Yann Benoist, Souvenirs
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Yann Benoist, souvenirs..... "C'est toi qui joues à l'Olympia !" Flashback...! Mon arrivée chez Renaud est inattendue. Je connais son bassiste, Dominique Westrich (“Fredo”), et son accordéoniste-claviériste, Jean-Louis Roques. Fin août/début septembre 1981, je traîne dans un magasin de musique vers Nation. J’y croise Patrice Meyer, alors guitariste dans l’équipe. Je ne sais pas comment cela vient…, il me propose de le remplacer pour une tournée qu’il ne veut pas faire, à la rentrée, juste avant l’Olympia. À cette période, je viens d’accompagner Jean Guidoni à la Rose d’Or d’Antibes. L’univers de Renaud ne m’est pas familier, excepté deux ou trois succès, un peu comme tout le monde. Je présume que Renaud a plusieurs guitaristes en vue. Patrice Mayer n’est pas vraiment un ami, je suis plus proche de Fredo et Jean-Louis. Alors, je les appelle tout simplement : “Voilà, le guitariste qui a joué avec vous à Bobino autour de Renaud me propose de le remplacer. Si mon nom arrive…, vous me connaissez ( !)”. Je suis convoqué au studio Ramsès, l’antre de Ramon Pipin (Au bonheur des dames, Odeurs). Je n’ai alors jamais rencontré Renaud. Le contact se fait en présence de Serge Saïd, autre guitariste convoqué. L’entrevue est sympathique, nous sommes dans un coin, nous ne parlons pas musique : nous avons à peu près le même âge, la même dégaine, les cheveux longs.... Ramsès, je connais l’endroit et des personnes qui y travaillent. Renaud y enregistre tous ses albums. Bref, l’entrevue est positive, Serge et moi nous intégrons dans le groupe, nous commençons à répéter. Les séances se succèdent durant trois semaines avant le démarrage. Tous les membres de l’équipe se retrouvent ainsi au studio Vitamine où nous travaillons chaque titre. Dès le début, je suis surpris : il n’y a pas d’arrangeur, c’est assez particulier. Moi, j’ai l’habitude de travailler en studio ou sur scène à droite à gauche avec des musiciens-arrangeurs plutôt précis, rigoureux. Là…, il n’y a rien du tout ! Globalement, ce sont des morceaux simples. À l’inverse, d’autres sont moins évidents, il se faut se pencher dessus. Alors, on me donne les premiers disques de Renaud afin que je relève les harmonies, les plans musicaux à assurer pour son nouveau tour. De cette manière, je découvre le monde de Renaud. Je connais seulement les morceaux diffusés à la radio : “Laisse Béton” “Marche à l’ombre”, “Ma gonzesse”, pas les derniers (“Manu”, “Mon beauf'”…) Je découvre les nouveaux titres¹ et je me laisse prendre par les histoires, notamment “Le retour de Gérard Lambert” – j’écoute plus les mots que la musique ! Nous montons les morceaux assez vite, tout se passe simplement. Au fil des jours, je réalise que le guitariste que je remplace…, Renaud ne veut pas le reprendre. La situation est délicate - c’est lui qui m’a proposé son poste sur cette tournée. Au départ, nous sommes convenus qu’il doit reprendre à l’Olympia, à l’issue de la série de concerts. Un soir, Renaud me dit : « C’est toi qui joues à l’Olympia ! ». Je resterai ainsi à ses côtés pendant cinq ans. Propos de Yann Benoist recueillis et retranscrits par Annie & Bernard Reval D.R. 1/6. À suivre... ¹ Etudiant poils aux dents, Soleil immonde, La blanche, Mon beauf', Oscar, J'ai raté Télé-Foot, Le Père Noël noir, Le retour de Gérard Lambert, Manu, À quelle heure on arrive ? 1 " Un soir, à la sortie du concert, nous sommes attendus par les Hells Angels ! " Dans l’immédiat, nous voilà avec Renaud sur les routes jusqu’à la mi-décembre 1981 ! Je ne me rappelle pas du premier soir, mais je garde le souvenir d’une semaine en Belgique. Pierre-Jean Gidon, Dominique Bertram, Serge Saïd et moi…, nous sommes les “nouveaux” dans l’équipe autour d’Amaury Blanchard et Jean-Louis Roques avec lui depuis un certain temps. Renaud commence à délaisser son image de “gentil loubard”. Dans les coulisses, je croise encore pas mal de mecs avec des blousons noirs, des bandanas. Au début, nous nous produisons dans des cadres de mille/mille cinq cents places, ce sont de bonnes salles. Je me souviens du Cirque Royal, à Bruxelles, où nous jouons plusieurs soirs devant deux mille spectateurs ! En Belgique, nous nous déplaçons en bus, Renaud n’est pas avec nous. La première fois où je le vois en dehors des répétitions, il arrive au volant d’une grosse bagnole américaine, c’est quelque chose ! Nous sommes tous basés à Bruxelles, les concerts ne sont pas éloignés, nous faisons les allers-retours chaque jour. Notre hôtel est central, près de la Grand-Place. Entre nous, le climat est sympathique, tout démarre bien avant la tournée en France. Contrairement à certains artistes avec qui je travaillerai par la suite, Renaud ne fait pas bande à part - même s’il ne voyage pas avec nous en Belgique. C’est toute une ambiance. Renaud est un phénomène, nous sommes tous de la même génération. Comme il le soulignera lui-même au Québec, c’est « Renaud et sa guingue ! », un climat très cool ! Le Renaud des premiers disques, le look de zonard… - le blouson de cuir, le bandanas rouge n’ont pas tout à fait disparu. Très original, observateur, intelligent, plein d’humour, et en même temps sur une autre planète ! Amiens, Orléans, Montpellier, Hyères, Genève, Lausanne…, nous enchaînons les spectacles. Contrairement aux premières dates en Belgique, Renaud est avec nous dans le bus. Un soir, à la sortie du concert, nous sommes attendus par les Hells Angels ( !), une dizaine de motards : ils veulent rencontrer Renaud. On quitte les lieux, escortés par une flopée de Harley-Davidson. Avant d’arriver à l’hôtel, nous nous arrêtons sur une aire d’autoroute. Les motards sont ravis de parler à Renaud. Au cours de cet échange, j’apprends ainsi qu’ils siphonnent les voitures pour prendre de l’essence ! Nous passons quelques minutes ensemble, c’est inhabituel et très sympathique. Mon premier Olympia avec Renaud se situe en janvier 1982, avec en renfort Klaus Blasquiz (Magma) et Sharon Glory (Au Bonheur des Dames) comme choristes. À la clé, un double album live : “Un Olympia pour moi tout seul”¹. Rien de particulier, si ce n’est la venue dans les coulisses de Gérard Depardieu, des membres de l’équipe du Splendid (Michel Blanc, Dominique Lavanant, etc.). Propos de Yann Benoist recueillis et retranscrits par Annie & Bernard Reval. D.R. 2/6. À suivre... ¹ Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?, Les aventures de Gérard Lambert, Soleil immonde, La chanson du loubard, Chanson pour Pierrot, Germaine, Mon beauf’, À quelle heure on arrive ?, L’auto-stoppeuse, Le retour de Gérard Lambert, Etudiant poils aux dents, La teigne, Le Père Noël noir, Banlieue rouge, La blanche, C’est mon dernier bal, Manu, J’ai raté Télé-Foot, Dans mon HLM Photo collection Y.B. : Genève, 21 novembre 1981 2 "Les gars, maintenant il faut qu'on joue !" Après l’Olympia 82, pendant la tournée, Renaud nous parle beaucoup de la mer et de sa grosse passion pour "la pêche à la ligne". Entre nous, je regarde ça en rigolant. Je viens d’un pays – la Bretagne – où toute ma famille allait à la pêche, alors voir Renaud avec tout son attirail, ça fait vraiment "le parisien qui a envie de s’encanailler". Nous, on avait des bouts de ficelle, ça suffisait et on connaissait les plans pour avoir les poissons ! La mer, j’aime bien la regarder, mais ça s’arrête un peu là... Nous profitons de quelques concerts en Bretagne pour aller voir son bateau en construction. À la fin de l’été, il prend le large avec Dominique, son épouse, et Lolita, leur petite fille, jusqu’en mars 1983. Sur sa goélette, Renaud imagine de nouvelles chansons (“Dès que le vent soufflera", "En Cloque", “Morgane de toi"…). À peine rentré, il assure une tournée estivale programmée depuis des mois. Je n’en fais pas partie (je suis avec Didier Marouani et le groupe Space en URSS), puis je réintègre l’équipe, juste à la sortie de l’album “Morgane de toi”¹. Ce sixième opus est particulier, il est réalisé à Los Angeles aux Studios Rumbo Recorders avec des musiciens américains renommés dont Michael Landau, Peter White et Albert Lee. Ce dernier ne joue pas énormément dans l’album, à l’inverse de Michael Landau, omniprésent sur la majorité des titres. Le Renaud aux santiags et bandana rouge semble s’assagir, son image évolue : le blouson en jeans a balayé le perfecto. Renaud cartonne à nouveau avec ses dernières chansons, il inaugure le premier spectacle au Zénith de Paris début 1984, pendant trois semaines. Petit changement dans l'équipe : Marc Perru remplace Serge Saïd, Gérard Prevost succède à Daniel Bertram, arrivée de Thierry Tamain aux claviers et d'un Quatuor à Cordes. Un soir, Johnny Hallyday et Nathalie Baye nous rendent visite - Johnny va prendre la suite du Zénith après Renaud. Une anecdote marrante, cette année-là. Lors d’un concert à Marseille, Renaud me demande de me joindre à Jean- Louis Roques (son accordéoniste) et de le suivre après le spectacle. Le passage dans la cité phocéenne se déroule sous un chapiteau ou une salle – je ne sais plus -, un cadre immense, coupé en deux parties par la scène. L’après- midi, avant la mise en place, je me balade derrière. Dans cet espace fermé au public, il n’y a personne, le noir total. Je distingue néanmoins une silhouette insolite…, un black, comment dire…, genre mafieux : c’est Robert Sagnia alias “Bob le Noir” – j’apprendrai son nom par la suite – accompagné de deux mecs à chapeau, deux porte-flingues qui marchent à un ou deux mètres derrière lui.