Chapitres 10-11-12 – La France est occupée, vive la France ! Août 1940

La guerre en Méditerranée et en Afrique du Nord La Libye crucifiée – La Regia Marina foudroyée

1 er août La guerre en Méditerranée Avions d’hier, DCA d’aujourd’hui Méditerranée Occidentale – Malgré les sages résolutions de juillet, le général Cagna a obtenu de son supérieur l’autorisation de tenter quelque chose contre une cible qui en vaille la peine. Ce matin, à 07h59 (heure italienne), le sous-marin Barbarigo a aperçu, de trop loin pour l’attaquer, un croiseur léger britannique, de classe Caledon ou similaire, sortant du golfe d’Ajaccio escorté par deux petits torpilleurs français. Il s’agit en fait du CLAA HMS Carlisle, quittant les eaux corses pour rejoindre l’escadre française à Mers-el-Kébir, accompagné des torpilleurs classe La Melpomène La Bayonnaise et La Poursuivante. La transmission n’ayant pas trop traîné entre Supermarina et Superaereo, l’information est arrivée à Cagliari à 09h17 (GMT+2). Les reconnaissances aériennes aussitôt ordonnées ont été fructueuses. L’un des trois derniers Cant Z.506b de la 199e escadrille RM de Santa Giusta a repéré les trois navires et les a pistés un moment avant de passer le relais à un Z.501 de la 146e escadrille RM d’Elmas. A 13h06 (GMT+2), le général Cagna décolle d’Elmas à bord de l’un des sept Cant Z.506b que le 31e Stormo BM peut mettre en ligne sur les dix qu’il lui reste. Vingt minutes plus tard, cinq SM.79 du 8e Stormo BT prennent l’air de Villacidro. A 14h11 (GMT+2), les bombardiers italiens arrivent en vue du Carlisle et de ses escorteurs. Au cours de l’engagement qui suit, si les navires franco-britanniques doivent manœuvrer pour éviter les bombes, les avions italiens ont la désagréable surprise de découvrir qu’ils volent trop bas pour se soustraire à la puissance de feu AA (inhabituelle pour l’époque) du croiseur anti-aérien et trop haut pour effectuer un bombardement précis en vol horizontal. Quand tout est fini, si les trois navires alliés sont intacts (à l’exception d’impacts d’éclats qui font deux blessés sur la Bayonnaise), du côté italien, deux Cant Z.506b manquent à l’appel, dont celui où avait pris place le général Stefano Cagna. Si La Poursuivante recueille quatre des cinq membres d’équipage du second Cant, celui du général disparaît corps et biens. Depuis la déclaration de guerre, Cagna est le second officier supérieur de la Regia Aeronautica à disparaître, après , et c’est le premier tué à l’ennemi.

Des Belges combatifs Alger – Les Belges acceptent de mettre une partie de leurs malles d’Ostende à la disposition de l’Amirauté française pour les futures opérations de Méditerranée occidentale : les trois qu’on leur demande pour Ravenne et deux autres, offertes spontanément, pour Marignan. Quelques jours plus tard, ils proposeront d’engager dans Ravenne, en sus des six LeO-451 de leur escadrille n° 6, déjà intégrée dans les forces de bombardement de l’Armée de l'Air, l’escadrille n° 5, forte de sept bombardiers (4 Fairey Battle et 3 Douglas DB-8).

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Tripolitaine) – La 16e BLM occupe El Machina, à une cinquantaine de km au sud de Sirte. Mais la course folle des cavaliers motorisés français s’arrête là pour une quinzaine de jours, faute de carburant et de munitions. Le commandant de Hauteclocque doit réfréner son ardeur (et remâcher sa déception : les éléments du 1er RCA ont devancé sur le fil les engins de son bataillon). ……… Côté italien, c’est toute l’ASI qui est à court de ravitaillement. Après la chute de Tripoli et l’échec catastrophique de la tentative de ravitaillement de Benghazi par des paquebots rapides, la Regia Marina a décidé d’utiliser huit de ses plus grands sous-marins pour des missions de ravitaillement… et d’évacuation. Il s’agit des mouilleurs de mines Pietro Micca et Atropo et de six “océaniques”, les trois unités de la classe Calvi (Pietro Calvi, Giuseppe Finzi, Enrico Tazzoli) et les trois survivants de la classe Balilla (Domenico Millelire, Antonio Sciesa et Enrico Toti). Quelques missions du même genre seront aussi effectuées par des contre-torpilleurs, “sprintant” entre la côte grecque et Benghazi.

2 août La guerre en Méditerranée Catastrophe pour les SLC Karpathos (Dodécanèse) – Le sous-marin Iride (Lieutenant de vaisseau Francesco Brunetti) arrive dans la nuit du 1er au 2 août à Karpathos, dans le cadre discret de la baie de Pigadia, où il a rendez-vous avec le torpilleur Calipso qui amène quatre SLC (ou maiale) et leurs équipages (quatre équipages doubles plus un équipage de réserve). A l’aube, un avion de reconnaissance anglais survole le port et signale à Alexandrie la présence du sous-marin. En fin de journée, alors que l’Iride vient à peine de quitter Karpathos, trois Swordfish torpilleurs de l’Eagle surgissent du sud. Le sous-marin, alourdi par les SLC, navigue à ce moment-là en surface, le pont à fleur d’eau, pendant que les opérateurs des engins finissent de les arrimer. Les Swordfish attaquent sans laisser à l’Iride le temps de plonger. Le sous-marin est atteint par une torpille et coule immédiatement ; seuls les marins présents dans le kiosque et les opérateurs des SLC sur le pont ont pu quitter le bâtiment. Alerté, le torpilleur Calipso arrive rapidement sur les lieux et repêche les rescapés. Sans attendre, les opérateurs des SLC retrouvent leurs réflexes de plongeurs de combat et plongent sur l’épave, à 18 m de fond. Après de longues heures d’effort, ils sauvent sept marins emprisonnés dans un compartiment non inondé, récupèrent les pavillons du navire… et les quatre SLC, finalement peu endommagées ! La tentative GA1 est donc avortée et le bilan est très lourd (un sous-marin et son équipage perdus), mais les hommes de la Ia MAS en tirent de nombreuses leçons sur la préparation de leurs futures opérations. Ils décident notamment d’équiper plusieurs sous-marins (d’abord l’Ametista et le Scirè, un peu plus tard le Gondar) de cylindres étanches pour y ranger les SLC, permettant ainsi au sous-marin de plonger plus profondément. Les autorités italiennes constatent que ce désastre n’aurait pu avoir lieu s’il s’était trouvé des avions de chasse sur l’aérodrome de Karpathos, en mesure de protéger le départ de l’Iride. L’Aviation de l’Egée va donc y détacher en permanence cinq des appareils de la 162 e Escadrille autonome de chasse terrestre, constituée avec les neuf Fiat CR.32 arrivés en juillet.

L’affaire du C 14 : comment secourir le Dodécanèse – En fin de matinée, le capitaine de vaisseau Emilio Ferreri, qui représente encore à lui seul le futur Ufficio RTSO (Rifornimento, Traffico, Spedizioni Oltremare : Ravitaillement, Trafic, Expéditions Outre-mer) de Supermarina, accueille, non sans soulagement, un premier collaborateur « temporaire » (selon la note de service qui l’a annoncé), le lieutenant de vaisseau de réserve Renato Moracchioli, certes âgé (46 ans) mais d’autant plus expérimenté. Il a commandé jusqu’à l’entrée en guerre l’un des navires marchands de la Società di Navigazione Anonima Italia. Une fois expédiées les formalités protocolaires, il entreprend sans plus tarder de mettre son interlocuteur au courant de ce que l’on attend d’eux. – L’amiral Somigli, sous-chef d’état-major de la Marine, a réuni hier, outre moi-même et nos voisins du Bureau Opérations, l’amiral Falangola et l’amiral Inigo Campioni, accompagné de l’un de ses subordonnés, le vice-amiral Marenco di Moriondo 1. C’était la première réunion de cette importance depuis celle du 7 juillet dernier, pour préparer le convoi du malheureux Rex [soupir]. Nous nous attendions tous plus ou moins à ce qu’il nous soit demandé de mettre sur pied un nouveau convoi pour l’Afrique du Nord. Eh bien non ! Pas l’Afrique, mais les îles de l’Egée, même si le contre-amiral Biancheri n’était pas là 2. – Pourquoi le Dodécanèse ? Il ne paraît pas menacé, pas encore du moins, alors que la situation de Libye, si j’en crois ce qu’on peut lire entre les lignes dans les journaux, est… des plus sérieuses ? – Il semble que le gouverneur De Vecchi 3 se soit remué comme diable en bénitier et ait réussi à convaincre Son Excellence le ministre de la Marine 4 [haussement de sourcils de Moracchioli] qu’il fallait agir préventivement pour renforcer les capacités de résistance de ses îles. Il est vrai que celles-ci n’ont été que peu sinon pas ravitaillées depuis l’entrée en guerre. Elles ont tout juste eu droit à deux transports par sous-marins : l’un effectué fin juin par l’Atropo, l’autre par le Corridoni courant juillet. Or, pas question de compter davantage sur ce type de transports. D’une part, depuis l’échec du 12 juillet, c’est sur les sous-marins que repose le plus gros, si l’on peut dire, de l’approvisionnement de la Libye. D’autre part, De Vecchi a obtenu que Maricosom reprenne des mouillages de mines offensifs en Méditerranée Orientale avec ses sous-marins spécialisés. A cette heure, l’amiral Falangola a certainement déjà donné des ordres pour que parte dès que possible une première vague, groupant tous les mouilleurs de mines qui ne ravitaillent pas l’Afrique du Nord. Quant à moi, on m’avait demandé, le 24 juillet, de réfléchir à des rotations avec de petits cargos discrets et relativement rapides. J’avais d’ailleurs pensé au Tarquinia… – Je l’ai croisé une fois ou deux. Sauf votre respect, il est bien petit, commandant ! – Vous avez raison. Il est discret, mais il est petit : il n’aurait guère pu emporter que 500 tonnes environ à chaque voyage. Mais ce n’est plus de saison. Ou plutôt, si : le Tarquinia sera bien envoyé dans le Dodécanèse, mais pour un aller simple, afin de servir à des échanges commerciaux avec la Turquie et même avec la Grèce, si du moins le… gouvernement ne juge pas utile de brouiller davantage nos relations avec ce pays. Le Tarquinia ne fera évidemment pas le voyage à vide. Il sera accompagné par le Giorgio Orsini, bâtiment réquisitionné, qui, outre le dragage forain, sera affecté aux liaisons entre les îles. Mais ce n’est là qu’un hors- d’œuvre. Le plat de résistance, ce sera d’amener à Rhodes ou Léros d’une part le 312e bataillon cuirassé, d’autre part la moitié des hommes et tout l’équipement lourd de la CCIe Légion de Chemises Noires… – Pourquoi la moitié des hommes seulement, commandant ? – Le transport de l’autre moitié incomberait à la Regia Aeronautica, dans le cadre de l’effort en faveur de l’Egée qui lui a été réclamé. Messieurs les aviateurs auraient proposé un mini pont aérien, permettant d’afficher rapidement un résultat concret. Mais le travail sérieux

1 L’amiral Falangola commandait la flotte sous-marine. L’amiral d’escadre Campioni commandait la 1ère Escadre de Tarente, dont l’amiral de division (vice-amiral) Alberto Marenco di Moriondo commandait la 4e Division de croiseurs. 2 Le contre-amiral Luigi Biancheri commandait les forces de la marine en Egée (MariEgeo). 3 Cesare Maria De Vecchi de Val Cismon, gouverneur des îles de l’Egée et commandant en chef des forces militaires dans la région (Egeomil), était en effet l’un des “quadrumvirs” de la Marche sur Rome et représentait l’aile monarchiste et modérée du fascisme. 4 en personne. nous restera ! Outre soldats, armes et munitions, il faudra aussi transporter du ciment pour renforcer ou multiplier les fortifications, des vivres pour nos forces armées et les civils, du fourrage pour les animaux de bât, des effets d’habillement et des pièces de rechanges pour l’Armée et l’Aviation. Vous vous en doutez, c’est sur vous et moi que l’on compte pour le choix judicieux des bâtiments marchands à affecter à l’entreprise… qui devra être programmée dans ses moindres détails au plus tard dans deux jours ! – Le temps de passer quelques coups de fil pour vérifier la disponibilité des bateaux pouvant convenir, vous aurez une première liste sur votre bureau dès cet après-midi. – Très bien ! De toutes façons, soyons honnêtes, notre tâche est tout de même plus simple que celle du Bureau Opérations, qui va devoir mettre sur pied une escorte ad hoc, trouver la meilleure route, etc. Pour ce qui est de la force de l’escorte, le point n’est pas tranché : Son Excellence le ministre [Moracchioli se permet un demi-sourire] veut que nous mettions le paquet, cuirassés compris, Campioni renâcle : je crois que c’est pour mieux « résister » qu’il avait laissé à Tarente les commandants des Divisions de cuirassés 5. En tout cas, cette fois, on espère que Maricosom pourra gêner les mouvements de l’ennemi… – A propos de sous-marins, quel danger représentent ceux des Français et des Anglais ? – En deux mois, ils ne nous ont pas coulé grand chose, mais ils sont là et bien là. Notamment en Egée, où il y a eu plusieurs alertes en juillet. Mais pas de pertes de notre côté, ni de succès d’ailleurs. Bien, retrouvons-nous donc à l’heure du thé – oh, pardon, du carcadeh 6… En attendant, je vais aller voir nos homologues de l’Armée.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Alors qu’en Tripolitaine, le front s’est stabilisé pendant que les Français reprennent leur souffle, Bardia est bombardée pour la première fois par des avions alliés, tandis que les positions italiennes proches de la côte de Cyrénaïque sont pilonnées par des croiseurs venus d’Alexandrie. Dans la soirée, les sous-marins Enrico Toti et Antonio Sciesa arrivent à Benghazi et déchargent chacun 12 tonnes de munitions, dans des conditions difficiles étant donné l’état du port.

3 août La guerre en Méditerranée Sardaigne – Encouragée par l’absence de nouvelles attaques aériennes contre les ports du nord-est de la Sardaigne, la Regia Marina a accepté de faire une nouvelle tentative pour renforcer et ravitailler les défenseurs de l’île par Olbia : c’est même la première tâche d’importance confiée au commandant Ferreri, à peine nommé à la tête d’un Ufficio RTSO encore virtuel. Il a rassemblé, cette fois dans le port de Livourne, un convoi comprenant le transport de passagers Bengasi (1 716 GRT), le cargo Ugo Bassi (2 900 GRT) et le cargo mixte Città di Livorno (2 471 GRT), sur lesquels doivent voyager 653 “spécialistes” (artilleurs, hommes du génie et des transmissions). L’escorte est confiée aux deux unités intactes de la 2e Division de torpilleurs (les Papa et Chinotto) et aux deux unités de la 3e Division détachées de Naples à la Spezia (les Giacinto Carini et Antonio La Masa). Le convoi doit partir en plein jour de façon à arriver à Olbia à la tombée de la nuit, décharger durant celle-ci et repartir sans tarder dès le petit jour. Aussi deux modernes torpilleurs de la 10 e Division, les Vega et Sagittario (classe Spica), ont-ils été envoyés de La Spezia pour chasser,

5 Les amiraux de division (vice-amiraux) Bruto Brivonesi (5e Division : Giulio Cesare et Conte di Cavour) et Carlo Bergamini (9e Division constituée des tout récents Littorio et Vittorio Veneto). 6 Allusion à la prohibition mussolinienne des mots et habitudes anglaises. Le thé devait céder la place au carcadeh, produit dans les territoires de l’Empire. avec l’appui de quelques hydravions, les sous-marins éventuellement aux aguets dans les parages de Livourne. De fait, ces mesures de précaution vont empêcher le sous-marin Monge (L.V. Douenel), en patrouille sur les côtes toscanes, de repérer le départ du convoi, à 05h58 (heure italienne). Cependant, celui-ci ne peut échapper à un Martin 167 du GR I/61, basé à Calvi, qui l’aperçoit vers 16h30, alors que sa destination ne peut plus faire de doute. Comme il n’y a guère d’avions spécialisés dans la lutte anti-navires en Corse en dehors des Laté-298 d’Aspretto (dont le nombre a été porté à quatre après les événements du 18 juillet), les Français décident d’attendre pour attaquer le convoi qu’il ait rejoint sa destination. 22h50 (GMT+2) – Le convoi arrive à Olbia. 23h21 – Alors que le débarquement des hommes est bien avancé mais que celui des équipements et marchandises est à peine entamé, le port d’Olbia est attaqué par neuf bombardiers DB-7 du GB II/61 venus d’Ajaccio. Dans l’obscurité, ce premier raid rate les navires mais cause des pertes dans les rangs des renforts et interrompt les opérations de déchargement. 23h44 – Nouveau raid, cette fois par dix bombardiers DB-7 du GB II/32 (également basé à Ajaccio). Cette fois, les choses se passent moins bien pour les Italiens : le cargo Ugo Bassi est… lapidé par les pierres arrachées au quai par des bombes tombées tout près, tandis que l’un des bateaux endommagés le 18 juillet, l’Egle, est coulé. Quelques projectiles s’égarent du côté du mouillage de la 4e escadrille MAS et un impact assez proche cause une voie d’eau à la MAS-504.

Malte – Chaleureusement accueillis par les marins britanniques et notamment par les sous- mariniers, mais aussi par la population maltaise, les “630 tonnes” de la 16e DSM (Amazone, Antiope, Orphée, La Sibylle), arrivant de Casablanca via Oran, font leur entrée dans le port de La Valette. Le ravitailleur Jules-Verne les y attend pour leur servir de bâtiment d’appui. Leur groupe sera rejoint dès le lendemain par l’un des “1 100 tonnes” de la 11e DSM, le Narval : les cibles étant rares le long des côtes de Tripolitaine, son commandant, le L.V. Drogou, a réclamé l’honneur d’être détaché auprès de la Flottille britannique de Malte et de pouvoir aller chasser avec elle sur les côtes de l’Adriatique.

Alexandrie – Fort des assurances données par Churchill le 24 juillet, le général de Larminat a, deux jours plus tard, rencontré Wavell pour régler la question des renforts jugés nécessaires à la bonne fin de Cordite. Néanmoins, instructions de Churchill ou non, l’accueil réservé à la demande française par le chef des forces armées du Commonwealth au Moyen-Orient a été des moins engageants : en substance, il n’avait sous la main rien qui ne fût indispensable à l’attaque en Cyrénaïque. Une semaine plus tard cependant, le Français s’est vu apporter la solution à ses problèmes sur un plateau d’argent. Le bruit de sa démarche, qui s’est répandu bien au-delà du bureau de Wavell, a trouvé une oreille attentive : celle du général Freyberg, commandant la New Zealand Division, ou en pratique les éléments de celle-ci présents en Egypte. En effet, ses hommes ne devaient pas être engagés dans la prochaine offensive mais se retrouvaient cantonnés à un rôle quelque peu humiliant de maintien de l’ordre. Freyberg est donc allé révéler l’affaire aux Français et leur proposer son concours. C’est ainsi qu’en ce premier week-end d’août, le Néo-Zélandais et le Français, s’appuyant mutuellement, arrachent au général Wavell, pris dans ses propres filets, son accord pour la participation à Cordite et à son éventuel prolongement de la 4th New Zealand Infantry Brigade.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Les bombardements alliés se poursuivent sur la zone côtière. De Castel-Benito, des LeO-451 et Farman 223 de l’Armée de l’Air attaquent Benghazi. D’Egypte, la RAF et l’Armée de l’Air attaquent Bardia et Tobrouk.

Egypte – Les forces aériennes françaises en Egypte se sont déployées à Mersa-Matruh : environ 70 appareils en tout, dont les trois quarts sont opérationnels. GC I/7 : six MS-406 couvrent Alexandrie et six les raffineries de Haïfa (deux sont en réserve, douze autres ont été envoyés à Chypre) Groupement Pouyade : 6 (4) Potez 631 et 5 (3) Potez 63.11 GB II/54 : 9 Martin 167 GB I/39 : 10 Martin 167 (doit se redéployer à Chypre à partir du 25 août) ESRL n° 1 : 3 Amiot 351 GR (à partir du 15 août) GR I/35: 13 (11) Potez 63.11 GAO II/583 : 9 (6) Potez 63.11 EO n° 592 et 593 : 8 (6) Potez 25 et 4 (3) Potez 29 SAN (Casevac).

4 août La guerre en Méditerranée Sardaigne – Malgré l’obscurité, les avions français poursuivent le pilonnage d’Olbia : à 01h25 (GMT+2), douze Martin 167 du GB I/32 (de Calvi) ; à 01h55, huit Martin 167 du GR I/61. Alors que l’aube approche, on dénombre 52 tués et 83 blessés parmi les passagers des Bengasi et Città di Livorno. Ce dernier et le cargo Ugo Basso ont été légèrement endommagés. Une partie (15 % environ) des cargaisons a été détruite. Surtout, les opérations de déchargement ont pris un tel retard que le convoi ne peut envisager de partir avant le jour, sauf à repartir avec une partie du contenu des cales des Città di Livorno et Ugo Basso. Avec l’accord de l’amiral commandant la Marine en Sardaigne, le commandant du torpilleur Papa, responsable du convoi, prend la décision de poursuivre leur déchargement, tout en renvoyant immédiatement vers Civitavecchia le Bengasi sous l’escorte du torpilleur La Masa. 07h32 – Alors que le Città di Livorno, enfin vide, commence à s’éloigner du quai et que l’Ugo Basso va à son tour larguer les amarres, surgissent, escortés par dix MS-406 du GC III/1, dix-huit DB-7 (neuf du GB II/61 et neuf du II/32) et surtout les quatre Laté-298 d’Aspretto, armés de torpilles. Tandis que les DB-7 du II/61 prennent pour cibles les trois torpilleurs restants, obligés de manœuvrer pour éviter les projectiles, les quatre Laté s’attaquent, deux par deux, aux deux navires de charge pratiquement immobiles. L’un des appareils de la paire visant le Livorno est abattu par la DCA avant d’avoir pu lancer ; l’autre en revanche met au but sous la passerelle et le cargo mixte commence à s’enfoncer. Quant au Basso, si l’une des torpilles qui lui sont destinées va percuter le fond du port, l’autre le frappe à la salle des machines. Les DB-7 du II/32 arrivent alors et achèvent les deux transports ; le Basso chavire et le Livorno coule droit. Volontairement ou non, certains DB-7 touchent les quais, aggravant encore les dégâts subis par les cargaisons débarquées. En l’absence de toute opposition aérienne, les MS-406 d’escorte se trouvent eux aussi des cibles. Six d’entre eux vont mitrailler la petite hydrobase de Venafiorita (sur la rive sud du golfe d’Olbia) : leur visite est fatale à la 5e section de reconnaissance côtière, dont les effectifs étaient remontés à deux Cant Z.501, que les chasseurs incendient. L’un des Morane est atteint par un tir de mitrailleuse ; son pilote, blessé, doit se poser d’urgence sur l’aérodrome secondaire de Tavaria (au bord du golfe du Valinco). Les quatre autres chasseurs s’en prennent aux MAS de la 4e escadrille. Si leurs tirs infligent directement peu de dégâts aux vedettes, les MAS-501 et MAS-502 sont cependant endommagées, car elles se heurtent en zigzaguant pour échapper aux tirs des avions. Le raid français achevé, les trois torpilleurs, demeurés intacts, quittent Olbia où leur présence est désormais inutile. Ils vont rattraper sans peine les Bengasi et La Masa et rejoindre avec eux Civitavecchia.

L’affaire du C 14 : une opération de grande envergure Rome – La guerre ignorant le repos dominical, les bureaux de Supermarina sont aussi affairés qu’un jour de semaine. Vers une heure de l’après-midi, le C.V. Ferreri entre dans celui qu’il partage avec le L.V. Moracchioli en brandissant un dossier. – Cette fois, nous y sommes ! L’opération C 14 est réglée dans ses moindres détails… Je ne suis pas autorisé à tout vous révéler, mais je peux au moins vous mettre au courant des grandes lignes. Tout d’abord, le choix auquel nous nous étions arrêtés pour les navires de transport a été validé, non sans quelques débats. Tout le pondéreux – et en premier lieu les chars du 312e bataillon – sera donc réparti entre les cargos Gloriastella (7 063 GRT) et Capo Faro (3 465 GRT), avec un petit complément sur le Tarquinia. Quant aux hommes, tankistes, légionnaires et autres, ils seront répartis entre le Giorgio Orsini et nos trois croiseurs auxiliaires Adriatico, Barletta et Brindisi 7. C’est sur ce point que la discussion a été la plus vive : certains préféraient embarquer les hommes sur les contre-torpilleurs ou les croiseurs de l’escorte rapprochée, voire sur un unique paquebot rapide, arguant que, en cas de problème, ces navires pourraient décrocher et foncer à pleine vitesse vers la destination finale. Mais on a fini par reconnaître qu’il valait mieux ne pas encombrer les navires de combat et qu’il était tout aussi préférable de diviser les risques de pertes. – Un bon point pour l’Ufficio RTSO, commandant ! – Dont il doit la moitié à vos avis pertinents, Moracchioli ! Mais attendons la fin de l’histoire pour nous congratuler. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le chargement des navires est à achever pour le 13 août. – Et l’escorte ? – Finalement, toute la flotte de Tarente, ou presque, sortira. Pas plus tard qu’hier soir, Son Excellence le ministre de la Marine a imposé sa volonté à Cavagnari, lequel à son tour, a énergiquement convaincu Campioni. Il est vrai que, cette fois, nos amiraux avaient moins d’arguments pour refuser la sortie des navires de ligne, puisque cinq seront bientôt disponibles. Ce qui a d’ailleurs conditionné le choix des dates : cette année, feragosto 8 sera un jour tout particulier pour notre Marine ! Un peu plus tard dans la soirée, Emilio Ferreri reçoit la version définitive du promemoria de l’opération C 14 (classé “très confidentiel”). C’est de loin l’opération la plus importante dans laquelle se soit lancée la Regia Marina depuis le 10 juin (cf. l’ouvrage de l’Ufficio Storico della Marina, La Marina nella difesa del Dodecaneso, Rome, 1969, annexe IV). ……… § Composition du convoi : Navires de charge : vapeurs Gloriastella (7 063 GRT), Capo Faro (3 465 GRT) et Tarquinia (749 GRT) ; Transports de troupes : croiseurs auxiliaires Adriatico, Barletta et Brindisi, tous trois de même type (1 976 tonnes, 14 nœuds, entrés en service en 1931) ; bâtiment auxiliaire Giorgio Orsini. § Escorte rapprochée : De Bari au Canal d’Otrante :

7 Ces croiseurs auxiliaires étaient en temps de paix des malles postales. Armés de deux canons de 102 mm et de 2 à 4 mitrailleuses lourdes, ils étaient dotés de rails capables d’accueillir des mines ou des grenades ASM. 8 Le 15 août. 7e Escadrille de torpilleurs (anciens contre-torpilleurs déclassés) : Angelo Bassini, Enrico Cosenz, Nicolo Fabrizi, Giacomo Medici. Au-delà du Canal d’Otrante : 8e Division de croiseurs (amiral de division Antonio Legnani) : Luigi di Savoia Duca degli Abruzzi, Giuseppe Garibaldi. 16e Escadrille de contre-torpilleurs : Nicoloso Da Recco, Antoniotto Usodimare, Luca Tarigo, Emanuele Pessagno. 2e Escadrille de contre-torpilleurs : Espero, Borea, Ostro. 9 § Escorte à distance, 1 er groupe : 1ère Division de croiseurs (amiral de division Pellegrino Matteucci) : Zara, Gorizia, Fiume, renforcés par le Pola, détaché de la IIe Escadre. 9e Escadrille de contre-torpilleurs : Vittorio Alfieri, Alfredo Oriani, Giosué Carducci, Vincenzo Gioberti. 4e Division de croiseurs (amiral de division Alberto Marenco di Moriondo) : Alberico da Barbiano, Luigi Cadorna, Alberto di Giussano, . 12e Escadrille de contre-torpilleurs : Lanciere, Carabiniere, Corazziere, Ascari. 10 § Escorte à distance, 2 e groupe : 5e Division de cuirassés (amiral de division Bruto Brivonesi) : Giulio Cesare, Conte di Cavour, renforcés par le Caio Duilio, détaché de la IIe Escadre. 11 7e Escadrille de contre-torpilleurs : Freccia, Dardo, Saetta, Strale. 8e Escadrille de contre-torpilleurs : Folgore, Fulmine, Baleno, Lampo. 9e Division de cuirassés (amiral de division Carlo Bergamini) : Littorio, Vittorio Veneto. 14e Escadrille de contre-torpilleurs : Ugolino Vivaldi, Leone Pancaldo, Antonio Pigafetta. 12 15e Escadrille de contre-torpilleurs : Nicolò Zeno, Alvise Da Mosto. 13 10e Escadrille de contre-torpilleurs : Libeccio, Scirocco, détachés de la IIe Escadre. 7e Division de croiseurs (amiral de division Luigi Sansonetti) : deux de ses quatre unités, détachées de la IIe Escadre, Eugenio di Savoia et Emanuele Filiberto Duca d’Aosta. 13e Escadrille de contre-torpilleurs : deux de ses quatre unités, détachées de la IIe Escadre, Granatiere et Bersagliere. 1ère Escadrille de contre-torpilleurs : Aquilone, Turbine. 14 ……… La Regia Marina va donc faire sortir 5 cuirassés, 12 croiseurs (4 lourds, ceux de la 1 ère Division, et 8 légers, ceux des 4e, 7e et 8e Divisions) et 34 contre-torpilleurs. Pour disposer de cinq cuirassés, il lui faut attendre le 15 août : le mouvement du convoi, évidemment bien plus lent que l’escadre, a été fixé en fonction de cet impératif. De plus, Maricosom va mobiliser ses sous-marins pour faire obstacle aux réactions des Franco-Britanniques. Trente-deux unités seront réparties des approches de Gibraltar à celles d’Alexandrie, en passant par les côtes d’Afrique du Nord et les parages de Malte. 15

9 La quatrième unité, le Zeffiro, a été coulée à Pantelleria le 5 juillet 1940. 10 Cette escadrille devait servir d’escorte à la 6e Division de cuirassés (Caio Duilio et Andrea Doria). En attendant l’entrée en service des deux navires de ligne, le Lanciere avait été affecté à la 4e Division. Les trois autres allaient escorter le Caio Duilio de Gênes à Tarente, où il devait pousser ses essais après refonte pour être prêt au 15 août. 11 La refonte de l’Andrea Doria, partenaire prévu pour le Duilio dans la 6e Division, n’était pas terminée. 12 La quatrième unité de l’escadrille, l’Antonio Da Noli, n’était pas encore remise des dommages reçus le 1er juillet 1940. 13 Les deux autres unités de l’escadrille, les Giovanni Da Verazzano et Lanzerotto Malocello, étaient employées pour ravitailler la Libye. 14 La troisième unité survivante, l’Euro, n’était pas encore remise des dommages reçus le 6 juillet 1940. 15 Guère efficace, ce déploiement devait conduire à la perte du Lafolè (62e Escadrille), coulé le 17 août à Tobrouk. Il faut ajouter à ce déploiement les unités engagées dans une diversion destinée à retarder la découverte par les Alliés de la véritable destination du convoi. Il faut en effet faire passer celui-ci aussi longtemps que possible pour un convoi destiné à l’Albanie. Le C 14 partira donc de Bari et mettra le cap sur Durazzo avec son escorte rapprochée initiale. Un autre convoi, parti d’Ancône, se substituera au C 14 sur la route de Durazzo quand il mettra le cap au sud- est. Ce leurre, comprenant le croiseur auxiliaire Brioni (sister-ship des Adriatico, Barletta et Brindisi) et six navires de charge, sera escorté par les quatre anciens contre-torpilleurs déclassés de la 15e Escadrille de torpilleurs (Confienza, Solferino, San Martino et Palestro). Les navires de l’escorte à distance feront demi-tour dès que le convoi passera entre l’île d’Anticythère et la Crète. De l’escorte rapprochée, la 8e Division de croiseurs et la 16e Escadrille de contre-torpilleurs se retireront à leur tour une fois opérée la jonction avec les deux contre-torpilleurs et les quatre torpilleurs d’Egeomil, prévue sur le méridien de Réthymnon. Seule la 2e Escadrille de contre-torpilleurs poursuivra jusqu’à Rhodes. Pour le retour, le convoi sera escorté par la 2e Escadrille et les forces d’Egeomil, qui pourront ainsi regagner l’Italie en remplissant une tâche honorable.

La campagne d’Afrique du Nord De Hauteclocque à Leclerc Libye – Alors que les 81e et 88e DIA progressent le long de la côte de Tripolitaine et que la Cyrénaïque est agitée de raids divers, c’est l’accalmie sur le front du désert du côté français. Ce qui ne satisfait guère le commandant Leclerc. Ce dernier n’est autre que le commandant de Hauteclocque. En effet, la radio allemande prétend depuis quelques jours qu’il a « assassiné traîtreusement » lors de son évasion un soldat chargé de le garder et menace sa famille de représailles. Alarmé, Hauteclocque vient de décider, avec l’accord de l’état-major, de prendre un pseudonyme (inspiré, a-t-on dit, par la date : le 4 août est l’anniversaire de l’abolition des privilèges nobiliaires et Leclerc est le nom du… jardinier de la demeure familiale !). Dans les communiqués, on parlera de « la colonne Leclerc ». Ce pseudonyme deviendra vite célèbre, bien que le futur général ait cessé de l’utiliser au bout de quelques mois, la propagande nazie s’étant tournée vers d’autres cibles.

Une princesse dans la guerre Chanciano Terme - Alors que les combats en France s’achèvent enfin, la princesse Marie- José retrouve ses enfants, sa belle-mère et sa belle-sœur Jolanda pour fêter tristement son anniversaire. Elle annonce à la reine Elena qu’elle a l’intention de poursuivre sa mission humanitaire en Lybie, où les combats font rage depuis trois semaines. Cependant, Ettore Muti, nouveau leader du Parti fasciste, s’y oppose vivement. Cette obstruction arrange bien le reste de la famille royale, qui n’ose pas aller à l’encontre des volontés de l’énergique Princesse, mais redoute qu’elle ne s’expose inutilement dans une campagne qui semble déjà perdue. Muti finira par obtenir que la princesse reporte son voyage en ASI à septembre et passe le reste de l’été à Courmayeur avec ses enfants.

5 août La guerre en Méditerranée Méditerranée Occidentale Au nord-est du Cap Carbon – Envoyé d’Alger au devant du petit convoi constitué des cargos Anadyr et Saint-Didier, venant de Casablanca sous l’escorte des avisos Ailette et Dubourdieu, l’arraisonneur-dragueur La Nymphe II (AD204, 385 GRT, 16,5 nœuds) 16 est

16 Ancien dragueur allemand M 42 de la Première Guerre, réaménagé comme yacht. coulé par le sous-marin Argo (L.V. Alberto Crepas) sans avoir pu donner l’alerte. Mis en appétit par ce succès contre « une canonnière d’environ 800 tonnes » 17, son commandant s’en prend ensuite au convoi. Il parvient à gagner une position favorable et lance deux torpilles. L’une passe entre les transports et l’autre, mieux ajustée, passe sous le Saint-Didier, les deux cargos naviguant sur lège. Pourchassé par les avisos, l’Argo perd le contact et se retire.

Sardaigne – Si la majeure partie des hommes et du matériel transportés par le convoi du 3 au 4 août est arrivée en Sardaigne, Supermarina juge que le prix cumulé des trois opérations de ravitaillement par moyens de surface menées depuis le début juillet est excessif 18. D’autant que la grande île n’en est pas devenue pour autant défendable. Ses responsables décident donc, comme pour l’Afrique du Nord, de recourir désormais aux sous-marins pour ravitailler la Sardaigne. La mission échoit aux bateaux de la 12e escadrille de La Spezia, qui opèreront à tour de rôle : le premier transport sera effectué par le Mocenigo dès le 11 août. Supermarina ordonne également la permutation de la 4e escadrille MAS, à laquelle il ne reste qu’un bateau en état de combattre, avec la 2e escadrille (MAS-424, 509, 543 et 544) de Messine (seule la MAS-503 rejoindra immédiatement ce port, les MAS-501, 502 et 504 devront d’abord être réparées à Naples).

Méditerranée Orientale Rhodes – Dans l’attente du convoi C 14, Cesare Maria De Vecchi di Val Cismon, gouverneur des îles de l’Egée et depuis 1938 commandant en chef de l’ensemble des forces militaires de la région (Egeomil), fait le point sur les forces dont il dispose [les noms italiens des îles sont signalés entre crochets]. ……… § Les forces terrestres italiennes dans le Dodécanèse sont considérées comme un Corps d’Armée, ce qui est sans doute exagéré… La 50e Division d’infanterie Regina (général de brigade Alessandro Piazzoni), avec les 9e et 10e régiments d’infanterie, le 50e régiment d’artillerie divisionnaire et divers autres détachements, en constitue le plus gros. Elle totalise environ 11 500 hommes, sans artillerie plus lourde qu’une douzaine d’obusiers de 100 mm. Elle est renforcée de troupes non endivisionnées représentant 8 000 hommes environ et de personnels de la Regia Marina et de la Regia Aeronautica totalisant 10 000 hommes. Sa seule unité mécanisée est la 3e Compagnia Carri di Guardia alla Frontiera, avec 12 chars (très) légers Fiat 3000 (proches dérivés des Renault FT 17). Ces forces sont, pour l’essentiel, réparties entre Rhodes (environ 18 000 hommes), Léros [Lero] (6 000 hommes) et Kos [Coo] (4 000 hommes). Le gouverneur De Vecchi attend avec impatience l’arrivée du 312e bataillon mixte cuirassé (avec 4 chars M 11/39, 23 tankettes L 3 et 9 auto-mitrailleuses Ansaldo-Lancia 1Z) et celle de la CCIe Légion de Chemises Noires (1 500 hommes environ). ……… §§ La Regia Aeronautica dans le Dodécanèse dispose de six pistes, toutes en terre battue : trois à Rhodes [Rodi] (Maritsa, Gadurrà et Cattavia – l’utilisation de celle-ci est difficile pour raisons logistiques), une à Kos [Coo], une à Karpathos [Scarpanto] et une sur Kasos (petite île proche de Karpathos). Au 10 juin étaient déployés sur ces aérodromes la 163e Escadrille autonome de chasse terrestre (CT), équipée au 10 juin de 11 Fiat CR.32, et les 56e et 92e Groupes de la 39e Escadre

17 D’après son rapport de patrouille. Les sous-mariniers de tous les pays ont bien souvent surévalué la taille de leurs cibles, quoiqu’il y ait eu quelques cas inverses. 18 Bâtiments de guerre : un torpilleur coulé, quatre torpilleurs et un croiseur auxiliaire endommagés. Transports : un pétrolier et cinq cargos coulés, un cargo gravement endommagé. de bombardement terrestre (BT), équipés de 24 SM.81 en tout. Ces maigres forces ont été (un peu) renforcées en juillet par 9 Fiat CR.32, qu’il a fallu transporter dans le ventre de SM.82 et remonter sur place. L’envoi d’autres renforts, notamment des CR.42 et des SM.79, avait d’abord été annulé devant l’aggravation de la situation en Sardaigne, en Sicile et en Afrique du Nord. Mais De Vecchi a reçu des assurances de Mussolini en personne : deux douzaines d’appareils modernes vont sous peu rejoindre le Dodécanèse. Il faut ajouter aux avions basés à terre les 28 hydravions basés à Léros [Lero], sur l’hydrobase de Lakki [Porto Lago] : 8 appareils de chasse (Ro.44), 16 de reconnaissance (1 Ro.43, 15 Cant Z.501), 2 de reconnaissance et secours (Cant Z.506), 2 de secours (Cant Z.506). ……… §§§ Les forces de la Regia Marina dans le Dodécanèse, dépendant du Commandement naval de Mer Egée (contre-amiral Biancheri), sont les suivantes : A) Bâtiments de surface – 4e Escadrille de contre-torpilleurs : Francesco Crispi, Quintino Sella (les deux autres unités de la classe “Sella” ont été vendues à la Suède en mars 1940). – 8e Escadrille de torpilleurs : Lupo, Lince, Lira, Libra (classe “Spica”). Il est prévu que les six navires sus-cités se joindront au convoi C 14 lorsqu’il prendra le chemin du retour : De Vecchi n’a pu obtenir leur maintien. – IIIe Flottille MAS (14 bateaux) : 7e Escadrille MAS, avec les MAS-430, MAS-431, MAS- 433, MAS-434 ; 11e Escadrille MAS, avec les MAS-520, MAS-521, MAS-522, MAS-523 ; 16e Escadrille MAS, avec les MAS-536, MAS-537, MAS-542 ; 22e Escadrille MAS, avec les MAS- 545, MAS-546, MAS-551. – Mouilleurs de mines Legnano et Lero. – Canonnière Sebastiano Caboto et petite canonnière Marzio Sonzini. Plus la vedette à vapeur de la Guardia di Finanza Postiglioni et le pétrolier Cerere. B) Sous-marins Ve Groupe (8 bateaux) 51e Escadrille (à Léros) : Delfino, Narvalo, Squalo, Tricheco (classe “Squalo”). 52e Escadrille (à Rhodes) : Ametista, Zaffiro (classe “Sirena”) et Jalea, Jantina (classe “Argonauta”). Des renforts sont arrivés en juillet à Léros, sous la forme de la 13e Escadrille venant du Ier Groupe (La Spezia) : Berillo, Gemma, Onice (classe “Perla”). En revanche, après la perte de l’Iride, survenue le 2 août, il a été décidé de retirer l’Ametista de Rhodes pour le consacrer aux opérations spéciales. Il reste donc dix sous-marins italiens basés en Mer Egée. C) La Regia Marina contribue aussi à la défense des îles avec des batteries côtières, principalement installées à Léros et à Rhodes.

La campagne d’Afrique du Nord Le Serment de Libye Libye – Le commandant Leclerc réunit les hommes de son bataillon – du moins, tous ceux qui ont pu avancer jusqu’à El Machina – à la pointe de l’avance française, dans le désert libyen. Tous font le serment de ne cesser le combat que lorsque le drapeau tricolore flottera de nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. La nouvelle de ce qu’on va très vite appeler le “Serment de Libye” se répandra à la vitesse de l’éclair. L’exemple des hommes de “Leclerc” va être suivi par toutes les unités françaises, avec quelques variantes.

6 août La guerre en Méditerranée Dakar, 02h15 GMT – Entraînement terminé, le HMS Illustrious quitte le grand port de l’Afrique Occidentale Française pour gagner Gibraltar, accompagné des destroyers HMS Encounter, Gallant, Greyhound et Hotspur, tandis que les Français organisent sur le chemin du porte-avions des patrouilles d’hydravions et de petits bâtiments ASM.

Méditerranée Occidentale Alger – Le navire-hôpital Sphinx, désigné pour participer à Cordite, part pour Alexandrie rejoindre les bâtiments se trouvant déjà sur place ou à proximité 19. Conformément aux règles internationales, il naviguera sans escorte et brillamment éclairé la nuit : les Italiens ont été avertis de son départ et de sa route.

Canal de Sicile – Dans la nuit du 5 au 6 août, les Italiens placent les barrages 6 AN et 6 AN bis, deux des cinq autres barrages offensifs (en plus du LK) dont la pose entre Pantelleria et la côte tunisienne était prévue avant-guerre. Vu la tournure prise par la guerre, l’opération n’est pas confiée à une formation mixte de croiseurs légers et de contre-torpilleurs, mais seulement à de rapides contre-torpilleurs de la classe Navigatori. Ont été envoyées dans ce but de Tarente à Augusta, où elles doivent charger les mines, trois unités de la 14e escadrille CT (Ugolino Vivaldi, Leone Pancaldo, Antonio Pigafetta) et deux de la 15e (Nicolò Zeno, Alvise Da Mosto). En fait, seuls quatre navires sont sortis, escortés jusqu’à nuit faite par quatre torpilleurs fournis par les 11e (Cigno, Climene, repliés d’ASI), 12e (Aldebaran) et 14e escadrilles (Pleiadi) : le Da Mosto a été retenu au port par une avarie de machine. Aussi les deux barrages, placés en décalage de part et d’autre d’une ligne joignant l’extrémité nord de Pantelleria à Ras Mamour, ne vont-ils totaliser, à raison de 92 engins par contre-torpilleur, que 368 mines (et même 367 en raison d’une explosion prématurée) au lieu de 460. La pose terminée, les quatre contre-torpilleurs entreprennent de contourner la Sicile en passant par l’ouest. À la sortie du détroit de Messine, les trois unités de la 14 e escadrille mettront le cap sur Tarente tandis que le Zeno rejoindra Augusta.

Méditerranée Orientale Redoutant une prochaine intervention des Franco-Britanniques contre les îles du Dodécanèse, Supermarina a demandé à Maricosom de relancer des mouillages de mines offensifs devant les principaux ports ennemis de la région. Compte tenu des problèmes rencontrés lors des exercices d’avant-guerre et des mouillages effectués en juin 20, ces opérations avaient été suspendues (quand elles avaient commencé) et certains sous-marins mouilleurs de mines affectés, non sans pertes, aux opérations de ravitaillement de la Libye. L’amiral Mario Falangola, commandant des sous-marins, a donc décidé de faire un test avec les trois unités disponibles. C’est pourquoi partent ce jour de Messine, où ils ont été concentrés, le Bragadin (pour Limassol), le Corridoni (pour Alexandrie) et le Foca (pour Haïfa).

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Les Britanniques lancent de nouveau des attaques limitées pour tester les défenses italiennes. Sur ce front, les Alliés ont en face d’eux la 10e Armée du général Mario Berti, qui compte 60 000 hommes environ. ………

19 Soit, outre l’escadre de l’amiral Godfroy, les avisos Elan et Lassigny, les paquebots Patria, Providence et Président Doumer ainsi que les cargos Calédonien, Capo Olmo et Saint-Edmond. 20 Le système de mouillage des deux “Bragadin” ne donnait pas satisfaction, mais les trois “Foca” avaient connu les plus graves ennuis, avec des explosions prématurées de mines lors des mouillages. Le XXIe Corps du général Lorenzo Dalmasso (62e DI Marmarica et 63e DI Cirene) défend Bardia et la partie nord de la frontière. Le XXIIe Corps du général Enrico Pitassi-Mannella (64e DI Catanzaro et 4e Division CC.NN. III Gennaio) est en retrait, près de Tobrouk. La 1ère Division Coloniale libyenne du général Luigi Sibille, formant la réserve d’Armée, très éprouvée par les combats frontaliers de juin et juillet avec les Anglais, a été ramenée au repos à Benghazi (ce qui est loin du front, mais c’est là que se trouve le QG du général Berti…). Il faut ajouter à ces forces les deux bataillons de l’école de parachutistes de Barce : 1o Battaglione Nazionale Paracadutisti et 1o Battaglione Allievi Paracadutisti Fanti dell’Aria (élèves-parachutistes fantassins de l’air). ……… Les principales victimes des coups de main lancés par les Alliés sont les gardes-frontière du 30e Settore di Copertura : 30A (QG à Bardia), 30B (QG à Amseat, plus connu sous le nom de Fort Capuzzo) et 30C (QG à Giarabub, à l’extrême sud du front, au bord de la Grande Dépression). Le sous-secteur 30B a même perdu son QG, tombé en juin aux mains des Britanniques. Pour faire face à ces attaques, la création de colonnes mobiles a été décidée. Elles s’inspirent du défunt Groupement D’Avanzo anéanti le 16 juin mais, tirant les leçons de cet échec, l’état- major italien a amélioré le modèle par l’ajout de canons antichars et anti-aériens. Ces colonnes n’auront guère le temps de démontrer leur efficacité…

7 août La guerre en Méditerranée Méditerranée Occidentale Mers-el-Kébir – Vers 00h30 GMT, trois SM.82 bombardent le port. Un coup heureux coule le patrouilleur auxiliaire Terre-Neuve.

Canal de Sicile – Au sud-est du Cap Bon, le destroyer HMS Hostile saute sur l’une des mines du barrage 6 AN posé la veille par les Italiens. Le navire faisait partie, avec la 27e Division (Janus, Jervis, Juno, Nubian et Mohawk) et les Dainty, Decoy et Hero, d’un groupe de neuf destroyers envoyés par la Mediterranean Fleet à Gibraltar dans le cadre de l’opération Hats (transfert du porte-avions Illustrious et du cuirassé Valiant à Alexandrie). Sa perte permet toutefois aux Franco-Britanniques de repérer et neutraliser le champ de mines responsable.

Méditerranée Occidentale Mer Egée – « En ces premiers jours d’août, plus encore que chez leurs camarades de Méditerranée occidentale, un sentiment de frustration dominait chez les sous-mariniers du Levant. Sans doute, après près de deux mois de guerre contre l’Italie ils n’avaient eu à déplorer aucune perte – encore qu’en juillet, au retour d’une patrouille, le Protée (C.C. Garreau) n’ait dû qu’à une prompte manoeuvre d’échapper aux torpilles d’un congénère ennemi (aujourd’hui identifié comme le Tricheco). Mais ils attendaient toujours leur premier succès. Ce n’était pas faute d’avoir, partant de Beyrouth, sillonné avec obstination le dédale (c’est le cas de le dire) des îles de l’Egée, le terrain de chasse qui leur était assigné par les accords franco-britanniques. Mais les proies étaient d’autant plus rares que, comme leurs camarades anglais qui poussaient à l’occasion des pointes jusqu’à l’entrée des Dardanelles, ils avaient reçu l’ordre formel de n’attaquer que des bâtiments dûment identifiés comme italiens : il fallait impérativement éviter de mécontenter les neutres et, avant tout, les Grecs et les Turcs. De toute façon, la flotte marchande italienne de la région se résumait à deux ou trois caboteurs et à quelques bateaux de pêche qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à leurs collègues venus du Royaume des Hellènes, voire de la côte d’Asie Mineure, et pour lesquels la prudence commandait de s’abstenir. Les seules cibles franches dans les parages étaient les navires de la Regia Marina. Mais il s’agissait en général de cibles agiles : le Phoque avait lancé en vain en juillet deux torpilles contre un torpilleur de classe Spica (le Lince, d’après les archives italiennes). Bref, états-majors et équipages espéraient tous des jours meilleurs. Le 7 août enfin, sur le coup de 22 heures, l’Achéron (C.C. Alliou), navigant en surface non loin de la côte sud de l’île d’Astypalea (Stampalia), repéra deux silhouettes, dont l’une paraissait immobile et l’autre se mouvait à faible vitesse. Il s’agissait du mouilleur de mines auxiliaire Lero, qui achevait de poser la première partie d’un champ défensif sous l’escorte des torpilleurs Lira, qu’avait aperçu l’Achéron, et Lupo, alors caché aux regards des vigies du sous-marin par la petite île Saint-Cyriaque. L’Achéron put se rapprocher à moins de 1 200 mètres et gagner une position favorable au moment où sa cible se remettait en marche. Le sous-marin lança trois torpilles de ses tubes avant sur le Lero avant de plonger. Une minute plus tard environ, un engin au moins toucha la cible. L’arrière de celle-ci, qui avait encore une partie de ses mines à bord, fut désintégré par une violente explosion et sa partie avant ne tarda pas à couler. L’Achéron put échapper à la réaction des deux torpilleurs et rentrer victorieux à Beyrouth. [Note de la 2e édition – En fait, le Lero ne mouillait pas des mines mais, au contraire, en prélevait sur l’un des barrages posés en juin devant Stampalia. Il devait ensuite aller les placer devant Karpathos (Scarpanto), négligée dans les plans de minage initiaux mais dont les Italiens avaient décidé d’améliorer la défense. Tout le stock de mines du Dodécanèse ayant été consommé en juin, la seule solution était de récupérer quelques mines sur chacun des barrages mouillés devant Stampalia, Cos et Rhodes. Après la perte du Lero, la tâche fut achevée par le Legnano.] Les sous-marins du Levant n’allaient pas tarder à être engagés dans une opération plus vaste, la chasse au convoi C 14. » Extrait de Soldats des Profondeurs – Les sous-marins de la Marine Nationale dans la guerre, par le Commandant Henri Vuillez – 2e éd., complétée par Claude Huan, Paris, 1992.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Les flottes alliées, appuyées par leurs aviations, effectuent des bombardements massifs sur deux points clés de la côte : Tobrouk et Bardia. A Tobrouk, le vieux croiseur cuirassé San Giorgio est durement touché. Il est échoué par son équipage mais continue de servir comme batterie AA. L’aéroport d’El Adem est continuellement harcelé par les appareils anglais et français. Le commandement italien replie les avions survivants sur Derna et Benghazi.

8 août La guerre en Méditerranée Méditerranée Occidentale Au large de La Spezia – Au petit matin, le sous-marin MN Argonaute (L.V. Pelletier) observe la sortie d’une escadre comprenant un cuirassé et plusieurs croiseurs fortement escortés, laquelle met le cap au sud-est. Gêné par le déploiement de forces anti-sous-marines légères et d’hydravions, il ne peut gagner une position d’attaque et doit se contenter de transmettre l’information. Il s’agit des renforts que la IIe Escadre envoie à la Ière pour l’opération C 14 : le cuirassé Caio Duilio, le croiseur lourd Pola, les croiseurs légers Eugenio di Savoia et Emanuele Filiberto Duca d’Aosta ainsi que sept contre-torpilleurs. Français et Britanniques lancent immédiatement des vols de reconnaissance, notamment par les avions et hydravions basés à Malte. C’est un Amiot 351 qui repère l’escadre italienne vers 13h30 (GMT+1), à la hauteur de Civitavecchia, avant qu’un Martin 167 ne la retrouve vers 19h30 un peu au sud de Naples, que les navires italiens laissent derrière eux. Ce qui réduit le champ des possibles : redéploiement vers la Sicile – risqué, car les ports siciliens sont à bonne portée des bombardiers alliés, ou renforts pour Tarente. ……… Ports de Bougie et de Bône (Algérie) – Les croiseurs auxiliaires français El Kantara et El Mansour arrivent dans l’après-midi de Dakar. La concentration des bâtiments de transport à transférer en Méditerranée orientale s’achève un peu plus tard que prévu mais à temps, sans autre incident que la perte de la Nymphe II. Les navires du convoi lent sont rassemblés à Bône. Ceux du convoi rapide sont à Bougie, où ils sont rejoints par trois cargos britanniques. Les Clan Campbell et Glaucus 21 vont les accompagner jusqu’à Alexandrie, tandis que le Clan Cumming 22 les abandonnera à la sortie du Canal de Sicile pour filer sur Malte. Les Britanniques ont en effet décidé assez tard de rattacher à “Chapeaux” une opération de ravitaillement de l’île et de leurs forces du Moyen- Orient. Pour la petite histoire, les difficultés rencontrées par les personnels de l’Amirauté et du Ministry of War Transport avec la prononciation de “Chapeaux” feront beaucoup pour généraliser à l’avenir l’adoption de noms d’opérations plus consensuels, comme Cordite.

Malte – Arrivée du groupe de chasse GC III/2, équipé de Curtiss H-75 ; sa première mission sera de couvrir les bombardiers qui s’installeront prochainement sur l’île pour attaquer Benghazi et Tarente. Il s’installera ensuite sur place pour défendre Malte.

Problèmes d’effectifs Londres – L’amiral Odend’hal 23, chef de la Mission navale française à Londres, s’est vu confier la tâche d’obtenir de l’Amirauté britannique l’envoi en Afrique du Nord d’une partie des avisos français qui se sont repliés en Angleterre. Après avoir fait et refait leurs comptes, les bureaux d’Alger se retrouvent en effet trop courts en petits bâtiments pour couvrir tous les besoins : Ravenne, Marignan, Cordite mais aussi les tâches courantes de patrouille et d’escorte que les grandes opérations ne suppriment pas. Au terme d’une discussion serrée, Odend’hal obtient l’essentiel : les cinq avisos-dragueurs modernes 24. En compensation, ses interlocuteurs sont dispensés d’achever la remise en état du Surcouf, certes promise le 3 juillet mais qui leur pose décidément trop de problèmes. Dans les jours à venir, la France négociera l’admission de son “croiseur sous-marin” dans un chantier naval américain ayant l’expérience des grands submersibles – ce qui aura des conséquences très positives deux ans plus tard.

9 août La guerre en Méditerranée Gibraltar, 06h15 GMT – Le grand porte-avions HMS Illustrious et son escorte entrent dans le port du Rocher, où l’attendent ses partenaires de l’opération Hats – son transfert en Méditerranée orientale – pour rejoindre la Mediterranean Fleet. Il y retrouve le vieux porte- avions HMS Argus, venu quelque temps plus tôt de Liverpool avec quatre destroyers

21 Respectivement 7 255 GRT, 17 nœuds et 7 644 GRT, 14,5 nœuds. 22 7 264 GRT, 17 nœuds. 23 Jean-Ernest Odend’hal, né en 1884, vice-amiral. 24 Soit les Chevreuil, Commandant-Dominé, Commandant-Duboc, La Capricieuse et La Moqueuse. d’escorte (Faulknor, Foresight, Forester et Fury) pour l’opération Caps (il transporte 6 Brewster B-339 et 6 Curtiss SBC-4 pour l’Aéronavale et 6 Swordfish pour la FAA).

Bône, 00h08 GMT (01h08 heure française) – Le convoi lent de “Chapeaux”, dit “Petit Chapeau”, appareille. Il comprend les cargos Anadyr, Enseigne Maurice Préchac, Paul-Emile Javary, Saint-Didier et Vulcain, partiellement chargés de diverses fournitures et munitions destinées tant aux troupes françaises du Levant (qu’elles soient sur le point d’être engagées en Cyrénaïque ou réservées pour Cordite) qu’aux navires de l’amiral Godfroy. Ils sont escortés par les avisos Commandant-Rivière, Ailette, Dubourdieu et Les Eparges, ainsi que par les cinq dragueurs auxiliaires qui vont participer à Cordite.

Méditerranée centrale, 02h30 – Le sous-marin MN L’Espoir (L.V. Tézenas du Montcel) aperçoit sans pouvoir l’attaquer une importante escadre italienne débouchant du détroit de Messine. Il s’agit évidemment des navires qui ont quitté La Spezia la veille. Dans la journée, les reconnaissances aériennes confirment l’information. Cependant, la présence continue de la chasse italienne sur le trajet Catanzaro-Tarente, où l’escadre arrive peu après midi, dissuade les Alliés de l’attaquer.

Canal de Sicile – Dans la nuit du 8 au 9 août, les Italiens placent le barrage de mines offensif 7 AN entre Pantelleria et Lampedusa, pour gêner les communications entre Malte et la Tunisie : c’est le dernier qu’ils placeront avant longtemps autour de Pantelleria. La pose de ce nouveau barrage, faite au départ d’Augusta, est confiée d’une part aux deux unités de la 15e escadrille CT, Zeno et Da Mosto (dont l’avarie a été réparée), qui emportent chacun 92 mines, d’autre part aux quatre unités de la 10e escadrille CT (Maestrale, Grecale, Libeccio, Scirocco), qui en emportent chacun 54. Ce qui donne au total un barrage de 400 engins, réduit à 398 par deux explosions prématurées. Les mines sont mouillées par des fonds pouvant atteindre 750 mètres, ce qui sera une (désagréable) surprise pour les Franco-Britanniques. En revanche, la nocivité du barrage est un peu atténuée par l’écart laissé entre chaque engin (100 mètres au lieu de 60 dans la plupart des autres barrages). Leur mission accomplie, les Zeno, Da Mosto, Libeccio et Scirocco mettent le cap sur Tarente, où ils sont attendus pour participer à l’opération C 14. Pour leur part, les Maestrale et Grecale rentrent à Augusta.

Malte – Deux sous-marins de 600 tonnes, les Galatée et Sirène de la 19e DSM, repliés dans un premier temps de Toulon à Bizerte, rejoignent à La Valette la 16e DSM et le Narval.

Alexandrie – Arrivée en fin de journée des croiseurs lourds HMS Cumberland et Kent.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Les contre-torpilleurs Giovanni Da Verazzano, Nicolò Zeno et Lanzerotto Malocello (classe Navigatori) arrivent dans la soirée à Benghazi pour décharger des munitions et des canons antichars. Après les bombardements de l’avant-veille, le port est dans un état de chaos complet, aggravé par le fait qu’une bonne partie de la main d’œuvre locale a fui la ville, en dépit des menaces d’exécution sommaire. Les marins des trois navires effectuent eux-mêmes le déchargement, mais celui-ci n’est pas terminé quand ils doivent quitter Benghazi, peu avant l’aube.

10 août La guerre en Méditerranée Gibraltar, Opérations Hats et Caps – Le porte-avions Illustrious, le porte-avions léger Argus, le cuirassé Valiant (dont le radar et le puissant armement anti-aérien sont très attendus dans la Mediterranean Fleet), le croiseur lourd York, le croiseur léger Ajax et les croiseurs légers anti-aériens Calcutta et Coventry appareillent pour Alexandrie. Ces navires seront escortés par douze destroyers : huit détachés par la Mediterranean Fleet (Janus, Jervis, Juno, Nubian, Mohawk, Dainty, Decoy et Hero) ainsi que les Griffin et Hotspur (destinés à compenser l’indisponibilité momentanée des Hyperion et Ilex) et les Faulknor et Forester, venus avec l’Argus. Les Foresight et Fury demeurent à Gibraltar, tout comme les Encounter, Gallant et Greyhound. Il est en effet prévu d’engager ces destroyers dans de futures opérations en Méditerranée Occidentale. La Regia Marina pouvant décider d’attaquer cette escadre, la flotte française la couvrira comme elle l’a fait le mois précédent pour le convoi AP.1. ……… Bougie, 00h21 GMT (01h21 heure française) – Au tour du convoi rapide de “Chapeaux”, dit “Grand Chapeau” d’appareiller. Il comprend neuf transports de troupes, dont les croiseurs auxiliaires El Kantara et El Mansour, et les trois cargos britanniques, qu’escortent trois torpilleurs (Le Mars, Tempête, Simoun) et deux avisos (Commandant-Bory, Commandant- Delage).

Rhodes – Le pont aérien organisé par la Regia Aeronautica pour transférer la moitié de la CCIe Légion de Chemises Noires, soit près de 800 hommes, dans les îles de la Mer Egée, s’achève sur un succès. Il manque seulement à ces hommes… leur équipement lourd et l’essentiel de leurs munitions. Le même jour, arrivent sur l’aéroport de Maritsa les 12 SM.79 des 67e et 68e escadrilles qui composent le 34e Groupe de Bombardement terrestre. Ce Groupe vient de Sicile, où des formations jusqu’alors engagées sur le front français vont pouvoir le relayer. Même si ce n’est que la moitié de ce qu’avait réclamé le gouverneur De Vecchi, c’est une première contribution de l’Aviation Royale au renforcement des moyens modernes des îles de l’Egée. Ces appareils doivent harceler Alexandrie, Haïfa et Beyrouth, éventuellement Chypre, aux côtés des plus anciens SM.81.

La campagne d’Afrique du Nord Western Desert Force et Corps Expéditionnaire Français en Egypte Libye (Cyrénaïque) – Les forces alliées achèvent leur déploiement. Les troupes britanniques se préparant à attaquer la Cyrénaïque ont été officiellement regroupées au sein de la Western Desert Force, dont la création remonte à la fin juin, sous le commandement du major-général O’Connor. Elle compte environ 20 000 hommes, plus 6 000 en réserve ou en défense. – La 7e Armoured Division (4e et 7e brigades blindées) est une unité de 5 500 hommes formée avant la guerre, prête au combat et bien entraînée. Son équipement se composait au 10 juin de 134 chars (très) légers Vickers Mk VI, 114 lents chars “Cruiser” A10 (Mk II) et 38 automitrailleuses (Lanchester et Morris surtout). Le convoi de juillet a débarqué 152 blindés, dont 51 chars lourds Matilda II et 101 (relativement) rapides chars “Cruiser” A13 Mk III et IV. Les Britanniques ont à la hâte rééquipé plusieurs formations avec ce matériel de bien meilleure qualité. – La 4e Division d’Infanterie indienne (5e, 7e et 11e brigades) est une excellente unité (9 700 hommes), bien entraînée et efficace. – La 16e Brigade d’infanterie britannique (2 500 hommes) est disponible pour l’offensive. – La 14e Brigade d’infanterie britannique (2 500 hommes) est tenue en réserve opérationnelle. – La 22e Brigade d’infanterie britannique va contribuer à l’offensive en détachant la Force Selby, un groupement d’un peu moins de 2 000 hommes sous le commandement du Brigadier A. R. Selby. Le reste de la brigade (500 hommes) participera avec d’autres éléments (3 000 hommes) à la défense des fortifications de Mersa Matruh. ……… Les Britanniques disposent dans la région de l’équivalent de deux autres brigades d’infanterie (ex-18e et ex-23e) et de la 1ère Division de cavalerie (13 000 hommes en tout), mais ces unités sont affectées à la défense du Caire et du Canal de Suez, ainsi qu’au maintien de l’ordre en Palestine et en Jordanie. Le premier échelon de la (future) 2e Division d’Infanterie néo-zélandaise, soit la 4e brigade et ses unités de soutien, est arrivé en Egypte en février, mais le général Wavell ne compte pas utiliser ces unités (3 000 hommes en tout) pour l’offensive en préparation. Le deuxième échelon (5e brigade et unités de soutien) a été dérouté en urgence vers la Grande-Bretagne fin mai. Le troisième échelon (6e brigade et unités de soutien) n’arrivera que fin septembre. ……… Les troupes françaises du général Mittelhauser, venues du Liban, forment (réminiscence napoléonienne…) le Corps Expéditionnaire français en Egypte. Elles sont loin d’être négligeables. – 86e Division d’Infanterie (type O-M, catégorie A). – 191e Division d’Infanterie (type O-M, catégorie A) 25. – 63e et 68e Bataillons de Chars de Combat, dotés respectivement de 45 et 37 chars R-35 26. Ces chars sont lents et peu maniables, mais pratiquement immunisés contre les canons antichars des Italiens. Ils seront très efficaces pour appuyer l’infanterie (quoique pas autant que les Matilda des Britanniques). – 8e Groupe d’Auto-Mitrailleuses, doté de 40 AMD Whyte. – 352e Régiment d’Artillerie à Longue Portée (36 x 105 mm). – Groupe mobile d’artillerie : une batterie d’obusiers de 155 mm (4 pièces tractées), deux demi-batteries de 47 mm antichars (4 canons tractés chacune) et une batterie de 75 mm (5 canons sur camions Dodge). En tout, 18 000 hommes environ déjà en ligne, plus 12 000 hommes à partir du 12 août. ……… Sur la suggestion du brigadier Jock Campbell et de plusieurs officiers français ayant l’expérience des opérations au Levant, plusieurs colonnes mobiles sont organisées. Elles combinent des blindés légers, des automitrailleuses et de l’infanterie et artillerie portées. Ces colonnes doivent profiter de la nature du terrain pour s’enfoncer dans le désert et paralyser les mouvements des Italiens. ……… Les Alliés attendent également le renfort de plusieurs divisions pour la fin de l’année. (i) L’Australian Imperial Force va monter en puissance : – La 6e Division d’Infanterie australienne (16e, 17e et 19e brigades) est à l’entraînement en Palestine mandataire. Elle sera opérationnelle fin novembre. Elle dispose de quelques vieux chars moyens Vickers. 27 – La 7e Division d’Infanterie australienne, qui ne compte pour le moment que les 20e et 21e brigades, est en formation. Ses hommes sont novices et encore mal équipés.

25 Cette division ne sera disponible que le 12 août. Un de ses bataillons a été envoyé à Chypre. 26 Le 68e BCC a envoyé à Chypre une compagnie de 13 chars. 27 La 18e brigade, prévue à l’origine pour cette division, a été détournée vers la Grande-Bretagne devant l’aggravation de la situation en Europe. Elle est remplacée par la 19e, prévue à l’origine pour la 7e Division. – Deux autres brigades australiennes (les 24e et 26e) devraient être disponibles à partir de janvier 1941 28. (ii) Enfin, la 5e Division d’Infanterie indienne (9e, 10e et 29e Brigades, major-général Beresford-Peirse) sera disponible début septembre.

28 La 25e brigade est en cours de formation en Grande-Bretagne à partir des effectifs en surnombre à la 18e.