8 Avant-propos 10 Urbanisme, architecture et modernité 12 La formation d’un autodidacte 14 L’apprentissage de la théorie

LE CORBUSIER Habiter : de la A l’Unité d’Habitation de Marseille

17 La question du logis : 61 La maison : la villa savoye 1928-1931 123 De la villa Savoye à l’Unité conception de la pensée corbuséenne d’habitation, retour sur l’histoire 62 Maison de campagne ou de week-end ? 18 L’architecture de la maison comme laboratoire d’idées d’un parcours 63 L’évidence de la première esquisse (HI) Maison Citrohan (CP) Les Cinq Points de l’architecture moderne 126 Bibliographie sélective par thèmes Le pavillon de L’Esprit nouveau (CP) La construction de la villa Savoye (VS)

24 L’idée d’une nouvelle ville 76 Du chantier au Le pour Une architecture du parcours : la circulation dans la villa (VS) (HI) Habitat individuel 28 Un urbanisme de la radicalité Les couleurs et les formes de la villa : (CP) Les cinq points “Vous avez dit puriste ?” (VS) (C&L) Cités et lotissements 29 De la ville au logement, l’invention de trois typologies (HC) Habitat collectif 88 La leçon de la villa Savoye (VS) Villa Savoye Les villas Laroche Jeanneret (HI) (UHM) Unité d’habitation de Marseille La de Monzie (HI) Deux maisons au Weissenhofsiedlung (HI) Villa de Mandrot (HI) Les Maison Sarabhai (HI) 91 L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 46 Une nouvelle conception de l’espace du logement 1945-1952 47 Du lotissement 93 à Marseille Quartiers modernes Frugès (C&L) 95 L’aboutissement d’un programme de recherches Immeuble Molitor (HC) Les techniques de construction de l’u h m (UHM) Exposition de 1937, projet B (HC) 102 L’épopée d’un chantier 54 Architecture et construction Le concept bouteille/bouteiller (UHM) 56 La question du mobilier et de l’aménagement intérieur La circulation dans l’immeuble : la rue intérieure (UHM) 57 Des architectures d’exception La cellule d’habitation, confort d’ambiance (UHM) 58 Du type au standard 118 Le message de l’Unité d’habitation 58 Les moyens d’une politique

MEP Corbu 08.indd 6-7 22/06/09 20:46:00 8 Avant-propos 10 Urbanisme, architecture et modernité 12 La formation d’un autodidacte 14 L’apprentissage de la théorie

LE CORBUSIER Habiter : de la Villa Savoye A l’Unité d’Habitation de Marseille

17 La question du logis : 61 La maison : la villa savoye 1928-1931 123 De la villa Savoye à l’Unité conception de la pensée corbuséenne d’habitation, retour sur l’histoire 62 Maison de campagne ou de week-end ? 18 L’architecture de la maison comme laboratoire d’idées d’un parcours 63 L’évidence de la première esquisse Villa Schwob (HI) Maison Citrohan (CP) Les Cinq Points de l’architecture moderne 126 Bibliographie sélective par thèmes Le pavillon de L’Esprit nouveau (CP) La construction de la villa Savoye (VS)

24 L’idée d’une nouvelle ville 76 Du chantier au monument historique Le plan Voisin pour Paris Une architecture du parcours : la circulation dans la villa (VS) (HI) Habitat individuel 28 Un urbanisme de la radicalité Les couleurs et les formes de la villa : (CP) Les cinq points “Vous avez dit puriste ?” (VS) (C&L) Cités et lotissements 29 De la ville au logement, l’invention de trois typologies (HC) Habitat collectif 88 La leçon de la villa Savoye (VS) Villa Savoye Les villas Laroche Jeanneret (HI) (UHM) Unité d’habitation de Marseille La villa Stein de Monzie (HI) Deux maisons au Weissenhofsiedlung (HI) Villa de Mandrot (HI) Les maisons Jaoul Maison Sarabhai (HI) 91 L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 46 Une nouvelle conception de l’espace du logement 1945-1952 47 Du lotissement 93 Le Corbusier à Marseille Quartiers modernes Frugès (C&L) 95 L’aboutissement d’un programme de recherches Immeuble Molitor (HC) Les techniques de construction de l’u h m (UHM) Exposition de 1937, projet B (HC) 102 L’épopée d’un chantier 54 Architecture et construction Le concept bouteille/bouteiller (UHM) 56 La question du mobilier et de l’aménagement intérieur La circulation dans l’immeuble : la rue intérieure (UHM) 57 Des architectures d’exception La cellule d’habitation, confort d’ambiance (UHM) 58 Du type au standard 118 Le message de l’Unité d’habitation 58 Les moyens d’une politique

MEP Corbu 08.indd 6-7 22/06/09 20:46:00 LA QUESTION DU LOGIS : CONCEPTION DE LA PENSÉE CORBUSÉENNE

Le Corbusier et l’ouvrage La , publié en 1935, dans lequel il défend sa conception nouvelle de l’habitat et de l’urbanisme (photo prise dans l’appartement-atelier de Le Corbusier, rue Nungesser-et-Coli).

MEP Corbu 08.indd 16-17 22/06/09 20:46:20 LA QUESTION DU LOGIS : CONCEPTION DE LA PENSÉE CORBUSÉENNE

Le Corbusier et l’ouvrage La Ville radieuse, publié en 1935, dans lequel il défend sa conception nouvelle de l’habitat et de l’urbanisme (photo prise dans l’appartement-atelier de Le Corbusier, rue Nungesser-et-Coli).

MEP Corbu 08.indd 16-17 22/06/09 20:46:20 L’habitat individuel

La villa stein de Monzie, garches, 1926-1928

“Cette maison représente une étape importante où se sont trouvés réunis les problèmes du confort, du luxe et de l’esthétique architecturale”, écrit Le Corbusier. Dans le même temps où il cherche à s’imposer dans la maison pour tous, Le Corbusier peut également expérimenter ses théories dans des maisons de luxe construites à Paris ou dans la région parisienne. Succédant dans le temps aux villas La Roche Jeanneret et précédant la villa Savoye, la villa Stein de Monzie est la maison la plus chère construite par l’architecte au cours de cette période. Et pourtant, ce ne sont ni les débauches formelles, ni le luxe des aménagements qui lui confèrent cette qualité, c’est plutôt le travail mené sur l’espace dans sa relation à la lumière naturelle.

Pour répondre à la question posée par le programme de deux familles désirant cohabiter dans une même maison, Le Corbusier propose dans ce projet une enveloppe unique, un simple parallélépipède à l’intérieur duquel, grâce à l’application du plan libre et à l’utilisation d’une trame binaire alternant une largeur de 5 mètres et une de 2,50 mètres, les dispositions du plan peuvent changer sans que la structure architectonique de base n’en soit altérée. Dans cette maison d’une hauteur de quatre niveaux, les cloisons intérieures sont ainsi conçues comme des “membranes”. en bas, à gauche et à droite, élévations sud et nord de la villa, projet non réalisé (flc 10 406 Surnommée “Les Terrasses” à cause de la générosité des espaces et 10 407). couverts ou non couverts qui assurent sa liaison avec le jardin, la villa Stein de Monzie est également un exemple particulièrement a droite, en haut, plan du soubassement et du éloquent de la fusion entre espace extérieur et espace intérieur. rez-de-chaussée de la villa stein et de Monzie.

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MEP Corbu 08.indd 34-35 L’habitat individuel

La villa stein de Monzie, garches, 1926-1928

“Cette maison représente une étape importante où se sont trouvés réunis les problèmes du confort, du luxe et de l’esthétique architecturale”, écrit Le Corbusier. Dans le même temps où il cherche à s’imposer dans la maison pour tous, Le Corbusier peut également expérimenter ses théories dans des maisons de luxe construites à Paris ou dans la région parisienne. Succédant dans le temps aux villas La Roche Jeanneret et précédant la villa Savoye, la villa Stein de Monzie est la maison la plus chère construite par l’architecte au cours de cette période. Et pourtant, ce ne sont ni les débauches formelles, ni le luxe des aménagements qui lui confèrent cette qualité, c’est plutôt le travail mené sur l’espace dans sa relation à la lumière naturelle.

Pour répondre à la question posée par le programme de deux familles désirant cohabiter dans une même maison, Le Corbusier propose dans ce projet une enveloppe unique, un simple parallélépipède à l’intérieur duquel, grâce à l’application du plan libre et à l’utilisation d’une trame binaire alternant une largeur de 5 mètres et une de 2,50 mètres, les dispositions du plan peuvent changer sans que la structure architectonique de base n’en soit altérée. Dans cette maison d’une hauteur de quatre niveaux, les cloisons intérieures sont ainsi conçues comme des “membranes”. en bas, à gauche et à droite, élévations sud et nord de la villa, projet non réalisé (flc 10 406 Surnommée “Les Terrasses” à cause de la générosité des espaces et 10 407). couverts ou non couverts qui assurent sa liaison avec le jardin, la villa Stein de Monzie est également un exemple particulièrement a droite, en haut, plan du soubassement et du éloquent de la fusion entre espace extérieur et espace intérieur. rez-de-chaussée de la villa stein et de Monzie.

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MEP Corbu 08.indd 34-35 LA maison : la villa savoye 1928-1931

Villa Savoye, vue du salon vers la terrasse.

MEP Corbu 08.indd 60-61 22/06/09 20:47:33 LA maison : la villa savoye 1928-1931

Villa Savoye, vue du salon vers la terrasse.

MEP Corbu 08.indd 60-61 22/06/09 20:47:33 L’évidence de la première esquisse

La villa Savoye, édifiée à Poissy près sa manière de conjuguer dans un C’est dans le courant de l’année 1928 que Le Corbu- de Paris entre 1928 et 1931, est une des grandes même projet et avec une grande sier reçoit commande de cette maison. Il se met immé- icônes de l’architecture du x x e siècle. Avec le pavillon de économie de moyens, le triptyque : diatement au travail et, dès le début du mois suivant, l’Allemagne construit par Mies van der Rohe à Barcelone, structure, espace, lumière. il est en mesure de fournir à ses clients une première au cours des mêmes années, elle symbolise aujourd’hui esquisse, qui va se révéler in fine être la bonne après tout ce que l’architecture moderne de l’entre-deux- Pour Le Corbusier et Pierre Jeanneret, cette réalisation de nombreuses tribulations dont il sera question par guerres en Europe, souhaitait affirmer : la perfection met un terme à une série de résidences privées bâties la suite. Le fait que cette première esquisse va s’avérer de la machine à habiter, la pureté des lignes, la flui- à Paris ou dans la région parisienne au cours d’une décisive montre à quel point Le Corbusier est en phase dité de l’espace et, dans le même temps, ce qui peut décennie riche en commandes de ce type et dont les avec ce projet et notamment avec son site d’implan- sembler un paradoxe, une certaine déférence envers villas La Roche Jeanneret et Stein de Monzie représen- tation et son programme auxquels il va apporter tou- les canons de l’architecture classique. Elle est égale- tent, avec la villa Savoye, les édifices les plus remar- tefois une interprétation surprenante par rapport aux ment emblématique, au regard de cette période, dans quables. souhaits exprimés par ses clients.

Dans le volume 2 de l’Œuvre complète Le Corbusier Maison de campagne ou de week-end ? commente cette première esquisse : “Site : magnifique propriété formée d’un grand pâturage et verger formant coupole entourés d’une ceinture de hautes futaies. La Difficile d’imaginer aujourd’hui au travers de la sacrali- ques parmi les plus modernes. Concernant la distribu- maison ne doit pas avoir un front. Située au sommet de sation d’un édifice devenu monument historique, qu’il tion des pièces, celle-ci est décomposée en différentes la coupole, elle doit s’ouvrir aux quatre horizons. L’étage s’agit au départ, comme le précise la lettre envoyée zones avec en rez-de-chaussée les pièces d’accueil mais d’habitation, avec son jardin suspendu, se trouvera éle- par Mme Savoye à Le Corbusier, de la construction également les pièces de séjour ainsi que la chambre vé au-dessus de pilotis de façon à permettre des vues d’une simple maison de campagne. Les clients, Pierre d’amis et celle de leur fils unique. Egalement à ce même lointaines sur l’horizon.” Les enseignements que l’on et Emilie Savoye sont apparentés à la famille Gras Sa- niveau et, en contact direct avec l’extérieur, doivent peut tirer de ce commentaire sont les suivants. D’abord, voye, propriétaire d’une grande compagnie d’assuran- être prévus les logements des domestiques, chauffeur Le Corbusier, s’il a noté la qualité du couvert végétal de ces. Pour Le Corbusier, habitué à une clientèle aisée, compris, auxquels il faut ajouter un logement pour un ce site, en a également noté les inconvénients, à savoir, en général proche des milieux d’affaires mais surtout jardinier, un garage pour trois voitures et des annexes ne posséder aucune vue lointaine. D’où sa volonté pre- A gauche en haut, dessin de la villa “au sommet de la coupole” de l’art, les Savoye sont décrits comme des person- telles que cave, cellier etc. mière de sortir du terrain en posant la maison sur des d’après Le Corbusier, avec un peu d’exagération (f l c 33 491). nes sans idées préconçues concernant l’architecture. pilotis. Ce qui, faut-il le rappeler, est en parfaite adé- A gauche en bas, roquis de situation de la villa Savoye (f l c 33 491). Cela signifie pour lui la possibilité d’œuvrer selon ses A l’étage est demandée une suite parentale avec quation avec sa conception de l’architecture moderne idées, sans avoir à affronter les questions de style ou grande chambre et salle de bains, ainsi qu’un boudoir et en accord avec un de ses fameux Cinq Points qu’il a En haut, coupe montrant les circulations verticales de la villa de goût le plus souvent inhérentes à ce type de pro- pour Madame, des rangements et une lingerie. lui même édictés. Il écrit : “A quoi bon enfoncer une (f l c 33 491). gramme. La distance relativement faible entre Poissy et maison dans la terre, si l’on peut, au contraire, l’élever Au milieu à gauche, plan du rez-de-chaussée de la villa Paris fait que la commande de cette maison est plutôt Sur la finalisation de ce programme, il semble cependant au-dessus de la terre et regagner ainsi complètement le et la circulation horizontale de l’automobile (f l c 33 491). à entrevoir comme celle d’une résidence secondaire de que les choix des clients soient restés assez ouverts, ce terrain même de la maison.” Pour renforcer cette idée week-end, concept relativement nouveau et entière- qui va permettre à Le Corbusier de revoir entièrement de “maison en l’air”, il force également le trait, dans Au milieu à droite, dessin de l’étage de vie (1er étage) ment relié à l’utilisation de “l’automobile”. Ce que ne la question en fonction du parti architectural qu’il en- cette première esquisse, en ce qui concerne la forme de la villa (f l c 33 491). manquera pas de saisir Le Corbusier, à un point tel que tend adopter. “en coupole” du terrain, pourtant relativement plat En bas, croquis du 2e étage, le solarium (f l c 33 491). cette relation va devenir un des points-clefs de la sym- dans la réalité, et fait référence à la nécessité d’ouvrir la bolique de ce projet. Il écrit à propos du désir de ses maison aux “quatre horizons”, volonté qu’il reprendra ouvrant vers les boucles de la Seine, est ici au nord et clients : “Leur idée était simple : ils avaient un plus tard à propos de la chapelle de Ronchamp. Comme donc opposée à la course du soleil, d’où l’argument magnifique parc formé de prés entourés de le rappelle Danièle Pauly, ce concept des quatre hori- selon lequel : “la maison ne doit pas avoir de front” et, forêts ; ils désiraient vivre à la campagne ; ils zons, au-delà de sa dimension cardinale, renvoie aux pour ne pas tourner le dos à la vue, devra organiser ses étaient reliés à Paris par 30 kms d’auto.” années de jeunesse de Jeanneret habitué à contem- espaces autour d’un point central, un jardin suspendu, pler ces horizons depuis le haut des sommets, objet conçu comme un distributeur de lumière naturelle. Le programme fourni aux architectes est de ses promenades jurassiennes. Mais ouvrir la maison des plus classiques et porte essentiellement aux quatre horizons signifie également la positionner Quant au positionnement au centre de la parcelle, qui sur la nécessité, pour équiper cette mai- par rapport à la course du soleil. En effet, un autre des obligera d’ailleurs Le Corbusier à déroger au règlement son, de prévoir les installations techni- inconvénients de ce terrain est que la vue principale, d’urbanisme en vigueur dans la commune de Poissy, sa

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MEP Corbu 08.indd 62-63 22/06/09 20:47:35 L’évidence de la première esquisse

La villa Savoye, édifiée à Poissy près sa manière de conjuguer dans un C’est dans le courant de l’année 1928 que Le Corbu- de Paris entre 1928 et 1931, est une des grandes même projet et avec une grande sier reçoit commande de cette maison. Il se met immé- icônes de l’architecture du x x e siècle. Avec le pavillon de économie de moyens, le triptyque : diatement au travail et, dès le début du mois suivant, l’Allemagne construit par Mies van der Rohe à Barcelone, structure, espace, lumière. il est en mesure de fournir à ses clients une première au cours des mêmes années, elle symbolise aujourd’hui esquisse, qui va se révéler in fine être la bonne après tout ce que l’architecture moderne de l’entre-deux- Pour Le Corbusier et Pierre Jeanneret, cette réalisation de nombreuses tribulations dont il sera question par guerres en Europe, souhaitait affirmer : la perfection met un terme à une série de résidences privées bâties la suite. Le fait que cette première esquisse va s’avérer de la machine à habiter, la pureté des lignes, la flui- à Paris ou dans la région parisienne au cours d’une décisive montre à quel point Le Corbusier est en phase dité de l’espace et, dans le même temps, ce qui peut décennie riche en commandes de ce type et dont les avec ce projet et notamment avec son site d’implan- sembler un paradoxe, une certaine déférence envers villas La Roche Jeanneret et Stein de Monzie représen- tation et son programme auxquels il va apporter tou- les canons de l’architecture classique. Elle est égale- tent, avec la villa Savoye, les édifices les plus remar- tefois une interprétation surprenante par rapport aux ment emblématique, au regard de cette période, dans quables. souhaits exprimés par ses clients.

Dans le volume 2 de l’Œuvre complète Le Corbusier Maison de campagne ou de week-end ? commente cette première esquisse : “Site : magnifique propriété formée d’un grand pâturage et verger formant coupole entourés d’une ceinture de hautes futaies. La Difficile d’imaginer aujourd’hui au travers de la sacrali- ques parmi les plus modernes. Concernant la distribu- maison ne doit pas avoir un front. Située au sommet de sation d’un édifice devenu monument historique, qu’il tion des pièces, celle-ci est décomposée en différentes la coupole, elle doit s’ouvrir aux quatre horizons. L’étage s’agit au départ, comme le précise la lettre envoyée zones avec en rez-de-chaussée les pièces d’accueil mais d’habitation, avec son jardin suspendu, se trouvera éle- par Mme Savoye à Le Corbusier, de la construction également les pièces de séjour ainsi que la chambre vé au-dessus de pilotis de façon à permettre des vues d’une simple maison de campagne. Les clients, Pierre d’amis et celle de leur fils unique. Egalement à ce même lointaines sur l’horizon.” Les enseignements que l’on et Emilie Savoye sont apparentés à la famille Gras Sa- niveau et, en contact direct avec l’extérieur, doivent peut tirer de ce commentaire sont les suivants. D’abord, voye, propriétaire d’une grande compagnie d’assuran- être prévus les logements des domestiques, chauffeur Le Corbusier, s’il a noté la qualité du couvert végétal de ces. Pour Le Corbusier, habitué à une clientèle aisée, compris, auxquels il faut ajouter un logement pour un ce site, en a également noté les inconvénients, à savoir, en général proche des milieux d’affaires mais surtout jardinier, un garage pour trois voitures et des annexes ne posséder aucune vue lointaine. D’où sa volonté pre- A gauche en haut, dessin de la villa “au sommet de la coupole” de l’art, les Savoye sont décrits comme des person- telles que cave, cellier etc. mière de sortir du terrain en posant la maison sur des d’après Le Corbusier, avec un peu d’exagération (f l c 33 491). nes sans idées préconçues concernant l’architecture. pilotis. Ce qui, faut-il le rappeler, est en parfaite adé- A gauche en bas, roquis de situation de la villa Savoye (f l c 33 491). Cela signifie pour lui la possibilité d’œuvrer selon ses A l’étage est demandée une suite parentale avec quation avec sa conception de l’architecture moderne idées, sans avoir à affronter les questions de style ou grande chambre et salle de bains, ainsi qu’un boudoir et en accord avec un de ses fameux Cinq Points qu’il a En haut, coupe montrant les circulations verticales de la villa de goût le plus souvent inhérentes à ce type de pro- pour Madame, des rangements et une lingerie. lui même édictés. Il écrit : “A quoi bon enfoncer une (f l c 33 491). gramme. La distance relativement faible entre Poissy et maison dans la terre, si l’on peut, au contraire, l’élever Au milieu à gauche, plan du rez-de-chaussée de la villa Paris fait que la commande de cette maison est plutôt Sur la finalisation de ce programme, il semble cependant au-dessus de la terre et regagner ainsi complètement le et la circulation horizontale de l’automobile (f l c 33 491). à entrevoir comme celle d’une résidence secondaire de que les choix des clients soient restés assez ouverts, ce terrain même de la maison.” Pour renforcer cette idée week-end, concept relativement nouveau et entière- qui va permettre à Le Corbusier de revoir entièrement de “maison en l’air”, il force également le trait, dans Au milieu à droite, dessin de l’étage de vie (1er étage) ment relié à l’utilisation de “l’automobile”. Ce que ne la question en fonction du parti architectural qu’il en- cette première esquisse, en ce qui concerne la forme de la villa (f l c 33 491). manquera pas de saisir Le Corbusier, à un point tel que tend adopter. “en coupole” du terrain, pourtant relativement plat En bas, croquis du 2e étage, le solarium (f l c 33 491). cette relation va devenir un des points-clefs de la sym- dans la réalité, et fait référence à la nécessité d’ouvrir la bolique de ce projet. Il écrit à propos du désir de ses maison aux “quatre horizons”, volonté qu’il reprendra ouvrant vers les boucles de la Seine, est ici au nord et clients : “Leur idée était simple : ils avaient un plus tard à propos de la chapelle de Ronchamp. Comme donc opposée à la course du soleil, d’où l’argument magnifique parc formé de prés entourés de le rappelle Danièle Pauly, ce concept des quatre hori- selon lequel : “la maison ne doit pas avoir de front” et, forêts ; ils désiraient vivre à la campagne ; ils zons, au-delà de sa dimension cardinale, renvoie aux pour ne pas tourner le dos à la vue, devra organiser ses étaient reliés à Paris par 30 kms d’auto.” années de jeunesse de Jeanneret habitué à contem- espaces autour d’un point central, un jardin suspendu, pler ces horizons depuis le haut des sommets, objet conçu comme un distributeur de lumière naturelle. Le programme fourni aux architectes est de ses promenades jurassiennes. Mais ouvrir la maison des plus classiques et porte essentiellement aux quatre horizons signifie également la positionner Quant au positionnement au centre de la parcelle, qui sur la nécessité, pour équiper cette mai- par rapport à la course du soleil. En effet, un autre des obligera d’ailleurs Le Corbusier à déroger au règlement son, de prévoir les installations techni- inconvénients de ce terrain est que la vue principale, d’urbanisme en vigueur dans la commune de Poissy, sa

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MEP Corbu 08.indd 74-75 22/06/09 20:48:00 villa savoye

une architecture du parcours : la circulation dans la villa

Parmi tous les concepts avancés par Le Corbusier et qui définissent 1 / toit-terrasse. L’ensemble de la terrasse son apport à l’architecture moderne, celui de “la promenade n’est pas accessible, contrairement à ce qui architecturale”, qui permet de sentir l’espace avec le corps, et avait été envisagé dans un premier projet. l’architecture avec le regard, est des plus relevants. De ce point elle est recouverte de graviers. de vue, parcourir la villa Savoye procure une série de sensations, 2 / rampe. cette rampe douce à quatre qu’il explique de la manière suivante : “De l’intérieur du vestibule, volées part du rez-de-chaussée de la villa une rampe douce conduit, sans qu’on s’en aperçoive presque, pour desservir la terrasse du 2e étage. au premier étage, où se déploie la vie de l’habitant : réception, elle débouche alors sur un espace ouvert chambres, etc. Prenant vue et lumière sur le pourtour régulier de verticalement et fermé horizontalement. La 1 la boîte, les différentes pièces viennent se coudoyer en rayonnant baie percée offre un cadre au paysage de la sur un jardin suspendu qui est là comme un distributeur de lumière 2 seine. appropriée et de soleil […] mais on continue la promenade. Depuis le jardin à l’étage, on monte par la rampe sur le toit de 3 / couloirs. Les circulations horizontales la maison où est le solarium. L’architecture arabe nous donne un sont en parties contraintes par les couloirs enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied ; qui distribuent les pièces du premier étage. c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer 4 / espaces de vie. Le premier étage regroupe les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à les lieux de réception du couple savoye, l’architecture baroque qui est conçue sur le papier, autour d’un et les espaces privés (chambres, salles de point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture 3 bains) de la famille. aux espaces ouverts, arabe. Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade liés à la vie commune, répondent des architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, espaces plus fermés et n’ouvrant pas sur les parfois étonnants. Il est intéressant d’obtenir tant de diversité mêmes extérieurs. quand on a, par exemple, admis au point de vue constructif un schéma de poteaux et de poutres d’une rigueur absolue.” 5 / escalier hélicoïdal. seule circulation 4 verticale complètement traversante, elle Pour obtenir ces effets décrits, Le Corbusier met au point dans irrigue tous les niveaux de la villa, du sous- cette villa une architecture du parcours qui prend appui sur trois sol au 2e étage. éléments : la rampe, l’escalier et les terrasses. Les enchaînements 6 / chemin automobile. La conception de la entre ces trois éléments, loin d’être obligatoires comme dans une villa prévoit et intègre le développement à architecture simplement fonctionnelle, sont aléatoires et proposent venir de l’automobile. des choix de parcours “à la carte” qui multiplient les perceptions visuelles quand on se déplace dans cette architecture. 5

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a gauche, la villa savoye, du plan au volume (restitution 3d).

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une architecture du parcours : la circulation dans la villa

Parmi tous les concepts avancés par Le Corbusier et qui définissent 1 / toit-terrasse. L’ensemble de la terrasse son apport à l’architecture moderne, celui de “la promenade n’est pas accessible, contrairement à ce qui architecturale”, qui permet de sentir l’espace avec le corps, et avait été envisagé dans un premier projet. l’architecture avec le regard, est des plus relevants. De ce point elle est recouverte de graviers. de vue, parcourir la villa Savoye procure une série de sensations, 2 / rampe. cette rampe douce à quatre qu’il explique de la manière suivante : “De l’intérieur du vestibule, volées part du rez-de-chaussée de la villa une rampe douce conduit, sans qu’on s’en aperçoive presque, pour desservir la terrasse du 2e étage. au premier étage, où se déploie la vie de l’habitant : réception, elle débouche alors sur un espace ouvert chambres, etc. Prenant vue et lumière sur le pourtour régulier de verticalement et fermé horizontalement. La 1 la boîte, les différentes pièces viennent se coudoyer en rayonnant baie percée offre un cadre au paysage de la sur un jardin suspendu qui est là comme un distributeur de lumière 2 seine. appropriée et de soleil […] mais on continue la promenade. Depuis le jardin à l’étage, on monte par la rampe sur le toit de 3 / couloirs. Les circulations horizontales la maison où est le solarium. L’architecture arabe nous donne un sont en parties contraintes par les couloirs enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied ; qui distribuent les pièces du premier étage. c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer 4 / espaces de vie. Le premier étage regroupe les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à les lieux de réception du couple savoye, l’architecture baroque qui est conçue sur le papier, autour d’un et les espaces privés (chambres, salles de point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture 3 bains) de la famille. aux espaces ouverts, arabe. Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade liés à la vie commune, répondent des architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, espaces plus fermés et n’ouvrant pas sur les parfois étonnants. Il est intéressant d’obtenir tant de diversité mêmes extérieurs. quand on a, par exemple, admis au point de vue constructif un schéma de poteaux et de poutres d’une rigueur absolue.” 5 / escalier hélicoïdal. seule circulation 4 verticale complètement traversante, elle Pour obtenir ces effets décrits, Le Corbusier met au point dans irrigue tous les niveaux de la villa, du sous- cette villa une architecture du parcours qui prend appui sur trois sol au 2e étage. éléments : la rampe, l’escalier et les terrasses. Les enchaînements 6 / chemin automobile. La conception de la entre ces trois éléments, loin d’être obligatoires comme dans une villa prévoit et intègre le développement à architecture simplement fonctionnelle, sont aléatoires et proposent venir de l’automobile. des choix de parcours “à la carte” qui multiplient les perceptions visuelles quand on se déplace dans cette architecture. 5

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a gauche, la villa savoye, du plan au volume (restitution 3d).

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MEP Corbu 08.indd 80-81 L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952

Unité d’habitation de Marseille, façade est.

MEP Corbu 08.indd 90-91 22/06/09 20:48:27 L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952

Unité d’habitation de Marseille, façade est.

MEP Corbu 08.indd 90-91 22/06/09 20:48:27 L’habitat collectif

Coupe de l’Unité d’habitation. Les techniques de construction de l’u h m

C’est sur un système de fondations par puits que repose l’ossature de l’Unité d’habitation. Dix-sept portiques, distants entre eux de 8,38 mètres divisent la longueur du bâtiment du nord au sud. Ce premier dimensionnement au se divise en deux, soit 4,19 mètres pour correspondre à la trame tridimensionnelle qui définit au-dessus, la structure d’accueil des cellules. Ces portiques portent un sol artificiel à 8 mètres. au-dessus du sol. La partie supérieure de chaque portique se présente sous la forme d’une poutre, prolongée par deux consoles en porte-à-faux, de part et d’autre de cette poutre. La tête de ces consoles reprend également en porte-à-faux les grandes grilles des loggias en béton préfabriqué qui composent les façades.

Dans le sens nord-sud, ces portiques sont réunis par deux grandes poutres longitudinales de 2,62 mètres de hauteur par 1,25 mètre de largeur, courant sur les 137 mètres de longueur de l’immeuble. Ces poutres servent d’appui aux poutres transversales. Ce canevas de portiques et de poutres assure la stabilité du bâtiment sous l’action des forces horizontales de direction nord/sud.

Chaque pilotis de forme tronconique est constitué de deux parties. Une partie pleine en béton armé, de section variable, correspondant au pied de chaque portique, et une partie creuse de section constante, servant au passage des différentes gaines d’alimentation ou d’évacuation de l’immeuble. Parmi celles-ci, une gaine sert aux eaux usées qui, depuis le pied de ces pilotis, sont évacuées, via un caniveau central, vers le poste des ordures ménagères mécanisé situé à proximité de l’entrée de la propriété au nord.

L’ensemble de cette ossature est antisismique et comprend à chaque niveau des dalles horizontales en béton assurant la protection contre l’incendie et le contreventement de l’immeuble.

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Dépliant 6 pages corbu.indd 3 22/06/09 21:49:50 seront proposés à Le Corbusier pour implanter son fonction de la localisation de la zone des chambres, bâtiment à Marseille. Le premier sera situé dans le comprend un sas d’entrée permettant d’isoler le loge- quartier portuaire de la Madrague, le second, boule- ment des nuisances de la rue intérieure, une cuisine vard Michelet en face du terrain définitivement choisi, “laboratoire“ livrée entièrement aménagée, un coin le troisième dans le quartier de Saint-Barnabé sur les repas, un séjour prolongé par une loggia, ainsi qu’une collines à l’est de la ville, le quatrième à nouveau sur le grande chambre avec salle de bains commandée et boulevard Michelet, le long du grand axe qui traverse deux chambres d’enfants avec leur douche et coin toi- 5 la ville du nord au sud. lette. L’ensemble du mobilier de l’appartement, escalier intérieur, casiers de rangement, armoires, table à lan- 4 Entièrement conçu sur le carré à partir de l’emploi d’une ger, meuble passe-plats, niches, étagères… est l’œu- trame de 4,19 mètres dimensionnée au Modulor, le plan vre conjointe de Le Corbusier, et de l’Unité d’habitation part de la définition d’une cel- Jean Prouvé. Ce mobilier intégré divise les différents lule en longueur sur deux niveaux, qui peut évoquer la espaces fonctionnels de la cellule de manière à en li- typologie de la maison gothique sur parcelle allongée. bérer l’espace général dans lequel ont disparu les tra- Composées à partir d’un dessin de cinq carrés mis bout ditionnels couloirs. Toutes les techniques modernes, 2 à bout, ces cellules sont couplées autour de deux gaines qui se font jour sur le marché de la construction au 3 montantes qui permettent le passage de tous les fluides début des années 1950, sont mises en œuvre dans la 6 traversant le bâtiment depuis les pilotis jusqu’au toît ter- conception de ces appartements : double vitrage pour rasse. Cette dernière disposition correspond d‘ailleurs à les menuiseries extérieures, ventilation, chauffage, isola- une reprise des études effectuées par Le Corbusier dès tion phonique, nouveaux matériaux légers, comme le 1929 pour le projet des maisons économiques Loucheur, contreplaqué ou les plaques de plâtre, révolutionnent 1 du nom du père de la loi éponyme. ainsi l’aménagement intérieur du logement.

Imbriquées deux par deux autour d’une rue intérieure qui L’emploi de la couleur, si important dans l’architecture permet de les desservir, selon l’idée d’un “couple de cases“, de Le Corbusier, est également convoqué pour structu- ces cellules sont cependant plus symétriques en plan qu’en rer l‘architecture intérieure de cette cellule. Ici la poly- coupe, comme le montre l’analyse de leur fonctionnement chromie prend la place des traditionnels papiers peints, respectif. Reproduites vingt-neuf fois sur la longueur du selon une répartition savante effectuée en fonction de bâtiment, ces cellules se retournent sur la façade sud tan- la nature des différents espaces, de leur enchaînement, dis que le pignon nord reste aveugle, seulement animé par de leurs usages et de leur rapport à la lumière naturelle. un escalier de secours extérieur que Le Corbusier dessi- Cet emploi de la couleur se retrouve également dans 7 nera tardivement d’une manière magistrale, à la demande les jouées des loggias, venant d’une manière subtile des services de sécurité, pour évacuer la rue commerciale contrebalancer la rigueur des bétons qui déterminent des niveaux sept et huit. Organisée ainsi sur trois niveaux, les textures extérieures de ce bâtiment. l’imbrication de deux appartements autour de la rue inté- rieure définit la coupe type de l’Unité d’habitation. Celle-ci Les façades, dont les éléments de béton préfabriqués compte dix-huit niveaux entrecoupés à mi-hauteur, pour en usine sont posés en porte-à-faux sur la structure 1 / Sol artificiel. Le sol artificiel supporté par les pilotis 5 / Gaines de ventilation. Elles sont intégrées entre la structure des questions évidentes de partage des trajets, par une générale de l’Unité d‘habitation coulée en place, ménage un grand vide sanitaire où sont déployées les gaines porteuse et les cloisons. galerie de commerces et se termine par un toit-terrasse s’expriment par la répétition de profondes loggias al- techniques. aménagé, comprenant une crèche-garderie en liaison, par ternant niveaux simples et doubles hauteurs grâce à 6 / Eléments de parement. Ces parements – lame horizontale une rampe intérieure, avec une école maternelle située à l’emploi d’une dalle horizontale formant brise-soleil. 2 / Plancher métallique. Il repose sur des boîtes en plomb des brise-soleil de la rue intérieure, garde-corps des loggias – l’étage inférieur, un petit bassin destiné aux enfants, un Prolongements naturels extérieurs des appartements, pour assurer aux cellules d’habitation une très bonne isolation sont préfabriqués en usine et assemblés sur place. gymnase et un théâtre de plein air, le tout ceinturé par une ces loggias s’ouvrent soit sur le paysage des collines acoustique. 7 / Pilotis. Après le coffrage et le ferraillage, le béton est coulé. piste réservée à la promenade ou à la course à pied ! environnant Marseille à l’est, soit à l’ouest vers la 3 / Bouteiller. La structure portante de l’u h m permet une grande Les pilotis creux permettent le passage des conduits d’évacuation. Méditerranée toute proche. flexibilité dans l’aménagement des espaces intérieurs. Trois cent trente-sept appartements, de vingt-trois types différents, composent l’unité d’habitation. L’appartement 4 / Dalle intermédiaire. Tous les trois niveaux, une dalle en type organisé en duplex montant ou descendant, en A droite, cheminée du toit-terrasse. béton est coulée.

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MEP Corbu 08.indd 96-101 22/06/09 20:48:33 L’épopée d’un chantier

Le 13 octobre 1947, soit deux années après la politique et d’une centralisation excessive, tout ou commande, le maire de Marseille, Jean Cristofol, se presque devant se décider à Paris avant exécution, et rend boulevard Michelet pour la pose de la première ce, malgré la présence sur le chantier de nombreuses pierre. Planifiée initialement sur douze mois, la équipes. construction dure cinq ans et se heurter à une série de difficultés provenant à la fois de l’organisation du Pour Le Corbusier trop peu présent, pris par ailleurs chantier, de l‘édification de logements expérimentaux par ses projets internationaux, qu’il s’agisse des Etats- et d’une situation économique défavorable. La chaîne Unis où en 1947, il travaille sur le concours du siège de montage prévue par les architectes et les ingénieurs, de l’Organisation des Nations Unies à New York, qui et qui devait à l’origine être proposée comme un se fera finalement sans lui, ou de l’Inde, pour laquelle nouveau modèle de production, ne s’avère au fil de en 1951 la commande de la ville de Chandigarh vient ce chantier que comme une métaphore poétique. de lui échoir, cette expérience de Marseille va s’avérer Malgré la rationalisation souhaitée de concert par Le Cor- des plus pénibles. D’autant plus qu’avec ce projet busier et son ingénieur en chef Vladimir Bodiansky d’envergure, il voit s’effondrer un certain nombre de et méticuleusement intégrée dès la conception de mythes qu’il avait patiemment contribué à forger dès l’avant-projet, l’écart entre les intentions théoriques le début de sa carrière. Ainsi en est-il de son idéalisme et la pratique du chantier ne cesse de se creuser dans sa recherche de l’établissement de rapports tout au long du développement de celui-ci. Retards, harmonieux entre architecture et pouvoir politique ou dépassements exhorbitants des coûts, malfaçons, en ce qui concerne les rapports entre architecture et mésententes entre architectes et ingénieurs, difficultés industrie, ou même entre architectes et techniciens de d’approvisionnement en matériaux quand ces derniers tous ordres. “Préparer le livre du chantier de l’Unité / ne sont pas détournés pour alimenter d’autres les vicissitudes / […] J’aviserai les entreprises de cette chantiers ! grèves, cabales corporatistes, procès… publication où les fautifs seront dénoncés.“ Qu’ils la liste est longue de l’ensemble des problèmes qui prennent garde“, note-t-il dans ses fameux carnets qui pénalisent le bon déroulement de ce chantier. ne le quittent jamais.

La conduite de cette opération sous tutelle de l’Etat, à Comment aujourd’hui, avec le recul du temps, ne la fois aux niveaux technique, administratif et financier, pas comprendre les difficultés rencontrées lors de la subira également les effets conjugués d’une instabilité construction de l‘Unité d’habitation de Marseille ? On Avancement de la construction, août 1948. A gauche, visite officielle du chantier, septembre 1948.

est là face à un projet exceptionnel, réalisé dans une même des associations déposant des recours destinés ville qui, tout en étant la deuxième de , n‘a pas à interrompre cette opération, Le Corbusier pourra eu jusque-là l’expérience de projets d’envergure au toutefois mener cette expérience à son terme. niveau de son architecture. Une ville dans laquelle les nombreux chantiers de la Reconstruction mobilisent Le 14 octobre 1952, jour de l’inauguration de l’Unité les entreprises locales qui ont du mal à faire face à d’habitation de Marseille, Le Corbusier auquel est leurs engagements et, pour finir, une ville confrontée remise la cravate de commandeur dans l’Ordre de la dans cette opération à un Etat centralisateur dont les Légion d’honneur, déclare : “Monsieur le Ministre. organes d’administration sont encore situés à quelque J’ai l’honneur, j’ai la joie, j’ai la fierté de vous remettre dix heures de train de Paris ! «l’Unité d’Habitation de Grandeur conforme», première manifestation aujourd’hui d’une forme Cependant, et grâce à l’appui indéfectible du ministre d’habitat moderne, commandée par l’Etat, libre de Eugène Claudius-Petit, ami de Le Corbusier qui se toute règlementation… Je remercie l’Etat français fera l’avocat de ce projet chaque fois que celui-ci sera d’avoir provoqué cette expérience… Je dis merci à menacé, que ce soit par différentes administrations mes collaborateurs, ouvriers et entrepreneurs, à ceux pour des raisons réglementaires ou des particuliers ou qui nous ont aidés et non pas à ceux qui se sont mal

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MEP Corbu 08.indd 102-103 22/06/09 20:48:37 L’épopée d’un chantier

Le 13 octobre 1947, soit deux années après la politique et d’une centralisation excessive, tout ou commande, le maire de Marseille, Jean Cristofol, se presque devant se décider à Paris avant exécution, et rend boulevard Michelet pour la pose de la première ce, malgré la présence sur le chantier de nombreuses pierre. Planifiée initialement sur douze mois, la équipes. construction dure cinq ans et se heurter à une série de difficultés provenant à la fois de l’organisation du Pour Le Corbusier trop peu présent, pris par ailleurs chantier, de l‘édification de logements expérimentaux par ses projets internationaux, qu’il s’agisse des Etats- et d’une situation économique défavorable. La chaîne Unis où en 1947, il travaille sur le concours du siège de montage prévue par les architectes et les ingénieurs, de l’Organisation des Nations Unies à New York, qui et qui devait à l’origine être proposée comme un se fera finalement sans lui, ou de l’Inde, pour laquelle nouveau modèle de production, ne s’avère au fil de en 1951 la commande de la ville de Chandigarh vient ce chantier que comme une métaphore poétique. de lui échoir, cette expérience de Marseille va s’avérer Malgré la rationalisation souhaitée de concert par Le Cor- des plus pénibles. D’autant plus qu’avec ce projet busier et son ingénieur en chef Vladimir Bodiansky d’envergure, il voit s’effondrer un certain nombre de et méticuleusement intégrée dès la conception de mythes qu’il avait patiemment contribué à forger dès l’avant-projet, l’écart entre les intentions théoriques le début de sa carrière. Ainsi en est-il de son idéalisme et la pratique du chantier ne cesse de se creuser dans sa recherche de l’établissement de rapports tout au long du développement de celui-ci. Retards, harmonieux entre architecture et pouvoir politique ou dépassements exhorbitants des coûts, malfaçons, en ce qui concerne les rapports entre architecture et mésententes entre architectes et ingénieurs, difficultés industrie, ou même entre architectes et techniciens de d’approvisionnement en matériaux quand ces derniers tous ordres. “Préparer le livre du chantier de l’Unité / ne sont pas détournés pour alimenter d’autres les vicissitudes / […] J’aviserai les entreprises de cette chantiers ! grèves, cabales corporatistes, procès… publication où les fautifs seront dénoncés.“ Qu’ils la liste est longue de l’ensemble des problèmes qui prennent garde“, note-t-il dans ses fameux carnets qui pénalisent le bon déroulement de ce chantier. ne le quittent jamais.

La conduite de cette opération sous tutelle de l’Etat, à Comment aujourd’hui, avec le recul du temps, ne la fois aux niveaux technique, administratif et financier, pas comprendre les difficultés rencontrées lors de la subira également les effets conjugués d’une instabilité construction de l‘Unité d’habitation de Marseille ? On Avancement de la construction, août 1948. A gauche, visite officielle du chantier, septembre 1948.

est là face à un projet exceptionnel, réalisé dans une même des associations déposant des recours destinés ville qui, tout en étant la deuxième de France, n‘a pas à interrompre cette opération, Le Corbusier pourra eu jusque-là l’expérience de projets d’envergure au toutefois mener cette expérience à son terme. niveau de son architecture. Une ville dans laquelle les nombreux chantiers de la Reconstruction mobilisent Le 14 octobre 1952, jour de l’inauguration de l’Unité les entreprises locales qui ont du mal à faire face à d’habitation de Marseille, Le Corbusier auquel est leurs engagements et, pour finir, une ville confrontée remise la cravate de commandeur dans l’Ordre de la dans cette opération à un Etat centralisateur dont les Légion d’honneur, déclare : “Monsieur le Ministre. organes d’administration sont encore situés à quelque J’ai l’honneur, j’ai la joie, j’ai la fierté de vous remettre dix heures de train de Paris ! «l’Unité d’Habitation de Grandeur conforme», première manifestation aujourd’hui d’une forme Cependant, et grâce à l’appui indéfectible du ministre d’habitat moderne, commandée par l’Etat, libre de Eugène Claudius-Petit, ami de Le Corbusier qui se toute règlementation… Je remercie l’Etat français fera l’avocat de ce projet chaque fois que celui-ci sera d’avoir provoqué cette expérience… Je dis merci à menacé, que ce soit par différentes administrations mes collaborateurs, ouvriers et entrepreneurs, à ceux pour des raisons réglementaires ou des particuliers ou qui nous ont aidés et non pas à ceux qui se sont mal

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MEP Corbu 08.indd 102-103 22/06/09 20:48:37 L’unité d’habitation de Marseille

La cellule d’habitation, confort d’ambiance

On ne peut aborder la question de l’habiter dans l’œuvre de Le Corbusier sans également mentionner toutes les recherches menées sur la question du confort d’ambiance dans les bâtiments et la prise en compte de la spécificité du climat dans la conception de ses architectures. Même si certaines expériences se sont révélées douloureuses, parfois même catastrophiques par rapport aux objectifs visés, il faut saluer la volonté d’innovation qui accompagne l’ensemble des projets et des bâtiments réalisés par Le Corbusier. Qu’il s’agisse de la thermique, de l’acoustique, de l’éclairement naturel ou artificiel… toutes ces pistes ont été balisées au cours des années, donnant lieu à de véritables créations comme : le brise-soleil, la toiture végétalisée, la ventilation mécanique, le double vitrage, le mur neutralisant... Il est également intéressant de noter qu’après avoir testé les systèmes les plus sophistiqués sur le plan technique, Le Corbusier, notamment quand il construit en Inde, propose de revenir à des systèmes séculaires pour assurer le confort de vie à l’intérieur de a gauche, plans 2d des trois niveaux de deux ses bâtiments. cellules superposées. en bas, croquis d’un développé de la cuisine. création de charlotte perriand, cette cuisine à l’américaine est organisée rationnellement pour accroître l’efficacité de la maîtresse de maison (flc 20 564).

a droite en haut, chambre des parents, située en mezzanine, vers 1955; à droite, salon d’un appartement. Les grandes baies sont ouvertes, la loggia devient le prolongement naturel du salon.

a droite en bas, écorché de deux appartements, restitution virtuelle. L’articulation de chaque appartement à la rue intérieure conditionne son

façade Est 0 2 5m façade Ouest organisation interne.

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La cellule d’habitation, confort d’ambiance

On ne peut aborder la question de l’habiter dans l’œuvre de Le Corbusier sans également mentionner toutes les recherches menées sur la question du confort d’ambiance dans les bâtiments et la prise en compte de la spécificité du climat dans la conception de ses architectures. Même si certaines expériences se sont révélées douloureuses, parfois même catastrophiques par rapport aux objectifs visés, il faut saluer la volonté d’innovation qui accompagne l’ensemble des projets et des bâtiments réalisés par Le Corbusier. Qu’il s’agisse de la thermique, de l’acoustique, de l’éclairement naturel ou artificiel… toutes ces pistes ont été balisées au cours des années, donnant lieu à de véritables créations comme : le brise-soleil, la toiture végétalisée, la ventilation mécanique, le double vitrage, le mur neutralisant... Il est également intéressant de noter qu’après avoir testé les systèmes les plus sophistiqués sur le plan technique, Le Corbusier, notamment quand il construit en Inde, propose de revenir à des systèmes séculaires pour assurer le confort de vie à l’intérieur de a gauche, plans 2d des trois niveaux de deux ses bâtiments. cellules superposées. en bas, croquis d’un développé de la cuisine. création de charlotte perriand, cette cuisine à l’américaine est organisée rationnellement pour accroître l’efficacité de la maîtresse de maison (flc 20 564).

a droite en haut, chambre des parents, située en mezzanine, vers 1955; à droite, salon d’un appartement. Les grandes baies sont ouvertes, la loggia devient le prolongement naturel du salon.

a droite en bas, écorché de deux appartements, restitution virtuelle. L’articulation de chaque appartement à la rue intérieure conditionne son

façade Est 0 2 5m façade Ouest organisation interne.

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