Le village de , au pied de la Montagne Noire. Évolution du Moyen Âge jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Fig. 1. Vue du village depuis la montagne.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du 1 Historique

Une puissante seigneurie au début du Moyen Âge

En 960 le château de Dourgne, Durimano Castro, est cité pour la première fois lorsque l’évêque de , Hugues, le lègue au vicomte d’, lequel y installe deux seigneurs, Bernard et Gausbert1. À partir de 1040, lorsque la féodalité se développe, la seigneurie de Dourgne dépend de la puissante vicomté des qui ont évincé les comtes de Toulouse2. Au XIIe siècle, Pons de Dourgne transmet ses droits à ses trois fils, Isnard et Bégon de Dourgne et Pierre de ainsi qu’à son neveu Pierre de Tripol3. Au cours du XIIe siècle, le territoire de la seigneurie s’agrandit progressivement grâce aux largesses accordées par les Trencavel. Ils leur inféodent en 1153, Montcuq4 vers 1183 et en 1186. Forts de cet agrandissement de territoire, les seigneurs de Dourgne contrôlent désormais la partie occidentale du versant nord de la Montagne Noire et notamment la traversée du massif montagneux par les vallées5. En 1201, face au morcellement des droits sur la seigneurie, il semblerait que Raimond de Dourgne et Pierre de Puylaurens organisent « une série de disparitions providentielles »6, pour se retrouver subitement seuls héritiers. Au moment des croisades contre les albigeois, entre 1178 et 1229, la seigneurie de Dourgne se trouve au cœur des conflits. En 1224, les domaines des Trencavel sont rattachés au royaume de . A la suite du Traité de Paris de 1229, le comte de Toulouse Raymond VII rachète un certain nombre de seigneuries dont celle de Dourgne en 12317 pour compenser les pertes subies en Bas- et en Provence. Sur place, l’homme fort du comte de Toulouse est Jourdain de Saissac, neveu de Raimond de Dourgne. C’est donc entre les mains de cet homme à la longévité remarquable, puis à celle de ses héritiers que revient la seigneurie de Dourgne au cours du XIIIe siècle.

Pendant toute cette première partie du Moyen Âge, l’occupation du territoire se fait principalement sur trois sites distincts, tous localisés sur le versant nord de la montagne et distants

1 CAMPECH, 1988, p. 35. 2 CAZALS, (dir.), 2004, p. 66. 3 Ibidem, p. 77. 4 Actuellement Cuq-Toulza. 5 CAZALS (dir.), 2004, p. 69. 6 Ibidem. 7 Ibidem, p. 83. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 2 les uns des autres de quelques centaines de mètres seulement. Celui du château, le Castelas, celui du village sur le flanc oriental de la vallée et celui de la première église paroissiale Saint-Pierre sur la rive gauche du Taurou.

Les sites de hauteur médiévaux

Le site du château primitif appelé le Castelas, était situé sur une éminence rocheuse, à l’intérieur de la vallée, sur le flanc est8. Une carte du village datant de la fin du XVIIIe siècle indique encore un « vieux fort » à cet emplacement9.

Fig. 2. Extrait d’une carte de la fin du XVIIIe siècle montrant le village de Dourgne. Le vieux fort est mentionné le long du Taurou (en haut de l’image) (A.D.Tarn, C 1263).

8 CAMPECH, 1988, p. 35. 9 A.D. Tarn, C 1263, Carte depuis le pont de la Navès sur la rivière de Thorét jusques au lieu de Dourgne sur laquelle on doit tracer l’emplacement du nouveau chemin. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 3 À la fin du XIXe siècle, il n’en restait que quelques « substructions en petit appareil » et « le cintre roman d’une porte »10. Le site ayant été transformé par la suite en carrière, il ne subsiste aujourd’hui que le souvenir de cette occupation à travers le nom donné à une grotte naturelle, la grotte du Castelas, découverte au cours de l’exploitation de la carrière en 1947 et qui constitue une Réserve Naturelle Volontaire.

Le premier village a pu être localisé sur le côté est de la vallée du Taurou11, à 500 mètres en contrebas du site du château, dans une zone devenue difficile d’accès12. Le compoix daté du milieu du XVIIIe siècle situe plusieurs propriétés par rapport à un chemin dit « de Ville Vieille » situé plutôt « vers le fond de la vallée que sur les pentes 13» qui pourrait témoigner de l’occupation du premier village.

À proximité, sur le site dit de Saint-Chipoli, sur le versant ouest de la vallée du Taurou, là où aujourd’hui est exploitée une carrière, des fouilles archéologiques ont mis au jour une autre église dédiée à Saint-Hippolyte, entourée de sépultures. Cette église est citée pour la première fois en 117914.

Enfin, la première église paroissiale, qui portait déjà le vocable de Saint-Pierre, était située à l’entrée de la vallée du Taurou, à l’emplacement de l’actuelle chapelle Saint-Stapin. Elle est, elle aussi, mentionnée en 960, en même temps que le château15.

Fig. 3. L’église Saint-Stapin.

10 AZÉMAR, 1910, p. 63. 11 Ibidem, p. 63. 12 CAMPECH, 1988, p. 38. 13 Ibidem. 14 Ibidem, p. 42-44. 15 AZÉMAR, 1910, (Sancti Petri). Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 4 Dourgne, une fondation royale

C’est en 1301, sur autorisation royale de Philippe-le-Bel, que le nouveau village de Dourgne aurait été fondé16. La charte de fondation n’est malheureusement pas conservée. Le nouveau centre de population se fixe alors sur le site que nous connaissons aujourd’hui, à l’interface entre la plaine et la montagne, à 250 mètres d’altitude, au débouché de la vallée du Taurou, sur la rive gauche.

Fig. 4. Le village de Dourgne est implanté à l’entrée de la vallée du Taurou.

Cette fondation royale s’inscrit dans le mouvement plus large de création de villes et de villages neufs dans le Sud-Ouest de la France à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe dans un effort de rénovation économique, en période de paix17. C’est par exemple, une quarantaine d’années plus tard, toujours sur autorisation royale, qu’est fondée la ville voisine de Revel.

16 L’historique présenté ici est largement redevable du travail de Théophile Azémar écrit au début du XXe siècle, à partir de sources souvent disparues depuis. T. AZÉMAR, 1910, p. 99. 17 LAURET, MALEBRANCHE, SÉRAPHIN, 1988. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 5 En 1303, la première charte des libertés aurait été accordée au village avec l’autorisation de fabriquer du drap18. En effet, le Haut-Languedoc connaît une période de développement de la production drapière, particulièrement florissante pendant tout le XIVe siècle et une partie du XVe siècle. Dourgne se spécialise alors dans la production de cordelat, étoffe de laine assez grossière utilisée essentiellement pour la confection de vêtements de travailleur. À l’instar de nombre de villes et de villages du Haut-Languedoc, Dourgne vend alors sa production aux foires générales de Pézenas et de Montagnac19.

Le village neuf au tracé régulier

Selon les historiens, le village neuf aurait été fondé par autorisation royale en 1301 pour rassembler la population sur un même site. La volonté de rapprocher les habitants du ruisseau, qui constituait alors une ressource de première nécessité pour l’activité textile, est certainement à l’origine de la création du nouveau centre de population.

Fig. 5. Essai de reconstitution du premier village de Dourgne.

Le noyau ancien du village se reconnaît actuellement au nord-est de l’église Saint-Pierre. Le site retenu est un site de hauteur, sur une petite éminence, à l’aplomb du ruisseau, qui permet d’exploiter la défense naturelle sur trois côtés. L’ensemble était entouré d’un fossé entièrement

18 Ibidem, p. 97. La date de 1303 est citée dans un arrêt du Parlement de Toulouse daté du 16 janvier 1572. 19 COMBES, 1958, p. 245. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 6 creusé de main d’homme à l’ouest, et qui pouvait constituer en un recreusement de la déclivité naturelle sur les autres côtés. Le fossé était lui-même doublé par un mur d’enceinte flanqué de tours d’angle, sur lesquelles on ne sait presque rien, si ce n’est qu’en 1752, une tour ruinée existe à l’angle ouest du village et une autre à l’angle sud20. Selon les registres des délibérations des consuls, une porte de ville existait du « côté de la plaine castraise », c’est-à-dire au nord. Elle était pourvue d’un pont-levis21. Effectivement, pour des raisons logiques de circulation, les portes d’accès au village doivent être envisagées dans le prolongement des rues, donc au nord et au sud.

À l’intérieur des murs, le village, de formation linéaire, se compose de trois rues parallèles étroites. Ces rues sont la rue Haute, la Basselle et la rue Basse (actuelle rue Valentine Carrié). La rue Haute et la rue Basse peuvent être considérées comme les axes majeurs. En revanche, la rue centrale, la Basselle, constitue une ruelle piétonne et secondaire sur laquelle donnent les façades arrière des maisons.

Fig. 6. Vue aérienne du village où la partie ancienne se lit très bien devant l’église.

Selon un dispositif caractéristique de l’époque médiévale, les parcelles d’habitation sont traversantes et par conséquent les maisons présentent deux façades sur rue. Les maisons situées sur le pourtour du village s’appuient directement sur le mur d’enceinte. On peut évaluer le nombre total de maisons à une cinquantaine environ. L’absence de jardins, rejetés à l’extérieur de l’enceinte, caractérise le village. L’habitat repéré dans le noyau ancien n’a pas révélé de bâti médiéval. Un

20 CAMPECH, 1988, p. 32. 21 Ibidem, p. 116. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 7 incendie survenu en 1929 a détruit une grande partie des maisons des îlots centraux. Les cartes postales antérieures à cette date montrent que des maisons à pan de bois étaient encore conservées dans la rue Haute notamment. L’une d’entre elles, dont la façade a été largement reprise à la suite de l’incendie, peut être datée du début du XVIIe siècle.

Fig. 7. La rue Haute (carte postale ancienne). Fig. 8. La rue Haute aujourd’hui. Il ne reste qu’une seule maison construite en pan de bois.

Une autre maison en pan de bois peut être datée elle aussi de la première moitié du XVIIe siècle. Il s’agit de la maison construite en pan de bois et pourvue d’un passage voûté, située à l’ouest de l’église.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 8 Fig. 9. La maison à pan-de-bois peut être datée du début du XVIIe siècle.

Le village possédait-il une place ? La vie de la communauté s’organisait-elle autour des deux rues principales comme cela est fréquent pour les villages de formation linéaire ou faut-il voir la place dans la partie nord du village, là où se trouve aujourd’hui une construction isolée (parcelle 153, voir l’extrait du cadastre de 1833, fig. 14).

Un premier agrandissement au XVI e siècle : le transfert de l’église paroissiale intra-muros

Le long épisode de la guerre de Cent ans donne un coup d’arrêt au développement économique. C’est seulement dans le dernier quart du XVe siècle que l’économie redémarre à nouveau. On peut penser que dans cette nouvelle période faste que connaît Dourgne à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, les habitants ont voulu construire une nouvelle église au goût du jour et la rapprocher du village. Puisqu’en effet, pendant tout le Moyen Âge, l’église paroissiale était située à l’extérieur du village, le long du Taurou. Au tout début du XVIe siècle, elle est donc transférée à l’intérieur de l’enceinte qui est probablement élargie vers le sud-est pour accueillir le nouvel édifice religieux. Sa situation en marge du noyau primitif, le long de l’enceinte, indique bien qu’elle est venue se greffer postérieurement. Elle a pu elle-même participer à la défense du village : le clocher situé à l’angle sud-est de l’église et le chevet devaient flanquer l’enceinte.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 9 Fig. 10. Essai de restitution du village au XVIe siècle.

L’implantation de la nouvelle église à l’est du village a dû favoriser la restructuration de l’habitat dans ce secteur. À l’ouest de l’église, la maison en pan de bois citée plus haut qui subsiste pourrait elle aussi témoigner du réaménagement de cette partie orientale au tout début du XVIIe siècle. Le passage voûté qu’elle présente constitue un empiétement sur la rue transversale. La porte du village devait alors se tenir à proximité de l’église qui, dans une conception symbolique, protégeait l’accès. La maison en pan de bois conserve un mur épais à l’angle qui pourrait constituer le vestige du mur d’enceinte.

Fig. 11. Extrait du plan cadastral de 1833, autour de l’église paroissiale.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 10 Dans ce même secteur, se trouvait la maison commune où se réunissaient les consuls, représentants de la communauté villageoise. Elle était située « sur lenclos de l’entrée du dit lieu de Dourgne », c'est-à-dire au-dessus de la porte de l’enceinte du village, située au sud-ouest de l’église.

Le temps des consuls

Les communautés de Dourgne et d’ ont été réunies sous un même consulat, attesté à partir du XVIe siècle22. Jusqu’à la Révolution, les deux communautés villageoises restent unies, non sans quelques velléités d’indépendance de la part des Arfontais. Chaque année, le 15 août, trois consuls sont nommés pour Dourgne et un pour Arfons. À partir du moment où la ville de Dourgne gagne son autonomie, les seigneurs du lieu ne résident plus sur place et leurs prérogatives semblent s’amoindrir. Cependant, du tout début du XVe siècle jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la famille de Foix en revendique les droits, ce qui donne lieu à de nombreux conflits23. Parmi toutes les tentatives faites pour éloigner la famille de Foix, citons celle du consulat de Dourgne qui, en 1544, achète la juridiction totale du lieu pour tenter de se débarrasser définitivement de l’emprise des seigneurs. Au XVIe siècle, au plus fort des guerres de Religion particulièrement ravageuses en Languedoc, Dourgne constitue une des seules communautés qui conserve la religion catholique dans le diocèse de Lavaur. En 1572, notamment, la ville aurait eu à faire face à une violente attaque24. C’est peut-être cet attachement à la religion catholique qui explique la concentration d’établissements religieux sur la commune.

La vie religieuse dourgnole est marquée par le culte de saint Stapin, ermite qui serait né et mort à Dourgne25. Il se serait retiré à la grotte du Cruzel où s’élève depuis le milieu du XXe siècle un monument à l’honneur du saint. La chapelle qui lui est dédiée se trouve depuis le XVIe siècle à l’entrée de la gorge du Taurou, à l’emplacement de la première église paroissiale. Autrefois entourée par un cimetière, l’église a été largement reconstruite dans les années 1860, à un moment où le culte du saint est relancé. Le rayonnement du culte du saint dourgnol s’étendait principalement dans l’Albigeois, le Rouergue et le . Trois autres lieux de culte, tous situés sur la montagne, sont rattachés à Saint-Stapin. Au sud-ouest du village, la source de Saint-Macaire est connue pour ses vertus thérapeutiques depuis l’Antiquité. L’oratoire que l’on peut voir aujourd’hui

22 DURAND-GORRY, 1971, p. 75. 23 DEPRAT, 1991, p. 12. L’auteur a travaillé sur les registres des délibérations consulaires. 24 DELPRAT, 1991, p. 145. 25 DE VIVIÈS, 1983. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 11 a été construit en 1952 par le curé de Dourgne pour célébrer le retour de guerre des fils de Dourgne. Sur le site éponyme de Saint-Chipoli, là où se trouve actuellement la carrière, s’élevait la chapelle de Saint-Hippolyte, entourée de son cimetière, qui a pu servir de lieu de culte pour les hameaux et des fermes des environs. C’est pour la protection qu’il assurait contre le vent dévastateur qui souffle parfois sur la montagne que Saint-Hippolyte était célébré. Enfin, la chapelle de Saint-Ferréol, elle aussi reconstruite au milieu du XXe siècle, est située sur le plateau calcaire qui domine le village au sud. L’emplacement de l’ancienne église se reconnaît aujourd’hui par une croix.

Aux XVII e et XVIII e siècles, la prospérité de l’économie textile

À partir de la fin du XVIIe siècle, après les troubles qu’ont engendrés les guerres de Religion, le Languedoc connaît une longue période de paix propice au développement économique et démographique. La province se spécialise dans la production de drap grâce à la création par Colbert de douze draperies royales languedociennes. Le Castrais et l’Albigeois sont réputés, quant à eux, pour leur production de petits lainages qui font vivre une grande partie de la population. À Dourgne, on continue de fabriquer du petit lainage mais dans des proportions bien supérieures aux époques antérieures. Il y a à Dourgne, « aux côtés d’une paysannerie peu instruite et souvent illettrée, une population active qui vit du commerce de la laine et de l’élevage, ainsi qu’une bourgeoisie comportant des hommes de lettres et des légistes26 ». Au cours du XVIIIe siècle, la production dourgnole s’accroît de manière significative : au début du siècle, elle est, pour les deux villages de Dourgne et de , de 1200 pièces par an27. Vers 1768 elle est de 2700 pièces de cordelat, et de 9000 pièces de sargue28, soit 11700 pièces au total. La même année, deux fabriques situées à Massaguel et à Dourgne, emploient 800 personnes, c’est-à-dire qu’une part importante de la population est occupée par cette activité. Sur près de 190 propriétaires relevés dans le compoix du milieu du XVIIIe siècle, 101 exercent un métier lié au textile. C’est donc une proto-industrie rurale qui se développe, notamment grâce à la main-d’œuvre nombreuse présente sur place. Un grand nombre d’habitants sont tisserands, pareurs et apprêteurs de draps, cardeurs de laine, facturiers, tailleurs ou teinturiers29. Les ouvriers travaillent dans des ateliers familiaux, installés à demeure, notamment les cardeurs et les tisserands. Ils fournissent ensuite leur production aux marchands que l’on peut qualifier de marchands-fabricants puisqu'ils contrôlent la totalité de la filière : ils fournissent la matière première aux artisans, récupèrent les pièces façonnées et se

26 DELPRAT, 1991, p. 138. 27 CAZALS, 1978, p. 12. 28 DUTIL, 1911, p. 432. 29 A.C. Dourgne, Compoix de 1752. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 12 chargent de les vendre. Les productions sont toujours vendues aux foires de Pézenas et de Montagnac et sont aussi désormais exportées vers le Canada, colonie française, par les ports de Bordeaux ou de La Rochelle30.

Quelques familles dominent le village, comme les Fabre, famille de négociants drapiers nommés à plusieurs reprises consuls de Dourgne31.

Fig. 12. Vue de l’hôtel particulier de la famille Fabre. Fig. 13. Vue de la porte.

Pour faciliter le transport des matières premières et des marchandises, le Languedoc voit se développer tout un réseau routier sur son territoire. De nouvelles voies, plus larges, sont aménagées. C’est dans ce contexte qu’est ouverte la route reliant Revel à , en passant par Dourgne, aux environs de 1770. Cette nouvelle route vient remplacer le vieux chemin sinueux situé à flanc de coteau qui reliait les villages du piémont entre eux.

Parallèlement à l’activité textile, l’autre grande ressource économique est l'agriculture, notamment l’élevage des ovins. En effet, même si la production locale n’est pas suffisante, les moutons de la montagne produisent tout de même pour partie la laine utilisée par l’industrie. Le chanvre, qui rentre pour partie dans la composition des sargues, est aussi cultivé.

Lors de cette période de développement économique et d’enrichissement, la population s’accroît. Pour s’adapter à ces changements, la ville s’étend hors du village médiéval. Le tracé linéaire de ce dernier n’a pas servi de trame pour le développement urbain, mais c’est le long des voies de communication essentiellement que les nouveaux quartiers prennent place.

30 DUTIL, 1911, p. 432. 31 Notamment en 1669, 1680, 1695, 1681, 1707, 1706. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 13 L’extension de la ville hors-les-murs au XVIII e siècle

Le noyau primitif du Moyen Âge au tracé linéaire n’a pas servi de trame pour le développement ultérieur de la ville. Seules les Promenades adoptent un tracé parallèle à celui des ruelles d’origine médiévale. Cet isolement du noyau primitif enserré dans son enceinte atteste que le développement du village s’est constitué tardivement, peut-être seulement à partir de la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe siècle. La ville change alors de visage : elle s’étend le long des voies de communication essentiellement.

Le quartier proto-industriel de la « coste des moulins »

Il semble qu’au moins à partir du XVIIe siècle, les habitants de Dourgne se soient trouvés à l’étroit dans le village clos. A la fin du siècle, pour organiser les trois foires annuelles, ils disposent « d’une pièce de terre appelée la coste »32, hors des murs, au nord, entre le village et le ruisseau. À la même époque, les consuls obtiennent l’autorisation de conduire l’eau « dans les fossés de la ville du dit Dourgne pour y construire des moulins à bleds et des moulins tournants »33. C’est donc de l’extrême fin du XVIIe siècle que date l’établissement d’un quartier artisanal au nord de l’ancien fossé qui ceinturait le village. Une dérivation du Taurou est aménagée et une retenue d’eau est mise en place pour constituer la force hydraulique nécessaire pour actionner les moulins. La forte pente du terrain est exploitée pour créer une chute d’eau qui permet d’actionner les trois moulins superposés, édifiés sur une vingtaine de mètres. Deux sont des moulins à blé et un troisième, plus petit, dont il subsiste les ruines aujourd’hui, était probablement un moulin à foulon. Il permettait de battre les draps de laine dans l’eau pour les feutrer afin de les adoucir. En aval du dernier moulin, le canal rejoignait le ruisseau. Le tracé des dérivations est connu grâce au plan cadastral de 1833, lequel permet d’appréhender les constructions proto-industrielles qui ont pu exister dans ce quartier. Il subsistait alors deux teintureries et une tannerie. Le tracé du canal figurant sous la parcelle 219 et le long de la 216, incite à croire que ces deux constructions, présentées respectivement comme maison et grange, utilisaient précédemment la force motrice de l’eau et constituaient elles aussi des bâtiments à vocation industrielle. L’importance encore significative de ces bâtiments liés à l’activité textile lors de l’élaboration du premier cadastre, alors que celle-ci semble pourtant se réduire dans ce quartier,

32 A.C. Dourgne, Registre des délibérations consulaires, 14 août 1694. 33 A.C. Dourgne, Ibidem. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 14 laisse supposer que ce secteur du village avait été encore plus largement développé lors de la période la plus faste de l’activité, au XVIIIe siècle.

Fig. 14. Extrait du plan cadastral de 1833. Localisation des bâtiments liés à l’activité textile à partir des informations du cadastre.

Fig. 15. Rue côte des Moulins subsistent deux anciens moulins. La situation d’une grande demeure, la « maison Fournès », au pied de ce quartier, permet de s’interroger sur l’implication du propriétaire dans le développement de l’industrie dourgnole. Etait-

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 15 il propriétaire des usines textiles ou des moulins ? Il possédait à coup sûr un des trois moulins, le dernier, qui est situé sur un plan géométral des jardins de la demeure à la fin du XVIIIe siècle. Le cadastre ancien indique qu’une grande « buanderie » se trouvait dans la cour située sur l’arrière de la demeure. On sait par ailleurs que ce personnage était aussi le premier maire de Dourgne.

Fig. 16. « La maison Fournès », vue de la façade. La maison a été remaniée au XIXe siècle par la famille Abrial.

L’existence de l’enceinte et des fossés étant attestée à la fin du XVIIe siècle, on peut légitiment penser que c’est dans le premier quart du XVIIIe siècle que l’enceinte est démantelée et que le projet d’étendre la ville est lancé. Étant donné l’importance des consuls dans la gestion des affaires relatives aux aménagements urbains, c’est probablement sous leur volonté que le projet est initié.

À l’ouest de l’église paroissiale, est aménagée une place, « l’esplanade » (actuellement place de la Libération), qui constitue désormais le centre de la ville. Une fontaine publique y est aménagée, et les boucheries communales s’établissent dans une construction, disparue aujourd’hui, mais située probablement au milieu de la place34. Les prisons étaient, quant à elles, situées au rez- de-chaussée du clocher de l’église. De l’Esplanade partent les trois principaux axes qui sont crées alors : les Promenades, le faubourg de la Calm (l’actuelle avenue du Maquis), et la rue de Rome.

34 A.C. Dourgne, Compoix de 1752. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 16 Fig. 17. Plan évolutif de Dourgne et de ses faubourgs au XVIIIe siècle.

Les Promenades En 1744, l’ancien fossé qui protégeait la ville à l’ouest est comblé et le projet est alors formulé d’y établir une promenade. C’est donc après cette date que sont aménagées les Promenades qui constituent un vaste espace public planté de deux rangées d’arbres et traversé par deux voies de circulation latérales. L’espace aéré qu’elles proposent contraste singulièrement avec l’étroitesse des rues médiévales. C’est ainsi que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des familles dourgnoles font construire leur hôtel particulier sur ce nouvel axe. À l’extrémité sud des Promenades, deux hôtels sont élevés en vis-à-vis. Le long des Promenades, subsistent aujourd’hui d’autres maisons du XVIIIe siècle, un peu plus modestes mais qui se caractérisent également par une construction de qualité : façade à travées, encadrements d’ouvertures en pierre de taille de grès, couverts par un arc segmentaire avec clef saillante.

Les quartiers commerçants et artisanaux

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 17 Le « faubourg des Couverts » Au-delà de l’Esplanade, en direction du sud, se développe le « faubourg des Couverts », désigné comme tel dans le compoix du milieu du XVIIIe siècle. Le terme de couvert désigne le passage continu sous arcades dont sont pourvues les maisons du côté oriental de la rue, le long de l’actuelle avenue du Maquis. Avec leur rez-de-chaussée aménagé en boutique, les maisons étaient vraisemblablement la propriété de marchands. Les couverts constituent au XVIIIe siècle le cœur commerçant de la ville, à proximité de l’Esplanade où le marché pouvait s’étendre.

Fig. 18. L’ensemble de maisons à couverts le long de l’avenue du Maquis.

Sous le passage, la présence d’arcs implantés perpendiculairement à la façade qui marquent le mur mitoyen entre chaque maison, permet de distinguer sept unités originelles. Chaque maison dispose de deux ou trois arcades en rez-de-chaussée et les étages présentent entre deux et cinq travées d’ouvertures. Deux d’entre elles portent encore leur date de construction inscrite en façade. L’une est datée de 1728 et la dernière, à l’angle de la rue des Couteliers, de 1762. Le chantier de construction des couverts s’étend donc sur les soixante premières années du XVIIIe siècle et précède l’aménagement des Promenades.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 18 À la même époque, en face des couverts, l’autre côté de la rue est loti. En effet, plusieurs maisons présentent encore tout ou partie de leur façade du XVIIIe siècle. Il faut définitivement abandonner l’idée, parfois véhiculée, d’une seconde galerie couverte en vis-à-vis.

Le « faubourg de la Calm »

« Le faubourg de la Calm », actuelle avenue du Maquis, constitue le prolongement des Couverts. Il se développe le long d’un axe orienté nord-sud qui mène, depuis le village, en direction de la montagne. En occitan, la Calm désigne une hauteur dénudée liée généralement à la pâture. Au XVIIIe siècle, le nouveau faubourg est donc identifié par la fonction pastorale que le terrain a dû occuper pendant plusieurs siècles avant d’être loti. Le long de ce nouvel axe qui présente une largeur importante de 10 mètres de large, les maisons contiguës s’alignent sur la rue. Construites sur un parcellaire en lanière, elles donnent accès au jardin situé à l’arrière. Sur le côté est, là où le terrain est en forte pente, les maisons comportent un niveau de soubassement important. À l’ouest, deux petites rues perpendiculaires, la Passade haute et la Passade basse, abritent essentiellement de petites maisons de brassiers. Ce quartier constituait la partie industrieuse de la ville, c’est-à-dire l’endroit où se faisait le travail de la laine. Les artisans du textile, tisserands, cardeurs et fileurs travaillaient à demeure.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 19 Fig. 19. L’ancien faubourg de la Calm actuellement l’avenue du Maquis.

Depuis l’avenue du Maquis, la rue qui descend en direction du ruisseau est appelée la rue des Couteliers. Selon toute vraisemblance, elle doit son nom aux artisans chargés d’entretenir les couteaux et autres outils tranchants nécessaires aux ouvriers du textile.

La rue de Rome

Tout comme l’avenue du Maquis, la rue de Rome (ou rue du général Barrau) constitue une des entrées principales de Dourgne, en provenance de Saint-Amancet, à l’ouest. Des maisons aux larges façades ont été construites de part et d’autre de la rue. Tout au bout, légèrement à l’écart du village, est élevé un hôtel particulier qui se présente sur un plan en U, entre cour et jardin. C’est cet hôtel qui abrite aujourd’hui la mairie de Dourgne.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 20 Les canaux du village Le projet de développement urbain que connaît Dourgne au XVIIIe siècle, inclut l’aménagement de petits canaux qui apportent l’eau dans les rues, aux portes des maisons. L’alimentation en eau est rendue possible par l’aménagement d’un barrage sur le Taurou, en amont du village. De là, une dérivation conduit l’eau jusqu’aux deux canaux ménagés de chaque côté de la voie du faubourg de la Calm. Au-delà du faubourg, les canaux alimentent la fontaine de l’Esplanade et conduisent ensuite l’eau de chaque côté des Promenades pour rejoindre en aval le quartier artisanal de la côte des Moulins où l’eau était alors utilisée pour les activités textiles, notamment la tannerie, et pour produire la force hydraulique nécessaire pour actionner les moulins. Ce dispositif présente donc une double vocation. D’une part fournir l’eau nécessaire aux usages domestiques, et d’autre part, permettre à l’activité textile et artisanale de se développer dans le village. À la même époque, d’autres villages du piémont nord de la Montagne Noire, Sorèze, Massaguel et Durfort, en sont aussi pourvus.

Fig. 20. Le bassin d’alimentation qui alimentait les canaux du village, à l’entrée de la vallée du Taurou.

Ces canaux existent encore en partie mais ils sont recouverts depuis les années 1960. Une carte postale ancienne de l’avenue du Maquis montre les canaux et l’activité foisonnante qui s’y déroulait le long.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 21 Fig. 21. Carte postale ancienne montrant les canaux de part et d’autre de l’avenue du Maquis.

La datation de la construction des canaux n’est pas connue précisément35. On peut penser qu’il s’agit d’un réaménagement au cours du XVIIIe siècle à partir des premières dérivations construites à la fin du XVIIe siècle pour alimenter les moulins au nord du village.

Les mutations des XIX e et XX e siècles

Dans tout le Languedoc, la production de drap s’amoindrit à partir de la fin des années 1780. La qualité des étoffes baisse et les productions languedociennes sont concurrencées par celles venues d’Angleterre, vendues à moindre prix36. Pourtant, à Dourgne, l’activité textile va se maintenir à un niveau encore satisfaisant. Au début du XIXe siècle, comme l’indique un contemporain, on fabrique encore « de l’étoffe commune avec le rebut des laines de première

35 On sait qu’à Sorèze, des canaux sont aménagés dans la ville en 1776. 36 DUTIL, 1911, p. 437. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 22 qualité, réuni aux laines de la contrée. Il s’en fait des cordelats ou tricots, des londons, de petites flanelles ou des frisons, dont la consommation a lieu principalement sur les côtes de l’océan »37. 6000 pièces de drap sont fabriquées chaque année, et elles font vivre environ un tiers de la population. En 1833, au quartier artisanal de la côte des Moulins deux teintureries et une tannerie au moins sont attestées.

Au cours du XIXe siècle, le haut Languedoc devient un pays de polyculture replié sur lui- même. La révolution agricole qui réussit si bien à d’autres régions de France ne semble pas lui profiter autant. À Dourgne pourtant, l’activité textile semble perdurer tout au long du XIXe siècle. À la fin des années 1850, il existe encore deux fabriques de drap qui appartiennent aux dénommés Cabrol et Arnaud38. En 1865, seule la fabrique d’Hippolyte Arnaud subsiste. Elle a pu se situer dans une partie de son hôtel particulier sis aujourd’hui aux n° 26 et 28 de la rue du Maquis. En 1853, Dourgne comprend 1749 habitants dont 893 vivent dans le village. On y dénombre 506 maisons dont la moitié est située dans le village39. Il s’y déroule 6 foires annuelles.

Fig. 22. N° 26-28 rue du Maquis. Au XIXe siècle, le grand bâtiment pouvait abriter l’hôtel particulier de la famille Arnaud et une fabrique de drap.

37 MASSOL, 1818, p. 104-105. 38 DE PLANET, 1859, p. 339. 39 BASTIÉ, 1853, p. 453. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 23 Il semble que dans le troisième quart du XIXe siècle, la draperie laisse place à l’effilochage, activité qui consiste à récupérer de vieux tissus, qui, une fois triés et déchiquetés, pourront à nouveau constituer la matière première pour la confection de pièces de tissu de seconde qualité. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’économie dourgnole est enrichie par l’ouverture de l’ardoisière de Limatge qui emploie jusqu’à 150 ouvriers. À ce moment, l’agriculture se reconvertit dans l’élevage de bovins. Les fermes de la montagne comme de la plaine reconstruites pour beaucoup dans la seconde moitié du siècle, présentent encore de grandes étables qui témoignent de cette reconversion.

L’industrie de l’effilochage : la reconversion de l’activité textile

L’effilochage est initié par Henri Raucoules, conseiller général du canton de Dourgne et maire du village. Cette activité industrielle textile semble apparaître au moment du déclin de la draperie dans les années 1860-1870 comme l’indiquent les rares informations connues de ce travail réalisé par Henri Raucoules qui traite des molletons, des bas et des tricots en 1877 pour Paul Carayon de Brassac. Dourgne était le siège social de la Société Raucoules, entreprise familiale qui deviendra en 1920 la Société Anonyme des établissements Raucoules. C’était aussi le centre de réception des chiffons de provenances diverses et de leur triage, dans l’usine de la rue Clément Eychenne et dans celle du hameau de Rivière Haute.

Fig. 23. La maison Raucoules et l’usine d’effilochage.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 24 Sur place, à Dourgne, ne s’exécute que l’activité du triage des chiffons de laine, du moins à l’origine, de provenances variées et notamment d’Afrique du Nord d’où l’on importait les burnous (manteau en laine) qui arrivaient par ballots ou des chiffons de Toulouse (chiffonniers Simorre et Rey) avant la fermeture dans les années 1950. Ce travail était réalisé en partie par des femmes qui triaient les chiffons à la main en fonction de leur qualité après avoir enlevé boutons, coutures épaisses, ferrailles et crochets. Les matières triées ont évolué avec le temps et à la fin, avant la fermeture vers 1960 laine, coton, velours et synthétiques passaient par les mains des ouvrières. Les ouvrières opéraient un classement par matière et par couleur qu’elles répartissaient dans des casiers. Ces derniers étaient vidés dans des loges qui occupaient la majeure partie des étages et des combles comme on peut en voir encore rue Clément Eychenne ; seule une grande salle servait pour le triage.

Fig. 24. L’usine du hameau de la Rivière.

Fig. 25. La salle de triage de l’usine de la Rivière.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 25 Une fois classées, les matières partaient par ballots remplis à la main à Massaguel et Durfort où les établissements Raucoules possédaient leurs usines d’effilochage et de teinture. Cette laine, appelée « », obtenue par effilochage de chiffons, était ensuite acheminée vers Castres, ou Lavelanet où elle était utilisée en filature pour la fabrication du tissu cardé.

Le bourg au XIX e siècle Au cours du XIXe siècle, le développement du bourg se poursuit en limite de village. L’avenue du Maquis prolonge son développement en direction du sud. Les maisons de l’actuelle avenue du 19 mars 1962 sont construites à ce moment. Le long de la rue de Rome et de la rue du Forgeron la construction s’étoffe. A l’intérieur du village, les quelques vides sont comblés, le long de l’actuelle avenue du général Leclerc, par exemple. En 1850, la municipalité se préoccupe de poursuivre l’aménagement des canaux dans la partie ouest du village, notamment dans la rue de Rome, la rue Clément Eychenne et l’avenue du général Leclerc40. Trois bornes fontaines sont aussi installées à ce moment. Probablement à la même période, la grande fontaine de la place de la Libération est reconstruite avec son grand bassin circulaire de granite, d’environ six mètres de diamètre, au milieu duquel s’élève, sur un soubassement de pierre, un piédestal en fonte supportant une vasque elle aussi en granite. Le piédestal, qui constitue la pièce maîtresse de la fontaine, est orné d’enroulements de guirlandes de feuilles et de têtes de lion qui crachent l’eau dans le bassin. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’architecture publique se caractérise par la réutilisation d’édifices plus anciens de qualité. La mairie est logée dans l’un des plus beaux hôtels particuliers de la ville, l’école communale change plusieurs fois de place avant d’être installée dans l’ancienne école religieuse de la rue de Rome. De la même manière, aujourd’hui, la poste est logée dans un ancien hôtel particulier des Promenades.

40 A.D.Tarn, 2O 81 7. Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 26 Fig. 26. Plan évolutif de Dourgne jusqu’aux XIXe et XXe siècles.

Dourgne aujourd’hui

Aujourd’hui, l’habitat du cœur du noyau ancien du village tend progressivement à disparaître au profit de jardins. La difficulté des accès et l’étroitesse des parcelles expliquent certainement cette désaffection progressive. Dans ce secteur, le bâti le plus ancien se réduit désormais à quelques maisons des XVIe ou XVIIIe siècles. De plus à la suite de l’incendie survenu en 1929, bon nombre de façades ont été reconstruites. L’ensemble des faubourgs constitue toujours la plus grande part de l’habitat. Cependant, la ville s’étend à la périphérie. L’habitat pavillonnaire se développe entre le village et le hameau de la Montagnarié, à l’ouest. La construction se développe aussi au pied du village, à l’est, où le hameau de la Rivière haute est désormais relié au bourg par les constructions qui bordent désormais tout le bas de la côte des Moulins.

Sonia Servant Chargée de l’inventaire du patrimoine, CAUE du Tarn

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 27 Avec la participation de Jérôme Bonhôte, chercheur, patrimoine industriel, Service de la connaissance du patrimoine, Région Midi- Pyrénées. Juillet 2008 © CAUE du Tarn, © Région Midi-Pyrénées-Inventaire Général

Crédits photographiques : © CAUE du Tarn, © Région Midi-Pyrénées-Inventaire Général, ADAGP : - Fig. 3, 4, 9, 12, 13, 15, 16, 18, 20, 22, 23, 24 photos de Philippe Poitou, photographe du Service de la connaissance du patrimoine, Région Midi-Pyrénées. - Fig. 1, 8, 19, photos de Sonia Servant. -Fig. 25, photo de Jérôme Bonhôte. © Archives départementales du Tarn : Fig. 2.

Les plans Fig. 17 et 22 sont de Denis Azaïs, cartographe au Parc naturel régional du Haut- Languedoc et les plans 5 et 10, de Sonia Servant.

Mission d’inventaire du patrimoine bâti-CAUE du Tarn 28 SOURCES

Archives départementales du Tarn : (A.D.Tarn)

C 1263 « carte depuis le pont de la Navès sur la rivière de Thorét jusques au lieu de Dourgne sur laquelle on doit tracer l’emplacement du nouveau chemin » 7 Fi Dourgne (cartes postales anciennes) 1 Fi 352/2 Carte de Cassini n° 18, région de Castres (2e moitié du XVIIIe siècle) 3 P 722, Cadastre de 1833

Archives communales de Dourgne : (A.C. Dourgne)

Compoix du XVIIIe siècle rédigé entre 1749 et 1852, version transmise par Marie-Odile Munier, archiviste.

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