Flora Grayacensis, De François Galliotte Analyse Du Manuscrit
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Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne et du nord-est de la France, 9, 2011 – S.B.F.C., C.B.N.F.C.-O.R.I Flora Grayacensis, de François Galliotte Analyse du manuscrit par Gilles et Max André Gilles André, 76 rue du Hurepoix, 91470 Limours Ad bona prosit. Courriel : [email protected] (Que cela soit utile au bien.) Max André, 2 chemin de la Chapelle, 25580 Echevannes Galliotte Courriel : [email protected] Résumé – Cette flore manuscrite, rédigée par François Galliotte, chanoine de l'abbaye de Corneux, près de Gray, a concouru au titre du concours des arts de l'académie de Besançon pour les années 1779 et 1780. Elle constitue la toute première flore pré-linnéenne pour le département de la Haute-Saône. Elle est riche de plus de 1 500 références de plantes indigènes ou variétés cultivées de l’ancien bailliage de Gray (partie sud-ouest du département actuel de la Haute-Saône). Elle témoigne de la biodiversité natu- relle et agricole d’un secteur géographique restreint dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ses don- nées les plus pertinentes sont comparées aux indications collectées par les botanistes du XIXe siècle et aux données contemporaines. Mots-clés : François Galliotte, histoire botanique, flore, Gray, Haute-Saône, Franche-Comté. Introduction de sa « Contribution à la flore de son texte émaillé de nombreux ren- la Haute-Saône » (Maire, 1896- vois et additifs successifs. Les espè- et article constitue un élé- 1906), c’est Antoine Magnin (1848- ces sont identifiées par une phrase ment supplémentaire d’une 1926) qui a découvert l’existence latine, le plus souvent pré-linnéenne, série d’articles que nous de ce manuscrit et le lui a signalé. puisée chez divers botanistes anté- C Dans son histoire de la botani- avons publiés dans les Nouvelles rieurs ou sont parfois originales. Il Archives de la Flore jurassienne et que à Besançon, Magnin (1923) implique un long travail d’identi- du nord-est de la France sur l’his- évoque rapidement ce document fication, partiellement facilité par 2 toire de la botanique franc-com- et son auteur , dénommé simple- des descriptions complémentaires toise et basés sur l’étude de flores ment Galliotte, mais visiblement en français et par les noms popu- manuscrites inédites. Ce manuscrit, ne le dépouille pas. Dans l’ensem- laires de la plante. conservé à la bibliothèque munici- ble de sa flore de la Haute-Saône, Maire (1896-1906) s’y réfère à pale de Besançon, a été découvert L’ancienneté de cette flore, la pre- seulement deux occasions, pour en 2004, photographié en 2007 et mière pour le département de la Reseda luteola L. et Aristolochia étudié depuis. L’auteur, aujourd’hui Haute-Saône et l’une des toutes clematitis L. Aucune étude appro- complètement tombé dans l’oubli, premières pour la Franche-Comté, fondie n’avait donc été menée sur n’était pas totalement inconnu de ce manuscrit. Son dépouillement et la précision de certaines données quelques-uns de nos anciens bota- botaniques nous a persuadés de 1 est rendu difficile, d’une part par nistes : à en croire une petite note l’importance du travail accompli l’intérêt de publier les principales de bas de page de René Maire par Galliotte, document d’environ informations qu’elle contient. (1878-1949) dans le fascicule II 500 pages, grand format, et d’autre 1. « Le manuscrit de ce Galliotte a été retrouvé par part par la structure inachevée de Au terme du dépouillement de ce M. le Dr Ant. Magnin, professeur de botanique à la manuscrit, à travers les commentai- faculté des sciences de Besançon, dans les archives de 2. « Galliotte, Flora graijacensis (Bailliage de Gray), l’Académie de cette ville. » fascicule II, p. 178. 1779-1790 [erreur, 1779-1780] ». res de son auteur, on dispose d’un 59 Flora Grayacensis, de François Galliotte. Analyse du manuscrit panorama certainement très repré- sur les plantes médicinales de la fermes, moulins, vignes, vergers, sentatif de la biodiversité naturelle région grayloise et offert à l’aca- bois et champs dans les environs de la campagne grayloise et des démie de Besançon. » immédiats. À la vente nationale de cultures en vigueur, mais également ses biens en 1793, selon (Jeunet, un aperçu de l’extraordinaire bio- Découvrir l’identité de ce Galliotte 1865), l’abbaye possédait 800 jour- diversité des jardins, des cloîtres et ne s’est pas avéré facile, son manus- naux de champs et 300 ouvriers des parcs du bailliage de Gray à la crit nous révèle seulement l’ini- de vigne. L’abbaye employait éga- fin du XVIIIe siècle. tiale de son premier prénom : F ; lement un nombre important de heureusement le dépouillement domestiques, jardiniers, fermiers, Ce manuscrit apporte également du riche fonds ancien de l’abbaye palefreniers... de précieuses informations concer- de Corneux, conservé aux archi- nant l’indigénat supposé de cer- ves départementales de Haute- Ce « prêtre, chanoine régulier de taines espèces en Franche-Comté, Saône, nous a fourni de précieux Corneux, ordre de prémontré, près les dates de propagation dans les éléments biographiques sur lui. de Gray », comme il se présente milieux naturels de plantes exoti- F. Galliotte est François Xavier lui-même dans son texte, est resté ques et contribue à la connaissance Galliotte, né le 24 avril 1746 au si discret que l’on en est réduit à de l’évolution des populations de hameau de Mignafans, dépendant imaginer qui il était à la lumière certaines espèces. de la paroisse de Granges-la-Ville des quelques rares commentaires en Haute-Saône, fils de Nicolas émaillant son manuscrit. On ima- Galliotte et de Catherine Pilon ; ginerait peut-être Galliotte comme Qui était ce Galliotte ? les registres d’état civil de cette régisseur des biens de l’abbaye, her- paroisse nous apprennent de plus borisant à l’occasion des visites de 3 À notre connaissance , mises à part que François Xavier est le septième ses propriétés... les deux mentions de René Maire et et dernier enfant de ce couple de d’Antoine Magnin déjà évoquées, paysans, marié en 1726. Il a cinq Ce religieux était lui-même jardi- 4 ainsi qu’une courte citation de sœurs et un frère, Claude Baptiste nier dans le cloître de son abbaye : l’historien de Gray, Jean-François Gavriel, qui fut comme lui reli- il y a semé différentes fleurs et Crestin (Crestin, 1788), le bota- gieux. François prononce sa profes- arbustes, certains assez communs niste Galliotte est resté inconnu sion de foi à l’abbaye de Corneux et d’autres variétés plus exotiques. des autres historiens et botanistes le 3 avril 1774, âgé de presque 28 Il visite et connaît bien la plupart régionaux. À l’intérieur même de ans et après y avoir passé deux ans des autres parcs de châteaux et jar- l’histoire de son ordre des prémon- comme novice. Il apparaît ensuite dins de cloîtres des environs, d’une trés, c’est avec peine que l’on a pu régulièrement dans différents actes richesse qu’on peine à soupçon- découvrir une trace infime de son qui ponctuent la vie de l’abbaye, ner aujourd’hui. Il s’intéresse aux existence : « GALIOTH [sic] (le mais sans que sa passion de la bota- plantes cultivées par les paysans Père), chanoine de Corneux, s’est nique n’y transparaisse, jusqu’à son des environs, aussi bien légumes fait un nom comme naturaliste » décès survenu très jeune, à 38 ans des potagers de particuliers que les (Goovaerts, 1899). Parmi les his- à peine, le 16 avril 1784 à l’abbaye diverses variétés de céréales beau- toriens de l’abbaye de Corneux, de Corneux dans le cimetière de coup plus nombreuses que de nos seul l’abbé Grossard (Grossard, laquelle il est enterré. C’est donc jours. Il parcourt assidûment les 1899), le cite rapidement : « Dom âgé d’environ 33 ans, en 1779, que champs, les bois, les friches, talus Galliotte, religieux de cette abbaye, François Galliotte écrit sa Flora routiers, marais et étangs des envi- auteur d’un ouvrage remarquable Grayacensis. rons ; curieux, il note les premières 3. Dans son paragraphe « Historique de la floraisons, les plantes remarquables connaissance botanique en Franche-Comté », Jean- L’abbaye de Corneux était à l’époque comme les plus communes avec la Claude Vadam, suite à l’indication d’Antoine Magnin, mentionne également l’existence de ce assez florissante (Girard, 1997) ; nature des terrains. Galliotte évoque manuscrit (Vadam in Ferrez et al., 2001). de nombreuses cures de villages du également de nombreux jardins de 4. « On peut voir dans un ouvrage donné à l’académie bailliage de Gray en étaient égale- curieux, de curés... Il est en liaison de Besançon, par dom Galliotte, religieux de l’ordre de prémontré, de l’abbaye de Corneux (à la rédaction ment dépendantes. En dehors de ses avec tout un réseau d’informateurs duquel M. Fariney a beaucoup travaillé), que le propres bâtiments, jardins et cloî- locaux, le plus souvent des méde- bailliage de Gray est fertile en plantes médicinales & autres du ressort de la botanique », p. 333. tres, elle possédait de nombreuses cins et chirurgiens locaux, et éga- 60 Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne et du nord-est de la France, 9, 2011 – S.B.F.C., C.B.N.F.C.-O.R.I lement d’autres religieux, tous botanistes amateurs comme lui. Il recueille leurs informations et s’efforce de les vérifier, notant consciencieusement les espèces qu’il n’a pu observer lui-même. Au niveau plus spécifiquement botanique, il possède ou consulte une bibliothèque botanique très fournie d’auteurs tels Tournefort, Deleuze, les Bauhin, Vaillant, Lobel, Dodoens, Rai, Morison, Linnée, de l’Ecluse et d’autres encyclopé- distes ou jardiniers célèbres.