<<

Portée de l'archéoentomologie dans l'étude des maisons hivernales inuites (période de contact à Dog Island, Labrador, 17e et 18e siècles)

Mémoire

Olivier Lalonde

Maîtrise en archéologie - avec mémoire Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Olivier Lalonde, 2020

Portée de l’archéoentomologie dans l’étude des maisons hivernales inuites (période de contact à Dog Island, Labrador, 17e et 18e siècles)

Mémoire

Olivier Lalonde

Sous la direction de :

Allison Bain James Woollett (codirecteur)

24 février 2020

RÉSUMÉ

Cette recherche consiste en une analyse archéoentomologique portant sur des échantillons prélevés dans trois maisons hivernales inuites d’Oakes Bay 1, dans la région de Nain, au Labrador. L’analyse a deux objectifs : contribuer à la recherche sur la période transitoire critique que traversent les Inuits du Labrador entre le 17e et le 18e siècle, qu’on observe principalement dans un changement structural des maisons hivernales et explorer le potentiel de l’archéoentomologie dans les régions arctiques et subarctiques pour combler les lacunes dans nos interprétations. Une analyse approfondie de l’écologie des insectes indique que les assemblages archéoentomologiques provenant de contextes inuits ne sont pas les plus aptes à étudier les conditions de vie à l’intérieur des maisons. En revanche, ils servent à mieux comprendre l’utilisation de matériaux divers lors de l’occupation hivernale, à discuter du processus de formation du site et à éclairer le processus d’abandon temporaire et permanent de l’habitation hivernale, un aspect critique de l’histoire de l’occupation des sites archéologiques qu’il est difficile d’observer avec les méthodes de terrain conventionnelles.

An archaeoentomological analysis was conducted on sediment samples collected from three Inuit winter houses located at Oakes Bay 1, in the Nain region, Labrador. The analysis’ primary goal is to contribute new perspectives to research concerning the reorganization of Labrador Inuit winter houses and winter households during the 17th and 18th centuries, a significant period of transition in their history. Secondly, the project seeks to explore the potential of archaeoentomology to contribute to archaeology in the Arctic and Subarctic regions. Following an in depth analysis of the ecology of collected from Oakes Bay 1, we conclude that archaeoentomological assemblages from Inuit contexts are not well suited for the study of domestic living conditions. Instead, archaeoentomological assemblages were more productively employed to document the use of a variety of food and raw materials in the house, to document site formation and to shed light on temporary and permanent abandonment of winter houses, a critical aspect of the occupation history of all archaeological sites that is difficult to observe through conventional archaeological field methods.

iii

Table des matières

RÉSUMÉ ...... iii Table des matières ...... iv Liste des figures ...... vii Liste des tableaux ...... ix Remerciements ...... x Introduction ...... 1 Changements dans la structure des maisons hivernales des Inuits du Labrador ...... 2 Sous-discipline de l’archéoentomologie ...... 7 Utilité des insectes en archéologie ...... 7 Brève histoire de la sous-discipline et des développements méthodologiques ...... 9 Archéoentomologie des peuples paléoesquimaux et néoesquimaux dans l’Arctique nord-américain ...... 11 Démarche théorique : écologie historique ...... 13 Problématique ...... 14 Plan du mémoire ...... 15 Chapitre 1 – Contexte géographique et culturel : le Labrador et les Inuits ...... 16 1.1. Contexte géographique de la région de Nain ...... 16 1.1.1. Géographie physique de la côte du Labrador ...... 16 1.1.2. Climat ...... 16 1.1.3. Biogéographie de la région de Nain ...... 17 1.2. Historique de l’occupation inuite du Labrador ...... 18 1.2.1. Thuléens au Labrador (fin du 13e siècle au 15e siècle) ...... 18 1.2.2. Période de transition : Les Inuits du 16e siècle au 17e siècle ...... 21 1.2.3. Inuits aux 18e et 19e siècles ...... 23 Chapitre 2 – Méthodologie ...... 28 2.1. Oakes Bay 1, site à l’étude ...... 28 2.1.1. Description physique du site ...... 28 2.1.2. Brève histoire des interventions archéologiques ...... 29 2.2. Interventions sur le terrain ...... 30 2.2.1. Fouille des contextes à l’étude ...... 30 2.2.2. Échantillonnage...... 33

iv

2.3. Traitement des échantillons ...... 35 2.3.1. Choix des échantillons et limites de la méthode ...... 35 2.3.2. Lavage et flottation au kérosène ...... 35 2.3.3. Tri, identification des insectes et ouvrages de référence ...... 36 2.4. Montage d’une collection de référence ...... 38 2.5. Méthodologie analytique ...... 39 2.5.1. Assemblage archéoentomologique...... 39 2.5.2. Calcul du nombre minimal d’individus ...... 39 Chapitre 3 – Résultats ...... 41 3.1. Résultats de l’analyse archéoentomologique ...... 41 3.1.1. Maison 3 ...... 41 3.1.2. Maison 5 ...... 49 3.1.3. Maison 4 ...... 53 3.1.4. Échantillons hors site ...... 57 Chapitre 4 – Interprétations ...... 60 4.1. Traitement des données ...... 60 4.1.1. Groupes indicateurs et groupes écologiques ...... 60 4.1.2. Préférences écologiques ...... 61 4.1.3. Groupes écologiques ...... 63 4.1.4. Aleocharinae, Acidota quadrata et brunnescens : Faune eurytope et faune d’arrière- plan ...... 65 4.2. Nature de la faune et formation des assemblages archéoentomologiques ...... 68 4.2.1. Présence de traces anthropiques dans un environnement naturel ...... 68 4.2.2. Écologie du Labrador et documentation entomologique ...... 72 4.2.3. Maison de tourbe comme biotope durant l’hiver au Labrador ...... 73 4.3. Environnement extérieur ...... 75 4.3.1. Échantillon hors site à 0 m ...... 75 4.3.2. Échantillon hors site à 45 m ...... 77 4.3.3. Échantillon à 135 m ...... 78 4.4. Environnement intérieur des maisons inuites ...... 79 4.4.1. Réflexion sur l’analyse comparative des maisons hivernales ...... 79 4.4.2. Maison 5 ...... 80 4.4.3. Maison 3 ...... 85 4.4.4. Maison 4 ...... 91

v

4.5. Retour sur l’analyse ...... 93 Conclusion ...... 96 Ce qui a été fait et ce qui est à faire ...... 97 Bibliographie ...... 100 Annexe A – Catalogue photo ...... 115

vi

Liste des figures

Figure 1. À gauche : Maison typique unifamiliale avec une plateforme de couchage au fond. À droite : Maison typique multifamiliale avec une plateforme de couchage longeant tout les murs...... 3 Figure 2. Site d’Oakes Bay 1 et interventions archéologiques effectuées entre les années 2002 et 2007. 15 Figure 3. Maison 1 de type multifamiliale, Double Mer Point, Rigolet. Emplacement du coupe-froid, du tunnel d’entrée et de la plateforme de couchage...... 21 Figure 4. Sites hivernaux inuits dans la région de Nain...... 28 Figure 5. Contextes sélectionnés pour l’étude...... 29 Figure 6. Tranchée de la maison 3, Oakes Bay 1...... 32 Figure 7. Tranchée de la maison 5, Oakes Bay 1...... 32 Figure 8. Photo prise devant le premier échantillon hors site, orientée dans la même direction que la rangée d’échantillons prise hors site. Oakes Bay 1...... 34 Figure 9. Parties identifiables de l’insecte...... 37 Figure 10. Élytre gauche d’ lapponicus...... 53 Figure 11. À Gauche : Acidota quadrata. Au centre : Eucnecosum brunnescens. À droite : Têtes d’Aleocharinae...... 67 Figure 12. NMI de chaque taxon pour l’échantillon hors site Q10...... 67 Figure 13. À gauche : arcticus. Au centre : Tête et Élytre droit de aethiops. À droite : Cryphalus ruficollis ruficollis...... 70 Figure 14. Pourcentages pour chaque groupe écologique excluant A. quadrata, ...... 76 Figure 15. Tête d’Agoliinus sp...... 77 Figure 16. Pourcentages pour chaque groupe écologique excluant A. quadrata, E. brunnescens et les Aleocharinae, échantillon hors site, 45 m...... 78 Figure 17. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 5...... 81 Figure 18. Pourcentages des groupes écologiques pour les échantillons 586 (récent) et 589 (ancien), maison 5...... 84 Figure 19. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 3...... 86 Figure 20. À gauche : spp. À droite : kirbyi...... 87 Figure 21. Pourcentage des groupes écologiques pour les échantillons 566 (récent) et 570 (ancien), plancher, maison 3...... 89 Figure 22. Pourcentage des groupes écologiques pour les échantillons 565 (récent) et 571 (ancien), plateforme de couchage, maison 3...... 90 Figure 23. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 4...... 91 Figure 24. Pronotum et élytre gauche d’Altica tombacina...... 92

vii

Figure 25. Dyschirius hiemalis...... 115 Figure 26. brevicornis (tête et élytres)...... 116 Figure 27. Helophorus sempervarians...... 117 Figure 28. Olophrum boreale...... 118 Figure 29. Olophrum rotundicolle...... 119 Figure 30. Euaesthetus cf. americanus (tête et pronotum)...... 120 Figure 31. Holoboreaphilus nordenskioeldi...... 121 Figure 32. metallica...... 122 Figure 33. Polygraphus rufipennis...... 123

viii

Liste des tableaux

Tableau 1. Liste des échantillons archéoentomologiques associés à chaque contexte et volume par échantillon ...... 34 Tableau 2. Provenance archéologique des échantillons sélectionnés, maison 3...... 41 Tableau 3. Volume des échantillons traités à différentes étapes du processus, maison 3...... 42 Tableau 4. Inclusions dans les échantillons, maison 3...... 42 Tableau 5. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, maison 3...... 43 Tableau 6. Identification des restes entomologiques, maison 3, par NMI...... 43 Tableau 7. Provenance archéologique des échantillons sélectionnés, maison 5...... 49 Tableau 8. Volume des échantillons traités à différentes étapes du processus, maison 5...... 49 Tableau 9. Inclusions dans les échantillons, maison 5...... 50 Tableau 10. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, maison 5...... 50 Tableau 11. Identification des restes entomologiques, maison 5, par NMI...... 51 Tableau 12. Inclusions dans les échantillons, maison 4...... 54 Tableau 13. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, Maison 4...... 54 Tableau 14. Identification des restes entomologiques, maison 4, par NMI...... 55 Tableau 15. Inclusions dans les échantillons hors site...... 58 Tableau 16. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, échantillons hors sites...... 58 Tableau 17. NMI par taxon par échantillon, échantillons hors sites...... 59 Tableau 18. Préférences écologiques de l’assemblage d’insectes...... 61 Tableau 19. Groupes écologiques, Oakes Bay 1...... 63 Tableau 20. NMI moyen par litre par échantillon, maison 5...... 80 Tableau 21. NMI moyen par litre par échantillon, maison 3...... 85

ix

Remerciements

Le premier remerciement revient à Allison Bain, directrice de recherche, qui m’a été de loin la ressource et le soutien le plus important lors des années qui ont mené à l’aboutissement de ce projet. Merci également à James Woollett, codirecteur, pour ses conseils et pour m’avoir donné l’occasion de visiter Dog Island. Ce fut d’une aide inestimable et une expérience que je n’oublierai pas de sitôt. Un merci à Nicole Castéran, traductrice, qui a accordé beaucoup de son temps à la révision de mon mémoire et qui m’a fourni un bagage linguistique inestimable à la poursuite de ma carrière ainsi qu’a Réginald Auger qui m’a donné cette opportunité.

Plusieurs entomologistes m’ont assisté dans l’identification de mes assemblages : Jan Klimaszewski et Caroline Bourdon de l’Insectarium René-Martineau du Centre de Foresterie des Laurentides, Patrice Bouchard, Adam Brunke, Douglas Hume, Yves Bousquet, Anthony Davies et Aleš Smetana de la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que Paul Skelley, conservateur en chef du musée d’entomologie FSCA (Florida Department of Agriculture and Customer Services). Merci infiniment à Juliette Houde- Therrien pour le temps qu’elle a consacré au traitement des échantillons, à Jonathan Laroche qui m’a aidé en photographiant une grande partie de mon assemblage et à Frédéric Dussault pour ses connaissances dans le domaine de l’archéoentomologie qu’il a gracieusement partagées avec moi. Un merci spécial à mes proches : mes amis, ma famille et mes collègues qui m’ont soutenu et qui n’ont pas douté de moi.

J’aimerais finalement remercier et saluer mon ami Jérôme Paradis. Je sais que tu aurais été extrêmement fier de savoir que j’ai réussi. Te connaissant, tu aurais probablement voulu le lire même si tu ne connais rien aux insectes et aux Inuits parce que c’est le genre d’individu que tu as été. Merci d’avoir été là, je continue de penser à toi. Je suis fier d’avoir pu faire ta connaissance.

Ce projet a été rendu possible grâce au soutien financier et à l’encadrement du Groupe de recherche en archéométrie de l’Université Laval, de la Bourse St-Antoine et du Bureau des bourses et de l’aide financière.

x

Introduction

Les Thuléens, ancêtres directs des Inuits, mettent leur adaptabilité et leur ingéniosité à profit lors de leurs déplacements dans l’Arctique canadien. Issus des cultures Punuk et Birnik établies en Alaska, ils vont migrer vers l’est et peupler rapidement les territoires qu’ils rencontrent entre le 10e et le 12e siècle (Fitzhugh 1977). Par la suite, certains Inuits gagnent le sud en passant par la côte du Labrador. Quant à la datation précise de ce déplacement, le débat est toujours ouvert. Que ce soit vers la fin du 13e siècle selon certains (Fitzhugh 1994; Kaplan 2012 : 16) ou vers la fin du 15e siècle selon d’autres (Rankin 2009; Rankin et Ramsden 2013), il n’en demeure pas moins que le peuplement du Labrador par les Inuits s’effectue rapidement.

La capacité d’adaptation des Inuits du Labrador s’observe ailleurs que dans leur schème d’établissement. Des industries sophistiquées, notamment de l’os, de l’andouiller, l’ivoire, du bois et de la pierre, (McGhee 2004) spécialisées dans l’exploitation maritime caractérisent cette culture. Des outils de chasse tels que le harpon, le dard et l’arc font partie de l’arsenal. Chasseurs-cueilleurs semi- sédentaires, les Inuits habitent des maisons semi-permanentes durant la saison hivernale. Les « villages d’hiver » (winter settlements) sont généralement localisés dans des lieux abrités dans les baies, sur les îles ou près des polynies, espaces libres de glaces sur la banquise (Kaplan 1980, 1983; Woollett 2003 : 47). Les Inuits choisissent ces endroits afin d’exploiter efficacement les ressources maritimes en fonction de la formation, dela distribution et du mouvement des glaces. En été, ils adoptent un mode de vie nomade, préférant la tente, et s’aventurent fréquemment loin des côtes pour exploiter les ressources terrestres. Compte tenu de leurs déplacements rapides dans l’Arctique canadien dans un premier temps et dans le Labrador dans un deuxième temps, il n’est pas surprenant d’assister à des transformations dans la culture inuite établie au Labrador. En considérant leur ingéniosité et la diversité de ressources matérielles à leur disposition, ils ont tout en main pour répondre aux changements s’opérant dans leur environnement naturel et culturel.

Pour les archéologues toutefois, ces changements dans la culture inuite ne sont pas toujours faciles à étudier. Une difficulté provient du peu de traces archéologiques observables laissées par les Inuits. Pour l’étude des peuples nomades et semi-sédentaires de la préhistoire nord-américaine, les archéologues profitent habituellement d’une industrie de la pierre taillée relativement bien développée qui laisse de nombreuses traces. Puisque les Inuits ne sont pas de grands utilisateurs de pierre taillée (ils sont plutôt associés à l’utilisation de la pierre polie, de la stéatite et des métaux martelés à froid), il arrive que de mauvaises conditions de préservations ne laissent que peu d’indices de leur passage. Par chance, un

1

élément de taille marque le paysage : les sites d’occupation hivernaux, et plus particulièrement les maisons hivernales.

Changements dans la structure des maisons hivernales des Inuits du Labrador

La maison d’hiver inuite traditionnelle qu’on trouve dans l’Arctique orientale permettait typiquement d’accueillir une seule famille (Kaplan 1983). C’est une maison semi-souterraine creusée dans la tourbe et couverte d’un toit fait de bois ou d’os de baleine, en fonction de la disponibilité de la ressource, de tourbe et de pierres (figure 1). Le plancher est pavé de pierres dans l’aire centrale et une plateforme de couchage se situe généralement au fond de la maison. La maison est habituellement petite et arrondie et ne contient qu’une seule plateforme de couchage et une surface pour poser une lampe de stéatite servant à diverses activités dont les principales sont le chauffage, l’éclairage et l’alimentation.

Au cours du 17e siècle, la maison devient plus grande et rectangulaire avec plusieurs plateformes de couchage et surfaces pour les lampes de stéatite. Elle est désormais assez grande pour accueillir jusqu’à quarante personnes, mais n’en abrite généralement qu’une vingtaine (Taylor 1974; Schledermann 1976b : 27). Les maisons sont habituellement occupées par deux familles nucléaires ou polygames ou plus, normalement de la même parenté et souvent composées de mariages polygynes (Taylor 1968). Vers la fin du 19e siècle, les Inuits abandonnent ce style de maison multifamiliale pour retourner à la maison unifamiliale (Kaplan 1983 : 244).

En considérant la complexité du contexte dans lequel les Inuits du Labrador évoluent, il n’est pas surprenant d’assister à des divergences dans les hypothèses des archéologues concernant les raisons derrière ces changements dans la structure des maisons hivernales. La contribution de quelques chercheurs dans les décennies précédentes a permis d’attester ce phénomène (Holtved 1944; 1945). Cependant, c’est Peter Schledermann (1971) qui donne à cette phase l’appellation de communal house phase utilisée encore aujourd’hui et c’est lui qui ouvre réellement le débat.

2

Figure 1. À gauche : Maison typique unifamiliale avec une plateforme de couchage au fond. À droite : Maison typique multifamiliale avec une plateforme de couchage longeant tout les murs. Image modifiée de Bird (1945).

Les fouilles de Schledermann à Saglek Bay en 1970 ont conduit à l’élaboration d’une hypothèse penchant fortement vers le déterminisme environnemental : la vie en communauté aurait été adoptée en réaction à des facteurs environnementaux changeants (Schledermann 1976a : 36). L’auteur affirme que les conditions climatiques se sont détériorées durant la période d’adoption des maisons multifamiliales, provoquant une augmentation de la quantité de glaces de mer, ce qui aurait en retour rendu la chasse à la baleine, proposée comme ressource alimentaire fondamentale, plus ardue pour les Inuits. L’adoption de maisons multifamiliales en hiver serait une réponse à ces conditions difficiles : les Inuits se groupent pour augmenter l’efficacité de la chasse (Schledermann 1976a : 45). De plus, les avantages socio- économiques de l’habitation multifamiliale seraient de permettre un meilleur partage de la nourriture (spécifiquement le phoque annelé).

Dans les mêmes années, Richard Jordan (1978) propose des hypothèses radicalement différentes de celles de Schledermann, écartant le facteur naturel au profit du facteur social. Il effectue des fouilles intensives dans Hamilton Inlet pour étudier la période de contact entre Inuits et Européens (Jordan 1978 : 175) et il se retrouve en désaccord avec l’hypothèse de Schledermann. Il soutient que la refonte de l’organisation sociale telle que son collègue la décrit est peu plausible puisque les produits de la chasse étaient déjà partagés au-delà de la cellule familiale avant la phase des maisons multifamiliales (Jordan 1978 : 184). Jordan défend plutôt la montée en puissance d’hommes au statut supérieur, appelés

3

les big men, dont Garth Taylor (1974) atteste l’existence au Labrador dans la deuxième moitié du 18e siècle. Leur présence au sein du noyau multifamilial permettrait un meilleur contrôle et un meilleur accès aux ressources européennes limitées.

Susan Kaplan (1983) soutient l’hypothèse sociale grâce à une synthèse des données archéologiques et ethnohistoriques exhaustive lui permettant de mieux définir le système d’échange chez les Inuits du Labrador. Selon elle, la période d’adoption des maisons hivernales multifamiliales se caractérise par une augmentation de la population, bien que la cause ne soit pas discutée en détail. Au lieu de provoquer une augmentation du nombre de villages, elle soutient que la croissance démographique aurait plutôt comme conséquence un agrandissement des noyaux familiaux (Kaplan 1983).

Devant ces deux hypothèses en apparence opposées concernant l’adoption des maisons multifamiliales, Barnett Richling (1993) emprunte un chemin médian. Il se détache du facteur climatique, l’hypothèse de Scheldermann ne permettant pas d’expliquer ce qui provoque le phénomène dans le sud du Labrador, et doute que l’existence d’une croissance démographique soit aussi simple à prouver que le propose Kaplan. Finalement, il conteste l’hypothèse selon laquelle les biens européens sont considérés comme une propriété privée et que la société inuite traversait une période de changements socioculturels. Selon lui, les Inuits se sont simplement adaptés à la faible quantité de biens d’échange et de matériaux de construction disponibles en adoptant une forme plus avancée de communalisme (Richling 1993).

Au début des années 2000, James Woollett (2003) révise les hypothèses présentées plus haut grâce aux apports de la zooarchéologie dans le cadre de son doctorat. Selon lui, ces hypothèses ont des implications économiques et écologiques inhérentes et elles peuvent être étudiées à l’aide d’études paléoenvironnementales. Il concentre ses efforts sur la zooarchéologie, l’étude des restes animaux sur les sites archéologiques, qui pourrait faire progresser quelques éléments du débat sur les maisons communautaires (Woollett 2003 : 7). Woollett propose que le modèle social de Jordan (1978) soit étudié plus en profondeur. L’adoption des maisons multifamiliales aurait été une excellente façon de faciliter la coopération lors de l’organisation de chasses en mer ouverte, principalement pour la chasse à la baleine (Taylor 1974 : 46). De plus, elle aurait facilité l’apparition d’une hiérarchie et d’une autorité économique patriarcale traditionnelle au sein de la culture inuite (Woollett 1999 : 383). Finalement, en opposition avec le scénario que propose Schledermann, Woollett démontre que la chasse connait une diversification des espèces chassées et que les saisons d’exploitation sont plus variées.

Par la suite, Kaplan et Woollett (2000) allient les études en zooarchéologie, une synthèse des travaux sur les Inuits ainsi que des données ethnohistoriques pour offrir une nouvelle hypothèse. Ils démontrent

4

que le climat n’était pas plus rigoureux durant la période des maisons multifamiliales qu’il ne l’était avant, ce qui assurerait même une certaine stabilité économique aux Inuits. Selon les auteurs, les Inuits auraient pu sentir leur culture menacée par la présence grandissante des Européens dans la région, notamment à partir de 1771 avec l’intérêt nouveau des missionnaires moraves pour la conversion des Inuits au Christianisme (Taylor 1974). La proximité favorisée par la vie dans les maisons multifamiliales et une augmentation de l’importance du leadership auraient contribué à raffermir la solidarité au sein des collectivités inuites et à assurer un certain degré de sécurité (Kaplan et Woollett 2000 : 357).

Finalement, avec son approche post-colonialiste, Peter Whitridge (2008) cherche à remettre les changements culturels inuits dans le contexte de leur histoire depuis leur départ de l’Alaska. Pour ce dernier, la période de contact prend plus de place dans le discours des archéologues qu’elle ne le devrait. Whitridge voit une tendance chez ces derniers à décrire l’influence européenne avec plus d’importance qu’elle en aurait pour les Inuits (Whitridge 2008 : 291). Pour lui, les habitations hivernales n’ont jamais vraiment cessé de changer au cours des siècles et la période de contact n’est qu’une étape de plus dans l’histoire des Inuits. Les généralisations proposées ne seraient pas applicables à l’étendue du territoire occupé par les Inuits tant la situation change selon la région étudiée. Pour le Labrador, la présence européenne serait probablement en partie responsable.Ainsi, le départ et la perte de plusieurs hommes, à cause d’affrontements avec les Européens ou de déplacements pour le sud par exemple, auraient pu entraîner un déséquilibre dans la structure sociale inuite. L’adoption des maisons multifamiliales serait un exemple d’adaptation à ce phénomène (Whitridge 2008).

Cette brève synthèse sur les maisons hivernales inuites sert avant tout à illustrer la pluridisciplinarité et la complexité caractérisant ce débat. Depuis le début du 21e siècle, les chercheurs s’intéressant à ce sujet se sont multipliés, mais les efforts prennent une direction un peu différente. Le tournant du siècle voit une propension des archéologues à repousser les modèles généralistes en faveur des analyses spécialisées et des études dont le sujet est plus précis (Praetzellis 2015 : 174). Cette tendance est observable dans le cadre du débat sur l’adoption des maisons multifamiliales. Woollett et Kaplan sont en quelque sorte les pionniers de ce mouvement en entreprenant plusieurs projets en archéologie environnementale. Woollett ouvrira lui-même la porte avec l’application de l’approche zooarchéologique et sera suivi par ses étudiants en zooarchéologie notamment Lindsay Swinarton et Martin Fields (Swinarton 2008; Fields 2016). S’y ajoutent des études archéobotaniques avec Ashlee-Ann Pigford et Cynthia Zutter (Zutter 2009, 2012; Pigford et Zutter 2014) et géoarchéologiques avec Andréanne Couture et Natasha Roy (Roy 2010; Roy et al. 2012; Couture 2014; Couture et al. 2016a, 2016b). Yann Foury allie même la zooarchéologie et la géoarchéologie dans le cadre de sa maîtrise (Foury 2017). Tous ces travaux sont encouragés par Woollett et Kaplan et portent donc sur des régions

5

particulières. Le site d’Oakes Bay 1 sur Dog Island est le plus étudié avec l’île de Koliktalik, située à proximité. Le site de Uivak 1, dans le nord du Labrador, est également souvent représenté dans ces travaux.

Les contributions de l’archéologie environnementale à l’étude des maisons hivernales inuites sont aussi nombreuses que variées. Les travaux de Zutter ont servi à analyser la diversité alimentaire des Inuits et à appuyer l’hypothèse de Kaplan et Woollett (2000) selon laquelle l’existence de surplus alimentaires durant le Petit Âge glaciaire était plausible (Zutter 2009, 2012). L’analyse de Pigford et Zutter sur des phytolithes prélevés dans des lampes de stéatite du 18e siècle sur le site d’Oakes Bay 1 a démontré que les plantes ont joué un rôle plus important que soupçonné jusqu’alors dans la vie des Inuits (Pigford et Zutter 2014). En effet, on s’en sert pour le chauffage, pour l’alimentation et comme matériaux de construction en plus d’exploiter certaines plantes ayant des propriétés médicinales.

Couture (2014) applique les sous-disciplines géoarchéologiques de la sédimentologie, de la micromorphologie et de la géochimie au contexte de la maison multifamiliale pour tenter d’identifier des traces anthropiques dans les dépôts sédimentaires étudiés par les archéologues. Elle atteint ses objectifs dans l’ensemble, ce qui s’avère crucial pour le développement des disciplines énumérées ci- dessus. Bien qu’elle n’ait que partiellement atteint l’objectif secondaire de chercher à mieux comprendre les aires d’activités durant la période de contact, l’application de ces analyses à un contexte nouveau aura permis de dévoiler son potentiel (Couture 2014; Couture et al. 2016a, 2016b).

Dans les mêmes années, Roy (2010) applique elle aussi la géoarchéologie à cette question de recherche en s’intéressant à une dimension différente. Elle entreprend de reconstituer l’histoire naturelle des sites d’Oakes Bay 1 et de Koliktalik 6 à l’aide de la géomorphologie et d’une multitude d’analyses en laboratoire. Ultimement, sa recherche lui permet d’affirmer que les variations climatiques ont eu des répercussions sur l’occupation du territoire par les Thuléens et les Inuits, réintroduisant de ce fait la variable environnementale dans ce débat (Roy 2010; Roy et al. 2012). Elle observe que les Inuits de la région ont choisi des endroits plus protégés des intempéries pour s’installer en hiver et ont eu recours aux ressources disponibles à proximité pour s’adapter aux conditions froides du Petit Âge glaciaire (Roy 2010 : 66).

Finalement, on retrouve deux essais sur les assemblages zooarchéologiques de la région de Nain. Fields (2016) présente un mémoire sur l’assemblage faunique du site d’Ikkeghasarsuk, sur l’île de Koliktalik. Ses résultats permettent de reconstituer les stratégies d’occupation du territoire par les occupants de ce site avec une grande précision. Foury (2017) allie micromorphologie et zooarchéologie afin de proposer

6

une chronologie d’occupation précise de deux maisons du site d’Oakes Bay 1. Ses résultats démontrent que les Inuits ont occupé les maisons hivernales régulièrement et il arrive même à valider son hypothèse de recherche selon laquelle on peut observer une réponse adaptative des Inuits par rapport aux variations climatiques. Concrètement, il remarque que durant les périodes d’instabilité climatique, les maisons d’Oakes Bay 1 étaient moins fréquentées. S’il était plus difficile de prévoir où se trouvaient les phoques durant ces périodes, les Inuits ont peut-être simplement préféré des endroits plus sûrs (Foury 2017 : 132).

L’adoption des maisons multifamiliales est aujourd’hui beaucoup mieux comprise grâce aux sous- disciplines de l’archéologie environnementale présentées ci-dessus. Chacune approche le sujet d’un angle différent tout en gardant une ligne directrice : la problématique de l’adoption des maisons multifamiliales. Il en résulte des travaux se complémentant mutuellement, s’appuyant l’un sur l’autre pour faire avancer leur sous-discipline respective. Par exemple, Foury et Roy arrivent à une conclusion similaire selon laquelle les Inuits ont adapté leur schème d’établissement en fonction du climat devenu plus difficile. Ce paradigme archéologique est donc idéal pour l’application de la sous-discipline choisie pour ce projet : l’archéoentomologie.

L’approche archéoentomologique

Rôle des insectes en archéologie

L’archéologie environnementale, discipline incluant l’archéoentomologie, est l’étude des sédiments provenant des sites archéologiques et du matériel d’origine naturelle qu’ils contiennent. Elle s’intéresse particulièrement à l’interaction entre les environnements biotiques et abiotiques et les populations humaines qui ont vécu dans ces milieux (O’Connor et Evans 2005 : 1; Reitz et al. 2012 : 1). L’archéologie environnementale fait appel à la géologie, la géographie, la biologie, l’histoire, l’anthropologie et même la sociologie (Kenward 2009 : 5).

L’archéoentomologie est l’étude des restes d’insectes présents dans les sédiments archéologiques. Grâce à leurs niches écologiques diversifiées et parfois très spécifiques, les insectes nous renseignent sur l’écologie, le climat, l’état de salubrité des habitats humains, les pratiques hygiéniques et les activités comme le commerce, l’alimentation et l’entreposage des biens de consommation. Au sein du phyllum des arthropodes, diverses espèces d’insectes sont hautement dépendantes de l’humain (espèces anthropophiles et synanthropes), certaines comme parasites ou espèces nuisibles vivant directement sur leur hôte. Il est donc fréquent de les trouver dans les sols archéologiques. Harry Kenward remarque

7

que la présence des insectes dans l’environnement est souvent négligée par l’humain tant qu’elle n’est pas incommodante, ce qui fait de ces créatures des « observateurs objectifs » discrets de l’environnement dans lequel on les observe (Kenward 2009 : 6). De plus, l’alimentation du Phyllum des insectes est très variée et ils occupent pratiquement tous les environnements imaginables. Il n’est donc pas surprenant de retrouver des insectes dans des échantillons collectés en milieu anthropisé, même si les conditions semblent défavorables.

Les insectes présentent un autre avantage : l’entomofaune a relativement peu évolué durant les périodes de l’histoire de l’humanité qu’on étudie : l’archéoentomologie se base sur le concept de constance des espèces ( constancy), c’est-à-dire que les insectes n’ont pratiquement pas changé de niches écologiques depuis la préhistoire (Kenward 1976 : 8; Coope 1978 : 185; Buckland 2000 : 6). La réponse adaptative de ces derniers favorise la migration plutôt que l’adaptation des mœurs aux facteurs de changements. En partant du postulat que les insectes actuels ont sensiblement les mêmes habitudes écologiques qu’il y a cent ans ou mille ans, on peut faire appel à la littérature entomologique moderne pour étudier les assemblages entomofauniques provenant de contextes archéologiques.

Les insectes les plus communément étudiés en contexte archéoentomologique sont les coléoptères. Une chitine particulièrement épaisse formant un exosquelette robuste les caractérise. Parmi les nombreux avantages qu’ils apportent à l’étude en contexte archéologique, un des plus importants est leur excellente résistance à la dégradation dans les sols archéologiques grâce à cet exosquelette épais. En plus d’occuper des niches écologiques souvent spécifiques, leur présence dans les assemblages archéoentomologiques est généralement indicatrice de l’environnement duquel ils proviennent puisqu’ils ont tendance à être peu mobiles.

Si les coléoptères dominent dans les assemblages archéoentomologiques, ce ne sont pas les seuls arthropodes (les insectes étant les principaux représentants de cet embranchement) présents. Plusieurs autres ordres ont été étudiés dans des contextes différents, ce qui ouvre de nouveaux horizons. Bien que la présence occasionnelle de certains ordres tels que les hémiptères (punaises, cigales et pucerons) et les orthoptères (sauterelles et criquets) ait servi à complémenter les analyses archéoentomologiques, on pense surtout aux diptères (mouches), aux acariens et aux ectoparasites. Les acariens et les mouches ont permis d’aborder des sujets aussi variés que la mort, les pratiques funéraires, la maladie, l’hygiène et la densité animale sur un site (par exemple : Skidmore 1996; Panagiotakopulu 2004; Chepstow-Lusty et al. 2007; Huchet et al. 2013a, 2013 b). Ces arthropodes n’ont commencé à prendre de l’importance dans l’archéoentomologie que récemment.

8

En archéoentomologie, les ectoparasites font référence à un groupe écologique plus qu’à une unité taxonomique. Ce sont des insectes qui vivent sur la peau d’un autre organisme, l’hôte, au détriment de celui-ci (Hopla et al. 1994). Les espèces les plus communément trouvées dans les sédiments archéologiques sont le pou et la puce chez l’humain et toutes deux ont été étudiées partout dans le monde (Forbes et al. 2013 : 1; Huchet 2015). D’autres espèces telles que le morpion et la punaise de lit peuvent aussi parasiter l’humain, mais elles sont moins fréquentes (Bain 2004; Dussault 2011; Forbes et al. 2013). L’étude des ectoparasites contribue à la recherche sur les conditions de vie et les pratiques hygiéniques (Bain 2004; Kenward 2009; Forbes et al. 2014). Elle sert aussi à discuter de la présence animale, parfois indiquée par la découverte d’ectoparasites d’animaux qui vivent avec l’humain (Kenward 2009, Forbes et al. 2010).

Brève histoire de l’archéoentomologie et de ses développements méthodologiques

L’archéoentomologie est une sous-discipline relativement jeune. La méthodologie qu’on utilise de nos jours a tout de même été testée à maintes reprises dans le passé afin de bien cerner ses forces et ses limites. L'archéoentomologie a fait ses preuves mais il n’en demeure pas moins important de se pencher sur son l’histoire afin de comprendre quels en sont les enjeux actuels, les limites et les forces.

L’archéoentomologie est issue de la paléoentomologie dont un des principaux intérêts est l’étude des insectes fossiles et subfossiles dans le but de reconstruire les environnements du Quaternaire (Lowe et al. 1984 : 1). Les travaux de Russell Coope sur des insectes de cette période géologique, couvrant les deux derniers millions d’années (Coope 1970), ont inspiré les futurs archéoentomologistes à s’intéresser aux insectes en contexte archéologique. La discipline existait cependant déjà dans une forme plus rudimentaire au début du 20e siècle. Une des premières études archéoentomologiques appliquées sur un site archéologique remonte à 1911, avec les fouilles des sites romano-britanniques de Caerwent et de Silchester, en Angleterre (Lyell 1911). Cette étude consiste en fait en un bref appendice sur les restes d’insectes trouvés sur les sites sans avancer d’interprétation. Il faut donc attendre les années 1970 pour voir réellement naître l’archéoentomologie en tant que sous-discipline à part entière.

Russell Coope et Peter Osborne (1968 : 84) décrivent pour la première fois la démarche utilisée pour le traitement des échantillons. L’article présente une énumération relativement détaillée des étapes suivies. Avec ce projet, ils jettent les bases de la méthodologie qui définira l’archéoentomologie. Durant les années suivant la parution de ce travail, les archéologues accueillent avec prudence la méthode d’analyse de Coope et Osborne (Kenward 1974 : 20; Speight 1974). On assiste donc, surtout durant les

9

années 1970, à une exploration de la méthode par des chercheurs qui travaillent à définir les limites de l’archéoentomologie (Speight 1973; Kenward 1974, 1975, 1976, 1997; Buckland 1976; Morgan et Morgan 1980; Kenward et al. 1980; Kenward et Hall 1997; Kenward et Carrott 2006; Rousseau 2009). En 1980, Kenward et ses collaborateurs mettent au point une méthode d’analyse détaillée et universellement reconnue encore aujourd’hui (Kenward et al. 1980).

Kenward est certainement un des principaux instigateurs de cette poussée de la recherche sur l’archéoentomologie qu’il entame avec l’introduction des concepts de faune « d’arrière-plan » et de faune « indicatrice ». Dans les années 1970, il prélève des échantillons en milieux urbains contemporains et procède à une expérience ayant pour but de vérifier la pertinence de la sous-discipline. Son expérience lui permet de distinguer deux groupes d’insectes relevés dans les échantillons : les insectes présents dans les dépôts correspondant à leur habitat et les insectes dont la présence est accidentelle (Kenward 1975, 1976). Il signale l’importance de faire la différence entre la faune dite d’arrière-plan et la faune indicatrice de l’environnement naturel et du contexte anthropique du site. Cette réflexion sur l’importance interprétative accordée aux différents taxons est en quelque sorte à la base de la plupart des analyses faites en archéoentomologie aujourd’hui.

Plus tard, Kenward et Allan Hall (1997) poussent plus loin leur exploration des concepts de faune indicatrice et de faune d’arrière-plan. Ils soulignent la complexité de l’interprétation des résultats en raison de la présence de la faune d’arrière-plan et de groupes dont l’identification apporte peu à l’étude. Certaines espèces peuvent être associées à plusieurs niches écologiques distinctes, complexifiant encore plus le travail de reconstitution des environnements du passé. Ils proposent à cet effet une méthode consistant à faire des groupements fonctionnels d’insectes et non des groupements taxonomiques (Kenward et Hall 1997 : 665), ce qui met l’accent sur la capacité des insectes à servir de biomarqueurs. Les groupes indicateurs, en regroupant les insectes en fonction de leur écologie et de la valeur interprétative pour l’analyse, font le lien entre la signature naturelle des insectes et l’humain ou l’environnement humain à l’étude.

On introduit le concept de biogéographie insulaire à l’archéoentomologie un peu avant les années 1990 (Buckland 1988; Sadler 1990). En écologie, on utilise le concept pour étudier les facteurs influençant la formation d’écosystèmes sur les îles et autres endroits isolés. En archéologie, on postule que les établissements humains peuvent être traités de façon similaire lorsqu’il est question de l’introduction d’espèces synanthropes (donc dépendantes de la présence humaine) à de nouveaux environnements. En 1997, Kenward s’intéresse à son tour au concept et formule quelques postulats applicables aux milieux urbains dont un en particulier est d’une importance capitale pour un contexte tel celui des maisons

10

inuites : « La survie des communautés d’espèces synanthropes dépendrait de la taille des établissements et de la diversité écologique, mais aussi de la stabilité écologique et en particulier de la continuité de l’occupation humaine » (Kenward 1997 : 137). Ce postulat s’applique aux sites urbains pouvant offrir la stabilité écologique et la continuité d’occupation nécessaire à l’évolution des populations d’insectes synanthropes. En revanche, la maison hivernale abandonnée en été pourrait se révéler inadéquate. C’est principalement pour cette raison que l’archéoentomologie dans l’Arctique canadien se distingue de l’archéoentomologie plus traditionnelle en milieu urbain.

Archéoentomologie des peuples paléoesquimaux et néoesquimaux dans l’Arctique nord- américain

Les premières études conduites en archéoentomologie dans l’Arctique nord-américain se focalisent sur l’aspect biogéographique. Le terrain d’étude est le Groenland avec Niels Haarlov (1967) qui, le premier, lie des restes d’insectes provenant de couches naturelles à un dépôt anthropique pour décrire l’environnement local. Il sera suivi par plusieurs chercheurs qui empruntent deux directions différentes : l’étude des établissements historiques permanents et les sites paléoesquimaux et néoesquimaux semi- permanents.

Peter Skidmore et Paul Buckland sont les premiers archéoentomologistes à étudier des établissements humains permanents dans l’Arctique et dans l’Atlantique. Ils s’intéressent aux sites norrois du Groenland et de l’Islande (Buckland et al. 1983, 1986a; Skidmore 1996; Forbes et al. 2014 : 3). Buckland a beaucoup travaillé sur les Norrois afin de reconstituer leurs activités à l’aide de l’archéoentomologie (Buckland et al. 1983, 1986b, 1995, 2009; Buckland et Sadler 1989). Ses recherches ont permis par exemple d’observer certaines pratiques qu’ils ont introduites au Groenland et en Islande comme le compostage et l’utilisation du compost dans les champs cultivés (Buckland et al. 2009). Dans les dernières années, la recherche sur les Norrois se poursuit dans la même direction avec Véronique Forbes (Forbes 2009, 2015; Forbes et Milek 2013; Forbes et al. 2010, Forbes et al. 2014), Eva Panagiotakopulu (Panagiotakopulu et al. 2007, 2012; Panagiotakopulu et Buckland 2013) et Kim Vickers (2006; Vickers et al. 2005).

Il faut attendre presque trente ans pour que des chercheurs s’intéressent au potentiel archéoentomologique des sites paléoesquimaux et néoesquimaux. Jens Böcher et Bent Fredskild (1993) observent la faune archéoentomologique du site de Qeqertassussuk, sur la côte ouest du Groenland. La fouille du site archéologique, appartenant à la culture Saqqaq (2400 à 800 av. J.-C.), a permis de récolter plus de 100 000 ossements et d’en déduire une économie diversifiée (Gronnow 1994 : 202). Les efforts

11

de Böcher et Fredskild portent sur l’importance des ressources animales pour les cultures paléoesquimaudes et néoesquimaudes, sujet qu’ils étudient via le prisme de l’archéoentomologie (Forbes et al. 2014 : 13). Ils ont interprété la présence de puces d’oiseaux comme un indice de l’exploitation d’oiseaux marins par la culture Saqqaq de Qeqertassussuk (Böcher et Fredskild 1993). Allison Bain (2001) poursuit dans cette direction, cette fois avec des restes provenant d’un site archéologique inuit datant du 18e siècle, situé au Labrador et nommé Uivak Point. Intégrée à la thèse de Woollett (2003), son étude a servi à appuyer les hypothèses de fouille et les analyses zooarchéologiques sur l’occupation de la maison.

Dernièrement, des évaluations archéoentomologiques portant sur les sites inuits de Double Mer Point (GAIA 2015, 2016, 2017), de North Island et de Great Caribou Island (Dussault et Bain 2013) servent à décrire avec plus de précision comment était entretenue la maison et quels matériaux les Inuits utilisaient pour la literie et comme revêtement de plancher. On y décrit l’utilisation des branches et de mousse pour couvrir le plancher et la plateforme de couchage. On note également la présence d’espèces synanthropes originaires d’Europe dans les échantillons, ce qui indique que des échanges de produits alimentaires comme le blé ont eu lieu entre les deux peuples.

Finalement, l’archéoentomologie nous renseigne sur certaines pratiques hygiéniques des Inughuits (nom donné aux Inuits du Groenland) grâce à l’étude des ectoparasites comme les poux, les puces et les morpions. La découverte de huit momies au site de Qilikatsoq a été une excellente occasion pour les archéoentomologistes d’observer les pathologies affectant les Inughuits (Hansen et al. 1991). Après une analyse détaillée, la découverte de poux sur le cuir chevelu des habitants, mais surtout dans leur contenu intestinal laisse à penser que ces derniers tuaient les poux et les ingurgitaient (Hansen et al 1991). Frédéric Dussault (2011; Dussault et al. 2014) a mené le plus récent projet d’envergure en archéoentomologie dans l’Arctique sur les sites inughuits de Lita, du cap Grinnell et de Qaqaitsut, dans le nord-ouest du Groenland. La faible quantité de coléoptères contenue dans ses échantillons l’encourage à orienter sa recherche vers les seuls arthropodes qu’il y trouve en quantité suffisante, les ectoparasites. Il met en évidence la distribution de ces insectes dans la maison et confirme que l’archéoentomologie peut attester des pratiques hygiéniques décrites dans la tradition orale (Dussault 2011 : 92; Dussault et al. 2014). Cette recherche atteste par exemple de l’épouillage, pratique observée dans la tradition orale des Inughuits. La distribution des poux dans les maisons indique qu’on préférait procéder à l’épouillage dans le tunnel d’entrée (Dussault 2001 : 87).

Récemment, en 2014, Forbes et ses collaborateurs synthétisent l’ensemble des recherches comportant sur l’archéoentomologie de l’Atlantique Nord (Forbes et al. 2014). Cette synthèse démontre bien que

12

l’accent a surtout été mis sur les fermes norroises de l’Islande, du Groenland et des Îles Féroé (incluses dans la région nord atlantique dans cette publication). La recherche sur les sites de chasseurs-cueilleurs est encore jeune et la portée de cette dimension de l’archéoentomologie de l’Atlantique nord encore peu connue.

Démarche théorique : écologie historique

Pour l’archéoentomologie comme pour les autres disciplines qui se sont penchées sur le problème des maisons multifamiliales, la relation culture-environnement fait figure de point central. Dans le cadre de son étude environnementale, Woollett (2003) adopte l’écologie historique puisqu’il la trouve peu restrictive. On préconise ici aussi l’utilisation de cette approche afin d’explorer la relation humain- environnement sans limitations liées au cadre théorique.

Le concept d’écologie historique est né d’une convergence d’écoles de pensées qui s’intéressent à la relation entre l’humain et l’environnement telles que le matérialisme historique, l’écologie culturelle et l’écologie évolutionnaire (Crumley 1994; Balée 1998 : 2). William Balée (1998 : 3) définit l’écologie historique de la façon suivante : « l’écologie historique implique l’étude empirique de la relation entre l’humain et la biosphère dans des contextes temporels, régionaux, culturels et biotiques spécifiques, peu importe leur relation aux nations état.» L’écologie historique doit beaucoup à l’écologie culturelle qui a fait avancer la recherche empirique sur la relation humain-nature (Steward 1955 : 322). Elle s’en distingue cependant par un rejet du déterminisme environnemental souvent adopté par l’écologie culturelle (Balée 1998 : 3).

L’écologie culturelle emprunte beaucoup au courant processuel dans sa façon de proposer une relation unidirectionnelle de l’environnement vers l’humain en observant la réponse des sociétés en réaction aux paramètres environnementaux. Le processualisme, comme l’écologie culturelle, cherche à créer des modèles généraux de société résultant de l’environnement et de son influence sur le développement de la société (Bettinger 1998). L’écologie historique ne dissocie pas les deux paramètres, mais donne plutôt une dimension temporelle à l’association nature-culture. Selon cette théorie, nature et culture, ou évolution et technologie, sont des forces devant être vues comme un dialogue et non une dichotomie (Balée 1998 : 3). Pour l’écologie historique, cette relation a un début, quelque part, et l’important n’est pas de le trouver, mais de tenir compte de l’histoire du paysage, concept central à l’approche théorique.

Le paysage, en biologie, est une zone hétérogène composée d’un ensemble d’écosystèmes similaires interagissant entre eux (Forman et Godron 1986 : 11). Il existe actuellement un débat au sein de

13

l’écologie historique à savoir si l’humain est une entité historique ou écologique. Le problème est de savoir laquelle, entre l’évolution et la culture, figure à l’avant-plan ou en arrière-plan. Le concept de paysage permet de créer un pont entre les deux puisqu’on ne parle plus de paysage humain ou naturel, mais de paysage bioculturel (Balée 1998 : 6) : le processus de transformation du paysage est à la fois biologique et culturel. De la même façon que le castor peut créer un environnement (Sponsel 1998), qu’un arbre peut abriter des écosystèmes à lui seul ou que les termites peuvent affecter la formation des sédiments (Lee et Wood 1971; Graham 1998), l’humain peut modifier le paysage. Le processus peut être intentionnel ou non, direct ou indirect, à long terme ou sur une courte durée.

Problématique

L’adoption des maisons multifamiliales occupe aujourd’hui une place de premier plan dans la recherche archéologique sur les Inuits. L’archéologie environnementale a récemment démontré sa pertinence dans cette discussion grâce à la participation de plusieurs chercheurs, la plupart ayant porté leur attention sur la région de Nain, au Labrador. Dans cette région, les travaux sont aussi nombreux que variés : on fait appel à l’archéobotanique, la zooarchéologie, la géoarchéologie, la sédimentologie, la micromorphologie et la géochimie pour tenter de mieux comprendre comment vivaient les Inuits durant cette période particulière. L’archéoentomologie, une approche éprouvée dans l’archéologie de l’Arctique nord- américain, pourrait occuper un créneau du sujet des maisons multifamiliales inuites. Puisqu’on l’utilise traditionnellement afin d’étudier les conditions de vie, l’alimentation et les activités humaines, on peut se poser la question suivante concernant les maisons multifamiliales :

Est-il possible d’observer des différences dans les conditions de vie des Inuits et dans l’environnement intérieur des maisons hivernales en comparant le matériel archéoentomologique provenant d’une maison unifamiliale à celui d’une maison multifamiliale?

Pour répondre à cette question, on prévoit comparer les assemblages archéoentomologiques d’habitations provenant du village de Parngnertokh au Labrador. Situé à Dog Island et aujourd’hui connu comme site archéologique sous le nom d’Oakes Bay 1, il a été fouillé à plusieurs reprises dans le cadre de neuf projets de fouilles entre 2000 et 2015. Entre 2002 et 2007 (Woollett 2010 : 248) (figure 2), les chercheurs ont procédé à un échantillonnage en vue d’analyses archéoenvironnementales. À Oakes Bay 1, la plupart des maisons ont été associées à la deuxième moitié du 17e siècle jusqu’au début du 18e siècle. De nouvelles données associent les maisons 1 et 2 à cette période, malgré leur structure et leur taille rapellant les maisons multifamilales (Foury 2017). Les maisons 4, 5 et 6 de la figure 2 sont donc

14

typiques de la période des maisons unifamiliales (et possiblement de transition), alors que les maisons 1, 2 et 3 de la figure 2, correspondent à la période des maisons multifamiliales (Woollett 2010 : 249).

Figure 2. Site d’Oakes Bay 1 et interventions archéologiques effectuées entre les années 2002 et 2007, plan traduit et modifié de Woollett 2005. Plan du mémoire

Avant de pouvoir étudier le comportement et l’écologie des insectes présents dans les habitations hivernales, il est indispensable de connaître l’environnement dans lequel ils ont vécu. Le premier chapitre servira de synthèse où l'on décrira la géographie de la région ainsi que la culture des Inuits du Labrador à partir du moment de leur arrivée sur le territoire. Par la suite, le deuxième chapitre servira à décrire la méthode d’acquisition des échantillons et le traitement en laboratoire. Dans le troisième chapitre, on décrira le contenu archéologique et archéoentomologique des échantillons analysés. L’écologie des insectes présents dans les assemblages sera aussi abordée à ce chapitre. Finalement, le quatrième chapitre servira à mettre ces données en relation afin de proposer une réflexion portant sur la question de recherche.

15

Chapitre 1 – Contexte géographique et culturel : le Labrador et les Inuits

1.1. Contexte géographique de la région de Nain

1.1.1. Géographie physique de la côte du Labrador

Le Labrador se situe à l’extrémité est du Canada et fait partie de l’immense province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador qui couvre une superficie de 294 330 km2 (Gouvernement de Terre-Neuve- et-du-Labrador 2015). Le Labrador se trouve au point de rencontre de la toundra arctique et de la forêt boréale, ce qui en fait un écotone, une zone de transition. D’est en ouest, la région présente une côte riche en faune et l’arrière-pays est valloné et accidenté, parsemé de lacs, de rivières et de zones humides. Ces régions intérieures étaient importantes dans le cycle annuel des Inuits, surtout l'été lorsqu’on y chassait le caribou (Taylor 1974). Cependant, on insistera ici sur la zone côtière qui abrite les villages hivernaux à l’étude. Pour la description du climat et de la biogéographie, l’accent sera mis sur la région de Nain, compte tenu des différences importantes entre chaque région.

La côte au nord de Nain se caractérise par l’alternance de chaînes de montagnes et de fjords. À la pointe nord se trouvent les monts Torngat. Les berges y sont abruptes et les courants forts (Woodward-Clyde 1980). Dans ces monts, quelques glaciers ont autrefois érodé le paysage, formant des fjords. Les plus larges et les moins escarpés d’entre eux, les fjords de Hebron, Saglek et Nachvak, ont accueilli quelques communautés par le passé. Les montagnes de Kaumajet forment une barrière entre la région d’Hebron et le bassin érodé d’Okak alors que les montagnes Kiglapaits séparent la région d’Okak de celle de Nain, au sud. La côte du Labrador est parsemée d’îles et d’archipels, cela particulièrement dans les vallées d’Okak, de Nain et de Hopedale. D’impressionnants complexes de rivières et de lacs coulent vers ces fjords. En descendant vers le sud, le paysage devient progressivement moins escarpé, mais la succession de chaînes de montagnes et de fjords se poursuit. Les régions de Hopedale, de Makkovik et d’Hamilton sont les dernières avant d’atteindre le sud de la province composé de fjords plus petits et d’un paysage rocheux (Woodward-Clyde 1980).

1.1.2. Climat

Des courants marins actifs, causés par le détroit d’Hudson au nord-ouest, du détroit de Davis au nord- est, de l’Océan Atlantique et de la mer du Labrador à l’est ainsi que du détroit de Belle-Isle au sud influent considérablement sur le climat du nord du Labrador. Ces courants marins arctiques

16

interagissent entre eux pour créer le courant du Labrador, un courant très froid qui longe la côte du nord au sud. Ces courants marins font du Labrador la projection la plus au sud du climat arctique sur le continent américain (Wadhams 2000).

La région de Nain est une zone de transition entre le climat arctique et le climat subarctique. La température moyenne annuelle, selon des données recueillies entre 1981 et 2010 par Environnement Canada (2016) à la station de Nain, est de -2,5 oC, avec un minimum de -6,6 oC et un maximum de 1,7 oC. Une moyenne de 925,4 mm de précipitation tombe par année, dont environ 450,2 mm sous forme de pluie et 475,3 cm sous forme de neige.

1.1.3. Biogéographie de la région de Nain

La région de Nain se situe à l’interface entre la toundra arctique arbustive au nord et la toundra forestière septentrionale au sud (Payette et Rochefort 2001). Elle se caractérise par une végétation arbustive d’épinette blanche (Picea glauca), d’épinette noire (Picea mariana Mill.), de bouleau (Betula glandulosa Michx.) et de quelques arbustes. Les baies telles que le bleuet (Vacinium sp.), la chicoutai (Rubus chamaemorus L.) et la camarine noire (Empetrum nigrum L.) poussent partout, en zone humide comme sèche, en altitude et dans les vallées. Les mousses, lichens et sphaignes ont une vaste distribution, mais les zones humides sont dominées par des herbacées, les Carex. En altitude, on rencontre quelques épinettes sous la forme krummholz (arbres rabougris et de forme irrégulière).

La faune dans la région de Nain est diversifiée. On y trouve de nombreuses espèces d’oiseaux, dont plusieurs Tetraoninae : le lagopède des saules, le tétras du Canada, le lagopède alpin et la gélinotte huppée (Godfrey 1989). Le grand corbeau est un résident du Labrador méridional, ce qui n’est pas le cas des espèces de Strigidae (le grand-duc d’Amérique, le harfang des neiges, la chouette épervière, le hibou des marais et la nyctale boréale) qui nichent dans le sud de la côte et ne fréquentent la région qu’à la recherche de nourriture (Godfrey 1989 : 343). Les mammifères terrestres tels que le renard, le caribou, le lièvre, l’ours noir et l’ours blanc ainsi qu’une multitude de rongeurs peuplent autant le continent que les îles. Le morse, le phoque du Groenland, le phoque à capuchon, le phoque annelé, le phoque commun, le phoque gris et le phoque barbu (Pêches et Océans Canada 2016) ainsi qu’une grande variété de baleines fréquentent la côte selon les fluctuations de la banquise et des glaces flottantes (Kaplan 1983; Woollett 2003).

17

1.2. Historique de l’occupation inuite du Labrador

Ce sous-chapitre fera référence aux peuples thuléens et inuits à plusieurs reprises, ce qui peut porter à confusion puisqu’ils peuvent désigner le même groupe culturel dans certaines circonstances. Les Inuits habitant présentement le Labrador descendent directement des Thuléens, mais la transition culturelle ne s’est pas faite du jour au lendemain. Afin de simplifier la compréhension du texte, l’appellation Thuléen sera réservée à la culture en migration avant qu’elle n’occupe définitivement le territoire pour devenir ensuite la culture inuite. La période de migration dans le Labrador s’étend sur quelques siècles selon certains auteurs et l'on identifie donc quelques établissements thuléens sur le territoire. La séparation en deux périodes chronologiques distinctes (de la migration vers le Labrador suivi de la transformation culturelle graduelle des Thuléens établis dans cette région) est fortement inspirée de Friesen (2010 : 216). Cette représentation de la culture thuléenne/inuite implique que le phénomène est binaire, ce qui n’est pas le cas. On la juge cependant adéquate dans le cadre de cette description sommaire de l’histoire des Thuléens et Inuits au Labrador.

1.2.1. Thuléens au Labrador (fin du 13e siècle au 15e siècle)

1.2.1.1. Paysage culturel

Lorsque les Thuléens arrivent au Labrador, ils possèdent déjà un lot impressionnant de traits adaptatifs leur ayant permis de survivre dans l’Arctique canadien. Ils se servent de plusieurs outils associés à la chasse spécialisée tels que les harpons, l’arc et la flèche, les lances, les dards et le bola. Des objets domestiques tels que le ulu et la lampe en stéatite font partie de leurs objets usuels. Les Thuléens utilisaient aussi une multitude de moyens de déplacement tels que le traîneau à chiens et des embarcations de peaux et de bois qui rendaient les ressources locales plus accessibles.

C’est la chasse aux mammifères marins tels que les phoques, les morses et les baleines qui caractérise le mode de subsistance des Thuléens. L’importance de la chasse à la baleine est toujours débattue aujourd’hui. Pour Robert McGhee (1970) et Allen McCartney (1977), la chasse à la baleine aurait été à l’origine même de l’expansion thuléenne vers l’est de l’Arctique. Cette hypothèse est aujourd’hui contestée, parfois même par les anciens partisans de ce modèle (Morrison 1999; McCullough 1989; McGhee 1996 : 230). Milton Freeman (1978) suggère que son exploitation serait opportuniste et que les matériaux issus de la baleine seraient avant tout collectés sur les carcasses échouées sur la plage, ce qui minimise un peu l’importance de la chasse au profit du charognage. Dans les années 1990, les archéologues ont élaboré des moyens permettant de distinguer les os récupérés sur des baleines

18

échouées de ceux provenant de baleines chassées (Savelle et McCartney 1994). On a ainsi pu démontrer que la chasse à la baleine a bien eu lieu, bien qu’elle ait été irrégulière et opportuniste (Savelle et McCartney 1994; Whitridge 1999).

La date d’arrivée des Thuléens au Labrador est encore sujette à discussion. William Fitzhugh (1994) et Kaplan (2012 : 16) placent la migration vers la fin du 13e siècle grâce notamment à des datations par le radiocarbone effectuées sur du bois de conifère carbonisé provenant d’un site thuléen de Staffe Island. Kaplan appuie l’hypothèse selon laquelle ils auraient été attirés vers le sud par des opportunités de chasse et par les ressources exotiques offertes par les Européens (Trudel 1980; Kaplan 2012 : 20). Pour Lisa Rankin et Peter Ramsden, ce serait une migration rapide vers la fin du 15e siècle qui expliquerait le peu de matériel thuléen récupéré datant d’avant cette période (Rankin 2009; Rankin et Ramsden 2013). Quant à la raison qui aurait poussé les Thuléens à se déplacer, ils invoquent la disparition des Norrois du Groenland vers la moitié du 15e siècle et de leur métal. Cela aurait incité les Thuléens à descendre la côte du Labrador afin d’y rencontrer les Européens qui commençaient à exploiter les zones de pêche autour du détroit de Belle-Isle (Rankin et Ramsden 2013 : 307).

Fitzhugh et Kaplan soulignent toutefois les difficultés rencontrées dans le processus de datation radiocarbone dans l’Arctique qui réduisent les chances d’obtenir des dates fiables (Arundale 1981; Morrison 1989; Park 1994). En effet, le bois et l’os sont les matériaux les plus communs dans les sites thuléens sur lesquels la datation radiocarbone est possible. Cependant, les os de mammifères marins sont sujets à l’effet réservoir marin (marine reservoir effect), ce qui signifie que les os des espèces marines peuvent contenir du carbone plus ancien à cause de leur alimentation (Ascough et al. 2005). Quant au bois qu’on retrouve sur les sites archéologiques dans l’Arctique, il s’agit souvent de bois flotté ayant passé beaucoup de temps sur les rives avant d’être utilisé. L’âge de sa mort ne correspond donc pas à celle de son utilisation. S’il en est ainsi pour le bois carbonisé de Staffe Island, le site pourrait être plus récent qu’on le croit. La question de la chronologie de l’expansion des Thuléens vers le Labrador est donc loin d’être résolue.

1.2.1.2. Habitation et subsistance

Les Thuléens sont connus pour la fabrication de maisons de tourbe semi-souterraines qu’ils habitent en hiver (figure 3). Les Dorsétiens qui les ont précédés sur le territoire érigeaient à l’occasion des habitations similaires, mais seuls les Thuléens creusent presque systématiquement la tourbe pour y bâtir leurs maisons sous le niveau du sol (McGhee 1996 : 206). Ces maisons laissent beaucoup de traces archéologiques et ont donc été abondamment étudiées (Maxwell 1985 : 288; McGhee 1976;

19

Taylor 1968 : 211; 1974 : 68-69). L’utilisation de maisons de neige a été confirmée par l’existence des couteaux à neige (Kaplan 1983 : 223) et de données ethnohistoriques (Taylor 1974), mais ces maisons restent naturellement très difficiles à étudier par les archéologues.

La maison hivernale semi-souterraine thuléenne du Labrador est une structure creusée dans le sol dont les murs sont composés de terre, de pierres et de tourbe. Elle est couverte par un toit de tourbe ou de peaux d’animaux posé sur une structure en os de baleine ou en bois, en fonction de la disponibilité des matériaux. Le sol est généralement dallé de pierres plates. Une plateforme de couchage surélevée par du gravier et du sable1 et recouverte de brindilles de peaux occupe le fond de la maison. Un seul plateau à lampe sert pour la cuisine et pour l’éclairage, mais on observe aussi quelques maisons ayant des aires de travail et d’entreposage dans de petites alcôves. Le long tunnel d’entrée est construit de façon à isoler la maison : un coupe-froid (figure 3) garde l’air froid au fond à l’aide d’un linteau de pierre situé entre le tunnel et l’intérieur de la maison (Bird 1945; Kaplan 1983 : 223). Le tunnel est lui aussi généralement pavé de pierres plates. La taille de la maison varie entre 3 m et 6 m de longueur et a une superficie de sol de 12 m2 à 20 m2. Elle est généralement plus large que profonde (Kaplan 1983 : 220). Elle ne permet pas d’accueillir plus d’une famille d’environ cinq personnes (McGhee 1976; Taylor 1968 : 211; 1974 : 68-69; Maxwell 1985 : 288).

L’hiver, les Thuléens chassent le morse et le phoque sur la sina2 et la banquise et le béluga et la baleine boréale lorsqu’ils migrent dans la région (Kaplan 1983 : 218; Woollett 2003 : 48). Dans la région de Nain, les phoques sont nombreux (Kaplan 1983 : 298; Woollett 2003; Fields 2016; Foury 2017). Le phoque du Groenland en migration ainsi que certains oiseaux faisaient probablement partie de l’alimentation des Thuléens, surtout au printemps (Woollett 2003 : 48). En été, ces derniers ont exploité les ressources des zones côtières et de l’intérieur des terres telles que le caribou, le poisson, les baies et le bois. L’étendue de cette exploitation reste ouverte au débat, les sites archéologiques à l’intérieur des terres étant rares, ou du moins peu inventoriés par les archéologues (Kaplan 1983 : 298). Le poisson est pêché occasionnellement par les Thuléens et plus tard par les Inuits, une forme d’exploitation mineure (Whitridge 2001 : 62) avant que les contacts avec les missions moraves ne se multiplient à la fin du 18e siècle (Arendt 2010). À l’automne, les Thuléens ont vraisemblablement profité des migrations saisonnières de certains mammifères marins pour les intercepter (Taylor 1974; Woollett 2003 : 48).

1 Sur la figure 3, les Inuits ont exploité la présence de la roche-mère pour y construire la plateforme de couchage 2 La sina est la limite de la banquise, là où les glaces flottantes se forment en hiver et au printemps (Williamson 1997; Woollett 2003).

20

Figure 3. Maison 1 de type multifamiliale, Double Mer Point, Rigolet. Emplacement du coupe-froid, du tunnel d’entrée et de la plateforme de couchage. Photo par L. Pouliot, modifiée par O. Lalonde.

1.2.1.3. Sites de la région de Nain

Dans la région à l’étude, un seul village thuléen ainsi qu’un certain nombre de structures rectangulaires de pierres ont été identifiés sur l’île d’Iglosiatik (Kaplan 1983 : 265). Des assemblages de pierres, atteignant parfois une hauteur de 1 m, sont construits en empilant des pierres d’origine locale. Ces structures d’environ 4 m sur 8 m ont souvent une cloison. L’absence de matériel européen et de pierre taillée amène à penser que ces installations sont originaires de la période thuléenne (Kaplan 1983 : 225, 226).

1.2.2. Période de transition : Les Inuits du 16e siècle au 17e siècle

1.2.2.1. Paysage culturel et politique

La transition de la culture thuléenne vers la culture inuite s’accomplit progressivement, sans élément déclencheur. Dans la documentation archéologique, on s’entend généralement pour dire que la réorganisation de la culture inuite commence à partir du 16e siècle. Certains l’attribuent aux

21

changements climatiques du petit Âge glaciaire (Schledermann 1976a; McCartney 1977) alors que d’autres invoquent les contacts avec les Européens (McGhee 2004).

Le 16e siècle est marqué par des contacts prolongés entre Européens et Inuits observés grâce aux données archéologiques et historiques (Taylor 1974; Barkham 1984). Les baleiniers basques sont les premiers à visiter et exploiter activement la côte du Labrador à partir de 1536. Avant eux, les Norrois ont fréquenté l’Anse aux Meadows et des Bretons ont effectué quelques voyages autour de Terre- Neuve et du Labrador et donné un nom à certaines localités comme celle de Blanc-Sablon (Barkham 1984 : 515). Les Basques concentrent leurs activités autour des établissements actuels de Chateau Bay, St-Peter’s Bay, Red Bay, East St. Modeste et Blanc-Sablon, dans le détroit de Belle-Isle, entre le Labrador et Terre-Neuve (Kaplan 1983 : 160; Barkham 1984). Leur fréquentation de la côte du Labrador se poursuit jusqu’au début du 17e siècle avant de perdre de l’importance due au déclin des populations de baleines et aux contacts hostiles avec les Inuits avant de se terminer vers 1632 (Gosling 1910; Barkham 1977, 1984, 1989). Ce seront par la suite les marchands hollandais qui feront sentir leur présence au Labrador. Ils remplaceront en quelque sorte les Basques, ces derniers trouvant plus aisé et sécuritaire de se tourner vers des parties plus reculées du golfe du Saint-Laurent pour la pêche (Barkham 1984 : 518). Bien que la nature exacte des contacts entre Inuits et Basques reste encore inconnue, on remarque tout de même qu’au début du 17e siècle, les Inuits ont établi leur installation permanente la plus au sud dans l’estuaire d’Hamilton Inlet, sur Eskimo Island (Jordan 1977 : 43) et qu’ils font des incursions saisonnières dans le détroit de Belle-Isle jusqu’à tard dans le 18e siècle (Fitzhugh 1977 : 38).

1.2.2.2. Habitation et subsistance

Les habitations hivernales inuites du 16e et du 17e siècle sont très similaires à celles recensées durant la période précédente. Dans la plupart des cas, elles sont en fait identiques aux structures thuléennes et certaines d’entre elles sont probablement considérées comme telles (Kaplan 1983 : 234). Dans quelques cas, on remarque un changement du nombre de plateformes de couchage. Deux maisons de Johannes Point et une du village de Nachvak, dans le nord du Labrador, ont deux plateformes de couchage situées sur les côtés de la maison au lieu d’une seule (Kaplan 1983 : 235). La maison 4 d’Oakes Bay 1, datée du milieu du 17e siècle jusqu’au début du 18e siècle, présente aussi quelques particularités dans sa forme et sa taille. Ces quelques exemples ne forment pas une liste exhaustive. Bien que l’on observe ces changements à différents endroits au Labrador, les causes de l’adoption de ces nouveautés dans la structure de la maison hivernale sont spécifiques à la région et au contexte. Les sites inuits du 16e et du 17e siècle sont relativement peu nombreux, ce que Kaplan explique provisoirement par une réduction

22

de la population inuite durant le 17e siècle (Kaplan 1983; Woollett 2003 : 51). En comparant le 17e siècle au suivant, où la taille des sites prend de l’ampleur et où les maisons semblent accueillir plus d’individus, Jordan (1977 : 44) et Kaplan (1983 : 230) proposent que la population inuite du Labrador ait connu un essor au cours du 18e siècle.

La subsistance au 16e et au 17e siècle chez les Inuits du Labrador s’apparente à ce que l’on observe pour la période précédente. Les schèmes d’établissement semblent indiquer que l’on exploitait principalement le phoque et le morse dans la sina et sur la banquise flottante en hiver et au printemps et qu’on se tournait vers les ressources de l’intérieur durant l’été.

1.2.2.3. Sites de la région de Nain

On ne connaît qu’un seul village dans la région de Nain occupé durant le 16e et le 17e siècle (Taylor 1974, 1977). Il s’agit de Parngnertokh, situé à Oakes Bay 1, le site à l’étude. Une de ses particularités est son emplacement : à partir de la fin du 17e siècle et au début du 18e siècle (à la fin de cette période et au début de la suivante), les Inuits délaissent les îles éloignées et favorisent les emplacements plus près des terres et dans les baies protégées comme celle d’Oakes Bay 1 (Kaplan 1980, 1983, 2012 : 21). Il se peut donc que Parngnertokh, au 16e et au 17e siècle, soit une manifestation précoce de ce changement dans le schème d’établissement des Inuits (Taylor 1977; Foury 2017). La subsistance à Oakes Bay 1 est similaire à ce qui s’observe ailleurs durant ces deux siècles. Woollett et Foury ont noté qu’à Oakes Bay 1, à partir du 17e siècle jusqu’au 19e siècle, les assemblages fauniques sont largement dominés par le phoque annelé en hiver et au printemps (Woollett 2003 : 632; Foury 2017).

1.2.3. Inuits aux 18e et 19e siècles

1.2.3.1. Paysage culturel et politique

La fin du 17e siècle a vu les baleiniers basques perdre rapidement du terrain au profit des Hollandais. Des entrepreneurs français commencent au même moment à s’aventurer de plus en plus profondément dans les terres au sud du Labrador en provenance de la côte nord du Québec, entraînant une augmentation des contacts avec les Inuits (Kaplan 1983; Barkham 1984; Auger 1993 : 29). On note parfois que les contacts entre Français et Inuits étaient hostiles et violents même si des relations de commerce lucratives en découlent (Stopp 2002; Trudel 1978 : 482). Les échanges entre les deux peuples se poursuivent jusqu’en 1763, date du traité de Paris. Le Labrador devient alors un territoire anglais et la

23

tâche incombe à Sir Hugh Palliser, alors gouverneur de Terre-Neuve, de l’administrer. Il désire développer la pêche au Labrador, mais la présence tenace des Français et le caractère de plus en plus hostile des Inuits l’en empêchent. Pour rétablir la situation, il interdit en 1765 aux Européens d’attaquer les Inuits et aux entrepreneurs français de commercer avec ces derniers et il instaure un système d’échange anglais (Taylor 1974 : 7).

En 1764, Palliser rencontre Jens Haven, missionnaire morave actif, avec lequel il se découvre des objectifs communs. Les Moraves obtiennent de cet échange la permission de s’installer toute l’année dans le nord du Labrador et leur présence affectera grandement les relations entre Européens et Inuits (Taylor 1974). Immédiatement après la fondation de la première mission à Nain en 1771, les missionnaires moraves commencent à commercer et à prêcher avec l’intention initiale de christianiser les Inuits sans affecter autrement leur culture. Progressivement, les Moraves vont changer d’attitude alors qu’ils commencent à participer plus activement au marché des fourrures et de la pêche qui se développe au Labrador. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, on attend des Inuits qu’ils participent à l’économie générale. Le but n’est plus de christianiser, mais d’européaniser les Inuits (Brice- Bennett 1981; Arendt 2010 : 86). Malgré la politique d’évangélisation agressive des Moraves, l’effort de pacification porte fruit et le sentiment de sécurité qui en découle attire rapidement les pêcheurs européens au Labrador, tendance qui se maintient jusque vers la fin du 19e siècle.

Les contacts avec les Européens ont considérablement changé la distribution de la population inuite au Labrador. Les Inuits semblaient tournés vers le sud, mais l’apparition de missions au milieu de la région côtière a provoqué un revirement de cette tendance et attiré les Inuits vers la région de Nain, au centre- nord. En 1772 et 1773, au moins le tiers des Inuits du Labrador vivent dans les postes moraves de Nain et de Hopedale, situé au sud (Taylor 1974). À partir de la fin du 18e siècle, la culture inuite du sud se distingue graduellement de celle du nord, principalement à cause du métissage avec les pêcheurs anglais et de l’absence des Moraves dans la région (Rankin 2016). La situation évolue dans la deuxième moitié du 19e siècle alors que la Compagnie de la Baie d’Hudson se met à disputer les meilleurs emplacements géographiques aux Moraves, tous deux désirant obtenir l’avantage lors des échanges avec les Inuits. Les deux groupes cherchent donc à augmenter leur influence sur les autochtones, ce qui se traduit par une empreinte de plus en plus grande de la culture européenne sur le mode de vie inuit (Kaplan 1983).

1.2.3.2. Habitation et subsistance

Le 18e siècle marque le début d’une accélération du processus de changement dans la culture inuite. L’introduction de plus en plus de biens européens affecte des techniques et des méthodes qui restaient

24

relativement inchangées depuis leur arrivée au Labrador. Les lames de métal remplacent complètement l’usage de l’ardoise et de la néphrite (Kaplan 1983 : 238). Les armes à feu deviennent plus communes, modifiant le cours de la chasse, bien qu’on utilise le traîneau à chien, le kayak et l’umiak de la même façon qu’à la période précédente. L’utilisation du filet de pêche débute aussi durant cette période (Taylor 1974; Kaplan 1983 : 240).

Au 18e siècle, les Inuits commencent à favoriser les emplacements côtiers pour leurs villages hivernaux semi-sédentaires (Kaplan 1983), contrairement au 17e siècle où l'on préférait les îles plus éloignées des terres. Les emplacements recherchés sont les baies et les lieux protégés du vent (Kaplan 1980; 1983). Ces endroits sont choisis stratégiquement puisqu’ils permettent un accès privilégié autant aux ressources de la sina qu’aux ressources côtières (Kaplan 1983; Woollett 2003).

En automne, au 18e siècle, le phoque du Groenland est une ressource d’importance majeure partout sur la côte du Labrador (Taylor 1977 : 51). La baleine boréale fréquente aussi les côtes durant cette période alors qu’elle migre vers le sud, mais les activités de chasse aux cétacés sont prévalentes au nord de la côte (Taylor 1974). Vers le sud, notamment dans la région de Nain, il semble que l’exploitation de la baleine soit plus attribuable au charognage (Woollett 2003 : 633). Selon plusieurs analyses zooarchéologiques conduites dans les dernières décennies, la chasse au phoque en hiver et au printemps domine la subsistance des Inuits du Labrador, surtout dans la région de Nain (Woollett 2003; Fields 2016; Foury 2017). Au printemps, on exploite aussi les oiseaux nichant dans les îles (Taylor 1974, 1977 : 53).

Au 19e siècle, on observe quelques changements dans la subsistance des Inuits (Taylor 1977 : 51). L’exploitation du phoque du Groenland en automne profite de l’intégration des armes à feu qui permet aux Inuits de chasser plus aisément à partir des kayaks (Taylor et Taylor 1977 : 59). En été, on voit une baisse d’exploitation du caribou, les Inuits préférant désormais rester près des rivages pour pêcher et accumuler le poisson pour l’hiver (Taylor et Taylor 1977 : 76). L’influence des Moraves se fait ressentir ici, ces derniers encourageant les Inuits à pêcher, prétendant que l’industrie profite à la mission (Arendt 2010 : 87).

Vers la fin du 17e siècle, la forme des maisons hivernales change. La population dans les maisons grimpe entre 14 à 36 personnes, mais se maintient généralement autour de 20 (Taylor 1974, 1977). Les fouilles archéologiques attestent ces changements partout au Labrador (Bird 1945; Jordan 1978; Taylor 1974, 1977; Taylor et Taylor 1977; Kaplan 1983; Woollett 2003). La maison hivernale du 18e siècle est généralement rectangulaire et a une taille de 7 m à 16 m de longueur sur 6 m de largeur

25

(Kaplan 1983). On note que la structure est toujours faite de bois, d’os de baleine, de tourbe et de pierres. L’intérieur de la maison ainsi que la plupart des tunnels sont pavés. Au lieu d’une seule plateforme de couchage au fond, les maisons en contiennent désormais plusieurs, le plus souvent trois (de part et d’autre de l’entrée et au fond de la maison, voir figure 1 et figure 3). Le nombre de plateformes pour lampes en stéatite et d’espaces de travail augmente aussi.

La semi sédentarité et les préférences d’exploitation saisonnière des Inuits affectent bien entendu leur cycle de déplacements annuel au 18e siècle (Taylor 1974). Ils occupent généralement la maison de tourbe de novembre à avril, parfois plus tard en fonction de la température. À partir de mai, ils occupent des camps de tentes et de quarmat sur les îles jusqu’en été, de juin à août, ou ils préfèrent s’intaller sur les côtes en tente. De septembre à novembre, les Inuits établissent des camps dans les terres pour la chasse au caribou et à l’oie ainsi que sur les iles pour la chasse au phoque du Groenland.

1.2.3.3. Particularités de la région de Nain

Durant le 18e siècle, on compte au moins une dizaine de sites de maisons en tourbe dans la région de Nain selon les données ethnohistoriques recueillies par Taylor (1974, 1977) et par l’inventaire archéologique de Kaplan (1983). Ces sites parsèment la région, mais se situent principalement sur Dog Island et dans les alentours. Ils sont localisés près de la sina, donnant aux habitants un meilleur accès aux phoques et aux morses en hiver (Kaplan 1983 : 268). La quantité de villages dans la région de Nain culmine vraisemblablement dans la deuxième moitié du 18e siècle avant l’implantation de la mission morave en 1771. Par la suite, une grande quantité de ces villages hivernaux sont abandonnés alors que les Inuits commencent à se tourner vers la mission à Nain (Taylor 1974; Arendt 2010).

Les campagnes de fouille de Woollett et Kaplan dans les dernières décennies contribuent beaucoup à la recherche sur les maisons communautaires et le site est désormais bien connu malgré le travail qu’on peut encore y faire. À l’instar des autres communautés du Labrador, les Inuits de la région de Nain adoptent aussi la maison multifamiliale et trois d’entre elles se situent sur le site. Toutes les trois sont des maisons typiques de cette période couvrant la fin du 17e à la moitié du 19e siècle (Woollett 2010).

L’alimentation des Inuits de la région se base majoritairement sur la consommation de phoque annelé et les assemblages zooarchéologiques ne contiennent que peu de morse (Woollett 2003; Fields 2016; Foury 2017). Le phoque du Groenland est peu fréquent à Oakes Bay 1 (Woollett 2003; Foury 2017 : 122), mais bien représenté à Ikkeghasarsuk, sur l’île de Koliktalik, ce qui signifie peut-être que le type d’occupation varie d’un village à l’autre. Woollett laisse entendre que le village de Parngnertokh serait

26

un site majoritairement hivernal et qu’un camp de chasse au phoque du Groenland pourrait se trouver à proximité, ce qui expliquerait la faible représentativité de cet dans les assemblages zooarchéologiques (Woollett 2003 : 632). Les sites estivaux seraient plutôt associés à la pêche (Woollett 2020, communication personelle) Quant à l’exploitation de la baleine, la région n’a jamais été reconnue pour la chasse aux cétacés (Taylor 1974). Selon les sources ethnohistoriques, le charognage aurait été la pratique préférée à cette période (Taylor 1974; Woollett 2003).

27

Chapitre 2 – Méthodologie

2.1. Oakes Bay 1, site à l’étude

2.1.1. Description physique du site

Le site archéologique d’Oakes Bay 1 se situe à environ 40 km au nord-est de la ville de Nain, dans la mer du Labrador, sur Dog Island. Il se trouve dans la partie nord-ouest de l’île, sur la rive nord de la baie d’Oakes (figure 4). Cette île a été occupée avant les Inuits par les groupes de la phase archaïque maritime, prédorsétienne et amérindienne (Fitzhugh 1977). S’étendant sur deux terrasses sablonneuses, le site d’Oakes Bay 1 est entouré d’une plage de sable au sud et de la pente du mont Alagaiai au nord. Immédiatement à l’ouest et à l’est coulent deux ruisseaux à faible débit.

Figure 4. Sites hivernaux inuits dans la région de Nain. Plan traduit et modifié de Woollett 2010.

Le site archéologique consiste en sept maisons de tourbe semi-souterraines rapprochées les unes des autres. Oakes Bay 1 mesure approximativement 80 m sur l’axe nord-sud et 40 m sur l’axe est-ouest (Woollett 2003 : 281). D’après leurs dimensions, les maisons de tourbe 1, 2 et 3 seraient multifamiliales (figure 5) car elles mesurent entre 12 m et 13,5 m de longueur (Woollett 2010 : 249). Leur forme et la typologie des artéfacts datables qu’elles contiennent ainsi que les datations par radiocarbone et des

28

données dendrochronologiques (Foury 2017 : 128) placent la période initiale d’occupation des maisons 1 et 2 à la première moitié du 18e siècle. Les maisons 4, 5 et 6 dateraient du milieu du 17e au début du 18e car elles sont plus petites, de 7 m à 9 m de longueur, et de forme ovoïde. Enfin, ce qui est illustré comme la maison 7 consiste en un vestige potentiel localisé entre les maisons 1 et 2 et n’a pas été sondé (figure 5).

Figure 5. Contextes sélectionnés pour l’étude. Plan traduit et modifié de Woollett 2005

2.1.2. Brève histoire des interventions archéologiques

Taylor rapporte le site d’Oakes Bay 1 pour la première fois en 1966 et l’identifie comme le village de Parngnertokh, désigné ainsi par les missionnaires moraves durant l’hiver 1771-1772 (Taylor 1974; Taylor et Taylor 1977). Des opérations de prospection par Fitzhugh en 1974, 1980 et en 1984 (Fitzhugh 1977) ainsi que par Kaplan en 2000 poursuivent l’exploration du site (Woollett 2003 : 282). Taylor a repéré les six premières maisons alors que Fitzhugh a découvert le vestige situé entre les maisons 1 et 2.

29

En 2000, Kaplan et Woollett sondent quelques maisons et un dépotoir dans le cadre de la thèse de ce dernier. En 2002, Kaplan et Woollett retournent à Oakes Bay 1 dans le but d’échantillonner du bois préservé et des os et d’obtenir des dates d’utilisation des matériaux et de construction de maisons semi- souterraines. Leurs efforts ont porté sur les maisons 1 et 4 (Woollett 2002). De retour à Oakes Bay 1 en 2005 et en 2007 (figure 2), Woollett tente d’accroître et de raffiner l’échantillonnage paléoenvironnemental et paléoéconomique mis au point avec Kaplan. Des chantiers de trois semaines chacuns ont permis de réaliser des sondages importants dans les dépotoirs des maisons 2, 5 et 6, préalablement intouchés, et de terminer la fouille partielle du dépotoir de la maison 4 entreprise en 2002. De plus, on creuse des tranchées dans les maisons 1, 3 et 5 et des sondages dans les alentours du site pour prélever des échantillons d’écofacts et d’artéfacts, en soutien du projet de Natasha Roy. Finalement, on collecte une série d’échantillons paléoenvironnementaux et geoarchéologiques hors site au nord d’Oakes Bay 1 (Woollett 2005 : 3-4). Woollett et Swinarton fouillent une majeure partie de la maison 2 en 2010 et 2011 et une partie importante du dépotoir de la maison 2 pour le projet de maitrise d’Andréanne Couture. En 2014 et en 2015, Yann Foury et Woollett mènent deux campagnes de fouilles sur les dépotoirs des maisons 1 et 2 dans le cadre du projet de maîtrise de Foury.

2.2. Interventions sur le terrain

2.2.1. Fouille des contextes à l’étude

Pour cette analyse, on a sélectionné les maisons 3, 4 et 5 ainsi que des contextes hors site en se fondant sur des critères méthodologiques qui seront détaillés après une description des contextes en question.

Maison 3

La structure 3 mesure approximativement 12 m sur 8 m et le tunnel d’entrée fait environ 9 m de longueur. Une cavité au nord du mur ouest pourrait représenter une alcôve. Des blocs de tourbe dans la maison indiqueraient la présence de plateformes de couchage au nord et à l’ouest (Woollett 2003 : 285). Il y avait peut-être des plateformes de couchage à l’est, mais des fouilles sont nécessaires pour le confirmer. Deux sondages archéologiques ont été effectués par le passé : le premier en 1984 par Fitzhugh dans la partie est le long du mur, le deuxième par Kaplan en 2000 au nord du premier. Tous deux ont permis d’observer une stratigraphie similaire, interprétée comme des couches d’occupation recouvertes par les restes du toit effondré. En 2000, deux tranchées archéologiques creusées dans la maison 3 on mit au jour plusieurs artéfacts en métal d’origine européenne ainsi que des perles de verre

30

(Woollett 2003 : 287). La tranchée creusée en 2005 dans la maison 3 (3 m sur 1 m) (figures 2 et 6) était perpendiculaire au mur nord, alignée avec le tunnel d’entrée. Elle a été orientée de la sorte afin de délimiter l’aire de vie de la plateforme de couchage. La fouille et l’échantillonnage ont été effectués par niveaux stratigraphiques.

Maison 4

La maison 4, de forme subrectangulaire et ayant des dimensions totales de 12 m sur 9 m, comporte un tunnel d’entrée de 6 m de longueur qui suit la pente naturelle du site. Des plateformes de couchage pourraient se situer le long des murs nord et est. En 2000, on a sondé 0,60 m sur 0,30 m dans la partie sud de la maison en alignement avec l’entrée. En 2002, on a fouillé une surface de 7 m sur 2 m dans la maison et mis au jour une grande partie de la plateforme de couchage nord et une portion du plancher (figure 2) en excavant par niveaux arbitraires de 0,10 m. La maison n’a pas été fouillée complètement à cause du pergélisol et de l’eau s’infiltrant dans les sondages, mais le mur nord, le plancher à la base de la plateforme de couchage et un trou d’entreposage ont bien été définis (Kaplan et Woollett 2002). En 2005, lors de la troisième saison de fouille à Oakes Bay 1, on ouvre très brièvement l’excavation de la maison à nouveau pour vider une section de la fouille de 2002 et prélever des échantillons tous les 0,05 m dans une colonne située dans la paroi nord.

Maison 5

La maison 5 est une structure subrectangulaire d’environ 11,5 m sur 8 m avec un tunnel d’entrée mesurant environ 7 m de longueur. La plateforme de couchage se situe dans la partie nord-est de la maison. Woollett note une particularité dans la forme de la maison dont les ruines rapellent une structure bilobée de deux pièces, typique de la période thuléenne. Il pense cependant que la taille de la maison a simplement été réduite plus tard dans son histoire ce qui expliquerait l’existence de murs plus anciens entremêlés dans cette structure (Woollett 2005). On a donné le premier coup de pelle en 2005 lors de la troisième saison de fouille d’Oakes Bay 1. L’opération a pris la forme d’une tranchée de 2 m sur 1 m alignée avec le tunnel d’entrée, venant rejoindre le mur nord (figure 2 et 7). Le sol était gorgé d’eau et gelé en grande partie, ce qui a rendu la fouille ardue et compliqué l’identification des éléments caractéristiques, notamment de la plateforme de couchage. Les couches étant difficiles à délimiter, on a fouillé et échantillonné la maison en niveaux arbitraires de 0,05 m. Le dépotoir a aussi fait l’objet de fouilles qui ont mis en valeur une série de couches très organiques chargées de bois, d’ossements et de charbon.

31

Figure 6. Tranchée de 3 m sur 1 m de la maison 3, Oakes Bay 1. Photo par J. Woollett, 2005.

Figure 7. Tranchée de 2 m sur 1 m la maison 5, Oakes Bay 1. Photo par J. Woollett, 2005.

32

2.2.2. Échantillonnage

Il existe plusieurs types d’échantillonnage et une réflexion sur la stratégie à adopter est d’une importance capitale dans la planification de la fouille (Lennstrom et Hastorf 1995 : 702; Buckland 2000 : 15). Pour cette campagne archéologique, les fouilleurs ont échantillonné systématiquement chaque unité stratigraphique et chaque niveau arbitraire des maisons fouillées. Le site offre des conditions idéales pour la préservation des insectes : le pergélisol est souvent présent, le sol est très humide, riche en matière organique et les accumulations de sol sont généralement importantes. Comme l’objectif de la campagne de 2005 était la collecte d’échantillons pour une meilleure compréhension des maisons ciblées, un maximum d’échantillons était nécessaire. Les archéologues ont échantillonné plusieurs maisons et dépotoirs, mais seule une fraction de ces échantillons a été sélectionnée pour cette analyse selon des critères établis au cours de la préparation du projet.

Tableau 1. Liste des échantillons de sédiments associés à chaque contexte et volume par échantillon Identifiant de Volume l’échantillon (L) 553 2 554 0,25 565 2 566 1 Maison 3 567 1,5 568 1 569 2,5 570 1 571 2 586 3 587 2 Maison 5 588 1,5 589 2,5 H4B2 20-30 cm 4 Maison 4 H4B2 30-40 cm 4 H4C3 30-40 cm 4 H4C3 40-50 cm 4 Q1 1 Hors site Q4 0,25 Q10 0,25 Total 39,75

La quantité d’échantillons prélevée dans les maisons 3 et 5 et leur degré de préservation justifient le choix de ces deux maisons pour l’analyse. Quant à la maison 4, Woollett (communication personnelle) pense qu’elle pourrait représenter une phase culturelle transitionnelle : c’était une petite maison aux murs bas, ancienne (17e siècle) et qui emprunte des caractéristiques aux deux phases. De plus, elle est fortement affectée par le pergélisol, ce qui favorise une bonne préservation. On l’a donc choisie pour complémenter le projet. Finalement, on a sélectionné une série de trois échantillons prélevés à l’extérieur du site. On a effectué dix sondages-tests à la pelle tous les quinze mètres à partir du point de

33

référence, dans un angle de 38° (vers le nord-est, voir figures 5 et 8) et retenu les échantillons 1, 4 et 10 prélevés respectivement à 0 m, 45 m et 135 m du point de référence situé en bordure du site. Leur fonction dans cette analyse est d’offrir une fenêtre sur la faune environnante et de démontrer l’effet, le 0cas échéant, de l’occupation humaine sur le secteur. Le tableau 1 illustre le choix des échantillons pour chaque contexte.

Figure 8. Photo prise devant le premier échantillon hors site, orientée dans la même direction que la rangée d’échantillons prise hors site. Oakes Bay 1. Photo par J. Woollet, 2005.

34

2.3. Traitement des échantillons

2.3.1. Choix des échantillons et limites de la méthode

L’objectif principal du projet est de comparer les assemblages archéoentomologiques d’une maison hivernale unifamiliale et d’une maison multifamiliale. C’est pour cette raison que la maison 3 et la maison 5 sont les sujets principaux et que la maison 4, interprétée comme une phase de transition, sert de complément à l’étude. D’un point de vue méthodologique, la comparaison entre chaque maison est difficile. Alors que pour la maison 3 les fouilleurs ont eu recours à la fouille en niveaux stratigraphiques, ils ont préféré la fouille en niveaux arbitraires de 0,10 m et de 0,05 m pour les maisons 4 et 5 respectivement. De plus, on a prélevé des échantillons d’un volume d’un à deux litres environ pour chaque unité archéologique des maisons 3 et 5 et de quatre litres pour la maison 4. L’échantillonnage est très différent entre les maisons et la comparaison quantitative entre les échantillons est donc impossible. La comparaison se fera en rassemblant les échantillons par maison pour former trois grands assemblages archéoentomologiques et en tirant des conclusions sur l’état général de chacun.

Dans le cadre de ce projet, on a prélevé entre 0,25 et quatre litres de sédiments, le volume dépendant de la personne responsable et de la maison fouillée. En matière de volume, on préconise un volume d’au moins deux litres par échantillon (Bain 1999 : 98). En d’autres circonstances, un échantillon d’un litre pourrait être trop petit pour permettre une interprétation valable et une bonne représentativité du contexte duquel il provient, mais les couches archéologiques du site d’Oakes Bay 1 se sont révélées extrêmement riches et des échantillons de cette taille sont acceptables. On les prélève avec une truelle propre nettoyée sur le terrain, les mottes de terre prises sans être défaites pour éviter la fragmentation des restes d’insectes. On ensache les échantillons, on les scelle hermétiquement et on les double pour éviter la contamination et le déchirement lors de la manutention. Après le prélèvement, le traitement se poursuit en laboratoire.

2.3.2. Lavage et flottation au kérosène

Le traitement des échantillons de sédiments s’effectue selon la description de Kenward et collaborateurs, adaptée par Bain (Kenward et al. 1980; Bain 1999). Durant la première étape, le lavage, on sépare la fraction minérale de la fraction organique. On commence par vider le sac de l’échantillon dans un grand bac d’eau chaude et l'on mélange avec les mains pour défaire les mottes, en évitant la pression et le frottement inutile pour ne pas briser les fragments d’insectes. On verse l’eau dans une colonne de tamis avec au moins un tamis de 250 µ ou 300 µ afin de récolter la fraction flottée. Ici,

35

l’usage d’un tamis de 4 mm facilite le lavage et complète la colonne, puisqu’une grande quantité de matière organique tend à boucher les tamis. On remplit le bac à nouveau, on remue et l'on répète l’opération jusqu’à ce que toute la matière organique se retrouve dans les tamis et que la matière limono-argileuse soit éliminée (Bain 1999; Forbes 2009 : 58). On obtient alors des sédiments qu’on appelle « fraction lourde inorganique » et que l’on fera sécher et triera à la main plus tard. On incorpore le contenu du tamis de 4 mm à celui de 250 µ puisqu’il peut aussi comporter des fragments d’insectes. On entrepose la matière récupérée dans l’alcool ou on la laisse égoutter dans le tamis si l'on passe à la prochaine étape immédiatement.

La flottation au kérosène est la deuxième étape du traitement en laboratoire. On reprend l’échantillon conservé dans l’alcool et on le rince à l’eau dans un tamis de 250 µ. On le laisse ensuite égoutter entre 5 à 15 minutes, selon le volume, pour ensuite le verser dans un bac de plastique. On incorpore dans un bac ce qui reste dans le tamis en utilisant le moins d’eau possible. Sous une hotte, on ajoute un volume de kérosène égal à la quantité de sédiments et on mélange doucement pour que le kérosène s’y adhère bien. On retire le surplus de kérosène et on remplit le bac d’eau froide en mélangeant. Le kérosène adhère généralement bien aux restes d’insectes (Rousseau 2009) et les sclérites flotteront car le kérosène est plus léger que l’eau. On laisse reposer l’échantillon environ 15 minutes après quoi les parties d’insectes flottent alors que la plus grande partie de la matière organique redescend. Une fois le temps écoulé, on verse la fraction flottante dans un tamis de 250 µ, en faisant bien attention de ne pas soulever la matière organique au fond. À cette étape, on souffle sur la surface de l’eau pour concentrer la matière flottée dans un coin et éviter que la matière au fond ne lève. On rince ensuite la fraction ainsi obtenue à l’eau froide et au savon pour en éliminer le kérosène. On fait de même pour le reste qu’on appelle « fraction lourde organique », et on le laisse sécher pour le trier à la main lorsqu’il et sec. À cette étape, la fraction flottée, ou « fraction légère » correspond à une petite fraction de l’échantillon original. On la lave à l’alcool pour l’entreposer dans un pot en vue du tri.

2.3.3. Tri, identification des insectes et ouvrages de référence

Le tri consiste à passer toute la fraction légère à la loupebinoculaire. On prend l’équivalent d’une cuillère à thé de l’échantillon flotté qu’on verse dans un pétri d’environ 0,09 m de diamètre. On passe le pétri sous le la loupe binoculaire,à un grossissement d’environ 10x. On trie l’échantillon au complet en ramassant tous les fragments d’insectes pertinents à l’analyse : les têtes, les pronotums et les élytres de coléoptères (figure 9) ainsi que tout autre fragment jugé utile. On colle les fragments d’insectes à des plaquettes avec de la colle alimentaire dans le but de faciliter l’identification et le numérotage des restes.

36

Lors de l’identification, on relève les caractéristiques morphologiques telles que la forme, la taille et la couleur des restes. L’identification des fragments d’insectes se fait au niveau taxonomique le plus précis possible. Compte tenu de l’état incomplet des insectes récoltés en contexte archéologique, une détermination au niveau spécifique est souvent impossible. L’identification s’effectue principalement grâce à la comparaison avec des spécimens provenant de collections entomologiques et archéoentomologiques de référence. Dans le cadre de cette étude, on utilise les collections suivantes : l’Insectarium René-Martineau du Centre de foresterie des Laurentides et la Collection d’insectes du Québec du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. De plus, on a fait appel aux spécialistes en identification de chacun de ces centres. On a aussi examiné à des fins de comparaison les spécimens provenant du site Double Mer Point dans le sud du Labrador et de Uivak Point dans le cadre d’autres analyses spécialisées produites par GAIA (2016, 2017) et Bain (dans Woollett 2003), respectivement.

Figure 9. Parties identifiables de l’insecte. Photo par O. Lalonde.

37

Les ouvrages d’Arnett et Thomas (2001), d’Arnett et al. (2002) et de Bousquet et al. (2013) ont fourni la nomenclature et la taxonomie utilisées dans cette recherche. On a fait appel à une multitude d’ouvrages de référence généraux ou spécialisés pour l’identification. Parmi les deux livres les plus utilisés, American (Arnett et Thomas 2001 ainsi que Arnett et al. 2002) a servi à l’identification des insectes au niveau générique et Checklist of Beetles (Coleoptera) of Canada and Alaska (Bousquet et al. 2013) a fourni la liste des coléoptères répertoriés dans chaque région du Canada et de l’Alaska. On a de plus consulté une multitude d’ouvrages spécialisés tels que The Ground Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska (Lindroth 1961, 1963, 1966, 1968, 1969) pour l’identification à différents niveaux taxonomiques.

2.4. Montage d’une collection de référence

L’’élaboration d’une collection de référence en entomologie aux Laboratoires d’archéologie de l’Université Laval était en cours lors de l’identification de l’assemblage archéoentomologique, bien qu’elle ne contenait encore que des coléoptères du Québec. Durant l’été 2015, une visite de deux mois au Labrador a permis la collecte d’une petite quantité d’insectes qui ont servi à l’identification. L’opportunité m’est venue de fouiller un site au sud du Labrador à proximité de Rigolet nommé Double Mer Point et de collecter des coléoptères de la mi-juillet jusqu’à la fin septembre. Les quelques pièges-fosses posés n’ont rapporté que très peu de résultats. Ce type de piège consiste en un contenant de plastique dissimulé sous le niveau du sol assez profondément pour que le rebord soit invisible. On verse alors une solution composée d’eau salée (pour une meilleure préservation des insectes) et de quelques gouttes de savon à vaisselle (pour faire couler les insectes au fond) dans le récipient, à hauteur d’environ deux centimètres. On peut accrocher un appât au-dessus du récipient pour attirer les insectes rampants.

L’échec de ce piégeage s’explique peut-être par la faible densité de population des insectes de la région ou par la saison déjà bien avancée de fin juillet à septembre. La collecte des insectes fut donc opportuniste : durant la fouille en creusant le sol et sur des carcasses d’animaux morts. On a de plus effectué une collecte d’insectes à la fin du mois d’août au site d’Oakes Bay 1 durant les fouilles pour le projet de maîtrise d’un étudiant de l’Université Laval, Yann Foury. Les pièges-fosses n’ont donné que peu de résultats, les insectes de la collection provenant surtout de carcasses et des sédiments lors des fouilles. On a étudié tous les spécimens au Laboratoire d’archéologie environnementale de l’Université Laval.

38

2.5. Méthodologie analytique

2.5.1. Assemblage archéoentomologique

Les fragments de têtes, de pronotums et d’élytres de coléoptères forment presque l’entièreté des assemblages archéoentomologiques d’Oakes Bay 1. La préservation de ces fragments s’explique par la constitution rigide et robuste de l’exosquelette des coléoptères (White 1983). Ce squelette externe se compose de plusieurs plaques, les sclérites, qui sont maintenues ensemble par différentes membranes souples. Les sclérites sont faites de chitine, une substance dure semblable à celle des ongles. Ce sont ces plaques, de grandeur et d’importance variable, qui se préservent le mieux sur les sites archéologiques.

En archéoentomologie, la très grande majorité des fragments d’insectes étudiés proviennent de coléoptères, mais d’autres ordres comme les hémiptères (principalement les punaises) se préservent aussi (Buckland et al. 1983, 2009; Böcher 1997; Forbes 2009; Kenward 2009). On récupère les mouches sous forme de pupariums, les restes d’adultes ne contribuant que très peu à la recherche archéoentomologique (voir Lewis 1966). Autrefois relativement ignorées à cause du manque de recherche sur le sujet, on commence aujourd’hui à intégrer les pupariums de mouches dans le corpus archéoentomologique (Skidmore 1996; Panagiotakopulu 2004; Centeno et al. 2009; Huchet 2016; Huchet et al. 2013a; Morrow et al. 2015). Les ectoparasites tels que les poux et les puces font désormais aussi l’objet de recherches avancées (Buckland et al. 1992, 1998; Dussault 2011; Dussault et al. 2014; Forbes et al. 2015) mais on les écarte de cette analyse afin de mettre l’accent sur les coléoptères.

2.5.2. Calcul du nombre minimal d’individus

On compte systématiquement chaque fragment d’insecte pour chaque échantillon choisi, mais cette donnée statistique n’est pas représentative de l’assemblage archéoentomologique. Pour représenter l’espèce dans l’échantillon, on préfère le principe du nombre minimal d’individus (NMI) au total de fragments. Le calcul du NMI représente la plus petite quantité d’individus unique qu’on peut dénombrer pour chaque échantillon. Le calcul du NMI se base sur la symétrie bilatérale des individus (Reitz et Shackley 2012). Pour les insectes, la tête et le pronotum indiquent la présence d’un individu complet; il en est de même pour les élytres, comptés séparément. Un échantillon comportant par exemple 20 têtes, 50 pronotums, 20 élytres gauches et 40 élytres droits d’une même espèce totalise 130 fragments. Dans cet exemple, le NMI est de 50 puisque le nombre de pronotums est le plus élevé (les

39

deux élytres ne doivent pas être additionnés l’une à l’autre). Ce NMI est beaucoup plus près de la réalité que l’est le nombre total de fragments.

Comme le souligne Sandy Parmentier (2010 : 21), il existe différentes variantes dans la formule du NMI. La façon dont on le calcule a une influence sur la lecture des données et il est donc important d’expliquer de quelle manière on a procédé et quels critères doivent être respectés. Parmi les traits physiques utiles à l’identification, la taille et la couleur sont les plus importants, mais on les a ignorés tous les deux. Certains taxons comme les Aleocharinae de la famille des Staphylinidae sont tellement nombreux qu’il devient extrêmement complexe de distinguer ces traits physiques sans erreurs. De plus, chez certaines espèces, ces caractères sont indiscernables. Pour éviter les biais d’interprétation, on n’applique que la règle de la symétrie dans le calcul du NMI.

40

Chapitre 3 – Résultats

Les résultats sont divisés en quatre sections : maison 3, maison 5, maison 4 et échantillons hors site. Pour chaque section, on décrit les observations faites avant et durant le traitement. Ensuite, on présente les résultats archéoentomologiques par niveaux taxonomiques, la classification des insectes suivant Bousquet et al. (2013) dans Checklist of Beetles (Coleoptera) of Canada and Alaska. Pour alléger la lecture, on ne décrit chaque taxon et son écologie qu’à la première mention de l’insecte. Plusieurs photographies d’insectes agrémentent le texte du chapitre 4 et du chapitre 5. L’annexe A comporte une grande quantité de photographies d’insectes supplémentaires pour des fins de référence.

3.1. Résultats de l’analyse archéoentomologique

3.1.1. Maison 3

On a choisi neuf échantillons parmi les 19 collectés à l’intérieur de la maison 3, les dix autres écartés de l’analyse à cause de leur proximité avec la surface : l’interprétation faite durant la fouille les associe au toit effondré et à des sédiments modernes. Les échantillons restants proviennent de contextes divers, pris au-dessus de la plateforme de couchage ou au-dessus du plancher. Le tableau 2 indique la profondeur et le contexte de chaque échantillon.

Tableau 2. Provenance archéologique des échantillons sélectionnés, maison 3.

Profondeur moyenne Échantillon Contexte archéologique sous la surface 553 52-57 cm Surface de la plateforme de couchage et possible toit effondré Plancher compact supérieur à un plancher pavé de pierres et possible toit 554 76-77 cm effondré 565 57-60 cm Surface de la plateforme de couchage 566 77-85 cm Plancher compact supérieur à un plancher pavé de pierres 567 60-64 cm Surface de la plateforme de couchage 568 85-87 cm Plancher compact supérieur à un plancher pavé de pierres 569 64-68 cm Surface de la plateforme de couchage 570 87-92 cm Plancher compact supérieur à un plancher pavé de pierres 571 68-73 cm Surface de la plateforme de couchage

41

Les échantillons sélectionnés pour la maison 3 avaient presque tous un volume variant entre 1 L et 2,5 L sauf un échantillon faisant 0,25 L. Le tableau 3 ci-dessous illustre le nombre de litres traités et le volume des fractions lourdes et légères. Des échantillons ont été traités en 2009 dans le cadre d’un autre projet et certaines données sont indisponibles.

Tableau 3. Volume des échantillons traités à différentes étapes du processus, maison 3.

Volume Échantillon Fraction lourde Fraction lourde Fraction légère Total traité (L) inorganique (mL) organique (mL) (mL) 553 2 ------130 554 0,25 125 75 75 565 2 480 225 60 566 1 100 125 80 567 1,5 250 225 50 568 1 250 250 90 569 2,5 440 600 110 570 1 125 300 50 571 2 ------175

Le tableau 4 présente une synthèse des données compilées durant le traitement concernant les inclusions et artéfacts observés dans chaque échantillon.

Tableau 4. Inclusions dans les échantillons, maison 3.

553 554 565 566 567 568 569 570 571 2 % Graines I ------<1 % ------I (carbonisées) 1 % <1 % 1 % <1 % 1 % Animal I --- (Cuir et (Os, poil --- I Fraction (Poil) (Os) (Plumes) poils) et peau) lourde Bois I 2 % 10 % <1 % 10 % 10 % 20 % 40 % I Charbon I 2 % 1 % <1 % 5 % 2 % 1 % 5 % I Artéfacts I --- Plomb --- Griffe (?) ------I Charbon X --- X- --- X ------Fraction Bois X+ X------X+++ ------X légère Poils --- X++ X------Plumes --- X- X- --- X++ --- X+ X++ --- Légende : I : Donnée indisponible --- : Aucune observation X- : Faible présence X : Présent X+ : Fréquent X++ : Abondant X+++ : Dominant

Au moment du traitement, les échantillons étaient presque tous secs et quelques-uns avaient des traces de moisissures, ce qui ne semble cependant pas avoir affecté la préservation des restes. Le tri de la

42

fraction légère a permis d’échantillonner des acariens et des pupariums de mouches d’espèces variées (tableau 5), mais on ne tente aucune identification pour ce projet. On rapporte la présence de poux, mais ils ne seront pas étudiés, l’accent étant mis sur les coléoptères, ces derniers étant très nombreux et diversifiés dans tous les échantillons.

Tableau 5. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, maison 3. Échantillon Pupariums (par pétri) Acariens (par pétri) 553 5 15 554 1 20 565 1 40 566 3 20 567 10 40 568 1 20 569 1 20 570 1 10 571 7 15

Les hémiptères se trouvent dans tous les échantillons sauf 565 et 566. Ils se rapportent probablement pour la plupart à la sous-famille des Lygaeidae, un taxon dont la nature eurytope3 (Judd et Hodkinson 1998) n’apporte que peu à l’interprétation. Lorsque combiné avec les coléoptères, le NMI totalise 1301, réparti sur 47 taxons dont 20 sont identifiés à l’espèce pour la maison 3. Lors de la description des taxons, ces taxons seront séparés par famille.

Tableau 6. Identification des restes entomologiques, maison 3, par NMI. Identification 553 554 565 566 567 568 569 570 571 Total PHTHIRAPTERA Phthiraptera indet. X X X X X X X Hemiptera indet. 3 2 1 2 2 1 1 12 COLEOPTERA Carabidae cf. Elaphrus sp. 1 1 Dyschirius hiemalis Bousquet 2 3 3 2 1 2 1 1 15 Patrobus septentrionis septentrionis Dejean* 1 1 2 cf. P. septentrionis septentrionis Dejean* 1 1 Pterostichus brevicornis brevicornis (Kirby)* 2 2 2 1 1 2 10 cf. P. brevicornis brevicornis (Kirby)* 1 1 Pterostichus spp. 2 2 Amara sp. 1 1 2 Carabidae indét. 3 5 3 2 1 2 2 2 1 21 Hydrophilidae Helophorus arcticus Brown* 25 8 15 46 8 19 10 1 3 135 Helophorus sempervarians Angus 2 2 1 5 Helophorus sp. 1 1 Catops spp. 2 3 4 7 1 13 2 6 38 cf. Catops spp. 2 1 3

3 Espèce adaptée à une grande variété de conditions environnementales.

43

Identification 553 554 565 566 567 568 569 570 571 Total Leiodidae indet. 1 1 Staphylinidae Acidota quadrata (Zetterstedt)* 17 4 40 11 16 9 16 10 4 127 Eucnecosum brunnescens (J.R. 14 13 43 19 23 6 13 6 7 144 Sahlberg)* Olophrum boreale (Paykull)* 1 1 cf. O. boreale (Paykull)* 1 1 1 3 Olophrum rotundicolle (C.R. Sahlberg)* 1 1 2 O. cf. rotundicolle (C.R. Sahlberg)* 1 1 Holoboreaphilus nordenskioldi (Mäklin)* 1 3 2 5 4 2 1 18 cf. H. nordenskioldi (Mäklin)* 3 1 1 5 indet. 7 3 5 2 5 3 6 22 2 55 Omaliinae indet. 2 2 Proteinus spp. 1 1 1 4 1 1 1 2 12 Mycetoporus nigrans Mäklin 1 5 1 3 1 2 13 cf. M. nigrans Mäklin 1 1 Mycetoporus sp. 1 1 nimbicola Campbell 5 5 8 14 3 3 1 39 Tachyporinae indet. 2 1 1 1 1 6 Aleocharinae indet. 64 30 62 55 40 21 73 62 21 428 Stenus spp. 1 1 1 2 5 Euaesthetus sp. 12 5 10 8 2 4 4 1 1 48 Quedius fellmani (Zetterstedt)* 1 1 1 2 Staphylinidae indet. 1 4 2 1 1 2 1 1 13 Agoliinus sp. 1 1 indet. 1 1 Byrrhidae Byrrhus kirbyi LeConte 1 1 1 1 4 cf. Byrrhus sp. 2 2 Simplocaria metallica Sturm 6 5 7 5 3 1 10 4 41 cf. S. metallica Sturm 2 1 1 1 5 Byrrhidae indet. 1 1 Elateridae cf. Elateridae indet. 1 1 Cryptophagidae spp. 1 2 1 1 1 6 Cryptophagidae spp. 1 1 2 cf. Cryptophagidae spp. 3 3 Notaris aethiops (Fabricius)* 1 1 Curculionidae Cryphalus ruficollis ruficollis Hopkins 1 2 1 2 1 7 cf. C. ruficollis ruficollis Hopkins 1 1 2 Dryocoetes cf. caryi Hopkins 2 1 5 1 1 1 11 Polygraphus rufipennis Kirby 2 4 3 2 4 4 2 2 23 cf. P. rufipennis Kirby 1 4 1 1 1 1 9 Curculionidae indet. 1 1 Coleoptera indet. 1 1 1 1 4 DIPTERA Diptera indet. X X X X X X X X X X Total coléoptères : 175 99 244 201 131 78 180 122 59 1289 Grand total : 178 101 244 201 132 80 182 123 60 1301 Légende : * : Espèce holarctique

44

Dans la famille des Carabidae, on a identifié trois genres ainsi que trois espèces différentes. Les carabes sont des coléoptères carnivores et/ou omnivores pouvant vivre dans une grande variété d’environnements, mais préférant généralement les espaces ouverts avec des roches ou du substrat pour se cacher (Lindroth 1961 : XXXIV). Le genre Elaphrus est dit hygrophile, c’est-à-dire qu’il recherche l’humidité, sans pour autant vivre dans l’eau. Il affectionne la boue et les rives ainsi que la mousse et les endroits marécageux (Buckland P.I. et P.C. Buckland 2006). Les espèces du genre Amara sont xérophiles : elles préfèrent les endroits chauds et secs. La plupart des espèces occupent des terrains ouverts avec de la végétation éparse, mais haute. Majoritairement des phytophages, les adultes recherchent parfois des fruits et des graines (Lindroth 1968 : 656).

Les espèces du genre Pterostichus sont nombreuses et leurs habitats sont très variés. On les associe généralement à une proximité des sources d’eau, mais ils peuvent être hygrophiles ou xérophiles. On les rencontre souvent en forêt ou dans les endroits ouverts tel que la toundra (Lindroth 1966 : 447). Pterostichus brevicornis brevicornis s’observe dans les landes et les prairies, parmi les feuilles, l’herbe et la mousse ainsi qu’en milieu forestier, à la limite des arbres et sous les aulnes (Alnus sp.) (Lindroth 1966 : 524). Nocturne, il se cache le jour sous les roches et dans la mousse. Il reste actif à longueur d’année, grégaire durant l’automne et l’hiver (Larochelle et Larivière 2003 : 409).

Patrobus septentrionis septentrionis est une espèce hygrophile mais eurytope qui vit dans la mousse, sous les roches, sur les plages de lacs et près des cours d’eau ainsi que dans les buissons, pentes herbeuses, prairies et landes. Elle nécessite la proximité d’eau et vit en basse altitude. Fait cocasse concernant cette espèce, on l’a observée, vers la fin du 19e siècle, à l’intérieur de maisons inuites du Groenland durant l’hiver, provoquant la peur des habitants qui craignaient qu’elle ne s’introduise dans leurs oreilles (Böcher 1988 : 10). Ces coléoptères sont actifs la nuit et se cachent sous les feuilles mortes et les bûches. Leur période d’apparition est de juin à octobre (Larochelle et Larivière 2003 : 365).

Dyschirius hiemalis vit dans la mousse et dans la tourbe ainsi qu’en terrain ouvert avec un sol relativement humide. Il se réfugie le jour dans la mousse, sous les feuilles mortes et dans des terriers creusés dans le sol. Sa distribution s’étend aux zones subalpines, tant dans les terres basses qu’en montagne. Il est actif de juin à août (Larochelle et Larivière 2003 : 250).

La famille des Hydrophilidae est représentée dans la maison 3 par des espèces du genre Helophorus. Ce genre vit dans l’eau ou à proximité, que ce soit dans les lacs, les rivières ou même les flaques temporaires (BugsCEP 2017). Les deux espèces collectées sont peu connues, mais semblent semi- aquatiques. Helophorus arcticus vit en eau douce (Arnett and Thomas 2001 : 198). Très peu de spécimens

45

ont été étudiés, la plupart provenant de la proximité des rivages dans des habitats ouverts et dans la mousse près des mers et des océans (Smetana 1985 : 118). La documentation entomologique n’offre qu’un petit volume d’information sur l’écologie d’Helophorus sempervarians. Les individus collectés au nord-ouest du continent nord-américain habitent les endroits marécageux où la végétation est éparse et les flaques d’eau temporaires fréquentes ou dans l’eau peu profonde contenant beaucoup de végétation. Les spécimens provenant du Québec ont été capturés en haute altitude, dans des pièges posés dans des habitats humides. L’espèce serait semi-aquatique (Smetana 1985 : 52).

Les Leiodidae sont une petite famille de coléoptères se nourrissant généralement de champignons et de charognes. Le seul taxon identifié pour cette famille dans la maison 3 est Catops, un genre qui compte des espèces charognards qui vivent dans la litière forestière (Arnett et Thomas 2001 : 256). Il est impossible d’associer les fragments provenant des échantillons à une espèce précise.

La famille des Staphylinidae, ou staphylins, est une des plus grandes familles de coléoptères. Dans tous les échantillons analysés à Oakes Bay 1, cette famille domine en nombre. Elle couvre une impressionnante variété d’habitats, se trouvant virtuellement partout. Cependant, à cause de la très grande quantité d’espèces qui vivent au Labrador, beaucoup d’individus ne sont identifiés qu’au niveau de la sous-famille. De plus, l’identification d’une multitude d’espèces se fonde sur l’examen des parties génitales, ce qui comprend presque tous les Aleocharinae. Pour cette raison, aucune espèce d’Aleocharinae n’a été identifiée et on considère la sous-famille comme généraliste. Hormis les Aleocharinae, qui sont les plus nombreux, les sous-familles des Omaliinae et des Tachyporinae dominent l’assemblage de staphylins de la maison 3.

Dans la sous-famille des Omaliinae, on répertorie les espèces suivantes: Acidota quadrata, Eucnecosum brunnescens, Olophrum boreale, Olophrum rotundicolle et Holoboreaphilus nordenskioldi. A. quadrata a une distribution vaste, mais se trouve surtout dans les régions nordiques de la forêt boréale. L’espèce vit dans les feuilles mortes et dans la mousse près des cours d’eau, sous les roches près des neiges, près des chutes d’eau et dans l’herbe sur les plages sableuses et dans la toundra alpine (Campbell 1982 : 1021). E. brunnescens a une distribution similaire, associé aux forêts boréales et aux milieux arctiques dans la toundra alpine. Il vit aussi dans la litière forestière à proximité des rivières et des lacs (Campbell 1984 : 502). O. boreale et O. rotundicolle habitent toutes les deux dans le même environnement, généralement dans les mottes de plantes du type Carex sur le bord des lacs, rivières, marécages et ruisseaux et près des courants, rapides ou faibles. Si les plantes Carex sont absentes, l’aulne et le saule (Salix sp.) attirent aussi ces insectes. La mousse et les débris flottants seraient également des habitats convenables (Campbell 1983 : 607, 620). Finalement, H. nordenskioldi est une espèce mal connue qui vit dans la

46

toundra ou à la limite de la forêt boréale sur les sols fortement affectés par le pergélisol. Ce coléoptère se trouve aussi sous les roches près des étangs gelés en permanence (Morgan et al. 1984 : 463).

Dans la sous-famille des Tachyporinae, on a identifié des espèces du genre Mycetoporus et les espèces Mycetoporus nigrans et Tachyporus nimbicola. Les espèces du genre Mycetoporus vivent surtout dans la litière forestière, dans l’humus et dans la mousse bien que certaines habitent aussi les rives des courants et des lacs et les nids de rongeurs (Arnett et Thomas 2001 : 357). M. nigrans se trouve fréquemment dans la mousse, sous l’écorce et dans la litière de sapin (Abies sp.) mélangée à celle des arbres à feuilles caduques comme l’aulne et le saule glauque (Salix glauca). L’espèce vit aussi dans les débris de plantes, dans les algues sur la plage et près de la neige (Campbell 1991 : 20; Böcher et al. 2015 : 271). On l’associe surtout à la végétation de toundra. Elle est active d’avril à novembre, principalement entre juin et août (Campbell 1991 : 20). T. nimbicola fréquente les habitats peu humides, parfois presque secs. Il habite la toundra alpine et se trouve dans la mousse, le lichen, la litière des saules et sous les buissons (Campbell 1979 : 23).

Quatre derniers taxons de staphylin sont les seuls représentants de leur sous-famille. Mis à part Quedius fellmani, ces insectes n’ont pas été identifiés au-delà du genre. En Amérique du Nord, Q. fellmani vit dans les environnements plus ou moins humides. Les feuilles mortes et la mousse dans les marécages et prairies sont tous des endroits ciblés par cette espèce. Elle s’approche parfois des terres agricoles et se regroupe en terrains secs et ouverts (Böcher 1988 : 26). Les espèces du genre Proteinus semblent être mycétophages, saprophages et parfois prédatrices et vivent dans les champignons en décomposition, dans les débris de plantes et dans la charogne. Les représentants du genre Stenus proviennent d’habitats divers, les espèces étant nombreuses au sein de ce taxon. Ils semblent particulièrement présents sur les roches et plantes près des courants d’eau et sont prédateurs de collemboles et autres petits arthropodes (Arnett et Thomas 2001 : 380). Finalement, les espèces d’Euaesthetus habitent la litière forestière et les milieux humides et semi-aquatiques (Arnett et Thomas 2001 : 382).

La famille suivante est celle des célèbres coprophages, qui se nourrissent d’excréments, les Scarabaeidae (ou scarabées). Malheureusement, bien que présents dans les trois maisons, aucune identification au niveau de l’espèce n’a été possible. Les individus rencontrés sont sûrement de la tribu des Aphodiini, certains probablement des insectes du genre Agoliinus. En Amérique du Nord, la majorité des Aphodiini s’observe en association avec les rongeurs bien que certains soient aussi attirés par les excréments de gros mammifères et que d’autres soient plutôt généralistes (Gordon et Skelley 2007 : 35). Les Agoliinus sont des coprophages dits de surface, la plupart étant des généralistes qui partagent des habitudes similaires entre espèces (Gordon et Skelley 2007 : 130).

47

Pour la famille des Byrrhidae, des phytophages, on a identifié le genre Byrrhus ainsi que les espèces Byrrhus kirbyi et Simplocaria metallica. Les Byrrhus se nourrissent pour la plupart de mousse. Puisqu’ils sont particulièrement fidèles à leur habitat, ils servent souvent à l’interprétation du climat (Arnett et al. 2002 : 113). Les chercheurs ont collecté B. kirbyi au Labrador sur la dryade à feuilles entières (Dryas integrifolia Vahl), sur la camarine noire et sur la berce laineuse (Heracleum lanatum Michx.). On rencontre les adultes entre mai et octobre, mais ils sont surtout actifs de juin à juillet (Majka et Langor 2011 : 37). Finalement, S. metallica est eurytope mais affectionne le gravier sableux et la proximité d’eau où sa source alimentaire, la mousse, est fréquente (Brinck 1966 : 261).

La famille des Elateridae, ou taupins, en plus d’être difficile à identifier, n’offre pas beaucoup d’information dans le cadre d’une analyse archéoentomologique. Certains insectes sont généralistes et tous, sauf de possibles exceptions, volent et peuvent couvrir de grandes distances loin de leur plante- hôte.

Les Cryptophagidae sont malheureusement difficiles à identifier, principalement à cause de leur très petite taille et de leurs caractéristiques physiques très similaires entre espèces d’un même genre. Yves Bousquet, entomologiste chez Agriculture et Agroalimentaire Canada, recommande de ne pas tenter de s’aventurer au-delà du genre dans de pareilles conditions. Les Cryptophagidae sont tous des microphages se nourrissant de petites particules de moisissure et de champignons. Le seul genre identifié dans la maison 3 est Cryptophagus. Ces coléoptères se nourrissent de champignons, d’hyphes et de spores et habitent parfois les nids de petits mammifères et d’insectes sociaux (Arnett et Thomas 2001 : 339).

Notaris aethiops représente la famille des Brachyceridae dans les échantillons de la maison 3. C’est un coléoptère associé en Amérique du Nord aux quenouilles (Typha sp.) (Arnett et al. 2002 : 731). Ces plantes sont typiques des bords d’étendues d’eau calme, des marais et autres milieux humides.

La dernière famille identifiée dans la maison 3 en est une importante autant en quantité qu’en valeur interprétative. Les Curculionidae, ou charançons, sont eurytopes pour la plupart bien que la sous- famille des Scolytinae soit essentiellement xylophage. Trois espèces de scolytes ont été identifiées dans ces échantillons : Cryphalus ruficollis ruficollis, Dryocoetes cf. caryi et Polygraphus rufipennis. P. rufipennis s’attaque à tous les conifères (Bright 1976 : 103). D. caryi, une espèce très peu connue des entomologistes, vit sur les épinettes (Picea sp.). Les entomologistes ont collecté les quelques individus qu’on a identifiés à l’espèce sur des arbres affaiblis, petits ou étouffés (Bright 1976 : 130). Finalement,

48

C. ruficollis ruficollis s’attaque aux sapins et aux épinettes, préférant généralement les arbres jeunes, affaiblis, aux branches cassées, aux brindilles et autres petites branches (Bright 1976 : 113).

3.1.2. Maison 5

Quatre échantillons forment l’assemblage archéoentomologique, choisis parmi les onze collectés à l’intérieur de la maison 5. On a rejeté les sept autres qui sont situés trop près de la surface et qu’on interprète comme des sédiments provenant du toit effondré et de sols modernes. L’échantillonnage a été fait dans une colonne située entre la plateforme de couchage et le plancher. Le tableau 7 indique la profondeur et le contexte associé à chaque échantillon.

Tableau 7. Provenance archéologique des échantillons sélectionnés, maison 5. Profondeur moyenne sous Échantillon Contexte archéologique la surface 586 50-54 cm Surface de la plateforme de couchage et du plancher 587 54-59 cm Surface de la plateforme de couchage et du plancher 588 59-64 cm Surface de la plateforme de couchage et du plancher 589 64-69 cm Surface de la plateforme de couchage et du plancher

Les échantillons sélectionnés pour la maison 5 ont un volume variant entre 1,5 L et 3 L. Le tableau 8 illustre le nombre de litres traités et le volume des fractions lourdes et légères. L’échantillon 587 a été traité en 2009 pour un autre projet et des données sont indisponibles.

Tableau 8. Volume des échantillons traités à différentes étapes du processus, maison 5.

Volume Échantillon Fraction lourde Fraction lourde Fraction légère Total traité (L) inorganique (mL) organique (mL) (mL) 586 3 400 620 275 587 2 ------60 588 1,5 300 700 100 589 2,5 725 600 125

49

Le tableau 9 présente une synthèse des données compilées durant le traitement concernant les inclusions observées dans chaque échantillon.

Tableau 9. Inclusions dans les échantillons, maison 5.

586 587 588 589 1 % Animal --- I --- (Coquillage) Fraction lourde Bois 35 % I --- 10 % Charbon 2 % I <1 % 2 % Charbon X --- x- X- Bois ------X++ Fraction légère Poils X------X Plumes X------X-

Légende : I : Donnée indisponible --- : Aucune observation X- : Faible présence X : Présent X+ : Fréquent X++ : Abondant X+++ : Dominant X++ : Abondant

Les échantillons étaient presque tous secs au moment de les traiter, ce qui ne semble pas avoir affecté la préservation des restes entomologiques. On a échantillonné des acariens et des pupariums de mouches durant le tri de la fraction légère (tableau 10) sans cependant tenter d’identification. On rapporte la présence de poux, mais ils ne sont pas à l’étude, l’accent étant mis sur les coléoptères.

Tableau 10. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, maison 5. Échantillon Pupariums (par pétri) Acariens (par pétri) 586 2 20 587 5 10 588 1 40 589 1 20

On rapporte la présence d’hémiptères dans trois échantillons provenant pour la plupart probablement de la sous-famille des Lygaeidae, un taxon dont la nature eurytope (Judd et Hodkinson 1998) n’apporte que peu d’information à l’analyse. Lorsque ces derniers sont combinés avec les coléoptères, l’assemblage de la maison 5 totalise 973 individus (NMI), répartis sur 48 taxons dont 20 sont identifiés à l’espèce. Les taxons non décrits dans la section sur la maison 3 sont présentés par famille.

50

Tableau 11. Identification des restes entomologiques, maison 5, par NMI. Identification 586 587 588 589 Total PHTHIRAPTERA Phthiraptera indet. X X X X HEMIPTERA Hemiptera indet. 3 1 3 7 COLEOPTERA Carabidae cf. Elaphrus lapponicus lapponicus Gyllenhal 1 1 Dyschirius hiemalis Bousquet 2 3 5 3 13 Patrobus septentrionis septentrionis Dejean* 1 1 cf. P. septentrionis septentrionis Dejean* 1 1 Harpalus sp. 1 1 Pterostichus brevicornis brevicornis (Kirby)* 2 2 4 8 cf. P. brevicornis brevicornis (Kirby)* 1 1 2 Pterostichus sp. 1 1 cf. Pterostichus sp. 1 1 Carabidae indet. 3 1 1 4 9 Hydrophilidae Helophorus arcticus Brown* 29 27 3 15 74 Helophorus sempervarians Angus 1 1 Helophorus cf. sempervarians Angus 2 2 Ptiliidae sp. 1 1 2 Leiodidae sp. 2 2 Catops spp. 3 4 2 9 cf. Catops spp. 2 2 indet. 1 6 7 Staphylinidae Acidota quadrata (Zetterstedt)* 32 25 12 36 105 Eucnecosum brunnescens (J.R. Sahlberg)* 45 17 19 49 130 Olophrum boreale (Paykull)* 1 1 Olophrum rotundicolle (C.R. Sahlberg)* 1 1 2 Holoboreaphilus nordenskioldi (Mäklin)* 3 1 2 8 14 Omaliini indet. 6 2 1 6 15 Proteinus spp. 6 2 2 6 16 Tachyporinae indet. 1 1 Mycetoporus nigrans Mäklin 1 1 4 6 Tachyporus nimbicola Campbell 4 1 1 5 11 Aleocharinae indet. 124 100 43 119 386 Stenus sp. 1 2 3 6 Euaesthetus spp. 6 13 9 9 37 Quedius fellmani (Zetterstedt)* 1 1 2 4 Quedius spp. 3 3 Staphylinidae indet. 1 1 2 Scarabaeidae Agoliinus spp. 1 2 3 Byrrhidae cf. Byrrhus sp. 1 1 Simplocaria metallica Sturm 6 7 1 3 17 cf. S. metallica Sturm 1 1 cf. Byrrhidae indet. 1 1 Elateridae cf. Elateridae indet. 1 1 Cryptophagidae Cryptophagus spp. 4 1 4 9 cf. Cryptophagus spp. 4 1 1 6 Chrysomelidae Chrysomelidae sp. 1 1

51

Identification 586 587 588 589 Total Curculionidae cf. Lepyrus labradorensis Blair 1 1 Cryphalus ruficollis ruficollis Hopkins 2 2 1 5 cf. C. ruficollis ruficollis Hopkins 1 1 Dryocoetes cf. caryi Hopkins 5 2 2 9 cf. Dryocoetes caryi Hopkins 1 1 2 Dendroctonus simplex LeConte 1 1 Polygraphus rufipennis Kirby 10 1 3 2 16 cf. P. rufipennis Kirby 1 1 Cryphalus sp. 2 1 3 Scolytinae indet. 1 1 Coleoptera indet. 1 1 DIPTERA Diptera indet. X X X X X Total coléoptères : 319 224 125 298 966 Grand total : 319 227 126 301 973 Légende : * : Espèce holarctique

Au sein des Carabidés, Elaphrus lapponicus (figure 10) est très hygrophile, dépendante de la proximité d’eau froide. L’insecte se trouve parfois près des puits et des ruisseaux où la densité de végétation est faible, notamment dans la mousse. Il est peu présent dans la toundra et rarement trouvé au nord de la limite des arbres (Lindroth 1961 : 112). On le rencontre de juin à août (Larochelle et Larivière 2003 : 264). Harpalus est un des genres de Carabidés contenant le plus d’espèces selon la documentation entomologique. Aucune n’est hygrophile, ces insectes préférant vivre en terrain ouvert et sec, habituellement sur le sol sableux. Leur diète est souvent végétarienne et ils se nourrissent de graines et de pollens (Lindroth 1968 : 750).

On dénombre un seul genre de Ptilidae dans cette analyse. Cette famille compte de très petits insectes difficiles à identifier, ce qui est encore plus vrai avec Acrotrichis. Les espèces de ce genre peuvent provenir de contextes humides variés, principalement de la litière forestière, des nids de mammifères, dans les excréments et les champignons en décomposition (Arnett et Thomas 2001 : 242).

Des insectes du genre Agathidium et de la sous-famille des Cholevinae représentent les Leiodidae non décrits dans cet échantillon. Les Cholevinae vivent généralement dans la matière organique humide en décomposition et dans la litière de feuilles (Arnett et Thomas 2001 : 250). Les espèces d’Agathidium habitent en milieux forestiers et sur les myxomycètes, des organismes visqueux s’apparentant à des champignons. Les myxomycètes s’observent dans les environnements humides terrestres tels que le bois en décomposition et les excréments (Waggoner et Speer 1997).

Les assemblages de la maison 5 contiennent deux espèces de charançons non décrites précédemment. Le scolyte Lepyrus labradorensis vit dans les saules rampants et dans les herbes (Korotyaev 2008 : 372) et

52

Dendroctonus simplex vit sur le mélèze laricin (Larix laricina K. Koch), préférant les arbres blessés ou mourants et passant l’hiver au stade larvaire ou de jeune adulte à l’abri sous l’écorce de l’arbre (Bright 1976 : 63).

Figure 10. À gauche : Élytre gauche d’Elaphrus lapponicus. Photo O. Lalonde. À droite : Insecte complet, Elaphrus lapponicus. Insecte de M. Luff, photo provenant de http://www.thewcg.org.uk.

3.1.3. Maison 4

Quatre échantillons choisis parmi les sept qui ont été collectés à l’intérieur de la maison 4 forment l’assemblage, trois laissés de côté à cause de leur proximité avec la surface : l’interprétation faite durant la fouille les associe à des restes du toit effondré et à des sols plus modernes. On a prélevé les échantillons dans deux colonnes contiguës dans les contextes B2 et C3, situées au-dessus de la plateforme de couchage. On a choisi les couches 20-30 cm et 30-40 cm pour l’unité B2 et les couches 30-40 cm et de 40-50 cm pour C3, dans les deux cas les contextes archéologiques les plus anciens. Les échantillons sélectionnés pour la maison 4 ont tous un volume de 4 L. Le tableau 12 rapporte les inclusions se trouvant dans la fraction lourde et légère.

53

Tableau 12. Inclusions dans les échantillons, maison 4.

H4B2 20-30 cm H4B2 30-40 cm H4C3 30-40 cm H4C3 40-50 cm Animal 1 % (Os calciné) --- I I Fraction Bois 1 % 30 % I I lourde Charbon 1 % 2 % I I Charbon ------Fraction Bois --- X- --- X- légère Poils ------Plumes X- X ------Légende : I : Donnée indisponible --- : Aucune observation X- : Faible présence X : Présent X+ : Fréquent X++ : Abondant X+++ : Dominant

Les échantillons de la Maison 4 contiennent une impressionnante quantité d’acariens (tableau 13). Trois échantillons contiennent des hémiptères, ces insectes provenant pour la plupart probablement de la sous-famille des Lygaeidae, un taxon dont la nature eurytope (Judd et Hodkinson 1998) n’apporte que peu d’information à cette analyse. Compte tenu de la mobilité des punaises granivores du genre , elles sont probablement eurytopes. L’assemblage de la maison 4 totalise 1634 individus (NMI) répartis sur 55 taxons dont 24 sont identifiés à l’espèce (tableau 14). Les taxons non décrits dans les sections sur la maison 3 et la maison 5 seront présentés par famille.

Tableau 13. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, Maison 4. Échantillon Pupariums (par pétri) Acariens (par pétri) H4B2 20-30 cm 3 30 H4B2 30-40 cm 1 100 H4C3 30-40 cm 4 40 H4C3 40-50 cm 4 40

54

Tableau 14. Identification des restes entomologiques, maison 4, par NMI. Identification H4B2 20- H4B2 30- H4C3 30- H4C3 40- Total 30 cm 40 cm 40 cm 50 cm PHTHIRAPTERA Phthiraptera indet. X X X HEMIPTERA Nysius sp. 21 21 Hemiptera indet. 4 2 2 8 COLEOPTERA Carabidae Elaphrus lapponicus lapponicus Gyllenhal 1 1 Dyschirius hiemalis Bousquet 6 4 5 1 16 Patrobus septentrionis septentrionis Dejean* 1 1 Dicheirotrichus mannerheimi mannerheimi (R.F. Sahlberg)* 1 1 Pterostichus brevicornis brevicornis (Kirby)* 1 2 1 2 6 P. cf. brevicornis brevicornis (Kirby)* 1 1 2 4 Pterostichus cf. patruelis Dejean 1 1 Stereocerus haematopus (Dejean)* 2 2 Amara sp. 1 1 cf. Amara sp. 1 1 2 Carabidae indet. 2 3 4 9 Dytiscidae cf. Dytiscidae indet. 1 1 Hydrophilidae Helophorus arcticus Brown* 26 1 53 46 126 Helophorus sempervarians Angus 1 5 1 7 Helophorus sp. 1 1 Ptiliidae Acrotrichis sp. 2 2 Leiodidae Catops sp. 3 1 4 cf. Catops sp. 1 1 Leiodidae indet. 1 1 Staphylinidae Acidota quadrata (Zetterstedt)* 43 110 26 18 197 Eucnecosum brunnescens (J.R. Sahlberg)* 55 240 37 19 351 Olophrum boreale (Paykull)* 3 2 2 7 cf. O. boreale (Paykull)* 1 1 Olophrum rotundicolle (C.R. Sahlberg)* 2 1 3 Holoboreaphilus nordenskioldi (Mäklin)* 2 11 1 14 Omaliini indet. 3 2 5 Omaliinae indet. 1 1 Proteinus sp. 4 2 6 12 cf. Mycetoporus sp. 2 2 Mycetoporus nigrans Mäklin 2 12 1 15 cf. M. nigrans Mäklin 1 1 Tachyporus nimbicola Campbell 2 6 3 11 Tachyporinae indet. 3 1 4 Aleocharinae indet. 138 207 119 58 522 Stenus sp. 7 1 3 3 14 Euaesthetus sp. 21 38 13 8 80 Quedius fellmani (Zetterstedt)* 6 4 4 14 Quedius sp. 1 4 5 Staphylinidae indet. 2 7 3 12 Scarabaeidae Agoliinus sp. 1 1 1 3 Aphodiini indet. 1 1 Byrrhidae Byrrhus kirbyi LeConte 1 1 Byrrhus sp. 1 1

55

Identification H4B2 20- H4B2 30- H4C3 30- H4C3 40- Total 30 cm 40 cm 40 cm 50 cm Simplocaria metallica Sturm 4 2 8 1 15 cf. S. metallica Sturm 1 1 Cryptophagidae Cryptophagus sp. 1 7 2 10 cf. Cryptophagus sp. 2 1 3 Phalacridae Phalacridae indet. 1 1 Brachyceridae Notaris aethiops (Fabricius)* 1 1 2 Chrysomelidae Altica tombacina Mannerheim 2 2 cf. Altica tombacina Mannerheim 1 1 2 Chrysomelidae indet. 1 1 Curculionidae Cryphalus ruficollis ruficollis Hopkins 2 12 1 2 17 C. cf. ruficollis ruficollis Hopkins 1 1 Dryocoetes cf. caryi Hopkins 2 9 2 1 14 Polygraphus rufipennis Kirby 5 24 2 4 35 cf. P. rufipennis Kirby 1 1 2 Curculionidae indet. 6 6 Coleoptera indet. 2 2 DIPTERA Diptera indet. X X X X X HYMENOPTERA Apoidea indet. 1 1 Hymenoptera indet. 3 21 2 26 Total coléoptères: 357 711 319 191 1678 Grand total : 385 734 321 194 1634 Légende : * : Espèce holarctique

Parmi les nombreux Carabidae rencontrés dans ces quatre échantillons, trois espèces ne se trouvent pas dans les assemblages archéoentomologiques des maisons 3 et 5. Dicheirotrichus mannerheimi mannerheimi vit dans la toundra et dans les régions forestières du nord et a été collecté sur les moraines sableuses faibles en végétation (Lindroth 1968 : 876; Larochelle et Larivière 2003 : 234). L’espèce est surtout nocturne, se cachant durant le jour sous les roches et autres endroits sombres. Elle est active de mai à la mi-août (Larochelle et Larivière 2003 : 234). Pterostichus patruelis est nocturne et se cache dans les tapis de mousse durant le jour ou entre les racines, sous les bûches et les roches. Ce taxon occupe une variété d’habitats humides tels que les marais, étangs, rivières et landes humides et est actif de janvier à décembre. L’espèce est grégaire l’hiver et peut s’activer à basse température sous la neige. Son moyen de défense consiste à plonger sous l’eau pour y rester jusqu’à une minute (Larochelle et Larivière 2003 : 430). Finalement, Stereocerus haematopus habite les moraines, les marais peuplés par les épinettes, les landes alpines et les environnements sableux et graveleux relativement secs avec une faible végétation basse. Cette espèce est nocturne et se cache le jour sous les roches et dans la litière de feuilles. Elle est active de mai à septembre (Larochelle et Larivière 2003 : 492).

56

La maison 4 contient un Dytiscidae dont l’identification est incertaine. Ces coléoptères, des prédateurs aquatiques, sont de mauvais marcheurs et préfèrent voler pour migrer d’un endroit à l’autre. On peut les retrouver autant dans les flaques d’eau que dans les lacs (Arnett et Thomas 2001 : 158).

L’assemblage archéoentomologique de la maison 4 comporte un spécimen de Phalacridae, une famille surtout associée aux champignons. La famille n’occupe autrement pas d’habitatparticulier et elle est assez répandue (Arnett et al. 2002 : 335).

La présence de deux spécimens de Chrysomelidae, ou chrysomèles, à savoir Altica tombacina a été confirmée dans la maison 4. A. tombacina est un phytophage dont l’hôte principal est l’épilobe en épi (Chamerion angustifolium (L.)). Il est aussi présent sur l’aulne rouge (Alnus rubra Bong.), sur les fraisiers (Fragaria sp.) et sur les rosiers (Rosa sp.) (Clark et al. 2004 : 17). Parmi ces plantes, seul le fraisier de Virginie (Fragaria virginiana Mill.) peut se trouver au Labrador (Meades et al. 2000), ce qui signifie que la chrysomèle est vraisemblablement associée à l’épilobe en épi, plante répandue sur Dog Island.

Finalement, on retrouve un individu de la superfamille Apoidea de l’ordre des hyménoptères, dont les plus célèbres insectes sont sans contredit les guêpes et les abeilles. Une identification plus précise n’a pu être faite. De plus, les guêpes et les abeilles étant des insectes pouvant couvrir un vaste territoire, peu d’information ne peut être tirée de la présence d’un seul spécimen dans ces conditions.

3.1.4. Échantillons hors site

Le premier échantillon hors site, l’échantillon Q1, se situe près du Point de référence utilisé pour la fouille, en bordure du site, au nord-est. On a procédé à neuf autres prélèvements à tous les 15 mètres dans un axe nord-est. La pente augmente progressivement et l’environnement devient relativement plus sec, alors que le rang d’échantillons s’éloigne de la rivière à proximité et de la baie. L’échantillon Q4 se trouve à 45 m du premier dans un environnement similaire à celui du site et le dernier, Q10, se trouve à 135 m dans un environnement plus montagneux.

57

Alors que Q1 a un volume de 1 L, ce qui est déjà petit pour un échantillon archéoentomologique, Q4 et Q10 font tous les deux environ 0,25 L. Ils étaient tous les trois très secs, ce qui n’a pas affecté la préservation des restes entomologiques lors du traitement en laboratoire. Le tableau 15 rapporte les observations faites sur les inclusions dans les échantillons durant le traitement en laboratoire.

Tableau 15. Inclusions dans les échantillons hors site.

Q1 Q4 Q10 Graines <1 % ------Fraction lourde Bois 10 % --- 58 % Charbon ------Bois X++ --- X+++ Fraction légère Poils ------X- Plumes X --- X- Légende : I : Donnée indisponible --- : Aucune observation X- : Faible présence X : Présent X+ : Fréquent X++ : Abondant X+++ : Dominant

On a procédé à un échantillonnage des acariens et des pupariums de mouches, mais on ne tente pas d’identification dans le cadre de ce projet. Les échantillons hors sites contenaient une impressionnante quantité d’acariens (tableau 16). Dans l’échantillon Q4, on a rencontré à l’occasion jusqu’à cent acariens par pétri.

Tableau 16. Quantité moyenne de pupariums de mouches et d’acariens par pétri, échantillons hors sites. Échantillon Pupariums (par pétri) Acariens (par pétri) Q1 2 30 Q4 1 30 Q10 2 40

L’assemblage archéoentomologique des échantillons hors sites totalise 552 individus (NMI) répartis sur 28 taxons dont 12 ont été identifiés à l’espèce (tableau 17). On remarque que les staphylins dominent les trois échantillons. Trois taxons retrouvés dans cet assemblage n’ont pas été préalablement identifiés.

L’échantillon Q1 comporte un spécimen de carabe potentiellement identifié comme Cymindis unicolor, une espèce qui vit en terrains ouverts secs et graveleux, là où la végétation est faible. Nocturne, elle se cache le jour sous les roches. Elle est active de juin à septembre (Larochelle et Larivière 2003 : 228). On observe la présence de deux scolytes : un membre de la tribu Hylastini et un spécimen de l’espèce Hylurgops rugipennis pinifex. Les Hylastini sont, comme les autres scolytes, attirés par le bois. H. rugipennis

58

pinifex vit sur le pin (Pinus sp.), l’épinette et occasionnellement le mélèze laricin, préférant l’écorce des arbres. L’espèce s’attaque surtout aux souches, bûches et autres parties basses des arbres et se rencontre parfois sur des racines sous la surface du sol (Bright 1976 : 45).

Tableau 17. NMI par taxon par échantillon, échantillons hors sites. Identification Q1 Q4 Q10 TOTAL COLEOPTERA Carabidae Dyschirius hiemalis Bousquet 1 1 cf. Cymindis unicolor Kirby 1 1 Pterostichus brevicornis brevicornis (Kirby)* 2 2 cf. Pterostichus sp. 1 1 Carabidae indet. 1 3 4 Ptiliidae Acrotrichis sp. 5 1 6 Staphylinidae Acidota quadrata (Zetterstedt)* 21 59 17 97 Eucnecosum brunnescens (J.R. Sahlberg)* 10 56 20 86 Omaliinae indet. 2 2 Proteinus sp. 1 3 4 Mycetoporus nigrans Mäklin 5 9 4 18 Tachyporus nimbicola Campbell 3 3 Aleocharinae indet. 82 137 44 263 Euaesthetus sp. 1 9 3 13 Quedius fellmani (Zetterstedt)* 4 4 Staphylinidae indet. 1 1 2 4 Scarabaeidae Agoliinus sp. 2 2 cf. Agoliinus sp. 1 1 2 Byrrhidae Byrrhus sp. 1 1 Cryptophagidae Cryptophagus sp. 9 1 10 cf. Cryptophagus sp. 1 1 Curculionidae Cryphalus ruficollis ruficollis Hopkins 2 7 9 cf. C. ruficollis ruficollis Hopkins 1 1 Dryocoetes cf. caryi Hopkins 4 1 5 cf. Dryocoetes caryi Hopkins 3 3 Hylurgops rugipennis pinifex (Fitch) 1 1 Hylastini indet. 1 1 Polygraphus rufipennis Kirby 2 2 cf. P. rufipennis Kirby 1 1 Scolytinae indet. 2 2 Coleoptera indet. 1 2 3 DIPTERA Diptera indet. X X X HYYMENOPTERA Hymenoptera indet. 1 2 3 Total : 163 298 88 549 Légende : * : Espèce holarctique

59

Chapitre 4 – Interprétations

Ce chapitre présente les interprétations formulées à partir de l’assemblage des maisons 3, 4 et 5. La première partie du chapitre porte sur la façon dont on étudie les résultats obtenus lors de l’identification. Ensuite vient une discussion sur la valeur interprétative des données récoltées, principalement dans le but de répondre à la question suivante : que peut-on interpréter d’un assemblage archéoentomologique provenant de l’intérieur d’une maison inuite? L’objectif de ce chapitre est ultimement de vérifier s’il est possible d’observer via l’étude archéoentomologique, des différences dans les conditions de vie et dans l’environnement intérieur des maisons hivernales inuites appartenant à deux périodes bien distinctes. En sommaire à ce chapitre, on fait un retour sur les résultats obtenus afin de les comparer et de revenir au questionnement initial de cette recherche.

4.1. Traitement des données

4.1.1. Groupes indicateurs et groupes écologiques

Lors de l’interprétation des résultats, en archéoentomologie, on utilise fréquemment le concept de groupes indicateurs. Ces derniers réfèrent à un ensemble d’organismes qui ont une certaine valeur interprétative en ce qui concerne l’étude des activités humaines (Kenward et Hall 1997 : 663). Kenward et Hall ont introduit ce concept pour faciliter l’identification et l’interprétation de gros assemblages. Les groupes indicateurs sont fonctionnels et ne servent pas à faire une distinction systématique entre les taxons : ils sont des constructions servant à mieux illustrer les tendances observées à partir des données recueillies.

Dans le cas de ce projet, on remarque que les coléoptères qu’on étudie sont d’une grande valeur en tant qu’indicateurs de conditions environnementales. Aucune faune synanthrope n’est présente, notamment à cause de la nature sporadique et non systématique de l’occupation du site par les Inuits. Les groupes formés serviront surtout à témoigner des traces d’origine naturelle laissées dans la maison inuite. Une fois les insectes groupés selon leur écologie et comparés entre eux, on peut dresser un portrait très spécifique de l’environnement à l’étude. Pour les besoins de cette recherche, on parlera donc de groupes écologiques plutôt que de groupes indicateurs. Pour arriver à former ces groupes, on entre les préférences écologiques de chaque taxon significatif dans un tableau en laissant de côté ceux dont on n’a pas pu pousser l’identification assez loin et qui n’offrent aucune information jugée utile à l’interprétation.

60

4.1.2. Préférences écologiques

Le tableau 18 réunit les taxons significatifs ainsi que leurs préférences écologiques telles que décrites dans la littérature entomologique. Les X indiquent dans quelles niches écologiques on a observé les taxons en Amérique du Nord et le crochet (√) est attribué à l’environnement de prédilection du taxon identifié. Une espèce peut avoir plusieurs niches écologiques de prédilection ou être simplement généraliste.

Tableau 18. Préférences écologiques de l’assemblage entomologique.

d’eau

Mousse

Charogne

de mammifères de

Végétation

Plans

Excréments

Champignons

décomposition

Litière forestière Litière

Terrains dégagés Terrains

Habitats humides Habitats

Nids

Matière organique en en organique Matière Bois, écorces, racines Bois, écorces,

Elaphrus sp. √ X Elaphrus lapponicus lapponicus X √ X X Dyschirius hiemalis X √ X X cf. Cymindis unicolor √ Patrobus septentrionis septentrionis √ √ X X Dicheirotrichus mannerheimi mannerheimi √ Harpalus sp. √ Pterostichus brevicornis brevicornis X √ X Pterostichus cf. patruelis √ √ X Stereocerus haematopus X X √ Amara sp. √ X Helophorus sp. √ X Helophorus arcticus √ X X X Helophorus sempervarians √ X X Acrotrichis sp. √ √ X X X Agathidium sp. √ X X X Cholevinae indet. X X √ Catops sp. X √ Acidota quadrata √ X X √ X X Eucnecosum brunnescens √ X √ Olophrum boreale √ X X √ Olophrum rotundicolle √ X √ X X √ Holoboreaphilus nordenskioldi X Proteinus sp. X X √ Mycetoporus sp. X √ √ X Mycetoporus nigrans √ X X X Tachyporus nimbicola √ X Stenus sp. √ X √ Euaesthetus sp. X Quedius fellmani √ X X X X Aphodiini sp. √ √ Agoliinus sp. √ Byrrhus sp. √ X Byrrhus kirbyi √ Simplocaria metallica √ X X Cryptophagus sp. X X √ X X

61

d’eau

Mousse

Charogne

de mammifères de

Végétation

Plans

Excréments

Champignons

décomposition

Litière forestière Litière

Terrains dégagés Terrains

Habitats humides Habitats

Nids

Matière organique en en organique Matière Bois, écorces, racines Bois, écorces,

Notaris aethiops X X √ Altica tombacina √ cf. Lepyrus labradorensis √ Scolytinae indet. √ Cryphalus ruficollis ruficollis √ Dryocoetes cf. caryi √ Dendroctonus simplex √ Hylastini indet. √ Hylurgops rugipennis pinifex √ Dendroctonus simplex √ Polygraphus rufipennis √ Légende : √ : Environnement de prédilection X : habitiat associé

L’habitat plans d’eau fait référence aux insectes nécessitant la proximité d’un plan d’eau pour vivre comme les rivières courantes, ruisseaux, lacs, étangs et flaques d’eau temporaires. Les habitats humides diffèrent dans la mesure où la présence d’une telle source d’eau n’est pas nécessaire, l’insecte recherchant simplement l’humidité. La mousse et la litière forestière sont deux types de substrats recherchés par plusieurs coléoptères de cet assemblage. La préférence écologique matière organique en décomposition fait surtout référence aux résidus végétaux décomposés, pourrissants. Quelques Carabidae fréquentent des terrains dégagés où le couvert végétal est faible et dispersé, ce qui sous- entend habituellement des conditions relativement sèches.

Les assemblages archéoentomologiques contiennent des insectes dont les préférences écologiques sont précises. Par exemple, les espèces occupant l’habitat végétation vivent sur une ou plusieurs espèces de plantes vivantes particulières. Les préférences écologiques charogne et excréments sont explicites. Certains insectes préfèrent les champignons et des spécimens d’Agathidium ont été associés à cet habitatpuisqu’ils se nourrissent de myxomycètes, des organismes ressemblant fortement à des champignons et remplissant un rôle écologique similaire. L’habitat des nids de mammifères fait strictement référence aux nids et aux tunnels de rongeurs creusés par les marmottes, écureuils, souris, lemmings et campagnols qui vivent sur Dog Island (Banfield 1974). Finalement, les insectes du groupe bois, écorces et racines sont des insectes se nourrissant du bois et des parties plus ligneuses des plantes.

62

Bien que certaines préférences écologiques telles que le bois et les plantes soient assez exclusives, on note que certaines autres niches sont au contraire interreliées. Les environnements humides, par exemple, nécessitent souvent la présence d’eau à proximité et vice-versa. De plus, il y a une forte corrélation entre les espèces requérant de l’humidité et leur association avec la litière constituée de mousse ou de feuilles mortes. Par exemple, Acidota quadrata est un staphylin qui vit dans les feuilles mortes près des courants d’eau, sous les roches près des neiges et près des chutes d’eau, dans la mousse près de l’eau courante, dans les débris de rivières et dans les détritus sur les grandes plages (Campbell 1982). On a associé l’espèce à plusieurs niches écologiques, mais choisi de l’intégrer au groupe écologique des plans d’eau. Cette représentation des insectes et de leurs préférences écologiques est objective, mais l’étude des données prend une allure plus subjective au moment de créer des groupes écologiques et d’y distribuer les insectes tel que présentés dans le tableau décrit dans la section suivante.

4.1.3. Groupes écologiques

Le tableau 19 illustre les groupements écologiques suggérés afin de dresser le portrait le plus fidèle possible de l’environnement intérieur des maions inuites. On décrit ensuite brièvement chaque groupe écologique afin d’éliminer toute confusion possible sur la fonction de chacun.

Tableau 19. Groupes écologiques, Oakes Bay 1.

PLANS D’EAU LITIÈRE ET MOUSSE BOIS Elaphrus lapponicus lapponicus Dyschirius hiemalis Elaphrus Pterostichus brevicornis brevicornis Cryphalus ruficollis ruficollis Patrobus septentrionis septentrionis Acrotrichis Dryocoetes caryi Pterostichus patruelis Agathidium Dendroctonus simplex Holoboreaphilus nordenskioldi Hylastini Helophorus arcticus Hylurgops rugipennis pinifex Helophorus sempervarians Mycetoporus nigrans Dendroctonus simplex Helophorus Mycetoporus Polygraphus rufipennis Acidota quadrata Tachyporus nimbicola Scolytinae Eucnecosum brunnescens Quedius fellmani EXCRÉMENTS Olophrum boreale Byrrhus Aphodiini Olophrum rotundicolle Cholevinae Agoliinus Stenus Aleocharinae Euaesthetus TERRAINS DÉGAGÉS Simplocaria metallica VÉGÉTATION Cymindis unicolor CHAMPIGNONS Byrrhus kirbyi Dicheirotrichus mannerheimi mannerheimi Proteinus Notaris aethiops Harpalus Cryptophagus Altica tombacina Stereocerus haematopus Lepyrus labradorensis Amara CHAROGNE Catops

63

Les plans d’eau Cet ensemble regroupe tous les insectes dont la préférence écologique est pour les plans d’eau : eau courante ou stagnante, grands comme l’océan ou petits comme des flaques. Lorsque des taxons ont deux habitats préférés et que la présence de plans d’eau en fait partie, on tranche en faveur de celle-ci. On juge la présence d’eau plus révélatrice de l’état du site que la mousse ou la litière forestière, par exemple.

Champignons Les deux taxons associés à ce groupe sont typiquement mycétophages. Les champignons et la moisissure se développent souvent sur le sol, mais la création de ce groupe écologique permet plus de précision lors de l’interprétation.

Charogne On a créé le groupe des charognards pour un taxon, les Catops. Ces derniers vivent sur les charognes dans la litière forestière, mais leur association à la matière animale en décomposition est plus importante dans une étude où on cherche des indices d’activités anthropiques laissés par des insectes habituellement sans association avec l’humain.

La litière et la mousse Ce groupe rassemble quelques niches écologiques dont la valeur interprétative est similaire à celle des plans d’eau. Il se compose d’insectes qui vivent dans la mousse et dans la litière forestière, ce qui en fait un groupe formé d’une grande variété d’ordres et de familles. On y a intégré les Cholevinae, seuls individus dont la préférence écologique correspond à la matière organique décomposée à cause de leur relation avec la litière forestière. Puisque l’humidité que cherchent les coléoptères se conserve majoritairement dans le substrat, on considère les habitats humides comme un indice de la présence systématique de litière et de mousse. De plus, on observe une forte corrélation dans la documentation entomologique entre le besoin d’humidité et de litière organique. Ce groupe est de loin le plus hétéroclite et on y porte une attention particulière plus tard lors de l’interprétation.

Végétation Dans ce groupe se trouvent les coléoptères phytophages qui se nourrissent de plantes vivantes. Les insectes de cet habitatsont généralement des spécialistes, ne s’attaquant qu’à un nombre limité d’hôtes différents.

64

Bois Ce groupe écologique se limite aux scolytes, des insectes xylophages qui vivent sur différentes espèces d’arbres.

Excréments Ce groupe écologique se compose des scarabées de la tribu Aphodiini et du genre Agoliinus. Certains autres taxons peuvent se nourrir d’excréments, mais ils semblent plus opportunistes que ceux nommés ici.

Terrains dégagés Le dernier groupe écologique porte le même nom que l’habitat auquelil fait référence. Naturellement, puisque les insectes qui constituent ce groupe recherchent les environnements ouverts et faibles en végétation, ils vivent sur le sol, dans le substrat. Cependant, leur association aux espaces ouverts est particulière dans le cadre de cette étude puisqu’on s’intéresse à l’intérieur d’une maison inuite. On a créé un groupe écologique distinct pour vérifier l’importance de cette information.

4.1.4. Aleocharinae, Acidota quadrata et Eucnecosum brunnescens : Faune eurytope et faune d’arrière-plan

Dans cette analyse, on observe deux cas particuliers posant problème lorsque survient le moment de classer un taxon commun parmi les groupes créés. Le premier concerne les Aleocharinae (figure 11), une sous-famille sans niche écologique spécifique, mais fortement représentée dans l’assemblage. Le deuxième cas concerne deux espèces, Acidota quadrata et Eucnecosum brunnescens (figure 11), nombreuses dans tous les échantillons, autant dans les maisons que dans les contextes hors sites. Cette section du chapitre a comme objectif de mieux comprendre la place que ces taxons occupent dans cette recherche.

Les trois taxons sont très nombreux dans les échantillons d’Oakes Bay 1 et cela pose problème puisque leur signature écologique est diffuse. La sous-famille des Aleocharinae domine les assemblages, mais l’observation des parties génitales est nécessaire à l’identification, partie de l’insecte qu’on ne peut pas toujours récupérer dans les assemblages archéoentomologiques et qui sont très difficile à associer à une espèce lorsqu’elle est détachée de l’individu. Cela signifie que l’identification à l’espèce est souvent impossible. Acidota quadrata et Eucnecosum brunnescens sont tous deux des staphylins de la même tribu et proches parents dans la classification phylogénétique. Ils sont en proportion variables mais équivalentes lorsque comparés l’un à l’autre pour chaque échantillon, tantôt la première espèce la plus abondante,

65

tantôt l’autre. Leur ressemblance s’observe aussi en relation avec le reste de l’assemblage où elles sont presque toujours les plus nombreuses.

L’association d’Acidota quadrata et de Eucnecosum brunnescens aux plans d’eau, à la litière forestière et à la mousse rend l’interprétation difficile puisqu’il est impossible de classer un de ces taxons dans un des deux groupes écologiques sans créer une source de biais. En effet, on a suggéré précédemment que ces groupes écologiques sont si fortement liés qu’on ne peut les distinguer avec aisance, bien que la séparation soit nécessaire pour assurer un niveau de précision adéquat des résultats. Il faut revoir en détail l’information disponible dans la documentation entomologique concernant ces deux espèces afin de mieux comprendre pourquoi il est ardu de les classer dans un groupe en particulier.

Les habitudes alimentaires d’Acidota quadrata sont inconnues (Campbell 1982 : 1028), mais il semble que les arbres aux feuilles caduques, plus particulièrement les aulnes et les saules et le tapis de feuilles qu’ils produisent soient les niches écologiques plus susceptibles d’attirer cette espèce. Autrement, l’espèce vit un peu partout où l’humidité est présente : la litière forestière et la mousse près des courants, sous les roches près de la neige et des chutes, dans les débris provenant de rivières débordantes, dans la mousse humide de la toundra, dans les nids de castors, en tamisant les débris de plantes sur les plages et dans les mottes d’herbes mortes (Campbell 1982 : 1028). On collecte A. quadrata en tamisant la litière de feuilles près des plans d’eau et dans les nids de rongeurs et d’oiseaux au sol (Campbell 1984 : 505). Eucnecosum brunnescens vit aussi dans la litière des saules et des aulnes, deux arbres présents sur le site (Meades et al. 2000; Zutter 2012; Pigford et Zutter 2014).

L’environnement du site répond en tout point aux exigences écologiques des deux espèces. Puisqu’elles peuvent se retrouver dans une multitude de niches écologiques différentes, on est dans l’impossibilité de déterminer précisément ce qui a attiré ces individus sur le site et encore moins si la présence humaine a une quelconque influence sur leur présence. Il en va de même pour les Aleocharinae dont la présence sur le site n’est aucunement surprenante considérant leur grande diversité.

Il faut se tourner vers les échantillons collectés hors site pour comprendre comment classer les Aleocharinae et Acidota quadrata et Eucnecosum brunnescens. Les trois taxons sont fortement représentés à l’extérieur du site, formant 90% de l’assemblage de l’échantillon Q10 (figure 12) dont l’environnement est plus sec et isolé de l’influence humaine selon les observations fournies par la fouille. Présents partout et toujours dominants, ces insectes sont donc eurytopes, parfaitement adaptés à la vie sur Dog Island. Pour cette raison, on les traite comme les trois plus grands représentants de la faune d’arrière- plan dans les assemblages.

66

Figure 11. À Gauche : Acidota quadrata. Au centre : Eucnecosum brunnescens. À droite : Têtes d’Aleocharinae. Photos O. Lalonde.

Autres taxons

Aleocharinae spp.

A. quadrata et E. brunnescens

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Quantité en pourcentage

Figure 12. NMI de chaque taxon pour l’échantillon hors site Q10.

67

4.2. Nature de la faune et formation des assemblages archéoentomologiques

4.2.1. Présence de traces anthropiques dans un environnement naturel

L’épreuve la plus importante dans l’étude de la faune présente dans les maisons hivernales inuites est d’arriver à distinguer les traces associées à l’anthropisation du paysage des traces naturelles laissées par les coléoptères. Certains sont présents virtuellement partout autour du site et il peut être ardu de les différencier de la faune affectée par les activités humaines. La difficulté provient aussi du fait que l’occupation humaine dans la maison est saisonnière et le cycle annuel possiblement irrégulier. La maison est habitée par les Inuits l’hiver, saison durant laquelle les insectes sont typiquement inactifs, ce qui signifierait qu’ils ne sont attirés sur les lieux que durant les saisons plus chaudes. Il est aussi possible que l’humain ait introduit les insectes dans la maison alors qu’ils sont en état de dormance. Cette section servira à déterminer quels sont les critères permettant de distinguer les traces d’occupation humaine d’une simple fréquentation naturelle des lieux par les insectes.

Il est important en premier lieu d’explorer les cas extrêmes où les insectes sont dépendants de la présence humaine. La synanthropie est un phénomène écologique, où certaines espèces animales développent une relation durable avec l’humain, qu’on observe souvent dans les milieux urbains. Chez les Inuits du Labrador, la relation ne s’est jamais développée principalement à cause de la semi- sédentarité de ces derniers et des peuples les ayant précédés sur le territoire. Les insectes synanthropes, comme le décrit Kenward (1997), dépendent hautement de la permanence des installations humaines. En plus, l’environnement hostile des climats arctiques et subarctiques limite la flexibilité d’adaptation des insectes. Deux espèces synanthropes qui ont été récoltées dans les échantillons de Double Mer Point (GAIA 2015, 2016) et de Great Caribou Island (Dussault et Bain 2013), Latridius minutus et Omalium rivulare, sont directement associées à une présence européenne puisqu’elles sont incapables de survivre dans la nature sans une occupation humaine permanente. Les deux sites sont situés dans le sud du Labrador, là où les contacts avec les Européens étaient de plus en plus fréquents durant le 17e et le 18e siècle. L. minutus, une espèce attirée par la moisissure qui se développe sur les céréales entreposées, aurait pu être introduite dans les habitations par le biais d’échanges tels que le commerce ou le pillage, alors que O. rivulare est eurytope en Europe et est possiblement introduite de la même façon.

Les échantillons de sédiments d’Oakes Bay 1 ne contiennent aucun coléoptère synanthrope, ce qui suggère que les contacts avec les Européens étaient moins fréquents ou d’une nature différente durant l’occupation des maisons étudiées. Ceci est surprenant puisque la région de Nain est marquée par un

68

rapprochement des communautés inuites et des missionnaires moraves présents sur la côte durant la période étudiée d’occupation du site. On serait en mesure de s’attendre à observer plus de traces de la culture européenne dans les assemblages entomologiques, mais peut-être que cette absence de restes de coléoptères européens est un indice de réserve envers la mission morave, un exemple d’éloignement dont témoigne le peu d’artéfacts récoltés dans les maisons (Woollett 2010). Bien qu’on doive mentionner l’absence de coléoptères synanthropes dans ces échantillons, on ne peut en déduire plus d’information.

Il apparaît donc que toute la faune entomologique provenant des assemblages archéoentomologiques d’Oakes Bay 1 se trouve normalement dans la nature, mais certains indices permettent de déterminer si l’occupation humaine a influencé leur présence dans les sédiments. Dans cette analyse, on examine trois avenues pouvant aider à répondre à cette question. En premier, on s’intéresse au nombre minimal d’individus de chaque taxon, en tant que donnée indépendante et en comparaison avec le reste de l’échantillon. Ensuite, on se penche sur la représentativité et l’importance de chaque groupe écologique dans le contexte de la maison semi-souterraine. Finalement, on étudie l’écologie des espèces pour établir si elles peuvent s’adapter au nouveau microenvironnement de la maison de tourbe. Pour explorer ces trois points et fournir des exemples concrets, on a choisi trois espèces qui sont présentes dans la maison 3 : Helophorus arcticus, Notaris aethiops, et Cryphalus ruficollis ruficollis (figure 13).

La quantité minimale d’individus par échantillon peut nous en apprendre beaucoup sur la nature du contexte étudié. Pour certains taxons, une forte représentativité dans l’assemblage est peu significative. C’est le cas de la faune d’arrière-plan par exemple qui est naturellement nombreuse partout autour du site. Pour les espèces ayant un rôle écologique plus précis, on considère généralement chaque taxon séparément pour déterminer si sa présence est significative en soi ou s’il prend de l’importance pour l’interprétation seulement lorsqu’on le compare à l’ensemble de la collection.

69

Figure 13. À gauche : Helophorus arcticus Au centre : Tête et élytre droit de Notaris aethiops. À droite : Cryphalus ruficollis ruficollis.. Photo O. Lalonde.

H. arcticus est un coléoptère peu connu associé à des sources d’eau. Dans les échantillons pris dans des contextes à l’étude plus récents de la maison 3 (553, 554, 565, 566, 567, 568 et 569), le nombre d’individus collecté par échantillon se situe entre 8 et 46, ce qui est non négligeable, surtout en comparaison avec les échantillons provenant de contextes plus anciens 570 et 571 où on retrouve un et deux spécimens respectivement. À cause de cette disparité, la présence de ces trois individus dans les contextes 570 et 571 pourrait s’expliquer par une déposition accidentelle tandis que les autres échantillons peuvent signaler une présence significative d’eau dans l’habitation. On observe un seul spécimen de N. aethiops, insecte qui vit sur les quenouilles, dans tous les échantillons de la maison 3. Il est impossible d’attribuer sa présence dans la maison à une activité humaine avec certitude comme on pourrait le faire avec une espèce européenne. En effet, l’insecte signale simplement que la quenouille, plante endémique sur l’île, vit autour du site. Pour C. ruficollis ruficollis, on observe de petites quantités d’insectes, environ un à deux par échantillon. Ils s’attaquent aux sapins et épinettes vulnérables et leur présence suggère que ces arbres se trouvaient à proximité. Il y a beaucoup plus de chances qu’on ait

70

introduit des branches et brindilles mortes dans la maison que des quenouilles puisque les quantités d’individus sont faibles mais constantes, contrairement à N. aethiops.

Si on reprend les trois mêmes espèces en les mettant en relation avec les autres taxons ayant une valeur écologique similaire, l’interprétation peut changer. Pour H. arcticus, on observe que les autres espèces périaquatiques suivent la même tendance : leur représentativité dans les échantillons fluctue de la même façon que pour H. arcticus. Ceci indique donc que dans les échantillons récents témoignent bien de conditions humides et de la proximité de sources d’eau, ce qui n’est pas le cas pour les sédiments provenant des contextes plus anciens 570 et 571. Pour N. aethiops, on n’associe aucun autre insecte aux quenouilles ni à d’autres plantes aquatiques et périaquatiques contrairement à certaines plantes comme le bleuet, les épilobes et la mousse, dressant le portrait d’une flore terrestre. N. aethiops ne représente donc pas l’environnement local dans l’échantillon à l’étude. C. ruficollis ruficollis par contre n’est pas le seul à se nourrir de bois dans les échantillons. On a identifié une quantité substantielle d’autres scolytes et il est plausible que du bois se soit trouvé dans la maison à cause de phénomènes naturels ou d’actions humaines.

Finalement, pour arriver à expliquer la présence d’un insecte dans la maison de tourbe, on s’intéresse à toute information provenant de la documentation entomologique. Dans le cas de H. arcticus, les rares spécimens collectés vivants et étudiés par les entomologistes suggèrent qu’ils vivent dans les environnements ouverts humides près des rives et autres sources d’eau (Smetana 1985 : 118). Des individus récoltés il y a quelques décennies ont été trouvés systématiquement près des rives de l’Océan Arctique, de la baie d’Hudson, de la baie James, de la baie d’Ungava, du détroit d’Hudson et de la mer du Labrador (Morgan 1989 : 1171). Tout indique que des sources d’eau soient nécessaires à la survie de l’insecte, mais on doute qu’elles aient pu se former à l’intérieur de la maison durant l’hiver ou que ces insectes aient pu entrer une fois les sols gelés. En été par contre, la forme de la maison abandonnée est idéale pour que l’eau s’accumule et cela peut expliquer la présence récurrente de cette espèce dans les assemblages.

L’écologie de N. aethiops ne change pas l’interprétation; on n’est pas en mesure de dire si sa présence est accidentelle ou si elle indique bien que des quenouilles sont à proximité et on ne peut pas l’attribuer à l’humain non plus. Pour C. ruficollis ruficollis, il est peu probable qu’une grande quantité de branches soit tombée naturellement dans la maison durant l’été sans une proximité immédiate d’arbres autour de la maison, ce que la fouille n’a pas relevé. Les Inuits ont probablement amené des branches dans la maison durant l’occupation à la fin de l’automne et à l’hiver, saisons durant lesquelles les insectes sont en dormance dans l’arbre et où il devient facile de les introduire dans la maison par inadvertance.

71

En résumé, on peut penser que l’occupation humaine est sans incidence sur l’assemblage entomologique puisque les insectes occupent habituellement des niches écologiques naturelles, mais les paragraphes précédents ont prouvé qu’en considérant le nombre d’individus collectés, leur relation avec le reste de l’assemblage ainsi que leur écologie, il est possible de déceler une influence humaine dans les assemblages.

4.2.2. Écologie du Labrador et documentation entomologique

Les populations d’insectes du Labrador sont très peu connues des spécialistes. Dans le volume de sédiments relativement petit de l’assemblage archéoentomologique d’Oakes Bay 1, on a identifié jusqu’à dix taxons non répertoriés au Labrador selon la Checklist of Beetles (Coleoptera) of Canada and Alaska la plus récente (Bousquet et al. 2013). Parmi ces taxons on retrouve le genre Acrotrichis, de la famille des Ptiliidae, qu’on n’a pas recensé au Labrador ainsi que plusieurs autres espèces ayant une distribution circumpolaire (qui vivent partout dans l’Arctique). Le peu de mentions de ces insectes dans la documentation entomologique ne fait qu’insister sur le peu de collecte faite dans la région.

On ne connaît pas beaucoup l’écologie de plusieurs insectes qui vivent dans cette région. Par exemple, il n’existe que très peu d’information sur le petit insecte semi-aquatique Helophorus arcticus qui se trouve pourtant en grande quantité dans les échantillons. L’écologie de cette espèce a été décrite avec l’aide de quelques spécimens seulement et on a formulé des tendances générales à partir de ces observations. Les stratégies d’adaptation écologique d’une espèce peuvent varier d’une région à l’autre et le Labrador souffre probablement de ce manque d’études. La dernière décennie permet tout de même d’observer un développement de la recherche : les chercheurs ont publié quelques ouvrages récents sur la région tels qu’Aleocharine Beetles (Coleoptera, Staphylinidae) of the province of Newfoundland and Labrador, Canada (Klimaszewski et al. 2011) et The Byrrhidae (Coleoptera) of Atlantic Canada (Majka et Langor 2011). Ils ne couvrent toutefois qu’une infime partie de la faune entomologique et la tâche reste colossale.

En ce qui concerne les écosystèmes habités par les insectes du Labrador, on distingue deux grands thèmes : l’environnement subarctique et les tourbières. Une série de publications dans le Canadian Entomologist de 1987 porte sur la faune entomologique des tourbières et un des points qu’on soulève est que les entomologistes ont souvent faussement étiqueté des environnements avec des noms similaires tels que fen, peatland, marsh, et boggy pools comme s’ils étaient tous synonymes (Danks et Rosenberg 1987). Il est donc particulièrement difficile de déterminer dans quel type d’environnement on a réellement

72

découvert les insectes décrits. On ne fait ici qu’illustrer à quel point la région est inconnue et c’est l’adaptation au climat subarctique qui constituera le cœur de cette réflexion puisqu’elle s’adapte mieux à l’étude de maisons occupées en hiver.

Les entomologistes s’entendent pour dire que la rigueur des climats subarctique et arctique est un point pivot dans l’écologie des insectes habitant le nord du continent américain. Au Canada, l’adaptation à la variabilité du climat et le développement d’une stratégie de survie durant la saison hivernale sont essentiels (Danks 1979). Seules les espèces ayant une capacité de tolérance au froid élevée ont colonisé le nord et celles avec une alimentation diversifiée ont plus de succès puisqu’elles peuvent pallier la variabilité des étés de l’Arctique (Danks 1979 : 560).

C’est la survie à l’hiver qui permet d’observer le plus de stratégies d’adaptation à l’Arctique chez les insectes. C’est précisément ce qui nous intéresse puisque c’est durant cette période que les Inuits occupent les maisons semi-souterraines. Le cycle de vie des insectes se règle généralement en fonction de cette étape cruciale du cycle annuel, surtout dans les climats arctique et subarctique où elle dure plus de la moitié de l’année (Danks 1979 : 555). Certains insectes se déplacent vers de nouveaux habitats l’automne venu et d’autres se cachent alors que plusieurs peuvent même rester actifs l’hiver entier sous la neige ou dans les tunnels de rongeurs. La stratégie adaptative la plus commune reste la dormance, ou diapause : l’hiver, la plupart des insectes répondent à des stimuli externes déclenchant un état de dormance prolongée. Ces signaux naturels sont généralement associés à la température (refroidissement ou réchauffement progressif), mais d’autres facteurs tels que la diminution de la photopériode et le manque de nourriture peuvent contribuer à déclencher le processus. Des insectes entrant typiquement en diapause pourraient-ils rester actifs l’hiver durant si un microenvironnement offrait des conditions propices? C’est à cette question que la prochaine section tentera de répondre.

4.2.3. Maison de tourbe comme biotope durant l’hiver au Labrador

L’entomofaune a pu rester active et se développer dans la maison semi-souterraine l’hiver. On a expliqué précédemment que la majorité des taxons provenant des échantillons sélectionnés ont probablement occupé le site l’été alors qu’ils sont actifs, mais on connaît déjà une espèce qui reste active à l’intérieur de la maison l’année durant : le pou. La présence de ces parasites dans plusieurs échantillons vient confirmer cette hypothèse puisqu’ils sont entièrement dépendants de l’humain et qu’ils ont forcément passé l’hiver sur leurs hôtes. Ces ectoparasites ont cependant profité de la chaleur du corps humain pour survivre et ce luxe n’est pas offert aux coléoptères.

73

Parmi les autres scénarios possibles où les insectes sont actifs en hiver dans la maison inuite, le plus probable est que des coléoptères ont pris refuge dans les restes organiques qui ont pu se trouver dans la maison de tourbe à l’automne dans le but d’y hiberner. En fonction du moment à l’automne où les Inuits commencent à aménager la maison, les insectes qui s’y sont introduits auraient pu bénéficier de la chaleur amenée par les occupants. Il est par contre plus plausible qu’ils aient tenté de se réfugier dans un endroit sec et froid pour éviter de voir leur diapause perturbée. Quoi qu’il en soit, l’arrivée des Inuits a pu interrompre la diapause et dans ce cas, les coléoptères ayant pris refuge dans l’habitation n’auraient pas pu réagir à temps et le dégel des sols dans la maison aurait pertubé leur diapause et contribué à leur reprise d’activité.

Selon Aleš Smetana (communication personnelle, 2016), entomologiste à la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes, certains coléoptères peuvent proliférer à une température moyenne de 15 °C. Plus encore, il soutient que ces insectes peuvent continuer de vivre dans la maison durant l’hiver si les conditions sont adéquates. Une multitude d’arthropodes peuvent rester actifs à des températures allant parfois sous zéro et d’autres, tels que les moustiques, peuvent voler à 1,7 °C (Böcher et al. 2015 : 13). On a démontré que la température d’un igloo inuit dans l’extrême arctique canadien pouvait atteindre 15 °C lorsqu’il est chauffé (Kershaw et al. 1996) et on indique même qu’il était coutume d’être nu dans l’aire de vie des maisons hivernales inughuites du Groenland (Vaughan 1991). Même si la maison multifamiliale du 18e siècle était grande, la présence de lampes et de nombreuses personnes nous permet de croire que le seuil de 15 °C est vraisemblablement atteignable.

Les Staphylinidae, des fouisseurs qui dominent tous les échantillons, sont les plus susceptibles de rester actifs l’hiver dans la maison inuite. C’est peut-être parce qu’ils prolifèrent toute l’année, une opportunité que d’autres insectes n’auraient pas, qu’ils sont aussi nombreux dans les assemblages. C’est une famille extrêmement diversifiée et très bien adaptée à une multitude d’environnements, ce qui s’applique probablement à d’autres insectes prenants refuge dans le sol pour la diapause tels que les Carabidae et les Cryptophagidae. Les stratégies d’hibernation de plusieurs familles sont toutefois peu connues. Quelques espèces sont capables de survivre durant l’hiver sans nécessairement passer par le processus de diapause et on les retrouve principalement dans les endroits qui ne gèlent pas tels que les ruisseaux et le fond des lacs (Böcher et al. 2015 : 14). D’autres insectes se réfugient sous la neige lorsque la température est trop basse (Danks 1979 : 552), ce qui est vrai pour certains Carabidés dont plusieurs espèces identifiées dans cette analyse sont actives durant l’hiver. Selon une discussion avec Paul Skelley (communication personnelle, 2016), conservateur en chef du musée d’entomologie FSCA (Florida

74

Department of Agriculture and Customer Services), les scarabées trouvés dans cette analyse pourraient aussi vivre sous la neige durant l’hiver, dans les terriers de rongeurs. Il existe donc la possibilité que des insectes puissent se mouvoir sous la neige et infiltrer la maison par le toit, les murs ou le tunnel d’entrée durant les périodes rigoureuses de l’hiver.

4.3. Environnement extérieur

Pour mieux connaître l’environnement naturel du site, on a analysé trois échantillons à différents endroits autour du site à des fins d’analyses archéobotanique et archéoentomologique. Puisque tous trois représentent des environnements distincts et qu’on y voit des différences claires, on étudie les résultats des échantillons séparément.

4.3.1. Échantillon hors site à 0 m

Pour l’échantillon pris hors site à 0 m, on écarte de l’analyse et de la figure 14 les Aleocharinae, A. quadrata et E. brunnescens qui dominent l’assemblage avec 69 % du total puisqu’on les considère eurytopes et très communs sur l’île et qu’ils forment la faune d’arrière-plan. Il en va de même avec les fragments non identifiés ou non déterminants.

La diversité des insectes collectés caractérise l’échantillon 0 m en comparaison avec les deux autres échantillons. Le groupe écologique le plus représenté est celui du substrat et de la mousse suivi de très près par les xylophages (insectes se nourrissant de bois). On retrouve trois espèces de scolytes dans l’échantillon, mais les deux plus communes, C. ruficollis ruficollis et D. cf. caryi, se nourrissent d’arbres affaiblis et étouffés et de branches. Comme elles forment 33 % de l’assemblage, il apparaît donc que les épinettes rabougries ou naines dont elles se nourrissent étaient présentes autour du site ou du moins vers le nord-est, où on a prélevé l’échantillon. Les insectes qui vivent dans la litière sont pour la plupart généralement associés à la mousse et au lichen, ce qui est particulièrement vrai pour la famille des staphylins. Les quelques Carabidés identifiés dans l’échantillon sont communs sous les feuilles mortes et la mousse et le genre Acrotrichis se nourrit de décomposition comme les champignons moisis et les excréments.

75

2%

22%

Plans d'eau 36% Litière et mousse 7% Bois Excréments Champignons

33%

Figure 14. Pourcentages pour chaque groupe écologique excluant A. quadrata, E. brunnescens et les Aleocharinae, échantillon hors site, 0 m.

On observe que jusqu’à 22 % de la faune entomologique de l’échantillon pris à 0 m se nourrit de champignons. En réalité, neuf spécimens de Cryptophagus, des microphages se nourrissant de moisissure, forment ce groupe écologique. Trois espèces sont communes au Labrador et elles ont toutes des niches écologiques peu spécifiques. On les associe surtout à la décomposition du bois et aux champignons (Majka et Langor 2010 : 33). Compte tenu de la grande quantité de xylophages et de mycétophages identifiés, l’échantillon contenait peut-être du bois en décomposition. La présence de trois spécimens d’Agoliinus (figure 15) peut signifier la présence d’excréments, mais la section précédente a aussi démontré que leur fréquentation des lieux peut s’expliquer par l’activité des rongeurs sous la neige. Finalement, contrairement aux échantillons pris dans les maisons, on retrouve très peu d’insectes hygrophiles et l’environnement représenté par l’échantillon à 0 m n’est probablement pas très humide. On sait que l’échantillon a été collecté dans un tapis de lichen sur une terrasse sèche et bien drainée, ce qui apporte plus crédibilité à la présence ou absence d’espèces hygrophiles dans cette analyse (communication personnelle, Woollett 2020).

76

Figure 15. À gauche : Tête d’Agoliinus sp. Photo O. Lalonde. À droite : Spécimen du genre Agoliinus, Photo L. Borowiec, Iconographia Coleopterorum Poloniae.

4.3.2. Échantillon hors site à 45 m

Comme pour l’échantillon pris à 0 m, on exclut de l’analyse et de la figure 16 les staphylins A. quadrata et E. brunnescens ainsi que les Aleocharinae. Ils sont dominants, formant environ 84 % de la totalité de l’échantillon et une fois retirés, il reste 39 coléoptères sur un total de 299. Il apparaît donc que l’environnement local est bien moins diversifié que pour l’échantillon 0 m. Les insectes qui vivent dans la litière et la mousse sont les plus nombreux, suivis de neuf spécimens d’Euaesthetus qui forment le groupe d’insectes attirés par les environnements humides. Le genre Euaesthetus peut aussi se trouver dans la litière forestière, ce qui signifie que l’environnement est similaire à celui de l’échantillon 0 m. Plusieurs xylophages (23 %) indiquent la présence d’arbres affaiblis et de bois mort. Les insectes se nourrissant de champignons et de moisissure (13 %) et d’excréments (2 %) peuvent se trouver dans l’assemblage à cause de la présence de matière organique en décomposition et de rongeurs à proximité. Dyschirius hiemalis fréquente les environnements tourbeux, ce qui concorde avec le reste de la faune. Cymindis unicolor préfère les terrains ouverts et graveleux, ce qui est incohérent avec le reste de l’assemblage, mais il est probable que l’insecte s’y trouve par hasard puisqu’on n’a identifié qu’un seul spécimen. Ensemble, les insectes décrivent un environnement naturel tourbeux ouvert avec des tunnels de rongeurs et des arbres et branches mortes.

77

3%

13% 23% 2% Plans d'eau Litière et mousse Bois Excréments 23% Champignons Terrains dégagés

36%

Figure 16. Pourcentages pour chaque groupe écologique excluant A. quadrata, E. brunnescens et les Aleocharinae, échantillon hors site, 45 m.

4.3.3. Échantillon à 135 m

Le dernier échantillon hors site est particulièrement intéressant puisque la faune d’arrière-plan en représente la presque entièreté. On dénombre 81 individus des taxons A. quadrata, E. brunnescens et des espèces d’Aleocharinae alors que le NMI total pour cet échantillon est de 91, les insectes répartis dans sept taxons seulement. Les quelques espèces restantes, presque tous des staphylins, vivent dans la mousse et dans la tourbe. Un seul individu de Byrrhus se nourrit typiquement de mousse. À cause de l’éloignement du site de l’échantillon et de la faible variabilité dans l’assemblage, il semble qu’il représente un environnement assez peu caractéristique et certainement non affecté par l’humain. Rien n’indique la présence de bois ou de matière organique en décomposition.

Cet échantillon est un argument important indiquant que les trois taxons identifiés plus haut (A quadrata, E brunnescens et Aleocharinae) soient bien des insectes eurytopes formant la faune d’arrière- plan : l’environnement représenté par l’échantillon est différent de celui du site, mais ces insectes y sont toujours en grande quantité. Si cette conclusion s’applique aussi au reste des coléoptères de cet échantillon, peut-être que les espèces d’Euaesthetus et Mycetoporus nigrans, les deux autres taxons identifiés de cet échantillon, sont eux aussi bien adaptés à la vie sur l’ensemble de l’île et font partie de la faune d’arrière-plan.

78

On observe que les scolytes se nourrissant de bois sont nombreux dans l’échantillon prélevé près du site, en quantité moindre dans celui à 45 m et complètement absents de celui à 135 m. On ne peut expliquer précisément la présence des scolytes dans les échantillons naturels avec l’archéoentomologie comme seul support puisque ces échantillons ne sont pas datés. Rien n’associe ces contextes à une période d’occupation du site et, si la préservation le permet, il se peut que ces sols soient beaucoup plus vieux que le site archéologique d’Oakes Bay 1. Roy a étudié les pollens et les macrofossiles sur l’île pour démontrer que l’épinette a peuplé les terrasses du site il y a plus de 3000 ans. Le déclin de l’arbre s’effectue progressivement entre 3000 et 1140 ans avant aujourd’hui et les siècles suivants ont vu un retour de l’environnement vers des conditions humides. La paludification (ou la formation de tourbe) du site aurait commencé il y a environ 800 ans avant aujourd’hui (Roy et al. 2012 : 30), ce qui signifie que les scolytes se sont vraisemblablement déposés dans le sol suite à cette accumulation. Roy soutient que les Thuléens et Inuits ont choisi les endroits les plus boisés pour s’installer (Roy et al. 2012 : 31) et qu’il restait donc une certaine quantité d’arbres autour. Si les sols se sont formés durant les 800 dernières années, les échantillons hors site à l’étude fournissent un appui supplémentaire aux hypothèses de Roy et un indice de l’absence de bois vers le nord du site. Une étude approfondie sur les contextes hors site serait profitable.

4.4. Environnement intérieur des maisons inuites

4.4.1. Réflexion sur l’analyse comparative des maisons hivernales

On a sélectionné les maisons 3, 4 et 5 d’Oakes Bay 1 pour vérifier si les conditions de vie à l’intérieur d’une maison unifamiliale sont comparables à celles d’une maison multifamiliale et quelles informations on peut tirer des assemblages archéoentomologiques. De cette façon, on élimine la variable géographique et culturelle puisque les maisons appartiennent à la même communauté dans un même environnement. Même si le site est une formidable occasion de vérifier la problématique, quelques pièges d’ordre méthodologique nuisent à la comparaison des trois maisons.

Pour étudier cette question, on aurait pu s’intéresser à la distribution spatiale des aires d’activités dans la maison. Des archéoentomologistes ont déjà mené ce genre d’analyse sur des maisons de tourbe inuites en comparant la plateforme de couchage, le plancher et le tunnel d’entrée (Bain dans Woollett 2003 : 611; GAIA 2015, 2016, 2017) et chaque fois, les résultats ont démontré qu’il existe des différences entre les contextes, validant la démarche. Selon les analyses sur les maisons hivernales de Double Mer Point (GAIA 2015, 2016), plus de déchets d’origine anthropique se trouvent sur le plancher de la maison et dans le tunnel d’entrée que sur la plateforme de couchage, par exemple. Les saisons de fouilles durant

79

lesquelles on a prélevé les échantillons à Oakes Bay 1 avaient toutefois des objectifs plus généraux et une limite de temps qui aurait été largement dépassée si on avait échantillonné chaque espace de vie pour les trois maisons. Les colonnes d’échantillons ne correspondent donc pas exactement aux mêmes aires d’activité entre les trois maisons de tourbe, ce qui aurait compliqué une analyse spatiale comparative.

Pour cette partie de la discussion, afin de mettre l’accent sur la comparaison entre les maisons au sens large et non sur les aires spatiales au sein d’une même habitation, on rassemble les échantillons par maison lors de la comparaison. Puisqu’on étudie des contextes identifiés comme des sols d’occupation et non ceux résultants d’un effondrement du toit ou d’une accumulation naturelle, on peut les rassembler et décrire, dans l'ensemble, les conditions dans lesquelles les habitants ont vécu et dans lesquelles ils ont abandonné la maison. S’il existe vraiment des différences observables dans les conditions de vie dans la maison hivernale d’une période à l’autre, elles devraient se manifester dans toutes les aires d’occupation de la maison et l'on devrait les observer à l’aide d’une telle comparaison.

4.4.2. Maison 5

Les quatre échantillons de la maison 5 étudiés pour cette analyse (586, 587, 588 et 589) font partie d’une série d’échantillons pris en colonne, ce qui signifie qu’on les a prélevés en ordre chronologique contraire (du plus récent au plus vieux), 589 étant la dernière occupation humaine avant le sol naturel stérile. Les quatre échantillons ont un volume traité différent et en calculant le NMI moyen par litre on constate que le ratio insectes/litre est relativement équivalent (tableau 20).

Tableau 20. NMI moyen par litre par échantillon, maison 5.

Échantillon NMI moyen par litre NMI total Volume total (L) 586 107 320 3 587 113 226 2 588 85 128 1,5 589 120 301 2,5

On n’écarte pas tout à fait la faune d’arrière-plan de l’équation : l’environnement naturel et l’intérieur de la maison hivernale sont des concepts trop fortement entremêlés l’un à l’autre. On les exclut cependant des figures pour réduire les risques de biais.

80

0% 4% 11% 0% Plans d'eau 1% Litière et mousse

Bois 13% 50% Excréments

Végétation

Champignons

21% Terrains dégagés

Charogne

Figure 17. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 5.

L’assemblage archéoentomologique de la maison 5 fait état de conditions humides (figure 17), la moitié des insectes nécessitant la présence d’eau à proximité. C’est probablement l’été, alors que l’eau n’est pas gelée, que la plupart de ces insectes occupent la maison de tourbe. Chez les Carabidés, on associe deux espèces actives l’été et au début de l’automne à cette catégorie. Les opportunités de chasse ont probablement attiré ces insectes dans la maison, à moins qu’on les ait introduits accidentellement avec de la mousse.

On s’étonne qu’Helophorus arcticus soit l’espèce la plus représentée dans chaque échantillon une fois la faune d’arrière-plan écartée de l’équation. Ce coléoptère dont on connaît peu l’écologie et que les entomologistes ont rarement collecté provient d’environnements ouverts, dans la mousse près de l’eau. Si ces observations reflètent bien l’écologie de l’espèce, on peut en déduire beaucoup sur la nature des lieux. La première hypothèse est que les Inuits ont utilisé de la mousse récupérée près de l’eau comme revêtement de plancher ou comme literie, introduisant une grande quantité d’H. arcticus par la même occasion. Cependant, on juge illogique de collecter de la mousse humide ou gorgée d’eau pour ce genre d’activité.

Une autre hypothèse expliquant l’abondance d’Helophorus arcticus dans les échantillons est que la maison abandonnée en été constitue un environnement qui leur est favorable. L’auteur (GAIA 2015) a participé

81

à des fouilles archéologiques de maisons hivernales inuites et a remarqué que l’intérieur de la maison est très propice au ruissellement et à l’accumulation d’eau à cause de sa configuration. Les épais murs organiques se gorgent d'eau suite aux précipitations et au gel en hiver, ce qui provoque la formation de petits ruisseaux et de flaques d’eau entre les pierres du plancher lors du dégel ou après de grosses pluies. Ceci peut expliquer par la même occasion la découverte des quelques spécimens de Helophorus sempervarians dans l’assemblage.

Les autres insectes hygrophiles proviennent de la famille des Staphylinidae et des Byrrhidae. Les staphylins sont plus aptes à survivre l’hiver comme on l’a démontré précédemment, mais les taxons collectés pointent aussi vers la présence d’eau et de litière humide : il peut s’agir de mousse, de restes de plantes, de feuillage caduc ou de bois. On associe aussi une espèce de Byrrhidae, Simplocaria metallica, autant à la présence d’eau à proximité qu’à la mousse constituant son alimentation. Il semble donc qu’un tel mélange fut présent dans la maison pour attirer ces deux familles d’insectes.

On souligne par nécessité le besoin de sources d’eau à proximité, mais les insectes associés aux plans d’eau vivent pour la plupart dans la litière ou dans la mousse. En combinant ces deux groupes écologiques, on obtient 71 % du total de la faune de la maison 5. Les staphylins préférant la litière et la mousse sont, encore une fois, les plus nombreux. Les espèces Tachyporus nimbicola et Mycetoporus nigrans habitent la litière d’aulnes et de saules et la mousse. Les Carabidés Dyschirius hiemalis et Pterostichus brevicornis brevicornis habitent aussi dans l’herbe, la litière et la mousse.

L’accumulation de litière et de mousse dans la maison inuite a déjà été observée durant la fouille (Woollett 2005), mais cette analyse apporte des clarifications sur le processus de formation des couches archéologiques. La première explication est d’ordre naturel : les Inuits ont peut-être vidé la maison entre chaque occupation et une accumulation naturelle de feuilles provenant des arbres à feuillage caduc et de mousse s’est formée. Cependant, comme on date l’occupation de la maison à la fin du 17e siècle jusqu’au début du 18e siècle, l’accumulation des sols archéologiques s’est produite dans un laps de temps relativement court. Ces couches, vraisemblablement de nature archéologique, sont probablement liées à l’occupation de l’habitation. Finalement, on exclut pour l’instant l’hypothèse du rejet de déchets provenant d’une maison plus récente puisque la datation des artéfacts et des os collectés dans la maison et dans son dépotoir suggèrent une occupation contemporaine.

L’hypothèse selon laquelle on a utilisé de la mousse, des feuilles et des plantes comme revêtement de plancher et comme literie pour la plateforme de couchage est la plus robuste pour expliquer la présence de restes végétaux dans la maison. Ce genre de litière peut assainir la maison lorsque les Inuits y

82

reviennent à l’automne et constitue une excellente niche écologique qu’environ 70 % des insectes de l’assemblage peuvent occuper autant l’été que l’hiver en plus d’expliquer la présence des autres groupes écologiques de la maison 5.

Le groupe écologique du bois est très important pour l’analyse puisque les arbres ne se situent pas à proximité immédiate des habitations, ce qui confirme que le bois y a été introduit. Les scolytes, seuls représentants de ce groupe, sont attirés par le bois dans divers états et on en retrouve une quantité substantielle dans chaque échantillon, les coléoptères pointant tous vers la présence d’arbres affaiblis et de branches mortes ou vulnérables. Cela apporte de la précision sur le type de bois qu’on préférait pour les activités décrites ici. Il est toutefois fort possible que ces restes de bois proviennent de l’effondrement du toit.

À l’instar des échantillons hors site, on trouve dans la maison 5 une certaine quantité de mycétophages que l’on associe à de la matière organique en décomposition sur laquelle les champignons et la moisissure se développent. Ils sont présents dans tous les échantillons, en proportion relativement similaires. On trouve aussi une très petite quantité de coprophages avec trois spécimens dans la maison 5. Ils ont pu vivre, l’hiver, avec des rongeurs dont les tunnels rejoignaient la maison ou passaient à proximité, les petits mammifères attirés par les déchets, la nourriture et la chaleur provenant de la maison. On atteste l’activité des rongeurs dans les dépôts riches de la maison sous la forme de perturbations durant la fouille bien que c’est probablement durant l’été que ces animaux s’y déplaçaient. Finalement, à cause de leur faible représentativité, on considère les groupes écologiques des terrains dégagés et de la végétation comme un bruit de fond, les insectes étant rares dans l’assemblage et apportant peu de précision à l’analyse.

83

50 45 40 35 30 25

20 586 (récent) 15 589 (ancien) 10 5 0

Figure 18. Pourcentages des groupes écologiques pour les échantillons 586 (récent) et 589 (ancien), maison 5.

Bien qu’on étudie les échantillons de la maison 5 en tant qu’ensemble, quelques corrélations n’apparaissent que lorsqu’on les compare entre eux. La figure 18 illustre les échantillons représentant le plus vieux contexte, 589, et le plus récent, 586, et offre une juxtaposition de la faune de ces deux échantillons une fois la faune d’arrière-plan (A. quadrata, E. brunnescens et les Aleocharinae) retirée de l’équation. Les insectes attirés par les plans d’eau sont représentés à peu près également dans chaque échantillon, la grande différence se situant au niveau de la faune associée à la litière et à la mousse. On observe une diminution significative des coléoptères de ce groupe dans l’échantillon plus récent, ce qui va de pair avec une augmentation de la faune associée au bois. Bien qu’ils soient peu nombreux, on voit apparaître les groupes écologiques de la végétation, des excréments et de la charogne dans l’échantillon récent. La variété d’espèces dans l’échantillon récent 586 et l’indice plus élevé de la présence de bois peuvent s’expliquer par un épisode d’abandon plus long durant lequel plus de déchets ont été laissés dans l’habitation. La diversité d’insectes dans l’événement plus récent signifie peut-être qu’il s’agit en fait de la dernière occupation de la maison par les Inuits, suite à laquelle on ne procède pas au nettoyage et on laisse les débris dans la maison. Le bois, attesté par l’échantillon et par la fouille, provient probablement du toit effondré recouvrant la couche archéologique et s’y mélangeant.

84

4.4.3. Maison 3

Pour la maison 5, on a prélevé une colonne d’échantillons au-dessus de ce qui correspond simultanément au plancher et à la plateforme de couchage alors qu’on a clairement différencié ces deux contextes durant la fouille de la maison 3 et prélevé deux séries d’échantillons. Les échantillons 553, 565, 567, 569 et 571 correspondent à la séquence prise au-dessus de la plateforme de couchage alors que 554, 566, 568 et 570 proviennent du plancher. Pour les deux échantillons les plus récents, 553 et 554, la fouille a établi que les couches qu’ils représentent contiennent des traces du toit effondré. Pour 571, on a atteint le sol stérile et la description des sédiments indique que l’échantillon contient de ce sable naturel. Puisqu’ils ont été mélangés à d’autres événements, on traite ces trois échantillons avec réserve.

Des données statistiques élémentaires démontrent une grande variation dans le volume et le contenu archéoentomologique des échantillons. Le volume traité des échantillons de la maison 3 est très variable : en calculant le NMI moyen de chaque échantillon pour un volume d’un litre, on constate que l’échantillon 554 et l’échantillon 571 sont des données aberrantes, avec une moyenne de 404 et de 30 individus par litre respectivement alors que la moyenne pour le reste des échantillons de la maison 3 se situe à 111 individus par litre (tableau 21). Le trop petit volume traité (un quart de litre) pour l’échantillon 554 déforme probablement les résultats. Pour 571, on explique la pauvreté de l’assemblage par un mélange possible de sols naturels stériles à la couche archéologique.

Tableau 21. NMI moyen par litre par échantillon, maison 3.

Échantillon NMI total NMI moyen par litre Volume total (L) 553 178 89 2 554 101 404 0,25 565 244 122 2 566 201 201 1 567 132 88 1,5 568 80 80 1 569 182 73 2,5 570 123 123 1 571 60 30 2

On écarte la faune d’arrière-plan et les insectes non identifiables de la figure 19 puisqu’ils sont une source de biais et n’apportent pas d’information à l’analyse.

85

0% 1% 9% 0% 4% Plans d'eau Litière et mousse 11% Bois Excréments

52% Végétation Champignons Terrains dégagés 23% Charogne

Figure 19. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 3.

L’assemblage de la maison 3 ressemble à celui de la maison 5, le groupe écologique le plus représenté étant celui des plans d’eau. L’espèce la plus fréquente, hormis la faune d’arrière-plan, est H. arcticus et on interprète sa présence comme un indice d’écoulement d’eau dans l’enceinte de la maison durant l’été. Deux taxons se révèlent particulièrement abondants : les staphylins du genre Euaesthetus et le Byrrhidae S. metallica. Le premier genreinclut des insectes vivant dans la litière humide et dans des conditions périaquatiques alors que S. metallica est eurytope. Comme elle se nourrit de mousse, l’espèce rejoint assez directement le groupe écologique de la litière et mousse, duquel elle aurait pu faire partie.

La relation entre le groupe écologique de la litière et mousse avec celui des plans d’eau est tout aussi forte pour la maison 3 que pour la maison 5 : ensemble, ils forment 75 % de la faune entomologique collectée dans cette maison. On propose la même interprétation que pour la maison 5 puisque la faune est presque identique. L’utilisation de mousse et de tourbe pour couvrir le plancher et les plateformes de couchage peut expliquer la grande quantité d’insectes associés à des sols humides qui y vivaient en été et sans doute également en hiver.

86

Les xylophages forment 11 % du total de l’assemblage de la maison 3 une fois la faune d’arrière-plan écartée. Zutter (2012 : 4) a constaté la présence d’aiguilles d’épinettes dans les contextes d’habitation d’Oakes Bay 1 principalement sur les planchers, dans le dépotoir et en plus petite quantité sur la plateforme de couchage. D’autres d’arbres, soit le bouleau et l’aulne, se trouvent sous forme de chatons et de noisettes, mais ces restes botaniques semblent provenir des couches plus en surface et sont probablement des intrusions récentes. Les données archéoentomologiques soutiennent l’hypothèse des branches d’épinettes ayant servi à tapisser le plancher de l’habitation, en précisant que les Inuits ont privilégié les branches affaiblies et mortes.

Figure 20. À gauche : Catops spp. À droite : Byrrhus kirbyi. Photo O. Lalonde.

Les charognards, formant 9 % du NMI une fois la faune d’arrière-plan écartée, se nourrissent de matière organique animale à divers stades de décomposition. Le seul représentant de ce groupe est le

87

genre Catops (figure 20) et les échantillons de la maison 3, surtout ceux prélevés au-dessus de la plateforme de couchage, en contiennent en assez grande quantité pour déduire la présence de restes d’animaux. Compte tenu du contexte de la découverte, les Catops constituent peut-être une indication que les peaux et fourrures utilisées sont abandonnées sur place durant l’été. Le cuir, la peau, les os et tout autres restes fauniques peuvent certainement attirer ces charognards en été, mais il n’est pas exclu que les insectes aient pu rester actifs l’hiver à l’intérieur de la maison pourvu que la température soit propice à leur survie.

Parmi les groupes écologiques restants dans la maison 3, certains insectes sont trop peu nombreux et font probablement partie de la faune d’arrière-plan, ce qui est surtout vrai pour les coprophiles, les phytophages et les insectes qui vivent en terrains dégagés. Les insectes se nourrissant de champignons et de moisissure sont en général trop peu nombreux dans l’assemblage pour confirmer la présence de ce type de nourriture dans les couches étudiées.

On note finalement l’identification de trois spécimens de Byrrhus kirbyi (figure 20) dans les sols prélevés au-dessus de la plateforme de couchage et un au-dessus du plancher. Il s’agit d’un phytophage qui se nourrit des plantes endémiques au Labrador suivantes: la berce laineuse (Heracleum maximum Bartram), la dryade à feuilles entières et la camarine noire, cette dernière la seule aperçue dans les alentours du site.

On a observé l’utilisation de la camarine noire dans le quotidien des Inuits : Zutter (2012 : 4) l’a collecté sous forme de graines et de feuilles sur le plancher de l’habitation, la plante représentant plus de 50 % des macro-restes archéobotaniques récoltés lors d’un échantillonnage à Oakes Bay 1. Ensemble, Pigford et Zutter (2014 : 88) proposent que ces restes puissent être des traces de consommation de la plante dans la maison sous forme de fruit ou en thé, pour le chauffage, pour la literie et pour le recouvrement de plancher. Elles appuient cette hypothèse avec la présence de phytolithes de la camarine noire dans une lampe de stéatite provenant d’Oakes Bay 1 (Pigford et Zutter 2014), confirmant l’importance de la plante dans le quotidien inuit. Les quelques spécimens de Byrrhus kirbyi trouvés dans la maison 3 constituent vraisemblablement des indices de l’utilisation de la camarine noire.

88

60

50

40

30 566 (récent) 20 570 (ancien)

10

0

Figure 21. Pourcentage des groupes écologiques pour les échantillons 566 (récent) et 570 (ancien), plancher, maison 3.

Comme pour la maison 5, une brève comparaison des échantillons de la maison 3 apporte des indices intéressants sur la formation du site et sur les activités humaines. On traite les échantillons provenant du plancher et de la plateforme de couchage séparément puisqu’ils proviennent de deux colonnes différentes. Pour le plancher, on choisit l’échantillon 566 comme contexte récent, ignorant l’échantillon 554 qu’on considère comme une donnée aberrante (figure 21). Seuls 18 individus représentent l’échantillon ancien 570 lorsqu’on en retire la faune d’arrière-plan, ce qui s’avère très petit. En effet, sur les 123 individus constituant l’assemblage de cet échantillon, 62 sont des Aleocharinae, 22 sont des Omaliini non identifiés, 10 sont de l’espèce A. quadrata et 6 de l’espèce E. brunnescens, ce qui signifie que certains groupes écologiques sont assurément mal représentés. Néanmoins, on observe que les insectes associés au substrat et à la présence d’eau sont plus nombreux dans les sols plus récents aux dépens des charognards et des xylophages. Puisque ces deux groupes sont plus fortement associés aux activités humaines dans cette recherche, cela signifie peut-être que les contextes plus récents contiennent plus de traces naturelles liées à l’abandon du secteur.

89

50 45 40 35 30 25 20 15 565 (récent) 571 (ancien) 10 5 0

Figure 22. Pourcentage des groupes écologiques pour les échantillons 565 (récent) et 571 (ancien), plateforme de couchage, maison 3.

Fait surprenant, on observe les mêmes tendances pour les échantillons de la plateforme de couchage que pour ceux du plancher (figure 22). L’échantillon ancien 571 ne contient que 23 individus en faisant abstraction de la faune d’arrière-plan, ce qui fait des charognards les plus nombreux. L’hypothèse des peaux et des plumes ayant servi de literie est donc particulièrement applicable à l’échantillon le plus ancien. Les insectes se nourrissant de champignon et de moisissure sont bien représentés et des restes d’animaux abandonnés sur les lieux constitueraient un environnement propice à la formation de moisissure. Il est plus facile d’affirmer que l’échantillon 571 corresponde à une couche d’occupation que 565, le plus récent. Ce dernier est d’ailleurs bien plus humide et il contient plus d’insectes dont on peut attribuer la présence à un abandon des lieux.

90

4.4.4. Maison 4

La faune entomologique de la maison 4 est similaire à ce qu’on a déjà observé dans les maisons 3 et 5 (figure 23). On déduit la présence de substrat humide, principalement de mousse, de petits ruisseaux et de flaques temporaires du fort pourcentage de coléoptères associés à ces deux groupes écologiques : 77 % du total de l’assemblage archéoentomologique de la maison 4, en excluant la faune d’arrière-plan. L’assemblage contient beaucoup de xylophages et ce sont les mêmes espèces que pour les deux autres maisons qu’on a identifiées, ce qui suggère que les Inuits préfèrent les branches d’épinettes mortes ou affaiblies et les brindilles, et cela pour toutes les phases d’occupation à l’étude.

1% 1% 2% 1% 5%

Plans d'eau Litière et mousse 15% Bois Excréments Végétation 56% Champignons Terrains dégagés 19% Charogne

Figure 23. Pourcentage pour chaque groupe écologique, maison 4.

Bien qu’en petite quantité, les insectes associés aux groupes de la végétation et des terrains ouverts sont plus variés et nombreux dans la maison 4 que pour les deux autres maisons, ce qui s’avère curieux. On ne peut pas attribuer cette particularité à un plus grand volume traité d’échantillon (ceci aurait pu augmenter les chances de rencontrer des espèces peu communes) puisqu’on a traité un volume total similaire de sédiments pour chaque maison : 12 L pour la maison 4, 13,25 L pour la maison 3 et 9 L pour la maison 5. La faune associée à la végétation comprend quelques spécimens de Notaris aethiops, qui vivent sur les quenouilles, et un seul spécimen de Byrrhus kirbyi, mais leur présence est peut-être intrusive. Altica tombacina (figure 24), d’un autre côté, est une chrysomèle dont l’hôte principal est

91

l’épilobe en épi. Cette plante est une espèce pionnière, c’est-à-dire qu’elle est une des premières à coloniser un site perturbé et elle a pu envahir rapidement la maison après son abandon. On sait, en revanche, que les Inuits consomment aussi la plante telle quelle et en thé et qu’ils s’en servent comme teinture décorative (Pigford et Zutter 2014). Ils sont peut-être responsables de la présence d’A. tombacina dans la maison 4.

Figure 24. À gauche : Pronotum et élytre gauche d’Altica tombacina. Photo O. Lalonde À droite : Spécimen d’Altica tombacina¸Photo SEM-UBC COL-30532.

Dans la maison 4, les taxons généralement associés aux espaces ouverts se limitent aux Carabidés. Deux espèces font une première apparition dans cette analyse : Stereocerus haematopus et Dicheirotrichus mannerheimi mannerheimi. Typiquement associées aux environnements secs, on ne trouve que très peu de ces insectes dans l’assemblage (un pour D. mannerheimi mannerheimi et deux pour S. haematopus), ce qui signifie qu’ils font probablement partie de la faune d’arrière-plan ou que leur présence dans les contextes à l’étude est accidentelle ou opportuniste. De plus, la documentation entomologique indique que ces deux espèces sont nocturnes et qu’elles se cachent durant le jour sous les roches et les feuilles, ce qui pourrait aussi expliquer leur présence dans la maison 4 (Larochelle et Larivière 2003).

92

En conclusion, on observe avec l’analyse de la maison 4 que la faune de cet assemblage est très similaire à celle des deux autres maisons et qu’elle représente un environnement humide et riche en litière forestière et en mousse, avec des traces d’occupation humaine provenant surtout des xylophages et des phytophages, des insectes associés à l’utilisation du bois et des plantes par les Inuits.

4.5. Retour sur l’analyse

L’analyse des données débute avec la création des groupes dans le but de simplifier la lecture des données et de leur donner une plus grande portée significative. On a pris la décision de les regrouper en fonction de leur écologie puisque l’environnement semblait l’élément prédominant dans l’assemblage. On a ainsi constitué plusieurs groupes : litière et mousse, plans d’eau, champignons, charogne, végétation, bois et excréments pour ensuite répartir les insectes dans le groupe qui représentait le mieux leur habitat.

Une fois les données archéoentomologiques regroupées, il devenait en principe possible d’interpréter la présence des insectes dans la maison inuite. Cependant, des obstacles à l’interprétation sont très tôt apparus : d’une part, les Inuits n’occupent les maisons semi-souterraines qu’une partie de l’année et d’autre part, l’environnement local est trop hostile et variable saisonnièrement pour permettre aux insectes de développer une relation durable avec les humains. Les poux et puces ont su surmonter cette difficulté en vivant en permanence sur l’hôte, mais les coléoptères qui vivent au sol, dans l’eau ou dans les plantes sont limités par leur cycle de vie et surtout par le processus de la diapause, une hibernation programmée dont l’interruption accidentelle est a priori mortelle chez les insectes. Cette technique de survie est un excellent exemple de la capacité des insectes à s’adapter à un environnement hostile, mais elle signifierait dans ce contexte que les insectes sont inactifs durant l’hiver au moment même où les humains occupent la maison. Il devenait donc important de se pencher sur les habitudes de vie des coléoptères du Labrador afin de déterminer comment ces derniers réagiraient à cette perturbation de l’environnement. En d’autres mots, les coléoptères peuvent-ils vivre avec l’humain en hiver dans une maison de tourbe au Labrador? Dans l’affirmative, comment explique-t-on la présence des autres insectes trouvés dans ces échantillons?

La documentation entomologique permet de constater qu’il existe une grande quantité d’insectes actifs durant l’hiver. On y révèle aussi que les insectes de l’Arctique font preuve d’opportunisme et s’adaptent à de nouvelles situations, l’équilibre étant précaire dans le nord. On envisage donc que les coléoptères puissent vivre dans la maison en hiver dans ces conditions sans développer nécessairement de lien de dépendance avec l’humain. Toutefois, la majorité des insectes présents dans ces échantillons a

93

vraisemblablement fréquenté le site en été. Cette hypothèse s’appuie sur les conditions dans lesquelles sont laissées les maisons après leur occupation et sur les préférences écologiques de certains insectes. Par exemple, en été, une fois la maison abandonnée, les murs composés de matière organique dégèlent et l’eau ruisselle sur le sol, ce qui pourrait fournir à de nombreuses espèces un environnement idéal à leur développement.

Des sites plus au sud (Double Mer Point et Great Caribou Island) ont confirmé la présence d’espèces ravageuses de biens entreposés dans des maisons, ce qui indiquerait que les Inuits y ont conservé des céréales ou d’autres produits de consommation. L’absence totale de ces insectes synanthropes durant la période de rapprochement entre les Européens et les Inuits est certainement surprenante et elle s’explique peut-être par une résistance des habitants du site à cette influence extérieure (Dussault et Bain 2013; Dusault et al. 2014; GAIA 2015, 2016, 2017).

Parmi les groupes écologiques formés, on remarque qu’une certaine quantité de taxons domine tous les contextes. Ces trois taxons sont des Staphylinidae : les Aleocharinae, Acidota quadrata et Eucnecosum brunnescens. L’écologie de ces coléoptères les places dans une catégorie de généralistes (ou dans ce cas-ci la faune d’arrière-plan) puisqu’ils sont très bien adaptés à diverses conditions présentes sur Dog Island. Par la suite, on a étudié les groupes écologiques des maisons 3, 4 et 5 afin de déterminer quels coléoptères permettent d’étudier les conditions de vie de l’humain dans la maison.

Cette analyse de la collection archéoentomologique a permis de confirmer qu’il est possible d’observer des traces anthropiques dans les assemblages grâce à certains taxons. Comme il était méthodologiquement difficile de comparer quantitativement les échantillons entre les maisons à cause de la méthode de prélèvement sur le terrain, on a décidé de concentrer les efforts sur les maisons en tant qu’ensemble et de procéder à une comparaison de ces grands assemblages archéoentomologiques. Les insectes font état de peu de différences entre les maisons : il aurait été possible de prétendre que les conditions de vie à l’intérieur de la maison étaient similaires dans les deux contextes, mais il en ressort plutôt qu’une telle comparaison ne permet pas d’obtenir de réponse à cette question. Bien qu’on puisse déceler des traces anthropiques dans la présence des insectes dans les contextes à l’étude, il s’agit d’activités humaines sans corrélation avec les conditions dans lesquelles vivaient les Inuits dans la maison de tourbe.

Les groupes écologiques correspondant aux plans d’eau et à la litière et mousse sont avant tout des témoins de phénomènes naturels liés à la modification du paysage par les Inuits. En effet, on a déterminé grâce au premier groupe écologique qu’un substrat humide était présent sur les lieux ainsi

94

que de l’eau probablement sous forme de rigoles et de flaques temporaires, et ce dans les trois maisons. Les insectes sont surtout actifs l’été mais l’humain avait bel et bien une influence sur l’environnement du site. Elle se manifeste le plus souvent dans la forme de la maison abandonnée, servant de basin dans lequel l’eau peut s’accumuler. Bien qu’intéressantes, ces observations ne permettent pas de parler de conditions de vie intérieure durant la période concernée, l’hiver.

Les coléoptères présents dans la litière et dans la mousse sont des insectes occupant une grande variété d’habitats par nature, pourvu qu’il y ait du substrat. Naturellement, cela signifie qu’ils ont une valeur interprétative assez faible. Cependant, une fraction de cette faune est fortement attirée par la mousse qu’on aurait pu introduire dans la maison comme matériau de revêtement du plancher ou pour matelasser les plateformes de couchage. La faune associée à ces activités est presque identique dans les trois maisons, ce qui indique que la pratique n’aurait pas changé d’une période à l’autre.

On associe les groupes écologiques des terrains dégagés, des champignons et des excréments à la faune naturelle. Les coléoptères fréquentant les endroits ouverts sont peu nombreux et se rapportent aux Carabidés, prédateurs nocturnes pouvant avoir cherché refuge sous les roches durant le jour. Certains sont actifs toute l’année et ont pu accéder à la maison l’hiver. Les coprophages sont associés aux tunnels de rongeurs et les mycétophages, se nourrissant de champignons, sont probablement attirés par les restes organiques moisissant lorsque l’humain quitte les lieux.

Les phytophages, xylophages et charognards indiquent que les Inuits ont peut-être introduit accidentellement des coléoptères ou exploité les sources de nourriture qui les attirent. Byrrhus kirbyi se nourrit de la camarine noire, une espèce identifiée comme aliment de consommation et comme plante médicinale grâce à des analyses archéobotaniques (Zutter 2012). Les espèces de scolyte collectées sont friandes de branches affaiblies ou mortes et de brindilles, matériaux probablement utilisés pour tapisser les planchers et les plateformes de couchage. Finalement, les spécimens de Catops sont typiquement des charognards. On les observe dans les contextes de plateformes de couchage dans lesquels on a aussi retrouvé des plumes et du cuir, ce qui appuie l’utilisation de ces matériaux comme literie. Il reste cependant à déterminer si c’est l’hiver durant l’occupation de la maison ou l’été alors qu’on laisse une partie de la literie sur place que les insectes viennent s’en nourrir, les deux hypothèses demeurant réalistes.

95

Conclusion

Cette recherche a pour objectif de comparer la faune archéoentomologique de maisons hivernales inuites du Labrador datant d’époques différentes, ce qu’on formule ainsi: est-il possible d’observer des différences dans les conditions de vie des Inuits à l’intérieur des maisons hivernales d’une époque à l’autre en étudiant les restes d’insectes? Cette période entre la deuxième moitié du 17e siècle et le milieu du 19e siècle est le sujet d’une multitude d’études depuis les années 1970 et l’archéologie environnementale s’implique depuis le début du 21e siècle. Le site d’Oakes Bay 1, plus que les autres, fait l’objet de travaux sur ce sujet et le moment est opportun de mettre l’archéoentomologie à contribution. Les résultats de recherche permettent de tirer quelques conclusions, la première se résumant ainsi : les assemblages archéoentomologiques ne se prêtent pas très bien à l’étude des conditions de vie dans l’habitation hivernale inuite. Les résultats se dirigent dans une tout autre direction.

Bien que l’objectif principal porte sur la problématique des maisons unifamiliales et multifamiliales, c’est d’un point de vue méthodologique que cette recherche a le plus d’importance puisqu’elle consiste en un premier effort de cette envergure en archéoentomologie du Labrador. Avant elle, quelques analyses dans les domaines professionnel et académique ont fourni des corpus de données indispensables à l’archéoentomologie, mais il faut attendre les travaux de Dussault en 2011 pour trouver une contribution sur le sujet : il s’agit d’une étude sur les ectoparasites provenant d’un site inughuit situé dans le nord-ouest du Groenland. Quant aux contributions offertes par GAIA (2015, 2016, 2017), Dussault et Bain (2013), Böcher (1997) et Böcher et Fredskild (1993), elles ne s’attardent pas directement à l’aspect méthodologique de la question. Ce mémoire peut donc servir d’outil de référence à l’interprétation de la faune archéoentomologique des maisons inuites.

Il a été possible de pousser l’analyse au-delà de nos attentes grâce à l’excellent état de préservation des restes entomologiques, ce qui est de bon augure pour la recherche archéoentomologique au Labrador. De plus, la multitude de recherches environnementales portant sur les Inuits de la région de Nain a permis d’étayer les résultats. Les échantillons prélevés à l’extérieur du site sont essentiels à la compréhension de l’environnement du site et demeurent une option viable pour les recherches futures considérant leur richesse. Finalement, la bonne préservation des restes a permis le recensement de plusieurs insectes au Labrador. De nombreux taxons présents dans ces assemblages ne sont pas décrits à ce jour dans la région et la discipline de l’entomologie contribue à bonifier cet aspect.

96

Une autre contribution de ce projet à la recherche archéoentomologique est l’application du concept de groupe indicateur à la faune naturelle dans un environnement anthropique. Le concept de groupe indicateur s’utilise généralement dans des environnements urbains où la persistance des installations humaines permet à une faune synanthrope de se développer, ce qui ne s’applique pas aux maisons inuites. Il a pu être démontré que la faune présente dans de tels contextes est fondamentalement naturelle grâce à la création de groupes écologiques basés sur les préférences écologiques des insectes. Enfin, grâce à l’observation de la faune extérieure au site, il a pu être mis en évidence quelles espèces sont eurytopes, doncsusceptibles de supporter une variété importante de conditions environnementales, et lesquelles ont des préférences écologiques strictes.

À la suite de cet exercice minutieux, l’effort s’est porté sur la signature anthropique et naturelle des insectes de l’assemblagedans le but d’expliquer le processus de déposition des insectes dans les maisons. L’analyse des restes archéoentomologiques des maisons hivernales est un véritable casse-tête : la faune y est riche et variée et les réponses adaptatives de chaque espèce sont probablement aussi nombreuses qu’imprévisibles. Il en résulte qu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude comment se forme l’assemblage archéoentomologique : les insectes ont pu vivre l’été sur le site abandonné, survivre en hiver dans la maison d’une multitude de façons ou encore être introduits accidentellement par l’humain. Cependant, grâce à la taille des assemblages ainsi qu’à un examen minutieux de la documentation entomologique, cette analyse propose plusieurs hypothèses se rapprochant vraisemblablement de la réalité.

Ce qui a été fait et ce qui est à faire

Cette analyse pousse plus loin des observations déjà formulées par d’autres sous-disciplines de l’archéologie. Par exemple, on rapporte l’utilisation du bois sur les sites grâce à l’archéobotanique et à la fouille, mais certains insectes tels que Cryphalus ruficollis et Polygraphus rufipennis indiquent que les Inuits préfèrent les branches mortes et affaiblies des conifères ainsi que les brindilles. Certains phytophages comme Byrrhus kirbyi et Altica tombacina sont des indices d’utilisation de certaines plantes comme la camarine noire, ces plantes étudiées grâce à l’archéobotanique. La présence des charognards du genre Catops sur la plateforme de couchage suggère que les Inuits ont utilisé et abandonné des restes d’animaux à cet endroit, probablement sous la forme de peaux, de cuirs et de plumes. L’existence de restes fauniques durant la fouille a pu être relevée, mais à cause du cycle de vie des insectes, orienté vers l’été, on apprend grâce à cette analyse qu’ils ont vraisemblablement abandonné ces biens le printemps venu.

97

La corrélation entre la présence d’Helophorus arcticus en grande quantité dans la plupart des échantillons et une observation faite durant la fouille d’une maison hivernale ouvre la porte à l’apport essentiel des insectes à l’archéologie des sites inuits. La présence presque systématique d’H. arcticus dans les assemblages s’explique possiblement par l’existence de rigoles et de flaques d’eau temporaires observées dans une maison inuite en cours de fouille, lesquelles constituaient un environnement idéal pour ce coléoptère. Par extension, cette observation sert à rappeler que les insectes, même s’ils ont pu vivre dans la maison l’hiver, sont avant tout actifs l’été et leur présence dans les sédiments témoigne d’abord de l’état dans lequel les Inuits laissent les lieux après l’occupation de la maison. Cette conclusion s’étend au reste de l’assemblage à l’aide de la littérature entomologique afin de dresser un portrait non pas des conditions de vie à l’intérieur des maisons inuites, mais de l’environnement intérieur pendant le cycle annuel : durant l’occupation de la maison et après son abandon.

La compréhension de la maison hivernale inuite en tant que microenvironnement est meilleure et des avenues de recherche pertinentes se dessinent. On a déjà évoqué plus haut certaines pistes à suivre concernant d’abord la formation du site et la distribution spatiale des aires occupées. Puisque l’accent a été mis sur les conditions de vie humaines, la discussion n’a pas porté sur ces autres sujets, mais le potentiel est grand. Plusieurs analyses archéoentomologiques dans le domaine professionnel ont démontré la pertinence de l’étude de la distribution spatiale des restes d’insectes dans la maison. L’application des nouvelles considérations méthodologiques et interprétatives apportées par ce travail permettrait assurément de produire des résultats plus détaillés. Aussi, l’analyse n’avait pas comme objectif de distinguer les couches d’occupation d’une même maison entre elles, mais cette avenue est tout à fait envisageable. L’excellent état de préservation des couches archéologiques d’Oakes Bay 1 a certainement démontré la faisabilité d’un tel projet.

En plus des avenues énumérées plus haut, il existe une multitude de possibilités inexplorées dans cette recherche. Les archéoentomologistes gagneraient à étudier l’influence de l’humain sur le paysage naturel du Labrador du point de vue des insectes, les échantillons analysés faisant état de la richesse des sols même loin du site. Les dépotoirs, localisés à l’extérieur de la maison, sont un autre contexte jusqu’à présent inexploré. Cette recherche démontre clairement la domination de la faune naturelle dans la maison inuite : la faune entomologique des dépotoirs sera probablement aussi naturelle et dépourvue de traces d’activités humaines, mais cette hypothèse reste à confirmer et à explorer. En dernier lieu, les contextes récents associés au toit effondré ont été complètement laissés de côté pour cette analyse. L’empreinte naturelle étant plus forte que prévu initialement, il apparaît primordial de vérifier si les couches plus récentes portent des traces anthropiques et, dans l’affirmative, de quelle façon la présence

98

humaine a influencé la formation des couches d’occupation et des couches d’abandon. De plus, l’étude de sols provenant du toit effondré et d’accumulations naturelles est indispensable à une analyse de la formation du site.

En plus de l’apport des coléoptères à la recherche en archéoentomologie du Labrador, cette analyse met de l’avant deux autres avenues de recherche. On a volontairement écarté de l’analyse les diptères (mouches) et les acariens, mais la recherche a démontré leur pertinence maintes fois déjà et ils pourraient complémenter une étude du genre. Du côté de l’entomologie, on constate que la connaissance du Labrador est limitée et l’archéologie, discipline empruntant fréquemment aux autres domaines, a ici l’occasion de partager de nouvelles connaissances. Que ce soit grâce à l’observation de plusieurs espèces encore non répertoriées ou avec de nouvelles données sur l’écologie, il y a beaucoup de travail à faire dans cette direction.

En résumé, on a répondu à la question de recherche tout en découvrant des perspectives insoupçonnées pour l’archéoentomologie. Cette analyse des insectes occupant la maison inuite toute l’année a avant tout servi à ouvrir la porte à une multitude de questionnements et pourra servir de base à la réflexion pour les prochains efforts en archéoentomologie au Labrador.

99

Bibliographie

Arendt, B. 2010 Caribou to Cod : Moravian Missionary Influence on Inuit Subsistence Strategies. Historical Archaeology, 44(3) : 81-101.

Arnett Jr., R. H., et M. C. Thomas 2001 American Beetles, Volume l : , , , : . CRC Press, Boca Raton.

Arnett, Jr., R. H., M. C. Thomas, P. E. Skelley, et H. J. Frank 2002 American Beetles, Volume II, Polyphaga : through Curculionoidea. CRC Press, Boca Raton.

Auger, R. 1993 Late-18th and Early-19th Century Inuit and Europeans in Southern Labrador. Arctic 46(1) : 27-34.

Ascough, P., Cook, G., et A. Dugmore 2005 Methodological approaches to determining the marine radiocarbon reservoir effect. Progress in Physical Geography 29(4) : 532-547.

Bain, A. 1999 Archaeoentomological and Archaeoparasitological Reconstructions at Îlot Hunt (CeEt-110) : New Perspectives in Historical Archaeology (1850-1900). Thèse de doctorat non publiée, Faculté des études supérieures, Université Laval, Québec.

2000 Uivak Archaeoentomological Analysis. Rapport, Hunter College et Bowdoin College, Brunswick, Maine.

2001 Uivak Archaeoentomological – 2 Analysis. Rapport, Hunter College et Bowdoin College, Brunswick, Maine.

2004 Irritating Intimates : The Archaeoentomology of Lice, Fleas, and Bedbugs. Northeast Historical Archaeology, 33 : 81-90.

Ballée, W. 1998 Introduction. Dans Ballée, W. (éd.) Advances in Historical Ecology, Historical Ecology Series, Columbia University Press, New York, 1-10.

Banfield, A. W. F. 1974 The of Canada. University of Toronto Press, Toronto.

Barkham, S. H. 1977 The Basques : filling a gap in our history between Jacques Cartier and Champlain. The Canadian Cartographer 14 : 1-9.

1984 The Basque Whaling Establishments in Labrador 1536-1632 - A Summary. Arctic, 37(4) : 515-519.

100

1989 The Basque coast of Newfoundland. Great Northern Peninsula Development Corp., Plum Point, Terre-Neuve.

Bettinger, R. L. 1998 Culture, Human, and Historical Ecology in the Great Basin : Fifty Years of Ideas About Ten Thousand Years of Prehistory. Dans Ballée, W. (éd.), Advances in Historical Ecology, Historical Ecology Series, Columbia University Press, New York, 169-189.

Bird, J. 1945 Archaeology of the Hopedale Area, Labrador. Anthropological Papers of the American Museum of Natural History 39(2) : 121-186.

Böcher, J. 1988 The Coleoptera of Greenland. Meddelelser om Grønland, Bioscience, 26.

1997 History of the Greenland fauna with emphasis on living and fossil beetles. Dans Ashworth, A. C., P. C. Buckland, et J. P. Sadler (éds.), Studies in Quaternary Entomology – An Inordinate Fondness for Insects, Quaternary Proceedings No. 5, John Wiley & Sons Ltd., Chichester, 35-47.

Böcher, J., et B. Fredskild 1993 Plant and remains from the palaeo-Eskimo site on Qeqertasussuk, West Greenland. Meddelelser om Grønland, Geoscience 30.

Böcher, J., N. P. Kristensen, T. Pape, et L. Vilhelmsen 2015 The Greenland Entomofauna : An Identification Manual of Insects, Spiders and Their Allies. Éditions Brill, Leiden.

Borowiec, L. 2019 Agoliinus, Map [En ligne]. http://baza.biomap.pl/en/taxon/subgenus-agoliinus/photos_tx, consulté le 22 mai 2019.

Bousquet, Y., P. Bouchard, A. E. Davies et D. S. Sikes 2013 Checklist of beetles (Coleoptera) of Canada and Alaska. Revised Second Edition, Pensoft, Sofia.

Brice-Bennett, C. 1981 Two Opinions : Inuit and Moravian Missionaries in Labrador 1804–1860. Mémoire de maitrise, Département d’Anthropologie et d’Archéologie, Université Memorial de Terre-Neuve, St- John’s.

Bright, D. E. 1976 The Insects and Arachnids of Canada Part 2 : The Bark Beetles of Canada and Alaska. Coleoptera : Scolytidae. Minister of Supply and Services Canada, Ottawa.

Brinck, P. 1966 Animal invasion of Glacial and Late Glacial terrestrial environments in Scandinavia. Oikos 17 : 250-266.

Buckland, P. C. 1976 The use of insect remains in the interpretation of archaeological environments. Dans Davidson, D. A., et M. L. Shackley (éds.), Geoarchaeology : Earth Science and the Past, London Duckworth Publishers, Londres, 369-396.

101

1988 North Atlantic faunal connections – introduction or endemics? Entomologica Scandinavica 32 : 7-29.

Buckland, P. C., G. Sveinbjarnardóttir, D. Savory, T. H. McGovern, P. Skidmore, et C. Andreasen 1983 Norsemen at Nipáitsoq, Greenland : A palaeoecological investigation. Norwegian Archaeological Review 16(2) : 86-98.

Buckland, P. C., A. J. Gerrard, G. Larsen, D. W. Perry, D. R. Savory, et G. Sveinbjarnadóttir. 1986a Late Palaeoecology at Ketilsstadir in Myrdalur, South Iceland. Jökull 36 : 41-55.

Buckland, P. C., D. W. Perry, G. M. Gislason, et A. J. Dugmore 1986b The pre-landám fauna of Iceland : A palaeontological contribution. Boreas 15 : 173-184.

Buckland, P. C., et J. P. Sadler 1989 A Biogeography of the Human Flea, Pulex irritans L. (Siphonaptera : Pulicidae). Journal of Biogeography 16(2) : 115-120.

Buckland, P. C., J. P. Sadler, et G. Sveinbjarnadóttir 1992 Palaeoecological investigations at Reykholt, western Iceland. Dans Morris, C.D. et D.J. Rackham (éds.), Norseand Later Settlement and Subsistence in the North Atlantic, University of Glasgow, Glasgow, 149-167.

Buckland, P. C., K. J. Edwards, J. J. Blackford, A. J. Dugmore, J. P. Sadler, et G. Sveinbjarnardóttir 1995 A question of Landnám : Pollen, charcoal, and insect studies on Papey, eastern Iceland. Dans Butlin, R.A., et N. Roberts (éds.), Ecological Relations in Historical Times, Blackwell UK, Oxford, 245-354.

Buckland, P. C., P. I. Buckland, et P. Skidmore 1998 Insect remains from GUS : an interim report. Dans Arneborg, J., et H.C. Gulløv, (éds.), Man, Culture and Environment in Ancient Greenland, Dansk Polar Centre & Danish National Museum, Copenhague, 74-79.

Buckland, P. C., K. J. Edwards, E. Panagiotakopulu, et J. E. Schofield 2009 Palaeoecological and historical evidence for manuring and irrigation at Garðar (Igaliku), Norse Eastern Settlement, Greenland. The Holocene 19(105) : 105-166.

Buckland, P. I. 2000 An Introduction to Palaeoentomology in Archaeology and The BUGS Database Management System. Institutionen för arkeologi och samiska studier, Umeå University, Umeå.

Buckland, P. I., et P. C. Buckland 2017 Bugs Coleopteran Ecology Package (Versions : BugsCEP v7.64; Bugsdata v9.3; BugsMCR v2.02; BugStats v1.22) [Téléchargement] www.bugscep.com.

Campbell, J. M. 1979 A Revision of the Tachyporus Gravenhorst (Coleoptera : Staphylinidae) of North and Central America. Memoirs of the Entomological Society of Canada 111 : 1-95.

1982 A Revision of the North American Omaliinae (Coleoptera : Staphylinidae) : 3. The Genus Acidota Stephens. The Canadian Entomologist 114 : 1003-1029.

102

1983 A Revision of the North American Omaliinae (Coleoptera : Staphylinidae) : The Genus Olophrum Erichson. The Canadian Entomologist 115 : 577-622.

1984 A Revision of the North American Omaliinae (Coleoptera : Staphylinidae) : The Genera Erichson and Eucnecosum Reitter. The Canadian Entomologist 116 : 487-527.

1991 A Revision of the Genera Mycetoporus Mannerheim and Ischnosoma Stephens (Coleoptera : Staphylinidae : Tachyporinae) of North and Central America. Memoirs of the Entomological Society of Canada 156 : 1-169.

Centeno, N., M. Serrán, J. Gomez Otero et N. Weiler 2009 An Ancient Assemblage of Scavenger Insects in Patagonia (Argentina). Entomologica Americana 115(1) : 77-80.

Chepstow-Lusty, A. J., M. R. Frogley, B. S. Bauer, M. Leng, A. B. Cundy, K. P. Boessenkool, et A. Gioda 2007 Evaluating socioeconomic change in the Andes using oribatid mite abundances as indicators of domestic animal densities. Journal of Archaeological Science, 34 : 1178-1186.

Clark, S. M., D. G. LeDoux, T. N. Seeno, E. G. Riley, A. J. Gilbert, et J. M. Sullivan 2004 Host plants of leaf species occurring in the United States and Canada (Coleoptera: , , Chrysomelidae, excluding Bruchinae). Coleopterists Society, Publication spéciale no. 2.

Coope, G. R. 1970 Interpretations of Quaternary Insect Fossils. Annual Review of Entomology 15 : 97-120.

1978 Constancies of insect species versus inconstancy of Quaternary environments. Dans : Mounds, L.A., et N. Waloff (éds.), Diversity of insect faunas, Symposia of the Royal Entomological Society of London 9, Blackwell Scientific, Hoboken, 176-187.

Coope, G. R. et P. J. Osborne 1968 Report on the Coleopterous Fauna of the Roman Well at Barnsley. Transactions of the Bristol and Gloucestershire Archaeological Society 86 : 84-87.

Couture, A. 2014 Configuration de l’espace domestique des Inuits historiques du nord du Labrador pendant la période de contacts : Approches archéologique, micromorphologique et géochimique. Mémoire de maitrise non publié, Département de Géographie, Université Laval, Québec.

Couture, A., N. Bhiry, J. M. Woollett, et Y. Monette 2016a Géoarchéologie de maisons multifamiliales inuit de la période de contact au Labrador. Études/Inuit/Studies, 39(2) : 233-258.

Couture, A., N. Bhiry, Y. Monette, et J. M. Woollett 2016 b A geochemical analysis of 18th-century Inuit communal house floors in northern Labrador. Journal of Archaeological Science : Reports 6 : 71-81.

Crumley, C. L. 1994 Historical Ecology : A Multidimensional Ecological Orientation. Dans Crumley, C. L. (éd.), Historical Ecology : Cultural Knowledge and Changing Landscapes, School of American Research Advanced Seminar Press, Santa Fe, 1-16.

103

Danks, H. V. 1979 Characteristic modes of adaptation in the canadian insect fauna. The Memoirs of the Entomological Society of Canada, 111(S108) : 548-566.

Danks, H. V., et D. M. Rosenberg 1987 Aquatic insects of peatlands and marshes in Canada : Synthesis of information and identification of needs for research. Dans Rosenberg, D.M., et H. V. Danks (éds.), Aquatic Insects of Peatlands and Marshes in Canada, Memoirs of Entomological Society of Canada 140.

Dussault, F. 2011 Hygiène et considérations hygiéniques des Inughuits du nord-ouest du Groenland. Étude archéoentomologique des sites d’Iita, Cap Grinnell et Qaqaitsut au Groenland. Mémoire de maitrise non publié, Département des sciences historiques, Université Laval, Québec.

Dussault, F., et A. Bain 2013 Assessment of entomological remains from the North Island (FeAx-3) and Great Caribou Island (FbAv-13) sites, Labrador. Revue des Laboratoires d’Archéologie de l’Université Laval 1(2) : 131-142.

Dussault F., A. Bain, et G. LeMoine 2014 Early Thule Winter Houses : An Archaeoentomological Analysis. Arctic Anthropology 51(1) : 101-117.

Dussault, F., V. Forbes, et A. Bain 2014 Archaeoentomology at Tatsip Ataa : Evidence for the use of local resources and daily life in the Norse Eastern Settlement, Greenland. Journal of the North Atlantic Volume spécial 6 : 14–28.

Driver, H. E. 1968 Indians of North America. 2e éd., University of Chicago Press, Chicago.

Elias, S.A. 1994 Quaternary Insects and their Environments. Smithsonian Institution Press, Washington.

2007 Encyclopedia of Quaternary Science, Elsevier B.V., Amsterdam.

Environnement Canada 2018 Données des stations pour le calcul des normales climatiques au Canada de 1981 à 2010. [En ligne] http://climat.meteo.gc.ca/climate_normals/results_1981_2010_f.html?searchType=stnProv&l stProvince=&txtCentralLatMin=0&txtCentralLatSec=0&txtCentralLongMin=0&txtCentralLo ngSec=0&stnID=6787&dispBack=0&month1=0&month2=12, consulté le 22 février 2018.

Fields, M. 2016 Les stratégies d’exploitation des Inuits de l’archipel côtier du Labrador : une étude de cas du 18e siècle au site d’Ikkeghasarsuk. Mémoire de maitrise non publié, Département des sciences historiques, Université Laval, Québec.

Fitzhugh, W. 1977 Indian and Ekimo/Inuit settlement history in Labrador: An archaeological view. Dans Brice- Bennett, C. (éd.), Our footprints are everywhere: Inuit land use and occupancy in Labrador. Dollco Printing Ltd, Ottawa, 1-41.

104

1994 Staffe Island I and the northern Labrador Dorset-Thule succession. Dans Morrison, D., et J.-L. Pilon (éds.), Threads of Arctic Prehistory : Papers in honour of William E. Taylor, Jr., Archaeological Survey of Canada Mercury Series Paper No. 149, Canadian Museum of Civilization, Ottawa, 239-268.

Forbes, V. 2009 Les Modes et les conditions de vie des fermiers islandais au 20e siècle : Reconstitutions archéoentomologiques de la vie quotidienne sur la ferme de Vatnsfjörður. Mémoire de maitrise non publié, Département des sciences historiques, Université Laval, Québec.

2015 Duck fleas as evidence for eiderdown production on archaeological sites. Journal of Archaeological Science 61 : 105-111.

Forbes, V., et K. B. Milek 2013 Insects, activity areas and turf buildings’ interiors : An ethno-archaeoentomological case study from 19th- to early 20th-century Þverá, northeast-Iceland. Quaternary International 341: 195-215.

Forbes, V., A. Bain, G. A. Gisladóttir, et K. B. Milek 2010 Reconstructing aspects of the daily life in late 19th- and early 20th-century Iceland : Archaeoentomological analysis of the Vatnsfjörður Farm, NW Iceland. Archaeologica Islandica 8 : 77–110.

Forbes, V., F. Dussault, et A. Bain. 2013 Contributions of ectoparasite studies in archaeology with two examples from the North Atlantic region. International Journal of Paleopathology 3 :1-7.

2014 Archaeoentomological Research in the North Atlantic : Past, Present, and Future. Journal of the North Atlantic 26 : 1-24.

Forbes, V., K. Britton, et R. Knecht 2015 Preliminary archaeoentomological analyses of permafrost-preserved cultural layers from the pre-contact Yup’ik Eskimo site of Nunalleq, Alaska : implications, potential and methodological considerations. Environmental Archaeology 20(2) : 158-167.

Forman, R. T. T., et M. Godron 1986 Landscape ecology. John Wiley, New York.

Foury, Y. 2017 L’occupation du site hivernal inuit Oakes Bay 1 (HeCg-08), Labrador, Canada : Micromorphologie et zooarchéologie des dépotoirs. Mémoire de maitrise non publié, Département de géographie, Université Laval, Québec.

Freeman, M. M. R. 1978 Artic Ecosystems. Dans Sturtevant, W.C. (éd), Handbook of North American Indians volume 5 : Arctic, Smithsonian Institution Press, Washington, 36-48.

Friesen, T. M. 2010 Dynamic Inuit Social Strategies in Changing Environments : A Long-Term Perspective. Geografisk Tidsskrift-Danish Journal of Geography, 110(2) : 215-225.

105

GAIA, cooperative de travail en archéologie 2015 Assessment of insect remains from a communal house at the Double Mer Point site (GbBo-02), Labrador. Rapport d’analyse soumis à l’Université Memorial de Terre-Neuve.

2016 Analysis of entomological remains from two communal houses at the Double Mer Point site (GbBo-02), Labrador. Rapport d’analyse soumis à l’Université Memorial de Terre-Neuve.

2017 An Inuit sod house from the Pigeon Cove Site (FlBf-06), Sandwich Bay : Archaeoentomological analysis. Rapport d’analyse soumis à l’Université Memorial de Terre-Neuve.

Gordon, R. D., et P. E. Skelley 2007 A Monograph of the Aphodiini Inhabiting the United States and Canada. Memoirs of the American Entomological Institute, vol. 79.

Gouvernement du Canada 2016 Pêches et Océans Canada : Seal species. Canada [En ligne] http://www.dfo-mpo.gc.ca/fm-gp/seal- phoque/seal-species-eng.htm, Consulté le 26 février 2018.

Gouvernement de Terre-Neuve et Labrador 2018 Au sujet de Terre-Neuve et Labrador : Superficie du terrain. Canada [En ligne] https://www.gov.nl.ca/aboutnl/french/area.html, consulté le 22 février 2018.

Graham, E. 1998 Metaphor and Metamorphism : Some Thoughts on Environmental Metahistory. Dans Ballée, W. (éd.) Advances in Historical Ecology, Historical Ecology Series, Columbia University Press, New York, 119-140.

Gronnow, B. 1994 Qeqqertasussuk - The Archaeology of a Frozen Saqqaq Site in Disko Bugt, West Greenland. Dans Morrison, D., et J.-L. Pilon (éds.), Threads of the Arctic Prehistory : Papers in Honour of William E. Taylor Ir., Mercury Series, vol. 149, Canadian Museum of Civilization, Archaeological Survey of Canada, Gatineau, 197-238.

Haarløv, N. 1967 Arthropoda (Acarina, Diptera) from subfossil layers in west Greenland. Meddelelser om Grønland 184(3) : 1-17.

Hansen, J. P. H., J. Meldgaard, et J. Nordqvist 1991 The Greenland Mummies. British Museum Publications, Londres.

Hickman, C. J., L. Roberts, S. Keen, A. Larson, et D. Elsenhour 2012 Animal Diversity. 6e edition, McGraw-Hill Professional, New York.

Holtved, E. 1944 Archaeological investigations in the Thule district. Meddelelser om Grønland pt. 2.

Hopla, C E., L. A. Durden, et J. E. Keirans 1994 Ectoparasites and classification. Revue Scientifique et Technique- Office International des Epizooties 13(4) : 985-1017.

106

Huchet, J.-B. 2015 Ectoparasites de l’Homme : le regard de l’archéoentomologiste. Dans Collard, F., et É. Samama (éds.) Poux, puces, punaises, la vermine de l’homme : découverte, descriptions et traitements. Antiquité, Moyen Âge, Époque moderne, L’Harmattan, Paris, 45-60.

2016 Archéoentomologie et archéoparasitologie d’une momie égyptienne. Techné 44 : 79-83.

Huchet, J.-B., C. Callou, R. Lichtenberg, et F. Dunand 2013a The dog mummy, the ticks and the louse fly : Archaeological report of severe ectoparasitosis in Ancient Egypt. International Journal of Paleopathology, 3 : 165-175.

Huchet, J.-B., F. Le Mort, R. Rabinovich, S. Blau, H. Coqueugniot, et B. Arensburg 2013b Identification of dermestid pupal chambers on Southern Levant human bones : inference for reconstruction of Middle Bronze Age mortuary practices. Journal of Archaeological Science 40 : 3793-3803.

Jordan, R. 1977 Inuit occupation of the central Labrador coast since 1600 AD. Dans Brice-Bennett, C. (éd.), Our footprints are everywhere: Inuit land use and occupancy in Labrador. Dollco Printing Ltd, Ottawa, 43-58.

1978 Archaeological investigations of the Hamilton Inlet Labrador Eskimo : Social and economic responses to European contact. Arctic Anthropology 15(2) : 175-185.

Judd, S., et I. D. Hodskinson 1998 The biogeography and regional biodiversity of the British seed bugs (Hemiptera : Lygaeidae). Journal of Biogeography 25(2) : 227-249.

Kaplan, S. A. 1980 Neo-Eskimo Occupations of the Northern Labrador Coast. Arctic 33(3) : 646-658.

1983 Economic and Social Change in Labrador Neo-Eskimo Culture. Thèse doctorale non publiée, Bryn Mawr College, Bryn Mawr.

2012 Labrador Inuit Ingenuity and Ressourcefulness : Adapting to a Complex Environmental, Social, and Spiritual Environment. Dans Natcher, D. C., L. Felt et A. Procter. (éds.), Settlement, Subsistence, and Change Among the Labrador Inuit, The Nunatsiavummiut Experience, University of Manitoba Press, Winnipeg, 15-42.

Kaplan, S., and J. M. Woollett 2000 Challenges and choices : Exploring the interplay of climate, history, and culture on Canada’s Labrador coast. Arctic, Antarctic, and Alpine Research 32(2) : 351-359.

2002 Newfoundland and Labrador Archaeological Site Record Form for the fieldwork at the site of HeCg-08, July- August 2000. Manuscrit soumis à l’intention de la Provincial Archaeology Office, Terre-Neuve et Labrador.

Kenward, H. K. 1974 Methods for palaeo-entomology on site and in the laboratory. Science and Archaeology 13 : 16-24.

1975 Pitfalls in the environmental interpretation of insect death assemblages. Journal of Archaeological Science 2 : 85-94.

107

1976 Reconstructing ancient ecological conditions from insect remains : some problems and an experimental approach. Ecological Entomology 1 : 7-17.

1997 Synanthropic Decomposer Insects and the Size, Remoteness, and Longevity of Archaeological Occupation Sites : Applying Concepts from Biogeography to Past “Islands” of Human Occupation. Dans Ashworth, A. C., P. C. Buckland, et J. P. Sadler (éds.), Studies in Quaternary Entomology : An Inordinate Fondness for Insects, Quaternary Proceedings 5, Cambridge, 135–152.

2009 Northern Regional Review of Environmental Archaeology : invertebrates in archaeology in the North of England : environmental studies report. Archaeology data Service, York.

Kenward, H. K., et A. Hall 1997 Enhancing bioarchaeological interpretation using indicator groups : stable manure as a paradigm. Journal of Archaeological Science 24 : 663-673.

Kenward, H. K., et J. Carrott 2006 Insect species associations characterise past occupation sites. Journal of Archaeological Science 33 : 1452-1473.

Kenward, H. K., A. R. Hall, et A. K. G. Jones 1980 A tested set of techniques for the extraction of plant and animal macrofossils from waterlogged archaeological deposits. Science and Archaeology 22 : 3-15.

Kershaw G. P., P. A. Scott, et H. E. Welch 1996 The Shelter Characteristics of Traditional-Styled Inuit Snow Houses. Arctic 49(4) : 328-338.

Klimaszewski, J. D. Langor, G. Pelletier, C. Bourdon, et L. Perdereau 2011 Aleocharine Beetles (Coleoptera, Staphylinidae) of the Province of Newfoundland and Labrador, Canada. Pensoft Publishers, Sofia.

Korotyaev, B. A. 2008 A New Species of the Genus Lepyrus Germar (Coleoptera, Curculionidae) from Magadan Province. Entomological Review 88(3) : 370-374.

Larochelle, A., et M.-C. Larivière 2003 A Natural History of the Ground Beetles (Coleoptera Carabidae) of America north of Mexico). Pensoft Publishers, Sofia.

Lee, K. E., et T.G. Wood 1971 Termites and Soils. Taylor and Francis, Ltd, Oxfordshire.

Lennstrom, H. A., et C. A. Hastorf 1995 Interpretation in Context : Sampling and Analysis in Paleoethnobotany. American Antiquity 60(4) : 701-721.

Lewis, T. 1966 An Analysis of Components of Wind Affecting the Accumulation of Flying Insects Near Artificial Windbreaks. Annals of Applied Biology 58(3) : 365-370.

108

Lindroth, C. H. 1961 The Ground-Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska vol. 2. Lund Entomologiska Sällskapet, Lund.

1963 The Ground-Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska vol. 3. Lund Entomologiska Sällskapet, Lund.

1966 The Ground-Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska vol. 4. Lund Entomologiska Sällskapet, Lund.

1968 The Ground-Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska vol. 5. Lund Entomologiska Sällskapet, Lund.

1969 The Ground-Beetles (Carabidae, excl. Cicindelinae) of Canada and Alaska vol. 6. Lund Entomologiska Sällskapet, Lund.

Lyell, A. H. 1911 Appendix on the insect remains. Dans Ashby, T., A. E. Hudd, et F. King (éds.), Excavations at Caerwent, Monmouthshire on the site of a Romano-British city of Venta Silurum, in the years 1909 and 1910, Archaeologia 62(2) : 445-447.

Majka, C. G., et D. Langor 2010 Contributions towards an understanding of the (Coleoptera, Cryptophagidae) of Atlantic Canada. ZooKeys 35 : 13-35.

2011 The Byrrhidae (Coleoptera) of Atlantic Canada. Journal of Acadian Entomological Society 7 : 32-43.

Maxwell, M. 1985 Prehistory of the Eastern Arctic. Academic Press, New York.

McCartney, A. P. 1977 Thule Eskimo prehistory along northwestern Hudson Bay. Archaeological Survey of Canada No. 70. National Museums of Canada, Ottawa.

McCullough, K. M. 1989 The Ruin Islanders : Early Thule Culture Pioneers in the Eastern High Arctic. Canadian Museum of Civilization, Ottawa.

McGhee, R. 1970 Speculations on Climate Change and Thule Culture development. Folk 11/12 : 173-184.

1976 Paleoeskimo Occupations of Central and High Arctic Canada. Memoirs of the Society for American Archaeology, No. 31, Eastern Arctic Prehistory : Paleoeskimo Problems, American Antiquity, 15-39.

1996 Ancient People of the Arctic. UBC Press, Canadian Museum of Civilization, Vancouver.

2004 The last Imaginary Place : A Human History of the Arctic World. University of Chicago Press, Chicago.

109

Meades, S. J., S. G. Hay, et L. Brouillet 2000 Annotated Checklist of the Vascular Plants of Newfoundland and Labrador. Canada [En ligne], http://www.digitalnaturalhistory.com/meades.htm, consulté le 28 février 2018.

Mertz, G., Narayanan, S., et J. Helbig 1993 The freshwater transport of the Labrador Current. Atmosphere-Ocean 31(2) : 281-295.

Morgan, A. V. 1989 Late Pleistocene zoogeographic shifts and new collecting records for Helophorus arcticus Brown (Coleoptera : Hydrophilidae) in North America. Journal canadien de zoologie 67(5) : 1171-1179.

Morgan, A. V., et A. Morgan 1980 Beetle bits – The Science of Paleoentomology. Geoscience Canada 7(1) : 23-29.

Morgan, A V., A Morgan, et R. F. Miller 1984 Range extension and fossil occurrences of Holoboreaphilus nordenskioeldi (Mäklin) (Coleoptera : Staphylinidae) in North America. Canadian Journal of Zoology 62 : 463-467.

Morrison, D. 1989 Radiocarbon Dating Thule Culture. Arctic Anthropology 26(2) : 48-77.

1999 The Earliest Thule Migration. Canadian Journal of Archaeology / Journal Canadien d’Archéologie 22(2) : 139-156.

Morrow, J. J., D. A. Baldwin, L. Higley, D. Piombino-Mascali, et K. J. Reinhard 2015 Curatorial implications of Ophyra capensis (Order Diptera, Muscidae) pupariums recovered from the body of the Blessed Antonio Patrizi, Monticiano, Italy (Middle Ages). Journal of Forensic and Legal Medicine 36 : 81-83.

O’Connor, T., et J. G. Evans 2005 Environmental Archaeology, Principles and Methods. 2e édition, Sutton Publishing Limited, Stroud.

Panagiotakopulu, E. 2004 Dipterous remains and archaeological interpretation. Journal of Archaeological Science 31 : 1675-1684.

Panagiotakopulu, E., et P. C. Buckland 2013 Late Holocene environmental change in southwest Greenland : Fossil insect assemblages from Tasiusaq. Boreas 42 : 160-172.

Panagiotakopulu, E., M. T. Greenwood, et P. C. Buckland 2012 Insect fossils and irrigation in medieval Greenland. Geografiska Annaler : Series A, Physical Geography 94(4) : 531-548.

Panagiotakopulu, E., P. Skidmore, et P. C. Buckland 2007 Fossil insect evidence for the end of the Western Settlement in Norse Greenland. Naturwissenchaften 94 : 300-306.

Parmentier, S. 2010 Une nouvelle méthode d’estimation du Nombre Minimum d’Individus (NMI) par une approche allométrique : le NMI par exclusions. Thèse doctorale non publiée, Faculté de Médecine de Marseille, Université de la Méditerranée, Marseille.

110

Payette, S. et L. Rochefort 2001 Écologie des tourbières du Québec-Labrador. Les Presses de l’Université Laval, Québec.

Petersen, R. 1974-75 Some considerations concerning the Greenland longhouse. Folk 16-17 : 171-188.

Pigford, A.-A. E., et C. Zutter 2014 Reconstructing Historic Labrador Inuit Plant Use : An Exploratory Phytolith Analysis of Soapstone-Vessel Residues. Arctic Anthropology 51 (2) : 81-96.

Praetzellis, A. 2015 Archaeological Theory in a Nutshell. Left Coast Press Incorporated, Walnut Creek.

Rankin, L. 2009 An Archaeological View of the Thule/Inuit Occupation of Labrador. Memorial University, St-John’s.

2016 Identity markers : Interpreting sod-house occupation in Sandwich Bay, Labrador. Études/Inuit/Studies 39(1) : 91-116.

Rankin, L. K., et P. Ramsden. 2013 Thule Radiocarbon Chronology and Its Implications for Early Inuit-European Interaction in Labrador. Dans Lewis-Simpson, S. et P. E. Pope (éds.) Exploring Atlantic Transitions : Archaeologies of Transience and Permanence in New Found Lands, Boydell & Brewer, Incorporated, Suffolk, 299-309.

Reitz, E. J., et M. Shackley 2012 Environmental Archaeology. Springer US, New York.

Richling, B. 1993 Labrador’s “Communal House Phase” reconsidered. Arctic Anthropology 30(1) : 67-78.

Rousseau, M. 2009 Understanding the (in)efficiency of paraffin floatation for archaeoentomological work : methodological test, reasons, and implications. Mémoire de maitrise non publié, Département d’archéologie, Université de York, York, Royaume-Uni.

Roy, N. 2010 Évolution du paysage naturel et occupation humaine à Dog Island au nord du Labrador. Mémoire de maitrise non publié, Département de Géographie, Université Laval, Québec.

Roy N., N. Bhiry, et J. M. Woollett 2012 Environmental Change and Terrestrial Resource Use by Thule and Inuit of Labrador, Canada. Geoarchaeology : An International Journal 27 : 18-33.

Sadler, J. 1990 Beetles, boats and biogeography : insect invaders of the North Atlantic. Acta Archaeologica, 61: 199-211.

Savelle, J. M., et A. P. McCartney 1994 Thule Inuit Bowhead whaling : A biometrical analysis. Dans Morrison, D. et J.-L. Pilon (éds.), Threads of Arctic Prehistory : Papers in Honour of William E. Taylor Jr., Archaeological Survey of Canada Mercury Series No. 149, Canadian Museum of Civilization, Ottawa, 281-310.

111

Schledermann, P. 1971 The Thule tradition in northern Labrador. Thèse doctorale non publiée, Département d’Anthropologie et d’Archéologie, Université Memorial de Terre-Neuve, St-John’s.

1976a The effect of climatic/ecological changes on the style of Thule culture winter dwellings. Arctic and Alpine Research 8(1) : 37-47.

1976b Thule culture communal houses in Labrador. Arctic 29(1) : 27-37.

Skidmore, P. 1996 A dipterological perspective on the Holocene history of the North Atlantic. Thèse doctorale non publiée, Faculty of Arts and Humanities et Faculty of Science, University of Sheffield, Sheffield.

Smetana, A. 1985 Revision of the subfamily Helophorinae of the Nearctic region (Coleoptera Hydrophilidae). Memoirs of the Entomological Society of Canada 117.

Speight, M. C. D. 1973 A greased-belt technique for the extraction of from organic debris. Pedobiologia 13 : 99-106.

1974 Potential contributions to archaeology from remains, with special reference to insects. Dans Scott, B.G. (éd.), Perspectives in Irish Archaeology, présenté au 5e séminaire annuel de The Association of Young Irish Archaeologists, 24-34.

Spencer Entomological Collection 2019 Altica tombacina, Spencer Entomological Collection [En ligne] http://www.zoology.ubc.ca/entomology/main/Coleoptera/Chrysomelidae/Galerucinae/, consulté le 22 mai 2019.

Sponsel, L. E. 1998 The Historical Ecology of Thailand : Increasing Thresholds of Human Environmental Impact from Prehistory to the Present. Dans Ballée, W. (éd.) Advances in Historical Ecology, Historical Ecology Series, Columbia University Press, New York, 376-404.

Steward, J. H. 1955 Theory of culture change : The methodology of multilinear evolution. University of Illinois Press, Champaign.

Stopp, M. P. 2002 Reconsidering Inuit Presence in Southern Labrador. Etudes/Inuit/Studies 26(2) : 71-106.

Swinarton, L. E. 2008 Animals and the precontact Inuit of Labrador : An examination using faunal remains, space and myth. Mémoire de maitrise non publié, Département d’Anthropologie et d’Archéologie, Université Memorial de Terre-Neuve, St-John’s, Terre-Neuve et Labrador.

Taylor, J. G. 1974 Labrador Eskimo Settlements of the Early Contact Period. National Museum of Man, Publications in Ethnology 9, Ottawa.

112

thewcg.org 2019 Elaphrus lapponicus Gyllenhal, 1810 [En ligne] http://www.thewcg.org.uk/Carabidae/0546.htm, consulté le 22 mai 2019.

Trudel, F. 1978 Les Inuits du Labrador méridional face à l’exploitation canadienne et française des pêcheries (1700-1760). Revue d’histoire de l’Amérique française 31(4) : 481-499.

1980 Les relations entre les Français et les Inuit au Labrador Méridional, 1660-1760. Études/Inuit/Studies 4, 1-2 : 135-145.

Vaughan, R. 1991 Northwest Greenland : A History. 1st ed., University of Maine Press, Orono.

Vickers, K. 2006 The palaeoentomology of the North Atlantic islands. Thèse doctorale non publiée, Department of Archaeology, University of Sheffield, Royaume-Uni.

Vickers, K., J. Bending, P. C. Buckland, K. J. Edwards, S. S. Hansen, et G. Cook 2005 Toftanes : The palaeoecology of a Faroese Landnám farm. Human Ecology 33(5) : 685-710.

Wadhams, P. 2000 Ice in the ocean. Gordon and Breach Science Publishers, Amsterdam.

Waggoner, B., et B. R. Speer 1997 Introduction to the "Slime Molds". University of California [En ligne] http://www.ucmp.berkeley.edu/protista/slimemolds.html, consulté le 30 avril 2018.

White, R. E. 1983 A Field Guide to the Beetles of North America. Peterson Field Guides, New York.

Whitridge, P. J. 1999 The construction of social difference in a prehistoric Inuit whaling community. Thèse doctorale, Arizona State University, Tempe.

2008 Reimagining the Iglu : Modernity and the Challenge of the Eighteenth Century Labrador Inuit Winter House. Archaeologies 4(2) : 288-309. Williamson, T. 1997 From Sina to Sikujâ luk : Our Footprint. Mapping Inuit Environmental Knowledge in the Nain District of Northern Labrador. Labrador Inuit Association, Nain.

Woodward-Clyde Consultants 1980 Offshore Labrador Biological Studies, Physical shore-zone analysis of the Labrador coast. Petro-Canada.

Woollett, J. M. 1999 Living in the Narrows : Subsistence economy and culture change in Labrador Inuit society during the contact period. World Archaeology 30(3) : 370-387.

2003 An Historical Ecology of Labrador Inuit Culture Change. Thèse doctorale, Department of Anthropology, The Graduate Center, City University of New York, New York.

113

2005 Report of Archaeological Fieldwork Conducted at Oakes Bay 1 (HeCg08), Summer 2005. Rapport soumis au Museum of Newfoundland and Labrador, St-John’s.

2010 Oakes Bay 1 : A Preliminary Reconstruction of a Labrador Inuit Seal Hunting Economy in the Context of Climate Change. Danish Journal of Geography 110(2) : 245-259.

Zutter, C. 2009 Paleoethnobotanical Contributions to 18th century Inuit Economy : An Example from Uivak, Labrador. Journal of the North Atlantic Special Volume 1 : 23-32.

2012 The shrubs in the forest : The use of woody species by 18th-century Labrador Inuit. Etudes/Inuit/Studies 36(1) : 139-155.

114

Annexe A – Catalogue photo

Figure 25. Dyschirius hiemalis. Photo par O. Lalonde.

115

Figure 26. Pterostichus brevicornis (tête et élytres). Photo par O. Lalonde.

116

Figure 27. Helophorus sempervarians. Photo par O. Lalonde.

117

Figure 28. Olophrum boreale. Photo par O. Lalonde.

118

Figure 29. Olophrum rotundicolle. Photo par O. Lalonde.

119

Figure 30. Euaesthetus cf. americanus (tête et pronotum). Photo par O. Lalonde.

120

Figure 31. Holoboreaphilus nordenskioeldi. Photo par O. Lalonde.

121

Figure 32. Simplocaria metallica. Photo par O. Lalonde.

122

Figure 33. Polygraphus rufipennis. Photo par O. Lalonde.

123