En couverture : Hervé Pierre, Catherine Samie. Ci-dessous : Suliane Brahim, Hervé Pierre. © Brigitte Enguérand

Peer Gynt Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française

CE PRINTEMPS, LA COMÉDIE-FRANÇAISE ET LE GRAND PALAIS ont un projet en commun. Vingt-neuf représentations inédites de Peer Gynt d’Henrik Ibsen sont programmées dans le nouveau cadre du Salon d’Honneur, dont cette série excep- tionnelle marque l’inauguration après plusieurs dizaines d’années de fermeture. C’est l’hommage rendu par le Grand Palais à l’une de nos plus illustres institutions culturelles. C’est avec un réel enthousiasme que la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et la Comédie-Française se sont ainsi lancées dans l’aventure.

Fondée par le Roi Louis XIV en 1680, sept ans après la mort de Molière, la Comédie- Française n’a depuis cessé de se réinventer à travers les dramaturges qui l’ont ins- pirée, les comédiens qui l’ont animée et les hommes et les femmes qui la font vivre. Pendant le temps où la mythique Salle Richelieu est fermée pour travaux, la troupe renoue avec son histoire et sort de ses murs. n°1 Bernard-Marie KOLLTÈSTÈTÈS | n°2 CHAISARMUBEA | n°3 Ödön von OOH RVVÁÁÁTTH | n°4 A lfred de TMUSSE | n°5 A Jlfred ARRJ Y | n°6 Dario F |O n°7 Georges UEADEYF | n°8 TTennesseeennessee SMWILLIA | n°9 C ONIDOLGarlo ONI | hors-série Pier DUre X | hors-série L omédie-Fomédie-FCa rançaise | Le Grand Palais est un des monuments préférés des Français. Il a été édifié par la À paraître hors-série les métiers du plateau | Ces publications sont disponibles en librairie, dans les boutiques de la omédie-FC rançaise et IIIe République à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, et conçu pour être, sur www.boutique-comedie-francaise.fr | Prix de v 10 €.ente comme l’indique son frontispice, « un monument dédié à la gloire de l’art français ». Il a été bâti selon les technologies les plus modernes de l’époque en matière de combinaison de verre, d’acier, de pierre et de béton. Depuis plus d’un siècle, il a Éditions L’avant-scène théâtre toujours accueilli l’art et la création sous toutes leurs formes.

Nos deux institutions ont en commun la quête d’une identité toujours renouvelée. e La production de l’œuvre d’Ibsen, brillamment mise en scène par Éric Ruf, est la ren- Le théâtre français du XX siècle direction Robert Abirached contre de ces deux volontés. Voyant dans cette pièce une métaphore de l’éternel retour, il a imaginé une grande route sur laquelle défilent, dans un troublant jeu de miroirs, nos fantômes intérieurs. Nous saluons l’inventivité du metteur en scène, l’énergie et le talent que la troupe a offerts au texte original d’Ibsen. Ils seront sans Les auteurs, les œuvres, les grandes idées nul doute justement récompensés par la ferveur du public venu les applaudir. présentés et commentés par les meilleurs spécialistes et les metteurs en scène de référence

JEAN-PAUL CLUZEL MURIEL MAYETTE Président Administratrice générale de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais de la Comédie-Française Disponible en librairie ou sur www.avant-scene-theatre.com présentent au Salon d’Honneur du Grand Palais Peer Gynt de Henrik Ibsen texte français de François Regnault

DU 12 MAI AU 14 JUIN 2012, relâche le mardi durée 4h45 avec 2 entractes

Mise en scène et scénographie d’Éric Ruf

Costumes Christian LACROIX I Lumières Stéphanie DANIEL I Musique originale Vincent LETERME I Travail chorégraphique Glysleïn LEFEVER I Réalisation sonore Jean-Luc RISTORD I Collaborateur artistique Léonidas STRAPATSAKIS I Assistante à la mise en scène Alison HORNUS I Assistante à la scénographie Dominique SCHMITT I Maquillages Carole ANQUETIL I Le décor et les costumes ont été réalisés dans les ateliers de la Comédie-Française. avec Catherine SAMIE...... Åse Catherine SALVIAT...... la Mère de Solvejg, une fille des pâturages, une villageoise, une fille du désert, une folle, un troll Claude MATHIEU...... Kari, la Mère du marié, une fille des pâturages, un troll, une fille du désert, une villageoise Michel FAVORY...... le Passager inconnu, Von Eberkopf, le Père du marié, un troll, un villageois Éric GÉNOVÈSE...... le Prêtre, un troll, un villageois, un singe Florence VIALA...... la Femme en vert, Anitra, une villageoise Serge BAGDASSARIAN...... le Roi des trolls, M. Ballon, un eunuque Hervé PIERRE...... Peer Gynt Bakary SANGARÉ...... Aslak, le Fellah, l’Enfant troll, le Gardien du harem, un marin Hervé Pierre, Florence Viala. © Brigitte Enguérand

Stéphane VARUPENNE...... le Fondeur de bouton, Master Cotton, le Cuisinier, un troll, un singe, un villageois Gilles DAVID...... le Père de Solvejg, Trumpeterstråle, le Capitaine, le Troll de cour, le Maire, un singe Suliane BRAHIM...... Solvejg, une fille du désert, un troll Nâzim BOUDJENAH...... le Maigre, Uhu, le Marié, un troll, un singe, un marin Jérémy LOPEZ...... Begriffenfeldt, un troll, un singe, un marin, un villageois Adeline D’HERMY...... Ingrid, une fille du désert, une folle, un troll, une villageoise et les élèves-comédiens de la Comédie-Française Romain DUTHEIL...... Hussein, une fille du désert, un troll, un marin, un villageois Cécile MORELLE...... une fille des pâturages, une fille du désert, une folle, un troll, une villageoise Émilie PREVOSTEAU...... Helga, un mousse, une fille du désert, une folle, un troll Samuel ROGER...... un villageois, le Mauvais Garçon, un troll, un singe, un marin Julien ROMELARD...... un villageois, une fille du désert, un troll, un marin et les musiciens Floriane BONANNI...... violon, une villageoise, un troll, un singe Hervé LEGEAY...... guitares, un villageois, un troll, un singe Vincent LETERME...... claviers et accordéon, un villageois, un troll, un singe

Françoise RIVALLAND...... cymbalum et percussions, une villa- geoise, un troll, un singe

Avec l’aide précieuse de Monsieur Basit Igtet et de Madame Belen Canovas. La troupe de la Comédie-Française AU 3 MAI 2012 Sociétaires Pensionnaires

Dominique Gérard Giroudon Claude Mathieu Véronique Vella Serge Bagdassarian Hervé Pierre Nicolas Lormeau Bakary Sangaré Clément Constanza Hervieu-Léger © Christophe Raynaud de Lage

Catherine Sauval Michel Favory Thierry Hancisse Anne Kessler Andrzej Seweryn Cécile Brune Pierre Marie-Sophie Benjamin Jungers Stéphane Varupenne Adrien Gilles David Louis-Calixte Ferdane Gamba-Gontard

Sylvia Bergé Jean-Baptiste Éric Ruf Éric Génovèse Bruno Raffaelli Christian Blanc Christian Hecq Suliane Brahim Georgia Scalliet Nâzim Boudjenah Aurélien Recoing Félicien Juttner Malartre

Alain Lenglet Florence Viala Coraly Zahonero Denis Podalydès Alexandre Pavloff Françoise Gillard Julie-Marie Pierre Niney Jérémy Lopez Adeline d’Hermy Danièle Lebrun Jennifer Decker Parmentier

générale Les comédiens de la troupe présents dans le spectacle sont indiqués

Administratrice en rouge. Céline Samie Clotilde de Bayser Jérôme Pouly Laurent Stocker Laurent Natrella Elliot Jenicot Laurent Lafitte Marion Malenfant Muriel Mayette

Sociétaires honoraires Gisèle Casadesus, Micheline Boudet, , Robert Hirsch, Ludmila Mikaël, Michel Aumont, Geneviève Casile, Jacques Sereys, Yves Gasc, François Beaulieu, Roland Bertin, Claire Vernet, Nicolas Silberg, Simon Eine, Alain Pralon, Catherine Salviat, Catherine Ferran, Catherine Samie, Catherine Hiegel, Pierre Vial.

Michel Vuillermoz Elsa Lepoivre Christian Gonon Julie Sicard Loïc Corbery Léonie Simaga Henrik Ibsen

S’INSPIRANT DES CONTES populaires gageure pour les comédiens embarqués norvégiens, Henrik Ibsen (1828-1906), dans cette aventure au long cours où alors exilé en Italie, écrit en 1867 Peer le tragique côtoie le comique, où le Gynt, sous-titré « poème dramatique ». grotesque bouscule le sublime. C’est en 1874 que le dramaturge Multipliant les décors, les époques et demande à Edvard Grieg de composer les personnages, Ibsen s’affranchit des la musique de scène de la pièce. Deux contraintes matérielles de la scène, et ans plus tard, Peer Gynt, amputé du invente une forme de théâtre total, propre quatrième acte, enfin monté au Théâtre à embrasser tous les questionnements, national de Christiana, aujourd’hui Oslo, politiques, poétiques et métaphysiques, rencontre un immense succès public. qui marquent la modernité de son œuvre. Cette œuvre réputée inclassable est une

Éric Ruf Au premier plan : Michel Favory, Nâzim Boudjenah, Adeline d’Hermy, Claude Mathieu ; au deuxième plan : Vincent Leterme, Cécile Morelle, Samuel Roger, Éric Génovèse, Françoise Rivalland, Romain Dutheil, Florence Viala, Bakary Sangaré ; au troisième plan : Jérémy e Lopez, Floriane Bonanni, Hervé Legeay, Julien Romelard, Stéphane Varupenne. © Brigitte Enguérand ÉRIC RUF EST LE 498 SOCIÉTAIRE de la ballet La Source chorégraphié par Jean- Comédie-Française. Parallèlement à sa Guillaume Bart à l’Opéra Garnier. carrière au cinéma et à la télévision, il a Il a coécrit et mis en scène avec la travaillé au théâtre notamment sous la compagnie d’Edvin(e) Du désavantage Peer Gynt direction d’Alain Françon, Jacques du vent et Les belles endormies du bord Lassalle, Patrice Chéreau, Anatoli de scène. Il a également signé la réali- BIEN QUE LIÉ À SOLVEJG, Peer Gynt Peer Gynt Vassiliev… En tant que scénographe, il sation d’un spectacle conçu autour des déshonore une jeune mariée en pleine Une pelure, courte mais drue, a conçu les décors pour Denis Podalydès tragédies de Robert Garnier : Et ne va fête nuptiale. Acculé à la fuite, il se lance c’est l’érudit des temps passés. de Cyrano de Bergerac d’Edmond malheurer de mon malheur ta vie au dans une quête effrénée d’aventures Rostand, Fantasio d’, Studio-Théâtre de la Comédie-Française. ACTE V qui le conduisent dans les montagnes où Le Mental de l’équipe d‘Emmanuel Il a dirigé à l’opéra le Récit de l’an Zéro il rencontre, comme dans un rêve, trois Bourdieu, Le Cas Jekyll de Christine de Maurice Ohana et L’Histoire de filles des pâturages puis le Roi des trolls. rêveur, poète, il croise, au cours de ce Montalbetti, Fortunio d’André Messager l’an Un de Jean-Christophe Marti. Après avoir séduit sa fille, la Femme en périple épique et fantastique, une foule et Don Pasquale de Donizetti ; pour Dernièrement, en collaboration avec vert, et s’être confronté sans succès de personnages qui, tous à leur manière, Clément Hervieu-Léger de La Critique Emmanuel Bourdieu et Denis Podalydès, à la devise « Suffis-toi toi-même », abordent avec lui la question de l’identité : de l’École des femmes de Molière et il a mis en scène Le Cas Jekyll de il reprend la route et revient chez sa « Qu’est-ce qu’être soi-même ? » Tour de La Didone de Cavalli ; pour Véronique Christine Montalbetti. Prix Gérard Philipe mère, Åse, qui se meurt. On le retrouve à tour marginal, capitaliste, prophète, Vella, du Loup de Marcel Aymé ; pour de la Ville de , il a reçu en 2007 les vingt ans plus tard en Afrique, où il est Peer Gynt traverse les époques et les Émilie Valantin de Vie du grand Dom Molière du décorateur et du second rôle devenu un riche marchand d’esclaves sociétés avant de comprendre, de retour Quichotte et du gros Sancho Pança. Il a masculin pour Cyrano de Bergerac. vivant dans la débauche. Fantasque, en Norvège, la vacuité de l’existence. signé dernièrement la scénographie du Peer Gynt, par Éric Ruf

Une pièce de troupe sort de l’adolescence au début de la J’ai eu la chance de jouer le rôle de Peer pièce pour finir en vieillard. L’idée de Gynt en 1996, sous la direction de prendre deux, voire trois acteurs d’âges Philippe Berling au Théâtre du Peuple différents m’a d’abord traversé l’esprit, de Bussang, dans les Vosges. Outre sans me satisfaire complètement ; je l’exception, dans une carrière d’acteur, savais le plaisir et la gageure que repré- d’interpréter un personnage aussi riche, sentait la chance de jouer le rôle dans s’étirant sur trois âges de la vie durant son intégralité ! Puis, je me suis dit qu’on plusieurs heures de représentation, avait peut-être tort de penser qu’il fallait j’ai gardé de cette expérience une forcément choisir un acteur jeune en connaissance empirique de la pièce, le escomptant qu’il soit suffisamment sentiment intérieur d’une navigation « à « solide » pour jouer les âges avancés du l’estime » mêlant lectures et pratiques personnage. C’est en quelque sorte par qui me donnent aujourd’hui l’envie de un heureux détour que j’ai choisi Hervé m’attaquer à cette œuvre inclassable, à Pierre. Un soir, je l’ai vu jouer un vieillard ce monstre, en tant que metteur en maugréant, dressant le point contre l’au- scène. Il y a quelques saisons, Muriel delà, dans Vivant, d’Annie Zadek, mis Mayette a demandé au Comité d’admi- en scène par Pierre Meunier au Studio- nistration de la Comédie-Française Théâtre. Je me suis dit : « Mais bon dieu, de réfléchir à la façon dont on pourrait c’est lui ! C’est le vieux Peer ! Ces colères, monter – avec toutes les contraintes sa veulerie et ses prières tardives !» que pose l’alternance à la Salle Richelieu C’était évident. Je jouais avec lui à ce – des pièces longues, des œuvres moment dans Partage de midi, où il comme Lulu, Le Soulier de satin ou Peer incarnait Amalric, un personnage au Gynt. Dans le cadre habituel des pro- mitan de sa vie, faisant furieusement ductions de notre théâtre c’est impos- penser au Peer Gynt du quatrième acte, sible, mais lorsque l’occasion nous a été j’ai donc procédé à l’inverse. Au fond, offerte d’inaugurer le Salon d’Honneur je suis sûr qu’il n’y a besoin ni de rajeunir du Grand Palais, Peer Gynt s’est alors ni de vieillir outre mesure l’acteur jouant imposé. Il y a des cousinages fortuits Peer Gynt, que la pièce se raconte aussi entre l’œuvre et le lieu : le gigantisme, bien sans cela. J’aime l’idée que ce soit le gracile, la porosité, la lumière et la le « même bonhomme » tout le temps, complexité de l’architecture. Tous deux et qu’au bout d’un moment, on se dise sont dédaléens mais paradoxalement « Mais, c’est la vie ! On ne change pas, clairs. L’intuition de ces natures proches on ne se départit pas de soi-même ! » laisse augurer une heureuse rencontre. Hervé Pierre est un acteur à la hauteur

Il y a bien sûr, au centre de tout, la ques- de cette pièce, acteur-monde, acteur- Suliane Brahim, Émilie Prevosteau. tion de l’acteur qui incarne Peer Gynt, qui fleuve. Il n’a aucun problème à jouer un © Brigitte Enguérand Notes emmêlées de mise en scène et de scénographie

IL N’EST PAS SIMPLE de qualifier cette première du mot sympathie : sun-pathos : pièce : conte philosophique bien sûr, mais souffrir avec ; c’est l’immense qualité aussi fable initiatique, saga à l’islandaise de cette pièce, parler de soi, de nous, si encore, roman d’aventures, fresque directement. sociale… C’est tout à la fois et même ce Si la tentation est grande d’illustrer cette tout ne suffit pas à embrasser tous les fresque par de grands et beaux tableaux possibles de l’œuvre. Peer Gynt fait pittoresques (le nord et ses sombres partie de ces pièces qui résistent à toute bouleaux, le blanc désert africain brûlé réduction de temps ou de sens, où four- de lumière, les intérieurs confinés et les millent toutes les formes et tous les étendues immenses), je crois plutôt genres et dont nous ne cesserons jamais qu’un théâtre plus nu – dans sa définition d’interroger la substance. de voyage immobile et dans une sim- Pièce-monstre, dit-on. plification de ses moyens – peut raconter Pourtant l’histoire de ce jeune garçon magnifiquement l’un des thèmes de la crotteux et déclassé, en but aux sar- pièce, à savoir qu’il est vain de mettre de casmes de ses contemporains, qui se la distance entre soi et soi, que toute

Catherine Salviat, Floriane Bonanni, Florence Viala, Claude Mathieu, Éric Génovèse, Adeline d’Hermy, Cécile Morelle. © Brigitte Enguérand rêve prince et devine dans les nuages la fuite n’est qu’un léger retard et que la promesse de sa destinée, qui enlève recherche de soi-même est un voyage les Sabines des autres et tombe interdit inévitable et obligé. devant une enfant pieuse, qui fuit sa Pour appuyer ce propos, je rêve d’un personnage qui peut s’avérer être « anti- de Florence Viala ou de Serge pathique », voire répugnant. Ça l’amuse ! Bagdassarian… Les personnages de Norvège natale pour échapper à ses actes, dispositif de représentation bifrontal afin Demander à Catherine Samie de jouer Peer Gynt prennent alors une dimension qui d’Afrique en Égypte fait fortune, que le voyage de Peer Gynt se déroule Åse est devenu un rêve obsédant. Son maïeutique, violente, ils font rentrer Peer faillite, se refait, dégoise son cynisme non pas face mais au creux du public et retour au sein de la troupe, elle, qui pour Gynt en lui-même, ou au contraire le de parvenu, prophétise dans le désert, que le spectateur tourné vers l’acteur nous est la mère universelle, était une font dégorger de lui-même. À aucun se fuit et, ruiné, revient sur les lieux de embrasse en même temps, dans son évidence. À côté d’eux, j’ai au moins moment, je n’ai indiqué aux acteurs, et son enfance pour découvrir au crépus- champ de vision, cet autre lui-même le une vingtaine d’acteurs pour jouer les en particulier à Hervé Pierre, ce que j’ai cule de sa vie qu’il avait sous les yeux ce regardant aussi sur le gradin d’en face. autres rôles ; ce n’est pas beaucoup au pu faire moi-même quand j’ai joué Peer qu’il cherchait depuis toujours – cette Le décor serait une simple route. Une regard de l’ampleur de la pièce, mais, Gynt. Je suis dans un autre paysage. pièce donc, malgré ses circonvolutions route-scène-plateau. Genèse, matrice miracle de la Comédie-Française, le C’était la condition première pour moi et sa longueur, se révèle à chaque instant et fin de monde. Une route : bête méta- moindre troll, la moindre fille du désert pour arriver à monter la pièce. accessible et simple au spectateur. Sans phore de la vie. Une route en déshérence est interprété par un grand comédien. doute nous reconnaissons-nous aisément où l’on traîne son dimanche en rêvant de J’aime l’idée que ce soient les mêmes dans cette parabole faite d’orgueil fou, campagnes glorieuses et de filles faciles. acteurs qui reviennent, de figure en PROPOS RECUEILLIS de lâcheté, de revanche et de prières Une route commençant arbitrairement PAR LAURENT MUHLEISEN figure, qu’il s’agisse de Bakary Sangaré, tardives. Je pense à cette définition par un bout et finissant à l’autre par un Peer Gynt au Grand Palais

De retour formule saugrenue propre à la condition « Vous voici de retour, figures fluc- humaine : « Être soi-même » ! tuantes1 », ou plutôt personnages fabuleux Bien malin à la fin, qui dira s’il le fut, qui habitez Peer Gynt – la pièce et son l’était, l’est, l’aura été, l’eût été, le sera : héros – depuis que je fréquente cette lui-même ! – sinon qu’entre le Diable œuvre d’Ibsen, et que je les connais qu’il dupe, Dieu qui ne lui dit mot, et les comme peut les connaître un traducteur figures de Jugement et de Mort qu’il qui s’est initié à la langue norvégienne affronte à son corps défendant, dans – comme à celle d’Ibsen – comme aux cette sorte de mystère médiéval qu’est vers d’Ibsen, car Peer Gynt est intégra- la fin de son périple, c’est une femme lement en vers rimés. Mais aussi qu’il retrouve par hasard ou par miracle, comme spectateur l’ayant vu représenter une femme qui l’aime et qu’il a toute sa déjà cinq ou six fois, depuis que je la tra- vie délaissée, et en qui il s’absorbe et se Suliane Brahim, Gilles David, Catherine Salviat, Émilie Prevosteau. © Brigitte Enguérand duisis pour la mise en scène de Patrice dissout dans un amour improbable et Chéreau qui la monta en 1981. définitif. Oui, voici que vous vous approchez de Car tout est à double entente dans cette dos-d’âne derrière lequel les acteurs de cette pièce et de rêver un spectacle nouveau, personnages fabuleux, réels éblouissante fantasmagorie ; aussi bien pérégrins disparaîtraient plutôt qu’ils ne plus sombre et concentré. Plus mental et rêvés, autour de ce personnage dans les apophtegmes du Roi des trolls sortiraient, glisseraient sous l’horizon. aussi. Il ne faut évidemment pas refuser singulier, sorti du conte norvégien (« Tout est double chez nous ») que dans De chaque côté, des gradins-coteaux, a priori de « faire spectacle », condition d’Asbjørnsen et entré dans l’histoire du la bouche d’ombre du Grand Courbe des gradins-collines seraient dans leurs nécessaire à une pièce d’une longueur théâtre. Singulièrement, depuis que, (« Fais le détour ! »), dans les énigmes premiers rangs parsemés d’herbe inhabituelle, mais grâce à cette draisine sinon son inventeur, du moins son du Sphinx que dans les mots d’amour maigre pour que le spectateur se sente et à la capacité d’invention et de men- immortel promoteur l’a tiré de son fjord des femmes de passage et dans les impliqué, inclus dans le dispositif à la songe de ce garçon désœuvré, je ferai pour lui faire faire le tour du monde et réponses des figures fatidiques qui le manière de ces spectateurs du Tour de venir sur cette route-plateau tous les revenir par temps de tempête dans sa hantent à la fin (le Passager clandestin, , le cul dans l’herbe, qui réservent, bateaux, sphinx, tentes bédouines et Norvège natale. Singulier en ce que, une le Maigre et le Fondeur de bouton), tout plusieurs heures à l’avance et tout au forêts qu’il faudra. fois s’être mis à raconter son histoire à est-il équivoque et bifurcation. long du trajet de l’étape, les places de Cette histoire, qui n’est ni exemplaire dormir debout – en commençant par choix. ni édifiante, qui n’est universelle que son Chant du Bouc – Ibsen a inventé de Au Grand Palais Au centre, deux rails enfouis et mangés par son caractère humble et complexe, sommer son héros déficient, tout Mais voici qu’à ces formes chancelantes, de rouille permettront de faire venir sera, je crois, plus belle encore si elle au long des cinq longs actes qu’il ces figures fluctuantes, à ces personnages (poussée, tirée), une draisine mécanique se déroule entre le seuil de la porte et le traverse en glissant, marchant, courant, fabuleux, c’est aujourd’hui la Comédie- apportant « ad libitum » les quelques premier tournant, dans un carré de jardin. suant, nageant, errant et se perdant, de Française qui leur donne consistance – éléments de décor et les accessoires répondre constamment à la question de et, comme un fait exprès, elle profite nécessaires au jeu. ÉRIC RUF savoir ce que peut bien signifier cette de son exil provisoire pour transporter octobre 2010 L’ensemble de ces éléments me per- 1. Je reprends impunément ici le début de la « Dédicace » que Goethe met au début de ses deux Faust : « Vous mettra d’éviter le folklore régionaliste qui voici donc à nouveau, formes vacillantes, / Qui apparûtes naguère à mes regards encore troubles. / Tenterai-je alourdit quelques fois la représentation cette fois de vous saisir et de vous fixer ? » « Ihr naht euch wieder, schwankende Gestalten… ». Peer Gynt dans un autre Palais que le souterrains de son film Stalker sien, dans le Grand Palais de Paris : (« Stalker », en anglais : « chasseur furtif « Palais sur palais qui s’élève ! et silencieux » !) Oh ! portail de lumière, Pourtant, toutes les droites à l’infini Arrête-toi, veux-tu… » se retrouvent bien en un point, ou en (Peer Gynt, Acte II, scène 4) une droite à l’infini dans la géométrie projective2. L’immense spirale qui enserre le Le nombre des acteurs qui jouent, dans « poème dramatique » d’Ibsen (c’est le cette pièce, ce très long rôle en rond nom que son auteur lui donne) depuis la qu’est Peer Gynt, varie ; de un à six, Norvège jusqu’au Maroc (et même en jusqu’à plus ample informé. (Six Peer Amérique et en Chine à en croire Peer Gynt à la Schaubühne, à Berlin, en 1971, Gynt qui peut-être se vante !), puis dans dans une mise en scène de Peter Stein ; une oasis, en Égypte, enfin de retour en un seul chez Chéreau : Gérard Desarthe, Norvège, Éric Ruf a décidé de la dérouler en 1981). Faites-le jouer par autant selon un long chemin rectiligne, quelque d’acteurs que vous voulez, je préfère, peu « montant, sablonneux, malaisé », question de goût, que ce soit par un seul échangeant donc pour le spectateur, (comme Hamlet), mais vous devinez selon qu’il est disposé d’un côté ou de qu’il faut à l’acteur qui doit incarner l’autre de cette route, les sacro-saints l’adolescence, la maturité et la vieillesse côtés cour et jardin des théâtres ordi- de ce merveilleux Conteur-de-soi-même, naires, entre la « butte » et la « lande » ; une résistance et une plasticité spé- comme si le Grand Courbe (que les ciales, à quoi aident bien entendu talent Norvégiens se représentent parfois et virtuosité, mais bien plus encore la comme un grand troll) offrait alors à Peer curiosité de l’enfance (ce qu’à mon sen- Gynt, son Œdipe interrogateur moderne, timent Hervé Pierre rend fort bien). C’est non plus le Détour perpétuel, mais un sans préjugés que Peer aborde, affronte Au premier plan : Claude Mathieu, Florence Viala, Adeline d’Hermy, Françoise Rivalland, Catherine Salviat, Suliane Brahim ; au deuxième chemin indéfini, celui qu’on trouve et traverse toutes les épreuves qui plan : Vincent Leterme, Samuel Roger, Cécile Morelle, Serge Bagdassarian, Émilie Prevosteau, Floriane Bonanni, Michel Favory, Éric parfois chez Beckett lorsque ceux qui lui sont proposées : fête des noces, ren- Génovèse, Nâzim Boudjenah ; au troisième plan : Hervé Legeay, Gilles David, Julien Romelard, Romain Dutheil, Hervé Pierre, Jérémy Lopez, Stéphane Varupenne. © Brigitte Enguérand se croisent sur la grand-route ne sont contres plutôt « cochonnes », Royaume pas sûrs de se revoir jamais. Chemin de des trolls, tractations financières et fer en outre, parcouru par des draisines danseuses voilées, et les singes, et les fantômes de ses souvenirs, et, pour croit un moment, comme beaucoup de semblables à ces wagonnets de mines l’asile de fous, et le Grand Courbe et le finir, des figures « démoniques » et de petits garçons, Empereur du monde – dont, enfants, nous rêvions, et dont Sphinx d’Égypte, et puis une tempête et divines retrouvailles. Mais il substitue à comme cet Enfant-roi, auquel Héraclite Andreï Tarkovski a hanté les couloirs un naufrage, l’énigme d’un oignon et l’angoisse princière d’un Hamlet une compare le Temps ! Car il incarne tout et 2. La longue chaussée imaginée par Éric Ruf représente bien une droite qu’on peut supposer aller à l’infini de débrouillardise et une duplicité toutes rien, lui-même et quelques autres, chaque côté, mais la géométrie projective, sous-jacente à sa scénographie, commande que tous les chemins populaires. Une sorte d’anti-Hamlet, qui et tantôt ses trop-pleins, tantôt son parallèles parcourus par Peer Gynt, donc différents les uns des autres, s’orientent malgré tout vers une même ne vengerait personne. Il n’est pas plus vide foncier – « Ici ne gît personne » direction, qui est un point à l’infini, le point-Solvejg, si vous voulez. L’apparente spirale de la pérégrination de Peer se résout alors dans l’ensemble des points à l’infini, qui est une droite à l’infini, la droite-Solvejg, si vous sérieux que notre existence même, au est l’épitaphe qu’il se donne – avec voulez encore : « Fais le détour, a dit le Courbe ! Non, cette fois, tout droit. » CQFD. fond si commune, même lorsqu’il se ses fantasmes et ses fantaisies, ses fariboles et ses folies – en bref, sa Fable. vue du thème « être soi-même », pour Peer Gynt est en effet la pièce dont la soi ou pour les autres, et des divisions Ibsen et Peer Gynt Fable est une fable. qui l’articulent : 1. Contes et fanfaronnades Et sans doute cette fable eût-elle pu (vérité et mensonges). 2. Apparitions et à la Comédie-Française devenir un mythe, n’était que pour y métamorphoses. 3. La femme et la parvenir, il faut sans doute passer dans mère. 4. Sociétés, désert, asile. 5. Vie et Trois pièces d’Ibsen au répertoire nord (Edmond Sée) programmée par d’autres œuvres que celle qui vous a mort, liberté et destin, damnation et Henrik Ibsen, l’un des auteurs les plus Fabre. D’une inspiration scandinave « si fait naître. En un sens, c’est Ibsen qui fait salut. emblématiques du théâtre norvégien contraire à nos traditions », la pièce est du personnage du conte norvégien le Que chacun cependant oublie ces carac- écrivit la plupart de ses pièces lors de portée au répertoire, selon certains mythe d’une seule fois. Hamlet et Don térisations un peu arbitraires et se laisse son long exil, de 1864 à 1891, en Italie, critiques1, par le « raz de marée » du Quichotte sont devenus des mythes, porter sans plus y songer par ces aven- en Allemagne, en Autriche... Très joué de féminisme. Hedda Gabler est incarnée tures réelles et imaginaires, vécues ou repris ailleurs et autrement. Peer Gynt, son vivant (surtout en Allemagne, en en 1925 par Marie-Thérèse Piérat, ap- jouées, comiques et tragiques, et par le moins connu, est resté « lui-même » ! Grande-Bretagne et en Scandinavie préciée pour l’humanité qu’elle confère génial auteur qui, plus ou moins exilé lui de 1891 à sa mort), son théâtre est à l’héroïne, puis, dix ans plus tard, par aussi, et heureux de l’être dans une Italie Des mondes révélé en France, dès 1890 et dans les Mary Marquet qui en offre une vision ensoleillée, loin de sa brumeuse Norvège J’avais imaginé au début, pour distinguer traductions – les seules autorisées – du plus cérébrale. Malgré des réserves (laquelle lui envoyait régulièrement des ces cinq actes qui conduisent Peer Gynt comte Prozor, par André Antoine et persistantes, le public adhère davantage subsides), déplaçait impunément les de détour en détour, qu’il traversait Lugné-Poe au Théâtre Libre, au Théâtre à l’œuvre lors de cette reprise en 1936, successivement un monde folklorique : limites du théâtre. du Vaudeville et au Théâtre de l’Œuvre. avec une nouvelle distribution et de la Norvège, le conte du bouc, la noce Ensuite, c’est le théâtre qui est venu à Leur persévérance à initier le public nouveaux décors. Pour ce rôle si paysanne, l’enlèvement de la mariée ; lui, tant il est vrai qu’un grand dramaturge français au théâtre scandinave sera convoité des comédiennes, Clotilde de un monde fantastique : les filles des est celui qui force le théâtre à admettre, relayée par Copeau et les Pitoëff. Bayser est choisie en 2002 par Jean- pâturages, la fille du Roi des trolls, le dans l’espace et le temps d’une repré- En 1921, seulement quinze ans après Pierre Miquel2 (administrateur de 1993 royaume des trolls et la rencontre du sentation, ce à quoi le théâtre semblait sa mort, Ibsen est le premier drama- à 2001) pour la « modernité féministe » Grand Courbe ; un monde assez pu- jusqu’à lui se dérober. turge scandinave à entrer avec éclat au qu’elle apporte à Hedda Gabler3. Sans rement féminin qui se polarise entre la répertoire de la Comédie-Française. Son cette comédienne, qui fut la Célimène mère et la femme aimée ; le monde réel, « Peer Gynt, d’ailleurs, était bien ce que talent étant conforté par de précédents de son Misanthrope 4, il n’aurait pas en- celui des vicissitudes individuelles et j’ai écrit de plus fou », disait Ibsen. succès et l’administrateur Émile Fabre visagé une nouvelle présentation sociales (affaires douteuses, amours Je ne doute pas cependant, au moment admirant lui-même l’auteur, Un ennemi d’Hedda Gabler qu’il avait montée avec trompeuses, l’homme livré à ses instincts, où je rêve, que les créatures ferventes, du peuple est joué Salle Richelieu où Anne Alvaro dans le rôle-titre à l’Odéon à sa déraison et à la folie) ; enfin un monde charmantes ou fascinantes que je vois s’est dissipée l’atmosphère brumeuse en 1982. métaphysique fait d’épreuves qui tiennent répéter dans ce vaste grenier tout neuf, des mises en scènes ibséniennes de Familier d’Hedda Gabler 5, Alain Françon du miracle ou qui sont des énigmes : le ne vous entraînent comme moi pour Lugné-Poe au Théâtre de l’Œuvre. met en scène Le Canard sauvage, pièce naufrage, le sermon sur le jeune homme votre plus grande joie dans leur longue Lugné-Poe conseille, quatre ans plus d’Ibsen la plus aboutie selon lui. La pièce au doigt coupé, la vente aux enchères, marche, leurs danses et leur verbe. tard, la mise en scène réaliste par Charles proposée au comité de lecture en 1930 l’oignon allégorique, l’assaut des sou- Granval d’Hedda Gabler, la « Bovary » du et 1940, entre enfin au répertoire en venirs et des occasions manquées, les FRANÇOIS REGNAULT personnages fatidiques, la fin amou- 1. Hugues Le Roux (Le Petit Marseillais, 27/03/1925) reuse et mystique : les retrouvailles de 2. Au Théâtre du Vieux-Colombier. 3. Le Figaro (22/03/2002), Le Quotidien du médecin (03/04/2002). Solvejg et l’entrée dans un rêve éternel. 4. Mise en scène de Jean-Pierre Miquel au Théâtre du Vieux-Colombier (2000). Autrement dit, si on prend le point de 5. Bonlieu (Annecy, 1986) ; seconde version au Théâtre du Huitième (Lyon, 1990). Adeline d’Hermy, Hervé Pierre. © Brigitte Enguérand

1993 avec, pour le metteur en scène et est publiée en allemand et, dix ans plus le traducteur Terje Sinding, la volonté tard, en anglais, français et russe. Certes, d’éviter deux écueils : « le pastiche du lorsqu’elle est créée en France en 1896 style des auteurs français de l’époque et par Lugné-Poe au Théâtre de l’Œuvre, la modernisation à outrance » (Sinding). elle n’est pas jouée dans son intégra- Le Canard sauvage avait été auparavant lité. « Mutilée », selon George Bernard entendu sur les ondes (1975), comme Shaw7, tant par la traduction de Prozor Hedda Gabler (1980) lors de lectures que par la version scénique de Lugné- radiophoniques par les Comédiens- Poe – cependant longue de quatre Français. D’autres textes d’Ibsen ont pu heures –, le critique admet qu’un « rac- être appréciés sans avoir encore été courcissement considérable de la pièce joués à la Salle Richelieu : Le Petit Eyolf était inévitable », habitude que Grieg (récité en 1991 à la BnF), Empereur et aurait souhaité limiter. Galiléen (lecture radiophonique en 2000), Peer Gynt, avec l’orchestration de Grieg, Une maison de poupée (un extrait dans est joué pour la première fois à la Grief[s], montage6 mis en scène au Comédie-Française en juillet 1945, hors Studio-Théâtre en 2006) et Peer Gynt. répertoire, et en anglais8 par la compagnie londonienne The Old Vic Theatre Ibsen au sujet de Peer Gynt : « Je Company9 dans le cadre d’un échange n’ai jamais rien écrit d’aussi fou. » et d’une tournée officielle en Angleterre Pendant son exil à Rome, Ibsen écrit, et en Écosse organisée par . en 1867, le « poème dramatique » Peer Outre Peer Gynt avec Ralph Richardson Gynt. Monumental dans sa forme, il ne dans le rôle-titre, la troupe anglaise le destinait ni à être représenté ni, par sa présenta Richard III de Shakespeare et complexe versification, à être traduit. Arms and the men de George Bernard Pour ce sujet des plus antimusicaux, Shaw tandis que les Comédiens-Français selon Edvard Grieg, Ibsen demande en jouaient Phèdre, et Ruy Blas. 1874 au compositeur réticent une Le bombardement du théâtre de musique de scène en lui précisant les Londres empêcha la concrétisation de motifs et la manière de les intégrer. La cet échange et les représentations représentation avec musique à Oslo le furent transférées au New Theatre de 24 février 1876 est pourtant une réussite, St Martin’s Lane. Grieg en tirera deux suites pour orchestre Cinquante ans plus tard, en 1995 à et remaniera l’orchestration en 1885. l’Opéra Bastille, Peer Gynt fit l’objet d’un En 1880, une première traduction de la concert-lecture réalisé par Michel Favory. pièce supposée injouable et intraduisible Quatre comédiens10 narraient l’action et

6. Autres extraits : Strindberg (La Plus Forte) et Bergman (Meilleures intentions). Mise en scène d’Anne Kessler. 7. Peer Gynt à Paris (novembre 1896). 8. Version anglaise de Norman Ginsbury et mise en scène de Tyrone Guthrie. 9. Dirigée par Laurence Olivier, Ralph Richardson et John Burrell. 10. Michel Favory (le Narrateur), Nathalie Nerval (Åse), Cécile Brune (Anitra), Malik Faraoun (Peer Gynt). nale avait provoqué, en 1947 à Oslo, indignation et scandale, réaction attisée L’équipe artistique par une nouvelle traduction en néo- Christian Lacroix, costumes – Né à Arles dans le quartier de Trinquetaille, Christian Lacroix norvégien. Le sacrilège du metteur en vit et travaille entre Paris et Arles. Après des études de lettres classiques et d’histoire de l’art, scène Hans Jacob et la composition il ne s’imagine ni peintre, ni professeur, ni conservateur des musées. Il se dirige donc vers musicale de Harald Sæverud furent la mode et le costume, d’abord chez Hermès, puis chez Guy Paulin, à Paris, en Italie et au Japon, cependant acceptés et applaudis dès la avant de prendre la direction artistique de la maison Jean Patou de 1982 à 1987, date à première. Cette année à la Comédie- laquelle Bernard Arnault lui permet de créer sa propre maison de couture. Depuis les années Française, Peer Gynt jouit à nouveau 1980, il a signé les maquettes des costumes de nombreuses productions de théâtre, d’opéra d’une présentation originale et inédite ou de ballet, à l’Opéra Garnier, à la Monnaie de Bruxelles, au Metropolitan de New York, au dans le Salon d’Honneur du Grand Palais. Festival d’Aix-en-Provence, à l’Opéra-Comique, à l’Opéra de Vienne ou à Berlin, ainsi qu’à la Après La Trilogie de la villégiature Comédie-Française. Il a notamment reçu le Molière du créateur de costumes, en 2007, pour au Théâtre éphémère, les représenta- Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mis en scène par Denis Podalydès. Depuis 2000, il développe également une activité de designer plus industriel (TGV, hôtels, cinémas Gaumont) tions de Peer Gynt peuvent aussi et de scénographe de son propre travail (Centre national du costume de scène à Moulins en s’affranchir des contraintes horaires 2006, musée de la Mode et musée des Arts-Décoratifs en 2007, musée Réattu et Rencontres propres à l’alternance dans la Salle d’Arles en 2008), devenue prépondérante depuis la fin de ses activités de couturier en 2009. Richelieu. Les réfections de la salle entre 1974 et 1976, en 1987 et en 1994 furent Stéphanie Daniel, lumières – Diplômée de l’École du Théâtre national de Strasbourg en Serge Bagdassarian, Florence Viala. © Brigitte Enguérand autant d’occasions pour la troupe 1989, Stéphanie Daniel se consacre à la conception lumière de spectacles vivants et s’inté- de jouer dans d’autres salles, parfois resse à la muséographie. Depuis 1990, elle travaille dans le domaine théâtral notamment pour jouaient les scènes sur ou autour éphémères : le chapiteau des Tuileries, les mises en scène de Denis Podalydès, Stanislas Nordey, Catherine Anne, Philippe Delaigue, desquelles Grieg composa sa musique. le Théâtre Marigny, le chapiteau des Jean Dautremay, Martine Wijckaert, Anne-Laure Liégeois, Blandine Savetier ou Thierry À partir du travail musicologique de Tréteaux de France, le Palais des Roisin… Elle obtient, en 2007, le Molière du créateur lumière pour Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mis en scène par Denis Podalydès. Dans le domaine lyrique, elle réalise Runne J. Andersen incluant les révisions congrès, le Théâtre Mogador, le Théâtre des éclairages au Grand Théâtre de Genève, à l’Opéra de Lyon, au Festival d’Aix-en-Provence, successives du compositeur, l’orchestre de la Porte Saint-Martin… et aujourd’hui, fait entendre une version conforme aux à l’Opéra-Comique, à l’Opéra de Marseille, pour l’Opéra junior de Montpellier, et dernièrement, le Salon d’Honneur du Grand Palais pour au Théâtre des Champs-Élysées, pour Don Pasquale de Donizetti mis en scène par Denis intentions de Grieg et dans son intégra- Peer Gynt, admiré de dont Podalydès ainsi que pour La Didone de Francesco Cavalli mis en scène par Clément Hervieu- lité, soit vingt-six interludes orchestraux. La Voix humaine est jouée concomitam- Léger. Elle conçoit également des lumières pour des expositions, notamment au musée Éric Ruf qui joua sous la direction de ment au Studio-Théâtre13 : « L’admirable d’Orsay et au musée du . Elle est en charge des éclairages scénographiques des travaux Patrice Chéreau11, metteur en scène d’Ibsen, c’est la force avec laquelle il de rénovation de l’hôtel Biron (musée Rodin), du futur musée des Beaux-Arts de Pont-Aven d’un Peer Gynt (au TNP en 1981) très brave l’hôte inconnu. Il lui oppose la et du futur musée de l’Histoire de la France en Algérie à Montpellier. remarqué, s’attelle à son tour à cette sagesse du psychologue et les pointes pièce en reprenant – mais partiellement de la satire. Peer Gynt résume ce tra- Vincent Leterme, musique originale – Premier prix de piano et de musique de chambre au , Vincent Leterme consacre une grande partie de ses activités – la traduction de François Regnault et vail d’alchimiste14 […]. » de concertiste à la musique de son temps (nombreuses créations et collaborations avec des en la dépouillant de la partition lyrique de compositeurs comme Georges Aperghis, Vincent Bouchot, Jean-Luc Hervé, Alexandros Grieg12. L’une des premières velléités à FLORENCE THOMAS Markeas, Martin Matalon, Gérard Pesson) et est le partenaire régulier de chanteurs comme dissocier le texte de la musique origi- archiviste-documentaliste à la Comédie-Française Sophie Fournier, Chantal Galiana, Vincent Le Texier, Donatienne Michel Dansac, Lionel Peintre… Également professeur au département voix du CNSAD aux côtés d’Alain Zaepffel, 11. Phèdre en 2003. il prend part à de nombreux spectacles avec des metteurs en scène comme Peter Brook, 12. Musique de Vincent Leterme. 13. Mise en scène Marc Paquien. Georges Aperghis, Mireille Larroche, Frédéric Fisbach, Benoît Giros, Julie Brochen. Pour 14. À cheval sur le réel et sur le rêve, 9 octobre 1960. cette dernière, il a été directeur musical et arrangeur pour La Périchole d’Offenbach au RÉOUVERR TURE DU LAS ON D’HONNEUR RE À LATSRE ACCO’URÉ SION DES REPRÉSENTATIONS DE PEER GYNT U GRA AND ALAISPAND

Michel Favory, Éric Génovèse, Nâzim Boudjenah, Stéphane Varupenne. © Brigitte Enguérand

TTempsemeempsEmpsMPs forfortfS Ft ORde lla aT saison DE nL 20112A S /AISAAI 2012201S2OON 2011 2/011 DU RG012 AND ,AISLAP Festival d’Aix-en-Provence, ou encore pour La Cagnotte de Labiche au Théâtre national LEduE GranGrandS REREPRREPRÉSE EPRÉSEd Palais, RÉSER i ENENT les NT représentationsreprésentare epA présentaTIONTIONST é NSations tiontionsDEi E sPPEPEER GYNTT PAR LA de Strasbourg. dee PPeereer Gynt t parp la CoComComédie-Françaiseommédie-FranFranççaiseise À la Comédie-Française, il a écrit les chansons de Vie du grand dom Quichotte et du gros Sancho CseeOMÉDOOMÉDIE tienntiennent DIEent-FR dansdanFRANÇAISEAAN s un espacespace p Ee restauréSE TIENNENTN : DANS UN E CASP EC Pança de da Silva, mis en scène par Émilie Valantin et Éric Ruf. Il signe également la musique RESTAURÉÉ : LE S LA ON D’HONNEUR. des Joyeuses Commères de Windsor de Shakespeare, mises en scène par Andrés Lima et lel SalonS al lo on d’Honneur.dd’Honn Honn nnn neeurur r. du Loup de Marcel Aymé, mis en scène par Véronique Vella. Magnifique espace de 1200 m2 surmont d’une vé errière et rretrouvetrouver splenla deur lieudu restaura: restauration dplafondu situé au cœur du monument, le Salon d’Honn ur a étée verrierv , valorisation des moulures, nouveau sol en parquet Jean-Luc Ristord, réalisation sonore – Régisseur son, Jean-Luc Ristord a travaillé à l’Opéra u par lonc tecarchit’ç AlberAlbere t Louvet. Il communique avavec ett l er’ouve ture de la port monume entale.entale. La réouv tureer de Paris, à la Salle Favart et au Festival d’Asilah au Maroc, avant d’être engagé à la Comédie- Neal ff,, v li erutrevuo’a d’ penu metor dealtnemnuo 9e ddee ce passage, 6 ans après avavoir été muré, permet au public Française en 1994. Il a conçu des environnements sonores pour l’agence NezHaut, le mètresètres de haut, et les Galeries nationales, grâce à duu Grand d Palais de renouer avaveecc le plaisir de découv ir cer er’ouvl ture d’un n el acouv ac ès.cel lieu unique. scénographe Jean-Christophe Choblet et le plasticien Bernard Roué. Au théâtre, il a travaillé notamment avec Jean-Pierre Miquel, Muriel Mayette, Christophe Peu de personnes connaissentonnaissent ce superbe volume au A rutreuv’olèsprA de ierlGalae es-dsue t làt l1,120enomtau’ e Lidon, Jean Dautremay, Vincent Boussard, Matthias Langhoff, Roger Planchon, Jacques centre du Grand Palais. Il fut pourtant, au fil des ans depuis SalonSalon d’Honneur est le nouveell espac du Grane d Palais. Il Rosner, Daniel Mesguich, Jean-Louis Benoit, Thierry Hancisse. ’édifical tion du monument en 1900, un lieu de réception estest destin à accé ueillir des év emén ents, expositions et SIAMOTANÇOIS À la Comédie-Française, il a travaillé notamment avec Émilie Valantin et Éric Ruf pour Vie du etet d’expositions, puis transformé en salles de fêtes, ou, défilésdéfilés de mode. AAvveecc le Salon d’Honneur le Gran, d Palais pproposeropose au public la redéc terouv e d’un lieu d’exception, grand dom Quichotte et du gros Sancho Pança de da Silva à la Salle Richelieu, Véronique Vella plus surprenant, en hôpitalôpital militaire pendant la guerre, aavantvant de devenir un espace cloisonné et entresolé. auu ser icva e d’une programmaCELLOC© tion tooujoursujours plus riche etRF/AISLAPAND-RGTION ANÇOIS pour Le Loup de Marcel Aymé au Studio-Théâtre, Clément Hervieu-Léger pour La Critique de inn e.vantoinn l’école des femmes de Molière au Studio-Théâtre, et cette saison avec Jacques Lassalle Les traavauvaux de restauration engagés depuis 2010, sous la pour L’École des femmes de Molière à la Salle Richelieu. duitonc de l rchit’e e en chchteca f Alain-e Charles Perrot, ont ppermisermis de restituer le volume originel afin d’en mieux LA RESLA TAURAATIONTION DE LA VERRIÈRE DU S LAS ON D’HONNEUR evperc oir la majesté initiale, et de restaurer le décor pour A ÉTÉ RÉALISÉE GRÂCE AU SOUTIEN DE MÉTR LOPO TIONSEGE

Au premier plan : Julien Romelard, Romain Dutheil, Éric Génovèse, Jérémy Lopez, Samuel Roger ; au deuxième plan : Vincent Leterme, Hervé Legeay, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne. © Brigitte Enguérand

Directrice de la publication Muriel Mayette Secrétaire général Patrick Belaubre Coordination éditoriale Pascale Pont-Amblard Photographies de répétition Brigitte Enguérand Conception graphique Jérôme Le Scanff © Comédie-Française Réalisation du programme L’avant-scène théâtre Impression Imprimerie des Deux-Ponts - Eybens, mai 2012

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