MUSIQUES DU Fêtes et mystères

MUSIC OF VANUATU Celebrations and mysteries Nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à ce projet par leur soutien et leurs conseils : nos familles et amis, et en particulier Éric Wittersheim, Cécile Kielar, Georges Cumbo, Sébastien Lacrampe, Andy Pawley, Pierre Bois, François Picard, Marcel Melthérorong, Gaia Fisher, Jacob Kapere, Marcellin Abong, Ralph Regenvanu. Plus que tout, nous sommes redevables aux nombreuses familles du Vanuatu qui nous ont accueillis avec tant d'hospitalité au cours de nos divers séjours dans l'archipel, ainsi que les musiciens et poètes qui nous ont ouvert les portes de leur monde fascinant – et dont les noms sont cités dans le livret. Ce disque est dédié à leurs nombreux talents, individuels et collectifs.

Alexandre François et Monika Stern

–2– 18 22 38 39 Répartition géographique des pièces musicales 40 14 15 16 Geographical distribution of the musical pieces 24 25 27 29 33 34 37

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1 2 3 41 20 10 11 36 35

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5 4 19 21 7 32 8 12 9 13 31 23 MUSIQUES DU VANUATU | MUSIC OF VANUATU Fêtes et mystères | Celebrations and mysteries

☉1. Guimbarde / Jew’s harp — West Gaua ...... 0’42” ☉2. Jeux d'eau / Water games — West Gaua ...... 1’31”

Danses pour une grande fête | Celebration in the village ☉3. “Le Cyclône” / “The Hurricane” (leng) — West Gaua ...... 1’35” ☉4. Sowahavin , danse des femmes / A women’s dance — Central Pentecost ...... 1’46” ☉5. Sawagoro — Ambae ...... 1’19” ☉6. Sawagoro de levée de deuil / End-of-mourning sawagoro — Maewo ...... 2’27” ☉7. Sawagoro longo — North Pentecost ...... 1’24” ☉8. Sawako de mariage / A wedding sawako — Central Pentecost ...... 3’41” ☉9. Jeu satirique des femmes / A women’s joke song (barate) — Central Pentecost ...... 0’39” ☉10. Mirliton / Kazoo — Merelava ...... 0’27” ☉11. Bambous pilonnants / Bamboo stamping tubes (nombo) — Merelava ...... 1’13” ☉12. Sowahavin , danse des femmes / A women’s dance — Central Pentecost ...... 2’50” ☉13. Ka , danse des hommes / A men’s dance — Central Pentecost ...... 2’23” ☉14. Danse de mariage / A wedding dance (noyongyep) — Motalava ...... 2’34” ☉15. Danse de mariage / A wedding dance (noyongyep) — Motalava ...... 1’02” ☉16. Chant “Le Râle à Bandes” / “Rail bird” song (namapto) — Motalava ...... 1’20” Promenade en forêt | Walking in the bush ☉17. Ensembles de sifflets gove (garçons) / Gove whistles (boys) — Maewo ...... 1’19” ☉18. Berceuse “Les échassiers” / Lullaby “The Tattlers” — Hiw, Torres ...... 1’03” ☉19. Comptine / Rhyme “Tangorere” — North Pentecost ...... 0’32” ☉20. Jeu de feuille de manguier / Playing a mango leaf — West Gaua ...... 0’26” ☉21. Comptine / Rhyme “Tutubwau” — North Pentecost ...... 0’32” ☉22. Arc musical / Musical bow — Hiw, Torres ...... 0’56” ☉23. Berceuse / Lullaby — South Pentecost ...... 1’09”

–4– Les chants titi, poèmes à danser | Titi songs: dancing to poetry ☉24. Prélude aux chants titi / Prelude to titi songs (nawha yong) — Motalava ...... 0’51” ☉25. “Pluie” / “Rain” (nawha titi) — Motalava ...... 3’04” ☉26. “En écorçant les cocos” / “Husking coconuts” (titi) — ...... 1’45” ☉27. “Fleur de liane” / “Liana flower” (nawha titi) — Motalava ...... 3’04” ☉28. “Le mégapode” / “Scrubfowl” (titi) — Vanua Lava ...... 0’59” ☉29. “Volcan” / “Volcano” (nawha titi) — Motalava ...... 3’15”

Hommage aux Grands Hommes | A tribute to Great Men ☉30. Ensembles de sifflets gove (femmes) / Gove whistles (women) — Maewo ...... 1’48” ☉31. Passage de grades / Grade-taking ceremony (bilbilan) — South Pentecost ...... 1’48” ☉32. Passage de grades / Grade-taking ceremony (mantani) — North Pentecost ...... 0’58” ☉33. Tambourinage pour un grand homme / Drumming for a great man – Motalava ...... 0’21” ☉34. Chant d'entrain pour un grand homme / A song for a great man – Motalava ...... 1’17”

Le grondement sourd des Ancêtres | The muffled roar of Ancestors ☉35. Rhombe / Bullroarer — Merelava ...... 1’05” ☉36. Danse des Esprits / Dance of the Spirits (utmag) — Merelava ...... 1’07” ☉37. Danse des Esprits / Dance of the Spirits (neqet) — Motalava ...... 1’29” ☉38. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (new e-t) — Hiw, Torres ...... 1’16” ☉39. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (new e-t) — Lo, Torres ...... 4’32” ☉40. Chant des Esprits / Songs of the Spirits (new e-t) — Lo, Torres ...... 6’47” ☉41. Pleurs des Esprits / Cries of the Spirits (newertiang) — Merelava ...... 4’37”

Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre Bois Enregistrements (Vanuatu, 1997 à 2010), texte et photographies, Alexandre François (CNRS–LACITO , ANU) et Monika Stern (CNRS, AMU-CNRS-EHESS, CREDO). Illustration de couverture : masques des esprits dans la danse mag (J ōlap, Gaua) et carte, Alexandre François . Traduction anglaise, Brenda Prendergast François et Alexandre François . Prémastérisation, mise en page, Pierre Bois . Financements : Ministère Français de la Recherche (ACI Jeunes Chercheurs 2004-2007), LACITO, CREDO. © Conseil National Culturel du Vanuatu (VNCC) pour les œuvres enregistrées. © Alexandre François et Monika Stern pour les enregistrements, textes et photos. 2013 Maison des Cultures du Monde. INEDIT est une marque de la Maison des Cultures du Monde (fondateur Chérif Khaznadar – direction Arwad Esber).

–5– MUSIQUES DU VANUATU Fêtes et mystères

Le Vanuatu : des trésors méconnus poétiques et stylistiques employées dans les Les sociétés mélanésiennes du Vanuatu com - chants, le Vanuatu recèle des trésors qui méri - posent une mosaïque de langues et de cul - tent encore d’être découverts. tures, qui se sont fortement diversifiées au gré du temps et de la géographie. Cette variété se La diversité du Vanuatu constate en particulier dans les arts musicaux Comme le suggère la carte, les pièces présen - – un ensemble de pratiques esthétiques et tées ici proviennent de neuf îles différentes, sociales remarquablement sophistiquées, et couvrant les deux provinces de TORBA pourtant encore mal connues. Des musiques (Torrès–Banks) et de PENAMA (Pentecôte– mélanésiennes du Vanuatu, on connaissait Ambae–Maewo), dans la moitié nord du surtout les enregistrements réalisés à Maewo pays. Ce riche échantillon donnera une idée et Ambae par Peter Crowe (1994), ou un de la richesse musicale du Vanuatu dans son disque de chants a cappella produit par le ensemble. Centre Culturel du Vanuatu (Ammann 2000). Les sociétés du Vanuatu chérissent la diver - Un récent ouvrage décrit les musiques en sité des formes culturelles et linguistiques : relation avec le monde du secret et du surna - c’est ainsi que le pays détient le record mon - turel (Ammann 2012). Cependant, qu’il dial de densité linguistique, avec 106 langues s’agisse du détail des instruments, des mélo - différentes – sans compter les dialectes – pour dies et des rythmes, ou encore des formes 240 000 habitants. Dans les seules provinces

Cet album rassemble les plus beaux enregistrements effectués par deux chercheurs de terrain, entre 1997 et 2010. Le linguiste Alexandre François (Langues et Civilisations à Tradition Orale, CNRS ; Australian National University) étudie les langues et littératures orales du Vanuatu, en particulier celles des îles Banks et Torrès au nord de l’archipel. L’ethnomusicologue Monika Stern (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie) explore les pratiques sociales et musicales du nord du Vanuatu. Les deux chercheurs ont parcouru l’archipel tan - tôt séparément, tantôt ensemble, et ont uni leurs efforts dans un projet de recherche intitulé Rythmes à danser, poèmes à chanter en Mélanésie : Esthétique, transmission et impact social des arts musicaux au Vanuatu . Ce projet a notamment donné naissance à un film documentaire réalisé par Éric Wittersheim, Le Salaire du Poète , qui s’est vu décerner le prix Bartók 2009 de la Société Française d’Ethnomusicologie. Si ce film est centré sur l’île de Motalava, la présente anthologie musicale couvre une aire bien plus large.

–6– TORBA et PENAMA représentées ici, on compte pas moins de 26 langues, et autant de microcommunautés distinctes. La diversité des formes musicales est à la mesure de cette variété linguistique : c’est ainsi que certains genres musicaux, certaines danses, certains instruments, seront connus dans un village, et inconnus ailleurs. Ceci étant dit, ces micro - différences se détachent sur un fond culturel partagé. Du fait des origines communes mais aussi de longues traditions d’échanges écono - miques et culturels, on trouve de nombreuses Un village côtier (Yugemëne, Hiw, Torres) © AF similarités d’une île à l’autre. Outre la variété géographique des tradi - tions, la présente sélection met l’accent sur L’océan, le village, la forêt la diversité des genres, des instruments, Le Vanuatu a été peuplé il y a environ 3200 des formes musicales ou poétiques. En ans, lorsque les navigateurs de la civilisation donnant priorité aux enregistrements en Lapita, venus du nord-ouest sur leurs larges situation, notre intention est de replacer pirogues, colonisèrent la Mélanésie insulaire les formes musicales dans leur contexte – depuis les îles Salomon jusqu’à la Nouvelle- social et anthropologique. Au fil de son Calédonie et Fidji. Les premières populations écoute, l’auditeur évolue d’un village à se sont sédentarisées dans les diverses îles de l’autre, changeant d’univers et d’atmo - l’archipel, la plupart volcaniques et fertiles, sphères au cours d’un parcours esthétique pour y cultiver la terre – non sans préserver autant que culturel. un lien étroit avec la mer. L’unité sociale Ce livret propose d’accompagner le lecteur immédiate devint le village ou hameau, par - dans ce voyage musical. Après avoir évoqué fois perché dans les hauteurs de l’île, le plus la place de la musique dans les sociétés du souvent installé sur la côte. Vanuatu, nous présenterons leurs instru - Ainsi se définit le paysage typique des socié - ments de musique et décrypterons l’art de la tés du Vanuatu. Quelques dizaines de mai - poésie chantée. Enfin, l’auditeur pourra sons familiales aux murs de bambou et aux suivre le déroulé de l’album et le détail des toits de feuilles, formant cercle autour de la 41 pièces à la découverte de l’univers musical place centrale du village – agora des ren - de l’archipel. contres, haut-lieu des festivités. À quelques

–7– mètres en aval, la plage de sable, le récif de sont les voix de la forêt qui résonnent jus - corail, le lagon puis l’océan – lieu des res - qu’au village. sources marines, mais aussi carrefour Mais que l’on s’y aventure à des heures tar - d’échanges entre les îles, horizon d’où vien - dives, et soudain ces forêts sombres et pen - dront les rencontres futures. tues se font l’entrée d’un monde mal connu Enfin, de l’autre côté du village, en remon - et inquiétant, dédale végétal où l’on s’égare tant la pente vers l’intérieur des terres, vite, paysage hanté par les Esprits des s’ouvre le monde ambigu de la forêt. Ancêtres. Les histoires qu’on raconte et les La forêt, c’est d’abord le chemin familier vers poèmes qu’on chante évoquent ces moments les jardins d’ignames ou de taros, que l’on de solitude dans toute leur ambivalence : fréquente depuis l’enfance, et dont les plaisir de la promenade, auguste respect pour limites précises se transmettent de généra - les forces de la nature – mais aussi frayeur tion en génération. C’est le lieu des res - devant l’inconnu, désir impérieux de rentrer sources végétales que l’on connaît bien : les au village parmi les siens. fruits que l’on apprécie ; le bois de chauffe pour le feu ; les troncs solides dont on fait les La musique et la coutume pirogues ou les poutres ; les bambous qui Depuis près de deux siècles, les insulaires du deviendront chevrons du toit, bouteilles Vanuatu ont eu l’occasion de connaître le d’eau ou lames affilées ; mais aussi les monde occidental. Le nord de l’archipel a été diverses feuilles qui recouvriront la maison, christianisé par les missionnaires anglicans ; envelopperont la nourriture dans le four à catholiques, presbytériens et autres Églises se pierres, ou deviendront, tressées, la natte de sont partagé les îles plus au sud. À travers les la chambre. On le verra, ce sont ces mêmes visites des navires venus d’Australie ou de végétaux qui se transformeront en instru - Nouvelle-Calédonie, et plus tard à travers les ments de musique : d’une feuille on fera des institutions du Condominium franco-britan - guimbardes ou des rhombes ; des fruits nique des Nouvelles-Hébrides – l’ancien nom séchés deviendront sonnailles ; telle épaisse du Vanuatu – les populations ont été expo - racine deviendra planche à percussion ; les sées à l’anglais et au français, les deux seules troncs solides seront taillés en massifs tam - langues encore aujourd’hui enseignées dans bours à fente ; le tronc du sagoutier sera le les écoles. Aux langues coloniales, est venu corps d’un tambour à membrane ; et des s’ajouter le bislama – au départ un pidgin à bambous de toutes tailles deviendront tam - base d’anglais dont l’usage s’est généralisé au bours à fente, tubes pilonnants, flûtes ou sif - cours du XX e siècle, et qui sert de lingua franca flets… Le son de tous ces instruments, ce dans tout l’archipel. Devenu désormais

–8– langue officielle du pays, le bislama prend le 2000, des téléphones portables, ces régions pas sur les langues vernaculaires, notamment étaient demeurées largement à l’écart des en milieu urbain. musiques de la ville. Ainsi, dans la plupart Ces deux siècles ont donné lieu à de nou - des villages de l’archipel, on pratique surtout veaux paysages sonores. Les chœurs des trois genres : chants d’église ; chansons string églises anglicanes ont introduit des polypho - band ; et tout le reste, que l’on regroupe dans nies vocales qui n’existaient pas auparavant, une vaste catégorie dite “musiques d’ici” ou et auxquelles les niVanuatu ont pris goût. “de chez nous” – par contraste avec celles qui Les périodes de labeur sur les plantations viennent de loin. En bislama, on parlera sou - australiennes du Queensland, à la fin du XIX e vent de kastom tanis , littéralement “danses siècle, permirent à certains d’entendre des coutumières”, ou kastom singsing “chants ensembles de guitares et autres cordophones. coutumiers”. Cette découverte de nouveaux sons, accen - Dans l’ensemble, les deux univers musicaux tuée plus tard par la rencontre se côtoient sans trop se mêler. des soldats américains pendant Ainsi les guitares, pourtant la guerre du Pacifique, allait communément jouées à l’église donner naissance aux ensem - ou en string band , n’intervien - bles “ string band ” qui sont deve - dront jamais dans une danse nus si populaires au Vanuatu. dite coutumière. Le contraste Enfin, les vingt dernières est également linguistique : années ont vu se développer alors que les chants religieux ou l’industrie du disque. Pour les de string band seront souvent jeunes générations des villes, le chantés en bislama ou en paysage musical est désormais anglais, ceux de la coutume, largement dominé par le reggae quel que soit leur genre, seront – et dans une moindre mesure, Soirée string band au village toujours chantés en langue par le hip-hop, la dance music, (J ōlap, Gaua) © AF locale, voire dans un registre le R&B. poétique archaïque. Les styles Malgré ces tendances nouvelles, les formes propres aux musiques anciennes conservent musicales héritées continuent de s’épanouir leur identité propre y compris dans les com - dans la plupart des îles de l’archipel. positions contemporaines : ainsi, lorsqu’un Dépourvues d’électricité, les zones rurales du nouveau chant coutumier est créé – comme Vanuatu n’écoutent guère la radio. Jusqu’à nous l’avons observé en 2005, à Motalava – il l’introduction récente, à la fin des années sera composé dans la langue des ancêtres.

–9– Fêtes à Bunlap (Sud Pentecôte) © MS

Ce contraste entre musiques “locales” et hérité. En revanche, les musiques d’origine musiques ressenties comme exogènes peut européenne impliquent souvent l’usage de surprendre, lorsque l’on connaît la circula - matériaux (métal, plastique…) et d’instru - tion constante des formes musicales entre ments venus d’ailleurs, que l’on ne saura pas communautés, qui souvent voyagent d’une toujours recréer localement. île à l’autre de l’archipel. En d’autres termes, Le présent disque reprend à son compte les les musiques “d’ici”, que l’on assigne à la perceptions des praticiens eux-mêmes, et se “coutume”, sont souvent déjà des musiques concentre donc sur la catégorie des musiques d’ailleurs, arrivées un jour par la mer. Malgré décrites comme locales ou coutumières. Par cela, un contraste subsiste dans les percep - manque de place, nous n’incluons donc pas tions, entre une musique de la “coutume” et ici les chœurs d’église, chants string band , des formes qui n’y appartiendront jamais chansons reggae, qui tous mériteraient des vraiment ( string band , chants d’église). Il est disques à part entière. possible qu’un élément clef puisse expliquer En dépit des contrastes dans les représenta - cette dichotomie entre ces deux catégories de tions, on observe parfois de subtiles musique : la capacité des insulaires à en maî - influences entre les styles : ainsi, dans la triser toute la chaîne de production. pièce ☉12, une danse sowahavin laisse Ainsi les musiques coutumières, quand bien entendre le début d’une polyphonie, peut- même elles circulent d’île en île, emploient être sous l’influence des chœurs d’église. Par toujours des instruments et des techniques ailleurs, certaines formes de métissage musi - que l’on sait entièrement reproduire à partir cal s’observent dans les contextes urbains, où des ressources locales : dans ces conditions, il des chants du répertoire traditionnel seront est aisé pour les insulaires de s’approprier des parfois repris avec des arrangements string formes nouvelles, et d’enrichir leur répertoire band ou reggae (Stern 2000, 2007).

– 10 – Les voix et gestes des Ancêtres on raconte ainsi qu’un enfant, laissé seul au Au Vanuatu, les arts musicaux constituent village par les adultes partis aux champs, reçut non seulement une passerelle entre le pré - la visite régulière d’un esprit qui lui enseigna sent et le passé, mais aussi, par extension, un en secret les chants et danses du genre newēt lien entre les vivants et les morts, entre les [☉38–40]. Un mythe très similaire à Motalava humains et les esprits. Cette dimension explique l’origine du nawha titi . À Pentecôte, apparaîtra dans l’analyse de la poésie chan - Maewo et Ambae, on narre comment la danse tée, dans ses aspects aussi bien linguistiques sawagoro fut un jour volée aux esprits par les que stylistiques. Mais la même idée se hommes. D’autres légendes semblables se retrouve en bien d’autres points de l’univers racontent à Gaua, Vanua Lava, ou Toga, rap - musical de cette région. pelant toujours le lien indéfectible entre la En dépit de la christianisation, la figure des musique et les Ancêtres. esprits ancestraux continue d’occuper une Enfin, s’il est un contexte où la musique for - place centrale dans le paysage spirituel et malise encore le lien entre les vivants et les culturel du Vanuatu (François 2013). C’est morts, c’est celui des sociétés secrètes particulièrement vrai des arts musicaux, (Vienne 1984, 1996). C’est là que, retirés dont bien des indices rappellent l’origine dans la forêt, les garçons d’une même classe sacrée. Ainsi, la langue poétique est appelée d’âge se retrouvent entre eux, sous l’égide “langue des esprits”, “langue des dieux”, ou d’une divinité tutélaire, et apprennent de “langue de Qet” (du nom du créateur leurs aînés divers chants, danses et instru - mythique des îles Banks). De même, c’est vers les esprits que se tourne le poète quand il recherche l’inspiration lors d’une nouvelle composition : en avalant la sève de feuilles aux pouvoirs magiques, il pourra entrer en communication, la nuit, ou lors d’une pro - menade solitaire, avec les esprits des ancêtres, afin qu’ils lui soufflent les paroles ou la mélodie d’un nouveau chant. Plusieurs mythes – eux-mêmes d’une grande valeur anthropologique et littéraire – relatent comment telle ou telle danse, tel ou tel ins - trument de musique, furent jadis enseignés aux hommes par les esprits ancestraux. À Hiw, L'esprit de l'Oursin, danse neqet (Lahlap, Motalava) © AF

– 11 – ments réservés aux seuls initiés. À la fin de la Si la musique tient un rôle essentiel dans période de réclusion, ces jeunes gens vien - ces cérémonies, c’est aussi parce que cer - dront danser sur la place du village, la tête tains grades impliquent l’accès à une sorte couverte de coiffes et masques sacrés corres - de “droit coutumier” sur un rythme musical pondant à leur rang d’initiation. Qu’il spécifique. Ce rythme fait partie intégrante s’agisse des formes et couleurs de ces des attributs propres à ce grade, au même masques, des paroles chantées, des rythmes titre que certaines parures – comme les ou du pas de danse, chaque aspect de ces canines de cochons recourbées [photo p.15] cérémonies viendra rappeler au profane la – certaines feuilles de plantes sacrées, pein - puissance des liens entre le monde des tures corporelles, ou motifs dessinés sur les humains et l’au delà. habits de nattes. Une partie importante des formes musicales au Vanuatu est ainsi pla - Musique et sociétés à grades cée sous le sceau du secret et de la propriété La dimension sacrée se retrouve également exclusive de certains hommes, en vertu de dans le système politique de la chefferie, étroi - leurs liens privilégiés avec le monde des tement lié au monde des esprits. Sur les trois Ancêtres. Certains chants, danses, instru - îles Pentecôte-Ambae-Maewo – comme à ments, rythmes ou mélodies seront ainsi Malakula ou Ambrym, plus au sud – les grades interdits d’accès aux enfants, aux femmes, hiérarchiques régissent encore aujourd’hui la et à tous ceux qui n’en auront pas acquis les société, et tout homme se doit de participer à droits. cette compétition politico- économique. En somme, les musiques du Vanuatu sont Dès son enfance, un garçon est introduit fortement associées, dans les esprits, au dans la hiérarchie des grades lors d’une monde ancien de la “coutume” – et ce, petite cérémonie où il acquiert son premier quand bien même elles se renouvellent grade. Ces premières étapes dans la hiérar - continuellement par des rencontres et des chie des honneurs, dans la mesure où elles créations. Ce lien avec le monde de l’antique concernent quasiment tous les garçons, se manifeste de diverses manières, que nous n’impliquent pas de danses ou de musiques allons décrire tour à tour. D’abord, les tech - particulières. Mais plus le grade est élevé et niques matérielles perpétuent l’emploi prestigieux, plus les cérémonies de passage exclusif de matériaux naturels, autant pour s’enrichiront en danses, chants et rythmes l’élaboration des instruments euxmêmes que tambourinés. Nous avons entendu certains pour les costumes et masques de danses que de ces rythmes lors de cérémonies de prises l’on confectionnera pour les grandes occa - de grade à Pentecôte [ ☉31–32]. sions. Par ailleurs, le lien entre musiques

– 12 – coutumières et temps anciens apparaît nette - les plus nombreux), les cordophones, les ment dans la forme poétique des chants – à aérophones et les membranophones. travers l’emploi d’une langue poétique archaïsante, et l’évocation permanente, dans Les idiophones les textes, du monde rêvé d’autrefois. La planche à percussion Un idiophone assez répandu au Vanuatu, Les instruments notamment dans les îles du nord, est la Les instruments employés dans la musique planche à percussion. Après avoir creusé dite “traditionnelle” proviennent tous de dans la terre une petite fosse d’environ 50 l’environnement naturel proche des musi - cm de diamètre et 20 cm de profondeur – elle ciens – de la forêt ou de la mer. servira de résonateur – on pose dessus un L’océan fournit surtout la conque marine, morceau de bois assez massif, plus ou moins que l’on souffle pour appeler les foules ou plat. Traditionnellement, cette planche est lancer un signal. Par ailleurs, on signale à issue d’une racine-contrefort, plate et large, Ureparapara l’existence de sonnailles de de certains arbres ; de nos jours, on peut y chevilles fabriquées en piquants d’oursins substituer n’importe quelle planche de bois. crayons. Mis à part ces cas rares, les autres Trois à douze musiciens se tiennent debout instruments employés dans la musique autour de cette planche. Chacun est muni coutumière sont quasiment tous d’origine d’un ou deux bâtons plutôt légers, longs de végétale. 0,90 à 1,80 m, soit en bambou soit en bois On peut distinguer trois types d’instru- ments. D’une part, les instruments de musique proprement dits, dont l’usage est codifié, et qui sont joués dans le but d’ac - compagner le chant ou la danse. D’autre part, des objets ludiques ou fonctionnels employés occasionnellement, exploités par jeu pour leur vertu sonore, mais indépen - damment de toute performance chantée ou dansée. Enfin, nous verrons que certains ins - truments revêtent des fonctions paramusi - cales, signalétiques ou mimétiques. Suivant la classification Hornbostel-Sachs, on distinguera entre les idiophones (de loin Planche à percussion tiyit r̄ër ̄ë (Hiw , Torres) © AF

– 13 – – parfois une pagaie fera l’affaire. Lors de la trument. Ainsi elles ont un terme spécifique danse, ces musiciens frappent la planche en pour désigner, dans le groupe de percussio - rythme, produisant des sons sourds. Le nistes, celui qui mène le jeu et que les autres groupe se maintient synchronisé en se calant suivent (en mwotlap : avus , en dorig : sur un leader ; c’est lui qui décide de la pro - ran̄krēbō ). Elles ont au moins un verbe pour gression du rythme, ou du moment où le l’acte de battre la planche ( hër en lo-toga, chant se termine. didi en mwotlap, etc.) – souvent le même Dans les îles Banks, la planche à percussion verbe que “pilonner” utilisé en cuisine. La est l’élément central des moments musicaux – langue hiw ne possède pas moins de quatre y compris au sens littéral, puisque son empla - verbes – deux synonymes ( sor̄ et yop ) pour le cement, au milieu de la place du village, sens général, et deux termes plus précis, constitue le point central autour duquel se employés dans le genre newēt : puye “battre déploieront les cercles des musiciens et dan - la planche en marquant un temps sur deux” seurs. Pièce principale de l’orchestre appelé et r̄ug “battre la planche en marquant trois nawha en langue de Motalava, cette planche temps sur quatre”. La précision de ces accompagne les danses villageoises [ ☉14–16] termes techniques démontre, s’il le fallait, ou les poèmes chantés titi [☉25–29]. Aux îles l’existence locale d’une “théorie musicale” Torrès, l’instrument fournit l’ostinato princi - (cf. Zemp 1979). pal des chants newēt [☉38–40]. Le nom de l’instrument diffère considérable - Le grand tambour à fente ment d’une langue à l’autre : ne tiyit r̄ër̄ë (lit - L’idiophone le plus imposant, à la fois par ses téralement “racine d’arbre”) en hiw ; ne vën dimensions et son prestige social, est un large mēlepup (“planche épaisse”) en lo-toga des tambour de bois, creusé dans le tronc d’un îles Torrès ; ntaqap en löyöp d’Ureparapara ; arbre, et pourvu d’une fente longitudinale. naqyēn̄ malbuy (“épaisse massue”) en mwot - On trouve un type analogue de tambour, lap ; lalöbur en vurës de Vanua Lava ; diov en sculpté et joué en position verticale, dans les dorig de Gaua ; mēpli ra en lakon, etc. Les îles du centre du Vanuatu – sa célébrité en a langues ont également des noms pour les d’ailleurs fait un emblème national. Dans les bâtons qui frappent le rythme sur la planche îles Banks en revanche, ainsi qu’à Maewo, – généralement le même terme que “bam - Ambae et le nord-centre de Pentecôte, le bou”, même lorsque d’autres bois sont même tambour se présente à l’horizontale, employés. posé à même le sol. Enfin, les langues possèdent des termes Le grand tambour est souvent joué par plu - techniques pour les actions liées à cet ins - sieurs musiciens, produisant une polyrythmie .

– 14 – Dans la majeure partie de l’archipel, cet ins - trument sera ainsi joué dans une formation de plusieurs tambours (Crowe 1996), chacun joué par un seul musicien. Aux îles Banks en revanche, plusieurs musiciens frappent le même tambour – lequel suffit, à lui seul, à produire une polyrythmie [photo ci-contre]. Dans les îles de Motalava et de Gaua, ce lourd tronc évidé fait environ 1,40 m de long pour un diamètre de 45 cm. Posé au sol, il est joué par trois musiciens assis. Celui du milieu percute le centre du tambour à l’aide d’épais pétioles de palmes de cocotier, pro - Tambour à fente nokoy (Motalava) © AF duisant les basses ( bōl en langue mwotlap de

Cérémonie de passage de grade à Bunlap (Sud Pentecôte) © MS

– 15 – Motalava, tēn̄ en lakon) ; les deux musiciens Léger, il sera tenu d’une main par le musi - qui l’encadrent jouent avec des bâtons durs cien, qui le frappe d’un bâton tenu de et légers, produisant un son à la fois plus l’autre main [photo p.35]. D’autres fois, le aigu et plus intense ( beleg en mwotlap, vuh tambour est joué à l’aide de deux bâtons, et en lakon). Le principe du jeu est polyryth - pour cela il est stabilisé de diverses façons : mique : chaque musicien frappe un ostinato posé au sol et maintenu avec les pieds ; tenu rythmique différent. par une seconde personne ; ou encore fixé Dans les îles Pentecôte-Ambae-Maewo, le en hauteur sur des supports verticaux. Très tambour à fente a préservé son lien originel répandu, ce tambour s’entend dans plu - avec les sociétés à grades, une institution qui sieurs pièces du disque : ☉4, ☉11–16 ; s’y est maintenue vivace jusqu’à nos jours. ☉25–29, ☉36–40. Parmi ces attributs rituels liés à certains Dans les langues du nord du Vanuatu, ce grades, figurent précisément certains petit tambour à fente est toujours distingué rythmes tambourinés : ces derniers sont tou - de son grand frère, le grand tambour à jours interprétés sur des ensembles de plu - fente taillé dans un tronc d’arbre. Par sieurs tambours de bois de différentes tailles exemple, la langue lakon (ouest Gaua) [cf. photo page précédente]. Dans les îles désigne le grand tambour comme kee , et le Banks, l’instrument s’est raréfié, mais on le petit comme qalē laklake (littéralement sort pour les grandes occasions. C’est ainsi “entrenœud-de-bambou à danser”). que le nokoy de Motalava fut joué, en décembre 1997, pour le mariage du fils de l’évêque anglican [ ☉33–34]. Au contraire de la planche à percussion, le nom du grand tambour à fente se ressemble dans la plupart des langues du nord : hiw ne kōr̄, löyöp nkoy , mwotlap nokoy , lemerig kër, mwesen wokor , mota kore , dorig wakor-dun̄, lakon kee etc.

Les petits tambours à fente Beaucoup plus commun est le tambour à fente individuel. Mesurant entre 20 et 80 cm, il est fabriqué soit en bambou [photo], soit en bois taillé [photo p.46]. Tambour à fente en bambou (Motalava) © AF

– 16 – Bambous pilonnants dans la danse nombo (Merelava) © MS

Les tubes pilonnants c’est le tube lui-même qui vibre lorsqu’on le En général, la planche à percussion est frap - frappe sur le sol : ce dernier est alors néces - pée à l’aide de bambous : dans de nom - sairement fait de bambou, et l’on parle de breuses langues, les longs bâtons de percus - bambou pilonnant. Ces derniers sont com - sion sont d’ailleurs simplement nommés muns en Océanie, observés en Nouvelle- “bambous”. Parfois, on se permet d’y substi - Calédonie ou aux îles Salomon. tuer de simples bâtons de bois puisque le Dans la petite île de Merelava, un genre corps qui vibre est la planche que l’on frappe. musical met en jeu des bambous pilonnants, Mais en l’absence de la planche à percussion, le nombo (’bambou’ en langue locale). Six

– 17 – femmes assises, tenant dans chaque main un Les sonnailles court tube de bambou, frappent le sol tout Connues dans tout l’archipel du Vanuatu et en chantant [ ☉11]. au-delà, les sonnailles sont fabriquées à partir Un autre type de tubes pilonnants existe à des fruits d’un végétal, Pangium edule , sorte Pentecôte. De dimensions plus longues, et de noix dont les coques sont vidées puis joués en plus grand nombre qu’à Merelava, séchées au soleil, avant d’être tressées en ces bambous fournissent les basses lors de grappes. La particularité de cet instrument est certaines performances – comme dans le d’être normalement joué non par les musi - sowahavin ☉12. ciens, mais par les danseurs : les sonnailles sont attachées à leurs chevilles, et s’entrecho - Autres idiophones en bambou Plus au sud à Pentecôte, ce végétal providen - tiel présente encore d’autres usages musi - caux, parfois originaux.

Bambous fendus entrechoqués Il s’agit de bambous d’environ 1 m de lon - gueur, fendus tout autour de leur corps. Les danseurs se mettent par deux et entrecho - quent leurs instruments, comme des armes, par leurs moitiés fendues.

Tambour de bambous en faisceau Un autre usage musical du bambou à Pentecôte met en jeu des bambous longs de plus de 2 m et regroupés en un grand fagot. L’instrument est maintenu en hauteur par deux hommes, debout à chaque extrémité, tandis que quatre musiciens – deux de chaque côté – le frappent avec des bâtons de bois. La sonorité particulière de cet instru - ment, que l’on peut entendre en ☉32, mêle le choc des bâtons sur les bambous et les Sonnailles de chevilles dans la danse neqet (Lahlap, entrechocs entre les bambous eux-mêmes. Motalava) © AF

– 18 – quent à chacun de leurs pas. Ces sonnailles Les cordophones sont utilisées dans la plupart des danses mas - Jusqu’à présent, aucun cordophone n’avait culines des îles Pentecôte-Ambae-Maewo été signalé au Vanuatu – à l’exception d’un [☉13], ainsi que dans la danse des femmes très rare arc musical à résonateur buccal que dite sowahavin [☉4, ☉12]. Elles sont égale - l’ethnologue Speiser observa vers 1910 à ment très présentes dans les îles Banks, en Ambrym. Alors qu’on le croyait désormais particulier lors des danses masquées effec - disparu, nos enquêtes nous ont permis de tuées par les jeunes initiés – que ce soit la constater que l’instrument était toujours en danse des adolescents dite utmag à Merelava usage à Ambrym. Mieux encore, nous avons [☉36] ou le neqet de Motalava [ ☉37], danse découvert l’existence d’un arc musical sem - spectaculaire interprétée par les jeunes blable quoique de plus grande taille [photo hommes [cf. photo page précédente]. Au p.50], dans l’île de Hiw tout au nord de l’ar - cours de toutes ces danses, l’entrechoc des chipel [ ☉22]. Le musicien, un homme de 86 noix sèches accompagne les coups secs des ans du nom d’Edward Pilis, a conscience petits tambours à fente et les cris des chan - d’être le dernier homme de son île à savoir teurs solistes, dans un paysage sonore très fabriquer et jouer de cet instrument rarissime caractéristique. au Vanuatu. Un autre emploi original de ces mêmes son - Cette rareté des cordophones dans la nailles consiste à en réunir quelques-unes musique coutumière contraste vivement avec dans un sac de toile, que l’on secoue à la leur usage quotidien dans des répertoires main, donnant un son qui rappelle les mara - musicaux de création récente. En effet, les cas. Cette sorte de hochet-sonnailles peut chœurs d’église d’une part, et les chansons s’entendre à Motalava, dans l’ensemble dites string band d’autre part, font amplement musical nawha titi [☉24–25; 27; 29]. C’est le usage de guitares, ukulélés ou contrebassines seul cas où les sonnailles sont intégrées à (bush bass ). Pourtant, dans toutes les îles que l’ensemble des instruments joués par les nous avons visitées, cette forte présence des musiciens. cordophones dans la musique populaire Le nom des sonnailles dans les langues est moderne est demeurée étrangère à la musique assez homogène : hiw ne ver̄ak , löyöp nvayan̄, coutumière. L’arc musical est ainsi le seul cor - mwotlap nowopyak , vurës wōviriak , lakon dophone qui figure dans cet album. väräk , maewo varaḡe , raga vaḡe , etc., pro - viennent tous du même radical *vaRage qui Les aérophones désigne la plante dans laquelle l’instrument Les aérophones sont également rares, de nos est fabriqué. jours, au Vanuatu. Si l’on s’en tient aux ins -

– 19 – truments reconnus localement comme tels, il tion, nombreux sont ceux qui relatent l’exis - semble que les seuls aérophones connus dans tence ancienne de flûtes en bambou de la région aient été des flûtes en bambou, sous formes diverses dans différentes îles de l’ar - diverses formes décrites minutieusement par chipel – non seulement à Tanna ou Ambrym, Ammann (2012). Ces flûtes sont mention - où elles sont jouées encore aujourd’hui, mais nées essentiellement dans des témoignages également dans les îles Pentecôte–Ambae– des premiers ethnologues du début du XX e Maewo. Edgar Hinge, l’un des derniers siècle (Speiser 1923). Quelques longues flûtes hommes qui sachent encore fabriquer des ont été observées dans l’île de Pentecôte dans flûtes à Pentecôte, reconstitue huit types de les années 1970 (Crowe 1996, Huffmann flûtes différents. À chaque type correspon - 1996). Si en ville, dans les magasins pour tou - dait, autrefois, un répertoire spécifique : ristes on trouve toujours des flûtes d’Ambrym chants d’amour, de prestige, de magie… – toujours plus ou moins le même modèle de Nos enquêtes menées aux îles Torrès ont éga - flûte droite ou oblique à encoche en V avec lement fait resurgir le souvenir d’une flûte de deux trous de jeu – cet instrument a désor - Pan, instrument répandu également dans les mais quasiment disparu de la tradition dans îles Salomon voisines (Zemp 1994), mais tout le nord de l’archipel. On raconte qu’un rarement évoqué au nord du Vanuatu (cf. homme en jouerait encore en secret, dans le Ammann 2012). Ici encore, cette petite flûte centre de Maewo. Malgré cette quasi dispari - à plusieurs tuyaux de bambou n’existe qu’à l’état de souvenir, le dernier exemplaire attesté remontant à plusieurs décennies. Cependant, l’existence de noms locaux spé - cifiques pour la flûte de Pan ( tokak en langue hiw ; n’o ravtepōr en langue lo-toga, littér. “bambou ténu”) tend à confirmer son exis - tence à une époque ancienne. Enfin, l’île de Maewo présente un type unique de sifflet, appelé gove . Fabriqué en bambou et long d’environ 15 cm, chaque sifflet possède une seule hauteur de son. Ainsi, l’exécution d’une mélodie requiert un ensemble de sif - flets, joués par deux groupes de musiciens qui se répondent : le premier groupe siffle et Esta Rotili jouant du sifflet gove (Maewo) © MS chante alternativement, l’autre groupe leur

– 20 – répond uniquement en sifflant. Les musiciens D’une part, sur l’île de Maewo, un tambour à sont tantôt des enfants [ ☉17], tantôt des membrane existe encore, mais sa fabrication femmes [ ☉30], pour des raisons qu’on verra. n’est connue que de quelques individus. Ce Ce type d’interprétation met en jeu plusieurs tambour se nomme taḡura , c’est-à-dire techniques musicales simultanées : tout “sagoutier”, du nom du bois dans lequel il est d’abord un hoquet, puisque les deux groupes fabriqué. Instrument tabou, il est utilisé lors alternent des événements sonores de courte d’une cérémonie exceptionnelle, Ḡwatu ta durée, en formant un son constant ; un osti - Baruḡu , à l’issue de laquelle il doit être détruit. nato, créé par la répétition d’une même for - Le nord des îles Banks possède également un mule mélodico-rythmique ; enfin, l’alter - tambour à membrane fabriqué dans un nance du souffle dans un instrument et du sagoutier. Après avoir évidé le tronc de sa chant sur une syllabe. pulpe, on obtient un fût d’environ 1,40 m de D’autres aérophones existent au Vanuatu, long et 40 cm de diamètre. On en recouvre mais ont un statut périphérique, et ne sont pas considérés par les praticiens comme des instruments de musique. Ainsi, la conque marine est connue partout dans l’archipel, mais elle n’accompagne jamais le chant ou la danse : elle n’a qu’une fonction signalétique. Par ailleurs, si le petit rhombe en feuille de cocotier [ ☉35], fait également partie des aérophones, il sera considéré comme un simple jeu d’enfant, dépourvu du prestige d’un véritable instrument. À l’inverse, il est possible que de plus grands rhombes existent dans la région, mais si c’est le cas ils font par - tie des instruments secrets, réservés aux ini - tiés – nous ne pouvons donc rien en dire.

Les membranophones Les instruments à membrane sont également très rares au Vanuatu. Lors de nos recherches, nous en avons cependant observé deux spécimens. Tambour à membrane natmat-woh (Motalava) © AF

– 21 – l’extrémité avec des feuilles de sagoutier tres - tance lors des chants a cappella : ainsi, le sées, tendues et fixées en plusieurs couches, genre leng de Gaua [ ☉3], chanté sans instru - recouvertes à leur tour d’une natte de panda - ments, donne toute sa place aux pas rythmés nus. Planté en terre, le tambour se dresse à des danseuses [photo p.40]. D’autres fois, les environ 1 m du sol pour être joué. danseurs soulignent leurs pas à l’aide des D’usage restreint, ce tambour est joué, en sonnailles de chevilles, comme dans le sowa - conjonction avec d’autres instruments, havin de Pentecôte [ ☉4] ou le neqet de exclusivement dans un ensemble musical Motalava [ ☉37]. précis – le genre titi [p.51]. Frappé de coups Mais s’il est un genre qui met le mieux en réguliers des poings ou des paumes, ce tam - scène le potentiel musical du corps humain, bour fournit, avec la planche à percussion, la c’est bien le sawagoro [☉5–6, ☉8]. Qu’il s’ap - ligne des basses [ ☉24–25; 27; 29]. Dans les pelle sawagoro ou sawako , ce répertoire trois îles où il est connu, l’instrument se propre aux îles Pentecôte-Ambae-Maewo se nomme littéralement “les coups de poings caractérise par l’absence de tout instrument des Esprits” ( natmat-woh en mwotlap, nta - musical autre que la voix, les mains et les mat-wos en löyöp, timiat-wos en vurës, ’ama- pieds des danseurs. Tandis que les pieds frap - wos en vera’a et lemerig), assignant ainsi une pent le sol sur les temps forts, les mains cla - origine surnaturelle aux échos sourds de ce quent à contretemps, et le tout forme un ins - tambour. trument collectif relativement riche.

Le corps des danseurs Quelques jeux sonores Au rang des instruments musicaux, on peut L’environnement du Vanuatu n’est toujours également compter les claquements de apprivoisé qu’à demi, et se prête aux explo - mains et de pieds, dont les vibrations, durant rations. Au cours d’une chasse en forêt, les performances, contribuent au paysage d’une expédition aux jardins de brousse, ou sonore. Cette dimension est particulière - d’une partie de pêche, se font entendre les ment bien représentée dans ce disque, où mille sons du monde – échos des vagues, l’on a privilégié les enregistrements en situa - chants des perruches, bruissement des tion : les cris et les gestes des danseurs y feuillages… Ces sensations sonores sont importent autant que la performance musi - d’ailleurs volontiers évoquées, nous le ver - cale elle-même. rons, dans la poésie chantée. C’est donc tout Plusieurs enregistrements de danses font naturellement qu’enfants et adultes trouve - ainsi entendre des bruits de pas au fil de la ront autour d’eux prétexte à des jeux musique. Ceux-ci trouvent toute leur impor - sonores.

– 22 – Les femmes de la côte ouest de Gaua, au vil - lage de J ōlap, s’adonnent ainsi à des jeux d’eau [ ☉2]. Un groupe de cinq ou six femmes est disposé en ligne ou en cercle, dans la mer ou l’embouchure d’une rivière, avec de l’eau jusqu’à la taille [photo p.39]. Au signal de la meneuse, elles giflent la sur - face de l’eau simultanément ou en décalage – d’un rythme tantôt vif et léger, tantôt lourd et plus lent. D’autres jeux sonores sont présents dans l’al - bum, la plupart faits de feuilles ou de végé - taux. Parfois, on frappe simplement une feuille séchée contre la main [ ☉20]. À Merelava, un arbuste côtier fournit aux pro - meneurs une feuille que l’on fend et fait vibrer sur les lèvres, tel un mirliton [ ☉10]. À Motalava, les enfants aiment à fabriquer des Susi Rosur jouant de la guimbarde (J ōlap, Gaua) © MS appeaux ou sifflets à l’aide d’une jeune feuille de cocotier. À Gaua, la même feuille munie de sa tige se transformera en guim - Fonction signalétique barde [ ☉1] ; on en fait vibrer la tige contre la Outre leur valeur musicale, certains instru - cavité buccale utilisée comme résonateur ments revêtent parfois une fonction symbo - [photo], suivant le même principe que l’arc lique ou signalétique. Ainsi, les sifflets gove musical [ ☉22]. D’autres fois encore, la feuille de Maewo font office de signal, en période se fait rhombe, que l’on fait tournoyer en d’initiation des hommes. Lorsqu’un groupe l’air [ ☉35]. de non-initiés – enfants [ ☉17] ou femmes Malgré leur beauté parfois envoûtante, ces [☉30] – marche dans la forêt, il risque de instruments reçoivent une place secondaire s’approcher de l’enclos sacré des initiations, dans la perception des interprètes euxmêmes. dont l’emplacement exact leur est inconnu. Tout comme les jeux d’eau, ces objets ne sont Ces non-initiés jouent alors de leurs sifflets utilisés que pour se divertir : ce sont de afin de signaler leur présence aux hommes simples jeux sonores, dépourvus du prestige dont la vue leur est strictement interdite. dévolu aux “véritables” instruments. La fonction d’alerte est aussi dévolue à la

– 23 – conque marine ( Charonia tritonis ). On la fait L’île de Merelava, au sud des Banks, connaît sonner comme une trompe pour signaler un une semblable cérémonie funèbre, nommée événement d’importance à la population – Newertiang “Pleurs des Esprits” [ ☉41]. Bien par exemple, convoquer tout un village à que nous ayons été autorisés à enregistrer une festivité ou une prière, ou annoncer le cet événement sonore, nous avons respecté décès d’un grand chef. Autrefois, ce dernier le tabou qui l’entoure, et n’avons pas rôle était également rempli par l’usage du exploré la nature des instruments utilisés. grand tambour à fente, dont la puissance Tout au plus savons-nous que le phénomène sonore était exploitée pour diffuser de telles sonore ainsi produit se décline en plusieurs nouvelles à toute une région. Cette pratique couches de sons superposés, mettant en jeu semble encore en usage à Pentecôte, Ambae, soit des aérophones, soit des idiophones Maewo et Malakula (Ammann 2012), et sub - frottés (cf. Codrington 1891 : 79). Il en siste à l’état de souvenir sur la côte ouest de résulte un paysage sonore particulièrement Gaua. Ainsi, dans le village de J ōlap, on rap - inquiétant, semblant venir tout droit du porte qu’un certain rythme tambouriné monde des Morts. signifiait Too maranaga ēn mät ! “Le chef est décédé !” Ce procédé rappelle les “langages Formes musicales tambourinés” observés dans certaines socié - Rythmes et mélodies tés de Centrafrique (Arom & Cloarec-Heiss La plupart des instruments que nous avons 1976) ou des îles Salomon (Zemp & vus ne se prêtent guère aux variations mélo - Kaufmann 1969). diques : qu’il s’agisse de percussions, de tambours à membrane, de sonnailles, de sif - Fonction mimétique flets ou de frappements de mains, leur Le décès d’une personne importante occa - contribution musicale se réduit souvent à sionne parfois une toute autre forme de son. une seule hauteur de son. Leur principal Au sud des îles Torrès, ce type d’événement, apport est le timbre particulier des maté - nommé tëmrega , se produit cinq jours après riaux employés, ainsi que leur fort potentiel le décès de la personne ; il prend la forme en termes de jeu rythmique. d’un phénomène sonore étrange et impres - La famille des danses sawagoro se caractérise sionnant, que l’on décrit volontiers comme par l’absence d’instruments proprement la “voix des Morts”. Il s’agit d’un son sacré, dits, et une alternance rythmique originale : que tous les villageois peuvent entendre, des frappements de pieds sur les temps mais dont seuls les hommes initiés sont forts, des claquements de mains à contre - autorisés à connaître les secrets. temps [ ☉5–6, ☉8].

– 24 – Les ensembles de percussion sont souvent musiciens ou les danseurs – chante le même polyrythmiques. Ainsi, les ensembles de poème simultanément. La polyphonie étant tambours à fente joués à Pentecôte, Ambae et rare, la principale technique en usage est le Maewo produisent des ostinatos à plusieurs chant à l’unisson (homophonie). C’est le cas, voix ; dans les îles Banks, cette polyrythmie en particulier, lors des “odes de prestige” est réalisée sur un seul tambour [ ☉33–34]. chantées devant une personnalité impor - L’orchestre titi [☉25] combine également les tante : lors de leur cérémonie d’inaugura - rythmes distincts de plusieurs instruments : tion, ces chants sont interprétés a cappella planche à percussion, tambours à fente, tam - par un chœur d’une trentaine d’individus bour à membrane, sonnailles. (Wittersheim 2009). En l’absence d’instrument mélodique Mais le cas le plus fréquent au nord du comme les flûtes à trous, la mélodie n’est Vanuatu est sans doute la forme responso - généralement apportée que par le chant. riale, impliquant l’alternance d’un chanteur

Le chant Même si certains morceaux peuvent être pure - ment instrumentaux, la plupart implique un chant. Certains genres, comme les berceuses [☉18, ☉23], les comptines [ ☉19, ☉21] ou les odes de prestige, sont normalement interpré - tés a cappella. Mais le plus souvent, la desti - nation ultime d’un chant est de s’intégrer à une performance instrumentale, générale - ment en association avec des danses. Cela n’empêche pas que ces mêmes chants soient parfois interprétés à voix nue [ ☉26, 28], tan - tôt lors de séances d’apprentissage et de répé - tition, tantôt lors de moments récréatifs. Dans certaines situations, un chant donné ne sera interprété que par une seule per - sonne – soit un individu isolé, soit un soliste dans un groupe. D’autres fois, un chant prend une forme chorale, lorsqu’un groupe Tatley Sekson interprète une ode de prestige (Toglag, d’individus – coïncidant parfois avec les Motalava) © AF

– 25 – soliste et d’un chœur. On peut le constater Lors d’un chant newēt , deux groupes chan - avec le leng des femmes de Gaua [ ☉3], le tent et se répondent en alternance : “O ho, sowahavin [☉4, 12] et le sawagoro de Ohé o – O ho, Ohé o”… En parallèle, et Pentecôte, les chants nawha titi à Motalava d’une voix beaucoup plus basse, un soliste [☉25, 27, 29], etc. entonne un chant secret, à peine audible. Le style newēt pratiqué aux îles Torrès C’est ainsi que le chant mélodieux du soliste [☉38–40] met en jeu une technique de chant newēt se trouve recouvert par les cris hale - particulière, sorte de “hoquet” vocal – simi - tants des musiciens [ ☉40] – ébauche d’une laire aux sifflets gove de Maewo [ ☉17, 30]. forme polyphonique, rare dans cette région. Enfin, un cas particulier est celui des danses utmag de Merelava [ ☉36] et neqet de Motalava [ ☉37]. Parce que la connaissance de ces danses masquées est réservée aux seuls hommes des sociétés secrètes, il est exclu que les non-initiés puissent entendre les paroles des chants. Ces derniers existent pourtant bel et bien, mais du fait de leur caractère tabou, ils ne sont pas interprétés à haute voix. Ils sont chantés mentalement par les danseurs, comme un aide-mémoire intérieur destiné à régler leur chorégraphie silencieuse.

Échelles et mélodie Comme beaucoup de musiques dans le monde, les mélodies du Vanuatu n’ont pas de hauteur absolue. Ce que le musicologue observe est avant tout la relation entre les différents sons, en particulier les intervalles. Or, l’analyse de nos enregistrements révèle que les mélodies présentent une grande diversité, malgré un faible nombre de notes et d’intervalles. Cette diversité s’explique avant tout par le grand nombre des échelles Peretin Wokmagëne chantant le newēt (Lo, Torres) © AF utilisées.

– 26 – L’ensemble des musiques que nous avons des générations, nombre de formes linguis - analysées sont fondées sur un système pen - tiques, mythologiques, musicales, que l’on tatonique anhémitonique, souvent défini retrouve d’une île à l’autre. En ce qui comme composé d’échelles de cinq notes concerne la musique, on observe par sans demi-ton [ ☉5–6, ☉7, ☉13, ☉21]. exemple la récurrence de certains chants par - Cependant, en réalité l’étendue d’une ticuliers, certaines mélodies, qui se transmet - échelle pentatonique peut se révéler beau - tent de village en village et d’île en île, avec coup plus importante – à travers la juxtapo - toujours assez de nuances dans le détail pour sition des échelles, le rajout de notes de pas - acquérir un ancrage local. Ce ne sont pas sages… – ou au contraire, moins étendue par seulement des pièces individuelles que l’on omission de certain degrés. L’échelle peut partage, mais parfois des genres musicaux, également inclure des demi-tons par ajout dans toute leur complexité formelle. d’ornements ou substitution des degrés. Le Ces genres combinent un ensemble déter - système scalaire du Vanuatu comporte une miné d’instruments avec un répertoire pré - incroyable richesse des échelles, allant des cis de rythmes et de mélodies. Les genres chaînes de tierces [ ☉8, ☉19] jusqu’aux musicaux sont distincts des genres poé - échelles hémitoniques dans lesquelles l’in - tiques, lesquels sont déterminés par la tervalle de demi-ton fait partie de la struc - forme du texte lui-même. Cependant des ture mélodique [ ☉10–11, ☉25]. liens existent : ainsi, sur la côte ouest de En ce qui concerne les intervalles, ils demeu - Gaua, un poème du genre sārsērbō sera nor - rent la plupart du temps conjoints à l’inté - malement associé au genre musical leng . Tel rieur d’une échelle donnée : ainsi, dans une ou tel genre musical sera associé à certains échelle de type do, ré, mi, sol, la , l’intervalle pas de danses, et à certaines catégories d’in - mi–sol est un intervalle conjoint, car le fa terprètes (hommes, femmes, jeunes ini - n’existe pas dans l’échelle utilisée. La diver - tiés…). Par exemple, le leng est une danse de sité des possibilités explique le grand nombre femmes, jouée notamment lors des de combinaisons et de mélodies observées. mariages, qui met en œuvre une soliste, une crieuse et des danseuses [ ☉3]. Les genres musicaux Chaque communauté possède une bonne Les îles du Vanuatu ont toujours entretenu quinzaine de genres musicaux variés. À entre elles, de proche en proche, des rela - Motalava, par exemple, on trouve les genres tions économiques, culturelles et matrimo - noyongyep [☉14–15], namapto [☉16], niales. Elles constituent ainsi des réseaux nalangvēn , nawha titi [☉24–29], turbal sociaux entrelacés où se sont échangés, au fil [☉33–34], namag , nem̄e, neqet [☉37]… La – 27 – plupart de ces genres se retrouvent, sous des Vanuatu, il n’est de poème que chanté. Le formes et des noms légèrement différents, linguiste de notre projet a ainsi pu découvrir dans les autres îles du groupe Banks ; plus on un domaine qui n’avait jamais été exploré s’éloigne de cette région, vers le nord ou au jusqu’à présent : la poésie orale du Vanuatu. sud, plus les répertoires seront différents. Cet album met l’accent sur la diversité des La langue des chants formes musicales, du point de vue à la fois Les chants coutumiers présentent tous une géographique et esthétique. On découvrira caractéristique linguistique importante : ils ainsi le newēt des îles Torrès ; les genres leng, sont composés dans une langue poétique nombo, newertiang, mag, qat, noyongyep, spécifique, distincte de la langue parlée. Ce namapto, turbal , ainsi que les chants titi aux “dialecte des chants”, différent d’un endroit îles Banks ; et plus au sud, les genres sawa - à l’autre, ne correspond à aucune langue goro, sowahavin, ka, baraté, gove, bilbilan , et réellement parlée ; il s’agit plutôt d’un mantani dans la province Penama. Ces genres registre littéraire, réservé à la poésie savante. musicaux seront présentés en détail dans la Dans certaines îles, comme à Gaua ou aux description des pièces, à la fin de ce livret. Torrès, les chants ne diffèrent de la langue On ne cite ici que les genres proprement parlée que de manière limitée, par l’emploi dits, qui sont dotés d’un nom précis et de d’un vocabulaire littéraire, ou par quelques règles spécifiques. Mais cet album inclut licences poétiques – juste assez pour faire également d’autres activités musicales entendre un “accent” poétique, mais pas suf - dotées localement d’un prestige secondaire, fisamment pour faire obstacle à la compré - car dépourvues de nom et de statut particu - hension. Dans d’autres îles, en revanche, la lier : c’est le cas notamment des jeux différence est si radicale que le sens de cou - sonores (jeux d’eau, guimbarde, mirliton, plets entiers, voire du chant dans son rhombe, arc musical), ou des berceuses et ensemble, en devient méconnaissable pour le comptines enfantines… Quel que soit le profane. C’est le cas à Motalava, où la distance plaisir qu’on y trouve, ces pratiques sont est suffisamment marquée pour qu’il soit pos - perçues par leurs interprètes comme pure - sible d’y voir véritablement une langue à part. ment ludiques, extérieures au système des Qu’il s’agisse de chants à danser, de com - genres musicaux proprement dits. plaintes anciennes, de vers chantés au milieu d’un conte, voire de comptines pour enfants, L’art de la poésie chantée le sens de ces chants ne se dévoile qu’à moi - Les chants ne sont pas que musique : ce sont tié au commun des mortels, et demeure également des poèmes. Et de fait, au enveloppé de mystère. Seuls quelques

– 28 – hommes ou femmes, parmi les plus âgés et Un voyage dans le temps et l’espace les plus cultivés, seront capables de déchif - Les noms que reçoit cette langue des chants frer un poème en entier. Quant à la connais - évoquent ses liens avec l’univers du mythe. sance suprême, celle qui permet de composer On l’appelle “la langue d’autrefois”, ou par - un chant dans cette langue poétique, elle est fois plus explicitement même, “la langue des réservée aux très rares poètes de l’île. Eux Esprits” ou “la langue de Qet” – du nom du seuls ont reçu de leurs aînés ce long ensei - démiurge qui créa le monde, au temps du gnement, celui qui fait connaître à l’apprenti mythe. Ainsi, la langue si particulière de la poète les secrets de la langue poétique et de poésie chantée est perçue comme l’émanation l’art de la composition. lointaine des Ancêtres fondateurs, des dieux Bien connaître la langue des chants requiert primordiaux, des Esprits. Ce lien spirituel avec à la fois une érudition linguistique et une le monde des Ancêtres se fait sentir non seu - vaste culture littéraire, à même d’offrir au lement dans les thèmes évoqués dans les poète les tournures et métaphores les plus chants, mais aussi dans la forme même des appropriées à son sujet. L’artiste qui compose mots. En effet, la langue poétique développe le texte poétique est toujours aussi celui qui un goût particulier pour l’antique. On aime en choisit la mélodie, et un bon poète se doit les tournures anciennes, les archaïsmes gram - de connaître la grande variété des genres de maticaux, le vocabulaire d’autrefois ou même chants propres à son répertoire. les sons que la langue moderne a perdus, et Ce talent est conçu comme un don des qui ne subsistent que dans les chants. On Esprits, véritable pouvoir magique ( mana ) aime aussi à y mêler les mots des langues voi - susceptible d’offrir l’inspiration et la réussite sines, créant ainsi des chants où s’entremêlent artistique. Il s’agit d’un savoir complexe, les paroles diverses de tout un archipel. Ainsi transmis de génération en génération par le Homère, dans ses épopées, mêlait-il les sono - maître poète au disciple qu’il aura choisi. rités de plusieurs dialectes des îles grecques. Cette transmission s’effectue au cours d’en - En combinant sonorités anciennes et tretiens, largement secrets d’ailleurs, unissant emprunts aux idiomes voisins, les langues l’enseignement proprement dit à des rituels poétiques du nord Vanuatu révèlent les deux magiques. Les sociétés secrètes, réservées aux facettes principales de leur esthétique : goût seuls hommes initiés, sont parfois le lieu pour l’archaïsme et goût pour l’exotisme. Ce d’une telle transmission. D’un poète nou - double voyage dans le temps et l’espace crée veau, on dira qu’il “s’est oint le corps avec le une rupture radicale entre la langue poétique talent poétique”, et qu’il est désormais “clair - et la prose du quotidien – rupture propice à voyant dans la langue des chants”. la rêverie et à l’expérience esthétique.

– 29 – Parfois opaques aux chanteurs eux-mêmes, voir au moins trois ingrédients essentiels : la les textes poétiques ne se dévoilent qu’à l’is - nostalgie pour le monde d’autrefois et pour sue d’un patient travail d’exégèse. Outre la la noblesse des Anciens ; la fascination pour rareté des mots, les vers sont également ren - les forces naturelles et les sensations qu’elles dus ardus du fait de métaphores et autres procurent ; la sensibilité aux émotions du tropes souvent énigmatiques, que le com - cœur. mun des mortels aura parfois du mal à inter - préter. Et cependant, pour peu qu’on lève le La nostalgie d’un monde perdu voile sur le sens caché des poèmes, c’est tout La poésie chantée s’efforce constamment de un univers nouveau qui s’ouvre alors. transfigurer la réalité prosaïque d’ici-bas – celle que nous avons sous les yeux – en un Un univers de poésie univers onirique et légendaire, habillé d’un Autant par son phrasé que par ses méta - voile de mystère, où l’imaginaire se plaît à phores, par son vocabulaire que par ses vagabonder. Ainsi, dans les chants, les per - thèmes, la poésie chantée possède son esthé - sonnages “volent” ( sal ) plutôt que de mar - tique propre, distincte à la fois de celle des cher, et ne sont parfois évoqués que comme récits en prose (contes, mythes) et de celle des des “voix” qui “retentissent”. chansons modernes, lesquelles sont associées Bien souvent, cette transfiguration du réel à des thèmes, des langues et des instruments par la poésie fait appel à des référents venus d’aujourd’hui. Malgré la variété stylistique et du passé. Les personnages que l’on croise thématique des divers genres de chants, il est dans l’univers des chants ne ressemblent pas possible de percevoir une forme d’unité esthé - aux hommes réels du monde d’aujourd’hui. tique qui traverserait l’ensemble des styles, et Ils en représentent plutôt une image idéali - leur donnerait cette coloration générale qui sée, créatures oniriques évoluant dans un les caractérise. Qu’il s’agisse d’une comptine monde ancien, utopique, légendaire. Ils sem - pour enfants, d’un ancien chant de guerre, blent nus, ou simplement vêtus de feuilles. d’une ode de prestige adressée à un grand Ils ne consomment que les biens connus aux chef, ou encore d’une complainte amoureuse temps anciens – igname, taro, kava. Vivant devenue chant de danse, tous ces genres litté - de leurs plantations, de la chasse et de la raires semblent avoir en commun, en fili - pêche, ils évoluent dans une île édénique, où grane, un même rapport au temps et à l’es - la seule structure sociale est celle des cheffe - pace, une même perception du monde. ries de jadis, et les seules divinités connues Si cette esthétique du chant devait être sont les héros mythologiques ou les Esprits esquissée en quelques mots, on pourrait y des Ancêtres.

– 30 – Nombre de chants mettent en scène des la foule est unie pour te voir chefs d’autrefois, dotés de pouvoirs ces mots te conduiront à la monnaie sacrée magiques et de feuilles sacrées, les biceps [Ode de prestige, Motalava] ornés de prestigieux bracelets en canines de cochons. Ce monde de la “coutume” Ici, la poésie chantée joue le rôle de monu - antique est d’ailleurs cohérent avec les ment – que les poètes de Motalava désignent aspects archaïsants de la langue poétique comme namawlōn “mémorial”. À travers ce elle-même, qu’il s’agisse de ses sonorités ou chant, le commanditaire du poème se trouve de son choix de termes littéraires. Ainsi, les commémoré pour la postérité, tel un prince mots “homme” et “femme”, trop pro - florentin sublimé par un héroïque portrait. saïques, sont remplacés dans les chants par des termes rares et anciens, référant origi - La fascination pour la nature nellement aux hommes de haut rang et à Maints poèmes chantent les éléments natu - leurs épouses – comme si les hommes rels, avec une attention redoublée lorsque étaient tous des “sires” ( wegut ) et les femmes ceux-ci sont déchaînés : déluges, raz-de- des “dames” ( m̄ōter ). De même, les maisons marée, cyclônes, volcans en éruption, offrent deviennent des “palais” ( gemel ), et la par excellence des thèmes pour le chant. richesse se célèbre en cochons, en cordons Certaines de ces évocations littéraires font de coquillages ou en nattes. parfois référence à des événements histo - Le chant suivant, dédié par le poète au digni - riques réels, dont le poète fut lui-même taire qui le lui a commandé, n’omet aucun témoin : ainsi, le poème Le cyclône , entendu détail de l’apparat du Grand Homme dans la à Gaua en 2003, aurait été composé après le société ancienne : bracelets d’ivoire en typhon Wendy qui frappa la région en 1972 ; canines de cochon recourbées, symboles de on peut en lire le poème dans l’analyse de la grand prestige et de richesse, si nombreux pièce ☉3. Autre exemple, le chant Tremble la qu’ils cliquettent sur ses biceps ; piédestal en terre , recueilli à Hiw en 2007, relate un pierres ; monnaie de coquillages : séisme mémorable qui eut lieu en 1997 :

Debout, tu m’écoutes C’était la nuit noire dans l’île le cliquetis du pouvoir retentit Étendu j’étais sur mon lit le long de ton bras Au loin je sens soudain la terre qui vrombit oui tu fais cliqueter tes bracelets d’ivoire Grondements sourds partout sur l’île oui tu fais résonner les pierres de ton piédestal grondements sourds autour de l’île (…) ta voix est venue jusqu’à moi [Tremble la Terre , newēt , Hiw]

– 31 – Dans cette société de tradition orale, la poé - sie chantée joue encore ici son rôle de “mémorial”. Car seul ce chant permettra de transmettre, d’une génération à l’autre, le souvenir d’événements si mémorables. D’autres fois, le chant célèbre les éléments pour euxmêmes, telle une ode intemporelle aux pouvoirs de la nature.

Étendu, j’écoute, attentif à l’affût des moindres échos j’écoute le fracas des flots sur les rivages de l’îlot Ils se brisent sur le récif puis ils refluent vers l’océan Quand s’élance la mer à l’assaut des rochers son écho retentit sur toute la contrée La grande cascade de Gaua © AF [Le Fracas des Brisants , Motalava] On peut lire ainsi les paroles des poèmes Cette célébration de la nature est typique du Pluie [☉25], ou Volcan [☉29]. Au passage, on genre poétique titi [cf. p.51]. Ces poèmes notera la présence, dans plusieurs de ces courts, constitués de quelques vers à peine, poèmes, d’un même composé verbal sol dun̄, évoquent de manière efficace et concise la littéralement “s’écouler retentir” dans la force et la beauté des éléments. Ainsi, le bref langue poétique. Sans équivalent dans la chant intitulé Cascade : langue parlée, cette expression constitue un cliché poétique dans la langue des chants de Cascade et vapeurs de feu Motalava : elle saisit le contraste entre la o é a è o è — o é o a é a è normalité d’un liquide qui coule ( sol “s’écou - Trombes d’eau jaillissant du volcan ler”), et la surprise suscitée par un soudain O é o é — a é o è o é — ooo bruit de choc ( dun̄ “retentir”). Dans le poème [Cascade, nawha titi, Motalava] Le Fracas des Brisants cité plus haut, sol dun̄ traduit la force des vagues qui viennent se

– 32 – briser bruyamment sur le récif. Dans Volcan première personne, la poésie devient alors [☉29], le même terme évoque la lave qui lyrique, centrée autour de la figure du poète “coule” et qui “claque” en refroidissant sou - lui-même. L’évocation d’un paysage s’entre - dain au contact de la mer. Ailleurs encore, le lacera étroitement aux mouvements de composé rendra la force de la pluie battante l’âme, sa joie ou sa mélancolie. [☉25], ou la puissance d’un torrent. Il ne Le cyclône [☉3] mêle ainsi étroitement la des - s’agit là que d’un exemple, parmi d’autres, cription de l’ouragan lui-même avec l’expres - de la manière dont la tradition littéraire du sion des sentiments de l’âme – la consterna - nord du Vanuatu réactive certains motifs tion générale devant les dégâts du cyclône poétiques d’un chant à l’autre, à travers un (cf. texte du chant à la plage ☉3). composé verbal qui n’existe que dans les Aux îles Torrès, on garde la mémoire de vio - chants. lents conflits ancestraux qui opposaient les La nature est évoquée non seulement dans villages rivaux, et du lourd tribut qu’ils ses manifestations les plus dramatiques – imposaient aux familles. Un chant newēt rap - séisme, éruptions, torrents – mais aussi dans pelle l’époque, vers la fin du XIX e siècle, où le ses charmes les plus subtils. Le poème Fleur village de Liqal lança l’assaut sur le territoire de Liane [☉27] célèbre le parfum d’une fleur. de Litew. Comparant la guerre à la force d’un Nombre de chants sont consacrés à des séisme, le poème résonne également comme oiseaux – hirondelle, héron, albatros ; ainsi un thrène pour les morts : Le Râle à Bandes [☉16] ; Les Échassiers [☉18] ; Le Mégapode [☉28]. Comme si la terre avait tremblé nous voici tout bouleversés Des sensations aux sentiments ils nous ont défiés Les charmes et pouvoirs de la nature sont nous nous sommes dressés moins évoqués pour eux-mêmes, que pour (…) Ô jeunes gens les sensations – visuelles, tactiles, olfactives, braves coqs trépassés sonores – qu’ils procurent au sujet. Les défunts à travers la contrée chants abondent en évocations sensorielles : défunts au pied du mont Ghüto le reflet du soleil dans une goutte d’eau, un défunts sur le plateau Litogh parfum enivrant, un tremblement, une défunts jusqu'au mont Lémoro pierre lourde, des claquements, échos, gron - défunts, disparus à jamais ! dements sourds, ou bruissements dans le (…) On n’entend qu’un écho feuillage. Souvent, ces sensations physiques c'est celui des sanglots se muent en sentiments : le plus souvent à la O wé a é

– 33 – La flèche empoisonnée Tantôt fier, tantôt nostalgique, admiratif ou s'en retourne toujours avec les Trépassés triste, ou fasciné par une puissance qui le [Thrène aux guerriers défunts , newēt , Toga, Torres] dépasse, l’auteur premier d’un chant survit au travers des émotions qui s’y expriment. Et Dans un style plus intime, un poème de lorsque son nom a été oublié au gré des géné - Gaua déplore le décès d’une mère aimée. rations, il se trouve réincarné, pour ainsi L’océan symbolise la mort, qui sépare les dire, dans les voix qui l’interprètent aujour - êtres chers : d’hui. Les trois dimensions constitutives du chant Et je contemple l’océan dessinent, au bout du compte, un seul et ces flots qui viennent au lagon même sillon. Sous ses diverses formes, la Ô mère ces flots nous séparent poésie s’évertue à célébrer, inlassablement, la ton souvenir ne survivra beauté mystérieuse d’un monde éternel, que dans ce chant intemporel, soustrait aux aléas et aux trivia - [Complainte pour une mère défunte , leng , Gaua] lités d’un présent incertain. Quelques syl - labes entonnées dans la langue des chants, et Certains poèmes sentimentaux sont perçus voici soudain l’esprit transporté dans un âge comme autobiographiques – même lorsque d’or mythique, où la noblesse et l’élégance l’identité de leur auteur originel est aujour - des Anciens n’ont d’égal que la beauté des d’hui tombée dans l'oubli. C'est le cas, par éléments et la force des sentiments. Dans ce exemple, de cette complainte d’un amour monde idéal, on se plaît à errer, les yeux fer - malheureux : més, attentif à ses sensations et aux mille mouvements du cœur. Cette esthétique-là est J’ai l’impression d’être de trop toute romantique. je me sens seul, je suis de trop Je suis pourtant venu te voir ! Un parcours musical (…) Et toi ma belle, tu m’as menti Les pièces musicales présentées dans ce des présents que tu m’offrirais disque tentent de restituer les diverses atmo - (…) Mais avec ces mots, je te jette un sort sphères qui accompagnent les individus tout qui te saisira le cœur au long de leur vie. Loin d’être laissé au aussi longtemps que tu refuseras hasard, l’ordre dans lequel ces pièces se pré - de passer la nuit avec moi sentent dessine un parcours esthétique et [Rendez-vous manqué , Motalava] musical qui mime le passage entre les diffé - rents lieux de vie.

– 34 – Danse des femmes rurumbë (Hiw, Torres) © AF Les deux premières pièces esquissent un pay - grands jours de fête pour la communauté. sage. On traverse la forêt au son d’une guim - Qu’il s’agisse de mariages [ ☉5, ☉7–9, barde solitaire, auquel répondent les lointains ☉14–16], de cérémonies pour lever le deuil hululements d’un hibou [ ☉1]. Une fois sur la [☉6] ou encore d’autres festivités, ces côte, à l’embouchure de la rivière, les femmes moments de chants et de danses sont l’occa - de J ōlap claquent l’eau de leurs mains [ ☉2]. sion pour le village de se retrouver ensemble sur la grand-place, et de célébrer les Danses pour une grande fête moments heureux. Ce n’est pas un hasard si, Une fois remontées au village, elles entonne - dans les langues des îles Banks, le terme lak - ront le chant du Cyclône , en frappant le sol de lak “danser” est de la même racine que le leurs pas. Voilà qui ouvre la séquence des mot malaklak “se réjouir, être heureux”. réjouissances villageoises – ces moments col - Conformément à une division sexuelle du lectifs aux accents joyeux qui marquent les travail relativement marquée au Vanuatu,

– 35 – ces chants et danses de village sont souvent Les chants titi : des poèmes à danser interprétés par des groupes de même sexe : Les pièces suivantes sont l’occasion de soit des femmes [ ☉3–4, ☉7, ☉9, ☉11–12], retourner sur la place du village, et écouter soit des hommes [ ☉5–6, ☉8, ☉13–16]. Ceci l’orchestre nawha titi de Motalava interpré - dit, le public est toujours mixte, et il est ter des chants titi . D’une certaine manière, même fréquent que femmes et enfants se joi - on reste dans l’esprit de la promenade : en gnent à certaines danses en formant un effet, les chants qui accompagnent ce genre second cercle autour des musiciens et dan - musical sont presque toujours de courts seurs masculins : c’est le cas, en particulier, poèmes évoquant les forces de la nature et la des genres noyongyep et namapto de beauté du monde – qu’il s’agisse d’une ode à Motalava, ou du sawagoro de Pentecôte, la pluie [ ☉25], à la forêt [ ☉27], ou à la puis - Ambae ou Maewo. sance des volcans [ ☉29]. L’île de Vanua Lava, qui revendique la paternité de ce genre Promenade en brousse musical, est représentée par deux titi chantés Au lendemain de la fête, le disque se poursuit a cappella [ ☉26, ☉28]. par une séquence plus calme [ ☉17–23] : un de ces moments de marche en forêt, alors que Hommage aux Grands Hommes les enfants accompagnent leur mère au jar - Au monde profane des villageois, ouvert aux din. On entend d’abord les sifflets gove de hommes et femmes de tous les âges, s’op - Maewo [ ☉17] : ces petits appeaux de bambou pose désormais celui des chefs et hommes à une seule note sont joués par un ensemble d’importance – ceux qu’on appelle les de femmes ou de jeunes garçons non initiés, “Grands Hommes”, investis d’un prestige et lorsqu’ils se promènent en forêt, afin de d’un statut à part. La frontière entre les deux signaler leur présence aux hommes initiés mondes est ici symbolisée par les sifflets de dont la vue leur est strictement interdite. Maewo, cette fois joués par les femmes La mère doit cultiver la terre : elle tente [☉30] : c’est la dernière fois qu’on les enten - d’endormir son plus jeune enfant en lui dra dans le disque, alors qu’elles cèdent la chantant une berceuse [ ☉18, ☉23] – tandis place au monde auguste et quasi sacré des que, non loin de là, les autres enfants hommes initiés. s’adonnent à des jeux en chantant des C’est alors que commencent les cérémonies comptines [ ☉19, ☉21], ou en jouant avec de prise de grade, ces journées solennelles où une feuille [ ☉20]. Resté au village, un vieil quelques hommes, ayant fait montre de homme se prélasse sur le pas de sa porte, en richesses en sacrifiant force cochons, sont jouant de son arc musical [ ☉22]. publiquement investis d’un rang supérieur

– 36 – parmi les dix ou douze que compte la hiérar - Le grondement sourd des Ancêtres chie politique traditionnelle. Ce système de La figure des Grands Hommes et des initiés rangs, parfois connu sous le nom de suqe , est nous conduit tout naturellement vers l’uni - encore très vivace au centre-nord Vanuatu. vers mystérieux des esprits des ancêtres. Mi- Ainsi, il mobilise beaucoup les énergies dans hommes mi-démons, les esprits sont pré - l’île de Pentecôte – sous le nom de bolololi sents dans tous les aspects de la société pour la région nord de l’île [ ☉32], leleutan ancienne (François 2013). pour le centre, warsangul dans le sud [ ☉31]. Les ancêtres et les morts vivent autour de En revanche, dans les îles Banks, cette tradi - nous, et nous guident dans nos vies de tion a périclité au cours du XX e siècle, et les simples mortels. Seuls les initiés ont accès à anciennes cérémonies de danses survivent leur monde, à leurs secrets, à leur langage. surtout dans les mémoires et dans les contes. Certains hommes aux pouvoirs surnaturels Cependant, à Motalava on a gardé de l’an - – guérisseurs, devins, chamanes – peuvent cienne époque le tambour à fente nokoy , que même les voir dans leur monde (le Panoi ) et l’on ressort pour les grandes occasions impli - interagir avec eux. Ces sorciers reviennent quant des personnalités importantes – alors dans le monde des vivants (le Marama ) comme ici [ ☉33–34] pour célébrer les noces pour exhiber les mystérieuses beautés qu’ils du fils de l’évêque anglican. auront découvertes.

Stèles des esprits dule dans la forêt (Toga, Torres) © AF

– 37 – Annoncée par le bourdonnement d’un [☉37]). On y entend les piétinements, les rhombe [ ☉35], la partie finale de l’album sursauts, les cris aigus des ancêtres venus permet de découvrir les voix étranges venues parader sur la place. Puis ce sont les chants de l’au-delà. Parfois, les morts eux-mêmes, du newēt des îles Torrès qui nous font dans leurs plus beaux atours, entrent sur la entendre les voix rauques et puissantes des place de danse, où résonnent leurs cris et hommes initiés, assez intenses pour couvrir leurs sourds grondements d’outre-tombe. Les la mélodie d’un chant secret [ ☉38–40]. deux principales danses masquées des îles Enfin, ce voyage esthétique et musical Banks sont représentées : le mag (dans sa ver - s’achève sur une pièce bien étrange – le sion de Merelava dite utmag [☉36]) et le qat lamento criard et inquiétant des morts reve - (dans sa version de Motalava dite neqet nus un temps parmi les hommes [ ☉41].

LES PIÈCES

☉1. Guimbarde L’interprète Susi Rosur joue ici une berceuse  MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) en version instrumentale. Tout en jouant,  Susi Rosur elle modifie la forme de sa bouche en suivant  guimbarde les paroles de la berceuse qu’elle prononce La guimbarde est un instrument purement dans sa tête. ludique, fabriqué à partir d’une feuille de cocotier et de sa tige. Une foliole est déta - ☉2. Jeux d’eau chée de la palme et ajustée de manière à  AF – 17.8.2003 – Qtevut (Gaua) mesurer une dizaine de centimètres. On la  Matauli Rowon, Flore Rovan, Wini Roval ēs, Sera pose contre la bouche, le dessous de la feuille Frenda, Seli Roval ēs, Melin Rotal tourné vers l’extérieur, tout en posant dessus  mains, eau une fine tige d’une feuille de cocotier, un peu Il s’agit d’un jeu rythmique que les femmes plus longue que la foliole. Cette tige est pin - effectuent dans l’eau – mer ou rivière – cée avec un doigt [photo p.23] et la bouche debout jusqu’à la taille. Aucun objet n’est sert de caisse de résonance. L’instrument n’a utilisé : tous les sons résultent uniquement pas de nom spécifique en langue locale, on des diverses manières dont les mains et les dit simplement qu’on joue avec une feuille. bras nus viennent frapper l’eau. Chaque Le terme susap , parfois entendu, est un phrase rythmique est une combinaison de emprunt récent au nom anglais de la guim - différentes frappes, qui ont un nom bien pré - barde, jew’s harp . cis en langue lakon de la côte ouest. Ainsi la

– 38 – Jeux d’eau dans la rivière (Qtevut, Gaua) © AF main peut venir “caresser” ( häräv ) la surface d’une séquence. Une séquence peut être de l’eau, la “gifler” ( wes ), ou encore la “cla - jouée deux fois : la première ensemble, la quer d’un coup sec” ( vuh tēqēl ). On peut pro - seconde en deux groupes décalés – tel un duire un son léger en enfonçant dans l’eau canon – donnant lieu à une polyrythmie à juste deux doigts ( gisgis ), ou au contraire un deux voix : c’est le cas ici pour les séquences son sourd en y plongeant soudain ses deux 2 et 3. poings ( wej ). Le cri ( puow ) poussé par la Désignés sous le nom de wespang sur la côte meneuse donne le signal qu’on arrive à la fin ouest de Gaua, les jeux d’eau n’ont rien de

– 39 – cérémoniel, et n’ont pas le prestige des cutées par les femmes, tandis que les chants musiques coutumières. Selon Matauli et instruments restent du ressort des Rowon, cette activité n’est qu’un divertisse - hommes. À Gaua en revanche, l’événement ment qu’elle aurait elle-même (ré)inventé un leng est entièrement féminin, pour le chant jour de 1983, alors qu’elle lavait le linge dans comme pour la danse. la rivière. Elle s’inspirait d’une pratique simi - La performance enregistrée ici ne met en jeu laire ( ëtëtung en langue mwerlap) qu’elle aucun instrument. Un long couplet, entonné avait observée lors de son enfance dans son (ähäh ) a cappella par une chanteuse soliste, île natale de Merelava. est “soutenu” ( tam) par le chœur des dan - Malgré leur caractère profane aux yeux de la seuses, puis s’achève sur un long cri aigu communauté, ces jeux d'eau du sud des îles (puow ) lancé par la crieuse. À ce signal Banks suscitent un certain engouement auprès (1’08”), les danseuses entament le pas dit räs , du public étranger. Depuis quelques années, typique de la danse leng : semblant courir sur un groupe de femmes de Gaua et Merelava ont place, chaque danseuse projette ses pieds en été invitées à se produire non seulement à la arrière, combinant le choc sourd de ses pas capitale Port-Vila, mais également dans des sur le sable avec d’énergiques sifflements festivals internationaux (Australie, Malaisie, (wasul ) [photo ci-dessous]. La danse fréné - Espagne). Plus ils sont populaires, plus ces jeux tique s’achève en un vaste cri de joie “ I yo yo d'eau gagnent en sophistication formelle. Le yo! ”, avant la dispersion finale. style se développe, et de nouvelles pièces Le chant est un poème du genre sārsērbō com - musicales se créent chaque année. S’il s’agit posé par Jonathan Weval ēs, le père de la d’une “tradition” comme on le dit parfois, soliste Susi Rosur. Il célèbre la puissance du dans la plupart des îles c’est une tradition qui (re)naît et se cristallise sous nos yeux.

DANSES POUR UNE GRANDE FÊTE

☉3. Leng : “Le Cyclône”  AF – 15.8.2003 – J ōlap (Gaua)  Susi Rosur + femmes de J ōlap  chant, cri, sifflements, pieds Dans toutes les îles Banks, la danse leng est associée aux femmes. Dans la variante nalangvēn de Motalava, les danses sont exé -

© AF cyclône Wendy, qui frappa l’archipel le ☉4. Sowahavin : danse des femmes 3 février 1972. Chanté en olrat, une langue  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) ancienne aujourd’hui quasi éteinte, le poème  femmes de Laiwori mêle des éléments épiques et élégiaques :  chant, petit tambour à fente en bambou, sonnailles Un ouragan ravage le pays Le sowahavin est une danse des femmes du et nous sentons nos os trembler centre de l’île de Pentecôte ( havin : et la tristesse “femme”), impliquant de nombreuses dan - m’envahit pour mes enfants seuses. Cette danse donne lieu à des repré - (…) Il est monté tout droit jusqu'au sommet sentations publiques lors d’événements du grand volcan importants : cérémonie de prise de grade puis il s'échappe vers les terres d’un homme, inauguration d’une nouvelle tiraillant, renversant la contrée maison des hommes ( nakamal ) ou d’une Mais le voici qui dans sa fuite église, visite d’un homme politique, ordina - s’éparpille dans les nuées tion d’un prêtre, communion des enfants, au passage il s’accroche festivals. aux squelettes des morts Le chant du sowahavin prend toujours la dans les Enfers de Weresur même forme responsoriale, entre une femme puis descend sur le Lac soliste et le chœur des autres femmes. Les au pied du mont Volcan instruments qui accompagnent cette danse Tout est bouleversé sont deux tambours à fente en bambou que tout est bouleversé à travers la contrée les deux meneuses de la danse tiennent à la (…) Le chagrin nous prend tous en ce monde main, ainsi que des sonnailles que les dan- Cet ouragan seuses portent aux chevilles. On emploie ce sont des pluies jusqu'à la nuit parfois également de grands bambous pilon - et la foudre soudain éclate dans les cieux nants [ ☉12]. L’océan furieux résonne Vêtue d’une natte rouge en guise de jupe, et se fracasse contre les terres chaque danseuse avance en rythme, tenant à le sol est pris de tremblements la main un long bâton supportant une sculp - ses secousses nous surprennent tous ture taillée pour l’occasion, et représentant C'est notre pays qui s'écroule bateau, avion, poisson ou autre. Les dan - écroulements au loin seuses forment deux ou plusieurs files qui qui déjà se rapprochent (…) serpentent, se croisent, se mêlent et se recroi - [Le Cyclône, sārsērbō, Jōlap, Gaua] sent sur la place de danse. Les cris que l’on

– 41 – entend sont les encouragements des texte, l’interprétation ou la mélodie. Les hommes qui dansent autour des danseuses, chants sont en constante recréation, et les levant les bras en signe de contentement. langues poétiques peuvent se mélanger, les contextes de danses s’adapter, les éléments s’emprunter. Le sawagoro est une danse de réjouissances. Dans les îles d’Ambae et Pentecôte, il est interprété lors des cérémonies du mariage [☉5, ☉8], ou de prise de grade. À Maewo, il sert à clore la période du deuil [ ☉6]. Par ailleurs, une variante nommée sawagoro longo [☉7] au nord de Pentecôte est interpré - tée exclusivement par les femmes. Une séance de sawagoro commence générale - ment à la tombée de la nuit, et continue jus - qu’au lever du soleil. Durant toutes ces heures, un même chant ne peut être inter - prété qu’une seule fois – c’est dire si le réper - toire est riche. La caractéristique centrale du Vaena, Lesanti, Ruth en tenue de danse sawagoro est son absence de tout instrument. (Barunguringi, Maewo) © MS Le chant, exécuté a cappella, est accompagné par des frappements de pieds sur le sol sur les Le sawagoro temps, et des mains à contretemps. Il en Le sawagoro est un genre commun aux îles de résulte des performances particulièrement Pentecôte, Ambae et Maewo, qui composent rythmiques et entraînantes. la province de Penama. Connue localement Au milieu de la danse, un groupe d’hommes sous les noms de sawagoro , savwagoro ou initiés, connaisseurs des chants, forme un sawako , cette forme musicale a toujours cir - petit cercle tourné vers l’intérieur. Chaque culé entre ces trois îles, dans le cadre des chant a une forme responsoriale : deux échanges sociaux (mariage, économie) et cul - solistes interprètent les couplets alternative - turels (contes, chants, danses) qui les unis - ment, tandis que les autres participants leur sent. Ainsi, on retrouve souvent les mêmes répondent en chœur lors des refrains. Un cri pièces sawagoro d’une île à l’autre, moyen - donne le signe de la fin d’un chant, avant nant parfois quelques changements dans le qu’un autre cri ne donne le départ du chant

– 42 – Soirée sawagoro au village (Umulongo, Maewo) © MS suivant. Quant au cercle extérieur, il est les paroles d’un chant soient en partie ouvert à tous – en particulier aux jeunes improvisées, en rapport avec le couple des gens, garçons et filles, qui veulent se joindre mariés. à la danse. La foule des danseurs est parfois si dense qu’elle masque le petit groupe de ☉5. Sawagoro de mariage chanteurs en son centre.  MS – 3.5.2005 – Longana (Ambae) Les sujets des chants sont variés. Il peut  hommes de la région de Longana s’agir de références mythologiques narrant  mains, pieds, chant les hauts-faits de Tagaro, le héros commun aux trois îles ; de faits historiques évoquant ☉6. Sawagoro de levée de deuil un cyclône ou une éruption volcanique ; ou  MS – 3.6.2005 – Umulongo (Maewo) encore d’évocations de la nature – faune,  hommes de Kerebei flore – ou de la vie au village. Il arrive que  mains, pieds, chant

– 43 – ☉7. Sawagoro longo centre Pentecôte ; c’est l’équivalent exact du  MS – 12.10.2000 – Asaola (Pentecôte) sawagoro qu’on trouve ailleurs.  Nelly Mundoro + femmes de Loltong  mains, pieds, chant ☉9. Baraté : jeu satirique des femmes En principe, la danse sawagoro est interprétée  MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) par les hommes : les femmes n’y participent  femmes du centre-est de Pentecôte qu’en dansant autour des chanteurs.  mains, pieds, chant Cependant, il existe dans le nord de Au centre de l’île de Pentecôte, le mariage Pentecôte une variante du sawagoro réservée donne lieu à une grande fête ponctuée par de aux femmes : le sawagoro longo . Le longo est nombreuses danses. Les jeux chantés baraté un plat culinaire à base de tubercules, en font partie, et forment un répertoire exclu - échangé et consommé en particulier lors des sivement féminin. À l’issue de la cérémonie mariages. Lors d’une séance de sawagoro d’échanges de présents entre les deux familles longo , les chanteuses doivent interpréter le concernées par le mariage, les femmes se lan - premier chant debout sur les feuilles dans cent dans des jeux satiriques. Le groupe des lesquelles avait cuit ce longo. Ces feuilles “tantines” du garçon – déguisées en hommes doivent être déchirées en signe du départ de – et celles de la fille – gardant les habits de la jeune fille loin de sa famille. femmes – se taquinent et plaisantent, en imi - Tout comme sa variante masculine, la danse tant symboliquement l’acte sexuel. À travers sawagoro longo n’utilise pas d’instruments. ces joyeuses boutades, elles encouragent la Cependant, l’accompagnement rythmique future fertilité du jeune couple. ne forme pas de contretemps comme c’est le Ces plaisanteries sont accompagnées par des cas de la danse des hommes : les femmes chants et danses en chorégraphie libre. Après dansent sur place en frappant des pieds et quelques chants dans le village de la fille où des mains en même temps. La danse dure s’est effectué l’échange des offrandes, tout le quelques heures au début de la soirée, avant monde se rend au village du garçon. Les que les femmes n’aillent rejoindre les femmes cheminent tout en dansant et chan - hommes pour la grande danse sawagoro . tant, les rires retentissent, accompagnés de sifflements, et de frappements des pieds et de ☉8. Sawako de mariage mains. Ces jeux chantés durent toute la  MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) durée de la marche jusqu’au village, puis  hommes de la côte est de Pentecôte continuent dans une maison des femmes  mains, pieds, chant spécialement préparée à cette occasion. Dans Ce genre est appelé sawako dans la langue du cette maison sont installées les femmes de la

– 44 – famille de la mariée : elles recevront la visite nent cette danse pour différentes grandes de nombreuses femmes du côté du marié, occasions. Les chants interprétés peuvent venues leur apporter nourriture et présents. être anciens, ou composés spécialement pour la danse nombo [cf. photo p.17]. ☉10. Mirliton Les hommes encouragent les femmes en  MS – 17.7.2005 – Tesmet-Lëwëtnēk (Merelava) dansant et en poussant des cris autour des  Janet Philip musiciennes. Afin d’accompagner cette  mirliton en feuille danse, le droit d’utiliser un tambour à fente Le mirliton est produit avec une petite feuille – généralement réservé aux seuls hommes – de metetagar, petit arbuste qui pousse sur les aurait été “racheté” à une femme de rochers aux bords de la mer. Une ouverture Motalava vivant à Merelava, laquelle l’avait est faite dans la feuille mais sans la percer elle-même acquis auparavant auprès des complètement : une petite membrane trans - hommes de Motalava. parente doit y rester. La feuille est ensuite posée contre la bouche et vibre pendant le ☉12. Sowahavin : danse des femmes chant. Il s’agit d’un jeu auquel les gens de  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) Merelava s’adonnent quand ils se promènent  femmes de Melsisi ou se reposent au bord de mer. On peut  tambours de bambou, tubes pilonnants, interpréter n’importe quel chant. Ici, le sonnailles même chant se retrouve sur la plage sui - Pour la présentation du sowahavin , voir ☉4. vante, dans le contexte de la danse nombo . Ici, on entend au loin les sonorités basses des bambous pilonnants. Par ailleurs, on perçoit ☉11. Nombo : bambous pilonnants dans le refrain une tentative de chant poly -  MS – 24.7.2005 – Tesmet (Merelava) phonique, contrastant avec les musiques tra -  Janet Philip + Mot Helen + femmes de Tesmet ditionnelles du Vanuatu qui sont normale -  grand tambour à fente ( wokor lap ), petit ment monodiques. Il s’agit peut-être ici tambour de bambou ( wokor wirig ), tubes d’une innovation due à l’influence des pilonnants ( nombo ) chants chrétiens, souvent polyphoniques, et Le nombo est l’une des deux danses des fort appréciés des femmes de la région. femmes au village de Tesmet, le plus grand village de l’île de Merelava. Elle fut créée par ☉13. Ka : danse des hommes un petit groupe de femmes mené par Janet  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecôte) Philip, pour un festival local en septembre  hommes du centre Pentecôte 2002. Depuis ce festival, les femmes repren -  grand tambour en bambou, sonnailles

– 45 – La danse ka est en quelque sorte l’équivalent masculin de la danse sowahavin [☉4, 12]. De forme responsoriale entre un soliste et un chœur, elle comporte une chorégraphie de groupe dont les déplace - ments sont travaillés collecti - vement. Le chanteur soliste frappe un grand tambour à fente en bambou appuyé contre la terre verticalement ; les danseurs portent tous des sonnailles de cheville. Parfois, les danses sont entrecoupées par des représentations de petites scènes humoristiques. Danse noyongyep pour un mariage © AF ☉14. & 15 Noyongyep : danse de mariage  AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) La journée des noces commence avec la céré -  Richard Woris, Masten Malkikyak, hommes de monie religieuse à l’église, et sera suivie, Toglag dans l’après-midi, de l’échange coutumier  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petits des présents (nattes, noix de coco, plats, tambours à fente ( nēvētōy ), voix sommes d’argent) entre les familles concer - Étymologiquement, noyongyep en mwotlap nées. Ces instants solennels sont précédés et signifiait “entendre le soir” : ce genre de chant suivis de moments plus légers de réjouis - était destiné à passer de longues soirées de sances collectives, ponctuées par la musique fêtes, voire toute la nuit jusqu’à l’aube, à l’ins - – danses “coutume” l’après-midi, chansons tar du sawagoro plus au sud. De nos jours, le string band le soir. noyongyep s’est intégré au répertoire des danses Le matin à l’église, les mariés sont vêtus à que l’on joue en plein jour, lors des diverses l’occidentale – costume cravate pour l’un, fêtes villageoises. Ces deux enregistrements, robe blanche et voile pour l’autre. À peine ainsi que le namapto qui suit, ont eu lieu lors ces derniers sortent-ils de l’église pour gagner d’une fête de mariage au village de Toglag. la place du village, que les percussions

– 46 – résonnent pour la danse. Le petit groupe des noyongyep des pièces précédentes ; d’ailleurs, musiciens et chanteurs, debout autour de la les deux genres se mêlent souvent lors de la planche à percussion et des tambours, est même fête de mariage, donnant lieu aux vite cerné d’une file de danseurs. Ce sont mêmes danses collectives. d’abord les jeunes mariés, entourés de leurs Le chant ici interprété appartient au genre familles respectives, qui évoluent en cercle poétique namaleng , et célèbre l’oiseau bēlag – autour des musiciens. Petit à petit, d’autres le râle à bandes ( Gallirallus philippensis ), une villageois de tous horizons et de tous âges se sorte de poule sauvage au plumage zébré. Le joignent à la danse, venant grossir le cercle. poème évoque la démarche caractéristique On avance droit, sans se toucher, marchant à du volatile à longues pattes, qui enjambe le petits pas, suivant le rythme des tambours. ruisseau pour échapper au chasseur. Parfois plusieurs lignées se forment, évoluent et se croisent à travers la grand-place. Les PROMENADE EN FORÊT hommes initiés forment leur propre file, et marquent leur statut particulier en brandis - ☉17. Ensembles de sifflets gove (garçons) sant une palme de Cycas, symbole des chef -  MS – 12.6.2005 – Gaiovo (Maewo) feries d’autrefois ; les petits garçons les imi -  jeunes garçons de la région de Gaiovo tent avec des branches d’arbres quelconques.  ensemble de sifflets gove Quand la place est remplie de danseurs, le Dans le cadre des préparatifs pour la grande rythme des percussions soudain s’accélère cérémonie de prise de grade Ḡwatu ta Baruḡu , (on l’entend bien dans la pièce ☉15, à partir les jeunes postulants entrent pour plusieurs de 0’44”). Pressant soudain le pas, les dan - semaines en réclusion dans la forêt. Durant seurs tournent sur place tout en frappant le cette période, il leur est strictement interdit sol de leurs talons, dans une frénésie de d’être vus par les non-initiés (femmes, danse et de joie partagée par tous. enfants…) – sous peine de châtiment pouvant aller jusqu’à la mort. En conséquence, chaque ☉16. Namapto : “Le Râle à Bandes” fois qu’un groupe de non-initiés se déplace  AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) durant cette période, ils doivent impérative -  Richard Woris, Masten Malkikyak, hommes de ment prévenir de leur présence. Ne sachant Toglag pas où se tient le lieu secret de l’initiation, ils  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petits doivent se tenir prêts à tout moment à se faire tambours à fente ( nēvētōy ), voix connaître. Cette nécessité sociale a donné Le namapto désigne un genre de danse et de naissance à un genre musical particulier : les musique festif, ouvert à tous, similaire au ensembles de sifflets en hoquet.

– 47 – Le groupe des non-initiés utilise des petits Intitulé Ne tir̄iwr̄iw “Les échassiers”, le poème sifflets de bambou, sans trou, nommés ḡove évoque un oiseau maritime connu sous le en langue sungwadaga. Long d’une quin - nom de Chevalier errant ( Heteroscelus inca - zaine de cm avec 2 cm de diamètre [photo nus ). Cet échassier aux longues pattes vit en p.20), l’instrument se termine par un nœud groupe, sur les rochers marins, face à l’océan. naturel. Comme il ne produit qu’une seule La berceuse représente justement l’oiseau hauteur de son, il est normalement joué en debout sur les rochers, face à l’horizon, fati - ensemble d’au moins deux sifflets, voire gué par le vent marin, fermant les yeux tel davantage, répartis en deux groupes. L’un un enfant qui s’endort. des groupes alterne entre deux actions : sif - fler, puis chanter la syllabe ḡov (du mot ḡove Oh mes oiseaux de la côte Est “souffler”). L’autre groupe leur répond uni - Vous voilà rassemblés devant la baie de Hiw quement en sifflant – une action nommée Perchés sur les rochers mais déjà vous dormez soro “répondre”. Il s’agit d’une technique Endormis et perchés, perchés et endormis dite de hoquet : les deux groupes alternent Là-bas sur les rochers, endormis et perchés sur des événements sonores de courte durée Oh mes oiseaux de la côte Est en formant un son constant, en même temps Vous voilà rassemblés devant la baie de Hiw qu’ils répètent une même formule mélo - Debout sur les rochers vous scrutez l’horizon dique et rythmique formant un ostinato. Vous scrutez l’horizon Vous scrutez l’horizon debout sur les rochers. ☉18. Berceuse “Les échassiers” [Les échassiers , berceuse, Hiw]  AF – 5.8.2007 – Yögevigemëne (Hiw)  Grace Delight Söryay  voix Cette berceuse de Hiw a été enregistrée tandis que Grace Delight tentait – avec succès – d’en - dormir son petit-fils en pleurs. Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti r̄ōw na pē - Tapana ë / Rōw tur̄og metir̄ ne / Tur̄og metir̄ na ë - r̄ōw tur̄og metir̄ na ë / Rōw tur̄og metir̄ ne Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti r̄ōw na pē - Tapana ë / Rōw tuyun̄ ne tuqe / Tuyun̄ ne tuqe ë / - Rōw tuyun̄ ne tuqe. Grace Delight Sör ȳ ay et son petit-fils (Hiw, Torres) © AF

– 48 – ☉19. Comptine “Tangorere” Cette comptine enfantine à la mélodie pen -  MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecôte) tatonique s’appelle Tutubwau , littéralement  Rosalie Sani + Betula Haviha “Pique-genou”. Les enfants sont assis en  voix rang, les jambes étendues devant eux. L’un Cette comptine de Pentecôte s’intitule des enfants chante, tout en touchant un par Tangorere , du mot tango qui signifie “tou - un les genoux de ses amis. L’enfant sur qui cher” en langue raga. Il s’agit d’un jeu d’en - tombe la dernière syllabe de la comptine doit fants, une sorte de colin-maillard. On forme plier les genoux. Le jeu continue ainsi jus - une ronde autour d’un enfant ; tous les par - qu’à ce qu’un seul genou reste en jeu. ticipants doivent avoir les yeux fermés. Une Ensuite, les enfants mettent un peu de salive fois que tous ont chanté la comptine, l’en - sur leurs genoux puis se lèvent un par un. fant au milieu du cercle doit garder les yeux Tout le monde écoute alors si l’on entend un fermés, et chercher à toucher les enfants. Le craquement des os. Si oui, cela veut dire que premier qui sera touché devra à son tour se la personne se mariera plus tard avec quel - placer au milieu lors du prochain tour. qu’un de plus jeune ; mais s’il n’y a aucun Du point de vue scalaire, il s’agit ici d’un chant bruit, c’est alors le moins bon présage d’un composé de quatre notes formant une chaîne futur conjoint plus âgé. Ce jeu donne lieu à de tierces – comme c’est souvent le cas pour les beaucoup de rires et de plaisanteries. chants enfantins du nord du Vanuatu. ☉22. Arc musical ☉20. Jeu de feuille de manguier  MS – 4.9.2010 – Yaqane (Hiw)  MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua)  Edward Pilis  Susi Rosur  arc musical ( gövgöv )  feuille de manguier Dans l’île de Hiw, la plus septentrionale de Ce jeu rythmique emploie une simple feuille l’archipel, seul un homme âgé, Edward Pilis de manguier séchée, trouvée dans la forêt. du village de Yaqane, a préservé la mémoire Après l’avoir coupée jusqu’à la moitié, on la de cet instrument, que lui avaient transmis tient dans une main, et la tapote de l’autre les anciens dans les années 1930. Nommé main. ne gövgöv en langue hiw, l’arc musical à résonateur buccal est réalisé avec un arc en ☉21. Comptine “Tutubwau” bois d’hibiscus ou de bourao, et mesure  MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecôte) plus d’1 m. Une longue fibre végétale en  Rosalie Sani + Betula Haviha bourao constitue la corde, partie vibrante  voix de ce cordophone.

– 49 – Edward Pilis jouant de l’arc musical (Yaqane, Hiw, Torres) © MS

Tenant l’arc d’une main, le joueur en pose arcs musicaux et des guimbardes [ ☉1], c’est une extrémité sur sa bouche entrouverte. De la cavité buccale qui sert de résonateur ; et l’autre main, il tient une baguette fine et c’est en en modifiant la forme que le musi - souple – la nervure centrale d’une feuille de cien fait varier les harmoniques et forme cocotier. Il en frappe la corde de l’arc sur une ainsi la mélodie. Selon Edward Pilis, cet ins - pulsation irrégulière, au fil d’une chanson trument était autrefois joué dans la maison (ne putput ) qu’il fredonne mentalement. La des hommes ( le nakamal ). Aujourd’hui, il est corde résonne alors en un ostinato languide le dernier à savoir en jouer, pour se et envoûtant. Comme pour la plupart des détendre, dans l’intimité du soir.

– 50 – ☉23. Berceuse des sonnailles exceptionnellement secouées  MS – 1.10.2000 – Bunlap (Pentecôte) dans un sac. L’autre caractéristique du genre  une jeune femme de Bunlap est sa forme poétique : au contraire d’autres  voix chants parfois longs et complexes, les chants Cette berceuse, qui suit un ordre refrain-cou - titi sont toujours des poèmes brefs de trois à six plet (RC 1RC 2), est composée essentiellement vers, que le soliste et le chœur répètent à l’in - sur une chaîne de tierces, à laquelle se greffe, fini. Chaque poème forme une sorte de haiku , au début du refrain, une ornementation capable d’évoquer en quelques mots toute une composée de trois notes séparées par un atmosphère – la force d’un cyclône ou d’un intervalle d’un ton (comparable au pycnon séisme, la beauté d’un paysage, la mélancolie des systèmes pentatoniques). Les chaînes de d’une promenade. Parce que ces poèmes sont tierces sont fréquemment utilisées dans cette appréciés pour eux-mêmes, il n’est pas rare de région du Vanuatu, notamment pour le les entendre chantés a cappella, en dehors de répertoire des enfants. La mélodie est totale - toute performance dansée [ ☉26, ☉28]. ment conjointe à l’intérieur de l’échelle uti - Une séance titi se déroulera lors d’une fête lisée, c’est-à-dire qu’elle n’effectue jamais de importante, comme un mariage, ou la fête sauts d’intervalles. du Nouvel An, où chaque village de l’île va jouer dans un village voisin. La session com - LES CHANTS TITI, POÈMES À DANSER mence toujours par une pièce d’ouverture ou prélude [ ☉24]. Sa forme est minimale, puis - Les trois îles du nord des Banks ont en com - qu’on n’entend que les percussions de bois, mun un genre musical nommé titi : plus pré - et la voix d’un chanteur soliste, afin de se cisément, eln̄e titi au sud de Vanua Lava, mettre en rythme. Puis commence la série sēwēes’i’i à l’ouest de la même île, nawha titi des chants titi . Un tambour de bambou joue à Motalava, nsawa jiji à Ureparapara. Les un rythme, d’abord seul, puis rejoint par la chants titi , un temps délaissés à Motalava, planche à percussions, ainsi que le tambour sont revenus en vogue dans les années 2000, à membrane et le sac à sonnailles. Le cres - lorsqu’un groupe de jeunes gens du village cendo culmine lorsque le soliste entre en de Toglag, autour du chef Ken Freza, en scène, et entonne un poème. À la seconde reprit le flambeau. répétition du couplet, il lance un cri “O– é–, Ce genre musical met d’abord en jeu un o– é–”, signal pour que le chœur des musi - ensemble précis d’instruments : planche à per - ciens le rejoignent [ ☉25, ☉27]. cussion, tambours à fente individuels, mais Commence alors une longue alternance, surtout le rare tambour à membrane, ainsi que sous forme responsoriale, entre le soliste et

– 51 – Dans chaque pièce titi , il y a toujours un ins - tant fugace où les instruments entrent sou - dain en suspens ( yak en mwotlap), avant de reprendre de plus belle : on l’entend à 0’56”, 1’39” et 2’35” dans le chant de la Pluie [☉25], à 1’26” et 2’26” dans Fleur de Liane [☉27], à 1’04” et 2’46” dans Volcan [☉29]. Cette tech - nique renforce l’effet de cohésion et de puis - sance du groupe. Les musiciens forment un petit cercle au centre de la place de danse. Les danseurs, hommes et femmes, les entourent, sous la forme d’une file qui serpente autour de la place. Le genre titi joue un rôle si important que son origine fait l’objet de plus d’un mythe. Dans l’île de Motalava, on attribue l’origine du nawha titi à la rencontre d’un enfant avec les esprits. Mais c’est dans la tradition de Vera’a, à Vanua Lava, que l’on trouve les mythes les plus élaborés – confirmant l’hy - pothèse que le genre musical trouve son Le tambour à membrane lors d’une séance de nawha titi origine dans les hameaux de Lemerig, au (Toglag, Motalava) © MS nord-ouest de l’île. Le mythe, narré par Eli les autres musiciens. C’est à ce moment que Field, raconte qu’un chef de haut rang l’orchestre titi donne sa pleine puissance, à donna un jour à une femme un rendez- travers tous ses instruments et toutes ses vous amoureux auprès de la grande cascade voix. D’ailleurs, le terme titi lui-même trou - de Lemerig. Lors d’une interminable verait précisément son origine dans cette attente, vexé d’avoir été oublié, l’homme forme responsoriale – à partir d’un ancien trépigna sur le sol, en harmonie avec le verbe ti ou titi “répondre”. Cette alternance bruit puissant de la chute d’eau frappant du soliste et du chœur obéit à des schémas les troncs de sagoutier (cet arbre dont est assez réguliers, que l’on entend bien dans le fait le tambour à membrane). Faisant cli - disque, et que nous analyserons dans la des - queter les nombreux bracelets honorifiques cription des pièces. alignés le long de ses bras – précurseurs des

– 52 – futures sonnailles – il entonna un chant La pluie résonne dans les bois énergique. Ce fut le premier chant titi , né La pluie crépite sur mon toit du désir amoureux en même temps que de Goutte à goutte elle choit sur le toit de chez moi la fascination face au spectacle des forces Dru dru tombe la pluie en creusant mille trous de la nature. o è o o è Oh oui la pluie ☉24. Prélude aux chants titi [Pluie , chant titi , Motalava]  AF – 4.7.2003 – Toglag (Motalava)  Serel Qalqit + hommes de Toglag Voici le texte original du poème, dans la  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petit langue des chants : tambour à fente ( nēvētōy ), voix Une séance de nawha titi doit commencer ne wen ē rōl me ē le m ̄ot e par un prélude, dit en mwotlap nawha yon ̄ e sol dun̄ ē ēn wen ē “musique de respect”. Ce morceau ne mobi - tir e tir bē kēle ēm ̄e lise qu’une partie des instruments de l’or - wen me ser gil gil e chestre nawha titi : planche à percussion et o– ē ō, o– e petit tambour – mais ni sonnailles, ni tam - io ēn wen ē bour à membrane. Le chant est solo, et ne prend pas la forme responsoriale si typique Musicalement, cette pièce est typique de la du nawha titi proprement dit. Après ce pré - structure titi décrite plus haut. Les instruments lude, la série de chants titi peut véritable - entrent les uns après les autres, suivant un sai - ment commencer. sissant crescendo instrumental. Le chant com - mence par un soliste, qui lance ensuite un ☉25. Nawha titi : “Pluie” signal (à 0’54”) au chœur des chanteurs pour  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) qu’ils entament leur partie. Conformément  Ken Freza + hommes de Toglag aux canons du genre titi , l’interprétation de ce  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petits poème implique des répétitions, suivant un tambours à fente ( nēvētōy ), tambour à membrane schéma responsorial entre le soliste et le (natmatwoh ), sac à sonnailles ( nowopyak ), voix chœur, d’un bout à l’autre du chant. Ce chant titi est celui de la pluie – une pluie Si l’on donne à chaque partie du poème des spectaculaire, comme en connaissent ces codes a b c d, et qu’on note par une minus - régions tropicales. Le poète, abrité sous son cule les vers chantés par le soliste et par une toit, traduit la puissance de l’averse à travers majuscule ceux chantés par le chœur, l’inter - ses impressions sensorielles : prétation enregistrée ici présente la structure

– 53 – suivante : { a b a b c || B c B c B d B d B d B d Le poème est à double lecture. En appa - B d B d B c B || A B A B c B c B d B d B d B c rence, il ne s’agit que d’une innocente com - B || A B A B }. Le signe ‘||’ symbolise les ins - pétition physique entre deux hommes tants (à 0’56“, 1’39” et 2’35”) où les instru - quant au nombre de cocos qu’ils peuvent ments s’interrompent brièvement ( yak ) écorcer (“Tu en as cent ? moi j’en ai cent !”). avant de recommencer. En réalité, les initiés qui savent déchiffrer la langue des poèmes, et qui sont familiers de ☉26. Sēwēes’i’i : “En écorçant les cocos” ces jeux sémantiques, comprennent qu’il  AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) s’agit d’une chanson paillarde. Dans le der -  Harold Tomson nier vers, le chanteur se tourne vers une  voix jolie veuve qu’il fréquente en secret, et, facé - Ce chant titi de Vanua Lava fait allusion à tieux, la prend à témoin de ses propres l’écorçage de noix de coco – une activité exploits. quotidienne liée à la cuisine, et réalisée en empalant les noix de coco sur un solide pieu ☉27. Nawha titi : “Fleur de liane” taillé en pointe.  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava)  Ken Freza + hommes de Toglag En écorçant les cocos  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petits Tu en as cent? moi j’en ai cent ! tambours à fente ( nēvētōy ), tambour à membrane Alors, madame la veuve? (natmatwoh ), sac à sonnailles ( nowopyak ), voix Alors alors, madame la veuve? Fidèle à la dominante sensorielle de la poésie [En écorçant les cocos , chant titi , Vanua Lava] titi , ce chant célèbre le parfum particulier d’une liane géante, unissant ainsi le monde de la forêt et celui de la mer.

Les fleurs de la grand’ liane exhalent leur parfum exhalent leur parfum Quelle est cette senteur ? On dirait le parfum des coquillages, en mer O é o o o è a è a è a è ooo [Fleur de Liane , chant titi , Motalava] L’écorçage de noix de coco © AF

– 54 – On peut découper le poème en cinq unités En l’absence de chœur, l’interprète solo phrastiques : Harold Tomson réalise spontanément la Tewes gaverur ē ge bōnbōn ē structure suivante : { a / a b a b / c b c b / a b ge bōn (ē) bōn e a b / c b c b / a b }. bōne sav e? bōne ses row ē la ē o– ē ō, o– e ☉29. Nawha titi : “Volcan” a e a e a e — ooo  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava)  Ken Freza + hommes de Toglag Si l’on reprend le type de notation proposée  planche à percussion ( naqyēn ̄ malbuy ), petits en ☉25, on obtient la structure { a b a b c c tambours à fente ( nēvētōy ), tambour à membrane a b d || A d A b A b A b A b A b A d A B || C (natmatwoh ), sac à sonnailles ( nowopyak ), voix C A B C C A d A d A b A b A b A b A d A B || Ce poème célèbre la puissance des volcans C C A B C C A E }. – en particulier le célèbre volcan actif de l’île d’Ambrym, au sud de Pentecôte. Une fois de ☉28. Sēwēes’i’i : “Le mégapode” plus, la force des éléments est évoquée à tra -  AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) vers son impact sur les sens.  Harold Tomson  voix La lave coule, la lave claque sur Ambrym Ce chant titi de Vanua Lava célèbre l’oiseau en tournoyant autour de l'île mégapode ( Megapodius freycinet ) qui vit dans elle engendre un nouveau pays la forêt. en tournoyant c'est le volcan qui engendre un nouveau pays Bruissement dans les feuilles : O o o o è qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ? Ça coule et ça claque sur les côtes d'Ambrym Mais c’est le mégapode a è a è a è — ooo qui caquette et qui creuse [Volcan , chant titi , Motalava] Il gratte et gratte encore en haut de la montagne En voici le texte original : [Le mégapode , chant titi , Vanua Lava] Ne vur e sol dun̄ e Amērēm e ie o e lē tan tin̄ gōlgōl wē vōnō e Le poème consiste en trois distiques (a b c) : ne vur e tin̄ gōlgōl wē vōnō e Lēr lē nas dedero en sap men sap men? o– ē ō, o– e wō m̄ala ōlōl wō m̄ala gil e rō e o e sol dun̄ e Amērēm e la e Res e res le qesen̄ tōw e a e a e a e — ooo – 55 – Une fois de plus, l’auditeur peut vouloir prê - Les cérémonies de passage de grades comp - ter attention à la structure de cette interpré - taient parmi les plus importantes dans le tation: { a b a b c c a b d || A d A E A E A e A centre et le nord de l’archipel du Vanuatu. e A d A B C C A B C C e A E A E A E A d A B S’il est vrai qu’il n’est plus guère pratiqué C C A B C C }. dans les îles Banks, le système des grades est Par rapport aux autres exemples cités en ☉25 resté central à la vie sociale d’autres îles du et ☉27, on a ici une introduction plus longue Vanuatu – Ambrym, Malakula, Pentecôte, du soliste ; on entend d’ailleurs, en arrière- Ambae, Maewo. plan, les bavardages nonchalants des musi - Quand un homme veut passer à un grade ciens-choristes qui attendent leur tour de supérieur, il se doit d’organiser une grande chanter. Mais une fois lancé dans le chant, le cérémonie à laquelle lui et sa famille devront chœur prend plaisir à chanter autant sa se préparer pendant plusieurs années. C’est propre partie que celle du soliste (d’où les que le passage de grade donne lieu à d’im - nombreuses majuscules dans la notation). Par portants échanges de nourriture et de pré - rapport aux morceaux plus réguliers enten - sents. Souvent, une même fête concernera dus ci-dessus, celui-ci prend quelques libertés plusieurs candidats. avec la forme canonique – comme c’est sou - Ces cérémonies donnent toujours lieu à des vent le cas dans les moments plus détendus danses, accompagnées par des ensembles de que l’on partage à la fin d’une longue séance tambours de bois. Les rythmes correspon - de danse, au coucher du soleil. dent parfois à des grades hiérarchiques pré - cis. Ainsi, le présent extrait fut enregistré lors HOMMAGE AUX GRANDS HOMMES d’une grande cérémonie de passage de deux hommes, pour les grades Arkon et Meleun ☉30. Ensembles de sifflets gove (femmes) – deux grades parmi les plus élevés de la hié -  MS – 10.6.2005 – Barunguringi (Maewo) rarchie. La cérémonie, qui rassemblait de  Vaena Vanity, Lesanti Roling Viti, Ruth Vane, nombreux habitants du sud de Pentecôte, Ruth Merelin, Rosenta Vay, Esta Rotili avait lieu à Bunlap – une communauté qui  ensemble de sifflets gō ve s’identifie elle-même comme régie par la Cf. explications ☉17. “coutume”, et imperméable aux influences étrangères. C’est d’ailleurs à Bunlap qu’a lieu ☉31. Bilbilan: Passage de grades la célèbre cérémonie annuelle du saut du gol ,  MS – 30.9.2000 – Bunlap (Pentecôte) au cours de laquelle de jeunes hommes  hommes de la communauté Sa s’élancent du haut d’une immense tour de  ensemble de tambours de bois, voix bois, le pied seulement retenu par une liane.

– 56 – Dans cette danse nommée bilbilan , les ☉34. Chant d’entrain pour un grand homme hommes dansent en cercle autour des tam -  AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) bours, tandis que des femmes dansent autour  Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis d’eux, un peu plus loin, en criant et sifflant.  grand tambour à fente ( nokoy ) L’esthétique de la musique rappelle les Les grands tambours de bois du Vanuatu danses interprétées lors de la cérémonie du sont associés au monde des “Grands saut du gol . hommes”, les augustes dignitaires des cheffe - ries. S’il est vrai que certaines îles préservent ☉32. Mantani: Passage de grades le lien avec les systèmes anciens à grades  MS – 23.1.2002 – Loltong (Pentecôte) [photo], l’usage de ce tambour a évolué dans  hommes de Loltong les îles comme Motalava, où l’ancien sys -  tambour de bambous en faisceau tème politique a disparu. Cette danse, du nom de mantani , accom - De nos jours, le grand tambour à fente, dit pagne également une cérémonie de passage nokoy en langue mwotlap, accompagne non de grades hiérarchiques – mais cette fois les prises de grade, mais les moments impor - dans le nord de l’île de Pentecôte. Sa parti - tants liés aux nouvelles figures de l’autorité: cularité est d’être accompagnée par un ins - hommes politiques, personnalités de l’église trument très rare – un tambour fait de bam - anglicane, fêtes religieuses. Ainsi, lors de bous réunis en faisceau. l’anniversaire de l’église principale de l’île, ce On rassemble plusieurs bambous longs d’au sont les coups sourds de ce grand tambour moins deux mètres ; ceux-ci sont tenus hori - qui accompagneront l’eucharistie. zontalement par deux hommes à chaque En ces derniers jours de l’année 1997, on extrémité. Quatre hommes, répartis de part marie le fils de l’évêque anglican des îles et d’autre des bambous, viennent frapper un Banks, le “grand homme” Charles Ling (à ostinato rythmique avec des bâtons. D’autres gauche sur la photo de la page suivante, hommes dansent en tournant autour de tenant une palme symbole de prestige). C’est l’instrument, qui accompagne les chants des là une occasion, pour les musiciens de l’île, hommes. de faire résonner le puissant nokoy . Tous les participants – chanteurs, danseurs, musiciens ☉33. Tambourinage pour un grand homme – sont des hommes initiés, comme il se doit.  AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) Après le bref prélude ☉33 dit Turbal , la pièce  Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis ☉34 combine la percussion du tambour  grand tambour à fente ( nokoy ) nokoy avec un chant d’entrain pour encoura - ger les danseurs. On entend bien quatre

– 57 – lignes vocales et instrumen - tales superposées: le chant principal (“E ale…”) ; les cris de joie des danseurs ; un rythme continu au tempo rapide (dit beleg en mwotlap) que jouent, à l’aide de fins bâtons de bois, les deux per - cussionistes assis aux deux bouts du tambour ; enfin, un autre rythme, plus discon - tinu, et au son plus sourd (bōl ) – celui du tambourinaire principal, assis au centre de l’instrument. Chanteurs et musiciens autour du grand tambour à fente nokoy (Avay, Motalava) © AF

LE GRONDEMENT SOURD DES ANCÊTRES feuille de cocotier ; c’est par cette tige que l’on tient le rhombe et le ☉35. Rhombe fait tournoyer au-dessus  MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) de sa tête.  Philip Gan + Gresline + Colinette La double rotation de  rhombe ( naborbor ) l’instrument – au dessus de Il s’agit ici de naborbor , un instrument de la la tête et simultanément famille des rhombes – utilisé simplement au tour de son axe – pro - pour se divertir. Pour fabriquer cet instru - voque un bruit vrombis - ment, une foliole est détachée d’une palme de sant assez sonore et grave. cocotier ; on en ôte l’arête centrale afin de la Dans cet enregistrement, rendre souple, puis on la plie en deux dans le on entend non pas un sens de la longueur. L’arête enlevée est ensuite mais trois rhombes – le attachée en arc aux deux bouts de cette même tout produisant un effet foliole. Enfin, on fixe à ce petit dispositif une particulièrement puissant. longue tige qui provient également d’une Rhombe © AF – 58 – Les danses masquées adolescents – et se danse sans masques. À l’in - Deux danses des îles Banks sont réservées aux verse, la forme dite utmag [☉36] est réservée hommes ayant passé les rites d’initiation: le aux hommes adultes, qui ont acquis le droit mag et le qat . de porter les coiffes sacrées. La première est nommée nma en löyöp, Une des différences entre mag et qat réside namag en mwotlap, mago en mota, mag dans dans la chorégraphie. Dans le mag , les jeunes les langues de Vanua Lava et Gaua, namag et danseurs progressent à l’unisson, souvent en utmag à Merelava. Le terme est lié au verbe file indienne ou en cercle autour d’un musi - mako “danser” des langues polynésiennes. Il cien central, et coordonnent leurs gestes les s’agit d’une danse des garçons adolescents, uns avec les autres. Le qat , en revanche, est qui débutent leur parcours initiatique. une danse plus complexe, aux formes écla- L’autre danse, assez ressemblante, est le qat tées, où les danseurs, dispersés sur la place de (prononcé [ kpwat ]) – ou plus précisément: danse, exécutent des pas de danse chacun à qat en mota, dorig et lakon , qet en vurës, leur tour [photo p.18]. neqet en mwotlap et en mwerlap. Ce nom est Musicalement, le qat tout comme le mag ne historiquement lié au nom de Qat ou Qet, la mettent en jeu que deux instruments : le divinité des origines (François 2013). Comme petit tambour à fente – joué par un musicien le mag , le qat est réservé aux hommes initiés, debout au centre de la place – et les sonnailles mais d’un rang plus élevé. aux chevilles des danseurs. Les deux genres ont de nombreux points communs. Dans les deux cas, les danseurs portent des coiffes qu’ils auront fabriquées dans l’enclos secret de l’initiation (Vienne 1996). Ces coiffes, très travaillées et parfois spectaculaires, sont souvent appelées “esprits” (mota tamate , mwotlap natmat , lakon maraw …) ; elles représentent des divi - nités, plantes, poissons [comme l’oursin, photo page 11 ( qat )], oiseaux, objets parfois insolites – plat cuisiné [photo ci-contre], pirogue, avion… Dans l’île de Merelava, on distingue entre deux versions de cette danse. Le namag appar - Coiffe de la danse mag , en forme de plat cuisiné (J ōlap, tient aux jeunes initiés – souvent de jeunes Gaua) © AF

– 59 – Danse des esprits : le neqet (Lahlap, Motalava) © AF

Le chant mélodique y est rare: tout poème sito! ), tantôt grognements des ancêtres. C’est lié à ces genres étant secret, ils ne peuvent que les danseurs ainsi masqués représentent être chantés par les danseurs que silencieu - les esprits des ancêtres, venus danser au sement, en leur for intérieur. Si l’on entend milieu du village. Les cris aigus et les gro - des voix, ce sont plutôt des cris – tantôt gnements sourds que l’on entend en ☉36 signaux lancés par le tambourinaire ( Hiy (utmag de Merelava) et en ☉37 ( neqet de

– 60 – Motalava) ne sont autres que les voix des morts eux-mêmes, venus hanter les vivants le temps d’une danse. Les coups saccadés des sonnailles, les ryth mes irré - guliers des bambous que l’on frappe, les silences abrupts et inattendus, forment une atmo - sphère étrange et envoûtante, où plane une sourde inquiétude.

Danse utmag des hommes initiés (Leqeal, Merelava) © MS

☉36. Utmag : Danse des Esprits ☉37. Neqet: Danse des Esprits  MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava)  AF – 25.12.2005 – Lahlap (Motalava)  hommes de la communauté de Tesmet  Fred Nixon + hommes initiés de Lahlap  tambour en bambou ( wokor wirig ),  petits tambours à fente ( nēvētōy ), sonnailles de cheville ( nevereak ), voix sonnailles de cheville ( nowopyak ), voix Dans l’île de Merelava, si la danse namag est Cette représentation de la danse neqet (pro - réservée aux débutants, sa variante utmag est noncée [nekpwet]) de Motalava – la version le domaine des hommes initiés. Les coiffes locale du genre qat – fut un événement des danseurs, et leurs étranges grondements, important. Cette danse solennelle et particu - rappellent à tous leur véritable nature: ce lièrement prestigieuse n’est donnée que très sont les Esprits des Ancêtres, venus parmi les rarement. La fête chrétienne de Noël, et la mortels pour les impressionner. grande journée de danses coutumières qui lui Selon les témoignages, la danse utmag était est associée, était un contexte idéal. autrefois interprétée lors des cérémonies L’aspect le plus impressionnant de cette gran - funéraires, ou à l’occasion des passages de diose cérémonie fut sans conteste le déploie - grades. De nos jours, on danse l’ utmag pour ment de majestueuses coiffes sacrées, nom - diverses occasions – mariage, fêtes de Noël, mées natmat “esprits des morts” [photo]. En fête de l’indépendance, et autres festivals. outre, le neqet donne lieu à une chorégraphie

– 61 – mystérieuse, au cours de laquelle les danseurs, ciens chantent un hoquet “O ho, Ohé o – O ho, dispersés sur la place, alternent moments Ohé-o” … C’est dans cette atmosphère saisis - immobiles et petits pas saccadés [photo p.18]. sante que le chanteur soliste entonne alors Les coups nerveux sur les petits tambours de son chant newēt à proprement parler. Sa mélo - bambou se combinent aux bruits des son - die et son rythme semblent indépendants du nailles, et aux cris des esprits – le tout dans un rythme principal, et se trouvent largement paysage sonore original, dépourvu de mélodie, couverts par ce dernier. Ce n’est pas tout à fait créant une atmosphère étrange et inquiétante. un hasard : la plupart des poèmes newēt sont des chants secrets ( toq “sacrés”), qui doivent Le genre new e-t demeurer inaudibles à la foule des non-initiés Le genre souverain dans les îles Torrès est le – de peur que le chant, qui appartient au newēt [☉38–40]. En principe, il s’agit d’abord chanteur et à sa famille, ne lui soit volé. Dans d’un style de poésie – illustré plus haut avec les la langue lo-toga, le verbe gupe “dissimuler” chants Tremble la Terre (p.31) et Thrène aux guer - désigne la manière dont le chœur, à travers ses riers défunts (p.33). Par extension, le terme halètements sonores ( “O ho, Ohé-o” ), doit cou - newēt désigne autant le poème lui-même que le vrir la voix du soliste. style particulier de musique qui l’accompagne, Le contexte privilégié pour exécuter le genre voire tout l’événement festif qui l’entoure. newēt est le festival public (en lo-toga ne vetgë ) L’élément central du genre newēt n’est pas associé à la prise de grades ( ne huqe ). Dans ce tant la danse que l’orchestre qui se tient au contexte précis, qui rappelle les danses mag centre de la place. Parfois, un petit kiosque de ou qat des îles Banks voisines [ ☉36–37], ce feuilles ( veroqëtlēn̄we en lo-toga) est réalisé sont de jeunes initiés qui viennent danser en pour abriter les musiciens. Ces derniers, au exhibant les coiffes rituelles ( ne qegar ) qu’ils nombre de sept ou huit, se tiennent debout viennent de sculpter en secret. La fête peut autour de la planche à percussion. Assis par durer de cinq à dix jours, au cours desquels le terre derrière eux, deux tambourinaires frap - newēt bat son plein jour et nuit, jusqu’à pent leur tambour de bambous pour lancer le l’aube du dernier jour. signal du début. Le meneur lance alors un cri Ceci étant dit, le newēt est si populaire qu’il “Hi– wa?” auquel les autres musiciens répon - s’est en quelque sorte laïcisé, en devenant dent en chœur “Hi wow !” – et de soudain synonyme de réjouissances collectives : on le frapper leurs bambous sur la planche [ ☉39]. jouera lors des mariages, des fêtes, des festi - C’est alors que démarre un long ostinato col - vals. La fête nationale du 30 juillet [photo], lectif, à la fois vocal et instrumental. En même qui célèbre l’indépendance du Vanuatu temps qu’ils pilonnent la planche, les musi - depuis 1980, est ainsi une occasion propice

– 62 – pour une soirée newēt – comme ce fut le cas s’agit d’un événement sonore, l’occasion pour les pièces ☉39–40 de l’album. d’entendre, dans l’obscurité de la nuit, les puissants cris des morts et les pleurs des ☉38. New e-t : Chant des Esprits esprits. Ces gémissements stridents rappel -  AF – 22.1.2006 – Hiw (Torres) lent à quel point les revenants peuvent être  Sisil Howard + garçons de Hiw inquiétants, et différents de nous – de quoi  planche à percussion ( ne tiyit rë̄ rë̄ ), inspirer à tous crainte et respect pour les tambour à fente ( n’örē ), voix ancêtres. Bien sûr, seuls les hommes initiés ont accès ☉39. et 40. New e-t : Chant des Esprits au monde des esprits, et au secret de leurs  AF – 30.7.2004 – Lungharegi, Lo (Torrès) manifestations dans le monde des vivants.  Livai, Peretin Wokmagëne, Brian Mark Eux seuls connaissent la véritable nature de  planche à percussion ( ne vën mēlepup ), ces sons, les instruments et les gestes pour les tambour à fente ( n’ere ), voix produire ; nous n’en révélerons rien ici. Les hommes interprétant les Pleurs des esprits ne ☉41. Newertiang : Pleurs des Esprits doivent être vus par personne : sitôt que  MS – 25.7.2005 – Leqeal (Merelava) s’annoncent les premiers sons, femmes et  hommes de Leqeal autres non-initiés doivent se précipiter vers  instruments secrets une maison ou un abri, sans attendre. Au Vanuatu, les manifestations de deuil L’enregistrement ☉41 présente une structure incluent des cérémonies au 5 e et 10 e jour sui - marquée, faite d’un crescendo culminant vant le décès de la personne. Dans la petite vers 2’10”, suivi d’un long decrescendo. île de Merelava, la mort d’une personne Plusieurs couches sonores se superposent. importante donne alors lieu à un événement Parce que le Newertiang a lieu la nuit, on spectaculaire : les “Pleurs des esprits”, nom - entend en continu le son des grillons. més Newertiang en mwerlap. Il arrive que cet C’est sur ce fond sonore que viennent s’ajou - événement soit suivi d’une danse namag ter les cris des esprits. Les sons graves for - [☉36], laquelle est publique et se déroule sur ment la voix de la “mère”, les sons aigus la place de danse ; mais le Newertiang lui- celles des “enfants”. Les esprits repartent même a un statut très particulier, qui le dis - comme ils sont arrivés : après un moment de tingue de toutes les autres formes musicales forte présence, leurs pleurs finissent par que l’on connaît. s’évanouir dans le silence de la nuit. Ni chant ni danse, le Newertiang ne donne rien à voir. Pour le commun des mortels, il ALEXANDRE FRANÇOIS & M ONIKA STERN

– 63 – RÉFÉRENCES

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– 65 – Utmag , danse des initiés / dance of initiated men (Merelava) – © MS

– 66 – Une fête newēt / A newēt party (Yaqane, Hiw) – © AF

Page 68 : Danse du serpent de mer / Seasnake dance (Lahlap, Motalava) – © AF

– 67 –

MUSIC OF VANUATU Celebrations and mysteries

Vanuatu’s unknown treasures poetic forms and styles used in the songs The Melanesian societies of Vanuatu form a themselves, Vanuatu still harbours treasures mosaic of languages and cultures that have worthy of being brought to light. become quite different, from island to island, over the course of history. Such a The diversity of Vanuatu diversity is particularly conspicuous in The 41 pieces presented here encompass musical arts – through aesthetic and social nine different islands, covering the two pro - practices which are highly sophisticated, yet vinces TORBA (Torres–Banks) and PENAMA still go largely undocumented. To this day, (Pentecost–Ambae–Maewo), in the northern Vanuatu’s Melanesian music has been acces - half of the country. This sample should pro - sible mostly through recordings by Peter vide a fair idea of the wealth of the archipe - Crowe (1994) in Maewo and Ambae, and a lago’s overall musical heritage. record of a cappella songs produced by the Vanuatu societies cherish the diversity of Vanuatu Cultural Centre (Ammann 2000). A their cultures and languages. The country recent book describes the musical forms of holds the world record in terms of linguistic Vanuatu with a special focus on the world of density, with 106 different languages – not secrecy and the supernatural (Ammann counting the dialects – for a population of 2012). However, whether in the detail of 240,000. No less than 26 languages are still instruments, melodies and rhythms, or the spoken in the TORBA and PENAMA pro -

This CD brings together the best recordings made by two field researchers between 1997 and 2010. Alexandre François, linguist (Langues et Civilisations à Tradition Orale, CNRS; Australian National University), studies the languages and oral literature of Vanuatu, especially those of the Banks and in the north of the archi - pelago. The ethnomusicologist Monika Stern (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie) explores the social and musical practices of northern Vanuatu. The two researchers have travelled across the archipelago, separately or together, and have combined their efforts in a research project entitled Rythmes à danser, poèmes à chanter en Mélanésie: Esthétique, transmission et impact social des arts musicaux au Vanuatu . This project gave birth to a documentary produced by Éric Wittersheim, The Poet’s Salary , which was awarded the 2009 Bartók prize by the Société Française d’Ethnomusicologie. Whereas the film was centred on the island of Motalava, the present musical anthology covers a broader area.

– 69 – vinces alone, and as many distinct micro- communities. The diversity of the musical styles is commensurate with this linguistic variety: certain musical styles, certain dances, certain instruments, are sometimes known to just one village, and unknown elsewhere. This being said, these microdiffe - rences stand out from a shared cultural background. Due to common origins as well as to a long tradition of economic and cul - tural exchanges, numerous similarities are also found from one island to another. A coastal village (Yugemëne, Hiw, Torres) © AF The present selection of recordings attempts to reflect the richness of Vanuatu’s Ocean, village, forest musical arts. Besides geographical scope, Vanuatu was first populated about 3200 emphasis has been put on the diversity of years ago, when the navigators of the Lapita genres, instruments, musical or poetic civilisation, sailing southeast on their large styles. By giving preference to live perfor - canoes, colonised insular Melanesia – from mances, we aim to place musical forms in the Solomon Islands to New Caledonia and their social and anthropological context. Fiji. The first people to settle on the archi - From one piece to another, the listener pelago’s islands, most of which are volcanic moves on from one village to another, and fertile, cultivated the land – whilst changing from one universe and atmosphe - maintaining a strong link with the sea. The re to another, on a journey that is both aes - immediate social unit became the village or thetic and cultural. hamlet, sometimes perched high up in the The present booklet aims to guide the liste - island’s hills, but most often set up along ner through this journey. After touching the coasts. upon the importance of music in the socie - This lay the foundation of the typical land - ties of Vanuatu, we will describe their musi - scape of Vanuatu societies. A few dozen cal instruments and decipher the art of family dwellings of bamboo walls and leaf song poetry. Listeners will be able to follow roofs, forming a circle around the central the album and its 41 recordings in detail as village clearing – the agora for encounters, they discover the musical universe of the the focal point of festivities. A few yards archipelago. downhill, a sandy beach, the coral reef, the

– 70 – lagoon and finally the ocean – the source of enters into a whole new world, unknown marine food, but also the hub of exchange and daunting, a green maze haunted by between islands, the horizon from whence ancestral spirits, where it is so easy to get future encounters will be made. lost. Stories and poems evoke those ambiva - On the other side of the village, walking lent solitary moments: pleasure of walking uphill further inland, one enters the ambi - through the woods, august respect for the guous world of the forest. forces of nature – but also fear of the un - The forest is first and foremost the familiar known, with this sudden urge to return route to the gardens of yams and taros, home to one’s village. known since early childhood, the precise limits of which are transmitted down Music and custom through the generations. This is where fami - For almost two centuries, Vanuatu islanders liar plant resources are to be found: well- have been able to learn about the Western liked fruit; firewood; solid tree trunks for world. The northern part of the archipelago making canoes or beams; bamboos that will was Christianised by Anglican missionaries; become rafters, water bottles or sharp Catholics, Presbyterians and other churches blades; but also various leaves that will have shared the islands further south. With cover the house, wrap food as it is baked in ships visiting from Australia or New stone ovens or be plaited into a mat for the Caledonia, and later through institutions of bedroom. As we shall see, these same plants the Anglo-French Condominium, the will be transformed into musical instru - people of the New Hebrides – the former ments: a leaf will be made into a Jew’s harp name of Vanuatu – became familiar with or bullroarer; dried fruits will become ankle both English and French, the two languages rattles; a thick root may turn into a percus - still taught today in schools. To these colo - sion board; solid logs will be hollowed and nial languages, they added Bislama – origi - carved into massive slit gongs; the trunk of nally an English-based pidgin which spread a sago tree will serve as the body of a headed quickly during the 20th century, and today drum; and bamboos of all sizes will become serves as a lingua franca throughout the slit drums, stamping tubes, bamboo flutes or archipelago. Now an official language of the whistles… The sounds of all these instru - country, Bislama is taking over from the ver - ments are the voices of the forest reaching nacular tongues, especially in urban areas. out to the village. These last two centuries have given rise to But should one venture into the dark slo - new musical landscapes. Anglican church ping forests in the night hours, then one choirs introduced vocal polyphony which

– 71 – was previously unknown, and is now widely All in all, these two musical universes appreciated in Vanuatu churches. Those coexist without really mixing. Guitars com - who were recruited to work on the sugar monly played in churches or in string bands plantations of Queensland, at the end of the never participate in “custom dances”. The 19th century, were able to hear guitars and contrast is also found in the language: whe - other chordophones. This discovery of new reas religious or string band songs are often sounds, later renewed with their exposure to in Bislama or English, this is never the case American soldiers during the war in the with customary songs: whatever the style, Pacific, gave birth to “Stringbands” which their lyrics are always composed in the local have become so popular today in Vanuatu. tongue, or sometimes even in an archaic, In addition, the record industry has develo - poetic language. These styles, typical of ped over the last twenty years. For the ancient music, preserve their distinctive young urban generations, music is now lar - identity even in contemporary creations: as gely dominated by reggae – and we observed in 2005 in to a smaller extent, by hiphop, Motalava, when a new kastom dance music, and R&B. song is born, it is always com - In spite of these new trends, posed in the “language of the inherited musical styles still thri - ancestors”. ve in most of the islands. In the This contrast between “local” absence of electricity, rural areas music and music felt to be exo - of Vanuatu seldom listen to the genous, may sound surprising, radio or commercial CD's. Until given the constant circulation mobile phone technology was of musical styles among com - introduced in the late 2000’s, munities, which often travel they had remained largely cut from one island of the archipe - off from urban music. In most of A stringband session in lago to another. In other words, the archipelago’s villages, three the village (J ōlap, Gaua) © AF music referred to as “from main styles are in use today: here”, associated with “cus - church songs; string band songs; plus every - tom”, are often musical styles coming from thing else, grouped into a vast category refer - some other island across the seas. And yet, red to as “local music” or “our music” – in people will still draw a contrast between contrast to music from afar. In Bislama, one “custom” music and styles which will never often speaks of kastom tanis , literally “custom really be part of custom ( string band , church dances”, or kastom singsing “custom songs”. songs).

– 72 – Women and children during festivities in Bunlap (South Pentecost) © MS

A key element could possibly explain this on the category of music styles described as dichotomy between these two categories of local or customary. Due to space limitations, music: namely, the islanders’ capacity to it does not include church hymns, string control the full chain of production. bands , or reggae songs, all of which would Customary music – even when it circulates warrant CDs of their own. from one island to another, and is thus not In spite of the watertight categories present “local” strictly speaking – will always involve in popular representations, subtle influences instruments and techniques that can be rea - can sometimes be unveiled between styles. dily reproduced from local resources; in For example, in recording ☉12, the begin - these conditions, it is easy for the islanders nings of polyphony can be heard in the to learn new styles and enrich their inherited middle of a Sowahavin dance, no doubt repertoire. By contrast, music of European influenced by church choirs. Also, certain origin often implies the use of materials forms of musical crossings can be observed (metal, plastic…) and foreign instruments in urban settings, as songs from the traditio - that can be harder to recreate locally. nal repertoire are occasionally adapted with Taking on the perceptions of the musicians string band or reggae arrangements (Stern themselves, the present anthology will focus 2000, 2007).

– 73 – Voices and gestures of the Ancestors by men. In Hiw, legend has it that a child, In Vanuatu, musical arts form not only a left alone in the village by adults going off link between past and present, but also, by to work in their gardens, was visited regular - extension, between the living and the dead, ly by a spirit who secretly taught him songs between humans and spirits. This dimen - and dances in the newēt style [ ☉38–40]. A sion will be apparent in our analysis of song very similar myth in Motalava explains the poetry, in both its linguistic and stylistic origin of the nawha titi [☉24–29]. Other aspects. But the same notion can be obser - similar stories are to be heard in Gaua, ved in many other aspects of the region’s Vanua Lava, or Toga, reminding us of the musical experience. strong ties forever present between music In spite of Christianization, ancestral spirits and spirits. continue to play a central role in the spiri - One context in which music also formalises tual and cultural landscape of Vanuatu the bond between the living and the dead (François 2013). This is especially true of is that of secret societies (Vienne 1984, musical arts, many aspects of which recall 1996). Boys of a same age group gather their sacred origin. The poetic language is together, somewhere in the forest, under called “language of the spirits”, “language of the aegis of a protective divinity, and learn the gods”, or “language of Qet” (after the from their elders a number of songs, dances name of the mythical creator of the Banks and instruments reserved to the initiated. Islands). Likewise, if a poet is in search of At the end of this period of reclusion, these inspiration when writing a new composi - tion, he will turn to the spirits: after swallo - wing the sap of leaves charged with magic powers, he will communicate with the spi - rits of ancestors, at night or during a solita - ry walk, and wait to be inspired with the words or the melody of a new song. Several myths, of great literary and anthro - pological significance, relate how a particu - lar dance, or a musical instrument, were long ago transmitted to men by ancestral spirits. In Pentecost, Maewo and Ambae, one hears stories of how the sawagoro dance [☉5–8] was one day stolen from the spirits The spirit of the Urchin, neqet dance (Lahlap, Motalava) © AF

– 74 – young men come and dance on the village [photo p.78] – certain leaves of sacred ground, their heads covered with sacred plants, patterns of body painting, or designs headdresses or masks corresponding to on mat clothing. A fair proportion of musi - their initiation rank. Whether by the cal forms in Vanuatu are bound by the oath shapes and colours of these headdresses, of secrecy and are the exclusive property of the lyrics, rhythms or choreographies, each a few men, by virtue of their privileged ties aspect of these ceremonies remind the non- with the world of the Ancestors. Some initiated of their powerful ties with the songs, dances, instruments, rhythms or ghosts of their ancestors. melodies are therefore inaccessible to chil - dren or to women, or to any other person Music and graded societies who has not acquired the relevant rights. The sacred dimension is also present in the In sum, the people of Vanuatu strongly political system of chiefdom, closely linked associate their heritage music with the to the world of spirits. On the three islands ancient world of “custom” – albeit one that Pentecost-Ambae-Maewo – just as in Malakula is constantly reinvented through encoun - or Ambrym, further south – the rank system ters and creations. This link with the still rules society today, and everyone is ancient world takes various forms, which meant to take part in this political competi - we will now describe. To begin with, mate - tion. rial techniques perpetuate the exclusive use From his early years, a boy is introduced of natural materials, as much for making into the system in a small ceremony where the instruments themselves as for the he acquires his first grade. The higher the dance costumes and masks made for special rank, the more the gradetaking ceremonies occasions. In addition, the link between will be enhanced with dancing, singing and traditional music and olden times appears drumming. We recorded some of these in the poetic form of the songs – an rhythms in Pentecost during initiation cere - archaic, cryptic language, constantly ridd - monies [ ☉31–32]. led with nostalgic references to the dream If music plays such an essential role in these world of yesteryear. ceremonies, it is also because certain grades imply access to a sort of “customary right” Instruments over a specific musical rhythm. This rhyth - All instruments used in traditional music mic pattern is an integral part of the attri - come from the natural environment sur - butes specific to this grade, along with cer - rounding the musicians: the forest or the tain ornaments – such as curved pig tusks sea.

– 75 – The ocean supplies the conch shell, which is nowadays, it can be made of almost any blown to hail crowds or send out a signal. wooden plank. Also, the islanders of Ureparapara some - Between three and twelve musicians stand times create ankle rattles using the spines of around the percussion board. Each one pencil sea urchins. Apart from these rare holds one or two sticks which are light in examples, almost all other instruments used weight, measure from 3 to 6 feet long, and in traditional music are of vegetal origin. are made out of bamboo or wood; some - Three types of instrument can be differen - times the paddle of a canoe does the job. As tiated. Firstly, musical instruments proper, the dancing begins, the musicians hit the the use of which is codified, and which are board in rhythm, producing muffled played to accompany singing or dancing. sounds. The group remains synchronised by Secondly, various objects which are not ins - following a leader, who decides how the truments, yet are occasionally exploited for rhythm should progress, and when it’s time their sound properties, for personal enter - to stop. tainment, independently of any sung or In the , the percussion board is danced performance. Lastly, we will see that the central piece of musical moments – quite certain instruments have paramusical, literally in fact, since it is placed in the semiotic or mimetic functions. middle of the village clearing, and forms the Following the Hornbostel–Sachs classifica - central point around which the circles of tion of musical instruments, we will distin - musicians and dancers evolve. A key element guish between idiophones (by far the most common), chordophones, aerophones and membranophones.

Idiophones The percussion board An idiophone widely used in Vanuatu, espe - cially in the northern islands, is the percus - sion board. A pit, approximately 50 cm in diameter and 20 cm deep, is dug out of the ground, and will serve as a resonator; a fair - ly massive, flattish slab of wood is placed over it. Traditionally, this slab was cut out of a broad, flat buttress root from certain trees; The percussion board tiyit r̄ër ̄ë (Hiw , Torres) © AF

– 76 – of the orchestra (called nawha in the lan - technical terms illustrates, if need be, the guage of Motalava), this instrument accom - local existence of a local “musical theory” panies village dances [ ☉14–16] or titi sung (see Zemp 1979). poems [ ☉25–29]. In the Torres Islands, the percussion board supplies the leading osti - Large slit wooden gong nato of newēt songs [ ☉38–40]. By far the most imposing idiophone, both The name of the instrument differs conside - in terms of its dimensions and its social rably from one language to another: ne tiyit prestige, is a large wooden drum, hollowed r̄ër̄ë (literally “tree root”) in Hiw; ne vën mēle - out from a tree trunk, and slit lengthwise. pup (“thick slab”) in Lo-Toga of the Torres A similar type of carved drum is found in Islands; ntaqap in Löyöp of Ureparapara; the central islands of Vanuatu, where it is naqyēn̄ malbuy (“thick club”) in Mwotlap of played in an upright position; its celebrity Motalava; lalöbur in Vurës of Vanua Lava; has made it a national emblem. However, in diov in Dorig of Gaua; mēpli ra in Lakon, and the Banks Islands, as well as in Maewo, so on. Ambae and the north-central areas of The languages also have names for the sticks Pentecost, the same drum is presented hori - used to beat the board (generally the same zontally, laid directly on the ground. term as “bamboo”, even if other wood is The large drum is often played by several used), as well as technical terms for specific musicians, producing a polyrhythm. actions associated with this instrument. For Throughout most of the archipelago, it instance, the person leading a group of per - comes in a group with a number of other cussionists, followed by the others, has a drums (Crowe 1996), each played by a single special name (in Mwotlap: avus , in Dorig: musician. In the Banks Islands, by contrast, ran̄krēbō ). Each language has at least one several musicians beat the same drum – verb for striking the board ( hër in Lo-Toga, which alone suffices to produce a poly - didi in Mwotlap, etc.) – often the same verb rhythm. as the cookery term “to pound”. The Hiw In the islands of Motalava and Gaua, this language has no less than four verbs – two heavy hollowed tree trunk measures about synonyms ( sor̄ and yop ) for the general mea - 5 feet long for a diameter of 18 inches. Placed ning, and two more specific terms belonging on the ground, it is played by three seated to the newēt genre: puye “strike the board musicians [photo at the top of p.78]. The marking an accent every two beats” and r̄ug man in the middle hits the centre of the “strike the board marking three accents drum with thick coconut palm petioles, pro - every four beats”. The precision of these ducing the bass ( bōl in the Mwotlap language – 77 – of Motalava, tēn̄ in Lakon); the two drummers each side of him play with hard, lightweight sticks, producing a higher and more powerful sound ( beleg in Mwotlap, vuh in Lakon). The pattern is thus polyrhythmic, with each musician striking a different ostinato. In the islands of Pentecost, Ambae and Maewo the slit gong has preserved its origi - nal tie with graded societies, an institution still very much alive today. Among the attri - butes associated with certain grades are pre - cisely certain drumming rhythms: these are always played on a group of several wooden Slit gong nokoy (Motalava) © AF drums of varying sizes [photo below]. In the

Grade-taking ceremony in Bunlap (South Pentecost) © MS

– 78 – Banks Islands, the instrument has become a rare object, but it is brought out on impor - tant occasions. As an example, the nokoy in Motalava was played in December 1997 at the wedding of the Anglican bishop’s son [☉33–34]. Unlike the percussion board, the name given to the large slit gong is very much the same in most of the northern languages: Hiw ne kōr̄, Löyöp nkoy , Mwotlap nokoy , Lemerig kër , Mwesen wokor , Mota kore , Dorig wakor dun̄, Lakon kee , etc.

Small slit drums Bamboo slit drum (Motalava) © AF Much more common is the individual slit drum. It measures between 8 and 31 inches, kee , and the little one qalē laklake (literally and is made either of bamboo [photo] or of “bamboo internode for dancing”). carved wood [photo p.108]. When light enough, the drum is held in one Stamping tubes hand by the musician, who strikes it with a Generally, the percussion board is struck stick held in the other hand [photo p.98]. At with bamboos: in many languages, the long other times, the drum is played using two percussion tubes are indeed simply called sticks, in which case it is stabilised in “bamboos”. However, they are sometimes various ways: placed on the ground and kept replaced by simple wooden sticks, since the in position with the feet; held by a second part that vibrates is the struck board. person; or supported above the ground ver - In the absence of a board, the vibrating ele - tically. This widely used drum instrument ment is the tube itself as it strikes the can be heard in many of our recordings: ☉4, ground. In this case, the instrument is ☉11–16; ☉25–29, ☉36–40. necessarily made of bamboo; it is known as This little slit drum always has its own name a bamboo stamping tube – a common in the languages of northern Vanuatu, to enough instrument in Oceania, particularly differentiate it from its big brother, the large in New Caledonia and the Solomon Islands. wooden slit drum. For example, the Lakon In the small island of Merelava, bamboo language of west Gaua calls the large drum stamping tubes are played in a special genre

– 79 – Stamping tubes for nombo dance (Merelava) © MS called nombo (“bamboo” in the local langua - produce the bass sounds during certain per - ge). Six women, squatting or sitting in a formances – as in the sowahavin ☉12. circle, hold a short bamboo tube in each hand [photo], and strike the ground while Other bamboo idiophones they sing [ ☉11]. Another type exists in Further south in Pentecost, this providential Pentecost. Longer, and played in larger plant is put to musical use in quite original numbers than in Merelava, these bamboos ways.

– 80 – Bamboo slit clappers They are widely used in the Banks islands, These are bamboos measuring roughly 3 feet especially in masked dancing performed by in length, in which the shaft has been slit young initiates – whether the young men’s on all sides. Dancers, two by two, clank the dance called utmag in Merelava [ ☉36] or the split half of their instruments together, as if spectacular neqet dance [photo] in Motalava fighting with weapons. [☉37]. In all these dances, the concussion of the dried nuts together accompanies the Bundle bamboo drum sharp striking of the small slit drums and the Another musical use of this plant in voices of the soloist singers, in a very cha - Pentecost consists in taking several 6-feet- racteristic musical soundscape. long bamboos, and tying them together into a large bundle. The resulting instrument is maintained above ground by two men stan - ding at each extremity, while four musicians – two on each side – strike it with wooden sticks. The particular sound of this instru - ment, which can be heard in ☉32, mingles the concussion of sticks on the bamboos with that of the bamboos together.

Rattles Known throughout the Vanuatu archipelago and beyond, rattles are made from the fruit of a specific plant: Pangium edule , a kind of nut whose shell is emptied and dried in the sun, before being threaded in bunches. Unlike other instruments, rattles are normal - ly played by the dancers rather than by the musicians: attached to their ankles, the bunch of dried nutshells rattles together with each step. These ankle rattles are used in most men’s dances in the islands of Pentecost-Ambae-Maewo [ ☉13], as well as in the women’s dance sowahavin [☉4, ☉12]. Ankle rattles for neqet dance (Lahlap, Motalava) © AF

– 81 – A rarer use of these same rattles is done by use in repertoires of modern-day musical filling them into a linen bag, which is then compositions. Indeed, church “chorus” shaken to produce a sound similar to that of songs, and of course string band music, wide - maracas. This type of rattle bag can be heard ly use guitars, ukuleles or the “bush bass” (a on Motalava, as part of the nawha titi kind of single-stringed tea-chest bass). In all orchestra [ ☉24–25; 27; 29]. This is the only the islands we visited, self-identified “kas - example of rattles being part of a group of tom” music has remained mostly imper - instruments played by musicians. vious to this strong presence of chordo - The name for rattles in the different lan - phones in popular modern music. The musi - guages is quite similar: Hiw ne ver̄ak, Löyöp cal bow is therefore the only chordophone nvayan̄, Mwotlap nowopyak , Vurës wōviriak , to appear in this album. Lakon väräk , Maewo varaḡe, Raga vaḡe , etc. all stem from the same radical *vaRage , Aerophones referring to the plant from which the ins - Aerophones are also rarely seen these days trument is made. in Vanuatu. Among what are locally consi - dered “proper” instruments, the only aero - Chordophones phones found in the region were bamboo Until now, no traditional chordophone had flutes of various forms, described in great ever been observed in Vanuatu – except for detail by Ammann (2012). These flutes are a very rare musical bow observed by the eth - mentioned essentially in the writings of the nologist Speiser around 1910 in Ambrym. first ethnologists at the beginning of the While it was believed to have disappeared 20th century (Speiser 1923). A few long completely, our investigations were able to flutes were also observed in the Pentecost prove the instrument was still in use in island in the 1970s (Crowe 1996, Huffmann Ambrym. Better, we discovered the existen - 1996). Although one can still find Ambrym ce of a similar but larger musical bow [photo flutes in tourist shops in town – all more or p.111], in the island of Hiw in the far north less the same, a long, straight or oblique of the archipelago [ ☉22]. The musician, a notched-end flute with two finger holes – man of 86 named Edward Pilis, is aware that this instrument has almost stopped being he is the last islander to know how to make used in the northern part of the archipelago. and play this instrument – one that is fast It is said that a man plays it in secret, in the disappearing – in Vanuatu. middle of Maewo. Despite this virtual The scarcity of chordophones in customary extinction, many people recall the former music vividly contrasts with their everyday existence of bamboo flutes of various shapes

– 82 – in the different islands – not only in Tanna the fact that specific local names for pan - or Ambrym, where they are still played to pipes exist ( tokak in the language of Hiw; n’o this day, but also in the Pentecost-Ambae- ravtepōr in Lo-Toga, literally “frail bamboo”) Maewo area. Edgar Hinge, one of the last tends to confirm their existence in the past. men capable of making flutes in Pentecost, The island of Maewo has a unique type of can make eight different types. In the olden whistle, called gove . Made from bamboo and days, he explains that each type of flute had measuring approximately 6 inches [photo], its specific repertoire: one for love songs, each whistle only plays a single note. one for songs of praise, another for witch - Performing a melody thus requires a set of craft songs … whistles played by two groups of musicians Our investigations in the Torres islands responding to each other: the first group brought back memories of panpipes, an ins - whistles and sings in alternation, and the trument also widespread in the neighbou - other group responds by a whistle only. The ring Solomon Islands (Zemp 1994), but rare - musicians are either children [ ☉17] or ly mentioned in northern Vanuatu (cf. women [ ☉30], for reasons we will see later. Ammann 2012). Here again, this small bam - This type of performance resorts to several boo panpipe only exists in stories, or in the musical techniques simultaneously: firstly, a accounts of a few people who remember hocket – as the two groups alternate short- seeing one several decades ago. However, lived sound effects, thereby forming a constant melodic line; secondly, an ostinato – defined by the repetition of a particular melodic-rhythmic pattern; thirdly, an alter - nation between blowing into the instru - ment and singing on a syllable. Finally, other aerophones exist in Vanuatu, but are marginal and not considered by practitioners as true musical instruments. Thus, the sea conch is known throughout the archipelago, but never accompanies sin - ging or dancing: it only has a signalling function. Also, although the small coconut leaf bullroarer [ ☉35] qualifies as an aero - phone, it is merely considered as a child’s Esta Rotili blowing a gove whistle (Maewo) © MS toy, devoid of the prestige of a true instru -

– 83 – ment. Conversely, it is possible that larger sion board [ ☉24–25; 27; 29]. In the three bullroarers exist in the region, but if this is islands where it is known, the instrument is so, they are considered secret instruments, literally named “slamming of the Spirits” reserved to the initiated – and cannot be fur - (natmat-woh in Mwotlap, ntamat-wos in ther commented on here. Löyöp, timiat-wos in Vurës, ’ama-wos in Vera’a and Lemerig), thus assigning a super - Membranophones natural origin to the muffled echoes of this Membrane instruments are also extremely drum. rare in Vanuatu. We did, however, observe two specimens during our research. The dancers’ bodies First, the island of Maewo still uses a headed Among sound-producing devices, one can drum, but its manufacture is only known to also mention the clapping of hands and a handful of individuals. This drum is called feet, the vibrations of which contribute to taḡura , or “sago tree”, after the name of the tree from which it is made. This instrument is taboo, and used for an exceptional cere - mony, Ḡwatu ta Baruḡu, after which it must be destroyed. The northern part of the Banks islands also uses a headed drum made out of a sago tree. Once the pulp has been hollowed out from its trunk, one obtains a tubular shape of about 5 feet long and 16 inches in diameter. One end is covered with plaited sago leaves, stretched taut and fixed in several layers, covered in turn with a pandanus mat. The drum is planted in the soil, and played about 3 feet above the ground. This drum has a restricted use, but is played in conjunction with other instruments, exclusively as part of a specific musical ensemble called titi [p.112]. Striking this drum regularly with the fist or palm pro - duces the bass line, along with the percus - The natmat-woh single-headed drum (Motalava) © AF

– 84 – the soundscape during performances. This sounds can be heard – echoes of the waves, dimension is particularly well represented in cries of the lorikeets, rustling in the live recordings, which are the focus of this leaves… Such sound sensations are often album: the shouts and gestures of the dan - evoked, as we will see, in song poetry. In cers are just as essential as the musicians’ such a context, children and adults will performance itself. naturally find around them excuses to play Sev eral recordings of dancing feature the sound games. sound of footsteps. These stand out particu - The women on the west coast of Gaua, in larly during a cappella singing: thus, the leng the village of J ōlap, play water games [ ☉2]. style in Gaua [ ☉3], performed without any A group of five or six women stand in line or instrument, emphasises the dancers’ rhyth - in a circle in the sea or the mouth of the mic steps [photo p.102]. On other occasions, river, with water up to their waist [photo dancers accentuate their steps with ankle p.101]. At the leader’s signal, they slap the rattles, like in sowahavin in Pentecost [ ☉4] or surface of the water simultaneously or alter - the neqet in Motalava [ ☉37] . nately – to a rhythm either fast and light, or But it is the sawagoro style [ ☉5–6, ☉8] that heavy and slow. shows the musical potential of the human Other sound games are present in this body at its best. Whether it is called sawa - album, most of which use leaves or plants. goro or sawako , this repertoire belonging to Sometimes, a dried leaf is simply slapped on the Pentecost-Ambae-Maewo islands is to a hand [ ☉20]. In Merelava, a coastal shrub characterised by the absence of any musi - provides walkers with a leaf that one splits in cal instrument apart from the human two and vibrates between the lips, like a voice, and the hands and feet of the dan - kazoo [ ☉10]. In Motalava, children love to cers. While the feet stamp on the ground make whistles or bird calls from a young on the beat, hands clap on the offbeat, coconut leaf. In Gaua, the same leaf turns altogether forming a relatively rich collec - into a Jew’s harp [ ☉1]: its stem is vibrated tive instrument. against the mouth, which serves as a resona - tor [photo next page] – following the same Sounds for entertainment principle as the musical bow [ ☉22]. In other Vanuatu islanders have only partially mas - examples, the leaf becomes a bullroarer that tered their environment, and still see it as is swirled up in the air [ ☉35]. ground for exploration. During a hunt in In spite of their sometimes bewitching beau - the forest, an expedition into the bush gar - ty, these instruments are only given secon - dens, or a fishing expedition, thousands of dary status by the performers themselves.

– 85 – They are considered mere sound games, devoid of the prestige of “true” instruments.

Signalling function In addition to their musical value, certain instruments sometimes have a symbolic or signalling function. In Maewo, gove whistles act as signals during men’s initiation per - iods. When a group of non-initiated – whether children [ ☉17] or women [ ☉30] – walk through the forest, they are likely to approach the sacred initiation enclosure, the exact location of which is unknown to them. The non-initiated blow their whistles in order to signal their presence to the hidden men, and make sure they remain in hiding. A similar signalling function is played by the sea conch ( Charonia tritonis ). It is blown Susi Rosur playing the Jew’s harp (J ōlap, Gaua) © MS to signal an important event to the popu- lation – for example, to gather together an ved in certain societies of Central Africa entire village to a celebration or prayer, or (Arom & Cloarec-Heiss 1976) or of the announce the death of an important chief. Solomon Islands (Zemp & Kaufmann 1969). Formerly, this latter role was also fulfilled by the large slit gong, the powerful sound of Mimetic function which was exploited to spread such news to The death of an important person some - a whole region. Such practice appears still to times brings about quite a different type of be in use in Pentecost, Ambae, Maewo and sound. In the southern Torres islands, this Malakula (Ammann 2012), and remains as a kind of event, called tëmrega , happens five remembrance on the west coast of Gaua. days after the death of the person; it takes Some people in the village of J ōlap report the form of a strange and impressive sound that a specific drummed rhythm would phenomenon, which people describe as the mimic the intonation of the sentence Too “voices of the Dead”. While this sacred maranaga ēn mät! “The chief is dead!” This sound can be heard by anyone, its secrets process recalls the “drum language” obser - are known only to male initiates.

– 86 – The island of Merelava, in the southern the Banks islands, this polyrhythm is perfor - Banks, has a similar funeral ceremony, cal - med using a single drum [ ☉33–34]. The titi led newertiang “Cries of the Spirits” [ ☉41]. orchestra [ ☉25] also combines distinct Although we were authorised to record the rhythms of several instruments: percussion ceremony, we respected the taboo surroun - boards, slit drums, headed drums, and ding it and therefore did not explore the rattles. exact nature of the instruments used. All we In the absence of a melodic instrument such know is that the sound phenomenon produ - as finger-hole flutes, the melody is generally ced is a series of overlapping layers of provided solely by the singing. sounds, using either aerophones or rubbed idiophones (cf. Codrington 1891:79). The Songs result is a particularly awe-inspiring sound - While certain pieces are purely instrumen - scape, seemingly coming straight from the tal, most include singing. Some genres, world of the Dead. such as lullabies [ ☉18, ☉23], nursery rhymes [ ☉19, ☉21] or songs of praise, are Musical forms generally performed a cappella. But more Rhythms and melodies frequently, a song is meant to take part in Most of the instruments we have seen do an instrumental performance, generally in not lend themselves to melodic variations: association with dancing. While they are whether one considers percussion instru - designed for such a musical performance, it ments, headed drums, rattles, whistles or also happens that the same songs are per - hand clapping, their musical contribution is formed unaccompanied [ ☉26, 28], either often limited to a single pitch. Their value during learning sessions or at other leisure lies in their particular timbre, as well as their moments. high potential in terms of rhythmic pat - Some songs are sung by a single person – terns. either an individual, or a soloist in a group. The family of sawagoro dances is characteri - On other occasions, singing may take the sed by the absence of instruments per se, form of a choir, where a whole group – and by an original rhythmic alternation: often coinciding with the musicians or foot tapping on the beat, handclapping off - dancers – sings the same poem simulta - beat [ ☉5–6, ☉8]. neously. Polyphony is quite rare, and the Percussion groups are often polyrhythmic. main technique in use is to sing in unison Thus, slit drums played in Pentecost, Ambae (homophony). This is particularly the case and Maewo produce multi-part ostinatos; in for a “song of praise”: on the day of the

– 87 – inauguration ceremony that finally reveals it to the dignitary who commissioned it, the song is sung a cappella by a choir of about thirty people (Wittersheim 2009). But the most frequent form in northern Vanuatu is no doubt the responsorial form, involving an alternation between a soloist singer and a choir. This can be observed with the leng of Gaua [ ☉3], the sowahavin [☉4, 12] and the sawagoro of Pentecost, or the nawha titi songs of Motalava [ ☉25, 27, 29], among others. The newēt style practiced in the Torres Islands [ ☉38–40] uses a specific singing technique, a kind of vocal “hocket” that is reminiscent of the technique we described earlier for the gove whistles of Maewo [☉17, 30]. When singing a newēt song, two groups sing and alternately respond to each other: “O ho, Ohe o – O ho, Ohe o” … Simultaneously, and with a much lower voice, a soloist bursts into a secret song, barely audible. This is how the melody sung by the newēt soloist ends up being muffled by the musicians’ panting cries [☉40] – the seeds of polyphony, rarely found in this region. Peretin Wokmagëne singing the newēt (Lo, Torres) © AF Finally, a very unusual technique is the one found with utmag dances of Merelava words of the songs. These words do exist, [☉36] and neqet of Motalava [ ☉37]. but because of their taboo nature, they Because knowledge of these masked dances cannot be uttered out loud. Instead, the is reserved solely to men belonging to song is mentally sung by the dancers, who secret societies, non-initiated spectators use it as an aid to synchronise their silent are strictly forbidden from hearing the choreography.

– 88 – Scales and melody About musical genres Like in many other musical traditions in The islands of Vanuatu have always sustai - the world, melodies of Vanuatu do not have ned economic, cultural and matrimonial an absolute pitch. What the musicologist relations with each other. They form entan - observes is the relationship between the dif - gled social networks through which a num - ferent sounds, especially the intervals. If we ber of linguistic, mythological and musical analyse our recordings, we find a large forms have been exchanged over the gene - diversity of melodies, despite a small num - rations, and are today found in several ber of notes and intervals. This diversity islands. With regard to music, one observes can largely be accounted for by the high the recurrence, for example, of certain spe - number of scales used. cific songs, certain melodies, passed on All the music we have analysed is based on from village to village and from island to an anhemitonic pentatonic system, which in island, with enough nuances in their detail principle consists of a five-degree scale for them to acquire local anchorage. It is without semitone interval [ ☉5–7, ☉13, not only individual pieces that are shared, ☉21]. In fact, the internal structure of a pen - but sometimes entire musical genres, with tatonic scale can be made more complex – by all their formal complexity. juxtaposing scales, or adding passing notes – Each genre combines a specific ensemble of or indeed more simple, if certain degrees are instruments with a precise repertoire of omitted. Also, the scale can include semi - rhythms and melodies. Musical genres are tones through the addition of ornaments, or distinct from poetic genres, which are the substitution of degrees. Overall, the scalar determined by the form of the text itself. system of Vanuatu shows an impressive weal - However, ties do exist between the two th of melodic scales, going from chains of genre systems. For example, on the west thirds [ ☉8, ☉19] to hemitonic scales in coast of Gaua, a poem of the sārsērbō genre which the semitone interval forms integral is normally associated with the musical part of the melodic structure [ ☉10–11, ☉25]. genre called leng . A given musical genre will As for intervals, they are mostly conjunct be associated with certain dance steps, and within their particular scale. For example, in with certain categories of performers (men, a scale such as C–D–E–G–A, the E–G interval women, young initiates…). Thus the leng is a conjunct interval, because F does not genre is a women’s dance, played especially exist in the scale used. The wide range of at weddings, and which involves a soloist, a possibilities accounts for the large number crier and a group of female dancers [ ☉3]. of combinations and melodies observed. Each community has a repertoire of around

– 89 – fifteen distinct musical genres. Those on The art of song poetry Motalava, for example, include: noyongyep Songs are not just music: they are also [☉14–15], namapto [☉16], nalangvēn , nawha poems. In fact, there is no poetry in titi [☉24–29], turbal [☉33–34], namag , nem̄e , Vanuatu that is not sung. The linguist in our neqet [☉37]… Most of these are also to be team was able to explore a domain as yet found in the other islands of the Banks undocumented: the oral poetry of Vanuatu. group, under slightly different names and forms. The further one travels from that area The language of the songs – either north or south, within Vanuatu – Traditional songs all present an important the more different the repertoires. linguistic characteristic: they are composed The selection presented in this album in a specific, poetic language distinct from emphasises the diversity of musical genres, ordinary speech. This “song dialect” differs from both a geographical and aesthetic from one island to another, and does not standpoint. We will discover the newēt songs correspond to any actual spoken language; of the Torres islands; the genres leng , nombo, it is rather a literary register reserved for newertiang, mag, qat, noyongyep, namapto, learned poetry. turbal , as well as the titi songs of the Banks In certain areas such as Gaua or the Torres islands; and further south, the sawagoro , islands, the gap between songs and normal sowahavin, ka, baraté, gove, bilbilan , and speech is only slight: it is characterised at mantani genres in the province of PENAMA . most by the choice of a literary vocabulary, These different styles will be presented in or various forms of poetic licence – just detail in the description of each piece, at the enough to provide the lyrics with a poetic end of the booklet. flavour, but without hindering comprehen - Only those genres with a precise name and sion. In some islands, however, the differen - specific rules are cited here. But this album ce is so great that the meaning of entire also includes other musical activities locally verses, or even of the whole song, is incom - endowed with lower prestige, and lacking a prehensible to the non-expert. This is the specific name or status: this is particularly case in Motalava, where the texts of songs the case of sound games (water games, Jew’s are so cryptic they are perceived as a totally harp, kazoo, bullroarer, musical bow), or lul - distinct language. labies and nursery rhymes… These styles are Whether the poem is a dancing song, a considered by their performers as mere per - lament, a verse sung in the middle of a nar - sonal entertainment, and lie outside the for - rative, or a children’s nursery rhyme, the mal system of musical genres. meaning of a song in Motalava is only

– 90 – partly understood by the ordinary villager, and remains surrounded by mystery. Only a handful of men and women, among the elders and the most knowledgeable, are capable of deciphering a poem in full. As for the highest degree of knowledge, name - ly the ability to compose a song in this poe - tic register, this is reserved to the very few poets of the island. They alone, as fledgling poets, were handed down from their elders, over many years of instruction, the very special art of composing in the language of poetry. For a poet to master the language of songs requires a sound linguistic erudition and a substantial literary culture, enabling him to compose the most appropriate turns of phrase and metaphors. The artist who com - poses the poem is also the one who chooses Tatley Sekson during the launching of a song of praise the melody: a good poet therefore needs to (Toglag, Motalava) © AF know the wide range of genres that form his tradition’s repertoire. he has “anointed his body with poetic This talent is seen as a gift of the Spirits, a talent”, and that he is now “clairvoyant in true magic power ( mana ) capable of provi - song language”. ding artistic inspiration and accomplish - ment. It is a complex knowledge, transmit - A journey into time and space ted from generation to generation by the The names given to this song register recall master poet to the disciple of his choice. its links with the universe of myth: it is This transmission takes place during secret referred to as “the language of the past”, encounters, which associate actual tuition “the language of the Spirits”, or “the lan - with magic rituals. Similar forms of instruc - guage of Qet” – after the name of the mythi - tion are sometimes carried out among cal semi-god of the Banks islands who crea - secret societies, reserved exclusively for ted the world. The very special words of male initiates. It is said of a new poet that song poetry are thus considered a distant

– 91 – emanation of the founding Ancestors, the A universe of poetry primeval gods. This link with the world of As much for its phrasing as for its meta - Spirits is not only perceptible in the themes phors, its vocabulary as much as its themes, of the songs, but also in the actual form of song poetry has a beauty of its own, distinct the words. The poetic language shows a pro - both from prose narratives (myths, tales, nounced taste for ancient times, using legends) and from modern “ string band ” archaic turns of phrase and grammar, songs, which are associated with the topics, ancient vocabulary or even consonants that languages and instruments. Even though have long disappeared from modern-day the styles and themes of various song genres conversation, yet still subsist in songs. display internal diversity, it remains possible Lyrics also mingle words from neighbouring to define some sort of aesthetic unity shared languages. This is how a single song can har - across the whole range of styles. A children’s bour words that hail from various islands in nursery rhyme, an old song of war, an ode the archipelago – in much the same way as in honour of a great chief, or a love poem Homer’s epics, whose verses would always turned into a dance song – despite their interweave various Greek dialects. many differences, all these literary genres As they combine sounds from the past with appear to entertain the same relationship to words borrowed from neighbouring islands, time and space, the same underlying per - the poetic registers of northern Vanuatu ception of the world. reveal the two main facets of their beauty: a If one had to illustrate the aesthetics of taste for archaism as well as for exoticism. Vanuatu’s song poetry in a few words, one This twofold journey into time and space could think of three essential ingredients: constitutes a complete rupture between poe - nostalgia for yesteryear and for the nobility tic style and everyday prose – a rupture of the Forefathers; fascination for natural conducive to an aesthetic reverie. forces and the sensations they provoke; sen - The lyrics of songs are often cryptic even to sitivity to heartfelt emotions. the singers themselves, and are only revealed after a thorough exploration into their mea - Nostalgia of a lost world ning. In addition to the rarity of the words, Song poetry constantly endeavours to trans - the opacity of poems also lies in some unu - figure the prosaic reality of worldly matters – sual metaphors and other literary tropes, those before our eyes – into a dreamlike, which most younger speakers will find enig - legendary universe clouded in mystery, matic. But once unveiled, the hidden mea - where fantasy wanders freely. Thus in ning of songs opens up a whole new universe. poems, human characters often “fly” ( sal )

– 92 – rather than walk. Their bodily presence is The following song, dedicated by the poet to sometimes little more than a “voice” that the important man who commissioned him “resounds”. to compose it, omits none of the Great Very often, this transfiguration of reality Man’s decorum from ancient times: the through poetry calls upon references from ivory armlets of curved pig tusks, symbol of the past. The characters encountered in the great prestige and wealth, so numerous that universe of songs do not resemble the earth - they clank together; the long strings of ly men of today. Rather, they constitute a money made of seashells; or the stone plat - fantasy version of ourselves, dreamlike sha - form from where high chiefs would stand dows evolving in an ancient world, both uto - before the crowd: pian and legendary. They appear to be naked, or simply clad with leaves. They only There you stand hearkening eat and drink the plants of olden times – clanking your power yam, taro, kava. Living off of their gardens, clanking your armlets hunting and fishing, they sustain in a won - clanking the stones of your platform derland, in which the only social structure is Your voice has found its way to me that of chiefdoms of times gone by, and the the crowd is gathered around you only known deities are mythological heroes my singing will bring you to the sacred money or ancestral spirits. [Song of praise, Motalava] A great number of songs feature chiefs from the past, endowed with magical powers and Here the song plays the role of a monument sacred leaves, their biceps adorned with pres - – which Mwotlap poets describe with the tigious armlets made from pigs’ tusks. This term namawlōn “memorial”. The man who ancient world is in fact coherent with the commissioned it goes down in posterity archaistic aspects of the poetic language itself, with this commemorative song, like a whether through its sonorities or its literary Florentine prince earning fame from a vocabulary. As an example, the words “man” heroic portrait. and “woman”, too pedestrian, are replaced in songs by rare, ancient terms, referring origi - Fascination for nature nally to high-ranked men ( wegut ) and women Many poems glorify the natural elements, (m̄ōter ) – as if all men were “knights” and all with extra fervour in face of nature unlea - women “dames”. Similarly, houses become shed. Torrential rain, tidal waves, cyclones, “palaces” ( gemel ), and wealth is measured in erupting volcanoes, are themes par excellen - pigs, mats, or strings of shellmoney. ce for songs.

– 93 – Some of these literary depictions recall This celebration of Nature is typical of the actual historic events, witnessed by the poet poetic genre called “titi” [see p.112]. These himself. For example, the poem Hurricane , short poems, of only a few lines, feature the heard in Gaua in 2003, was reportedly com - force and beauty of the elements in a power - posed after the “Wendy” typhoon that hit ful, concise manner – as in the short song the region in 1972 [ ☉3]. Another example, Waterfall: the song Earth tremble , which we transcri - bed in 2007 in Hiw, relates a memorable Cascade and vapours of fire earthquake that occurred in 1997: o e a e o e — o e o a e a e Geyser gushing out of the volcano Dark was the night on the island O e o e, a e o e o e — ooo Lying I was upon my bed [Waterfall, titi song , Motalava] From afar I could feel the shaking of the ground shaking afar on the island shaking all around the island (…) [Earth tremble , newēt , Hiw]

In this society of oral tradition, song poetry plays, once again, the role of a memorial. Without these songs, the recollection of such memorable events would hardly be passed on to future generations. At other times, songs celebrate the elements as such, like a timeless ode to Nature’s powers.

I am lying and listening hearing sounds all around The breakers keep roaring upon the western cape They shatter on the reef and pull back to the deep And as they slam the cliffs and pound their echo resounds all over the land [The roaring breakers , Motalava] The great waterfall of Gaua © AF

– 94 – The reader is here referred to the poems Rain From sensation to emotion [☉25], or Volcano [☉29] below. Several of Nature’s charms and powers are not so these poems feature the same verbal com - much mentioned for themselves as for the pound sol dun̄, literally “flow bang” in the sensations – visual, auditory, olfactory or poetic language. This expression has no tactile – they induce. Songs teem with sen - equivalent in the spoken language, but sory impressions: the reflection of the forms a poetic topos in the song language of morning sun in a raindrop, an intoxica - Motalava: it captures the contrast between ting smell, a shaking ground, a heavy the normality of a running liquid ( sol stone, or the sounds of slapping, rum - “flow”), and the surprise caused by the bling, thundering, rustling in the bushes. sound of a sudden shock ( dun̄ “bang”). For These physical sensations are prone to example, in the poem The roaring breakers turn into emotions. This is when a poem, cited above, sol dun̄ conveys the force of the often expressed in the first person singu - waves shattering loudly onto the reef. In lar, becomes lyrical, centred around the Volcano [☉29], the same term evokes the poet’s own feelings. lava “flowing” and “blasting” as it suddenly The Hurricane song [see the text of the cools off in contact with the sea. Elsewhere, track ☉3] interweaves the depiction of the compound sol dun̄ renders the force of the hurricane itself with its impact upon torrential rain [ ☉25], or the power of a huge the soul’s feelings – particularly, the dis - cascade. This is just an example, among tress in face of the damage caused by the many, of the way the poetic tradition of nor - disaster. thern Vanuatu can make the most of a spe - In the Torres islands, people still remem - cific theme or motif, adapting it from one ber the violent conflicts that used to text to another, based on a verbal com - oppose villages just a few generations ago, pound that only exists in song lyrics. as well as the heavy tribute they would Reference to Nature is made not only to inflict on families. This newēt song from describe its most dramatic aspects – Toga island recalls the days, at the end of earthquakes, eruptions, floods – but also the 19th century, when the villagers of for its more subtle charms. The titi poem Liqal waged war upon the people of Litew. Liana Flower [☉27] glorifies a flower’s per - The poem compares the violence of war - fume. And numerous songs are dedicated fare to the force of an earthquake, but to birds – swallow, heron, albatross…; see also has the lyric tone of an elegy to the the poems Rail bird [☉16]; The Tattlers dead: [☉18]; Scrubfowl [☉28].

– 95 – It was like an earthquake I feel so lonely; I am the odd one out we were all tremulous alone I am, forlorn I am they defied us and up we rose hadn't I come here to meet you? (…) O youngsters o (…) but then darling you lied to me proud cockerels now departed about the gifts you would give me deceased all over the country (…) Now with these words I’m cursing you dead at the foot of mount Ghuto straight through to your heart dead on the top of mount Litogh as long as you refuse dead all the way to L ēmoro to spend the night with me all dead, all vanished forever! [The missed rendezvous , Motalava] (…) There's only one echo it’s the sound of sorrow Wō wē a ē At times proud, at times nostalgic, admiring Poisoned arrows fly away with the Dead or sad, or enthralled by an overwhelming [A war threnody , newēt , Toga, Torres] power, the original poets survive through the emotions of their lyrics. And when their names have been forgotten over time, they In a more intimate style, a poem from Gaua become present again, as it were, through the mourns the demise of a loved mother. The voices of those who sing their songs today. ocean here becomes a metaphor for death: All in all, the three constituent dimensions of songs plough the same furrow. In its multiple And here I stare at the ocean forms, song poetry relentlessly praises the The tide’s pulling into the bay enchantment of a timeless, fantasy world, Mother the sea lies between us evading the hazards and trivialities of present- You will be remembered day uncertainty. A few syllables pronounced only through my singing in the song language, and suddenly we find [Elegy for a mother , leng , Gaua] our minds transported into a mythical golden age, in which the nobility and elegance of the Forefathers is only equalled by the beauty of Certain sentimental poems are said to be Nature’s elements and the force of senti - autobiographical – even when the identity ments. Poetry brings about the delight of of their original author has fallen into obli - wandering, eyes closed, in such an ideal vion. This is the case, for example, of this world, aware of every sensation and heart - lament for an unhappy love: beat. This sort of poetry is truly romantic.

– 96 – A musical journey ge songs and dances are often performed by The 41 pieces presented in this record aim to groups of the same sex: women [ ☉3–4, ☉7, recreate the various musical atmospheres ☉9, ☉11–12], or men [ ☉5–6, ☉8, experienced by Vanuatu people in their ☉13–16]. However, the public is always lives. Care has been taken to present these mixed, and it is even common for women pieces in a specific order, following an aes - and children to join in certain dances by thetic and musical journey that imitates the forming a second circle around the male passage from one place to another in the musicians and dancers. This is especially course of a lifetime. true of the noyongyep and namapto genres in The first two pieces outline a landscape. We Motalava, or sawagoro in Pentecost, Ambae walk through the forest to the sound of a and Maewo. solitary Jew’s harp, to which a distant owl hoots in response [ ☉1]. Back on the shore, Walking in the forest at the river’s mouth, the women from J ōlap Festivities are now over, and the journey start smacking the water with their hands goes on to a peaceful sequence [ ☉17–23] as [☉2] as a recreation. a group of children follow their mother uphill, on their way to the garden. First we Celebration dances hear the gove whistles of Maewo [ ☉17]: Now back into the village, they start sin - these small, single-note bamboo flutes are ging the song of the Hurricane , beating the played by a group of women or non- ground with their footsteps. This marks the initiated youths whenever they walk beginning of village festivities. Whether through the forest during times of male ini - they celebrate weddings [ ☉5, ☉7–9, tiation. The sound of their whistles is ☉14–16], end-of-mourning ceremonies meant to signal their presence to the seclu - [☉6] or other festivities, these moments of ded men, whose location must remain singing and dancing enable the whole com - strictly secret. munity to gather on the central village clea - The mother needs to work the land; but ring, and together celebrate in joy. It is not first she tries to get her youngest child to a mere coincidence that the term laklak sleep by singing a lullaby [ ☉18, ☉23]. Not “dance”, in the languages of the Banks very far off, the other children are busy islands, has the same root as the word ma- playing with a leaf [ ☉20], or singing nurse - laklak “be happy, rejoice”. ry rhymes [ ☉19, ☉21]. An old man, resting In accordance with the sexual division of in front of his house in the village, plays his labour that prevails in Vanuatu, these villa - musical bow [ ☉22].

– 97 – The women’s dance rurumbë (Hiw, Torres) © AF

Titi songs: poems for dancing A tribute to Great Men The next pieces bring us back to the central The secular world of the village, with men area of the village, where the nawha titi and women of all ages, contrasts with the orchestra from Motalava is starting a new closed circles of important chiefs and performance. The songs of the titi musical dignitaries – those known as “Great genre are often short odes about the forces Men”, invested with superior prestige and of nature and the beauty of the world – status. The boundary between the two whether an ode to rain [ ☉25], to the forest worlds is symbolised here by the whistles [☉27], or to the power of volcanoes [ ☉29]. from Maewo, this time played by women The island of Vanua Lava claims the pater - [☉30]: it is the last time they will be nity of this musical genre, known locally as heard in this record, as they hand over to sēwēes’i’i ; this island is represented here by the imposing and almost sacred world of two poems sung a cappella [ ☉26, ☉28]. initiated men.

– 98 – This is when the grade-taking ceremonies custom of using the slit gong nokoy on great begin, those solemn days in which a hand - occasions, involving important people – for ful of men, after displaying their riches by example when celebrating the wedding of sacrificing a great number of pigs, are publi - the Anglican bishop’s son [ ☉33–34]. cly invested with a higher rank among the ten or twelve that form the political scale. The deep growling of the Ancestors This rank system, sometimes referred to as The mention of Great Men leads naturally suqe, is still very much alive today in cen - to the mysterious world of ancestral spirits. tral-north Vanuatu. It mobilises a lot of Half-men, half-demons, spirits are present energy in the island of Pentecost – under in all aspects of traditional society (François the names bolololi in the north [ ☉32], leleu - 2013). tan in the central area, warsangul in the The ghosts of our ancestors are never far south [ ☉31]. away: they live on all around us, and guide In the Banks islands, this tradition has the lives of mortals. Only the initiated have declined over the last century, and the access to their universe, their secrets, their ancient dance ceremonies survive essential - language. Some men endowed with super - ly in remembrance and tales. Motalava has natural power – shamanic healers, sooth - however kept from those olden times the sayers, sorcerers – can even interact with

A spiritual stele dule in the forest (Toga, Torres) © AF

– 99 – them in their world ( Panoi ). These “wise and qat (in the Motalava version called men” then come back to the world of the neqet [☉37]). One can hear the trampling, living ( Marama ) to display their discoveries. the jumps, and the high-pitched cries of Announced by the humming of a Jew’s the dead ancestors who have come to para - harp [ ☉35], the final part of the album de in public. Later, the newēt songs of the attends to the sounds of these ancestral spi - Torres islands bring in the hoarse voices of rits. Sometimes, they enter the dancing initiated men, powerful enough to cover area, dressed in their best attire. Their the secret melody sung by the soloist strange voices, a blend of screams and deep [☉38–40]. Finally, this musical journey rumbles, reach out to us from beyond the ends with a very strange piece – the shrie - grave. The two main masked dances of the king, eerie lament of the dead, who briefly Banks islands are represented here: mag (in come to haunt the living before disappea - the Merelava version called utmag [☉36]) ring again in the night [ ☉41].

THE PIECES

☉1. Jew’s harp Here, the performer, Susi Rosur, is playing a  MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) lullaby. She modifies the shape of her mouth  Susi Rosur while mentally rehearsing the lyrics.  Jew’s harp A device meant for personal entertainment, ☉2. Water games this Jew’s harp is made out of a coconut leaf  AF – 17.8.2003 – Qtevut (Gaua) and its stem. A leaflet is detached from the  Matauli Rowon, Flore Rovan, Wini Roval ēs, Sera palm and adjusted so as to measure roughly Frenda, Seli Roval ēs, Melin Rotal 12 cm. It is placed against the mouth, the  hands, water underside of the leaf facing out, with another This is a rhythmic game played by women fine coconut leaf midrib placed over it, standing in water, sea or river, up to the slightly longer than the leaflet. This stem is waist. No object is used: all the sounds pro - pinched with one finger [photo p.86] and the duced result from the different ways hands mouth serves as a resonator. The instrument and bare arms hit the water. Each rhythmic has no name in the local language, and is phrase is a combination of different gestures simply referred to as playing with a leaf. The upon the water, each having a precise name term susap , sometimes heard, is a recent bor - in the Lakon language of Gaua’s west coast. rowing from the English name Jew’s harp. A hand may “caress” ( häräv ) the surface of

– 100 – Water games in the river (Qtevut, Gaua) © AF the water, “slap” it ( wes ), or “smack it shar - Referred to on the west coast of Gaua as ply” ( vuh tēqēl ). A light sound may be pro - wespang , water games are not considered duced by putting just two fingers into the part of “real” music like other genres. water ( gisgis ) and a heavy sound by sud - According to Matauli Rowon herself, this denly plunging both fists ( wej ). The leader’s activity is a pastime she allegedly signal ( puow ) indicates a sequence is about (re)invented back in 1983, while she was to finish. A sequence may be played twice: washing clothes in the river. She took her the first time together, and the second in inspiration from a similar practice (called two staggered groups – like a canon – resul - ëtëtung in Mwerlap language) she had ting in a two-part polyrhythm: this is the observed in her childhood on her native case for sequences 2 and 3 in the recording. island of Merelava.

– 101 – These southern Banks Islands water games on the spot, each dancer projects her heels have roused enthusiasm among foreign visi - backwards [photo]; the heavy thud of the tors. In the past few years, a group of women feet on the sand combines with the women’s from Gaua and Merelava have been invited energetic whistling ( wasul ). This frenzied to perform not only in the capital, Port-Vila, dance ends with a loud cry of joy “I yo yo but also in international festivals. As they yo!” before the final dispersal. enjoy more and more popularity, these water The song is a poem of the sārsērbō genre com - games also gain in sophistication. The style posed by Jonathan Weval ēs, father of the is developing, and new musical pieces are soloist Susi Rosur. It commemorates the power created each year. If it is to be called a “tra - of the Wendy cyclone that hit the archipelago dition”, as is sometimes heard, it is one that on February 3, 1972. Sung in Olrat, an ancient is being (re)born before our very eyes. language almost extinct today, the poem mingles epic and elegiac elements: CELEBRATION DANCES A cyclone has ravaged our country ☉3. Leng: “Hurricane” our bones are still shaking  AF – 15.8.2003 – J ōlap (Gaua) and the sorrow  Susi Rosur + women from J ōlap is taking hold of me for my offspring  vocals, cries, whistling, feet (…) It rose up to the top of our great volcano Throughout the Banks islands, the leng dance and then it slipped down to the lands is associated with women. In its nalangvēn wreaking havoc and ripping our country version from Motalava, dances are executed and off it fled, behind the clouds by women, yet the singing and instruments remain the men’s domain. In Gaua, however, the leng event is entirely feminine, both for the singing and the dancing. No instrument is used in the performance recorded here. A long verse, sung ( ähäh ) a cappella by a female soloist, is “supported” (tam) by the singing dancers, and ends with a long high-pitched cry ( puow ) made by the crier. Upon this signal (at 1’08” in the recor - ding), the dancers begin a step called räs , which is typical of leng dances: as if running

© AF hooking on to the bones o’ the Dead made from bamboo held by the two dance in the Weresur Hells leaders, and rattles worn around the dancers’ drifted down to our Lake and to our Volcano ankles. Bamboo stamping poles are also used it’s all shaking occasionally [ ☉12]. it’s all shaking in our country Wearing a red mat in lieu of a skirt, each (…) Sorrow has overcome all of us in this world dancer comes forward in rhythm, holding a in a thousand places long pole with a sculpture carved especially o Hurricane for the occasion, representing a boat, an o Rain falling till night airplane, a fish etc. The dancers form two Thunder dashing and bursting in the clouds or more columns winding, mingling, and the ocean is roaring and crashing on the land crossing back and forth on the dance arena. and the ground keeps quaking The shouts heard in this performance are we’re startled by its jolts the cheers of the men who dance around Our land’s collapsing all over the women dancers, raising their arms in a faraway collapse excitement. that keeps coming closer (…) [Hurricane , sārsērbō, Jōlap, Gaua]

☉4. Sowahavin: a women’s dance  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost)  women from Laiwori  small bamboo slit drum; rattles, vocals The sowahavin (from havin “woman”) is a women’s dance from the centre of the island of Pentecost. It takes the form of public per - formances during important events: men’s grade-taking ceremony, inauguration of a new men’s house ( nakamal ) or church, visit of a politician, ordination of a priest, chil - dren’s communion, or festivals. The sowahavin song always takes on the same responsorial form, between a female soloist and a choir of other women. The instruments Vaena, Lesanti, Ruth in their dance outfit accompanying this dance are two slit drums (Barunguringi, Maewo) © MS

– 103 – The sawagoro In the middle of the dance, a group of male The sawagoro is a common genre in the initiates who know the songs form a small islands of Pentecost, Ambae and Maewo circle facing inwards. Each song takes a res - which form the PENAMA province. Known ponsorial form: two soloists sing the verses locally as sawagoro, savwagoro or sawako , this alternately, while the other participants musical form has always circulated among respond in chorus with each refrain. A these three islands, in the wider context of shouted signal marks the end of the song, their social (weddings, economy) and cultu - and another one the start of the following ral exchange (legends, songs, dances). This one. As for the outer circle, it is open to eve - explains why the same sawagoro pieces are ryone – especially to the young boys and sometimes found in several islands, with just girls who want to join in the dance. The a few changes in the text or the melody. The crowd of dancers is often so dense that it various communities constantly recreate hides the small group of singers in the each other’s songs, intermingle their poetic centre. languages, adapt the contexts of their Themes of the songs are varied. They may dances, and borrow other elements. be mythological stories narrating the noble The sawagoro is a joyful dance. In Ambae and deeds of Tagaro, the mythical hero common Pentecost, it is performed at weddings [ ☉5, to all three islands; they may refer to histo - ☉8], or grade-taking ceremonies. In Maewo, ric events such as a cyclone or volcanic it can be performed to end a mourning per - eruption; they may celebrate nature or life iod [ ☉6]. Another variation, called sawagoro in the village. In some instances, the words longo [☉7] in northern Pentecost, is perfor - of a song may be partly improvised, in rela - med exclusively by women. tion with the bride and groom. A sawagoro sequence generally begins at dusk, and continues until sunrise. Through- ☉5. A wedding sawagoro out this whole time, no song can be sung  MS – 3.5.2005 – Longana (Ambae) twice – which goes to show how rich the  men from the Longana area repertoire is. The main characteristic of the  hands, feet, vocals sawagoro is the total absence of instrument. The song, sung a cappella, is accompanied ☉6. End-of-mourning sawagoro by feet tapping on the ground on the beat,  MS – 3.6.2005 – Umulongo (Maewo) and hands clapping on the offbeat. This  men from Kerebei results in particularly energetic and lively  hands, feet, vocals performances.

– 104 – A sawagoro night session (Umulongo, Maewo) © MS

☉7. Sawagoro longo the very leaves in which the longo was  MS – 12.10.2000 – Asaola (Pentecost) cooked. These leaves must be torn, as a sign  Nelly Mundoro + women from Loltong of the bride’s departure away from her  hands, feet, vocals family. Generally, the sawagoro dance is performed Just like its male version, the sawagoro longo by men: women only participate by dancing dance does not use instruments. However, around the singers. However, there exists a the rhythmic accompaniment does not form variation to the sawagoro in northern an offbeat as in the case of the men’s dance: Pentecost reserved for women: the sawagoro the women dance on the spot while tapping longo. The longo (or loḡo ) is a dish made from their feet and clapping hands at the same tubers and prepared especially for wedding time. The dance lasts a few hours in the early ceremonies. During a sawagoro longo session, evening, before the women join the men for singers must sing the first song standing on the great sawagoro dance.

– 105 – ☉8. A wedding sawako games last throughout the journey walking  MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecôte) to the village, and continue in the women’s  men from the east coast of Pentecost house which has been prepared for the occa -  hands, feet, vocals sion. The female relatives of the bride are This genre is called sawako in the language gathered in this house: this is where they of central Pentecost; this is the exact equi - will welcome the groom’s female relatives, valent of sawagoro found elsewhere. who come to offer food and presents.

☉9. Barate: A women’s joke song ☉10. Kazoo  MS – 12.5.2000 – Levetlis (Pentecost)  MS – 17.7.2005 – Tesmet-Lëwëtnēk (Merelava)  women from central-eastern Pentecost  Janet Philip  hands, feet, vocals  leaf kazoo In central Pentecost, weddings are occasions The kazoo is made with a little leaf of the for celebrations, and include numerous metetagar, a small shrub growing on the dances. Among them are sung games called rocks by the sea. An opening is created in the barate which form an exclusively female leaf without piercing it completely, leaving repertoire. At the end of the gift-exchanging in place a small transparent membrane. The ceremony between the two families invol - leaf is then placed against the mouth and ved in the wedding, the women start to play vibrates during the song. This is a game the satirical games. The group of the groom’s people of Merelava enjoy as they stroll or “aunties” – disguised as men – and those of relax on the beach. Any song may be played the bride – still wearing women’s clothes – this way. The same melody can be heard on joke and tease each other, symbolically the following track, in the context of the mimicking a sexual act. These playful games nombo dance. are meant to encourage the young couple’s future fertility. ☉11. Nombo: Bamboo stamping tubes These fun games are accompanied by sin -  MS – 24.7.2005 – Tesmet (Merelava) ging and freestyle dancing. After several  Janet Philip + Mot Helen + women from Tesmet songs in the village of the bride where the  slit drum ( wokor lap ), small bamboo drum exchange of gifts took place, everyone (wokor wirig ), stamping tubes ( nombo ) moves to the bridegroom’s village. The The nombo is one of two women’s dances women dance and sing as they go along, from the village of Tesmet, the largest village laughing out loud, to the sound of whistling of the island of Merelava. It was created by a and clapping feet and hands. These singing small group of women led by Janet Philip,

– 106 – for a local festival in September 2002. Since equivalent of the sowahavin dance [ ☉4, 12]. this festival, the women have performed this Taking a responsorial form between a soloist dance for various occasions. The songs per - and a chorus, it also comprises a group cho - formed may be traditional, or composed reography whose movements are coordina - especially for the nombo dance [photo p.80]. ted collectively. The soloist singer strikes a The men encourage the women by dancing large slit bamboo drum held upright on the and shouting around the musicians. In order ground; the dancers all wear ankle rattles. to accompany this dance, the right to use a Sometimes the dances are interrupted by slit drum – generally reserved exclusively to short comic acting interludes. men – is said to have been “bought” from a woman from Motalava living in Merelava, ☉14. & 15 Noyongyep: A wedding dance who had previously acquired it from the  AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) men of Motalava.  Richard Woris, Masten Malkikyak, men from Toglag ☉12. Sowahavin: a women’s dance  percussion board ( naqyēn ̄ malbuy ), small slit drums ( nēvētōy ), vocals  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost)  women from Melsisi Etymologically, noyongyep in the Mwotlap  stamping bamboo tubes, rattles language means “hear the evening”: this For a presentation of the sowahavin , see ☉4. type of song used to typically take place This piece features the sound of stamping during long festive evenings, sometimes bamboo tubes in the distance. Also, one can until dawn, in a way similar to the sawagoro hear an attempt at a polyphony in the of islands further south. Nowadays, howe - refrain, in contrast with most traditional ver, the noyongyep has been brought into the songs in Vanuatu which are normally mono - dance repertoire performed during the day dic. This is probably an innovation due to for various village festivities. These two the influence of Christian songs, which are recordings, together with the following often polyphonic, and highly popular namapto , took place during a wedding cele - among the women of the region. bration in the village of Toglag. A typical wedding in Motalava begins with a ☉13. Ka: a men’s dance religious ceremony at the church, and is fol -  MS – 18.6.2000 – Melsisi (Pentecost) lowed during the afternoon by an exchange  men from central Pentecost of gifts (mats, coconuts, dishes, money) bet -  large bamboo drum, rattles ween the two families. More lighthearted, The ka dance can be described as the male joyful collective events precede and follow

– 107 – these solemn moments, punctuated by music: kas - tom dancing in the after - noon, string band songs in the evening. For the morning church ceremony, the bride and groom wear western clothes – suit and tie for the groom, white dress and veil for the bride. The moment they leave the church, the per - cussions begin to play for the dancers. The small group of musicians and sin - gers, standing around the percussion board and drums , is soon surrounded by a line of dancers. The Noyongyep dances for a wedding © AF newlyweds lead the procession, surrounded by their respective families, moving in clear in ☉15, from 0’44”). With great speed, circles around the musicians. Gradually the dancers suddenly turn around, stamping other villagers, young and old, from all over with their heels, dancing in a joyful frenzy the island, join in the dance and enlarge the shared by everyone. circle. Everyone moves forward in a line, without touching each other, in small steps ☉16. Namapto: “Rail bird” to the rhythm of the drums [photo].  AF – 29.12.2005 – Toglag (Motalava) Sometimes several lines are formed, crossing  Richard Woris, Masten Malkikyak, men from over on the arena. The male initiates form Toglag their own line, and mark their particular sta -  percussion board ( naqyēn ̄ malbuy ), small slit tus by holding a Cycas palm, a symbol of drums ( nēvētōy ), vocals chiefdom in olden times; little boys imitate The namapto is a festive style of dance and them, holding just any branch. music, open to everyone, similar to the When the place is full of dancers, the noyongyep of the previous pieces; in fact, the rhythm suddenly accelerates (this is very two genres are often performed during the

– 108 – same wedding celebrations, and bring about ḡove in the Sungwadaga language. Measuring similar collective dances. approximately 6 inches in length and 1 inch The song sung here belongs to the poetic in diameter [photo p.83], the instrument has genre namaleng , and celebrates the bēlag a natural knot on one end. Since the instru - bird: the Buff-banded rail ( Gallirallus philip- ment only produces one pitch, it is generally pensis ), a kind of wild fowl with striped fea - played in an ensemble of at least two thers. The poem depicts the long-legged whistles, or more, split in two groups. One of fowl’s characteristic gait as it jumps over the the groups alternates between two actions: river to escape from the huntsman. whistling, then singing the syllable ḡov (from the word ḡove “to blow”). As for the WALKING IN THE FOREST other group, they respond just by whistling – an action called soro “respond”. This is ☉17. Gove whistles (boys) known as a hocket technique: the two  MS – 12.6.2005 – Gaiovo (Maewo) groups produce a constant sound by alterna -  young boys from the Gaiovo area ting on short sound events; simultaneously,  gove whistles they repeat the same melodic and rhythmic As part of the preparation for the grand grade- formula, thereby forming an ostinato. taking ceremony Ḡwatu ta Barugū , the young applicants spend several weeks secluded in the ☉18. Lullaby: “The tattlers” forest. During this period, they are not allo -  AF – 5.8.2007 – Yögevigemëne (Hiw) wed to be seen by non-initiates such as  Grace Delight Söryay women or children; infringing this rule results  vocals in punishment, going as far as death in some This lullaby from Hiw was recorded “live”, extreme cases. Every time a group of non-ini - while Grace Delight was trying – successfully – tiates moves around in the forest during ini - to get her tearful grandson to sleep. tiation times, they are absolutely bound to Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti r̄ōw na pē - signal their presence. And because the loca - Tapana ë / Rōw tur̄og metir̄ ne / Tur̄og metir̄ na ë - tion of the men’s seclusion place is unknown r̄ōw tur̄og metir̄ na ë / Rōw tur̄og metir̄ ne to them, the non-initiates must be prepared to Nök e mon te Yonegövönyö ë / Iw ti r̄ōw na pē - make their presence obvious at all times. This Tapana ë / Rōw tuyun̄ ne tuqe / Tuyun̄ ne tuqe ë / - social necessity has led to the creation of a spe - Rōw tuyun̄ ne tuqe. cial musical genre: group hocket whistling. The poem, entitled Ne tir̄iwr̄iw “The tattlers”, The group of non-initiate performers uses is about a sea bird, the Wandering Tattler small bamboo whistles with no holes, called (Heteroscelus incanus ). This long-legged

– 109 – This rhyme from Pentecost island is entitled Tangorere – from the verb tango “touch” in the Raga language. This children’s game is a kind of blind man’s buff. A circle is formed around a child; all participants must have their eyes closed. Once everyone has sung the nursery rhyme, the child in the middle of the circle must keep his eyes closed and try and touch the other children. The first one to be touched comes into the middle to start the game over again. Grace Delight Sör ȳ ay and her grandson (Hiw, Torres) © AF The musical scale of this song is composed wading bird lives in colonies on the rocks of four notes forming a chain of thirds – as facing the ocean. is often the case for children’s songs in nor - The lullaby represents the bird standing on thern Vanuatu. the rocks, tired by the sea wind, with its eyes closed like a child falling asleep. ☉20. Playing a mango leaf  MS – 7.9.2005 – Qtevut (Gaua) O my birds on the eastern shore  Susi Rosur over there gathered on the bay  mango leaf over there on the shore, together all asleep This rhythmical game uses a simple dried standing asleep, all standing together mango leaf, picked up in the forest. Cut over there on the shore, together all asleep halfway, it is held in one hand, and patted O my birds on the eastern shore with the other. over there gathered on the bay over there on the shore, scanning the horizon ☉21. Rhyme “Tutubwau” scanning the horizon  MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecost) over there on the shore, scanning the horizon  Rosalie Sani + Betula Haviha [The tattlers , lullaby, Hiw]  vocals This nursery rhyme with its pentatonic ☉19. Rhyme “Tangorere” melody is called Tutubwau , literally “Poke-  MS – 12.3.2002 – Loltong (Pentecost) knee”. Children are seated in a row, their legs  Rosalie Sani + Betula Haviha stretched out before them. The one who  vocals sings the song touches his friends’ knees,

– 110 – Edward Pilis playing the musical bow (Yaqane, Hiw, Torres) © MS one after the other. The child on whom the ☉22. Musical bow last syllable of the nursery rhyme falls must  MS – 4.9.2010 – Yaqane (Hiw) draw up his knees. The game goes on until  Edward Pilis only one knee is left.  musical bow ( gövgöv ) At that point, the children put a little saliva On the island of Hiw, the northernmost on their knees before getting up one after the point of the archipelago, only one elderly other. They all listen hard to hear if a bone is man, Edward Pilis from the village of cracking. If so, this means that the person Yaqane, has preserved the memory of this will later marry someone younger; but if no instrument which his forefathers had passed sound can be heard, then this predicts fin - on to him in the 1930s. This mouth bow, ding a spouse who will be older. This game named ne gövgöv in the Hiw language, is causes a lot of laughing and joking. made from hibiscus wood, and measures

– 111 – over 3 feet in length. The string – the vibra - TITI SONGS: DANCING TO POETRY ting part of this chordophone – is made from a long fibre of hibiscus. Holding the bow in The three islands of the northern Banks one hand, the musician places one end on share a musical genre called titi – or more his half-open mouth. In the other hand he precisely, eln̄e titi in the south of Vanua Lava, holds a thin, flexible plectrum – the midrib sēwēes’i’i in the western part of the same of a coconut leaf. With this, he strikes the island, nawha titi in Motalava, nsawa jiji in bow string on an irregular pulse, as he men - Ureparapara. The titi songs, for a while aban - tally hums a song ( ne putput ). The string then doned in Motalava, regained popularity after resonates in a languid, captivating ostinato. 2000, thanks to chief Ken Freza and a group Just like for most musical bows and Jew’s of young villagers from Toglag who set out to harps [ ☉1], the resonator is the oral cavity. learn various songs from the elders, and have By modifying its shape, the musician ampli - passed on the torch. fies the overtones and creates the melody. This musical genre features a specific ensemble According to Edward Pilis, this instrument of instruments: percussion board, individual used to be played in the men’s house ( naka - slit drums, but also a rare headed drum, as well mal ). Today, the mouth bow has entered a as rattles, exceptionally shaken inside a bag. more intimate sphere: Edward plays it in Another characteristic of this style is its poetic front of his home, as he relaxes in the sunset. form: contrary to other songs that can often be long and complex, titi songs are always ☉23. Lullaby short, with three to six verses, repeated in a  MS – 1.10.2000 – Bunlap (Pentecost) loop by the soloist and chorus. Each poem  young woman from Bunlap forms a kind of haiku, capable of evoking an  vocals atmosphere in just a few words – the force of a This lullaby follows a chorus–verse sequence cyclone or earthquake, the beauty of a land - (CV 1CV 2), and is composed essentially on a scape, the melancholy of a saunter. chain of thirds. In addition, the chorus is Appreciated for their poetic and melodic qua - preceded by an ornamentation of three lity, these songs can be sung a cappella, aside notes separated by one-tone intervals (remi - from any dance performance [ ☉26, ☉28]. But niscent of the pycnon of pentatonic scales). most of the time, they form another occasion Chains of thirds are common in this region for villagers to celebrate and dance. of Vanuatu, particularly in children’s songs. Titi sessions take place during important The melody is entirely conjunct within the celebrations, such as weddings or New Year scale used, that is, it never leaps an interval. festivities, when each village on the island

– 112 – goes to perform in the next village. The ses - sion always begins with an introductory piece, or prelude [ ☉24]. Its form is minimal, with wood instruments beating the rhythm to the voice of a soloist. Then follows the series of titi songs proper. A bamboo drum plays a rhythm, first alone and later joined by the percussion board, the headed drum and the bag of rattles. The crescendo reaches its climax with the soloist appearing and launching into a poem. On the second repe - tition of the main verse, he launches a cry “O– e–, o– e”, the signal for the musicians to join him [ ☉25, ☉27]. At this point a long alternation ensues, in responsorial form, between the soloist and the other musicians. This is when the titi orchestra, with all its instruments and voices, is at its strongest. In fact, the term titi is derived from this responsorial form – from an old verb ti or titi “respond”. This alterna - tion between the soloist and the chorus The single-headed drum during a nawha titi session obeys relatively regular patterns, clearly (Toglag, Motalava) © MS heard in the recording and analysed below, in the description of each piece. The musicians form a tiny circle in the In each titi piece, there is always a fleeting middle of the dance area. The dancers sur - moment when the instruments suddenly round them, both men and women, in a stop ( yak in Mwotlap), before starting up long winding procession. again with even more fervour: this is heard The titi genre plays such an important role at 0’56”, 1’39” and 2’35” in the song of the that its origin is the object of a number of Rain [☉25], at 1’26” and 2’26” in Liana flo - myths. On the island of Motalava, the origin wer [☉27], at 1’04” and 2’46” in Volcano of the nawha titi is attributed to the encoun - [☉29]. This technique emphasises the ter between a child and the spirits. But it is group’s cohesion and strength. in the custom of Vera’a, in Vanua Lava, that

– 113 – one finds the most elaborate myths – confir - ☉25. Nawha titi: “Rain” ming the hypothesis that the musical genre  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) comes originally from the small villages of  Ken Freza + men from Toglag Lemerig, on the island’s northwest area. The  percussion board (naqyēn ̄ malbuy ), small slit myth, narrated by Eli Field, relates that a drums ( nēvētōy ), headed drum ( natmatwoh ), high-ranked chief one day arranged to meet rattle bag ( nowopyak ), vocals his loved one near the great waterfall in This titi song celebrates rain – a spectacular, Lemerig. Losing patience after waiting for tropical rain typical of these regions. The hours, and vexed at having been forgotten, poet, sheltering under his roof, conveys the the man stamped his feet on the ground, in power of the downfall through sensory harmony with the powerful sound of the impressions: waterfall that was striking the trunks of sago palm trees (from which headed drums are Rain o burst in yonder jungle made today). To the sound of his chiefly o flow and pound o rain o armlets clanking on his arms – the forerun - drip drop upon my roof ner of future rattles – he began to sing in ear - Rain pour and drill o drill nest. Such was the first titi song to be crea - o o e o, o e ted, a blend of amorous yearning and o rain ey communion with the forces of nature. [Rain , titi song, Motalava]

☉24. Prelude to titi songs Here is the original text of the poem, in  AF – 4.7.2003 – Toglag (Motalava) Mwotlap’s song language:  Serel Qalqit + men from Toglag ne wen ē rōl me ē le m̄ot e  percussion board ( naqyēn ̄ malbuy ), smaller slit e sol dun̄ ē ēn wen ē drum ( nēvētōy ), vocals tir e tir bē kēle ēm̄ e A nawha titi session begins with a prelude, wen me ser gil gil e called in Mwotlap nawha yon ̄ “music of awe”. o– ē ō, o– e This piece mobilises only some of the nawha io ēn wen ē titi orchestra’s instruments: percussion board and small slit drum – without the rattles nor In terms of performance, this recording is headed drum. It is a solo, and does not take typical of the titi structure described above. the responsorial form so typical of proper The instruments enter one after the other, to nawha titi . Only after this prelude can the the sound of a striking instrumental series of titi songs truly begin. crescendo. The song begins with a soloist,

– 114 – who later sends a signal (at 0’54”) for the chorus of singers to start singing their part. In accordance with the canons of the titi genre, the song then takes the form of a call- and-reponse alternation between the soloist and the chorus. If we attribute codes a b c d to each part of the poem, spell in lower case the verses sung by the soloist, and in upper case those sung by the chorus, this recorded performance had the following structure: { a b a b c || B c B c B d B d B d B d B d B d B c B || A B A B c Coconut husking © AF B c B d B d B d B c B || A B A B }. The sign ‘||’ symbolises the moments (at 0’56“, 1’39” tion between two men as to the number of and 2’35”) when the instruments stop brie - coconuts they can husk (“You got a hun - fly ( yak ) before starting again. dred? I got a hundred!”). In reality, the ini - tiates capable of deciphering the language of ☉26. Sēwēes’i’i: “Husking coconuts” poems, and who are familiar with these  AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava) semantic games, realise it is in fact a bawdy  Harold Tomson song. In the last verse, the singer turns to a  vocals pretty widow whom he sees in secret, and This titi song from Vanua Lava alludes to the flippantly takes her as witness to his own husking of coconuts – a daily activity linked exploits. with cooking, and carried out by impaling the coconuts on a solid, sharp pointed stake. ☉27. Nawha titi: “Liana flower”  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) Husking coconuts  Ken Freza + men from Toglag You got a hundred? I got a hundred!  percussion board (naqyēn ̄ malbuy ), small slit You see, my dear widow? drums ( nēvētōy ), headed drum ( natmatwoh ), Don’t you agree, my dear widow? rattle bag ( nowopyak ), vocals [Husking coconuts, titi song, Vanua Lava] In line with titi poetry’s constant attention to senses, this song praises the special smell The poem has two levels of reading. At first of a giant liana, and brings together two sight, this is an innocent physical competi - worlds: forest and sea.

– 115 – Flowers of the great vine at the top o’ the hill they smell lovely, o so lovely [Scrubfowl, titi song ,, Vanua Lava] And what do they smell of? They smell of seashells on the shore The poem consists of three verses (a b c): O e o o o e Lēr lē nas dedero en sap men sap men? a e a e a e — o– wō m̄ala ōlōl wō m̄ala gil e rō e [Liana flower , titi song, Motalava] Res e res le qesen̄ tōw e

The poem can be divided into five units: In the absence of the chorus, the singer Tewes gaverur ē ge bōnbōn ē Harold Tomson spontaneously creates his ge bōn (ē) bōn e own call-and-response structure, as follows: bōne sav e? bōne ses row ē la ē { a / a b a b / c b c b / a b a b / c b c b / a b }. o– ē ō, o– e a e a e a e — ooo ☉29. Nawha titi: “Volcano”  AF – 23.7.2004 – Toglag (Motalava) According to the notation proposed in ☉25,  Ken Freza + men from Toglag we find the following structure { a b a b c c a  percussion board (naqyēn ̄ malbuy ), small slit b d || A d A b A b A b A b A b A d A B || C C drums ( nēvētōy ), headed drum ( natmatwoh ), A B C C A d A d A b A b A b A b A d A B || C rattle bag ( nowopyak ), vocals C A B C C A E }. This poem glorifies the power of volcanoes – in this case, the famous active volcano of ☉28. Sēwēes’i’i: “Scrubfowl” Ambrym, an island south of Pentecost.  AF – 27.7.2003 – Vera’a (Vanua Lava)  Harold Tomson The Ambrym volcano  vocals is flowing and blasting This titi song from Vanua Lava is in celebra - Swirling around the land tion of the Scrubfowl or Megapode bird it shapes a new island (Megapodius freycinet ) that lives in the forest. The lava keeps swirling and shapes a new island The leaves are rustling: O– e o, o– e what is it? what is it? Keeps flowing and blasting It’s the scrubfowl again, on the shores of Ambrym cackling and digging a e a e a e – o– It scratches and scratches [Volcano , titi song , Motalava]

– 116 – Here is the original text, in song language: ☉31. Bilbilan: Grade-taking ceremony Ne vur e sol dun̄ e Amērēm e  MS – 30.9.2000 – Bunlap (Pentecôte) ie o e lē tan tin̄ gōlgōl wē vōnō e  men from the Sa community ne vur e tin̄ gōlgōl wē vōnō e  ensemble of wooden drums, vocals o– ē ō, o– e Grade-taking ceremonies used to be among o e sol dun̄ e Amērēm e la e the most important in central and northern a e a e a e — ooo parts of the Vanuatu archipelago. Although no longer widely practiced in the Banks Once again, the listener can discern the islands, the grade system has remained cen - structure of this performance: { a b a b c c tral to the social life of other Vanuatu a b d || A d A E A E A e A e A d A B C C A B islands – Ambrym, Malakula, Pentecost, C C e A E A E A E A d A B || C C A B C C }. Ambae, Maewo. Compared with the other examples ☉25 When a man wants to pass on to a higher and 27, we have here a longer introduction grade, he must organise a major ceremony by the soloist; meanwhile in the back - for which he and his family have to prepare ground, the musicians and chorus casually for several years. This admittance to a chatter as they await their turn to perform. higher grade gives rise to abundant Once the chorus begins, it sings not only exchange of food and presents. Sometimes, its own part but also that of the soloist a single celebration may concern several (hence the many capital letters in the candidates. notation). This performance takes some These ceremonies always involve dancing, liberties with the standard pattern – as accompanied by wooden drum ensembles. A often happens in casual moments at the given rhythm often corresponds to a speci - end of a long session of dancing, as the fic rank on the grade hierarchy. For sun is setting. example, the present piece was recorded during the grade-taking ceremony of two A TRIBUTE TO GREAT MEN men, for admission to grades Arkon and Meleun – two of the highest grades in the ☉30. Gove whistles (women) local hierarchy. The ceremony, in presence  MS – 10.6.2005 – Barunguringi (Maewo) of a large gathering of southern Pentecost  Vaena Vanity, Lesanti Roling Viti, Ruth Vane, islanders, took place in Bunlap – a commu - Ruth Merelin, Rosenta Vay, Esta Rotili nity that identifies itself as being ruled by  group of whistlers gō ve kastom , and impervious to foreign influence. See explanations ☉17. Bunlap is where the famous gol “land

– 117 – diving” ceremony takes place every year ☉34. A song for a great man during yam season, when young men throw  AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) themselves from the top of an immense  Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis wooden tower, with one foot bound with  large slit gong ( nokoy ) just a liana. The large wooden slit gongs of Vanuatu are In this dance called bilbilan , men dance in a associated with the world of “Great men”, circle around drums, while women dance high-profile personalities of chiefdoms and around them, a little further away, yelling communities. While other islands maintain and whistling at the same time. The music is ties with the old grade system [photo p.78], reminiscent of the dancing performed the use of this drum has evolved in islands during the gol jump ceremony. such as Motalava, where the former political system has disappeared. ☉32. Mantani: Grade-taking ceremony Nowadays, the large slit gong, called nokoy in  MS – 23.1.2002 – Loltong (Pentecôte) Mwotlap, no longer accompanies grade-  men from Loltong taking, but important moments associated  bundle bamboo drum with the new faces of authority: national This dance, by the name of mantani , also politicians, leading figures of the Anglican accompanies a grade-taking ceremony – but church, religious celebrations. For the anni - this time in the north of Pentecost. Its spe - versary of the island’s main church, for ins - cificity is to be accompanied by a very rare tance, the muffled beats of this large drum instrument – a drum made of bamboos tied were played throughout the Eucharist. into a bundle. The end of 1997 saw the wedding of the son Several bamboos measuring at least 6 feet of a Great man: the Anglican bishop of the are put together and held horizontally by Banks islands, Charles Ling (on the left in two men at each extremity. Four men – two the photo, holding a Cycas palm as a symbol on each side of the bamboo drum – beat a of prestige). This was an occasion for the rhythmic ostinato with sticks. Other men island’s musicians to beat the powerful dance around the instrument, accompa - nokoy . All participants – singers, dancers, nying the men’s singing. musicians – were initiated men. After a brief prelude ☉33 called turbal , the ☉33. Drumming for a great man piece ☉34 combines the percussion of the  AF – 30.12.1997 – Avay (Motalava) nokoy gong with a rousing song to encou -  Chief Railey, Richard Woris, Ata Evenis rage the dancers. Four vocal and instru -  large slit gong ( nokoy ) mental layers are here superposed, and can

– 118 – be heard in the recording: the main song (“E ale…”); the joyful cries of the dan - cers; a fast-tempo, conti - nuous beat (called beleg in Mwot lap) played with fine wooden sticks by the two percussionists seated on both ends of the drum; finally, a discontinuous, more muffled rhythm ( bōl ) beaten by the main drum - mer, the one who is seated facing the middle of the instrument. Singers and drummers around the wooden slit gong nokoy (Avay, Motalava) © AF

THE DEEP GROWLING OF ANCESTORS whole device: this string is held firmly as one swirls the bullroarer above one’s head. ☉35. Bullroarer The double rotation of  MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava) the instrument –  Philip Gan + Gresline + Colinette simultaneously above  bullroarer ( naborbor ) one’s head and on its This instrument of the bullroarer family – own axis – results in a called here naborbor – is considered as a mere loud, deep humming toy rather than a genuine instrument, and is sound. This recording used “just for entertainment”. To make this features not just one, instrument, a leaflet is plucked from a coco - but three bullroarers – nut frond; its midrib is removed to make it which together pro - more supple, and the leaflet is bent in two duce a truly powerful lengthwise. The removed midrib is then tied effect. to each end of the leaflet. Finally, a long stem, also from a coconut leaf, is tied to the Bullroarer made out of a coconut leaf © AF

– 119 – Masked dances The two genres have many similarities. In Two dances of the Banks islands, the mag and both cases, the dancers wear headdresses that the qat , are reserved for men who have pas - they will have made in their secret initiation sed the initiation rites. enclosure (Vienne 1996). These highly intri - The first is called nma in Löyöp, namag in cate, and often spectacular headdresses, are Mwotlap, mago in Mota, mag in the lan - sometimes called “spirits” (Mota tamate , guages of Vanua Lava and Gaua, namag and Mwotlap natmat , Lakon maraw …); they utmag in Merelava. The word is linked to the represent divinities, plants, fish [photo of sea verb mako “dance” of Polynesian languages. urchin p.74 ( qat )], birds… and sometimes This dance is performed by young adoles - surprising items, like a cooked dish [photo cents, at the start of their initiatory career. (mag )], a canoe, a plane, etc. The second dance, quite similar, is called qat On the island of Merelava, a distinction is (pronounced [kpwat]) – or more precisely: qat made between two versions of the mag dance. in Mota, Dorig and Lakon, qet in Vurës, neqet The namag belongs to young initiates – often in Mwotlap and in Mwerlap. This name is adolescents – and is danced without masks. historically linked with the name of Qat or As for the so-called utmag form [ ☉36], it is Qet, the divinity of origins (François 2013). reserved for adult men who have acquired Just like the mag , the qat is for male initiates the right to wear sacred headdresses. only, but from a higher grade. One of the differences between mag and qat lies in the choreography. In the mag , the young dancers progress as a group, often in Indian file or in a circle around a central musician, and coordinate their movements. The qat is a more complex dance, more frag - mented, in which the dancers, disseminated across the dancing area, perform separately, one after the other [photo p.81]. Musically speaking, only two instruments accompany the qat and the mag : the small slit drum – played by a musician standing in the centre – and the ankle rattles worn by the dancers. Melodic songs are rare: because poems asso - Headdress from the mag dance, in the shape of a cooked dish (J ōlap, Gaua) © AF ciated with these genres are secret, they can – 120 – Dance of the spirits, the neqet (Lahlap, Motalava) © AF only be sung silently by the dancers, in their Indeed, the masked dancers represent the heart of hearts. The only sounds heard are spirits of deceased ancestors who have come not articulated words, but some form of to dance in the midst of the village. The shouts – either signals thrown by the key sharp cries and deep growling heard in ☉36 drummer ( “Hiy sito!” ), or the growling of the (utmag from Merelava) and in ☉37 ( neqet ancestors themselves. from Motalava) are none other than the

– 121 – voices of the dead themselves, come to haunt the living for the duration of the dance. The jerking rattles, the irregular rhythms of bamboos being struck, the sudden, unexpec - ted silences, create a strange, spellbinding atmosphere, tin - ted with awe.

The utmag dance of initiated men (Leqeal, Merelava) © MS

☉36. Utmag: Dance of the Spirits ☉37. Neqet: Dance of the Spirits  MS – 28.7.2005 – Tesmet (Merelava)  AF – 25.12.2005 – Lahlap (Motalava)  men from the Tesmet community  Fred Nixon + male initiates from Lahlap  bamboo drum ( wokor wirig ) ; ankle rattles  small slit drums ( nēvētōy ), ankle rattles ( nevereak ), vocals ( nowopyak ), vocals On the island of Merelava, whereas the This representation of the neqet dance – the namag dance is reserved for beginners, its local name, pronounced [nekpwet], of the qat variant utmag is for adult initiates only. The genre described above – was a major event of dancers’ headdresses and their strange grow - 2005 on Motalava. This particularly prestigious ling remind everyone of their true nature: and solemn dance is performed only very they are the Spirits of the Ancestors, come to rarely. Christmas, a holiday closely associated impress the mortals. with customary dancing, was an ideal context. In the olden days, the utmag dance used to be The most conspicuous aspect of this specta - performed during funeral or grade taking cular ceremony was no doubt the impressive ceremonies. Today, the utmag is danced on display of sacred headdresses called natmat various occasions – weddings, Christmas festi - “spirits of the dead”. In addition, the neqet vities, independence day, and other festivals. gives rise to a mysterious choreography

– 122 – during which the dancers, dispersed around o” … Once this setting is created, the soloist the village clearing, alternate moments of can finally begin to sing the newēt song pro - stillness with sudden, small jerky steps. The per. Its melody and rhythm seem indepen - nervous beats on the small bamboo drums dent from the main rhythm, and is largely add to the sounds of the rattles. Combined drowned out by the latter. This is in fact deli - with the cries of the spirits, devoid of any berate: most newēt poems are secret ( toq melody, they create together a strange, awe- “sacred”), and must remain inaudible to the inspiring atmosphere. non-initiated crowd – for fear that the song, which belongs to the singer and his family, The new e-t genre be stolen from him. In the Lo-Toga language, The prevailing genre in the Torres islands is the verb gupe “hide” designates the way in the newēt [☉38–40]. This is, in principle, a which the choristers, with their loud panting poetic genre – illustrated above with the (“O ho, Ohé-o”), conceal the voice of the songs Earth tremble (p.94) and A war threnody soloist. (p.96). By extension, the term newēt desi - The foremost occasion for carrying out a gnates not only the poem itself, but also the newēt event is the public festival (in Lo-Toga specific musical style accompanying it and, ne vetgë ) associated with the system of grades even more broadly, the whole festivities that (ne huqe ). In this particular context, similar surround it. to the mag or qat dances of the neighbouring Seven or eight musicians stand around the Banks islands [ ☉36–37], young initiates percussion board, in the middle of the vil - dance and exhibit the ritual headdresses ( ne lage. Sometimes, they are sheltered under a qegar ) they have just carved in secret. The small booth of leaves ( veroqëtlēn̄we in Lo- celebration may last between five and ten Toga) built for the occasion. Two drummers days, during which the newēt is in full swing sitting behind them beat their bamboo drum day and night, until dawn of the last day. to signal the start. The leader then cries out This being said, the newēt has become so “Hi– wa?” to which the other musicians popular that it has been secularised, as it respond in unison “Hi wow!” – before sud - were, and equated with collective rejoicing: it denly striking the board with their bamboo is played at weddings, holidays and festivals. sticks [ ☉39]. The national holiday on July 30 [photo], At this point, a long collective ostinato which celebrates the independence of begins, one that is both vocal and instru - Vanuatu since 1980, is a perfect occasion for a mental. While stamping the board, the musi - newēt afternoon – as was the case for pieces cians sing a hocket “O ho, Ohé o – O ho, Ohé- ☉39–40 of this album.

– 123 – ☉38. New e-t: Song of the Spirits night. These eerie moans recall how creepy  AF – 22.1.2006 – Hiw (Torres) ghosts can be, and different from mortals –  Sisil Howard + boys from Hiw enough to inspire awe and respect in us all  planche à percussion ( ne tiyit rë̄ rë̄ ), tambour à towards our ever-present ancestors. fente ( n’örē ), vocals Naturally, only initiated men have access to the world of the spirits, and to the secrets of ☉39. et 40. New e-t: Song of the Spirits their manifestations in the world of the  AF – 30.7.2004 – Lungharegi, Lo (Torrès) living. They alone may know the true nature  Livai, Peretin Wokmagëne, Brian Mark of these sounds, and how to produce them;  percussion board ( ne vën mēlepup ), slit drum we shall reveal nothing here. The men per - (n’ere ), vocals forming the cries of the Spirits must be seen by no one: the moment the first sounds can ☉41. Newertiang: Cries of the Spirits be heard, women, children and other non-  MS – 25.7.2005 – Leqeal (Merelava) initiated witnesses must hurry away to a  men from Leqeal house or shelter.  secret instruments Recording ☉41 presents a noteworthy struc - In Vanuatu, expressions of mourning ture, consisting of a crescendo that culmi - include ceremonies on the 5th and 10th day nates roughly around 2’10”, followed by a following the death of the person. On the long decrescendo. Several layers of sound small island of Merelava, the death of an overlap. One such layer is the continuous important individual gives rise to a specta - sound of crickets, due to the newertiang cular event: the “Cries of the Spirits”, called taking place at night. This forms the back - newertiang in Mwerlap. This event may be ground upon which the cries of the Spirits followed by a namag dance [ ☉36], which is are superposed. Low-pitched sounds are des - public and takes place on the dance ground; cribed as the “voice of the mother”, while but the newertiang itself has a very specific high-pitched sounds are the “children”. status, quite different from any other musi - Finally, the spirits disappear just as they cal form currently known. appeared. After a long moment of intense Neither song nor dance, the newertiang is presence, their cries vanish in the silence of not visual at all. For us mere mortals, it is a the night. sound-only phenomenon: the powerful cries of the dead, in the darkness of the ALEXANDRE FRANÇOIS & M ONIKA STERN

– 124 – REFERENCES

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CD ia hemi wan seleksen blong ol best blong lanem from mas folem fulap ol had rikoding blong musik we mitufala i bin rule blong go insaed long kastom. Be sipos mekem long Vanuatu. Mitufala blong ol yangfala oli save musikal roots blong Franis: Monika Stern hemi wan ethnomu - olgeta, maet bae oli wantem statem niufa - sicologist, hemi spesalaes long ol defren la projek, olsem mekem narafala CD long kaen musik long wol mo espeseli blong kastom stret, o miksim ol singsing o ins - Vanuatu. Alex François hemi wan linguist, trumen blong bifo wetem ol niufala musik hem i lanem ol lanwis blong Bankis mo blong tedei. Torres, mo hemi promotem ol save blong Buk ia i kam wetem CD blong givim ol kastom olsem ol stori mo singsing blong explenesen abaot ol musik we oli stap bifo. insaed. Evri infomesen long buk ia i kam Stat long 1997 kasem 2011, mitufala i bin long olgeta man mo woman long aelan we stap longtaem long ol difren aelan long oli bin tok save long mitufala hao nao Vanuatu – espeseli long provens TORBA mo blong mekem ol instrumen, hao nao PENAMA – blong mekem risej long saed blong komposem singsing, mo wanem blong lanwis mo musik. Since taem ia, kaen situesen long kastom i fit blong sing - mitufala i bin wishim blong mekem wan sing o tanis long ol defren stael ia. projek blong promotem mo holem taet ol Mitufala i wantem talem tankyu bigwan kastom musik blong Vanuatu, blong long evri man blong PENAMA mo TORBA mekem se ol art forms ia i no save lus. we oli bin welkamem mitufala long ol haus Mifala i laekem sipos CD ia i save mekem mo vilij blong olgeta, samfala long wan wan kaen witness blong ol biutiful musik wik, samfala i kasem wan yia. CD ia i gat wan blong yumi, mo shoem long ol man ovasi, spesel dedikesen long †Moses Meiwelgen, mo long evriwan long kantri, se Vanuatu wan waes mo kaen man we hemi bin hel - igat plante musikol treasures we i shud pem evri projek long saed blong kalja mo laef i stap, mo i shud divelop moa i go. kastom, mo ikam olsem wan tru papa Maet CD ia bae i helpem blong rivaevem blong Alex long Motalava aelan. Imam, sam pat blong kastom musik we klosap i nal e-k tit q o-n- ve-hte n e-k, nololmeyen tiwag mi lus. I tru se samfala musik ia oli no isi natamtam n o-no-m.

– 126 – Mitufala i talem tankyu tu long Richard espeseli ol man blong singsing mo tanis we Woris, Edgar Howard, Mak mo Raouley oli sherem musik blong olgeta wetem mitu - Woleg, Eli Field, Jacob Elison, Mama Jimmy fala: nem blong olgeta evriwan istap insaed Tiwyoy, Edward Pilis, Janet Philip mo Philip long buk ia. Naenti pasent blong ol vatu we Gan, John Star, Moffet Lini, Jeffry Uliboe bae i kamaot long CD ia, bae i go long mo Diana Rolin, Alfreda Mabonlala wetem Vanuatu Kaljoral Senta long Vila, blong oli famili, Maurice Tanmonok wetem famili, save bildimap ol kaljoral projek long fyuja Nelly Mundoro, Laisa mo Patrick, Richard we i save benefitim evri pipol blong TORBA , Leona, Wano Olev wetem famili. Be ol pipol PENAMA mo narafala aelan blong Vanuatu. we oli contribute moa bigwan long CD hemi Tankyu tumas.

Newēt pour la Fête de l’Indépendance A newēt session for the Independance Day (Hiw, Torres) © AF W 260147 INEDIT/Maison des Cultures du Monde • 101, Bd Raspail 75006 Paris France • tél. 01 45 44 72 30 • www.maisondesculturesdumonde.org