, du convoi no 8 Angers-Auschwitz du 20/7/1942. 6. Archives en ligne du CDJC, liste du camp de Drancy pour le convoi no 19 du 14/8/1942, p. 2. 7. Archives en ligne du CDJC, liste des internés de Poitiers du convoi Drancy-Ausch- witz no 30 du 9/9/1942. 8. Renée Poznanski rappelle que Confolens fait partie des quelques villages points de rassemblement où un millier de clandestins sont arrêtés à l’été 1942, après les rafles de zone occupée (Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 330). 9. Enquête du bureau des étrangers de la préfecture de Charente, datée du 20/10/1949, CAC 19790854/77, dossier 368X50. 10. Respectivement dossiers CAC 1970882/86 dossier 3529X34 et CAC 19790855/ 223, dossier 14709X50. 11. ACB, E4264-1985/196, no 13724. 12. ACB, E4264-1985/196, no 6395, déclaration du 20/11/1942. 13. « Témoignage de Mme Fanny Fleinman, née Dawidowicz », recueilli par Danielle Delmaire et publié dans Tsafon, revue d’études juives du Nord,no 9-10, été-automne 1992, p. 6-11. 14. Soixante et un Juifs sont expulsés pour l’occasion. Sur la situation dans ce département tout proche de Vichy, voir John F. Sweets, Clermont-Ferrand à l’heure allemande, Paris, Plon, 1996 [Choices in Vichy France, , 1986]. 15. CAC 19780314/244, dossier 23446X48. 16. Note des RG du Cantal du 26/1/1948, CAC 19790852/164, dossier 10268X49. 17. ACB, E-4264 1985/196 dossier de réfugié no 9988, déclaration du 21/4/1943. 18. Archives Sylvain Auslender, tapuscrit « Les hasards de la vie », septembre 2003, p. 3. 19. André Kaspi, Les Juifs pendant l’occupation, op. cit., p. 160-161 ; archives en ligne du CDJC, carnet de fouille de Drancy daté du 24/11/1943 matricule 8 840 feuille reçu no 42. 20. Pour une excellente présentation générale, voir Christian Eggers, « L’interne- ment sous toutes ses formes », art. cité, p. 18-42. En attendant la publication de la thèse de Peter Gaida, Camps de travail sous Vichy. Les « Groupes de travailleurs étran- gers » (GTE) en France et en Afrique du Nord 1940-1944, thèse universités de Brême et Paris-I, 2008. 21. Rapport d’enquête de la direction générale de la Sûreté nationale du 12/1/1950, CAC 19790855/5, dossier 7134X50. 22. Feuille de libération établie à Jurançon le 10/11/1944, CAC 19790855/5, dossier 7134X50. 23. CAC 19770899/88, dossier 4292X39. 24. « Liste des israélites qui ont quitté la localité avant le 11 septembre 1942 sans faire connaître leur adresse », commissariat de Lens, 18/9/1942, ADPC 1Z497. 25. Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944,Périgueux,Éditions Fanlac, AD de la Dordogne, 2003, p. 491. 26. Rapport du commissaire de police de Lens daté du 26/3/1947 CAC 19780015/217 dossier 9862X47. Mais le dossier de naturalisation n’a pas laissé de trace de son incor- poration au GTE no 647. 27. Voir l’attestation de l’Association des Français libres datée du 21/2/1947 et sa photographie, reproduite dans le chapitre 10, en uniforme de la 2e DB dans son dossier de naturalisation (même dossier). Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 271/304

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28. Rapport du commissaire de police de Lens daté du 20/6/1946, CAC 19780014/75, dossier 28714X46. 29. Sarah Farmer, « Hors cadre : le travail des étrangers dans la France en guerre », in Sarah Fishman, Laura Lee Downs, Ioannis Snanoglou, Leonard V. Smith, Robert Zaretsky (dir.), La France sous Vichy. Autour de Robert O. Paxton, Bruxelles, Éditions Complexe, 2004, p. 269. 30. Éric Alary, « Les Juifs et la ligne de démarcation, 1940-1943 », Les Cahiers de la Shoah, 2001/1, no 5, p. 25-26. 31. CAC 19790851/193, dossier 4543X49. 32. Note du sous-préfet de La Châtre du 26/11/1949 précisant que Maurice n’a jamais été inscrit sur le registre municipal parce qu’il « appartenait » au camp de Montgivray, CAC 19790855/275, dossier 16546X50. 33. CAC 19770892/225, dossier 10871X37 ; archives en ligne du CDJC, liste du convoi no 51 le 06/3/1943 de Drancy à Maidanek : Markus est inscrit sur une page listant des internés en provenance de Gurs. 34. International Tracing Service (ITS), File F18/78. 35. Gérard Noiriel, La Tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe, 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy, 1991. 36. Dans les faits, l’application de la loi varie : cf. Alix Heiniger, « Le camp de Bassecourt 1944-1945. Internement en régime spécial pour réfugiés politiques », Uni- versité de Genève, 2005, p. 9-11. 37. Instruction du Conseil fédéral du 13 août 1942 citée par Jacques Picard, La Suisse et les Juifs, 1933-1945. Antisémitisme suisse, défense du judaïsme, politique inter- nationale envers les émigrants et les réfugiés, Paris, Éditions d’En bas, 2000, p. 438. 38. André Lasserre, La Suisse des années sombres. Courants d’opinion pendant la Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, Lausanne, Payot-Lausanne, 1989, p. 206-207. 39. Commission indépendante d’experts suisse-Seconde Guerre mondiale, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, rapport intermédiaire, Bern, 1999, p. 132 ; Serge Klarsfeld, dans sa préface de l’ouvrage de Ruth Fivaz-Silberman, Le Refoulement de réfugiés civils juifs à la frontière franco-genevoise durant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Éditions Beate Klarsfeld, 2000, p. VI. 40. L’étude pionnière de Ruth Fivaz-Silberman sur la frontière genevoise, menée à partir des archives locales, recense 884 refoulés pendant la Seconde Guerre mondiale sur 10 061 passages illégaux : Le Refoulement de réfugiés civils juifs à la frontière franco- genevoise durant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 20. 41. Carl Ludwig, La Politique pratiquée par la Suisse à l’égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955, rapport adressé au Conseil fédéral à l’intention des conseils législatifs, Bâle, 1957, p. 209. 42. Ruth Fivaz-Silberman, Le Refoulement de réfugiés civils juifs à la frontière franco- genevoise durant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 6-7. 43. Ibid., p. 24. 44. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 10443. 45. Le texte original est en allemand. Déclaration en date du 12 octobre 1942, ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 6395. 46. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 7385. 47. Déclaration du 21/4/1943, ACB, E-4264 1985/196, no 9988. 48. ACB, E-4264 1985/196, no 11455. 49. Déclaration du 18/9/43, ACB, E-4264 1985/196, no 13724. 50. ACB, E-4264 1985/196, no 14374. 51. ACB, E-4264 1985/196, no 14695. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 272/304

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52. Emmanuel Haymann, Le Camp du bout du monde, 1942, des enfants juifs à la frontière suisse, Paris, Éditions Pierre-Marcel Favre, 1984, p. 115. 53. ACB, E-4264 1985/196, no 14758. 54. ACB, E-4264 1985/196, no 23110. 55. Renée Poznanski, article « Œuvre de secours aux enfants », Dictionnaire histo- rique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 199. 56. Jacques Picard, La Suisse et les Juifs, 1933-1945, op. cit., p. 461. 57. Déclaration du 13/10/1942 ACB, E-4264, 1985/1986, no 4264. 58. « Wegen Deportation nach Deutschland und weiter nach Polen », questionnaire de réfugié, ACB, E-4264 1985/196, no 12139. 59. Jacques Picard, La Suisse et les Juifs, 1933-1945, op. cit., p. 354. 60. Alix Heiniger, « Le camp de Bassecourt 1944-1945 », op. cit., p. 13-14 ; André Lasserre, Frontières et camps. Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne, Payot- Lausanne, 1995. 61. Fabienne Regard, La Suisse, paradis de l’enfer ? Mémoire de réfugiés juifs, Bière, Cabédita, 2002, p. 93. 62. Carl Ludwig, La Politique pratiquée par la Suisse à l’égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955, op. cit., p. 304. 63. Fabienne Regard, La Suisse, paradis de l’enfer ?, op. cit., p. 90-92. 64. Entretien avec Greta Schor, Paris, le 10 janvier 2003. 65. Certificat du 4 avril 1945, ACB, E-4264 1985/196 no 9988. 66. ACB, E-4264 1985/196, no 11078. 67. Jacques Picard, La Suisse et les Juifs, 1933-1945, op. cit., p. 465-467. 68. ACB, E-4264 1985/196, no 10443. 69. C’est le gouvernement de Vichy qui institue pour la première fois une carte d’identité obligatoire pour tous les Français : Pierre Piazza, Unehistoiredelacarte d’identité, Paris, Odile Jacob, 2004. 70. Emmanuel Haymann, Le Camp du bout du monde, 1942, op. cit., p. 93-95 ; Anny Latour, La Résistance juive en France, 1940-1944, Paris, Stock, 1970. 71. Lucette Heller-Goldenberg, « Histoire des Auberges de jeunesse en France. Des origines à la Libération (1929-1945) », thèse de doctorat d’histoire, Nice, 1985, p. 806. 72. CAC 19780015 dossier 297X47. 73. Rapport du préfet des Hautes-Alpes du 22 juin 1948, CAC 19770892/225, dossier 10871X37. 74. Certificat de résidence de la mairie de Rimondeix (Creuse), daté du 4/7/1947, CAC 19780015, 297X47. 75. CAC 19780036/150, dossier 30485X48. 76. CAC 19770894, dossier 669X38. 77. Sur le rôle de Grenoble comme « refuge juif », voir Tal Bruttmann, La Logique des bourreaux, 1943-1944, Paris, Hachette Littératures, 2003, p. 43-56. 78. Gérard Gorbitz évoque le rôle du « docteur G. » durant la semaine d’internement à Casseneuil après la rafle, lors du criblage visant à s’assurer de la déportabilité des internés : « Médecin militaire et responsable du service médical au camp de Casseneuil, il avait, à ce titre, la possibilité d’évacuer des malades sur l’hôpital de Villeneuve. Il a fait largement usage de cette faculté, allant jusqu’à cacher des évadés à son domicile » (op. cit., p. 50). 79. Sylvain Auslender, « Les hasards de la vie », op. cit., p. 5-6. Dans les archives en ligne du CDJC, on peut retrouver la liste des internés de Casseneuil, dont, p. 5 aux numéros 99 à 101, les trois noms de Maurice (« Nathan » écrit Sylvain), Emilia (« Mila ») et Constance Grundland, avec pour adresse Marmande. Les deux parents ont été déportés de Drancy par le convoi no 30 du 9/9/1942. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 273/304

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80. Voir Gérard Gorbitz, Les Déportations de réfugiés en zone libre, op. cit., p. 64-65. 81. Archives privées Sylvain Auslender. 82. Lettre du 11/3/1948 de Charles Wittemberg, qui soutient la demande de naturali- sation de Feiwel Morgenstern, CAC 1970882/86, dossier 3529X34. 83. Laurent Douzou, « L’entrée en Résistance », in Antoine Prost (dir.), « Pour une histoire sociale de la Résistance », numéro spécial Le Mouvement social, numéro 180, juillet-septembre 1997, p. 9-20. 84. CAC 19780013/281, dossier 25907X46. 85. CAC 19790852/153, dossier 9924X49. 86. Fait à Lens le 26/4/1946, CAC 19780036/148, dossier 30373X48. 87. CAC 19770877, dossier 3330X33. 88. Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., note 109, p. 634. 89. Rapport d’enquête « blanc » no 285, sans date, objet « Schor Abraham » CAC 19790851/68, dossier 155X49. 90. CAC 19790851/68, dossier 155X49. 91. CAC 19780013/41, dossier 16993X46. 92. CAC 19790855/183, dossier 13267X50. 93. CAC 19780015/206, dossier 9462X47. 94. CAC 19770884/107, dossier 31252X34. 95. CAC 19790852/142, dossier 9563X49. 96. Comité français pour Yad Vashem, rubriques « Les Justes de France », dossier no 11359, famille Tysiak, attribution du titre en 2008 (http://www.yadvashem-france. org/justes-france/). 97. Le titre de « Juste » a été accordé aux deux familles, Israel Gutman (dir.), avec Sara Bender, Dictionnaire des Justes de France, édition établie par Lucien Lazare, Paris, Fayard, Jérusalem, Yad Vashem, 2003, p. 135 et 209. Sur le titre de « Juste », voir aussi Sarah Gensburger, « Essai de sociologie de la mémoire. L’expression des souve- nirs à travers le titre de “Juste parmi les Nations” dans le cas français : entre cadre institutionnel, politique publique et mémoire collective », thèse de l’EHESS, 2006. 98. Dossier de demande de naturalisation du 24/2/1953, mairie de Lens, dossier 7484X53. 99. Israel Gutman (dir.), avec Sara Bender, Dictionnaire des Justes de France, op. cit., p. 208-209 (titre remis en 1976). 100. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 5865. 101. CAC 19780030/53, dossier 32285X47. 102. CAC 19780036/152, dossier 30544X48. 103. Préfecture du Nord, 2e bureau police des étrangers, naturalisations, avis du 25/9/1947, CAC 19770907/265, dossier 45941X45.

CHAPITRE 4 Rester 1. Yves le Maner et Laurent Théry, Fusillés et déportés du Nord-Pas-de-Calais (1940- 1945), Lille, Éditions La Voix du Nord, 2005, p. 25. 2. Léo Hamon, « Le document retrouvé », propos recueillis par Renée Poznanski, Cahiers de l’Institut d’histoire du temps présent,no 22, décembre 1992, p. 19. 3. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 252. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 274/304

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4. Lettre du commissaire de Lens au Commissariat général aux questions juives le 13 mars 1941, CARAN, AJ38/4918. 5. CARAN AJ38/4918 et 5851. 6. CARAN AJ39/5851. 7. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 252. 8. Bernard Laguerre, « Les dénaturalisés de Vichy 1940-1944 », Vingtième siècle. Revue d’histoire,no 20, octobre-décembre 1988, p. 3-15 ; Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002, p. 106-134. 9. ADPDC 1Z359 à 370. 10. Sur la mise en place de cette législation dans l’arrondissement de Douai, voir Monique Heddebaut, « Persécutions raciales dans le Douaisis pendant la Seconde Guerre mondiale », hors série Tsafon, Revue d’études juives du Nord,no 4, octobre 2008. 11. Lettre du préfet du Pas-de-Calais, 15 décembre 1940, ADPC 1Z499. 12. Sur les différentes interprétations des modalités de l’aryanisation économique en zone occupée, entre autorités allemandes et administrations françaises, voir Jean- Marc Dreyfus, Pillages sur ordonnances, op. cit., p. 66-70. Voir aussi Martin Jungius, Der Verwaltete Raub. Die « Ariseirung » der Wirtschaft in Frankreich in den Jahren 1940 bis 1944, Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, 2008. 13. Liste des personnes juives ayant déclaré avoir fermé leur magasin au 31/12/1940 à Lens, ADPC 1Z499. 14. ADPC 1Z499. 15. Ibid. 16. Pour le Nord et le Pas-de-Calais, outre les articles cités plus haut de Danielle Delmaire, voir Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, op. cit., p. 252-254. 17. AD Nord, 1 W 198. 18. Ibid. 19. Journal de Georges Canquelain, cité par Danielle Delmaire, « Les communautés juives dans la zone interdite pendant l’Occupation », in «L’Occupation en France et en Belgique », Revue du Nord,no 2, hors série, 1988, p. 713. 20. Ibid., p. 712. 21. Ordonnance du 24 février 1942, Bulletin officiel du Nord et du Pas-de-Calais, 5 mars 1942, ADPC 1Z497. La mesure daterait du 29 août 1941 selon d’autres sources. 22. Note de l’OFK 670 du 3 juillet 1942 au préfet du Pas-de-Calais, ADPC M2509. 23. Liste des personnes évacuées en mai 1940 non rentrées au 31 janvier 1941, ADPC 1Z717. 24. Ce résultat est issu d’une modélisation mathématique de régression multili- néaire : « Rester ou partir ? Une tentative de modélisation des facteurs de la décision des Juifs de Lens pendant la Seconde Guerre mondiale. Résultats commentés du modèle de régression », document non publié réalisé avec Pierre Mercklé, mai 2009. 25. Le coefficient de régression associé à la modalité « Famille nombreuse » est de 0,7447 si l’on choisit le fait d’appartenir à une famille de 3 ou 4 personnes comme situation de référence ce qui donne exactement 2,11 fois plus de chances de rester plutôt que de partir, toutes choses égales par ailleurs. 26. Rapport de la préfecture de la Vienne, le 10 mai 1949, dossier CAC 19790852/ 174, 10606X49. 27. Rapport de l’inspecteur de police d’Avion, 27 février 1948, ibid. 28. CAC 19790851/161, dossier 3409X49. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 275/304

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29. Texte original en allemand, déclaration du 20/10/1942, ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 7031. 30.Lecoefficientderégressionassociéà la modalité « sans profession » est de 0,6543 avec le fait d’être indépendant pris comme situation de référence, ce qui donne exactement un odd ratio de 1,92. 31. Léo Hamon, « Étude sur la situation des Juifs en zone occupée, avril 1941 », publiée dans les Cahiers d’histoire du temps présent,no 22, décembre 1992, p. 58-59. 32. Rapport du 5/10/1941, CARAN AJ38/4925. 33. CARAN AJ38/4925. 34. CARAN AJ38/4926. 35. Rapport du 22/11/1942, CARAN AJ38/4924.

CHAPITRE 5 Dépossédés 1. Léo Hamon, « Étude sur la situation des Juifs en zone occupée, avril 1941 », art. cit., p. 79. 2. Service des archives économiques et financières, B 32478, direction du Trésor, cité in Antoine Prost, Rémi Scoutelsky et Sonia Étienne, Aryanisation économique et restitutions, Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documen- tation française, 2000, p. 19. 3. L’étude de l’aryanisation a d’abord été menée par secteur économique : Jean-Marc Dreyfus, Pillages sur ordonnances, op. cit. ; Florent Le Bot, La Fabrique réactionnaire. Antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir (1930-1950), Paris, Presses de Sciences Po, 2007 ; Philippe Verheyde, Les Mauvais Comptes de Vichy : l’aryanisation des entreprises juives, Paris, Perrin, 1999. Pour une approche comparée, voir « Spolia- tions en Europe », Revue d’histoire de la Shoah, 186, janvier-juin 2007 ; Alya Aglan, «L’aryanisation des biens juifs sous Vichy : les cas comparés de la France et de l’Alle- magne », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 49-4, octobre-décembre 2002, p. 154-169. Les dimensions proprement locales sont abordées dans Laurent Douzou et alii, Voler les Juifs. Lyon, 1940-1944, Paris, Hachette Littératures, 2002 ; Alexandre Doulut, La Spoliation des biens juifs en Lot-et-Garonne, Nérac, Éditions d’Albret, 2005 ou encore Michael Iancu, Spoliations, déportations, résistance des Juifs à Montpellier et dans l’Hérault, 1940-1944, Avignon, Barthélemy, 2000. 4. CAC 19780036/152. 5. Thomas Piketty, Les Hauts Revenus en France au XXe siècle. Inégalités et redistribu- tions, 1901-1998, op. cit., p. 679. 6. CARAN AJ38/4925. 7. CARAN AJ38/4923. 8. CARAN AJ38/4927. 9. CARAN AJ38/4932. 10. Rapport du préfet du Nord, le 15/4/1943, ibid. 11. CARAN AJ38/4922. 12. Lettre de l’administrateur provisoire du 16 juin 1943, CARAN AJ38/4920. 13. Jean-Marc Dreyfus, Pillages sur ordonnances, op. cit., p. 91-95. 14. CARAN AJ38/4932. 15. CARAN AJ38/4920. 16. La thématique du voisinage est développée plus avant dans Nicolas Mariot et Claire Zalc, « Les Juifs du bassin lensois face à leurs voisins : entraides, concurrences, dénonciations (1940-1945) », in Didier Terrier et Judith Rainhorn (dir.), Étranges Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 276/304

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voisins.AltéritéetrelationsdeproximitédanslavilledepuisleXVIIIe siècle,Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 237-253. 17. ADPC 1Z499. 18. Laurent Douzou, Voler les Juifs, op. cit., p. 108 et suiv. 19. Lettre du préfet du Pas-de-Calais du 15/12/1940, ADPC 1Z499. 20. CARAN AJ38/6460. 21. Claire Zalc, Melting Shops. Une histoire des commerçants étrangers en France, Paris, Perrin, 2010, p. 217-222. 22. Souligné dans le texte, rapport du 28/10/1941, AN AJ38/4923. 23. Rapport du 5/10/1941, CARAN AJ38/4924. 24. Rapport du 7/11/1942, CARAN AJ38/4923. 25. CARAN AJ38/4923. 26. Lettre du 3/7/1942 du SCAP au préfet du Pas-de-Calais, CARAN AJ38/4923. 27. CARAN AJ38/4926. 28. CARAN AJ38/49253. 29. CARAN AJ38/4916. 30. CARAN AJ38/4917. 31. CARAN AJ38/4926. 32. CARAN AJ38/4916. 33. Alexandre Doulut montre également la participation active de la chambre de commerce du Lot-et-Garonne dans le processus de spoliation, La Spoliation des biens juifs en Lot-et-Garonne, op. cit., p. 24-26. 34. Il s’agit de Mandelbaum, Klaymberg, Lebovici, Geldner et Rosemblum, CARAN AJ38/4916, 4923, 4926 et 4927. 35. Cette carte, ainsi qu’un extrait d’immatriculation au Registre du commerce de Béthune figurent dans son dossier de réfugié suisse : ACB, E-4264 1985/196 dossier de réfugié no 5865. 36. CARAN AJ38/4924 dossier 4578. 37. AN AJ38/4975, lettre du 12/8/1942. 38. CARAN AJ38/4975. 39. CARAN AJ38/4932. 40. CARAN AJ38/4933. 41. CARAN AJ38/4932. 42. Lettre du 30/5/1943, CARAN AJ38/5851. 43. CARAN AJ38/4918. 44. ADPDC 1Z500. 45. Tal Bruttmann, « La place de la dénonciation dans un processus bureaucratique. L’exemple de l’aryanisation économique », communication au colloque La dénoncia- tion en France durant la Seconde Guerre mondiale, novembre 2008, université de Caen ; Laurent Joly, « La délation antisémite sous l’Occupation », Vingtième siècle. Revue d’his- toire,no 96, avril 2007, p. 137-149. 46. CARAN AJ38/4930. 47. CARAN AJ38/4931. 48. Rapport du commissaire gérant en date du 6/11/1942, CARAN AJ38/4927. 49. Note du commissaire de police de Carvin datée du 8/10/1941 qui indique que « M. Moskowicz est actuellement le salarié de Mlle Poitié, qui le paye 800 F par mois » CARAN AJ38/4931. 50. CARAN AJ38/4931. 51. CARAN AJ38/8831. 52. CARAN AJ38/4925. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 277/304

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CHAPITRE 6 Étoilés 1. Sur les raisons et interprétations possibles de cette accélération soudaine, voir Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., chap. 3, p. 109-150. 2. Michaël Marrus et Robert Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, p. 219 ; Serge Klarsfeld,L’Étoile des Juifs, Paris, L’Archipel, 1992. 3. Verkündungsblatt des Oberfeldkommandanten für die Departements du Nord und Pas-de-Calais daté du 13/6/1942, p. 1066-1067. 4. Tous les renseignements concernant le port de l’étoile sont issus du carton ADPC 1Z497. 5. À Paris, ils échangent un point textile contre trois insignes : Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 353. 6. Rapport du 4/7/1942, ADPC 1Z497. 7. Ibid. On trouvera dans le même carton les réponses des sept autres communes du bassin houiller concernées par la distribution. 8. À Paris, le nombre de Juifs qui demandent à être radiés des listes de la préfecture augmente suite à l’obligation du port de l’étoile : Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 354. 9. Rapport du commissaire de police de Lens au sous-préfet en date du 5/9/1942, ADPC 1Z500bis. 10. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 7031, questionnaire du 5 novembre 1942. 11. Respectivement ADPC 1Z499, 1Z503. 12. ADPC 1Z497. 13. Ibid. 14. Note du commissaire Humetz à monsieur le sous-préfet, datée du 13/8/1942, ADPC 1Z497. 15. Note du sous-préfet de Béthune sur « l’attitude des commissaires de l’arrondisse- ment », en date du 31/8/1942, ADPC 1Z498. 16. ADPC 1W721-1, 1W721-2 et 1W721-4. 17. Pour une comparaison nationale, voir Marc-Olivier Baruch, Servir l’État fran- çais. L’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997 et notamment sur les préfets p. 225-260. 18. Jean-Marc Berlière, Les Policiers français sous l’Occupation, Paris, Perrin, 2001, p. 208-211, p. 344 et p. 362-366. 19. Suspendu le 2 septembre 1944, interné, son dossier est classé sans suite après son suicide en avril 1945 (voir sa biographie complète dans René Bargeton, « La fonc- tion préfectorale dans le Nord-Pas-de-Calais », Revue du Nord,no 2 hors série, 1987, t. 1, note 1, p. 160). 20. On le comparera utilement aux caractéristiques plus générales des seuls préfets. Voir Marc-Olivier Baruch, « Qui sont les préfets de Vichy ? » et Tal Bruttmann, « Les rapports d’information des préfets à Vichy », notes explicatives au projet Édition des rapports du Militärbefehlshaber Frankreich et des Synthèses des rapports des préfets, 1940-1944, disponibles à l’adresse http://www.ihtp.cnrs.fr/prefets/ 21. Feuille de notation en date du 2/10/1940, réitérée à l’identique avec la mention « a fait tout son devoir » le 6/9/1941, ADPC 1W721-2. 22. On pourra comparer le profil social et le parcours scolaire de ces hommes à celui, très finement analysé, du Kriegsverwaltungsrat (conseiller d’administration de guerre) Kurt Blanke, « Referat Entjüdung » au sein du MBF, autrement dit équivalent en France du responsable de l’aryanisation pour la Belgique, Theodor Pichier : Martin Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 278/304

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Jungius et Wolfgang Seibel, « The Citizen as Perpetrator : Kurt Blanke and Aryanization in France, 1940-1944 », Holocaust and Genocide Studies,vol.22,no 3, 2008, p. 441-474. 23. Cité par René Bargeton, « La fonction préfectorale dans le Nord-Pas-de-Calais », art. cité, p. 163. 24. « Note de renseignement » individuelle, établie à son sujet le 13/12/1944, ADPC 1Z498. 25. Lettre du 16/6/1941, ADPC 1Z499. 26.Notetraduitedel’allemand, « Gesichtspunkte für die Bearbeitung der Judenangelegenheiten in den Nord-Departements », OFK 670, B/Jud, en date du 9/7/1942, ADPC M 2509. 27. Préfet du Pas-de-Calais, 12 juin 1941, ADPC 1Z503. 28. Lettre du 28/5/1941, ADPC 1Z503. 29. Françoise Berger, « L’exploitation de la main-d’œuvre française dans l’industrie sidérurgique allemande pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 50-3, 3/2003, p. 148-181. Suite à cette loi, près de 250 000 travailleurs forcés quittent la France pour l’Allemagne en six mois. En Belgique, la loi de réquisition date du 3 octobre 1942. Bernard Garnier, Jean Quellien, Françoise Passera (dir.), La Main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Caen, Centre de recherches et d’histoires quantitatives, 2003. 30. Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 250. 31. Sur ce camp qui sert de centre administratif pour les kommandos de l’organisa- tion Todt, voir le rapport très complet portant le tampon du colonel Lhermitte (chargé de mission du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale), « Rapport définitif no 4, complexe de Dannes-Camiers », distribué le 1/8/1950, ADPC 51J5. Le rédacteur explique que le camp, tout proche de Boulogne-sur-Mer, entouré de barbelés et de miradors, est dénommé « O.T. Lager » ou « Tibor Lager » par les Allemands, « camp pour les Juifs » par les habitants de Dannes. 32. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 257, et plus largement le chap. « L’exploitation de la main-d’œuvre », p. 257-265. Les auteurs indiquent qu’en septembre 1943, l’OFK 670 chiffre à 60 000 les départs en Allemagne depuis juillet 1940. 33. Lettre de Louis Humetz au sous-préfet de Béthune datée du 9/9/1942, ADPC 1Z498.

CHAPITRE 7 Raflés 1. Les archives du Pas-de-Calais conservent à la cote 26W seize volumes reliés de la main courante du commissariat de Lens. Dans les volumes 26W4 (novembre 1940- mars 1941) et 26W9 (mai-août 1942), nulle trace de surveillance policière des familles juives (la série s’interrompt à cette date, le volume 10 ne reprenant qu’en janvier 1943). Pourtant nous savons par ailleurs que cette surveillance donne lieu à un rapport heb- domadaire du commissaire dont un unique exemplaire, daté du 13 août 1942, a été retrouvé (cf. infra). 2. Rapports mensuels du préfet Daugy, été 1942, ADPC 4407/1 et 2, 1W12859/2 et 3. Sur les autres départements, voir Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France, 1942, Paris, Fayard, 1983, p. 305- 307 et 383-391 pour les mois de juillet et août 1942. Également le projet Édition des Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 279/304

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rapports du Militärbefehlshaber Frankreich et des Synthèses des rapports des préfets, 1940-1944, disponible à l’adresse http://www.ihtp.cnrs.fr/prefets/ 3. Rapport au cabinet du préfet daté du 24/9/1942, ADPC 1W739. 4.Pourdescomparaisonssurdesterrainsbienplussilencieuxencore,Florent Brayard, « Comment écrire l’histoire sans archive ? Un regard sur l’historiographie du camp d’extermination de Belzec », in Florent Brayard (dir.), Le Génocide des Juifs entre procès et histoire. 1943-2000, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000 et le beau épo- nyme de Guillaume Moscowitz, Belzec (VLR Production, 1 h 40, 2005). 5. Nous voudrions remercier très chaleureusement Mme Schafier, secrétaire de la communauté à Lens, qui a organisé et commenté pour nous les visites du cimetière juif d’Éleu-dit-Leauwette et de la synagogue. 6. Rapport du sous-préfet de Douai au préfet du Nord, 12/9/1942, AD Nord 1W1844. 7. ADPC 51J5. Précisons que l’usage du terme « déportation » est rare dans les sources administratives et policières de l’époque. Le commissaire de police de Lens utilise l’expression « camp de concentration », mais pas le mot déportation : « L’israélite [Isaac Wind] a été arrêté par les Allemands et conduit dans un camp de concentra- tion » (lettre au sous-préfet datée du 13/7/1943, ADPC 1Z500). Sur le terme, voir Tal Bruttmann, Laurent Joly et Annette Wieviorka (dir.), Qu’est-ce qu’un déporté ? Histoires et mémoires des déportations de la Seconde Guerre mondiale,Paris,CNRSÉditions, 2009, et en particulier l’article éponyme de T. Bruttmann. 8. Le fait qu’elle soit conservée à une cote de la série 51J regroupant le fonds du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale laisse supposer qu’elle a été retrou- vée lors de sa longue enquête par le colonel Fernand Lhermitte, chargé par le Comité d’établir un fichier de la Résistance (c’est dans ce cadre qu’il établit des statistiques générales de la déportation). 9. ADPC 1Z497. 10. Liste des Juifs arrêtés le 25/9/1942, ADPC 1Z499. 11. Les renseignements concernant le camp proviennent de la synthèse de Laurence Schram, « Le camp de rassemblement pour Juifs de Malines. L’antichambredela mort », Online Encyclopedia of Mass Violence, avril 2008. URL stable (en anglais) : http://www.massviolence.org/Article ?id_article = 99. 12.Voirlaphotographiedelascèned’abandon des bagages et d’enregistrement dans la cour de la caserne à l’été 1942, publiée par Maxime Steinberg dans le second cahier photographique de L’Étoile et le fusil, tome 2 : 1942. Les cent jours de la déporta- tion des Juifs de Belgique, op. cit., consultable en ligne dans l’article cité note précé- dente de Laurence Schram. Cette photographie est en couverture du nouveau mémorial des Juifs de Belgique : Mecheln-Auschwitz. 1942-1944. La destruction des Juifs et des Tziganes de Belgique, Malines, Joods Museum van Deportatie en Verzet, VubPress, 2009. On y distingue en bas à gauche une table avec trois sténodactylos. 13. Voir leurs dossiers de naturalisation, respectivement CAC 19790858, dossier 7484X53 et 14317X51. 14. Cité par Alain Petit, « Vivre dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais sous l’Occupation, 1939-1945 », Revue du Nord, hors série, no 16, 2001, p. 152. 15. Cité par Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, op. cit., p. 254-255. 16. Ces séparations marquent les départs des convois 13 et 14 partis de Pithiviers les 31 juillet et 3 août 1942. Parce que les enfants (de moins de 16 ans) ne sont pas encore jugés déportables, « les gendarmes ont dû battre les mères pour les séparer des petits » (Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, 1942, op. cit., p. 137-139). 17.RapportducommissairedepolicedeLilleaupréfetderégion,12/9/1942, AD Nord 1W1844. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 280/304

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18. Sur les modalités de ces sauvetages en gare de Fives dont il est difficile d’estimer l’ampleur exacte, voir les témoignages assemblés dans Tsafon. Revue d’études juives du Nord,no 9-10, 1992, p. 17-28. 19. Âgé de 23 ans en 1942, Édouard Desprez se rendait chaque matin de son domi- cile à Billy-Montigny à son lieu de travail à Avion en passant par Sallaumines. Témoi- gnage cité dans La Voix du Nord, édition Lens/Liévin du 6/8/2005. 20. Rapport du sous-préfet de Douai au préfet du Nord, 12/9/1942, AD Nord 1W1844. 21. Rapport journalier du commissaire de police au maire, en date du 10/9/1942, Archives municipales de Sallaumines. 22. Danielle Delmaire, « Grandeur et misère de la communauté juive de Lens (1940- 1944) », Gauhéria, no 21, 1990, p. 69-70. Voir également Marion Fontaine et Emmanuel Martin, « Du silence au scandale. La commémoration du soixantième anniversaire de la rafle des Juifs de Lens », Tsafon, Revue d’études juives du Nord,no 54, automne 2007 hiver 2008, p. 117-138. 23. Alfred Buquet se trompe : les étoiles jaunes distribuées sont dotées de six branches. 24. « Lens et la Seconde Guerre mondiale. Journal d’Alfred Buquet », Gauhéria, no 38, septembre 1997, p. 55. 25. Voir les dossiers Szyja Ulinover et Henoch Brückner (AJ38/4924), ou Abraham Sturm et Tobias Muller (AJ38/4925). 26. AJ38/4923. 27. Rapport du 5/11/1942, AJ38/4925. 28. Voir les documents de la cote AD Isère 13R892 rassemblés et présentés par Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives, op. cit., p. 128-132. 29. Yves Le Maner, « Les municipalités du Pas-de-Calais sous l’occupation. Pouvoir local, pouvoir français, pouvoir allemand », Revue du Nord, op. cit., p. 251. 30. Rapport de M. Plaisant, capitaine de gendarmerie commandant la section de Valenciennes, daté du 11/9/1942, AD Nord 1W1844. Le document conservé aux archives est une copie de l’originalquelecabinetdusous-préfetdeValenciennes prend soin, bien que le capitaine de gendarmerie indique l’avoir déjà fait, d’envoyer de nouveau le lendemain 12 septembre, « pour son information », au préfet du Nord. 31. Rapport du sous-préfet de Douai au préfet du Nord, 12/9/1942, AD Nord 1W1844. 32. Rapport du commissaire de police de Condé au sous-préfet de Valenciennes, 11/9/1942, AD Nord 1W1844. 33. Rapport du commissaire central de policedeLilleaupréfetderégion, 11/9/1942, AD Nord 1W1844. Le texte du commissaire lillois est cité par Serge Klarsfeld dans Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, Paris, Fayard, 2001, vol. 3, p. 1092. 34. Le nombre exact d’arrestations à Lille reste en l’état inconnu : il s’agit ici d’une approximation effectuée à partir des listes du convoi X parti de Malines le 15 sep- tembre où figurent 519 individus arrêtés dans la région le 11, total dont on a simple- ment soustrait les habitants raflés dans le bassin minier lensois et les arrondissements de Valenciennes et Douai. 35. État des effectifs du commissariat en 1942, ADPC 1W9512. 36. Rapport du commissaire central de policedeLilleaupréfetderégion, 11/9/1942, AD Nord 1W1844. 37. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 106. À comparer sur cette question aux 45 Feldgendarmes mobilisés lors de la rafle d’Anvers du 27 août : ils étaient accompagnés de 40 SS flamands et 60 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 281/304

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policiers belges (Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 279 et plus généralement le dernier chapitre : « Le relais belge : policiers anversois et SS flamands »). 38. Lettre datée du 4/9/1945, ADPC 51J10. 39. La Voix du Nord du 6/8/2005. 40. Tsafon. Revue d’études juives du Nord,no 9-10, 1992, p. 17-28. 41. ACB, E-4264 1985/196, dossier de réfugié no 5865. Voir aussi le rapport du commissaire de police lillois du 3/10/1947, CAC 19780030/121, dossier 34739X47. 42. En date du 18/9/1942, ADPC 1Z497. 43. Certificats en date du 18/3/1947 et du 6/6/1947, CAC 19780030/53, dossier 32285X47. 44. ADPC 1Z497. 45. CAC 19780030/53, dossier 32285X47. 46. Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944, op. cit., notice p. 315. Après quelques jours à Douai puis Paris, Henri part pour Libourne et passe la ligne le 29 octobre 1942 pour rejoindre son ami Maximilien Wiesen à Sainte-Eulalie-d’Ans en Dordogne. Il y est assigné à résidence par le préfet en janvier 1943. Arrêté le 2 mars 1944 comme otage de représailles face aux actions de la Résistance, il est assassiné, probablement le 27, par des hommes de la division Brehmer. 47. Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives, op. cit., p. 127-130. 48. Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main alle- mande, op. cit., p. 254. 49. Lettre au chef de cabinet du préfet datée du 16/9/1942, ADPC 1W12864-3. 50. Note signée du préfet datée du 16/9/1942, à destination du chef du gouverne- ment (Laval), ministre secrétaire d’État à l’intérieur, à la direction de la Police natio- nale, aux RG, ADPC 1W12864-3. 51. Lettre du maire de Lens et du sous-préfet, datées des 13 et 16/11/1942, ADPC 1Z500. 52. Nous remercions Sophie Cœuré de nous avoir suggéré ce point. 53. La formule peut laisser entendre que « seuls les étrangers comptent », mais ce serait une erreur. Probablement faut-il plutôt lire ici le fait que le sous-préfet avance le seul argument qu’il pense pouvoir être efficace auprès des occupants, celui de la natio- nalité française. À notre connaissance en effet (et il lui était facile de le vérifier), les parents Schiff n’ont pas été naturalisés, ni aucun des enfants déclarés français. 54. Sur ces différents points, voir Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 231-235. Nous le remercions chaleureusement pour les précisions qu’il nous a apportées en la matière. 55. L’épisode, ajouté à d’autres où l’Oberfeldkommandantur bruxelloise n’est infor- mée qu’après coup de la « mise à disposition » des Feldgendarmen auprès de la Sipo- SD, oblige le chef de la Militärverwaltung à Bruxelles, Reeder, à interdire, le 25 sep- tembre, l’utilisation ultérieure d’unités régulières de la police belge pour les rafles et à imposer que la participation des Feldgendarmen aux actions commandées par la Sipo- SD fasse l’objet d’un accord préalable de leur chef dans les Feld et Oberfeldkommandanturen (circulaire du 30 septembre 1942) : Maxime Steinberg, 1942. Les cent jours de la déportation des Juifs de Belgique, op. cit., p. 199 et 211-213 et pour la référence la note 9 p. 167, et La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 273 et suiv. 56. Rapport du commissaire de Château-Gontier au préfet de la Mayenne daté du 16/7/1942, cité par Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, op. cit., vol. 2, p. 520. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 282/304

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57. Rapport cité par Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, op. cit., p. 96. 58. L’allocution du général Oberg devant les préfets régionaux de zone occupée et le courrier de Bousquet du 13 août 1942, avec sa célèbre conclusion appelant les services français à une « activité accrue » pour faire « la preuve de leur efficacité réelle » sont reproduits dans Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, op. cit., vol 2, p. 687 et 713. Voir aussi par Jean-Marc Berlière, Le Monde des polices en France, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996, p. 187 et Denis Peschanski, Les Camps français d’internement (1938-1946), thèse citée, p. 556 et suiv. 59. Éric Alary, Les Français au quotidien, 1939-1949, Paris, Perrin, 2006, p. 222-225. 60. Voir le « Relevé certifié exact des denrées périssables récupérées chez les juifs arrêtés le 11 septembre, denrées qui ont été remises au Secours national » (Commissa- riat de police de Lens, 18/9/1942, ADPC 1Z497) et le « Relevé exact des légumes récu- pérés dans les jardins des juifs arrêtés les 11 et 25 septembre courant, légumes remis à l’hôpital de Lens » (courrier du commissaire de police de Lens au sous-préfet, no 8891, daté du 1/10/1942, ADPC 1Z497). 61. ADPC 1W721-2. 62. Lettre du préfet au sous-préfet de Béthune, 12/9/1942, ADPC 1Z497. 63. Lettre du 10/6/1942 au préfet, ADPC 1Z497. 64. Humetz écrit Sicherheitspolizei dans sa note aux Allemands : Liste sans date intitulée « Polizeikomissariat Lens. Aufstellung der ehmalig durch juden bewohnten Häuser, und die zur Zeit durch Gradierten, Polizeibeamten and Inspektoren der Regionalen Staatspolizei in Lens, bewohnt sind » (ADPC 1Z497). 65. Lettre du commissaire de police de Lens au sous-préfet en date du 21/1/1943, ADPC 1Z497. Voir la liste jointe des « maisons occupées par des juifs avant leur arres- tation […] et laissées à disposition du personnel de la Police régionale d’État de Lens ». 66. Télégramme daté du 19/2/1943, ADPC 1Z497. 67. Lettre de l’OFK 670 au préfet datée du 10/7/1943 et réponse du sous-préfet au préfet datée du 20/8/1943, CARAN AJ384927. 68. Lettres des 27/7 et 8/8/1944, CARAN AJ38/4931.

CHAPITRE 8 Déportés 1. Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, op. cit. 2. Le convoi du 15 septembre est numéroté en chiffre romain X en Belgique (il s’agit du 10e convoi parti de Malines). En France, il est référencé sous le numéro 84. L’interrogation nominative du site du CDJC fait apparaître la liste en fac-similé à l’écran. Il s’agit d’un document non daté, conservé aux archives du service de docu- mentation et de recherche de l’administration des victimes de guerre, ministère de la Santé publique et de la Famille à Bruxelles, intitulé « Liste alphabétique des israélites arrêtés dans le Nord de la France, vraisemblablement y domiciliés, transférés du Nord de la France, en train, au camp de rassemblement de Malines où ils sont arrivés le 12/9/1942. Ils y ont été réunis avec d’autres israélites domiciliés en Belgique et internés au camp de rassemblement de Malines pour former le convoi X, transférés de ce camp le 15/9/1942 vers les camps d’extermination de Haute-Silésie ». 3. Voir le tableau synthétique dans Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, op. cit., p. 191. 4. Voir le graphique de la chronologie des déportations de Belgique dans Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 298. 5. Ibid., p. 230. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 283/304

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6. Sur ces questions bien documentées, voir Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, op. cit., chap. IV sur l’accord du 2 juillet, p. 80-81 sur l’organigramme des autorités alle- mandes et françaises impliquées ; Saul Friedländer, Les Années d'extermination, op. cit.,, p. 473-480 et 516-527 ; Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 109-150., ou encore la synthèse de Thomas Fontaine, « Répression et persé- cution en France occupée, 1940-1944 », Online Encyclopedia of Mass Violence,avril 2008, 45 p. URL stable (en anglais) : http://www.massviolence.org/Article ?id_arti- cle=84. 7. Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 118. 8. Voir Maxime Steinberg, « Le paradoxe français dans la solution finale à l’ouest », Annales ESC,no 3, mai-juin 1993, p. 590. 9. Les comptes rendus des échanges télex et téléphonique entre Dannecker et Eich- mann sont reproduis dans Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, tome 2 : Septembre 1942-août 1944, op. cit., p. 465 et 557. 10. Archives en ligne du CDJC, liste en allemand (Transportliste) dressée par la Sipo- SD d’Angers, avec séparation hommes/femmes, du convoi 8 Angers-Auschwitz du 20/ 07/1942. 11. Szlama est sélectionné pour le travail à son arrivée au camp : son décès est enregistré le 26/10/1942 (Auschwitz Death Registers, The State Museum Auschwitz- Birkenau, p. 37413/1942). 12. Archives en ligne du CDJC, liste des enfants enregistrés au camp de La Lande, p. 7, déportés par le convoi no 36 du 23/09/1942. Font-ils partie des enfants perdus photographiés au camp de La Lande ? (cliché reproduit dans le cahier photographique central de Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, op. cit., cahier non paginé). Sur les condi- tions inhumaines de leur transfert puis de leur internement à Drancy, ibid., p. 332-334. 13. Archives en ligne du CDJC, listes des convois Drancy-Auschwitz 62 et 64. 14. Maxime Steinberg, L’Étoile et le fusil, tome 2 : 1942. Les cent jours de la déporta- tion des Juifs de Belgique, op. cit., note 22, p. 192. Voir également le rapport d’activité de la Militärverwaltung (Tätigkeitsbericht no 21 daté du 15/09/1942, CDJC CDXCVI), qui évoque explicitement cette évolution vers une « évacuation générale », in Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), op. cit., p. 232. 15. On ne connaît l’âge que pour 913 des 991 Juifs lensois de 1939. 16. Le cas néerlandais montre, à l’inverse et dans un contexte très différent (16 % de Juifs étrangers, une mortalité de 75 % de l’ensemble des Juifs de ce pays), que les immigrants ont davantage de chances d’échapper aux arrestations que les nationaux : Peter Tammes, « Jewish Immigrants in the Netherlands during the Nazi Occupation », Journal of Interdisciplinary History, vol. XXXVII, no 4, 2007, p. 543-562. 17. Les données concernant la France et la Belgique sont reprises du tableau de Maxime Steinberg dans « Le paradoxe français dans la solution finale à l’ouest », art. cité, p. 587. 18. Rapport du commissaire de Château-Gontier au préfet de la Mayenne daté du 16/7/1942, cité par Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, tome 2 : Septembre 1942-août 1944, op. cit., p. 520-521. 19. M. Steinberg, L’Étoile et le fusil, tome 2 : 1942. Les cent jours de la déportation des Juifs de Belgique, op. cit., p. 157-158. 20. Sur les conditions de survie à Drancy, voir entre autres les témoignages des responsables administratifs juifs du camp, François Montel, Georges Kohn, Journal de CompiègneetdeDrancy, journaux présentés et annotés par Serge Klarsfeld, Paris, Association«Lesfilsetfillesdesdéportés juifs de France », Beate Klarsfeld Foundation, 1999, ou la lettre d’une internée publiée par Serge Klarsfeld dans Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, tome 2 : Septembre 1942-août 1944, op. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 284/304

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cit., p. 580-581 dont voici les derniers mots : « P.S. On parle de notre départ pour demain [la lettre est datée du 24 juillet 1942], on ne sait où, peut-être un autre camp ? » 21. Script de la retranscription de l’entretien avec Herman Idelovici, dans Gérard Camy et Jacques Lefebvre, « Automne 42 », Nice, CRDP de l’académie de Nice, 1995. 1 cass. vidéo (52 min.) ; 1/2 p. VHS, coul. SECAM + 1 livret (14 p.) et une disquette script d’entretien. 22. Témoignage de Jacques Levy, Cahiers séfardis,nos 3, 4 et 7, janvier et juin 1947, cité par Serge Klarsfled, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, op. cit., vol. 3, p. 1260-1261. 23. Mecheln-Auschwitz. 1942-1944, op. cit., vol. 1, p. 281. Ces numéros de transport et d’ordre figurent de façon systématique pour chacun des déportés de Belgique dans le 4e volume de Mecheln-Auschwitz, « Liste des noms des déportés ». Nous remercions très chaleureusement Laurence Schram, coauteur des volumes et responsable des fonds d’archives du Musée juif de la Déportation et de la Résistance de Malines, pour avoir mis à notre disposition une extraction informatique des seuls convois X et XI, facilitant grandement notre travail. 24. Ibid. 25. Sur ce réseau de camps et plus généralement sur le traitement réservé à cette région aux marges orientales du Reich nazi, voir Sybille Steinbacher, « Musterstadt » Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich K G Saur Verlag, 2000. 26. Serge Klarsfled, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, op. cit., p. 1261. 27. Script de la retranscription de l’entretien cité avec Herman Idelovici, CRDP Nice 1995. 28. Danuta Czech, Auschwitz Chronicle from the Archives of the Auschwitz Memorial and the German Federal Archives, 1939-1945, Londres et New York, I. B. Tauris & Co, 1990, p. 604 (désormais Auschwitz Chronicle). 29. Archives du Service international de recherche de la Croix-Rouge, Bad Arolsen (désormais ITS, International Tracing Service), consultées sous forme numérisée dans les locaux de l’USHMM à Washington, cote GCC 2/2, Polit. Abt. List Buchenwald 1 (arrivée 10/2/1945, transfert de Gross-Rosen, no 177221 Ausch). Pour une présentation en français de ce fonds gigantesque, voir Jean-Marc Dreyfus, « À Bad Arolsen, dans la forêt des archives nazies », La Vie des idées, 11/9/2008, http://www.laviedesidees.fr/A- Bad-Arolsen-dans-la-foret-des.html.

CHAPITRE 9 Exterminés 1. Jean-Claude Pressac, « Enquête sur les chambres à gaz », in Auschwitz. La Solu- tion finale, Paris, Tallandier, 2005, p. 75-100 ; Florent Brayard, « Comment écrire l’his- toire sans archive ? Un regard sur l’historiographie du camp d’extermination de Belzec », in Florent Brayard (dir.), Le Génocide des Juifs entre procès et histoire. 1943- 2000, op. cit., 2000, p. 135-187. 2. On centre l’examen sur le camp d’Auschwitz. Il est difficile de connaître le devenir exact des 9 déportés à Maïdanek et de Salomon Lieber, jeune homme né à Lens en 1926 et envoyé vers Kaunas/Reval par le convoi 73 du 15 mai 1944. Selon Serge Klarsfeld, on peut penser qu’une grande partie de ceux envoyés en 1943 vers Lublin a été assassinée à Sobibor (Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, op. cit., vol. 3 p. 1410-1411). Mais il mentionne également quelques survivants enregistrés à Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 285/304

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Maïdanek puis transférés à Auschwitz. Parmi les Lensois, au moins 1 des 9 individus des convois 50 et 51 a suivi ce parcours : Henri Monheit, jeune homme de 19 ans en 1942 enregistré sous le matricule 129 481 le 11 juillet 1943 (avec autres prisonniers en provenance du camp). Il est décédé à l’hôpital de Monowitz le 20 février 1944 (ITS, OCC 2/92 ordner 166 seite 108, Totenbuch des KL Ausch Monowitz). 3. Tal Bruttmann, Laurent Joly et Annette Wieviorka, Qu’est-ce qu’un déporté ? His- toire et mémoires des déportations de la Seconde Guerre mondiale, op. cit. 4. Pour une première approche concernant le seul complexe d’Auschwitz auquel on s’intéressera ici, voir Yisrael Gutman et Michael Berenbaum (éds), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, Bloomington et Indianapolis, Indiana U.P. and USHMM, 1994 ; et Franciszek Piper et Teresa Swiebocka (dir.), Auschwitz. Camp de concentra- tion et camp d’extermination, Oswiecim, Musée d’Auschwitz, 1994 ; Herman Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Paris, Fayard, 1975 ; ou encore le témoignage (datant de 1947) de l’ancien commandant d’Auschwitz : Rudolf Höss, Le Commandant d’Ausch- witz parle, Paris, La Découverte, 2005. On a également largement utilisé Danuta Czech, Auschwitz Chronicle from the Archives of the Auschwitz Memorial and the German Fede- ral Archives, 1939-1945, op. cit. Il s’agit de la traduction anglaise du calendrier quoti- dien des événements survenus dans le camp (Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt Verlag, 1989), dont les premières éditions sont publiées de façon échelonnée dans les versions polonaise et allemande (Hefte von Auschwitz) de la revue du Mémorial d’Auschwitz entre 1954 et 1964. 5. « Transportliste des Sammellagers Malines », ITS OCC 14. 6. Rudolf Höss, Le Commandant d’Auschwitz parle, op. cit., p. 232-233. 7. La liste des convois, avec mention de la série de numéros d’immatriculation concernant chacun d’eux, a été copiée clandestinement et transmise à la résistance polonaise en septembre 1944 par Kazimierz Smolen, détenu employé au bureau des enregistrements de la Gestapo (Politische Abteilung) à Auschwitz et futur directeur du musée du camp jusqu’en 1991. 8. Eva Tichauer, J’étaislenuméro20832àAuschwitz,Paris,L’Harmattan, 1988, p. 54-55. 9. Rudolft Höss, Le Commandant d’Auschwitz parle, op. cit., p. 228. 10. Voir également Franciszek Piper, « Gas Chambers and Crematoria », in Yisrael Gutman et Michael Berenbaum (éds), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, op. cit., notes 32 et 33, p. 178. Höss donne, lui, les chiffres de 800 et 1 200 (ibid., p. 225-229). 11. La datation précise fait l’objet de débats, notamment pour le bunker 1. D. Czech indique respectivement les 20 mars et 30 juin 1942 (Auschwitz Chronicle from the Archives of the Auschwitz Memorial and the German Federal Archives, 1939-1945, op. cit., p. 146 et 189). Jean-Claude Pressac et Robert-Jan Van Pelt parlent de mai et fin juin (« The machinery of mass murder at Auschwitz », in Yisrael Gutman et Michael Berenbaum (éds), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, op. cit., p. 212 et 214). C’est seulement durant l’hiver 1942-1943 que sont construites les nouvelles chambres à gaz- crématoires II à V à l’intérieur même du camp de Birkenau. 12. Rudolf Höss, Le Commandant d’Auschwitz parle, op. cit., p. 181-182. 13. Auschwitz Chronicle, « September 21 », op. cit., p. 242. 14. Ibid., p. 230. L’ordre, indique Höss, lui est transmis par le Standartenführer Blobel, chargé alors de l’«Aktion 1005», l’élimination des traces des opérations de tueries, essentiellement par crémation des cadavres issus des fosses communes (voir Jens Hoffmann, Das kann man nicht erzählen. Aktion 1005 : Wie die Nazis die Spuren ihrer Massenmorde in Osteuropa beseitigen, Hambourg, Konkret Verlag, 2008 et Shmuel Spector, « Action 1005 – Effacing the Murder of Millions », Holocaust and Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 286/304

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Genocide Studies, vol. 5, no 2, 1990, p. 157-173). Sur l’inspection de Himmler à Ausch- witz et son importance, voir Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 131 et suiv. 15. Nous avons utilisé les dossiers de l’ITS parce qu’ils compilent, sur une base individuelle et nominative, les archives de l’ensemble des camps de concentration en Europe (donc celles d’Auschwitz), permettant ainsi de suivre dans leur continuité des parcours d’internement souvent complexes (voir infra). 16. Mecheln-Auschwitz, op. cit., vol. 4. Une fois encore nous remercions Laurence Schram d’avoir accepté de nous remettre une extraction informatique du fichier des déportés qu’elle a établi pour la rédaction du nouveau mémorial des Juifs de Belgique. 17. Auschwitz Sterbebücher, respectivement 36664 et 38643/1942. 18. « Le détenu dans un camp de concentration est […]unHäftling.C’est ainsi qu’ils se désignent dans les premiers témoignages comme Primo Levi dans Si c’est un homme et non comme aujourd’hui du terme de déporté », Annette Wieviorka, Ausch- witz, 60 ans après, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 52. 19. Ben Mark, Des voix dans la nuit, Paris, Plon, 1982, p. 26. 20. Sur cette question, voir Michael Pollak, L’Expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990. 21. Les Häftlinge Personalbogen (ou Auschwitz Registration Form), sont rangés par ordre alphabétique des noms sous la cote ITS, OCC 2/3/a. 22. Götz Aly montre que les parents de la petite Marion Samuel, dont il écrit l’his- toire, ont été soumis à cette mesure le 9/12/1938. Le 12/2/1951, alors que le père de Marion était mort dans les chambres à gaz d’Auschwitz depuis bien longtemps, l’admi- nistration locale du Land du Mecklenburg a de nouveau rectifié l’état civil d’Ernst Samuel au motif que « la note du 30/12/1938 doit être considérée comme n’ayant jamais été écrite. En effet le décret d’août 1938 a été déclaré immoral le 1er septembre 1945 » (Götz Aly, Into the Tunnel. The brief life of Marion Samuel, 1931-1943, op. cit., p. 28-30). 23. Sur sa participation aux assassinats par balle de détenus, voir Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 258. 24. OCC 2/22 ordner 85c seite 35, Krematoriumsverzeichnis des KL Auschwitz. Todesdatum 24/12/1942. 25. On sait, grâce aux témoignages des résistants que ce même jour, 37 détenus ont été tués après sélection par injection létale dans le block 20, Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 290. 26. Herman Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, op. cit., p. 56-57. 27. Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France, tome 2 : Sep- tembre 1942-août 1944, op. cit., p. 347-348. 28. ITS OCC 2/7 Kommando Buch Arb. Kommando Golleschau no 380. 29. Auschwitz Sterbebücher, Meer Katz, 34964/1942. 30. Le Procès de Jérusalem, Paris, Calmann-Lévy, 1963, p. 81-85. 31. Nombreux témoignages. Voir par exemple Eva Tichauer, J’étais le numéro 20832 à Auschwitz, op. cit., p. 60-62 ; Claudine Cardon-Hamet, Mille Otages pour Auschwitz. Le convoi du 6 juillet 1942, Paris, Éditions Graphein, 1997, p. 31 et 39 ou Herman Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, op. cit., p. 15. 32. Témoignages de Dounia Ourisson (Les Secrets du bureau politique d’Auschwitz, Paris, Éditions Amicale d’Auschwitz, 1946) et de Raya Kagan, cités par Léon Poliakov, Auschwitz, Paris, Julliard, 1964, p. 98 et 100. 33. Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 192-193. Le décalage d’une journée ne doit pas tromper : pour masquer les meurtres collectifs, les SS obligeaient souvent les internés chargés de remplir les registres à « étaler » un peu Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 287/304

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les dates de décès (témoignage de Raya Kagan cité par Léon Poliakov, Auschwitz, op. cit., p. 98-100). 34. Auschwitz Sterbebücher, 28674/1942. 35. L’ensemble de ces données sont reprises de Florent Brayard, La « Solution finale de la question juive », op. cit., p. 192-193. 36. « […] muss im wahren Sinn des Wortes erschöpfend sein ». Il ajoutait que la durée de travail était illimitée, et les pauses repas réduites au minimum (règlement annexé au apport d’Oswald Pohl à Himmler, daté du 30/4/1942, cité par Léon Poliakov, Ausch- witz, op. cit., p. 69-70). Pour une analyse récente du système concentrationnaire nazi, et notamment du statut du travail forcé dans ce cadre, voir Karin Orth, Das System der nationalsozialistischen Konzentrationslager. Eine politische Organisationsgeschichte, Hambourg, Hamburger Edition, 1999 (p. 166 pour les ordonnances aux commandants des camps). 37. Eugen Kogon, L’État SS. Le système des camps de concentration allemands, Paris, Seuil, 1993 [1946], p. 394-395. 38. Annette Wieviorka, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Paris, Plon, « Pluriel », 1992, p. 210-220. 39. Une rescapée d’Auschwitz, déportée de France, a raconté que dès sa descente du wagon un détenu se précipite vers elle et lui suggère de dire qu’elle est médecin. Cette déclaration lui permet d’échapper à la sélection sur la rampe. Mais à son arrivée dans le camp, classée comme « juive », elle est affectée à un Kommando de construc- tion. Sa profession de « médecin » ne compte plus : Michael Pollak,L’Expérience concentrationnaire, op. cit., p. 146-148. 40. L’ensemble de ces données concernant les métiers déclarés proviennent des questionnaires d’enregistrement (Häftlinge Personalbogen ou Auschwitz Registration Form, ITS, OCC 2/3/a) ou de la reprise systématique de l’information sur les certificats de décès (Auschwitz Sterbebücher) lorsque les Häftlinge Personalbogen ont disparu. 41. Primo Levi, docteur en chimie, est affecté lors de son arrivée à Auschwitz en février 1944 à l’usine de Buna. Ce n’est qu’en novembre qu’il parvient à obtenir, grâce à sa formation professionnelle, un poste relativement privilégié d’assistant dans le labo- ratoire de l’usine de production de caoutchouc. 42. Auschwitz Sterbebücher, respectivement 34783/1942 et 24415/1942. 43. ITS, KL Mauthausen (Kartei), Schreibstubenkarte Beiline Faïwa. 44. ITS, GCC 3/80/-ID/1- Dachau Questionnaire Weitz Simon, Au. No. 64103, Da. No. 139721. 45. ITS, OCC 2/102 ordner 321 seite 25+26. Laboruntersuchungen des SS-Hygiene- Instituts Auschwitz. Frenkel Abraham, 64027, abgesandt am 4/9/1944. Eingegangen am 8/9/1944. Einsendende Dienststelle : HKB Eintrachthütte, Schneiderei. 46. Herman Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, op. cit., p. 239. 47. Durant les quatre mois d’août, septembre, novembre et décembre 1942 (octobre marque une pause dans cette modalité des massacres), ce sont 2 467 internés au moins qu’on assassine dans l’hôpital par injection de phénol (Irena Strzelecka, « Hospitals », in Yisrael Gutman et Michael Berenbaum (éds), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, op. cit., p. 389). 48. Herman Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, op. cit., p. 47-48. 49. ITS, OCC 2/80 ordner 129 seite 62. Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). Salomon Isr. Hauser. Eingang 25/11/42. Krankheit : Allg. Schwäche. Bemerkung : 26/11 Verstorben. 50. ITS, OCC 2/80 ordner 129 seite 37. Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). 51. Sur cette fonction dévolue au block 19, voir Irena Strzelecka, « Hospitals », art. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 288/304

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cit., p. 381 et Claudia Curio, « Häftlingskrankenbauten », in Wolfgang Benz et Barbara Distel, Der Ort des Terrors, Munich, C. H. Beck Verlag, 2008, band 5, p. 119. 52. ITS, OCC 2/80 ordner 129 seite 37. Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). 53. ITS OCC 2/80 ordner 129 seite 32. 54. D’après les registres du block 28, Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 247. 55. ITS OCC 2/80 ordner 129 seite 49 Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). « Eingel. am 12/11/42. Krankheit : –. Bemerkung : Verl. Bl 21a Transp. 13/11 » et OCC 2/19d IIE/1 ordner 61 b seite rot 82, HKB des KL Ausch. Bl 28 « war am 14/11/ 1942. Entlassen Birk. Bemerkung : – ». 56. D’après les registres du block 28, Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 269. 57. IST OCC 2/19d IIE/1 ordner 61 b seite rot 89. « HKB des KL Ausch. Bl 28 war am 8/12/1942. Entlassen Birk. Bemerkung : S II ». 58. ITS OCC 2/19/a (F4-14/M) Ausch Hospital register. 59. Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 281-282. 60. ITS OCC 2/19/a (F4-14/M) Ausch Hospital register. Szor Judel. Ausch Bl. 22. Entered the hospital 6/1/1943. Died on 13/1/1943 et OCC 2/80 ordner 129 seite 118. Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). « Au. Häft. Nr 64086. Steiner Mayer Isr. Eingel. am 13/1/43. Krankheit : –. Bemerkung : Verst. 14/1 ». 61. Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 304-306. 62. Auschwitz Sterbebücher, respectivement 1704/1943 et 1883/1943. 63. ITS, OCC 2/7, Kommando Buch arb. Kommando Golleschau no 447. 64. ITS OCC 2/80 ordner 129 seite 30, Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). « Au. Häft. Nr 64012. Berger Leser Isr. Eingel. am 15/10/42. Krankheit : TB [?]. Bemerkung : Verl. Bl. 19, Sch. 16/10 ». OCC 2/88 ordner 158 seite 38 u. 42, Operationsbuch der Chirurgischen Abtlg. (bl 21) des HKB des KL Ausch. OCC 2/22 ordner 85c seite 43, Krematoriumsverzeichnis des KL Auschwitz. Todesdatum 8/1/43. 65. Michael Pollack, L’Expérience concentrationnaire, op. cit., p.154-156. 66. ITS, OCC 2/80 ordner 129 seite 43, Meldebuch des HKB des KL Auschwitz (block 28). « Au. Häft. Nr 64006. Beiline Faïwa Isr. Eingel. am 10/11/42. Krankheit : Phlegmon. Bemerkung : Verl. Bl. 21a, 11/11 ». OCC 2/80 ordner 129 seite 36, « Au. Häft. Nr 64033. Goldszmidt Isaak Isr. Eingel. am 28/10/42. Krankheit : Zellgewebsentzdg. Li. Fuss. Bemerkung : Verl. Bl. 21a, 29/10 ». 67. ITS, OCC 2/31 + a IIE/4 Krankenbau-Reg-Monowitz (Zu und Abgänge), 14117- 17020, no 16324. 68. Raul Hilberg indique que les archives du Krankenbau Monowitz comptabilisent 15 684 entrées entre le 7/6/1943 et le 19/6/1944 concernant 8 244 personnes, certaines y étant admises plusieurs fois. Parmi les détenus malades, 83 % (6 800) étaient des Juifs (La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., vol. 2, éd. 1988, note 44, p. 805). 69. Auschwitz Chronicle, op. cit., p. 347 et 352. 70. Ibid., p. 486. 71. Sur les 6 800 Juifs admis dans l’hôpital de Monowitz, « 632 y moururent et 1 336 furent envoyés à Birkenau pour y être gazés » (Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., vol. 2, éd. 1988, note 44, p. 805). 72. ITS, OCC 2/31 + a IIE/4 Krankenbau-Reg-Monowitz (Zu und Abgänge), no 19849. 73. Claudine Cardon-Hamet, Mille Otages pour Auschwitz, op. cit., p. 267. 74. ITS GCC 3/80/ID/1 Dachau Questionnaire (ordre alphabétique des noms). 75. ITS OCC 15/162 IB/7 ordner 203 seite 84. Veränderungs-Meldungen des KL Mauthausen. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 289/304

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76. ITS OCC 2/7a Kommando Golleschgau, Häftl Liste, 27/12/1943. Nr 64066, Lipszik Gabriel. 77. ITS OCC 2/102 respectivement ordner 299 seite 196 et ordner 295 site 168. Laboruntersuchungen des SS-Hygiene-Instituts Auschwitz. « abgesandt am 1/7/1944. Eingegangen am 1/7/1944. Einsendende Dienststelle : Der 1. Lagerarzt des KL Ausch- witz I » (pour H. Klajman). 78. Michael Pollak, L’Expérience concentrationnaire, op. cit., p. 52-53. 79. Témoignage recueilli dans L’Echo du Pas-de-Calais,no 37, octobre 2002. 80. ITS T/D number 76864, 19/3/1959, 19/7/1976 et 14/10/1982. 81. Michael Pollak montre comment le jeu entre différentes appartenances et notamment entre la catégorie de « juif » et catégorie de « politique » a pu permettre à certains détenus d’Auschwitz d’échapper à la mort : L’Expérience concentrationnaire, op. cit., p. 51-53. 82. Claudine Cardon-Hamet, Mille Otages pour Auschwitz, op. cit., p. 212 à 340. 83. Eva Tichauer, J'étais le numéro 80832 à Auschwitz, op. cit., p. 94-98. 84. Voir ici les travaux d’Hermann Langbein, par exemple « The Auschwitz under- ground », in Yisrael Gutman et Michael Berenbaum (éds), Anatomy of the Auschwitz Death Camp, op. cit., p. 485-502. 85. ITS OCC 2/2 Auschwitz Transportliste, Zugänge am 24/6/1942. Eingeliefert von RSHA. Nr 41251. 86. ITS OCC 3/80/-ID/1- Dachau Questionnaire Zylbergberg Berek, Da No 88708. 87. ITS Inquiry T/D Number 922409 Zilberberg Berek. « 25.6.1942 von Drancy nach Auschwitz Hftl Nr 41251. Birkenau/ZA Buna/Ghetto Warschau 10.1943/1.5.1945 Wolfsratshausen ? befreit Tirol/17.5.1945 Frankreich ». 88. ITS GCC 3/62/-IA/4- Ori. Dachau Entry Register. 6/8/1944 from CC Warschau. 89. ITS OCC 2/3/a Auschwitz Personalbogen Waldstein Israël, 64107. 90. Voir Andrea Rudorff, « Fürstengrube », in Wolfgang Benz et Barbara Distel, Der Ort des Terrors, op. cit., band 5, p. 221-225 et Tadeusz Iwaszko, « Das Nebenlager Fürstengrube », Hefte von Auschwitz, 16, 1978, p. 5-92. 91. ITS OCC 2/103 ordner 338 seite 101+102 Prämienauszahlungs und vorschlagslis- ten des KL Ausch Kommando Fürstengrube. 92. Daniel Blatman, Les Marches de la mort. La dernière étape du génocide nazi, été 1944-printemps 1945, Paris, Fayard, 2009.

CHAPITRE 10 Retours 1. Lettre du 7/12/1944 à M. Le sous-préfet, ADPC 1Z499. 2. Archives Jean Dawidowicz, mémoire sans titre, seconde partie manuscrite « 1941- 1945 », sans date mais postérieur à 1990, publié après remaniements dans « Un jeune couple dans la guerre. Témoignage de Jean et Charlotte Dawidowicz », Tsafon, Revue d’études juives du Nord,no 47, 2004, p. 41-60. 3. Étienne Dejonghe et Daniel Laurent, Libération du Nord et du Pas-de-Calais, Paris, Hachette Littératures, 1974, p. 201-213. 4. United States Holocaust Memorial Museum (USHMM), RG 69.004M 5. ACB, E 4264-1985/196 dossier no 22103. 6. ACB, E 4264-1985/196 dossier no 5874. 7. ACB, E 4264-1985/196 dossier no 9596. 8. ACB, E 4264-1985/196 dossier no 5865. 9. CARAN AJ38/4920 et AJ38/4919. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 290/304

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10. Lettre du commissaire gérant au préfet du Pas-de-Calais, datée du 11/3/1945, AN AJ38/5851. C’est lui qui, un an auparavant, était intervenu pour soutenir le policier : « Le locataire actuel, Monsieur Lemaire, agent de police, n’exerce que ce seul métier. Son salaire mensuel ne peut lui permettre de payer un loyer aussi élevé » (lettre au préfet datée du 22/5/1944). 11. Lettre du 3/6/1949, CARAN AJ38/4917. 12. Antoine Prost, Rémi Scoutelsky et Sonia Étienne, Aryanisation économique et restitutions, op. cit., p. 51-93 et 149-174. 13. ADPC 1Z499. 14. Lettre du 24/02/1945, AJ38/4927. 15. Florent Le Bot, « Que rendre après l’irréparable ? Évaluations et restitutions des biens spoliés durant l’Occupation dans le cadre des procédures judiciaires de l’après- guerre », Le Mouvement social,no 222, 2008/1, p. 116. 16. Jean Laloum, « La restitution des biens spoliés », Les Cahiers de la Shoah,no 6, 2002/1, p. 13-58 ; Claire Andrieu, « En France, deux cycles de politiques publiques : restitutions (1944-1989) et réparations (1997-?…)», in Constantin Goshler, Philipp Ther et Claire Andrieu (dir.), Spoliations et restitutions des biens juifs en Europe, XXe siècle, Paris, Autrement, 2007, p. 186-215. 17. Ce taux de réponse, de 23 %, est comparable à celui estimé par Jean Laloum (35 %) pour les 493 dossiers qu’il a étudiés dans les communes de Montreuil, Bagnolet et Vincennes (« La restitution des biens spoliés », art. cité, p. 26 et 29). 18. CARAN AJ38 4920, AJ38/4918. 19. En date du 16/8/1946, CARAN AJ38/4915. 20. CARAN AJ38/4918. Moïse ajoute : « Aussi veuillez avoir l’obligeance de me faire savoir les démarches nécessaires à faire afin d’obtenir une indemnité par les ex-admi- nistrateurs et pour les biens spoliés » (lettre du 30/1/1947). 21. Réponse du 11/8/1946, CARAN AJ38/4918. 22. Anne Grynberg, « Des signes de résurgence de l’antisémitisme dans la France de l’après-guerre (1945-1953) ? », Les Cahiers de la Shoah, 2001/1, no 5, p. 1717-223. 23. Antoine Prost, Rémi Scoutelsky et Sonia Étienne, Aryanisation économique et restitutions, op. cit., p. 161. 24. Lettre du 6/9/1946, CARAN AJ38/4918. 25. Lettre du 12/8/1946, CARAN AJ38/4920. 26. Lettre du 8/8/1946, CARAN AJ38/4917. 27. Lettre datée du 27/1/1947 au Service des restitutions, CARAN AJ38/4920. 28. Lettre du 20/4/1945 à Monsieur le général de Gaulle, ADPC 1Z499. 29. Lettre du 7/9/1946, CARAN AJ38/4917. 30. Lettre du 11/10/1946, CARAN AJ38/4915. 31. Lettre du 10/8/1946, CARAN AJ38/4920. 32. Lettre du 7/9/1946, CARAN AJ38/4919. Il nous faudrait, pour poursuivre l’enquête, aller consulter les archives des tribunaux civils et de commerce, afin de pouvoir évaluer le détail des procédures judiciaires. 33. Lettre-réponse du 6/9/1946, CARAN AJ38/4918. 34. Antoine Prost, Rémi Scoutelsky et Sonia Étienne, Aryanisation économique et restitutions, op. cit., p. 54. Annette Wieviorka, Déportation et génocide, op. cit., p. 67. 35. André Weil-Curiel, Règles de savoir-vivre à l’usage d’un jeune juif de mes amis, (préface de Léon-Paul Fargue), Paris, Éditions du Myrthe, 1945, p. 33. 36. Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005, p. 323-355. 37. Annette Wieviorka, Déportation et génocide, op. cit., p. 157. 38. Lettre manuscrite, Lens le 7/6/1945, CAC 19780014 dossier 27472X46. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 291/304

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39. CAC 19770893, dossier 17717X37, 19770881, dossier 2413X33, 19780015, dos- sier 9862X47 40. Rapport non signé, no 4405-DE, source directe, daté du 16/12/1946, ADPC 1W7183. 41. CAC 19770904, dossier 22267X40 et 19770894, dossier 669X38. 42. Formulaire de déclaration daté du 14/11/1945, ADPC 1W7183. 43. Lettre de M. Cymbalista annonçant la création de la section au maire de Lens, 11/2/1947, ADPC 1W7183. 44. Rapport Sûreté nationale, non signé, no 2638-FS, source directe, daté du 11/8/1945, ADPC 1W7183. 45. Rapport des Renseignements généraux, non signé, daté du 20/9/1945, ADPC M3235. 46. Nicole Lapierre, Changer de nom, Paris, Gallimard, 2006 (1re éd. 1995), p. 137- 169. 47. CAC 19770894, dossier 669X38. 48. Lettre de Ch. Dembinski à la préfecture, 22/4/1948, puis au service des naturali- sations, 5/7/1948, et réponse le 10/7/1948, CAC 19780018/192, dossier 17744X47. 49. CAC 19790853/52, dossier 14906X49. 50. CAC 1970882/86, dossier 3529X34. 51. Lettre du 30/10/1947, CAC 19780013/41, dossier 16993X46. 52. Échanges de courriers entre avril 1950 et septembre 1951, CAC 19770903/206, dossier 20729X40. 53. Note au sous-préfet datée du 28/12/1945. Tous les renseignements qui précèdent sont tirés de CAC 1977088/140, dossier 2028X36. 54. CAC 19770881, dossier 24134X33. 55. Rapport au commissaire lensois daté du 13/11/1948, 19790851/19, dossier 33168X48. 56. CAC 19790853/52, dossier 14906X49. 57. Rapport d’enquête de la direction générale de la Sûreté nationale, fait à Lens le 12/01/1950, CAC 19790855/5, dossier 7134X50. 58. CDJC, Crimes ennemis : la persécution raciale en France, Office d’édition, 1947, p. 618. 59. Lettre de Fajvel Lichtenstajn du 8/8/1946,CARAN AJ38/4915. 60. Lettre au Service de restitution, 31/7/1946, CARAN AJ38/4946. 61. CAC 19780314/157 dossier 20220X48. 62. CAC 1977088/140, dossier 2028X36. 63. Lettre du 5/10/1948, CAC 19770884/107, dossier 31252X34. 64. Annette Wieviorka, Déportation et génocide, op. cit., p. 64. 65. En date du 25/5/1949, CAC 19790853/52, dossier 14906X49. 66. Entretien de 1990 donné à Annette Wieviorka, Déportation et génocide, op. cit., p. 170. 67. CAC 19790853/37, dossier 14430X49, rapport du préfet du Pas-de-Calais au ministre de la Santé publique et de la Population, 9 juillet 1949. 68. Rapports du sous-préfet de Mulhouse et du préfet du Haut-Rhin, datés du 27/12/ 1945 et du 28/4/1947, CAC 19770896/195, dossier 30896X38. 69. CAC19770899/88, dossier 4292X39. 70. Lens, le 2/5/1946, CAC 19770907/196, dossier 43174X45. 71. CAC 19780018/192, dossier 17744X47. 72. Rapport du sous-préfet de Béthune au préfet, le 7/9/1945, et avis du 18/7/1945, CAC 19780013/281, dossier 25907X46. 73. Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives, op. cit., p. 192 et suiv. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 292/304

292 NOTES DE LA PAGE 233 À 242

74. Sur la continuité du personnel administratif après la Seconde Guerre mondiale, voir François Rouquet, L’Épuration dans l’administration française. Agents de l’État et collaboration ordinaire, Paris, CNRS Éditions, 1993, p. 113-128 et Marc-Olivier Baruch (dir.), Une poignée de misérables : l’épuration de la société française après la Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, 2003, notamment p. 139-163 et p. 401-416. 75. Rapport de la sous-préfecture du 22/2/1946, CAC 19780007/76, dossier 6659X46. 76. Rapport du sous-préfet de Brive adressé au sous-préfet de Béthune, le 24/4/1950, CAC 1970882/86, dossier 3529X34. 77. CAC 19780030/284, dossier 4049X48. 78. CAC 19780314/244, dossier 23446X48. 79. Entretien avec Jacques Schor, le 9 décembre 2002. 80. Marion Fontaine et Emmanuel Martin, « Du silence au scandale. La commémo- ration du soixantième anniversaire de la rafle des Juifs de Lens », Tsafon, Revue des études juives du Nord,no 54, décembre 2007, p. 117-139.

Épilogue 1. ACB E-4264 1985/196, dossier no 4529. Un grand merci à Ruth Fivas-Silberman qui nous a indiqué l’existence de cet homme et à Michlean Amir, directrice du centre d’archives de l’United States Holocaust Museum Memorial qui a accepté de nous trans- mettre ce dossier d’archives en urgence. 2. Olivier Chovaux, « Football minier et immigration. Les limites de l’intégration sportive dans les années trente », Staps 3/2001, no 56, p. 9-18 ; Marion Fontaine, Le Racing Club de Lens et les “Gueules Noires”. Essai d’histoire sociale, Paris, Les Indes Savantes/La Boutique de l’histoire, septembre 2010. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 293/304

REMERCIEMENTS

Nous aimerions tout d’abord exprimer notre profonde gratitude aux personnes de Lens, acteurs de cette histoire, parents ou descendants, qui ont accepté de nous rencontrer, de nous raconter leur histoire et de nous confier leurs documents personnels : Catherine Alpern, Georgette et Sylvain Auslender, Jean Dawidowicz, Henri Donscoi, Adolphe Ekman, Joseph Pahmer, Jaffa Ringel, Mireille Schafier, Jacques et Greta Schor, Charles Szulman, Serge et Alain Tajchner. Nous tenons également à remercier l’ensemble des personnes qui ont facilité cette recherche dans les différents centres d’archives fréquentés, archivistes mis à rudes épreuves par nos demandes innombrables de dos- siers personnels : Annie Poinsot et Cécile Simon aux Archives nationales, Damien Richard au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau, le personnel des archives départementales du Pas-de-Calais. À l’United States Holocaust Memorial Museum de Washington, Michlean Amir a rendu la consultation des fonds du service d’archives efficace et agréable. Et nous avons été guidés dans les méandres des archives de l’ITS par l’aide incroyablement énergique de Diane Afoumado et sa dream team du « Registry of Holocaust Survivors » : Jo-Ellyn Decker, Steve Russo, William Connelly. Un très grand merci ! Maxime Steinberg et Yves Le Maner ont répondu avec gentillesse à nos questions. Enfin, Laurence Schram et Ruth Fivaz-Silberman nous ont fait la confiance de nous transmettre les résultats de leurs propres investigations sur les déportés de Malines et sur les réfu- giés juifs de la frontière genevoise. Cette recherche a bénéficié du soutien scientifique et logistique sans faille de nos laboratoires de rattachement : le Curapp à Amiens (merci à Corinne Robinson tout particulièrement) et l’Institut d’histoire moderne et contemporaine à Paris (merci à Martine Grelot !). Nous avons trouvé un environnement intellectuel interdisciplinaire particulièrement stimulant auprès de nos compagnons de route de l’enquête lensoise que nous remercions chaleureusement : Martina Avanza, Françoise de Barros, Gilles Laferté, Emmanuel Martin, Étienne Penissat, avec une mention toute spéciale à Marion Fontaine dont la connaissance du terrain lensois fut particulièrement utile. Nous remercions Olivier Godechot, Claire Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 294/304

294 FACE À LA PERSÉCUTION

Lemercier et Pierre Mercklé pour leurs lumineux conseils tant sur les chiffres que sur les lettres, Jörg Muller pour ses traductions toujours dans l’urgence, Alix Heiniger et Pauline Milani pour leurs conseils bibliogra- phiques sur la Suisse, Sylvain Ville pour ses recherches aux archives de Sallaumines. Merci aussi à notre éditeur, Jean-Luc Fidel, pour sa confiance. Ce livre a bénéficié des lectures avisées de chercheurs et amis. François Buton, Florent Brayard, Sophie Cœuré, Sarah Gensburger, André Loez ont lu l’intégralité de la première version de ce texte. Leurs remarques, conseils et suggestions nous ont énormément aidés à compléter, enrichir et, espérons-le, améliorer ce premier jet. Les commentaires vigilants et cri- tiques de nos proches, Isée Bernateau, Laurence Giordano, Anne Strauss et Ruth Zylberman, et les regards acérés de nos amoureux, Isabelle M et Julien M, ont été autant d’encouragements dans les moments de doute. Au terme de cet ouvrage, nos pensées vont aux enfants et petits-enfants des Juifs lensois qui nous ont accompagnés, par la pensée, tout au long de l’enquête. Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 295/304

TABLE DES CARTES, DOCUMENTS, TABLEAUX ET GRAPHIQUES

Tableau 1. Les pays de naissance des Juifs de plus de 15 ans présents à Lens en 1940 (carte de l’Europe de 1939) ...... 14 Tableau 2. Districts d’origine des Juifs lensois nés dans la Pologne de 1939 ...... 15 Tableau 3. Dates d’arrivée en France des Juifs de plus de 15 ans identifiés comme tels à Lens en 1940...... 17 Graphique 1. Entrées en France, par année, des Juifs lensois de plus de 15 ans immigrés dans l’entre-deux-guerres...... 18 Tableau 4. Générations migratoires et statut professionnel en 1940 (base : individus de 15 ans et plus) ...... 21 Tableau 5. Générations migratoires et secteurs d’activité...... 22 Graphique 2. Distribution des chiffres d’affaires des entreprises juives lensoises en 1940 (en francs 1940) ...... 26 Carte 1. Le centre-ville lensois au milieu des cités minières ...... 30 Carte 2. Répartition des Juifs lensois dans les rues du centre-ville (plan de 1944)...... 31 Tableau 6. Répartition des Juifs du bassin lensois par rue ...... 32 Carte 3. Communes du bassin minier où vivent des « Juifs lensois » en 1940...... 33 Carte 4. La France après l’armistice du 22 juin 1940...... 39 Tableau 7. Les différents recensements des Juifs de Lens en décembre 1940 ...... 43 Document 1. Traduction du polonais de l’acte de naissance de F. Litwak, joint à sa demande de nationalité française (1933) 46 Tableau 8. Le rôle de la déclaration dans l’établissement du recensement de fin décembre 1940...... 48 Tableau 9. Les caractéristiques des déclarés et non déclarés...... 50 Document 2. Autodéclaration d’Abraham Kanner, 22 décembre 1940 (ADPC 1Z500bis)...... 53 Document 3. Déclaration d’Isaak Wenik notée par un fonctionnaire, 13/12/1940...... 54 Document 4. Autodéclaration du grainetier Roubinowitz, 14/12/1940...... 59 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 296/304

296 FACE À LA PERSÉCUTION

Tableau 10. Les vagues de départs ...... 66 Tableau 11. Les listes des Juifs de Lens établies par les autorités locales (décembre 1940-octobre 1942)...... 67 Graphique 3 : la chronologie des départs du bassin lensois de décembre 1940 à septembre 1942 ...... 82 Tableau 12. Les profils des partants ...... 84 Tableau 13. L’effet du moment du départ sur les arrestations ...... 86 Tableau 14. L’arrestation en fonction de la destination finale atteinte ...... 91 Tableau 15. La destination en fonction du moment du départ ...... 92 Tableau 16. Géographie des partants en zone occupée ...... 93 Carte 5. Communes d’exode des 106 Lensois réfugiés en zone occupée ...... 94 Tableau 17. L’effet des liens de parenté hors ménage sur la destination...... 96 Tableau 18. Réseaux de parenté et arrestations des partants ...... 97 Tableau 19. Dates d’entrée en Suisse des Juifs lensois...... 105 Document 5. Documents d’identité de René Jamin, alias Henryk Kojfer...... 112 Tableau 20. Ceux qui partent et ceux qui restent : l’âge en 1942 .... 127 Tableau 21. Ceux qui partent et ceux qui restent : taille du ménage 128 Tableau 22. Ceux qui partent et ceux qui restent : l’adresse...... 130 Tableau 23. Ceux qui partent et ceux qui restent : statut socio- économique ...... 131 Tableau 24. Des commissaires gérants situés dans les communes des biens spoliés ...... 138 Tableau 25. L’administration préfectorale dans l’arrondissement de Béthune, 1940-1942 ...... 156 Document 6. Note manuscrite du cabinet du préfet suite à la rafle du 11 septembre...... 173 Tableau 26. Lieux de déportation et d’internement des Juifs lensois arrêtés...... 182 Tableau 27. Distribution par âge (en 1942) des déportés comparée à celle de la population juive lensoise...... 185 Tableau 28. Les taux de déportation en fonction de la nationalité . 185 Tableau 29. Nombre de Lensois parmi les convois de déportation de 1942 ...... 189 Tableau 30. Les sélections à l’arrivée des convois de 1942 déportant des Juifs lensois à Auschwitz...... 195 Tableau 31. Devenir des 456 déportés lensois vers Auschwitz en fonction de l’âge et du sexe ...... 198 Document 7. Le questionnaire (Häftlinge Personalbogen) d’Abraham Frenkiel...... 201 Tableau 32. Documents identifiant les 108 Lensois détenus à Auschwitz...... 202 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 297/304

TABLE DES CARTES, DOCUMENTS, TABLEAUX ET GRAPHIQUES 297

Document 8. Registre du crématorium d’Auschwitz, 24/12/1942. 203 Tableau 33. Durées de vie à Auschwitz des 45 Lensois dont la date de décès est connue...... 204 Document 9. Page du registre du block 28 du HKB du camp central, admission de S. Rubin et A. Kleinhandler le 29 octobre 1942, transférés au block 19 le 30 octobre 1942 ...... 209 Tableau 34. La survie des détenus lensois d’Auschwitz ...... 211 Document 10. Registre des admissions du HKB Monowitz, décembre 1943 (ITS OCC 2/31) ...... 212 Document 11. Registre des entrées à Dachau. 6/8/1944 : arrivée des anciens détenus du « KL Warschau »...... 215 Tableau 35. Naturalisations après guerre pour les survivants ...... 227 Document 12. Photos d’identité en uniforme, dans les dossiers de naturalisation ...... 228 Document 13. Francisation des papiers de commerce de Ch. Dembin ...... 230 Tableau 36. Les listes des Juifs de Lens ...... 246 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 298/304 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 299/304

TABLE

AVANT-PROPOS ...... 7

PROLOGUE, Aux origines de l'histoire ...... 11 Joseph et les siens, 11 ; Quelles communautés d'origine ?, 12 ; Un milieu d'immigrants, 17 ; Générations migratoires au travail, 19. Une communauté ?...... 23 Colporteurs juifs dans les corons, 23 ; Derrière la façade égalitaire, 25 ; Quartier juif à Lens, 29 ; Fabriques communautaires, 33

CHAPITRE 1 Se déclarer

Identifier les Juifs...... 38 Une catégorie inexistante dans l'appareil administratif français, 38 ; Des définitions concurrentes et changeantes, 38 ; La mise en œuvre du recensement, de la détection aux déclarations, 42 ; Le rôle de la déclaration dans l'identification, 47 Se déclarer?… ou non ...... 48 Les déclarés et les autres, 49 ; Comment se déclare-t-on ?, 52 ; Les mots pour le dire, 55 ; Contester, 60 ; Flou et arbitraire, 62

CHAPITRE 2 Partir

Reconstituer des itinéraires de fuite ...... 66 Les sources des départs, 66 ; Allers et retours, 68

Septembre 1939 : levée en masse...... 70 Drapeaux multiples, 70 ; « Le scandale de Septfonds », 72 ; Démobi- lisations, 74 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 300/304

300 FACE À LA PERSÉCUTION

Mai 1940 ...... 75 Un exode massif, 75 ; Partir, revenir, 76 ; Les premiers partants, des privilégiés ?, 79

1941-1942 : sauve qui peut...... 80 Perceptions des dangers, 80 ; Des départs dans l'urgence, 84 ; Il n'y a pas de « bon moment » pour partir, 86

CHAPITRE 3 Où aller ? Trajectoires de fuite

Destinations ...... 90 Destinations inconnues, 90 ; Passer la ligne, 92 ; Partir ensemble : le poids du collectif, 95 Fuites surveillées en zone sud...... 98 Assignations à résidence, 98 ; Les groupements de travailleurs étrangers, 100 ; Les camps d'internement, 101 Passer les frontières...... 102 Fermetures des frontières, 102 ; Franchir les barbelés, 105 ; Sauver les enfants, 107 ; En Suisse, 108

Clandestinités ...... 111 Changer d'identité, 111 ; Légalités clandestines, 116 ; Caché près de chez soi, 117

CHAPITRE 4 Rester

L'étau se resserre...... 121 Processus d'exclusion, 122 ; Le temps du durcissement, 125 Ceux qui restent ...... 126 Un groupe instable, 126 ; Rester : une contrainte, 126 ; Rester ensemble ?, 128 ; Isolement, précarité et immobilité, 130

CHAPITRE 5 Dépossédés Spoliations ...... 133 Tout aryaniser…, 134 ; … Non sans approximations, 135 Une affaire de voisins...... 136 Face à la dépossession...... 140 Vendre ses biens, 140 ; Résister, 142 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 301/304

TABLE 301

Prédations ...... 143 Acheter, 143 ; Dénonciations, 145 ; Faibles protections, 147

CHAPITRE 6 Étoilés Surveillances rapprochées ...... 149 Un processus européen, 149 ; Distributions des étoiles, 150 ; Mise à jour des listes, 153 Les hommes au travail...... 157 Les préfets et le commissaire, 155 ; Zèles et concurrences adminis- tratives, 158 ; Derniers préparatifs, 160

CHAPITRE 7 Raflés

Les rafles de septembre 1942 dans le Nord-Pas-de-Calais...... 164 Le 11 au matin, 164 ; Des voix dans le silence, 165 ; Qu'a fait la police ?, 167 ; Rares échappées, 170 Les acteurs des arrestations...... 171 Les cibles, 171 ; Qui sait quoi ? les donneurs d'ordre, 172 Frapper dans le vide ...... 176

CHAPITRE 8 Déportés Les déportés lensois...... 181 Un bilan, 181 ; Les critères de déportation, 182 ; La sociologie des déportés, 184 Transports ...... 187 Les convois, 187 ; Arrêts à Kosel, 190

CHAPITRE 9 Exterminés Les disparus d'Auschwitz ...... 194 Retrouver les morts, 197 Détenus à Auschwitz...... 199 Les archives d'auschwitz, 199 ; La mort concentrationnaire, 202 ; Le travail, 206 ; Dans l'hôpital des détenus d'Auschwitz, 207 Les survivants d'Auschwitz ...... 210 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 302/304

302 FACE À LA PERSÉCUTION

CHAPITRE 10 Retours Les épreuves du retour ...... 220 Rentrer chez soi, 220 ; Récupérer ses biens, 222 ; Conflits de resti- tutions, 224 Stigmates...... 226 Tenter d'effacer, 226 ; Changer de nom, 229 ; Toujours Juifs ?, 231 Vivre avec ...... 232 Dire la douleur, 232 ; Silences imposés, 234

ÉPILOGUE ...... 239

RETOUR SUR UNE ENQUÊTE...... 241 Les questions ...... 241 Premières sources, premières délimitations du groupe...... 245 Nouvelles sources, redéfinition des frontières ...... 249 Quantifier...... 254 Le cadre monographique...... 257

Notes ...... 261

Remerciements ...... 297

Table des cartes, documents, tableaux et graphiques ...... 299 Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 303/304

Ouvrage proposé par Nicolas Offenstadt

Cet ouvrage a été transcodé et mis en pages par IGS-CP (L'Isle-d'Espagnac)

No d'impression : No d'édition : 7381-2175-X Dépôt légal : septembre 2010

Imprimé en France Dossier : ojacob310818_3b2 Document : Face_persecution Date : 5/7/2010 16h32 Page 304/304