Rapport de Mission La Mission 2015 en visite chez Naver. © MC
Contributeurs
Rédaction Correction Michèle Assi Maxime Callais Audrey Bellefeuille Sonia Grégoire Maxime Callais Camille Hamelin Alexandre Couture Blackburn Karl Lepage Jeremy Cuningham Catherine Marcoux Kim Gariépy Philippe Perron-Roelandts Pascale Girard Maximilien Tomé Sonia Grégoire Camille Hamelin Mise en page Adriana Houle Maxime Callais Charles-Etienne La!eur Camille Hamelin Karl Lepage Philippe Perron-Roelandts Shuang Liang Maximilien Tomé Catherine Marcoux Patrice O’Carroll Cartes et graphiques Alexandre Paradis-Michaud Maximilien Tomé (MT) Philippe Perron-Roelandts Olivier Pettersen Crédits photographiques Mathieu Rault Maxime Callais (MC) Daniel Santiago Harvey Shuang Liang (SL) Maximilien Tomé Olivier Pettersen (OP) Alexandre Torres Les photos de l’équipe en pages 10 et 11 Raïssa Umumbu ont été prises par PolyPhoto. Otmane Zizi www.polyphoto.org
Toute reproduction totale ou partielle de ce document sans autorisation et sans mention de la source est interdite. © Poly-Monde 2015
Mission Poly-Monde 2015, C.P. 6079, succ. Centre-Ville, Montréal, QC, H3C 3A7 +1 (514) 340-4735 www.polymonde.org tttt 4 Remerciements
Sans l’appui de tous ses suppor- ponsabilité du choix des destinations des teurs, la Mission Poly-Monde n’aurait pas Missions d’année en année. eu le succès qu’elle a connu. Nous souhaitons aussi remercier Nous tenons d’abord à souligner la Mme Myung-hee Kim d’avoir su nous contribution des entreprises et institu- transmettre la beauté et les particularités tions québécoises et sud-coréennes, tant de la culture coréenne. Sa persévérance pour leur aide "nancière que pour l’accueil fut certainement un élément clé dans l’ob- et l’intégration des étudiants entre leurs tention de plusieurs visites d’entreprises murs. Leur soutien est à la base de la réus- en Corée. site de ce projet. La Mission aurait été tout autre sans Poly-Monde 2015 souhaite remercier l’apport du BRIN aux multiples communi- Mme Thibodeau-DeGuire, présidente du cations avec les entreprises et universités Conseil d’administration de la Corporation coréennes. Notamment par l’entremise de de Polytechnique Montréal, M. Christophe Mme Dubé, directrice, de Mmes Nathalie Guy, directeur général de Polytechnique Pelletier et Guylaine Larocque, conseil- Montréal, M. Pierre Baptiste, directeur lères sénior. du département de mathématiques et de génie industriel, ainsi que les directeurs de L’équipe tient aussi à rappeler la départements pour leur support "nanciers contribution de M. Marcelin Joanis pour et conseils, année après année. son implication au sein de la Mission. Son apport a été plus qu’un soutien permanent. Ce projet extraordinaire, bien que Bien qu’à sa première expérience avec Po- sous l’entière responsabilité des futurs ly-Monde, il a su plonger pleinement dans ingénieurs, est aussi appuyé par le Conseil l’aventure et nous espérons qu’il pourra Poly-Monde, lequel est formé de la prési- superviser les futures Missions pendant dente de Polytechnique, Mme Thibodeau- plusieurs années encore. DeGuire, de la directrice du Bureau des relations internationales (BRIN), Mme Line Notons aussi que M. Guy, Mme Dubé, Dubé, du directeur du département de M. Baptiste et Mme Kim ont accompagné mathématiques et de génie industriel, M. la Mission en Corée, offrant leur soutien et Pierre Baptiste, d’un membre de la direc- leur précieuse expérience aux membres. tion d’Air Liquide Canada, M. Guy Frenette, du professeur responsable, M. Marcelin Finalement, un merci tout spécial à Joanis, du coordonnateur de la Mission et nos parents et amis qui ont encouragé la des anciens Poly-Mondiens, M. François réalisation de ce projet et appuyé la Mis- Cartier et Mathieu Panet-Raymond. C’est sion à travers leur participation aux nom- au Conseil Poly-Monde que revient la res- breuses initiatives étudiantes. 5 tttt La Mission Poly-Monde est rendue possible grâce à La Mission Poly-Monde est rendue possible grâce à
POURSUIVRE AUX 100 % ÉTUDES SUPÉRIEURES, VALEUR UNE IDÉE DE GÉNIE! AJOUTÉE
1 00 % 110 PROGRAMMES DE 2e ET 3e CYCLE : DOCTORAT MAÎTRISE DESS MICROPROGRAMME
Pour en savoir plus : POLYMTL.CA/FUTUR/ES En collaboration avec
Avec la participation de Département de Génie industriel
et de
Département de Génie civil Merci à tous les commanditaires de la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud
Fortigo Freight Services Inc.
Cirano
Département de Génie chimique
Département de Génie biomédical
Uber
Coopoly
Famille Gervais Cuningham
Famille Zizi
La bannière de commanditaires de la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud, lors de la visite de l’Université d’Hanyang. © MC Poly-Monde 2015 L’équipe
Coordination
Philippe Perron-Roelandts Génie logiciel Coordinateur Poly-Monde 2014 Allemagne W Équipe Édition
Maxime Callais Camille Hamelin Génie mécanique Génie civil Responsable Édition Échange à Prague, République Directeur du Polyscope tchèque
Maximilien Tomé Génie civil Stage à Washington, É-U, volontariat en Australie tttt 10 W Équipe Financement
Olivier Pettersen Daniel Santiago Harvey Génie civil Génie civil Responsable Financement Trésorier Échange à Taipei, Taïwan Trésorier des Jeux de Génie
Audrey Bellefeuille Jeremy Cuningham Génie mécanique Génie mécanique Équipe mécanique de Échange à Lausanne, Suisse Smart Bird Directeur Structure Avion Cargo
Charles-Etienne La!eur Karl Lepage Génie mécanique Génie civil Consultant junior au CCGP Mentor Plan Canada Bénévole Moisson Montréal
Shuang Liang Mathieu Rault Génie physique Génie des mines Échange à Taipei, Taïwan Trésorier de Polycultures VP Finances de PolyÉnergies
Raïssa Umumbu Otmane Zizi Génie chimique Génie industriel Agente télémarketing de la VP Exécutif du CCGP Fondation de Polytechnique Équipe Logistique
Pascale Girard Michèle Assi Génie civil Génie chimique Responsable Logistique Échange à Compiègne, France Échange à Taipei, Taïwan Présidente de PolyExplore
Alexandre Couture Blackburn Kim Gariépy Génie mécanique Génie civil Échange à Málaga, Espagne Stage au Cameroun avec le CIPO
Sonia Grégoire Adriana Houle Génie civil Génie biomédical Échange à Bruxelles, Belgique Stage chez KAO au Japon VP PolyBuddy de PolyExplore Échange à Brisbane, Australie
Catherine Marcoux Patrice O’Carroll Génie industriel Génie mécanique VP Réseautage 2013-2014 du Échange à Lausanne, Suisse CEGIndustriel Stage chez Merck, Allemagne
Alexandre Paradis-Michaud Alexandre Torres Génie civil Génie biomédical Stage en Zambie avec Ingénieurs VP Éducation du CEGBiomed sans frontières Canada
11 tttt Les Missions précédentes 25 ans d’international
JaponAllemagneScandinavieItalie Royaume-UniJaponAllemagneFranceÉtats-UnisBenelux etCorée Mexique Espagnedu SudBrésil ScandinavieSuisseChine PologneInde et RépubliqueTaïwan,Russie Hong-Kong tchèqueDanemarkFrance et SingapouretAfrique Pays-BasAustralie du SudAllemagneCorée du Sud
1990 1995 2000 2005 2010 2015 tttt 12 La visite des installations coréennes de Merck a permis de marquer la transition entre la Mission 2014 en Allemagne et la Mission 2015 en Corée. © MC
Mot du professeur responsable Les Missions Poly-Monde sont devenues une tradition à Polytechnique Mon- tréal. Chaque année depuis maintenant un quart de siècle, un groupe sélect de futur(e)s ingénieur(e)s de l’École s’impliquent corps et âmes dans l’organisation d’une mission in- dustrielle à l’étranger. Les étudiant(e)s impliqué(e)s dans ce formidable projet qu’est Poly- Monde se voient donc offrir une occasion unique de faire l’expérience concrète et directe des grandes tendances de notre temps, tant économiques et technologiques qu’environ- nementales ou culturelles.
La 26e Mission Poly-Monde s’est déroulée en Corée du Sud au printemps 2015. Poly-Monde retournait dans ce pays 15 ans après la Mission Poly-Corée en 2000. Cette visite en République de Corée arrivait a point nommé alors qu’a été signé tout récemment l’Accord de libre-échange Canada-Corée (ALECC). Ce nouvel accord commercial bilatéral ouvre de toutes nouvelles occasions d’échange et de partenariat avec cette importante économie asiatique qui fait déjà partie des 15 principaux partenaires commerciaux du Québec, tant comme client que comme fournisseur.
Comme professeur responsable de l’orientation thématique Projets internationaux à Polytechnique, j’ai le plaisir et l’honneur de superviser le volet académique de la Mission. Dans le cadre de ce volet, les participant(e)s à Poly- Monde ont acquis les compétences requises pour tirer pleinement pro!t de l’expérience de leur Mission en Corée, des techniques d’analyse économique aux rudiments de la langue coréenne.
Mais au-delà des compétences acquises pendant la phase de préparation et lors de la Mission elle-même, Poly-Monde est un projet d’une grande richesse. Les membres étudiant(e)s de Poly-Monde y font l’apprentissage de tous les aspects de l’organisation de la Mission et de son !nancement. Dans ces tâches, ils sont épaulés par un conseil d’administration – dont je remercie chaleureusement tous les membres – où s’impliquent notamment des anciens de Poly-Monde, un témoignage concret de l’impact que la Mission a eu sur eux, tant au plan professionnel que personnel.
Alors que tire à sa !n la Mission Poly-Monde 2015 en Corée du Sud, déjà couronnée de succès, j’ai la ferme conviction que ses participants ont su y développer des compétences complémentaires cruciales pour leur formation d’ingénieur certes, mais qu’ils y ont surtout fait des rencontres qui les suivront toute leur vie, tant en Corée qu’ici parmi leurs pairs.
Sur une note plus personnelle, j’ai beaucoup apprécié mes premiers mois à titre de professeur responsable de Poly-Monde. Pour cette première Mission, j’ai pris un train en marche à l’automne 2014. Tant la destination que les participants avaient déjà été sélectionnés depuis plusieurs mois. De surcroit, la naissance de mon !ls Émile pendant la Mission – une belle nouvelle certes! – m’a empêché d’accompagner le groupe en Corée (je remercie au passage Myung-hee Kim, Christophe Guy, Pierre Baptiste et Line Dubé, qui ont accompagné la Mission cette année). Malgré cela, j’ai la ferme conviction que mon implication dans cette première Mission Poly-Monde restera gravée dans ma mémoire et servira d’assise solide aux prochaines Missions. J’y ai découvert les rouages bien huilés d’un formidable projet. Mais surtout, j’ai appris à connaitre plusieurs leaders de demain dont je suivrai avec passion la progression et les réalisations au cours des prochaines décennies, sans aucun doute aux quatre coins du monde.
JaponAllemagneScandinavieItalie Royaume-UniJaponAllemagneFranceÉtats-UnisBenelux etCorée Mexique Espagnedu SudBrésil ScandinavieSuisseChine PologneInde et RépubliqueTaïwan,Russie Hong-Kong tchèqueDanemarkFrance et SingapouretAfrique Pays-BasAustralie du SudAllemagneCorée du Sud Marcelin Joanis, Ph.D. Professeur responsable des Missions Poly-Monde et de l’orientation thématique Projets internationaux Professeur agrégé, Département de mathématiques et génie industriel Responsable, groupe de recherche en Gestion et mondialisation de la technologie (GMT) Vice-président Développement économique, CIRANO 13 tttt La Mission en visite chez Bombardier en Corée du Sud. © MC
Poly-Monde au pays du matin calme
C’est avec grande "erté que les industriel qui sera le leur. La concurrence membres de Poly-Monde 2015 vous pré- internationale et la mondialisation des sentent ce rapport de Mission. Cette his- technologies, bien présentes de nos jours, toire débute en avril 2014 alors que 24 ne sont pas abordées dans le cursus ty- étudiantes et étudiants en ingénierie à pique de l’étudiant en ingénierie. Pourtant, Polytechnique Montréal sont sélectionnés des ingénieurs tournés vers l’international pour faire partie du projet. L’aventure en peuvent améliorer le développement de sol étranger se termine "n mai 2015 dans nos entreprises, donnant tout son sens une des plus grandes villes portuaires de aux Missions Poly-Monde. l’Asie du Nord-Est, Busan. Finalement, après plus d’un an de "nancement et de Les étudiants s’engageant dans le travail rigoureux, la Mission prend "n au projet ont la chance de recevoir cette for- mois de novembre et ce rapport en est le mation exceptionnelle et de faire des ren- parachèvement. contres hors du commun. Ils ont aussi la responsabilité de la réalisation de leur Mis- sion en prenant en charge la logistique, le "nancement ainsi que de toutes les activi- tés connexes au projet.
Via l’orientation académique Projets internationaux du département de mathé- matiques et de génie industriel, les étu- diants ont reçu une formation sur l’inno- vation technologique et la compétitivité internationale, qui leur fut des plus utile. Ainsi, ils ont su pro"ter pleinement de leur expérience en Corée, leur permettant d’in- tégrer les notions du cours et de mettre en lumière les meilleures pratiques en innova- tion et en stratégie.
Destination Corée du Sud La République de Corée a été la destina- tion retenue pour la Mission Poly-Monde 2015. Ce pays a connu un essor écono- Visite de Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering (DSME). © MC mique des plus impressionnants durant les dernières décennies en misant princi- Les Missions Poly-Monde palement sur une économie d’exportation. Poly-Monde 2015 est la 26e édition des Jouissant d’une géographie centralisée et Missions Poly-Monde, fondées pour pré- stratégique, la Corée a surmonté de nom- parer les ingénieurs de demain au contexte breux dé"s, passant d’un pays démuni à un tttt 14 statut de « dragons asiatiques ». Ce pays et de la gestion de ceux-ci, et des dé"s ou s’est développé au point de devenir une perspectives futures dans le domaine. véritable porte d’entrée vers l’Asie pour les entreprises. Suite à la conclusion toute ré- De par son environnement à forte cente d’un accord de libre-échange entre densité de population, sa nécessité à la Corée du Sud et le Canada, les relations échanger avec d’autres pays par voie entre les deux nations sont plus fortes maritime en raison de sa situation géopo- que jamais et les occasions d’affaires sont multiples.
La Corée du Sud a su se tailler une place considérable dans cette ère de mondialisation. Non seulement est-elle considérée comme étant un chef de "le mondial de technologie de l’information, mais elle excelle également dans le sec- teur du transport. C’est dans cette optique que ces secteurs ont été sélectionnés a"n d’être étudiés et comparés lors de la Mis- sion 2015.
Lorsque l’on parle de technologies de l’information, il est dif"cile d’éviter la Corée du Sud. Ce pays se classe au pre- mier rang mondial en termes de vitesse moyenne de connexion Internet, en plus d’être reconnu comme un géant de l’élec- tronique hautement compétitif à l’échelle La Mission 2015 en visite chez Samsung Electronics. © MC internationale. litique et de son énorme besoin d’énergie, L’industrie du transport est en la Corée du Sud apporte de très intéres- constante évolution aussi, tant au niveau sants modèles de logistique et de gestion de la construction, que de la gestion ou dans de nombreux domaines. des perspectives de développement du- rable. Tout comme le Canada, la Corée Nous vous invitons à vous plonger du Sud possède de vastes réseaux de dans notre rapport a"n de mieux saisir transport d’énergie, de marchandises et l’ensemble des enjeux que nous avons eu de personnes, ce qui fournira une base le privilège d’analyser. intéressante de comparaison au plan de la construction des réseaux, de la logistique Bonne lecture!
15 tttt Visite au Port de Montréal. © MC
Visites au Canada Fondamentaux
Conférence de Son Excellence Rencontre avec Marcel Desjardins M. Choi Dong-hwan, ambassadeur de Corée du Sud à Montréal Pomerleau Technologies de l’information Blackberry YRH
Celesica Accenture
Bell Real Ventures
Rogers Communication Anges Québec
Telus GSoft
Telus Santé Nexalogy
Boston Consulting Group Samsao
McKinsey Transit App Transport Deloitte Metrolinx
Hatch Canadian Paci"c Railways
Scotiabank Canada Steamship Lines
SNC-Lavalin Fednav
8D Technologies Port de Montréal
AMT Gaz Métro
Bombardier aéronautique Hydro-Québec TransÉnergie tttt 16 Visites en Corée du Sud Fondamentaux
Zone coréenne démilitarisée Ambassade du Canada en Corée
Technologies de l’information Samsung C&T Hanyang University
Naver Corp KAIST
Alticast Samsung Electronics
Penta Security Merk Performance Materials
Transport
Ministry of Land, Infrastructure Busan Transportation and Transport Corporation
Seoul National Univeristy Korail
Electric Vehicle Symposium Bombardier transport (Light rail (EVS28) train)
Incheon Airport Hyundai Motors
Transport Operation and Daewoo Shipbuilding & Marine Information System (TOPIS) Engineering 17 tttt Visite des installations du Korea Institute of Energy Research (KIER). © MC
Guide de lecture
Les explications qui suivent visent à Traditionnellement, les noms occi- clari"er les conventions d’écriture utilisées dentaux suivent la forme « prénom nom » dans ce rapport a"n d’en faciliter la lec- et les noms asiatiques suivent la forme ture. « nom prénom ». Cet ordre est conservé dans le rapport pour plus de "delité. Lors de la rédaction de ce rapport Ainsi, la présidente Park Geun-hye porte nous avons tenté de respecter le plus pos- comme nom de famille « Park » et comme sible les règles et recommandations de prénom « Geun-hye ». l’Of"ce québécois de la langue française. Les mots empruntés à la langue anglaise Symboles ou coréene sont indiqués en italiques, sauf Le dollar ($) fait référence au dollar cana- pour les termes passés dans le langage dien. courant. Le dollar américain est exprimé par $US. 1 $ = 0,82 $US Les références présentées à la "n de Le won sud-coréen est exprimé par . ce rapport et classées par chapitre suivent 1 $ = 886,74 la norme APA 6e édition en français Cana- 1000 = 1,13 $ da, version Université de Montréal (créée Les conversions sont en date du 1er mai par Florian Martin-Bariteau). 2015.
Toute abbréviation de quantité suit la no- Ceci est une bulle théorique menclature suivante : Vous en trouverez au !l du texte. t milliers (103) : k (kilo-) Les bulles théoriques dé!nissent des termes t millions (106) : M (méga-) ou des concepts clés évoqués dans le texte t milliards (billions en anglais) (109) : et essentiels à la compréhension de celui-ci. G (giga-) Les bulles théoriques se trouvent à proximité 12 du terme dé!ni. t billions (trillions en anglais) (10 ) : T (téra-)
tttt 18 Table des matières
Géopolitique 20
Macroéconomie 36
Microéconomie 52 Commerce international 68 Technologies de l’information 84
Transport 110 « Quand les baleines se battent, la crevette se fait écraser » - proverbe coréen Le drapeau coréen !ottant au sommet du Bukhansan. © MC
Géopolitique vaincre les anciens vainqueurs
21 tttt Mise en contexte
La Corée telle qu’on la connaît au- "cie 15 fois plus petite que celle du Qué- jourd’hui est une péninsule d’Asie du bec. Avec un PIB de 1000 milliards de Nord-Est, divisée en deux pays : la Répu- dollars et une croissance économique qui blique de Corée au Sud et la République se maintient à 5 % comme c’est le cas populaire démocratique de Corée au Nord. en moyenne depuis 10 ans (OCDE, 2005- Une démocratie ouverte sur le monde au 2015), la Corée du Sud pourrait être la 3e Sud, un régime communiste totalitaire fer- puissance mondiale d’ici 2050, dépassant mé sur lui-même au Nord. des pays comme l’Inde, le Japon, l’Alle- Si le territoire coréen apparait aujourd’hui magne ou le Canada (Pons, 2010). comme un des derniers vestiges d’une guerre froide que l’on imagine souvent Avec des ports tels que Busan ( révolue, la région est aussi le lieu du déve- ), Ulsan ( ), Gwangyang ( ) loppement de nombreuses industries de et Incheon ( ), le littoral coréen est le pointe. A"n de mieux comprendre l’envi- plus dynamique d’Asie de l’Est outre la ronnement dans lequel les industries évo- Chine. Sa position géographique ouverte luent en Corée du Sud, la compréhension sur l’océan fournit aux ports de la pénin- des enjeux géographiques, historiques, sule un avantage stratégique par rapport politiques et culturels de la région est né- aux autres ports asiatiques. Un des atouts cessaire. principaux par rapport au Japon est la pro- La Corée du Sud est actuellement tection des ports face aux courants océa- la 15e puissance économique mondiale niques, mais aussi la stabilité sismique de (Banque Mondiale, 2013) pour une super- la région. Ces zones portuaires ont d’au- tant plus d’intérêt que la Co- Corée du Nord rée du Sud est, à l’origine, un pays de tradition agricole doté de maigres ressources naturelles et qui dépend donc beaucoup aujourd’hui, Chine Séoul de ses échanges avec l’ex- Incheon térieurs. Par l’intermédiaire des ports, elle importe les tech- Daejon Pohang Daegu nologies, les capitaux et les Ulsan Jeonju matières premières, mais aussi exporte des produits à Gwangju Busan forte valeur ajoutée. Population des agglomérations 11 000 000 Japon L’énergie coréenne doit elle 4 000 000 2 500 000 1 000 000 aussi se fonder sur les im- 500 000 portations, notamment de Ports principaux pétrole ou sur le nucléaire Zone Démilitarisée (DMZ) depuis les années 1980. La mégalopole Séoul - Busan Cette dépendance éner- La Corée du Sud et ses principales villes. © MT gétique est l’une des fai- Chine blesses majeures de la puis- tttt 22 Corée du Nord
La ville de Séoul, vue du sommet du Bukhansan, le plus haut point de la capitale. © MC
sante industrie coréenne par conséquent entièrementChine subordonnée aux pays qui la fournie. Corée du Sud Ports principaux
Principales voies de La densité de population en Corée du vers Séoul transports terrestres Sud étant aussi très élevée avec 515 hab/ km2 en 2013 (Banque Mondiale, 2013), les réseaux de circulation s’y sont fortement POHANG développés. Qu’ils soient ferroviaires ou sidérurgie routiers, ces réseaux se sont concentrés ULSAN sur l’axe principal Séoul-Busan et sur l’axe chantier naval - pétrochimie CHANGWON raffinage secondaire Séoul-Gwangju. Ils ont aussi mecanique - automobile vers la Chine BUSAN été adaptés aux besoins des industries, #11 Port Mondial Japon GWANGYANG permettant donc leur évolution. acierie #1 mondiale Sur l’axe entre Séoul ( ), la capitale, et Busan, 11e port mondial (Port de Rotter- vers le Japon dam, 2013), c’est une véritable mégalopole coréenne qui a pris forme. Cet axe est hé- rité de la colonisation japonaise qui avait développée les industries au nord de la Le port d’Icheon (Séoul) est directement relié, à l’est, au complexe péninsule pour les acheminer au sud à Bu- industrialo-portuaire d’Ulsan regroupant le raf!nage, la pétrochimie et des chantiers navals, ainsi que Pohang pour la sidérurgie. À l’ouest, Changwon san, port le plus ouvert vers le Japon. Avec regroupe la mécanique et l’automobile alors que Kwangyang, 2e port coréen, 33 millions d’habitants, l’agglomération de possède la plus grande aciérie mondiale. © MT ChineSéoul regroupe 70 % de la population pour former la région la plus dynamique du pays nication entre ces 3 pôles est encore une et regrouper à elle seule 75 % du PIB sud- fois renforcée par le réseau ferroviaire et la coréen. La capitale regroupe les industries circulation du KTX, le TGV coréen, mis en textiles, électroniques, électriques et de service depuis 2004 (Encyclopædia Uni- pointe. C’est 50 % des installations indus- versalis, 2015). trielles coréennes que l’on retrouve dans cette zone ouverte vers l’extérieur par le Par sa situation géographique entre port d’Incheon, aussi spécialisé dans les la Chine et la Russie au nord, et le Japon industries lourdes telles que le raf"nage au sud, la péninsule coréenne se trouve (Encyclopædia Universalis, 2015). entre 3 des 5 plus grandes puissances Busan, quant à elle, est le centre de la se- mondiales (Banque Mondiale, 2013). Bien conde grande région industrielle du pays. avant d’être le théâtre des relations ten- Le port a un rôle central dans l’organisa- dues entre ces puissances, il faut rappe- tion des axes littoraux puisqu’il est relié à ler que la culture coréenne est le résultat tous les complexes industrialo-portuaires d’une réelle différenciation locale. Depuis du Sud de la péninsule. plus de 1000 ans, jusqu’à la colonisation par le Japon au début du 20e siècle, de Entre Séoul et Busan, la ville de nombreux Royaumes se sont succédés Daejeon ( ) joue le rôle de centre de sur la péninsule coréenne. Ce sont ces développement technologique. Véritable Royaumes qui ont permis de maintenir berceau de la recherche sud-coréenne, la une société indépendante politiquement plaine de Daejeon est souvent comparée et culturellement distincte des puissances à la Silicon Valley américaine. La commu- voisines. 23 tttt La Corée avant le 20e siècle les 3 Royaumes
Les premiers peuples sédentaires tous les Coréens. Cependant, du fait de présents sur la péninsule coréenne la proximité du puissant empire chinois, sont relatés dans la littérature chinoise un certain héritage culturel en provient et dès le 4e siècle avant Jésus-Christ. reste présent dans les traditions coréennes Progressivement, ces différents peuples et que ce soit par les caractères chinois dans royaumes ont dé!ni une identité régionale le langage écrit ou par l’adoption de la phi- commune. C’est seulement après une losophie néo-confucianiste par l’élite diri- période de con"its entre trois Royaumes : geante coréenne. Koguryo ( ) au nord, Baekche ( ) au sud-ouest et Silla ( ) au sud-est L’in"uence du confucianisme dans la puis la victoire de Silla, que la péninsule société coréenne est d’abord visible au ni- coréenne est uni!ée en 668. veau des relations sociales dont l’harmo- nie résulterait du fait que chaque individu connaisse sa tâche dans l’ordre naturel et que cette tâche soit bien faite. En adoptant cette idéologie, l’État encou- rage aussi l’éducation, pilier de la phi- losophie de Confucius. De nombreuses écoles sont alors fondées pour enseigner selon l’idéologie traditionnelle. La mérito- cratie est en effet à la base de l’organisa- tion de la structure sociale et de l’accès au pouvoir, régie par des tests d’aptitude écrits. La capacité à diriger est évaluée par la capacité d’une personne à se gouverner elle-même ainsi que ses sujets à travers l’éducation et le caractère exemplaire de ses décisions. La personne qui gouverne est alors celle qui le fait par vertu et qui cherche à corriger son peuple par bienveil- lance plus que par punitions ou méthodes Détail du toît d’un des palais du complexe de Gyeongbokgung à Séoul. © MC coercitives (Confucius, Entretiens, II.1.).
C’est sous la dynastie Koryo ( , 918- La nature culturelle et philosophique 1392), dont le nom occidental « Corée » de ces rapprochements avec la Chine per- est dérivé, que le territoire atteint les fron- met aussi une entente militaire entre la tières qu’il connaît aujourd’hui, Corée du Chine et la Corée. Sous la dynastie Cho- Nord incluse. La dynastie Choseon ( ), qui oc- Confucianisme cupe le trône de 1392 à 1910, cherche en- Le confucianisme est la doctrine philos- suite à consolider les frontières nationales ophique de Maître Kong, ou Kongfuzi, nom que les jésuites ont latinisé en Confucius. et les pratiques culturelles locales. Le néo-confucianisme en Corée est une évo- Contrairement à la Chine, bien qu’il y ait lution des pratiques du confucianisme qui des différences régionales de moeurs est adoptée sous la dynastie Joseon comme et de dialectes, une réelle homogénéité idéologie d’État. Durant cette ère, le Boud- culturelle fondamentale existe et les ac- dhisme et toute autre religion sont considérés néfaste par l’ordre néo-confucéen. cents sont parfaitement intelligibles entre tttt 24 seon, le Roi coréen entretien un lien étroit politique pseudo-autarcique limitant les avec la Cour chinoise allant même jusqu’à contacts avec l’extérieur à quelques rares préter allégeance à cet Empire. Cette obé- missions diplomatiques en Chine et à un dience envers la Chine pour une protection port destiné aux échanges avec les mar- militaire et une reconnaissance politique chants japonais. C’est ce port qui devient n’est cependant que symbolique, car les plus tard le Port de Busan que l’on connaît Coréens possèdent une réelle autonomie aujourd’hui. 250 ans de paix et de stabilité dans leur développement local. interne s’en suivent jusqu’au 19e siècle, pé- Après les invasions japonaises dévasta- riode où les pays occidentaux découvrent trices du 16e siècle et celles des Mand- ce territoire et manifestent de l’intérêt à chous au 17e siècle, la Corée de la dynas- ouvrir le marché coréen vers l’international tie Choseon va jusqu’à développer une (Encyclopaedia Universalis, 2015). Des relations délicates Dans les années 1860, la Grande- plutôt que les géants américains Microsoft Bretagne, la France et les États-Unis ou Apple. Alors que le Japon ne semble tentent, en vain, successivement d’ame- pas entretenir un tel désir de rivalité, quelle ner la Corée vers l’ouverture au commerce. est la motivation réelle des coréens? C’est !nalement le Japon, très récemment ouvert aux relations internationales, qui D’abord, il faut mentionner que le impose un traité diplomatique à la Corée Japon a réalisé les prémices du dévelop- pour la première fois en 1876. Suit alors pement industriel en Corée. Ce sont des une guerre d’in"uence dans la région entre industries telles que l’acier, le ciment et la Chine, le Japon et la Russie. les produits chimiques qui sont mises en La victoire de cette guerre de 10 ans par le place dans les années 1920 et 1930, par- Japon lui permet d’annexer la Corée qui est ticulièrement dans la partie nord de la ainsi considérée en 1910 comme une colo- péninsule où le charbon et les ressources nie nippone. Ce con"it ainsi que plusieurs hydroélectriques sont abondants. autres qui ont suivi ont fortement mar- À l’époque où les lois coloniales japo- qué et, en quelque sorte, forgé l’identité naises prennent !n, la Corée est le 2e pays coréenne. En effet, suite aux nombreuses d’Asie le plus industrialisé, après le Japon invasions, un fort sentiment de vengeance lui-même (Armstrong, 2014). s’est emparé du peuple coréen, justi!ant Or, si le Japon colonise la péninsule au par le fait même leur extrême compétitivité début du 20e siècle contribuant à l’apport (Hong Lai, 2010). de nombreuses technologies industrielles lors de la colonisation, une gouvernance Aujourd’hui, alors que la Corée du stricte et souvent brutale est exercée. Sud est devenue une puissance écono- L’objectif des Japonais est clair : assimi- mique mondiale, plusieurs rivalités et ten- ler le peuple coréen à la culture nipponne sions avec la Chine, le Japon et la Corée en tentant d’anéantir la langue et l’identité du Nord, demeurent. culturelle coréenne (Armstrong 2014). Par la suite, lors de la Deuxième Guerre « Il faut vaincre les anciens mondiale, ceux-ci vont même jusqu’à for- vainqueurs » (Légaré-Tremblay, 2015) cer de jeunes hommes à s’enrôler dans Les relations con"ictuelles entre le Japon l’armée japonaise et de jeunes femmes et la Corée du Sud perdurent depuis plus à se prostituer. Naît alors un fort senti- d’un siècle. Les Sud-Coréens entretiennent ment de colère des Coréens envers les une volonté profonde de surpasser leur ri- Japonais, que l’on peut ressentir encore val historique dans toutes les sphères de la aujourd’hui. Ceux-ci n’ayant toujours pas société. Par exemple, Samsung considère oublié la présence forcée des Japonais sur Sony comme son principal compétiteur, leur territoire. 25 tttt La !n de l’occupation nipponne sur- tentent d’améliorer leurs relations. De plus vient alors que le Japon abdique face aux en plus de projets communs sont entrepris États-Unis et leurs alliés occidentaux en en vue d’une réconciliation. 1945. Of!ciellement, le traité de paix est Un exemple majeur est l’organisation de signé en 1965 : le Japon alors devient le la Coupe du monde de football 2012 réa- plus important partenaire commercial de lisée conjointement entre les deux pays; la Corée du Sud (Hong Lai, 2010). un pas vers une coopération essentielle à leur développement économique. En effet, Cependant, les tensions sont tou- la Corée est un partenaire commercial de jours palpables : le gouvernement coréen poids pour le Japon, et inversement. Elle actuel critique la rhétorique révisionniste dépend notamment du pays du Soleil-Le- du Japon. En effet, de nombreux actes vant pour de nombreux produits de haute symboliques de la part du gouvernement technologie (Hong Lai, 2010). japonais dans les dernières décennies, Outre l’interdépendance économique, réinterprétant ou niant certains gestes les deux pays partagent la même vision commis durant la guerre, sont venus at- en ce qui concerne la sécurité des voies tiser les mésententes des deux peuples maritimes et les relations avec la Corée (Hong Lai, 2010). Les cicatrices semblent du Nord. Les produits culturels japonais et profondes. coréens connaissent un succès retentis- En dépits des nombreux différends histo- sant dans chacun des pays (Heimburger, riques et mémoriels, le Japon et la Corée 2014). Deux pays en guerre La guerre de Corée; épisode de la des plus grandes rivalités de l’Histoire. guerre Froide Malgré ses allures de guerre civile, la La !n de l’occupation japonaise sur le guerre de Corée s’étend à l’internatio- territoire coréen suite à la Deuxième nal, comme la majorité des con#its qu’a Guerre mondiale marque le début d’une connus la Corée. En raison de sa situa- tion géopolitique et de sa position stra- tégique, «un problème coréen n’a existé indépendamment du contexte régional et mondial» (Pak, 2013). La péninsule coréenne est alors divisée en deux; le Nord communiste et le Sud pro-occidental. À ce moment, les rela- tions entre les deux États antagonistes sont très tendues et la Corée devient le décor des oppositions entre les protago- nistes de la guerre froide. En effet, ce con#it, opposant les démo- craties occidentales aux régimes com- munistes, n’a pas lieu qu’en Europe. Les disputes territoriales en Asie jouent éga- lement un rôle crucial dans le dénoue- ment des combats entre alliés de l’Union soviétique et des États-Unis (Jean Cer- makian, 2013). La frontière très surveillée entre les Corées du Sud et du Nord. C’est dans cette atmosphère que les Symbole du con!it coréen, la zone démilitarisée (DMZ) est la frontière terrestre unique longue de 238 kilomètres, doublée de structures militaires Nord-Coréens, appuyés par les armées permanentes, séparant les deux pays. © MC chinoises et soviétiques, décident d’en- vahir leur voisin du sud en 1950. Cette tttt 26 attaque a ironiquement pour but de réunir Toutefois, le maintien de l’activité nu- à nouveau les deux Corées. La guerre de cléaire par Pyongyang, capitale de la Corée éclate. Corée du Nord, se dresse comme un obstacle à cette politique et "ge les Trois ans et quatre millions de morts projets de réconciliation (Benoit Hardy- plus tard, le con!it prend of"ciellement Chartrand, 2013). "n le 27 juillet 1953, alors que l’armis- tice de Panmunjom est signé. Cet ac- D’un point de vue économique, une cord consacre la division de la péninsule réuni"cation serait-elle rentable pour la entre les deux états ennemis de part et puissance mondiale qu’est devenue la d’autre d’une zone démilitarisée suivant Corée du Sud? À partir du modèle de la le 38e parallèle et statue, de façon per- réuni"cation allemande, il est possible manente, la présence des forces armées de croire qu’une telle démarche coûterait américaines en Corée du Sud (Benjebria, 500 milliards de dollars. Avec un PIB 45 2015). fois plus élevé que son voisin, ces coûts seraient absorbés en quasi-totalité par la Ainsi, cette guerre, dont la réuni"- Corée du Sud. Il est à se demander si les cation était l’objectif, a inversement en- Sud-Coréens sont prêts à de tels inves- tériné la division. tissements. Selon une enquête menée par le minis- Relations d’aujourd’hui tère sud-coréen de l’Uni"cation publiée Un armistice se décrit comme une en 2014, seulement 50 % des habitants convention mettant "n à un con!it entre seraient prêts à consentir des sacri"ces deux ou plusieurs armées en temps de "nanciers pour parvenir à une réuni"ca- guerre. Ce n’est cependant pas un traité tion (RTL, 2014). de paix : les deux Corées sont théorique- Selon M. Walsh, ambassadeur du Ca- ment toujours en guerre. nada en Corée, il y aurait aussi la pos- sibilité d’une intervention économique Ces dizaines d’années de « paix ar- des pays étrangers supportant la réuni- mée » n’ont fait qu’accentuer le contraste fication afin de combler la faible capa- entre les deux États. Au nord, la popula- cité financière de la Corée du Nord. Les tion est sous le joug d’un régime totalitaire démarches ne sont toutefois pas assez dont les politiques priorisent le dévelop- avancées pour que le Canada puisse pement militaire aux dépends des besoins prendre une quelconque décision. Il fondamentaux, alors qu’au sud, l’écono- ajoute aussi qu’il est probable que la mie est en plein essor et ses politiques Corée du Nord, pour une question de favorisent une ouverture sur le commerce fierté, ne soit pas réceptive à une telle international. aide financière (Kim, Kim, Walsh, Dubuc et Poly-Monde, 2015). Les relations sont con!ictuelles et on assiste à des épisodes de forte ten- Outre le côté économique, il ne faut sion. Cependant, l’arrivée de Park Geun- pas négliger les différences idéologiques hye à la tête de la Corée du Sud en 2012 et culturelles entre les deux peuples. amène une lueur d’espoir en faisant de la Les organisations non-gouvernemen- réuni"cation une priorité. tale (ONG) venant en aide aux réfugiés Le gouvernement tente d’ouvrir le dia- nord-coréens s’inquiètent du fait que logue avec le régime de Kim Jong-Un « soixante et une années de séparation tout en favorisant la sécurité nationale. et d’isolement pour le régime ermite de La Corée du Sud pourrait alors pro"ter la Corée du Nord ont éloigné les deux des nombreuses ressources naturelles peuples qui, [même] s’ils continuent de des nord-coréens, tandis que ces der- se voir comme une seule nation, se mé- niers auraient accès à la main d’œuvre "ent l’un de l’autre et ont de plus en plus industrielle très développée sud-co- de mal à se comprendre, y compris sur le réenne. plan linguistique » (Autere, 2014). 27 tttt Dans les rues de Séoul, aucune important partenaire économique des trace de la guerre n’est ressentie. On Nord-Coréens, leur fournissant plusieurs perçoit plutôt le succès planétaire que ressources telles que de l’énergie, des connait la Corée dans la présente décen- produits de consommations et de luxe, nie. Pour les jeunes, la guerre semble ap- ainsi que de la nourriture. Il est logique partenir au passé. Cependant le con!it de croire que la Chine ne veut pas mettre est réel et la zone démilitarisée du 38e en péril cette relation particulière avec parallèle marque le fossé important entre ses voisins du sud (Kelly, 2014). les deux Corées. La Corée du Sud se retrouve donc dans Les soldats du sud et du nord postés à une situation bien délicate alors que les la frontière rappellent que la réuni"cation deux plus grandes puissances mondiales ne se fera pas sans conséquences ni sa- divergent sur la question de la réuni"ca- cri"ces (Pak, 2013). tion.
La vision de Pékin sur la question, à l’opposé de celle de Séoul, freine le dé- veloppement des relations entre les deux pays. Cependant, ce développement est inévitable en raison de la montée de la Chine dans les dernières années. La Corée du Sud fait donc face à un di- lemme stratégique. D’une part, les États- Unis, allié traditionnel assurant leur protection et d’autre part, la Chine, de laquelle la Corée est grandement dépen- dante économiquement. Pour leur propre intérêt national, les Sud-Coréens croient qu’il ne faut, en aucun cas, promouvoir une relation au dépend de l’autre (Han, « Non pas la dernière station depuis le Sud, mais la première vers le Nord. » 2012). Comme l’illustre cette pancarte visible dans la gare frontalière de Dorasan, les espoirs de réuni!cation sont encore présents. © MC Bref, que ce soit avec le Japon, la Chine ou les États-Unis, la Corée se L’in!uence des puissances retrouve dans plusieurs cas le théâtre mondiales de confrontations, d’oppositions et de La Chine et les États-Unis, alliés respec- mésententes qui créent un climat d’in- tifs du Nord et du Sud, sont des acteurs certitudes politiques et sociales. On y importants dans la question de la réuni"- voit, encore-là, la source de la mé"ance cation de la péninsule. constante, du nationalisme et du senti- Selon les Américains, la Corée du Nord ment de vengeance du peuple coréen. représente un des problèmes les plus Ces situations con!ictuelles poussent la dérangeants et persistants pour les po- Corée à sortir de l’état d’extrême pau- litiques étrangères. Le régime de Kim vreté dans lequel elle s’est retrouvée. Jung-un est perçu comme une réelle Conséquemment, une doctrine prônant menace à la sécurité nationale du pays. l’ardeur au travail et les efforts constants C’est pourquoi, les Américains sup- est inculquée au peuple. Plusieurs an- portent ardemment la vision de la Co- nées plus tard, cette mentalité persiste rée du Sud pour une réuni"cation sous et la Corée est gouvernée par la culture le contrôle de Séoul (John-Chul Park, du « Ppalli, Ppalli! » (« Allez, allez! »). Cet 2014). état d’esprit met de l’avant l’ef"cacité La Chine pour sa part ne se positionne d’exécution au dépend du bien-être de pas of"ciellement sur la question de la tous. Une forte compétitivité est alors réuni"cation a"n de protéger ses propres présente dans plusieurs sphères de la intérêts. En effet, Pékin est de loin le plus société coréenne. tttt 28 Relations avec le Canada
Plus de 50 ans de relations diploma- tiques lient la Corée du Sud et le Canada. Premiers missionnaires occidentaux à vi- siter la péninsule coréenne au 19e siècle (Foreign Affairs Trade and Development Canada Government of Canada, 2015) (Yoo, 1996), les Canadiens participent à la mise en place d’élections libres par l’entre- mise de la Commission des Nations Unies en 1947 et reconnaissent la République de Corée en 1949 (Foreign Affairs Trade and Development Canada Government of Ca- nada, 2015). Par la suite, le Canada devient, avec 26 791 troupes, le troisième plus gros contingent étranger lors de la Guerre de Corée en 1950-53, une attention que les Sud-Coréens tiennent encore en estime (Choi, 2015).
Ce n’est qu’en 1963 que les deux pays of"cialisent leurs relations diplo- matiques. Deux ans plus tard, la Corée du Sud est la première à inaugurer son ambassade à Ottawa (Embassy of the Republic of Korea to Canada, 2015); il faudra attendre 1973 pour qu’une am- bassade canadienne ouvre ses portes à Séoul (Foreign Affairs Trade and Deve- lopment Canada Government of Canada, 2015). La Mission 2015 à l’ambassade du Canada en Corée du Sud. © MC
Le développement rapide de la pièces automobiles, des pneus ou encore Corée a permis aux deux pays d’étoffer de l’acier, et de la part du Canada du char- leurs relations au fur et à mesure des bon bitumineux, des minerais de cuivre, années : leurs adhésions communes au de fer et d’uranium, et de la pâte à papier G20 (Groupe des vingt), à l’APEC (Coopé- (Embassy of the Republic of Korea to Ca- ration économique pour l’Asie-Paci"que, nada, 2015). en anglais Asia-Paci!c Economic Coo- A"n de favoriser encore ces échanges et peration), à l’OMC (Organisation mon- de concurrencer les États-Unis et l’Union diale du commerce) ou encore à l’OCDE européenne, un accord de libre-échange (Organisation de coopération et de déve- Canada-Corée du Sud (ALECC) est signé loppement économiques) ont renforcé en septembre 2014. Cet accord, étudié leurs liens diplomatiques, économiques plus en détails dans le chapitre Commerce et commerciaux. international de ce rapport, permettra au C’est ainsi qu’en 2014 la Corée est le 7e Canada d’augmenter ses exportations partenaire commercial du Canada avec vers la Corée de 32 %, en plus d’injecter 11,4 milliards de dollars de marchandises 1,7 milliards de dollars dans l’économie échangées (Kim et al., 2015) comprenant canadienne et de créer des milliers d’em- principalement de la part de la Corée des plois (Affaires étrangères Gouvernement voitures, des téléphones mobiles, des du Canada, 2015). 29 tttt L’évolution des systèmes politiques
Évolution du système politique et instaurant un système parlementaire bica- organisation actuelle méral permettant une meilleure régulation Le développement de la puissante indus- du pouvoir exécutif. C’est le début de la IIe trie sud-coréenne et la croissance rapide République qui semble dessiner les bases du pays est le fruit de politiques de dé- d’un système politique plus équilibré. veloppement favorisées par la structure même du pouvoir qui a oscillé entre régime Pourtant, le 16 mai 1961, un coup présidentiel et dictature. Il s’agit donc ici d’état militaire dirigé par le général Park de comprendre les évolutions qu’ont ap- Chung-hee dissout le Parlement et crée un portées les six Constitutions coréennes Conseil suprême de reconstruction natio- promulguées depuis 1948. nale. Park fait adopter par le référendum du 17 décembre 1962 une nouvelle constitution qui restaure le système présidentiel, c’est la IIIe République. Dix ans plus tard en 1972, dans l’objectif de pérenniser son pouvoir « à vie », Park fait adopter une nouvelle Constitution pour créer la IVe République qui ne limite plus le nombre de mandats présidentiels. Cette dernière constitution, assurant une élec- tion majoritaire à Park est fortement criti- quée par des Coréens qui souhaitent une réelle démocratie. Jusqu’à sa mort, Park ne réussit alors à gouverner qu’en prenant des mesures d’exception et en proclamant des lois martiales pourtant à l’encontre d’une culture néo-confucianiste profondé- ment anti-coercitives.
À la mort de Park, un Comité spécial L’ambassadeur Choi en conférence à Polytechnique, soulignant l’amitié de la sécurité nationale est créé et aboutit canado-coréenne. © MC au vote de la Constitution de la Ve Répu- blique, approuvée par référendum. La première Constitution coréenne Cette République est marquée par la limi- est promulguée le 17 juillet 1948, suite à tation du mandat présidentiel à 7 ans et l’occupation japonaise qui durait depuis par la suppression du couvre feu qui exis- plus de 35 ans. La République de Corée tait depuis 1945. est fondée le 15 août 1948 avec la mise En 1987, la Constitution coréenne évo- en place d’un gouvernement pro-amé- lue une nouvelle fois pour faire entrer la ricain à Séoul et l’élection du Président Corée du Sud dans la VIe République. Elle Rhee Syngman au suffrage indirect. Sous marque le retour d’une réelle représenta- la gouvernance de Rhee, la Constitution est amendée pour autoriser le cumul des Bicamérisme mandats et l’élection du Président au suf- Système d’organisation politique divisant le frage universel direct. Parlement en une Chambre basse élue di- rectement par le peuple (assemblée) et une À la chute du régime de Rhee, l’Assemblée Chambre haute représentant l’État (sénat). nationale adopte une nouvelle Constitution tttt 30 Monocamérisme dente actuelle et !lle de Park Chung-hee, Système d’organisation parlementaire à une a été élue en Novembre 2013. seule Chambre (l’Assemblée dans le cas de Le pouvoir législatif appartient au parle- la Corée). ment d’une seule chambre : l’Assemblée nationale ou Gukhoe ( ). Elle est com- tion du peuple dans les décisions légis- posée de 273 députés dont les deux tiers latives et le choix de leur dirigeant par le se font élire au scrutin majoritaire alors suffrage universel qui n’existe plus depuis que le dernier tiers des sièges est réparti 1972 et réduit à 5 ans le mandat présiden- proportionnellement à la représentation tiel (Encyclopædia Universalis, 2015). de chaque parti lors du suffrage direct. Ils sont élus pour un mandat de 4 ans. Actuellement, le régime sud-coréen L’Assemblée investit ensuite le Premier est présidentiel et monocaméral, même si ministre proposé par le Président et, peu à peu, le Président a perdu de ses pré- même une fois investi, elle conserve le rogatives au pro!t du Parlement. droit de révoquer le chef du gouvernement Or, si un gouvernement sud-coréen est en place après un an. créé très tôt, une réelle démocratie ne C’est aussi à l’Assemblée que les lois sont commence à se mettre en place qu’au proposées, débattues et votées (Biblio- cours des années 1980 et 1990 pour res- Monde, 2006). sembler à l’organisation que l’on connaît Le pouvoir judiciaire est quant à lui consti- aujourd’hui (BiblioMonde, 2006). tué des cours de district, des cours d’ap- pel et de la Cour suprême, et le Chef de L’organisation du pouvoir est faite la Justice est nommé pour 6 ans par le autour d’un pouvoir exécutif, d’un pouvoir Président de la République avec approba- législatif et d’un pouvoir judiciaire. tion de l’Assemblée nationale. Le Chef de Le pouvoir exécutif est détenu par le Pré- la Justice nomme les juges des tribunaux sident de la République, et son Premier suite à l’approbation du Conseil constitu- ministre doit être considéré comme son tionnel. Une fois nommés, les juges sont premier assistant. Park Geun-hye, la prési- inamovibles (BiblioMonde, 2006). Le miracle de la rivière Han Hangangui Gijeok, 한강의 기적
La croissance économique sud-co- critiquées pour leur autoritarisme, le début réenne est comparée à un véritable miracle de la réussite économique coréenne est pour son ef!cacité fascinante. Les leaders souvent attribuée à sa reforme des terri- du pays ne manquent pas une utilisation toires. L’objectif de cette réforme est une de ce terme pour éveiller la !erté et le na- redistribution équitable des territoires et tionalisme des Sud-Coréens. un accès à la propriété qui se traduit par Cette croissance forte a permis une indus- une nette augmentation du pourcentage trialisation rapide du pays, des créations de terres exploitées par des agriculteurs technologiques, une urbanisation impor- propriétaires qui passe de 14 % à 72 % tante, ou une excellence éducative qui entre 1944 et 1964 (Putzel, 2000). font désormais la !erté du peuple coréen. Cette division équitable de la propriété des Ces évolutions sont cependant les fruits terres permet une augmentation et une ré- de politiques nationales dif!ciles. partition des revenus dans les campagnes. Trois facteurs majeurs montrent ensuite La réforme des territoires de Rhee que cette réforme s’inscrit dans le plan de Syngman (1953-1961) développement économique sud-coréen : Si les politiques de Rhee Syngman sont Premièrement, cette réforme crée un envi- 31 tttt ronnement politique et économique plus ment sur des industries légères dans les stable dans les campagnes permettant années 1960, sur des industries lourdes et ainsi à Rhee puis Park de se concentrer chimiques dans les années 1970, pour en- sur le développement du secteur industriel !n atteindre le développement des hautes (Putzel, 2000). technologies dans les années 1980. Deuxièmement, la reforme est essentielle Cette évolution est visible dans la part pour l’accès à l’éducation des popula- du PIB de la production industrielle qui tions rurales dans les années 60. La tradi- passe de 9 % en 1953 à 39 % en 1985. tion néo-confucianiste du pays amène les Mais cette évolution rapide n’est pas familles rurales à dépenser la majorité de sans causer de protestations du peuple leurs augmentations de revenu dans l’édu- qui conduisent alors Park à prendre des cation de leurs enfants qui fournissent mesures pour contenir la population et alors une mains d’œuvre hautement qua- conserver le pouvoir (Encyclopædia Uni- li!ée, ressource de choix pour l’industrie versalis, 2015). locale en développement. L’héritage des lois martiales Le peuple coréen a été fortement marqué par le recours récurent de leurs Présidents aux lois martiales. Dès son second mandat, le Président sud- coréen Rhee Syngman, anticommuniste virulent, décrète une loi martiale en 1956, ainsi qu’une loi sur la sécurité nationale destinée à opprimer la presse. Pendant la dictature de Park une seconde loi martiale est là encore mise en place lorsqu’il réalise que son despotisme n’est pas accepté par la société coréenne. Après sa mort, malgré la volonté de Choi Kyu-hah de prendre des mesures libérales, un nouveau groupe militaire dirigé par le général Chun Doo-hwan prend le pouvoir. C’est !nalement en 1987 que le Président Des membres de la Mission en hanbok, l’habit traditionnel coréen. © MC Roh Tae-woo met en place la VIe République Finalement, l’augmentation des revenus du et apaise les traumatismes laissés par ces secteur rural permet l’expansion du mar- lois en rétablissant le suffrage universel, la ché local dont l’étendue est fondamentale liberté de la presse et la liberté syndicale. au début de la période d’industrialisation par substitution des importations du plan Des politiques de puri!cation du quinquennal de Park Chung-hee (Putzel, 2000). Chaebol ( ) De chae – richesse – et bol – clan (Merriam- Le plan quinquennal de Webster Dictionary, 1984). Créés après la guerre par le gouvernement développement économique de Park Chung-hee, ces conglomérats familiaux Park Chung-hee de compagnies (sous forme de maison mère– Amorcé au début de la dictature de Park "liales) avaient pour but de relever l’économie Chung-hee en 1962, le premier plan quin- nationale en leur con"ant le monopole de quennal de développement économique secteurs donnés. Bien qu’ayant fait de la Corée l’un des dragons asiatiques, les chae- coréen est mis en place jusqu’en 1966. bols sont aujourd’hui critiqués pour leur as- Son objectif est l’industrialisation forte du pect ploutocratique (dirigés par l’argent), pays par la promotion des exportations et leurs relations "nancières complexes et leur le contrôle d’un État autoritaire. poids trop important dans le PIB coréen. À travers des plans d’industrialisation Parmi les principaux chaebols, on peut nom- mer Samsung, Hyundai et LG Group. de 5 ans, l’accent a été mis progressive- tttt 32 système politique sont ensuite mises Par la suite, élu en 2002, le programme en place. D’abord par le Président Kim du Président Roh Moo-hyun est princi- Young-sam pour que ses prédécesseurs palement orienté vers la lutte contre la puissent être jugés pour leurs crimes corruption récurrente dans les puissants commis lors du coup d’état de 1979 et chaebols (conglomérats) et dans les mi- ensuite lors des soulèvements populaires lieux politiques (Encyclopædia Universa- de Kwangju. lis, 2015). Hallyu : la déferlante coréenne 2,3 milliards. C’est le nombre de vues que totalise en mai 2015 le vidéoclip Gan- gnam Style du chanteur sud-coréen PSY (PSY - GANGNAM STYLE ( ) M/V, 2012), lui valant plusieurs records Guinness (Guinness World Records News, 2012). Cette chanson, devenue virale, a démocratisé la musique coréenne en Amérique du Nord et en Europe.
Cette découverte soudaine de l’Oc- cident pour la culture coréenne n’est pas le fruit du hasard, mais d’une entreprise bien plus profonde et calculée du gou- vernement. Car oui, la culture coréenne s’exporte déjà depuis la "n des années 1990, notamment dans le reste de l’Asie, Le chanteur sud-coréen PSY a su démocratiser la K-Pop en occident. mais également au Moyen-Orient et en © Capture d’écran YouTube Amérique du Sud (Courmont, 2012; Léga- ré-Tremblay, 2015). les efforts non pas sur l’industrie manu- Appelée hallyu, cette « vague [culturelle] facturière, mais sur la culture. Une ap- coréenne » est l’initiative du gouverne- proche assez inédite et risquée, rarement ment du président Kim Dae-jung (en poste entreprise par les gouvernements occi- de 1998 à 2003), désirant à l’époque diver- dentaux, comme par exemple au Québec, si"er les revenus du pays (Légaré-Trem- où 2,5 millions de dollars ont encore été blay, 2015). La dépendance aux chaebols coupés du budget du Conseil des arts et devenant un risque d’écroulement de des lettres du Québec en 2015 (ICI.Radio- l’économie si l’un de ses géants venait à Canada.ca, 2015). péricliter, le président Kim décide, après la crise économique asiatique de 1997- Pour mener à bien ce programme, le 1998, de relancer le pays en concentrant gouvernement se lance dans le pari auda- cieux de devenir le pays le plus connec- Hallyu ( ) té du monde, dé" qu’il relève à peine Des racines han ( ) – état d’être coréen – quelques années plus tard (Légaré-Trem- et ryu ( ) – vague ou courant, la hallyu est blay, 2015). la vague culturelle initiée par le gouverne- Aujourd’hui encore, la Corée du Sud est ment de Kim Dae-jung au début des années 2000. Exportant la culture musicale, ciné- l’un des pays précurseurs de nombreuses matographique, télévisée, technologique et technologies, comme les normes de télé- culinaire, ce mouvement vise à diversi"er les phonie mobile CDMA ou LTE, ce qui lui revenus nationaux et promouvoir internation- valent le quali"catif de « marché test » alement le Made in Korea, pour ainsi assurer pour de nombreuses innovations électro- la stabilité économique du pays. niques (Ducourtieux, 2013). 33 tttt Parallèlement, beaucoup d’efforts ou la diffusion de programmes télé et de sont mis pour encourager la création de #lms, mais est grandement ampli#ée par contenu : en 2012, ce sont plus de 1 billion Internet, d’où la course à la connectivité de won (1,1 milliard de dollars canadiens) menée par le gouvernement. qui ont été insuf"és par le Ministère de Les vidéoclips de K-pop sont vus plu- la Culture, du Sport et du Tourisme dans sieurs dizaines de millions de fois sur les l’industrie de la culture (Cho, 2012). Les sites de partage comme YouTube, les ad- béné#ciaires vont des studios cinémato- mirateurs de K-drama s’entraident a#n de graphiques de Busan aux maisons de pro- traduire en plusieurs langues leurs émis- duction musicale, telles SM entertainment, sions préférées, et les #lms sont dispo- YG entertainement ou encore JYP enter- nibles en ligne et sous-titrés. La société tainement. Son in"uence est telle en Asie coréenne restant très traditionnaliste, ses que les célébrités coréennes #gurent par- programmes – surtout ses téléromans – mi les acteurs les mieux payés au monde s’exportent très facilement : contrairement derrière ceux de Hollywood (Faiola, 2006). aux séries américaines mêlant violence et sexualité, les K-drama demeurent très pudiques et abordent des thèmes pouvant passer aux heures de grande écoute dans le monde musulman, expliquant leur suc- cès dans les pays du Moyen-Orient (Léga- ré-Tremblay, 2015).
Les conséquences de cette vague culturelle sont impressionnantes et visibles dès les balbutiements du programme : de 2003 à 2004, le nombre de touristes étran- gers visitant la Corée du Sud est passé de 2,8 à 3,7 millions (Faiola, 2006), pour atteindre 14 millions aujourd’hui (Of#ce national du Tourisme coréen, 2014). Un autre effet collatéral de cette vague : une solidi#cation des chaebols. Grâce au place- ment de produits dans les K-drama, les #lms ou les vidéoclips de K-pop, l’Asie, le Moyen- Orient ou l’Amérique du Sud sont inondés visuellement de produits coréens, les mé- nages de ces pays en développement dési- rant maintenant posséder une voiture Kia, de l’électroménager LG ou le nouveau télé- phone Samsung (Légaré-Tremblay, 2015). C’est un véritable écosystème socio-écono- mique que le gouvernement coréen a réussi à installer avec sa hallyu.
Cet hôtel de Busan, à l’ef!gie du groupe de K-pop 2NE1, témoigne de la Les raisons of#cielles de cette expor- place qu’occupe la hallyu dans la culture coréenne. © MC tation culturelle cachent cependant une motivation plus profonde : l’obsession de Cet univers artistique gigantesque la première place. Constamment envahie se base sur différents média : la musique et occupée par ses voisins, c’est la pre- (avec la K-pop – de l’anglais Korean pop), mière fois que la Corée part à la conquête les téléromans (K-drama), les #lms, les du monde. Entretenu par des années de technologies et la cuisine. soumission et d’assimilation, le sentiment Sa propagation se fait au travers de du han est omniprésent dans la société du moyens traditionnels, par la vente de CD matin levant. tttt 34 Soft Power d’un nationalisme exacerbé, nourri par une Le soft power – ou puissance douce – est recherche de pérennité économique. un concept utilisé en relations internation- ales lorsqu’un État, une "rme ou toute autre De plus, la hallyu est considérée par institution ou organisation tente d’in#uencer beaucoup comme une tentative de soft d’autres acteurs à l’aide de moyens non coer- citifs. Introduite par Joseph Nye en 1990, cette power envers la Corée du Nord (Courmont, forme de pouvoir se base sur l’admiration 2012) : Kim Dae-jung déclarait même que pour ladite organisation, son prestige ou le « si les deux Corées se réunissent un jour, rayonnement de son idéologie comme force ce sera grâce à cette vague » (Légaré- de persuasion sans avoir à user de la force de Tremblay, 2015). Dans les faits, sa vision contrainte ou de menaces (solution quali"ée de hard power). paci!ste porte ses fruits : dans les rares zones de collaboration des deux régimes Ce concept, dif!cile à traduire, est un désir comme à Kaesong, des Nord-Coréens de vengeance, jamais assouvi, propre au risquent leurs vies pour ramener chez eux peuple coréen (Légaré-Tremblay, 2015). des biens et des idéologies du Sud (Léga- Ce désir de conquête est donc le résultat ré-Tremblay, 2015). Synthèse L’histoire de la Corée et de ses rela- été dif!ciles pour le peuple en raison du tions avec ses pays limitrophes a forgé recours récurent aux lois martiales par l’identité d’un peuple asiatique singulier, les gouvernements, il faut aussi admettre aujourd’hui 15e puissance mondiale. leur ef!cacité. Chaque réforme et chaque Cette réussite économique exceptionnelle plan quinquennal s’inscrit dans la logique est le fruit d’une culture locale imprégnée du précédent. La reforme des territoires par le néo-confucianisme prônant travail soutient le plan quinquennal de dévelop- et réussite, et par le sentiment de han qui pement des infrastructures, qui soutient à met la rivalité avec le Japon au centre des son tour le plan de développement des in- motivations populaire. dustries lourdes, qui soutient à son tour le Les 65 dernières années ont particulière- plan de développement des hautes tech- ment marqué la société coréenne, entre nologies par l’exportation. héritage d’une occupation japonaise bru- tale, guerres, dictatures et régimes auto- Depuis quelques années, le gouver- ritaires. La guerre de Corée et la rivalité nement tente de revoir sa politique écono- idéologique face au Nord sont des sources mique face aux géants que sont la Chine constantes de tensions dans cette pou- et le Japon en développant un nouveau drière héritée de la guerre froide. plan quinquennal. Car après avoir subit les Pourtant les contraintes économiques invasions voisines, c’est à la Corée du Sud actuelles laissent envisager des rappro- d’envahir le monde avec sa culture dont chements entre ces deux sœurs, encore le vecteur est !nalement l’industrie élec- une fois dans une logique sud-coréenne tronique dont elle est un des leader mon- de maintenir la péninsule compétitive face diaux. La hallyu en est l’expression et par- aux géants voisins que sont la Chine, le ticipe au rayonnement international actuel Japon ou la Russie. du pays en s’inscrivant dans un nouveau Cependant, au-delà d’une identité co- plan de développement. réenne forte, le Miracle de la rivière Han Cette dynamique est particulièrement est du à un système politique, dont l’im- appuyée par les nombreux traités de libre- portant pouvoir donné à l’exécutif facilite échange signés par la Corée ces dernières la prise de décision et la mise en place des années et dont le dernier a été signé avec grandes réformes qui font de la Corée une le Canada. des plus grandes puissances industrielles Encore une fois, l’ef!cacité de la stratégie actuelles. Et bien que ces reformes aient du pays du matin calme semble imparable. 35 tttt « Le Système du Budget et des Comptes coréen est le système de gestion d’information "nancière le plus développé que je n’ai jamais vu. » - Cem Dener, Directeur des Solutions digitales intégrées à la Banque Mondiale, 2010 La Banque de Corée, au centre-ville de Séoul, régit la valeur du won. © MC
Macroéconomie un système bancaire unique au monde
37 tttt Les géants tels Samsung, Hyundai et LG parviendront-ils à soutenir l’économie coréenne à eux seuls? © MC
Introduction
La situation économique de la Corée causé la création de très grandes puis- a changé drastiquement depuis la !n de la sances mondiales dans ces domaines par- guerre opposant le Nord et le Sud. La par- ticuliers. Les activités de ces entreprises tie septentrionale de la péninsule a réussi représentent aujourd’hui une large part à sortir de la pauvreté avec l’intervention, du PIB du pays. Cette section vise à pré- certe autoritaire de son gouvernement. senter les différentes données macroéco- Celle-ci a permis au pays de connaître une nomiques ainsi que les politiques écono- croissance économique sans précédent miques qui permettent de placer la Corée grâce au développement des grosses sur l’échiquier mondial. compagnies coréennes (aussi connues sous le nom de chaebols) telles Hyundai, Ce chapitre analyse la situation éco- Samsung et LG. nomique coréenne en portant attention Avec le temps, les différentes politiques à trois aspects clés de cette dernière : la gouvernementales ont notamment orienté conjoncture économique, la politique bud- le plan de développement national vers les gétaire ainsi que la politique monétaire. secteurs des transports et des technolo- Les situations du Québec et du Canada gies informationnelles. sont aussi présentées en guise de compa- Le développement de ces compagnies a raison. Conjoncture économique Comme il a été mentionné aupara- évènements marquants de l’histoire éco- vant, la Corée du Sud a vécu un redresse- nomique récente de l’Asie. ment spectaculaire au cours des 50 der- Les deux principaux évènements sont la nières années, passant du statut de pays crise !nancière asiatique (CFA) de 1997 pauvre à celui de puissance mondiale. ainsi que la Grande Récession de 2008. Cette progression est principalement attri- Au cours de ces deux évènements, la buée à la montée en puissance des chae- Banque Centrale de Corée (BCC) et le bols sur la scène mondiale avec l’aide im- Fond monétaire international (FMI) ont joué portante du gouvernement. un rôle crucial pour que la Corée puisse La situation générale de l’économie co- se remettre des turbulences économiques réenne au courant des dernières années encourues. sera observée en analysant des éléments Une des raisons majeures ayant mené à la tels le comportement du pays durant la CFA est le manque de coopération entre crise et la Grande récession asiatique, le les différentes instances !nancières, mo- PIB, ainsi que le taux de chômage. nétaires et gouvernementales asiatiques avant la crise. La crise économique asiatique et la L’ASEAN Plus Trois (APT) ou Association Grande Récession des nations de l’Asie du Sud-Est (Associa- A!n de comprendre les données écono- tion of Southeast Asian Nations, abrégé miques ainsi que les politiques mises en ASEAN) ainsi que la Chine, le Japon et la place, il est nécessaire de connaître les Corée ont décidé conjointement d’amélio- tttt 38 rer leur communication et de coordonner Un autre changement fut d’instaurer un certaines politiques monétaires et !nan- groupe nommé Asian Bond Market Initia- cières pour éviter de revivre une situation tives (Sussangkarn, 2014). Cette instance similaire. a pour but de s’assurer que les marchés d’obligations asiatiques se développent La crise !nancière asiatique de 1997 de manière ef!cace et que les épargnes a commencé en Thaïlande avant de rapi- soient utilisées pour des investissements dement se propager dans toutes les ré- régionaux (Kawashima, 2013). gions avoisinantes. Un af"ux massif de ca- Ces deux nouvelles instances permettent pitaux étrangers qui s’était accumulé dans aujourd’hui aux pays asiatiques d’être la région s’est brusquement retiré suite à moins dépendants du FMI comme c’était l’éclatement de la bulle !nancière en Thaï- le cas précédemment. lande, ce qui a causé un déséquilibre de la monnaie des différents pays. L’expansion rapide de la crise a été favo- risée par la mé!ance des investisseurs étrangers dans les autres pays de la zone à la vue des évènements se déroulant en Thaïlande. Rapidement, la Thaïlande, l’Indonésie et la Corée ont eu besoin d’être secourues !- nancièrement par le FMI. Ce qui distinguait ces trois pays des autres pays de la région qui n’ont pas eu besoin de l’aide du FMI est le fait que leur ratio de dette étrangère sur leurs réserves en devises étrangères dépassait 100 %. En Thaïlande, ce ratio était de 110 %, en Indonésie de 167 %, tandis qu’en Corée il s’élevait à 195 % (Sussangkarn, 2014). Ces pourcentages sont dangereux dans le cas où ces dettes ne soient pas renou- C’est en Thaïlande que commence la crise asiatique de 1997. © MC velées en raison d’une perte de con!ance des investisseurs. En effet, le niveau de En effet, au cours de la crise asiatique, les réserves en devises étrangères est impor- pays comme la Corée qui ont dû se plier tant pour un pays a!n d’assurer une sécu- aux demandes du FMI pour obtenir une rité dans le cas où sa propre monnaie se aide !nancière de l’organisme à cause du dévalue, par exemple dans des périodes peu d’in"uence qu’ils possédaient auprès de turbulences !nancières. de ce dernier. De ce fait, ils n’ont pas eu leur Suite à ces évènements l’APT a mis en mot à dire sur la nature et les conditions im- place l’initiative Chiang Mai (Chiang Mai posées, et ont dû accepter des politiques initiative, abrégé CMI) qui assure un fonds monétaires restrictives qui ont causé des de réserve en devises étrangères qui at- problèmes sociaux. Les conditions n’ayant teint maintenant 240 milliards $US en plus pas été pensées en fonction du pays, elles d’établir un mécanisme d’échange de ont mené à des tensions politiques et cultu- devises étrangères ef!cace entre les pays relles en plus d’engendrer une réforme de membres (McGillivray et Carpenter, 2013). restructurations corporatives rapides qui a 39 tttt particulièrement touché les chaebols. certains pays ont pu réduire l’impact de la Finalement, le FMI a demandé aux pays récession. concernés par les crises d’assurer des ga- Ce fut notamment le cas de la Corée qui ranties complètes pour les prêteurs d’ins- connut une courte période de récession titutions !nancières (Sussangkarn, 2014). avant de reprendre sa croissance. Au-delà des structures déjà en place, un Pour ce qui est du cas particulier de des autres facteurs importants fut la né- la Corée, à la veille de la crise !nancière gociation de nombreux accords de libres- asiatique le taux d’endettement des chae- échanges avec les principaux pays impor- bols atteignait 500 % de leurs avoirs alors tateurs des produits coréens. Ces accords que la dette nationale s’élevait à 150 G$US couplés à la faible valeur du won ont fa- dont 60 % de ce montant était à moins vorisé les exportations qui sont le moteur d’un an d’échéance. De plus, les réserves économique du pays. en devises étrangères n’étaient que de 8 G$US. La production coréenne, signe À la suite d’une sortie massive de capitaux d’une croissaince effrénée étrangers, la Corée est tombée en crise Le PIB de la Corée se situait à 260 $US et celle-ci a engendré les faillites succes- par habitant au lendemain de la guerre de sives de banques et d’entreprises. Corée, et était comparable aux produits Le plan de sauvetage du FMI s’est élevé à intérieurs bruts de pays sous-dévelop- 47 G$US et il fut !nalement remboursé en pés d’Afrique et d’Asie (Consulat général 2001. Le succès de la reprise venait entre à Montréal de la République de Corée, autres des mesures mises en places par 2015). Il était inférieur à celui de la Corée la BCC, et la libéralisation de l’économie du Nord. coréenne sous la direction du FMI. En 2014, ce même PIB par habitant s’éle- Au travers de cette crise, la Corée a pu en- vait à 28 739 $US (OCDE, 2014). La pro- trevoir les limites de son économie, et a pu gression fut d’autant plus marquée avec la restructurer celle-ci pour la rendre viable. présence du président Park Chung-hee au pouvoir, de 1962 à 1979. Il privilégia une La grande récession de 2008 fut la économie basée sur l’exportation et per- dernière grande crise qui a affecté les pays mit l’arrivée des fonds japonais pour ap- asiatiques. puyer l’industrialisation du pays, grâce au Grâce aux discussions plus intensives de traité nippo-sud-coréen de 1965. l’APT, mais aussi grâce aux structures déjà Malgré les progrès spectaculaires, le PIB mises en place lors de la précédente crise, de l’année 2014 ne se situe que dans la