Le Démantèlement De La French Connection : La Répression Internationale Des Filières Françaises De L’Héroïne
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BENICHOU Michaël Sciences-Po Rennes 4° année section PoSo Année 2008-2009 Le démantèlement de la French Connection : la répression internationale des filières françaises de l’héroïne. De l’adoption de la loi antidrogue (31 décembre 1970) à la prise du Caprice des Temps (29 février 1972). Mémoire réalisé sous la direction de M. Gilles Richard Professeur d’histoire contemporaine Remerciements Je remercie Gilles Richard qui a dirigé ce mémoire. J’ai été très heureux de suivre son séminaire d’Histoire de la France au XXè siècle. Je remercie le personnel de l’espace patrimoine des Champs Libres pour leur accueil et leur professionnalisme. Je voudrais particulièrement remercier ma mère pour le temps passé à me relire et me conseiller. Ma petite amie aussi, Lucie, pour ce qu’elle est dans ma vie depuis quelques temps déjà. Enfin, je remercie mes trois colocataires « IEPiens ». Merci. 2 Sommaire Introduction……………………………………………………………………………………….. 4 Chapitre I – La France : premier exportateur mondial d’héroïne…………………..... 10 I - Un réseau opaque et structuré centré sur Marseille……………………………………..... 10 A – Marseille, la cité idéale ?................................................................................................... 10 B – Le Milieu marseillais……………………………………………………………………. 17 II – Le business de l’héroïne…………………………………………………………………… 27 A – Le cycle de l’héroïne…………………………………………………………………….. 27 B – Un business très lucratif…………………………………………………………………. 36 Chapitre II – La drogue : problème public n°1…………………………………………… 43 I – Les États-Unis et la France face au problème de la drogue : deux histoires, deux approches..................................................................................................... 43 A – Une véritable panique morale aux États-Unis…………………………………………… 44 B – Une prise de conscience tardive en France………………………………………………. 51 II – Le « péril jeune »…………………………………………………………………………… 58 A – La culture de la drogue…………………………………………………………………... 59 B – L’action du pouvoir politique français…………………………………………………... 65 Chapitre III – La lutte contre le trafic d’héroïne………………………………………… 71 I – L’essor d’une coopération mondiale rénovée……………………………………………… 71 A – La coopération entre la France et les États-Unis………………………………………… 72 B – D’autres formes de coopération…………………………………………………………. 79 II – Les effets de la loi antidrogue du 31 décembre 1970……………………………………... 86 A – Du « drogué » au « toxicomane »……………………………………………………….. 87 B – La chasse aux trafiquants………………………………………………………………… 93 Conclusion……………………………………………………………………………………….100 3 Introduction Bandol le 26 août 1969, une adolescente de 17 ans, apprentie coiffeuse originaire de Marseille, était trouvée morte dans les toilettes du casino de cette station balnéaire du Sud de la France. Un médecin avait bien été appelé dans l’urgence, ce dernier ne put que constater le décès. La cause ? Un arrêt brutal du cœur, lui-même conséquence d’une overdose. Les journalistes locaux, qui devaient certainement un peu s’ennuyer dans leurs salles de rédaction, s’étaient alors emparés du sujet d’une manière plus que tapageuse. La classe politique leur avait emboîté le pas dans les mois qui suivirent. I l faut dire que le contexte de l’après Mai 68 allait dans le sens d’un retour de flamme conservateur au sein de la société française. Pourtant, dans ma tête, l’année 1969 c’était le bon temps. Jane Birkin chantait d’ailleurs 69 année érotique en duo avec Serge Gainsbourg, son compagnon de l’époque. L’été, la saison touristique battait son plein et des jeunes gens venus de l’étranger, souvent des États- Unis et d’Europe du Nord, flânaient dans toute la France, notamment dans les petites ruelles de Saint- Germain-des-Prés où ils refaisaient le monde à leur manière. Habillés de vêtements colorés, parés d’un bandana autour de la tête et portant invariablement les cheveux longs, ils restaient en France pour quelques jours, passage obligé. Ils étaient ordinairement là en transit, histoire de prendre du bon temps avant de s’envoler aux Indes, au Népal et même en Afghanistan. À cette époque, il était encore possible de s’y rendre. Les jeunes Français, eux aussi, avaient commencé à adopter cette mode : les hippies, les beatniks ou encore les babas cool, voilà comment on nommait ces groupes aux idées et modes de vie originaux. Le chômage ? Ils ne connaissaient pas encore la réalité sociale que recouvre ce terme à mon époque. Travailler, faire carrière, trouver sa place dans la société héritée des aînés et s’y conformer, telles n’étaient pas leurs priorités, c’est le moins que l’on puisse dire. La guerre ? Contrairement à leurs parents, ils n’avaient pas à s’en soucier. Il y avait bien le ce satané Vietnam pour les jeunes Américains, mais bon, pas de quoi lever des millions de soldats à envoyer à la boucherie pour défendre la patrie en péril, encore moins le devoir de libérer le territoire de l’Occupant. Ils étaient d’ailleurs fermement pacifistes et refusaient la course aux armements. Le sida ? Il n’avait pas encore eu la mauvaise idée de se faire connaître. Les mœurs se libéraient, le libertinage était répandu et la contraception, en se développant, permettait de réinventer une sexualité plus libérée. Mes pensées dessinaient donc un monde idyllique, celui de l’insouciance, de la liberté des mœurs, d’un cinéma français inspiré, du progrès technique qui depuis, ne s’est pas arrêté. Les jeunes n’avaient à mon sens aucune raison de se plaindre de leur sort. S’ils le faisaient, c’est qu’ils étaient chauffés à blanc par quelques utopistes en vogue, ceux dont on peut partager les idées un moment, souvent celui de la jeunesse, pour finalement les abandonner avec la maturité et les préoccupations nouvelles qu’induit l’âge adulte. Et la drogue dans tout ça alors ? Elle tuait. Mais pourquoi ce lieu ? Et pourquoi cette fille ? 4 C’était Roger, un jeune beatnik de 18 ans, qui avait fait la piqûre d’héroïne à la jeune Martine : la mort pour 25 francs de l’époque. Inculpé d’homicide volontaire, trafic et usage de stupéfiant, il fut écroué à la prison de Toulon. Il faisait partie d’une bande de six jeunes beatniks de l’Est varois. La presse tenait là le coupable idéal : jeune, beatnik et drogué. Mais elle n’oubliait pas de rappeler que six mois auparavant, un laboratoire clandestin de fabrication d’héroïne avait été découvert dans la banlieue de Mazargues près de Marseille, à quelques kilomètres de Bandol justement. Car 1969, c’était aussi l’époque de la French Connection. La France, de l’après-guerre à la fin de la présidence de Georges Pompidou, a été le pivot du trafic international de l’héroïne. Relativement peu punie et encore moins recherchée, une opaque nébuleuse de trafiquants amassait une fortune considérable dans un marché de la drogue en plein essor. Le Milieu marseillais, notamment, prospérait jusqu’à ce que les pouvoirs publics se décident à prendre le problème à bras le corps. Alors que ces derniers s’emparaient du débat autour de la drogue, de l’autre coté de l’Atlantique et particulièrement à New York, les ravages de l’héroïne « made in France » étaient énormes. Dès le départ du général de Gaulle et l’arrivée de Georges Pompidou à l’Élysée, le président américain Richard Nixon écrivit au nouveau président de la République et lui demanda de démanteler la French Connection, autrement dit les filières françaises de l’héroïne1. Quasiment deux années plus tard, en juin 1971, Richard Nixon fit de la drogue l’ennemi principal de l’Amérique lors d’un discours au Congrès qui qualifiait la situation d’extrêmement urgente. En effet si en 1969, on pouvait estimer qu’il y avait 315 000 toxicomanes aux États-Unis, ils étaient 560 000 en 1972 2 ; chaque année en moyenne, de 6 000 à 8 000 jeunes Américains étaient tués à cause de la drogue3. Six mois avant le discours de Richard Nixon, la loi antidrogue avait été votée à l’unanimité en France non sans susciter de vifs débats. Elle punissait désormais le trafic de drogue jusqu’à 20 ans de prison et permettait aux drogués de suivre une thérapie afin de les sortir de la dépendance. Les résultats se faisaient néanmoins cruellement attendre comparés à l’essor du trafic. De son côté, le Général de Gaulle n’étant plus là, Richard Nixon attendait désormais une coopération inconditionnelle de la part des autorités françaises, d’autant que la France auparavant relativement bien épargnée par les ravages de la drogue, connaissait désormais un pic de faits divers inquiétants. La presse en faisait d’ailleurs ses choux gras. Toutefois, les relations entre la France et les États-Unis n’étaient pas des plus cordiales depuis quelques années. Les sujets de désaccord ne manquaient pas : le Vietnam, le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’entrée de la République populaire de Chine au Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU), le Proche-Orient… Il allait de toute évidence falloir briser un certain nombre de non-dits (volontaires ou pas) afin d’envisager une politique de coopération d’envergure. Le problème de la drogue allait alors prendre une dimension internationale. Mais ne l’avait-il pas toujours été, sous une autre forme ? 1 Jacques FOLLOROU et Vincent NOUZILLE, Les parrains corses, Fayard, 2004, p. 537. 2 Alfred W. McCOY, The politics of heroin in Southeast Asia, New York, Harper & Row, 1972, p. 469. 3 Propos de Christophe HONDELATTE, in Philippe MARCOUX, Faites entrer l’accusé. La French Connection, 17 Juin média, diffusé le 23 avril 2007 sur France 2. 5 Dans un article publié en 2003, François-Xavier Dedouet permet d’apprécier sous un autre angle le problème de l’héroïne et de l’opium durant les premières années de la décennie soixante-dix: « Que ce soit dans la presse, dans les déclarations politiques, dans la littérature spécialisée ou dans l'agenda des institutions internationales, les drogues sont, depuis une trentaine d'années, essentiellement abordées d'après leur enjeu répressif.