Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale N°23 l janvier - février 2015 le vrai dufaux Démêler Compléme Comment lesfinancer Biobanques n ts alime

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N°23

Manger déséquilibré, Biobanques Comment les financer ? Anne Dejean-Assémat Grand Prix Inserm 2014 Ebola Un premier bilan ComplémeN SOMMAIRE ts alimeNtaires ne pas pratiquer d’activité Démêler le vrai du faux ➜ vier physique et avoir une à la une u

Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale o 4 Biobanques e T « mauvaise » hygiène de ld Gérer les coûts, hi t a coordonner les collections m

© vie, mais prendre une © pilule miracle de vitamines, ➜ Découvertes minéraux ou plantes qui contrebalancerait 6 Alzheimer Mimer la caféine pour traiter la maladie tous les effets néfastes de ces 10 Thérapie cellulaire De la nitroglycérine pour « rebooster » le foie comportements... L’idée est séduisante 12 Explorer le cerveau À un, à deux, à trois niveaux auprès de plus en plus de consommateurs en France et dans les pays occidentaux. ➜ Têtes chercheuses 14 Grand Prix Inserm 2014 : Anne Dejean-Assémat Idée attrayante également, celle de pouvoir Percer les mystères moléculaires des cancers mincir, lutter contre la fatigue, voire ➜ REGARDS SUR Le MONDE prévenir les maladies grâce à des gélules, 17 Diabète ampoules ou sirops accessibles à tout un Des cellules β fonctionnelles à la demande

chacun en pharmacie, en grande surface ➜ Cliniquement vôtre ou sur Internet. Ce sont les promesses 18 Thérapie génique qu’affichent les compléments alimentaires. Encore plus d’espoir pour les « bébés bulles » 20 Maladie de Crohn Mais qu’en est-il en réalité ? Qui sont les Quand le courant électrique court-circuite consommateurs de ces produits ? les symptômes Quelles sont les supplémentations réellement utiles pour la santé ? ➜ Grand Angle Quels sont les effets à long terme 22 Compléments alimentaires de ces substances sur le risque de Démêler le vrai du faux maladies chroniques (cancers, maladies cardiovasculaires, etc.) ? Et surtout, ➜ Médecine générale 34 Allaitement Par quelles mères ? les consommer est-il toujours sans danger ? À l’heure où le marché des ➜ ENTREPRENDRE 38 AAVLife Au cœur de la thérapie génique compléments alimentaires ne cesse de se développer, avec des milliers de spécialités ➜ Opinions 40 Étiquetage des aliments disponibles en vente libre, ce dossier fait Est-ce une bonne idée ? le point sur toutes ces questions. Depuis les aspects réglementaires jusqu’aux ➜ Stratégies 42 Jean-François Delfraissy recommandations officielles en la matière, « Monsieur Ebola fait un premier bilan » en passant par les derniers résultats ➜ Bloc-Notes de recherche disponibles. Tentons 46 « Choc Santé » d’y voir plus clair sur ce phénomène. Des livres pour faire le tour des questions de santé Mathilde Touvier 48 médecine/sciences Unité 1153 Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13/Université Paris 7- Denis Diderot/Université Paris-Descartes – Centre de recherche 30 ans au service de la recherche biomédicale en Épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité

janvier-février 2015 ● N° 23 ● ● 3 ➜à la une • Découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes Biobanques Gérer les coûts, coordonner les collections

Pour leurs projets de recherche, les scientifiques bénéficient aujourd’hui d’échantillons biologiques humains prélevés, classés et conservés dans des centres dédiés et dans des conditions très encadrées. Des collections précieuses mais coûteuses. Comment alors les financer ? Et comment les organiser ?

Échantillons fin de mieux comprendre les mécanismes Pour bien comprendre comment Lbiologiques ­physiologiques et physiopathologiques ­humains, les fonctionnent ces biobanques, Obtenus par prélèvement, A­chercheurs doivent, pour travailler, ­pouvoir ­disposer la Myobank, à Paris, est un bon tissus ou cellules issus d’échantillons biologiques : tumeurs, ti­ ssus mu­ sculaires, exemple, précurseur en la matière. du corps humain et leurs cerveaux, cellules, gènes, micro-or­ ganismes… En 2000, à Fondée en 1996, en même temps dérivés, organes, sang l’initiative du ministère de la Recherche et de l’Inserm, la que l’Institut de myologie par l’Association française ou ses composants, etc. France a été parmi les pr­ emiers pays européens à reg­ rouper contre les myopathies, elle abrite une collection de tissus Ressources ses collections dans des centres dédiés : les ­biobanques. neuro­musculaires. « Avant l’existence de telles banques de Lbiomoléculaires On en compte aujourd’hui 82, associées au sein du bien ­ressources biologiques, la recherche clinique était limitée aux Molécules qui participent nommé rés­ eau Biobanques, une infrastructure nationale hôpitaux, là où étaient présents les patients. On pouvait bien au processus métabolique dédiée à la recherche médicale, qui utilise les échantillons évidemment mener ailleurs des travaux sur des muscles de d’un organisme vivant, ­biologiques (L) et les ressources ­biomoléculaires (L). souris, mais on s’est rapidement rendu compte que tout ne comme les glucides, les lipides, l’eau, les acides ­Problème : il faut en assurer leur pérennité. Et comme pouvait pas être modélisé chez les petits mammifères et nucléiques (ADN), etc. partout, l’argent est le nerf de la guerre. Il est donc qu’il fallait donner aux équipes un moyen d’accéder à des ­indispensable de trouver des financements. « Certains échantillons biologiques », explique Thomas Voit *, ­souhaitent que ces centres s’autofinancent, permettant ainsi directeur de Myobank. Fort de cette ambition, elle a été LMyoblastes de couvrir leurs frais de fonctionnement. Mais le coût réel mise en place et, avec le consentement des patients, se sont Cellules souches à d’un échantillon est très élevé, à titre d’exemple autour de organisés la collecte de tissus lors d’opérations prévues et l’origine des cellules musculaires squelettiques 1 500 € pour une tumeur. Un auto-financement fondé sur le les prélèvements post-mortem. Au moment des greffes, coût réel de l’échantillon constituera indéniablement un frein des cœurs entiers malades peuvent même être prélevés Dystrophie aux projets de recherche », explique Georges Dagher *, et conservés. Des lignées immortelles de myoblastes (L) Lde Duchenne directeur de l’Infrastructure nationale des biobanques. sont également créées par les scientifiques du centre. Maladie génétique Bruno Clément, Georges Dagher et leurs collègues se Chaque année, plus de 1 000 échantillons sont ajoutés à provoquant sont donc penchés sur le sujet et, dans une récente publi­ leur ­collection et ­environ 500 utilisés. Sous forme de tissus une dégénérescence cation, ils défendent plutôt une adaptation des coûts d’accès ou de cellules, plus de cent maladies sont ainsi représentées, progressive de (L) l’ensemble des muscles selon le type de collaboration engagée entre la biobanque comme la dystrophie de Duchenne , des myopathies de l’organisme et la structure dema­ ndant les ressources. « S’il s’agit d’une ­congénitales (L) ou des cardiomyopathies (L). simple “ cession ” des échantillons, alors le coût réel serait Myopathies payé. Mais si l’accès aux échantillons s’accompagne d’une L'essor des biobanques Lcongénitales collaboration au niveau des résultats, ou encore le partage de Autres centres de ressources biologiques, autres Maladies neuro- la propriété intellectuelle, alors les coûts d’accès seraient amé- ­collections. Au CHU d’Angers, plusieurs sont musculaires présentes nagés et représenteraient 10 à 20 % du coût réel », ­envisage précieu­sement préservées, comme, par exemple, des dès la naissance le scientifique. Et, afin de rendre les montants des transac- échantillons de liquide céphalo-rachidien prélevés à Cardiomyopathie tions totalement transparents, les chercheurs proposent l’occasion du diagnostic de maladie d’Alzheimer. « Ces L une véritable « grille » d’évaluation des coûts, testée dans ressources peuvent faire l’objet d’une cession [transfert de Détérioration du muscle cardiaque, qui conduit 16 biobanques de six pays européens pour 46 types de la ­propriété de l’échantillon, ndlr] dans le cadre de projets généralement à la crise prestations. Affaire à suivre donc : la proposition a été de recherche clinique menés par des sociétés développant cardiaque. soumise aux ent­ ités de tutelle concernées. de nouveaux kits de diagnostic de la maladie », explique

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Un réseau européen BBMRI-ERIC regroupe les infrastructures nationales de 12 pays membres de l’Union européenne, parmi lesquels la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, les Pays-Bas. Une organisation reconnue comme entité légale par les pays de l’UE. Sa coordination est installée à Graz, en Autriche, depuis décembre 2013.

qualité (norme AFNOR), LGénomique 20 autres le seront en 2015. Étude à l’échelle « L’objectif de cette norma- du génome du lisation est avant tout de fonctionnement de standardiser et contrôler l’organisme, d’un organe,

ierre d’une pathologie, etc. p

a les procédures opératoires l afin de garantir la qualité k De c

ri Polymorphisme

t des échantillons, explique L

/ Pa Georges Dagher. Des Propriétés des gènes m qui se présentent sous er

s études ont montré que 45 % n

I plusieurs formes, ©

© des chercheurs doutent des appelées allèles. résultats de leurs travaux du Dans ce laboratoire Annick Barthelaix, à fait d’une qualité inappropriée de leurs échantillons. » Jusqu’à de l'Inserm, à ­l’origine de la biobanque peu, de nombreuses ressources étaient encore stockées ici l'Institut de myologie, du CHU d’Angers. Ces et là dans les congélateurs des laboratoires, sans lieu dédié des échantillons biologiques sont échantillons sont aussi ni contrôlé, à la merci des coupures de courant. conservés dans des en ce moment très congélateurs à -80°. demandés par l’institut Une organisation et une éthique du professeur Baulieu, Dans l’Hexagone et en Europe, les liens entre ces pour un projet de grande envergure portant sur un ­collections se sont aussi organisés. Dans chaque nouveau biomarqueur de maladies neurodégénératives, pays, des infrastructures nationales - Biobanques, en lié à la protéine Tau, couvert par un brevet Inserm. France - coo­ rdonnent l’activité des centres de ressources Pour Georges Dagher, les avancées en génomique (L) biologiques et offrent un portail d’accès unique aux ­expliquent aussi l’essor des biobanques. « À la fin des échantillons et aux informations relatives aux biobanques. Guide pour la constitution ­années 2000, toute une série d’articles scientifiques a Une infrastructure européenne, BBMRI-ERIC, poursuit d’une biobanque pointé le fait que le développement de nombreux ­projets ces activités à l’échelle communautaire (voir encadré). associée aux études de recherche était entravé faute d’un nombre suffisant Parmi les groupes de travail qui animent cette organisation, épidémiologiques en population générale. de re­ ssources biol­ ogiques pour atteindre un résultat l’éthique est au cœur des pr­ éoccupations. « Sans les lois J. Henny et al. ­statistiquement significatif. Il apparaissait aussi que, pour de bioéthique de 2004 et les décrets pris trois ans plus tard Lavoisier/Inserm, ­étudier une maladie avec tout le polymorphisme (L) relatifs au prélèvement, à la conservation et à la préparation 2012, 136 p. qu’elle comporte, il fallait inclure des sujets de différentes à des fins scientifiques ­d’éléments du corps humain, nous zones géographiques évitant ainsi les agrégats génétiques. n’aurions pas de bio­ banques utilisables ! », relève Annick ­Organiser l’accès des collections biologiques conservées dans Barthelaix. Dans ce cadre, le consentement des personnes différents centres distribués sur une large zone géographique est essentiel, non seulement quant à la conservation des est devenu incontournable », insiste Georges Dagher. prélèvements, leur utilisation ultérieure, leur cession mais www.biobanques.eu aussi la durée, le lieu et les conditions de conservation. Les 8 bbmri-eric.eu Une certification indispensable données sont un autre point crucial à surveiller : certaines, Afin de permettre aux équipes d’un projet de recherche essentielles, accompagnent les échantillons, comme le sexe de collecter et étudier les échantillons issus de différents du donneur, son âge, l’origine du tissu prélevé, mais son ☛☛Georges Dagher : US13 Infrastructure centres, il a fallu harmoniser les procédures depuis l’extrac- identité reste confidentielle. nationale des biobanques ☛☛Thomas Voit : unité 974 Inserm/CNRS/ tion, la transformation éventuelle, le stockage et la distri- Au final, les biobanques européennes sont une structure Association Institut de myologie – bution des ressources biologiques. La France a développé unique en son genre au monde : seule la Chine s’est Université Pierre-et-Marie-Curie, Centre une norme destinée aux centres pour mettre en œuvre les aujourd’hui engagée sur la même voie en mettant en de recherche en myologie B. Clément et al. Sci Transl Med, guides de bonnes pratiques de l’OCDE. À ce jour, 32 des place une infrastructure similaire – à l’échelle régionale 5 novembre 2014 ; 6 (261) : 261fs45 82 biobanques françaises font l’objet d’une certification seulement pour l’instant. n Alice Bomboy doi : 10.1126/scitranslmed.3010444

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Alzheimer Mimer la caféine pour traiter la maladie

Le récepteur A2A à l’adénosine ne vous dit pas grand-chose. Pourtant son rôle vient d’être démontré dans la maladie d’Alzheimer. C’est sur lui, entre autres, que se fixe la caféine, ce qui confirme et précise les bienfaits de cette molécule. Des recherches qui ouvrent la voie à de nouveaux traitements.

n ne compte plus les vertus LTauopathies de la caféine. La ma­ ladie Maladies neuro- Od’Alzheimer ne fait pas dégénératives liées à exception, comme l’a montré

des dépôts anormaux m

il y a quelques mois l’équipe er

de protéines Tau dans s n le cerveau, telle que la ­Alzheimer & ­tauopathies (L) I 837

maladie Alzheimer. de l’Inserm, à Lille, intégrée R

au ­laboratoire d’excellence /UM

Distalz. Mieux, les chercheurs lum B

Synapse d L viennent de lever le voile sur Davi Point de jonction entre © deux neurones : l’un, l’un des mécanismes d’action © de cette molécule qui protège pré-synaptique, d’où Au centre, réaction inflammatoire des astrocytes chez des souris arrive l’influx nerveux et contre la maladie d’Alzheimer. atteintes de lésions Alzheimer, à droite, les récepteurs A2A l’autre, post-synaptique, La clé de cette découverte est le sont bloqués et la réaction est atténuée, à gauche, sujets contrôles. où vont se fixer les récepteur à adénosine A . Une neurotransmetteurs. 2A fois ingérée, la caféine se fixe sur plusieurs ré­ cepteurs, dont Mais ces antagonistes des récepteurs A2A n’en sont pas à A2A, ce qui empêche son fonctionnement. Son ­blocage leur premier coup de maître ! Un laboratoire pharma­ LPhosphorylation permet de réduire certaines perturbations au niv­ eau des ceutique japonais, Kyowa Kirin, réalise actuellement Ajout d’un groupe synapses (L) et de la mémoire, comme l’équipe lilloise un essai cliniq­ ue de phase 3 (L) avec l’un d’entre eux, phosphate qui entraîne, en vient de le montrer en réalisant des expériences chez ­l’istradefylline, chez des patients atteints de la ­maladie général, la désactivation de des souris présentant des lésions associées à la ­maladie de Parkinson, dans laquelle le récepteur A joue la protéine phosphorylée. 2A d’Alzheimer : « Afin de mimer l’effet moléculaire de la également un rôle important. Ces antagonistes se sont caféine, nous avons bloqué spécifiquement ces récepteurs, révélés particu­lièrement intéressants car bien tolérés par LProtéine Tau en supprimant le gène qui les code chez ces souris », explique l’organisme des malades. C’est d’ailleurs une des rai­ sons Elle permet notamment le David Blum *, qui a mené ces recherches. pour lesquelles David Blum et ses collaborateurs ont maintien des microtubules orienté leurs travaux sur ce récepteur de la caféine plutôt des axones, dans les Le récepteur A2A : qu’un autre. neurones (Tau : Tubule- associated unit). bientôt des essais ? En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, le lancement Plus intéressant encore : dans le cadre d’un traitement d’essais thérapeutiques semble donc proche : « Le projet est Essai clinique éventuel, il est possible de diminuer, chez les souris écrit mais nous manquons actuellement de financements », Lde phase 3 ­atteintes, les symptômes liés à la maladie d’Alzheimer concède le chercheur. Toutefois, la recherche sur Étape finale avant en leur administrant, par voie orale, un antagoniste spéci­ Alzheimer pourrait bénéficier des résultats obtenus grâce la mise sur le marché fique des récepteurs A2A, une molécule expérimentale qui aux essais effectués pour la maladie de Parkinson : « On d’un médicament, ce type les bloque spécifiquement. Le traitement, d’une durée peut imaginer un repositionnement des molécules ciblant d’essai compare l’efficacité de trois mois, a notamment conduit à une amélioration le récepteur A sur la maladie d’Alzheimer et réaliser des du produit à un placebo ou 2A un traitement de référence, de la mémoire et, surtout, à une diminution de l’hyper- essais à court ou moyen terme », espère le chercheur. sur des centaines à des phosphorylation (L) de la protéine Tau (L). Ce dernier On comprend mieux désormais par quel mécanisme milliers de patients. phénomène est l’une des deux signatures incontestables la ca­ féine est bénéfique pour ces malades. Toutefois,

de cette maladie : à cause de cette phospho­rylation, les si l’influence du récepteur A2A est maintenant révélée, ☛☛David Blum : UMR837 Inserm/ protéines Tau s’agrègent, entraînant la dégénérescence des son rôle exact reste à préciser. C’est le nouvel objectif CHRU Lille – Université Lille 2 Droit et santé, neurones. Les souris utilisées au cours de ces expériences que s’est fixé l’équipe lilloise qui a d’ores et déjà acquis de Centre de recherche Jean-Pierre Aubert sont précisément programmées pour avoir des taux nouveaux résultats en mettant en évidence un nombre C. Laurent et al. Molecular Psychiatry, 2 décembre 2014 (en ligne), de phosphorylation bien supérieurs à la normale, qui de récepteurs anormalement élevé chez les sujets doi : 10.1038/mp.2014.151 miment donc les lésions associées à cette pathologie. ­atteints. À suivre… n Bruno Scala

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Immunité innée Quesaco ? Des mécanismes différents comme Urticaire selon le pathogène U Lors d’une agression par un agent Telle une piqûre d’ortie - en latin urtica - pathogène, l’organisme mobilise l’urticaire provoque des plaques rouges plusieurs types de réponses immu­ aux contours limités dont la localisation m peut varier au cours des heures. Une nitaires, dont celle, immédiate, de er s n l’immunité innée qui résulte en I réaction souvent induite par une prise ali- une réaction d’inflammation. Ce mentaire, une infection virale, une forte

/ U1111 chaleur, un stress ou un effort intense.­ mécanisme engage notamment des s a l

structures intracellulaires appelées o Tous ces facteurs influent sur les masto­ c i N

cytes, des cellules granuleuses de la peau,

inflammasomes et une enzyme, la s caspase-1, dont l’auto-clivage (L) productrices d’histamine. Libérée­ dans l’organisme en quantité, cette ­molécule entraîne la libération d’inter­ rançoi F leukine 1-β (IL1-β) (L). Or, Virginie augmente la perméabilité des vaisseaux ean J ­Petrilli * et son équipe viennent © sanguins de telle sorte que le plasma (L) © transite dans le milieu extracellulaire et de démontrer, qu’en réaction à Un gonflement de l’épiderme lors provoque des gonflements­ de l’épiderme une exposition à la toxine létale du d’une crise d’urticaire bacille du charbon, la production sur des parties du corps, des extrémités d’IL 1-β et la mort des cellules infec- ou du visage. Ainsi, 5 % de la population est touchée par une urticair­ e dite chronique, tées pouvaient s’opérer sans qu’il y due à une fragilité de ces mastocytes qui vont libérer l’histamine lors de stimuli extrê- ait auto-clivage de la caspase-1, mement faibles, comme le simple fait de se frotter la peau. Bien qu’elle mette en pourtant considéré jusqu’alors jeu l’hista­mine, l’urticaire chronique n’est pas d’origine allergique, contrairement à comme un prérequis. Ces travaux ­l’eczéma, avec lequel elle est souvent confondue, et qui ­correspond, lui, à une inflamma- indiquent qu’il existe donc plusieurs tion de la peau provoquée par le contact avec des allergènes. Ce dernier se caractérise modes d’activation de cette enzyme par des plaques aux contours mal limités, couvertes de petites­ croûtes et il entraîne par les inflammasomes, selon de plus vives démangeaisons que l’urticaire. Cette confusion prend de ­l’importance le pathogène lors du traitement : si, en cas d’eczéma, il suffit de déterminer puis de ­bannir la ­détecté. A. F. substance allergène ou d’appliquer de la crème à base de cortic­ oïdes, la ­thérapie LClivage contre l’urticaire nécessite, elle, d’autres médicaments. Rupture d’une ☛Virginie Petrilli : C’est la thématique de travail de l’équipe de Jean-François unité 1052 Inserm/CNRS/Centre * liaison moléculaire de lutte contre le cancer – LPlasma sanguin ­Nicolas et de ses collaborateurs du Ciri : ils préconisent Université Claude-Bernard Partie liquide du sang ainsi le recours aux antihistaminiques. Ils ont également IL Lyon I, Centre de recherche en composée d’eau à 90 % ­montré que les corticoïdes peuvent provoquer une cortico-­ L cancérologie de Lyon Classe de et de nutriments, sels dépendance néfaste pour l’évolution de la maladie. N. J. 2 B. Guey et al. PNAS, minéraux, hormones, ☛ Jean-François Nicolas : unité 1111 Inserm/ENS/CNRS – Université Claude-Bernard Lyon 1, molécules de 17 novembre 2014 Centre international de recherche en infectiologie (Ciri) signalisation (en ligne) doi : 10.1073/ protéines… cellulaire pnas.1415756111

Cancérogenèse TRF2, agent double et cible thérapeutique Alors que, d’un côté, la vascularisation de s’apercevoir qu’elle les télomères, ces des tumeurs est un l’est également dans les séquences d’ADN non facteur essentiel dans cellules endothéliales m

codantes, situées le développement des des vaisseaux alimentant er s n aux extrémités des cancers, l’équipe d’Éric la tumeur, sans que I chromosomes, jouent Gilson * et Nicole cela altère son rôle un rôle central dans la Wagner *, à l’Ircan, de protection des stabilité du génome et à Nice, a montré le télomères. Régulatrice e Wagner/U1081 e Wagner/U1081 l

que, de l’autre, double rôle surprenant de la transcription o c i N de TRF2, une protéine et activatrice de la © © LNéoangiogenèse localisée au niveau néoangiogenèse (L) Formation de nouveaux des télomères. On tumorale, TRF2 pourrait ☛☛Éric Gilson, Nicole Wagner : unité 1081 Surexpression de Inserm/CNRS – Université de Nice TRF2, marqué en vert, vaisseaux sanguins savait déjà qu’elle était donc être une cible de Sophia-Antipolis, Institut de recherche sur dans les vaisseaux autour d’une tumeur, surexprimée dans les choix pour imaginer le cancer et le vieillissement destinés à l’alimenter M. El Maï et al. Cell Reports, tumoraux, marquage et à permettre son cellules cancéreuses, et de nouvelles thérapies 6 novembre 2014 ; 9 (3) : 47-60 rouge, dans un développement les chercheurs viennent anti-cancer. A. F. doi : 10.1016/j.celrep.2014.09.038 cancer ovarien

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 7 ➜découvertes

•••• DEveloppement

Protrusion dorsale Tbx1 : un gène mésenchymateuse qui nous tient à cœur

Il y a sans doute plus est normalement de sept différences développée. La cause entre ces deux images de cette malformation aux allures de fleurs cardiaque ? L’absence colorées. Toutefois, du gène Tbx1. une seule intéresse Pour mieux comprendre particulièrement en quoi cela perturbe l’équipe de l’Institut la croissance de cette de biologie du zone centrale, les Embryon mutant développement de chercheurs ont observé, de souris, modèle de syndrome de DiGeorge Marseille dirigée par sous microscope, et Robert Kelly *, grâce à des marqueurs cardiaque juste futur ventricule gauche, directeur de recherche fluorescents, les au-dessus. En vert, pour former le pôle Inserm. Pointée d’une cellules cardiaques se distinguent les veineux – les oreillettes, flèche blanche, la d’embryons de souris. cellules progénitrices les veines pulmonaires protrusion dorsale Sur les images, leur non différenciées, et cardiaques – mésenchymateuse (L) noyau est en bleu. futurs cardiomyocytes, et le pôle artériel – se fait discrète, En rouge, les cellules localisées à l’origine le ventricule droit et à gauche, sur le musculaires déjà dans un épithélium (L) la voie d’éjection. Ces cœur d’un embryon différenciées, appelées derrière le cœur. cellules progénitrices, mutant de souris qui cardiomyocytes, « Ces dernières nommées le second ☛☛Robert Kelly : UMR 7288 CNRS/ fournit un modèle dessinent parfaitement s’ajoutent, lors de la champ cardiaque, Aix-Marseille Université pour le syndrome le contour des formation du cœur, à précise Robert Kelly, M. S. Rana et al. Circulation de DiGeorge (L), ventricules, en bas l’organe encore précoce, se différencient Research, 2014 ; 115 : 790- 799 (en ligne) doi : 10.1161/ alors que sur le cœur de l’image, et les constitué du tube progressivement CIRCRESAHA.115.305020 sain, à droite, elle oreillettes du muscle cardiaque primitif et et contribuent au

Biologie synthétique Ariel Lindner *, a seulement le prix de généré des bactéries « Meilleur projet » dans Un déodorant probactérien produisant des odeurs la catégorie « Nouvelles de jasmin, de citron, applications », mais Réduire les odeurs iGEM. Organisé en capacité à concevoir des de menthe, de beurre aussi le prix « Art et corporelles novembre dernier à systèmes biologiques et même de pluie, avec design », ainsi que la déplaisantes Boston, aux États- artificiels viables à l’idée de concevoir une médaille d’or. V. R. en modifiant Unis, cet événement a l’aide de fragments crème désodorisante ☛☛Ariel Lindner : unité 1001 Inserm - Université Paris-Descartes, Robustesse génétiquement les rassemblé 245 équipes, d’ADN. L’équipe probiotique. Des travaux et évolvabilité de la vie bactéries présentes venues confronter leur parisienne, dirigée par qui leur ont valu non sur la peau. Voilà la

mission que s’est e Benony t

attribuée l’équipe eri u Paris Bettencourt du Marg Centre de recherches t interdisciplinaires, on e d pour disputer la finale de la compétition internationale étudiante Marianne Car © de biologie synthétique ©

8 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜découvertes

Cancer Bronchi Stresser pour mieux traiter De nombreux traitements Protrusion anticancéreux visent à Ldorsale mésen- induire l’autodestruction Oreillette Oreillette chymateuse des cellules tumorales en droite Gauche Structure permettant endommageant leur ADN. la connexion entre Si les cellules subissent un stress au sein d’une tumeur, Coussin Septum la paroi séparant l’effet est renforcé. Toutes atrioventriculaire interauriculaire les ventricules et celle séparant des les cellules ne présentant oreillettes. L’ensemble pas de façon homogène ce Canal stress, cela expliquerait les Ventricule forme le septum atrioventriculaire différences de sensibilité aux droit atrioventriculaire. traitements, suggèrent

Ventricule y Robin Fahraeus * et ss i Syndrome Coraline Mlynarczyk *,

Septum gauche Ru L- de DiGeorge u de l’unité Génomique t interventriculaire i d ou microdélétion 22q11 fonctionnelle des tumeurs Cre © Les personnes solides à Paris. En soumettant

© Péricarde

i Thévenia in vitro des cellules tumorales l atteintes présentent Embryon normal des anomalies à un stress, les chercheurs Maga de souris © cardiovasculaires ainsi ont constaté une activation du © que des dysmorphies gène suppresseur de tumeur bon développement même, de manière une explication craniofaciales. P53, qui conduit à une morphologique du plus inattendue, à la embryologique inhibition de la synthèse de la cœur. » Suite à des protrusion dorsale aux malformations protéine p21. Or, elle permet analyses 3D ainsi que mésenchymateuse au observées chez certains LÉpithélium justement de réparer l’ADN et d’autres observations pôle veineux. En effet, patients atteints du d’empêcher la mort cellulaire. Tissu de revêtement Grâce à ces résultats, on peut génétiques et Tbx1 code pour un syndrome de DiGeorge, de toutes les surfaces envisager de nouvelles microscopiques, régulateur d’expression ajoute-t-il, et renforcent externes (peau) et voies thérapeutiques les chercheurs génique et coordonne également l’importance internes (plèvre, par inhibition de p21, afin marseillais sont ainsi la ségrégation du second champ péritoine, paroi d’unifier et de renforcer parvenus à démontrer des cellules du second dans l’apparition des intestinale, etc.) du l’efficacité des traitements corps, composé de contre le cancer. V. R. que le gène Tbx1 jouait champ cardiaque maladies cardiaques cellules étroitement un rôle essentiel dans aux deux pôles congénitales. » Maladies ☛☛Robin Fahraeus, Coraline Mlynarczyk : juxtaposées et, chez unité 1162 Inserm/Université Paris 13- l’addition des cellules du coeur. affectant, en France, l’embryon, jouant des Paris Nord/Université Paris-Descartes - progénitrices au pôle « Nos résultats une personne sur cent rôles clés dans la Université Paris Diderot-Paris 7 artériel du cœur et fournissent ainsi à la naissance. N. J. morphogenèse. C. Mlynarczyk et al. Nature communications, 8 octobre 2014 (en ligne) doi: 10.1038/ncomms6067

Cancer du pancréas Vers une chimiothérapie plus ciblée Le cancer du pancréas demeure meurtrier et il cancéreuse. En inacti- LIsoformes bénéficie de peu d’options thérapeutiques. Quels vant l’isoforme p110α, Différentes formes sont les facteurs génétiques et non génétiques, ainsi il est ainsi possible d’une protéine que les mécanismes physiopathologiques à l’origine d’empêcher l’appari- de ce cancer agressif ? C’est ce qu’ont examiné Julie tion des lésions et des Guillermet-Guibert * et son équipe du Centre de adénocarcinomes (L) LAdénocarcinome recherche en cancé­rologie de Toulouse. Et ils ont pancréatiques et donc Tumeur maligne se démontré, in vivo et pour la première fois, qu’une d’améliorer la survie développant à partir de des isoformes (L) des protéines PI3K, des enzymes des souris. Notamment cellules ou muqueuses essentielles à la survie des cellules, jouait un rôle quand il y a mutation glandulaires, pouvant provoquer un cancer crucial de transmission du signal de transformation des gènes Kras et TP53, de l’organe concerné. signes de cancers très virulents. Ces résultats pourraient servir de base La transformation des cellules du pancréas en cellules cancéreuses (en haut) est empêchée pour imaginer des chimiothérapies plus ciblées par l’inhibition de p110 (en bas), qui stabilise avec moins d’effets indésirables. A. F. ain Baer α m o le squelette de la cellule (flèche blanche : ☛☛Julie Guillermet-Guibert : unité 1037 Inserm/ERL CNRS 5294 - Université Toulouse III-Paul-Sabatier R © er © cytosquelette d’actine). R. Baer et al. Genes Dev, 1 décembre 2014, 28 : 2621-35 doi : 10.1101/gad.249409.114

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 9 ➜découvertes

•• ThE•• rapie cellulaire De la nitroglycérine pour « rebooster » le foie Aucune crainte à avoir avec cette nitroglycérine-là, qui ne brille pas par ses propriétés dévastatrices mais qui met à profit ses qualités médicales. Cet explosif bien connu vient, en effet, de faire ses preuves en améliorant l’efficacité de la greffe de cellules du foie !

LVasodilatateur dministrée à petites doses, la Dagher

Il permet de dilater nitroglycérine est aussi un excellent m

les vaisseaux sanguins vasodilatateur (L) qui ­pourrait bien rahi Ib A © en relâchant les muscles contribuer, dans cert­ ains cas de maladies © lisses de leurs parois, avec, pour conséquences, métaboliques (cholestase, hypercholestéro­ Coupe de foie de souris traitée par trinitrine, une baisse de la pression lémie familiale, maladie du cycle de l’urée), à trois mois après la greffe. Parmi les hépatocytes artérielle et une hausse faire de la transplantation de cellules de foie, (noyau en violet), on distingue ceux provenant du débit sanguin. ou hépatocytes, une solution fiable de rechange de la transplantation grâce au marqueur à la greffe hépatique. L’équipe dirigée par s’exprimant à leur surface (en marron). LPhospholipide Ibrahim Dagher *, chirurgien à l’hôpital Composé d’une tête Antoine-Bé­ clère, a en effet démontré qu’une perfusion de phospholipides a considérablement augmenté chez hydrophile et de deux de ­trinitrine, nom médical de la ­nitroglycérine, les souris ayant bénéficié de l’effet vasodilatateur de la queues hydrophobes, c’est améliore nettement l’implantation dans le foie trinitrine (18,3 nmol par minute contre 5,2 nmol par un constituant essentiel des malade d’hépatocytes sains injectés par voie veineuse. minute chez les souris témoins). Autre effet marquant : membranes cellulaires. Pour leurs travaux, les chercheurs ont utilisé une la fibrose hépatique (L) est restée limitée à seulement lignée de souris génétiquement 5,7 % du foie des souris traitées LFibrose hépatique modifiées souffrant de ­cholestase “ Grâce à la trinitrine, par la trinitrine, contre 12,4 % Tissu fibreux non intrahépatique progressive chez celles perfusées par la fonctionnel se formant familiale de type 3. Cette maladie les hépatocytes sains pénètrent solution saline. « En dilatant pour remplacer les cellules plus profondément dans le foie „ défaillantes du foie. humaine se caractérise par une les veines, la trinitrine permet faible sécrétion de phospho­ aux hépatocytes de pénétrer Angine lipides (L) par les hépatocytes, ce qui entraîne un plus profondément dans le foie et de passer facilement Lde poitrine mauvais écoulement de la bile et donc, à terme, des à travers les parois des vaisseaux sanguins », explique Symptôme caractéristique lésions hépatiques. Deux groupes de souris ont été Ibrahim Dagher. d’une maladie coronarienne constitués. Dans le premier, les animaux ont reçu une Ces résultats devraient donn­ er un nouvel élan aux et qui se manifeste par une perfusion de trinitrine, mise en place à l’entrée du essais ­cliniques actuellement menés pour évaluer douleur thoracique suite à un manque d’oxygène au foie au niveau de la veine porte, tandis que le second, cette thérapie cellulaire. Jusqu’à présent, « les taux niveau du cœur (ischémie utilisé comme groupe témoin, s’est vu administrer une d’intégration des hépatocytes se sont souvent ­révélés du myocarde). solution saline. Cinq minutes plus tard, des hépatocytes ­insuffisants pour bien restaurer les fonctions ­hépatiques, préalablement prélevés sur une souris saine ont été ce qui a découragé plus d’une équipe », as­ sure le injectés dans la veine porte de chacun des rongeurs. chercheur. Selon lui, les performances obtenues avec Trois mois après l’opération, les résultats révèlent une la trinitrine pourraient être rapidement appliquées ☛☛ Ibrahim Dagher : unité 972 Inserm - Université Paris-Sud 11, Les cellules nette différence entre les deux groupes : dans celui sous chez l’homme puisque le médicament est déjà utilisé souches : de leurs niches à leurs trinitrine, 22 % des cellules injectées ont été retrouvées dans le traitement de l’­ angine de poitrine (L). Il reste applications thérapeutiques dans le foie, contre 13 % pour le groupe contrôle. Sans toutefois à perfectionner la technique, pour pousser L. Boudechiche et al. Transplantation, n 21 octobre 2014 (en ligne) surprise, les fonctions métaboliques se sont améliorées encore l’organe à accepter davantage de cellules. doi: 10.1097/TP.0000000000000463 dans le premier échantillon. Notamment, la sécrétion Vincent Richeux

10 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜découvertes

Lymphome cutané Cancer du foie Mise au point d’un anticorps ciblé LLymphocytaire Relatif aux globules blancs Les lymphomes cutanés à cellules T (LTC) sont des cancers L’immunité en lymphocytaires (L) rares qui trouvent leur origine dans la peau. première ligne Leurs formes agressives (mycosis fongoïde transf­ ormé et syn-  LMaladie orpheline Mobiliser le système immunitaire drome de Sézary) sont assimilées à une maladie­ ­orpheline (L) Maladie rare ne bénéficiant dont le pronostic de survie est de 2 à 3 ans pour les stades pour lutter contre le cancer se révèle pas de traitement efficace être une stratégie prometteuse. avancés. Une véritable prise en charge thérapeutique ciblée C’est ce que confirment Sophie est aujourd’hui nécessaire pour ces malades. L’équipe d’Anne Anticorps Conchon * et ses collègues Marie-Cardine * et Armand Bensussan *, en partenariat­ Lhumanisé du Centre de recherche en avec la société Innate Pharma, vient de démontrer­ in vivo, dans transplantation et immunologie à Anticorps dont les parties un modèle murin, le potentiel thérapeutique de l’anticorps Nantes. Ils se sont intéressés à l’effet qui reconnaissent la protéine d une stimulation des récepteurs humanisé (L) IPH4102 dirigé contre la molécule KIR3DL2, cible sont d’origine murine ’ présente spécifiquement CD137, présents à la surface de et dont les parties reconnues certaines cellules immunitaires.

à la surface des cellules m par les cellules tueuses du Dans leur étude, l administration

er ’

tumorales. Ainsi, IPH4102 s système immunitaire sont n

I d anticorps agonistes (L) anti-CD137 réduit la croissance de la d’origine humaine. ’ à des souris atteintes d’un carcinome tumeur et augmente la sur- / U976 hépatocellulaire, un cancer du foie, INE

vie des souris. Par ailleurs, D a permis de déclencher une réponse ses propriétés antitumorales AR immunitaire anti-tumorale efficace, -C Agoniste ont été démontrées sur des L qui s’est traduite par la disparition ARIE cellules de patients atteints Molécule activant un de la tumeur pour 40 à 60 % des récepteur en se fixant à la nne M animaux. Ce bénéfice se maintient sur A

du syndrome de Sézary. Des © place du messager habituel essais cliniques seront mis © le long terme puisque, plus de trois en place dans le courant de mois après l’expérience, les souris La liaison de IPH4102 guéries ont pu contrer une récidive du l’année 2015. J. P. à sa cible KIR3DL2, à cancer provoquée par les chercheurs. la surface des cellules IRMf ☛☛ Anne Marie-Cardine, Armand Bensussan : L Des travaux sont désormais envisagés unité 976 Inserm - Université Paris Diderot - tumorales, induit le Imagerie par résonance pour évaluer cette stratégie combinée recrutement de cellules Paris 7, Immunologie, dermatologie et oncologie magnétique fonctionnelle à d’autres traitements.V. R. A. Marie-Cardine et al. Cancer Research, tueuses du système Technique d’imagerie er 1 novembre 2014, 74 (21) : 6060-70 immunitaire. médicale (2D ou 3D) ☛☛Sophie Conchon : unité 1064 Inserm - Université de Nantes utilisée pour étudier le V. Gauttier et al. International Journal of Cancer, fonctionnement du cerveau 15 décembre 2014 ; 135 (12) : 2857-67 Cerveau la même expérience une augmentation dans Savoir lire aide à mieux voir de reconnaissance de la région équivalente lettres, fausses lettres, de l’hémisphère droit L’apprentissage pour leur implication dans quelle mesure visages... a donc été (en bas). De plus, la de la lecture modifie initiale dans la cet apprentissage reproduite avec une comparaison avec les notre cerveau. reconnaissance des affecte les étapes les nouvelle modalité analphabètes montre En 2010, Stanislas formes et des visages. plus précoces de la d’enregistrement de que les personnes ­Dehaene *, Afin de déterminer perception visuelle, l’activité cérébrale, qui ont appris à lire directeur de l’unité l’électroencéphalo­ discriminent mieux les

S, 2014 NeuroImagerie graphie, dotée d’une stimuli visuels, qu’il NA cognitive, avait déjà meilleure résolution s’agisse ou non de mis en évidence ce temporelle que l’IRM. lettres. L’intensité des phénomène grâce Résultat : moins de réponses cérébrales à des expériences 170 millisecondes et leur précision sont menées en IRM après présentation augmentées, et ce, dès fonctionnelle (L). d’une chaîne de lettres, les toutes premières Ces travaux l’activité cérébrale étapes de la perception avaient montré que augmente dans la zone visuelle. Apprendre l’apprentissage occipito-temporale de à lire raffine donc de la lecture spécialise l’hémisphère gauche, ­considérablement . P processing on visual of literacy act certaines zones uniquement chez les l’entrée des du cerveau dans lecteurs (en haut). ­informations visuelles la reconnaissance Au même moment, dans le ­cerveau. E. L. iming the imp T des lettres et des on observe également ☛☛Stanislas Dehaene : unité 992 Inserm/ mots écrits – une diminution de la CEA – Université Paris-Sud 11 les zones occipito- F. Pedago et al. PNAS,

ago et al. ago réponse aux visages

d 24 novembre 2014 (en ligne) temporales – connues dans cet hémisphère et doi : 10.1073/pnas.1417347111 . Pe F © ©

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 11 ➜découvertes Explorer le cerveau 1106 R ier, UM À un, à deux, d Ba l he c ean-Mi J à trois niveaux © ©

Enregistrer au même instant l’activité du cerveau Ou encore la magnéto­ Évaluation grâce à trois modes d’exploration complémentaires, encéphalographie pré-chirurgicale (MEG), une technique pour l'épilepsie. cela n’existait pas. Jusqu’à ce que des scientifiques Équipé d’électrodes plus récente qui enre- marseillais de plusieurs disciplines s’y attellent. intracérébrales et gistre les mini champs de surface, le patient Décryptage d’une expérience qui pourrait changer magnétiques générés est installé dans le traitement des patients épileptiques. à la surface du crâne l’appareil de magnéto- par la même activité encéphalographie pour ­neuro­nale*. « La réso- un enregistrement lution temporelle de ces trimodal. aintenir le crâne du deux types d’enregistre- patient immobile ments est de l’ordre du millième de seconde, c’est très élevé. Mgrâce à un cadre, En revanche, il s’agit d’une mesure à la surface de la tête et

y percer de minuscules non directement dans le cerveau », explique le chercheur. t

e trous, puis insérer une ­Autremen­ t dit, il est difficile, à partir des signaux enregis- ll ­dizaine d’électrodes longues trés, de remonter à leur source et de la situer avec exacti- ionne de 6 à 10 centimètres dans tude dans l’espace. Cela demande d’appliquer des méthodes ct le cerveau. Vous avez dit avancées de traitement du signal, ap­ pelées résolutions du

M invasif ? Cette méthode est problème inverse. A contrario, les données obtenues par rgie fon H P u A pourtant la seule possible SEEG reflètent très précisément l’activité en profondeur, hir c one/

ro lorsqu’il s’agit d’enregistrer mais uniquement d’un sous-ensemble limité de régions m u

a Ti l’activité de certaines zones cérébrales correspondant aux sites d’implantation. l e ne e d d e profondes du cerveau, l c a t i soupçonnées d’être respon- L’union fait la force p ervi s / hô s sables de crises d’épilepsies. Et si, pour bénéficier des avantages de chaque technique, e/

égi Mise en place qu R i « Entre 0,5 et 1 % de la popu- on couplait ces trois types d’enregistrements de l’activité

ax des électrodes t ean

J lation souffre de ce désordre cérébrale ? C’est le défi qu’ont voulu relever Christian éo intracérébrales Pr ér © neurologique invalidant, Bénar et Anne-Sophie Dubarry *, ingénieure de st © c’est le plus important après recherche en traitement des signaux au Laboratoire de la migraine, rappelle Christian Bénar *, chercheur psychologie cognitive. Le concept du « trimodal » était en méthodologie de la cartographie cérébrale à l’­ Institut né. Si l’idée paraissait simple, la mise en œuvre présentait, * Voir S&S n°18, Grand Angle de neurosciences des systèmes, à Marseille. Et dans elle, de sérieuses contraintes techniques. Et, grâce aux « Imagerie médicale. Une (r)évolution continue », une large proportion - 100 000 personnes en France -, les compétences complémentaires des équipes impliquées, p. 22-33 ­médicaments sont ­insuffisamment efficaces. » Les ­patients elles ont pu être résolues. « La première difficulté, et non souffrant d’­ épilepsie réfractaire, sous-entendu aux médi- des moindres, a été de faire passer la tête des patients, caments, se voient proposer l’ablation des régions céré- avec leurs électrodes intracérébrales implantées, dans le brales génératrices de crises. Encore faut-il les repérer magnétoencéphalographe. Pour cela, les neurochirurgiens précisément. Et c’est là ­qu’intervient l’examen appelé de l’hôpital de la Timone ont dû commander du nouveau ☛☛Christian Bénar : unité 1106 Inserm - stéréoélectroencéphalo­graphie (SEEG), qui nécessite matériel, moins encombrant ! » Christian Bénar souligne Aix-Marseille Université l’implantation d’électrodes intra-cérébrales. Pourtant, il aussi le problème de l’accès aux patients. « Heureusement, ☛☛Anne-Sophie Dubarry : UMR 7290 CNRS - Aix-Marseille Université existe d’autres techniques d’­ enregistrement de l’activité le MEG est dans le service de Neurophysiologie de l’hôpital, A. S. Dubarry et al. NeuroImage, du cerveau, moins inva­ sives : l’électroencéphalographie où les personnes épileptiques sont implantées. » Dernier octobre 2014 ; 99 : 548-58 (EEG), à l’aide d’électrodes placées à la surface du crâne. problème technique, propre à l’utilisation simultanée

12 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜découvertes n

e ll Contrôle du demai

ionne positionnement Un cerveau virtuel t

c des électrodes on

M pour l’épilepsie ?

H intracérébrales P A rgie f par radiographie « En plus de la recherche sur la nature des de u

one/ hir signaux, les données obtenues par ces trois c m e ro modes d’exploration vont être utilisées pour a Ti u l recouvre leur crâne. C’est e

le développement d’un « cerveau virtuel », n d e ne

d l uniquement le dernier jour, a i e souligne Christian Bénar. Il s’agit d’une t i c p avant leur ­sortie, que nous collaboration avec le nouveau directeur du c hô ervi s e/ / pouvons poser les 23 élec-

s laboratoire, Viktor Jirsa, responsable local du qu i égi

ax trodes de surface et placer la projet international Virtual Brain. L’objectif ? R t de

éo Modéliser le cerveau pour mieux comprendre

ean tête du patient dans le casque J ér •• ••

st les réseaux épileptiques, améliorer le contenant les 248 capteurs t © Pr e diagnostic et, pourquoi pas, effectuer des de champs magnétiques du ME MEG. » Il a fallu organiser opérations virtuelles pour prédire l’impact de de différents appareils : éviter les interférences. « Lors tout le planning d’interven- l’ablation de telle ou telle région. « Nous allons ainsi développer des modèles ultra-réalistes du premier enregistrement, les connecteurs des électrodes tion des différentes équipes du cerveau adaptés à chaque patient en nous intracérébrales étaient ­placés sur l’épaule du patient, et ont pour une expérience fondant sur les données décrivant la connectivité généré des artefacts suite à ses mouvements de respiration. qui, en elle-même, dure du cerveau. Les données simultanées, qui Depuis, on les fixe sur le capteur MEG. » une demi-heure. « Nous donnent accès à l’activité mesurée à la fois avons établi un protocole localement (SEEG) et globalement (EEG, De l’organisation avant tout au cours duquel l’activité MEG) vont être de première importance pour L’expérience de recherche en MEG et en ingénierie cliniq­ ue spontanée du patient, yeux développer et valider ces modèles. » Pour qu’Anne-Sophie Dubarry avait acquise à Montréal et à fermés, est enregistrée pen- mener à bien ces travaux, les chercheurs ­Cleveland a été déterminante en termes d’adaptation et dant 10 ­minutes. Puis, on ont, en collaboration avec l’hôpital, obtenu d’organisation. « L’hospitalisation des patients implantés stimule une aire cérébrale un financement de 370 000 euros suite à un appel d’offres ANR-DGOS de recherche pour la SEEG dure deux semaines, au cours ­desquelles leur primaire, par exemple translationnelle (L). Le laboratoire Inserm activité cérébrale, y compris ­pendant les crises épileptiques, ­visuelle, en lui présentant Traitement du signal et de l’image, à Rennes, est enregistrée. Pendant ce temps, une protection en résine une image de ­damier. Enfin, et l’Inria, à Sophia Antipolis font également les 10 ­dernières minutes partie du consortium. sont consacrées à des tâches cogni­tives de plus haut 8 www.thevirtualbrain.org ­niveau telles que la déno- mination de dessins pour l’étude de la production du ­langage. » Le but est d’observer Recherche l’activité des régions suspectées d’être des zones épilepto- Ltranslationnelle gènes et identifier celles qui sont à préserver. Elle assure le continuum « L’élément le plus important de cette expérimentation, entre les recherches c’est que nous en avons prouvé la faisabilité, s’exclame fondamentale et clinique Christian Bénar. Et nous avons réussi à corréler les en permettant un flux bidirectionnel des ­différents enregistrements à l’activité profonde du ­cortex. » connaissances entre Pour les chercheurs, la cerise sur le gâteau est d’avoir les deux : les résultats

S réussi à extraire des informations sur la réponse céré- de recherche deviennent

NR plus rapidement des

/C brale de chaque événement, comme la présentation m innovations médicales er unique du damier par exemple, et non pas, comme s tandis que les n I c’est le cas d’ordinaire, sur une moyenne des réponses ! observations faites chez le malade sont relayées arry / Opéré sur une première patiente en 2012, l’enregistre- ub ment trimodal a, depuis, été renouvelé sur une dizaine dans les laboratoires. .S D A d’autres. Le défi est donc relevé. La multiplicité des 2014- © données acqui­ ses devrait ainsi permettre de relier, et © modéliser, encore plus précisément les enregistrements de surface à une activité en profondeur. « Au-delà de la L’enregistrement simultané de l’activité faisabilité de l’expérience et des connaissances fondamen- cérébrale par les trois techniques permet de coupler les différents types de signaux tales sur le fonctionnement du cerveau apportées, l’objectif en réponse à un même événement. De plus, clinique, à terme, est de s’affranchir de l’utilisation des élec- l’existence d’une réponse précoce en MEG trodes ­intracérébrales pour repérer les zones épileptogènes », souligne l’intérêt de cette technique, espère Christian Bénar. Peut-être pas aujourd’hui, mais parfois jugée trop coûteuse. pourquoi pas demain ? n Julie Coquart

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 13 • à la une • découvertes ➜Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes Grand Prix Inserm 2014 Anne Dejean-Assémat Percer les mystères moléculaires des cancers Le 3 décembre, Anne Dejean-Assémat a reçu le Grand Prix Inserm 2014 pour ses travaux sur les origines moléculaires et cellulaires de certains cancers. Des recherches fondamentales qui ont ouvert la voie à de nouvelles approches thérapeutiques.

es jaunes, des ierre p a

roses, des bleus... l

Le bureau d’Anne k De

D c ri

­Dejean-Assémat est t

envahi de dizaines de / Pa m er

­post-it : ici une nou- s n I ©

velle hypothèse à tester, © là le rappel d’un article à ­reviewer, plus loin une commission d’évaluation à “ Pendant les Ajoutez une dose de fémi- ­laquelle participer… Directrice depuis 2003 du labo- vacances d’été, nisme venant de sa mère, ratoire d’Organisation nucléaire et oncogenèse * à une grande liberté de pen- l’Institut Pasteur à Paris, la chercheuse a une vie organisée immergée dans la sée et un esprit de remise au millimètre près et un métier qui la ravit toujours, avec nature, j’ai pris goût en question insufflés par pour mot d’ordre : « Repousser les limites de l’­ inconnu. Ce à l’observation „ des parents engagés, et qui est incroyablement excitant », confie-t-elle. vous avez là des atouts Avec un père ingénieur et une mère professeure de indéniables pour devenir une chercheuse d’exception. ­mathématiques, Anne Dejean-Assémat est tombée toute Bac en poche à 17 ans, Anne Dejean-Assémat quitte petite dans la potion magique des matières scientifiques. ­l’Anjou et monte à Paris pour suivre des études de ­biologie Grand amoureux de la nature, son père lui transmet son à l’université Pierre-et-Marie-Curie. Elle débute en 1980 ☛☛Unité 993 Inserm/Institut Pasteur admiration pour le vivant lors d’innombrables prome- son doctorat dans un laboratoire de l’Institut Pa­ steur. nades en forêt. « L’été, il nous emmenait aussi en camping En 1985, elle intègre l’Inserm tout en restant fidèle à Prix Inserm 2014 À retrouver sur sauvage. J’étais alors immergée dans la nature, coupée de ­Pasteur qu’elle ne va plus quitter. Un an plus tard, alors tout, sans Internet ni portable à l’époque. Je n’avais rien âgée de 29 ans et jeune maman, elle monte sa propre 8 www.inserm.fr d’autre à faire qu’à regarder les fougères, les mousses, les équipe, poussée et encouragée par le directeur du labo- insectes… J’ai pris goût à l’observation », se souvient-elle. ratoire, Pierre Tiollais. « Toujours présent et bienveillant,

14 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜têtes chercheuses

il a su créer un vivier de jeunes talents. Ce fut un privilège et du Anne Dejean- bonheur que de travailler chez Assémat et lui. » Car la carrière d’Anne Adrien Decque, Dejean-As­ sémat débute vite et doctorant, dans le laboratoire, à haut. Au milieu des années 1980, l’Institut Pasteur une découverte faite à la suite de ierre p ses travaux de doctorat la propulse sur le devant de la a l scène ­scientifique internationale, devant des ­parterres k De c de biologistes so­ uvent masculins… ri t

Christian Bréchot*, alors membre du laboratoire de / Pa m

Pierre Tiollais, vient de montrer que le génome du virus er s n I de l’hépatite B est intégré dans l’ADN de cellules cancé- © © reuses du foie. Anne Dejean-Assémat isole les séquences au voisinage d’une insertion virale et découvre qu’elle se explications moléculaire et cellulaire au traitement de ce * A ctuellement directeur général de l’Institut Pasteur, il a dirigé situe dans un gène codant pour un récepteur nucléaire : type de leucémie,­ l’un des exemples les plus illustratifs de l’Inserm de 2001 à 2007. celui de l’acide rétinoïque, le dérivé actif de la vitamine A, ­thérapie ciblée. « Ce fut une période riche et exaltante et une vitamine bien connue pour ses rôles dans la différen- parmi mes plus belles années à la “paillasse’’. » Translocation ciation cellulaire et le développement humain. Altéré, ce Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car outre l’acide Lchromosomique facteur de transcription conduit à la prolifération désor- rétinoïque, l’arsenic était aussi connu pour son effet Échange de matériel donnée des cellules. « Cela démontrait pour la première curatif sur la leucémie aiguë promyélocytaire. Anne chromosomique entre des fois que le virus de l’hépatite B pouvait être Dejean-Assémat découvre que cet effet chromosomes de paires à l’origine de cancers en agissant comme un “ Ce fut une passe par l’étiquetage de la molécule différentes agent mutagène externe. » période exaltante, chimérique par un tout petit peptide Modification post- Le récepteur de l’acide rétinoïque devient appelé paradoxalement SUMO. Cet Ltraductionnelle alors son cheval de bataille. Avec Hughes parmi mes plus étiquetage déclenché par l’arsenic semble belles années Modification d’une de Thé, qui a rejoint sa jeune équipe, et dire : « ­attention, protéine anormale, à protéine par un Laurent Degos, basé à l’hôpital Saint-Louis, à la “paillasse” „ détruire d’urgence ! » Ces ­petits, mais groupement chimique elle se penche alors sur une forme rare « costauds », peptides sont aujourd’hui le ou une petite protéine, de cancer du sang, la leucémie aiguë promyélo­cytaire, fer de lance de son laboratoire. Des centaines de substrats réalisée le plus souvent ­soignée à l’époque par de fortes doses d’acide rétinoïque. de SUMO ont été identifiés. Ils pourraient intervenir par une enzyme, après sa synthèse ou au cours de Ils montrent que le récepteur de l’acide ré­ tinoïque est dans d’autres types de cancer, notamment celui du côlon. sa vie dans la cellule muté et fusionné avec une autre protéine su­ ppresseuse « Mais cette modification post-traductionnelle (L) par de tumeur, nommée PML pour Promyelocytic ­leukemia SUMO n’est pas forcément préjudiciable. Au contraire, elle Épigénétique protein, codée par un autre chromosome dans les régule la fonction des protéines. SUMO se fixe notamment L Ensemble des ­cellules cancéreuses : une juxtaposition de deux gènes sur des protéines associées à la chromatine et est dorénavant mécanismes par lesquels par translocation chromosomique (L) est à l’origine considérée comme une nouvelle marque épigénétique (L). l’environnement et l’histoire de la maladie. Les chercheurs décortiquent alors l’effet Tout reste à découvrir ! » C’est sûr, les post-it ne sont pas individuelle influent sur de la protéine chimérique synthétisée et apportent les près de disparaître de son bureau ! n Gaëlle Lahoreau l’expression des gènes.

EN BREF ● Le Prix de l’université de Cambridge, ● Le Prix ● Le Prix Recherche d’Honneur pour sa carrière d’immunologiste, Innovation a été récompense, a été décerné résultat d’un parcours personnel décerné, d’une part, d’une part, Hélène à William exemplaire. à Mathieu Dollfus * pour Vainchenker * Ducros *, ses travaux sur les pour l’ensemble de ses travaux ● Le Prix qui a inventé gènes responsables consacrés à l’hématopoïèse, la Opecst-Inserm la microscopie des maladies rares fabrication des cellules sanguines a récompensé biphotonique de l’œil, et, d’autre

par la moelle osseuse. Mickaël multiplexée, et, d’autre part, part, Nadine Cerf-Bensussan * ierre p a

☛☛William Vainchenker : unité 1009 Inserm/ Tanter *, à Frédéric De Bock *, pour dont les travaux ont permis l Institut Gustave-Roussy - Université Paris-Sud 11 spécialiste de la physique des son parcours qui lui a permis de de mieux comprendre le système k De c

ondes pour la médecine, mettre au point une technologie immunitaire de l’intestin ri t ● Le Prix pour son travail de valorisation appliquée aujourd’hui à l’étude et des maladies liées à son a / P

International industrielle. de l’épilepsie. dysfonctionnement. m er a distingué ☛ ☛ s ☛Mathieu Ducros : unité 1128 Inserm - ☛Hélène Dollfus : unité 1112 Inserm - n ☛☛Mickaël Tanter : unité 979 Inserm/Université I

Leszek Borysiewicz, Université Paris-Descartes Université de Strasbourg : Paris 7 - Denis Diderot /École supérieure de s o médecin, physique et chimie industrielle de Paris/CNRS - ☛☛Frédéric De Bock : unité 661 Inserm/Université ☛☛Nadine Cerf-Bensussan : unité 1163 Inserm - t

Montpellier 2/CNRS - Université Montpellier 1 Université Paris-Descartes Pho

actuellement vice-chancelier Université Pierre-et-Marie-Curie © ©

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 15 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses ➜regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes

•••• • Allemagne • ETATS-UNIS Des troubles mentaux Les tumeurs ne associés à un déficit de manquent pas d’air… synapses Le manque d’oxygène inhibe en temps normal la croissance de Notre ADN peut jouer un nos cellules. Pourtant les tumeurs malignes continuent de se rôle dans l’émergence développer dans ces conditions. Comment ? En inactivant un de troubles mentaux. certain type d’enzymes : la prolyl-hydroxylase-3 ou PHD3. Des Par exemple, certaines chercheurs des universités de ­Francfort et de Giessen ont, en mutations du gène DISC1 effet, montré que cette inactivation est une étape cruciale dans (Disrupted In SChizophre- Zhexing Wen le développement des glioblastomes, des tumeurs du cerveau nia 1) sont associées à un © © très agressives. La perte de PHD3 permet aux cellules tumorales risque accru de dévelop- Neurones dérivés d’exhiber continuellement à leur surface, même lorsque per une schizophrénie, une dépression ou encore des de cellules l’oxygène se fait rare, les récepteurs du facteur de croissance troubles bipolaires. Pour iPS de patient épidermique (EGFR), des protéines transmembranaires qui mieux comprendre le rôle schizophrène. En jouent un rôle important dans la prolifération cellulaire. Les de ces mutations, des cher- rouge, les protéines auteurs affirment que cette voie métabolique de croissance cheurs de l’université John présynaptiques, en tumorale pourrait être bloquée à l’aide d’inhibiteurs de l’EGFR. Hopkins de ­Baltimore ont vert, les marqueurs généré des cellules souches A.-T. Henze et al. Nature Communications, 25 novembre 2014 (en ligne) doi:10.1038/ncomms6582 postsynaptiques, pluripotentes induites B. K. Garvalov et al. Nature Communications, 25 novembre 2014 (en ligne) doi:10.1038/ncomms6577 noyaux en bleu (dites iPS) (L) à partir de ­cellules de peau de deux ­patients présentant des mutations du gène DISC1 - respectivement atteints de schizophrénie et de ­dépression - et de trois sujets contrôles. Après avoir • Royaume-Uni différencié in vitro ces cellules souches en neurones, ils ont observé que les cellules nerveuses des malades présentent moins de synapses que les neurones des trois personnes La structure des pores saines. De plus, de nombreuses molécules nécessaires au bon fonctionnement des synapses sont altérées dans nucléaires révélée les neurones de ces patients. Leurs travaux confirment que Les pores nucléaires sont LCellule iPS ces mutations jouent un rôle dans des structures protéiques Cellule adulte l’apparition de certains troubles reprogrammée ­mentaux en affectant le nombre traversant l’enveloppe des de synapses et leur fonction. noyaux des cellules. Ils en cellule souche similaire à une cellule 2 Z. Wen et al. Nature, 20 novembre 2014 ; contrôlent les échanges embryonnaire 515:414–18 doi:10.1038/nature13716 moléculaires entre le noyau et le cytoplasme. Leur structure Pourquoi des moustiques interne et les mécanismes permettant aux molécules ont un faible pour l’homme e de les traverser sont d La préférence Bri encore sujets à débat. Des c du moustique de la Vue en 3D des pores nucléaires à fièvre jaune Aedes yn M

­chercheurs de ­l’University l on la surface de l’enveloppe du noyau d ­College de Londres viennent aegypti, d'origine Caro on ©

d’y ­apporter un éclairage nouveau en ­sondant les pores de noyaux © africaine, pour le ege L sang humain serait ll d’ovules de grenouille Xenopus ­laevis à l’aide d’un ­microscope à Les moustiques femelles du Kenya liée à la mutation y Co force ­atomique (L). Ces travaux montrent que les protéines situées t i s au centre du pore, les nucléoporines, forment un enc­ hevêtrement (à gauche, de forêt, génétique d’un à droite, domestique) récepteur olfactif. à la fois assez lâche pour laisser passer les petites molécules, mais présentent des ­assez ­compact pour bloquer les macromolécules. Pour traverser, ces Nommé AaegOr4, yeva/Univer variations de couleur. a ­dernières doivent s’associer à des protéines dites chaperonnes qui en il permet en effet à mb e ces insectes de détecter un composé, la sulcatone, st ­modulant les ­interactions entre les nucléo­ présent en grande quantité dans l’odeur humaine. Microscope à porines ­permettent ­d’ouvrir cette barrière. han Be Cette découverte pourrait permettre de développer z i Ces ­résultats pourraient, par exemple, A ’ Lforce atomique d être utilisés pour améliorer les techniques des stratégies de lutte contre ces moustiques,

ion Utilisant les interactions

s vecteur non seulement de la fièvre jaune mais

s ­actuelles de th­ érapie génique qui visent à i avec les atomes de m insérer des gènes médicaments dans le noyau. aussi des virus de la dengue et du chikungunya. er l’échantillon analysé, p C. S. McBride et al. Nature, 13 novembre 2014; 515:222–7 doi : 10.1038/nature13964 a il permet d’en décrire l 2  A. Bestembayeva et al. Nature Nanotechnology, 24 novembre 2014 (en ligne) c la topographie. doi : 10.1038/nnano.2014.262 ve A ©

© Page réalisée par Simon Pierrefixe

16 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜regards sur le monde

•••• • ETATS-UNIS

Diabète La production reste artisanale, très loin d’un ­procédé industrialisable. Douglas Melton, Des cellules β lui, ouvre les perspectives d’un traitement de fonctionnelles masse… avec un stock quasi illimité de cellules β produites in vitro à partir de cellules iPS ! Par on 2014 lt à la demande ailleurs, il s’agit de cellules souches adultes, qui

Me Un pas de plus a été franchi dans s ne posent donc aucun problème éthique. Il y a a l

g la lutte contre le diabète de type 1, u un mois, l’équipe de Timothy Kieffer, de l’uni- Do © maladie auto-immune provoquée versité de Colombie britannique, à Vancouver, © par la destruction des cellules β a publié des résultats similaires. Leur protocole Deux semaines après transplantation, du pancréas, chargées de produire les cellules dérivées de cellules iPS est un peu différent mais les chercheurs ont aussi l’insuline. Aujourd’hui, le traitement obtenu des cellules β fonctionnelles in vivo chez forment des îlots et produisent le plus efficace reste la greffe de de l’insuline. la souris à partir des mêmes cellules iPS. nouvelles cellules β prélevées sur des patients en état de mort cérébrale. Mais pour l’équipe de Douglas Melton S&S : Alors, quand peut-on espérer de l’Harvard Stem Cell Institute, l’utilisation de cellules souches pluripotentes voir les premiers essais cliniques chez induites (iPS) (L) pourrait être une solution crédible. En effet, les auteurs ont l’homme ? réussi à produire, à partir de celles-ci, des cellules β humaines fonctionnelles F. P. : Pas avant plusieurs années. Si aujourd’hui chez la souris. Disponibles en quantité illimitée, elles sont rapidement matures la thérapie cellulaire, à partir de cellules β et auraient également l’avantage de ne pas poser de problèmes éthiques. ­prélevées, fonctionne bien, avec plus de 50 % D.A. Melton et al. Cell, 9 octobre 2014 ; 159 (2) : 428-39 doi: 10.1016/j.cell.2014.09.040

Le point avec François Pattou Chirurgien au CHRU de Lille et directeur de l’unité 859 Inserm/ CHRU Lille – Université Lille 2 Droit et santé, Biothérapies du diabète, European Institutes for diabetes (EGID)

Cellules souches Science&Santé : En quoi cette étude

Lpluripotentes induites ­est-elle une avancée majeure ? ron t Appelées iPS pour induced François Pattou : Parce qu’elle montre que l’on e La c

pluripotent stem cells, elles sont ri

peut produire des cellules β à partir de cel­ lules t produites à partir de cellules iPS (L). Des résultats équivalents avaient déjà / Pa adultes reprogrammées m er génétiquement et sont capables été publiés en 2008 par des chercheurs de la s n I ©

de se multiplier à l’infini et de ­société californienne Viacyte, spécialisée dans © se différencier en tout type la médecine régénérative, mais avec des cellules cellulaire. souches embryonnaires (L). La même équipe “ Une belle preuve d’insulino-indé­ vient d’ailleurs de lancer ses premiers ­essais pendance un an Cellules souches de concept mais cliniques de transplantation chez l’homme. après la greffe Lembryonnaires des résultats encore Ici, avec cette nouvelle étude, les auteurs et pour certains Cellules souches dites incomplets „ pluripotentes, à l’origine de proposent une belle preuve de principe, mais patients, jusqu’à tous les tissus de l’organisme, il faut toutefois rester circonspect. Je crains que 10 ans, l’efficacité des cellules dérivées iPS reste et présentes chez l’embryon. les conclusions et les perspectives de cet article à prouver. Par ailleurs, nous savons qu’au-delà soient un peu sur­ vendues. Le petit nombre de de l’insuline les cellules β produisent également souris implantées et les résultats variables d’un le glucagon (L), une autre hormone essen- LGlucagon animal à l’autre incitent à la prudence. tielle pour l’équilibre glycémique. Or, dans ses Hormone hyperglycémiante ­travaux, Douglas Melton a uniquement étudié sécrétée par le pancréas, S&S : Et pourquoi ces cellules iPS qui possède des propriétés la production d’insuline. Les résultats demeurent antagonistes de l’insuline. ­sont-elles si intéressantes? donc incomplets et il reste du chemin à faire. Les F. P. : Actuellement en thérapie cellulaire, ce premiers résultats cliniques de Viacyte pourraient sont les cellules de patients en état de mort céré- également conditionner, dans un sens ou dans un n T. Kieffer et al. Nature , brale que l’on utilise. Or, celles-ci sont souvent autre, la suite des recherches sur les cellules iPS. 16 septembre 2014, 32, 1121–1133 doi:10.1038/ nbt.3033 en quantité très limitée, c’est tout le problème. Propos recueillis par Karl Pouillot

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 17 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde ➜Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes

•••• •••• ThErapie gEnique Encore plus d’espoir pour les « bébés bulles » Jusqu’alors, la thérapie génique destinée à traiter les enfants atteints de DICS-X1, et donc dépourvus de système immunitaire, était associée à un risque important de leucémie. Mais, aujourd’hui, la technique s’est perfectionnée jusqu’à devenir inoffensive. Les petits malades ont donc toutes les chances de retrouver une vie normale.

Cellule souche ès qu’une maladie ou qu’un Lhématopoïétique corps infectieux est détecté, Cellule mère des cellules toute une armée de globules

D P sanguines présentes dans blancs œuvre pour protéger I /BS la moelle osseuse et le l’organisme. Sans ce processus, une t

sang du cordon ombilical ren maladie, même bénigne, peut être u La © Greffe fatale. Et c’est le principal risque © Lallogénique encouru par les enfants atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère Les enfants atteints de déficit immunitaire ou allogreffe font l'objet de soins en milieu stérile, ici à l'hôpital Necker. Greffe d’un organe lié au chromosome X (DICS-X1). provenant d’un autre Mieux connus sous le nom de individu de la même « bébés-bulles », ces enfants doivent par conséquent Le principe ? Prélever sur le patient les cellules espèce. toujours évoluer dans un environnement stérile. souches de la moelle osseuse déficiente pour en À l’origine de leur maladie : une mutation d’un gène modifier directement l’ADN. Comment ? En insérant Rétrovirus de leur chromosome X empêche la formation d’un une version fonctionnelle du gène défectueux. Pour L composant essentiel au bon fonctionnement des cela, on utilise un vecteur viral : un rétrovirus (L) Virus dont le génome est constitué d’ARN : lymphocytes T. Or, ces derniers font partie des cellules débarrassé de sa virulence et dans lequel les chercheurs copié en ADN, il s’insère immunitaires responsables de la lutte contre les ont introduit le gène-médicament. Puis, le vecteur dans les gènes de la pathogènes. Les enfants atteints ainsi mis au point infecte les cellule infectée. de cette forme létale de déficit “ Dans une greffe autologue, cellules déficientes. Par sa immunitaire sont hospitalisés nature même de virus, il intègre LGreffe dans le service d’immuno-­ il n'y a aucun risque de rejet „ alors l’ADN-médicament dans autologue hématologie pédiatrique dirigé le génome des cellules du Les cellules greffées par Alain Fischer et traités par greffe de cellules patient. « À la différence du virus original, ce vecteur sont prélevées sur (L) le patient receveur. souches hématopoïétiques . Cependant, si la greffe n’est pas capable de se répliquer, rassure Salima allogénique (L) donne de très bons résultats lorsque le Hacein-Bey Abina *, et ne peut pas déclencher ☛☛Salima Hacein-Bey Abina : département donneur fait partie de la fratrie, les chances de survie d’infection. » Enfin, les cellules génétiquement de Biothérapies/CIC-BT 1416 Inserm/ Hôpital Necker – Université Paris- sont beaucoup plus faibles lorsque le patient ne peut pas modifiées sont réinjectées dans le sang du patient. Descartes - service d’Immunologie bénéficier d’un donneur compatible. Si aujourd’hui, « C’est une greffe autologue (L) de cellules du patient, biologique, hôpital Bicêtre cette option reste la plus privilégiée, la solution de il n’y a aucun risque de rejet ! », explique la chercheuse.  S. Hacein-Bey Abina et al. New England Journal of Medicine, 9 octobre 2014 ; 371 (15) : la thérapie génique donne de l’espoir aux enfants Aux prémices de l’utilisation de cette thérapie, 1407-17 doi: 10.1056/NEJMoa1404588 atteints de DICS-X1 sans donneurs compatibles. certains patients ont développé des leucémies, des

18 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜Cliniquement vôtre

Accouchement Le plus près du terme… Si les risques encourus par les grands prématurés sont bien connus, il n’en va pas de même pour les bébés nés entre 35 et 41 semaines d’aménorrhée (SA) (L). Catherine Quantin *, de l’unité Lipides –

ron ­nutrition – cancer, à Dijon, a ainsi étudié les taux de mortalité et morbi- t dité chez 681 961 enfants uniques, nés vivants, sans malformation, entre e La c

ri 35 et 41 SA à partir de la base de données du Programme de médicalisa- t tion des systèmes d’information. « Le taux d’hospitalisation des ­nouveau-nés / Pa m décroît avec l’âge gestationnel, le taux le plus bas étant enregistré à er s n

I 39-41 SA, analyse la chercheuse. Mais surtout, il est supérieur chez les ©

© ­enfants nés à 35 à 38 SA. » Contrairement à l’idée couramment admise, ces derniers sont donc plus à risque que ceux nés à 39-41 SA. Pourtant, cancers de la moelle Travail de comptage en France, pour la majorité des obstétriciens, le terme est la période qui osseuse : le vecteur viral et de tri des cellules va de 37 SA à 41 SA + 6 jours, et l’on considère que, pendant cette période, utilisé faisait s’insérer les dans ce laboratoire le pronostic néonatal est uniformément bon. Les chercheurs invitent donc Inserm dédié à la redéfinition de ce qu’est une naissance à terme et à une modifica- séquences génétiques au développement tion des indications de déclenchement et de modifiées en des lieux du système césarienne programmée à 37-38 SA. J. C. SA inappropriés de l’ADN immunitaire, ☛☛Catherine Quantin : unité 866 Inserm/EPHE – Université de Bourgogne L des cellules, notamment à l'hôpital Necker E. Combier et al. BEH, 9 décembre 2015 Âge gestationnel compté er près d’oncogènes (L) à partir du 1 jour des dernières règles qui se trouvaient alors malencontreusement activés, d’où le développement de leucémies. Depuis quelques Prostaglandines années, la méthode a évolué et fait désormais appel L Molécules aux nombreuses à un vecteur viral amélioré, dit « sécurisé » : une propriétés biologiques fonction d’ « auto-inactivation » réduit la capacité du utilisées en obstétrique vecteur viral à déclencher l’expression inopportune pour interrompre une grossesse ou déclencher un d’un gène proche du site où il s’est inséré avec, pour HANIE conséquence, un risque limité de leucémie. accouchement. e/SPL/P La récente publication, qui rend compte des résultats c Éviter les relaxant sur l’utérus, obtenus chez les malades traités avec ce vecteur par ren w pouvait maturer le col La l’équipe d’Alain Fischer, Marina Cavazzana* et Salima © césariennes

© et, ainsi, diminuer le Hacein-Bey Abina, à l’hôpital Necker, et par l’équipe risque de césarienne. américaine de David Williams de l’université ­Harvard Une grossesse dure normalement Au cours de l’essai NOCETER est très encourageante. En effet, sur neuf garçons entre 37 et 41 semaines à partir (NO donors for reduction of CEsareans ayant reçu le traitement, un seul a malheureusement des dernières règles. Dans 15 % at TERm), 678 femmes à 41 SA (L) succombé à une infection. Les huit autres ont survécu des cas, elle se poursuit au-delà ont reçu l’isosorbide mononitrate grâce à la reconstitution d’un système immunitaire et nécessite que l’accouchement et 684 autres un placebo. Si 5 jours fonctionnel. En d’autres termes, ces « bébés-bulles » soit déclenché pour éviter les plus tard elles n’avaient pas complications périnatales liées accouché spontanément, le travail ont désormais plus de chance de retrouver un système aux grossesses prolongées. Dans était provoqué. Au final, aucun immunitaire efficace et, par conséquent, une vie ces conditions, le col de l’utérus bénéfice n’a été constaté : les taux normale. est souvent défavorable pour un de césariennes, aux alentours de Mais, ce progrès thérapeutique manque encore de recul, déclenchement du travail classique 27 %, étaient les mêmes dans les selon Salima Hacein-Bey Abina. « Si nous sommes et des gels de prostaglandines (L) deux groupes. Chez les femmes certains de l’efficacité de ce protocole établi il y a déjà sont alors habituellement du premier groupe, des maux de 15 ans, nous devons être prudents car seul un suivi à plus utilisés pour provoquer sa tête et des bouffées de chaleur ont long terme des patients maturation. Dans ces cas-là, le d’ailleurs été souvent constatés. permettra d’exclure taux de césariennes, signe que Cette piste de recherche a priori les risques liés à cette Oncogène l’accouchement n’a pu se faire prometteuse va être probablement L normalement – par voie basse – est abandonnée après cet essai. thérapie », précise-t-elle. Gène dont l’expression élevé. Pour éviter cette opération Les prostaglandines restent donc Néanmoins, ce traitement favorise l’apparition de et ses complications, Thomas le traitement de référence pour la cellules cancéreuses. demeure celui qui permet Schmitz * a voulu vérifier si maturation du col de l’utérus. E. L. de propulser les enfants l’administration de comprimés ☛☛Thomas Schmitz : unité 1141 Inserm – Université Paris- atteints de DICS-X1 en * Voir S&S n° 12, d’isosorbide mononitrate par voie Diderot-Paris 7, Neuroprotection du cerveau en développement n Têtes chercheuses dehors de leurs bulles. « Marina Cavazzana-Calvo – vaginale, connu pour son effet  T. Schmitz et al. Obstetrics & Gynecology, décembre 2014 ; 124 (6) : 1089 Nadège Joly Génie des gènes », p. 14-15

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 19 ➜Cliniquement vôtre

Maladie de Crohn Quand le courant électrique court-circuite les symptômes Et si la neurostimulation électrique devenait une alternative aux médicaments dans le traitement de la maladie de Crohn ? C’est ce qu’espèrent les chercheurs du Grenoble Institut des neurosciences, qui viennent d’en montrer l’efficacité chez quelques premiers patients.

raiter une maladie inflam­ Après avoir développé avec succès un modèle expérimental matoire de l’intestin* chez le rat, l’équipe de Bruno Bonaz a conduit une première HANIE Tpar neurostimulation, expérimentation tout aussi concluante chez l’homme SPL/P © ­l’approche a de quoi surprendre. avec le service de neurochirurgie du CHU de Grenoble. © Et pour cause, l’administration « Nous avons implanté un homme de 49 ans ­présentant Un générateur de petites impulsions électriques par le biais d’une une forme active de la maladie », évoque le ch­ ercheur. d’influx électriques électrode implantée dans l’organisme est habituelle- L’opération est délicate, mais facile à réaliser par un neuro­ intermittents, ment utilisée pour traiter des maladies qui touchent chirurgien expérimenté. L’électrode en forme de spirale implanté dans la plutôt le système nerveux central, comme l’épilepsie ou est implantée autour du nerf vague gauche au ­niveau du poitrine, stimule la dépression. cou. Et un ­boîtier de stimulation, placé sous la clavicule le nerf vague. C’est pourtant l’approche originale qu’ont développée Bruno gauche, délivre une impulsion de 30 secondes toutes les Bonaz * et son équipe du Grenoble Institut des neuro­ 5 minutes. Dans les semaines qui suivent, l’ampérage est sciences (GIN). À l’origine de cette idée, une étude améri- augmenté progressivement et stabilisé au niveau maxi- caine parue en 2000 : « Elle montrait qu’un choc septique – une mum pour lequel le patient ne perçoit pas de sensations réaction immunitaire très intense enclenchée en cas d’infection désagréables. Le principal effet secondaire est l’induction massive – pouvait être évité chez le rat en stimulant le nerf d’une voix rauque, mais il est transitoire. « Les symptômes vague, celui qui relie le cerveau au système digestif, explique ont diminué significativement, au point de ne plus avoir le neurophysiologiste gastroentérologue. La neurostimula- besoin de suivre un traitement médicamenteux chronique. » * Voir aussi S&S n° 22, tion du nerf vague a ainsi une action immunosuppressive. » Cliniquement vôtre « Maladies inflammatoires ­Derrière ce constat : l’acétylcholine, un neuromédiateur Le ventre, ce second cerveau de l’intestin », p. 20-21 libéré par le nerf vague sous l’impulsion électrique et qui Depuis, six autres patients ont été traités. « Seuls ceux dont ** Voir Bloc-notes, p. 50, bloque le TNFα, un médiateur de l’inflammation. la maladie était sévère au moment de l’implantation n’ont Le ventre, notre deuxième cerveau pas eu le même résultat, regrette Bruno Bonaz. Nous n’en Impulsions sur le nerf vague connaissons pas encore la raison. Mais, ces données vont C’est cette action anti-TNFα qui intéresse notre ch­ ercheur. déjà nous permettre de préciser les patients éligibles à cette En effet, ce médiateur joue un rôle primordial dans la neurostimulation. » Car, pour le spécialiste, cette technique ­maladie de Crohn, une inflammation chronique de l’intestin est une solution de rechange plausible aux traitements où alternent périodes de rémission et phases de symptômes médicamenteux, parfois lourds, que doivent prendre (douleurs abdo- quotidiennement les malades. « Par ailleurs, c’est aussi une minales, ­diarrhées ­démonstration pratique que notre ventre se ­comporte comme impérieuses invali- un second cerveau**, ajoute le chercheur. Elle prouve que la dantes, perforations maladie de Crohn est associée à un tonus du nerf vagal bas. » ou ulcérations intesti- En d’autres termes, le nerf vagal ne ­fonctionnerait qu’à nales…). L’objectif se- bas bruit par rapport aux personnes rait de st­ imuler le nerf saines, sans assurer son habituel rôle vague de façon conti- Radiographie physiologique. « ­Sachant que des ap- des intestins ☛☛Bruno Bonaz : unité 836 Inserm – nue et prolongée, afin d'un patient, proches comme la relaxation, l’hypnose Université Joseph-Fourier, Grenoble de diminuer l’inflam- ou la méditation augmentent ce tonus, Institut des neurosciences dont les parois

mation liée au TNFα HANIE apparaissent c’est aussi, selon moi, une preuve du rôle D. Clarençon et al. Brain Stimulation, n 7 août 2014 (en ligne) et donc de ré­ duire les avec un aspect joué par le stress dans cette maladie. » SPL/P ©

doi : 10.1016/j.brs.2014.08.001 symptômes. © irrégulier. Caroline Guignot

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Greffe Une première : un larynx artificiel En 2012, Christian Debry * et un système de valve amovible son équipe des Hôpitaux univer- sur le tube déjà en place, ce Cette première sitaires de Strasbourg, en parte- qui a ­entraîné la restitution des expérience nariat avec la société française fonctions essentielles du larynx. d’implantation a PROTiP, ont réalisé la première Cet exploit a ­permis de rétablir au permis au patient implantation d’un larynx artificiel plus près chez le patient - qui avait de recouvrer chez l’homme. Après une pre- subi une ablation du larynx suite à des fonctions mière chirurgie pour enlever le un ­cancer - les conditions physio- essentielles. larynx endommagé et implanter logiques de respiration, de déglu- d

une prothèse de type trachéal tition et de phonation. Ces phases ☛☛yChristian Debr : unité 1121 Inserm – n u

expérimentales devront être Université de Strasbourg, Biomatériaux et re en titane, ils ont procédé à une F bioingénierie

seconde intervention quelques confirmées avant d’effectuer ce van Y

C. Debry et al. Head & Neck, novembre 2014 ; ©

semaines plus tard pour fixer type d’intervention en routine. A. H. 36 (11) : 1669-73 ©

Cancer de la peau Neuropsychiatrie Vaincre par le froid L’éducation contre les déficits cognitifs Des lésions de la substance blanche du cerveau, constituée des fibres nerveuses, sont souvent observées lors d’IRM cérébrales de patients âgés. Elles sont la plupart du temps associées à des déficits cognitifs ou à un risque accru de démence. Marion Mortamais * de l’unité Neuropsychiatrie : recherche épidémiologique

ié et clinique, de Montpellier, s’est intéressée avec ses collaborateurs à l’influence ull de l’éducation sur le lien entre ces lésions et les troubles cognitifs. Ils ont suivi Dr Bo © 500 personnes de plus de 65 ans sur une période de 7 ans en menant entretiens, tests © neuropsychologiques, examens neurologiques et IRM. Ils ont montré que celles Un carcinome basocellulaire avant (à gauche) et après (à droite) traitement présentant ces lésions et n’ayant pas atteint l’enseignement secondaire ont plus de risque de développer des troubles cognitifs. C’est un nouvel argument en faveur de Une étude par cryochirurgie l’influence positive du niveau d’éducation sur les dégénérescences cérébrales. A. H. rétrospective entre 2005 et 2012, ☛☛Marion Mortamais : unité 1061 Inserm – Université Montpellier 1 menée par Agnès seuls 6 % sont M. Mortamais et al. The American Journal of Geriatric Psychiatry, novembre 2014 ; 22 (11) : 1336-45 Samain *, au réapparus dans les département de cinq premières années Dermatologie du CHU postopératoires. de Rouen, vient de Lors d’une ablation Oncologie démontrer l’avantage chirurgicale classique, RhoB, nouveau marqueur du cancer pulmonaire de l’utilisation du les données d’études froid extrême (azote affichent un taux Les cancers du poumon réunissant 179 patients. liquide) pour détruire de rechute après non à petites cellules Cette analyse montre les cellules de cinq ans compris représentent environ que la perte d’expression certains carcinomes entre 4,1 et 12 %. Ces 80 % des cas de cancer de RhoB est associée à basocellulaires (L) résultats permettent du poumon. Il est encore une moins bonne survie survenant sur la d’envisager un autre difficile d’en déterminer des patients, une plus partie moyenne du traitement, tout l’évolution avec précision, forte agressivité tumorale visage (ailes et pointe aussi efficace - voire notamment lorsque la et un stade avancé du du nez, angle interne plus -, rapide et peu tumeur devient invasive. cancer. RhoB est donc

de l’œil). Ainsi, sur coûteux, qui respecte Il faut donc identifier de HANIE un bon facteur de nouveaux marqueurs pronostic et joue un rôle SPL/P

144 carcinomes traités l’esthétique du visage ©

du patient. J. P. pronostiques pour © dans l’acquisition du Carcinome optimiser les stratégies Tumeur (en rose, à caractère invasif de ☛☛Agnès Samain : unité 905 Inserm – Lbasocellulaire Université de Rouen, Physiopathologie thérapeutiques. C’est gauche) du poumon ce type de cancer. A. H. ce qu’ont fait Gilles Type de cancer de la et biothérapies des maladies inflammatoires et auto-immunes * ☛☛Gilles Favre : unité 1037 Inserm/CNRS – peau se développant Favre et son équipe RhoB, un gène Université Toulouse III-Paul Sabatier A. Samain et al. Journal of the du Centre de recherche suppresseur de tumeurs, dans la partie European Academy of Dermatology and  O. Calvayrac et al. Clinical Cancer profonde du derme Venereology, 29 octobre 2014 (en ligne) en cancérologie de chez trois cohortes issues Research, 15 octobre 2014 (en ligne) et de l’épiderme doi : 10.1111/jdv.12798 Toulouse, en étudiant de différents hôpitaux et doi : 10.1158/1078-0432.CCR-14-0506

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 21 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre ➜Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes

Compléments alimentaires

Démêler le vrai du faux

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Compléments alimentaires

Démêler le vrai du faux Lutter contre la fatigue, éviter la chute des cheveux, bien bronzer, faire baisser le cholestérol, voire se protéger du cancer... Selon leurs étiquettes, les compléments alimentaires savent tout faire, ou presque, pour nous maintenir dans une forme éblouissante. Même les incrédules se laissent tenter en se disant qu’une petite cure ne peut pas faire de mal, au pire, qu’elle n’aura aucun effet ! Sauf qu’en octobre dernier, le dispositif de nutrivigilance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), de l’environnement et du travail affichait presque 300 signalements d’effets indésirables liés à la consommation de ces produits parés de mille vertus. Alors, qu’en sait-on exactement ? Sont-ils

bons ou mauvais pour notre santé ? Les chercheurs répondent. © VOISIN/PHANIE

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es compléments alimentaires séduisent. C’est LNutriment un fait. Les chiffres le prouvent. Dans le cadre Lde l’étude NutriNet-Santé menée depuis 2009, Substance alimentaire * qui n’a pas besoin de ­Mathilde Touvier de l’équipe de coordination et subir de transformations la doctorante Camille Pouchieu * ont constaté que digestives pour être 15 % des hommes et 28 % des femmes prenaient des assimilée par l’organisme. compléments alimentaires au moins trois jours par semaine, et que 60 % d’entre eux étaient consommés Acides aminés régulièrement depuis plus d’un an. Or, comme l’assure L Irène Margaritis *, responsable de l’unité Évaluation Molécules qui constituent les protéines. sur la nutrition et les risques nutritionnels de l’Anses, « ils sont très loin d’être anodins ! » Là encore avec des données à l’appui. Entre décembre 2010 et ­octobre dernier, 282 signalements d’effets indésirables liés à * J ournal officiel – Arrêté du 9 mai 2006 relatif la consommation de compléments alimentaires ont aux nutriments pouvant été jugés recevables par le dispositif de nutrivigilance être employés dans la fabrication des compléments de l’Anses (voir encadré). alimentaires - Version consolidée 19/11/2006 - Quel cadre légal ? Article Annexe 1 Avant toute chose, « même si l’étude NutriNet-Santé 8 www.legifrance.gouv.fr montre que dans 55 % des cas ces produits sont ­conseillés ou prescrits par un médecin, il faut bien comprendre que ce ne sont pas des médicaments », souligne Mathilde ☛☛Mathilde Touvier, Camille Pouchieu : Touvier. Légalement, selon la directive européenne du unité 1153 Inserm/Cnam/Université Paris 13/Université Paris 7-Denis-Diderot/ 10 juin 2002 transposée en droit français le 20 mars Université Paris-Descartes- 2006, « Par compléments alimentaires, on entend les Centre de recherche en épidémiologie et statistique Sorbonne-Paris Cité denrées dont le but est de compléter le régime ☛☛Irène Margaritis : unité Évaluation sur la normal et qui constituent une source concentrée de nutrition et les risques nutritionnels, Anses nutriments (L) ou d’autres substances ayant un effet gélules, les pastilles, les Les compléments C. Pouchieu et al. Br J Nutr, alimentaires octobre 2013 ; 110 (8) : 1480-91 nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, comprimés, les pilules, ainsi doi: 10.1017/S0007114513000615 ­commercialisés sous forme de doses, telles que les que les sachets de poudre, exercent un fort pouvoir attractif. les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte- gouttes et les autres formes analogues de préparations Le dispositif de nutrivigilance : liquides ou en poudre destinées à être prises en unités un œil attentif sur notre alimentation mesurées de faible quantité. » Ce cadre général énoncé, la loi française définit les Ce système de veille sanitaire composants autorisés. Pour les nutriments, elle a recueille les effets indésirables liés * à la consommation de compléments établi une liste de 13 vitamines et 15 ­minéraux , et alimentaires, d’aliments ou de « contrairement à la directive européenne, en précise boissons enrichis, de nouveaux pour chacun la dose journalière maximale autorisée », aliments ou « novel foods » indique Guillaume Cousyn, chargé de mission (consommation inexistante dans Nutrition à la Direction générale de la concurrence, l’Union européenne avant 1997 de la consommation et de la répression des fraudes comme, par exemple, le jus de noni (DGCCRF). Pour les plantes et les préparations ou la gomme de guar) et de produits de plantes, jusque-là la loi excluait juste celles destinés à des populations « possédant des propriétés pharmacologiques et particulières (nourrissons, sportifs).

S destinées à un usage exclusivement thérapeutique ». E Les signalements sont faits par les S Mais, « un arrêté du 24 juin dernier, qui prend effet AN professionnels de santé (médecins, e er c

r pharmaciens, diététiciens, etc.). le 1 janvier 2015 et pour lequel nous nous sommes u So © Pour chaque effet signalé, l’Anses énormément investis, fixe une liste de 540 plantes © évalue la probabilité qu’il soit lié autorisées, ainsi que les conditions de leur emploi et à la consommation du produit. Depuis sa mise en place, parmi les de leur production », complète Guillaume Cousyn. À 282 effets indésirables dits recevables pour les compléments cela s’ajoutent d’autres substances « à but nutritionnel alimentaires, 19,9 % concernent des troubles hépatiques, ou physiologique » qui ne sont ni des vitamines, ni 18,4 % des troubles gastro-entérologiques, 16 % des allergies des minéraux, ni des plantes, ni des produits à visée et 12 % des affections neurologiques et psychiatriques. pharmacologique, comme la caféine, des acides aminés (L), le pollen, etc.

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Le florissant marché des compléments alimentaires Selon une étude d’ABM Group Consulting, en 2014, le marché mondial des compléments alimentaires approche les 200 milliards de dollars qui se répartissent ainsi : 44,2 % en Asie, 32,6 % en Amérique du Nord et 14,4 % en Europe occidentale. En France, selon le syndicat des compléments alimentaires, Synadiet, en 2013, le marché affichait un chiffre d’affaires de plus de 1,3 milliard d’euros et une croissance annuelle de 3,5 %.

à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Comme l’indique Synadiet, le syndicat des compléments alimentaires, le dossier présenté à l’EFSA devra « préciser l’allégation ­demandée, la ­population visée, les conditions d’utilisation de l’­aliment ou de l’ingrédient (dose, restrictions...) et présenter les données scientifiques permettant de justifier ­l’allégation. » L’EFSA étudie alors la demande au regard de son reg­ istre de 255 allégations autorisées à ce jour. Enfin, une fois les compléments alimentaires commer- cialisés, l’Anses surveille les effets indésirables liés à leur consommation grâce au dispositif de nutrivigilance. La Antioxydant DGCCRF contrôle les producteurs et les distributeurs. L SPL/Phanie

© Molécule qui capte

© Dans ce cadre, quand des procès-verbaux sont établis, les radicaux libres, le procureur de la République peut décider d’ouvrir une eux-mêmes des Concernant leur commercialisation, celle-ci est enquête qui sera confiée à l’Office central de lutte contre composés issus du ressort de la DGCCRF qui gère avant tout les atteintes à l’environnement et à la santé publique de la « respiration » l’administratif, et de l’Agence nationale de sécurité (OCLAESP), un service de police judiciaire. des cellules. sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et De prime abord donc, les compléments alimentaires sont Essai clinique du travail (Anses) pour les aspects scientifiques, bien encadrés. Pour autant, en connaît-on vraiment les Lrandomisé versus notamment les risques pour la santé. effets d’un point de vue scientifique ? placebo en double Quant à la mise sur le marché français, ­« ­Historiquement, cette question “ La question de leurs aveugle trois cas de figure se présentent. Si le effets réels s’est posée s’est posée une première fois dans les complément alimentaire est conforme années 1990 avec le bêta-carotène, Les participants à l’essai pour la première fois sont répartis au hasard à la législation française, une simple un ­antioxydant (L), pour lequel les en deux groupes, déclaration suffit. S’il contient avec le bêta-carotène „ chercheurs avaient identifié des vertus l’un recevant le produit des ingrédients non autorisés en anti­cancéreuses, explique Mathilde évalué, l’autre un France, mais qui le sont dans un autre état membre Touvier. Logiquement, les médecins se sont dit qu’il pourrait placebo, un produit en apparence identique mais de l’Union européenne, la démarche administrative protéger les populations à risque. » Deux essais cliniques chimiquement neutre. est simplifiée. En revanche, si ses composants ne randomisés en double aveugle versus placebo (L) ont Ni les participants à sont pas autorisés en Europe, il fait l’objet d’une alors été lancés. En Finlande, l’étude ATBC consistait l’essai, ni les soignants évaluation sanitaire par les experts de l’Anses. à étudier les effets du bêta-carotène avec ou sans  ne savent qui prend quoi. En outre, certains compléments alimentaires sont accompagnés d’allégations dites nutritionnelles ou de santé. Ce sont les messages qui annoncent respectivement la teneur d’un nutriment, par exemple « riche en calcium » ou encore « source d’acides gras oméga-3 », ou qui font le lien entre un nutriment et la santé comme « les oméga-3 réduisent le risque cardiovasculaire » ou « le calcium peut contribuer à améliorer la densité osseuse ». Pour obtenir le droit d’afficher ce genre de Synadiet - Communiqué de presse - HANIE 17 décembre 2013 message, avant toute /P IN D. Albanes et al. J Natl Cancer Inst, S commercialisation, Comprimés ou ampoules, 6 novembre 1996 ; 88 (21) : 1560-70 VOI © l’industriel s’adresse c’est toujours du magnésium © doi: 10.1093/jnci/88.21.1560

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 vitamine E, un autre ­antioxydant, sur la prévention du cancer du poumon chez 29 133 fumeurs. Dans le La vitamine D peut même temps, aux États-Unis, c’est sa combinaison avec être donnée, voire encore un antioxydant, la vitamine A, qui était évaluée recommandée, chez 18 314 ­fumeurs, anciens fumeurs et travailleurs aux enfants en de l’amiante (étude CARET). Or, les deux essais ont été pleine croissance. arrêtés avant la fin car le risque de cancer du poumon avait augmenté de 18 % dans l’étude finlandaise et de 28 % dans l’américaine. Encore aujourd’hui, l’origine s’il a des effets positifs, il délétère du bêta-carotène chez les fumeurs n’est pas claire. faut rester prudent car Cependant, « on peut dire que ces deux études ont mis la l’acide ­folique synthétique, puce à l’oreille des chercheurs qui ont alors décidé d’évaluer qui ne pénètre pas dans plus précisément les compléments alimentaires au sens les cellules de la même large, pointe la chercheuse. Des études qui, aujourd’hui, manière que la vitamine B9 permettent de les classer en trois grandes catégories : ceux alimentaire, agit sur dont les bénéfices sont scientifiquement avérés, ceux pour l’ADN [en participant lesquels les études donnent des résultats contradictoires et notamment à sa synthèse ceux qui sont véritablement dangereux. » et sa réparation, ndlr]. De plus, une surdose peut Des effets bénéfiques masquer une carence en LTube neural Parmi les compléments alimentaires aux bénéfices vitamine B12, potentiellement neurotoxique. » Système nerveux primitif scientifiquement prouvés et pour lesquels il existe un Autre intérêt de certains compléments alimentaires : chez l’embryon consensus, on peut citer l’acide folique – ou vitamine B9 – pallier le déficit (L) de pour prévenir la spina bifida, une malformation “ Le fer et nutriments dû à des situa- congénitale due à une anomalie du tube neural (L) la vitamine B12 tions particulières. Ainsi, LDéficit survenue au cours de la croissance du fœtus. Ainsi, peuvent se justifier « il a été montré que les Taux d’un nutriment dans depuis 1981 et l’essai randomisé en double aveugle avec compléments alimentaires l’organisme qui entraîne l’acide folique versus placebo, mené par K. M. Laurence pour les personnes polyvitaminés sont béné- un état de santé non suivant un régime optimal. de l’École de médecine galloise de ­Cardiff, de nombreuses fiques après des opérations études ont confirmé l’intérêt de prendre ce complément végétalien „ du tube digestif, et que le fer Régime alimentaire avant et durant le premier trimestre de la et la vitamine B12 peuvent Lvégétalien grossesse. « Cependant, ma­ lgré tous ces travaux, il a se justifier pour les femmes ayant des règles particuliè- Régime qui exclut tout fallu se battre pour diviser par dix la dose quotidienne rement abondantes ou les personnes suivant un régime produit d’origine animale ­préconisée au départ, ­souligne Marie-Christine Boutron- ­végétalien (L) pour lesquelles le déficit en vitamine D (viande, poisson, mais Ruault *, du Centre de recherche en épidémiologie est très fréquent », indique Jacques Fr­ icker *, nutri- aussi œufs, lait, etc.). et santé des populations de l’Inserm. En effet, même tionniste à l’hôpital Bichat, à Paris. Mais là encore, la ­prudence est de mise. En 2011, après avoir analysé les don- nées d’une cohorte de plus de 38 000 femmes suivies depuis 1984 dans l’Iowa, aux États-Unis, l’équipe de Jaakko Mursu, de l’uni- versité de ­Kuopio, en Finlande, concluait que « chez les femmes âgées, la prise de ­compléments ali- mentaires à base de vitamines et minéraux peut être associée à un risque accru de mo­ rtalité, ce risque ☛☛Marie- Christine Boutron-Ruault : étant le plus élevé pour le fer ». REA unité 1018 Inserm/Université Versailles- - Dernier exemple de complément Saint-Quentin-en-Yvelines - Université HH

Paris-Sud 11 er/ alimentaire aux effets positifs : la

☛☛Jacques Fricker : unité Endocrinologie, ull vitamine D. Celle-ci est fabriquée diabétologie, nutrition - Hôpital Bichat- Claude-Bernard par l’organisme lorsqu’on s’expose rank M F © au soleil, et contribue à fixer

G. S. Omenn et al. N Engl J Med, © 2 mai 1996 ; 334 : 1150-5 le calcium sur les os. En cas de doi: 10.1056/NEJM199605023341802 Il y a consensus sur l’acide folique qui peut être prescrit déficit en ensoleillement, il est J. Mursu et al. Arch Intern Med, 10 octobre 2011 ; 171 (18) : 1625-33 au premier trimestre de grossesse utile de compléter ­l’alimentation doi:10.1001/archinternmed.2011.445 (en arrière-plan, échographie obstétricale). en ­vitamine D pour les enfants

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Questions de sémantique Connaissez-vous la différence entre un aliment enrichi et un complément alimentaire ? Comme une grande confusion règne entre les différentes terminologies, voici un petit rappel de ce que les mots veulent dire : • Compléments alimentaires : Denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés , commercialisés sous forme de doses destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité. • Aliments enrichis : Aliments artificiellement enrichis en nutriments. Par exemple : yaourt au bifidus actif, beurre enrichi en oméga-3, etc. • Aliments destinés aux populations particulières : Aliments HANIE /P

IN spécialement destinés à répondre aux besoins nutritionnels S

VOI particuliers de catégories spécifiques de la population © © (nourrissons, sportifs, malades...). Par exemple : laits destinés qui sont en pleine croissance, et les personnes âgées aux nourrissons, aliments sans gluten, etc. • Dispositifs médicaux ingérables : Dispositifs destinés à être susceptibles de souffrir d’ostéoporose (L). En revanche, utilisés chez l’homme, notamment à des fins de prévention, elle ne serait pas « multi-tâches » comme semble le de contrôle ou d’atténuation d’une maladie, mais sans utiliser confirmer la méta-analyse publiée début 2014 par Mark de moyens pharmacologiques. Ils dépendent de l’Agence J. Bolland et ses collègues de l’université d’Auckland, nationale de sécurité des médicaments (ANSM). Par exemple : en Nouvelle-Zélande. Ces chercheurs concluent que pacemakers, stents (ressort placé dans une artère), etc. « la supplémentation en vitamine D réduit de moins de 15 % [un taux qu’ils qualifient « d’insignifiant », ndlr] le risque d’infarctus du myocarde (L) ou de maladie cardiaque ischémique, d’accident vasculaire cérébral ou LOstéoporose de maladie cérébrovasculaire, de ­cancer et de fracture ». Pour Jacques Maladie qui se traduit Fricker, par une diminution de la Des résultats scientifiques flous nutritionniste, masse osseuse entraînant Si cette liste de compléments alimentaires aux effets certains une fragilité des os. ­bénéfiques est courte, c’est bien parce qu’« il règne un grand compléments peuvent être Infarctus flou sur les résultats scientifiques obtenus jusque-là et ceci bénéfiques. Ldu myocarde pour la majorité des produits vendus à l’heure actuelle », La « crise cardiaque » est souligne Mathilde Touvier. Par exemple, le magnésium, caractérisée par la mort qui participe à plus de 300 réactions mét­ aboliques (L) de de cellules sur une zone l’organisme, est paré de nombreuses vertus : prévention plus ou moins étendue de maladies cardio­ du muscle cardiaque. “ Malgré vasculaires, du diabète, Pour illustrer ce Réactions de nombreuses de l’ostéoporose, des HANIE flou scientifique, Lmétaboliques in/P

douleurs musculaires, s on peut aussi Réactions biochimiques

publications, oi V augmentation des © regarder du côté qui se produisent dans une il est impossible de © taux de lipoprotéines des oméga-3. Ces cellule, afin d’en assurer trancher sur les effets de haute densité dites acides gras (L), très en vogue depuis quelques années le bon fonctionnement. des compléments à « bon cholestérol », chez les adeptes des compléments alimentaires, sont base de magnésium „ etc. Or, malgré près pourtant bien documentés au niveau scientifique, LAcides gras de 900 publications comme en témoignent les 4 800 publications Catégorie de lipides scientifiques recensées à ce jour, il est impossible disponibles. Le problème est que les données obtenues assurant un rôle fondamental dans la de trancher quant aux effets bénéfiques ou pas des sont particulièrement contradictoires. En février structure des cellules et compléments alimentaires à base de magnésium. 2013, Brigitte Potier *, du Centre de psychiatrie et le stockage de l’énergie. ­Illustration : cinq études montrent qu’il améliore les neurosciences de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, et des performances sportives, tandis que cinq autres ne notent chercheurs de l’Inra de Jouy-en-Josas ont publié un ☛☛Brigitte Potier : unité 894 Inserm - aucun bénéfice. Il en est de même pour les crampes dans article sur les liens entre les oméga-3 et la résistance Université Paris-Descartes M. J. Bolland et al. The Lancet Diabetes & les jambes, pour lesquelles les résultats vont de bénéfices du cerveau au stress et au vieillissement. Leur constat : Endocrinology, avril 2014 ; 2 (4) : 307-20 très modestes à aucune amélioration du tout. « Notre analyse de la littérature abondante  doi: 10.1016/S2213-8587(13)70212-2

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 indique qu’une qua­ ntité adéquate d’acide docosahexaénoïque (DHA) [le nom scientifique de l’un des principaux oméga-3, ndlr] dans le ­cerveau peut limiter l’impact du stress, un important facteur ­aggravant du vieillissement. » Cependant, en septembre 2013, après analyse d’une cohorte de 2 157 femmes âgées de 65 ans et plus, des chercheurs de Accidents P

l’université de l’Iowa concluaient : « Nous I

Lvasculaires /BS

n’avons pas trouvé de corrélation entre le t cérébraux taux d’oméga-3 dans le sang et le déclin onne

Obstructions ou cognitif lié à l’âge. » Mais là n’est pas la ss ruptures d’un vaisseau B Boi seule contradiction. En effet, quatre mois ©

qui transporte le sang © dans le cerveau, et qui plus tard, à partir d’un échantillon de cette provoquent la mort des même cohorte, une grande partie de ces cellules nerveuses. chercheurs constatait qu’« un taux plus élevé d’oméga-3 que « dans l’ensemble, Les oméga-3 était corrélé à un volume plus important du cerveau et une supplémentation sont partout, du cabinet de l’hippocampe ». Et de suggérer dans la foulée que en oméga-3 n’est du médecin au Salon « d’autres études pourraient examiner si le maintien d’un pas associée à une du bien-être… niveau élevé d’oméga-3 dans le sang ralentissait l’atrophie diminution du risque ☛☛ Serge Hercberg : unité 1153 Inserm/ du cerveau ». Autrement dit, ils laissaient entendre que de mortalité toutes causes confondues, […] ni de la survenue Université Paris 7-Denis-Diderot/Université cela pourrait protéger les femmes d’un déclin cognitif, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires Paris 13-Paris Nord/Inra - Université (L) Paris-Descartes - Équipe de recherche en alors qu’ils n’avaient justement pas pu établir de lien cérébraux ». Un constat similaire est fait pour les épidémiologie nutritionnelle (EREN) avec le taux d’oméga-3 sanguin ! maladies cardiovasculaires, mais aussi pour la prévention I. Denis et al. Ageing Res Rev, Quant à ses effets sur le risque de maladies des cancers, par l’étude SU.FOL.OM3 coordonnée par mars 2013 ; 12 (2) : 579-94 cardiovasculaires, le bénéfice est là aussi peu évident. Une Serge Hercberg * qui dirige l’Équipe de recherche en doi: 10.1016/j.arr.2013.01.007 méta-analyse publiée en septembre 2012 par une équipe épidémiologie nutritionnelle, à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu E. M. Ammann. , 22 octobre 2013 ; 81 (17) : 1484-91 de l’université de médecine de Ioannina, en Grèce, qui à Paris. Dans cet essai, 2 501 personnes âgées de 45 à doi: 10.1212/WNL.0b013e3182a9584c porte sur 20 études regroupant 68 680 personnes, montre 80 ans, ayant déjà eu une maladie cardio­vasculaire, ont pris quotidiennement pendant cinq ans des oméga-3­ et/ou des vitamines B6, B9 et B12, ou un placebo. D’une Qui consomme des compléments part, « cette étude montre que l’utilisation systématique de compléments alimentaires contenant des vitamines B alimentaires ? ou des acides gras oméga-3 n’a pas eu d’effet sur la Tous les sept ans, prévention des maladies l’Anses réalise une étude cardiovasculaires chez “ Les vitamines B P I individuelle nationale des les personnes ayant des

/BS et les oméga-3 t consommations alimentaires antécédents de maladies (INCA). INCA2 qui couvrait n’ont pas d’effet onne cardiaques. D’autre ss la période fin 2005-2007 sur la prévention montre que près d’un adulte part, nous n’avons pas B Boi © trouvé d’effet bénéfique sur © sur 5 et un enfant sur 10 des maladies Les femmes seraient ont consommé des la su­ rvenue des cancers cardiovasculaires „ plus grandes consommatrices compléments alimentaires au chez les personnes ayant eu de compléments alimentaires. moins une fois dans l’année, au préalable une maladie cardiovasculaire », ont indiqué parmi lesquels respectivement les chercheurs dans deux publications successives. 23 % et 12 % en prennent toute l’année ou presque. Les femmes À ces exemples, on peut ajouter trois récentes études sont deux fois plus nombreuses que les hommes à en user. Enfin, faites outre-Atlantique. Après avoir analysé 24 essais la consommation est proportionnelle au niveau d’études des avec une ou deux vitamines et trois menés avec des consommateurs ou, pour les enfants, de leurs parents. suppléments polyvitaminés, l’ensemble impliquant Ces résultats sont confirmés par l’étude NutriNet-Santé lancée en 2009 et coordonnée par l’unité de recherche Inserm en épidémiologie 400 000 personnes, l’équipe de Stephen P. Fortmann nutritionnelle. Elle montre notamment que les consommateurs sont du Kaiser Permanente Center for Health Research à ceux qui connaissent le mieux les recommandations nutritionnelles Portland a conclu « qu’il n’y avait pas de preuve claire du Programme national nutrition santé (PNNS), qui mangent le plus d’un effet bénéfique des compléments sur la mortalité, d’aliments « bio », et qui ont globalement une alimentation et un mode les maladies cardiovasculaires ou le cancer ». L’équipe de de vie plus sains. Ce qui fait dire à Mathilde Touvier, sa coordinatrice, que ­Francine Grodstein de l’école de médecine de Harvard « ce sont ceux qui en ont le moins besoin qui en consomment le plus ! » n’a, quant à elle, constaté aucun effet bénéfique d’une supplémentation multivitaminée quotidienne sur le

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de l’université de Pittsburg, et d’autres UI (ou unité chercheurs américains ont évalué Linternationale) durant 7 ans les effets de la vitamine D Quantité d’un nutriment associée au calcium par rapport à un par rapport à son activité placebo. Il est constaté que le risque de biologique (ses effets). cancer du sein invasif a augmenté chez Mesure fixée par un accord international et différente les femmes prenant plus de 600 UI (L) pour chaque nutriment par jour de vitamine D. Pour ­comprendre ce phénomène, l’étude VitaOx, menée par Marie-Christine LPhytoestrogène REA

D/ Boutron-Ruault et Mathilde ­Touvier, Œstrogène (hormone AR sexuelle) d’origine LL A qui s’appuie sur la cohorte E3N végétale k c d’environ 100 000 femmes volontaires ri t Pa

© françaises adhérentes à la mutuelle J. V. Pottala et al. Neurology, © MGEN, nées entre 1925 et 1950 et 4 février 2014 ; 82 (5) : 435-42 suivies depuis 1990, « s’intéresse aux doi: 10.1212/WNL.0000000000000080  E. C. Rizos et al. JAMA, déclin cognitif, chez 6 000 médecins âgés de 65 ans associations entre la prise de compléments de vitamine D, 12 septembre 2012 ; 308 (10) : 1024-33 et plus. Enfin, Gervasio A. Lamas et son équipe celle de traitements hormonaux de la ménopause et doi: 10.1001/2012.jama.11374 du Mount Sinai Medical Center de Miami Beach le risque de cancer du sein, du fait d’une inter­action P. Galan et al. BMJ, 2010 ; 341 : c6273 (en ligne) 29 novembre 2010 ont évalué l’effet de hautes doses d’un complément possible entre la ­vitamine D et les hormones sexuelles », doi: 10.1136/bmj.c6273 alimentaire composé de 28 vitamines et minéraux indique Marie-Christine Boutron-Ruault. Par ailleurs, V. A. Andreeva et al. Cancer Arch Intern Med, 9 avril 2012 ; 172 (7) : 540-7 par rapport à un placebo, chez 1 700 malades ayant plus largement, l’étude SU.FOL. doi:10.1001/archinternmed.2011.1450 eu un infarctus. Après presque 5 ans de suivi, les OM 3 a montré que, si la prise “ Le risque S. P. Fortmann et al. Ann Intern Med, médecins n’ont observé aucune différence en matière de compléments alimentaires 17 décembre 2013 ; 159 (12) : 824-34 de cancer doi:10.7326/0003-4819-159-12- de rechutes entre les malades traités et ceux ayant reçu n’avait pas d’incidence sur a augmenté 201312170-00729 le placebo. Ces trois études ont d’ailleurs fait écrire, en le risque de cancer pour F. Grodstein. Ann Intern Med, chez les femmes 17 décembre 2013 ; 159 (12) : décembre 2013, à Eliseo Guallar et ses collègues de les hommes, « ce risque a 806-14 doi:10.7326/0003-4819-159-12- la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health augmenté chez les femmes prenant des 201312170-00006 de Baltimore : « Assez, c’est assez : arrêtez de dépenser prenant des oméga-3 », ont oméga-3 „ G. A. Lamas et al. Ann Intern Med, 17 décembre 2013 ; 159 (12) : votre argent avec les compléments vitaminiques et alerté les chercheurs. 797-805 doi:10.7326/0003-4819-159-12- minéraux ! » Toujours en matière de cancers, en l’occurrence 201312170-00004  E. Guallar et al. Ann Intern Med, ­hormonaux dépendants (sein, utérus, ovaires, 17 décembre 2013 ; 159 (12) : Des compléments parfois nocifs ­prostate, testicules), sont également sur la 850-1 doi:10.7326/0003-4819-159-12- Mais au-delà de perdre leur argent avec ces produits, sellette les compléments alimentaires à base de 201312170-00011  J. A. Cauley et al. J Womens Health, les consommateurs risquent surtout de ruiner leur phytoestrogènes (L), en particulier ceux issus des 5 novembre 2013 ; 22 (11) : 915-29 santé. En la matière, les craintes des chercheurs et des isoflavones de soja dont la vertu le plus souvent  doi:10.1089/jwh.2013.4270 médecins sont de plus en plus étayées, et l’origine des problèmes semble très variée. D’aucuns peuvent être nocifs pour certaines ­personnes. C’est le cas de la vitamine A (ou rétinol) et de la vi­ tamine E, déconseillées aux femmes enceintes car elles peuvent engendrer des malformations congénitales chez leurs bébés. En outre, suite à plusieurs signalements d’effets indésirables – dont deux interruptions de grossesse – susceptibles d’être liés à des compléments alimentaires, enregistrés par son dispositif de nutrivigilance, l’Anses a décidé de se saisir du problème. Son ­comité d’experts spécialisés en nu­ trition humaine, ap­ puyé par le groupe de travail Nu­ trivigilance, lui-même composé de douze spécialistes du domaine, vont analyser toutes les données scientifiques disponibles sur le sujet. Puis

ils publieront leurs conclusions sous forme d’un avis HANIE rendu public. rger/P

Autre exemple, la vitamine D, dont les eff­ ets négatifs u B © semblent subvenir de manière assez subtile. Grâce à © la cohorte Women’s Health Initiative, qui comprend Attention à la prise de produits en association avec un traitement 36 282 femmes âgées de 50 à 79 ans, Jane A. Cauley, hormonal lors de la ménopause

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 29 ➜Grand Angle

Millepertuis et levure de riz rouge interagissent avec bon nombre de médicaments. ia l o t aro/Phanie fo G © © © ©

 avancée est la réduction des troubles liés à la conséquence, comme en témoignent également ménopause. Depuis le début des années 2000, diverses les 25 signalements d’effets indésirables (douleurs recherches fondamentales menées sur des cellules musculaires violentes, atteintes hépatiques…) reçus humaines et des modèles animaux de cancers montrent par l’Anses suite à la consommation de compléments un lien entre ces composés et une prolifération des alimentaires à base de levure de riz rouge. En ré­ alité, cellules cancéreuses, notamment mammaires, mais cette substance contient de la monacoline-K, une aussi prostatiques. C’est pourquoi, en 2005, l’Anses substance qui régule la synthèse du cholestérol et qui a rendu un avis déconseillant ces compléments est commercialisée comme médicament anticholestérol alimentaires pour les personnes ayant, ou ayant eu, dans de nombreux pays, mais pas en France. Le risque ce type de cancers, et bien sûr identifié par l’Anses est que ces LStatines pour les malades traités avec le “ Certains produits peuvent produits fassent double emploi Molécules tamoxifène ou le lézotrozole, qui être dangereux en raison avec les traitements français qui hypolipidémiantes bloquent respectivement l’action de leur composition „ sont à base de statines (L). Dans un utilisées dans la et la fabrication des œstrogènes. avis publié en mars ­dernier, elle les prévention des maladies cardiovasculaires. Cette dernière recommandation illustre bien un autre déconseille donc aux malades prenant ces médicaments problème : les interactions avec les médicaments. Deux et aux personnes qui y sont intolérantes. études publiées en 2012 montrent que ce phénomène Enfin, certains compléments alimentaires peuvent mettre est loin d’être anecdotique. Margaret Hsiang-Wen de la en danger les consommateurs du fait même de leur China Medical University de Taïwan et des chercheurs composition. Le risque peut venir de doses trop fortes de l’université de l’Illinois de Chicago, qui ont passé en ou d’associations de composés « malheureuses » comme revue un grand nombre de publications sur le sujet, pour la p-synéphrine qui a cumulé les deux travers. Cette constatent que « les produits contenant du millepertuis, substance, obtenue à partir d’écorce d’orange amère, aussi du magnésium, du calcium, du fer et du ginkgo sont l’objet connue sous le nom latin de Citrus aurentium, est vendue du plus grand nombre de publications sur les interactions comme complément minceur. Or, depuis 2009, l’Anses a avec des médicaments ». La seconde étude faite par trois reçu dix-huit signalements d’effets indésirables suite à sa chercheurs américains des universités de l’Arkansas et du Massachusetts liste, quant à elle, les interactions scientifiquement documentées pour onze compléments alimentaires à base de plantes. Et, là encore, la palme revient au millepertuis, qualifié d’antidépr­ esseur na­ turel, qui interagit avec vingt familles de médicaments.

Il diminue notamment les effets de

pilules contraceptives, d’anxiolytiques, REA x / du

de traitements contre le virus HIV et e R d’immunosuppresseurs ! « De fait, il a T NY /

longtemps été interdit en France, mais il tl r y est autorisé depuis 2004 dans le cadre E

de la libre circulation des produits sur le hen tc re

marché européen, indique Guillaume G © Cousyn. Toutefois, la plus grande prudence © s’impose. » Et pour cause. Les interactions Une consommation qui peut avoir des conséquences avec les médicaments ne sont pas sans graves, voire entraîner une hospitalisation.

30 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜Grand Angle

consommation, et non des moindres : (L) hyperphosphorémie , hépatites, Myriam Malet-Martino, syndrome anxieux aigu, troubles au centre, Stéphane digestifs, insuffisance rénale aiguë, Balayssac, à gauche, tachycardie (L), ­bradycardie (L), et Thomas Cruz, etc. En mai dernier, elle a donc rendu à droite, tous deux un avis indiquant que ces produits ne membres de l’équipe, ont testé quantité doivent pas dépasser une teneur de de compléments 20 mg en p-synéphrine, alors que alimentaires. certains montaient jusqu’à 72 mg, ni renfermer de la caféine - « en raison de leurs effets cardiovasculaires cumulés, voire synergiques », précise l’Anses - I D

comme c’était le cas jusque-là. I DU M

Des contrefaçons HE C E

à bannir P E D L’autre travers vient de compositions A /L R

falsifiées. Ainsi, par exemple, des PQ O compléments alimentaires censés T HO P ©

protéger, voire améliorer la vue. « Suite © à une quarantaine d’effets indésirables signalés dans le cadre du dispositif de nutrivigilance et à renfermaient une substance non autorisée. Les Hyper- une plainte d’une association professionnelle, nous avons amincissants contenaient de la sibutramine et de la Lphosphorémie mené une enquête sur la composition de ces produits, phénolphtaléine, qui sont respectivement un coupe- Taux trop élevé de la relate Guillaume Cousyn. Nous avons alors constaté faim entraînant des complications cardio­vasculaires quantité de phosphates que, sur les vingt-sept ­produits analysés, quatorze, soit la et un laxatif considéré comme ca­ ncérogène, tous deux dans le sang moitié, renfermaient de la méso-zéaxanthine et non de la interdits en France. Quant aux stimulants érectiles, ils zéaxanthine, comme annoncé sur les étiquettes. » Il y avait renfermaient non seulement du tadalafil, du sildenafil Tachycardie donc bien tromperie sur la marchandise, et du vardenafil, des molécules qui L Rythme cardiaque mais pas seulement. L’enquête a montré “ Sur 130 produits ne peuvent être utilisées que comme trop rapide que cette méso-zéaxanthine venait de amaigrissants, la médicaments, mais aussi leurs analogues, l’utilisation d’un procédé d’extraction sortes de copies, qui, eux, n’ont jamais inadéquat et de solvants interdits pour moitié d’entre eux reçu d’autorisation de mise sur le marché LBradycardie traiter l’extrait d’œillet d’Inde. En outre, elle sont toujours non en tant que médicaments. Or, deux ans Rythme cardiaque a établi un lien entre cette falsific­ ation et conformes „ après, la protection des consommateurs trop lent la survenue des toxidermies – des lésions n’est toujours pas de mise. « Nous cutanées généralement liées à la prise de médicaments – venons d’analyser 150 produits à visée érectile et signalées à l’Anses. « Suite à ce constat, les industriels ont 130 amaigrissants, indique My­ riam Malet-Martino, dû revoir leur processus de ­fabrication et tracer l’origine des 69 % des premiers et la moitié des seconds sont ­toujours produits de leurs fournisseurs, conclut Guillaume Cousyn. non conformes. » Autant dire que si on prend ce genre Une démarche qui semble porter ses fruits puisque, depuis de produits, on a une forte probabilité de consommer que l’information a été rendue publique en mai, l’Anses n’a aussi un mé­ dicament, ou une molécule jamais évaluée pas enregistré de nouveau signalement. » En consommer chez l’homme, ou encore un traitement interdit.  devrait donc être moins risqué. ☛☛Myriam Malet-Martino : Sur 150 compléments alimentaires UMR CNRS 5068, Université Toulouse III- Une tendance à l’amélioration que ne connaissent pas, en à visée érectile analysés : Paul-Sabatier revanche, les compléments alimentaires à visée érectile, H. H. Tsai et al. Int J Clin Pract, les amincissants et ceux destinés aux sportifs. En la 27 % contiennent novembre 2012 ; 66 (11) : 1056-78 31 % sont vraiment des médicaments doi: 10.1111/j.1742-1241.2012.03008.x matière, les analyses faites par l’équipe de Myriam Malet-­ naturels type Viagra A. Sparreboom et al. J Clin Oncol, Martino * du laboratoire Synthèse et physicochimie 15 juin 2004 ; 22 (12) : 2489-503 de molécules d’intérêt biologique, de l’université Paul- 34 % contiennent doi: 10.1200/JCO.2004.08.182 des analogues n'ayant J. Vaysse et al. Food Addit Contam Part Sabatier à Toulouse sont inquiétantes. Depuis 2006, ces jamais reçu d'AMM A Chem Anal Control Expo Risk Assess,

ino juillet 2010 ; 27 (7) : 903-16 chercheurs analysent la composition de ces produits t doi: 10.1080/19440041003705821

accessibles aux consommateurs français via Internet -Mar 3 %

t S. Balayssac et al. J Pharm Biomed Anal, e contiennent ou des boutiques spécialisées comme les sex-shops. l 7 avril 2012 ; 63 : 135-50 des produits Ma doi: 10.1016/j.jpba.2012.01.035 En 2012, sur 20 amincissants et 70 produits stimulant m naturels l’érection, vendus comme « 100 % naturels », ils à forte 5 % contiennent d'autres V. Gilard et al. J Pharm Biomed Anal,

Myria 22 octobre 2014 ; 102C : 476-93 © concentration médicaments en avaient identifié 70 % adultérés, c’est-à-dire qui © doi: 10.1016/j.jpba.2014.10.011

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 31 ➜Grand Angle

Observational Study qui a montré une augmentation significative de risque de cancer du sein, indique Marie- Christine Boutron-Ruault, coordinatrice de l’étude VitaOx. Notre étude menée par ma doctorante Claire Cadeau, dont les résultats ne sont pas encore publiés, permettra d’apprécier ce risque dans la population française. » Dans la même veine, « les oméga-3 sont des acides gras facilement oxydables, complète la chercheuse. Or, cette oxydation engendre la formation de composés radicalaires génotoxiques [c’est-à-dire des agents qui provoquent des lésions dans l’ADN, ndlr]. » À chacun d’être vigilant P AF / Au vu de ce constat, même si tous les compléments ERG

B alimentaires ne se transforment pas en « Mister

IVER Hyde », la vigilance s’impose. Côté institutionnel, L O ©

© « depuis 2006, il faut reconnaître que la surveillance s’est améliorée », assure Myriam Malet-Martino. Une prise Les compléments  Si on fait abstraction de ces cas extrêmes qui de conscience qui s’est traduite notamment par la mise alimentaires peuvent être, relèvent de la fraude, reste à comprendre pourquoi les en place du dispositif de nutrivigilance par l’Anses. eux aussi, produits contenus dans les compléments alimentaires, Depuis 2009, l’Agence a émis neuf avis concernant des contrefaits. qui sont pour la plupart des substances consommées compléments alimentaires. Et, actuellement, elle mène quotidiennement, peuvent avoir, au mieux, aucun effet, trois expertises, sur ceux pris pendant la grossesse, au pire, des effets délétères. Pour Anthony Fardet * de ceux destinés aux sportifs pour développer la masse l’unité Nutrition humaine, de Clermont-Ferrand, l’une musculaire et/ou diminuer la masse grasse, et ceux des raisons tient justement au fait que « les compléments contenant de la spiruline, une micro-algue réputée riche alimentaires ne sont pas des aliments à part entière et sont en protéines, fer, bêta-carotène, vitamines, minéraux, isolés de la matrice alimentaire ». Très schématiquement, oligo-éléments (L), etc. En outre, « les actions de la la « matrice alimentaire » est la structure d’un aliment DGCCRF visent à circonscrire les risques, précise qui, lorsqu’il est ingéré, va influencer la manière dont Guillaume Cousyn. Il peut s’agir de teneurs maximales, les composants vont interagir entre eux, être libérés, agir d’avertissements pour les populations à risque, etc. » avec l’organisme, etc. « Quand on donne un composant isolé à dose supra-nutritionnelle [au-delà de celles apportées par l’alimentation, ndlr], comme souvent avec les compléments alimentaires, c’est un peu comme si on avait une équipe de football composée que d’avant- centres. Même si ce sont les meilleurs du monde, il y a peu Oligo-éléments L de chance qu’elle gagne un match ! regrette le chercheur. Éléments minéraux Dit plus sérieusement, le composant ainsi isolé peut être indispensables au bon fonctionnement des disponible trop vite et se traduire par un apport massif cellules, mais en très pour l’organisme, ou perdre de son effet faute de synergie faible quantité avec d’autres éléments, voire changer de fonction. L’effet “matrice alimentaire” est ainsi perdu. » Une hypothèse qui tend à se vérifier pour les antioxydants qui peuvent aussi devenir pro-oxydants sous certaines conditions. Dans l’organisme, il y a des composés appelés « radicaux libres » issus de la « respiration » des cellules. Ces molécules manquent d’électrons, donc pour devenir stables, elles en prennent à d’autres composés. Ce phénomène normal est régulé par les antioxydants qui évitent un surplus de radicaux libres, mais qui, en HANIE

devenant pro-oxydants, ont l’effet inverse. En la matière, /SPL/P K

la métamorphose la plus connue est le bêta-carotène L

qui devient pro-oxydant à forte dose, surtout chez les GHE T GOE UC

fumeurs, favorisant la survenue de cancer de poumon. © ☛ ☛ Anthony Fardet : UMR 1019 Inra/ © Université Clermont 1 Mais ce n’est pas le seul. « Il semblerait que la vitamine C Y. Cui et al. Am J Clin Nutr, avril 2008 ; à fortes doses devienne pro-oxydante, comme le suggèrent L’algue spiruline fait l’objet de recherches au 87 (4) : 1009-18 des études in vitro et l’étude Women’s Health Initiative laboratoire Alpha-Biotech.

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Toutefois, là où le bât blesse encore, c’est sur le contrôle des professionnels du secteur. « D’ores et déjà, nous avons contrôlé 1 000 entreprises et fait environ 200 prélèvements, La citrulline : une force musculaire indique–t-il. Mais nous avons recensé 4 000 professionnels restaurée, un poids diminué ? dont seulement 200 à 300 sont des producteurs français, Même si la citrulline est un et appliquée de Grenoble les autres sont de simples distributeurs qui ne mesurent complément alimentaire, elle fait et Béatrice Morio * du pas qu’ils sont responsables de ce qu’ils vendent. Identifier l’objet de deux essais cliniques laboratoire CarMeN de Lyon et contrôler ces derniers est très long et complexe. » De comme pour des médicaments. ont montré, dans des modèles plus, depuis 2006, la DGCCRF a reçu 65 000 demandes Le premier s’adresse à 30 murins de l’obésité, la capacité de mises sur le marché dont seulement une dizaine pour personnes hospitalisées, de la citrulline associée à des produits non autorisés en Europe et pour lesquels modérément dénutries, réparties l’atorvastatine, une statine de il a fallu mener une enquête. Pour tous les autres, la en deux groupes. L’un prend synthèse, à diminuer la masse procédure est simplement déclarative, fondée sur la des acides aminés dits non grasse totale et à réguler la essentiels, l’autre 10 mg par glycémie L . « À terme, cela « bonne foi ». Or, difficile pour la DGCCRF de vérifier ( ) jour de citrulline. Les médecins pourrait permettre d’agir sur la dans le détail toutes ces requêtes, et seulement 10 à 15 % évaluent la synthèse protéique surcharge pondérale et prévenir le ont été refusées ; des refus motivés par des emballages au niveau du corps entier diabète », selon Béatrice Morio. ou des substances non conformes, ou des données après le traitement. Le second Mais, comme le souligne son incomplètes fournies par le fabricant. Pour autant, les s’adresse à 84 personnes âgées collègue, Christophe Moinard, autorités réglementaires ne sont pas inactives. « En trois de 75 ans et plus, traitées « ce n’est pas non plus un produit ans, nous avons mené 14 enquêtes sur des compléments pendant 12 semaines. Le miracle. Il pourrait juste être un alimentaires, indique Thierry Derozier, de l’OCLAESP. bénéfice éventuel est alors outil en plus pour lutter contre Cependant, il faut reconnaître mesuré au regard de la force ce fléau. » Reste maintenant “ Il faut fuir que les procédures sont longues. musculaire. Les résultats de à valider ces hypothèses chez Nous avons donc un problème ces deux études devraient être l’homme. les produits disponibles respectivement en de réactivité immédiate. » ☛☛Béatrice Morio : unité 1060 Inserm/Insa – 2015 et 2016. Université Claude-Bernard Lyon1 vendus sur En matière de recherche, Internet, dont Enfin, récemment, Christophe là aussi, la vigilance tend Moinard, du Laboratoire de 8 www.inra.fr la traçabilité à se développer. Quelques bioénergétique fondamentale est impossible „ industriels mènent des études chez l’homme, un peu à l’image des essais cliniques pour les médicaments. C’est le cas de Citrage (voir encadré), qui commercialise la en prend un ». Dans le même esprit, « en cas d’effets LGlycémie citrulline - un acide aminé présent dans la peau des indésirables, il est important de consulter un médecin Taux de glucose (sucre) pastèques - dont Luc Cynober *, de l’université Paris- afin qu’il fasse remonter l’information dans le cadre de la dans le sang Descartes, et Christophe Moinard *, du Laboratoire nutrivigilance », recommande Irène Margaritis. Enfin, de bioénergétique fondamentale et appliquée (LBFA) pour éviter bien des déboires, « il faut fuir les produits à visée de Grenoble, ont montré les effets sur la restauration érectile, les amaigrissants et ceux destinés au bodybuilding, musculaire chez des modèles de rats dénutris. Par surtout ceux vendus sur Internet, dont la traçabilité est ailleurs, l’étude VitaOx, celle sur les compléments quasi impossible », souligne Myriam Malet-Martino. adultérés et NutriNet-Santé sont autant de dispositifs Et plus largement, « il faut s’abstenir de consommer les de surveillance des compléments alimentaires. compléments alimentaires dont les études scientifiques Une vigilance qui ne doit pas altérer celle des donnent des résultats contradictoires », conseille Mathilde consommateurs. Première question à se poser : a-t-on Touvier. Reste à trouver des informations autres que vraiment besoin de compléments alimentaires ? « En celles fournies par les industriels. Les avis et études de France, ce n’est pas le cas », assure Mathilde Touvier. Ce l’Anses et de la DGCCRF sont accessibles sur leurs sites que confirme le nutritionniste Jacques Fricker. « En Internet. Les anglophones les plus aguerris au niveau l’occurrence, il faut faire la différence entre un déficit et scientifique peuvent aussi consulter la base de données une carence, indique-t-il. Un déficit engendre un état PubMed qui rassemble les résumés des articles publiés de santé qui n’est pas optimal, tandis qu’une carence se dans 5 000 revues de médecine et de biologie depuis 1950. traduit par des effets cliniques évidents et graves, ce qui En revanche, en France, il n’existe pas de ressource qui est très rare en France. » En outre, si les apports sont recenserait tous les compléments alimentaires, avec leurs satisfaits par l’alimentation, « en apporter plus sera au noms commerciaux et leurs effets supposés, avérés ou ☛☛Luc Cynober : Faculté de pharmacie, Université Paris-Descartes - Service inter- mieux sans bénéfice, au pire toxique. Le plus n’est pas le dangereux. hospitalier de Biochimie, hôpitaux Cochin mieux ! », prévient Irène Margaritis. Pour autant, pas sûr C’est pourquoi, en attendant que cet outil destiné et Hôtel-Dieu (AP-HP, Paris) ☛☛Christophe Moinard : unité 1055 Inserm - que ce constat convainc les adeptes des compléments au grand public soit mis en place un jour peut-être, Université Joseph-Fourier alimentaires. D’où le conseil du nutritionniste, à savoir tous les spécialistes l’assurent : pour être en bonne n  C. Faure et al. Proteomics, juillet 2013 ; « demander conseil à son médecin avant de prendre santé, rien ne vaut une alimentation équilibrée. 13 (14) : 2191-201 un complément alimentaire et toujours l’avertir si on Françoise Dupuy Maury doi: 10.1002/pmic.201200262

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 33 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle ➜Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes Allaitement Par quelles mères ? À la naissance, 74 % des mères choisissent d’allaiter leur bébé ; trois mois après, elles ne sont plus que 40 %. Et moitié moins encore à six mois. Qui sont ces mères qui allaitent ? Et quels sont les éléments qui les font poursuivre ou arrêter ? Deux études récemment publiées tentent de répondre à ces interrogations.

lors que la prévalence (L) de l’allaitement LPrévalence reste faible en France en regard des autres Nombre de cas Apays européens et que sa promotion demeure enregistrés à un temps T une priorité du Programme national nutrition santé (PNNS) 2011-2015, deux études décrivent les profils des mères qui débutent, et prolongent, ou non, ce ELFE L mode d’alimentation. Ainsi, Blandine de Lauzon- Cette cohorte rassemble Guillain *, épidémiologiste au Centre de recherche mères, et à partir du collège pour celles qui sont nées en plus de 18 000 enfants nés entre avril et en épidémiologie et santé des populations (CESP) à France ». Blandine de Lauzon-Guillain estime que cela décembre 2011 Paris, a examiné les caractéristiques des parents en pourrait s’expliquer par une meilleure connaissance des dans 320 maternités fonction du mode d’alimentation choisi pour le bébé, bienfaits de l’allaitement chez les femmes qui ont fait tirées au sort à partir des données de la cohorte ELFE. Elle a permis des études supérieures. « Il est admis que les messages de en France métropolitaine. de mettre en avant trois facteurs qui influencent la prévention sont généralement mieux reçus par le public manière de nourrir les tout-petits. D’abord l’impact qui a suivi une longue scolarité. » Enfin, les chercheurs du pays de naissance des parents : « Alors que près de ont également constaté que 90 % des femmes nées à l’étranger allaitent leur enfant à “ Le lieu plus les femmes avaient fumé ☛☛Blandine de Lauzon-Guillain : la maternité, seuls 66 % des mères nées en France font de naissance pendant leur grossesse, moins unité 1018 Inserm/Université Versailles- ce choix, note la chercheuse. C’est d’ailleurs le critère elles allaitaient. Même si le Saint-Quentin-en-Yvelines - Université des mères est Paris-Sud 11 le plus discriminant. » Les chercheurs ont par ailleurs tabagisme est déconseillé aux ☛☛Benoît Salanave : Unité de surveillance prévu de s’intéresser plus précisément au pays d’origine le critère le plus parturientes, comme pour périnatale et nutritionnelle (Uspen), pour mieux comprendre ce résultat. Ensuite, l’étude a l’ensemble de la population, il Institut de veille sanitaire (InVS), discriminant „ Université Paris-13, Bobigny permis de montrer également que cette prévalence ne devrait pas être considéré  C. Kersuzan et al. BEH, 7 octobre 2014 ; 440-9 augmente avec le niveau social et le niveau d’études comme une indication pour ne pas allaiter ou pour  B. Salanave et al. BEH, 7 octobre 2014 ; 450-7 des mères, « à partir du CAP/BEP pour l’ensemble des arrêter d’allaiter, mais il devrait être assorti de certaines précautions. « Peut-être faut-il rapprocher ce résultat du

% % .

l fait que le tabagisme est associé à un plus faible niveau Lait maternelLait maternel a 100100 t social, ce qui renforce les données précédentes ? », suggère MixteMixte an e 90 90 l’épidémiologiste. suz PréparationsPréparations pour pournourrissons nourrissons Dans la seconde étude, Epifane, consacrée plus 80 80 C. ker

s spécialement à la durée de l’allaitement, Benoît

rè Mode d’alimentation * 70 70 p Salanave retrouve bien le fait que ces trois facteurs 'a

d selon le pays

60 60 m - pays de naissance, niveau d’études, tabagisme -

er de naissance s influencent le choix de l’allaitement. Mais l’âge de la 50 50 des parents mère est également un élément important : par rapport off/in ik 88 % 88 % Le lieu de naissance 40 40 90,8 % 90,8 % aux plus jeunes, celles de 30 ans et plus démarrent plus ul 76,7 % 76,7 %

o du père influe aussi K

. fréquemment un allaitement, et ont aussi tendance F

30 30 65,5 % 65,5 % / sur le choix du mode b d’alimentation. Il dépend à le pratiquer plus longtemps. Portant sur un plus Mère et père nés en France nés en France et père Mère nés en France et père Mère

20 20 haie Mère et père nés à l’étranger nés à l’étranger et père Mère nés à l’étranger et père Mère c ainsi de la représentation petit nombre d’enfants, 2 806, nés entre mi-janvier et

10 10 . Ben de l’allaitement dans son début avril 2012, Epifane a interrogé les mamans par A © Mère née en France, père né à l’étranger père née en France, Mère né à l’étranger père née en France, Mère né en France père née à l’étranger, Mère né en France père née à l’étranger, Mère

© pays d’origine. 0 0 questionnaire à la maternité, ainsi qu’à 1, 4, 8 et 12 mois.

34 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜médecine générale

% 1 mois 3 mois 6 mois 12 mois 100 . l a t

46% anave e anave l

75 a s . b

0j = 74 s 61% rè 77% p 'a d

0j = 59 Non allaités 91% m er 50 AM avec diversification s AM mixte 19% AM prédominant ikoff/in

AM exclusif ul e ko

7% 18% qu 25 éri d fré 11% 21% © ©

28% 10% 9% 0 Âge en jours E 0 50 100 150 200 250 300 350 U O L F

E Évolution des taux d’allaitement maternel de la naissance à 12 mois C

AN Lorsque l’allaitement maternel (AM) est prédominant, cela signifie que le lait maternel est la source D alimentaire principale de l'enfant, mais que d’autres liquides (eau, jus de fruit, tisane…) peuvent lui être EN /T donnés. Quant à l’AM mixte, il indique que l’enfant reçoit aussi des préparations pour nourrissons (PN).

EYER L’AM avec diversification signifie qu’en plus du lait maternel, l’enfant consomme régulièrement M ©

© au moins un aliment semi-solide ou solide, du lait de vache, d’autres animaux ou « végétal ».

Ainsi, chez celles qui ont commencé l’allaitement, la durée l’heure suivant l’accouchement voient leur lien avec médiane était de 105 jours, soit 15 semaines. À 3 mois, la durée de l’allaitement s’amenuiser au fil des mois. 39 % des enfants étaient allaités ; à 6 mois, 23 % seulement Chose surprenante, il n’y a pas de chute brutale de l’allai- et à 12 mois, ils n’étaient plus que 9 %. Des chiffres à tement au moment de la fin légale du congé maternité, à rapporter aux recommandations de l’Organisation 10 semaines. Sur ce point, plusieurs explications pos­ sibles. mondiale de la santé qui préconise l’allaitement exclusif Benoît Salanave souligne la variabilité du moment jusqu’à l’âge de 6 mois, puis associé à une diversification ­effectif du retour au travail : selon le nombre d’enfants, jusqu’aux 2 ans de l’enfant La plupart des la convention collective propre à l’entre- variables associées à la décision d’allaiter sont “ L’allaitement, prise, ou encore le fait de prendre un congé également liées à sa durée chez les femmes parental, cette reprise peut s’étaler sur une qui allaitent. Toutefois, le niveau d’études, s’il est naturel, période post-accouchement assez longue. le nombre de séances de préparation à peut néanmoins « Par ailleurs, certaines femmes continuent l’accouchement, le fait d’avoir subi une nécessiter à allaiter, en maintenant au moins une tétée césarienne et le contact peau à peau dans des conseils „ matin et soir, ou parce qu’elles bénéficient d’une crèche sur le lieu de travail, ou encore en tirant Des bienfaits pour la mère et l’enfant leur lait au cours de la Si la composition du lait maternel évolue avec ­journée », avance Blandine l’âge des enfants, elle change également au de Lauzon-Guillain. cours de la tétée pour s’adapter au mieux aux  (1) M. A. Quigley et al. Pediatrics, Quoi qu’il en soit, pour besoins du nourrisson. Au titre des bienfaits avril 2007 ; 119 (4) : e837-e842 les chercheurs, il n’est en de l’allaitement maternel, Benoît Salanave (2) M. S. Kramer et al. JAMA, 24-31 janvier 2001 ; 285 (4) : 413-20 aucun cas question de souligne « la protection du nourrisson contre forcer les mères à allaiter. (1) (3) J. P. Chouraqui et al. Arch Pediatr, les infections, notamment respiratoires, ORL avril 2008 ; 15 (4) : 431-42 Benoît Salanave consi- (2) et digestives , via la transmission des anticorps (4) Organisation mondiale de la dère qu’il s’agit d’apporter de la mère. Dans les populations à risque, santé. Stratégie mondiale pour toute l’aide nécessaire aux l’allaitement protègerait contre l’eczéma et l’alimentation du nourrisson et (3) du jeune enfant - Durée optimale femmes qui en ont le désir, l’asthme . » Quant à la mère, l’allaitement de l’alimentation au sein exclusive. favorise la rétractation de l’utérus, ce qui 2001 pour pouvoir poursuivre diminue les risques d’hémorragies et (5) World Cancer Research Fund. autant qu’elles le sou- d’infections du post-partum(4). Il constitue Food, nutrition, physical activity, and haitent. Et rappelle que the prevention of cancer: a global également un facteur de protection du risque perspective. American Institute for bien que « naturel, il puisse de cancer du sein(5). Cancer Research, 2007 nécessiter des conseils tech- niques ». n Julie Coquart

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Médicaments TABAGISME et allaitement * La précarité nuit Quels effets pour bébé ? à la perception des risques Dans quelle lors que de nombreux pays enregistrent un déclin du mesure le statut tabagisme, les milieux socio-économiques les plus socio-économique Adéfavorisés notent une concentration cro­ issante influence-t-il la de fumeurs. Pour Patrick Peretti-Watel du Cesstim à perception des ­Marseille, cela pourrait être le reflet d’une différenciation risques liés au sociale de la perception des risques. P Il s’est ainsi intéressé avec ses collaborateurs aux résultats d’une AF tabagisme ? Et, ainsi, S/ I enquête, menée par l’Institut national de ­prévention et d’édu- h/ c la consommation cation pour la santé, sur la consommation et les ­profils socio-

ren de tabac ? Réponse F économiques des fumeurs fra­ nçais. Sur les 3 727 ­personnes s e

m avec une enquête de 18 à 75 ans interrogées de manière ­aléatoire par télé- a J ©

© analysée par Patrick phone, 826 étaient des fumeurs ­réguliers (au moins une Isabelle Lacroix *, pharmacologue au Peretti-Watel * cigarette par jour). Pour 38 % d’entre eux, fumer ne peut CHU de Toulouse, s’est intéressée aux effets au Sesstim provoquer des cancers que pour une ­consommation indésirables, sur les enfants allaités, des quotidienne supérieure à la leur ; 22 % de plus estiment, médicaments pris par la mère, et notifiés dans ☛☛Patrick Peretti-Watel : unité 912 Inserm/ par ailleurs, qu’il faut une durée de tabagisme plus longue la base de données de pharmacovigilance IRD – Aix-Marseille Université Sciences que la leur pour que le risque de cancer devienne élevé. française entre janvier 1985 et juin 2011. économiques et sociales de la santé et du traitement de l’information médicale Seuls 40 % des sondés estiment que le tabac présente Premier constat : seuls 276 effets indésirables un haut risque pour la santé, quelle que soit la consom- concernant 174 enfants ont été rapportés. P. Peretti-Watel et al. Addictive Behaviors, septembre 2014 ; 39 (9) : 1304-10 Certainement parce que la majorité des mation. Ces perceptions du risque étaient fortement médicaments passe faiblement dans le lait, mais aussi que les effets indésirables sont sous-notifiés. La plupart d’entre eux étaient neurologiques - insomnie, troubles du Troubles bipolaires comportement… - (28,6 %) et gastro-intestinaux - diarrhées, vomissements… - (20,3 %). L’étude Les Français préfèrent les psys confirme surtout le risque d’effets indésirables Caractérisée par une à comparer les prises en vs 49,6 %). Or, l’efficacité avec les médicaments opiacés et les anti- alternance de phases charge thérapeutiques des de ces derniers dans les épileptiques. Mais elle interroge sur l’utilisation dépressives, de leurs patients bipolaires en France troubles bipolaires n’est pas du kétoprofène, pour lequel la littérature ne opposés - les phases et dans le reste de l’Europe. clairement établie et peut rapporte pas de risque particulier et qui, en maniaques - et de phases Ainsi, 2 507 patients, recrutés entraîner un risque accru de analysant les données, semble pourtant associé intercritiques (L), la dans huit pays européens comportement suicidaire et à des effets de type anti-inflammatoire non bipolarité est un trouble de entre mars et septembre de brusques passages d’une stéroïdien (ulcère de l’œsophage, hémorragie l’humeur pour lequel il existe 2010, ont été suivis dans humeur dépressive à une de nombreux traitements l’étude WAVE-bd, pendant humeur maniaque. Toutes méningée, insuffisance rénale…). Même pharmacologiques. Mais 12 à 27 mois. les recommandations constat avec l’hydroxyzine, un médicament aux si ceux-ci permettent une Résultat principal : s’accordent pour arrêter propriétés anti-histaminiques souvent utilisé rémission des épisodes, en France, les malades les antidépresseurs en comme anxiolytique, responsable, notamment, ils n’empêchent pas un consultent davantage dehors des phases de de sédation chez les enfants allaités. « Le taux de récidive important psychiatres et psychologues, dépression. Malgré cela, plus important, souligne la chercheuse, n’est (90 %). Frank Bellivier *, tandis que dans les autres l’étude WAVE-bd montre pas d’alarmer les mères qui allaitent. Il s‘agit de l’unité Variabilité de pays européens, ils ont que, dans les huit pays, plutôt de rappeler que, pendant cette période réponse aux psychotropes, majoritairement recours ils étaient toujours prescrits post-accouchement, il faut demander l’avis de à Paris, a participé à une au médecin généraliste chez les patients en étude internationale visant ou à un service d’urgence. phase maniaque (18,5 %), professionnels de santé avant toute prise de Quant aux médicaments, hypomaniaques (34,3 %) et médicament. Il en existe dont on sait qu’ils sont les Français reçoivent, mixtes (40 %). Cela illustre sans danger pendant l’allaitement. » Même s’il LPhase intercritique comparativement à leurs la difficulté qu’il peut y faudrait plus d’études pharmacocinétiques et Période située entre voisins européens, moins de avoir à identifier les phases, cliniques. J. C. les troubles de l’humeur lithium (20,8 % vs 26,6 %) et même quand le diagnostic * Voir p. 34-35, Allaitement – Par quelles mères ? récurrents, au cours d’antipsychotiques (48,5 % est posé. E. L. de laquelle les patients ☛☛Isabelle Lacroix : unité 1027 Inserm – Université Toulouse III-Paul-Sabatier, vs 68,9 %), et davantage de ☛☛Frank Bellivier : unité 1144 Inserm – Épidémiologie et analyse en santé publique : risques, maladies chroniques et handicap présentent souvent des benzodiazépines (30,6 % Université Paris-Descartes C. Soussan et al. European Journal of Clinical Pharmacology, novembre 2014 ; symptômes résiduels, le plus vs 24,5 %) et surtout F. Bellivier et al. L’Encéphale, 70 (11) : 1361-6 souvent de type dépressif. d’antidépresseurs (57,1 % 16 septembre 2014 ; 40 : 392-400

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Risques cardiovasculaires Consommez des produits laitiers frais ! Au sein du département de Cardiologie du CHU de Toulouse, Jean Ferrières * s’intéresse particulièrement aux effets protecteurs de l’alimentation sur notre santé cardiaque. Avec des collègues de plusieurs unités Inserm *, il a dirigé une étude sur les relations ia ia l l o o entre les types de produits laitiers t t o o F F © consommés et les facteurs de risques © cardiovasculaires (pression artérielle, associées à un statut socio-économique défavorisé. diabète, surpoids, teneurs en lipides dans ii Sergieiev/ « Les personnes qui, en raison de leur précarité, vivent au le sang) influencés par les habitudes s ek

alimentaires. Ils ont différencié, d’une Ol jour le jour, n’imaginent pas nécessairement leur vie dans © 20 ou 30 ans. Il est alors plus ­difficile de faire intégrer les part, les produits laitiers frais (lait, © yaourts, fromage frais) plus faibles en ☛☛Jean Ferrières : unité 1027 Inserm – messages qui mettent en garde contre les dommages futurs matière grasse et, d’autre part, ceux Université Toulouse III-Paul-Sabatier, sur la santé », reconnaît le chercheur. En effet, 90 % des Épidémiologie et analyses en santé contenant les fromages. Pendant trois publique : risques, maladies chroniques personnes ne se sentant pas concernées par les risques se jours consécutifs, ils ont suivi le régime et handicaps, équipe Épidémiologie disent pourtant bien, voire très bien informées sur le sujet. de l’athérosclérose et des maladies alimentaire de 3 078 participants. cardiovasculaires L’analyse pointe que les médias, et surtout la télévision, Résultats ? Une consommation majoritaire ☛☛Unité 1060 Inserm/Insa Lyon – Université la radio et les journaux, prennent une place importante de produits laitiers frais, retrouvée Claude-Bernard-Lyon 1, Laboratoire notamment chez des personnes ayant de recherche en cardiovasculaire, dans l’avis des citoyens. Il ne faut pas non plus négliger métabolisme, diabétologie et nutrition Internet où nulle information n’est filtrée. Avec cette étude, un régime alimentaire équilibré, est (CarMeN) l’importance de comprendre les motivations et usages de reliée à un risque faible de mortalité ☛☛Unité 744 Inserm/Institut Pasteur Lille chacun vis-à-vis du tabac semble cruciale afin de mettre cardiovasculaire. Les résultats d’une – Université Lille 2 Droit Santé, Santé étude longitudinale par la même équipe publique et épidémiologie moléculaire n N. J. des maladies liées au vieillissement en place des préventions plus efficaces. sont en cours de publication afin de mieux S. Huo Yung Kai et al. European comprendre les effets des produits laitiers Journal of Preventive Cardiology, sur notre santé cardiaque. J. P. décembre 2014 ; 21 (12) 1557-67 Santé à la maternelle Les inégalités sociales déjà à l’œuvre maternelle et infantile) l’alimentation… de ces consultations au conseil général D’après l’analyse de dans le parcours de soin du département des ces enquêtes, trois des petits en fragilité Hauts-de-Seine, critères influencent le sociale. effectuées en 2005 et taux d’orientation vers À travers ces résultats, 2010 et concernant un médecin spécialisé : les auteurs de l’étude 1 914 puis 1 227 enfants la pratique d’une souhaitent interpeller scolarisés en petite langue étrangère, la les politiques de ou moyenne section scolarisation en zone santé publique pour

HANIE de maternelle. Lors d’éducation prioritaire une meilleure prise /P des bilans de santé, (ZEP) et la faiblesse de en compte au niveau RGER

BU les médecins de la la couverture sociale local et national des © © PMI recherchent de santé. Ainsi, plus inégalités sociales de Un enfant passe Dès l’âge de 4 ans, des anomalies de la les enfants cumulent santé déjà présentes un test cognitif l’origine sociale des vue, de l’audition, ces critères, plus ils à 4 ans, et réaffirmer dans un service enfants se ressent du langage ou celles sont orientés vers un l’importance de de PMI. dans leur prise en liées à l’examen spécialiste. l’examen de santé PMI charge sanitaire. physique. Ils disposent À noter aussi que la à cet âge. E. L. également d’autres fréquentation antérieure C’est ce qui ressort ☛☛Corinne Bois : unité de service 2 Inserm/ de deux enquêtes, informations comme des centres de PMI est Institut national d’études démographiques/ réalisées par Corinne la composition de la également plus grande Établissement français du sang * famille, le temps passé chez ces enfants, ce qui C. Bois et al. Bulletin épidémiologique Bois , médecin hebdomadaire, 13 mars 2014 ; de PMI (Protection à l’école, le sommeil, témoigne de la place 2014 (29) : 482-90

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 37 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale ➜Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes AAVLife Au cœur de la thérapie génique La cardiomyopathie (L) liée à l’ataxie de Friedreich est fatale à de nombreux malades. Mais d’ici quelques années cette complication pourrait être contrôlée grâce à une nouvelle société de biotechnologie, AAVLife, et à ses fondateurs qui développent une thérapie génique révolutionnaire.

’ataxie de Friedreich est une maladie neurodégénérative rare Ld’origine génétique. Elle touche 1 personne sur 40 000 en France et se déclenche, dans la majorité des cas, entre 10 et 15 ans. Elle se manifeste LCardiomyopathie alors par des troubles progressifs de Détérioration du muscle l’équilibre et de la coordination des cardiaque, qui conduit mouvements, qui confinent la plu- généralement à une défaillance cardiaque part des malades dans un fauteuil (« la crise cardiaque »). roulant après 10 ans d’évolution. Une cardiomyopathie est fréquem- ment associée et conduit au décès m

ATP er

L précoce de nombreux patients entre s /in

L’adénosine-5’- 20 et 30 ans. C’est pour combattre t triphosphate (ATP) cette atteinte cardiaque létale qu’est éne u

est la molécule qui fournit g l’énergie nécessaire aux née en 2014 AAVLife, une spin off s réactions chimiques du de l’Inserm qui travaille à une théra- rançoi F métabolisme de chaque pie génique pr­ ometteuse. À l’origine © être vivant. de sa ­fondation, trois médecins et © chercheurs de l’Inserm : Patrick Au­ bourg * et Pierre un premier modèle murin À l’origine du projet, ­Bougnères *, à l’hôpital Bicêtre, respectivement ­dépourvu de gène FXN et Pierre Bougnères ­professeurs de neurologie et d’endocrinologie pédia- met en évidence la néces- (à gauche), * Patrick Aubourg trique et dire­ cteurs de l’unité 1169, et Hélène Puccio , sité vitale de la frataxine, (à droite), et ­directrice de recherche à l’Institut de génétique et de les souris mourant lors du Hélène Puccio, ­biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) à Strasbourg. développement embryon- spécialiste de naire précoce. Les études l’ataxie de Friedreich Une protéine essentielle fondamentales de nom- L’aventure commence en 1996 par l’identification du breuses équipes internationales, y compris de l’équipe gène FXN, par l’équipe de Michel Koenig *, dans d’Hélène Puccio, ont permis de démontrer que la protéine le laboratoire du professeur Jean-Louis Mandel à est essentielle pour la « respiration » de la mit­ ochondrie, l’IGBMC. Ce gène code pour une protéine, la ­frataxine, l’organelle qui produit l’ATP (L), l’énergie de nos cellules. dont le taux fortement réduit est à l’origine de la cardio­ Sans frataxine, elles dégénèrent et meurent. « En 2001, myopathie dans l’ataxie de Friedreich. « En 1998, j’ai nous avons créé, entre autres, un second modèle animal ­rejoint le laboratoire de Michel Koenig, se souvient dépourvu de frataxine dans le cœur une fois celui-ci formé, Hélène Puccio, pour développer puis caractériser des afin de reproduire les conditions de l’atteinte cardiaque modèles animaux et mener des recherches fondamentales chez les malades », poursuit Hélène Puccio. « Les souris sur la fonction de la frataxine, sur la compréhension de mouraient alors d’une cardiomyopathie sévère, plus sévère ☛ ☛Patrick Aubourg, Pierre Bougnères : la mutation du gène et pour en comprendre la physio­ encore que chez les malades, puisqu’elles n’avaient même unité 986 Inserm – Université Paris-Sud 11 pathologie au niveau cardiaque et neurologique. » pas un taux résiduel de frataxine. » ☛☛Hélène Puccio, Michel Koenig : unité 964 Inserm/CNRS – Université de Des travaux qui prennent plusieurs années. En 2000, De leur côté, Patrick Aubourg et Pierre Bougnères Strasbourg, IGBMC l’équipe de Michel Koening et d’Hélène Puccio génère ­travaillent à la mise au point de thérapies géniques,

38 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜entreprendre

avec le succès, en 2009, dans le traitement contre vers les patients, explique Pierre Bougnères. La transition l’adréno­leucodystrophie* (L). « Fin 2010, Pierre et moi vers l’homme est difficile à financer car très onéreuse. Adrénoleuco ­ travaillions à des approches de thérapie génique pour des Et, on ne peut pas compter sur les financements publics Ldystrophie maladies du système nerveux reposant sur l’administration pour avancer vite. » Après de premières démarches Maladie neuro- de vecteurs viraux adéno-associés (AAV) (L) », se remé- infructueuses de levée de fonds, Pierre Bougnères et dégénérative rare more Patrick Aubourg. Ces petits « véhicules » sont utili- Patrick Aubourg pr­ ésentent leurs projets à Inserm qui attaque la myéline sés pour faire pénétrer un gène dans le noyau de cellules. Transfert qui les oriente vers Inserm Transfert Initiative des neurones, la (L) substance protectrice « Un de ces vecteurs AAV permettait de cibler avec efficacité (ITI) . Fin 2013, ce fonds est prêt à financer le début qui entoure les fibres des organes tels que le cœur. C’est alors que j’ai songé à son de l’aventure à hauteur de 2 millions d’euros. « Toutefois, nerveuses (axones) utilisation pour traiter l’ataxie de Friedreich », poursuit-il. cela ne ­suffisait pas pour emmener AAVLife jusqu’aux dans le cerveau et essais sur de grands animaux », précise Patrick Aubourg. la moelle épinière, Une start-up pour les patients Via ITI, un deuxième investisseur entre en piste. En dans le cerveau de garçons entre Parce qu’il a un long passé de collaboration et d’­ amitié avril 2014, Versant Ventures, une société interna­ 5 et 12 ans. avec l’IGBMC** et qu’Hélène Puccio est une so­ mmité tionale d’investissement spécialisée dans la santé, fait un pour cette maladie, le neurologue-chercheur se ­investissement exceptionnel de 12 millions de dollars. Vecteur viral « La somme réunie devrait nous Ladéno-associé suffire pour conduire un essai (AAV) clinique jusqu’à la phase 1/2A, Virus humain soit la première tentative de à petit ADN simple brin thérapie génique chez des patients et non pathogène atteints de cardiomyopathie d’ataxie de Friedreich. Si Inserm tout va bien cet essai devrait LTransfert (IT) débuter fin 2016-début 2017 », Filiale privée de l’Inserm dont la mission principale prévoit Patrick Aubourg. Leurs est de coordonner programmes de recherche se la valorisation des déroulent sous un contrat de innovations biomédicales partenariat public-privé avec les issues des laboratoires laboratoires de l’IGBMC et celui de recherche de l’Inserm. de l’unité 1169 dont l’équipe de Inserm Transfert

BMC thérapie génique est implantée

IG LInitiative (ITI)

r/ au CEA de Fontenay-aux- u Société rattachée à Roses. C’est dans cette dernière l’Inserm et à Inserm ra Bo d structure et par Elie Fadel, Transfert, et dédiée au San © qui dirige le département de financement d’amorçage © Chirurgie cardio-pulmonaire de jeunes entreprises tourne vers la chercheuse pour ­envisager la thérapie de l’hôpital Marie-Lannelongue, que sont menées les innovantes dans le domaine biomédical génique. Ils se lancent alors dans les pr­ emières recherches chirurgicales. Car le traitement envisagé par expérimentations. Et, en 2013, les résultats tombent… AAVLife comportera une intervention chirurgicale. ils sont spectaculaires ! « C’était ­extraordinaire !, lance « Pour le moment, on ne voit pas de possibilité d’injecter Hélène Puccio. On ne s’­attendait pas à ce que ce soit le vecteur “ médicament ” par voie intraveineuse, aussi rapide ! » Au bout d’une sem­ aine, explique Patrick Aubourg. Il n’y en l’effet thérapeutique s’est fait ressentir et “ Des premiers tests aurait que très peu qui atteindrait le la cardiomyopathie a été entièrement cœur et, en plus, la majorité se logerait corrigée en 4 ­semaines seulement sur l’homme devraient dans des organes comme le foie, où il 8 * presse-inserm.fr débuter fin 2016 „ chez les souris. Patrick Aubourg est pourrait être toxique. » C’est donc par ** Patrick Aubourg et enthousiaste : « Je n’ai pas souvenir que, injection directement dans la paroi du Jean-Louis Mandel ont identifié le gène de par thérapie génique chez des modè­ les murins de maladie ventricule gauche que seront administrés le vecteur l’adrénoleucodystrophie humaine, pour quelque maladie que ce soit, cardiaque et son gène thérapeutique. Si tout se passe bien, les en 1993. entre autres, nous ayons obtenu un effet aussi rapide. » chercheurs envisagent des essais 2b/3, c’est-à-dire sur Sans tarder, ces travaux génèrent le dépôt d’un brevet un plus grand nombre de patients (20 à 30), au second en 2013 via Inserm Transfert (L). semestre 2018, en France et aux États-Unis en parallèle. Dans la foulée, germe l’idée de créer une start-up. Des délais finalement relativement courts au regard des Au trio se joint Ronald Crystal, grand spécialiste de temps habituellement évoqués dans les . la ­thérapie génique, et particulièrement des vecteurs Mais qui reste encore trop long pour des centaines de AAV, à l’université Cornell de New York. « Patrick et malades qui attendent avec anxiété qu’un traitement moi avons créé, en janvier 2014, la trame d’AAVLife avec puisse réduire la gravité de leur cardiomyopathie, voire l’envie de porter cette avancée thérapeutique rapidement la guérir. n Pascal Nguyên

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 39 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre ➜Opinions • Stratégies • Bloc-Notes

•• Et•• iquetage des aliments Est-ce une bonne idée ? Pour aider les consommateurs à choisir des aliments plus sains, la nouvelle loi de santé prévoit l’apposition, sur la face avant des emballages, d’un logo d’information, reflet de la qualité nutritionnelle. Une mesure plébiscitée par les acteurs de la santé, décriée par les industriels. HANIE /P GARO © © Ce qui fait débat Serge Hercberg n France, les pathologies Nutritionniste, président du Programme national cardiovasculaires sont nutrition santé (PNNS), directeur de l’Équipe de la deuxième cause de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN) *

E t mortalité, le diabète touche et auteur du rapport Hercberg éne Gu 2,5 millions de personnes et l’obésité 17 % des adultes : s De nombreux travaux, dont ceux de l’étude

les facteurs nutritionnels sont rançoi NutriNet Santé (L) montrent que les logos coloriels F /

largement impliqués. Parmi m sont intuitifs et permettent aux consommateurs de er s

n mieux comprendre l’information nutritionnelle que

les mesures envisagées pour I © contrer cette tendance : © les tableaux chiffrés. Ils sont surtout plébiscités un étiquetage simple, intuitif et par les populations vulnérables, dont le compréhensible sur la qualité niveau d’éducation ne leur permet pas nutritionnelle des aliments. Les scientifiques notent d’analyser correctement les étiquetages Le projet de loi de santé, l’impact positif des actuels, et qui sont les plus touchées par débattu à l’Assemblée logos de couleur „ les maladies en lien avec l’alimentation. nationale dès janvier 2015, Notre choix s’est porté sur un logo à propose l’apposition d’un 5 couleurs, et non à 3, parce qu’un plus grand nombre de seuils permet logo d’information sur les de mieux différencier la qualité nutritionnelle de produits. Pour passer aliments transformés. Parmi d’un seuil à un autre, les industriels devront aussi procéder à plus de les possibilités, le système reformulations, mais leurs efforts seront mieux valorisés. L’industrie coloriel du rapport Hercberg, agroalimentaire juge la mesure « simpliste » et « prête à penser ». Mais dont la pastille décrit la qualité de nombreux résultats scientifiques se rejoignent sur l’impact positif nutritionnelle d’un produit de ces logos. En 2011, une expérience de l’Inra a montré l’amélioration allant du vert (la meilleure), de la qualité nutritionnelle des caddies chez 68 % des personnes après au jaune, orange, rose-fuschia l’introduction de divers logos nutritionnels, ceux à pastilles étant les plus et jusqu’au rouge (la moins efficaces. Les industriels avancent aussi que la présence de la couleur bonne). L’idée est soutenue rouge stigmatise certains produits, par un collectif de plus d’une ce qui pourrait causer des carences. trentaine de sociétés savantes, Il n’y a aucun fondement scientifique à LÉtude NutriNet Santé associations et acteurs de terrain. cela, au contraire, les consommateurs Les comportements alimentaires comprennent très bien le message. La de 267 000 internautes (à terme, Mais l’Association nationale les scientifiques espèrent en des industries alimentaires s’y communication associée appelle à ne pas recruter 500 000) sont étudiés oppose, craignant que certains rejeter les produits étiquetés « rouge » afin d’identifier les facteurs de produits soient stigmatisés. mais à adapter la consommation en risque ou de protection liées à la conséquence (occasionnelle ou en petite nutrition et les déterminants des En parallèle, le groupe Carrefour comportements alimentaires et a pris une initiative controversée quantité) ou, encore mieux, à faire le d’orienter les politiques en proposant, en septembre choix d’un produit équivalent mais de publiques. dernier, son propre système meilleure qualité nutritionnelle proposée d’étiquetage nutritionnel. par une autre marque. 8 www.etude-nutrinet-sante.fr

40 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜opinions

Mike Rayner Professeur de santé de la population et directeur de la British Heart Foundation à l’Université d’Oxford, en Grande-Bretagne En Grande-Bretagne, la qualité nutritionnelle des aliments est indiquée depuis 2013 sur l’emballage via un logo s’inspirant des feux de circulation. Ce « traffic light »

est composé de 4 pastilles, chacune d’elles pouvant être ayner R verte, orange ou rouge et se référant à un indicateur en Mike ©

particulier : les acides gras, les acides gras saturés, le © sucre et le sel. Dix ans ont été nécessaires pour rendre possible cette apposition volontaire. Elle est déjà présente sur 60 % des produits : c’est Des pastilles de une grande avancée en matière de prévention. Le couleur pour 4 types ☛ ☛S erge Hercberg : unité 1153 Inserm/Université Paris 7-Denis-Diderot/ logo coloriel proposé dans le rapport Hercberg va d’ingrédients „ Université Paris 13 Inra/CNAM, Centre de recherche en épidémiologie et encore plus loin, il intègre toutes les composantes biostatistique Sorbonne-Paris-Cité et département de Santé publique hôpital Avicenne (Bobigny) décrites par les 4 pastilles britanniques dans un seul score global, ce qui  Rapport Hercberg : rédigé par le professeur Serge Hercberg permet aux consommateurs d’utiliser immédiatement l’information. Il pallie et remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, ainsi une faiblesse de notre système : que doit penser le consommateur en janvier 2014. Il présente des propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique. lorsqu’un produit est marqué de 2 pastilles rouges et de 2 vertes ? Et que choisir entre un aliment à teneur élevée en sel mais faible en lipides et un 8 www.sante.gouv.fr autre à faible teneur en sel mais riche en lipides ? L’étiquetage à une seule pastille élimine toute ambiguïté. La méthode qui permet aux scientifiques français de calculer le score global de ce logo – et donc sa couleur – est celle Pour mieux comprendre le système que nous avons développée à la demande du gouvernement britannique dans d’information nutritionnelle, voir la vidéo : le but de déterminer les produits alimentaires pour lesquels il est autorisé de faire de la publicité à la télévision, ou non, aux heures d’écoute des enfants. 8 http://www.youtube/GAwTyEEHnOs En résumé, plus l’aliment contient d’acides gras, d’acides gras saturés, de sucres et de sel, plus il marque des points négatifs. Ce score est pondéré si l’aliment contient des fruits, des légumes, des fibres et des protéines. m er s

/in Les tableaux de chiffres amont des ­discussions ­européennes sur INCO, mais le lobby t

éne présents aujourd’hui sur de l’industrie alimentaire l’avait empêchée. Pire, cette nouvelle u g

s la face arrière de bon réglementation limite fortement les marges de manœuvre nombre d’emballages ali- des États pour développer un logo simplifié ! Comme celui-ci rançoi F

© mentaires ne répondent permet de comparer la qualité nutritionnelle de produits sem- © pas au droit des consom- blables fabriqués par différentes marques, les industriels ont Olivier Andrault mateurs de connaître la peur de devoir modifier la composition de leurs produits… et qualité nutritionnelle de de perdre des parts de marché. Car leur stratégie pour faire Chargé de mission Alimentation et nutrition pour l’association de ce qu’ils achètent. Or, « aimer » un produit a, en effet, été de le rendre plus goûteux, consommateurs UFC-Que Choisir c’est ce format que la en ajoutant sucres, matières grasses et sel. Autant de subs- nouvelle réglementation tances qui nuisent à la qualité européenne INCO (Information des consommateurs sur les nutri­tionnelle… Nous pensons denrées alimentaires) va rendre d’ici à décembre 2016 obli- Nous plébiscitons que l’implication de la grande gatoire. Mais ce ne sera jamais un outil de santé publique : l’utilisation d’un distribution sera plus aisée : les ­informations données, comme la proportion de glucides, une chaîne ne peut pas craindre de protéines ou de lipides, sont incompréhensibles pour une logo coloriel „ de voir ses ventes de chocolat grande partie de la population. Résultat : l’étiquetage nutri- ­s’effondrer car, en revanche, celles de produits plus sains grim- tionnel est la dernière information regardée à l’achat, après pera. ­L’initiative de Carrefour va dans ce sens, mais le format le prix, le poids, la date limite de consommation et la liste proposé initialement - différent de celui pressenti pour la loi des ingrédients. En tant qu’association représentante des de santé - était contre-productif, car il empêchait les consom- consommateurs, nous plébiscitons l’utilisation d’un logo mateurs de choisir entre les produits. Depuis, Carrefour a ­coloriel, simple, tel que celui proposé par le rapport Hercberg. ­annoncé sa volonté de se rallier au dispositif national lorsque L’utilisation d’un logo ­simplifié avait d’ailleurs été évoquée en celui-ci sera officialisé. Propos recueillis par Alice Bomboy

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 41 • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions ➜Stratégies • Bloc-Notes Jean-FranCois Delfraissy •••• « Monsieur Ebola » fait un premier bilan

En octobre dernier, Jean-François Delfraissy, partir de 2004 en Afrique. Avec Ebola, il n’a fallu que cinq mois : les molécules candidates, comme le favipira- directeur de l’Institut de microbiologie et maladies vir, ont été administrées, sans d’ailleurs qu’on connaisse infectieuses (IMMI) de l’Alliance pour les sciences de la vie leur efficacité, à des personnels des ONG rap­ atriés au et de la santé (Aviesan) et directeur de l’ANRS Nord au cours de l’été dernier, et nous allons commencer (France Recherche Nord&sud Sida-hiv Hépatites) a un essai thérapeutique avec cette molécule, coordonné par l’Inserm, chez des patients en Guinée mi-décembre. été nommé par le Premier ministre, Manuel Valls, « coordinateur interministériel de l’ensemble des S&S : Cette épidémie vous a-t-elle permis d’en opérations internationales et nationales » de réponse à savoir plus sur le virus ? l’épidémie d’Ebola. Désormais chargé de coordonner les J-F. D. : Le virus a été isolé et séquencé dès avril 2014 par des équipes du CNR, IPP et P4 Inserm de Lyon. différents pôles de la task force interministérielle, il revient L’épidémie actuelle importante, durable, est réguliè­ avec nous, après un an, au début de cette crise sanitaire. rement surveillée pour regarder l’apparition éventuelle d’une mutation virale (pour l’instant non survenue). Elle est une sorte de plateforme observationnelle pour comprendre ce qui se passe pendant la phase d’incuba- Science&Santé : Vous tion, et lorsque les symptômes apparaissent au niveau avez souvent souli- physio-pathogénie. Nous savons maintenant qu’il y a à gné les différences la fois une déficience immu­ entre la réaction à nitaire et une explosion de “ Le transfert l’épidémie de VIH l’activité des cytokines, ces de possibles hier et celle d’Ebola petits médiateurs essen- aujourd’hui. En quoi tiels à la communication médicaments divergent-elles ? entre les cellules du système des pays du Nord Jean-François immu­nitaire et d’autres vers ceux du Sud ­Delfraissy : Les deux cellules de l’organisme. Il a été rapide „ m

er épidémies sont diffé- existe ainsi une cascade de s

/in rentes : Ebola est une phénomènes biologiques, qui ne sont pas directement t

éne ­maladie aiguë avec 50 % ­provoqués par le virus lui-même, mais que l’infection a u g

s de mortalité en quelques ­néanmoins déclenchés. Grâce à la cohorte de survivants semaines, alors que ­coordonnée par des chercheurs français et guinéens, rançoi F

© le VIH conduit à une avec la participation d’associations de patients, nous © ­maladie chronique. Ce serons ren­ seignés sur les mécanismes immunitaires qui dernier a déclenché une mobilisation importante de la permettent de contrôler le virus. société civile, avec un engagement fort de personnalités qui ont donné de la visibilité à l’épidémie. Ebola, dont S&S : Quelles leçons peut-on tirer de notre l’impact n’est sensible qu’au Sud n’a pas suscité ce même capacité à répondre à l’épidémie? Avons-nous engagement, en particulier au Nord. Mais dans les deux été efficaces ? cas, nous nous sommes retrouvés confrontés au début J-F. D. : En dehors des organisations non de l’épidémie à un virus que nous connaissions mal ou à gouvernementales comme Médecins sans frontières un virus nouveau, sans traitement spécifique ni vaccin. (MSF), les acteurs de la réponse sanitaire ont été lents à Point positif, le transfert de possibles médicaments des se mettre en place. Il y a eu un décalage, me semble-t-il, pays du Nord vers ceux du Sud a été bien plus rapide entre la réalité de l’épidémie et la prise de conscience dans l’épidémie d’Ebola. Les trithérapies contre le VIH de sa gravité. La communauté internationale s’est ont été disponibles en 1996 en Europe, et seulement à « réveillée » à partir de début juillet 2014.

42 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜stratégies O T HO P AF D / AR LL I U O B RI .T K © ©

S&S : L’épidémie a donc été sous-estimée ? Un soignant revêtu de la tenue de protection, J-F. D. : Il n’était pas facile d’imaginer qu’elle aurait une au centre de Macenta, en Guinée, tenu par la telle ampleur car les épisodes précédents s’étaient éteints Croix-Rouge d’eux-mêmes. Il faudra tirer les leçons de ce ret­ ard à une urgence sanitaire. Mais, depuis fin août, une vraie a favorisé le contact entre les chauves-souris-hôtes mobilisation internationale s’est mise en place. Les ­réservoirs du virus, les animaux sauvages et les villageois. ­financements sont débloqués, la collaboration entre les La transmission a aussi été facilitée par le développement ­différents ­acteurs est bien installée et une répartition économique et la plus grande mobilité des populations ­efficace des rôles s’est opérée entre Anglais, rurales africaines. Enfin élément majeur, ­Français, Américains, Européens et les pays “ Il n'était pas les pays touchés ont un système sanitaire d’Afrique de l’Ouest concernés. Deux pays très désorganisé. Cela dit, on ne com­ prend ont réussi à ce jour à stopper l’épidémie : facile d'imaginer pas pourquoi d’autres pays de cette ­région, le Sénégal et le Nigeria. Le Mali, touché l'ampleur de comme la Côte d’Ivoire, n’ont pas été atteints, plus récemment, a pu identifier et isoler cette épidémie „ alors que leurs systèmes sanitaires de base les contacts de ses premiers cas et va peut- ont été également lourdement éprouvés par être aussi y pa­ rvenir [interview réalisée début décembre, des conflits armés. Nous pouvons aussi nous demander LSéquençage ndlr]. L’exemple de ces pays nous confirme, comme si nous n’étions pas confrontés à une version mutée du Permet de déterminer nous l’a appris le VIH/sida, que la volonté politique est virus qui serait plus pathogène, mais son ­séquençage (L) l’ordre d’enchaînement essentielle dans le contrôle des épidémies. en Guinée semble montrer que ce n’est pas le cas. Dernier des nucléotides pour un élément d’explication : les populations des pays touchés fragment d’ADN donné. S&S : Faut-il s’attendre à des épidémies aussi n’ont jamais été confrontées à Ebola, elles sont donc sévères à l’avenir ? sans réponse immunitaire spécifique de base au niveau J-F. D. : Il faut d’abord se demander pourquoi cette ­populationnel. Mais, tous ces points ne sont pour le épidémie a été aussi sévère. Nous disposons déjà de moment que des hypothèses. Vous voyez pourquoi il ­plusieurs éléments d’explication. La déforestation est difficile, aujourd’hui, de prédire l’avenir. 

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 43 ➜stratégies

Riposter au plus vite, quelle que soit la menace

m Quelle que soit la menace infectieuse,

er Yves Lévy, s il existe des actions que l’on peut /in t Président d’Aviesan et Président- effectuer en amont, comme répertorier

éne directeur général de l’Inserm,

u les chercheurs d’un domaine particulier

g chargé depuis le 28 août dernier s afin de pouvoir les réunir rapidement et par les ministres de la santé et identifier les projets de recherche les

rançoi de la recherche de l’organisation F © plus pressants. Nous avons prouvé que

© de la recherche d’urgence. nous en étions capables, lors de la crise du H1N1, celle du Chikungunya et, plus Préparer l’inter-crise, c’est préparer la guerre récemment, Ebola. Il y a aussi les protocoles en temps de paix contre un ennemi que l’on ne de traitement qui peuvent être pensés à connaît pas encore. Le réseau REACTing (L), l’avance : quels sont les patients qui seront en réflexion depuis plusieurs années, est impliqués ? Les agences réglementaires là pour nous donner les moyens de réagir qu’il faudra convaincre ? Les partenariats en s’appuyant sur les sciences humaines industriels qu’il faudra conclure ? Un autre et sociales, l’épidémiologie. Et même sur point important est de préparer le terrain à la prospective, qui consiste à élaborer tous la mise à disposition rapide de médicaments, les scénarios parfois expérimentaux. Il faut pour cela possibles sur la impliquer les agences de régulation LRéseau REACTing base des données du médicament, afin d’accélérer Réseau d’équipes et de disponibles, comme, les procédures de mise à disposition centres de recherche par exemple, dans une situation d’urgence. mis en place par prévoir le nombre C’est ce qui a permis de mettre rapidement en Aviesan pour intervenir de diagnostics que place notre essai sur le favipiravir en Guinée. en cas d’émergences l’on peut réaliser Enfin, il y a la logistique. Nous devons être infectieuses, et notamment zoonotiques. dans une zone capables de transférer de quoi faire des tests Son action : préparer donnée, compte diagnostiques, et cela n’est possible que si l’inter-crise et proposer tenu du nombre l’on sait à l’avance quels sont les équipements rapidement des projets de de laboratoires de indispensables pour faire effectuer des recherche d’urgence. biologie présents. examens biologiques.

S&S : À ce sujet, une épidémie d’Ebola, causée par une souche différente, a eu lieu au même moment en République démocratique du Congo et a été contrôlée. Serait-ce lié au fait que la région avait déjà vécu des épisodes similaires ? J-F. D. : Ce pays connaît des flambées régulières d’Ebola, et celles-ci ont lieu dans des zones isolées. La capacité à contrôler Ebola est donc historiquement différente de celle de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone. Surtout, la réponse politique et sanitaire a été différente. La “ La nouvelle nouvelle infectiologie, ce infectiologie, c'est n’est pas seulement l’étude regarder l'impact d’un virus et ses relations avec son hôte, c’est aussi de l'environnement regarder l’impact de et du contexte l’environnement et du sociétal „ contexte sociétal. m er s S&S : Sachant cela, comment préparer /in t l’inter-crise ? éne u J-F. D. : Il faut « profiter » de l’après-crise pour revoir g s nos stratégies en période de crise. Il faut en finir avec le

rançoi fonctionnement vertical, avec des services sanitaires, des F ©

© organisations non gouvernementales et des institutions

44 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜stratégies

Riposter au plus vite, quelle que soit la menace s rangère Et

s aire ff A

s e d ère st Mini du ion t a s ori ut e a bl a m 'ai l

c e ave t i du ro p e R © ©

qui agissent chacun de leur côté. Nous devons nous appuyer sur le concept de santé globale et construire un système transversal où les communautés et la société civile doivent jouer un rôle majeur.

S&S : Quelle a été la réponse française en Guinée ? J-F. D. : La France a créé des centres de traitement à Macenta, au cœur de la Guinée forestière, et un centre de transit à Forécariah, près de la Sierra Leone, que m

nous sommes en train er s

de transformer en “ Nous avancerons en /in t

centre de ­traitement. écoutant les malades, éne u g Nous sommes aussi leurs proches s présents à Beyla, et la société dans rançoi F dans l’est du pays, et à © ­N’Zérékoré, près de la son ensemble „ © frontière du ­Liberia. Ces centres sont administrés par des et mal acceptées de la population. C’est pourquoi les ONG (MSF, Croix-Rouge française, l’association ALIMA, centres que nous construisons en Guinée sont d’une WAHA) et sont en dehors des hôpitaux. L’expérience a, capacité d’accueil de 35 à 40 lits. Nous avancerons en effet, montré que la présence d’un lieu de traitement efficacement en écoutant les malades, leurs proches et Ebola fait fuir les patients d’un hôpital, qui ne peut plus la société dans son ensemble. Cette place fondamentale ­fonctionner correctement. Les entités de soins de grande de la société civile, c’est aussi l’expérience du VIH qui taille qui ont été mises en place au début de l’épidémie nous l’a appris. n pour répondre à l’urgence sont, quant à elles, anxiogènes Propos recueillis par Damien Coulomb

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 45 ouvertes • une • • à la 46 Livre

©©François guénet/inserm

et Jérôme Dallaserra (àgauche),directeur de diverses maladies.BrunoCourtet (àdroite), directeur éditorial deséditionsLeMuscadier, fiable etcomplète quifait le pointsurlarecherche biomédicale etlapriseen charge « Une nouvelle venue dansle mondedelavulgarisationscientifique des questions de santé faire pour tour livres Des le << février 2015 février En librairie, le site del'éditeur Disponible sur 128 p.,9,90€ ➜ de LaSayette Vincent Desgranges, Béatrice Gaëlle Chetelat, Francis Eustache, ou espoir? fatalité ●

Choc santé Alzheimer, Alzheimer, C d éc

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chercheuses • regar janvier - février 2015 Bruno santé manière à être accessible au plus grand nombre, que de santé en128pages etest rédigé volontai B. C.etJ.D. S&S Science&Santé coll développements actuels etfuturs recherche. dela répondre pleinement aux attentes fondées au regard des intelligiblesmédicales etfiables, qui permettent de estcollection donc deproposer desinformations remise encause légitimité. desa L’objectif decette d’espoirs qui, lorsqu’ils sont conduisent déçus, àune actuellemédecine est également debeaucoup porteuse probablement étrangère pas àcephénomène. La Web d’information dequalité médicale variable n’est pratiques est grandissante. Et prolifération la de sites de certains traitements thérapeutiques ou decertaines premier lieuparce que défiancedu la public vis-à-vis sa ection ?

o-édition avec l’Inserm. Sonbut : Etquelle est l’originalité decette

»

Courtet et Jérôme ? nt

: Chaque ouvrage fait letour d’une d s sur le mon

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Ch ollection, expliquent leur démarche. : d tion tion

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En En oc oc ngle : f ournir àseslecteurs uneinformation • M 8 premiers d’entre eux–,etoffre ainsi une source d’infor nous d’Alzheimer maladie –la dépression, etla pour les sur dessujets susceptibles deconcerner chacun d’entre présenteil unétat desdernières connaissances médicales vous ayez ou non scientifiques. Tout desbases d’abord, ‒ de l’Institut, sont d’ores encours etdéjà deréflexion nombreuxDe projets, tous dirigés par desspécialistes santéde la qui relèvent compétence dela del’Inserm. l’ambition est decouvrir, àterme, lesprincipaux champs qu’ils priseposent en charge.suret sa se maladie la Enfin, que l’alcoolisme, l’infarctus, lespollutions ou toxicomanies. comme part B. C.etJ.D. S&S grand nombre „ au plus accessibles médicales fiables et des informations “ Objectif :proposer produire un contenu solide et parfaitement à jour. par conséquent, Muscadier, pour Le garantie la de professionnels desanté. Endevenirpartenaire était incontestable, tant auprès du grand public que des légitimité et apparaît comme une caution scientifique ­au nable pour monter untel projet. chercheurs Ses sont nous est apparu comme lepartenaire incontour scientifiques internationalement reconnues, l’Inserm tant qu’organisme public, l’Inserm jouit d’une é voire derédaction ‒ d tant d’auteurs de qualité potentiels. En outre, en ecine www.muscadier.fr www.muscadier.fr

: Justement, pourquoi avoir choisil’Inserm générale •

: enaire danscette aventure

Propos r Étant donné mission sa etses : lacollection E ntrepren dans desdomaines aussi variés d ecueillis parHélènePerrin re • O pinions réponses aux questions particulier, trouveront des et son entourage, en Internet…). malade Le (associations, sites des conseils pratiques ­Ens ma tion et solide uite, l’auteur propose • S tratégies res ­ enco ­ ­ épr ➜ vér ­

? sources sources Bloc- ouvée. ouvée. itable re les re les n ­ -

N otes ➜bloc-notes

● M ardis de l’Espace ● SA NTE MOOC es des sciences EN L’équipe QUESTIONS

nc Qu’est-ce que la vie ? étudiante Quand la chimie est devenue biologie Ebola et iGEM Paris avec Brice Felden, biochimiste autres maladies émergentes : •• Bettencourt*, •• un enjeu Nord/Sud

•• (unité Inserm 835, Université Rennes 1) •• EDAGOGIE primée fere La physique, la chimie, et la biologie, en avec Yazdan Yazdanpanah P au MIT Boston - « La biologie n lien avec la théorie de l’évolution des (unité Inserm 1137, Infections, synthétique à l’assaut des o espèces, apportent des éléments de antimicrobiens, modélisation, mauvaises odeurs » -, propose c réponse satisfaisants à ces questions. évolution) et Denis Malvy (unité d’introduire la biologie ➜ 13 janvier, 20 h 30 Inserm 897, Centre de recherche synthétique auprès des plus Inserm Épidémiologie et biostatistique) jeunes, grâce à un MOOC 8 www.espace-sciences.org ➜ 5 février 2015, 19 h Cité des Sciences et de l’industrie, (Massive Open Online Course) e EA Le code de la Paris 19 dédié aux lycéens. conscience Plus d’infos sur le blog Plus de 20 cours en ligne avec Stanislas 8 dircom.inserm.fr sur des sujets tels que Dehaene - C Dehaene, s « comment créer une équipe a

sl neuroscientifique, ● Conférences de 5 à 7

iGEM » ou « comment inclure ani

t professeur au Collège S

© Risque biologique : épidémies

des lycéens dans la recherche © de France et directeur et bioterrorisme et la biologie synthétique ». de l’unité Inserm/CEA, Neuroimagerie ➜ 17 février, 17 h – 19 h Les participants au cours cognitive. Rencontre suivie d’une seront invités à prendre part séance de dédicaces : Le Code de la Poids, nutrition, santé : au Symposium en 2015 autour conscience (éditions Odile Jacob, 2014) quel tiercé gagnant ? ➜ de la recherche en biologie ➜ 20 janvier, 20 h 30 17 mars, 17 h – 19 h synthétique dédié aux lycéens. 8 www.espace-sciences.org Institut Pasteur de Lille * Voir aussi rubrique Découvertes p.8 entrée gratuite, réservation obligatoire igemhs.wix.com/mooc ki La nouvelle tz i

8 2014.igem.org ul science de www.pasteur-lille.fr

a 8 K l’immunologie ian

Le CCSTI* La Rotonde st avec Philippe a (Saint-Étienne) b

Se Kourilsky, ©

© « Têtes chercheuses »

accompagne chaque année immunologiste, RS

des groupes de collégiens et de membre de l’Académie des sciences, U (2012) l O ­lycéens dans leurs projets et leurs professeur émérite au Collège de France, e actions de culture scientifique ancien directeur de l’Institut Pasteur st . Ca F / NC et technique. Si vous souhaitez Rencontre suivie d’une séance de s e c construire, développer ou ­valoriser dédicaces : Le Jeu du hasard et de la O ien C sc un projet scientifique, participez à complexité (éditions Odile Jacob, 2014) ’ d

s

l’appel à projet à destination des ➜ 24 février, 20 h 30 ai l e R professeurs de collèges et lycées © pour 2015 et 2016. 8 www.espace-sciences.org © Relais d’sciences (CCSTI* Basse- * Centre de médiation de culture ➜ scientifique technique et industrielle Espace des sciences, salle Hubert Normandie) et la Fondation Musée Curien des Champs Libres, Rennes Schlumberger lancent la 6e édition 8 www.ccsti-larotonde.com Réservation au 02 23 40 66 00 du concours régional. Devenez le nouveau lauréat et bénéficiez de 10 000 € pour réaliser votre projet de médiation scientifique ! ➜ 31 janvier 2015, date limite Tous Chercheurs… de déclaration d’intention des … fête ses 10 ans : flashmob, retour sur ces équipes candidates années d’activité et perspectives de traitement ➜ 27 mars 2015, remise des maladies neurodégénératives, avec Alim Louis des dossiers de candidature Benabid, neurochirurgien et professeur émérite

ron ➜ avril 2015, sélection ersaire t à l’université Joseph-Fourier (Grenoble) du lauréat, v e La c i ➜ 3 février, 17 h - 21 h ➜ octobre 2015, remise de prix ri t Bibliothèque Alcazar, Marseille *Centre de médiation de culture / Pa m nn Informations : 04 91 82 81 45 ou [email protected] scientifique technique et industrielle er s a n I © touschercheurs.fr © 8 8 www.relaisdsciences.org

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 47 ➜bloc-notes e

vu C’est une revue scientifique médecine/sciences unique en son genre, re car en langue française. Et progressivement le 30 ans au service mensuel médecine/sciences a su s’imposer comme le de la recherche vecteur de l’excellence de la recherche biomédicale et biomédicale en santé. Sous l’impulsion des gouvernements français et québécois, il a vu le jour en 1985. Aujourd’hui, t

éne son rédacteur en chef, Gu

s Hervé Chneiweiss *, neurobiologiste et président rançoi F

/ du comité d’éthique de m er

s l’Inserm, revient pour n I ©

© nous sur ce succès.

Science&Santé : Pourquoi médecine/sciences S&S : Comment envisagez-vous son évolution a-t-il si bien trouvé son public ? dans les années à venir ? Hervé Chneiweiss : C’est une revue de synthèse H. C. : Depuis 30 ans, la maquette de la revue s’e s t et de formation qui offre des contenus riches et constamment adaptée aux nouvelles pratiques de divers sur les avancées de la recherche biologique et ­lecture, print comme Web, en conservant le même médicale internationale. Par la qualité de ses auteurs, niveau ­d’exigence, sur le tous spécialistes reconnus du domaine sur lequel ils fond comme sur la forme. “ Un prochain écrivent, et le soin apporté au texte et à l’iconographie, Le colloque « médecine/ colloque permettra la revue a su devenir au fil du temps un outil unique sciences : 30 ans déjà » de réfléchir aux dans la formation initiale et continue, la préparation que nous organi­serons le adaptations des cours et des exposés d’un public scientifique 12 mars 2015, à l’­ Institut toujours plus large. médecine/sciences est maintenant Pasteur à Paris, nous per- à envisager pour un allié de choix pour les chercheurs, les hospitalo- mettra de réfléchir aux le futur „ universitaires, les médecins, les enseignants et surtout adaptations à envisager les étudiants. pour les années qui viennent. Des « grands témoins » qui ont participé à l’aventure y rencontreront des étudiants S&S : Une visibilité dans le monde entier ? et un public plus large pour esquisser les contours de H. C. : Absolument. Créé initialement pour ce que pourrait être la revue dans le futur. Rendez-vous ­promouvoir et favoriser la diffusion de la culture dans 3 mois pour fêter ce bel anniversaire et apporter scientifique et médicale en langue française, ­médecine/ votre pierre à l’édifice ! n Hélène Perrin sciences est disponible aux formats papier et surtout 8 www.medecinesciences.org * L’édition de médecine/ électronique, ce qui facilite sa diffusion. La fréquen- sciences est assurée S'inscrire au colloque sur : par un éditeur privé, tation du site et le nombre de téléchargements sont 8 www.eventbrite.fr EDK/EDP, depuis 2006, en hausse constante : nous avons gagné environ dans le cadre d’un 5 000 connexions par mois depuis 3 ans. Ac­ tuellement, contrat de délégation L Les chercheurs font leur on

de service public plus de 200 000 connexions mensuelles sont enregis- A engagé par l’Inserm, ul cinéma 2014 V

trées et 15 000 articles téléchargés chaque mois par , Co

propriétaire du titre. c 9 films en compétition dans ce 50 000 internautes, situés pour moitié en France et I festival de films scientifiques l’autre dans le reste du monde. Réalisé depuis l’origine T de jeunes chercheurs… Bataille Le Moigni * © sous l’épiderme, réalisé par dans notre pays , il reste la seule publication scienti- © Alice Coulon Le Moignic, doctorante au Centre de fique biomédicale généraliste en français d’audience FES recherche en immunologie et maladies infectieuses ☛☛ Hervé Chneiweiss : unité 1130 internationale. médecine/sciences occupe donc une Inserm/CNRS – Université (UPMC/Inserm/CNRS) et Anthony Coulon (UPMC), a Pierre-et-Marie-Curie, place originale dans un paysage largement dominé remporté le prix du Jury. Neuroscience Paris-Seine par les revues en langue anglaise. 8 leschercheursfontleurcinema.doc-up.info

48 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 ➜bloc-notes

e ● LUMIÈRE … sur les médecines alternatives… sur le cerveau es l Observatoire

a des accidents La méditation : quelle place dans le champ médical ? nc n Afin de mieux Gilles Bertschy, psychiatre, Inserm, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, Université de Strasbourg

io comprendre et ➜ 5 février, 18 h •• •• t prévenir la survenue a des accidents de la fere L’hypnose médicale n n vie courante, l’Inserm Daniel Quin, médecin généraliste, et Rémy Schlichter, et Calyxis vont suivre o Institut des neurosciences cellulaires et intégratives/CNRS/ c de 100 000 volontaires Université de Strasbourg à travers une étude ➜ 12 février, 18 h tu •• •• nationale, l’observatoire MAVIE. e Si vous voulez participer : Les thérapies comportementales et cognitives Fanny Reder, médecin, Laboratoire de psychologie des cognitions/ www.observatoire-mavie.com Université de Strasbourg 8 presse-inserm.fr ➜ 19 février, 18 h

La luminothérapie m Antoine Viola, L’IRM de Nancy Vaincre le diabète chronobiologiste, •• •• université de Bâle

R éalisation : Gérard Lafont, To Carreira Un reportage de la série © Des idées plein la tech’ production : Canopé-CNDP, © ➜ 5 mars, 18 h

ideos Universcience, MGEN, Réalisation : François Demerliac, production : Universcience, v Inserm, Educagri, durée : Le regard des autres : Inserm, CIC - IT, Virtuel, durée : 5 min 28 s, octobre 2014 3 min 25 s, novembre 2014 la vision chez les animaux Sous son action, des pacemakers Dans son laboratoire de l’Inserm David Hicks, Inserm/Institut des peuvent être détériorés et des tatouages à Nice, Patrick Collombat peuvent interférer, provoquant des neurosciences cellulaires et intégratives/ brûlures. Le centre d’investigation dirige une équipe de recherche CNRS/Université de Strasbourg clinique et d’innovation technologique travaillant sur le diabète de ➜ 12 mars, 18 h de Nancy analyse les effets de l’IRM type 1 qui touche 40 millions de sur toutes sortes de matériaux... personnes dans le monde. Ma douleur et celle de l’autre : pour une physiologie de la compassion 8 www.universcience.tv 8 www.universcience.tv Luis Garcia-Larrea, Centre de recherche en neurosciences de Lyon/Université Lyon 1 ➜ 19 mars, 18 h

Et si l’œil ne servait pas « qu’ » à voir ? Ns Les doigts dans le cerveau Marie-Paule Felder, Institut des

IO Une exposition interactive neurosciences cellulaires et intégratives/

T essentiellement constituée de CNRS/Université de Strasbourg, s

manipulations, d’expériences et de jeux, e et Patrice Bourgin, Hôpitaux universitaires pour comprendre le cerveau sans c ien de Strasbourg OSI sc se prendre la tête ! À partir de 8 ans

s ➜ 26 mars, 18 h e

➜ Jusqu’au 16 mars d XP Parc scientifique du Près-la-Rose, on ➜ En partenariat avec l’Inserm ll E Montbéliard et le réseau Neurex Le Pavi

© Institut de physique, Strasbourg

8 www.pavillon-sciences.com © Entrée libre sans inscription préalable Trop fort ton corps ! 8 jardin-sciences.unistra.fr Tour à tour cobaye ou chercheur, le visiteur découvre le corps humain dans sa mesure, ses capacités et son environnement. Un parcours Forum européen de bioéthique transdisciplinaire en 3 temps, 23 éléments re L’argent et la santé 67

G interactifs et 2 objets du patrimoine culturel Au programme : 35 débats, scientifique strasbourgeois pour tester ses nt 10 rendez-vous culturels, o go – C capacités physiques et sensorielles. 30 temps forts avec les jeunes, 135 intervenants ➜ 6 novembre 2014 - 30 août 2015 nc

han-Sara ➜ 2 - 7 février, Strasbourg t Le Vaisseau, Strasbourg re ona J © www.levaisseau.com 8 forumeuropeendebioethique.eu © 8

janvier - février 2015 ● N° 23 ● ● 49 ➜bloc-notes

Le Ventre, notre deuxième cerveau * Les cinq sens Fabrice Papillon, Héloïse Rambert Michel Serres res octobre 2014, Tallandier, 224 p. 18,90 € novembre 2014, Fayard, coll. Pluriel, 480 p., 10 € v

i Notre ventre, écosystème bactérien en symbiose avec Le nouveau corps, hygiénique, hydraté, sanitaire et aseptique, l notre organisme, joue un rôle majeur dans nos émotions. rectifié par les remèdes et la prédiction médicale, repousse la L’activité du ventre influencerait notre personnalité et mort de trente ans et l’antique souffrance quasi définitive- nos choix, nous rendrait timides ou téméraires. Ces ment. Comment ce corps changé en moins d’un demi-siècle découvertes ouvrent d’immenses espoirs thérapeutiques. habiterait-il le même monde, sentirait-il par les mêmes sens ? * Voir S&S n° 20, Bloc-notes, p. 46, le DVD Médecine expérimentale Le médicament qui devait sauver l’Afrique - Alain Fischer Un scandale pharmaceutique aux colonies novembre 2014, Collège de France/Fayard, Leçons Guillaume Lachenal inaugurales du Collège de France, 72 p., 10,20 € octobre 2014, La Découverte/Les Empêcheurs de e penser en rond, 288 p., 18 € Fondée par Claude Bernard au XIX siècle, la médecine expérimentale a orienté de façon décisive la recherche Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un nouveau médicale et surtout la biologie moderne. Grâce à elle, le rôle médicament visant à l’éradication de la maladie du sommeil vient du système immunitaire, entre autres, a pu être mis en relief. d’être découvert : la lomidine, une molécule qui se révèle inefficace et dangereuse. Mais les médecins s’obstinent. C’est l’histoire d’un scandale pharmaceutique oublié, Fin de vie. Le choix de l’euthanasie enterré par les pouvoirs coloniaux de la fin des années 1950. Emmanuel Hirsch novembre 2014, Cherche midi, coll. Documents, 16 € Les libérés - Mémoires d’un aliéniste. Histoire de fous Après de nombreux débats médiatisés, le Parlement pourrait Ricciotto Canudo décider de la dépénalisation de l’assistance médicalisée au octobre 2014, Plon, Terre humaine, 400 p., 22 € suicide ou de l’euthanasie. Cet ouvrage reprend les temps Paru en 1911, puis oublié, ce roman, écrit par un psychiatre forts de la concertation nationale sur la fin de vie. engagé, sous forme de journal intime, voit dans la folie le Le grand livre des troubles mentaux résultat d’une résistance à l’aliénation sociale. Cette réédition Collectif critique offre un regard neuf sur la trajectoire d’un praticien atypique qui novembre 2014, Le Cavalier bleu, coll. Idées reçues refuse d’enfermer ses patients dans des catégories médicales. Grand Angle, 296 p., 22 € Les blessés psychiques de la Grande Guerre Cet ouvrage examine les différents troubles mentaux, leurs rela- Louis Crocq tions, leurs différences, les facteurs externes ou génétiques et les octobre 2014, Odile Jacob, 192 p., 21,90 € traitements possibles. Dix spécialistes expliquent 50 idées reçues ! Les souffrances de ceux qui sont revenus juste « quittes pour Toujours plus de science pour tout le monde la peur » n’ont pas été prises en compte. L’auteur, psychiatre Claude Allègre des armées et professeur de psychologie à l’université Paris V, novembre 2014, Fayard, coll. Témoignages/Doc/ leur rend justice et montre à travers la richesse des tableaux Actu, 368 p., 23 € cliniques comment l’approche des psychiatres a évolué et comment, s’est Dans ce troisième volet de la série « Un peu plus de science », imposé, peu à peu, le concept de « névrose traumatique de guerre ». l’auteur s’intéresse aux grands acquis de la science dans les domaines de la biologie, de l’écologie, de la chimie, des Gilles Daïd Guide pratique des Pascal Nguyên Guide pratique des MOOC MOOC ressources naturelles et des mathématiques, en privilégiant l’approche Les mondes de l’éducation et de la formation professionnelle vivent un bouleversement avec l’essor des Mooc, cours en ligne accessibles Nguyên | P. G. Daïd Gilles Daïd, Pascal Nguyên à tous, dispensés par des universités et des écoles prestigieuses du monde entier. La France bascule à son tour dans l’ère de l’apprentissage Guide pratique des en ligne « ouvert » avec la plate-forme France Université Numérique (FUN) mise en ligne récemment par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Aujourd’hui, les internautes s’inscrivent culturelle des grandes découvertes. par millions pour acquérir de nouvelles compétences, se cultiver ou approfondir leurs connaissances, sans contrainte de temps ou de lieu. novembre 2014, Eyrolles, 192 p., 18 € L’ouvrage se propose de guider les utilisateurs dans la jungle des quelque 2 500 Mooc disponibles (des dizaines de nouveaux cours MOOC sont proposés chaque semaine), toutes plates-formes confondues : comment choisir un cours, où s’inscrire, comment participer et mettre les meilleures chances de réussite de son côté, quels pièges éviter, comment valoriser sa réussite à un Mooc ? Le livre, pratico-pratique, se propose de répondre à toutes ces questions et bien d’autres encore. Passionnés par ce phénomène, les deux auteurs ont déjà participé avec succès à plusieurs Mooc proposés par des établissements français. Les mondes de l’éducation et de la formation professionnelle Guide pratique des MOOC Guide pratique Activité physique et prévention des chutes Auteur, photographe (www.photodurable.com), Gilles Daïd est un curieux infatigable, passionné d’innovation et de nouvelles technologies, thématiques sur lesquelles il assure une veille quotidienne. Pascal Nguyên est journaliste pour plusieurs magazines et auteur de plusieurs ouvrages pratiques. Il est en apprentissage perpétuel et se forme en permanence, vivent un bouleversement avec l’essor des Mooc, cours en notamment grâce aux Mooc. chez les personnes âgées

18 E

Illustration de couverture : © Geneviève Gauckler Conception : Studio Eyrolles © Éditions Eyrolles ligne accessibles à tous. La France entre ainsi dans l’ère de Code éditeur : G56040 Code éditeur ISBN : 978-2-212-56040-4 Inserm, Expertise collective, 518 p., 40 €, à paraître en janvier 2015 G56040_GuidePratiqueDesMOOC_CV.indd 1 13/10/2014 15:30 l’apprentissage en ligne « ouvert », avec la plate-forme France Dans un contexte de vieillissement de la population, la prévention des chutes, Université Numérique (FUN) du ministère de l’Enseignement supérieur événements fréquents à ces âges, et la préservation de l’indépendance dans les et de la recherche. Un guide était nécessaire pour faire son choix parmi les activités quotidiennes représentent des enjeux majeurs de santé publique. n quelque 2 500 Mooc disponibles. * Voir S&S n° 18, Bloc-notes, p. 49 Rubrique réalisée par Maryse Cournut

Directeur de la publication Assistante d’édition Pascal Nguyên, Julie Paysant, Consultante projet Yves Lévy Coralie Baud Hélène Perrin, Simon Pierrefixe, Françoise Harrois-Monin Directeur de la rédaction Ont collaboré à ce numéro Karl Pouillot, Vincent Richeux, Crédit de couverture Arnaud Benedetti Alice Bomboy, Damien Coulomb, Bruno Scala Illustration : N°23 Rédacteur en chef Françoise Dupuy Maury, Conception graphique Denis Carrier janvier - février 2015 Yann Cornillier Alexandra Foissac, et direction artistique Impression Secrétaire de rédaction Caroline Guignot, Amandine Ghislaine Salmon-Legagneur Groupe Burlat Abonnement gratuit, écrire à : Maryse Cournut Henckel, Nadège Joly, Gaëlle Iconographie N° ISSN : 2119-9051 science-et-sante @ inserm.fr Chef de rubrique Julie Coquart Lahoreau, Étienne Ledolley, Cécile Depot Dépôt légal : Janvier 2015

50 ● ● N° 23 ● janvier - février 2015 inserm.indd 1 #2 « Histoiredu Bande Dessinée terrorisme » les jeunes? Qui sont jan / fev / mars 2015 L’homéopathie La recherch La un eet a-t-

pour s e pour elle e f air ? e un Abonnez-vous ouachetezen lignesur http://www.thinkovery.com/magazine de laviande? e idée La fin en kiosque le 15janvier. 148 pages trimestriel 15€ Nouveau 04/12/2014 14:40:01 #2 4eCouvScience&Sante2015.pdf 1 26/11/2014 08:40

EN EUROPE ET DANS PLUS DE 30 VILLES EN FRANCE Semaine du Cerveau 16•22 mars 2015

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101, rue de Tolbiac 75654 Paris Cedex 13 magazine gratuit www.inserm.fr ne peut être vendu