Mandenkan Bulletin semestriel d’études linguistiques mandé

50 | 2013 Numéro 50

Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/mandenkan/193 DOI : 10.4000/mandenkan.193 ISSN : 2104-371X

Éditeur Llacan UMR 8135 CNRS/Inalco

Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2013 ISSN : 0752-5443

Référence électronique Mandenkan, 50 | 2013, « Numéro 50 » [En ligne], mis en ligne le 25 avril 2014, consulté le 08 juillet 2021. URL : https://journals.openedition.org/mandenkan/193 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ mandenkan.193

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NOTE DE LA RÉDACTION

Mandenkan, notre bulletin des études mandé, qui est à présent l’unique périodique francophone traitant de linguistique et de langues africaines, arrive à son 50e numéro. Personne sans doute n’aurait imaginé qu’une publication aussi spécialisée, aussi confidentielle, parviendrait à subsister, 32 ans après sa fondation. Cette longévité, il la doit aux choix de départ : gratuité des numéros, envois ciblés vers les seuls spécialistes de langues mandé et les institutions des pays intéressés, bénévolat des responsables, participation financière de l’INALCO et de l’équipe CNRS pour la fabrication et l’acheminement, périodicité souple, alternance de numéros ordinaires et de numéros spéciaux. À ces principes fondamentaux, Mandenkan reste fidèle. Ce numéro 50 est dédié à Gérard Dumestre.

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SOMMAIRE

Le Mandenkan de Gérard Dumestre Valentin Vydrin

Préface

Préface Gérard Dumestre

Varia

Transitivity in Bakel Soninke Denis Creissels et Anna Marie Diagne

Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké et la standardisation de la langue Gérard Galtier

Interacting tonal processes in Susu Christopher R. Green, Jonathan C. Anderson et Samuel G. Obeng

Les préverbes en kla-dan Nadezda Makeeva

L’espace déictique dans la langue mwan Elena Perekhvalskaya

Masadennin (The Little Prince in Bamana) Experimental online concordance with parallel French and English texts Andrij Rovenchak et Solomija Buk

Polysemy patterns of two postpositions marking class-membership and property assignment in Jeli (Central Mande) Holger Tröbs

Le comportement tonal des marqueurs prédicatifs dans la langue kakabé Alexandra Vydrina

Goo : présentation d’une langue Valentin Vydrin

Compte rendu

Ousmane Moussa DIAGANA, Dictionnaire soninké-français (Mauritanie) Paris, Karthala, 2011, 262 p. Gérard Galtier

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Le Mandenkan de Gérard Dumestre

Valentin Vydrin

Gérard Dumestre

1 Le premier numéro de Mandenkan a paru il y a 33 ans. Depuis un tiers de siècle, la revue est devenue le pôle d’attraction des spécialistes en linguistique mandé et l’axe de structuration des études linguistiques mandé dans le monde. Aujourd’hui, au moment de la publication du numéro 50 de Mandenkan, je voudrais rendre hommage à son fondateur et éditeur Gérard Dumestre.

2 Si l’on compare l’état des études mandé et le niveau des connaissances des langues mandé entre aujourd’hui et il y a 33 ans, on ne peut que se rendre compte des énormes

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progrès qui ont été effectués pendant cette période. Le mérite en revient en grande partie à Gérard Dumestre. Et cela ne se limite pas à la fondation de Mandenkan. En héritier de Maurice Delafosse et Maurice Houïs, il a enseigné le bambara à l’INALCO pendant 33 ans, et ses élèves constituent la grande majorité des mandéisants européens. C’est lui qui a organisé le premier colloque Langues et linguistique mandé (Paris, 1989), devenu une tradition au fil des ans et qui a beaucoup contribué à la consolidation de la communauté mondiale des spécialistes en langues mandé. La publication en 2003 de la Grammaire fondamentale du bambara, la première description détaillée et exhaustive de cette grande langue de l’Afrique de l’Ouest, basée sur une étude méticuleuse d’un immense corpus de textes bambara, a comblé une importante lacune. Enfin, la sortie, en 2011, du monumental Dictionnaire bambara-français marque d’une pierre angulaire la lexicographie mandingue : peu nombreux sont les dictionnaires de langues africaines comparables en exhaustivité et richesse des données, et pour les langues mandé je n’en connais aucun autre.

3 Pendant plus de trois décennies, Mandenkan a porté la marque de la personnalité de son créateur : la passion des langues mandé, la joie de vivre, la rigueur scientifique. Cinquante numéros, c’est beaucoup, et l’on peut comprendre Gérard qui a décidé de céder sa position de coéditeur. Il reste cependant dans le Comité de rédaction où il nous aidera à assurer la qualité des articles publiés dans Mandenkan. C’est à nous tous de garder les meilleures traditions de son père fondateur.

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Préface

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Préface

Gérard Dumestre

1 Mandenkan, notre bulletin des études mandé, qui est à présent l’unique périodique francophone traitant de linguistique et de langues africaines, arrive à son 50e numéro. Personne sans doute n’aurait imaginé qu’une publication aussi spécialisée, aussi confidentielle, parviendrait à subsister, 32 ans après sa fondation. Cette longévité, il la doit aux choix de départ : gratuité des numéros, envois ciblés vers les seuls spécialistes de langues mandé et les institutions des pays intéressés, bénévolat des responsables, participation financière de l’INALCO et de l’équipe CNRS pour la fabrication et l’acheminement, périodicité souple, alternance de numéros ordinaires et de numéros spéciaux. À ces principes fondamentaux, Mandenkan reste fidèle.

2 Depuis quelques années, une édition virtuelle a vu le jour, permettant de diminuer le nombre des abonnés à la revue papier. Et parallèlement s’est mis en place un système de double relecture anonyme, permettant d’améliorer la qualité des contributions.

3 Le seul regret, et sur ce point l’évolution n’est guère favorable, est la faible participation de nos collègues africains. Pour les 10 derniers numéros de Mandenkan, seuls quatre articles leur sont dus.

4 Mandenkan continue. Avec désormais comme responsable, pour prendre ma relève, mon collègue et ami Valentin Vydrine, que tous les mandéisants connaissent et apprécient. Titulaire de la chaire de mandingue à l’INALCO et membre du LLACAN, spécialiste incontesté du domaine, il est le mieux à même de prendre en charge le bulletin. Mes vœux les plus chaleureux l’accompagnent.

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Varia

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Transitivity in Bakel Soninke La transitivité en soninké de Bakel Транзитивность в сонинке р-на Бакел

Denis Creissels and Anna Marie Diagne

AUTHOR'S NOTE

Abbreviations ANTIP = antipassive CAUS = causative CMP = completive D = determination marker DEM = demonstrative DET = detransitivization marker GER = gerundive FOC = focalization marker IMPER = imperative INTR = intransitive LOCCOP = locative copula LOCCOPF = locative copula in focalization context NEG = negative OBL = oblique This gloss is used for a postposition with a variety of uses that cannot be covered in a satisfying way by a more precise term. PL = plural POS = positive REFL = reflexive SG = singular SUBJ = subjunctive TR = transitive

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1. Introduction

1 Soninke (sooninkanqanne), spoken mainly in Mali, Mauritania, Senegal, and The Gambia, belongs to the Soninke-Bozo sub-branch of the western branch of the Mande language family. The only relatively well-documented Soninke variety is that spoken in Kaedi (Mauritania), for which two comprehensive grammars are available (Diagana O.M. (1984 or 1995) and Diagana Y. (1990 or 1994)), as well as a dictionary (Diagana O.M. 2011). In this paper, building on these works, on the analysis of voice in Kaedi Soninke provided by Creissels (1991a), and on Anna Marie Diagne’s work on the phonology and morphology of Bakel Soninke (Diagne (2008)), we describe the morphosyntactic phenomena related to transitivity in the Soninke variety spoken in Bakel (Senegal).1

2 The article is organized as follows. In Section 2, we provide basic information on Soninke phonology and morphosyntax, emphasizing the particularities of Bakel Soninke. In Section 3, we present the three valency-changing morphological derivations found in Bakel Soninke. In Section 4, we discuss the classification of verbs as strict transitive, strict intransitive, A-labile, P-labile, and A/P-labile, and the division of transitive verbs into several sub-classes according to the morphological marking of their deagentive and depatientive uses. In Section 5, we discuss the status of Soninke according to the distinction between transitivizing and detransitivizing languages proposed by Nichols & al. (2004). Section 6 summarizes the main conclusions.

2. A sketch of Bakel Soninke phonology and grammar

2.1. Segmental phonology

2.1.1 Consonants

3 Bakel Soninke has the following inventory of consonantal sounds:

Table 1. Phonetic inventory of Soninke consonants

labials alveolars palatals velars uvulars glottal

voiceless plosives p t c k q

voiced plosives b d j [ɟ]g

fricatives f s x [χ] h

vibrant r

lateral l

glides y [j] w

nasals m n ñ [ɲ] ŋ

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4 There are also geminates, which mostly represent underlying sequences whose elements do not belong to the same morpheme, with |N| as the first or second element of the sequence.

5 Sequences with |N| in initial position can be illustrated by the concatenation of first person singular |Ń| with verbs or nouns:

Ń + fàré ‘donkey’ → ḿparè ́ ‘my donkey’

Ń + sí ‘horse’ → ñ́cì ‘my horse’

Ń + xánnè ‘voice’ → ŋ́qánnè ‘my voice’

Ń + máamè ‘grandparent’ → ḿmáamà ‘my grandfather/mother’

Ń + tá ‘foot’ → ńtà ‘my foot’

Ń + kà ‘house’ → ŋ́kà ‘my house’

6 When the initial consonant of the stem is a vibrant or a lateral, the concatenation of |Ń| gives a lateral geminate:

Ń + lébò ‘knife’ → ĺlébò ‘my knife’

Ń + rémmè ‘son/daughter’ → ĺlémmè ‘my son/daughter’

7 True prenasals and nasal geminates are rare in Soninke and come mostly from loans.

8 The consonantal systems of Kaedi and Bakel Soninke are very similar, but in stem- initial position, there is a regular correspondence Kaedi h ~ Bakel f:

Bakel Kaedi

fàré hàré ‘donkey’

fàabè hàabè ‘father’

fàté hàté ‘skin’

máráfà máráhà ‘gun’

fállè hállé ‘back’

kófè kóhè ‘nape of the neck’

fò hò ‘thing’

9 There are however cases in which both dialects have an initial h:

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Bakel Kaedi

hóorè hóorè ‘noble’

10 The concatenation of f and h with |Ń| gives however equally mp, which allows analyzing them as members of the same phonological class:

Bakel Kaedi both varieties

fàré hàré ḿpàré ‘my donkey’

fàabè haabe ḿpàabà ‘my father’

fàté hàté ḿpàté ‘my skin’

11 The prenasalization of a glide gives rise to a nasal consonant with the same place of articulation as the glide, which allows considering that glides have no consonantal node, and consequently cannot contribute to quantity increase:

Ń + yáaxè → ñáaxè ‘my eye’

Ń + wùllé → ŋûllè ‘my dog’

12 Preceding a stem beginning with a vowel, |N| surfaces as a velar consonant:

Ń + ótò → ŋótò ‘my car’

Ń + ànjóbè → ŋànjóbè ‘my catfish’

13 |N| also appears in non-initial position in the gerundive suffix -NV (where V is an unspecified vowel copying all the features of the last vowel of the verb root). This suffix attaches to an allomorph of verbal lexemes that may end with a consonant or a vowel, and consequently, in this construction, |N| may occur between two vowels (V_V) or between a consonant and a vowel (C_V). In intervocalic position |N| surfaces as the alveolar nasal n, but when |N| is preceded by a consonant, the sequence |CN| surfaces as a geminate consonant:2

lifi + NV → lifini ‘sewing’

soxo + NV → soxono ‘cultivating’

yiga + NV → yigana ‘eating’

√kat + NV → katta ‘beating’3

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√kan + NV → kanna ‘fearing’

√bos + NV → bocco ‘sucking’

√gem + NV → gemme ‘meeting’

√kar + NV → kalla ‘dying’

14 On the basis of their phonological behavior the consonants of Bakel Soninke can be classified as follows:

Table 2. Phonemic inventory of Soninke consonants

peripheral posterior alveolar palatal labial glottal velar uvular

voiceless stops p t c k q

nasal m n/N ñ ŋ

voiced stops lateral l

plain b d j g

non vibrant f h s x spirants vibrant r

glides y w

2.1.2. Vowels

15 Bakel Soninke has five vowels qualities and a contrast between long and short vowels. The five vowel qualities can be represented as follows:

Table 3. The short vowels of Soninke

anterior central posterior

degree 1 i o

degree 2 e a u

16 Contrary to consonants, there is no evidence that long vowels result from the concatenation of two adjacent vowels. Concatenations of two underlying vowels at morpheme boundaries do not surface as long vowels, as illustrated by the suffixation of

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the detransitivization marker -i (see Section 3.2), which amalgamates with the final vowel of non-monosyllabic verb stems without increasing quantity:

garaba ‘split’ + -i → garabe ‘be split’

yonto ‘push’ + -i → yonte ‘be pushed’

17 We therefore consider that Soninke has a series of long vowels contrasting with the short ones:

Table 4. The long vowels of Soninke

anterior central posterior

degree 1 ii oo

degree 2 ee aa uu

2.1.3. Syllable structure

18 Bakel Soninke has four types of syllables: CV, CVV, CVC and CVN. The CV and CVC (with a non-nasal coda) types can be viewed as light syllables on language-specific grounds. As shown by the examples, the non-nasal coda of CVC syllables is always identical with the onset of the following syllable and forms a geminate with it:

CV CVC

fà.ré ‘donkey’ kít.tè ‘hand’

kí.yé ‘sun’ sòk.kí.xá.yè ‘grass’

kà ‘house’ sík.kò ‘three’

sù.xú.bà.fá.nà ‘daybreak’ hac.ci.te ‘have lunch’

sì.yà.xà.ré ‘mare’ fìl.ló ‘two’

19 The two possible types of heavy syllables are CVV and CVN. The nasal coda in CVN syllables may form either a geminate or a prénasal with the following onset:

CVV CVN

sàa.né ‘star’ rém.mè ‘son/daughter’

bòo.xí ‘tear’ fún.bún.nè ‘abcess’

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xá.báa.nè ‘egg’ xú.rún.gò ‘knee’

juu.ra ‘pray’ kón.pè ‘bedroom’

dáa.rú.mè ‘day before yesterday’ xùn.bá.nè ‘tomorrow’

20 The homorganic nasal may also appear as a syllabic consonant in the realization of |Ń| (1st person singular), but this occurs only when this morpheme is the first element of an intonational phrase.

Ń + fàabà → ḿpàabà ‘my father’

Ń + máamà → ḿmáamà ‘my grandfather/mother’

21 In non initial position |Ń| appears as ín, as in [mìŋgàrì] ‘I certainly will come’, decomposable as mà ín gà rì (ma ̀ ‘certainly’, ín ‘I’, gà ‘subordination marker’, rì ‘come’).

2.2. Tone

22 Like Kaedi Soninke, Bakel Soninke has a tone system with two contrasting tones, H(igh) and L(ow), and downsteps analyzable as the trace of floating L tones. Moreover, nouns in isolation show tonal contours similar to those described for Kaedi Soninke, and in both varieties, the tones of nouns in isolation can be analyzed as resulting from the interaction of lexical tones with a grammatical L tone that plays a role in the determination system of nouns. But in other respects, the tone system of Bakel Soninke is very different from that of Kaedi Soninke as described by Diagana (1984) and Diagana (1995). The most striking characteristic of Bakel Soninke is a relatively high degree of variation in the tonal realization of individual words, which sharply contrasts with the relative stability of tonal realizations in Kaedi Soninke. For example, with the determined form of two syllable nouns that can be analyzed as having a HH lexical tone pattern, we observe a free variation between HL and HH ꜜ (HH followed by a downstep if the following word begins with a H tone). At this stage of our inquiry, we are not able to exhaustively classify the variations we have observed as free, conditioned by the phonological environment, or conditioned by syntactic structure, although we already have identified cases of free variation, phonological conditioning, and syntactic conditioning.

23 In particular, in addition to the L tones present in the underlying representations of morphemes, a L tone may be assigned to the first syllable of intonational phrases, if the following syllable is not underlyingly L. This explains for example the alternation in the tonal realization of ó ‘we’ illustrated in Ex. (1).4

(1) a. Ò régé wùró-n mùumá. (AK)

1PL dance night-D whole

‘We danced the whole night.’

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b. Ó dà kén mùgù. (AK)

1PL TR DEM hear

‘We have heard that.’

24 The question of the lexical tones of verbs is particularly relevant to our topic. In Kaedi Soninke, verbal lexemes divide into five tone classes (H, HL, HLH, LH, and LHL), and all verbs, whatever their inherent tone pattern, take a L contour in particular syntactic configurations – Creissels (1991b). By contrast, in Bakel Soninke, lexical tone contrasts cannot be observed in the quotation form of verbs (in which intransitive verbal lexemes are preceded by nàn, and transitive verbal lexemes are preceded by n’à < nà à, where à is the third person singular pronoun). In our recorded data, we have observed three types of possible contours for verbs: • a H contour, • a HL contour, • a L contour observed so far almost exclusively in contexts in which it can equally be interpreted as the realization of an underlying H contour, but in addition to a very strong predominance of the H contour, at least in the contexts that we have systematically checked, we observe variations between H and HL in the realization of individual verbs that we are not able to explain by a contextual conditioning (either phonological of grammatical). Additional inquiries with a variety of consultants will be necessary before deciding whether the variation is really free, and Bakel Soninke is engaged in a process of loss of lexical tone contrasts between verbs, or perhaps underlying contrasts are neutralized by processes that we have not been able to analyze yet.

25 As regards nouns, lexical tone contrasts are unquestionable in quotation, but we have observed in our corpus H realizations of lexically LH nouns suggesting that lexical tone contrasts between nouns are neutralized in more contexts than those that have been recognized as triggering the neutralization of lexical tone contrasts between nouns in Kaedi Soninke. However, we are not in a position to provide a precise description of this phenomenon yet.

26 Consequently, in this paper, the verbal lexemes are quoted without tone marks, since the evidence at our disposal does not allow us to posit lexical tones for verbs, and the tones of the nouns and sentences we quote are transcribed as they have been pronounced by our consultants when checking with them the data we present, without any interpretation or ‘regularization’ of the variations. In particular, in addition to the symbols for the H tone (ˊ), the L tone (ˋ), and the downstep (ꜜ), we use the macron (ˉ) for syllables that are perceived higher than an immediately preceding L syllable but lower than an immediately following H syllable, because it would be premature to decide whether they should be analyzed as the realization of either H or L in the context L_H.

2.3. Clause structure

27 In Soninke, as in other West , verbal predication can be schematized as S (O) V (X).5 The rigid constituent order and the fixed position occupied by so-called

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predicative markers immediately after the subject are crucial for the recognition of grammatical relations, since there is neither flagging nor indexation of the core syntactic terms S and O. Predicative constructions with two or more terms encoded in the same way as the patient of typical monotransitive verbs (so-called ‘multiple object constructions’) are not possible.

28 The predicative markers occupying a fixed position immediately after the subject include aspect-modality-polarity markers such as ma ́ ‘completive, negative’, and the locative copula wá (negative ntá ) fulfilling the function of incompletive auxiliary – Ex. (2). With the locative copula used as an incompletive auxiliary, the verb is in the gerundive form, marked by a suffix whose underlying form is |NV| (see Section 2.1.1), otherwise it occurs in its bare lexical form.

(2) a. Kè yúgó má xàrà. (AK)

DEM man CMP.NEG study

‘This man did not study.’

b. À mā í ꜜfáabá tù. (AK)

3SG CMP.NEG REFL father recognize

‘He did not recognize his father.’

c. À wà táaxú-nú daagò ́-n kàmma.̀ (LD)

1SG LOCCOP sit-GER mat-D on

‘He will sit on the mat.’

d. À wà kē lémúnú kóróosì-nì yàxàré-n da.̀ (LD)

1SG LOCCOP DEM child.PL watch-GER woman-D for

‘He will watch these children for the woman.’

29 As discussed by Creissels (To appear 2013) for Mandinka, the recognition of a paradigm of markers occurring immediately after the subject is crucial for the analysis of clauses with just one noun phrase preceding the verb, since it rules out the analysis according to which clauses such as those in (3a) and (3c), in which a bivalent verb is preceded by a unique noun phrase representing the patient-like participant, might have a transitive construction with a null subject.

(3) a. Sǐ-n ꜜwá wárí-ní xùnbànè. (DB)

horse-D LOCCOP see-GER tomorrow

‘The horse will be seen tomorrow.’

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b. *Ø ꜜWá sǐ-n ꜜwárí-ní xùnbànè.

LOCCOP horse-D see-GER tomorrow

c. Yìllé-n kòrì. (DB)

millet-D sift

‘The millet has been sifted.’

d. *Ø Dà yìllé-n kòrì.

TR millet-D sift

30 In this construction of potentially transitive verbs, as illustrated by the contrast between (3a) and the agrammatical sequence (3b), the markers that occur between the subject and the object in the transitive construction are found after the unique noun- phrase preceding the verb, not before it, as it should be the case if this noun phrase occupied the object position in a transitive construction with a null subject. Similarly, the contrast between (3c) and the agrammatical sequence (3d) shows that the transitivity marker dà does not occur in the construction of kori ‘sift’ with just one noun phrase representing the patient, whereas it should be found to the left of the patient phrase if this were a transitive construction with a null subject.

31 The analysis of the unique noun phrase preceding the verb in such constructions as a subject, rather than an object in a null-subject construction, is further confirmed by the fact that it does not select the variant ya of the focalization marker, used to focalize phrases in functions other than subject, and can only be focalized by means of the variant yan, used exclusively to focalize subjects. The only possible analysis of clauses in which a potentially transitive verb is preceded by a sole noun phrase representing the patient is that, syntactically, they include no object phrase, and the noun phrase preceding the verb fulfills the subject role, which implies considering them as instances of a morphologically unmarked passive construction. In other words, the valency properties of Soninke verbs such as kori ‘sift’, bayi ‘spread’, dabari ‘repair’ or wari ‘see’ must be analyzed in terms of active / passive lability, a phenomenon common among Mande languages, but relatively rare cross-linguistically, at least in its fully grammaticalized form (that is, without the restrictions and/or aspecto-modal nuances that characterize the use of zero-coded quasi-passives such as English This book sells well).6 However, in Soninke, this phenomenon can be observed almost exclusively with verbs ending with i. An explanation is given further.

32 A striking feature of Soninke is the particularly clear-cut distinction between transitive and intransitive predications, due not only to the rigid S (O) V (X) pattern, which excludes ambiguity between the syntactic roles of object and oblique, but also to the fact that three of the grammatical elements occupying a position immediately after the subject are sensitive to the transitive vs. intransitive distinction: • in the completive positive, a morpheme dà analyzed here as a transitivity marker is obligatorily found in transitive constructions, but does not occur in the corresponding intransitive constructions – Ex. (4), and this dà also occurs with the same distribution in the imperative plural;7

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• the subjunctive positive is marked by nà in transitive constructions and nàn in intransitive constructions – Ex. (5);8 • in clauses including a focalized term, the locative copula wá used as a incompletive marker has two variants depending on the transitivity of the construction: Ø in intransitive constructions, and nà (homonymous with the subjunctive positive marker) in transitive constructions – ex. (6).

(4) a. Fàŋŋē ké káawá fànè yìrìgì. (AK)

river DEM dry_up early this_year

‘The river dried up early this year.’

b. Yàxāré-n dà tíyè-n qóbó sáxà-n wà. (AK)

woman-D TR meat-D buy market-D OBL

‘The woman bought meat at the market.’

c. Xà dà lémíné-n pàabà! (DB)

IMPER.PL TR child-D give_assitance

‘Give the child assistance!’

(5) a. À nàn táaxù yítté-n wùrè. (LD)

3SG SUBJ.POS.INTR sit tree-D under

‘He should sit under the tree.’

b. Lèmúnú kú nà tíyè-n yìgà. (AK)

child.PL DEM SUBJ.POS.TR meat-D eat

‘The children should eat meat.’

(6) a. À Ø sállí-ní yà. (LD)

3SG LOCCOPF.INTR pray-GER FOC

‘He is PRAYING.’

b. À n’ à gáagá-ná yà. (LD)

3SG LOCCOPF.TR 3SG sell-GER FOC

‘He is SELLING it.’

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3. Valency-changing derivations

3.1. Introductory remarks

33 Bakel Soninke has two morphological devices encoding a valency-decreasing operation, and one encoding a valency-increasing operation.

34 The detransitivizing marker ‑i (glossed DETR) may express a variety of valency- decreasing operations, depending on the verbs it combines with, whereas antipassive ‑ndi (glossed ANTIP) unambiguously expresses patient demotion. In both cases, the demoted argument is normally not expressed, although expressing it as an oblique is not completely impossible.

35 The only valency-increasing operation that can be encoded morphologically is causativization, expressed by the causative suffix ‑ndi.

36 Creissels (1991a) argues that in Kaedi Soninke, causative ‑ndi and antipassive ‑ndi have different tonal properties, and can be analyzed as underlyingly ‑ndí (causative) vs. ‑ndì (antipassive). Unfortunately, we cannot confirm this analysis for Bakel Soninke, because of the doubts we have about the possibility of identifying tone contrasts between verb stems in this Soninke variety.

3.2. The detransitivizing marker ‑i

3.2.1. Formal properties of the detransitivizing marker ‑i

37 Most verbs that have a transitive stem ending with a, o, or u also have an intransitive stem that can be analyzed as derived from the transitive stem by the addition of a detransitivizing marker whose underlying form is |i|. However, this detransitivizing marker surfaces as a distinct segment ‑yi with monosyllabic stems only:

ka ‘insult’ → kayi (intr.) ‘insult unspecified people’

ku ‘give’ → kuyi (intr.) ‘give unspecified things’

tu ‘know’ → tuyi (intr.) ‘know unspecified things’

38 With non-monosyllabic stems, the presence of detransitivizing ‑i is manifested by a change in the last vowel of the stem that can be explained as the result of the amalgamation of an underlying i according to the following rules:

a + i → e (sometimes also i)

o + i → e

u + i → i

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39 It is therefore possible to consider that the lack of distinct detransitivized forms with verbs ending with e or i follows from the fact that the morphophonological process manifesting the presence of ‑i would apply vacuously to such stems.

3.2.2. Semantic properties of the detransitivizing marker ‑i

40 Depending on the individual verbs with which it combines, ‑i may express various detransitivizing operations, but it is not equally productive in all its possible uses.

41 Agent demotion is by far the most productive use of the detransitivizing marker ‑i, with two semantic subtypes, anticausative (the agent is suppressed from argument structure, and the event is presented as occurring spontaneously, as in Ex. (7b)) and passive (the agent is semantically maintained, but it is not expressed, and the subject role is fulfilled by the patient, as in Ex. (8b)).

(7) a. Yúgó-n dà wùlù-séyínté-n yòolà. (DB)

man-D TR dog-rabid-D drown

‘The man drowned the rabid dog.’

b. Lémíné-n ꜜyóolé fàŋŋé-n wà. (DB)

child-D drown.DETR river-D OBL

‘The child drowned in the river.’

(8) a. Yàxàré-n dà yíllé-n gòrò. (AK)

woman-D TR millet-D pound

‘The woman pounded the millet.’

b. Yìllé-n gòrè. (AK)

millet-D pound.DETR

‘The millet was pounded.’

42 The distinction between these two semantic varieties of deagentive derivation (agent- backgrounding and agent-suppressing) is not rigid. With many verbs, both readings are equally available, depending on the context. What seems to be crucial is the semantic distinction between processes easily conceived as occurring spontaneously (such as ‘drown’) and processes that require the intervention of an agent (such as ‘become pounded’).

43 With a few verbs among those that have the ability to combine with the detransitivizing marker ‑i in deagentive function, the same form also has a reflexive or autocausative use:9

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boora ‘undress (tr.)’ → boore ‘undress oneself’ – Ex. (9)

fubba ‘plunge’ → fubbe ‘dive’

kafu ‘gather (tr.) → kafi ‘gather (intr.)’

fuutu ‘stretch (tr.)’ → fuuti ‘stretch (intr.)

(9) a. Yúgó-n d’ ꜜí ꜜrémmé-n bòorà. (DB)

man-D TR REFL son/daughter-D undress

‘The man undressed his son.’

b. Yúgó-n bòorè. (DB)

man-D undress.DETR

‘The man undressed.’

44 The detransitivizing marker ‑i may also have a depatientive function, for which it is in competition with the dedicated antipassive suffix ‑ndi. All the intransitive stems derived by means of ‑i that can be used in depatientive function also have a deagentive (anticausative or passive) use, as illustrated by yige, intransitive form of yiga ‘eat’ – Ex. 10).

(10) a. Lèmúnú kú dà tíyè-n yìgà. (AK)

child.PL DEM.PL TR meat-D eat

‘The children ate the meat.’

b. Lèmúnú kú yìgè. (AK)

child.PL DEM.PL eat.DETR

‘The children ate.’

c. Tíyè-n yìgè. (AK)

meat-D eat.DETR

‘The meat was eaten.’

3.3. The antipassive suffix -ndi

45 The depatientive function is the only possible function of the antipassive suffix ‑ndi–, Ex. (11), and this suffix is very productive.

Mandenkan, 50 | 2013 22

(11) a. Sámáqqè-n dà lémíné-n qìñì. (AK)

snake-D TR child-D bite

‘The snake bit the child.’

b. Sámáqqè-n qíñí-ndì. (AK)

snake-D bite-ANTIP

‘The snake bit (someone).’

46 Bakel Soninke has a handful of transitive verbs that can be used intransitively in their underived form with a subject representing the agent (see Section 4), and a small set of transitive verbs with which the detransitivizing marker ‑i can be used in depatientive function (see Section 3.2), but all transitive verbs that do not belong to one of these two subsets combine with the antipassive marker ‑ndi.

47 The antipassive suffix ‑ndi has an allomorph ‑yindi with monosyllabic stems:

ka ‘insult’ → (antip.) ka-yindi

si ‘shave’ → (antip.) si-yindi

3.4. The causative suffix ‑ndi

48 Causativization, illustrated by Ex. (12), is the only valency-increasing morphological derivation found in Soninke.

(12) a. Sǐ-n bàamì. (DB)

horse-D gallop

‘The horse galloped.’

b. Yúgó-n d’ ꜜí ꜜsí-n bàamì-ndì. (DB)

man-D TR REFL horse-D gallop-CAUS

‘The man made his horse gallop.’

49 Causative verbs are derived by means of a suffix ‑ndi which has been claimed to be tonally different from antipassive ‑ndi in Kaedi Soninke – Creissels (1991a), but seems to be fully homonymous with it in the Bakel variety.

50 As illustrated by Ex. (12) above, causativization by means of the causative suffix ‑ndi is fully productive for strict intransitive verbs (i.e., for verbs that cannot be used transitively in their underived form). By contrast, morphological causativization is only

Mandenkan, 50 | 2013 23

marginally available with a transitive input. Most of the time, consultants asked to causativize transitive clauses or the depatientive version of transitive clauses reject the use of ‑ndi and propose analytical causatives instead.

51 There are however a few transitive verbs for which morphological causativization is accepted by our consultants: dabari ‘repair’, faamu ‘understand’, faccari ‘translate’, goro ‘pound’, kara ‘cross’, kari ‘kill’, lifi ‘sew’, mini ‘drink’, saara ‘give birth’, soro ‘cook’, xara ‘learn’, and yiga ‘eat’. No clear semantic generalization emerges from this list, which includes not only transitive verbs belonging to semantic classes known for lending themselves to causativization even in languages that tend to restrict causativization to intransitive verbs (such as ‘eat’ and ‘drink’), but also transitive verbs belonging to semantic classes for which no such tendency is observed cross-linguistically (for example ‘repair’, or ‘pound’).10

52 As illustrated by Ex. (13), the object of causative verbs derived from transitive verbs may correspond semantically either to the subject or the object of the transitive verb from which they derive, but if both are expressed, as in (13c), the object of the initial construction is maintained as the object of the causative verb.

(13) a. Lémíné-n dà tíyè-n yìgà. (AK)

child-D TR meat-D eat

‘The child ate meat.’

b. Fàatú dà lémínè-n yìgà-ndì. (DB)

Fatou TR child-D eat-CAUS

‘Fatou made the child eat.’

c. Fàatú dà tíyè-n yígá-ndí lémínè-n wà. (DB)

Fatou TR meat-D eat-CAUS child-D obl

‘Fatou made the child eat meat.’

53 Morphologically, a few verbal lexemes ending with e, such as bire ‘live’, show an irregular change in their last vowel when combined with the causative suffix (bire → bira-ndi), which may suggest that bire was originally decomposable as *bira + ‑i.

54 An irregular causative form is also observed with bogu ‘go/come out’, caus. baga‑ndi, and xara ‘learn’, caus. xaraŋŋundi.

3.5. Antipassivization of causative verbs

55 Although the causativization of derived intransitive forms encoding patient demotion is perfectly conceivable semantically (‘a causer makes a causee act on an unspecified patient’), it does not seem possible to express it in Bakel Soninke by means of the concatenation ‑ndi ‘antipassive marker’ + ‑ndi ‘causative marker’, or -i ‘detransitivization marker’ + ‑ndi ‘causative marker’.

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56 For example, with a verb like yiga ‘eat’, for which the demotion of the patient triggers the use of the derived intransitive form yige, one could imagine the existence of a causative form *yige-ndi expressing ‘make someone eat some unspecified food’, but this form does not exist, and Ex. (13b) above shows that yiga-ndi ‘make eat’ is used to causativize not only constructions in which the patient is expressed, but also constructions with a demoted patient. Similarly, faamu ‘understand’ and soro ‘cook’ occur as faami and sore in intransitive constructions expressing patient demotion, but can only be used causatively as faamu-ndi and soro‑ndi, even if the initial object is not expressed.

57 By contrast, derived verb stems with an ending ‑ndindi decomposable as ‑ndi ‘causative’ + ‑ndi ‘antipassive’ are perfectly possible, and the antipassive marker operates on causative verbs in the same way as on non-derived transitive verbs: the meaning of such forms is that a causer manipulates an unspecified causee – Ex. (14).

(14) a. Nàa-ní-n dà té-n bònò-ndì. (DB)

COW-PL-D TR field-D become_spoilt-CAUS

‘The cows caused damage to the field.’

(lit. ‘The cows made the field become spoilt.’)

b. Nàa-ní-n bònò-ndì-ndì. (DB)

cow-PL-D become_spoilt-CAUS-ANTIP

‘The cows caused damage.’

(lit. ‘The cows made something unspecified become spoilt.’)

3.6. ‘Die’ and ‘kill’

58 Cross-linguistically, ‘die’ and ‘kill’ may be expressed by two unrelated verbs, by a single labile verb, or by two verbs related by a valency-changing operation (causative or anticausative).

59 In Soninke, the formal resemblance between kara ‘die’ and kari ‘kill’ suggests the existence of a relationship, but kari cannot be analyzed as the causative form or kara ‘die’, since this causative form could only be *kara‑ndi, and kara cannot be analyzed as the anticausative form of kari, since verbs ending with i cannot have a morphologically distinct anticausative form.

60 Consequently, in spite of their formal resemblance, kara ‘die’ and kari ‘kill’ must be viewed as two unrelated lexemes in a synchronic analysis of Soninke.

Mandenkan, 50 | 2013 25

4. Transitivity in the lexicon

4.1. Labile vs. non-labile verbs

61 Labile verbs are verbs that can be used in their underived form either transitively or intransitively. The verbs that can be used intransitively with a subject representing the same agent-like participant as the subject of the same verb used transitively are designated as A-labile, and those that can be used intransitively with a subject representing the same patient-like participant as the subject of the same verb used transitively are designated as P-labile. A/P labile verbs (Section 4.7) can be used intransitively with a subject that may correspond to either of the core arguments of the same verb used transitively, and some labile verbs are characterized by a reflexive reading of their intransitive use (Section 4.6).

62 As discussed in Creissels (2009), in languages in which the presence or absence of a noun phrase showing the same formal characteristics as the noun phrase representing the patient of typical action verbs is the only formal manifestation of the distinction between transitive and intransitive predication (as in most European languages), the recognition of a class of A-labile verbs (i.e., of verbs used intransitively with a subject) may be problematic, since in such languages, it is not always easy to find criteria distinguishing true intransitive predications from transitive predications in which an unexpressed P is either interpreted as non-specific or identified to some discursively or situationally salient entity. Symmetrically, in languages in which the presence or absence of a noun phrase in A role is the only formal manifestation of the distinction between transitive and intransitive predication (as in Avar and many other Nakh- Daghestanian languages), the recognition of a class of P-labile verbs may be problematic, since in such languages, it is not always easy to find criteria distinguishing true intransitive predications from transitive predications in which an unexpressed A is either interpreted as non-specific or identified to some discursively or situationally salient entity. By contrast, in Mande languages in general, and more particularly in Soninke, due to the proliferation of transitivity marking in this language, it is equally unproblematic to distinguish A-labile and P-labile verbs from strict transitive verbs and strict intransitive verbs: • strict transitive verbs in the completive positive or in the imperative plural obligatorily combine with the transitive marker dà, they obligatorily select the nà variant of the subjunctive positive marker, and in constructions including a focalized term, they obligatorily trigger the choice of the nà variant of the locative copula; • strict intransitive verbs in the completive positive or in the imperative plural cannot combine with the transitive marker dà, they obligatorily select the nàn variant of the subjunctive positive marker, and in constructions including a focalized term, they obligatorily trigger the choice of the Ø variant of the locative copula; • labile verbs in the completive positive or in the imperative plural can be found with or without the transitivity marker dà, they are compatible with both variants (nà and nàn) of the subjunctive positive marker, and they are compatible with both variants (nà and Ø) of the locative copula; the verbs identified as labile by this definition may have an intransitive construction with an agent-like subject, as illustrated by soxo ‘cultivate’ in Ex. (15), or with a patient-like subject, as illustrated by bayi ‘spread’ in Ex. (16)).

Mandenkan, 50 | 2013 26

(15) a. Bàdárà d’ í ꜜté-n còxò. (DB)

Badara TR REFL field-D cultivate

‘Badara has cultivated his field.’

b. Bàdárà sòxò. (DB)

Badara cultivate

‘Badara has cultivated.’

(16) a. Yúgó-n dà dàagó-n bàyì. (DB)

man-D TR mat-D spread

‘The man has spread the mat.’

b. Dàagó-n bàyì. (DB)

mat-D spread

‘The mat has been spread.’

63 These criteria are particularly useful with compound verbs incorporating a noun fulfilling the same semantic role as the object in the transitive construction, as in Ex. (17b), since otherwise, the incorporated noun could easily be confused with a noun phrase in object role. Note however that, as illustrated by sókkè ‘grass’ in this example, incorporated nouns occur in a form (here: sókkí‑) attested only in combination with adjectives or derivative suffixes, or in compounding. As can be seen from (17b-c), the incorporation of this special form of a noun fulfilling the same semantic role as a noun phrase in the role of object of the transitive construction correlates with the impossibility of introducing the transitive marker dà.

(17) a. À dà sókkè-n dúqqútà. (AK)

3SG TR weeds-D pull_up

‘He pulled up the weeds.’

b. À sókkí-dúqqútà. (AK)

3SG weeds-pull_up

‘He did the weeding.’

c. *À dà sókkí-dúqqútà.

3SG TR weeds-pull_up

Mandenkan, 50 | 2013 27

64 In applying the transitivity criteria to individual verbs in order to classify them as strict transitive, strict intransitive, or labile, the only problem is that polysemous verbs may have different transitivity properties in their different meanings. Consequently, they cannot be straightforwardly classified as labile or non-labile; rather, the different (although related) meanings of such verbs must be classified separately – see Section 4.8.

4.2. Strict intransitive verbs

65 Verbs such as baami ‘gallop’, bire ‘live’, bono ‘become spoilt’, etc., can only be used intransitively, and must take the causative suffix (see Section 3.4) in order to be used transitively with a causative meaning.

4.3 Strict transitive verbs

66 Strict transitive verbs in their non-derived form can only be used transitively, and a derived form must be used in intransitive constructions with a subject corresponding either to the subject or the object of the transitive construction. Two subtypes of strict transitive verbs can be distinguished, those with a single intransitive form, and those with two distinct intransitive forms.

4.3.1. Strict transitive verbs with two distinct intransitive forms

67 Most strict transitive verbs have the behavior illustrated by faaba ‘help, rescue’ in Ex. (18), with two derived intransitive forms: an intransitive form whose subject corresponds semantically to the object of the transitive construction, derived by means of the detransitivizing marker ‑i (see Section 3.2), and an intransitive form whose subject corresponds semantically to the subject of the transitive construction, derived by means of the antipassive suffix ‑ndi (see Section 3.3). Depending on the lexical meaning of the verb, the intransitive form derived by means of ‑i may have an anticausative or passive reading.

(18) a. Xà dà lémíné-n pàabà! (DB)

IMPER.PL TR child-D give_assitance

‘Give the child assistance!’

b. Lémíné ké nàn pàabè kárámà! (DB)

child DEM SUBJ.POS.INTR give_assistance.DETR quickly

‘This child should be given assistance quickly!

c. Tángáanú-n pàabà-ndì kárámà. (DB)

fisherman.PL-D give_assistance-ANTIP quickly

‘The fishermen provided assistance quickly.’

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68 The following verbs can be classified as strict transitive verbs with two distinct intransitive forms:

banbu / banbi / banbundi ‘carry on the back’

boora / boore / boorandi ‘undress’

buruta / burute / burutandi ‘reduce the quantity of food’

buruxa / buruxe / buruxandi ‘erase, exterminate’

buuda / buude / buudundi ‘overcook’

cucufu / cucufi / cucufindi ‘sprinkle’

danca / dance / dancandi ‘provide with an additional gift’

danpu / danpi / danpundi ‘trample’

duqquta / duqqute / duqqutandi ‘pull up’

fata / fate / fatandi ‘separate, harvest, wean’

fubba / fubbe / fubbandi ‘plunge’

garaba / garabe / garabandi ‘split, crack’

gunu/ guni / gunundi ‘fold’

jaga / jage / jagandi ‘dig’

juura / juure / juurandi ‘pray on a grave’

kafu / kafi / kafundi ‘add, gather’

kaga / kage / kagandi ‘scratch’

kara / kare / karandi ‘break’

katu / kati /katundi ‘hit’

kippa / kippe / kippandi ‘turn over’

langa / lange / langandi ‘curse’

mugu / mugi / mugundi ‘hear’

nafa / nafe / nafandi ‘do a service’

raga / rage / ragandi ‘seize’

saada / saade / saadandi ‘heap up’

Mandenkan, 50 | 2013 29

safa / safe / safandi ‘write’

saga / sage / sagandi ‘clear out (ground)’

sagara / sagare / sagarandi ‘pick up’

sagata / sagate / sagatandi ‘join’

sella / selle / sellandi ‘sweep’

soxo / soxe / soxondi ‘tattoo, embroider’

taga / tage / tagandi ‘build’

tulu / tuli / tulundi ‘plait (hair)’

waara / waare / waarandi ‘open wide’

wara / ware / warandi ‘release’

wundu / wundi / wundundi ‘waken’

wutu / wuti / wutundi ‘take’

xamu / xami / xamundi ‘milk’

xoso / xose / xosondi ‘break, defeat’

yiriga / yitige / yirigandi ‘count’

yonto / yonte / yontondi ‘push’

yoola / yoole / yoolandi ‘drown’, etc.

4.3.2. Strict transitive verbs with a single intransitive form

69 The verbs that have the behavior illustrated by soro ‘cook’ in Ex. (19) constitute a minor subclass of strict transitive verbs. They have a single intransitive form, derived by means of the detransitivizing marker ‑i (see Section 3.2), whose subject may correspond semantically either to the subject or the object of the transitive construction.

(19) a. Àmí dà tíyé-n yà sòrò lènkì. (DB)

Amy TR meat-D FOC cook today

‘It is meat that Amy has cooked today.’

b. Tíyé-n còrè. (DB)

meat-D cook.DETR

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‘The meat has been cooked.’

c. Àmí ꜜsóré fànè. (DB)

Amy cook.DETR early

‘Amy did the cooking early.’

70 This behavior is shared by the following verbs:

faamu / faami / faami ‘understand’

gaaga / gaage / gaage ‘sell’

joppa / joppe / joppe ‘begin’

kuu / kuyi / kuyi ‘give’

saara / saare / saare ‘give birth’

xobo / xobe / xobe ‘buy’

yaara / yaare / yaare ‘glean’

yiga / yige/ yige ‘eat’

71 We also have recorded goro / gore / gore ‘pound’ with one of our consultants, but there seem to be variations in the intransitive forms of this verb.

4.4. A-labile verbs

72 A-labile verbs are verbs that can be used in their underived form either transitively, or intransitively with a subject representing the same agent-like participant as the subject of the same verb used transitively, but must undergo a detransitivizing derivation in order to be used intransitively with a subject representing the same patient-like participant as the object of the transitive construction. This behavior can be illustrated by soxo ‘cultivate’ – Ex. (20).

(20) a. Bàdárà d’ í ꜜté-n còxò. (DB)

Badara TR REFL field-D cultivate

‘Badara has cultivated his field.’

b. Bàdáràc sòxò. (DB)

Badara cultivate

Mandenkan, 50 | 2013 31

‘Badara has cultivated.’

c. Tě-n còxè. (DB)

field-D cultivate.DETR

‘The field has been cultivated.’

73 Xara ‘learn’ is the only other verb in our corpus showing this behavior.

4.5. P-labile verbs

74 P-labile verbs are verbs that can be used in their underived form either transitively, or intransitively with a subject representing the same patient-like participant as the object of the same verb used transitively, but must undergo a detransitivizing derivation in order to be used intransitively with a subject representing the same agent-like participant as the subject of the transitive construction. In all cases, the intransitive form is derived by means of the antipassive suffix ‑ndi (see 3.3).

75 This behavior can been illustrated by bayi ‘spread’ – Ex. (21).

(21) a. Yúgó-n dà daagò ́-n bàyì. (DB)

man-D TR mat-D spread

‘The man has spread the mat.’

b. Dàagó-n bàyì. (DB)

mat-D spread

‘The mat has been spread.’

c. Yúgó-n ꜜbáyí-ndí kànbérà. (DB)

man-D spread-ANTIP yard

‘The man has spread things in the yard.’

76 Semantically, two varieties of P-lability can be distinguished: causative / anticausative lability, if the subject of the intransitive construction represents a participant undergoing the same process as the object of the transitive construction, but not necessarily as the result of the action of an agent, and active / passive lability, if the intransitive construction implies the participation of an unexpressed agent triggering the process undergone by the referent of the subject.

77 Cross-linguistically, causative / anticausative lability is extremely common. By contrast, as already mentionned in Section 2.3, active / passive lability is relatively rare, at least in its most grammaticalized form, but Mande languages constitute an exception to this generalization. Mandinka illustrates the extreme case of a language

Mandenkan, 50 | 2013 32

with no strict transitive verb, a very restricted class of A-labile verbs, and limited possibilities of causative / anticausative lability, but in which all the verbs that have a transitive use can be used intransitively in their underived form, without any restriction related to TAM or to semantic features of the participants, with a subject interpreted as undergoing the action of an unexpressed participant that would be encoded as the subject in the transitive construction of the same verb – Creissels (To appear 2013).

78 Active / passive lability is found in Soninke too, but in Soninke, contrary to Mandinka, both subtypes of P-lability are restricted to a subset of the verbs that can be used transitively. It is striking that the vast majority of P-labile verbs end with i, and conversely, all the verbs in our corpus that end with ‑i and can be used transitively are P-labile, which raises the question whether this is really P-lability, or perhaps rather vacuous detransitivization, since Soninke has a detransitivizing suffix ‑i. This point will be discussed further in Section 4.9.

79 There is no rigid distinction between P-labile verbs with an agent-triggered process reading or a spontaneous process reading of their intransitive construction. Rather, the choice seems to depend on the semantic distinction between processes easily conceived as occurring spontaneously (such as ‘burn’) and processes that require the intervention of an agent (such as ‘shave’).

80 Our corpus includes the following P-labile verbs:

anniya / anniyandi ‘make a wish while performing a sacrifice’

araayi / araayindi ‘advise’

bayi / bayindi ‘spread’

betexi / betexindi ‘soil’

boosi / boosindi ‘take out’

bosi / bosindi ‘suck’

booti / bootindi ‘extract’

buyi / buyindi ‘burn’

daabi / daabindi ‘massage’

daari / daarindi ‘coat’

dabari / dabarindi ‘repair’

danbi / danbindi ‘praise’

danpi / danpindi ‘fold’

daro / darondi ‘honor’

faccari / faccarindi ‘translate’

Mandenkan, 50 | 2013 33

fesi / fesindi ‘hang out’

firi / firindi ‘precede, outdistance’

ganci / gancindi ‘announce’

guuji / guujindi ‘pour’

jaabi / jaabindi ‘answer’

jaarabi / jaarabindi ‘tempt’

jurumi / jurumindi ‘heap up’

kari / karindi ‘kill’

kori / korindi ‘sift’

koroosi / koroosindi ‘watch’

korosi / korosindi ‘shell’

lifi / lifindi ‘sew’

loggi / loggindi ‘hang’

lori / lorindi ‘transplant’

nooni / noonindi ‘delimit’

ñaagari / ñaagarindi ‘decorate’

sanqi / sanqindi ‘scatter’

sembe / sembendi ‘pass on’

sembe / sembendi ‘lean’

sii / siyindi ‘shave’

somi / somindi ‘aggravate (wound)’

wanqi / wanqindi ‘wash’

wuñi / wuñindi ‘open’

xiyili / xiyilindi ‘drag’

Mandenkan, 50 | 2013 34

4.6. Reflexive lability

81 Wanqi ‘wash’, already mentioned in Section 4.5 as a P-labile verb, is the only verb in our corpus that can also be used intransitively with a reflexive meaning in its underived form – Ex. (22).

(22) a. Yàxàré-n dà yíráamú-n wànqì. (DB)

woman-D TR cloth.PL-D wash

‘The woman washed the clothes.’

b. Yàxàré-n wànqì-ndì. (DB)

woman-D wash-ANTIP

‘The woman did the washing.’

c. Yìràamú-n wànqì. (DB)

cloth.PL-D wash

‘The clothes were washed.’

d. Yàxàré-n wànqì. (DB)

woman-D wash

‘The woman washed (herself).’

4.7. A/P-labile verbs

82 A/P labile verbs are verbs that can be used in their underived form transitively, intransitively with a subject corresponding semantically to the subject of the transitive construction, and intransitively with a subject corresponding semantically to the object of the transitive construction. We have found three verbs with this behavior: mini ‘drink’, salli ‘pray’, and wari ‘see’ – Ex. (23).

(23) a. Yúgó-n dà sǐ-n wàrì. (DB)

man-D TR horse-D see

‘The man saw the horse.’

b. Sǐ-n wàrì. (DB)

horse-D see

‘The horse was seen.’

Mandenkan, 50 | 2013 35

c. À wá wàrì-ni. (DB)

3SG LOCCOP see-GER

‘He is clairvoyant.’ (lit. ‘He sees’)

4.8. Lability and polysemy

83 Soninke also has verbs which in their non-derived form can be used intransitively or transitively, but also have a causative form. However, as illustrated in Ex. (24) by bogu (with the irregular causative form baga‑ndi), at least within the limits of the data we have been able to gather, such verbs are polysemous verbs whose transitivity properties depend on the precise meaning they express. Consequently, they do not really contradict the classification put forward in this section, and do not really constitute a separate type. For example, there is an obvious semantic link between bogu ‘go out’ and bogu ‘distinguish’, but bogu ‘go out’ has the behavior of an intransitive verb from which a causative form baga-ndi ‘take out’ can be derived, whereas bogu ‘distinguish’ is transitive.

(24) a. Yúgó-n bògù. (DB)

man-D go_out

‘The man went out.’

b. Yúgó-n dà làbó-n bàgà-ndì. (DB)

man-D TR knife-D go_out-CAUS

‘The man took the knife out.’

c. Yúgó-n dà lémínè-n bógú sòró-n wà. (DB)

man-D TR child-D distinguish person.PL-D OBL

‘The man distinguished the child from the crowd.’

4.9. Summary: deagentive and depatientive uses of transitive verbs

84 The verbs that have the ability to be used transitively in their underived form (i.e., that are not strict intransitive verbs) can be divided into sub-classes according to their ability to be used intransitively with a subject representing either the agent-like or the patient-like participant.

85 The deagentive use of transitive verbs may be morphologically unmarked, or marked by the addition of the detransitivizing marker ‑i, whereas the depatientive use may be morphologically unmarked, marked by the addition of the detransitivization marker ‑i,

Mandenkan, 50 | 2013 36

or marked by the addition of the antipassive marker ‑ndi, which gives six logical possibilities:

deagentive depatientive

(a) unmarked unmarked

(b) unmarked marked by ‑i

(c) unmarked marked by ‑ndi

(d) marked by ‑i unmarked

(e) marked by ‑i marked by ‑i

(f) marked by ‑i marked by ‑ndi

86 The only unattested pattern is (d), with the depatientive use morphologically unmarked and the deagentive use morphologically marked. However, the remaining five patterns are not evenly distributed. Three of them are found with a limited number of verbal lexemes: • pattern (a), illustrated above by wari ‘see’ – ex. (23), in which both the deagentive and the depatientive uses are morphologically unmarked, is very rare (three verbs in our corpus) ; • pattern (b), illustrated above by soxo ‘cultivate’ – ex. (20), in which the depatientive use is unmarked, and the deagentive use is marked by the detransitivization marker ‑i, is also very rare (two verbs in our corpus) ; • pattern (e), illustrated above by yiga ‘eat’ – ex. (10) – and soro ‘cook’ – Ex. (19), in which both the deagentive and depatientive uses are marked by the detransitivization marker ‑i, is less rare than patterns (a) and (b), but the number of verbs in our corpus that attest this pattern does not exceed ten.

87 The two productive patterns are: • pattern (c), illustrated above by bayi ‘spread’ – ex. (21), in which the deagentive use is unmarked, and the depatientive use is marked by the dedicated antipassive marker –ndi ; • pattern (f), illustrated above by faaba ‘rescue’ – ex. (18), in which the deagentive use is marked by the detransitivization marker ‑i, and the depatientive use is marked by the dedicated antipassive marker –ndi ;

88 The two productive patterns have in common the use of a dedicated antipassive form in depatientive function, they differ in that the deagentive use is morphologically marked in pattern (f), but not in pattern (c). A possible conclusion is therefore that the tendency to overtly mark the depatientive use of Soninke verbs by means of a dedicated antipassive marker is much stronger than the tendency to use a distinct form in deagentive function.

89 There is however another possible analysis of this situation, based on the observation that the two productive patterns are in nearly complementary distribution: more than 90% of the verbs following pattern (c) (with the same form in transitive and deagentive use) end with i, whereas there is no verb ending with i among those following pattern (f).

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90 Consequently, it can be argued that, underlyingly, Soninke has an equally strong tendency to overtly mark the deagentive and the depatientive uses of transitive verbs, but in the case of the deagentive use, which can only be marked by means of the detransitivizing marker ‑i, the manifestation of this tendency is limited by phonological factors.

91 According to this analysis, there is just one productive pattern, the one in which the deagentive use is marked by ‑i and the depatientive use is marked by ‑ndi, and the apparent productivity of the pattern with the deagentive use unmarked and the depatientive use marked by ‑ndi is simply due to the fact that the phonological process distinguishing bare verb stems from verb stems modified by the detransitivization marker applies vacuously to stems ending with i or e.

5. Soninke as a transitivizing language

92 In this section, we analyze the competition between morphological causativization and anticausativization in the organization of the verbal lexicon of Soninke. We use the sample of 18 verb pairs proposed by Nichols & al. (2004) to evaluate the preference languages may have for transitivization or detransitivization in the organization of the lexicon, in order to characterize the situation of Soninke in terms that will enhance comparability with that of other languages.

93 Each pair consists of a ‘plain’ member and an ‘induced’ member, and the induced member differs semantically from the plain one by the addition of a participant in the semantic role of causer. In the first nine pairs (the ‘animate’ pairs), the plain verb typically expresses a predication about a human or animate, whereas in the following nine pairs (the ‘inanimate’ pairs), the plain verb typically expresses a predication about an inanimate.

94 Here is the list of the eighteen verb pairs with their Soninke equivalents:

Plain Induced

1 ‘laugh’ ‘make laugh, amuse’

soyi soyindi

2 ‘die’ ‘kill’

kara kari

3 ‘sit’ ‘make sit, seat’

taaxu taaxundi

4 ‘eat’ ‘feed, give food’

yiga yigandi

5 ‘learn’ ‘teach’

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xara xaraŋŋundi

6 ‘see’ ‘show’

wari koyi

7 ‘be/become angry’ ‘anger, make angry’

butu butundi

8 ‘fear, be afraid’ ‘frighten, scare’

kanu kanundi

9 ‘hide, go into hiding’ ‘hide, put into hiding’

muxu muxundi

10 ‘(come to) boil’ ‘(bring to) boil’

wari warindi

11 ‘burn, catch fire’ ‘burn, set fire’

buyi buyi

12 ‘break (intr.)’ ‘break (tr.)’

kare kara

13 ‘open (intr.)’ ‘open (tr.)’

wuñi wuñi

14 ‘dry’ ‘make dry’

kaawa kaawandi

15 ‘be/become straight’ ‘straighten, make straight’

teleŋo teleŋondi

16 ‘hang (intr.)’ ‘hang (tr.)’

loggi loggi

17 ‘turn over (intr.)’ ‘turn over (tr.)’

kippe kippa

18 ‘fall’ ‘drop, let fall’

xenu xenundi

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95 The Soninke verb pairs divide into four of the nine types of correspondences considered in Nichols & al. (2004): • ‘augmented’ (the induced verb is formally derived), attested by eleven verb pairs: 1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 14, 15, 18; • ‘reduced’ (the plain verb is formally derived), attested by two verb pairs: 12, 17; • ‘ambitransitive’ (no formal derivation), attested by three verb pairs: 11, 13, 16;11 • ‘suppletion’ (the two members of the pair have different roots), attested by two pairs, 2,12 6.

96 The augmented correspondences clearly predominate (11 verb pairs out of 18), and Soninke can therefore be characterized as a predominantly transitivizing language. However, the four types of correspondences attested in Soninke are not evenly distributed between animate and inanimate verb pairs, as can be seen from the following chart, in which each pair is represented by its plain member:

augmented reduced ambitransitive suppletion

soyi ‘laugh’ taaxu ‘sit’ yiga ‘eat’ kara ‘die’ animate xara ‘learn’ wari ‘see’ butu ‘become angry’ kanu ‘fear’ muxu ‘hide’

wari ‘boil’ buyi ‘burn’ kaawa ‘dry’ kare ‘break’ inanimate loggi ‘hang’ teleŋo ‘become straight’ kippe ‘turn over’ wuñi ‘open’ xenu ‘fall’

97 It is striking that: • the predominance of the augmented correspondence is very strong among animate pairs, but this correspondence is found in four of the nine inanimate pairs only; • the only animate pairs that are not of the augmented type belong to the suppletion type; • reduced and ambitransitive correspondences (which in Soninke are in quasi-complementary distribution depending on the final vowel of the verb root) are found exclusively among inanimate pairs.

98 The obvious conclusion is that, in Soninke, the preference for causativization as the formal device relating the members of plain / induced verb pairs is counterbalanced, in the case of inanimate pairs, by the preferred lexicalization principle stated by Nichols & al. (2004: 172-73) in the following terms: “Other things being equal, LANGUAGES TEND TO LEXICALIZE ACTIONS OR STATES OF HUMANS (OR ANIMATES MORE GENERALLY) AS PRIMARY; actions or states of inanimates are less preferred [...] Consequently, for animate verbs there is a preference for treating the plain verb as the basic form and deriving the induced one [...] For inanimate verbs there is the opposite preference for treating the induced verb as basic and deriving the plain one.”

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6. Conclusion

99 On the basis of an inquiry carried out with speakers of the Bakel variety of Soninke, we have brought out the following features as characterizing the morphosyntactic phenomena related to transitivity in this Soninke variety: • the distinction between transitive and intransitive verbal predication is particularly clear- cut, since it is overtly marked in the completive positive, in the imperative plural, in the subjunctive positive, and when the locative copula is used as an incompletive auxiliary in clauses including a focalized term; • A-lability is exceptional, and the use of the antipassive suffix ‑ndi constitutes the most common depatientivization strategy; • P-lability constitutes the rule for transitive verbs ending with i or e, but is exceptional for verbs ending with other vowels; • there is no formal distinction between anticausativization and passivization: P-labile verbs used intransitively as well as intransitive verbs derived by means of the detransitivization marker ‑i can equally encode more or less spontaneous processes and processes that cannot be conceived without the intervention of an agent; • according to the typological grid proposed by Nichols & al. (2004), there is a strong preference for transitivization with the verb pairs they characterize as ‘animate’, but not with the ‘inanimate’ ones.

100 Finally, we would like to emphasize that these conclusions are probably not limited to the Soninke variety spoken in Bakel, since whenever we found in the published sources on Kaedi Soninke examples of use of verbs corresponding to those we have in our corpus, we observed no discrepancy with our own data.

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NICHOLS Johanna, PETERSON David, and BARNES Jonathan, 2004, Transitivizing and detransitivizing languages. Linguistic Typology 8, pp. 149–211.

NOTES

1. This article has benefited from the support of the French National Research Agency (ANR) within the frame of the ‘Sénélangues’ project (ANR-09-BLAN-0326). We also wish to express our thanks to our consultants, Diaman Bathily, Ladji Dianifaba, and Almamy Konaté. 2. On the absence of tone marks when verbs are quoted in isolation, see Section 2.2. 3. √ signals an abstract verb root which in other contexts (in particular, in the quotation form of verbal lexemes) is augmented by the addition of a final vowel: katu, kanu, bosi, gemu, kara. 4. The Soninke sentences we quote are followed by the initials of the consultants with whom they have been recorded. The list of the abbreviations used in the glosses is given at the end of the article. 5. S = subject, O = object, V = verb, X = oblique. 6. This issue is discussed by Cobbinah and Lüpke (2009), who provide a survey of languages with constructions analyzable as zero-coded passives that depart more or less from canonical passives in other respects too, and analyze as illustrating the extreme case of zero- coded passives that in all other respects would qualify as canonical passives. See also Lüpke (2007) on the zero-coded passives of Jalonke, and Creissels (To appear 2013) on the zero-coded passives of Mandinka. 7. This dà is sometimes labeled ‘completive positive marker’, but this label is hardly compatible with its use in the imperative plural. Alternatively, given its position, it could be analyzed as an ergative postposition or accusative preposition with a restricted distribution. We prefer the label ‘transitivity marker’ as more neutral, since we are not aware of any decisive evidence for recognizing this dà as forming a phrase with either the subject or the object. This decision is supported by the existence of other instances of transitivity marking that could not be explained as involving (allomorphs of) such an adposition. 8. The form labeled here ‘subjunctive’ combines with noun phrases in subject function in uses broadly similar to those fulfilled by forms traditionally labeled ‘subjunctives’ in grammars of European languages, but it is also found without an overt subject in uses broadly similar to those of European infinitives (it is in particular used as the quotation form of verbs). 9. Soninke has two pronouns used productively to express reflexivity: í is a long-distance reflexive used in logophoric contexts, and as a reflexive possessive (as in (9a)), whereas dú is a

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local reflexive used for object or oblique reflexivization. The term ‘autocausative’ is taken from Geniušienė (1987). 10. On causativization in typological perspective, see Creissels (2006: chapter 24) and references therein. 11. ‘Ambitransitive’ as used by Nichols & al. (2004) is synonymous with P-labile as used in this article. 12. To be precise, this is a case of ‘partial suppletion’, since the two verbs seem to be cognate, but cannot be related by any morphological process attested elsewhere in the language – see Section 3.6.

ABSTRACTS

In this paper, after presenting the main particularities of the phonology and morphosyntax of Bakel Soninke, we provide a detailed analysis of the morphosyntactic mechanisms involving transitivity: morphologically unmarked transitivity alternations and derivations expressing operations on verbal valency. In this domain, the most salient characteristics of Soninke are the combination of productive antipassive derivation and scarcity of A-labile verbs, and P-lability concerning almost exclusively verbal lexemes ending in -iand‑e, in near-complementary distribution with a mediopassive derivation found only with verbs ending in –a, -o, -u.

Dans cet article, après avoir présenté les principales particularités du soninké de Bakel dans le domaine de la phonologie et de la morphosyntaxe, nous examinons de façon détaillée les mécanismes morphosyntaxiques liés à la transitivité : alternances de transitivité non marquées morphologiquement et dérivations exprimant une opération sur la valence verbale. Dans ce domaine, les caractéristiques les plus saillantes du soninké sont une dérivation antipassive productive allant de pair avec la rareté des verbes A-labiles, et un phénomène de P-labilité concernant presque exclusivement les lexèmes verbaux terminés par i ou e, en quasi- complémentarité avec une dérivation à fonction médiopassive propre aux verbes terminés par a, o ou u.

В данной статье, после изложения базовых сведений по фонологии и морфологии сонинке р-на Бакел, даётся подробный анализ морфосинтаксического механизма переходности: морфологически немаркированная вариативность и валентностные деривации. Наиболее заметные в этом отношении особенности сонинке представлены продуктивной антипассивной деривацией, а также редкостью А-лабильных глаголов. Интересно также, что Р-лабильность затрагивает почти исключительно глагольные лексемы с исходом на –i и –e, оказываясь таким образом почти в дополнительной дистрибуции с медиопассивной деривацией, характерной для глаголов с исходом на –a, -o, -u.

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INDEX

Subjects: soninké motsclesru сонинке, переходность, лабильность, антипассив, антикаузатив, пассив Keywords: Soninke, Transitivity, Lability, Antipassive, Anticausative, Passive Mots-clés: transitivité, labilité, antipassif, anticausatif, passif

AUTHORS

DENIS CREISSELS Université de Lyon [email protected]

ANNA MARIE DIAGNE IFAN (Dakar) [email protected]

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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké et la standardisation de la langue The new Web sites of the Soninke community and their impact on the standardization of the language Новые интернет-сайты языкового сообщества сонинке и стандартизация языка

Gérard Galtier

NOTE DE L’AUTEUR

Cet article est basé sur notre communication (de même titre) délivrée lors du troisième colloque international « Langues et linguistique mandé », qui s’est tenu du 14 au 17 septembre 2011 dans les locaux du laboratoire LLACAN du CNRS, à Villejuif. Le présent texte a été remis à jour en septembre 2012.

1 Le développement d’Internet a eu un développement inattendu : c’est de procurer une nouvelle vitalité à des langues en diaspora. Par exemple, on a constaté une grande pénétration sur le Web de langues telles que l’arménien ou le judéo-espagnol (appelé aussi ladino) [Koulayan 2006]. Le phénomène est mondial : c’est ainsi que de nombreuses langues indiennes d’Amérique du Sud ont trouvé elles aussi leur place sur Internet, notamment pour recréer des liens avec les migrants partis à l’étranger (Gomez Mont 2007).

2 Tournons-nous maintenant vers l’Afrique et faisons sur Internet une recherche sur la langue mungaka de la chefferie de Bali, qui avait été utilisée au début du siècle par la mission protestante de Bâle comme langue commune pour l’évangélisation de ce qui est maintenant la province Nord-Ouest du Cameroun (région anglophone dont la capitale est Bamenda). On arrivera alors sur un site basé non pas au Cameroun, mais aux États-

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Unis (balinyonga.com). Ce site a été développé par des immigrés de la chefferie de Bali soucieux de transmettre leur culture ancestrale à leurs enfants.

3 De même, grâce aux nouveaux médias, la diaspora soninké joue actuellement un grand rôle dans le développement de sa langue et le maintien de son identité.

4 Dans la première partie de cet article, nous présenterons un panorama des nouveaux médias soninké, puis dans la seconde partie, nous examinerons, par voie de conséquence, le rôle d’Internet dans la standardisation du soninké écrit.

1re partie. Panorama des nouveaux médias soninké

5 Les Soninkés sont originaires des régions frontalières du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Il existe aussi des communautés importantes en Gambie et en Côte d’Ivoire. Or, le fait que les Soninkés ne soient dominants numériquement dans aucun de ces pays et qu’ils constituent une importante diaspora (c’est la principale communauté africaine en France) les incite à renforcer leur identité ethnique au détriment de leur appartenance nationale. De plus, des provinces traditionnelles soninké telles que le Gadyaga et le Guidimakha sont divisées entre le Mali et le Sénégal pour la première, et entre le Mali et la Mauritanie pour la seconde.

6 Depuis les années 1980, la langue soninké occupe une place importante dans divers médias de type oral. Ainsi, il existe une importante discographie soninké (cassettes et CDrom) vendue dans toute la communauté. Il existe aussi des films en soninké, un peu artisanaux et enregistrés sur DVD, qui connaissent un grand succès. Dans les radios rurales très présentes en Afrique occidentale, le soninké a également trouvé sa place. On peut par exemple citer la « Radio rurale de Kayes » (au Mali), particulièrement active, qui émet essentiellement en soninké.

7 En ce qui concerne le domaine de l’écrit, on ne sera pas étonné que les Soninkés et leur langue aient eux aussi fait leur apparition sur Internet. On constate que les utilisateurs sont dispersés dans le monde entier ; cela permet de maintenir des liens entre tous les membres de la diaspora. En 2012, on dénombre tout à la fois des sites Web consacrés à la langue et à la culture soninké, des groupes Facebook qui se réclament de la langue et de la culture soninké, des sites transnationaux, des sites de municipalités dans le pays soninké, des sites d’ONG travaillant en pays soninké et des blogs personnels (souvent musicaux) se réclamant d’une identité soninké.

8 Notre corpus de départ comprenait une quarantaine de sites et de blogs spécifiquement soninké ou installés dans des régions soninké. Pour le présent article, nous avons retenu uniquement ceux qui se consacrent de façon importante ou partielle à la langue et à la culture soninké (treize sites d’associations et cinq blogs de militants de la langue et de la culture). Ces sites et blogs peuvent être localisés aussi bien en Afrique qu’à l’extérieur du continent.

9 Nous avons ainsi exclu de cette recherche un certain nombre de sites, centrés sur les questions de développement, qui sont entièrement en français et qui ne contiennent que très rarement des textes en soninké ou sur la langue soninké.

10 Nous n’avons pas non plus retenu douze blogs musicaux ou festifs. Il s’agit de blogs communautaires fréquentés par les jeunes Soninkés, qui présentent essentiellement de la musique moderne, des chansons et de nombreuses photos.

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Un regard sur Facebook

11 L’étude approfondie des groupes soninké créés sur Facebook ne fait pas partie de cet article ; néanmoins, il est nécessaire de les mentionner. En effet, il y a un nombre considérable de groupes soninké sur Facebook. Ils évoluent beaucoup, d’autant que la direction de ce « réseau social » supprime périodiquement ceux qu’elle juge trop peu actifs. Fin septembre 2012, nous avons dénombré environ 125 groupes de plus de 10 membres, qui se réclament d’une identité soninké1.

12 À cette date, les groupes Facebook les plus importants numériquement (avec plus de 1 000 membres) étaient les sept suivants : le groupe « Mouvement Soninkara Wagadou Rèmou » avec 4 154 membres ; le groupe « Marenmou Soninkho o Yanibaane Yade » avec 3 294 membres ; le groupe « Soninkara Gnime : La Racine Soninké » avec 2 230 membres ; le groupe « Sooninkara Reemou (liberté d’expression) » avec 1 867 membres ; le groupe « Soninkara.com » avec 1 283 membres ; le groupe « Rap Soninké » avec 1 252 membres ; le groupe « Soninkaxu » avec 1 035 membres2. Dans ces groupes, tous les sujets sont abordés, et pas uniquement les questions linguistiques.

13 Il existe aussi des groupes plus restreints, qui se consacrent uniquement à la langue, notamment, en fin septembre 2012 : le groupe « Apprendre le Soninké de base » avec 833 membres ; le groupe « Académie Soninké » avec 252 membres ; le groupe « Soninkara : Proverbes / Citations Soninké » avec 220 membres ; le groupe « Sooninke Renme an Xannen Safa » avec 102 membres3. Ces groupes, plus sélectifs ou plus spécialisés, regroupent moins de membres.

14 Les langues utilisées dans ces groupes sont soit le français (en majorité), soit le soninké écrit avec une orthographe française, soit le soninké écrit selon les normes officielles (c’est, entre autres, le cas dans les groupes restreints cités ci-dessus).

15 Examinons maintenant les treize sites et les cinq blogs que nous avons retenus pour la présente étude.

Le site Soninkara.com

[http://www.soninkara.com]

16 Le plus important des treize sites analysés est « Soninkara.com ». Il est basé en France et son principal animateur est Fodyé Cissé, informaticien originaire du Sénégal. Le site fut fondé en 2001 par un groupe d’internautes qui s’étaient rencontrés sur les forums de Seneweb4. Mais, en 2006, suite à un conflit interne, une scission s’est produite qui a donné naissance à un second site, « Soninkara.org ».

17 Les visiteurs du site Soninkara.com sont principalement des jeunes Soninkés nés en France, mais le site est aussi consulté depuis l’Afrique et tous les pays de la diaspora. D’après ce qui est indiqué, il y a plus de 10 000 personnes inscrites sur le forum.

18 À partir de Soninkara.com, il est possible de se connecter à treize chaînes de radios (telles que les radios locales « Jiida » de Dakar et « Jikke » de Waoundé) et à neuf chaînes de télévision. Il s’agit là de chaînes africaines qui ne sont pas spécifiquement soninké.

19 Le site Soninkara.com porte en sous-titre la mention « Le portail du peuple Soninké (Sénégal, Mali, Mauritanie, Gambie) » : il se présente ainsi comme un site international ouest-africain, bien qu’il soit basé en France. L’axe du site est essentiellement la

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défense et la promotion de la culture soninké, ce qui correspond aux diverses rubriques.

20 Le site ne perçoit aucune subvention, mais il est très équilibré du point de vue financier grâce à la publicité qu’il reçoit. Voilà la liste des rubriques et sous-rubriques : • Histoire : Histoire, Géographie ; Légendes. • Société : Organisation sociale ; Mariage ; Circoncision ; Religion ; Environnement ; Migrations ; Cuisines et recettes ; Thèses et mémoires. • Langue : Apprendre le soninké ; Émissions en soninké ; Écoles de soninké ; Articles en soninké ; DPLN ; Glossaire de mots ; La Voix de l’APS. • Culture : Musique et danse ; Musiciens soninké ; Contes et poèmes ; Sonink-ART ; APS. • Artisanat : Teintures ; Sculpture ; Outils traditionnels. • Informations : Actualités ; Littérature ; Bibliographie ; Associations ; Hommage ; Événements ; Sport ; Soninkara Xibaaru. • Contact : Nous contacter ; Livre d’Or. • Autres : Forum ; CHAT ; Téléchargements ; Galeries d’images ; Liens ; Proposer un lien ; Ancien forum ; Ancien CHAT ; Proposer un article ; Pétitions ; Plan du site ; Plan du site Actualités ; TV / Radios ; Centre multimédia ; Radio Jiida FM Dakar.

21 La langue soninké est très présente sur le site Soninkara.com. On y trouve ainsi de nombreux textes en soninké : dans la rubrique « Langue » bien sûr, et aussi dans les sous-rubriques « Légendes » et « Contes et poèmes ». Dans le forum, les débats se font souvent en soninké.

22 Il est possible de télécharger plusieurs des textes en soninké qui sont présentés. Dans la rubrique « Littérature », on trouve l’enregistrement d’une interview de Yaya Camara, « soldat de la langue et la culture soninké ». Est aussi présent un émule de Cheikh Anta Diop, Adama Dramé, qui explique les liens entre l’égyptien ancien et le soninké. Dans le forum, il y a de nombreux débats sur la langue soninké : par exemple, sur le thème « Pourquoi les jeunes de France mettent-ils le [ra] à la place du [xa] en soninké ». On trouve également une copie du rapport du « Séminaire sous-régional sur l’harmonisation de l’orthographe du soninké », tenu à Bakel en novembre 1995.

23 Les intervenants sont libres d’écrire le soninké, sans contrainte orthographique particulière. Dans l’ensemble, les transcriptions sont proches, car il existe un désir des contributeurs de bien écrire le soninké en suivant les conventions officielles. Néanmoins, on trouve des divergences dans les habituels points problématiques dont nous reparlons en détail dans la seconde partie de cet article (notation de la nasale palatale ɲ et de la nasale vélaire ŋ, formes en f et en h, alternances initiales, marques du pluriel, etc.). Par exemple, la consonne nasale vélaire [ŋ] est transcrite, selon les textes, avec le symbole ŋ de l’Alphabet phonétique international (API), avec le Éta grec η, avec le digraphe nw ou même avec le digraphe nK.

24 Le choix initial du site Soninkara.com de ne pas réviser les transcriptions des textes proposés a parfois abouti à certaines erreurs. C’est ainsi que, dans le glossaire soninké qui est présenté, la consonne nasale vélaire se retrouve confondue à d’autres lettres (n en position interne, ñ en position initiale). Exemples : bundanne au lieu de bundanŋe ‘arc’ ; gajanne au lieu de gajanŋe ‘combat’ ; ñaame au lieu de ŋaame ‘inondation’ ; etc.

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25 Cependant, en 2011, le Webmaster Fodyé Cissé estimait que l’ensemble de la transcription devrait être normalisée, dans le futur, selon les recommandations du Séminaire de Bakel de 1995.

Les autres sites communautaires ou associatifs

26 L’organisation des douze autres sites soninké ayant des rubriques culturelles et linguistiques est proche de celle de Soninkara.com. La plupart des sites et des blogs sont en français (ou quelquefois en anglais) avec une partie réservée à la langue soninké ; les sites ou blogs majoritairement ou exclusivement en soninké sont encore peu nombreux.

Le site Soninkara.org

[http://www.soninkara.org]

27 Comme mentionné précédemment, il a été créé en 2006, à partir d’une scission de Soninkara.com. Il est majoritairement en français, mais il est possible d’y télécharger un cours de soninké et l’on y trouve différentes sortes de textes dans cette langue, contes, proverbes et poèmes, par exemple un « Hymne à Dingha, ancêtre des Soninkés ». De plus, sur le forum, beaucoup de débats sont en soninké. Les transcriptions utilisées, sans être homogènes, sont proches des conventions officielles.

28 Certaines rubriques sont identiques à celles de Soninkara.com. Par exemple, le glossaire soninké-français et le rapport du Séminaire de Bakel de 1995 sur l’harmonisation du soninké.

Le site Soninkara.net

[http://www.soninkara.net]

29 Le nom « Soninkara » est décidément très populaire. Ce site émane de l’association Sooninkara Renmun Kaho ‘Union des enfants du pays soninké’ de Kaédi en Mauritanie, ville dont sont originaires la plupart des linguistes soninké. Cette association (de même que son site) se consacre aussi bien à la promotion de la culture soninké qu’à des actions dans le domaine de la santé et du développement. La plupart des textes présentés sont en soninké ; ils respectent fidèlement l’alphabet officiel de la Mauritanie et du Sénégal, y compris pour la nasale palatale (transcrite ñ) et la nasale vélaire (transcrite ŋ).

Le site Soninkaxu

[http://www.soninkaxu.com]

30 Il s’agit là d’un site basé à Paris, animé par Mahamadou Wackané Sacko, originaire de Nioro au Mali. Ce site se consacre uniquement à des questions culturelles : histoire, langue, traditions, origine des clans et familles, etc. Il est principalement en français, cependant on y trouve des textes bilingues soninké-français, notamment des contes. L’orthographe utilisée respecte les conventions officielles, sauf pour la nasale palatale et la nasale vélaire transcrites respectivement ny et nw. Ce site est lié au groupe Facebook Soninkaxu, très actif, ce qui lui permet d’élargir son audience auprès des internautes soninké.

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Le site Asawan

[http://www.asawan.org] Asawan Kitaabinkonpe – Asawan Library – Bibliothèque Asawan

31 Il s’agit là du site de la SIL5, qui diffuse des textes en soninké (recueils de légendes, contes et proverbes, manuels de santé, traduction de textes bibliques, dictionnaire soninké/français/anglais). La transcription suit fidèlement le système officiel du Mali, notamment l’utilisation des caractères phonétiques pour la nasale palatale (ɲ) et la nasale vélaire (ŋ). Le site possède trois versions : en français, en anglais et en soninké. Notons aussi que le syllabaire soninké présenté se décline selon trois variantes : en « soninké standard » et en « soninké de l’Ouest » (avec des textes presque identiques), ainsi qu’en « soninké de l’Est ». Dans cette dernière version (élaborée pour la zone de Nioro à Nara), les x initiaux sont remplacés par q, et les f par h.

32 Même s’il est difficile d’être d’accord avec la tentative de proposer une graphie autonome pour le soninké de l’Est, il faut reconnaître que la SIL accomplit un véritable travail de recherche en n’hésitant pas à s’écarter des sentiers battus.

Le site Soobe

[http://www.soobe.8m.net]

33 Soobe est le site Web de l’« Association culturelle des Soninkés en Égypte » (ACSE) ou Sooninkon Maarinden Kafo Ejipt (SMKE) en soninké, qui avait eu un rôle pionnier dans le développement du soninké durant les années 1970. Le site Soobe est entièrement en soninké ; mais une grande partie des pages sont traduites en français et une petite partie en anglais. Par contre, la langue arabe n’est pas présente. L’organisation générale du site est proche de celle de Soninkara.com.

34 La transcription n’est pas unifiée, car des influences diverses viennent se rencontrer ici. La consonne nasale vélaire s’écrit tantôt nw (selon l’usage pratiqué par l’ACSE durant les années 1970 et 1980), tantôt ŋ ; mais on trouve aussi un carré blanc ou un point d’interrogation (à cause de problèmes de transcodage).

Le site Soninko.info

[http://www.soninko.info]

35 Ce site, lié au village de Toulel (Mauritanie), est très intéressant. Il contient de nombreux articles en français, et aussi des contes et des poèmes en soninké (souvent écrits par le jeune écrivain malien Aliou Sy Sawané), ainsi que trois livrets en soninké qu’il est possible de télécharger et d’imprimer. Les textes en soninké sont très bien écrits en suivant le système officiel du Sénégal et de la Mauritanie, avec néanmoins certains problèmes pour la nasale palatale et la nasale vélaire (parfois remplacées par des carrés blancs).

Le site Kouloun

[http://kouloun.hautetfort.com]

36 C’est le site d’un programme de coopération décentralisée entre un lycée professionnel de Roubaix et les villages de Gabou, Diamou et Kouloun au Mali. Ce site essaye explicitement de développer la langue et la culture locale, ce qui est exceptionnel pour

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une ONG de ce type. Sur le site figure « Le Livre de Gabou » en soninké, très bien écrit ; mais on peut noter que la nasale palatale est transcrite avec la lettre sénégalaise ñ et non pas avec la lettre malienne ɲ (qui est difficile à reproduire de façon générale).

Le site Wagadu Saane

[http://wagadusaane.4t.com]

37 Ce site, qui existe toujours, présente exclusivement les Journées culturelles soninké de Sélibaby (Mauritanie) qui s’étaient tenues du 13 au 15 mai 2004 (Wagadu Saane ‘Étoile du Wagadou’). D’après le programme, il y eut de nombreux spectacles, prestations et allocutions en soninké. Mais tout le site est écrit en français, sauf un Hommage au linguiste disparu, Ousmane Moussa Diagana dit Dembo, qui est un poème en soninké.

Le site Madi-Kaama

[http://madikaama.org]

38 C’est le site de l’association Madi-Kaama-Musundo qui existe depuis 1997 et se réclame du philosophe soninké Madi-Kaama Kanouté (1827-1897). L’association est dirigée par Demba Traoré qui anime aussi la Radio rurale de Kayes.

39 L’association mène une importante action sociale dans la région de Kayes et les zones soninké voisines du Sénégal et de la Mauritanie. Elle organise des concours de nouvelles en soninké, et elle édite et vend des livrets en soninké. Sur le site, existe une rubrique où sont reproduits les textes primés lors des différents concours. Ces textes sont très bien transcrits selon les normes officielles du Mali ; mais on peut supposer que le travail fut difficile, car on constate que la nasale palatale et la nasale vélaire ont été rajoutées de façon individuelle, avec une police différente.

Le site Guidimakha Danka

[http://guidimakhadanka.com]

40 C’est le site de l’association Guidimakha Danka ‘Honneur du Guidimakha’ dont le but est l’entraide entre les ressortissants du Guidimakha malien. Il n’y a rien sur la langue soninké, à part l’alphabet. Néanmoins, il est indiqué que l’association a aussi pour but de « contribuer activement à toutes les activités d’alphabétisation en langue locale ».

Soninkara Kafo

[http://soninkara-kafo.com]

41 Il s’agit là du site de l’« Association des Soninkés du Canada », qui est essentiellement en français et un peu en anglais (notamment pour ce qui concerne la Gambie). On y trouve beaucoup d’informations politiques. Par ailleurs, l’association gère une radio émettant depuis Montréal.

42 Il existe une rubrique « Apprendre le soninké » où est reproduit le dictionnaire de la SIL, soninké-français-anglais. Figure aussi un « cours audio de soninké ».

Wagadu Jikke

[http://www.wagadu-jikke.org]

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43 Ce site se veut celui des Soninkés des USA. Il est bilingue anglais-français et est géré par l’association Wagadu Jikke ‘Espoir du Wagadou’, fondée en 2003 par des Soninkés de Kaédi et de Djéol (Mauritanie). Les objectifs étaient l’intégration et l’insertion de ses membres, et la promotion de la langue et de la culture soninké. Néanmoins, on constate l’absence d’une section « langue soninké ». Les quelques éléments culturels concernent plutôt la religion musulmane et l’histoire du Wagadou.

44 Nous avons souhaité mentionner ce dernier site car, même si la langue soninké n’est pas vraiment présente, il existe un désir déclaré d’en faire la promotion.

Les blogs de militants de la langue et de la culture soninké

45 Ces blogs sont essentiellement l’œuvre de jeunes Mauritaniens (peut-être car c’est en Mauritanie que la culture soninké se sent la plus menacée, face à la culture arabe). • . Blog du jeune Diadié Soumaré de Agonitt en Mauritanie. Il contient des proverbes en soninké et une bonne analyse des problèmes de transcription (qui se réflètent dans ce blog où la lettre ŋ est souvent remplacée par un point d’interrogation). • . Blog de Demba Soumaré, entièrement en soninké, bien écrit selon la graphie de Mauritanie et du Sénégal. On a là l’exemple d’un blog fait par un artisan du bâtiment, ayant seulement fait des études primaires en français : il est devenu un militant culturel complètement investi dans la promotion de sa langue maternelle et est très actif sur tous les réseaux sociaux. • . Blog de poésies soninké animé par Elhadji Ndiaye, l’un des principaux animateurs de l’Association pour la promotion de la langue et de la culture soninké (APS) dont le siège est à Saint-Denis, dans la région parisienne. À part quelques éléments de présentation, les textes sont entièrement en soninké. • . Blog de Demba Camara consacré à Guémou, son village d’origine en Mauritanie. On y trouve des poèmes en soninké très bien transcrits selon le système officiel du Sénégal et de Mauritanie. • . Blog de Zakaria Demba Soumaré, originaire du village de Toulel (cité précédemment). Ce blog très fourni se consacre à toutes les facettes de la culture soninké, notamment l’histoire et l’organisation sociale. Néanmoins, le site est entièrement en français et il y a peu de choses sur la langue soninké elle-même. Notons que le son [x] est noté h. Exemples : niahamalo ‘hommes de caste’, hitinda ‘annonceur d’un décès’. Il faut noter qu’il existe beaucoup de poésies en soninké dans ces différents sites ou blogs.

46 En ce qui concerne la transcription de la langue, on peut observer dans la plupart des sites ou blogs un désir de suivre les normes officielles pour la notation du soninké. Néanmoins, bien souvent, il ne s’agit pas de l’orthographe institutionnalisée par tel ou tel État, mais plutôt des propositions du Séminaire de Bakel de novembre 1995, auquel ont participé des linguistes soninké venant de différents pays africains.

47 En pratique, les problèmes ou divergences viennent surtout de la notation de la nasale palatale (ñ / ɲ) et de la nasale vélaire (ŋ), des formes dialectales en [f] ou en [h], des alternances initiales et des marques du pluriel. Par exemple, la consonne nasale palatale est souvent notée avec la lettre n surmontée d’un croissant comme en tchèque (ň) et elle peut aussi être remplacée par le digraphe ny.

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Voyons maintenant les tendances linguistiques qui apparaissent en étudiant les sites de façon globale.

2e partie. Rôle d’Internet dans la standardisation du soninké écrit

48 Lors de cette recherche, il nous est apparu que l’examen des sites Internet soninké est un bon moyen de voir quelles solutions sont adoptées par les scripteurs pour résoudre les cas de problèmes graphiques : variations dialectales6, notation de certains sons, etc. Les tendances dégagées fournissent ainsi des solutions pour la standardisation de la langue écrite.

49 Rappelons d’abord ci-dessous les principaux problèmes graphiques du soninké.

La notation des sons ɲ (N palatal) et ŋ (N vélaire)

50 Ces sons sont notés respectivement ñ et ŋ dans les alphabets officiels du Sénégal et de Mauritanie, et ɲ et ŋ dans l’alphabet officiel du Mali. Mais, au lieu de ces caractères, de nombreuses personnes utilisent d’autres symboles, par exemple les digraphes ny et nw.

La notation orthographique des variantes phonétiques

51 Nous présentons dans le tableau ci-dessous les principales variantes phonétiques existant en soninké. Nos exemples sont transcrits avec l’orthographe utilisée lorsque l’on veut fidèlement noter tel ou tel dialecte, tout en respectant les règles morphologiques et l’alphabet officiel.

Gadyaga Guidimakha Khanyaga Régions Mali et Sénégal Mali et Mauritanie Mali « soninké Ouest » « soninké Ouest » « soninké Est »

‘son père’ a faaba a faaba a haaba ‘ton père’ an paaba an faaba an paaba ‘beau’ faranpare faranfare haranpare

‘son cheval’ a si a si a si ‘ton cheval’ an ci an si an ci

‘sa part’, ‘le sien’ a xalle a xalle a qalle ‘ta part’, ‘le tien’ an qalle an xalle an qalle ‘il est resté’ a toxo a toxo a toxo ‘il reste’ a wa toqqo a wa toqqo a wa toqqo ‘descendre’ yanqa yanxa yanqa

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NB : On a l’habitude de distinguer deux grandes variétés du soninké selon la présence ou non du son [f]. En soninké de l’Ouest, le son [f] est présent ; en soninké de l’Est, celui- ci est remplacé par [h] (indépendamment des transformations possibles en [p]).

52 Les sons [x] et [q] sont deux réalisation phonétiques d’un même phonème défini comme /oral, uvulaire, sourd/. En position initiale et en position postnasale, les réalisations sont variables selon les dialectes. Par contre, en position intervocalique, la réalisation est très stable : fricative si la consonne est simple, occlusive si la consonne est géminée. Théoriquement ces deux sons (réalisations d’une seule forme sous-jacente) pourraient être orthographiés avec une seule lettre (x ou q) ; néanmoins, l’habitude s’est prise de les distinguer.

Les morphèmes du pluriel

53 Nous présentons dans le tableau ci-dessous les trois systèmes de pluriels en présence (u/o/ni, u/nu et u/o/nu). Ceux-ci sont respectivement utilisés dans trois zones soninké prises en exemple : le Gadyaga (soninké de l’Ouest), le Khanyaga (soninké de l’Est) et la ville de Kaédi (soninké de l’Est influencé par le soninké de l’Ouest). En outre, certains locuteurs du soninké de l’Ouest utilisent le système u/o/nu.

Gadyaga Khanyaga Kaédi Mali et Sénégal Mali Régions Mauritanie « soninké Ouest » « soninké Est » u – o – nu u – o – ni u – nu

‘un arbre’ yitte yitte yitte ‘des arbres’ yittu yittu yittu

‘un mouton’ jaxe jaxe jaxe ‘des moutons’ jaxo jaxu jaxo

‘un marabout’ moodi moodi moodi ‘des marabouts’ moodini moodinu moodinu

NB : La communauté soninké de la ville de Kaédi (Mauritanie) utilise une variété de soninké de l’Est (avec le son [h]) alors qu’elle est située à l’ouest du pays soninké (dans une région peule). Elle avait connu une immigration de personnes pratiquant le soninké de l’Est, originaires notamment de la région de Nioro. Par ailleurs, les Soninkés originaires de Kaédi ont toujours été très actifs pour la promotion de leur langue.

Quelques choix graphiques déjà observés

54 Pour résoudre certains des problèmes cités ci-dessus, il existe déjà une pratique commune aux scripteurs soninké des différents pays. Par exemple, il y a un certain consensus pour ne pas noter les variations phonétiques initiales et pour privilégier en l’occurrence les formes du Guidimakha (même si elles sont minoritaires numériquement). De même les séquences phonétiques [mb] sont toujours notées nb. On constate aussi qu’il y a une tendance à noter la consonne géminée [qq] en position

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intervocalique au moyen de la consonne simple q, dans la mesure où l’opposition simple-géminée est aussi une opposition fricative-occlusive qui semble suffisante. L’opposition accompli/inaccompli [toxo/toqqo] pourra donc être notée toxo/toqo.

Tendances décelées dans la transcription du soninké sur Internet

55 Si l’on essaye de faire une synthèse globale de la façon dont le soninké est écrit sur Internet, on peut faire les constatations suivantes.

Le pluriel des polysyllabes

56 Dans les pluriels des polysyllabes, on trouve en majorité à la fois les morphèmes u et o, comme en soninké de l’Ouest, alors que dans le soninké de l’Est, il existe uniquement des pluriels en u. Exemple : on trouve dans tous les cas la forme yittu ‘arbres’ qui est commune aux deux dialectes ; mais on trouve majoritairement la forme jaxo ‘moutons’, caractéristique de l’Ouest, et beaucoup plus rarement la forme jaxu, spécifique aux parlers de l’Est.

57 Une recherche globale sur Internet avec, successivement, la forme de l’Ouest soxaano, puis la forme de l’Est soxaanu (formes plurielles du mot soxaana ‘cultivateur’), donne 14 occurrences pour soxaano et 2 occurrences pour soxaanu. De même, on trouve 104 occurrences de garanko et 4 occurrences de garanku (formes plurielles du mot garanke ‘cordonnier’). Enfin, on trouve toujours la forme Sooninko ‘les Soninkés’ [73 occurrences sur le Web] et jamais la forme Sooninku [aucune occurrence].

Le pluriel des monosyllabes et des mots d’emprunt

58 Pour les pluriels des monosyllabes et des mots d’emprunt, selon les parlers, il existe soit le morphème -ni (uniquement à l’Ouest), soit le morphème -nu (à l’Est et dans certains parlers de l’Ouest). Or, sur Internet, on trouve les deux formes -ni et ‑nu, avec une légère majorité pour ‑nu.

59 Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, la forme moodini puis la forme moodinu (formes plurielles de moodi ‘marabout’), on trouve 19 occurrences pour moodini et 39 occurrences pour moodinu. La même recherche avec les formes noquni et noqunu (formes plurielles de noqu ‘endroit’) donne 5 occurrences de noquni et 16 occurrences de noqunu. Avec les formes banbarani et banbaranu ‘les Bambaras’, on ne trouve aucune occurrence avec ‑ni et 2 occurrences avec ‑nu.

60 Cela permet de conclure qu’Internet révèle une tendance à standardiser le pluriel soninké autour des trois morphèmes ‑u, ‑o et ‑nu. C’est là un point qui n’avait pas été abordé dans le Séminaire de Bakel de 1995.

Choix entre f et h

61 Quand il existe une correspondance entre des formes en [f] (Ouest) et des formes en [h] (Est), ce sont généralement les formes avec f qui sont préférées, même si on trouve de temps en temps des formes avec h. Exemples : falle ‘dos, après’ plutôt que halle ; sefe ‘parler’ plutôt que sehe ; fana ‘premier’ plutôt que hana ; faayi ‘regarder, voilà’ plutôt que haayi.

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Les alternances phonétiques initiales

62 Les alternances phonétiques initiales qui existent pour un certain nombre de consonnes dans la grande majorité des parlers soninké, sauf dans les parlers du Guidimakha (sur la frontière Mauritanie-Mali), ne sont généralement pas notées afin de conserver une image graphique unique. Cela est conforme aux recommandations du Séminaire de Bakel de 1995. Ce sont donc les formes du Guidimakha qui sont utilisées ; on estime que celles-ci correspondent aux formes phonologiques sous-jacentes.

63 Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants. Pour l’expression ‘son père’ : a faaba : 18 a haaba : 2 Pour l’expression ‘ton père’ : an faaba : 60 an paaba : 8 De même, pour le terme signifiant ‘beau’ : faranfare : 152 faranpare : 13 haranpare : 1

Choix entre ns et nc

64 La séquence phonologique /ns/ se réalise généralement [nc] et quelquefois [ns]. Or, on constate qu’elle est toujours transcrite ns sur le Web. C’est là un point non abordé dans le Séminaire de Bakel de 1995. Néanmoins cette transcription ns est exactement conforme à celle qu’on trouve dans les quatre lexiques ou dictionnaires de M. Bathily, O.M. Dantioko, O.M. Diagana et B. & S. Smeltzer ; seul le lexique de Z. Dramé, G. Galtier & O.M. Dantioko (1979) écrit nc. Exemples : funse ‘grain, graine’ ; tunsi ‘accompagner’ ; dansa ‘soutenir financièrement’ ; tansege ‘quatre-vingts’.

Choix entre x et q

65 Le phonème consonantique uvulaire sourd pose certains problèmes de transcription. Selon le contexte ou le parler, il peut se réaliser [x] ou [q]. Or l’on constate les tendances suivantes. En position initiale, il est toujours noté x, y compris par les locuteurs des parlers Est qui prononcent [q]. En position médiane simple, il est toujours noté x (c’est un contexte où la prononciation [x] est générale). En cas de gémination (sa réalisation étant toujours occlusive), il est généralement noté q (valant double consonne), quelquefois qq, et quelques rares fois xx. En position médiane prénasalisée, la séquence NC est généralement notée nq et quelquefois nx ; en revanche, lorsque le phonème consonantique uvulaire sourd est prénasalisé en position initiale (par la rencontre d’un autre mot possédant une nasale en position finale) et qu’il se réalise [q], la graphie x est conservée.

66 De plus, on constate que l’ancienne transcription kh est très rarement utilisée. La transcription x apparaît même dans des formes françaises. Ainsi, dans des textes en français, on trouve fréquemment la graphie Guidimaxa au lieu de la graphie

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administrative Guidimakha. On peut aussi rencontrer la lettre x dans des textes soninké ayant une graphie francisante (exemple, xoulle au lieu de xulle ‘blanc’). Tout cela indique que la graphie x est devenue assez populaire et a dépassé le cercle étroit des linguistes. Le fait que la lettre x est aussi utilisée en wolof, langue dominante au Sénégal, a pu être un facteur important.

67 Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants. Terme signifiant ‘femme’ (toujours prononcé [yaxare]) : yaxare : 299 yakhare : 1297 yahare : 4 Terme signifiant ‘demain’ ([xumbane] à l’Ouest, [qumbani] à l’Est) : xunbane : 65 xunbani : 1 qunbane : 0 qunbani : 0 khunbane : 0 khunbani : 0 Terme signifiant ‘vieillard’ ou ‘doyen’ : xirise : 60 qirise : 3 khirise : 0 Expression signifiant ‘tes nouvelles ?’ an xubaare : 4 an xibaare : 2 an qubaare : 0 an qibaare : 0 an khubaare : 0 an khibaare : 0 Expression signifiant ‘sa langue’ ([a xanne] à l’Ouest, [a qanne] à l’Est) a xanne : 8 a qanne : 0 a khanne : 0 Expression signifiant ‘ta langue’ ([an xanne] dans le Guidimakha, [an qanne] partout ailleurs) an xanne : 20 an qanne : 0 an khanne : 0 Terme signifiant ‘faire descendre’, ‘héberger’ : yanqandi : 29 yanxandi : 8 yankhandi : 1 Terme signifiant ‘dormir’ : xenqe : 32 xenxe : 5 khenkhe : 0 Terme signifiant ‘laver’ ([wanqi] ou [wanxi] à l’Ouest, [yanqi] à l’Est) : wanqi : 32 wanxi » : 2 wankhi : 1 yanqi : 7 yanxi : 1 yankhi : 0

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Terme signifiant ‘épouse’ : yaqe : 37 yaqqe : 19 yaxxe : 3 Terme signifiant ‘endroit’ noqu : 105 noqqu : 13 noxxu : 4 Expression signifiant ‘il reste’ : a wa toqo : 8 a wa toqqo : 1 a wa toxxo : 3 Expression signifiant ‘il se couche’ : a wa saqa : 15 a wa saqqa : 2 a wa saxxa : 1 NB : Les tendances observées ici sont conformes aux recommandations du Séminaire de Bakel de 1995.

La nasale vélaire ŋ

68 La consonne nasale vélaire ŋ existe dans tous les parlers soninké et elle est notée ŋ dans les alphabets officiels des trois pays, Mali, Sénégal et Mauritanie. Mais elle pose des difficultés d’impression. Aussi, elle est souvent notée nw, car la suite phonologique /– n+w–/ se transforme automatiquement en [ŋ] à la rencontre de deux mots et car le son [ŋ] a la valeur phonologique d’une consonne double (prénasalisée) en position médiane (intervocalique). Il faut, du reste, remarquer que, lors de la réunion internationale de Bamako de mars 1966 sur les langues africaines, organisée par l’Unesco, on avait proposé de noter le son [ŋ] du mandingue avec le digraphe nw.

69 À l’examen des sites Internet soninké, on se rend compte que le problème n’est pas encore résolu. On rencontre la lettre ŋ dans les sites dont les animateurs sont particulièrement compétents et vigilants. Mais on trouve assez souvent le digraphe nw. On trouve aussi la lettre grecque Éta (η) et les notations ng et ngh. De plus, les webmasters n’ont pas toujours su gérer ce son et celui-ci est fréquemment remplacé par un carré blanc ou un point d’interrogation. Il arrive aussi que ŋ soit remplacé par la lettre ñ ou par la simple lettre n : cela est le cas dans le petit lexique soninké qui est reproduit à l’identique dans plusieurs sites, sans que des corrections aient été faites.

70 Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants (lorsque le son [ŋ] est noté, car il faut tenir compte du fait qu’il est souvent remplacé par un carré blanc, un point d’interrogation ou autre chose). Terme signifiant ‘ami’ : menjanŋe : 15 menjanwe : 5 menjaŋe : 0 menjanηe : 0 menjaηe : 0 menjanghe : 0 Terme signifiant ‘hyène’ :

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turunŋe : 5 turunwe : 7 turuŋe : 13 turunηe : 2 turuηe : 9 turunghe : 1 Terme signifiant ‘oiseau’ : yelinŋe : 2 yelinwe : 2 yeliŋe : 7 yelinηe : 2 yeliηe : 2 yelinghe : 0

La nasale palatale ɲ

71 La consonne nasale palatale ɲ existe dans tous les parlers soninké. Elle est notée ñ dans les alphabets officiels du Sénégal et de Mauritanie, et ɲ dans l’alphabet officiel du Mali. Cependant, certains internautes la transcrivent ny (ce qui était la notation utilisée au Mali jusqu’à la fin des années 1980) car la lettre ɲ et même la lettre ñ posent des difficultés d’impression. Notons que, lors du Séminaire de Bakel de 1995, il avait été proposé d’harmoniser la pratique du Mali avec celle du Sénégal et de la Mauritanie en utilisant uniquement la lettre ñ, mais cette recommandation n’a pas été entérinée par le Mali.

72 À l’examen des sites Internet soninké, on se rend compte que le problème n’est pas encore complètement résolu. Cependant, la notation ñ arrive en tête. On trouve assez souvent le digraphe ny, et parfois les digraphes ni et gn. La notation ɲ, officielle au Mali, est très peu utilisée par les scripteurs maliens qui préfèrent parfois utiliser la lettre ñ par souci d’harmonisation avec leurs collègues du Sénégal et de Mauritanie (les occurrences de la lettre ɲ proviennent généralement des textes mis en ligne par la SIL de Kayes, qui est très bien outillée). Il arrive enfin que l’on utilise la lettre n surmontée d’une demi-boucle (ň comme en tchèque) pour remplacer ñ.

73 Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants. Terme signifiant ‘artisan’ ou ‘homme de caste’ : ñaxamala : 97 nyaxamala : 30 ɲaxamala : 4 niaxamala : 34 gnaxamala : 3 Terme signifiant ‘chameau’ ou ‘dromadaire’ : ñogome : 13 nyogome : 7 ɲogome : 5 niogome : 0 gnogome : 5 Terme signifiant ‘se réjouir’ : ñaxali : 8 nyaxali : 5 ɲaxali : 6

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niaxali : 0 gnaxali : 0

L’apport d’Internet pour la standardisation du soninké

74 L’apport d’Internet, par rapport aux précédents acquis, se concentre sur quelques points. D’abord, quelques éléments grammaticaux tels que le pluriel pour lequel est privilégié le système u/o/nu. Puis, la préférence donnée au soninké de l’Ouest pour certains choix lexicaux en cas de divergence avec les parlers de l’Est. Ce soninké de l’Ouest est celui parlé au Gadyaga et au Guidimakha dans la « zone des trois frontières » (Mali, Mauritanie et Sénégal) qui est le principal foyer de l’émigration soninké. Il est vrai que la majorité des utilisateurs du Web semblent être des locuteurs du soninké de l’Ouest ou du soninké de Kaédi (qu’ils soient dans leur pays d’origine ou à l’étranger), mais non des locuteurs du soninké de l’Est. Le Web vient ainsi renforcer le fait que le soninké de l’Ouest était déjà privilégié auparavant dans d’autres secteurs tels que les émissions radiophoniques ; en effet, il est parfois considéré comme le plus « pur » et le moins influencé par d’autres langues ; de plus, il est commun à tous les pays soninkophones.

75 L’examen des sites Web montre aussi que beaucoup d’internautes, malgré l’existence du système Unicode, ont de la peine à reproduire les lettres phonétiques ŋ et ɲ. Il est probable que l’utilisation croissante d’Internet par les Soninkés amènera une solution à ce problème, dans un contexte où les États perdent de leur influence : soit adoption par les utilisateurs d’équivalents tels que des digraphes ; soit fabrication par les sociétés informatiques de nouveaux claviers mieux adaptés aux langues africaines, ainsi que beaucoup l’espèrent.

Conclusion

76 Un élément très frappant est l’inexistence des sites officiels gouvernementaux. On aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait une présence de la langue soninké sur les sites officiels de pays tels que le Mali et le Sénégal qui ont encouragé l’introduction des langues nationales (dont le soninké) dans certains secteurs éducatifs (notamment l’enseignement primaire au Mali). Or, à part l’organigramme des ministères concernés, rien n’apparaît lorsque l’on fait des recherches sur Internet. Le développement de la langue et de la culture soninké sur le Web est donc le fait de la société civile, d’associations et de personnes militantes, mais nullement le fait des autorités nationales.

77 Comme auparavant, l’expression écrite du soninké continue à être largement favorisée par le phénomène migratoire. Grâce aux migrants, l’usage de cette langue est apparu sur Internet, ce qui profite aussi à toutes les communautés soninké des pays d’origine. Lire et écrire le soninké est désormais possible pour tous les utilisateurs des nouveaux médias, sans intermédiaire institutionnel et malgré l’absence d’un secteur éditorial.

78 En examinant les sites Web de la communauté, on constate un processus de standardisation fondé sur la pratique et non la théorie. Internet vient ainsi confirmer ou compléter les apports des séminaires internationaux tels que celui de Bakel en 1995, ainsi que les travaux fait par des linguistes ou des pédagogues travaillant aussi bien dans les pays d’origine qu’à l’étranger. Cette standardisation s’opère largement autour

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du « soninké de l’Ouest » parlé au Gadyaga et au Guidimakha, dans la « zone des trois frontières » qui est le principal foyer de l’émigration soninké. En outre, ce soninké de l’Ouest est commun au Mali, à la Mauritanie et au Sénégal.

79 Aussi, malgré le partage des Soninkés entre différents États africains, malgré leur dispersion dans le monde, la langue continue à les unifier. Internet vient renforcer ce phénomène et est en train de devenir l’un des nouveaux véhicules de la culture soninké moderne.

BIBLIOGRAPHIE

BATHILY Mody, 2008, Dictionnaire soninké/français - français/soninké, Rouen, Librairie Dades, 460 p.

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NOTES

1. À titre de comparaison, à la date du 20 septembre 2012, parmi les groupes communautaires de plus de 10 membres, nous avons dénombré environ 120 groupes peuls (y compris du Nigeria) et 15 groupes manjak (ethnie originaire de Guinée Bissau, ayant une diaspora très importante au Sénégal et en France). 2. En mars 2013, les effectifs de ces sept groupes étaient passés aux chiffres suivants : groupe « Mouvement Soninkara Wagadou Rèmou », 4 250 membres ; groupe « Marenmou Soninkho o Yanibaane Yade », 3 639 membres ; groupe « Soninkara Gnime : La Racine Soninké », 2 292 membres ; groupe « Sooninkara Reemou (liberté d’expression) », 1 975 membres ; groupe « Soninkara.com », 1 476 membres ; groupe « Rap Soninké », 1 340 membres ; groupe « Soninkaxu », 2 126 membres. On peut remarquer l’augmentation très rapide des effectifs de ce dernier groupe en l’espace de quelques mois : la raison semble être son contenu de haute qualité, avec de nombreuses informations historiques et culturelles, extraites d’ouvrages de chercheurs et universitaires, spécialistes de l’Afrique. Par ailleurs, en mars 2013, un autre groupe Facebook avait dépassé les 1 000 membres : « soninko nkeffo.com » avec 1 333 membres. 3. En mars 2013, les effectifs de ces groupes étaient passés aux chiffres suivants : « Apprendre le Soninké de base », 971 membres ; « Académie Soninké », 249 membres ; « Soninkara : Proverbes / Citations Soninké », 221 membres ; « Sooninke Renme an Xannen Safa », 132 membres. De plus, deux nouveaux groupes, consacrés à l’étude de la langue soninké, commençaient à bien se développer » : « Apprendre le soninké » avec 257 membres ; « O nan sefe sooninkanxannen kanma (parlons de la langue soninké) » avec 90 membres. 4. Il s’agit du site d’information « www.seneweb.com » qui fut créé en 1999 dans le but de relier tous les Sénégalais vivant soit au pays, soit à l’étranger. Il utilise exclusivement la langue française. Il demeure aujourd’hui l’un des sites africains les plus importants, par son audience. 5. « Société internationale de linguistique » en français ou « Summer Institute of Lingusitics » en anglais : société protestante dont l’objectif est de traduire la Bible dans toutes les langues du monde. 6. Les divergences dialectales apparaissent essentiellement au niveau phonétique superficiel. Au niveau phonologique sous-jacent du diasystème soninké, on retrouve généralement des formes unifiées. Néanmoins, on a généralement basé les diverses codifications graphiques du soninké sur le niveau phonétique et non sur le niveau phonologique, d’où par exemple la distinction entre la lettre x et la lettre q qui est purement phonétique et non phonologique. 7. Le résultat 129 pour yakhare n’est pas vraiment significatif, car il s’agit essentiellement de sites en français qui signalent quelques mots soninké en utilisant une orthographe française.

RÉSUMÉS

Depuis quelques années la langue soninké a fait son apparition sur Internet. On y trouve des sites d’associations et des blogs de militants qui se consacrent à la défense et à l’illustration de leur langue et de leur culture. Le principal de ces sites est Soninkara.com (basé à Paris) qui a été créé en 2000. Parmi les autres sites, il faut notamment citer Soobe, le site de l’Association culturelle des Soninkés en Egypte. Ces sites ont souvent été créés pour des besoins de contact dans une diaspora dispersée aux quatre coins du monde. Ils donnent une tribune à la langue soninké, qui avait eu de la peine, jusqu’à présent, à trouver sa place dans l’édition papier. Ils permettent aussi

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une standardisation fondée sur la pratique et non la théorie. Celle-ci s’opère autour du « soninké de l’Ouest » parlé au Gadyaga et au Guidimakha dans la « zone des trois frontières » (Mali, Mauritanie et Sénégal) qui est le principal foyer de l’émigration soninké.

Since a couple of years, the has appeared on the Internet. One can find sites of associations as well as blogs of activists devoting themselves to the promotion of their language and culture. The most important among the sites is Soninkara.com (based in Paris), created in 2000. Among others, Soobe, the site of the Soninke Cultural Association in Egypt, is to be specially mentioned. These sites were often created for the need of communication inside the Soninke diaspora scattered all over the world. They provide a written forum to the Soninke language which had, until recently, great difficulties in acquiring printed organs. They also bring forth a standardization based on the practice, rather than on theory. This emerging standard version is based on the “Western Soninke” spoken in Gajaga and Gidimakha, in the “three boundaries” area (Mali, Mauritania and Senegal) which represents the main core of Soninke emigration.

Уже в течение нескольких лет язык сонинке присутствует в Интернете. Имеются сайты различных ассоциаций, блоги активистов, посвящённые защите и пропаганде языка и культуры сонинке. Главным сайтом можно считать Soninkara.com (базирующийся в Париже), созданный в 2000 году. Среди других следует особо упомянуть сайт Культурной ассоциации сонинке Египта, Soobe. Обычно такие сайты создаются для нужд коммуникации внутри диаспоры, рассеянной по всему миру. Они предоставляют трибуну языку сонинке, который до сих пор так и не обрёл печатных органов. Они также делают возможной стандартизацию, основанную на языковой практике, а не на теории. Стандартный вариант языка вырабатывается на основе «западного сонинке», на котором говорят в районах Гадьяга и Гидимаха в «зоне трёх границ» (Мали, Мавритании и Сенегала), основного очага сонинкской эмиграции.

INDEX

Keywords : Soninke, Standardization, Diaspora, Emigration, Internet, Civil Society Thèmes : soninké motsclesru сонинке, стандартизация, диаспора, эмиграция, Интернет, гражданское общество Mots-clés : standardisation, diaspora, Internet, émigration, société civile

AUTEUR

GÉRARD GALTIER INALCO / USPC [email protected]

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Interacting tonal processes in Susu Des phénomènes tonals en soussou Взаимодействие тональных процессов в сусу

Christopher R. Green, Jonathan C. Anderson and Samuel G. Obeng

AUTHOR'S NOTE

List of Abbreviations A = adjective AFF = affaissement; settling cf. = confer C = consonant CT = compacité tonale f. = female H = high tone; v́ L = low tone; v̀ nb. = note well; nota bene M = modifier N = noun NBC = neutralization-by-copy pl = plural RAI = tone raising TBU = tone bearing unit V = vowel X = represents any tone; high or low

We would like to thank audience members at ACAL 42, Michelle Morrison, Valentin Vydrine, and two anonymous reviewers for helpful comments and challenging suggestions on earlier versions of this work.

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0. Introduction

1 This paper takes as its point of departure a discrepancy in the Susu (Soso, Sosokhui, ISO: sus) tonology literature related to tone in nominal compounds (e.g. Houis 1963; Grégoire 1978; Touré 2004) and aims to advance the dialogue on Susu tone by considering the role that interacting tonological processes play in generating the surface tonal melodies in these and related constructions. While the data below may not be exhaustive, they bring to light the tonal behavior of wider variety of nominal constructions (e.g. more word shapes) that are not explored in detail in the Susu literature. By viewing these new data alongside what has been previously reported for Susu, we aim to better understand how tonal processes interact in the language.

2 We first provide background on Susu tone and the tonal melodies of singular and plural nouns, as well as nominal compounds. We then consider, for comparison, the surface tonal melodies resulting from the addition of certain modifiers to a noun. Our results illustrate that while the tonal melodies of Susu nominal constructions are neutralized or ‘tonally compact’ (Grégoire 1978), the transparent outcome of Susu tonal neutralizations is obscured in some instances as a result of other tonal processes.

3 The remainder of this paper is organized as follows: Section 1 provides additional background on Susu nominal tonology. Section 2 discusses tonal manipulations found in more complex nominal constructions in the language. Section 3 discusses the tonal properties of some noun+modifier constructions. Sections 4 and 5 offer discussion and a brief conclusion.

1. Basics of Susu nominal tone1

4 Previous work on Susu (e.g. Grégoire 1978; Houis 1963; Touré 1994, 2004) converges on the fact that mono- and disyllabic nouns, generally speaking, have one of three distinct tonal melodies, namely H, HL, and LH.2 These melodies, depending on context and the particular construction, often differ from their proposed underlying forms. Consider in (1) the representative examples of disyllabic nouns with three different underlying tonal melodies in isolation.

(1) Underlying and surface tonal melodies

a. /HH/ → [túlí] ‘ear’

b. /HL/ → [kérì] ‘hoe’

c. /LH/ → [ɡìnɛ̀] ‘woman’

5 It is yet unclear, analytically and theoretically, how and why these melodies behave in the ways that they do in all instances. For example, while underlying ‘all L’ melodies are not reported, surface ‘all-L’ sequences are common. In (1a,b), HH and HL tonal melodies surface as expected, yet a /LH/ melody surfaces [LL] in pre-pause and phrase- final positions (1c), as well as in other contexts detailed in §2. We discuss below analogous instances where underlying /HL/ words have a surface [HH] melody.

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6 Surface tonal melodies also change according to context, e.g. before the plural suffix. This suffix in Susu is historically -yè; however it is manifested in different ways in contemporary Susu. Segmentally, when -yè is added to a vowel-final stem, a derived long vowel results, and the quality of this vowel varies according to the nature of the stem final vowel. The plural of the nouns from (1) is given in (2).

(2) Pluralization with basic tonal melodies

a. túlí + -yè → [túléè] ‘ears’

b. kérì + -yè → [kérèè] ‘hoes’

c. ɡìnɛ́ + -yè → [ɡìnéè] ‘women’

7 The tonal melodies for HH and HL, again, surface as expected. For (2a), when the L tone plural suffix is added to the lexically HH word, a falling tone results on the long vowel. When the suffix is added to the lexically HL word in (2b), the result is a long L vowel. The outcome in (2c) is different. Recall from (1c) that this word has a lexical LH melody, but in isolation, [LL] results. Example (2c) shows that when the environment for phrase-final H tone lowering is removed, the lexical melody of the word re-emerges. Thus, in (2c), the plural counterpart of a lexically LH word has a falling tone on its final long vowel.

8 Other melodies (e.g. HLH and LHL) are possible for trisyllabic nouns and nouns with phonemic long vowels in different positions. This is because the Susu tone bearing unit (TBU) is the mora (Vydrine 2002), rather than the syllable. Due to their more complex structure, such nouns defy basic tonal melody patterning. Consider the disyllabic, lexically LH͡L noun in

(3) a. /yɛ̀xɛ̂ː/ → [yɛ̀xé L] ‘sheep’

b. yɛ̀xɛ́ L + -yè → [yɛ̀xɛ́ɛ̀] ‘sheep (pl.)’

9 (3a) has an underlying long vowel in its final syllable; however lexical vowel length contrasts are typically neutralized word-finally. The final L of the word’s lexical tonal melody is not expressed on the shortened vowel and instead floats at the right edge of the word. The floating L tone blocks the usual environment for final H tone lowering (cf. 1c). In (3b), the final, derived long vowel is due to the addition of the plural morpheme. Although removed from final position, the lexical length contrast of the stem-final vowel is analogously neutralized, presumably because Susu avoids creating trimoraic, superheavy syllables. With these basic properties of Susu tone as a starting point, we turn to its tonal behavior in more complex contexts.

2. Tone in nominal constructions

10 Tonal neutralization in compounding and noun phrase construction is common and generally falls into one of two main categories in Mande languages. The first of these,

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compacité tonale (CT: also known as the noun-compounding rule or tonal compactness), is well-attested in Manding languages, among them Maninka, Bambara, and Dyula (e.g. Courtenay 1974; Creissels 1992; Creissels & Grégoire 1993; Creissels 2009; Dumestre 1987; Green 2010, 2013; Leben 1973; Sanogo 1995). A second type is found in Southwest Mande languages, including Mende (e.g. Dwyer 1971, 1978a, 1978b; Spears 1967), and Zialo (Babaev 2010). Analogous processes are described for dialects of Vai (Welmers 1976), Kpelle (e.g. Konoshenko 2009) and Lɔɔma (e.g. Mishchenko 2009; Sadler 2006; Vydrine 1989).3

11 These analogous processes effectively neutralize the lexical tonal melody of one or more elements of a phrase. The mechanism, inventory of tonal outcomes, and types of phrases that trigger and/or exhibit neutralization are language specific, yet the melodies that result are largely predictable in a given language. We adopt the position here that these neutralizations (and processes related to them) are reflexes of a cross- linguistic tendency for languages to smooth the tonal contour of words and phrases (Hyman 1978, 2007).

12 Similar tonal neutralizations are also found in Central Mande languages outside of Manding, e.g. in Susu (Grégoire 1978; Houis 1963; Touré 1994) and in Dialonké (Keita 1989). While Grégoire (1978), Touré (1994), and Keita (1989) refer to these neutralizations as compacité tonale, we discuss below that the processes in Susu and Dialonké (and indeed in Southwest Mande) are quite different from CT in Manding. Nonetheless, we take as a starting point Grégoire (1978), which focused on the behavior of tone in Susu noun+noun compounds. Grégoire expands upon and partially confirms findings in Houis (1963) on this topic, including that tonal neutralization occurs in Susu nominal compounding. Houis (1963) and Grégoire (1978), however, do not agree on all the details. We discuss their findings alongside our own in §2.2.

2.1. Tone neutralization exemplars

13 In order to set the stage for comparison to Susu, we first present examples of tonal neutralization in two exemplars, Bambara and Mende. There are two typical results of CT in the representative Bambara nominal compounds in (4). This neutralization is also often characteristic of other constructions, e.g. noun+modifier.

(4) CT in Bambara nominal compounds

a. High melody compactness: [básá] + [wòló] → [básáwóló] ‘lizard skin’

lizard + skin

b. Low melody compactness: [jàrá] + [wòló] → [jàràwóló] ‘lion skin’

lion + skin

c. Compactness in longer constructions:

[jàkúmá] + [wòló] → [jàkùmàwóló] ‘cat skin’

cat + skin

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14 In these and other instances of Bambara CT, the resultant tonal melody of the compound depends upon the lexical tonal melody of the first element of the construction.4 In constructions like (4a), the H tone of the first element dictates that the resultant melody of the compound is ‘all-H’, regardless of the lexical tonal melody of the second input lexeme. In instances like (4b), the L tone of the first element dictates an alternative outcome. Here, upon compounding, the lexical L tone of the first element spreads rightward, creating an ‘all-L’ melody on the first morpheme followed by a default, ‘all-H’ melody on the second morpheme, regardless of the input tonal melody of the second lexeme. This spreading is not restricted to a single TBU. The process also occurs in longer words like (4c).5

15 A second type of neutralization is found in Mende, as in (5); examples are drawn from Spears (1967). We include proposed lexical tone patterns for each element, as they are key to illustrating the tonal outcome of the resulting construction. The tonal melody of the constructed noun phrase is approximated from Spears’ illustrations which intend to show phonetic tone.

(5) CT in Mende attributive modifier noun phrases

a. [bɛ̀lɛ̀] + [nìnǎ] → [bɛ̀lɛ̀-nìnà] ‘new trousers’

b. [ɡbɛ̀hɛ́] + [nìnǎ] → [ɡbɛ̀hɛ́-nínà] ‘new stool’

c. [pɛ́lɛ́] + [nìnǎ] → [pɛ́lɛ́-nínà] ‘new house’

d. [ndòmǎ] + [nìnǎ] → [ndòmà-nínà] ‘new shirt’

e. [pùndî] + [nìnǎ] → [pùndí-nìnà] ‘new mosquito’

f. [kɔ̂wù] + [nìnǎ] → [kɔ́wù-nìnà] ‘new box’

g. [bâ] + [nìnǎ] → [bá-nìnà] ‘new price’

16 These representative examples of Mende tonal neutralizations can be explained straightforwardly. For each, the lexical tonal melody of the first (nominal) element is almost entirely maintained, except in instances involving a proposed underlying tonal contour associated with a single TBU, while that of the second (adjectival) element is neutralized. The general phenomenon characterizing Mende tonal neutralization is as follows: the final lexical tone of the first element is copied or shared (to use Spears’ term) to the first TBU of the second element, while the lexical tones of the second element are overwritten by L tones.6 Thus, the final lexical H of the input noun in (5b,c,d) lands on the first TBU of the adjective, while the final lexical L of the input noun in (5a,e,f,g) is shared by the same mechanism. Thus, there are two possible tonal outcomes (HL or LL) on the second morpheme in each example in (5) as a result of it being preceded by elements ending with different lexical tones.7

17 There are theoretical implications to consider depending on whether one assumes that tones are shared vs. copied in Southwest Mande (and as we shall discuss below, in Susu) neutralization. First, tone sharing implies that a single tone has spread rightward from one element to the next. In the constructions described, tone spreading would span

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across morpheme and prosodic word boundaries. The spreading would be bounded (only ever spreading by one TBU) yet promiscuous in crossing the aforementioned boundaries. Tone copy, on the other hand, implies the presence of two independent tones on either side of a boundary. Because tone copy avoids the issue of association lines spreading across boundaries, we suggest that it is both analytically and theoretically favorable to assume that tone copy is responsible for the observed outcome, as opposed to sharing (spreading). We shall refer to this henceforth as Neutralization-By-Copy (NBC) to differentiate it from CT. We later discuss further support for this choice and its application in Susu.

2.2 Neutralization-By-Copy in Susu

18 Houis (1963) and Grégoire (1978) describe the tonal outcomes of NBC in Susu; however as we discuss below, they arrive at the same analytical conclusion for only some neutralized forms.8

19 Recall that Susu nouns have three basic tonal melodies, i.e. H, HL, and LH. Houis and Grégoire agree with one another concerning the tonally compact outcomes for H and LH melodies in (6).

(6) a. HH + XX → HH.HL

b. LH + XX → LL. HL

20 These schema illustrate that if the first element of a compound has a H tonal melody, the resultant compound will have a HH.HL melody (boundaries are indicated by ‘.’), regardless of the lexical tonal melody of the second element. Likewise, if the first lexeme has a LH tonal melody, the resultant compound will have a LL.HL melody.

21 Both outcomes have in common that tonal melody assignment in the larger construction is driven by a left-to-right process stemming from the first input element. In Bambara, the lexical tonal melodies of both elements are neutralized, the first via tone spreading and the second via default tone assignment (followed by spreading, where applicable). In Mende, the lexical melody of the first element is retained, while only that of the second element is neutralized. The data presented thus far demonstrate that Susu behaves similarly, but not identical to Mende, with the apparent exception being the LL melody (6b) found in Susu compounds with a ‘low’ first element. We assert below, however, that this result is, in fact, predictable and related to a second tonal neutralization process. Before discussing our stance on these points, we consider the behavior of input HL melody words in (7), upon whose behavior Houis and Grégoire disagree.

(7) a. For Houis HL + XX → HH.HL

b. For Grégoire HL + XX → HL.LH

22 For the compounds in (7), Houis (7a) offers a HH.HL outcome identical to compounds like (6a). Grégoire (7b), however, asserts that the first element of these compounds

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retains its lexical tonal melody; the second morpheme has a LH melody. Grégoire’s data are more in line with those observed for Mende in (5), where a first element retains its lexically-specified tonal melody, while its final lexical tone copies to the first TBU of the second element. Some additional mechanism is necessary to explain Houis’ data.

23 In order to weigh in on this discrepancy, we collected a variety of compounds drawn from those in Touré (1994:103-106). The tokens collected comprise a variety of word shapes including mainly noun+noun compounds, but also some noun+attributive adjective and verb+noun constructions, all of which Touré asserts are tonally compact (i.e. neutralized). We first present representative constructions produced by our Susu speaker in (8) for constructions whose first element is HH (8a-m) or LH (8n-y).9

(8) HH first element

a. /bálán + sèé/ → [bálánséè] ‘seashore’

sea + mouth

b. /bárí + mìxíí/ → [bárímíxì] ‘parent’

to be born + person

c. /dɛ́ɛ́ + fɔ̀xíí/ → [dɛ́ɛ́fɔ́xì] ‘bitemark’

mouth + trace

d. /dɛ́ɛ́ + kírì/ → [dɛ́ɛ́kírì] ‘lip’

mouth + skin

e. /dɛ́ɛ́ + xàbéè/ → [dɛ́ɛ́xábè] ‘beard’

mouth + hair

f. /dɛ́ɡɛ́ + sèé/ → [dɛ́ɡɛ́séè] ‘needle’

to sew + thing

g. /díí + yɔ́rɛ̀/ → [díiý ɔ́rɛ̀] ‘baby’

child + small

h. /fíí + fàtéé/ → [fíifá ́te]̀ ‘scar’

wound + skin

i. /fíríí + fɔ́ɔ́ré/ → [fírífɔ́ɔ̀rè] ‘black liana’

liana + black

j. /yáá + yìlíí/ → [yááyílì] ‘eye socket’

eye + hole

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k. /yɛ́xɛ́ + xɔ́rì/ → [yɛ́xɛ́xɔ́rì] ‘fishbone’

fish + bone

l. /tékú + mààlé/ → [tékúmáálè] ‘rice produced under

obligation + rice constraint’

m. /túɡí + yéé/ → [túɡiyé ́è] ‘palm wine’

palm tree + water

LH first element

n. /bànnáá + mìxíí/ → [bànnàmíxì] ‘wealthy (person)’

wealth + person

o. /bànxí + fárìí/ → [bànxìfárì] ‘roof’

house + above

p. /bàré + ɡìnɛ́/ → [bàrèɡiń ɛ̀] ‘dog (f.)’

dog + woman

q. /dɔ̀xɔ́ + sèé/ → [dɔ̀xɔ̀séè] ‘food’

to eat + thing

r. /fàtéé + fíxɛ́/ → [fàtefì ́xɛ̀] ‘European (person)’

skin + white

s. /fèlén + dùɡíí/ → [fèlèndúɡi]̀ ‘blanket’

to cover + cloth

t. /fìntán + sèé/ → [fìntànseé ̀] ‘fan’

to fan + thing

u. /ɡɛ̀mɛ́ + xɔ́rì/ → [ɡɛ̀mɛ̀xɔ́rì] ‘pebble’

stone + grain

v. /ɡɛ̀sɛ́ + kúnkì/ → [ɡɛ̀sɛ̀kúǹkì] ‘weaving shuttle’

thread + pirogue

w. /yìré + ɲááxí/ → [yìrèɲááxì] ‘left side’

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place + bad

x. /kìráá + xùnyí/ → [kìrààxúɲi]̀ ‘crossroads’

road + head

y. /mààlé + xábé/ → [mààlèxábè] ‘rice harvester’

rice + to cut

24 The examples in (8) show that our Susu speaker produces tonal melodies matching the schema reported by both Houis and Grégoire for constructions whose first element is either /HH/ or /LH/. Such constructions surface as [HH.HL] and [LL.HL], respectively, confirming previously reported findings.

25 We now turn to the disputed case of constructions whose first element is underlyingly / HL/, generally speaking. What we mean here is that several reported lexical tone melodies that end in a L tone exhibit a consistent tonal outcome. Note that compounds with a /HL/ first element are considerably less frequent in our (and Touré’s corpus). Representative examples are in (9).

(9) Compact constructions with a ‘HL’ first element

a. /máŋɡò + xɔ́rì/ → [máŋɡóxɔ̀rì] ‘mango pit’

mango + bone

b. /ɲáálì + mìxíí/ → [ɲáálímìxì] ‘public nuisance’

tape worm + person

c. /píyà + bìlí/ → [píyábilì ̀] ‘avocado tree’

avocado + trunk

d. /dòndólì + tɛ̀ɛ́/ → [dòndólítɛ̀] ‘ant hill’

ant + nest

e. /bànáánì + bílì/ → [bànááníbìlì] ‘banana tree’

banana + (tree) trunk

26 The examples in (9) show a consistent tonal outcome with two permutations. In (9a-c), the first element surfaces with all H tones, while the second element has all L tones. Examples (9d-e) are more complex due to the shape of the first input element, but as we suggest below, their tonal outcomes follow from the same generalization. The examples in (10) show compounds whose first element also has a final lexical L tone. These inputs comprise a more diverse variety of word shapes and lexical tonal melodies but follow the same general pattern as in (9). We discuss the two sets of words in turn.

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(10) a. /sàràsóò + sèé/ → [sàràsóósèè] ‘purchase’

purchase + thing

b. /tábéè + xɔ́rì/ → [tábééxɔ̀rì] ‘femur’

buttocks + bone

c. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ + ɡìnɛ́/ → [yɛ̀xɛ́ɛ́ɡiǹ ɛ̀] ‘ewe’

sheep + woman

d. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ + kɔ̀ntɔ́nyí/ → [yɛ̀xɛ́ɛ́kɔ̀ntɔ̀ɲi]̀ ‘ram’

sheep + male

e. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ + yɔ́rɛ̀/ → [yɛ̀xɛ́ɛ́yɔ̀rɛ̀] ‘lamb’

sheep + small

f. /kòòkóò + xɔ́rì/ → [kòòkóóxɔ̀rì] ‘cocoa nut’

cocoa + bone

27 We begin by offering the following schema (11c) alongside those proposed by Houis and Grégoire.

(11) a. For Houis HL + XX → HH.HL

b. For Grégoire HL + XX → HL.LH

c. Proposed here HL + XX → HH.LL

28 At first glance, it appears that our findings only complicate matters by introducing yet a third schema for constructions with a /HL/ first element. We discuss in the next section, however, that our outcomes follow from the same principles underlying constructions with both /HH/ and /LH/ melodies, upon which our observations converge with Houis and Grégoire (cf. 8). We also propose some possibilities as to how and why the three outcomes in (11) may have arisen.

2.3 Accounting for tonal alternations

29 Data in (8) and (9) show several tonal alternations. We propose that some of these are analogous (at a surface tonal level) to those observed in Manding. For example, the LH noun /ɡìnɛ́/ in (12a) has a LL melody [ɡìnɛ̀] when followed by a H-tone word. This is similar to affaissement (AFF) in Bambara (12b), where a /LH.H/ sequence becomes [LL.H] in the presence of an intervening boundary (Green 2010; Leben 2003). AFF does not occur when a LH sequence is followed by a L word.

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(12) a. Susu disyllabic words (nb. /ɡiǹ ɛ́/)

[ɡìnɛ̀ fáɲì] ‘good woman’

[ɡìnɛ́ bèlèbélè] ‘big woman’

b. Bambara disyllabic words (nb. /mùsó/)

[mùsò tɛ́] ‘It is not a woman.’

[mùsó dòn] ‘It is a woman.’

30 Leben (2002, 2003) and Green (2010) argue that L tone spreading via AFF occurs within a tonal foot.10 What occurs in (8n-z), where an input /LH/ first element surfaces [LL] in a compound construction, appears similar. If Susu shares certain prosodic characteristics with its Manding cousins, this outcome suggests that Susu also has tonal feet. Take for example (8u): /ɡɛ̀mɛ́ + xɔ́rì/ →[ɡɛ̀mɛ̀xɔ́rì] ‘pebble’. If Susu has tonal feet like Bambara, the L tone of (ɡɛ̀.mɛ́) spreads rightward within the tonal foot when the word is followed by an adjacent H tone: /(ɡɛ̀.mɛ́)+(xɔ́.rì)/ → [ɡɛ̀mɛ̀xɔ́rì]. While this is straightforward for constructions like (8u), we must address the fact that a [LL] melody results on the first element in all instances, even when the lexical tonal melody of the second element is /LH/. We propose that because multiple, interacting tonal processes occur in Susu (Vydrine 2002), a dynamic result is possible.

31 We showed in (6) that Susu NBC is generally like tonal neutralization processes in Southwest Mande languages, i.e. the final lexical tone of the first /HH/ or /LH/ element of a compound copies to the first TBU of the following element. This fact, and outcomes like (12a), suggest that NBC provides an appropriate environment for tone spreading via AFF. In generative phonological terms, NBC feeds AFF. Using (8s) as an example: Input /(fè.lén) + (dù.ɡìì)/ →NBC (fè.lén) + (dú.ɡìì) → AFF (fè.lèn) + (dú.ɡìì) → Output [fèlèndúɡì]. We discuss these details and their implications further below.

32 We next illustrate that an alternation analogous to AFF is observed in (13), where HL nouns like /kérì/ have a HH melody [kérí] when followed by a L word.

(13) a. /kérì bèlèbélé/ → [kérí bèlèbélè] ‘big hoe’

b. /kérì fányì/ → [kérì fáɲi]̀ ‘good hoe’

33 In (13), /HL.L/ becomes [HH.L] under the same conditions as AFF. This appears to be another instantiation of largely the same process, motivated by the same principles as AFF. That is, in the presence of a boundary, H tone spreads within a defined domain. However, rather than tone settling (i.e. AFF), the process here is tone raising (RAI). Again, the domain of application appears to be a tonal foot. RAI affects H tones and has implications for the outcomes in (9), i.e. constructions whose first input element has a lexical melody ending in a L tone. For example (9a): /máŋɡò + xɔ́rì/ → [máŋɡóxɔ̀rì] ‘mango pit’. Because Susu exhibits NBC elsewhere, this would explain why the final lexical L of /máŋɡò/ copies to the first TBU of the adjacent morpheme. If, like the

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relationship between NBC and AFF, NBC feeds RAI, there is a principled reason for why the lexical H of /máŋɡò/ spreads within a foot to yield a [HH.LL] melody.

34 The outcomes in (9) follow readily from these assertions; however the shape of the first element in (9d-e) and their input /LHL/ tonal melody merits additional comment. In these examples, the outcome is not simply an ‘all H’ first element followed by an ‘all L’ second element. Rather, these inputs result in a [LHH.LL] melody and arguably provide some additional details related to Susu prosodic structure. That is, the observed tonal outcomes suggest that Susu tonal feet are binary, syllabic, and constructed from the right edge of a word.11 Consider, for example, (9d) /dòndólì + tɛ̀ɛ́/ → [dòndólítɛ̀] ‘ant hill’. If we assume the characteristics of tonal feet just proposed, we arrive at the following representation: /(dòn)(dó.lì) + (tɛ̀ɛ́)/ → [dòndólítɛ̀] ‘ant hill’. 12 The /HL/ second foot of /(dòn)(dó.lì)/, followed by the first L tone of /(tɛ̀ɛ́)/ (via NBC, although the outcome is vacuous), present the necessary environment for H tone spreading via RAI. The same argument applies to words like (9e): /(bà)(náá.nì) + (bí.lì)/ →[bànááníbìlì] ‘banana tree’.

35 If, on the other hand, disyllabic tonal feet were constructed from the left-edge, this would fail to create an environment for tone spreading via RAI. For example, /(dòn.dó) (lì) + (tɛ̀ɛ́)/ predicts that tone spreading would not occur, i.e. *[dòndólìtɛ̀]. Feet constructed from the right-edge of a word offer a clearer account of observed tonal outcomes. The proposed foot characteristics account equally well for AFF in (8n-z), but more must be said about the constructions in (10) whose first element has a final CVV syllable with /HL/ lexical tone. Each example shows that NBC has occurred, as the final lexical L of the first element has copied to the first TBU of the last element. The final element of the construction has an all-L melody, and the /HL/ contour of the first element’s final CVV syllable surfaces [HH].

36 These outcomes, taken alone, might suggest that tone spreading via RAI has occurred. It is the case, however, that this would require tonal feet to be binary, constructed from the right edge of a word, and bimoraic. For example: (10c): /(yè)(xéè) + (ɡì.nɛ́)/ → [yèxɛ́ɛ́ɡìnɛ̀]. Unfortunately, this would be contrary to the analysis above where AFF and RAI occur in bisyllabic feet. A more promising possibility is that a Decontouring process affects non-final sequences of unlike tones associated with CVV syllables. This, too, is common cross-linguistically (e.g. Hyman 2007). By admitting a Decontouring rule, we maintain bisyllabic feet and equally account for the resulting tonal outcomes in words like (10).13 This neatly accounts for the outcomes we observe in Susu for constructions in (8-10); however there is more research to be done to further support the characteristics of Susu prosodic structure offered here.14

37 We next consider how the melodies observed by Houis and Grégoire (cf. 11a-b) for first element /HL/ constructions might have arisen, as well as why they appear more susceptible to varied outcomes than those reported for first element /HH/ and /LH/ constructions. As we have seen, Houis (1963) reports the same HH.HL compact melody for both /HH/ and /HL/ inputs. It may be the case for Houis’ Susu speakers that although both NBC and RAI occur within their phonology, the former process became over-generalized. That is, if NBC occurs first, followed by RAI, a disyllabic /HL/ noun followed by another disyllabic word would first yield |HL.LL| as a result of NBC, and then [HH.LL] as a result of RAI. If speakers began to over-generalize the process, it could be that NBC would apply again to this outcome. The result would be HH.LL → HH.HL; precisely the outcome reported by Houis.

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38 For Grégoire (1978), on the other hand, the constructions have a [HL.LH] surface melody. The final H tone is perhaps anomalous (it is the only reported melody with a final H), yet the retention of HL on the first element is less surprising. It is possible that for Grégoire’s Susu speakers, although NBC readily applied, RAI simply did not. It may be that RAI is a more recently introduced innovation compared to its analog, AFF.15 This may also help to explain its inconsistent application among Susu speakers. The extent to which RAI pervades different populations of Susu speakers must remain open pending further research.

39 Thus far, we have discussed tonal alternations in Susu compound constructions and entertained them alongside earlier proposals. In addition to providing a schema by which to account for these constructions, we offered some possible reasons for noted discrepancies in the literature related to the behavior of words with certain lexical tonal melodies. For comparison, we next turn to the tonal outcomes for particular noun+modifier (N+M) constructions.

3. Noun + Modifier constructions

40 Compared to what is known about tone in Susu nominal compounds, relatively little detail is known about how tone functions in other nominal constructions. We offer a look at this via data we have collected on particular noun+modifier constructions. Touré (1994:103-106) describes a variety of N+M constructions as ‘tonally compact’ (i.e. NBC) forms. We illustrate below, however, that not all apparent N+M constructions follow this pattern. Consider the outcome of nouns representing five lexical tonal melodies followed by two sets of modifiers in (14) and (15).

(14) a. HH nouns

i. /túlí bèlèbélé/ → [túlí bèlèbélè]16 ‘big ear’

ii. /túlí fányì/ → [túlí fáɲi]̀ ‘good ear’

iii. /bálé síyà/ → [bálé síyà] ‘few rats’

iv. /bálé xúrì/ → [bálé xúrì] ‘small rat’

v. /ɲɛ́nɛ́ kwíè/ → [ɲɛ́nɛ́ kwíè] ‘tall mouse’

vi. /ɲɛ́nɛ́ xùnɡbé/ → [ɲɛ́nɛ́ xùnɡbè ]‘fat mouse’

vii. /ɲɛ́nɛ́ ɡbò/ → [ɲɛ́nɛ́ ɡbò] ‘many mice’

b. HL nouns

i. /kérì bèlèbélé/ → [kérí bèlèbélè] ‘big hoe’

ii. /kérì fányì/ → [kérì fáɲi]̀ ‘good hoe’

iii. /sílì síyà/ → [sílì síyà] ‘few elephants’

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iv. /sílì xúrì/ → [sílì xúrì] ‘small elephant’

v. /sɛ́ɡɛ̀ kwíè/ → [sɛ́ɡɛ̀ kwíè] ‘tall hawk’

vi. /sɛ́ɡɛ̀ xùnɡbé/ → [sɛ́ɡɛ́ xùnɡbè] ‘fat hawk’

vii. /sɛ́ɡɛ̀ ɡbò/ → [sɛ́ɡɛ́ ɡbò] ‘many hawks’

c. LH nouns

i. /ɡìnɛ́ bèlèbélé/ → [ɡiǹ ɛ́ bèlèbélè] ‘big woman’

ii. /ɡìnɛ́ fányì/ → [ɡiǹ ɛ̀ fáɲi]̀ ‘good woman’

iii. /yɛ̀tɛ́ɛ́ síyà/ → [yɛ̀tɛ̀ síyà] ‘few lions’

iv. /yɛ̀tɛ́ɛ́ xúrì/ → [yɛ̀tɛ̀ xúrì] ‘small lion’

v. /kùlé kwíè/ → [kùlè kwíè] ‘tall monkey’

vi. /kùlé xùnɡbé/ → [kùlé xùnɡbè] ‘fat monkey’

vii. /kùlé ɡbò/ → [kùlé ɡbò] ‘many monkeys’

d. LH͡L nouns

i. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ bèlèbélé/ → [yɛ̀xɛ́ bèlèbélè] ‘big sheep’

ii. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ fányì/ → [yɛ̀xɛ́ ǃfáɲi]̀ ‘good sheep’

iii. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ síyà/ → [yɛ̀xɛ́ ǃsíyà] ‘few sheep’

iv. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ xúrì/ → [yɛ̀xɛ́ ǃxúrì] ‘small sheep’

v. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ kwíè/ → [yɛ̀xɛ́ ǃkwíè] ‘tall sheep’

vi. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ xùnɡbé/ → [yɛ̀xɛ́ xùnɡbè] ‘fat sheep’

vii. /yɛ̀xɛ́ɛ̀ ɡbò/ → [yɛ̀xɛ́ ɡbò] ‘many sheep’

e. LHL nouns

i. /xùnsɛ́xɛ̀ bèlèbélé/ → [xùnsɛ́xɛ́ bèlèbélè] ‘big hair’

ii. /xùnsɛ́xɛ̀ fányì/ → [xùnsɛ́xɛ̀ fáɲi]̀ ‘good hair’

iii. /kònkórè síyà/ → [kònkórè síyà] ‘few roosters’

iv. /kònkórè xúrì/ → [kònkórè xúrì] ‘small rooster’

v. /kònkórè kwíè/ → [kònkórè kwíè] ‘tall rooster’

vi. /kònkórè xùnɡbé/ → [kònkóré xùnɡbè] ‘fat rooster’

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vii. /kònkórè ɡbò/ → [kònkóré ɡbò] ‘many roosters’

41 Most nouns followed by modifiers in (14) largely retain their lexically-specified tonal melody; exceptions include nouns affected by RAI and AFF. Examples in (14d) are different due to the length of the final vowel of the noun being neutralized. While the stable, floating L tone is not noticeably expressed, its presence is clear where it blocks AFF and induces downstep on an adjacent H. Examples in (14e) support our earlier observation that feet are constructed from the right edge of a word, as RAI looks to have applied. The tonal melodies of these modifiers, however, are static. The outcome is much different when nouns are followed by the modifiers in (15).

(15) a. HH nouns

i. /túlí lànmáá/ → [túlí lámmàà] ‘small ear’

ii. /ɲɛ́nɛ́ dí/ → [ɲɛ́nɛ́ dî] ‘little mouse’

iii. /bálé dí/ → [bálé dî] ‘little rat’

iv. /ɲɛ́nɛ́ yɔ́rɛ̀/ → [ɲɛ́nɛ́ yɔ́rɛ̀] ‘tiny mouse’

v. /bálé yɔ́rɛ̀/ → [bálé yɔ́rɛ̀] ‘tiny rat’

vi. /káábé ɡbéɡbé/ → [káábé ɡbéɡbè] ‘many (ears) of corn’

b. HL nouns

i. /kérì lànmáá/ → [kérí làmmàà] ‘small elephant’

ii. /sílì dí/ → [sílí dì] ‘little elephant’

iii. /sɛ́ɡɛ̀ dí/ → [sɛ́ɡɛ́ dì] ‘little hawk’

iv. /sílì yɔ́rɛ̀/ → [sílí yɔ̀rɛ̀] ‘tiny elephant’

v. /sɛ́ɡɛ̀ yɔ́rɛ̀/ → [sɛ́ɡɛ́ yɔ̀rɛ̀] ‘tiny hawk’

vi. /sílì ɡbéɡbé/ → [sílí ɡbèɡbè] ‘many elephants’

c. LH nouns

i. /ɡìnɛ́ lànmáá/ → [ɡiǹ ɛ̀ lámmàà] ‘small woman’

ii. /yɛ̀tɛ́ɛ́ dí/ → [yɛ̀tɛ̀ dî] ‘little lion’

iii. /kùlé dí/ → [kùlè dî] ‘little monkey’

iv. /xùùɲɛ́ yɔ́rɛ̀/ → [xùùɲɛ̀ yɔ́rɛ̀] ‘tiny toad’

v. /kùlé yɔ́rɛ̀/ → [kùlè yɔ́rɛ̀] ‘tiny monkey’

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vi. /xàmé ɡbéɡbé/ → [xàmè ɡbéɡbè] ‘many men’

d. LH͡L nouns

i. /jɛ̀xɛ́ɛ̀ lànmáá/ → [jɛ̀xɛ́ làmmàà] ‘small lamb’

ii. /jɛ̀xɛ́ɛ̀ dí/ → [jɛ̀xɛ́ dì] ‘little lamb’

iii. /kòòlóò yɔ́rɛ̀/ → [kòòlóó yɔ̀rɛ̀] ‘tiny chameleon’

iv. /kòòlóò ɡbéɡbé/ → [kòòlóó ɡbèɡbè] ‘many chameleons’

e. LHL nouns

i. /xùnsɛ́xɛ̀ lànmáá/ → [xùnsɛ́xɛ́ làmmàà] ‘small hair’

ii. /kònkórè dí/ → [kònkóré dì] ‘little rooster’

iii. /kònkórè yɔ́rɛ̀/ → [kònkóré yɔ̀rɛ̀] ‘tiny rooster’

iv. /xùnsɛ́xɛ̀ ɡbéɡbé/ → [xùnsɛ́xɛ́ ɡbèɡbè] ‘many hairs’

42 In (15), the first TBU of the modifier appears to have undergone NBC, which then provides the triggering environment for AFF and RAI, where applicable. The tonal outcomes of these particular constructions are markedly different from the static, non- alternating tonal melodies observed on modifiers in (14). This suggests, therefore, that ‘adjectival’ modifiers do not behave uniformly in N+M constructions. Rather, the modifiers in some N+M constructions as in (15) are best considered nouns, causing the constructions to behave tonally as compounds. Other N+M constructions as in (14) do not behave tonally as compounds, suggesting that their modifiers are properly considered adjectives. While only the former are susceptible to NBC, AFF and RAI appear to be more general processes, applying in both types of construction, i.e. whenever appropriate conditions are met. While these data are not exhaustive, they nonetheless provide an additional layer of detail about Susu nominal constructions not yet discussed in the extant published literature.

4. Discussion

43 This paper aimed to accomplish several goals. First, our data on compounds shed new light on a longstanding discrepancy in the Susu literature on the tonal outcome of constructions whose first element is lexically /HL/. The tonal behavior of these and other constructions allows us to illustrate with certainty that the tonal neutralizations observed in Susu are aligned with those found in Southwest Mande. We have also offered some evidence for two additional, complementary tonal processes in Susu, affaissement and raising, that appear to have a domain of application characteristic of a tonal foot. To our knowledge, this is the first discussion of higher prosodic structure in the Susu literature. Further research is necessary to explore systematically the extent to which other tonal (or segmental) phenomena reference this domain in Susu. Finally, we presented data on noun+modifier constructions illustrating that some behave like

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compounds in permitting NBC, while others disallow the process. All such constructions, however, appear susceptible to both AFF and RAI. While Touré (2004) provides several examples of possible nominal constructions, we are aware of no other work discussing their tonal behavior in this way.

4.1 Formalizing NBC

44 While the analysis above proposes that some tonal neutralizations in Susu rely on tone spreading within a foot domain, a mechanism underlying (and motivating) the process we refer to as NBC is less clear. We show that in Susu compound formation (as well as in Mende) the tone associated with the final TBU of a first element (before any other neutralization) is the same as that associated with the first TBU of a second element. There are several analytical viewpoints to consider about this process.

45 We chose to adopt an analysis wherein the final tone of a first element is copied, rather than shared via spreading, to a second element. This possibility is motivated on several grounds. First, a key difference between tone spreading versus copy is that while the former is phonologically conditioned, the latter is morphologically conditioned (Schuh 1978:234). Compound formation is a morphological process; this points to tone copy. Second, according to Hyman (1978:265), boundaries tend to block tonal changes from occurring across them, thus leaving intact the lexical properties of the grammatical unit. This detracts from an analysis where tones spread across morpheme and prosodic boundaries. Leben (1978:193) proposes that one way to address this second complication might be to treat tonal boundaries as autosegments whose association lines need not be isomorphic with segmental (morpheme) boundaries. While we find the treatment of tonal melodies as suprasegmental units within the word domain to be an attractive possibility, we set this aside for now.

46 Another possibility suggested by an anonymous reviewer is to adopt an analysis based on tone markedness, as explored in Creissels & Grégoire (1993) and later refined in Creissels (2009). The premise of this approach is that a language’s marked tone is lexically-specified; other tones are supplied by default after the application of tone spreading rules. As the reviewer points out, Bambara is a well-known yet atypical case of a language with a marked L vs. unmarked H tone system. It has been argued that Bambara’s lexically-assigned, marked L tone spreads within a particular domain under certain conditions, after which H tones are supplied by default; this is offered as an explanation for its distribution of tonal melodies and certain tonal neutralization processes in the language (Creissels 2009:22-39). Furthermore, the reviewer points out that tonal neutralization in Mende could be attributed to an analogous case of marked H tone spreading followed by the insertion of L tones by default. While it may be possible to postulate some variation on this analysis for Susu, this option is not without complications.

47 A pertinent issue in a markedness analysis of Susu lies in the fact that both its tones exhibit characteristics of ‘marked’ tones in other languages. For example, as in Mende, Susu’s H tone spreads (for the sake of arguing this point of view) in compound formation: HH+XX → HH+HL. This is characteristic of the marked H tone in Mende. Recall, however, that L tone will also spread in Susu under certain conditions: LH+XX → LL+HL. This is characteristic of the marked L tone in Bambara. The clarity of such an analysis unfortunately decreases with these conflicting parameters. It may be possible,

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however, to appeal to a marked H analysis for Susu if, when a H tone were to spread in compound formation, it would subsequently delink from its lexically-associated TBU. If this were to occur after default tones had been assigned, it may be plausible that a L tone would spread to fill the newly vacant mora or another supplied by default. A less problematic issue is that the H tone of lexical HL nouns also spreads in compound formation, yet does not appear to delink: HL+XX → HH+LL. This analysis would also suffer from the shortcomings mentioned above concerning the atypicality of non- phonologically-motivated tone spreading and tone spread across a boundary.

48 Another possibility is that NBC is a prosodic process triggered by compounding. If a word’s lexical tonal melody is a property of the prosodic word domain, upon compounding via adjunction, the melody could percolate to a higher prosodic word projection with scope over a larger, yet singular domain. This would, at the least, bypass the issue of boundary crossing and would provide a morphophonological explanation for the tonal process. This would also provide a principled reason why only certain constructions (i.e. those whose elements are dominated by a single prosodic word maximal projection) are subject to the process. Constructions failing to meet this condition (e.g. noun+modifier constructions in (14)) disallow the process. Exploring the extent to which these various analyses apply to Susu will require further research on constructions and words of many additional types.

4.2 Interactions and opacity

49 The application and interaction of tonal processes in Susu, particularly in constructions that permit both NBC and AFF/RAI, present an interesting anomaly. That is, if Susu learners rely on the fact that NBC has occurred to provide evidence that two elements are in a compound relationship, this evidence is obscured by the subsequent application of AFF/RAI. With the exception of compounds whose first element is lexically HH, other compounds (i.e. those whose first element is /LH/ or /HL/ and susceptible to AFF or RAI) result in surface tonal melodies where NBC appears to have underapplied. This is clear in instances like /LH + XX/ → [LL.HL] and /HL + XX/ → [HH.LL] where the surface tone on the final TBU of the first element does not match the tone of the following TBU. Although we have shown that both NBC and AFF/RAI apply transparently, their combined outcome is opaque in that, at the phonetic level, it appears that NBC has not occurred. We proposed above that this opacity may have led to overgeneralization of NBC, resulting in the conflicting surface tonal melodies reported in the literature for some constructions. It is unlikely that overgeneralization would adversely affect /LH+XX/ constructions, as there is still adequate evidence to the learner that the first element is /LH/. The situation is different for /HL+XX/ where the lexical tonal melody of the first element is obscured. This could (over time) lead to the relexicalization of /HL/ words as /HH/.

5. Concluding remarks

50 These findings and data suggest that a systematic exploration into the tonal behavior of a variety of related constructions (e.g. those briefly introduced in Touré 2004) with equally varied input elements must be undertaken to better understand the extent to which each construction does or does not exhibit i) NBC; ii) AFF and RAI; iii) other

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segmental or tonal processes relying on or affected by prosodic or morphosyntactic structure. Because in related languages a sizable majority of constructions can be tonally neutralized (e.g. Dumestre 2003:109-126), it is of typological interest to explore the tonal behavior of related constructions in Susu. Grégoire (1978) has already shown that Susu N+N compounds in which the head noun is a semantic agent have an entirely different tonal behavior compared typical N+N compounds. This suggests, as argued for in other Mande languages, that tonal neutralization processes are dependent on multiple components of a language’s grammar, including its morphosyntax (Bamba 1991; Creissels 1992) and its morphophonology (Green 2010, 2013).

51 These endeavors fit into a larger exploration into the distribution and application of tonal neutralization processes in Mande languages and beyond. It is well-documented that tonal neutralization is characteristic of Manding languages (e.g. Bambara, Malinké, and Dyula), other Central Mande languages (e.g. Susu and Dialonké), and Southwest Mande languages (e.g. Mende, Zialo, Kpelle, Lɔɔma, among others). Recent work reports that analogous processes are found in languages like Tigemaxoo Bozo, a Northwest Mande language (Blecke 2011), and in several Dogon languages (McPherson forthcoming), both of which are spoken in Mali. Although the details are unfolding, one must ask if these processes are, in fact, an areal feature of these language groups in close contact. There is much to be gleaned from work on languages of this area whose tonal systems are underdocumented, among them Kono, Kakabe, Kuranko, Mixifore, Jahanka, and several others.

52 In conclusion, what we have done in this paper is to provide new data on Susu in order to gain insight into the tonal processes that influence the surface tonal melodies found in the language. We have drawn upon earlier data and analyses discussing tone in nominal compounds and have illustrated that the tonal melodies associated with Noun + Modifier constructions, while predictable, are not subject to the same tonal neutralization process observed elsewhere in Susu. This paper, therefore, provides the impetus to explore the extent to which related nominal and verbal constructions follow one or the other of these two patterns, or perhaps a unique pattern of their own. This paper also adds to a growing body of work focused on the role of metrical or prosodic feet in segmental processes and tone assignment in Mande languages (e.g. Bamba 1991; Green 2010, 2013; Green, Davis, Diakite & Baertsch 2012; Leben 2002, 2003; Vydrine 2002, 2010; Weidman & Rose 2006).

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NOTES

1. Data were gathered from a 31 year old native Susu speaker from Conakry, Guinea, over a period of 9 months in the US. The speaker is also fluent in French and Maninka. 2. H and L refer to High and Low tones, respectively. H tone is marked by an acute accent, while L tone is marked by a grave accent, as conventional. Throughout this paper, ‘c’ and ‘j’ refer to the voiceless and voiced palatal affricates, [tʃ] and [dʒ], respectively, while ‘y’ refers to the palatal glide [j]. A list of abbreviations used throughout this paper precedes the References. 3. A somewhat different process, although described as compacité tonale, occurs in Soninke. For different viewpoints on Soninke tone, see Diagana (1990) and Rialland (1990). 4. Some scholars (e.g. Dumestre 2003; Green 2010; Leben 2003) consider the majority of Bambara words to be lexically associated with a H or LH tonal melody, with tonal alternations between LH and L(L) in the latter group being the result of a tone assimilation rule. A second perspective, versions of which are explicated in Creissels & Grégoire (1993) and Creissels (2009), proposes that words are lexically specified only with marked L tones, after which H tones are introduced by default. 5. For more on constructions and phrases that undergo or fail to undergo CT in Bambara, see Dumestre (2003). For complementary proposals on the roles of morphosyntax and prosodic structure on Bambara CT, see Creissels (1988) and Green (2013), respectively. 6. Keita (1989:63) suggests that this outcome stems from a syntactic re-write rule that first affects the second element of the construction, imposing a L tone overlay or removing the lexical tone of the element. After this, the final lexical tone of the first element is able to share/copy. We thank an anonymous reviewer for pointing us towards further evidence from Liberian Kpelle supporting Keita (1989), found in Welmers (1969) and Konoshenko (2011). 7. An anonymous reviewer suggests that Mande tonal neutralization processes can also be analyzed by appealing to bounded spreading of marked tones, as outlined in Creissels & Grégoire (1993) and Creissels (2009). We discuss this further below. 8. Beyond the two neutralization schemas suggested by Houis and Grégoire, Touré (1994, 2004) presents a slightly different perspective on the topic. His account approximates that described by Grégoire closely enough, however, that it does not merit independent discussion. 9. We offer lexical tone melodies for each input element with caution. Underlying tonal melodies are not consistently marked in Touré (1994) and oftentimes do not match those later provided in Touré (2004). In instances where we found a discrepancy between sources, we extrapolated the proposed lexical melody from the overall tonal behavior of the compound in relation to others. 10. A foot refers to a domain or layer in the prosodic hierarchy (e.g. Nespor & Vogel 1986; Selkirk 1984) that immediately dominates the syllable and is immediately dominated by the prosodic word domain. Feet are most typically binary (either bisyllabic or bimoraic, depending on the language) and project a head; left-headed feet are trochees, while right-headed feet are iambs. The head of a foot often relates to metrical or phonological prominence. In Bambara, Leben (2002, 2003) and Green (2010) propose that Bambara feet are maximally disyllabic; however they debate the details of foot headedness. While Green proposes that feet are trochaic in all instances, Leben argues that word headedness is lexically-specified. 11. We thank V. Vydrine (personal communication) for suggesting additional words and word shapes that have influenced this analysis.

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12. We assume that feet are parsed exhaustively. Therefore, degenerate monosyllabic feet result from odd parity inputs. This assumption does not bear in a significant way on the analysis proposed herein. 13. We are aware of words like /kòótáá + mìxíí/ → [kòòtààmíxì] ‘trickster’ (Lit. trick + person) that provide more detail as to the ways that word shapes and tonal processes interact. Here, NBC occurs as expected, copying the final H of the first element to the first TBU of the second element. It appears that Decontouring acts next, removing the LH contour of the first syllable of the first element. As a result, conditions are right for AFF to apply. For example: Input /kòótáá + mìxìì/ → NBC (kòó.táá) + (mí.xì) → Decontouring (kòò.táá) + (mí.xì) → AFF (kòò.tàà) + (mí.xì) → Output [kòòtààmíxì]. 14. One additional possibility relating to Susu tonal feet concerns headedness. If tonal processes in Susu, such as AFF (and its analog RAI), indeed follow a general left-to-right sequence such that the leftmost tone of a foot has the ability to spread, this may offer preliminary evidence suggesting that tonal feet are binary syllabic trochees. 15. Note that Keita (1989ː65) reports free variation between HH.HL and HH.LH for compact forms with a lexically /HL/ first element. These are precisely the competing melodies reported by Houis (1963) and Grégoire (1978). A deeper look at the behavior of Dialonké constructions would be necessary before drawing any conclusions about this state of affairs. 16. A reviewer asks for an explanation of the static, unusual tonal melody of bèlèbélè ‘big.’ It may be that it stems from the adjective being reduplicated, but we cannot say for certain.

ABSTRACTS

Susu, like a number of other Mande languages, displays tonal melody neutralization in some nominal constructions. This paper illustrates that in addition to the lexical tonal melody of input elements playing a key role in the outcomes of neutralization, prosodic structure and interactions between multiple tonal processes are also important factors driving observed surface forms. We present novel data on a wide variety of compounds containing complex word shapes; tonal outcomes in such compounds offer a deeper look at factors influencing neutralization. We posit that tones in Susu nominal compounds are subject to Neutralization-by- Copy, which subsequently interacts with analogous, more generalized processes that further smooth the overall tonal contours of a given word.

Le soussou, comme certaines autres langues mandé, manifeste la neutralisation tonale dans quelques constructions nominales. Cet article cherche à montrer qu’à part le schéma tonal lexical des éléments dont le rôle est principal pour la neutralisation, la structure prosodique et l’interaction entre des nombreux processus tonals sont également des facteurs importants pour la production des formes de surface. Nous présentons de nouveaux données sur la grande variété des mots composés comportant des formes complexes ; les schémas tonales de ces mots composés donnent une vision plus profonde des facteurs qui exercent l’influence sur la neutralisation. Nous supposons que les tons dans les mots composés en soussou subissent la règle de neutralisation par copie, et ensuite ils se soumettent aux processus généraux qui aplatissent les contours tonals des mots.

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В сусу, как и в некоторых других языках манде, имеет место нейтрализация тональных контуров в некоторых именных конструкциях. В статье показано, что на результат нейтрализации и на поверхностные тональные реализации, помимо исходного тона элемента, влияет также просодическая структура и взаимодействие между многочисленными тональными процессами. Мы вводим новые данные по многочисленным типам составных слов, включающих в себя сложные формы; тональные реализации таких сложных слов позволяют более глубоко взглянуть на факторы, обуславливающие нейтрализацию. Мы считаем, что тоны сложных слов в сусу подчиняются правилу нейтрализации через копирование, которое взаимодействует с аналогическими более общими процессами, результатом чего является сглаживание тональных контуров слов.

INDEX

Keywords: Susu, Tone Neutralization, Compounding, Tonal Melody, Tone Interaction Mots-clés: neutralisation tonale, composition, contour tonal, interaction tonale Subjects: soussou motsclesru сусу, тоновая нейтрализация, образование сложных слов, тональный контур, взаимодействие тонов

AUTHORS

CHRISTOPHER R. GREEN University of Maryland-CASL [email protected]

JONATHAN C. ANDERSON Indiana University [email protected]

SAMUEL G. OBENG Indiana University [email protected]

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Les préverbes en kla-dan Preverbs in Kla-Dan Превербы в кла-дан

Nadezda Makeeva

NOTE DE L’AUTEUR

Cette recherche a été effectuée dans le cadre du Projet RGNF № 13-34-01015 « Les systèmes verbaux des langues mandé dans le contexte des recherches typologiques et aréales ». Les données ont été récoltées lors des missions de terrain en Côte-d’Ivoire et en Guinée en 2009-2010. Mon informateur principal a été Kposso Sahi Bamba, originaire du village de Kpoho 1, dont la résidence actuelle se partage entre la ville de Man et le village de Zouzoupleu. Abréviations AOR – aoriste BASE – marque prédicative conjuguée de la série de base CAUS – marque causative DEF – article défini DISTR – marque distributive EXI – marque prédicative conjuguée de la série existentielle FOC – focalisateur GN – groupe nominal IMP – marque prédicative conjuguée de la série impérative INF - infinitif JNT – marque prédicative conjuguée de la série conjointe ; changement de contour tonal du verbe dans les constructions conjointes MPC – marque prédicative conjuguée n – nom NMLZ – marque de la nominalisation de phrase NSBJ – pronom de la série non-subjective NTR – changement de contour tonal du verbe dans les constructions avec la MPC de la

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série existentielle PI – index pronominal PL – pluriel ; marque du pluriel POSS – marque possessive pp – postposition PRF – marque prédicative conjuguée de la série du parfait REF – changement référentiel du ton du nom REFL – pronom réfléchi RETR – marque rétrospective SG – singulier

0.1. Informations extralinguistiques

1 Le kla-dan est une des variétés de la macrolangue dan. Le dan appartient au groupe linguistique mandé-sud (les autres langues de ce groupe sont le mano, le toura, le mwan, le gouro, le yaouré, le wan, le beng et le gban). Le nombre des locuteurs du kla- dan peut être évalué à 25 000 en Côte-d’Ivoire (2001) et 20 000 en Guinée (2012). Les locuteurs du kla-dan habitent dans les quatre régions suivantes : • 25 villages dans la préfecture de Touba, Côte-d’Ivoire : 18 villages à l’ouest de la ville de Touba près de la frontière avec la Guinée et 7 villages au sud et au sud-est de la ville de Touba ; • le village Zouzoupleu dans la préfecture de Biankouma, Côte-d’Ivoire ; • quatre villages en Guinée près de la frontière avec la Côte-d’Ivoire ; • environ 30 villages entre Beyla et Sinko1.

0.2. Informations générales sue le kla-dan

2 Quelques informations préliminaires sur la langue kla-dan. Les traits caractéristiques du système phonologique du kla-dan sont : • la politonalité : quatre niveaux tonaux (ultra-bas, bas, haut, ultra-haut) ; • un système vocalique riche : 10 voyelles orales et 7 voyelles nasalisées ; • l’absence des phonèmes consonantiques nasaux : les consonnes nasales sont des allophones des sonantes orales, des implosives et des consonnes labiovélaires (dans le pied nasalisé /ɓ/ se réalise comme [m] ; /y/ et /w/ ont des allophones [ɲ] ~ [j̰] et [w̰] respectivement, /gb/ et /kp/ ont des allophones [gm] et [km] respectivement, /l/ se réalise comme [n] au début du pied et comme [l◌̰] ~ [r◌̰] au milieu du pied.

3 L’ordre des mots de base dans la proposition verbale est «(S –) Aux – OD – V (– OI pp)» si le verbe est transitif (1, 2) et «(S –) Aux – V (– OI pp)» si le verbe est intransitif (3, 4). S est le sujet (la position du sujet peut être nulle (2, 4)), Aux est la marque prédicative conjuguée (MPC) (la MPC exprime cumulativement les valeurs suivantes : la personne, le nombre, les valeurs TAM et la polarité ; la position de l’Aux peut être nulle à l’impératif 2 sg.), V est le prédicat verbal, OD est le complément d’objet direct, OI est le complément d’objet indirect ou le circonstant, pp est la postposition.

(1) Zɛ̰̀ŋ̋ lṵ̏ wȍ ɓɛ̰̀ yɔ̰̏ɔ̰̏ ɓɯ̰̏ .

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moustique PL 3PL.EXI personne sang boire\NTR

‘Les moustiques sucent le sang de l’homme’.

(2) Yà tőő kà̰ȁ̰ ɓa̋a̋ ká.

3SG.PRF sauce mélanger riz avec

‘Elle a mélangé de la sauce et du riz’.

(3) Zɛ̰̀ŋ̋ lṵ̏ wȍ wlɤ̏-ká lȁŋ̏ɓá ɓlɯ́ ɓȁ̰.

moustique PL 3PL.EXI voler-INF lampe lumière sur

‘Les moustiques volent vers la lumière de la lampe’.

(4) Kȁ dɔ̀ ɓlɤ̏ɤ̏ gɯ́ .

2PL.IMP s’arrêter fil\REF dans

‘Rangez-vous!’

4 Dans un syntagme génitif le nom déterminant précède le nom déterminé (5, 6), tandis que dans un syntagme attributif le déterminant (l’adjectif, le numéral, le déterminatif) suit le nom déterminé (7, 8, 9) :

(5) se̋ gbɛ̰̋

feu fumée

‘la fumée du feu’ ;

(6) Za̰̋ ɓȁ ɓɔ̰́ɓíí

Zan POSS voiture

‘la voiture de Zan’ ;

(7) fi◌̀ŋ́ya◌̀a◌̏ gbe◌̋e◌̏

faute sérieuse

‘une faute sérieuse’ ;

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(8) vɛ̋ɛ̋lɛ̋ sɔ̋ɔ̋lű

verre cinq

‘cinq verres’ ;

(9) lʌ̰́ ɓɛ̰́ɛ̰̏

enfant ce

‘cet enfant’.

1. Les préverbes

5 En kla-dan l’un des modèles les plus productifs de la dérivation verbale est l’attachement d’un élément prépositif d’origine nominale à la base verbale, ce qui modifie, dans la plupart des cas, la valeur de celle-ci. Cet élément nominal sera nommé préverbe.

1.1. Le classement des préverbes

6 Les préverbes se subdivisent en deux groupes.

7 а) Les préverbes homonymiques de postpositions et de noms locatifs dont ils proviennent (les valeurs de ces noms et postpositions sont séparées par une barre oblique) : ɓȁ̰ n ‘surface (verticale)’ / pp ‘sur’ (la surface verticale et la surface extérieure d’un objet), tȁ n ‘surface (horizontale)’ / pp ‘sur’ (la surface horizontale), le̋ n ‘bout, pointe’ / pp ‘devant’, gɯ́ n ‘intérieur’ / pp ‘dans’, gɔ̏ n ‘tête ; sommet’ / pp ‘chez ; pour’. Cependant, il serait erroné de penser que les préverbes sont dérivables à partir de tous les noms relationnels de ce type. Ainsi, ils ne se dérivent pas à partir des noms / postpositions zḭ̀ŋ̏ ‘milieu’ / ‘entre, parmi’, kìèȅ ‘nuque’ / ‘derrière’. D’autre part, les préverbes ne se dérivent pas des postpositions n’ayant pas de noms homonymiques : ká ‘avec’, lɤ̀ ‘dans’, lʌ̏ ‘sous ; pour’, pe̋ ‘aux alentours de ; dans’, tȁȁ-ɓȁ̰ ‘derrière’, sɔ̋ ‘à côté de’, wȕ ‘sous’.

8 b) Les préverbes provenant des noms relationnels qui n’ont pas de postpositions homonymiques : zȍ ‘coeur’, ya̰̋ ‘oeil’, li̋ ‘bouche, ouverture’.

1.2. Le sémantisme des préverbes

9 En ce qui concerne la modification du sémantisme verbal par le préverbe, on distingue quatre cas différents.

10 а) Le préverbe ne modifie pas la valeur du verbe : klȕ ‘attacher’ > ɓȁ̰-klȕ ‘attacher’, pȅ ‘vanner’ > gɯ́ -pȅ ‘vanner’, pɔ̰́ ‘creuser’ > tȁ-pɔ̰́ ‘creuser’.

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11 b) Le préverbe modifie la valeur du verbe, le sémantisme apporté étant celui du nom dont le préverbe est dérivé : kṵ̋ʌ̰̋ʌ̰̋ ‘couper’ > le̋-kṵ̋ʌ̰̋ʌ̰̋ ‘couper’ (litt. couper le bout), yɛ̋ ‘casser’ > gɔ̏-yɛ̋ ‘casser les sommets (des plantes)’ (litt. casser la tête).

12 c) Le préverbe modifie la valeur du verbe en apportant un certain sémantisme abstrait facile à distinguer.

13 Ainsi, le préverbe le̋, à part quelques cas de lexicalisation2, sert de marque causative et se caractérise par une régularité assez forte, en s’employant avec des verbes de toutes les classes syntaxiques – intransitifs, labiles et transitifs : bɤ̏ vi ‘se réveiller’ > le̋-bɤ̏ ‘réveiller’, dȁ vi, vt ‘(se) lever’ > le̋-dȁ ‘lever’, yrɤ̏ɤ̏ vt ‘attacher’ > le̋-yrɤ̏ɤ̏ ‘attacher’. La marque le̋ ne s’emploie pas avec certains verbes hautement transitifs (zʌ̀ ‘tuer’, flɤ̋ɤ̋ ‘battre’, zɔ̰̀ ‘piler’) et certains verbes d’activité mentale, de parole et de perception (dȁ ‘nommer en l’honneur de qn’, gȁ ‘prendre pour (fautivement)’, ɓà̰ ‘entendre ; comprendre’).

14 Parfois la causativisation est accompagnée d’une certaine modification sémantique, par exemple : kɔ̏ ‘refuser’ > le̋-kɔ̏ ‘interdire’, kɯ̰́ ‘attraper’ > le̋-kɯ̰́ ‘transmettre’.

15 La valeur causative peut être apportée aussi par d’autres préverbes, mais beaucoup plus rarement, ex. : ye̋ ‘parler’ > gɯ́ -ye̋ ‘faire sonner’.

16 d) La valeur du lexème verbal dérivé n’est pas sémantiquement additive, elle est idiomatique : sɯ́ ‘prendre’ > li̋-sɯ́ ‘boycotter’, pű ‘ouvrir’ > ɓȁ̰-pű ‘soigner’. Il existe des cas où la combinaison d’un préverbe et d’un verbe fournit deux verbes dérivés homonymiques, de sorte que la valeur de l’un s’avère sémantiquement additive (ou presque), et que la valeur de l’autre est très idiomatique : kɯ̰́ ‘attraper’ > tȁ-kɯ̰́ 1 ‘attacher’, tȁ-kɯ̰́ 2 ‘aider’ ; pȅ ‘vanner’ > gɯ́ -pȅ 1 ‘vanner’, gɯ́ -pȅ 2 ‘peigner’. Parfois les deux valeurs sont idiomatiques : kɯ̰́ ‘attraper’ > ɓȁ̰-kɯ̰́ 1 ‘devenir sérieux’, ɓȁ̰-kɯ̰́ 2 ‘commander’ ; tó ‘rester ; laisser’ > ya̰̋-tó 1 ‘regarder’, ya̰̋-tó 2 ‘attendre’.

1.3. La position des préverbes sur l’échelle de cohésion morphologique3

17 C’est la question la plus intéressante et la plus discutable concernant les préverbes. Elle se complique d’abord par le fait que la notion de clitique (unité accentuellement dépendante) ne s’applique que difficilement aux langues sans accent. Même si on admet une acception plus large pour le clitique, « une unité prosodiquement dépendante », elle ne pourrait pas être appliquée à la langue kla-dan où aucune alternance segmentale ou prosodique n’apparaît à la frontière séparant des morphèmes ou des mots.

1.3.1. La séparabilité des préverbes et le critère sémantico-syntaxique

18 Les préverbes en kla-dan ne sont pas des mots autonomes parce qu’ils ne peuvent former un énoncé minimal, mais ils se caractérisent par une forte capacité à se séparer de la base verbale.

19 Premièrement, un préverbe peut être séparé de la base verbale par la MPC 3 sg. dans une construction intransitive. De fait, il occupe la position de sommet du groupe nominal (GN) sujet, et le sujet original devient l’élément dépendant dans ce GN. Ainsi,

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dans la proposition (10b), le préverbe gɯ́ devient le sommet du GN sujet, et l’ex-sujet, dɯ̀ ɓḭ̏ ‘sorcier’ est son dépendant :

(10a) Dɯ̀ ɓḭ̏ yà gɯ́ -lìèé sɔ̋ɔ̋ gɯ́ .

sorcellerie personne\REF 3SG.PRF intérieur-tourner agouti dans

(10b) Dɯ̀ ɓḭ̏ gɯ́ yà lìèé sɔ̋ɔ̋ gɯ́ .

sorcellerie personne\REF intérieur 3SG.PRF tourner agouti dans

‘Le sorcier s’est transformé en agouti’.

20 Cette transformation syntaxique s’applique à n’importe quelle construction intransitive avec un verbe à préverbe, qu’il s’agisse d’une construction intransitive active ou d’une construction intransitive résultant de la passivisation d’une construction transitive.

21 Le fait que le préverbe devient le sommet du GN sujet est confirmé par l’accord en nombre de la MPC avec le sujet. En (11a) la MPC s’accorde en nombre avec le sujet ayant une marque du pluriel. Dans la proposition résultant de la transformation (11b), la MPC s’accorde avec le préverbe en singulier, tandis que l’accord avec l’ex-sujet en pluriel n’est pas admissible (11c) :

(11а) Lʌ̰́ lṵ̏ wà tȁ-ɓò.

enfant PL 3PL.PRF surface-écarter

(11b) Lʌ̰́ lṵ̏ tȁ yà ɓò.

enfant PL surface 3SG.PRF écarter

(11c) *Lʌ̰́ lu◌̰̏ ta◌̏ wa◌̀ ɓo◌̀.

enfant PL surface 3PL.PRF écarter

‘Les enfants ont été aidés’.

22 Il semble que dans ce cas il ne s’agit plus d’une construction avec le verbe dérivé. Apparemment, la transformation s’applique à la construction où le préverbe fait partie du GN du complément d’objet direct.

23 On pourrait postuler le suivant : chaque verbe à préverbe en kla-dan (ex., tȁ-bò dans 11a) a une construction quasi-homonymique et en même temps synonymique, où le complément d’objet direct comporte un nom homonymique du préverbe, ex. tȁ dans (11d) :

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(11d) Lʌ̰́ lṵ̏ wà tȁ ɓò.

enfant PL 3PL.PRF surface écarter

24 C’est cette dernière construction (11d, plutôt que 11a) qui subit la transformation passive dont le résultat est représenté par l’exemple (11b).

25 Cependant, cette interprétation contredirait aux résultats de l’application du critère sémantico-syntaxique dont il s’agira plus loin.

26 Un autre élément qu’on peut insérer entre le préverbe et la base verbale est le déterminatif-focalisateur lɛ̰̀. Dans ce cas, le focalisateur doit être suivi du pronom non- subjectif 3 sg, ce qui montre que la position du complément d’objet direct est occupée par le pronom anaphorique, tandis que le préverbe (avec le GN qui le précède) occupe la position d’adjoint au groupe verbal4. Le sommet du GN focalisé est le préverbe :

(12а) Gɔ̰̀ yà gȕɤ̏ le̋-wlɯ̀ɯ̋ .

homme 3SG.PRF pierre CAUS-se.lever

‘L’homme a levé une pierre’.

[– Qu’est-ce qu’a fait l’homme? où Qu’est-ce qu’a levé l’homme?]

(12b) Gɔ̰̀ yà gȕɤ̏ le̋ lɛ̰̀ɛ̰̏ wlɯ̀ɯ̋ .

homme 3SG.PRF pierre CAUS FOC>3SG.NSBJ se.lever

‘L’homme a levé une pierre’.

27 Tout comme dans le cas précédent, le préverbe ne se sépare pas simplement de la base verbale mais il obtient l’indépendance syntaxique et se comporte comme un vrai mot. Des traits syntaxiques semblables caractérisent les préfixes verbaux du hongrois. Ils peuvent être séparés du verbe par la marque de négation, déplacés par rapport au verbe pour exprimer l’emphase ou des valeurs aspectuelles, ils révèlent des traits du mot autonome en s’employant comme une réponse affirmative à une question portant sur un verbe à préfixe (Mel’čuk 1997 : 191). Cependant, en raison d’autres facteurs qui sont traditionnellement pris en compte dans les grammaires du hongrois, ces éléments sont considérés comme des préfixes, c’est-à-dire des morphèmes plutôt que des mots autonomes.

28 J’ai testé l’aptitude des préverbes à être séparés de la base verbale par des déterminatifs (lṵ̏ (marque du pluriel), ɓá ‘quelconque ; aussi’, gbà̰ ‘tout, tous’, ɓɛ̰́ɛ̰̋ ‘ce’), des numéraux et des adjectifs (sɛ̰́ɛ̰̋lʌ̰́ ‘petit’, kpíȉ ‘grand’, plʌ̀ʌ́ ‘nombreux’, gbȁŋ̏ ‘grand’, yà ‘mauvais’, kpáȁdʌ̏ ‘mauvais, méchant’, dɤ̋ŋ̋dɤ̏ŋ̏ ‘embêtant ; fixe’, főőfȍ ‘inutile’, ɓe̋ȅ ‘beau’, yéȅsɯ̏ ‘honteux’, kɤ̀ɤ̋lʌ̰́ ‘court’, gbɛ̰̏ɛ̰̏ ‘long, profond’, drɔ̋ɔ̋ ‘long’, gba̋a̋ ‘large’, dȅȅ ‘nouveau’, zìì ‘vieux’, sʌ̏ ‘beau’, gbe̋ȅ ‘difficile’).

29 Il s’est avéré que les préverbes diffèrent fortement dans leur capacité de se séparer de la base verbale par des lexèmes de cette liste. Après la MPC 3 sg. dans la construction

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intransitive, ce sont le focalisateur (suivi du pronom non-subjectif 3 sg.) et le déterminant ɓá ‘certain ; autre’ qui s’insèrent le plus facilement. Autrement dit, si le préverbe ne peut pas être séparé d’un verbe par ces deux déterminatifs, il ne peut en être séparé que par la MPC dans la construction intransitive. Apparemment, il n’est pas possible qu’un préverbe puisse être séparé par le focalisateur sans qu’il puisse être séparé par le déterminatif ɓá, et vice versa. En ce qui concerne les adjectifs, on n’arrive à construire aucune hiérarchie : pour chaque verbe à préfixe, on obtient une autre liste d’adjectifs pouvant être intercalés entre le préverbe et la base verbale, et il s’avère difficile d’y trouver des règles. Considérons quelques exemples.

30 Les constituants du verbe le̋-tà ‘terminer’ (13а) ne peuvent être séparés que par la MPC 3 sg. (13b), aucun des déterminatifs et aucun des adjectifs ne peut être placé après le préverbe (13c) :

(13а) Yà ȁ yɛ̀ le̋-tà.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail bout-fermer

‘Il a terminé le travail’.

(13b) A◌̏ yɛ̀ le̋ yà tà.

3SG.NSBJ travail bout 3SG.PRF fermer

‘Le travail est terminé’.

(13c) *Ya◌̀ a◌̏ yɛ̀ le◌̋

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail bout

ɓá/lɛ̰̀ɛ̰̏/gbà̰/sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́/plʌ̀ʌ́ ta◌̀.

quelconque/FOC>3SG.NSBJ/tous/petit/nombreux fermer

31 En même temps le verbe le̋-yȍȍ ‘terminer’ (14а), synonyme du verbe le̋-tà, admet, à côté du MPC 3sg. (14b), aussi des déterminatifs et des adjectifs : ɓá ‘quelconque’ (14c), gba ̰̀ ‘tous’ (14d), s ɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ ‘petit’ (14e) :

(14а) Lɤ́ŋ̏ zȍ ɓḭ̏ lṵ̏ wà lɤ́ŋ̏ zȍ sɯ̏ le̋-yȍȍ.

balle jeter personne\REF PL 3PL.PRF balle jeter NMLZ bout-arriver

‘Les footballeurs ont terminé le match’.

(14b) Lɤ́ŋ̏ zȍ sɯ̏ le̋ yà yȍȍ.

balle jeter NMLZ bout 3SG.PRF arriver

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‘Le match est terminé’.

(14c) Lɤ́ŋ̏ zȍ ɓḭ̏ lṵ̏ wà lɤ́ŋ̏ zȍ sɯ̏ le̋

balle jeter personne\REF PL 3PL.PRF balle jeter NMLZ bout

ɓá yȍȍ.

quelconque arriver

‘Les footballeurs ont cessé le match pour peu de temps’.

(14d) Lɤ́ŋ̏ zȍ ɓḭ̏ lṵ̏ wà lɤ́ŋ̏ zȍ sɯ̏ le̋

balle jeter personne\REF PL 3PL.PRF balle jeter NMLZ bout

gba◌̰̀ yȍȍ.

tous arriver

‘Les footballeurs ont terminé tous les matchs’.

(14e) Lɤ́ŋ̏ zȍ ɓḭ̏ lṵ̏ wà lɤ́ŋ̏ zȍ sɯ̏ le̋

balle jeter personne\REF PL 3PL.PRF balle jeter NMLZ bout

sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ yȍȍ.

petit arriver

‘Des footballeurs ont cessé le match pour peu de temps’.

32 La séparabilité variable des préverbes rappelle beaucoup le comportement des verbes composés en bambara décrit dans (Dumestre 1987). En bambara il existe un modèle de dérivation des verbes par composition des bases verbales avec des bases nominales désignant dans la plupart des cas des parties du corps. Pour distinguer entre les syntagmes constitués d’un nom (en fonction du complément d’objet direct) et un verbe, d’une part, et les verbes composés, d’autre part, l’auteur utilise le critère de la séparabilité par la marque prédicative má de l’accompli négatif, la marque d’inactuel tŭn, le relativisateur mín` et l’adverbe prépositif sɛ̀bɛ̀kɔ́rɔ́ ‘beaucoup, sérieusement, fortement’. Il s’avère que la classe des verbes composés de ce type n’est pas homogène. Il y a parmi eux des verbes qui ne peuvent être séparés par aucun des éléments en question. Il y a aussi des verbes (les plus nombreux) qui ne peuvent être séparés que par les marques má, tŭn et mín. Enfin, pour un grand nombre des verbes, tous les éléments en question peuvent être placés après un constituant nominal comme devant un ensemble verbal. Dumestre décide de considérer la possibilité de poser l’adverbe

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sɛ̀bɛ̀kɔ́rɔ́ devant un ensemble N-V comme un critère suffisant, de sorte que même s’il peut être intercalé aussi entre les constituants de cet ensemble, la séquence N-V est considérée tout de même comme un verbe composé (Dumestre 1987).

33 Selon Dumestre, la fluctuation et la variété des résultats des tests de la séparabilité (qui varient aussi d’un locuteur à l’autre) reflètent le processus historique de l’évolution des constructions libres constituées d’un verbe et de son complément d’objet direct vers des verbes composés.

34 Malgré leur forte autonomie par rapport aux bases verbales en kla-dan, les préverbes ont une cohérence sémantique avec ces derniers. Cette cohérence se manifeste dans le fait que les déterminatifs et les adjectifs intercalés entre le préverbe et le verbe déterminent souvent l’ensemble verbal tout entier tout en acquérant des valeurs circonstancielles. Ce phénomène a été attesté premièrement en dan-gwèètaa ou◌̀ un tel attribut porte toujours sur le complexe verbal entier et jamais sur le GN qui précède le préverbe, ce qui témoigne de l’intégration sémantico-syntaxique du préverbe dans le verbe (Vydrine 2009).

35 Cependant, si on applique le critère sémantico-syntaxique aux données du kla-dan, ce critère manifeste ses limites. Si un adjectif ou un déterminatif se trouvent entre un préverbe et une base verbale, le domaine de sa portée peut varier : a. l’adjectif / le déterminatif détermine le préverbe, qui dans ce cas est interprété d’habitude comme désignant la partie de l’objet exprimé par le complément d’objet direct ; b. l’adjectif / le déterminatif détermine l’ensemble verbal tout entier, en acquérant une valeur circonstancielle.

36 Dans le cas (a) on pourrait considérer qu’il s’agit d’un nom locatif faisant partie du groupe du complément d’objet direct et homonymique du préverbe (15), tandis que dans le cas (b), l’élément en question fait partie du verbe (16).

(15) Ya◌̀ wɤ̀ŋ́ le◌̋ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ ku◌̰̋ʌ̰̋ʌ̰.̋

3SG.PRF pilon bout petit couper

‘Il a coupé un petit bout du pilon’ (cf. le̋-kṵ̋ʌ̰̋ʌ̰̋ ‘tailler’).

(16) Se◌̏ɓe◌̏ ya◌̀ ɓȁ̰ȁ̰ zʌ̀ gble◌̏e◌̏ gɯ́ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ ga◌̰̋.

Sébé 3SG.PRF oiseau tuer caoutchouc intérieur petit tirer

‘Sébé a bandé doucement le lance-pierre’ (gɯ́ -ga̰̋ ‘tirer’).

37 On trouve cependant des cas où certains adjectifs ou déterminatifs déterminent le préverbe (17b), tandis que certains autres adjectifs ou déterminatifs déterminent l’ensemble verbal (17c) :

(17а) Yà ȁ ɓáálá gɔ̏-dɔ̀.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail tête-placer

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‘Il a terminé le travail’.

(17b) Yà ȁ ɓáálá gɔ̏ dɤ̋ŋ̋dɤ̏ŋ̏ dɔ̀.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail tête difficile placer

‘Il a terminé une partie difficile du travail’.

(17c) Yà ȁ ɓáálá gɔ̏ kɤ̀ɤ̋lʌ̰́ dɔ̀.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail tête court placer

‘Il a vite terminé le travail’.

38 Même s’il s’agit d’un seul adjectif, sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ ‘petit’, qui peut être intercalé entre le préverbe et la base verbale plus facilement que tous les autres, on se confronte à une situation assez complexe. D’abord dans certains cas il y a des raisons de supposer que la valeur « une petite partie » portant sur le GN complément d’objet direct, est porté par la valeur atténuative marquant le complexe verbal. Cette supposition est confirmée par le fait qu’un effet identique, c’est-à-dire la propagation de la valeur atténuative du verbe sur le complément d’objet direct – se révèle dans le cas où l’adjectif sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ se trouve dans la position postverbale. Dans cette position il fonctionne comme un adverbe et porte sur le verbe. Comparons les propositions synonymiques où sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ se trouve après le préverbe (18a, 19a) ou dans la position postverbale (18b, 19b) :

(18а) Yà ȁ ɓáálá gɔ̏ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ dɔ̀.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail tête petit placer

(18b) Yà ȁ ɓáálá gɔ̏-dɔ̀ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́.

3SG.PRF 3SG.NSBJ travail tête-placer un.peu

‘Il a terminé une petite partie de son travail’.

(19a) Lè dò yà ȁ ɓʌ̀ŋ́ tȁ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ kɯ̰́

femme un 3SG.PRF 3SG.NSBJ enfant surface petit attraper

ȁ tȁȁ lɤ̀.

3SG.NSBJ dos dans

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(19b) Lè dò yà ȁ ɓʌ̀ŋ́ tȁ-kɯ̰́ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́

femme un 3SG.PRF 3SG.NSBJ enfant surface-attraper un.peu

ȁ tȁȁ lɤ̀.

3SG.NSBJ dos dans

39 ‘Une femme a attaché légèrement son enfant au dos (de sorte qu’une petite partie de son corps est couvert par le pagne)’.

40 Deuxièmement, il existe des cas où l’adjectif sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ peut déterminer soit le préverbe, soit l’ensemble verbal tout entier, de sorte que deux interprétations s’avèrent possibles. C’est le cas de certains verbes à préverbe li̋ : li̋-ga̰̋ ‘fermer (incomplètement)’, li̋-yɔ̰̏ɔ̰̏ ‘fermer (incomplètement)’, li̋-tà ‘fermer’ :

(20) Kpɔ̋sɔ̋ yà kűɛ̋ɛ̋ li̋ sɛ̰̀ɛ̰̋lʌ̰́ ga̰̋.

Kposso 3SG.PRF porte ouverture petit tirer

(a) ‘Kposso a fermé une petite porte’, (b) ‘Kposso a fermé la porte un peu’.

41 Tous ces faits font penser qu’une séquence de deux constituants peut représenter deux constructions homonymiques : (a) un nom faisant partie d’un complément d’objet direct + un verbe, et (b) un verbe à préverbe.

1.3.2. Des critères morphologiques

42 Outre la cohérence sémantique, les préverbes en kla-dan se caractérisent par une forte cohésion morphologique avec la base verbale, ce qui se manifeste dans les deux phénomènes suivants. • Le verbe à préverbe peut se soumettre à une réduplication à valeur distributive, ainsi : ɓȁ̰- kpɔ́ ‘contourner’ → ɓȁ̰-kpɔ́kpɔ́, ɓȁ̰kpɔ́-ɓȁ̰kpɔ́, ɓȁ̰ɓȁ̰-kpɔ́ ; gɯ́ -kɯ̰́ ‘faire mal’ → gɯ́ -kɯ̰́ kɯ̰́ , gɯ́ kɯ̰́ -gɯ́ kɯ̰́ , gɯ́ gɯ́ -kɯ̰́ ; le̋-zȍ ‘repousser’ → le̋-zȍzȍ, le̋zȍ-le̋zȍ, le̋le̋-zȍ. L’aptitude à un redoublement complet témoigne du degré élevé de la cohésion entre les deux constituants de l’ensemble verbal.

(21) Ya◌̀ ki◌́a◌́a◌̏ lṵ̏ le̋-pɤ̏pɤ̏/le̋pɤ̏-le̋pɤ̏/le̋le̋-pɤ̏.

3SG.PRF assiette PL laisser.tomber~DISTR

‘Il a laissé tomber quelques assiettes l’une après l’autre’ (le̋ ‘bout’, pɤ̏ ‘tomber’).

(22) Ɓɛ̰̀ lṵ̏ wa◌̀ zo◌̏-bɤ̏bɤ̏/zo◌̏bɤ̏-zo◌̏bɤ̏/zo◌̏zo◌̏-bɤ̏ to◌̀o◌̀tȁ̰ȁ̰ lṵ̏ ka◌́.

homme PL 3PL.PRF se.souvenir~DISTR histoire PL с

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‘Chaque homme s’est souvenu de quelques histoires’ (zȍ ‘coeur’, bɤ̏ ‘se réveiller’).

43 La marque causative le̋ (elle aussi un préverbe, plus grammaticalisé que les autres préverbes) précède le préverbe, ce qui témoigne d’un degré assez élevé de la cohérence du préverbe avec la base verbale :

(23) Dɯ̀ ɓḭ̏ dò yà ȁ

sorcellerie personne\REF un 3SG.PRF 3SG.NSBJ

le̋-gɯ́ -lìèé ɓɔ̰̏ lʌ̰́ gɯ́ .

CAUS-intérieur-tourner souris enfant dans

‘Un sorcier l’a transformé en souris’.

44 Cela nous permet de postuler deux critères morphologiques permettant de distinguer entre les verbes à préverbes et les séquences homonymiques « nom + verbe » : • Critère de redoublement

45 Si la séquence des constituants nominal et verbal peut subir intégralement un redoublement à valeur distributive, alors le constituant nominal de cette séquence est un préverbe. Sinon, c’est un nom faisant partie du complément d’objet direct. • Critère de marque causative

46 Si la marque causative prend place devant le constituant nominal, alors ce constituant doit être considéré comme un préverbe. Sinon, c’est un nom faisant partie du complément d’objet direct.

47 Nous poserons que l’applicabilité d’un seul critère morphologique (soit « le critère du redoublement », soit « le critère du causatif ») est suffisant pour considérer l’élément nominal comme un préverbe.

48 Ainsi les critères morphologiques permettent d’établir l’existence d’un verbe à préverbe, tandis que le critère sémantico-syntaxique peut mettre au jour l’existence d’une construction homonymique où le constituant nominal fait partie du GN complément d’objet direct.

2. Caractéristiques des formes redoublées des verbes à préverbe

49 Des formes redoublées des verbes à préverbes ont certaines caractéristiques spécifiques. Premièrement, si l’ensemble « préverbe + base verbale » ou seul le préverbe est redoublé, la transposition du préverbe dans la position devant la MPC est impossible.

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50 Deuxièmement, des contextes distributifs5 différents manifestent une tolérance inégale envers la forme à préverbe redoublé. En outre, dans des contextes pareils la probabilité de l’admissibilité de cette forme varie en fonction du verbe. Dans les exemples suivants, le GN complément d’objet direct contient un numéral. Alors que dans les exemples (24) et (25) la forme à préverbe redoublé est admissible, dans les exemples (26) et (27) elle n’est pas possible. Ce fait ne dépend pas du caractère animé ou inanimé du complément d’objet direct, cf. (24) et (26), (25) et (27).

(24) Yà lʌ̰́ yȁȁgà tȁ-ɓòɓò/tȁɓò-tȁɓò/tȁtȁ-ɓò

3SG.PRF enfant trois sur-effectuer~DISTR

‘Il a aidé trois enfants l’un après l’autre’.

(25) Yà gì◌̰ɛ̰̀ŋ́sɔ̏ yȁȁgà gɯ́ -dà̰da/g̰̀ ɯ́ da-g̰̀ ɯ́ da/̰̀ gɯ́ gɯ́ -dà̰

3SG.PRF pantalon trois dans-essayer~DISTR

‘Il a essayé trois pantalons l’un après l’autre’.

(26) Wɔ̰́ yà kʌ̀ ɓḭ̏ yà ɓɛ̰̀ kɔ̏ŋ̏ dò

affaire mauvais faire homme\REF 3SG.PRF homme dizaine un

ɓȁ̰-gi◌̏i◌̏gi◌̏i◌̏/ɓȁ̰gi◌̏i◌̏- ɓȁ̰gi◌̏i◌̏/*ɓȁ̰ɓȁ̰- gi◌̏i◌̏

sur-blesser~DISTR

‘Un méchant a blessé dix personnes l’une après l’autre’.

(27) Sȉgí yà wɔ̰́ yȁȁgà le◌̋-ta◌̀ta◌̀/le◌̋ta◌̀-le◌̋ta◌̀/*le◌̋le◌̋-ta◌̀

Sigi 3SG.PRF affaire trois devant-fermer~DISTR

‘Sigi a terminé trois affaires l’une après l’autre’.

51 Cependant il existe un contexte où la probabilité de l’emploi de cette forme est maximale. C’est une construction où le GN occupant la position la moins privilégiée dans la hiérarchie des unités syntaxiques6 contient la marque du pluriel lṵ̏ :

(28а) Ŋ̀ gà lʌ̰́ plɛ̏ le̋-gȉȅgȉȅ/le̋gȉȅ-le̋gȉȅ/le̋le̋-gȉȅ pɔ̏ŋ̏ lṵ̏ tȁ.

1SG.EXI RETR enfant deux faire.passer\NTR~DISTR pont PL sur

‘J’ai mené deux enfants par chaque pont’ (le̋ ‘bout’, gìè ‘passer’).

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(28b) Ŋ̀ gà lʌ̰́ lṵ̏ le̋-gȉȅgȉȅ/le̋gȉȅ-le̋gȉȅ/*le̋le̋-gȉȅ pɔ̏ŋ̏ plɛ̏ tȁ.

1SG.EXI RETR enfant PL faire.passer\NTR~DISTR pont deux sur

‘J’ai mené chaque enfant par deux ponts’.

52 Dans les propositions (28а) et (28b) le GN le moins privilégié dans la hiérarchie des unités syntaxiques est le GN circonstant (suivi de la postposition tȁ ‘sur’). Dans la première proposition, ce GN contient la marque du pluriel lṵ̏, et les trois types de redoublement sont admissibles : réduplication de la base verbale, du verbe à préverbe, du préverbe seul. Dans la deuxième proposition, le GN circonstant contient le numéral plɛ̏ ‘deux’, et conséquemment la réduplication du préverbe seul n’est plus possible.

3. Préverbes dans d’autres langues mandé

53 Les préverbes qui modifient la valeur du verbe existent dans la plupart des langues mandé. Malgré la grande distance entre les branches les plus éloignées de la famille, la logique de l’apparence des préverbes semble être la même dans toutes ces langues : ils sont liés étymologiquement à des noms à valeur locative et peut-être aux postpositions (Vydrine 2009 : 75). Cependant, dans les différentes langues de la famille, ils ont atteint des niveaux différents de grammaticalisation et diffèrent beaucoup en ce qui concerne leur statut.

54 Dans les langues mandingues la grammaticalisation des préverbes a atteint un degré assez avancé. Ce sont des morphèmes liés. En bambara il y a deux préverbes lá- et ma-̌ , homonymiques aux postpositions correspondantes (Dumestre 1981 : 51-56). Les préverbes ne peuvent pas être séparés de la base verbale. Le préverbe lá- est un moyen dérivatif et exprime une valeur factitive, intentionnelle : bálo ‘vivre’ → lábalo ‘élever, éduquer, faire vivre’, búgun ‘croître’ → lábugun ‘faire gonfler, faire croître’ (Dumestre 1981 : 51-56). En même temps, il existe un grand nombre de cas de lexicalisation où les verbes dérivés ont une valeur idiomatisée qui n’est pas déductible du sémantisme de la base verbale produisante et du préverbe : mìnɛ ‘attraper’ → lámìnɛ ‘répondre à une salutation’ ; tìgɛ ‘couper’ → látìgɛ ‘réaliser’. En rapport avec cela, les verbes dérivés en lá- s’avèrent parfois polysémiques en combinant parmi leurs valeurs une valeur compositionnelle et une valeur idiomatisée. Cette situation rappelle la dérivation verbale de préverbe le̋ en kla-dan : ce préverbe, d’une part, sert de moyen de dérivation des verbes causatifs et, d’autre part, sert à dériver des lexèmes verbaux dont la valeur n’est pas additionnelle du point de vue sémantique. De plus il est évident que le préverbe le̋ a adopté une nouvelle valeur sous l’influence des langues mandingues : d’une part, le kla-dan se trouve dans la zone d’influence des langues mandingues, d’autre part, dans d’autres langues mandé-sud il n’existe pas de causatif morphologique préfixal7. La dérivation verbale en ma-̌ est beaucoup plus limitée en bambara, avec une valeur de volonté, d’intentionnalité, de participation volontaire à une action (Dumestre 1981).

55 En diallonké, qui appartient à la branche occidentale des langues mandé, les préverbes, tout comme dans les langues mandingues, ne peuvent pas être séparés de la base verbale. De plus, ils subissent des alternations segmentales à la limite du préverbe et de

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la base verbale8. Tout comme en bambara, les préverbes en diallonké n’ont pas de noms homonymiques, cependant, il y a des postpositions homonymiques des préverbes qui se caractérisent par un comportement tonal différent (Keita 1989).

56 Dans les langues mandé-sud et sud-ouest la situation est totalement différente. Ici les préverbes coexistent avec des noms et des postpositions homonymiques. Ils peuvent être séparés de la base verbale malgré leur cohésion sémantique avec elle.

57 Une forte autonomie par rapport à la base verbale est un trait marquant des préverbes dans les langues dan. En dan-gwèèta il existe des critères morphologiques semblables à ceux de kla-dan. Mais, contrairement au kla-dan, le critère sémantico-syntaxique s’applique d’une façon plus conséquente : les adjectifs et les déterminatifs intercalés entre le préverbe et la base verbale déterminent toujours le complexe verbal entier (et jamais le complément d’objet direct) en acquérant des valeurs circonstantielles :

(dan-gwèètaa)

(29а) Gbȁtȍ yà ɤ̄ ɓā ɗēbʌ̏ tȁ-kṵ́.

Gbato 3SG.PRF 3SG.REFL POSS femme surface-attraper

‘Gbato a aidé sa femme’.

(29b) Gbȁtȍ yà ɤ̄ ɓā ɗēbʌ̏ tȁ wɛ̋ɛ̋ ɓá

Gbato 3SG.PRF 3SG.REFL POSS femme surface autre certain

kṵ́.

attraper

‘Gbato a aidé sa femme encore une fois’.

(29c) Gbȁtȍ yà ɤ̄ ɓā ɗēbʌ̏ tȁ sɛ̰̄ɛ̰̋ɗʌ̰́ kṵ́.

Gbato 3SG.PRF 3SG.REFL POSS femme surface petit attraper

‘Gbato a aidé un peu sa femme’. (Vydrine 2009 : 77-78)

58 Conséquemment, Vydrine propose de considérer le préverbe en dan-gwèètaa faisant partie d’une forme verbale analytique se caractérisant par un haut niveau de séparabilité (Vydrine 2009).

59 En looma où les préverbes représentent le moyen le plus productif de la dérivation verbale, ils peuvent être séparés du verbe par des marques prédicatives, mais ils ne peuvent pas avoir les déterminatifs et les attributs. Une tentative d’insérer des attributs amène à la désintégration du verbe dérivé, de sorte que le constituant nominal s’interprète comme un nom locatif :

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(looma)

(30a) Gè máá ɣílínì.

1SG.BASE 3SG.PI.surface attacher.AOR

‘Je l’ai habillé’.

(30b) Gè máá wóláy ɣílíni.

1SG.BASE 3SG.PI.surface être.grand.DEF attacher.AOR

???‘J’ai lié sa grande surface’. (Michschenko 2012 : 29)

2. Verbes composés

60 Il existe en kla-dan un grand nombre de verbes composés issus de la combinaison des compléments d’objet direct avec les verbes. Le constituant nominal exprime la valeur essentielle tandis que le constituant verbal est désémantisé. Parmi ces constituants nominaux, certains n’existent pas comme des lexèmes autonomes (par exemple, lȍ dans lȍ-ɓò ‘convoquer’). Voici les bases verbales désémantisées les plus fréquentes : ɓò ‘enlever ; porter ( pantalon, chaussure) ; effectuer’, zʌ̀ ‘battre ; tuer’, bɔ̀ ‘envoyer ; cultiver ; tisser’. Ex. : sʌ́ʌ̏-ɓò ‘se fatiguer’, lìàŋ́-zʌ̀ ‘parler’, gbő-bɔ̀ ‘pleurer’.

61 Les modalités des verbes composés n’ont pas encore été sujet d’une étude approfondie, mais on peut supposer que leurs propriétés sont analogues à celles des verbes dérivés à préverbes : le constituant nominal peut être redoublé avec le constituant verbal (31), et la marque causative précède le constituant nominal (32) :

(31) Pɤ́ dʌ̀ lṵ̏ wà lìàŋ́-zʌ̀zʌ̀/lìàŋ́zʌ̀-lìàŋ́zʌ̀/lìàŋ́lìàŋ́-zʌ̀.

village père PL 3PL.PRF parole-battre~DISTR

‘Les vieux du village ont pris la parole (ont parlé) l’un après l’autre’.

(32) Tòòtȁ̰ȁ̰ ɓɛ̰́ɛ◌̰̏ yȅ kà ŋ̀ le̋-ye̋e̋-tȍ plʌ̀ʌ́.

histoire ce 3SG.EXI RETR 1SG.NSBJ CAUS-rire-laisser\NTR beaucoup

‘Cette histoire m’a beaucoup fait rire’.

62 Le constituant nominal peut être aussi séparé du constituant verbal par un déterminatif ou un adjectif :

(33) Yȅ kà ta̋ ɓá sɯ̏ yèlɛ̰̀ yá lɛ̰̏kʌ̀

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3SG.EXI RETR marche certain prendre\NTR puis 3SG.JNT douleur

ɓà̰ ȁ gḭ̏ɛ̰̏ gɯ́ .

sentir\JNT 3SG.NSBJ pied dans

‘Elle a fait quelques pas et a senti la douleur dans ses pieds’ (ta̋-sɯ́ ‘marcher’).

BIBLIOGRAPHIE

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VYDRINE Valentin, 2009, Выдрин В.Ф. Превербы в языке дан-гуэта. Вопросы языкознания, 2. С. 75-84. [Vydrine Valentin, 2009, « Préverbes en dan-gwèètaa », Voprosy jazykoznanija 2, pp. 75-84.]

NOTES

1. Artem Davydov, communication personnelle. 2. Ex. : dà̰ȁ̰ ‘apprendre’ > le̋-dà̰ȁ̰ ‘bercer (un enfant), jouer (avec un enfant)’, sɯ́ ‘prendre’ > le◌̋- sɯ́ 1 ‘boycotter’, 2 ‘trébucher’. 3. Le terme «échelle de cohésion morphologique» est utilisé dans le sens de Plungian (Plungian 2003 : 32) : des unités de la langue constituent un continuum dont un pôle est occupé des mots autonomes capables de constituer des énoncés complets minimaux et l’autre pôle est occupé par des morphèmes liés non-autonomes. 4. Sur les stratégies communicatives en kla-dan cf. (Makeeva 2013). 5. La valeur principale de la forme verbale redoublée est distributive. En fonction de la valeur lexicale d’un verbe et du contexte grammatical (valeur aspecto-temporelle d’une construction, nombre des GN dans une proposition, interprétation numérique des GN dans une proposition et autres) elle peut exprimer également les sens dispersif, multiplicatif, intensif et autres. Nous entendons par contexte distributif le contexte grammatical qui permet d’interpréter une forme redoublée comme ayant une valeur distributive. La présence d’au moins un GN à valeur plurielle dans la phrase est suffisante pour l’interprétation distributive du verbe redoublé. Mais le type d’interprétation distributive dépend du nombre des GN dans une proposition et des marques de nombre qu’ils contiennent : marque du pluriel, numéraux. Pour une description détaillée du redoublement du verbe cf. (Makeeva 2009, Makeeva 2012). 6. La hiérarchie des unités syntaxiques est une hiérarchie : «sujet > complément d’objet direct > complément d’objet indirect > autres», utilisée dans la détermination de la diathèse dans (Testelets 2001 : 413). 7. Un causatif morphologique existe en gban où il est exprimé par un suffixe (Maxime Fedotov, communication personnelle). 8. Au niveau tonal, la présence des préverbes entraîne l’application de lois tonales particulières : ils imposent la même tonalité à la base verbale quelle que soit sa tonalité inhérente (Keita 1989 : 74).

RÉSUMÉS

En kla-dan l’un des modèles les plus productifs de la dérivation verbale est l’attachement d’un élément prépositif d’origine nominale, un préverbe, à la base verbale. Les préverbes se caractérisent par une forte capacité à se séparer de la base verbale et se comporter comme un

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vrai mot. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver des critères formels qui permettent de distinguer entre les verbes à préverbes et les séquences homonymiques « nom + verbe ». Deux critères morphologiques peuvent être proposés : - Critère de redoublement Si la séquence des constituants nominal et verbal peut subir intégralement un redoublement à valeur distributive, alors le constituant nominal de cette séquence est un préverbe. Sinon, c’est un nom faisant partie du complément d’objet direct. - Critère de marque causative Si la marque causative apparaît devant le constituant nominal, ce constituant doit être considéré comme un préverbe. Sinon, c’est un nom faisant partie du complément d’objet direct. L’applicabilité d’un seul critère morphologique (soit « le critère du redoublement », soit « le critère du causatif ») est suffisant pour considérer l’élément nominal comme un préverbe.

Among the most productive models of the verbal derivation in Kla-Dan is an attachment of a prepositive element of nominal origin, i.e. a preverb, to the verbal base. The preverbs can be detached easily from the verbal base, and then they behave as a true word. For this reason, it is important to detect formal criteria that would allow to distinguish between verbs with preverbs and sequences “noun + verb”. Two morphological criteria can be suggested: - The criterion of reduplication If a sequence of nominal and a verbal roots can undergo together a reduplication (with the meaning of distribution), then the nominal constituent is a preverb. Otherwise, it is a noun which is a part of the direct object NP. - The criterion of the causative marker If the causative marker appears before the nominal element, the latter is a preverb. otherwise, it is a part of the direct object NP. If at least one of these morphological criteria is applicable, the nominal element can be regarded as a preverb.

В кла-дан одной из наиболее продуктивных стратегий глагольной деривации является присоединение к глагольной основе препозитивного элемента именной природы, т.е. преверба. Превербы характеризуются сильной отделимостью от глагольной основы, в этом отношении они ведут себя подобно автономным словам. Поэтому необходимо найти формальные критерии, которые позволили бы отличать глаголы с превербами от омонимичных им последовательностей «существительное + глагол». Можно предложить два морфологических критерия: - Критерий редупликации Если последовательность, состоящая из именного и глагольного компонента, подвергается целиком редупликации с дистрибутивным значением, именной компонент является превербом. В ином случае он входит в именную группу прямого дополнения. - Критерий присоединения каузативного показателя Если каузативный показатель помещается перед именным элементом, этот элемент следует считать превербом. В ином случае он входит в ИГ прямого дополнения. Применимость хотя бы одного из этих критериев достаточно для того, чтобы считать именной элемент превербом.

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INDEX

Mots-clés : préverbe, verbes composés, échelle de cohésion morphologique motsclesru преверб, сложные глаголы, линейно-синтагматический континуум, кла- дан, языки манде Thèmes : kla-dan, langues mandé Keywords : Preverb, Compound Verbs, Cline of Morphological Cohesion, Kla-Dan, Mande Languages

AUTEUR

NADEZDA MAKEEVA Institut de linguistique, Moscou [email protected]

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L’espace déictique dans la langue mwan Deictic space in the Mwan language Дейктическое пространство в языке муан

Elena Perekhvalskaya

NOTE DE L’AUTEUR

Cette recherche a été effectuée dans le cadre du Projet НШ-575.2012.6 (Programme présidentiel à l'appui des écoles scientifiques de premier plan « Ecole de linguistique générale Yu. S. Maslow ») et du Projet RGNF № 13-34-01015 « Les systèmes verbaux des langues mandé dans le contexte des recherches typologiques et aréales ». Abréviations 1PL = 1e personne du pluriel 1SG = 1e personne du singulier 2PL = 2e personne du pluriel 2SG = 2e personne du singulier 3PL = 3e personne du pluriel 3SG = 3e personne du singulier ANAPH = pronom anaphorique ART = article défini CONJ = conjonctif COP = copule DAT = postposition à valeur dative E = exemple elicié EMPH = pronom de série emphatique EXCL = exclusif FOC = marqueur de focus FUT = futur

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GER = nom verbal GN = groupe nominal HAB = habituel INS = postposition à valeur instrumentale N = exemple naturel NEG = négation NSBJ = pronom de série non-sujet PL = pluriel POSS = pronom de série possessive PREF = préfixe PRF = perfectif PROG = progressif Q = particule de question REL = relativisateur SPN = supin

« Toute langue nous permet de conceptualiser l’espace qui nous entoure et de communiquer quelque chose sur lui » (Wassmann, Dasen 1998, 689).

1 Le centre des axes de coordonnées de l’espace linguistique est un acte de parole. « Dans toutes les langues naturelles, sans exception, les coordonnées linguistiques des faits sont données par rapport aux Lieu et Temps de l’acte de parole en d’autres termes — par rapport à « ici » et « maintenant » (et, finalement, par rapport à « moi ») » (Mel’chuk 1998, II : 47).

2 Le Locuteur est placé dans l’espace du discours. Les principaux paramètres déictiques de l’acte de parole sont le « moi – ici – maintenant », nommé par Kasevich « la triade déictique de base » (Kasevich 1996 : 225). Suivant Espersen, Jakobson les a appelés « les mots-shifteurs ». La valeur de ces mots change avec chaque nouvel acte de parole, parce que chaque acte de parole a son propre, unique « moi », « ici » et « maintenant » (Jakobson 1971).

3 Dans cet article nous nous intéressons avant tout à « ici ». C’est le point de repère qui indique l’endroit où l’acte de la parole se produit et précise l’emplacement du Locuteur. Le Locuteur est placé au centre de l’espace, il représente le point à partir duquel l’espace déictique est mesuré.

L’espace déictique dans les langues du monde

4 Les coordonnées linguistiques sont inexactes (« diffuses ») — les catégories de langue n’expriment jamais des valeurs exactes. La langue « est généralement basée sur des concepts très approximatifs… par exemple longue distance vs courte distance ; devant vs derrière, jusqu’à (= avant) vs après, etc. » (Mel’chuk 1998, II : 48).

5 Dans les langues naturelles, les procédés déictiques se rapportent à l’espace du Locuteur. C’est la catégorie shifteur de deixis spatial. La position de l’objet se caractérise par sa proximité au Locuteur. Dans toutes les langues il y a des mots

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démonstratifs qui caractérisent la distance de l’Objet par rapport au Locuteur (ex. français celui-ci – celui-là). C’est la division de l’espace « en termes de langue. »

6 Les langues divisent l’espace déictique différemment. La langue russe, de même que le français, l’anglais et de nombreuses autres langues, ont des systèmes à deux termes opposés selon l’axe « proche du Locuteur » vs « loin du Locuteur ». Les systèmes binaires sont répandus mais pas du tout universels. Des nombreuses langues africaines, mwan inclus, présentent des systèmes bien plus compliqués.

7 En latin classique, il y a trois pronoms démonstratifs : hic ‘ceci’ indiquant des objets proches de la 1re personne; ĭste ‘ce’, proche de la 2e personne, et ĭlle ‘cela’ indiquant des objets proches de la 3e personne (Bourciez 1946 : 86). Le même modèle se manifeste en espagnol et en portugais. En espagnol, les trois membres du système déictique sont esto, eso et aquel. « Esto désigne un objet situé à proximité du Locuteur; eso est proche de l’Auditeur, aquello est loin de tous les deux » (Alonso, Ureña 1938, II : 120)1. Le système ternaire est assez répandu : on le trouve en tahitien, en japonais, etc.

8 Apparemment, le système des termes déictiques le plus compliqué parmi les langues naturelles comporte quatre éléments. La langue tabassaran peut en servir d’exemple.

9 Il y a d’autres systèmes déictiques compliqués, comme ceux de l’aléoutien (Golovko 1997), du nivkh (Gruzdeva 1997) et du tohono o’odham (Zepeda 1983), où d’autres paramètres entrent en jeu : la position de l’Objet par rapport au Locuteur sur l’axe vertical (« plus haut » ou « plus bas »), la position de l’Objet devant le Locuteur ou à côté ; la visibilité ou l’invisibilité de l’Objet par le Locuteur, etc.

10 Une observation intéressante à propos du symbolisme acoustique est que les démonstratifs désignant l’espace proche du Locuteur contiennent normalement des voyelles fermées, tandis que les démonstratifs qui indiquent l’espace éloigné contiennent des voyelles ouvertes : E.g. angl. this – that; fr. ci – là, etc. (Plungian 2012 : 325–326)2.

11 Du point de vue catégoriel, les termes déictiques dans les langues du monde peuvent appartenir à des classes lexicales différentes : les adjectifs pronominaux (espagnol este, ese, aquel), les pronoms démonstratifs (russe eto – to), les adverbes spatiaux (anglais here – there), les verbes (bouriate iige- ‘faire comme on le fait ici’ – tiige- ‘faire comme on le fait là’). Les adjectifs démonstratifs pronominaux et les pronoms démonstratifs constituent souvent une même classe de démonstratifs nominaux, selon le terme de R. M. W. Dixon (2003) : français ce livre est c’est (< ce est) un livre. Cette situation est typique des langues européennes, mais pas forcément des langues d’Afrique de Ouest, comme le mwan.

L’espace déictique dans la langue mwan

12 La langue mwan (groupe mandé sud) a un système déictique à six termes. Afin de définir le sémantisme de ces termes d’une façon exacte, j’ai entrepris une étude en utilisant une méthode élaborée par le groupe d’étude cognitive du langage de l’Institut d’Anthropologie Comparée de Max Planck (Levinson 1999).

13 Le but de ce travail est d’inventorier les procédés du deixis spatial en mwan et de les ranger selon les axes suivants : 1. les mots déictiques ayant le Locuteur pour point de repère et ceux ayant l’Adressé pour point de repère ;

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2. la distance (degrés d’éloignement par rapport au Locuteur) ; 3. autres paramètres du système déictiques : visibilité / invisibilité, contact physique / absence de contact physique ; 4. utilisation spécifique de chaque élément.

14 L’expérimentation s’est déroulée avec la participation de deux locuteurs natifs du mwan, tous les deux ayant une bonne pratique du français. Des objets différents (un livre, un téléphone portable, une chaise) ont été utilisés. On déplaçait ces objets et les mettait dans des positions différentes : en contact avec le corps du locuteur ou de l’auditeur ; à des distances différentes par rapport aux participants de la communication ; derrière ou devant un obstacle ; dans la position où l’objet était visible ou invisible du locuteur ou de l’auditeur, etc. L’informateur se présentait tantôt avec le rôle du locuteur, tantôt avec celui de l’auditeur. Il désignait l’objet en question en combinaison avec le mot en question (« cette chaise-ci », « cette chaise-là », etc.). On a demandé à l’informateur de créer un énoncé comportant l’expression déictique en question. Les résultats obtenus ont été vérifiés sur un corpus de textes mwan. Dans cet article, les exemples naturels sont marqués par un (N), et les exemples élicidés par un (E).

Démonstratifs nominaux

15 On trouve en mwan les démonstratifs nominaux suivants. Comme le système déictique français ne fournit pas d’équivalents qui pourraient représenter leur sémantisme d’une façon adéquate, j’utiliserai des index :

lɛ́ɛ̀ gɛ̀ ɓē nū lāālē yē

ce1 ici2 ici3 là1 là2 là3

Le positionnement des mots démonstratifs mwan dans le système des parties de discours

16 Tous les termes déictiques mwan peuvent être utilisés comme des modificateurs nominaux, quelle que soit la partie du discours à laquelle ils appartiennent ; ils constituent l’unique système déictique.

17 Un de ces lexèmes est un déterminant : lɛ́ɛ̀ ‘celui-ci’. Comme les autres déterminants du mwan, il suit immédiatement le nom déterminé : mɛ̄ɛ̄ lɛ́ɛ̀ ‘cet homme’.

18 Les autres éléments du système déictique mwan sont des adverbes spatiaux. Cela se manifeste dans la façon dont ils sont connectés au groupe nominal qu’ils déterminent. Les adverbes spatiaux se connectent avec le GN par le moyen du relativisateur lá. Autrement dit, du point de vue formel, il s’agit de constructions relatives : mɛ̄ɛ̄ lá gɛ̀ ‘l’homme qui (est) ci’ mɛ̄ɛ̄ lá ɓē ‘l’homme qui (est) là’, etc. 19 À la différence du déterminant lɛ́ɛ̀, les adverbes spatiaux ne sont pas nécessairement contigus au nom déterminé. L’exemple (1) manifeste une construction relative de ce

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type où le nom déterminé et l’adverbe sont séparés par le circonstant é bà yí ‘dans ta poche’ :

(1) [Yéē pɔ̄táblù lá {é bà yí} ɓē,] è sɔ̄ ŋ́ nī.

3SG.EMPH portable REL 2SG poche Dans ici3 3SG plaire 1SG DAT

‘Ce portable-ci dans ta poche, il me plaît’. (E)

20 Malgré des statuts syntactiques différents, les éléments déictiques forment l’unique système de modificateurs nominaux. Considérons ces éléments un par un. 21 Le déterminant lɛ́ɛ̀ indique l’objet qui se trouve entre les mains du Locuteur, ou représente une partie de son corps, ou se trouve en contact immédiat avec le corps du Locuteur :

(2) Ń gbɛ̄nɛ̀ ɓɛ̄ lɛ́ɛ̀, ɓɛ́ lā ŋ́ mā.

1SG doigt grain ce1 il faire.souffrir 1SG sur

‘J’ai mal à ce doigt-ci’. (E)

(3) Ɓlèè lɛ́ɛ̀, yèŋ́ trɛ́ɓɔ́-zīí.

termite ce1 3SG>1SG irriter-PROG

‘Ce termite-ci (qui est sur moi), il m’agace’. (E)

22 Le déterminant lɛ́ɛ̀ apparaît également dans les cas où l’objet en question se trouve entre les mains de l’Adressé, dans le cas où le Locuteur indique cet objet avec son doigt et le touche. Il tombe donc dans la catégorie des objets qui se trouvent en contact immédiat avec le corps du Locuteur :

(4) Tèlɛ̰̄ lɛ́ɛ̀, wà kpɛ̰́ séé ná-à ó nī.

territoire ce1 3PL>3SG tout entièrement donner-PRF 1PL.EXCL DAT

‘Ce territoire-ci, on nous l’a donné entièrement’. (N)

23 Le degré d’éloignement de l’objet de l’Adressé n’a aucune importance; l’objet peut être même hors de sa visibilité. Le déterminant lɛ́ɛ̀ est employé même dans les cas où le Locuteur et l’Adressé sont séparés par une distance considérable, de façon qu’on est obligé de parler en élevant la voix où même en criant.

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24 Si le nom déterminé n’est pas une chose mais une notion abstraite, lɛ́ɛ̀ s’utilise pour indiquer que cette entité est proche dans le temps ou possède un statut pragmatiquement élevé :

(5) Ó núà táá lɛ́ɛ̀ yí.

3SG arriver-PRF fois ce1 dans

‘Nous sommes arrivés cette fois-ci’. (N)

25 Apparemment, dans certains cas lɛ́ɛ̀ perd sa relation avec le Locuteur, se transformant en marqueur de mise en relief :

(6) É sɔ́ gē-lē pēgéé nīīnà-lē klɛ̄-lé bì lɛ́ɛ̀ zī.

2SG pouvoir-HAB aller-GER et retourner-GER faire-CONJ nuit ce1 dans

‘Tu peux faire aller et retour la nuit-là même’. (N)

26 La construction avec l’adverbe gɛ̀ indique l’objet qui se trouve à portée de main du Locuteur, mais hors du contact immédiat avec son corps :

(7) Sɛ́wɛ́ lá gɛ̀, yá píà gbā̰ ɛ́ɛ̀?

papier REL ici2 2SG>3SG lire.PRF déjà Q

‘Est-ce que tu as déjà lu ce livre ?’ (le livre dont on parle se trouve sur la table devant le

Locuteur). (E)

27 Les mots déictiques lɛ́ɛ̀ et gɛ̀ s’opposent selon l’indice de présence/absence du contact avec le corps du Locuteur. En même temps, les deux se réfèrent à une localisation dans la proximité immédiate du Locuteur.

28 La construction avec l’adverbe ɓē indique l’objet qui se trouve dans l’espace proche de l’Adressé, avec ou sans contact immédiat avec son corps. Le degré d’éloignement par rapport au Locuteur n’est pas pertinent : l’objet indiqué par la construction avec l’adverbe ɓē peut se trouver hors d’atteinte, peu visible où même invisible pour le Locuteur.

(8) É yrɛ́ kpá ɓlèè lá ɓē à tā.

2SG œil mettre termite REL ici3 3SG sur

‘Regarde ce termite-là’ (qui est sur ton épaule). (E)

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(9) Dūnɛ̀ pú lá ɓē, è lrē.

chemise blanc REL ici3 3SG être.joli.HAB

‘Cette chemise blanche (qui est sur toi où entre tes mains) est jolie’. (E)

29 L’adverbe ɓē apparaît également quand l’objet indiqué est situé à une distance égale entre le Locuteur et l’Adressé :

(10) Sɛ́wɛ́ lá ɓē, è sɔ̄ ŋ́ nī.

papier REL ici3 3SG plaire 1SG DAT

‘Ce livre me plaît’ (le livre se trouve entre le Locuteur et l’Adressé à la portée des mains de

chacun). (E)

30 Ɓē peut s’utiliser même si le Locuteur ne voit pas l’Objet, à condition que le Locuteur connaisse l’Objet en question.

31 Ainsi, le déterminant lɛ́ɛ̀ et l’adverbe gɛ̀ ont la 1re personne (le Locuteur) pour point de repère ; l’adverbe ɓē a la 2e personne (l’Adressé) comme point de repère, le facteur de présence ou d’absence du contact avec le corps de celui-ci n’étant pas pertinent. Nous voyons que « l’espace du Locuteur » s’avère plus détaillé que « l’espace de l’Adressé ».

32 L’adverbe ɓē apparaît également dans la situation où l’Objet se trouve à une courte distance, mais s’avère « plus aliéné » par rapport aux deux autres procédés susmentionnés. Ainsi, il peut indiquer l’Objet en possession d’une tierce personne, si cette personne est proche des interlocuteurs. L’énoncé tásá lá ɓē ‘cette cuvette’ peut indiquer qu’il s’agit d’une cuvette entre les mains d’une tierce personne si cette personne se trouve dans l’espace commun avec les interlocuteurs. E.g. :

(11) Yéē [bútèlí lá {à kɔ́ɔ́} ɓē] à pa-lé ̄ ò.

3SG.EMPH bouteille REL 3SG.NSBJ main ici3 3SG.NSBJ remplir-GER COP

‘Cette bouteille chez lui (entre ses mains) est remplie’. (E)

33 Ici la phrase relative bútèlí lá ɓē ‘bouteille qui est là’ contient le circonstant à kɔ́ɔ́ ‘entre ses mains’.

34 C’est aussi la construction avec l’adverbe ɓē qui apparaît dans le cas où l’Objet ne se trouve pas loin « mesuré en valeur absolue », s’il appartient à un autre « quantum d’espace ».

(12) Kpē lá ɓē è sìɛ̀-là.

chaise REL ici3 3SG casser-PRF

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‘Cette chaise est cassée’. (E)

35 Il s’agit de la chaise qui est à côté des interlocuteurs, plus ou moins à portée de leurs mains, mais séparée d’eux par une porte du balcon, c’est-à-dire dans « un espace aliéné ».

36 La construction avec l’adverbe déictique nū s’utilise par rapport à un Objet qui se trouve près du Locuteur (à une distance à peu près égale à celle indiquée par l’adverbe gɛ̀ ), mais très éloigné de l’Adressé où même invisible pour lui (par exemple, dans la situation d’une conversation téléphonique) :

(13) Tásá lá nū yò-ò é-pú lé.

cuvette REL là1 3SG-COP PREF-blanc INS

‘Cette cuvette (tu ne la vois pas, mais elle est ici près de moi) est blanche’. (E)

37 Cette phrase a été obtenue par l’élicitation. Je n’ai trouvé aucun exemple de l’utilisation de cet élément déictique en fonction de modificateur nominal dans les textes naturels. L’élément nū est d’emploi rare, et dans mon corpus il n’apparaît qu’en tant qu’adverbe spatial.

38 Tous les mots déictiques examinés jusqu’ici se réfèrent aux objets qui se localisent dans l’espace proche du Locuteur. Pour les objets qui se trouvent dans l’espace éloigné, on utilise la construction avec l’adverbe lāālē. 39 Cet adverbe indique un Objet qui se trouve hors d’atteinte des interlocuteurs, le plus souvent à une distance considérable :

(14) Fɛ́ lá lāālē, è sɔ̄ ŋ́ nī.

maison REL là2 3SG plaire 1SG DAT

‘Cette maison qui est là-bas me plaît’ (la maison se trouve à un kilomètre d’ici, mais on peut

bien la voir). (E)

40 La construction avec l’adverbe lāālē peut indiquer un Objet qui n’est pas trop éloigné, mais se trouve dans l’espace de la troisième personne, si cette personne ne partage pas l’espace commun du Locuteur et de l’Adressé :

(15) È [yéē pɔ̄táblù lrē lá lāālē] ɓɛ́ yâ náà tɛ́ɛ̀?

3SG 3SG.ANAPH portable beau REL là2 3SG.ANAPH voir.PRF où Q.intéressant

‘je me demande d’où vient ce beau portable qui est entre ses mains ?’ (E)

41 L’adverbe lāālē correspond donc au degré suivant dans la hiérarchie d’éloignement.

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42 La construction avec l’adverbe yē indique un Objet qui se trouve hors de la vue du Locuteur et de l’Adressé. Ainsi, le sémantisme de cet élément inclut un paramètre supplémentaire, « la visibilité/invisibilité » de l’Objet3, e.g. :

(16) Làklūù wà lá yē yò-ò é-gbɛ̰̀tɛ̰̀ lé.

école village REL là3 3SG-COP PREF-grand INS

‘Cette université là-bas (nous ne la voyons pas) est grande’. (E)

43 Si les interlocuteurs se déplacent dans un endroit d’où on peut voir l’objet en question, l’adverbe yē est remplacé par lāālē : làklūù wà lá lāālē… ‘Cette université là-bas (nous la voyons de loin)…’ Les mots déictiques examinés peuvent être représentés dans le tableau 1.

Tableau 1. Les termes démonstratifs mwan

lɛ́ɛ̀ gɛ̀ ɓē nū lāālē yē

proche du Locuteur + + – + – –

proche de l’Adressé – – + – – –

contact avec le corps + – – – –

éloigné – – – – + +

invisible – – – + à l’Adressé – +

44 Comme le montre le tableau 1, le mwan distingue trois degrés d’éloignement qui correspondent aux trois personnes grammaticales. A quoi s’ajoutent des paramètres additionnels : le contact avec le corps et la visibilité/invisibilité.

Adverbes déictiques spatiaux

45 À l’exception du déterminant lɛ́ɛ̀, tous les éléments déictiques peuvent s’utiliser, et en fait s’utilisent le plus souvent en fonction adverbiale (fonction du circonstant) en manifestant le même spectre de valeurs : gɛ̀ ‘ici (proche du Locuteur)’ ; ɓē ‘ici (proche de l’Adressé)’ ; nū ‘ici, là (proche du Locuteur, loin de l’Adressé)’; lāālē ‘là-bas (loin des interlocuteurs)’ ; yē ‘là-bas (très loin, invisible)’.

46 Pour les éléments les plus fréquents, gɛ̀ (espace proche du Locuteur) et ɓē (espace proche de l’Adressé), il est parfois difficile de distinguer entre leurs emplois dans le sens spatial et temporel (ou autres sens non-déictiques). Ce sont ces deux éléments qui apparaissent le plus souvent dans les énoncés copulatifs et dans les expressions lexicalisées sá̰á̰ní gɛ̀ et sá̰á̰ní ɓē ‘maintenant’.

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47 Cependant, une distinction se manifeste : gɛ̀ indique souvent l’endroit proche ou lié à la 1re personne, tandis que ɓē est lié à la 2e personne’, ex. :

(17) Ké ká láá níínā-lɛ̄ gɛ̀, ó ká dɛ̄.

si 2PL NEG retourner-SPN ici2 1PL.EXCL 2PL tuer

‘Si vous ne retournez pas ici (où nous sommes), nous vous tuerons’. (N)

48 L’adverbe ɓē indique l’endroit où se trouvent des Auditeurs (groupe de personnes).

(18) Ké é dɛ̄ ò ɓē, ké yà pè-à é nī

et 2SG Père COP ici2 et 3SG>3SG dire-PRF 2SG DAT

zà lá mā yáá klɛ̄-lɛ̄ ɓē…

affaire REL à 2SG.NEG faire-SPN ici2

‘Si tu as un père, et s’il te dit de ne pas faire quelque chose là…’ (N)

49 Les valeurs des autres éléments déictiques peuvent être définies plus précisément.

50 Nū indique un endroit familier au Locuteur, mais inconnu de l’Adressé. La position exacte de cet endroit n’est pas clarifiée. Il se comporte comme un marqueur de la spécificité pragmatique (Givón 1984), cf. russe odin ‘un (certain)’ : odin moj drug ‘un ami à moi’.

(19) Mí gbú ò nū zɔ̰̀.

1SG.EMPH même COP là1 aujourd’hui

‘Moi-même, j’ai été à un certain endroit aujourd’hui.’ (N)

51 Le Locuteur a en vue un endroit précis, mais il ne trouve pas nécessaire de le nommer.

52 Lāālē s’utilise pour indiquer la distance éloignée, mais accessible : c’est plutôt « à l’extrémité du village » qu’ « à Abidjan » (dans ce dernier cas, on emploierait yē ).

(20) Yéē bàláá lāālē.

3SG.EMPH tomber-PRF là2

‘Lui, il tomba là-bas (loin d’ici). (N)

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53 Yē désigne un endroit qui se trouve très loin du centre déictique, par exemple, au Canada, en France : il ne suffit pas que la distance soit considérable, il faut également qu’il s’agisse d’un endroit étranger, ex. :

(21) Ɓɛ́ɛ̀ ò bō yē ò gā̰ā̰ zā yí srɔ̰́ɔ̰́ lɛ́ɛ́.

puis 3PL rester-HAB là3 3Pl cacher cause dans sorcellerie devant

‘Et puis ils restent là-bas à cause de la sorcellerie’ (des gens qui quittent le village par peur de

la sorcellerie). (N)

La combinaison de démonstratifs différents

54 La combinaison de démonstratifs différents permet d’exprimer des valeurs pragmatiques :

(22) Ɓɛ́ɛ̀yílè-é ó gù-à yē. Ŋ́ ná ɓɛ́

c’est pourquoi 1PL.EXCL quitter-PRF là3 1SG femme 3SG.ANAPH

bùà Zēnúflā ɓē sā; ɓɛ́ɛ̀ mí nù-à gɛ̀.

rester.PRF Zouénoula ici3 un.peu, et 1SG.EMPH venir-PRF ici2

‘C’est pourquoi nous sommes partis de là (du village qui se trouve très loin). Ma femme, elle restait un peu là (chez elle) à Zouénoula, et moi, je suis venu ici (où je suis maintenant)’. (N)

55 Dans cet énoncé, l’adverbe ɓē qui indique l’espace « du deuxième ordre », indique la ville natale de la femme du Locuteur. Le village que le Locuteur avait quitté était dans la région occupée par des forces rebelles ; c’était un « espace étrange ».

56 Parmi les adverbes déictiques, certains peuvent se combiner :

(23) Wlá lá yē ɓē è lrē.

couteau REL là3 ici3 3SG être.bon.HAB

‘Ce couteau (qui est à toi, même s’il n’est pas ici) est bon’. (E)

57 Dans les combinaisons des démonstratifs, d’habitude, l’un exprime une valeur démonstrative, et l’autre représente d’autres types de valeurs dont il sera question ci- dessous.

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58 Dans le corpus des textes mwan susmentionné (16 300 mots) seules des combinaisons gɛ̀ ɓē et yē ɓē ont été trouvées. Assez souvent, ils font partie de la construction présentative :

(24) Ke ɓɛ◌́láálè, mí lá mí lè gɛ◌̀ ɓē.

et ça.veut.dire 1SG.EMPH REL 1SG.EMPH COP ici2 ici3

‘En tout cas, moi, je suis ici (proche à vous). (E)

59 En (24), le premier élément gɛ◌̀ fait partie de la construction présentative, tandis que ɓē est l’adverbe spatial. Dans l’exemple suivant (25) gɛ◌̀ fait partie de l’expression lexicalisée sá̰á̰ní gɛ̀ ‘maintenant’ :

(25) Ɓɛ́ɛ◌̀ ò bō yē srɔ̰́ɔ̰́ zà ɛ◌́ kɔ◌́ɔ◌́,

puis 3PL rester-HAB là3 sorcellerie affaire ART chez

dúŋ sá̰á̰í gɛ◌̀ ɓē.

mais maintenant ici2 ici3

‘Et puis ils restent là-bas à cause de la sorcellerie donc maintenant là’. (N)

60 Cependant, la fréquence de ces éléments dans les textes varie considérablement. Dans le corpus des textes mwan de 16 300 mots, la fréquence des tous les éléments déictiques est la suivante4 :

Tableau 2. Fréquence des éléments démonstratifs dans le corpus des textes mwan

lɛ́ɛ̀ gɛ̀ ɓē nū lāālē yē gɛ̀ ɓē yē ɓē

43 126 256 12 9 40 17 3

8,5% 24,8% 50,6% 2,4% 1,8% 7,9% 3,4% 0,6%

Autres fonctions des termes déictiques

61 Les adverbes déictiques gɛ̀, ɓē, yē, nū peuvent apparaître à titre d’éléments adverbiaux dans les constructions copulatives et autres qui requièrent une composante adverbiale. Dans ce contexte, l’adverbe gɛ̀ s’avère le plus neutre et presque désémantisé. Cet adverbe apparaît également dans les énoncés hors contexte, sans liens déictiques avec le discours. Il s’agit tout d’abord des constructions avec la copule présentative lè :

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(26) Zɛ̄ lè gɛ̀.

rônier COP ici2

‘C’est un rônier’. (N)

(27) À tī gā-lē lɛ̄ɛ̄ plɛ̄ lè gɛ̀.

3SG.NSBJ oncle.maternel mourir-GER année deux COP ici2

‘Son oncle maternel est mort depuis deux ans’. (E)

62 L’élément adverbial est requis également pour exprimer la corrélation temporelle des énoncés :

(28) ŋ́ yé-là pē-zí é nī gɛ◌̀.

1SG 3SG-FOC.NSBJ dire-PROG 2SG DAT ici2

‘c’est ce que je suis en train de te dire maintenant.’

63 En effet, les autres adverbes déictiques s’emploient aussi dans les énoncés non- verbaux :

(29) Wà̰à̰ɓāā ò yē.

Dieu COP là3

‘Dieu existe’ (mais il est invisible). (N)

64 L’adverbe gɛ̀ apparaît en tant que substitut d’un mot oublié :

(30) Ò gɛ̀… láá zḭ̄ɛ̰̄ wésé láá zḭ̄ɛ̰̄ nà-à ŋ́ nī.

3PL ici2 feuille sauce patate feuille sauce donner-PRF 1SG DAT

‘On m’a donné la sauce des feuilles du machin… de la patate douce’. (N)

65 Dans ce cas l’adverbe peut avoir des marqueurs correspondants, comme la marque du pluriel ou l’article :

(31) Ké wóō… gɛ◌̀… mū ɛ◌́ pwɛ◌́-lé, sàyā̰à̰ mū ɛ◌́.

et 3PL.EMPH ici2 PL ART entrer-CONJ bandit PL ART

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‘Et ils… le machin… les bandits sont venus’. (N)

Conclusion

66 À la différence de la majorité des langues du monde qui distinguent nettement entre les démonstratifs de type adjectival et les adverbes spatiaux, le mwan a un système mixte. A part lɛ́ɛ̀ qui fonctionne comme un déterminant, tous les autres éléments sont des adverbes spatiaux dont le fonctionnement se rapproche de celui des démonstratifs nominaux lorsqu’ils apparaissent dans le cadre d’une proposition relative. Cette fonction est évidemment secondaire : les noms déterminés par de telles propositions relatives sont en même temps mis en relief.

67 Le système déictique du mwan distingue trois degrés d’éloignement, ce qui est compliqué par deux paramètres supplémentaires : visibilité / invisibilité, contact physique / absence de contact physique.

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NOTES

1. Antoine Meillet mentionne l’existence des plusieurs racines avec une valeur démonstrative dans la protolangue indo-européenne (Meillet 1938 : 333). On peut faire l’hypothèse que cette langue aussi avait un système d’espace déictique à trois termes. 2. Il est intéressant de voir que les langues mandingues contredisent ce principe, cf. bambara yàn ‘ici’ – yèn ‘là’. 3. En fait, l'élément précédent (lāālē ) est impliqué dans l’opposition « visible/invisible » également ; il y est marqué positivement. 4. Toutes les occurrences ont été calculées : celles des déterminants et des adverbes spatiaux. Les combinaisons des deux éléments ont été comptées séparément.

RÉSUMÉS

L’article traite d’un système compliqué des démonstratifs en mwan (Mandé-sud). L’étude est basée sur les données expérimentales obtenues en utilisant une méthode élaborée par un groupe de recherche de linguistique cognitive de Max Planck. Les propriétés morphologiques, syntaxiques et fonctionnelles des démonstratifs en mwan ont été analysées. Il s’avère que le système des démonstratifs en mwan comporte cinq éléments qui s’opposent par des indices suivants : 1) le locuteur, l’auditeur ou une tierce personne comme le point de repère ; 2) localisation dans la vue ou hors la vue du locuteur ou de l’auditeur ; 3) localisation en contacte ou hors contacte avec le corps du locuteur.

The article deals with a rather complicated system of demonstratives in Mwan (South Mande). The research was based on the experimental data obtained while using the methodology elaborated by de Max Planck Research group of Cognitive linguistics. Morphological, syntactic and functional proprieties of the Mwan demonstratives are analysed. It is shown that the Mwan system of demonstratives consists of five elements which can be: 1) Speaker, Adressee or Third Person anchored; 2) within or out of sight of Speaker or Adressee; 3) in or out of contact with Speaker’s body.

В статье рассматривается довольно сложная система демонстративов языка муан (южная группа манде). Исследование основывается на экспериментальных данных,

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полученных с применением методики, разработанной исследовательской группой когнитивной лингвистики Института Макса Планка. Рассматриваются морфологические, синтаксические и функциональные особенности демонстративов муан. Показано, что в системе демонстративов муан, насчитывающей пять элементов, оказываются задействованы следующие признаки: 1) соотнесённость с говорящим, собеседником или третьим лицом; 2) нахождение в зоне видимости говорящего или собеседника или вне её; 3) нахождение в контакте или вне контакта с телом говорящего.

INDEX

Keywords : System of Demonstratives, Deixis, Mwan, Word Classes motsclesru демонстративы, дейксис, муан, классы лексем Mots-clés : demonstratifs, déixis, classes des mots Thèmes : mwan

AUTEUR

ELENA PEREKHVALSKAYA St. Petersbourg, Institut de recherches linguistiques [email protected]

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Masadennin (The Little Prince in Bamana) Experimental online concordance with parallel French and English texts Masadennin (Le Petit Prince) en bambara : une concordance expérimentale en ligne avec les textes parallèles français et anglais Masadennin («Маленький принц» на бамана): экспериментальный онлайновый конкорданс с параллельными французским и английским текстами

Andrij Rovenchak and Solomija Buk

We are grateful to Valentin Vydrin for providing a copy of the Bamana translation of the novella and for his feedbacks during the compilation of the concordance.

0. Introduction

1 Text corpora being large collections of texts in the electronic form supplemented by linguistic annotation have become nearly a principal tool in linguistic studies as they provide solutions to a variety of tasks. A parallel text corpus is composed of source texts and their translations into one or more different languages (McEnery, Xiao, Tono 2006:47; Teubert & Čermáková 2007:73). Such corpora are a powerful tool for interlingual studies in the domain of contrastive linguistics, translatology, linguistic typology, stylistics, linguistics of text, dictionary compilation, etc.

2 The documentation of African languages in the form of electronic corpora remains poor. Minor exceptions are Swahili (Schryver 2002; Hurskainen 2004), Amharic (Asker et al. 2011), South African languages (Schryver 2002). References to running corpus projects, though with no details, can be found also for Hausa1, Yorùbá2, Somali3, Lingala and Cilubà4, and sporadically for some other languages. A recent project of Bamana text corpus5 (Vydrin 2008; Davydov 2010; Vydrin 2011; Davydov 2011) is the only one in the field of the Mande languages.

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3 In the present paper we report the launch of an experimental online tool for the comparative analysis of Bamana texts with The Little Prince (Le petit prince), a famous 1943 novella by Antoine de Saint-Exupéry, used as an example. The Bamana translation by Bukari Jara was published in 1989 under the title of Masadennin (De Sɛn Tɛgiziperi 1989).

4 This novella is an excellent text for contrastive linguistic studies. Being translated into about two hundred languages and dialects from different language families, it is one of the most translated [secular] texts, if not the most translated indeed. Cross-linguistic comparisons based on The Little Prince were made by Bahrens (2005), Stolz (2007), Rovenchak & Buk (2011).

5 The original French text together with the English translation was used in this study alongside the Bamana text. This material should be sufficient to study the functionality of the concordance tool and learn about its possible improvements before similar techniques are applied to a wider set of texts.

1. Text alignment issues

6 Texts in parallel corpora can be aligned on different levels: words, phrases or clauses, sentences, paragraphs, chapters, etc. The word level is suitable only for closely related languages and must be done automatically for texts of any significant size, which requires well-elaborated translation-oriented software. On the other hand, the chapter alignment is of little help for any serious analysis. Of the remaining intermediate options, the sentence level is the most typical alignment style for parallel corpora.

7 A definition of the sentence suitable for an automated text processing is required. The most natural approach is to apply text splitting on the following punctuation marks: ‘.’ (period), ‘!’ (exclamation mark), ‘?’ (question mark), and ‘…’ (ellipsis) if the following word starts with a capital letter (Kelih & Grzybek 2005). Some drawbacks of such a definition are caused by the use of a period in abbreviations, including initials, but such situations can be handled quite easily (cf. Rudolf 2004:57-71). While capitalization is present in the analyzed text, the above definition should be simplified when working with Bamana texts in general as the use of capital letters is not ubiquitous there. Note that neither the use of capital letters nor punctuation rules were regulated by the 1982 orthography standard (cf. Skattum 2000). Bamana texts written entirely in lowercase are not rare. One should note that a wider set of sentence terminators can be also used when aligning parallel corpus. For instance, ‘:’ (colon) and ‘;’ (semicolon) were added when aligning the English–Inuktitut Parallel Corpus (Martin et al. 2003). Such approach can be useful in particular for texts with numerous occurrences of direct speech.

8 In the present study, we stay on the paragraph level so far, with the sentence level to be achieved further. It appears that the alignment of paragraphs cannot be fully automatized, but the required manual work is not very time-consuming.

9 We introduce two tags to control the text flow over paragraphs, namely and . The first one is used if there is a paragraph break in the Bamana or English text but not in the French text. Compare the last paragraph(s) of Chapter IV in the three language versions given in Table 1. Note that the tag is used to mark the end of a sentence.

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Table 1: A sample of aligned texts

Bamana French English

Bari n’ta fɛ mɔgɔw ka n ka Car je n'aime pas qu'on lise mon For I do not want any one to kitabu manamana kalan. livre à la légère. read my book carelessly.

I have suffered too much grief Nin ko kɔrɔw maana bɔli bɛ J'éprouve tant de chagrin à in setting down these gan n dusu la cogo min. A raconter ces souvenirs. Il y a memories. Six years have san wɔɔrɔ ye nin ye ka ban, six ans déjà que mon ami s'en est already passed since my friend kabini n terikɛ taara n’a ka allé avec son mouton. went away from me, with his saga ye. sheep.

Ni n bɛ n jija k’a fɔ yan a tun If I try to describe him here, it Si j'essaie ici de le décrire, c'est bɛ cogo min, n t’a fɛ ka ɲinɛ is to make sure that I shall not afin de ne pas l'oublier. C'est a kɔ de. Mɔgɔ ka ɲinɛ i forget him. To forget a triste d'oublier un ami. Tout tɛri kɔ, dusukasiko don. friend is sad. Not every one le monde n'a pas eu un ami. Bɛɛ ma deli ka teri mara. has had a friend.

And if I forget him, I may O ni fana n bɛ se ka kɛ i ko Et je puis devenir comme les become like the grown-ups mɔgɔ kɔrɔba minw mago tɛ grandes personnes qui ne who are no longer interested in fosi la tugun jatedenw kɔ. s> chiffres.

It is for that purpose, again, O fana de kosɔn n ye kiriyɔn C'est donc pour ça encore que j'ai that I have bought a box of ɲɛma buwati kelen san, a ni acheté une boîte de couleurs et paints and some pencils. It kiriyɔn gansanw. N si bɛ des crayons. C'est dur de se is hard to take up drawing yɔrɔ min na, ka segin remettre au dessin, à mon âge, again at my age, when I have jaɲɛgɛn ma, a ka gɛlɛn, quand on n'a jamais fait d'autres never made any pictures sanko n ma n yɛrɛ sifilɛ fosi tentatives que celle d'un boa except those of the boa la ni miniɲan bosobali ni fermé et celle d'un boa ouvert, à constrictor from the outside miniɲan bosolen tɛ, ka n si to l'âge de six ans ! and the boa constrictor from sanji wɔɔrɔ la! the inside, since I was six.

I shall certainly try to make my N kɔni bɛ n jija ka jaw kɛ J'essaierai, bien sûr, de faire des portraits as true to life as minw bɔlen bɛ u tigi fɛ portraits le plus ressemblants possible. But I am not at all kosɛbɛ. Nka n dalen tɛ a possible. Mais je ne suis pas sure of success. One la k’a fɔ n bɛna se. Ja dɔ tout à fait certain de réussir. drawing goes along all right, ka fisa, tɔ kelen bɔlen tɛ a fɛ Un dessin va, et l'autre ne and another has no tugun. ressemble plus. resemblance to its subject.

N bɛ fili dɔɔnin fana I make some errors, too, in the Je me trompe un peu aussi sur la kundama na. Yan, little prince's height: in one taille. Ici le petit prince est masadennin ka jan kojugu. Là il est trop s> Yan, a ka dɔgɔ kojugu. another too short. And I petit. J'hésite aussi sur la N bɛ sigasiga fana a ka finiw feel some doubts about the couleur de son costume. ɲɛ na. color of his costume.

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So I fumble along as best I can, O de kosɔn b bɛ mɔmɔli kɛ Alors je tâtonne comme ci et now good, now bad, and I hope fan ni fan, ɲɛ ni ɲɛbaliya comme ça, tant bien que mal. generally fair-to-middling. cɛ.

In certain more important N na fili fana yɔrɔ misɛnnin Je me tromperai enfin sur certains details I shall make mistakes, dɔw la minw ɲɛci ka bon détails plus importants. Mais also. But that is something kosɛbɛ. Nka a’ kana jigi n ça, il faudra me le pardonner. that will not be my fault. na. N tɛrikɛ tun tɛ fosi Mon ami ne donnait jamais My friend never explained ɲɛfɔ. d'explications. anything to me.

I b’a sɔrɔ a ɲɛ na ne tun ye a Il me croyait peut-être semblable He thought, perhaps, that I was ɲɔgɔn dɔ ye. Nka ne à lui. Mais moi, like himself. But I, alas, do kunna ma diya, n tɛ se ka malheureusement, je ne sais pas not know how to see sheep sagaw ye wagande voir les moutons à travers les through the walls of boxes. datugulenw kɔnɔ. caisses.

I b’a sɔrɔ n ni mɔgɔ Je suis peut-être un peu comme les Perhaps I am a little like the kɔrɔbaw ka surun ɲɔgɔn grandes personnes. J'ai dû grown-ups. I have had to na. N kɔrɔlen na kɛ. vieillir. grow old.

10 A single paragraph in French corresponds to two paragraphs in Bamana and three paragraphs in English. While this situation is not quite typical for the text in general, such differences arise mostly when direct speech is involved, due to different approaches for its written representation, as in the example below (Table 2). Only in the English text does the direct speech trigger a separate paragraph.

Table 2: Aligned excerpts with different representations of direct speech

Bamana French English

... N tun b’a fɛ k’a dɔn ni ... I would try to find out, so, if this mɔgɔ faamuyalen don. Nka a tigilamɔgɔ tun vraiment compréhensive. understanding. But, whoever it bɛ n jaabi tuma bɛɛ: Mais toujours elle me répondait was, he, or she, would always say: "Banfula don". O la : "C'est un chapeau." Alors “That is a hat.” sa miniɲanko wo, je ne lui parlais ni de serpents Then I would never talk tufinko wo, n tun t’o si boas, ni de forêts vierges, ni to that person about boa constrictors, kuma fɔ a ye tugun. d'étoiles. ... or primeval forests, or stars. ......

11 The tag is placed at a point where the French text breaks into paragraphs but the Bamana or English text flows continuously. In the example given in Table 3 paragraphs are separated by blank lines and adjusted for convenience of the Reader. In the corpus, paragraph breaks are simple line feed symbols.

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Table 3: Aligned excerpts with different text flow over paragraphs

Bamana French English

J'ai montré mon chef- I showed my masterpiece to the N ye n ka dakabanabaara jira d'oeuvre aux grandes grown-ups, and asked them mɔgɔ kɔrɔbaw la, k’u ɲininka ni personnes et je leur ai whether the drawing frightened n ka ja b’u lasiran. demandé si mon dessin leur them. faisait peur.

Elles m'ont répondu : But they answered: "Frighten? Why should any one be ka mɔgɔ lasiran cogo di?" ferait-il peur ?" frightened by a hat?"

......

O la sa, ne dɛsɛra ka n Alors, faute de patience, By this time my patience was timanadiya, bari n tun kɔrɔtɔlen comme j'avais hâte de exhausted, because I was in a don ka n ka bolifɛn mɔtɛri commencer le démontage hurry to start taking my engine waraka; n ye ja in nkininkana. So I tossed off this s> griffonnai ce dessin-ci. drawing.

And I threw out an explanation N ko: Et je lançai : with it.

-- Ça c'est la caisse. Le “This is only his box. The -- Nin ye wagande ye. I bɛ mouton que tu veux est sheep you asked for is inside.” dedans. s>

12 Note that some English examples contain more sentences comparing to the two other language versions.

13 An XML-like markup is used in the corpus. Additionally to the three tags described above, some other markup is present in the texts. Except for self-evident meaning of tags , <author>, <dedication>, the tag <c> marks chapters. Below, the beginning of the Bamana text with the markup is shown. Note that texts are coded using Unicode (UTF-8). <title>Masadennin Antuwani de Sɛn TƐGIZIPERI (Bukari JARA y’a bayɛlɛma) EditionJamana Lewɔn Wɛrɛti tɔgɔ la ... I Ka ne tɔ n sanji wɔɔrɔnan na, don dɔ, n ye ja dakabana dɔ ye kitabu dɔ kɔnɔ, min tun bɛ tu fin kun kan, n’a tɔgɔ tun ye "Ko yelenw ni kɔ kɛlenw. Miniɲan dɔ tun don, a bɛ ka wara dɔ kunun. Ja ladege filɛ.

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2. Concordance implementation

14 The concordance can be accessed online at http://www.ktf.franko.lviv.ua/~andrij/science/LP-bam.html. The screenshot of the main page is shown in Figure 1.

Fig. 1. The screenshot of the main page of the concordance

15 Technical realization of the online concordance is partly based on some previously developed CGI-scripts in Perl, which were used for different purposes6. In future, texts in the corpus can be automatically converted for usage in some standard tool, e. g., the IMS Open Corpus Workbench7, as soon as a proper hosting is found for it.

16 One can work with the concordance in two modes: the parallel text output and the output of an interlinearized Bamana text.

17 2.1. The search options for the parallel text output include: • entire wordform (if this is selected, one can input several wordforms separated by a space, such a query displays the results where at least one wordform is found); • words starting with a given character sequence; • words containing a given character sequence (this requires at least two characters in the query); • words ending in a given character sequence; • exact phrase search.

18 Presently, only the Bamana text can be searched. Expansion for the two other languages can be implemented in future without much effort.

19 A simple type assistant is provided to facilitate (via the copy-paste procedure) the input of the non-ASCII characters, namely: Ɛ / ɛ, Ɔ / ɔ, Ɲ / ɲ, Ŋ / ŋ, Ʃ / ʃ. The latter is a now- obsolete letter; in the novella text it appears only in the root ʃɛ (modern sɛ̀) ‘hen’ in the words ʃɛw ‘hen-PL’ and ʃɛɲinitɔ ‘≈ looking-for-hen’.

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Fig. 2. A sample output with three parallel text versions

20 The search queries can also contain some standard regular expressions. Namely, wildcards are used: a period ‘.’ or question mark ‘?’ matches a single character, while an asterisk ‘*’ matches any (including zero) substring. For instance, the query ‘m.g.’ matches both mɔgɔ and mago. To match the respective punctuation marks, an escape character ‘\’ is required: ‘\.’ for the period and ‘\?’ for the question mark.

21 A sample output for the query “wordforms starting with masa” is shown in Figure 2.

22 For the concordance, we use the form of output known as KWAL (key word and line), which can allow several lines of context either side of the key word (McEnery & Wilson 2001:198). The sentence containing the matched item is shown together with the sentence immediately preceding it and the sentence immediately following it (unless the item appears in the last sentence of a paragraph).

23 By ticking appropriate boxes one can choose the option of showing either both the French original and the English translation alongside the Bamana translation, one (French or English) text alongside the Bamana translation, or the sole Bamana text.

24 As the paragraphs can contain different number of sentences, we used a simple algorithm to define the position of a corresponding sentence in the French or English text based on the position of the Bamana sentence. Assume the respective paragraph in

Bamana contains NBM sentences, the French one has NFR sentences, and the English one

has NEN sentences. Let the matched item be found in the jth sentence of the Bamana

paragraph, denote it as jBM. We then calculate the respective points (jFR and jEN) in the French and English text as follows:

jFR = jBM / NBM × NFR ; jEN = jBM / NBM × NEN 25 and round them to the closest integer. The output of the concordance then consists of

the sentences number jBM – 1, jBM, jBM + 1 (Bamana text); jFR – 1, jFR, jFR + 1 (French text);

and jEN – 1, jEN, jEN + 1 (English text). Note that the zeroth position corresponds to the last sentence of the preceding paragraph.

26 While such an approach results in some inconsistencies of the parallel texts, the output scope of three sentences significantly eliminates such a drawback. Another typical

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solution is the insertion of empty sentences to equal the paragraphs lengths (cf. Yang & Li 2004), but this must be done manually so far.

27 2.2. For the mode of interlinearized output the Bamana text was preprocessed using the Bamadaba lexical database derived from the electronic version of Bailleul’s dictionary8 (Bailleul 2000). Such a procedure is generally known as tagging as it results in each text item (typically word, number, and punctuation mark) being supplied with a tag, i. e. a set describing item’s part of speech, gloss, lemma, etc. depending on the need of the study. We will not go deep into technicalities of the tagging here as this goes beyond the scope of the paper. The following sentence is provided as an example: Wa n ye masadennin dɔn nin cogo in de la. ‘And that is how I made the acquaintance of the little prince’. Wa n ye masadennin dɔn nin cogo in de la .

28 The tags read , with variants separated by vertical stroke “|” and compound structure shown by means of “=”.

29 The search options in the interlinearized output mode slightly differ from the first mode of parallel output. Namely, the exact phrase search is substituted with the following three options: • part of speech; • gloss (presently, given in French); • lemma.

Fig. 3. A sample output of the interlinearized text

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30 The output for the query étoile ‘star’ in the gloss field is shown in Figure 3. Note how the compounds are listed in the respective fields. For simplicity, the search was run as .toile using a wildcard to substitute an accented letter.

31 Since the Bamana text has no tone marks, there would be typically several options to gloss a word. Taking into account also possible homonyms, this would increase the number of glossing variants enormously in some cases. A special parameter was set to control this number; its default value is 3 and can be changed before running a query if desired.

32 As one can see from the given sample, the tagging procedure was quite straightforward, for instance, the contracted forms (like b’a, n’a, etc.) were not recognized. The words missing from the dictionary are marked with DUMMY in the gloss field and undef in the part-of-speech field.

3. Prospects toward an automated sentence alignment.

33 The problem of an automated sentence alignment is the next task to be solved. As the analysis presented in Section 1 shows, the paragraph level requires manual preprocessing in some cases. This stage can be skipped by proceeding directly to the sentence level. Algorithms of sentence alignment are extensively discussed in the literature (cf. Gale & Church 1993; Melamed 1999; Fattah et al. 2007 and references therein). In this work, we would like to consider the alignment procedure based on the so-called anchor items. As suggested below, a hybrid approach is used to define anchor items, with statistical preprocessing of texts and further linguistic analysis of the obtained data.

34 Two types of anchor items can be identified (Gale & Church 1993; Martin et al. 2003). First, these are words containing numbers or pure numerical sequences of characters. Such items are not frequent in ordinary texts, and where the same item occurs in parallel texts it is the sign to identify the respective sentences as corresponding to one another. Very frequent words are the second type of anchor items. They can be defined from frequency analysis of the languages involved in the alignment problem. We have compiled the data on word frequencies in the three language versions of The Little Prince. The list of the most frequent words is given in Table 4. The number of occurrences is very close in all three languages for the following three items of this list, which can be treated as anchor words, namely: • n — je, j’, mon, moi, … — I, me, my, …; • masadennin — [petit] prince — [little] prince; • nka — mais — but.

35 Note that in some cases one needs to take inflection into account (i. e., pronominal declension in English and French or possessive marker in English) to obtain a proper mapping between languages. The presented data would be typical for fiction texts, in particular with respect to characters’ names, cf. (Buk & Rovenchak 2007). A preprocessing of texts is required to obtain relevant statistical data before proceeding to the alignment procedure.

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Table 4: Number of occurrences of top 25 most frequent words in three language versions of The Little Prince. Possible anchor words are in boldface.

rank Bamana French English

1. ka 870 le 455 the 977

2. n 807 de 424 I 544

je, j', mon, moi, ... 758 I, me, my, ... 883

3. a 710 je 322 to 467

4. ye 632 et 295 a 411

5. bɛ 518 il 267 and 351

6. tun 403 les 254 of 336

7. ko 375 un 240 that 322

8. i 324 la 221 you 310

9. ni 267 petit 201 is 301

10. o 267 pas 186 he 297

11. na 230 à 174 it 264

12. la 227 ne 171 little 261

13. tɛ 222 prince 171 said 195

14. ten 219 que 164 was 193

15. kɛ 193 mais 138 prince['s] 187

16. ma 188 c'est 136 in 176

17. masadennin 180 tu 135 my 164

18. min 177 des 131 not 160

19. kan 176 dit 125 me 153

20. don 171 une 122 but 150

21. dɔ 167 qui 104 have 141

22. fɛ 162 me 103 are 136

23. nka 145 pour 100 for 135

24. mɔgɔ 130 ce 98 one 132

Mandenkan, 50 | 2013 134

25. u 130 bien 96 his 119

4. Conclusions

36 In the present work, we have outlined the online concordance tool with the parallel texts of The Little Prince in Bamana, French, and English. To our knowledge, this is the first project of this sort involving the Bamana language and has a large research potential. The concordance tool is presently freely available in the Internet.

37 One can work with the concordance in two modes: the parallel text output and the output of an interlinearized Bamana text. In the parallel text output, different search options are accessible, namely: entire wordform, words starting with/ ending in/ containing a given character sequence, and exact phrase search. The search options in the interlinearized output mode also include part of speech, gloss, and lemma, but not the exact phrase search.

38 Presently, the parallel texts in the corpus are aligned by paragraphs, and a simple algorithm to define the position of a corresponding sentence in the French or English text based on the position of the Bamana sentence is suggested. Automated sentence alignment based on the so-called anchor items (most frequent words) is briefly discussed for future applications. Further plans include extending search possibilities to all the language versions as well as adding more texts to the corpus.

39 In prospect, the parallel texts in the form of online concordances can be used as a supplementary tool for compiling Bamana–French, Bamana–English and French– Bamana, English–Bamana dictionaries. In particular, such a tool provides word translation equivalents in the context as well as illustration of a word usage. Also, the strategy and tactics of different translators can be discovered.

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NOTES

1. http://www.sfb632.uni-potsdam.de/hausa/ http://nlp.fi.muni.cz/projekty/deb2/emasters/www/tshwanelex/members/gmds/cv.html 2. http://www.world-lang.osaka-u.ac.jp/user/liccosec/eng/africa/language_02.html 3. http://www.ling.helsinki.fi/uhlcs/readme-all/README-afro-as-nig-con-lgs.html http://nlp.fi.muni.cz/projekty/deb2/emasters/www/tshwanelex/members/gmds/cv.html 4. http://nlp.fi.muni.cz/projekty/deb2/emasters/www/tshwanelex/members/gmds/cv.html 5. http://cormand.tge-adonis.fr/ 6. http://ktf.franko.lviv.ua/~andrij/science/Franko/concordance.html http://ktf.franko.lviv.ua/~andrij/vai-concord.html 7. http://cwb.sourceforge.net/ 8. This electronic version was kindly provided by the Saint-Petersburg group working on the Mande corpus (Valentin Vydrin, Artem Davydov, Anna Erman, Kirill Maslinskiy).

ABSTRACTS

The launch of the online concordance with the parallel texts of The Little Prince in Bamana, French, and English is reported. Two working modes are available: the parallel text output and the output of an interlinearized Bamana text. In the parallel text output, the following search options are accessible: entire wordform, words starting with/ ending in/ containing a given character sequence, and exact phrase search. The search options in the interlinearized output mode also include part of speech, gloss, and lemma, but not the exact phrase search. The parallel texts in the corpus are aligned by paragraphs, and a simple algorithm to define the position of a corresponding sentence in the French or English text based on the position of the Bamana sentence is suggested. Automated sentence alignment based on the so-called anchor items (most frequent words) is briefly discussed for future applications.

L’article présente une concordance mise en ligne des textes parallèles bambara, français et anglais du Petit Prince. Deux régimes de travail sont disponibles : la sortie d’un texte parallèle et la sortie d’un texte bambara interlinéarisé. Dans la mode du texte parallèle, des possibilités de recherche accessibles sont les suivantes : le mot-forme entier ; des mots commençant / se terminant par/ contenant des séquences données des caractères ; des phrases entières. Les possibilités de recherche dans la mode interlinéarisée sont : partie de discours, glose, lemme, mais non pas une phrase entière. Les textes parallèles du corpus sont alignés par paragraphes ; un simple algorithme est fourni pour définir la position de la phrase dans le texte français ou anglais en partant de la position de la phrase bambara. L’alignement automatique des phrases se basant sur les point d’ancrage (les mots les plus fréquents) est brièvement discuté ; cela peut être utile pour des applications ultérieures.

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В статье говорится о публикации в Интернете онлайнового конкорданса параллельных текстов «Маленького принца» на бамана, английском и французском языках. Представлены два режима работы: с выводом в виде параллельного корпуса и с выводом в виде синхронизированного баманского текста. В формате параллельного корпуса доступны следующие поисковые опции: по целой словоформе, по последовательности букв в начале, конце или середине слова, по фразе. Поисковые опции в интерлинеаризированной модели также включают поиск по части речи, по глоссе, по лемме, но не по фразе. Параллельные тексты в корпусе выравнены по абзацам. Предлагается простой алгоритм определения позиции соответствующих предложений французского и английского текстов. Исходя из позиции в тексте баманского предложения. Кратко обсуждается возможность применения в последующих версиях автоматического выравнивания предложений на основе так называемых опорных элементов (наиболее частотных слов).

INDEX

Keywords: Bamana, Concordance, Parallel Corpus, Text Alignment, Anchor Item Subjects: bambara motsclesru бамана, конкорданс, параллельный корпус, выравнивание текста, опорный элемент Mots-clés: concordance, corpus parallèle, alignement de texte, point d’ancrage

AUTHORS

ANDRIJ ROVENCHAK Lviv University

SOLOMIJA BUK Lviv University

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Polysemy patterns of two postpositions marking class- membership and property assignment in Jeli (Central Mande) La polysémie de deux postpositions marquant l’appartenance à une classe et attribution d’une caractéristique en jeli (Mandé Central) Полисемия моделей двух послелогов, обозначающих принадлежность к классу и приписывающих свойства в джели (центральные манде)

Holger Tröbs

AUTHOR'S NOTE

The present article is based on a paper read at the 3rd International Conference on Mande Languages and Linguistics, Paris, September 14-17, 2011. The paper was presented during the workshop on “Identification and related functions” organised by Denis Creissels. Abbreviations COND = conditional CONJ = conjunction COP = copula CR = current relevance DEF = definite marker DEM = demonstrative FOC = focus particle IPFV = imperfective INT = interrogative NEG = negation

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Part.Res = resultative participle PFV = perfective PL = plural POSS = possessive marker Pp = postposition REL = relative marker SG = singular TOP = topic marker

1. Introduction

1 Jeli or Jeri is an endangered Central Mande language still spoken by less than 2000 speakers in the north of the Ivory Coast, that is, in Korhogo and surrounding areas (for a detailed list of villages with estimated number of Jeli speakers, cf. Kastenholz 2001). Jeli belongs to the Manding-Jɔgɔ branch within the Central Mande languages (cf. Kastenholz 1996: 70f.). Its nearest relative is Jɔgɔ (“Ligbi”) spoken in Ghana (Brong- Ahafo Region) and some settlements in neighbouring areas of Ivory Coast (Bondoukou, Bouna).

2 In contrast to other Central Mande languages such as Jɔgɔ, Koranko, Bambara, Vai and Yalunka, the concepts of class-membership (‘Musa is a hunter’) and property assignment (‘Musa is president’) on the one hand and equation (‘Musa is the winner’, ‘Musa is my father’) on the other are formally differentiated in Jeli. Whereas class- membership and property assignment are expressed by a copula and a postpositional phrase containing a predicate nominal and a postposition (i.e., kɔ́ŋ or rɛ́), the predicate nominal in nominal sentences expressing equational function is linked to the subject only by a copula, but is not further marked by a postposition. The purpose of this paper is threefold. 1. Data on identificational clauses (with special reference to class-membership and property assignment) in Jeli are presented and discussed within the framework of the functional- typological approach (Sections 2 and 3). 2. The polysemy pattern of the two postpositions involved in marking class-membership and property assignment are investigated in terms of metaphorical extensions and iconic motivation (Section 4). 3. By exploring the range of meanings associated with postpositions used to express class- membership in Jeli the empirical base for a typology of “identificational” postpositions in the Mande languages should be broaden.

2. Theoretical preliminaries

2.1 Semantic subtypes of identificational sentences

3 According to a widely accepted typology of constructions featuring “predicate nominals” (cf. Dik 1989: 161-182, Hengeveld 1992, Payne 1997: 111-119, Stassen 1997), we may distinguish between two major subtypes of identificational sentences.

4 In the first type “a certain property such as group membership (class-inclusion) or a positive or negative quality is predicated of a referential subject in the form of a non-

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referential predicate noun” (Sasse 2007: 28). This semantic subtype (for example: ‘Madu is a hunter’, ‘Madu is communist’) is called “property assignment”, “class-inclusion”, “proper inclusion”, “class-membership” or “ascriptive type” in the literature (cf. Dik 1989: 180, Payne 2007: 114, Hengeveld 1992: 110f.).

5 The second type, named “equative type”, asserts “that a particular entity (the subject of the clause) is identical to the entity specified in the predicate nominal” (Payne 1997: 114). This type can by exemplified by sentences such as ‘Madu is my father’ or ‘Madu is the winner’.1

6 It must, however, be kept in mind that in many languages the equative type (having definite predicate nominals) can oscillate between a specificational and an ascriptive (characterizational) reading. As has been shown by Sasse (2007: 29), this is especially the case when the predicate nominal is a possessive phrase such as ‘my father’ in ‘Ali is my father’. In this example, the specificational reading is indicated if “Ali is the one that has to be identified with”, whereas the same sentence has an ascriptive reading, if it is understood as “Ali has the property of being in a paternal relationship of me” (Sasse 2007: 29).

2.2 Conceptual transfer and encoding strategies of identificational sentences

7 In his typological study “Intransitive predication” Stassen (1997) discusses different sets of encoding mechanisms for intransitive predicates, i.e., event, class-membership, location and property concepts in the languages of the world (his sample contains 410 languages). Moreover, Stassen proposes a set of formal and semantic principles in order to account for the variation of intransitive predicates across languages.

8 As regards the encoding of class-membership predicates, Stassen (1997: 111-113) argues that the use of the equational strategy seems the ‘natural’ option for the encoding of class-membership predicates. This argumentation is motivated by the semantic concept of “iconicity” (“which states, wherever possible, form will mirror function”, Stassen 1997: 113). Thus, the close semantic relation (sometimes resulting in ambiguity) between class-membership predications and equational sentences can be held responsible for the unique encoding of class-membership and equation in many languages of the world.

9 However, opposed to this general concept of “iconicity”, language structure may also be shaped by a general principle of “structural economy”, called by Stassen (1997: 112) “The Economy Principle of Predicate Encoding: Languages tend to minimise the number of different surface patterns in the encoding of their intransitive sentences”. This formal principle accounts for a uniform pattern for locational, class-membership and event clauses. For at least some languages, the ‘desire’ to create a uniform surface pattern for all intransitive sentences may be stronger than the ‘desire’ to maintain semantic transparency. (Stassen 1997: 112)

10 Moreover, on the basis of the localistic interpretation of the concept of predication, the unique structural features of the encoding of class-membership and event predicates across languages can be explained by tracing them back to features of the locational strategy. Thus, according to the framework of localism, predication, i.e. the association of a particular, individual entity with semantic classes of predicates such as class-

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membership, events and properties can be conceived “as location of an entity into a space which is defined by the predicate” (Stassen 1997: 15). […] there exists a tradition of a LOCALISTIC interpretation of the concept of predication, in which events, properties, and classes are seen as ‘places’ at which (the referent of) the subject comes to be situated. […] Thus, we can distinguish between predicates which situate an entity in a CONCRETE spatial location and predicates which assign an ABSTRACT, non-physical and non–spatial, location to their subjects. (Stassen 1997: 15)

3. Identificational sentences in Jeli2

11 As stated before, the concepts of class-membership and equation are formally differentiated in Jeli. Class-membership predicates are expressed by a copula and a postpositional phrase containing a non-referential3 predicate nominal and a locative postposition. Two locative postpositions are used in the marking of class-membership predicates, i.e., the inessive Pp kɔ́ŋ and the adessive Pp rɛ́. These two postpositions are used interchangeably, as shown in examples (1) and (2).4

CLASS-MEMBERSHIP / PROPERTY ASSIGNMENT

NS + à + NS + kɔ́ŋ / rɛ́; predicate nominal is non-referential

(1) ò tà=na gbìra sí kɔ́ŋ / rɛ́

2PL FOC=PL.COP stupid.person FOC Pp

‘You are stupid people.’

(2) nàa jèli sí kɔ́ŋ / rɛ́

1SG.COP Jeli FOC Pp

‘I am a Jeli.’

12 Since class-membership predicates in Jeli are always marked by a locative postposition, they are metaphorically interpreted as having a spatial dimension, i.e., as an interior when used with the Pp kɔ́ŋ or as a place when used with the Pp rɛ́. Class-membership sentences in Jeli thus locate someone in or at a class or group (‘I am in / at the group of Jeli’). In Anderson’s terms (1971: 207), class-membership predicate nominals are “a subtype of locative”.

13 The concept of equation, however, is expressed in Jeli by a copula and a bare nominal. The predicate nominal is not further marked by a postposition, as shown in examples (3) and (4). Thus, no localistic interpretation can be suggested.

EQUATION

NS + à +NS; predicate nominal is referential

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(3) kpùru-kara-mugo=ni sá à tà=ni

leather-sew-man.DEF=PL FOC.COP 1PL FOC=PL

‘We are the leatherworkers.’

(4) ì tà mɔ́ sá ná wù-mɔ́

3SG FyyOC chef.DEF FOC.COP 3PL.POSS head-chef.DEF

‘This person is their leader.’

14 To summarize, on the basis of the localistic interpretation of the concept of predication, the structural features of the encoding of class-membership predicates in Jeli can be explained by tracing them back to features of the locational strategy. The same can be assumed for intransitive event predicates by taking their possible diachronic developments into account, cf. (5a)-(5c).

Location Schema (X is at Y)

(5a) ní kpó=à gbàŋ-dɔ́ rɛ́

3PL all=COP house-door.DEF Pp

‘All of them are at the entry door.’

Reconstructed Progressive

(5b) *ní kpó=à kù=o rɛ́

3PL all=COP talk=DEF Pp

‘All of them are at talking.’

Progressive / Habitual

(5c) ní kpó=à kù-ɛ

3PL all=COP talk-IPFV

‘All of them are talking / talk.’

15 The Jeli language has opted for a uniform surface pattern for locational, class- membership and (historically) intransitive event sentences by way of locational takeover. The locational strategy prevails over the equational strategy as regards the encoding of class-membership predicates. Or, to put it in Stassen’s terms (1997: 112), for the Jeli language, the ‘desire’ to create a uniform surface pattern for all intransitive

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sentences was stronger than the ‘desire’ to mirror the close semantic relation between equational predicates and class-membership predicates formally by taking over the equational strategy.

4. Polysemy pattern of the two postpositions involved in marking class-membership

16 As noted above, two spatial postpositions are involved in marking class-membership predicates. As the spatial postpositions in Central Mande in general (cf. Tröbs 1998, 1999), these two postpositions express mainly topological relations (proximity, contact, containment) but are neutral with respect to the differentiation of Source and Goal. It should thus be kept in mind that directional meaning components are only lexicalized in verbs (so called directional or orientation verbs), but not in postpositions. Following Lüpke (2007: 553-561), while describing semantic extensions of the two spatial postpositions we will specify which semantic path relation, namely Source or Goal (although indicated by the directional semantics of the verb), is marked by them.

4.1 Polysemy pattern of the spatial Pp kɔ́ŋ

17 Kɔ́ŋ is a lexical postposition with the meaning ‘inside, in’. It goes back to the relational noun meaning ‘stomach’. The distinction between relational noun and lexical postposition is not always easy to draw. When used as a lexical Pp, kɔ́ŋ neither accepts nominal determiners such as the definite marker -o nor modifiers.5

(6) nà kɔ́ŋ=à nà díbe-nɛ

1SG stomach=IPFV 1SG hurt-IPFV

‘My stomach hurts (me).’

18 In its original spatial meaning the Pp kɔ́ŋ indicates a specific topological or Ground relation, i.e., insideness or containment, as shown in example (7).

PRIMARILY INESSIVE SEMANTICS WITH CONCRETE NOUNS

(7) ì mì dà (dò+à) yí=o kɔ́ŋ…

3SG REL TOP.COP water=DEF Pp

‘what is in (inside) the water…’

19 The extensions of kɔ́ŋ include the encoding of inessive semantics with abstract nouns as shown in (8) and (9), location in a place with non-motion verbs (10), movement towards a Goal with allative verbs (11) and movement away from a Source with ablative verbs (12).

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INESSIVE SEMANTICS WITH ABSTRACT NOUNS

(8) ná mì kɛ̀lɛ tìga jèli-kpuraɔ kɔ́ŋ?

3PL.IPFV what call.IPFV peanut Jeli-language.DEF Pp

‘How do they say ‘peanut’ in the Jeli language?’

(9) yé ɲíɛ jòli kɔ́ŋ

2SG.COP year how.many Pp

‘How old are you?’ (lit. In how many years are you?)

LOCATION IN A PLACE WITH NON-MOTION VERBS

(10) nà Ø wà kpòo kà-Ø bɔ̀gɔ kɔ́ŋ

1SG PFV6 CR7 hoe.DEF leave-PFV bush.DEF Pp

‘I have left the hoe in the bush.’

movement towards a goal with allative verbs

(11) ì Ø sɔ̀-Ø bɔ̀gɔ kɔ́ŋ

3SG PFV enter-PFV bush.DEF Pp

‘He went into the bush.’

movement away from a source with ablative verbs

(12) ì Ø wà búɔ-Ø bɔ̀gɔ kɔ́ŋ

3SG PFV CR come.from-PFV bush.DEF Pp

‘He has come from the bush.’

20 Furthermore, the Pp kɔ́ŋ is employed to mark abstract predicative possession by using the Location Schema (Y is located in X) encoding the possessor (X) as a locative complement and the possessee as the subject (cf. Heine 1997: 91f.). As shown in examples (13) and (14), the possessee is physical or psychological state.

ABSTRACT PREDICATIVE POSSESSION

(13) ɲɛ̀ɔ sá nà kɔ́ŋ

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sleep.DEF FOC.COP 1SG Pp

‘I am tired.’ (lit. sleep is in me)

(14) nà fàli=à ì kɔ́ŋ

1SG antidote=COP 3SG Pp

[Some girls said:] ‘He (the youngest brother) is mine.’ (lit. My antidote is in him)

21 In the uses studied so far, the Pp kɔ́ŋ functions as a Ground-denoting Pp in the expression of locative and possessive relations as well as motion events.

22 Moreover, the Pp kɔ́ŋ is also used to mark predicative arguments of verbs expressing quality and transformation, as shown in (15) and (16).

PREDICATIVE ARGUMENTS OF VERBS EXPRESSING QUALITY (ESSIVE FUNCTION)

(15) ná à tà=ni fíle-nɛ jògo-ni sí kɔ́ŋ

3PL.IPFV 1PL FOC=PL see-IPFV Dyula FOC Pp

‘They (people from Katala) consider us (the Jeli from Korhogo) to be Dyula.’

PREDICATIVE ARGUMENTS OF VERBS EXPRESSING TRANSFORMATION (TRANSLATIVE FUNCTION)

(16) ndà=ni Ø má-Ø mùgu=ni kɔ́ŋ

3PL.FOC=PL PFV make-PFV person=PL Pp

‘They became human beings.’

23 As noted by Creissels (2008: 1), in contrast to canonical arguments of verbs, predicative arguments “do not denote an entity involved in the verbal event, but a property predicated of the referent of another argument of the same verb”. Typical predicative arguments appear in constructions with verbs such as ‘to become’, ‘to transform’, ‘to act as’, ‘to consider to be’, ‘to pretend to be’, etc. Thus, we observe a semantic affinity (i.e., property assignment) between predicative arguments and predicate nominals in identificational clauses. Verbs whose argument structure includes a predicative argument lend themselves to a semantic decomposition including a predication of identification. (Creissels 2008: 1)

24 The identical encoding of class-membership predicate nominals and predicative arguments of quality and transformation verbs is thus an example of iconic motivation: similar form reflects similar meaning or conceptual structure (cf. Croft 1990: §7.3).

25 Finally, our corpus contains one example in which kɔ́ŋ marks the experiencer of the emotion verb kúdia ‘be pleasant’. Here, the Pp rɛ́ can be used alternatively to kɔ́ŋ.

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EXPERIENCER OF AN EMOTION VERB

(17) súŋ mì dò kúdia kɔ̀ndi mɛ̀ kɔ́ŋ / rɛ́

thing REL TOP be.pleasant bird DEM Pp

‘…which food this bird likes.’ (lit. which food is pleasant for the bird)

26 Let us now turn to the other Pp involved in marking class-membership.

4.2 Polysemy pattern of the Pp rɛ́

27 Rɛ́ is a formal Pp with spatial (‘at’) and associative meaning (‘with’). The assumed original meaning of rɛ́ is adessive, i.e., it indicates proximity by stating that ‘the Figure is close to a spatial Ground’, as shown in (18).

ADESSIVE MEANING

(18) ní sàga-ra gbàŋ-dɔ́ rɛ́

3PL sit-Part.Res house-door.DEF Pp

‘They are sitting at the entry door.’

28 The metaphorical extensions of the adessive semantics of rɛ́ include the expression of temporal meaning (19), the marking of abstract predicative possession where the possessee (Y), i.e., a psychological state (20), a physical state (21) or another abstract concept (22), is located at the possessor (X), and the encoding of comparison (23). According to Heine (1997: 117), comparison is expressed by using a variant of the Location Schema, namely, ‘X is Y at Z’, which establishes a spatial relation between the comparee (X) and the standard (Z). The Location Schema can, thus, be paraphrased as “X has property Y, and if Z is placed in the same location as X, X has more than Z does” (Heine 1997: 114).

TEMPORAL MEANING (LOCATION IN TIME)

(19) yè sínɛ yè tàna-Ø tɛ́lɔ mì rɛ́

3SG.IPFV look.for.IPFV 3SG.IPFV get.red-PFV time.DEF REL Pp

‘When (the time when) it (the mango fruit) is getting red…’

ABSTRACT PREDICATIVE POSSESSION (Y IS LOCATED AT X)

(20) yákili=à ì rɛ́

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intelligence=COP 3SG Pp

‘He is intelligent.’ (lit. Intelligence is at him)

(21) kùgu=à à kpó rɛ́

hunger=COP 1PL all Pp

‘All of us are hungry.’ (lit. Hunger is at all of us)

(22) nà rá cà=à í tà rɛ́

1SG POSS credit=COP 2SG FOC Pp

‘You owe me money.’ (lit. My credit is at you)

COMPARISON BY USING THE LOCATION SCHEMA (X IS Y AT Z)

(23) ì ká gbɔ̀ ì bála-ná wòmɛ rɛ́

3SG POSS tree.DEF 3SG become.big-Part.Res DEM Pp

‘His tree is bigger than this.’

29 In addition to the uses mentioned so far, rɛ́ is employed to encode associative meaning (comprising comitative and instrumental). As argued by Croft (1991: 197), the comitative function is related to the adessive function “by the COMITATIVE- PROXIMITY metaphor, in which a spatial expression of co-location such as ‘near’ or ‘among’ develops into a comitative form”. A similar argumentation is found in Anderson (1971: 4), who argues that the comitative function has an underlying locative structure since it indicates typically “the person along with whom”. Moreover, the conflation of comitative and instrumental meanings into one marker is widely attested in the languages of the world (Croft 1991, Heine et al. 1991). The polysemy between comitative and instrumental markers is motivated by the COMPANION-INSTRUMENT metaphor that states that ACCOMPANIMENT also indicates INSTRUMENTALITY (cf. Lakoff/Johnson 1980: 134f.). The comitative function is exemplified in (24)-(27).8 Examples (28) and (29) illustrate the instrumental function.

COMITATIVE FUNCTION

(24) Mori=à ɲì-ɛ à rɛ́ súma

Mori=IPFV spend.the.night-IPFV 1PL Pp tomorrow

‘Mori will spend the night at our place/with us [chez nous] tomorrow.’

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(25) sá ní yí=o rɛ́!

come and water=DEF Pp

‘Bring water!’ (lit. come with water)

(26) fì sí Ø wà tà’a-Ø wá ní í rɛ́?

today FOC PFV CR go.away-PFV INT and 2SG Pp

‘Have you gone mad today?’ [lit. today has gone away with you?]

(27) yè kù-ɛ ní Soma rɛ́

3SG.IPFV talk-IPFV and Soma Pp

‘He is speaking with/to (talking with/to) Soma.’

INSTRUMENTAL FUNCTION

(28) nà Ø nà wù=o yìri-Ø (ní) jèse=o rɛ́

1SG PFV 1SG head=DEF bind-PFV (and) yarn=DEF Pp

‘I tied up my hair with a yarn.’

(29) wáli=o=à dègaŋ kánkɔŋ ní kálaŋ nɛ́

boy=DEF=COP grave Pp and bow Pp

‘The boy is on the grave with a bow.’

30 Moreover, causation can be perceived as place with the Pp rɛ́. In example (30), the postpositional phrase kùgo rɛ́ is viewed as cause “triggering” the verbal action (cf. Radden 1985: 182).

“TRIGGERING CAUSE”

(30) dí=o=ni dà dì-ɛ nà ɲɔ̀ kùgo rɛ́

child=DEF=PL TOP.IPFV cry-IPFV 1SG Pp hunger.DEF Pp

‘The children are crying for me (because) of hunger.’

31 According to its broad semantics, i.e., spatial, comitative, instrumental and cause, rɛ́ is used to mark participants of certain intransitive verbs as well as the third participant

Mandenkan, 50 | 2013 149

of three-place verbs.9 Depending on the directional semantics of the intransitive verb governing rɛ́, rɛ́ functions to mark the Goal or Source of the verb. In (31), rɛ́ serves to encode the Goal, in (32) it marks the Source.

GOAL WITH INTRANSITIVE DIRECTIONAL VERBS

(31) ì Ø wà màga-Ø sìbe=o rɛ́

3SG PFV CR touch-PFV meat=DEF Pp

‘He has touched the meat.’

SOURCE WITH INTRANSITIVE DIRECTIONAL VERBS

(32) ì Ø wà dàga-Ø à rɛ́

3SG PFV CR slip.away-PFV 1PL Pp

‘It (the Jeli language) has slipped away (from us).’ [it has become disused]

32 The above mentioned concept of “triggering cause” (Radden 1985: 182) can be held responsible for the use of rɛ́ with emotion verbs such as ‘to dream about’, as shown in example (33).

“TRIGGERING CAUSE” WITH INTRANSITIVE REACTIONAL OR EMOTION VERBS

(33) ní í sá kúro má-Ø yí=o rɛ́…

CONJ 2SG COND dream.DEF do-PFV water=DEF Pp

‘If you dream about water…’

33 Furthermore, rɛ́ is used to mark the third participant of transfer verbs. In (34) rɛ́ serves to encode the animate Goal or Receiver of a verb of change of possession, in (35) rɛ́ is used to indicate the ‘information asked for’ in a verb of transfer of information.

THIRD PARTICIPANT OF TRANSFER VERBS (VERBS OF CHANGE OF POSSESSION)

(34) nà Ø wà wáro lè-Ø nà séŋ rɛ́

1SG PFV CR money.DEF give-PFV 1SG father Pp

‘I have given [as a present] money to my father.’

third participant of transfer verbs (verbs of change of information)

Mandenkan, 50 | 2013 150

(35) má Ø wà í tà nìgi-Ø kíli=o rɛ́?

who PFV CR 2SG FOC ask-PFV way=DEF Pp

‘Who has asked you for the way?’

34 As noted by several authors (cf. Croft 1990: 166, Lüpke 2007: 557; 561), there is a clear metaphorical relationship between the change in location and the transfer of possession of an object. In this metaphorical extension, changes of possession are treated like changes in location. In a further extension, transfers of information are conceived as transfers of possession of an object. To put it in Lüpke’s (2007: 557) terms, what events of change of location, events of change of possession, and events of change of information have in common is that all three types “entail at least a metaphorical transfer of an entity from a Source to a Goal, applying a metaphor I will henceforth label ‘transfer-metaphor’”. A still more abstract extension of the “transfer metaphor” can be held responsible for the use of rɛ́ to mark the animate Goal or malefactive with the generic verb má ‘to do’, as shown in (36).

THIRD PARTICIPANT OF TRANSFER VERBS (ABSTRACT EXTENSION OF THE “TRANSFER METAPHOR”)

(36) yè sínɛ yè mì má-Ø nà rɛ́?

3SG.IPFV look.for.IPFV 3SG.IPFV what do-PFV 1SG Pp

‘What can he (the lion) do to (against) me (the hare)?’

35 Finally, according to its associative meaning, rɛ́ can also be used to mark the transferred object in a change of possession verb. In this so called “Theme-Instrument Strategy” (Lüpke 2005: 217) the object of transfer is treated as an Instrument and the Goal or target of transfer is associated with the Theme. Thus, in example (37), rɛ́ is employed to indicate the gift or the good of transfer by treating it as an instrument.

TRANSFERRED OBJECT IN A CHANGE OF POSSESSION VERB

(37) à Ø ì kúɔ-Ø wári rɛ́ tɛ́

1PL PFV 3SG present-PFV money Pp NEG

‘We did not present him with money.’

5. Summary

36 Our findings on the different polysemy pattern of the Pp kɔ́ŋ and rɛ́ as well as the related explanatory parameters are summarized in Table 1.

Mandenkan, 50 | 2013 151

Table 1: Main extensions of the spatial postpositions kɔ́ŋ and rɛ́

Motivational basis for extensions based on Pp Function cross-linguistically attested conceptual transfer patterns

Locative relations; i.e., denotes specific Ground Abstract predicative possession is expressed relations (insideness) in the expression of kɔ́ŋ with the Location Schema (Y is located in X) location, possession, motion events (with (Heine 1997: 91f.) directional verbs: Source/Goal)

Class-membership predicate nominals are Class-membership “a subtype of locative” (Anderson 1971: 207)

Semantic affinity between class- Predicative arguments of verbs expressing membership predicate nominals and

quality and transformation (essive/translative) predicative arguments (= iconic motivation, cf. Creissels 2008)

Locative relations; i.e., denotes specific Ground relations (proximity) in the expression of Abstract predicative possession is expressed rɛ́ location and possession as well as in events of with the Location Schema (Y is located at X) change of location (with directional verbs: (Heine 1997: 91f.) Source and Goal)

Class-membership predicate nominals are “a subtype of locative” (Anderson 1971: Class-membership 207); “The Economy Principle of Predicate Encoding” (Stassen 1997: 112)

Comparison is expressed with the Location Comparison Schema (X is Y at Z) (Heine 1997: 117)

COMITATIVE-PROXIMITY metaphor (Croft Comitative, Instrument 1991: 197); COMPANION-INSTRUMENT metaphor (Lakoff & Johnson 1980: 134)

Causation viewed as a place “triggering” the “Triggering cause” verbal action (Radden 1985: 182)

Changes of possession and information are Third participant with transfer verbs treated like changes of location (Croft 1990: 166; Lüpke 2007)

37 The treatment of the polysemy pattern of the two postpositions used to encode class- membership predicates in Jeli was based on the localist hypothesis, according to which spatial concepts are more basic than other concepts and therefore serve as source pattern for the conceptualization of non-spatial concepts (Anderson 1971, Lakoff & Johnson 1980, Lyons 1977).

38 Since these two “identificational” postpositions clearly have a spatial component (insideness, proximity), we have argued that their “identificational meaning” is derived

Mandenkan, 50 | 2013 152

from their spatial meaning and treated class-membership predicate nominals as “a subtype of locative” (Anderson 1971: 207).Moreover, by using several common conceptual metaphors we have shown that the basic concepts “space” and “change-in- space” served as templates for the development of a set of other postpositional functions such as the encoding of abstract predicative possession, comparison, comitative, instrumental, “triggering cause”, and third participants with transfer verbs.

39 In contrast to the lexical Pp kɔ́ŋ which still preserves its concrete spatial (inessive) meaning, the formal Pp rɛ́ has a highly general semantics and is used besides its adessive semantics to cover all kinds of situations entailing metaphorical transfer.

40 Finally, neither of the two postpositions can be used to mark beneficiaries (for, to somebody’s benefit) or oblique agents.

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NOTES

1. The terminology for constructions involving predicate nominals is thus quite varied and highly confusing. We use “identificational sentences” as a cover term comprising two major subgroups: “class-membership” (rather than “class-inclusion” or “proper inclusion”) and “equation” (rather than “identificational clause”). 2. For a description of one-argument identificational (presentational) clauses (NS + sùŋ), cf. Tröbs (1998: 175ff.). 3. Referentiality (involving discourse referentiality and definiteness, cf. Tröbs 1998: 106-111, Payne 1997: 263-266) is indicated by the definite marker –o. It either “leans on” the preceding noun or replaces the final vowel of the preceding noun if the noun constitutes the only element of the nominal phrase. 4. The definite marker –o and the plural marker –ni are considered to be enclitics. In contrast to suffixes, they do not exhibit a high degree of selection with respect to their stems but, syntactically, attach to the borders of a nominal phrase. The copula / imperfective auxiliary –à is also treated as an enclitic, since its host is not a specific kind of stem but a specific phrasal node, i.e., the subject NP (cf. Klamer 1994: 50 for pronominal cliticisation in Kambera). Moreover, the copula / imperfective auxiliary –à cannot stand on its own in a normal utterance. Finally, the copula / imperfective auxiliary –à often merges with the preceding element. 5. It should be noted that nouns ending in a velar nasal such as kɔ́ŋ ‘stomach’ do not differ in the surface between definite (cf. kɔ́ŋ < kɔ́ŋ + o) and indefinite (cf. kɔ́ŋ) forms. 6. The distinction between perfective and imperfective aspect is basic to the Jeli TAM system. This opposition is marked by the combination of auxiliaries and inflectional verb stems. Thus, the imperfective aspect is encoded by the auxiliary (predicate marker) –à in combination with

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the imperfective verb form which is derived principally through suffixation (cf. Tröbs 1998: 84-89). In contrast to the imperfective aspect, the perfective aspect is unmarked twofold. First, it has no overt perfective auxiliary. Second, the perfective verb form is unmarked. In order to keep an explicit marking for these two non-overt elements, an overt “Ø” is included in the Jeli line, and “PFV” in the gloss line. 7. Current relevance (CR) indicates a specific deictic component of meaning, i.e., an action which took place in the past is relevant to the moment of speech. According to Bybee et al. (1994: 86), the specification of current relevance is lost, when an anterior (or perfect) changes into the past or perfective. 8. Note that comitative semantics is usually expressed by the coordinating conjunction ní [N1 ní N2] which assigns equal rank to the elements it connects (cf. Mori ní Soma wà cí ‘Mori and Soma have arrived’). 9. For a thorough semantic analysis of postpositions marking the third participant of three-place verbs in Yalunka, cf. Lüpke (2007: Section 3).

ABSTRACTS

This paper examines the polysemy patterns of two postpositions marking class-membership and property assignment in Jeli, a Central Mande language, in terms of metaphorical extensions and iconic motivation. It thus aims at broadening the empirical base for a typology of “identificational” postpositions in the Mande languages.

Cet article traite des modèles de la polysémie de deux postpositions marquant l’appartenance à une classe et l’attribution d’une caractéristique en jeli, une langue Mandé Centrale, dans les termes des extensions métaphoriques et de la motivation iconique. Cela permet d’élargir la base empirique de la typologie des postpositions d’identification dans les langues Mandé.

В статье исследуются модели полисемии двух послелогов в джели (центральные манде), маркирующих принадлежность к классу и приписывающих свойства, в терминах метафорических расширений и иконической мотивации. Таким образом, статья направлена на расширение эмпирической базы для типологии послелогов «идентификации» в языках манде.

INDEX

Subjects: langues mandé centrales, jeli Keywords: Postpositions, Identificational Clauses, Jeli, Central Mande motsclesru послелоги, полисемия, клаузы идентификации, джели, центральные манде Mots-clés: postpositions, polysémie, propositions d’identification

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AUTHOR

HOLGER TRÖBS University of Mainz [email protected]

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Le comportement tonal des marqueurs prédicatifs dans la langue kakabé The tonal behavior of predicative markers in the Kakabe language Тональное поведение предикативных показателей в языке какабе

Alexandra Vydrina

NOTE DE L’AUTEUR

Cette recherché a été menée avec le soutien financier de la fondation ELDP, subvention IGSO197 « Description and the documentation of the Kakabe language » et de la Fondation russe des sciences humaines, subvention 13-34-01015 « Les systèmes verbaux en langues mandé dans le contexte typologique et la recherche régionale ». Abréviations B = ton bas ART = article référentiel CAUS = causatif FH = futur-habituel GER = gérondif H = ton haut LOC = locatif MP = marqueur prédicatif NEG = négation PFV = perfectif PL = pluriel POSS = marqueur possessive PC.RES = participe résultatif PST.INTR = prétérit dans la construction intransitive PST.TR = prétérit dans la construction transitive

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PRF = parfait REF = réfactif REFL = réflexif SEQ = séquentiel SG = singulier VERB.PL = pluralité verbale.

0. Introduction

1 Cet article concerne la question de la réalisation des tons sur les auxiliaires dans la langue kakabé (mokolé < mandé ouest) et, dans une perspective plus large, celle du rapport entre les tons lexicaux et grammaticaux ainsi que celle de l’interaction entre les tons des morphèmes dans l’énoncé1.

2 Le Kakabé est une langue minoritaire de la République de Guinée parlée sur le plateau du Fouta-Jalon. Il est difficile d’évaluer le nombre de locuteurs du kakabé parce qu’ils n’ont jamais été pris en compte dans les recensements : face à des étrangers, les Kakabé s’identifient souvent avec les Peuls. Quant à la variation dialectale, les différences les plus importantes sont attestées entre les variétés parlées dans la sous-préfecture de Timbo (dialectes sud-est) et les variétés parlées dans la sous-préfecture de Kankalabé (dialectes nord-ouest).

3 Comme pratiquement toutes les langues mandé, le kakabé est une langue tonale. Est attestée une opposition de deux tons, haut et bas. Normalement, dans une langue tonale, à chaque syllabe est attribuée un des tons. En même temps, les mécanismes d’attribution des tons de surface pour chaque syllabe sont différents en fonction de divers paramètres.

4 L’ordre des mots en kakabé est strictement S-Aux-O-V-X avec le X référant à tout constituant sauf sujet ou complément d’objet direct.

5 Les valeurs d’aspect, de temps, de polarité et de mode sont exprimées cumulativement par le paradigme d’auxiliaires qui sont appelés dans la tradition mandéisante les marqueurs prédicatifs (MP). Leur position syntaxique dans l’énonce est strictement fixe : immédiatement après le groupe sujet, par exemple :

(1a) ǹ bátí nɔ◌́nɛ◌̀ sàn

1SG PRF lait.ART acheter

‘J’ai acheté du lait’.

(1b) ǹ máá nɔ◌́nɛ◌̀ sàn

1SG NEG.PRF lait.ART acheter

‘Je n’ai pas acheté de lait’.

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6 Le Tableau 1 ci-dessous présente le paradigme des marqueurs TAM et de la polarité en kakabé. Toutes ces valeurs prédicatives sont exprimées par les MP (dans le cas du progressif affirmatif et négatif, un MP se combine avec le suffixe verbal du gérondif). La seule exception est le prétérit intransitif, exprimé par le suffixe verbal ‑ta.

Tableau 1. Le paradigme des marqueurs TAM et de polarité en kakabé

MP affirmatifs MP négatifs

bi ...-la – progressif (MP avec un suffixe de bélé …–la – progressif négatif (MP avec un suffixe de gérondif) gérondif) bátí – parfait máá – perfectif négatif ka – prétérit transitif téé – futur-habituel négatif -ta – prétérit intransitif (suffixe verbal) kání – impératif négatif ni – modal

si – futur-habituel

mání – conditionnel

1. La série des MP négatifs est réduite par rapport au nombre des MP affirmatifs. Premièrement, dans la série négative il n’y a pas d’opposition entre le parfait et le prétérit. En conséquent, c’est le perfectif négatif qui s’oppose au parfait comme au prétérit affirmatif. Deuxièmement, il n’y a pas de marqueur négatif du conditionnel. 2. Le marqueur du progressif (soit négatif, soit affirmatif) se distingue des autres membres du paradigme par le fait qu’il est exprimé par la combinaison de l’auxiliaire bi (pour l’affirmatif) ou bele (pour le négatif) et du suffixe verbal –la, (tandis que les autres MP ne contiennent qu’un seul morphème) :

(2a) Fa◌́ntá bí bàntàráà tùgú-lá

Fanta être manioc.ART piler-GER

‘Fanta est en train de piler le manioc’.

(2b) Fa◌́ntá bélé bàntàráà tùgú-lá

Fanta être.NEG manioc.ART piler-GER

‘Fanta n’est pas en train de piler le manioc’.

3. L’expression du prétérit dépend de la transitivité/intransitivité de la construction. Il est marqué par l’auxiliaire ka dans les propositions intransitives et par le suffixe –ta dans les propositions transitives :

(3) àn tágá-tá, àn ká nɛ̀tɛ́ɛ̀-nù yén

3PL aller-PST.INTR 3PL PST.TR noix.ART-PL voir

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àn yɛ̀lɛ́-tá àn ká nɛ̀tɛ́ɛ̀-nù bɔ́ɔ́

3PL monter-PST.INTR 3PL PST.TR noix.ART-PL sortir

‘Ils sont partis, ils ont vu les noix, ils sont montés et ils ont pris les noix’.

7 Quant au comportement tonal d’un MP, il dépend, d’abord, de sa forme phonologique et, ensuite, du contexte. Ces deux paramètres sont analysés en détail dans les sections 1, 2 et 3. La section 4 concerne la question plus générale du rapport entre la grammaticalité du morphème, sa longueur et sa capacité à porter son propre ton.

1. Les MP dans la position devant le verbe ou devant le nom

1.1. La polarisation du ton

8 Le comportement tonal des MPs dépend de deux paramètres phonotactiques. Comparons le ton d’un MP monosyllabique et d’un MP dissyllabique lorsqu’ils sont devant un nom à ton haut (pour rendre la présentation plus explicite, une ligne supplémentaire est mise sous la ligne des gloses où les tons sont désignés par les lettres, H pour le haut, B pour le bas) :

(4a) ǹ be◌́le◌́ tu◌́la◌̀ ye◌́n

1SG être.NEG souris.ART voir

B HH HB H

‘Je ne vois pas la souris’.

(4b) ǹ sì tu◌́la◌̀ ye◌́n

1SG FH souris.ART voir

B B HB H

‘Je verrais la souris’.

9 D’après ces deux exemples on pourrait conclure que le MP bélé est de ton haut et le MP si de ton bas. Cependant, considérons le cas où la position du complément d’objet direct est occupée par un nom à ton bas initial :

(5a) ǹ be◌́le◌́ sùséè ye◌́n

1SG NEG.IPFV poulet.ART voir

Mandenkan, 50 | 2013 160

B HH BHB H

‘Je ne vois pas le poulet’.

(5b) ǹ sí sùséè ye◌́n

1SG FH poulet.ART voir

B H BHB H

‘Je verrai le poulet’.

10 Le ton du MP bélé est le même que dans la phrase (2). Par contre, le ton de si est haut, contrairement à ce qu’on observe dans la phrase (3). Dans les deux cas, le ton de si est différent du ton de la syllabe suivante : haut devant le bas et bas devant le haut. Cela permet de conclure que le ton inhérent de bélé est haut et que si n’a pas de son propre ton, ou plutôt que ce MP est caractérisé par un ton qui se polarise par rapport au ton de la syllabe suivante.

11 Afin de déterminer les tons de toutes les marques prédicatives kakabé, chacune a été enregistrée dans deux contextes (comme dans les exemples 2-5), devant un nom à ton haut et devant un nom à ton bas :

(6a) ǹ MP tu◌́la◌̀ ye◌́n

(6b) ǹ MP sùséè ye◌́n

12 Ont été également examinées presque toutes les occurrences de chaque MP dans le corpus de textes. Le résultat de l’analyse est que les MP d’une seule syllabe légère se caractérisent par un ton polarisant. Voici ces MP avec leurs valeurs données entre parenthèses : ka – (prétérit intransitif) ; ni – (optatif) ; si – (futur-habituel) ; bi – (MP qui en combinaison avec le suffixe verbal –la indique le progressif). 13 Le marqueur du séquentiel ka◌̀ ne comporte qu’une seule more, mais il est de ton bas dans n’importe quel contexte :

(7) à táá-tá kà jií dí ̀isà ́ fìlá nààtì.

3SG aller-PST.INTR SEQ oiseau deux apporter

‘Il est parti et a rapporté deux oiseaux’.

(8) sííkúlí-ndè bòyí-tá, kà wúlí, kà pàtápàtà.

Mandenkan, 50 | 2013 161

bouc-DIM.ART tomber-PST.INTR SEQ se.lever SEQ se.débattre

‘Le petit bouc est tombé, puis il s’est levé, puis il a commencé à se débattre’.

14 Bien que le marqueur ka◌̀ soit toujours placé devant le groupe verbal, il est syntaxiquement différent des MP. Il n’apparaît en effet que dans les énoncés où le sujet n’est pas exprimé, comme dans les exemples (7) et (8). En outre, la valeur sémantique du séquentiel exprimée par ka◌̀ ne fait pas partie des catégories de TAM et de polarité exprimées par les MP. On reviendra sur ce marqueur et son ton bas stable dans la section 4 qui porte sur le rapport entre la grammaticalité du morphème, sa dimension et sa capacité à porter son propre ton. Les exemples suivants montrent la polarisation du ton des MP monomores ka, ni, si et bi par rapport au ton du nom suivant :

(9) ɔ̀ nì síkkè lè sàà.

2PL OPT chanson.ART FOC mettre

‘Vous devez chanter une chanson’.

(10) ɔ̀ ni◌́ ɲàgáà da◌̀a.

2PL OPT nid.ART fabriquer

‘Vous devez fabriquer un nid’.

(11) ǹ si◌̀ cɔ́ɔ◌́rà díí ì bóló.

1SG FH exorcisme.ART donner 2SG envers

‘Je t’apprendrai un exorcisme’.

(12) kúnu◌́n mɔ◌́ɔ◌́ kà náa◌́nè fàga◌̀.

hier 1PL PST.TR quatre.ART mourir

‘Hier nous avons tué quatre (personnes)’.

15 MP bátí, bélé …(-la) et kání qui ont deux syllabes chacun se prononcent avec le ton haut dans les deux contextes :

(13) búu◌́ma◌́tɔ◌́-ɛ̀ bátí nɛ̀tɛ́ɛ̀-nù damú ́.

enceinte-ART PRF nété.ART-PL manger

Mandenkan, 50 | 2013 162

‘La femme enceinte a mangé les grains de l’arbre néré’.

(14) tu◌́lá-nu◌̀ ba◌́tí hu◌́rgɔ◌́ be◌̀lèbe◌́lé sa◌́á.

souris-PL PRF palissade grand mettre

‘Les souris ont fait une grande palissade’.

(15) a◌́llá k’ á fɔ́ɔ◌́ do◌́ódó

Dieux PST.TR 3SG dire quelqu’un

‘Dieu a dit que personne

ka◌́ni◌́ yɛ́gɛ◌́ bi◌̀tà si◌́mítɛ̀ tɔ◌̀.

IMP.NEG poisson attraper samedi.ART dans

‘ne peut pêcher le samedi’.

16 Ils s’est avéré que les MP maa et tee possèdent un ton haut aussi :

(16) sàgúe◌̀ma◌̀ a◌̀n máa◌́ dénnɛ̀ yén

matin 3PL NEG.PFV enfant.ART voir

‘Le matin ils n’ont pas vu l’enfant’.

(17) ǹ ma◌́á ɛ̀llà ye◌́n bu◌̀tu◌́n.

1SG NEG.PFV mal voir encore

‘Je n’ai pas encore vu de mal (de leur part)’.

(18) n◌̀ te◌́e kéle◌́ɲɛ̀ damù ◌̀

1SG NEG.PFV un.ART manger

i◌̀ kɔ◌́ma◌́ háa◌́ i◌̀ ni◌́ nàa.

2SG derrière jusqu’à 2SG OPT venir

‘Je n’en mangerai pas un seul en ton absence avant que tu ne viennes’.

Mandenkan, 50 | 2013 163

17 Cela signifie que l’unité quantitative qui définit le comportement tonal d’un MP n’est pas une syllabe mais une more. Ainsi, la règle de la réalisation du ton des MPs peut être formulée de la manière suivante :

(19) les MP à deux mores (minimum) ont un ton haut ;

les MP à une more ont un ton qui se polarise par rapport au ton de la syllabe suivante.

1.2. Les formes réduites de MP

18 Un autre argument en faveur de l’assertion que le comportement tonal des MP est déterminé par le nombre de leurs mores est la réalisation tonale des formes réduites de MP.

19 Ces formes existent pour tous les MP dissyllabiques : bélé, bátí et kání. Quand ils sont suivis par un mot commençant par une consonne, leur voyelle finale peut s’élider. Ces formes réduites sont facultatives, elles sont utilisées surtout dans le discours rapide. Dans le cas du MP kání il s’agit d’une simple omission de la voyelle finale, kání → kán :

(20) i◌̀ ka◌́n fɛ́nfɛ◌́n gbàsi◌̀ ɲɔ́ɔ◌́ bì.

2SG IMP.NEG quelque.chose frapper ici aujourd’hui

‘Ne frappe personne ici aujourd’hui’.

20 Quant aux MP bélé et bátí, leur réduction suit un modèle plus complexe. En général en kakabé, seule la consonne nasale peut apparaître dans la coda d’une syllabe (comme dans le cas de kání). Pour cette raison, la deuxième syllabe entière (plutôt que la voyelle finale) des MP bélé et bátí est élidée. En même temps, cette réduction n’est pas complète, car elle engendre la gémination de la consonne suivante : bátí + C → bá C : bélé + C → bé C : 21 Dans les exemples ( 21) et (22) le nom déɲɛ̀ appartenant au groupe nominal du complément d’objet direct et le verbe kìnnɔ́gɔ se prononcent avec une consonne initiale géminée (la gémination est marquée par l’apostrophe dans la notation que j’utilise) :

(21) a◌̀ ba◌́’ déɲɛ̀ sɔ̀tɔ◌̀.

3SG PRF enfant.ART recevoir

‘Elle a eu un enfant’.

(22) ì sí kálá, á kìnnɔ́gɔ́-ndén dé,

Mandenkan, 50 | 2013 164

2SG FH supposer 3SG dormir-PC.RES FOC

hári◌́ a◌̀ be◌́’ kìnnɔ́gɔ◌́-nde◌́n.

mais 3SG NEG.IPFV dormir-PC.RES

‘Tu penses qu’elle dort, mais elle ne dort pas’.

22 Bien qu’il existe un certain degré de fusion phonologique entre les MP bélé et bátí et le morphème suivant, syntaxiquement ces MP possèdent une autonomie importante par rapport au constituant suivant. Si on prenait la gémination comme un argument pour imposer un statut préfixal aux MPs, on serait obligé de dire que ce sont des préfixes qui s’attachent à tout l’ensemble du groupe verbal. On reviendra sur la question d’autonomie morphologique d’un MP dans la section 2 où les formes contractées « MP + pronom » sont décrites en détail.

23 L’utilisation des formes réduites de bélé et bátí varie selon le dialecte. La forme réduite de bélé n’existe que dans les dialectes sud-est. Quant à ba◌́’, bien qu’attestée dans les deux groupes de dialectes, son utilisation n’est possible dans les dialectes nord-ouest que devant les mots à consonnes initiales dentales (t ou d), eg. : bátí tágá ‘PRF aller’ → bá’ tágá [báttágá]. 24 Dans les dialectes sud-est bátí et bélé peuvent être réduits devant n’importe quelle consonne2, par exemple :

(23) a◌̀n ba◌́’ yɛ́gɛ◌́ bìta◌̀ háa◌́

3PL PRF poisson attraper jusqu’à

a◌̀n na◌̀ sáa◌́ku◌́-è ba◌́’ fáa◌́ yɛ́gɛ◌̀ là.

3PL POSS sac-ART PRF remplir poisson.ART LOC

‘Ils ont attrapé tellement de poissons que leurs sacs étaient pleins’.

25 Les formes réduites de bélé, bátí et kání gardent leur ton haut quel que soit le ton du mot suivant. Comme ces formes sont représentées par des syllabes fermées, c’est-à-dire contenant deux mores chacune, leur ton haut est expliqué par la règle (19) : les MP à deux mores portent un ton haut, et les MPs à une more ont un ton polarisant.

26 Dans les dialectes nord-ouest, outre la réduction bátí → bá’, une élision de la première syllabe (báti → ti ) peut se produire dans tout contexte phonologique :

(24) ɓa◌́ je◌́e◌̀ bá’ ta◌́gá,

quand eau.ART PRF aller

Mandenkan, 50 | 2013 165

à ti◌́ ba◌̀nbáa◌̀ to◌́ó ɲɔ́ɔ◌́lá.

3SG PRF crocodile.ART laisser là

‘Quand l’eau est partie, elle a laissé le crocodile là-bas’.

27 À la différence de bá’, le ton de ti se polarise :

(25) álla◌́ ba◌́t’ a◌́ dɛ̀ɛ◌̀ma◌̀n, a◌̀ ti◌̀ kíi◌́ma◌́ɲɛ̀ sɔ̀tɔ◌̀ wɔ́ɔ◌́ lún.

Dieu PRF 3SG aider 3SG PRF dîner.ART obtenir ce jour

‘Dieu l’a aidé ce jour-là et il a eu de quoi manger pour le dîner’.

(26) à tí nɛ̀tɛ̀ kóló kélén tugù ́n jígá; pwén!

3SG PRF néré os un encore prendre pwen

‘Il a repris le grain de néré et l’a jeté : pwen !’.

28 La différence de comportement tonal des allomorphes bá’ et ti s’explique par le fait que ti ne comporte qu’une seule more.

1.3. Autres cas de polarisation du ton en kakabé

Dans ce qui suit, je considère d’autres cas de la polarisation tonale en kakabé.

29 Marqueur de possession. Le ton du marqueur de possession se polarise par rapport au nom suivant :

(27a) mùséè lá nìngéè

femme.ART POSS vache.ART

‘la vache de la femme’

(27b) mùséè la◌̀ kérè

femme.ART POSS houe.ART

‘la houe de la femme’

30 Préfixes verbaux. Il existe trois préfixes verbaux en kakabé : la- marqueur du causatif ; ma- marqueur de la pluralité verbale ; ta- marqueur du réfactif (la répétition de l’action). Leur ton est toujours l’inverse du ton de la première syllabe de la base verbale :

Mandenkan, 50 | 2013 166

là-fátán CAUS-diviser ‘diviser’ – la◌́-bo◌̀yì CAUS-tomber ‘laisser tomber’ ; ta◌̀-ta◌́gá REF-aller ‘aller encore une fois’ – ta◌́-na◌̀à REF-venir ‘revenir’ ; ma◌̀-jɛ́lɛ́ VERB.PL-rire ‘rire beaucoup’ – ma◌́-ka◌̀fù VERB.PL-cueillir ‘cueillir en grande quantité’.

31 Pronoms. Ci-dessous sont représentés les pronoms personnels kakabé dans les deux groupes de dialectes :

Dialectes sud-est :

ma (exclusif) n ɔ́mà (inclusif)

i wɔ / ɔ

a an(u)

Dialectes nord-ouest :

mɔ̀ɔ̀ (exclusif) n ɔ́mɔ̀ɔ̀ (inclusif)

i ɔ

a a◌̀n(u)

32 Il n’y a que trois pronoms de ton lexical stable : 1) le pronom inclusif de la première personne ɔ́mɔ̀ɔ̀ (dialectes nord-ouest) et ɔ́ma ̀ (dialectes sud-est) ; 2) le pronom pluriel de la troisième personne ànù ; 3) le pronom pluriel exclusif de la première personne mɔ̀ɔ̀ (dialectes nord-ouest).

33 Les tons de tous les autres pronoms se polarisent par rapport au ton lexical du mot suivant :

ǹ/ì/à/ɔ̀/ mà tólè ‘ mon oreille’ ń/í/á/ɔ́/ má jùséè ‘mon/ton/son/votre cœur’

B H H B

n◌̀/i◌̀/ a◌̀/ɔ̀/ ma◌̀ ta◌́gátá ‘je suis allé’ n◌́/i◌́/a◌́/ɔ́/ ma◌́ na◌̀átá ‘je suis venu’

B H H B

34 On peut donc conclure que la tonalité des pronoms personnels dépend de la quantité de mores, et que tous les pronoms monomores portent un ton polarisé. Il y a une précision à faire ici. La polarisation du ton du pronom singulier de la troisième personne a n’est pas obligatoire devant un ton bas. Ainsi, on a des variantes libres á kàran et à kàran ‘lis !’

Mandenkan, 50 | 2013 167

35 Cette particularité peut être conditionnée par le fait qu’historiquement le pronom a avait un ton lexical bas, tandis que tous les autres pronoms à une seule more avaient un ton haut. Dans le proto-mandingue la forme du pronom 3SG peut être reconstruite comme *à (Davydov 2010). La forme à apparaît dans pratiquement toutes les variétés du mandingue (sauf celles ayant des tons inversés) et en mokolé.

36 Les pronoms singuliers de la première et de la deuxième personne peuvent être reconstruits dans le protomandingue et le protomokolé avec un ton haut, *ń et *i.́

37 Quant aux pronoms personnels pluriels en kakabé, ils correspondent au niveau du protomokolé (ils sont différents dans les langues mandingues). En koranko et lélé (deux autres langues qui appartiennent à mokolé) les pronoms personnels ont les formes suivantes.

koranko (Kastenholz 1987: 172) :

ń mà

í wó

à ànu

lélé (Vydrin 2009 : 39) :

ń n◌̀, mà

í wɔ́

à àno◌̀, àn

38 On peut supposer que la tonalité des pronoms personnels du kakabé résulte d’un processus d’homogénisation. Les tons des pronoms monosyllabiques sont devenus polarisés avec l’exception que le pronom a a gardé les traces du ton bas qu’il avait à l’origine.

1.4. MP devant le verbe.

39 Il a été montré que le ton d’un MP est soit haut soit polarisant en fonction de la quantité de mores que le MP contient. Mais les particularités du comportement tonal des MPs ne se limitent pas à cela. La règle (19) est valable pour les contextes où le MP est suivi immédiatement par un nom en fonction du complément d’objet direct. Quant aux constructions intransitives où le MP est suivi directement par le verbe, cette règle n’est respectée que partiellement. Le fait est que le ton lexical du verbe peut être facultativement remplacé par un ton bas, ce qui amène une neutralisation de son ton lexical.

40 Les exemples (28) – (33) montrent la variabilité des réalisations tonales des verbes tágá ‘aller’, bɔ́ɔ◌́ ‘sortir’ et fɔ́lɔ́ ‘commencer’ dont le ton lexical est haut3. On peut aussi remarquer que le nombre des mores du MP précédent n’a aucune importance :

Mandenkan, 50 | 2013 168

(28) ì ti◌́ fɔ̀lɔ◌̀ a◌̀ ba◌̀sàn-nà.

2SG PRF commencer 3SG mélanger-GER

‘Tu as commencé à les mélanger’ (un des interlocuteurs accuse l’autre d’avoir commencé à

mélanger deux langues, le poular et le kakabé).

(29) àn ni◌̀ fɔ́lɔ◌́ tún à damù ́-lá, àn ní bìtà.

3PL OPT commencer juste 3SG manger-GER 3PL OPT attraper

‘Eux (les poissons) commencent à la (l’amorce) manger et ils se font attraper’.

(30) kúmu◌́kólè-nù ì úu◌́mɛ◌́-le◌́n tún, àn téé bɔ̀ɔ̀.

abeille.ART-PL être faire.du.bruit-PC.RES juste 3PL NEG.FH sortir

‘Ces abeilles-là font du bruit seulement, mais elles ne sortent pas’.

(31) ǹ téé bɔ́ɔ́ nùn kɛ◌́ɛ◌́ kíla◌̀ là féw !

1SG NEG.FH sortir RETR ce chemin.ART LOC complètement

‘Je ne serais jamais sorti sur cette route (si j’avais su qu’on se rencontrerait)’.

(32) dóe◌̀ ba◌́’ tágá jíi◌́ sɔ̀ri◌́ dúla◌́.

celui PRF aller eau puiser place

‘Il est allé puiser de l’eau’.

(33) ɓa◌́y à ba◌́’ ta◌̀gà, à k’ á dògòn.

quand 3SG PRF aller 3SG PST.TR 3SG se.cacher

‘Il est allé se cacher’.

41 Conformément à la première partie de la règle (19), le ton d’un MP à deux mores reste toujours haut, cf. (31-33). Quant aux MP monomores, selon la deuxième partie de (19), ils doivent se polariser par rapport au verbe. C’est justement le cas de la réalisation tonale du MP devant un verbe à ton lexical bas. Il se trouve que dans ce cas le ton du MP est toujours haut, il est donc toujours en contraste avec le ton du verbe, par exemple :

(34) mɔ̀ɔ◌̀ ti◌́ bɛ̀n yán.

Mandenkan, 50 | 2013 169

1PL PRF rencontrer ici

‘Nous nous sommes rencontrés ici’.

42 La situation avec des verbes à ton lexical haut et plus compliquée. Comme ce dernier est variable, on peut imaginer trois scénarios différents de la réalisation du ton du MP : 1) soit le ton du MP se polarise par rapport au ton lexical du verbe, quelle que soit sa réalisation superficielle 2) soit le ton du MP se polarise par rapport au ton de surface du verbe, quel que soit son ton lexical 3) soit, vue l’instabilité de sa réalisation, le ton du verbe ne sert pas de repère pour le ton du MP.

43 Ce qui est attesté dans les données du corpus du kakabé, c’est une irrégularité de réalisation tonale des MP monomores. Par exemple, si le verbe à ton lexical haut est prononcé avec un ton bas, le ton de MP peut être soit haut (35) soit bas (36) :

(35) máá ‘faire’, ton lexical haut

anu kó, sùmúɲɛ̀ sí màa.

3PL dire soirée.ART FH faire

‘Ils disent qu’il aura une soirée’.

(36) kɛ◌́ɛ́ ‘faire’ ton lexicale haut, gbàsì – ton lexical bas

dɔ̀ɲɛ́ɛ̀ ni◌̀ kɛ̀ɛ◌̀ jìnbe◌́è ni◌̀ gbàsi◌̀.

danser.ART OPT faire tambour.jimbé.ART OPT frapper

‘(Quand les parents viennent), on danse, on joue du tambour’.

44 Si le verbe garde son ton haut, le MP à une more est prononcé le plus souvent avec un ton bas comme dans les exemples (29) et (30). Mais un ton haut est aussi possible dans ce contexte :

(37) án ní mɛ́ɛ◌́ ɲɔ́ɔ◌́ nɛ◌́tɔ◌́ dònde◌̀n.

3PL OPT attendre ici dans un.peu

‘Ils attendent là un peu’.

(38) i◌̀ si◌́ kɔ́ɔ wótè tɔ◌̀ tùgu◌̀n.

2SG FH donner argent.ART dans Encore

‘Tu distribues de l’argent de nouveau’.

Mandenkan, 50 | 2013 170

(39) ǹ bí wálí-lá ɔ̀ yén.

1SG être travailler-GER 2PL pour

‘Je travaille pour vous’.

45 Les chiffres des occurrences des MP avec un ton bas ou avec un ton bas dans la position devant un verbe dans mon corpus de textes sont représentés dans le Tableau 2 :

Tableau 2. Ton sur le MP dans la position devant des verbes à ton lexical haut et à ton lexical bas

ton du verbe

ton du MP ton lexical bas ton lexical haut préservé ton lexical haut abaissé

ton bas 0 (0 %) 21 (64%) 13 (62%)

ton haut 26 (100 %) 12 (36%) 8 (38%)

total 26 (100%) 33 (100%) 21(100%)

46 Malheureusement, le nombre des occurrences de MPs monomores dans le contexte devant verbe n’est pas très important dans mon corpus de textes. Ce n’est pas étonnant, puisqu’il s’agit de contextes qui doivent correspondre à plusieurs conditions en même temps : ce doit être une construction intransitive avec le MP bi, si, ni ou ti (une des formes réduites du MP bátí), le MP ka ne faisant pas partie de cette liste car il n’est utilisé que dans des constructions transitives. Au total, j’ai trouvé 80 occurrences de la construction dans laquelle un MP monomore est suivi d’un verbe, et dans 54 cas le verbe a un ton lexical haut. Cependant, les données du tableau permettent de tirer certaines conclusions par rapport à l’opposition entre les tons lexicaux haut et bas du verbe. Dans les 26 occurrences devant le verbe à ton lexical bas, le MP est prononcé avec un ton haut. Par contre, si le verbe a un ton lexical haut (soit préservé soit abaissé), le ton du MP est arbitraire, avec les quatre combinaisons possibles attestées dans les données :

(1) ton bas (MP) → ton bas (verbe) 21 occurrences

(2) ton haut (sur MP) → ton bas (verbe) 12 occurrences

(3) ton bas (MP) → ton haut (verbe) 13 occurrences

(4) ton haut (MP) → ton haut (verbe) 8 occurrences

47 Cela montre que l’opposition entre des verbes à ton lexical haut et à ton lexical bas n’est que partielle : si le verbe a un ton lexical bas, le ton de MP est toujours haut, bien qu’avec les verbes à ton lexical haut, trois autres configurations sont possibles dont seule la configuration (2) est ambiguë. Par exemple, dans l’énoncé sùmúɲɛ̀ sì màà

Mandenkan, 50 | 2013 171

(exemple (35)) le ton bas du MP si indique que le ton lexical du verbe est haut : un MP monomore ne peut pas porter un ton bas devant un verbe à ton lexical bas. Ainsi, le ton lexical du verbe n’est pas neutralisé complètement, mais cette opposition tonale se manifeste sur le MP précédent. Il n’est pas clair de comprendre pourquoi la polarisation du ton du MP n’est pas obligatoire devant le verbe à ton lexical haut. De plus, la question demeure de savoir quelles sont les conditions exactes de l’abaissement du ton lexical haut du verbe.

48 Ont donc été examinées les réalisations tonales sur les MPs et les verbes qui les suivent immédiatement. Les résultats sont synthétisés dans le Tableau 3 :

Tableau 3. Ton du MP et le ton du lexème qui le suit

quantité de mores ton du lexème qui contexte ton du MP du MP suit le MP

deux mores haut lexical MP + nom une more polarisant lexical

deux mores haut lexical / bas MP + verbe polarisant devant le ton lexical B / H ou B une more lexical / bas devant le ton lexical H

49 Dans ces deux contextes le ton du MP est influencé par le ton du lexème qui le suit. Le MP à deux mores a toujours un ton haut. Le ton du nom est stable dans la position après MP, et si ce dernier consiste en une seule more, son ton est obligatoirement polarisé par rapport au ton du nom. Le ton lexical du verbe après le MP peut être neutralisé en faveur du ton bas. Si le ton lexical du verbe est bas, le ton du MP à une more se polarise toujours par rapport à lui. Par contre, si le ton lexical du verbe est haut, le MP peut porter soit un ton haut soit un ton bas.

2. Le MP et le pronom

2.1. Le pronom précédant le MP

50 Comme cela a été mentionné dans la Section 1, le ton des pronoms à une seule more se polarise devant un verbe ou un nom. De la même manière, il est polarisé devant un MP à deux mores, et, comme tous les MP à deux mores ont un ton lexical haut, le pronom est réalisé avec un ton bas.

(40) n◌̀ be◌́le◌́ mɛ́ɛ◌́-la◌́.

1SG NEG.IPFV durer.longtemps-GER

‘Je ne resterai pas longtemps’.

Mandenkan, 50 | 2013 172

(41) a◌̀ ba◌́tí so◌̀be◌́e◌̀ na◌̀àtì yánnɛ◌́tɔ◌́.

3SG PRF viande.ART apporter ici

‘Il a apporté de la viande là-bas’.

51 Mais si le pronom monomore est devant un MP à une more, son ton ne se polarise pas. Il est toujours bas, quel que soit le ton du MP :

(42) ì sì kínè tà-tábí ì sì wótè

2SG FH repas.ART REP-préparer 2SG aFH argent.ART

tà-ɔ́kkítírɛ́.

REP-distribuer

‘Tu prépareras le repas et tu distribueras l’argent’.

(43) ì bi◌́ nàá-lá mùn tùmà ?

2SG être venir-GER quel temps

‘Quand est-ce que tu viendras ?’

52 Tout cela suggère l’existence d’une règle qui détermine le comportement tonal des séquences formées de plusieurs morphèmes monomores :

Dans une séquence de morphèmes grammaticaux monomores qui précède un morphème à (44) ton lexical, le dernier morphème a un ton polarisant par rapport à ce ton lexical, et tous les autres morphèmes reçoivent un ton bas.

53 Voici des exemples avec une séquence de trois morphèmes grammaticaux monomores, composé d’un pronom, d’un MP et d’un préfixe verbal :

(45) ì sì tà-tágámán.

2SG FH REP-se.promener

‘Tu iras te promener de nouveau’.

(46) ì sì tá-nàà.

2SG FH REP-venir

Mandenkan, 50 | 2013 173

‘Tu reviendras’.

2.2. Le pronom suivant un MP : les formes contractées

2.2.1.

54 Quand un MP est suivi d’un pronom personnel (en fonction de complément d’objet direct), une contraction peut se produire, se manifestant par une modification de la qualité de la voyelle et l’apparition d’un contour tonal spécial.

55 À l’exception du n 1SG et mɔ◌́ɔ́ / ma 1PL, les pronoms personnels du kakabé ont une voyelle à l’initiale, et tous les MP ont une voyelle en finale. En se combinant, la voyelle finale du MP et la voyelle initiale du pronom fusionnent en une voyelle longue dont la qualité est celle de la voyelle du pronom. Dans le Tableau 4, les formes contractées avec les MP bi, tée, maá et béle sont présentées :

Tableau 4. Formes contractées des MP bi, tée, máa, béle et des pronoms personnels

2 SG 3SG 1PL.INCL 2PL 3PL

i A ɔmɔɔ ɔ an(u)

être bi b’ ii b’ aa b’ ɔɔmɔɔ b’ ɔɔ b’ aanu

NEG.FH téé t’ ii t’ aa t’ ɔɔmɔɔ t’ ɔɔ t’ aanu

NEG.PFV máá m’ ii m’ aa m’ ɔɔmɔɔ m’ ɔɔ m’ aanu

NEG.être bélé bel’ ii / bil’ ii bal’ aa bel’ ɔɔmɔɔ bel’ ɔɔ bal’ aanu

56 La longueur de la voyelle ne compte pas : téé et maá ́ ont des formes contractées de la même manière que bi et bélé.

57 En combinaison avec les pronoms а, àn(ù) et i, le MP bélé change ses deux voyelles (dans le cas du pronom i, l’assimilation de la première voyelle de bélé est facultative).

58 Les formes contractées de tous les MP avec les pronoms i, a et anu sont presque obligatoires. La forme non-contractée n’apparaît qu’en prononciation ralentie ou s’il y a une pause d’hésitation après le MP. Par contre, les formes contractées avec les pronoms ɔ et ɔmɔɔ sont plutôt facultatives.

59 La question se pose du statut morphologique des formes contractées. On pourrait supposer que l’existence d’une contraction phonologique en kakabé entre un MP et un pronom indique que ces deux unités ne sont pas des morphèmes libres mais plutôt des affixes.

60 Cette hypothèse n’est pas confirmée par la syntaxe. Le pronom qui suit immédiatement le verbe peut être soit un complément d’objet direct, soit un possesseur pronominal à l’intérieur du constituant d’objet direct. Et quel que soit son statut, la contraction se fait de la même manière :

Mandenkan, 50 | 2013 174

(47) Músá k’ à kɔ̀ntɔ̀n

Moussa PRF 3SG saluer

‘Moussa l’a salué’.

(48) Músá k’ à là déɲɛ̀ kɔ̀ntɔ̀n

Moussa PRF POSS 3SG enfant.ART saluer

‘Moussa a salué son enfant’.

61 Si l’on traitait les MP comme des morphèmes dépendants, on serait obligé de postuler pour le kakabé l’existence de préfixes qui s’attachent au constituant nominal d’objet direct avec tous ses dépendants ou, étant donné que les MPs ont un rapport sémantique plus proche avec le verbe qu’avec le complément d’objet direct, à tout l’ensemble du groupe verbal. Donc, malgré la contraction phonologique, je préfère considérer les MPs en kakabé comme des mots auxiliaires plutôt que des préfixes.

2.2.2. Les formes contractées avec le MP bi

62 Le MP bi manifeste un comportement spécial en ce qui concerne sa réduction . Premièrement, ce marqueur a une forme facultative sans consonne : i. Deuxièmement, il peut être omis facultativement. Cependant, l’omission de bi ou son allomorphe sans consonne ne sont pas possibles devant des pronoms qui ont des formes contractées :

(49a) Músa◌́ b’ áá là déɲɛ̀ yén-ná.

Moussa être 3SG POSS enfant.ART voir-GER

‘Moussa voit son enfant’.

(49b) * Músá ì à là déɲɛ̀ yén-ná.

Moussa être 3SG POSS enfant.ART voir-GER

(49c) * Músá Ø à là déɲɛ̀ yén-ná.

Moussa être 3SG POSS enfant.ART voir-GER

63 Ainsi la forme contractée du MP apparaît chaque fois devant un pronom à voyelle initiale. En fonction de copule existentielle, devant un pronom, bi ne peut pas être réduit à une voyelle :

(50a) jáámíyè b’ áá là hɔ́ɗɛ̀ tɔ̀.

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mosquée être 3SG POSS village.ART dans

‘Il y a une mosquée dans son village’.

(50b) * jáámíyè ì à là hɔ́ɗɛ̀ tɔ̀.

64 Mais à la différence de bi en fonction de MP, la copule bi peut être omise devant la voyelle d’un pronom :

(51) ja◌́ámíye◌̀ ø à là hɔ́ɗɛ̀ tɔ̀. ‘Il y a une mosquée dans son village’.

65 Les règles de réalisation du MP bi et de la copule bi sont comparées dans le Tableau 5.

Tableau 5. Variantes de réalisation de bi devant voyelle dans un énoncé verbal et non-verbal

bi – copule existentielle bi – MP

forme réduite i non non

omission de bi + non

forme contractée + +

66 L’élision de la consonne de bi (soit comme copule existentielle, soit comme MP) devant un pronom à voyelle initiale est impossible pour des raisons phonologiques : dans le système phonologique du kakabé, il est exclu d’avoir trois voyelles de suite. Par contre, l’acceptabilité de l’omission de bi est réglementé par un facteur morphophonologique : elle est permise pour une bi-copule et interdite pour un bi-MP.

67 Apparemment, le lien syntaxique entre un MP et le pronom suivant est plus étroit que celui entre une copule et un pronom.

2.3. Le contour tonal de la forme amalgamée « MP + pronom »

68 La forme amalgamée d’un MP et d’un pronom reçoit un ton haut. Devant un autre ton haut, elle peut se prononcer avec un contour tonal descendant. Ce contour tonal s’étend sur toute la séquence qui peut contenir une, deux ou trois syllabes : b’ íi | b’ íì bél’ íi ou bel’́ íì bél’ ɔ́ɔ́mɔ́ɔ́ ou bél’ ɔ́ɔ́mɔ̀ɔ̀ 69 Quant au pronom sujet qui précède cette séquence, son ton est bas :

(52) n◌̀ k’ a◌́á mɛ́n, so◌̀be◌́e◌̀ ì ì bo◌́ló

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1SG PST.TR 3SG entendre viande.ART être 2SG vers

‘J’ai entendu que tu avais de la viande’.

70 Le contour tonal haut / ascendant est attribué à n’importe quelle séquence « MP + pronom objet » (sauf dans le cas où le locuteur fait une pause entre les deux composants), même si l’assimilation vocalique n’a pas lieu (ka◌́ ɔ́mɔ ◌́ɔ, bí ɔ́mɔ◌́ɔ, bí ɔ́ etc.). Dans ce contexte, la distinction tonale entre les MP à une more et ceux à deux mores se neutralise.

71 Quant au verbe, son ton lexical haut peut être abaissé de la même manière qu’après un MP (sans pronom objectif), cf. les exemples (53) et (54), les verbes dámú et kélé étant à ton lexical haut :

(53) ǹ s’ i◌́í da◌̀mù kɔ̀tɛ́ɛ̀ !

1SG FH 2SG manger maintenant

‘Je te mangerai maintenant !’

(54) ma◌̀nsa◌́a◌̀ k’ a◌́a◌̀ ke◌̀lè à là ta◌́ndɛ̀ tɔ̀.

chef.ART PST.TR 3SG appeler 3SG POSS cour.ART dans

‘Le chef l’a appelé dans sa cour’.

Et le ton lexical du nom reste stable.

72 Les données du corpus montrent que le ton lexical du verbe est abaissé presque deux fois plus souvent après une séquence « MP + pronom » (73 % d’occurrences), qu’immédiatement après un MP (40 % d’occurrences) :

Tableau 6. Fréquence de la neutralisation du ton lexical haut

le nombre total d’occurrences le ton lexical haut du le ton lexical haut des verbes avec ton lexical verbe est préservé du verbe est abaissé haut

après la combinaison MP + 25 (27 %) 67 (73 %) 92 (100 %) pronom

après un MP 64 (60 %) 42 (40 %) 106 (100 %)

73 La position après une séquence « MP + pronom » est défavorable pour la préservation du ton haut. Par contre, le ton lexical du verbe est toujours préservé après un nom :

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(55) súlu◌́kè bɔ́ɔ◌́-ta◌́ dùnbe◌́è búu◌́tɔ◌́.

hyène.ART sortir-PST.INTR ruche.ART dans

‘L’hyène est sortie de la ruche’.

(56) sííkúlí-ndè t’ á là sásá-ndè jígá.

bouc-DIM.ART PRF 3SG POSS sac-DIM.ART prendre

‘Le petit bouc a prit son sac’.

3. Le comportement tonal des MP : conclusions

74 La réalisation tonale du MP est déterminé (1) par le nombre de mores qu’il comporte et (2) par la catégorie morphologique du mot suivant : un pronom, un verbe ou un nom. En même temps, le ton du mot suivant le MP est susceptible de modifications. Les règles sont représentées dans le Tableau 7.

Tableau 7. Le ton du MP ou de la séquence « MP + pronom » et le ton du mot suivant

nombre des mores du ton du lexème suivant contexte ton du MP / MP-pronom MP / MP‑pronom le MP / MP‑pronom

deux mores haut lexical MP + nom une more polarisant lexical

deux mores haut lexical / bas

MP + verbe polarisant devant ton lexical B une more lexical / bas / H ou B devant ton lexical B

MP-pronom deux mores ou plus haut / descendant lexical + nom

MP-pronom deux mores ou plus haut / descendant bas / lexical + verbe

75 Résumons : le ton d’un MP monomore se polarise devant le nom ou le verbe suivant. Un MP à deux mores porte toujours un ton haut. La séquence « MP + pronom » (le MP soit à une more, soit à deux mores) se réalise toujours avec un ton haut ou un ton descendant. Le ton lexical du nom reste toujours inchangé. Par contre, pour le ton lexical du verbe, la position après un MP ou après la séquence « MP + pronom » est faible : son ton lexical haut peut être abaissé. Cet abaissement se produit plus souvent après la séquence « MP + pronom » qu’immédiatement après un MP. On peut supposer que la stabilité du ton du nom est due au fait que le nom comporte presque toujours un article référentiel. Cet

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article a la forme d’une voyelle antérieure e avec un ton bas qui se suffixe au nom. Les particularités de sa réalisation sont décrites en (Vydrina 2007). Cet article, suffixé à la racine du nom, possède son propre ton bas qui semble servir d’écran bloquant l’application des règles tonales contextuelles.

76 Une autre conclusion est qu’en kakabé il y a une corrélation entre la structure segmentale du MP et la stabilité de son ton. Cette question sera considérée en détails ci- dessous.

4. La corrélation entre la longueur, le ton et le degré de grammaticalisation en kakabé

77 La longueur et le ton sont en kakabé des phénomènes liés. Parmi les manifestations de cette corrélation, on peut citer l’allongement de la voyelle finale du nom suite à l’adjonction de l’article. L’allongement se produit quand l’article est ajouté à un nom à contour tonal ascendant, si le relèvement tonal commence sur la dernière syllabe du nom : dònsó – dònsée◌̂ ‘chasseur’, kùrundà ́ – kùrundà ́a◌̂ ‘anneau’ ; tɔ◌̀nɔ̀kɔ◌́ - tɔ◌̀nɔ̀kɛ◌́ɛ◌̂ ‘ver’ ; kàlàmá – kàlàmaá ◌̂ ‘louche’.

78 Un autre cas est la longueur vocalique des noms et verbes monosyllabiques. En général la longueur vocalique des morphèmes monosyllabiques est en fonction de la classe grammaticale à laquelle ils appartiennent. On distingue trois types de morphèmes : 1. morphèmes lexicaux : racines nominales, adjectivales, verbales, adverbiales ; 2. lexèmes auxiliaires : pronoms, MP ; 3. morphèmes grammaticaux suffixés : marque du causatif, marque du pluriel.

79 Si un morphème monosyllabique est lexical, sa voyelle est longue : báá ‘grand’, kàá ‘serpent’, káá ‘ruisseau’, sɔ̀ɔ́ ‘être debout’, dáá ‘créer’.

80 La longueur des voyelles des morphèmes monosyllabiques auxiliaires (des MP et des pronoms) est déterminée lexicalement. Certains MP monosyllabiques et pronoms ont une voyelle brève (i 2SG, a 3SG, ni OPT, ka PST.TR, si FH etc.), d’autres ont une voyelle longue (máá NEG.PFV, téé NEG.FH, mɔ̀ɔ̀ 1PL).

81 Enfin, les affixes (tous monosyllabiques) ont une voyelle brève : la- marque causative, ma- marque de la pluralité verbale, ta- marque du réfactif, -ma suffixe du passif, etc.

82 La division des morphèmes entre ces trois groupes se manifeste aussi dans leur comportement tonal. Les morphèmes lexicaux ont leur propre ton lexical (même s’il se neutralise dans certains contextes). La tonalité des morphèmes auxiliaires est en fonction de leur structure segmentale. Ceux comportant deux mores ou plus ont un ton stable ; par contre, les morphèmes auxiliaires à une more sont caractérisés par un ton polarisant. Enfin, le ton des affixes est toujours déterminé par le contexte. Le ton des préfixes verbaux se polarise par rapport au verbe, et le ton des suffixes est une copie du ton de la syllabe précédente.

83 Il y a deux morphèmes auxiliaires monomores dont le ton n’est pas polarisant mais plutôt bas stable : c’est le marqueur du séquentiel kà dont on a parlé dans la section 1.2 et l’article référentiel –è, qui a été mentionné à la fin de la section 3. En plus, il y a le pronom personnel de troisième personne qui a deux variantes de réalisation dans n’importe quel contexte : avec un ton polarisant ou avec un ton bas.

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84 Cela permet d’interpréter le ton polarisant comme une réalisation du ton haut sous- jacent sur les morphèmes monomores et de dire que l’opposition ton haut / ton bas est préservée dans ce cas. En même temps, il faut noter qu’il existe un fort déséquilibre en faveur du ton polarisant : il n’y a que deux morphèmes monomores à ton bas stable. Évidemment, en diachronie, ce n’étaient que des morphèmes à ton haut mais aussi des morphèmes à ton bas qui ont acquis un ton polarisant. On peut citer le cas du pronom personnel 2PL.EXCL ma qui a un ton polarisant en kakabe, mais un ton bas en lélé et koranko. (cf. la section 1.3).

85 En tout cas, on ne peut nier l’existence de corrélation entre le ton et la structure segmentale du morphème, et ces deux paramètres formels sont liés au degré de grammaticalité qui est un paramètre sémantique.

86 Il est significatif que la longueur des verbes monosyllabique se distingue de la longueur des noms monosyllabiques. Dans la section 3 il a été montré que le ton lexical du nom est plus stable que le ton lexical du verbe. Il s’avère que la longueur d’un verbe monosyllabique est aussi systématiquement distincte de la longueur d’un nom. La voyelle d’un nom monosyllabique est toujours considérablement plus longue qu’une voyelle brève. Par contre, un verbe monosyllabique, en principe, peut se prononcer avec une voyelle brève. Quant à la prononciation longue de sa seule voyelle, elle est plutôt « semi-longue », c’est-à-dire que la voyelle d’un verbe monosyllabique est beaucoup moins longue que la voyelle d’un nom monosyllabique. La question de la réalisation phonétique de la longueur des monosyllabes est analysée en détails dans (Vydrina 2008).

87 Tout cela nous conduit à la conclusion que la perte progressive du ton lexical accompagne le processus de la grammaticalisation en kakabé. On peut comparer le fonctionnement du ton en kakabé avec le fonctionnement de l’accent dans les langues à accent. L’accent est caractéristique d’un mot autonome, et le passage d’une unité lexicale à la catégorie des clitiques et conséquemment des affixes est accompagné par sa perte. En kakabé, chaque unité autonome se caractérise par son propre contour tonal (un ton lexical), et le passage à la classe des morphèmes auxiliaires s’accompagne de la perte de ton lexical.

88 (Heine et al. 1991: 15) propose la définition suivante de la grammaticalisation: “With the term “grammaticalizaion” we refer essentially to an evolution whereby linguistic units lose in semantic complexity, pragmatic significance, syntactic freedom, and phonetic substance, respectively”.

89 En accord avec cette définition, en kakabé la grammaticalisation sémantique d’une unité et le changement des ses propriétés distributives sont accompagnés par la perte du ton et de la longueur.

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BIBLIOGRAPHIE

DAVYDOV A., 2010, “Historical morphology of personal pronouns in Manding”, Personal pronouns in Niger-Congo languages. International workshop. Abstracts and papers. Working materials, St. Petersburg, September 13-15 2010, pp. 23-37.

HEINE B., CLAUDI U., HÜNNEMEYER F., 1991, Grammaticalization: A Conceptual Framework, Chicago, University of Chicago Press.

KASTENHOLZ R., 1987, Das Koranko. Ein Beitrag zur Erforschung der Nord-Mande-Sprachen, Dissertation, Köln, Mundus.

VYDRINE Valentin, 2009, « Esquisse de la langue lélé (groupe mokolé) », Mandenkan 45, pp. 29-104.

VYDRINA Alexandra, 2008, “Vowel length in the Kakabe language”, Mandenkan 44, pp. 79-88.

VYDRINA Alexandra, 2007, « Réalisation d’article référentiel en kakabé », IV colloque sur la typologie et la grammaire pour jeunes chercheurs. Institut de recherche linguistique, St. Pétersbourg, 1-3 novembre 2007, Recueil d’articles. Nestor-Istoriya, St. Pétersbourg, pp. 56-59 [en russe].

NOTES

1. Les recherches ont été effectuées sur un corpus de textes spontanés que j’ai enregistrés au cours des missions de terrain en Guinée en 2008, 2009 et 2010. La durée totale des textes enregistrés est 153 mn. En dehors de textes spontanés, des données élicitées ont aussi été utilisées dans certains cas. 2. Dans ce contexte, n’importe quelle consonne kakabé peut être géminée. Dans les autres contextes, les consonnes f, s, h, w, y ne peuvent pas être géminées. 3. Comme le ton lexical du verbe peut être neutralisé, pour le déterminer il a fallu enregistrer chaque verbe dans un contexte spécial. Pour les verbes intransitifs c’est la forme à suffixe –ta (le marqueur du prétérit) et pour les verbes transitifs, la forme de l’impératif.

RÉSUMÉS

L’article porte sur la corrélation entre 1) l’autonomie tonale et le poids phonologique d’un morphème, et 2) la grammaticalisation de son sens en kakabé. Dans cette langue les morphèmes à valeur grammaticale, comme des mors auxiliaires, des affixes verbaux et nominaux, etc., tendent à comporter une syllabe légère et ne pas avoir de ton lexical spécifique. Le plus révélateur pour la corrélation entre la phonologie et la fonction grammaticale d’un morphème est le cas des marques prédicatives poste-sujettes. Du point de vue syntaxique, ces marques occupent la position intermédiaire entre les affixes et des morphèmes plus autonomes. Au niveau phonologique, cela se reflète par le fait que le paradigme des marques prédicatives inclut à la fois des marques tonalement dépendantes ne comportant qu’une seule syllabe légère, et des marques qui ont un ton lexical et comportent plus qu’une syllabe.

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The paper deals with the question of the correlation between 1) tonal independence and phonological weight of a morpheme and 2) the grammaticality of its meaning in the Kakabe language. In Kakabe morphemes with grammatical meaning, such as auxiliaries, different verbal and noun affixes etc. tend to contain only one light syllable and to possess no lexical tone of their own. The case of the post-subject auxiliary markers, which is in the focus of the paper, is especially revealing of the correlation between phonology and grammatical function of a morpheme. Syntactically, these markers occupy an intermediate position between the defendant affixes and more free lexical morphemes. This is mirrored at the phonological level in the fact that the paradigm of auxiliaries comprises both tonally dependent markers consisting of only one light syllable and markers which have their own tone and consist of more than one syllable.

В статье рассматривается корреляция между 1) тональной автономией и фонологическим весом морфемы, а также 2) её грамматичностью в языке какабе. Морфемы с грамматическим значением — служебные слова, глагольные и именные аффиксы, и т.д. — чаще всего состоят из одного лёгкого слога и не имеют лексического тона. Особенно показателен для корреляции между фонологией и грамматической функцией морфемы случай пост-субъектных вспомогательных слов. В синтаксическом отношении эти показатели занимают промежуточную позицию между связанными аффиксами и автономными лексическими морфемами. На фонологическом уровне это отражается в том, что парадигма предикативных показателей включает и тонально зависимые показатели, состоящие из одного лёгкого слога, и двух- и более-сложные показатели, несущие свои собственные тоны.

INDEX

Keywords : Kakabe Language, Mokole Languages, Grammatical Tone, Lexical Tone, Light Syllable, Morphonology, Phonology, Grammaticalization Thèmes : kakabé, langues mokolé motsclesru язык какабе, языки моколе, грамматический тон, лексический тон, лёгкий слог, морфонология, фонология, грамматикализация Mots-clés : ton grammatical, ton lexical, syllabe légère, morphophonologie, phonologie, grammaticalisation

AUTEUR

ALEXANDRA VYDRINA LLACAN, UMR 8135 INALCO / USPC [email protected]

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Goo : présentation d’une langue Goo: Presentation of a language Гоо: представление языка

Valentin Vydrin

NOTE DE L’AUTEUR

Ce travail est en relation avec l’opération LR1 « Reconstruction, internal classification and grammatical description in the world’s two biggest phylums: Niger-Congo and Austronesian » de l’Axe 3 « Typology and dynamics of linguistic systems » du labex EFL (financé par ANR/CGI). Abréviations 1, 2, 3 = 1e, 2e, 3e personne 1COORD = série pronominale coordinative 1 2COORD = série pronominale coordinative 2 ATR = racine de langue avancée C = consonne CIRC = circonstant COP = copule DTM = sous-groupe Dan = Toura = Mano du = duel EMPH = emphatique EXI = série pronominale existentielle FIN = marque finale de la clause GN = groupe nominal IMP = impératif INF = infinitif IPFV = imperfectif LOC = cas locatif MPP = marque prédicative pronominale NEG = négatif NEUT = suffixe verbal d’aspect neutre

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O = complément d’objet direct OI = complément d’objet indirect OPT = optatif PFV = perfectif pl., PL = pluriel POSS = pronom ou marque possessive PROH = prohibitif PROS = prospectif Q = particule interrogative REL = relateur, marque de relativisation S = sujet sg., SG = singulier SUP = supin TAM = temps, aspect, modalité V = (1) voyelle; (2) verbe

0. Introduction

1 On ne peut pas dire que le goo (gʋ̏ʋ̏ ) soit absolument inconnu des spécialistes. En fait, sur la carte électronique des langues mandé, http://www-01.sil.org/silesr/ 2000/2000-003/Dan-Tura-Mano_map.htm, j’ai marqué la zone du goo comme « une zone mixte dan-toura », suite aux informations fournies par Thomas Bearth, qui, à son tour, se basait sur les opinions de ses consultants toura. A proprement parler, une « zone mixte », selon une convention générale, devrait signifier qu’il s’agit soit du bilinguisme de la population, soit d’une population mélangée, mais dans ce cas particulier, cela a reflété plutôt de vagues témoignages des voisins selon lesquels la population de la zone en question parlerait « un mélange de toura et de dan » ou « un dialecte du toura influencé par le dan ». Dans le livre de référence Ethnologue, il apparaît comme un dialecte toura sous le nom « Guse » (http://www.ethnologue.com/ language/neb), où « -se » représente le mot pour « terre » (sɛ̋ɛ̋ ).

2 La question du statut du goo a été de nouveau soulevée au printemps 2012 lors de la discussion parmi les linguistes mandéisants autour des corrections pour la nouvelle édition de l’Ethnologue. Thomas Bearth m’a fourni l’information suivante (message électronique du 02.03.2012) : I spent a few hours in Singouin two weeks ago, where we had participated in an inquiry on climate change discourse already in August 2010, resulting in some transcription; this time in the context of a pre-inquiry into supporting the acquisition of knowledge on coffee certification through local languages. For the first time, I heard an obviously informed commentary suggesting that Goh might be worth a full-blown inquiry of its own. The one who suggested it was the newly to be elected chairman of the "Commune" (Singouin plus), a retired teacher, and what he suggested was that a professional study (he mentioned ILA) should be undertaken which would allow to take a decision on the position of Goh as a planning entity of its own.

3 Comme la marge méridionale de la zone goo se trouvait à moins d’une dizaine de kilomètres de Zlanwolpeu, depuis 2011 siège de notre équipe des études des langues mandé-sud, en août-septembre 2012, lors de notre mission de terrain, j’ai décidé de vérifier cette opinion.

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4 Le 1er septembre 2012 nous nous sommes rendus à Zagwɛ, le plus méridional des villages goo. Nous étions trois ; à part moi, c’étaient Elizaveta Kushnir (doctorante, spécialiste de la langue yaouré) et Guy Nestor (dit Hubert, mon assistant de la langue dan-gwɛɛtaa). Le résultat de cette visite a été un petit corpus de mots et phrases goo composé à partir d’un questionnaire sur la base de la liste de 100 mots de M. Swadesh. Plus précisément, on a travaillé simultanément avec le même questionnaire avec deux informateurs : Elizaveta avec Maurice Dro (né en 1950 à Guentenba, grandi à Zagwɛ), et moi avec Kessé Diomandé (né en 1973 à Zagwɛ d’un père Mahou et d’une mère Goo). 5 Au cours de notre mission de terrain de 2013, je me suis rendu à Zagwɛ le 25 août. Cette fois, j’ai travaillé avec Goh Douané (Roger), cultivateur, originaire de ce village. Puis ont eu lieu deux visites de Roger à Zlanwopleu. Pendant les trois jours de travail, j’ai enregistré une liste d’un peu moins de 700 mots (sur la base du questionnaire de Greenberg) et des données sur la morphologie de base du goo. Malheureusement, une dernière séance de travail avec Roger, prévue pour le 6 septembre, à la veille de notre départ à Abidjan, n’a pas eu lieu, ce qui ne m’a pas permis de vérifier mon hypothèse sur la nature du système vocalique du goo. Pour cette raison, je suis obligé de me limiter, dans cet article, à une présentation rapide du goo, plutôt que de publier une esquisse grammaticale et un lexique.

1. Informations générales sur la langue et le peuple goo

6 D’après les notables du village de Zagwɛ, le goo est parlé dans dix villages dont les noms ont été transcrits par moi comme suit (entre parenthèses, les noms de la carte 1:250 000 ; Zeikpoplɤ n’est pas sur la carte) : Deɲe (Deiné), Dɤwle (Déoulé), Glɤgwin, Gwanɗi (Gouanlé), Gwɛntɛnba (Gouétimba), Mengwé (Mengouen), Mɔnplɤ (Mampleu), Segwin (Sangoué), Zagwɛ (Zangoué), Zeikpoplɤ 1. Comme la population d’un village dans la région Tonkpi compte le plus souvent entre 500 et 1 000 habitants, on peut évaluer le nombre des Goo, très préliminairement, à 7 ou 8 000.

7 Malgré un taux très élevé de mariages mixtes (avec les Toura, les Dan, les Mahou…) et du bilinguisme en toura et en dan, le goo ne donne pas d’impression d’une langue menacée ; à Zagwɛ, il est parlé par tous les âges. Les Goo ont apparemment une identité ethnique assez nette ; ils se distinguent des Toura (tout en reconnaissant leur proximité culturelle et linguistique). D’après nos interlocuteurs Goo, le goo et le dan ne sont pas mutuellement compréhensibles2. Quant au toura, la situation est plus ambigüe : les Goo reconnaissent qu’ils comprennent le toura, mais disent à même temps que les Toura ne les comprennent pas. Cette compréhension unilatérale peut s’expliquer par le fait que parmi les Goo, le bilinguisme goo-toura est très répandu, tandis que les Toura, normalement, ne parlent pas le goo.

2. Quelques traits phonologiques

8 La phonologie du goo est, à beaucoup d’égards, très proche de celle du toura. Les systèmes consonantiques des deux langues sont pratiquement identiques ; le goo, comme le toura, a quatre tons unis (extra-haut, haut, bas, extra-bas). Un trait très visible du goo qui le distingue du toura est la présence des voyelles postérieures non

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arrondies. Le fait que le dan possède aussi cette classe de voyelles est sans doute, la raison principale de considérer le goo comme « un mélange de toura et de dan »3. D’après mes données, le goo a certainement deux voyelles de ce type : semi-ouverte ʌ et semi-fermée ɤ, mais l’existence de la voyelle postérieure non-arrondie fermée, ɯ, n’est pas exclue (mais si elle existe, elle est très rare).

9 Cependant, il se peut que la caractéristique la plus frappante du vocalisme goo est ailleurs. Ma supposition initiale avait été que le goo distinguait cinq degrés d’aperture vocalique, comme en toura, et que son système était le suivant :

10 Mais l’analyse des données lexicales m’a montré l’insuffisance de ce modèle. On trouve des paires minimales (ou, plutôt, quasi-minimales, ce qui est du au lexique relativement petit disponible pour le moment) où l’informateur perçoit une différence entre deux voyelles (et cette différence est plus ou moins clairement audible pour le chercheur), mais cette distinction ne se réduit pas (ou pas seulement) à une différence d’aperture, comme dans le cas suivant :

Mot Traduction Formants F1, F2, F3

de̋e̋ soeur aînée 375-2120-3000

ɗẹ̋ẹ̋ feuillage 375-1680-2700

11 Dans ce cas précis, le formant F1 qui reflète le degré d’aperture est identique pour les deux mots, mais F2 et F3 manifestent des écarts considérables. Dans d’autres cas, les valeurs du F1 peuvent être différentes, leur écart étant pourtant moins important que ce à quoi on s’attendrait pour les voyelles à contraste de hauteur, F2 étant sensiblement plus bas pour la voyelle ayant F1 plus élevé, ex. :

Mot Traduction Formants F1, F2, F3

ɗòò ‘brouillard’ 320-1330-2400

ɗọ̋ọ̋ ‘marché’ 390-1130-2400

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12 D’autre part, la valeur du formant F1 de la voyelle que je désigne comme ʋ (mais qu’on pourrait également désigner par u◌̣ et qui est perçue par mon oreille comme « plutôt u que o ») peut être égale ou même supérieure à celui de la voyelle o :

Mot Traduction Formants F1, F2, F3

fụ̋ụ̋fụ̏ụ̏ ‘paresseux’ 404-1510-2560

gụ̏ụ̏ ‘Goo’ 410/380-1480/1210-2380/2520

13 Mon hypothèse préliminaire est que le système vocalique goo se caractérise par quatre (plutôt que cinq) degrés d’aperture, et en même temps, par une opposition phonologique des voyelles selon l’indice d’avancement/retrait de la racine de la langue (±ATR ; dans les exemples ci-dessus, les voyelles que je suppose être caractérisées par le trait –ATR ont un point dessous). On sait qu’une voyelle ‑ATR plus ouverte (ex., e) peut avoir la même indication de F1 qu’une voyelle +ATR plus fermée (ex., ị ) (Casali 2008, 508), et le contraste par l’indice de ±ATR pourrait expliquer au moins certaines anomalies mentionnées ci-dessus. Il est vrai qu’un système vocalique de ce type serait extrêmement bizarre (normalement, les langues à contraste ±ATR ont au maximum trois degrés d’aperture, cf. en particulier Casali 2008, 499-504), et une telle hypothèse doit être très soigneusement vérifiée avant d’être acceptée. Et cette vérification doit obligatoirement tenir compte de la perception d’un locuteur natif, car les différences de prononciations relevées par l’oreille du chercheur ou détectées par le logiciel d’analyse automatique de la parole peuvent ne pas être phonologiquement pertinentes.

14 Malheureusement, la dernière séance de travail avec l’informateur goo, au cours de laquelle une vérification de cette hypothèse avait été prévue, n’a pas eu lieu. La vérification devra attendre l’année prochaine.

15 Mentionnons encore une particularité intéressante du goo par rapport au dan et au toura : certains mots de la structure ɓṼ(Ṽ) ont subi une dénasalisation (parfois facultative). Cf. : goo ɓɛ́ɛ̏ ~ ɓɛ̰́ɛ̰̏ ‘être humain’ – cf. toura ɓɛ̰́ɛ̰̀, dan-gwɛɛtaa ɓɛ̰̄ ; goo ɓɤ̋ ~ ɓɤ̏ ~ ɓe̋ ‘copule d’identification’ – cf. dan-gwɛɛtaa ɓɯ̰̏ .

3. Vocabulaire

16 Une première impression du goo (pour le moins, pour celui qui n’est pas spécialiste du toura) est qu’il est assez proche du toura en ce qui concerne son vocabulaire. En fait, les opinions faisant du goo un dialecte toura se basant avant tout sur cette proximité lexicale.

17 Cependant, la distance entre les vocabulaires de deux langues peut être évaluée quantitativement en utilisant la lexicostatistique, ce qui permettra de sortir des jugements impressionnistes au sujet du statut du goo et de remettre cette question dans le domaine du mesurable.

18 Je présente ici une liste Swadesh4 de 100 mots du goo 5, du dan-gwɛɛtaa (Vydrine & Mognan 2008, en tenant compte des nouvelles données)6 et du toura (Idiatov ms.)7. Là où les formes des trois variétés sont des mots apparentés, elles sont données en police

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normale. Si une forme goo est apparentée à la forme toura et non-apparentée à la forme dan, les formes goo et toura sont mises en gras. Si une forme goo est apparentée à la forme dan-gwɛɛtaa et non-apparentée à la forme toura, les formes goo et dan- gwɛɛtaa sont mises en italiques. Les formes goo non-apparentées avec les formes des deux autres langues sont soulignées.

Tableau 1. Liste comparative de 100 mots en dan-gwɛɛtaa, goo et toura

Notion Notion (fr.) Dan-Gwɛɛtaa Goo Tura

1 all tout gbà̰ tő tő

2 ashes cendres yőő yʋ̋ʋ̏ yűȅ

3 bark écorce kæ̋æ̋ kɤ̀ɤ̀ ke̋le̋

4 belly ventre gú gűi̋, gwi̋ gwi̋

5 big gros kpíi,̏ gbɛ́ kpa̋á kpa̋á

6 bird oiseau ɓȁ̰ȁ̰ ɓà̰à̰ ɓà̰à̰

7 bite mordre kṵ́ sɔ̰̋ɔ̰̋ kṵ̋ sűű ká sɔ̋ dɔ́, sőő dɔ́

8 black noir tīī tíí ti̋i̋

9 blood sang yɔ̰̀ɔ̰̀ yɛ̰̀ɛ̰̀ yṵ̀ɛ̰̀

10 bone os gā wɛ̋ɛ̋ wɛ̋ɛ̋

11 breast poitrine tȍŋ̏, kȕȕ tűlű tűlű

12 burn brûler gɤ̋ plȁ pa◌̀i ̀ dàà

13 cloud nuage ɗākpóŋ̏8 ɗòò, ɗùwɔ̀ ɗòò

14 cold (adj.) froid sæ̏æ̏ ɓɛ̰̋ḭ̏ŋ̏ ɓa̰̋ḭ̋ɓȁ̰ḭ̏

15 come venir ɗṵ̄ ɗṵ̀ lṵ́

16 die mourir gā gá gá

17 dog chien gbɛ̰̂ gbɛ̰́ɛ̰̀ gbɛ̰̋ɛ̰́

18 drink boire ɓɯ̄◌̰ ɓḭ̀ ɓḭ́

19 dry sec kpɛ̋ɛ̋, kpæ̋æ̋ kpɛ̋ɛ̋ kpɛ̋ɛ̋

20 ear oreille tő tőő(-kwɛ̋) tőlő

21 earth terre sɛ̋ɛ̋, sɛ̋ sɛ̋ɛ̋ sɛ́ɛ́

22 eat manger ɓɤ̏ ɓɤ̏ɤ̏ ɓɛ̀lɛ̀

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23 egg oeuf yȁ̰ȁ̰ yà̰ yà̰à̰

24 eye oeil ya̰̋-gā yá̰ ya̰̋

25 fat (grease) gras, graisse yɔ̰̋ yɔ̰́ɔ̰́ yɔ̰̋ɔ̰̋

26 feather plume kāȁ kúá kúà

27 fire feu si̋ɤ̋, pɛ̄ŋ̄ si̋ɤ́ pàì9

28 fish poisson yúɤ̏ɤ̏ yűú(-wɛ̋ɛ̋) ve̋

29 fly (verb) voler (en air) wlɤ̏ wȍlà wàla̋, bɔ̀lɔ̰̀

30 foot, leg pied, jambe gɛ̰̏ gɛ̰̀ɛ̰̀ gɛ̰̀ɛ̰̀

31 full (fill) plein (remplir) pa◌̄ pá pá

32 give donner ɗṵ̄, gbā ɗṵ́, gbá lṵ́, gbá

33 go aller ɗó ɗó lő

34 good bon sʌ̏ sʌ̏ sɛ̏

35 hair cheveu wṵ̄ ɗɛ̋ ṵ́ kwɛ̋ wṵ́ kwɛ̋

36 hand, arm main, bras kɔ̏ kɔ̀ɔ̀ kɔ̀ɔ̀

37 head tête gɔ̏ ṵ́-bli̋ wṵ́-bi̋li̋

38 hear entendre ɓā̰ ɓà̰ ɓá̰

39 heart coeur zūʌ̋ zȕ-wɛ́ zò-wɛ̋ɛ̋

40 horn corne sɤ̏ sɤ̀ɤ̀-wɛ̋ɛ̋ sèlè

41 hot < warm chaud wɔ̋-sɯ̏ wőőɩ̏, wőȉ zőlő, wőő-yȅ

42 I je, moi a, ɓa̰, n̄ a, ɓa̰, ń a̰, ɓa̰, ń

43 kill tuer zʌ̀ zʌ̄ zɛ́

44 knee genou kpīɤ̏ɤ̏ kpɔ̋ŋ̏ kpőŋ́

45 know savoir dɔ̄ dɔ̰̀ dɔ̰́

46 leaf feuille ɗɛ̋ kwɛ̋10 ɗɛ̋-kwɛ̋, kwɛ̋

se coucher, être 47 lie wɔ̏, kpā kpa̋a̋ kpa̋a̋ couché

little < 48 petit sɛ̰̄ɛ̰̋ɗʌ̰́ sɛ̀ɛ̏nʌ́, tɩ̋tɩ̋11 ɓa̋a̋ɗɛ̋◌̰ small

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49 liver foie ɓlűű ɓlű, ɓùlú ɓűlű

50 long long gblɛ̰̀ɛ̰̀12 dɔ̰̋ɔ̰̋ dɔ̰̋ɔ̰̋

louse 51 pou de tête wèè wɛ̰̀iŋ̰̀ ̀, wɛ̰̀ŋ̀ wɛ̰̋ḭ̋ (head)

ɓḭ́ɔ̰́ < *ɓɛ̰́ɛ̰̏ 52 man homme (vir.) gɔ̰̀ ɓḭ́ɔ̰̀ < *ɓiḭ́ ̰̀ gɔ̰́ɔ̰̀ gɔ̰́ɔ̰́

53 many beaucoup gbɛ́ ɓɛ̋ɛ̋ kpa̋á

54 meat viande wɯ̄ wìì wìì

55 moon lune sű sűű mɛ́ɛ̀

56 mountain montagne, colline tɔ̰̏ tɔ̰̏, tɔ̰̀ tɔ̰̀ɔ̰̀

57 mouth bouche ɗi̋ líyű, bḭ̀ŋ̀ bḭ̀ḭ̀

58 nail ongle sūʌ̋ sɤ̏rɤ̏ , srɔ̏ sȕȅ

59 name nom tɔ́ tɔ̋ tɔ̋

60 neck cou ɓɔ̄ vɤ̀ɤ̀ vèlè

61 new nouveau dȅȅ dɛ́ɛ́ dɛ̋ɛ́

62 night nuit gbēŋ̄ ɓiye̋ ̀-gí gbɛ̀i ̀ gí

63 not négation – (ka, a◌̏á)–

64 nose nez yṵ̄ yṵ́-wɛ̰̋ yṵ́ṵ̀

65 one un dō dʋ̀, dʋ́ dó

66 person personne ɓɛ̄◌̰ ɓɛ́ɛ̏, ɓɛ̰́ɛ̰̏ ɓɛ̰́ɛ̰̀

67 rain pluie ɗā ɗá lá

68 red rouge zɒ̰̏ɒ̰̏ɗē13 tɛ̰̋ɛ̰̋ tɛ̰̋ɛ̰̋

69 road chemin zḭ̄ā̰ā̰ zíà-wɛ̋ɛ̋ záà

70 root racine yṵ̄ síí sɩ̋ɩ́

71 round rond ɗɤ̋ɤ̋ɗɤ̏ɤ̏ ɗɤ̋ɤ̋ɗɤ̏ gìlḭ̀yȅ

72 sand sable yɛ̰̋ɛ̰̋ yɛ̰̋ɛ̰̋ kɛ̰̀ɛ̰̀14

73 say dire pɤ̄ pɤ̀ pé

74 see voir yɤ̄ yé yé

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75 seed graine ga◌̄ wɛ̋ɛ̋ wɛ̋ɛ̋

76 sit s'asseoir yȁ yì-ra◌̋ yàà

77 skin peau kwī kwíí kwíì

78 sleep dormir yī yí yí

79 smoke fumée si̋ɤ̋-tɛ̋ɛ̋ si̋ɤ́-gbɛ̰́ɛ̰́ gbɛ̰̋ɛ̰̋, pài-gb̀ ɛ̰̋ɛ̰̋

80 stand être debout dɔ̄ dɔ̏, dɔ̀ dɔ́

ɓɛ̰́ɛ̋◌̰ɛ̋◌̰ < *ɓɛ̰́ɛ̰̀ 81 star étoile sʌ̰̄ŋ́, sűsʌ̰̄ŋ́ sűűɗʌ̰̋15 wɛ̋ɛ̋

82 stone pierre gwʌ̏ gwɛ̀ɛ̀ gwɛ̀ɛ̀

83 sun soleil yʌ̰́ŋ̏ ya̰̋a̰̋ ya̰̋a̰̋

84 swim nager yi̋ kʌ̄ yi̋ kɛ́ yi̋ gő

85 tail queue wēŋ̄ wéiŋ́ ́(-wɛ̋ɛ̋) wɩ̋ɩ́

86 that dém loin ɓā ɗȅ la̋ȁ

87 this dém proche ya◌̄, yɤ̄ ɗȅ16 e̋

88 tongue langue ɗɛ̰́ɛ̏◌̰-gā ɗɛ̰̀ɛ̰̀(-wɛ̋ɛ̋) ɗɛ̰́-ɛ̋ɛ̋

89 tooth dent sɔ̰̋ sʋ̋ʋ̋(-wɛ̋ɛ̋) sőő

90 tree arbre ɗɯ̋ yi̋li̋ yi̋li̋

91 two deux plɛ̀, pȅȅdʌ̄ pìirè ́, pìirà ◌́ pȉil̏ ɛ́

92 walk marcher ta̋ ta̋a̋ ta̋a̋

93 water eau yi̋ yi̋ yi̋

yi (ex.), kwa (in.), ko 94 we nous kó kó, kő (in.du.)

95 what quoi ? ɓɛ̏◌̰ɛ̏◌̰ ɓɛ̰̀à̰ ɓɛ̰̀ɛ̰̀

96 white blanc pűű pűű pűű

97 who qui ? dē dèè, dèà wa̋á

98 woman femme ɗē ɗóȍ ɗóȍ

99 you sg17 tu ɯ̄ í i,́ i̋

100 you pl18 vous kā ká ká, ka̋

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19 Quelques notes sur la méthodologie. Dans le choix des mots exprimant les notions de la liste Swadesh dans chaque langue et l’établissement des liens de parenté entre les formes je me suis guidé sur les recommandations élaborées au sein de l’école comparatiste de Moscou (cf. en particulier : G. Starostin 2010; G. Starostin 2013, 79-136; Kassian, G. Starostin, A. Dybo, Chernov 2010). Les points cardinaux, formulés dans (Starostin 2013, 104ff), sont les suivants :

20 (a) la formulation exacte de chaque notion, donc le problème de la polysémie des mots de la métalangue (ex. : louse – pou de tête ou pou de corps ? breast – sein ou poitrine ? etc.). A ce propos, j’ai suivi les recommandations de (Kassian, G. Starostin, A. Dybo, Chernov 2010). Par exemple, entre deux lexèmes goo, kwɛ̋ ‘feuille’ et ɗe̋e̋ ‘feuillage’, je prends kwɛ̋ comme équivalent de « leaf/feuille ».

21 (b) le choix entre les synonymes. Là où on trouve deux synonymes (ou plus), c’est le plus neutre, le moins idiomatisé et le plus employé qui a été choisi. Par exemple, en dan-gwɛɛtaa, il y a deux synonymes pour ‘ventre’, gú et gblɯ̋ (ou même trois, si on considère la forme déclinable gblɯ̋ɗɛ̏ comme un lexème différent de gblɯ̋ ). Dans mon corpus de textes dan d’environ 20 mille mots, j’ai trouvé 12 occurrences de gú, dans des contextes différents, et seulement 1 occurrence de gblɯ̋ et 3 occurrences de gblɯ̋ɗɛ̏ (tous les trois dans la même expression). Par conséquence, j’ai pris le lexème gú.

22 (c) l’absence d’équivalents. Là où une notion de la liste Swadesh n’a pas d’équivalents dans la langue comparée, la position dans la liste reste vide ; par conséquent, la liste est raccourcie. Comme mon exercice ne concerne que trois langues (et son but est avant tout d’éclaircir la position du goo dans ce triangle), j’ai décidé quand même de remplacer les deux notions non-existantes dans ces langues, « green/vert » et « yellow/ jaune » par deux autres, « go/aller » et « you (pl.)/vous ». Si on décide un jour d’utiliser ma liste pour une comparaison plus globale, il sera très facile d’enlever ces deux termes.

23 (d) le traitement des mots composés. Un mot à une racine (R1) dans la langue X et un

mot composé dans la langue Y (R1 + R2) dont une des racines est apparentée avec le mot de la langue X sont normalement considérés comme des cognates là où la racine partagée peut être vue comme sémantiquement principale (le cas de goo ṵ́-ɓli̋ et toura wṵ́ ‘tête’). Là où les « racines d’appui » sont différents, les mots composés ou les expressions sont perçus comme non-cognates (le cas de « bite/mordre » : goo kṵ̋ sűű ká, litt. ‘attraper avec les dents’ vs. toura sɔ̋ dɔ́, sőő dɔ́, litt. ‘mettre la dent’).

24 (e) le traitement des emprunts. Selon un des principes de la « glottochronologie améliorée » de Sergey Starostin, tous les emprunts doivent être éliminés des listes comparées ; seules les « mutations internes » sont prises en compte. Dans notre cas, interviennent les considérations suivantes : – avant qu’une étude approfondie de reconstruction soit accomplie, il est souvent difficile de dire (surtout à propos de langues proches) s’il s’agit d’une rétention commune ou d’un emprunt. Dans notre cas, on peut supposer que les mots comme sűű ‘lune’, sɛ̀ɛ̏ɗʌ̰́ ‘petit’, ɗɤ̋ɤ̋ɗɤ̏ ‘rond’ (et probablement d’autres) sont en goo des emprunts au dan, mais dans ce dernier cas, gìlḭ̀yȅ ‘rond’ en toura peut être une innovation (la racine dont provient ɗɤ̋ɤ̋ɗɤ̏ étant bien représentée dans la famille mandé). D’autre part, compte tenu du fait que beaucoup des Goo maîtrisent le toura, on peut supposer la présence des nombreux emprunts au toura ; ainsi, les Goo utilisent très souvent une forme nɔ̋ŋ́ɗʌ̰̋ ou nɔ̋ŋ́ ‘femme’ qu’ils reconnaissent comme « un mot toura », à côté de la forme « authentique » ɗóȍ (qui est d’ailleurs identique, elle aussi, avec une forme toura). Malheureusement, à l’étape actuelle de

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nos connaissances de l’histoire de ces langues, on est obligé de tenir compte de cet aspect d’une façon limitée ; – l’élimination des emprunts étant très importante pour les calculs des distances génétiques entre les langues, elle devient moins cruciale là où il s’agit de la question du statut d’une variété (une langue à part où un dialecte d’une autre langue ?). En fait, dans la synchronie, le taux des mots apparentés dans la liste reflète la facilité d’intercompréhension entre les deux langues, quelle que soit la provenance de ces mots, est c’est l’intercompréhension que nous cherchons à évaluer.

25 La notion « ne … pas » (63) est inappropriée pour la comparaison lexicale des langues du groupe dan-toura-mano-goo, où la négation est exprimée (cumulativement avec les valeurs de TAM) par la flexion des marques prédicatives pronominales ou des pronoms. Cela nous amène à une liste de 99 mots. Dans la liste, on trouve quatre positions où les mots goo n’ont pas de formes apparentées dans les deux autres langues : 12. ‘burn/brûler’ plȁ (racine inconnue des autres langues mandé-sud) ; 81. ‘star/étoile’ sűűɗʌ̰̋ (‘petite lune’, cf. la note 16 au bas de page) ; 86. ‘this/dém. loin’ et 87. ‘that/dém. proche’ ɗȅ (cf. note 17 en bas de page). 26 Dans treize cas, les formes goo ont des cognates en dan-gwɛɛtaa mais pas en toura : 7. ‘bite/mordre’ kṵ̋ sűű ká ; 26. ‘fire/feu’ si̋ɤ́ ; 27. ‘fish/poisson’ yűú(-wɛ̋ɛ̋) ; 49. ‘little/petit’ sɛ̀ɛ̏ɗʌ̰́ ; 53. ‘many/beaucoup’ ɓɛ̋ɛ̋19 ; 55. ‘moon/lune’ sűű ; 71. ‘round/rond’ ɗɤ̋ɤ̋ɗɤ̏ ; 72. ‘sand/sable’ yɛ̰̋ɛ̰̋ (cf. la note 15 au bas de page au sujet de la forme toura) ; 84. ‘swim/nager’ yi̋ kɛ́ ; 97. ‘who?/qui?’ deè ̀, deà ̀. 27 Le nombre total de cognats goo-toura dans la liste de 99 mots est 85, ce qui fait environ 86%. Autrement dit, selon la lexicostatistique, la distance entre le goo et le toura est un peu supérieure à celle entre le kla-dan et le dan-blo ou entre le gouro et le yaouré, et correspond à une existence séparée depuis environ 1300 ans (il est vrai que ce dernier chiffre serait modifié si on tenait compte des emprunts).

28 La distance entre le goo et le dan-gwɛɛtaa est encore plus considérable (ce qui répond d’ailleurs à l’attente). A part 4 mots goo différents à la fois du toura et du dan-gwɛɛtaa mentionnés ci-dessus, on trouve encore 16 mots partagés par le goo avec le toura et différents du dan-gwɛɛtaa: 1. ‘all/tous’ tő ; 4. ‘belly/ventre’ gűi̋, gwi̋ ; 5. ‘big/grand’ kpa̋á ; 10. ‘bone/os’ wɛ̋ɛ̋ ; 11. ‘breast/poitrine’ tűlű ; 13. ‘cloud/nuage’ ɗòò, ɗùwɔ̀ ; 14. ‘cold/froid’ ɓɛ̰̋ḭ̏ŋ̏ ; 38. ‘head/tête’ ṵ́-ɓli̋ ; 45. ‘knee/genou’ kpɔ̋ŋ̏ ; 47. ‘leaf/feuille’ kwɛ̋ ; 51. ‘long/long’ dɔ̰̋ɔ̰̋ ; 68. ‘red/rouge’ tɛ̰̋ɛ̰̋ ; 70. ‘root/racine’ síí ; 75. ‘seed/graine’ wɛ̋ɛ̋ ;

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79. ‘smoke/fumée’ si̋ɤ́-gbɛ̰́ɛ̰́ ; 98. ‘woman/femme’ ɗóȍ. 29 Le nombre des cognats entre les deux langues est 79 sur 99, donc à peu près 80%. Cela correspond approximativement à 1600 ans d’existence séparée ; c’est exactement la même distance qu’entre le kla-dan et le toura.

30 On peut conclure que, selon le critère lexicostatistique, le goo est bien une langue à part, bien que proche du toura. Le schéma du sous-groupe dan-mano-toura acquiert la configuration suivante :

4. Éléments de morphologie

31 Dans ce papier hâtif, je ne prétends pas du tout de donner une description du système grammatical de la langue goo (d’autant plus que son vocalisme reste énigmatique, que les règles des modifications tonales grammaticales et combinatoires sont loin d’être clarifiées, et il serait inapproprié de présenter une esquisse grammaticale digne de ce nom en transcription non-vérifiée) ; je me limiterai à un aperçu sommaire de particularités morphologiques du goo, en mentionnant occasionnellement des formes correspondantes toura.

4.1. Nom

32 Il y a deux marques de pluriel : -bʋ̏ (cf. toura –bȍ ) et –ɗṵ̏ (cf. dan –ɗṵ̏ ) distribuées selon un critère sémantique, accompagné d’une certaine lexicalisation. ‑ɗṵ̏ apparaît avec des noms des parents aînés : ɗʌ̰́-ɗṵ̏ ‘pères’, ɗàà-ɗṵ̏ ‘mères’, ɗá̰wáá-ɗṵ̏ ‘grand- pères’, bàa̋ kpáȉ-ɗṵ̏ ‘grand-pères’, ɗa̰̋a̰̋-ɗṵ̏ ‘grand-mères’. Bizarrement, deux noms d’animaux forment leurs pluriels avec –ɗṵ̏ aussi: kwɛ́ɛ̀-ɗṵ̏ ‘chimpanzés’, gbɛ̰́ɛ̰̀-ɗṵ̏ ‘chiens’. Facultativement, –ɗṵ̏ s’utilise avec certains autres termes de parenté et quelques noms des humains (ɗű-ɗṵ̏ ~ ɗű-bʋ̏ ‘filles’, zi̋ɛ́-ɗṵ̏ ~ zi̋ɛ́-bʋ̏ ‘beaux-pères’, dɔ̋ɓa̰̋-bʋ̏ ~ dɔ̋ɓa̰̋-ɗṵ̏ ‘ami’, tɔ̋ɔ̏-bʋ̏, plus rare tɔ̋ɔ̏-ɗṵ̏ ‘étrangers’, ɓőɓő-bȕ, plus rare ɓőɓő-ɗṵ̏ ‘sourd-muets’), mais aussi avec la plupart des noms d’agents et de professions (bòòkɛ́ɓɛ̰̏-bʋ̏ ~ bòòkɛ́ɓɛ̰̏-ɗṵ̏ ‘guerisseurs’, kòìkɛ́ɓɛ̰̏-ɗṵ̏ ‘chasseurs’, sɔ̀bɔ̀ɓɛ̰̏-ɗṵ̏, plus rare sɔ̀bɔ̀ɓɛ̰̏-bʋ̏ ‘tisserands’, kwàɓɛ̰̏-bʋ̏ ~ kwàɓɛ̰̏-ɗṵ̏ ‘voleurs’).

33 Les autres noms (y compris des noms d’êtres humains) se conjuguent avec -bʋ̏ : bèyíɗȅ- bʋ̏ ‘champs’, dúwó-bʋ̏ ‘buffle’, ɗóȍ-bʋ̏ ‘femmes’, ɓḭ́ɔ̰́-bʋ̏ ‘hommes’, ɓɛ́ɛ̀-bʋ̏ ‘humains’. 34 Le goo possède des “noms locatifs” qui apparaissent dans la position post-verbale en forme morphologiquement modifiée, ce qu’on peut interpréter comme une instance de déclinaison nominale : kwi̋ȉ ‘maison’ (forme de base) – kóɗɤ̀ ou kőɗɤ̏ ‘à la maison, dans la maison’ ; péȅɗȅ ‘village’ (forme de base) – pe̋é ‘au village, dans le village’, etc. Apparemment, ce système est proche de celui en dan-gwɛɛtaa (cf. Vydrin 2011), plutôt que de celui du toura où les noms avec même suffixe locatif peuvent occuper, semble-t-

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il, des position syntaxiques différentes dans la phrase, ce qui exclut l’interprétation en termes d’une déclinaison.

4.2. Adjectifs

35 Il y a des adjectifs non-dérivés (tíí ‘noir’, yáá ‘mauvais) et dérivés par le suffixe –yȅ (ou – yɩ̏ ) à partir des noms. La plupart des adjectifs ont des formes intensives dérivées selon trois modèles principaux. 1. Adjectifs à ton lexical haut ou extra-haut : le redoublement avec l’insertion du morphème - tȁ- et le ton extra-bas sur la deuxième copie. Ex. : kpa̋á ‘grand, gros’ – Int. kpa̋átȁkpȁȁ, kpa̋átȁkpȁ ; pűű ‘blanc’ – Int. pűűtȁpȕȕ. 2. Adjectifs à ton lexical extra-haut + extra-bas : redoublement avec le transfixe ‑k- … -k-. Ex. : gbɩ̋ɩ̏ ‘fort’ – Int. gbɩ̋kɩ̋gbɩ̏kɩ̏ ; kpɛ̰̋ḭ̏ŋ̏ ‘amer’ – Int. kpɛ̰̋kḭ̋ŋ̋kpɛ̰̏kḭ̏ŋ̏ ; fʋ̋ʋ̋fʋ̏ʋ̏ ‘paresseux’ – Int. fʋ̋kʋ̋fʋ̏kʋ̏. 3. Adjectifs dérivés en –yȅ : redoublement de la base. Ex.: kayḛ̀ ̏ ‘aigre’ – Int. kakà̰ yḛ̀ ̏ ; zɔ̰̀yȅ ‘mou’ – Int. zɔ̰̀zɔ̰̀yȅ.

36 On peut également mentionner quelques modèles irréguliers : túɗʌ̰̋ ‘court, peu profond’ – Int. túɗʌ̰̋ɗʌ̰̋ (redoublement du suffixe diminutif) ; sʌ̏ ‘bon, joli’ – Int. sʌ̏ɗʌ̰̋ɗʌ̰̋, Super-Intensif sʌ̏tȁsʌ̏ ; sɛ̀ɛ̏nʌ́ ‘petit’ – Int. sɛ̋ɛ̋ɗʌ̰̋-sɛ̋ɛ̋ɗʌ̰̋ (redoublement complet avec une modification tonale) ; tɩ̋tɩ̋ ‘petit’ – Int. tɩ̋tɩ̋ɗʌ̰̋ (un suffixe diminutif).

4.3. Pronoms personnels

37 Les séries des pronoms personnels que j’ai pu identifier sont représentées dans le Tableau 2. Je suis certain qu’au cours des études postérieures, leurs formes (voyelles, tons, variabilité tonale…) seront précisées, et d’autres séries seront détectées ; cet inventaire n’est qu’une première approche.

38 Les pronoms de la série polyfonctionnelle apparaissent dans toutes les positions syntaxiques sauf dans celle du sujet d’un énoncé verbal (excepté pour la construction progressive, cf. ci-dessous). Apparemment, il n’y a pas de formes emphatiques spéciales ; la même série pronominale se combine avec la particule emphatique ɗèɗèi ̀ : ń ɗèɗèì ‘moi-même’, í ɗèɗèì ‘toi-même’, etc.

39 Les pronoms possessifs proviennent de la fusion des pronoms polyfonctionnels avec la marque possessive ɓà en 1 pl. et 2 pl., ce qui permet parler d’une série spéciale :

ɓà̰à̰ pe̋èɗȅ ‘mon village’ kóà pe̋èɗȅ ‘notre village’

íɓà pe̋èɗȅ ‘ton village’ káà pe̋èɗȅ ‘votre village’

ȁɓà pe̋èɗȅ ‘son village’ ȁŋ̏ɓà pe̋èɗȅ ‘leur village’

40 Si le possesseur est exprimé par un nom, la marque possessive apparaît souvent sous la forme à : ɗùtíí à wɛ̋ɛ̋ ‘l’argent du chef de village’.

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Tableau 2. Pronoms personnels

Élément Série 1sg. 2sg. 3sg. 1pl. 2pl. 3pl fusionné

Polyfonctionnelle – ń í ȁ kó ká ȁŋ̏

ȁŋ̏ɓà Possessive à (ɓà?) ɓà̰à̰ íɓà ȁɓà kóà káà [ȁŋ̏ mà]

Coordinative 1 kwà kà ?

Coordinative 2 kwáȁ káȁ wáȁ

Existentielle kɤ̋ ~ kʌ̋ á í ȅ kó ká wȍ

Perfective à ~ yà ɓa̰̋ ~ ɓá̰ ɓa̋ ~ ɓá yà ~ yȁ kwa̋ ~ kwá ka̋ ~ ká wà ~ wȁ

Prospective20 ? ɓà̰á̰ ɓìí éè kòó káá wóó

Optative ? a̋ i̋ è kő ka̋ wò, ò

Existentielle ɓa̰̋a̰̋ ~ ɓa̋a̋ ~ yȁà ~ ka̋a̋ ~ wȁà ~ ȁà ~ yȁà kwa̋a̋ ~ kwáá négative ɓá̰á̰ ɓáá yȁȁ káá wȁȁ

Négative (ka̋, gó) ń ~ ǹ í ȅ kó ~ kò ká ~ kà wȍ

kȍ (du.), kȁkȍ Impérative – ø kȁ (pl.)

Note. Les formes dans la colonne « élément fusionné » apparaissent après un nom (plutôt qu’un pronom) en fonction sujet ; on peut donc supposer qu’elles représentent la marque prédicative qui a fusionné avec les formes pronominales. Font exception les éléments ka̋ et gó qui accompagnent les pronoms négatifs sans fusionner.

41 Les pronoms de la première série coordinative apparaissent en première position dans les constructions coordinatives où le deuxième participant est exprimé par un pronom polyfonctionnel21 suivi de la postposition associative ká :

(1) Kwà ȉ ká, kwá ɗṵ́ pe̋ì.

1COORD 2SG avec 1PL.PFV venir au.village

‘Moi et toi, nous sommes venus au village’.

(2) Kà ȁ ká, ká ɗṵ̀.

2COORD 3SG avec 2PL.PFV venir

‘Toi et lui, vous êtes venus’.

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42 Là où il s’agit de plus de deux participants, toute la construction coordinative est accompagnée de la marque de pluriel –ɗṵ̏ qui suit donc la postposition ká :

(3) Kà ȁŋ̏ ká-ɗṵ̏, ká ɗṵ̀.

2COORD 3PL avec-PL 2PL venir

‘Toi et eux, vous êtes venus’.

43 Les pronoms de la deuxième série coordinative apparaissent dans la première position de la construction coordinative dont le deuxième membre est exprimé par un nom :

(4) Kwáȁ pìɤ̀wóɓɛ̰̏, kwá ɗṵ̀.

1COORD2 forgeron 1PL.PFV venir

‘Moi et le forgeron, nous sommes venus’.

(5) Wáȁ pìɤ̀wóɓɛ̰̏, wȁ ɗṵ̀.

3COORD2 forgeron 3PL.PFV venir

‘Lui et le forgeron, ils sont venus’.

44 Les pronoms sujets font plusieurs séries (existentielles, perfectives, prospectives, optatives, impératives, les deux séries négatives) en exprimant des valeurs aspectuelles, modales et celle de polarité ; il s’agira de leurs fonctions plus bas, dans la division « constructions verbales ».

4.4. Énoncés non-verbaux

45 1) L’énoncé présentatif formé d’un groupe nominal suivi de la copule dɛ̏ȉ :

(6) Ɓà̰à̰ bélɩ̏ dȅȉ

1SG.POSS champ COP

‘C’est mon champ’.

46 Si le groupe nominal est pronominalisé, c’est la série polyfonctionnelle qui apparaît : ń dɛ̏ȉ ‘c’est moi’, kó dɛ̏ȉ ‘c’est nous’, àŋ̀ dɛ̏ȉ ‘ce sont eux’, etc.

47 L’équivalent négatif de l’énoncé présentatif est un énoncé équatif où le sujet est exprimé par le pronom existentiel négatif 3SG :

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(7) Yȁà ń/í ká

3SG.EXI.NEG 1SG/2SG avec

‘Ce n’est pas moi/toi’.

(8) Yȁá ń ɗőȍɗʌ̰̋ kà.

3SG.EXI.NEG 1SG jeune.sibling avec

‘Ce n’est pas mon jeune frère/sœur’.

48 2) L’énoncé existentiel. Malheureusement, je n’ai pas dans mes données d’exemples d’énoncé existentiel affirmatif. La formule de l’énoncé négatif est le suivant : S ȁà ~ yȁà ɓɤ̋ ~ ɓe̋ ~ ɓi̋, où ɓɤ̋ ~ ɓe̋ ~ ɓi̋ est une copule (dont le ton varie suivant une règle que je ne peux pas encore formuler) :

(9) Wìì ȁ wéŋ́ yȁà ɓí.

animal 3SG queue NEG COP

‘L’animal qui n'a pas de queue’ litt.: « l’animal, sa queue n’existe pas »).

(10) Ȁ ɗőȍ áá ɓɤ̏.

3SG jeune.sibling NEG COP

‘Il n’a pas de jeunes frères ou sœurs’ (litt. : « son jeune frère/sœur n’existe pas »).

49 3) L’énoncé équatif a deux variantes qui se distinguent par les copules et par les fonctions communicatives de ses arguments. Dans les deux cas, l’ordre des mots est le

suivant : GN1 COP GN2 ká. La postposition ká tend à perdre sa consonne, à se coller au mot précédent ou même à s’amuïr (surtout suivant le pronom 3sg. ȁ ) :

(11) Ń pɤ́ tő ȁ = ń pɤ́ tő ȁ ká

2SG chose COP.EMPH 3SG – 2SG chose COP.EMPH 3SG avec

‘C’est à moi, c’est ma propriété’.

50 Avec la copule kɤ̋, le thème occupe la première position (celle du sujet), et le rhème la deuxième (le prédicat nominal) :

(12) Ń ɗőȍnʌ́ kɤ̋ pɔ̰́tàɓɛ̰̏ ká.

Mandenkan, 50 | 2013 198

1SG jeune.sibling COP cultivateur avec

‘Mon jeune frère est cultivateur’.

51 Avec la copule ɓe̋ (sans doute, une variante libre ou contextuelle de ɓɤ̋ ) ou son homologue emphatique tő, l’ordre est inverse :

(13) Pɔ̰́tàɓɛ̰̏ ɓe̋ ń ɗőȍnʌ́ ká

cultivateur COP 1SG jeune.sibling avec

‘Mon jeune frère est cultivateur’.

(14) Gʋ̏ʋ̏-ɓɛ̰̏ tő kó ká

Goo-personne COP.EMPH 1PL avec

‘Nous sommes Goo’.

52 Apparemment, cette différence est neutralisée dans l’énoncé équatif négatif où il n’y a qu’une seule copule, yȁà ~ ȁà :

(15) Í ɗőȍnʌ́ yȁà ~ ȁà pɔ̰́tàɓɛ̰̏ ká.

2PL jeune.sibling COP.NEG cultivateur avec

‘Ton jeune frère n’est pas cultivateur’.

53 Dans le cas de pronominalisation du groupe sujet, la série existentielle apparaît :

(16) Ɓa̰̋a̰̋ pɔ̰́tàɓɛ̰̏ ká.

1SG.EXI.NEG cultivateur avec

‘Je ne suis pas cultivateur’.

54 4) L’énoncé locatif affirmatif suit le modèle suivant : S kɤ̋ LOC, où S = sujet, LOC est un groupe nominal suivi d’une postposition locative ou un nom locatif :

(17) Ń ɗőȍɗʌ̰̋ kɤ̋ kʋ́ɗɤ̀.

1SG jeune.frère COP maison.LOC

‘Mon jeune frère est à la maison’.

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55 La pronominalisation du sujet est assurée par la série existentielle : Ȅ kʋ́ɗɤ̀. ‘Il est à la maison’. Wȍ kʋ́ɗɤ̀. ‘Ils sont à la maison’. Dans l’énoncé locatif négatif, kɤ̋ est remplacé par la copule négative ȁà ~ yȁà, et les pronoms existentiels par leurs homologues négatifs : Ń ɗőȍɗʌ̰̋ yȁà ~ ȁà kʋ́ɗɤ̀. ‘Mon petit frère n’est pas à la maison’. Yȁà kʋ́ɗɤ̏. ‘Il n’est pas à la maison’. Wȁà kʋ́ɗɤ̏. ‘Ils ne sont pas à la maison’.

4.5. Formes verbales non-finies

56 Les formes verbales non-finies ne peuvent être présentées que préalablement, car mes données sont très incomplètes.

57 1) Le supin est dérivé avec le suffixe –i̋ qui peut changer son ton et, d’autre part, influencer la voyelle de la base verbale : ɗó ‘aller’ → ɗɛ́-í22. Le supin assume normalement le rôle du prédicat dépendant d’un verbe de mouvement :

(18) A̋ ɗṵ́ á wìì vɤ̀ɤ̀-bʋ̏ ɗɔ̋-i̋.

1SG.EXI venir 1SG.OPT animal cou-PL acheter-SUP

‘Je suis venu acheter des cous d’animaux.’

58 2) Le gérondif-1 est dérivé par le suffixe -lé (apparemment, d’origine Proto-Mandé-Sud ou même Proto-Mandé) et peut assumer les fonctions nominale (gi̋gá-lè ‘fatigue’ < gi̋gá ‘se fatiguer’) ou adjectivale (gíá ‘passer’, kwí gíá-lé ‘l’année passée’).

59 3) Le gérondif-2 est dérivé par le suffixe –yɩ̏ ou –yȅ ; apparemment, le même suffixe dérive des adjectifs des noms (cf. ci-dessus) : ɓɔ̏ ‘devenir propre’ → sɔ́ ɓɔ́-ȉ ‘habit propre, pur’ ; ɗi̋ɤ̋-gá ‘(s’)émousser’ → ɗi̋ɤ̋-gáyɩ̏ ‘émoussé’.

60 4) L’infinitif est dérivé par le suffixe –à :

(19) ɤ̀ ɗőőɗʌ̰́ ȁȁ dɔ̀ ṵ̀ bò-à.

2SG jeune.sibling NEG savoir cheveux tresser-INF

‘Ta petite sœur ne sait pas tresser les cheveux’.

61 On peut mettre ce suffixe en connexion avec celui du « gérondif en ‑à » en toura (Bearth 1971, 213-221) provenant de la postposition ɓȁ. Une question se pose : est-ce que cette suffixe en goo est identique à celle de l’imperfectif (cf. ci-dessous) ? Si oui, son origine est liée plutôt avec la postposition archaïque la◌́. Pour le moment, mes données sont insuffisantes pour résoudre ce dilemme.

4.5. L’énoncé verbal

62 L’énoncé verbal a la structure S Aux O V OI/CIRC. Si le sujet est pronominalisé, il est le plus souvent fusionné avec la marque prédicative (cf. les séries pronominales sujet, Tableau 2).

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63 Dans les langues mandé-sud, on trouve deux stratégies concernant la façon d’exprimer les valeurs du TAM et polarité : (1) celle des « pronoms sujet » (le toura, le gouro, le yaouré, le mwan, le wan) où les pronoms peuvent occuper la position du sujet, tout en assumant les flexions du TAM et polarité (lorsque cette position est occupée par un nom, le pronom sujet n’apparaît pas) ; et (2) celle des « marques prédicatives pronominales », ou MPP (le dan, le mano, le gban, le beng) où l’apparition des marques personnelles (fusionnées avec les marques du TAM et du polarité) est obligatoire même en présence des noms dans la position du sujet, d’où on tire la conclusion que les MPP occupent une position syntaxique spéciale, autre que celle du sujet.

64 Il semble que le goo est plutôt une « langue à pronoms sujets» (comme le toura), mais on y observe une tendance à la formation des MPP. Cette tendance se manifeste surtout en variation libre des allomorphes de la marque prédicative du perfectif à ~ yà, où le deuxième allomorphe est pratiquement identique au pronom perfectif 3SG. Une situation analogique s’observe dans la construction existentielle négative. Il n’est pas loin de l’identification complète des pronoms sujets (au moins dans ces deux séries) avec les marques prédicatives, ce qui entraînerait facilement la réinterprétation des pronoms sujets comme des marques prédicatives pronominales. On dirait que le goo nous présente une illustration d’une étape intermédiaire de cette évolution.

65 Faisons un aperçu rapide des constructions verbales exprimant les valeurs du TAM et polarité.

66 1) Le perfectif affirmatif : S à (O) V. La marque prédicative a des variantes ȁ, yà, yȁ, plus rarement ȍ, wà. La pronominalisation du groupe sujet est assurée par la série perfective des pronoms (cf. Tableau 2) incorporant la marque prédicative. En fin de phrase le verbe peut abaisser son ton (les règles de cet abaissement sont à préciser). Ex. :

ɓa̰̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘j’ai attrapé le rat’ kwa̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘nous avons attrapé le rat’

ɓa̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘tu as attrapé le rat’ ka̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘vous avez attrapé le rat’

yà fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘il a attrapé le rat’ wà fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘ils ont attrapé le rat’

67 2) Le perfectif négatif : S ká ~ ka̋ (O) V. La pronominalisation du groupe sujet est assurée par la série perfective négative qui est suivie de la marque prédicative ká : ń ka̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘je n’ai pas attrapé le rat’, í ka̋ fɛ̋ŋ̋ kṵ́ ‘tu n’as pas attrapé le rat’, etc.

68 3) L’aspect neutre : S kɤ̋ (O) V-LȀ. Le suffixe verbal désigné ici par -LȀ a plusieurs allomorphes : -ȁ, -lȁ, -wȁ̰, -ɛ̏ dont la distribution semble être partiellement conditionnée (-wȁ̰ apparaît après les voyelles nasales, (20)), partiellement libre (on trouve les allomorphes -ȁ et -lȁ dans des conditions semblables, et parfois avec le même verbe, cf. (21 et 22)) :

(20) Zőgbɤ́ kɤ̋ àɓà ɗʌ̰̋ zɔ̰̀-wà̰ ɗȕtíí ɗʌ̰̏.

Zogbeu COP 2SG.POSS enfant montrer-NEUT chef.de.village à

‘Zogbeu a montré son fils au chef de village’.

Mandenkan, 50 | 2013 201

(21) Zőgbɤ́ kɤ̋ blȁ si̋-rȁ kpḭ̏ŋ̏ tȁ.

Zogbeu COP course prendre-NEUT route sur

‘Zogbeu court par la route’.

(22) Yɛ́ɛ́ Zőgbɤ́ kɤ̋ Zőlú sí-ȁ ɗé ka̋.

hier Zogbeu COP Zolou prendre-NEUT femme avec

‘Hier Zogbeu s’est marié avec Zolou’.

69 La pronominalisation du groupe sujet est assurée par la série pronominale existentielle (cf. Tableau 2), ex. :

(23) Wȍ kűȉ dɔ̀-ȁ kwɛ̏zi̋.

3PL.EXI maison bâtir-NEUT année.prochaine

‘Ils bâtiront une maison l’année prochaine’.

70 Comme le montrent les exemples ci-dessus, cette construction peut exprimer des valeurs très différentes, à la fois de la zone perfective (20, 22) et imperfective (21, 23). Je la caractérise comme « la construction de l’aspect neutre » par analogie avec une construction similaire (par la forme et, apparemment, par le sens) en dan (Vydrin 2010), mais il est évident que ses particularités formelles et sémantiques demanderaient une étude approfondie.

71 4) L’imperfectif négatif : S ȁà (O) V-LȀ, la pronominalisation est assurée par la série existentielle négative. D’après sa forme, cette construction correspond à celle de l’aspect neutre ; cependant, apparemment, elle ne peut pas exprimer des actions accomplies et ponctuelles (à vérifier), sauf dans le futur, où l’opposition d’inaccompli vs accompli devient moins pertinente. Ex. :

(24) Yȉrá áá kwa̋ȁ dì ɓɤ́-ȁ.

lion NEG.IPFV 2PL.POSS bovin manger-NEUT

‘Le lion ne mangera pas notre vache’.

72 5) Le statif négatif : S ȁà (O) V. Se distingue de l’imperfectif négatif par l’absence du suffixe verbal –LȀ.

(25) Ɓa̰̋a̰̋ ɓɤ̰́ŋ́gʌ́ dɔ̰̏.

1SG.NEG.EXI quelqu’un connaître

Mandenkan, 50 | 2013 202

‘Je ne connais personne’.

(26) Zőgbɤ́ ȁà sőő-sí.

Zogbeu NEG.IPFV rire-prendre

‘Zogbeu ne rit pas’.

73 Les exemples disponibles ne permettent pas d’établir avec certitude le sémantisme précis de cette construction.

74 6) Le paradigme du progressif est comme suit :

ń ɓḭ̋a̰̋ ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Je travaille ici’. kó ɓőkő ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Nous travaillons ici’.

i◌́ ɓe̋i̋ ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Tu travailles ici’. ká ɓɤ̋ka̋ ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Vous travaillez ici’.

ȁ ɓe̋i̋/ɓe̋ ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Il travaille ici’. ȁŋ̏ ɓɤ̋wò ɓa̋la̋ kɛ́-lȁ zɤ́. ‘Ils travaillent ici’.

Exemples avec des sujets non-pronominalisés :

(27) Kòìkɛ̋ɓɛ̰̏ ɓe̋ wìì pi̋ɛ̋-kɛ́-rȁ.

chasseur 3SG.PROG animal chasse-faire-NEUT

‘Le chasseur est en train de chasser le gibier’.

75 La construction du progressif est bizarre de deux manières. D’abord, le sujet pronominalisé y est exprimé par la série polyfonctionnelle, ce qui est anormal ; puis, les valeurs de la personne et nombre du sujet sont exprimées deux fois, par le pronom polyfonctionnel (en fonction sujet) et par la marque prédicative.

76 Ces anomalies s’expliquent évidemment par le fait que la construction du progressif est dérivée d’une construction de l’aspect neutre à clivage. Les formes de 2pl. et 3pl. le montrent d’une façon suffisamment transparente : dans ȁŋ̏ ɓɤ̋wò, l’élément ɓɤ̋ provient sans aucun doute d’une copule existentielle, et wò est un pronom sujet de la série existentielle. Donc, la construction signifiait étymologiquement « eux, ils travaillent ici » ; elle a subit une grammaticalisation et a été réinterprétée (d’ailleurs, parmi les valeurs aspectuelles de l’aspect neutre, le progressif figure aussi).

77 5) Le prospectif : PROS (O) V. Malheureusement, les seuls exemples de cette construction que je possède sont les suivants :

ɓà̰á̰ ɓà̰ kwi̋ȉ dɔ̏ ‘je vais bâtir ma maison’ kòó kwáà kwi̋ȉ dɔ̏ ‘nous allons bâtir notre maison’

ɓìí ɓà kwi̋ȉ dɔ̏ ‘tu vas bâtir ta maison’ káá káà kwi̋ȉ dɔ̏ ‘vous allez bâtir votre maison’

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éè ɓà kwi̋ȉ dɔ̏ ‘il va bâtir sa maison’ wóó ɓà̰ kwi̋ȉ dɔ̏ ‘ils vont bâtir leur maison’

78 Apparemment, les formes des pronoms sujets dans ces exemples sont fusionnées avec les pronoms possessifs faisant partie du groupe du complément d’objet direct. En plus, je ne sais pas quelle marque du prospectif apparaît après un groupe sujet non- pronominalisé.

79 6) L’optatif : OPT (O) V\TON. Apparemment, dans la construction optative, le verbe subit des modifications tonales dont les règles restent à définir (cf. l’exemple (28) où le ton lexical bas du verbe est remplacé par un ton extra-bas, et l’exemple (29), où le ton lexical haut est remplacé par un ton extra-haut). Malheureusement, je n’ai pas d’exemples de la construction optative à sujet non-pronominalisé, ce qui ne me permet pas d’établir la forme de la marque prédicative d’optatif qui apparaîtrait dans ce contexte.

(28) Gwḭ̀ɗʌ̰́ kɤ̋ wɛ̀ɛ̀ è ɗṵ̏

roi COP dire\NEUT 3SG.OPT venir\OPT

‘Le roii dit qu’ilj vienne’.

(29) Yà pi̋ɛ̋ kí è ɗő ɗólȁ gí.

3SG.PFV PP que 3SG.OPT aller\OPT ciel dans

‘Il veut aller au ciel’.

80 7) L’impératif : IMP (O) V. La série pronominale impérative est la seule qui distingue le duel et le pluriel pour la 1e personne. La forme du 1pl. kȁkȍ provient certainement de la combinaison de formes 2pl. kȁ et 1du. kȍ (litt. : « vous et nous deux »), un modèle très fréquent dans les langues mandé. Ex. :

(30) Kȁkȍ ɓɔ̰̀ɔ̰̀-bʋ̏ kṵ́.

1PL.IMP souris-PL attraper

‘Attrapons les souris’.

81 8) Prohibitif : NEG gó O V-ȁ ; je n’ai pas d’exemples à sujet non-pronominal. Sans doute, le suffixe verbal est identique à celui de l’aspect neutre. Ex. :

(31) È gó fɛ̋ŋ̋ kṵ́-ȁ.

3SG.NEG PROH souris attraper-NEUT

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‘Qu’il n’attrape pas le rat’.

4.6. La relativisation

82 La relativisation en goo suit la stratégie corrélative (très typique des langues mandé) : la proposition subordonnée se trouve à gauche ; le groupe nominal relativisé se trouve in situ dans la clause relative, il est suivi de la marque relative à. La proposition relative est suivie d’une marque finale yɛ̀. Dans la clause principale, le groupe relativisé est repris par un pronom. Ex. :

(32) Í ń gbà pɔ́i à ká yɛ́ɛ́ yɛ̀, ɓá̰ ȁi yɛ́.

2SG.EXI 1SG donner houe REL avec hier FIN 1SG.PFV 3SG casser

‘J’ai cassé la houe que tu m’a donnée hier’.

(33) Kwɛ̀ɛ́-ɗṵ̏ wȍ ya̋a̋i à sìyà yɛ̀,

chimpanzé-PL 3SG.EXI igname REL gâter FIN

í pɤ̀ tú ȁi ká ȅȅ?

2SG chose COP 3SG avec Q

‘L’igname que les chimpanzés ont gâtée, est-elle à toi?’

83 Comme cela a été dit dans l’introduction, l’objectif de mon aperçu préliminaire de la langue goo est très modeste : je ne prétends aucunement ni à l’exhaustivité, ni à la précision de mes données ; il s’agissait juste de signaler l’existence de cette langue et d’en donner quelques informations en attendant une étude plus détaillée.

BIBLIOGRAPHIE

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Mandenkan, 50 | 2013 205

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NOTES

1. La zone géographique du goo s’avère donc plus large qu’indiqué sur la carte http:// www-01.sil.org/silesr/2000/2000-003/Dan-Tura-Mano_map.htm. 2. Ce fait a été confirmé par un infirmier Dan : après plusieurs années à Zagwɛ, il n’arrivait toujours pas à comprendre le goo. 3. D’ailleurs, on ne peut pas exclure que l’apparition de ces voyelles est due au facteur aréal ; cependant, même en dan, l’existence des voyelles postérieures non-arrondies peut être due à l’influence des langues krou, donc être un phénomène aréal, cf. (Vydrine 2009, 96). 4. Je prends la dernière version de la liste Swadesh (sur l’histoire de l’évolution de cette liste voir http://en.wikipedia.org/wiki/Swadesh_list), avec deux modifications (suivant la tradition lexicostatistique du LLACAN) : les notions « vert » (green) et « jaune » (yellow) qui ne sont pas lexicalisées dans les langues en question (et, d’ailleurs, sont le plus souvent exprimées dans les langues mandé par des créations récentes) ont été remplacées par « aller » (go) et « vous » (you pl.). 5. Les formes goo sont transcrites dans la liste (et partout ailleurs) sans tenir compte de l’hypothèse (formulée ci-dessus) sur la pertinence du contraste vocalique ±ATR. 6. Il serait probablement plus approprié de prendre pour la comparaison un des dialectes dan voisin de l’aire goo : beeple, kaa, saan ou soon. Malheureusement, je n’ai pas suffisamment de données pour ces dialectes, et je suis donc obligé de me contenter de la variété la mieux documentée, même si elle n’est pas géographiquement la plus proche du goo. 7. Je remercie Thomas Bearth qui m’a fourni les formes absentes du dictionnaire de Dmitry Idiatov et a donné de précisions d’autres lexèmes toura.

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8. La même racine qu’en goo et toura est attestée dans le kla-dan : lɔ̏. 9. En toura, la forme si̋e̋ est attestée dans quelques dialectes. 10. En goo il y a un mot ɗe̋e̋ ‘feuillage’ qui représente la même racine qu’en dan-gwɛɛtaa, mais, apparemment, kwɛ̋ est la forme principale. 11. Formes de type titi apparaissent dans des dialectes dan de l’ouest, ex. dan-blo teté .́ 12. Cf. la forme kla-dan: drɔ́ ‘long’. 13. En dan-gwɛɛtaa, la forme tɛ̰̋ŋ̋ est archaïque; les réflexes de cette racine sont bien représentés dans d’autres dialectes dan. Il faut mentionner que les mots exprimant la valeur « rouge » sont assez instables en dan où ce sens a des fortes connotations sexuelles et subit souvent des substitutions euphémiques. 14. La forme toura kɛ̰̀ɛ̰̀ peut être un emprunt au manding (probablement, en manding cette forme provient de la même racine du Proto-Mandé que yɛ̰̋ɛ̰̋ en dan et en goo), car un réflexe régulier en toura devrait avoir plutôt un y- initial. 15. sűűɗʌ̰̋ signifie certainement ‘enfant de la lune’ (ou ‘petite lune’). L’élement sű- dans la forme dan-gwɛɛtaa sűsʌ̰̄ŋ́ provient, sans doute, de la même racine, mais la « racine d’appui » en mot composé sűsʌ̰̄ŋ́ est évidemment sʌ̰̄ŋ́. 16. Les déterminants démonstratifs sont des « mauvais » mots pour notre étude, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les systèmes démonstratifs des langues mandé-sud sont souvent très compliqués et incluent plus que deux éléments (ce qui rend difficile le choix de l’élément à mettre dans la liste). Egalement, parce que je n’ai pas fait l’étude des procédés démonstratifs en goo, et dans les phrases obtenues par l’élucidation à partir d’un questionnaire standard, mon informateur a utilisé le même déterminant ɗȅ pour traduire « celui-ci » et « celui-là ». 17. Les formes des séries non-subjectives dans les trois langues. 18. Les formes des séries non-subjectives dans les trois langues. 19. Je suppose que nous avons ici une correspondance régulière (bien que peu fréquente) dan, toura gb – goo ɓ. Une autre instance est le mot ɓi̋yè-gí ‘nuit’ (No. 62 dans la liste). 20. Concernant les formes des pronoms prospectifs, cf. une stipulation sur la page 191. 21. Le ton extra-bas du pronom 2sg. figurant dans la deuxième position peut signaler qu’il s’agit d’une autre série (non répertoriée dans mon tableau) ; sinon, ce ton peut provenir d’une modification contextuelle dont mes données ne permettent pas encore d’établir les règles. 22. Cf. le supin en toura marqué par le suffixe –i̋ que Bearth fait remonter à la postposition inessive gi̋.

RÉSUMÉS

La langue goo, parlée dans une dizaine de villages au nord de la ville de Man (à l’Ouest de Côte d’Ivoire) a été mentionnée parfois comme un dialecte de toura ou comme « un mélange des langues dan et toura ». Il s’avère que goo est une langue à part ayant 86% de vocabulaire en commun avec le toura et 80% avec le dan (dans la liste de 100 mots de Maurice Swadesh). Le goo a 4 tons, son vocalisme est à clarifier (probablement, il comporte 4 degrs d’aperture et, en plus, un contraste de ±ATR). Le goo a plusieurs séries des pronoms sujets, et les pronoms sujets semblent à manifester des signes de transformation en marques prédicatives pronominales. La construction progressive représente un intérêt particulier, car elle résulte de deux cycles de grammaticalisation.

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Up to now, Goo (spoken in a dozen of villages to the north of Man, western Côte d’Ivoire) was mentioned, if at all, as either a dialect of Tura, or a “mixture of Dan and Tura”. It turns out that Goo is a separate language: in Swadesh-100 list it has 86% of common vocabulary with Tura and 80% with Dan. Goo has 4 level tones, its vocalism is yet to be clarified (it probably has 4 degrees of aperture and, besides, a ±ATR contrast). Goo has several series of subject pronouns, there are some indications of the beginning of transformation of subject pronouns into personal predicative markers. Of special interest is the progressive construction which results from two cycles of grammaticalization.

До недавнего времени гоо (на котором говорят в десятке деревень к северу от г. Ман, на западе Кот д’Ивуара) упоминался разве что как диалект языка тура или как «смесь языков дан и тура». Как выясняется, гоо является отдельным языком: в 100-словном списке М.Сводеша, гоо имеет 86% общей лексики с тура, и 80% — с дан. Гоо имеет 4 уровневых тона, инвентарь гласных подлежит уточнению: по-видимому, противопоставляются 4 уровня открытости гласных, при этом обнаруживается и контраст по признаку продвинутости/отодвинутости корня языка. В гоо имеется несколько серий личных местоимений, обнаруживаются некоторые признаки превращения некоторых субъектных местоимений в местоименные предикативные показатели. Особый интерес представляет собой конструкция прогрессива, которая является результатом двух циклов грамматикализации.

INDEX

Keywords : Goo Language, South Mande Languages, Mande Languages Thèmes : goo, langues mandé-sud, langues mandé motsclesru язык гоо, южные манде, языки манде

AUTEUR

VALENTIN VYDRIN LLACAN, UMR 8135 INALCO / USPC [email protected]

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Compte rendu

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Ousmane Moussa DIAGANA, Dictionnaire soninké-français (Mauritanie) Paris, Karthala, 2011, 262 p.

Gérard Galtier

RÉFÉRENCE

Ousmane Moussa Diagana, Dictionnaire soninké-français (Mauritanie), Paris, Karthala, 2011, 262 p.

1 Les Éditions Karthala viennent de faire paraître, de façon posthume, le dictionnaire soninké-français d’Ousmane Moussa Diagana, dans la collection « Dictionnaires et Langues » dirigée par Henry Tourneux.

2 L’auteur, Ousmane Moussa Diagana, né en 1951 à Kaédi (Mauritanie), devait mourir brutalement à Nouakchott le 9 août 2001. Après des études supérieures de Lettres modernes au Maroc, il s’était inscrit à l’Université Paris V pour des études de linguistique qui le conduisirent jusqu’au doctorat d’État en 1984. Il devint ensuite, et jusqu’à son décès, professeur de linguistique à l’Université de Nouakchott.

3 Il fut à la fois linguiste et poète, et il faut notamment citer parmi ses ouvrages : Chants traditionnels du pays soninké (Paris, L’Harmattan, 1990) ; La Langue soninkée, morphosyntaxe et sens (Paris, L’Harmattan, 1995), version remaniée de sa thèse d’État ; Cherguiya, Odes lyriques à une femme du Sahel (Limoges, Le Bruit des autres, 1999), recueil de poésies en langue française.

4 O. M. Diagana avait accompli un travail remarquable pour le développement de sa langue maternelle et il reste particulièrement regretté dans la communauté soninké de Mauritanie. Il existe du reste un groupe Facebook dédié à sa mémoire intitulé « N’oublions pas Ousmane Moussa Diagana Dembo », qui comprenait 345 membres en septembre 2012.

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5 Le Dictionnaire soninké-français de O. M. Diagana était resté à l’état manuscrit et n’était point achevé au moment du décès de son auteur. Néanmoins, un comité se constitua à Nouakchott pour permettre l’édition de cette œuvre, qui vient d’être publiée par les Éditions Karthala.

6 Ce dictionnaire vient continuer une série déjà longue de publications comprenant les titres suivants : • Abdoulaye BATHILY et Claude MEILLASSOUX. Lexique soninké (sarakolé)-français. Dakar : Clad, 1975. • Gérard GALTIER, Zeïdi DRAMÉ et Oudiary Makan DANTIOKO. Lexique soninké-français. Bamako : DNAFLA, 1979. • Brad et Susan SMELTZER, Lexique soninké-français (suivi d’un index français-soninké). Bamako : Société internationale de linguistique (SIL), 1997. • Brad et Susan SMELTZER, Lexique soninké-français-anglais (suivi de deux index, français-soninké et anglais-soninké). Bamako : Société internationale de linguistique (SIL), 2001. • Oudiary Makan DANTIOKO, Dictionnaire soninké-français. Bamako : Éditions Jamana, 2003. • Mody BATHILY, Dictionnaire soninké-français et français-soninké. Rouen : Librairie Dades, 2008.

7 Or, la parution du dictionnaire de O.M. Diagana vient fournir de très nombreux termes qui n’étaient jamais apparus dans les travaux précédents. D’abord, de très nombreux mots courants (exemple : bájí, ‘calomnier’). De même, des mots du registre familier. Exemple : ko◌̀ccé ‘caillou’, ‘pièce de monnaie’. Et, surtout, un vaste ensemble de mots faisant référence aux champs lexicaux de la religion, et des croyances et coutumes traditionnelles. Exemples : jóndókáwándí, ‘enseigner la parole de Dieu’ ; jágè, ‘avoir un enfant ayant les traits d’un être dont la mère (enceinte) avait eu peur’ ; kònkòtó, ‘couvre-chef des anciens rois’.

8 Parmi ces termes, notons le mot wàncó, défini comme ‘souillure originelle contenue dans le prépuce ou le clitoris, que la circoncision fait disparaître’. Cela est intéressant, car le même concept apparaît en bambara sous la forme wanso ou wanzo. Notons aussi le terme nuñate, défini comme ‘intercesseur entre les génies, les esprits et les hommes’. Il s’agit probablement ici du même personnage que Nun-Fa-Yiri que l’on trouve dans la mythologie bambara. Notons encore le nom mùnó ‘génie de l’eau’ ou fàngùmé ‘maître du fleuve’ qui fait penser à la divinité du Niger, Faaro.

9 De nombreux exemples de phrases viennent préciser l’utilisation des termes présentés. Associées aux racines de base, sont citées les formes dérivées (le système de dérivation par suffixes étant particulièrement riche en soninké). Ces dérivés sont parfois traduits, mais pas toujours : cela n’est point gênant, car la signification est évidente si l’on connaît le sens des suffixes de dérivation (très stable en soninké). Pour la plupart des mots, les tons sont notés, ce qui est tout à fait nouveau dans les dictionnaires de soninké. Cette notation des tons sera vraiment très précieuse pour tous les chercheurs.

10 En ce qui concerne les pluriels, les morphèmes utilisés sont généralement u, o et nu, ce qui correspond à la fois au soninké de Kaédi et à l’usage du « soninké standard écrit » que l’on voit apparaître dans différentes publications. Il y a néanmoins quelques rares occurrences de pluriels en ni (exemple : caaku / caakuni ‘sac’). Le système de transcription est celui commun à la Mauritanie et au Sénégal, dans lequel le N palatal est transcrit ñ et le N vélaire ŋ.

11 Ce dictionnaire souffre néanmoins de ce qu’il était un travail inachevé resté à l’état de manuscrit. Comme le dit l’introduction, « nul doute que [l’auteur] aurait apporté des

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modifications et de nombreux compléments ». L’on relève ainsi un certain nombre de problèmes : des mots identiques orthographiés différemment ; des termes sans doute peu lisibles sur le manuscrit qui ont été mal recopiés lors de la saisie informatique. Par exemple, on trouve fànné à la place de fànŋé ‘fleuve’ à la page 30.

12 Dans certains cas, il n’y a pas vraiment erreur, mais plutôt préférence individuelle, et l’on peut se poser la question de ce que O.M. Diagana aurait choisi d’écrire dans une édition définitive qu’il aurait établi lui-même. C’est le cas notamment de l’alternance dialectale [h] / [f]. Dans ce que l’on peut appeler le « soninké standard », la lettre f est utilisée (exemple : fàré ‘âne’) ; mais dans le parler de Kaédi, ce f se réalise [h] (hàré). Or, dans les entrées du dictionnaire, les mots concernés apparaissent dans la rubrique « F » (en position initiale), tandis que dans les exemples ils apparaissent aussi bien avec la lettre f qu’avec la lettre h (exemple : fuuré ̀ ‘pirogue, bateau’ – dans l’entrée de la page 61 ; huure dans l’exemple de la page 222). Soit, O. M. Diagana aurait choisi d’unifier l’ensemble (en utilisant la forme standard f) ; soit, il aurait préféré conserver dans son ouvrage la diversité du soninké parlé en notant tantôt f, tantôt h.

13 Des cas similaires apparaissent avec les autres alternances. Par exemple, pour le terme « point de côté », on trouve fónsòppé à la page 57 et fóncòppé à la page 58. Là aussi, on ne sait pas si O. M. Diagana aurait eu l’intention de tout harmoniser lors de l’édition finale ou s’il aurait préféré laisser des formes dialectales différentes. Pour le terme ‘porte’, on trouve fólláqè à la page 57 (correspondant à la réalisation phonétique du « soninké standard »), tandis que l’on trouve hón-raqé ̀ à la page 64 (correspondant à un niveau phonologique sous-jacent du soninké de Kaédi). Il est évident que pour ce dernier cas (et tous les cas analogues), O. M. Diagana aurait fait un choix global dans son texte définitif, en se basant soit sur la réalisation phonétique, soit sur une forme sous- jacente. Néanmoins, ces différences de transcription ne sont nullement dérangeantes lorsque l’on connaît un tant soit peu les règles de transformation phonologique du soninké.

14 Par ailleurs, l’on constate que le seul terme qui apparaît dans la rubrique « H » est hárì (mot signifiant Dieu, utilisé exclusivement dans des salutations et bénédictions). Or, il existe un certain nombre de termes soninké possédant toujours [h], sans possibilité d’alternance dialectale avec [f] ; mais ils ne figurent pas sur le dictionnaire. Ce sont généralement des emprunts à l’arabe (exemples : hoore, noble, homme libre ; hiiji, faire le pèlerinage à La Mecque). Il est probable que, lors d’une des étapes du processus de publication du dictionnaire, l’on ait cru que la rubrique « F » était suffisante pour couvrir l’ensemble des termes concernés, et que l’on ait omis de reproduire les mots commençant toujours par « h ».

15 En conclusion, l’on doit saluer la parution de cet ouvrage, œuvre d’un des principaux fondateurs de la linguistique soninké. Malgré ses imperfections inévitables, dues à ce qu’il s’agit d’un manuscrit inachevé publié après la mort d’Ousmane Moussa Diagana, ce dictionnaire au très riche contenu lexical est désormais un instrument indispensable pour tous ceux qui veulent approfondir non seulement la langue des Soninkés, mais aussi leur histoire et leur culture.

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