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Biographie

13/08/1899 Naissance d’ à Londres.

1926 Séjour à la UFA. Il signe son premier fi lm comme réalisateur.

1939 Hitchcock se fi xe aux États-Unis.

1950 Il produit et anime la série de télé- vision Alfred Hitchcock presents.

29/04/1980 Alfred Hitchcock meurt à Los Angeles.

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1899 Naissance, le 13 août, d’Alfred qui jouera un rôle important dans la car- Joseph Hitch cock à Leytonstone (Londres). rière d’Hitchcock, Charles Laughton, futur Son père est William Hitchcock, né le 4 interprète de Jamaica Inn et The Paradine septembre 1862, sa mère Emma Jane Whe- Case, George Cukor, Irving Thalberg, Ja- lan, d’origine irlandaise. Le grand-père mes Cagney, Hal B. Wallis et Charles Ben- maternel du jeune Hitchcock appartient à nett qui sera l’un des scénaristes réguliers la police. Alfred Hitchcock est le troisième d’Hitchcock. et dernier enfant du couple, après William,  « Tout le monde est un peu “tordu”. Si né en 1890, et Eileen « Nellie », née le 14 l’on se penche sur le miroir, il y a toujours septembre 1892. William Hitchcock habite un refl et qui réfracte une cause. Mon père et tient un magasin de primeurs au 517 était un grand ner veux ; ma famille ado- High Road à Leytonstone, effec tuant par rait le théâtre. C’était, quand j’y pense, un ailleurs des ventes sur le marché de Covent petit groupe assez excentrique. J’ai profi té Garden. Alfred Hitchcock s’en souviendra de l’excentricité ; eux pas, voilà tout1.» sans doute lorsqu’il tournera Sabotage et Alfred Hitchcock Frenzy. La famille Hitchcock est catholique et va à l’église St. Francis de Stratford. 1900-1904 « Quand j’avais cinq Le 14 août, quelques heures seulement ans, un jour mon père me remit une note après la naissance d’Alfred Hitchcock, naî- que je devais donner à la station de po- tra Alma Reville, sa future femme. lice. Je l’apportai et je fus enfermé dans 1899 marque le début de la guerre des une cellule pendant dix minutes. Puis on Boers. C’est également l’année de la nais- m’ouvrit la cellule en me donnant cet aver- sance de Noel Coward, Sidney Bernstein, tissement : “Ton père a dit que tu étais un méchant garçon. C’est ce qui arrive aux méchants garçons !” Je me souviens en- core de cette expérience 2.»

1905 « J’étais ce qu’on appelle un en- fant sage. Dans les réunions familiales, je restais assis bien tranquille dans mon pe- tit coin, sans rien dire. Mais je regardais, j’observais, je stockais des images. C’est ressorti plus tard. J’ai toujours été comme ça, et je continue. J’étais le contraire d’ex- pansif ; je cachais bien ma petite excen- tricité personnelle. Très solitaire aussi. Je ne me souviens pas d’avoir eu jamais un compagnon de jeu. Je m’amusais tout seul, inventant mes jeux3.»

Alfred Hitchcock 1906 « J’étais un enfant curieux de tout. Une des choses que je voulais sa- voir c’était ce qu’il y avait au bout de la ligne d’autobus. Un jour pour savoir, je Ci-dessus : Le jeune Alfred Hitchcock et son père pris l’autobus jusqu’au terminus. Les lignes William, devant le magasin familial de Leytonstone.

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s’ar-rêtaient dans un grand hangar. C’était tout ce que je voulais savoir. J’étais aus- si très curieux à propos des bateaux ! Je pouvais toujours savoir à la sil houette d’un bateau lequel il était, son nom et sa ligne ! J’avais une carte du monde dans ma cham- bre avec des petits drapeaux qui représen- taient chaque bateau dans un océan. » Cela m’a beaucoup appris en géographie. Je consultais heure après heure le Registre Lloyd de navigation ! » Il y a des années, en tournant Une femme dispa raît, nous étions dans le Train Bleu, entre Cannes et Mar- Ci-dessus : Le collège St. Ignatius, à Stamford Hill. seille. Il y avait un bateau en mer. Je le vis et je dis : “C’est le Volcania.” Et c’était Whitechapel, le quartier où sévissait Jack lui. Je m’en souvenais encore…4 » « J’ai l’éventreur. toujours eu la manie des voyages imaginai- res. Quand j’avais sept ans, je demandais 1910 Le jeune Alfred Hitchcock est des sous à mon père pour prendre le train inscrit au collège St. Ignatius de Stamford jusqu’au terminus ; et là, je rêvais : qu’y Hill, un établissement dirigé par les Jésui- avait-il au-delà ? Plus tard, ma lecture fa- tes. Il y sera du 5 octobre 1910 au 25 juillet vorite fut les indicateurs de chemin de fer 1913. et les brochures de Cook. Et j’allais com-  « J’ai été pensionnaire très jeune. Je me cela de Moscou à Vladivostok. Encore revois sur la porte de l’institution la pla- aujourd’hui, je peux réciter tous les noms que noire et les lettres dorées : “Couvent de gares de l’Orient-Express5.» des fi dèles compagnons de Jésus”. C’était à Londres. Ma famille était catho lique. En 1907 La famille Hitchcock quitte le Angleterre, c’est une minorité. Pas tout à quartier de Leytonstone pour celui de Po- fait une excentricité, mais presque. Les plar. Il va à l’école des frères de Howrath. Jésuites… Là, je touche quelque chose de « En classe je travaillais bien. J’étais tou- pro-fond. La peur. C’est là qu’elle s’est for- jours deuxième ou troisième de la classe. tifi ée en moi. Peur morale : peur du mal, C’est beaucoup mieux que d’être premier. peur d’être associé à tout ce qui est “vi- Quand vous êtes pre mier les gens atten- lain” : je m’en suis toujours tenu à l’écart. dent trop de vous et puis la ten sion est Pourquoi ? Par peur physique, peut-être. trop grande ! Ils attendent que vous soyez J’avais la terreur des châtiments corpo- au sommet d’un bout à l’autre de votre rels. Cela fl attait en moi un certain sens vie6…» du drame. Il y avait la férule. Les Jésui-  C’est l’année où Rudyard Kipling reçoit 1. Interview d’Alfred Hitchcock par Georges Belmont, 1960. le prix Nobel et où Baden Powell fonde le 2. « Le dé d’Alfred Hitchcock » par J. van Cottom, in Ciné-Revue, mouvement scout. 23 février 1978. Alfred Hitchcock 3. Interview d’Alfred Hitchcock par Georges Belmont, op. cit. 4. « Le dé d’Alfred Hitchcock » par J. van Cottom, op. cit. 1908-1909 La famille Hitchcock 5. Interview d’Alfred Hitchcock par Georges Belmont, op. cit. quitte le quartier de Poplar pour celui 6. « Le dé d’Alfred Hitchcock » par J. van Cottom, op. cit. de Stepney. Elle est désormais proche de

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tes l’emploient encore, je crois. C’était en tous été intéres sés par le crime en tant caoutchouc très dur. On ne l’administrait que source littéraire8.» pas comme ça. Non. C’était une sen tence qu’on exécutait. On vous disait de passer 1913 Alfred Hitchcock quitte le col- chez un prêtre, à la fi n de la journée. Ce lège St. Ignatius. prêtre couchait solennellement votre nom  La Grande-Bretagne compte 3 500 sal- dans un registre, avec la mention du châti- les de cinéma ; il y en a 60 000 dans le ment. Tout le jour, en attendant le soir, on monde. vivait sous cette impression de condamna- tion à mort. Je revois les groupes devant 1914 Le jeune Hitchcock s’inscrit à la porte du prêtre, guettant la sortie du la School of Engineering and Navigation, cou pable, pour voir, à sa tête, comment il l’école des techniques de la navigation. Il avait pris ça. On aurait dit la foule, à la suit parallèlement des cours du soir à l’Uni- porte d’une prison, guettant l’écho du cou- versité de Londres. peret de la guillotine7.»  Le 12 décembre William Hitchcock, le  Mort du roi Edouard VII auquel succède père d’Al-fred, meurt. George V.  Début de la première Guerre mondiale.  Le docteur H. H. Crippen est pendu Premier bombardement de Londres le 4 pour le meurtre de sa femme. L’Angleterre octobre. se passionne pour cette affaire criminelle qui a vu Hawley Har vey Crippen empoison- 1915 Hitchcock est engagé dans la fa- ner son épouse Cora, la dépecer, la brûler brique de câbles Henley de W. T. Henley. Il et enterrer les morceaux calcinés du corps continue à suivre des cours du soir dans les dans le sous-sol de sa maison. Crip pen est domaines artistiques. ensuite parti pour les États-Unis à bord du  Le Lusitania est coulé. Les troupes bri- S.S.Monrose avec sa maîtresse, Ethel Le tanniques évacuent Gallipoli ; l’expédition Neve, déguisée en jeune garçon. Le cou- des Dardanelles est un échec. ple avait été arrêté en mer. L’histoire de ce médecin assassin a tou jours passionné Hitchcock qui s’en inspira à diverses repri- 1916-1917Contrairement à ses ses (Fenêtre sur cour, Sueurs froides au ci- vœux, Hitchcock n’est pas pris pour l’ar- néma, Back for Christmas à la télévision). mée. Il rallie alors le corps de volontaires  « On m’a souvent demandé “Pourquoi des Royal Engineers. avez-vous une prédilection pour le crime ?”  Il suit les cours du dessinateur E. J. Sul- et ma réponse a toujours été que le crime livan. est une chose typique ment anglaise. Les Anglais, pour différentes raisons, semblent 1918 Au cours de ces années Hitch- avoir des assassins plus bizarres que dans cock lit notam ment des œuvres de G. K. n’importe quel autre pays et par consé- Chesterton et d’Edgar Allan Poe. quent la lit térature a l’habitude d’abor-  L’armistice est signé le 11 novembre. Alfred Hitchcock der la fi ction criminelle à un haut niveau,  « Lorsque je travaillais à Londres, il y contrairement à l’Amérique où la littéra- avait un club social et une partie des ac- ture criminelle est considérée comme une tivités de ce club était de vous permettre lit térature de seconde catégorie. Si vous d’apprendre à danser – à valser ou à danser regardez Conan Doyle, Chesterton, ils ont autre chose. Je pense que j’avais à l’épo-

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que dix huit ou dix-neuf ans et un gentle- de l’engager. Il des-sine alors des esquisses man entre deux âges m’a appris à valser. pour The Sorrows of Satan, un projet qui Trois ou quatre ans plus tard, sa fi lle – Edith ne se concrétisera pas. Thompson – a non seulement été arrêtée en tant que meurtrière mais également 1920 Hitchcock dessine les esquisses pendue9.» destinées à illustrer les intertitres de The Great Day de Hugh Ford avec Arthur Bour- 1919 Au mois de juin, The Henley : So- chier, Mary Palfrey, Bertram Burleigh et cial Club Maga zine of the Henley Compa- Marjorie Hume. ny Ltd. publie dans son pre mier numéro  Hitchcock est offi ciellement engagé par une courte nouvelle d’Alfred Hitchcock, Famous Players–Lasky British Producers Gas. C’est l’histoire d’une femme qui vit Ltd. Il assure les dessins pour intertitres de des aventures terrifi antes dans le Paris du The Call of Youth, un autre fi lm de Hugh Grand Guignol alors qu’elle n’est en réalité Ford avec Mary Glynne, Ben Webster, Jack que chez le dentiste .» Hobbs et Marjorie Hume. Les deux fi lms  La même année la compagnie américai- sortiront aux États-Unis distribués par ne Famous Players–Lasky, souhaitant s’im- Para mount en 1921.  Hitchcock assiste à la représentation de la pièce de James M. Barrie Mary Rose au Haymarket de Londres. Il espérera tou- jours, mais sans y parvenir, en faire une adaptation cinématographique. Lors-qu’il tournera Vertigo, il demandera à Bernard Herr-mann de s’inspirer partiellement de la musique de scène de Mary Rose dont il lui a fourni la partition.

7. Interview d’Alfred Hitchcock par Georges Belmont, op. cit. 8. In The Men who made the Movies de Richard Schickel, Athenum, New Ci-dessus : Alfred Hitchcock dirige son second lm, The Mountain Eagle, en York, 1975. 1925. À ses côtés, Alma Reville, sa future femme. 9. Ibid. 10. On en trouvera le texte intégral in Hitchcock on Hitchcock de Sidney Gott- planter en Grande-Bretagne, transforme la lieb. University of California Press, Berkeley, 1995. centrale électrique ferroviaire d’Islington en un studio de cinéma comprenant deux plateaux et les facilités de tournage indis- 1921 Alors qu’Harold Boxhall est pensables. nommé directeur des studios d’Islington, Ci-dessus:Alfred Hitchcock dirige son se- Hitchcock continue à être dessinateur d’in- cond fi lm, The Mountain Eagle, en 1925. À tertitres. C’est aussi le moment où Famous Alfred Hitchcock ses côtés, Alma Reville, sa future femme. Players – Lasky British Producers Ltd., peu  Hitchcock pense avec raison que ce nou- confi ant dans la qualité de la majeure par- veau studio n’ayant sans doute pas encore tie des cinéastes britanniques, fait appel à la totalité de son personnel est susceptible des metteurs en scène hollywoodiens, en

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particulier Donald Crisp qui, bien que né à fi lm sortira aux États-Unis sous le titre The Aberfeldy, en Écosse, était surtout connu Bonnie Briar Bush. pour sa collaboration avec David Wark  « J’ai toujours admiré la supériorité Griffi th et Paul Powell qui venait de réali- technique du fi lm américain. Lorsque j’ai ser Pollyanna avec Mary Pickford. eu un travail dans le studio, c’était le mo-  Hitchcock participe donc en tant que ment où ils faisaient venir tout le monde de dessina teur aux fi lms suivants : Hollywood. Lorsque vous poussiez la por- – The Princess of New York de Donald Crisp te, vous pouviez vous croire à Hollywood avec David Powell, Mary Glynne, Ivo Daw- parce que chacun – chefs opérateurs, met- son et Doro thy Fane. teurs en scène, acteurs et actrices – venait – Appearances de Donald Crisp avec David d’Hollywood. Et j’étais au département du Powell, Mary Glynne, Langhorne Burton et montage ou à celui du scénario. C’est là où Marjorie Hume. j’ai appris à écrire des scéna rios, grâce à – Dangerous Lies de Paul Powell avec David des scénaristes américains11. » Powell, Mary Glynne, Minna Gray et War- burton Gamble. 11. In « The Men who made the Movies », op. cit. – The Mystery Road de Paul Powell avec David Powell, Mary Glynne, Ruby Miller et 1922 Famous Players – Lasky British Percy Stan ding. Producers Ltd. continue à faire appel à des – Beside the Bonnie Brier Bush de Donald metteurs en scène hol lywoodiens et Hitch- Crisp avec Donald Crisp, Mary Glynne, Lan- cock va ainsi voir tourner John ghorne Bur ton et Alec Fraser. Ce dernier S. Robertson qui avait dirigé quelques mois plus tôt John Barrymore dans Dr. Jekyll and Alfred Hitchcock

Ci-dessus : Une visite au studio. On reconnaît Hitchcock ! 6

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Mr. Hyde et George Fitzmaurice qui avait et l’auteur de la pièce d’origine, la produc- déjà une quarantaine de fi lms à son actif. tion ne pouvait que se plier à ses désirs…  Hitchcock assure les dessins des inter- titres de : 1923 La compétence, les idées et le – Three Live Ghosts de George Fitzmaurice savoir-faire d’Hitchcock font désormais de avec Norman Kerry, Anna Q. Nillson, Ed- lui un collabora teur multiforme. Il participe mund Goulding et Clare Greet. ainsi à la production de Woman to Woman – Perpetua de John S. Robertson et Tom de Graham Cutts ; il en écrit le scénario Geraghty avec David Powell, Ann Forrest, et fait fonction d’assistant réalisateur, de Geoffrey Kerr et Frank Stanmore. décorateur et de monteur. Il travaille donc – The Man from Home de George Fitzmau- pour la première fois avec Graham Cutts, rice avec James Kirkwood, Norman Kerry, un ancien exploi tant devenu metteur en Anna Q. Nillson et Clifford Grey. scène. La script-girl du fi lm est Alma Re- – The Spanish Jade de John S. Robertson ville, la future femme d’Hitchcock. Woman et Tom Geraghty avec David Powell, Evelyn to Woman est également le premier fi lm Brent, Marc MacDermott et Charles de Ro- produit par dont le rôle sera chefort. très important dans la carrière britannique – Tell your Children de Donald Crisp avec d’Hitchcock. Les acteurs du fi lm sont Betty Doris Eaton, Walter Tennyson, Margaret Compson, Clive Brook et Josephine Earle. Halstan et War wick Ward.  Hitchcock est la même année scéna-  Hitchcock parfait sa connaissance de la riste, assistant réalisateur, décorateur et produc tion cinématographique au contact monteur de The White Shadow de Graham de cinéastes, de techniciens et d’acteurs Cutts avec , Clive Brook, américains. La compé tence qu’il acquiert Henry Victor, Olaf Hytten et Daisy Cam- va se manifester en deux occa sions cette pbell. Le fi lm sera distribué en 1924. Il même année. en sera de même pour The Prude’s Fall,  Hitchcock commence le tournage d’un égale ment de Graham Cutts avec Jane No- moyen métrage, Number Thirteen, aussi vak, Julanne Johnson, Warwick Ward et appelé Mrs. Pea body, avec Clare Greet . La par ticipation d’Hitchcock et Ernest Thesiger sur un scénario d’Anita est encore multiforme : il est scénariste, Ross. Faute de capitaux suffi sants, le fi lm décorateur et assistant réalisateur du fi lm, est inachevé. Rosenthal en était le chef tourné en 1923. opé rateur.  Hitchcock annonce quasi offi ciellement  Hitchcock participe au tournage d’Always son futur mariage avec Alma Reville. Née, tell your Wife mis en scène par Hugh Croise rappelons-le, le 14 août 1899, quelques avec Sey mour Hicks et Gertrude McCoy. heures seulement après Hitchcock, Alma Mais la produc tion du fi lm pose des pro- Reville a inter prété en 1918 le rôle de Me- blèmes et oppose Seymour Hicks à Hugh gan Lloyd George dans The Life Story of Croise. Hicks obtient le départ de Hugh David Lloyd George de Maurice Elvey aux Croise – on parlera avec euphémisme de « côtés de Norman Page et d’Ernest The- maladie » – et il semble que Hicks et Hit- siger. Fille du représentant londonien Alfred Hitchcock chcock aient achevé ensemble le fi lm qui d’une fi rme de dentelles de Nottingham, sortira en 1923. Seymour Hicks étant à la Alma Reville appartient à la « middle class fois le producteur, le principal interprète » anglaise. Elle avait été élevée dans une école privée pour jeunes fi lles et avait eu

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l’habitude d’aller régulièrement au cinéma ke, admirable interprète de Fritz Lang, avec sa mère. À l’âge de seize ans, elle Frank Stanmore, Rosa Valetti, Fritz Alberti avait intégré la salle de montage de la Lon- et Robert Scholz jouent dans le fi lm dont don Film Company parce que le titre allemand est Die Prinzessin und der – selon ses propres mots – « c’était le seul Geiger. Le fi lm retrace la vie aventureuse endroit où il était possible de travailler d’un jeune violoniste, Michael, qui bénéfi - sans avoir d’expérience ». À la suite du cie des leçons d’Adrian Levinski (Bernhard développement des studios britanniques, Goetzke) avant de s’éprendre de la prin- Alma Reville avait quitté la salle de mon- cesse Marie, fi ancée au grand-duc Paul. La tage pour devenir script-girl, tout en conti- fi n remet en présence les différents prota- nuant à s’intéresser au montage. gonistes du drame puisque Levinski, deve- nu un chef poli tique, a décidé d’attaquer 1924 Famous Players – Lasky juge le château du grand-duc. Michael rejoint que la qualité des fi lms britanniques est Marie, se bat en duel au sabre avec Paul insuffi sante pour justi fi er la continuation qu’il tue alors qu’il allait trahir Marie. Mi- de sa succursale anglaise. La fi rme décide chael affronte ensuite Levinski toujours en en conséquence de se retirer des studios duel et retrouve d’Islington. – alors qu’on le croyait mort – Marie à la  Michael Balcon achète alors les studios fi n. Hit chcock est scénariste, assistant réa- d’Isling-ton et fonde avec Graham Cutts lisateur et déco rateur du fi lm. Il a parfois Gainsborough Pic tures. Le premier fi lm de été indiqué qu’il aurait lui-même réalisé la nouvelle compagnie sera The Passionate quelques scènes du fi lm après le départ de Adventure mis en scène par Graham Cutts Graham Cutts en galante compagnie. Ce avec Alice Joyce, Marjorie Daw, Clive Brook, qui est en tout cas évident c’est la qualité Lillian Hall-Davis et Victor McLaglen. Hitch- du fi lm. On remarque notamment une très cock en est le scénariste, l’assistant réali- curieuse séquence onirique au cours de la- sateur et le décorateur. Il est évident que quelle Michael monte un escalier géant au le jeune Hitchcock, âgé de vingt-cinq ans, sommet duquel se trouve Levinski, avan- est déjà l’un des membres impor tants de çant au milieu de fi gurants revêtus de longs . Il en profi te pour manteaux avec capuchon. Le décor d’Hit- étudier avec soin la manière de tourner chcock y est particulièrement original, de de Graham Cutts, que certains considèrent même que celui du château Lobanoff qui alors comme le meilleur cinéaste anglais domine la ville du moment. – il s’agirait d’un réaménagement du dé-  Comprenant que le cinéma britannique cor des Nibe lungen de Lang – et celui de souffre de son isolement économique, Mi- l’église à la fi n. Spec taculaire, The Blac- chael Balcon cherche à trouver des parte- kguard a visiblement bénéfi cié d’un budget naires extérieurs ; il s’as-socie avec Erich important, judicieusement utilisé. Quelle Pommer dont la carrière est jalon née de que soit la participation d’Hitchcock à la chefs-d’œuvre, du Cabinet du Dr Caligari réalisation du fi lm, il est sûr qu’il a été Alfred Hitchcock aux Trois Lumières, de Phantom au double ici confronté à la pro duction d’une œuvre Mabuse de Fritz Lang. C’est ainsi que The beaucoup plus ambitieuse que celles aux- Blackguard, réalisé par Gra ham Cutts, est quelles il avait collaboré précédemment. produit en Allemagne à Neuba belsberg.  Parallèlement, Hitchcock voit F. W. Mur- June Novak, Walter Rilla, Bernhard Goetz- nau tour ner Le Dernier des hommes et dé-

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couvre les secrets de fabrication du cinéma Garden, avec Virginia Valli et Carmelita Ge- allemand, expression niste ou réaliste, le raghty. Hitch cock racontera : « Balcon m’a plus grand cinéma européen de l’époque. demandé : Voulez- vous diriger un fi lm ? J’ai Il voit au travail les décorateurs Wal ter dit : L’idée ne m’en est pas venue. Je n’y Röhrig et Robert Herlth. En quelques mois, avais pas pensé. Je n’avais pas l’intention Hitchcock a pu voir au travail des cinéastes de devenir cinéaste. Ce fut une surprise américains à Londres (Donald Crisp, Paul pour moi. Balcon est l’homme qui est réel- Powell, John Robertson, George Fitzmau- lement responsable d’Hitchcock. Jusque-là rice) et assister sur place au tournage de je me conten tais d’écrire des scénarios et fi lms allemands. Cette double expérience de faire des esquisses. J’aimais beaucoup le marquera pour toujours. cela13.» sera distribué en Angleterre au début de  Hitchcock tournera deux fi lms au cours l’année 1925. de la même année, The Pleasure Garden  Hitchcock profi tera aussi de son séjour pendant l’été et The Mountain Eagle à en Alle magne pour retrouver ou découvrir l’automne, ce dernier avec Nita Naldi et les grands auteurs de contes et nouvelles, Bernard Goetzke. Les deux fi lms, copro- Hoffman, Grimm et Tieck. Il en conservera duits avec l’Allemagne, seront en partie le souvenir d’histoires courtes, denses et tournés aux studios Emelka, à Munich, dans lesquelles le fantastique, le bizarre et mais, curieusement, ils ne seront pas dis- le mystère tiennent une place de choix. tribués en Angleterre avant 1927.  Hitchcock déclarera lui-même à propos  Le cinéma anglais est d’ailleurs dans de son expérience allemande : « Ayant une situation tragique. À un point tel qu’un commencé à écrire, j’ai été au contact de des vénérables représentants de la Cham- l’industrie cinématographique allemande bre des lords a tristement pu constater : qui était la plus grande, encore plus grande, « Notre public préfère les fi lms amé ricains artistiquement parlant, que Hollywood. On aux nôtres 14. » La différence est en effet y tournait des fi lms comme les Nibelungen extrême entre le cinéma américain qui of- et les fi ms de Jannings. J’ai commencé à fre La Ruée vers l’or, La Grande Parade, être pro fondément infl uencé par eux. Mon Ben-Hur, Le Fan tôme de Lady Windermere, style a été infl uencé par les angles de prise Fiancées en folie, L’In-connu, Le Fantôme de vue allemands, leurs idées visuelles12. » de l’Opéra, La Veuve joyeuse et Le Monde perdu et son homologue britannique, géné- 1925 Graham Cutts tourne The Rat ralement dépourvu d’idées et de talents. avec , Mae Marsh et Isobel Les réalisateurs anglais manquent d’imagi- Jeans, d’après la pièce d’Ivor Novello et nation alors même que se fonde à Londres Constance Collier, mais il exige de ne plus la Film Society qui s’attache au contraire avoir Hitchcock comme collaborateur, sans au cinéma en tant qu’art authentique et à doute gêné par la présence de cet assistant part entière. Sidney Bernstein, Ivor Mon- trop doué, plein d’imagination et qui re- 12. In The Men who made the Movies, op. cit. présente déjà pour lui une nouvelle forme 13. In Who the Devil made it de Peter Bogdanovich, Alfred A. Knopf, de cinéma, opposée à la pesante cinéma- New York, 1997. Alfred Hitchcock tographie britannique. The Rat se tourne 14. In Alfred Hitchcock and the British Cinema de Tom Ryall. Athlone, Londres, 1986. donc sans Hitchcock et Michael Balcon en profi te pour confi er à Hitchcock la mise en scène d’un long métrage, The Pleasure

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tagu, Thorold Dickin son, Anthony Asquith, chercheront le plus souvent possible à re- Walter Mycroft, Angus McPhail, Iris Barry tourner à Saint-Moritz en souvenir. et Adrian Brunel comptent parmi les mem-  Alma Reville écrit en collaboration avec bres – fondateurs ou premiers – de la Film le scénario de The Constant Society. Hitchcock fait partie de ce groupe Nymph d’Adrian Brunel avec Ivor Novello, d’intel-lectuels passionnés par le cinéma Mabel Poulton et Mary Clare. Le fi lm sor- et qui s’interro-gent déjà sur son avenir. La tira en 1928. production britannique est parallèlement 1926 est l’une des pires années pour le ci- tombée à vingt-trois fi lms par opposition à néma britannique dont la part de marché la concurrence d’un cinéma hollywoodien se réduit à 5 % des entrées contre 25 % en artistiquement et économiquement tout- 1914. L’industrie ciné matographique est si- puissant. La profession britannique com- nistrée. Certains reprochent la toute-puis- mence déjà à travailler sur des projets de sance de la censure et de l’autocen-sure lois protectionnistes. qui ont abouti à supprimer toutes les in- trigues pouvant mettre en scène des su- 1926 Hitchcock réalise son troisième jets tabous. Le cinéma britannique, trop fi l m , The Lodger, qui ne sera distribué, lui souvent englué dans des adaptations théâ- aussi, qu’en 1927, avec Ivor Novello et June trales, délaisse régulièrement les petites Tripp. En mai il signe avec la British Na- classes sociales et notamment le monde tional Pictures de J. D. Williams dont les des ouvriers. Coupé de la réalité sociale, il studios sont à Elstree. s’est ainsi coupé de son propre public.  Le 2 décembre Hitchcock et Alma Re-  Un très curieux phénomène se produit ville se marient au Brompton Oratory qui en ce qui concerne Hitchcock dont, rappe- jouxte le Victo12 . In The Men who made the lons-le, aucun fi lm n’a encore été distribué. Movies, op. cit. ria and Albert Museum. Les projections corpora tives ou de presse Ils s’installent au 153 Cromwell Road, près de ses fi lms ont déjà attiré l’at-tention sur d’Ashburn Gardens. Leur voyage de noces lui. À titre d’exemple, le numéro du Bios- les conduira au Palace Hotel de Saint-Mo- cope en date du 6 juillet 1926 déclare que ritz. Par la suite, Hitchcock et sa femme The Lodger – que le public ne pourra voir que six mois plus tard – est « sans doute le meilleur fi lm anglais jamais réalisé ». Les idées et l’habileté dont témoigne le fi lm font déjà d’Hitchcock le « wonder boy » dont le cinéma anglais a tant besoin.  Il convient à ce sujet de signaler le rôle impor tant joué par Ivor Montagu. Né en 1904, Montagu, qui deviendra en 1926 le premier critique de cinéma de The Ob- server, aura un grand rôle dans les dé- buts d’Hitchcock. C’est lui qui confortera Alfred Hitchcock la confi ance mise par Michael Balcon en Hitchcock et c’est lui aussi qui conseillera Ci-dessus, de gauche à droite : Alfred Hitchcock, J. Hitchcock pour le montage de The Lodger, Grossman, Betty Balfour, J. Thorpe, le prince Aage, John Maxwell, Monty Banks et E. A. Dupont sur le plateau de sans jamais s’opposer brutalement à lui. Il Champagne. sera pour Hitchcock un conseiller précieux

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et un futur producteur associé (1934-36). vant les meilleures séances aux produc- Montagu rejoindra le Labour Party puis le tions américaines. parti communiste en 1931, distribuant par  Hitchcock passe tout naturellement de la suite des fi lms sovié tiques en Grande- la British National Pictures à la British In- Bretagne après avoir été l’ami et le colla- ternational Pictures. Il va y rencontrer – ou borateur de S. M. Eisenstein. Par opposition retrouver – E. A. Dupont et Arthur Robison, à la plupart des dirigeants des fi rmes pro- deux transfuges du cinéma alle mand. ductrices, plus intéressés par les recettes  À cette époque Hitchcock gagne 13 000 que par les recherches artistiques, Monta- livres par an, une somme jugée très im- gu fut un de ceux qui, comme Balcon et les portante. membres de la Film Society, considé raient le cinéma comme un art à part entière15. 1928 Sortie de trois fi lms d’Hitch- cock, The Ring (14 janvier), The Farmer’s 1927 C’est l’année qui va assurer d’un Wife (8 mars) et Cham pagne (9 août). Hit- coup la consécration d’Hitchcock. On voit chcock tourne en juillet et août The Manx- en effet sortir sur les écrans The Pleasure man qui sera distribué en 1929. Garden le 24 janvier, The Lodger le 14 fé-  Hitchcock achète pour 2 500 livres la vrier et The Mountain Eagle le 23 mai. maison Winter’s Grace à Shamley Green,  Hitchcock réalise par ailleurs Downhill, près de Guilford, à cinquante kilomètres qui sera distribué le 24 octobre, puis Easy au sud-ouest de Londres. Virtue et The Ring.  Alma Reville écrit le scénario d’After  John Maxwell fonde British International the Verdict, d’après l’œuvre de Robert Hi- Pictures et rachète les studios de British chens. Le fi lm est mis en scène par Henrik National Pictures à Elstree. La Gaumont Galeen avec Olga Tschechowa, Henry Vic- British Picture Corporation est créée la tor et Warwick Ward. Elle écrit également même année. avec Miles Mander et Ian Dalrymple celui  En décembre 1927, le Cinematograph de The First Born, réalisé par Miles Mander Film Act, en gestation depuis deux ans, im- avec Made leine Carroll, future interprète pose une élévation du quota de fi lms bri- d’Hitchcock, John Loder, Miles Mander et tanniques programmés dans les salles. De Naomi Jacobs. 5% le chiffre doit atteindre 20 % en 1936.  Naissance le 7 juillet de Patricia Alma Par ailleurs, 7,5 % des fi lms distribués doi- Hitchcock. « J’ai reçu une éducation typi- vent être d’origine britannique. Le block quement britannique. Je savais fort bien ce booking et les loca tions « blind sont pros- qu’on attendait de moi, et m’y conformais crits. Mais au lieu de susciter l’apparition généralement. Je ne devais jamais parler d’une production britannique de qua lité, la première, mais cela ne me gênait pas. ces mesures servent surtout à inonder le C’était le seul style de vie que je connais- mar ché de fi lms à petit budget et encore sais16. » plus petite ambition, vite surnommés « quota quickies ». Le fossé apparaît alors encore plus fl agrant entre la qualité de la Alfred Hitchcock production hollywoodienne et ces petits fi lms de série que les exploitants s’empres- sent de programmer aux mauvaises heures de la journée, notamment le matin, réser-

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Ci-dessus : Alfred Hitchcock fait passer un test à pour Blackmail, son premier lm parlant. 1930 Hitchcock participe à la réali- sation d’Elstree Calling, tourné à la gloire 1929 Sortie en novembre de Blackmail des studios d’Elstree par Adrian Brunel, qui est tout à la fois le dernier fi lm muet et met en scène Juno and the Pay-cock, et le premier fi lm par lant d’Alfred Hitch- d’après la pièce de Sean O’Casey. Le suc- cock. Hitchcock avait à ce sujet tourné un cès de ce dernier fi lm incite Hitchcock test sonore d’Anny Ondra dans lequel on et Sean O’Casey à envisager un nouveau le voit blaguant avec son interprète et lui projet, « Within the Gates » dont l’action tenant des propos volontairement riches se serait déroulée à Hyde Park. Le fi lm ne en sous-entendus… sera pas tourné.  Michael Powell, un des collaborateurs  Hitchcock réalise le court métrage An d’Hitch-cock sur le fi lm, écrit à propos de Elastic Affair. Il met en scène Murder !, ce dernier : « Hitch possédait une connais- également tourné en allemand sous le ti- sance tout à fait particulière de Londres. tre Mary. Pour ce qui était des Londoniens des cou-  Le 18 janvier, le feu ravage les studios ches populaires représentés dans notre Gainsbo rough d’Islington. fi lm, bou tiquiers, marchands de quatre-sai-  Certains attribuent par ailleurs à Hitch- sons, colporteurs, marchandes d’allumet- cock une part – pour l’instant invérifi able – Alfred Hitchcock tes, ouvriers de la confection, policiers, dans la réalisa tion de Harmony Heaven de détectives, reporters, indics, voleurs et Thomas Bentley, pro duit par British Inter- pick pockets, il ne cessait de m’enchanter national Pictures avec Polly Ward, Stuart par l’étendue de son savoir et l’acuité de Hall, Trilby Clark et Jack Raine. ses dons d’observation17. »

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Ci-dessus : Alfred Hitchcock dirige The Skin Game. 1931 Hitchcock réalise au début 1933 Sortie en janvier de Lord Cam- de l’année The Skin Game avec Edmund ber’s Ladies. Gwenn et Jill Esmond. À la fi n de l’année, il  Hitchcock met en scène Waltzes from effectuera en famille un voyage autour du Vienna avec Jessie Matthews, Esmond Kni- monde qui le conduira notamment auprès ght et Edmund Gwenn. d’une parente, en Afrique du Sud.  C’est également cette même année qu’Hitchcock travaille avec Alexander Kor- 1932 Hitchcock met en scène Rich da sur un projet qui ne se concrétisera pas, and Strange, avec Henry Kendall et Joan « Wings over the Jungle ». Alexander Kor- Barry, et Number Seventeen, son dernier da, qui avait fondé la Film l’année fi lm tourné pour British International Pic- précédente après une carrière commencée tures, avec Leon M. Lion et Anne Grey. en Hongrie et poursuivie en Autriche, aux  Hitchcock produit Lord Camber’s Ladies, États-Unis et en France, allait devenir l’un mis en scène par Benn W. Levy avec Ger- des plus brillants producteurs britanniques, trude Lawrence et Sir Gerald du Maurier. bousculant les habitudes et les conventions  Hitchcock souhaitait réaliser une adap- et obtenant avec The Private Life of Henry tation de London Wall de John van Druten VIII un premier triomphe. mais les dirigeants de British Internatio-  1933 est aussi l’année de la création du nal Pictures confi eront le projet à Thomas British Film Institute et du GPO (par John Alfred Hitchcock Bentley. Le fi lm sortira sous le titre After Grierson). Offi ce Hours avec Frank Lawton, Heather 17. In A Life in Movies de Michael Powell, Heinemann, Londres, Angel, Viola Lyel et Garry Marsh. 1986.

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MEP BAYARD.indd 13 21/09/2012 11:42:08 LORD CAMBER’S LADIES RÉALISATION : BENN W. LEVY.

SCÉNARIO : Benn W. Levy, Edwin Greenwood et GilbertWake- fi eld, d’après la pièce The Case of Lady Camber d’Horace Annesley Vachell. Photographie : James Wilson. Direction artistique : David Rawnsley. Assistant réalisateur : Frank Mills. Production : Alfred Hitchcock pour British International Pictures. 82 minutes. Tour- nage aux studios d’Elstree.

INTERPRÉTATION : Gerald du Maurier : le docteur Napier. Ger- trude Lawrence : Shirley Neville. Benita Hume : Janet King. Nigel Bruce : Lord Camber. Clare Greet : Peach. A. Bromley Davenport : Sir Bedford Slufter. Betty Norton : Hetty. Harold Meade : Ainley. Hugh E. Wright : le vieil homme. Hal Gordon : le régisseur. Molly Lamont : l’actrice.

Sujet : Lord Camber épouse Shirley Neville On retrouve par ailleurs dans la distribu- et décide de rompre durant douze mois tion trois acteurs de la fi lmographie d’Hit- avec sa maîtresse, Janet King. Les douze chcock : Nigel Bruce (Rebecca, Suspicion), mois passent. Janet est infi rmière pour Clare Greet (The Manxman, Murder !, Ja- enfants. Alors que Lady Camber est hos- maica Inn) et Benita Hume (Easy Virtue). pitalisée, Janet et Lord Camber se retrou- Hitchcock est producteur du fi lm et plutôt vent face à face. Ils se revoient au jardin. que de le réaliser lui-même, il confi e la Il harcèle Janet. Lady Camber s’étonne réalisation à Benn W. Levy, auteur de nom- que son mari téléphone à Janet. Elle parle breuses pièces de théâtre et metteur en à son mari avec la voix de Janet et com- scène de théâtre. Hitchcock connaît bien prend que quelque chose n’est pas clair… Benn W. Levy qui avait été le scénariste Lord et Lady Camber se disputent. Janet de Blackmail et espère peut-être profi ter arrive. Lady Camber se lève et s’écroule. de l’inexpérience cinématographique de L’un des médecins a vu Janet manipuler ce dernier pour contrôler complètement du poison. Il révèle à Lord Camber que sa le fi lm mais les deux hommes s’opposent femme a été empoisonnée. durant le tournage et le résultat est loin Lord Camber boit du poison et avoue le de porter la marque d’Hitchcock. Lord crime mais Janet a changé les verres. Lord Camber’s Ladies se réduit à un mélodra- Camber ne s’est pas empoisonné et Janet me criminel qui a tué Lady Camber ? – et est innocentée. Elle se consolera avec le passionnel. On notera surtout le moment médecin ! où Lady Camber se lève et s’écroule, tom-  bant presque sur la caméra, et la scène où Lord Camber et Janet se retrouvent sou- Tout semblait réuni pour assurer le succès dain face à face. Le fi lm fera l’objet d’un du fi lm : une pièce qui avait été un succès remake en 1948 sous le titre de The Story en 1915, la présence de deux comédiens of Shirley Yorke, réalisé par Maclean Ro- Alfred Hitchcock célèbres, Sir Gerald du Maurier, l’inter- gers avec Derek Farr, Beatrix Thomson, prète de Raffl es et de Bulldog Drummond Dinah Sheridan, Margaretta Scott et Bar- et fi ls de George du Maurier, et Gertrude bara Couper. Lawrence.

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 C. M. Woolf souhaite qu’Hitchcock – 1934 Hitchcock signe au mois de mai sur la lancée de Waltzes from Vienna sans avec Michael Balcon et la Gaumont Bri- doute ? – tourne la vie du compositeur Les- tish. lie Stuart, l’auteur de Florodora, mort en  De mars à mai il travaille au scénario de 1928. The Man who knew too much. Peu enthousiasmé, Hitchcock récusera le  Le tournage de The Man who knew too projet much commence le 29 mai avec Leslie Banks, Edna Best et Peter Lorre. 1936 Hitchcock tourne Sabotage  Road House, un mélodrame musical et avec Sylvia Sidney et Oscar Homolka, et criminel, fait partie des projets d’Hitch- Secret Agent avec Madeleine Carroll, John cock mais le fi lm sera réalisé par Maurice Gielgud et Peter Lorre. Elvey avec Violet Loraine, Gor don Harker,  Michael Balcon quitte la Gaumont Bri- ancien interprète d’Hitchcock, Aileen Mar- tish pour prendre la direction de la pro- son, Emlyn William et Stanley Holloway. duction de MGM British.  Mécontent de The Man who knew too  Hitchcock décline la proposition de much, C. M. Woolf, le patron de la Gau- prendre la présidence de l’ACTT, le syndi- mont British, décide de faire remonter le cat des techniciens du cinéma. fi lm par Maurice Elvey, le plus prolifi que metteur en scène de l’histoire du cinéma 1937 Sortie de Sabotage le 6 février. britannique. Hitchcock bénéfi cie heureu-  Hitchcock met en scène Young and In- sement de l’appui d’Ivor Montagu qui inter- nocent avec Derrick de Marney et Nova cède auprès de Michael Balcon pour sauver Pilbeam. Le tour nage commence au mois le fi lm, qu’il juge remarquable. Balcon ob- de mars. tient de Woolf que le fi lm bénéfi cie d’une  Il se rend à New York au mois d’août. Il sortie test. Woolf est persuadé que cette voyage avec Alma et Patricia sur le Queen sortie sera catastrophique et lui donnera Mary et loge à New York au St. Regis. Il est désormais les mains libres pour remanier de retour à Londres en septembre. le fi lm d’Hitchcock. Heureusement, l’in-  Hitchcock signe un contrat avec May- verse se produit ! fl ower Pic tures Corp. Ltd dont les respon-  Il a parfois été indiqué – sans que cela sables sont John Maxwell, Charles Laugh- ait pu être vérifi é – qu’Hitchcock apparaît ton, Erich Pommer et F. M. Guedalla. dans Radio Parade of 1935 mis en scène  Fermeture des studios de Gaumont Bri- par Arthur Woods. Produit par British In- tish de Shepherd Bush. La Gaumont British ternational Pictures, le fi lm est interprété ira à Isling ton puis à Pinewood. par Will Hay, Clifford Mollison, Helen Chan-  Hitchcock tourne désormais pour Gains- dler et diverses vedettes dans leur propre borough, Michael Balcon est passé à la rôle. MGM British et Charles Bennett, le scéna- riste d’Hitchcock, va être engagé par Uni- 1935 Hitchcock tourne du 11 janvier versal, à Hollywood. au 18 mars The 39 Steps avec Robert Donat  Hitchcock est de plus en plus tenté et Madeleine Carroll. par Holly wood. À cet effet il fait appel Alfred Hitchcock  Hitchcock engage comme secrétaire à Hamm, l’associé du bureau londonien Joan Mary Harrison qui sera par la suite sa de Myron Selznick, le frère de David O. scénariste et sa coproductrice. Selznick. La MGM British sou haite enga-

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ger Hitchcock mais ce dernier semble « PLUS DE CHOUX, MOINS DE ROIS » ne plus vouloir se lier à une compagnie britan nique. La Metro-Goldwyn-Mayer de « Les fabricants de fi lms ignorent totalement Hollywood lui offre 165 000 dollars pour cette couche sociale qui est d’une importance quatre fi lms à réaliser en deux ans puis vitale pour l’Angleterre, la classe moyenne. retire son offre, jugeant qu’en-gager Hit- Ils ignorent les gens qui prennent l’autobus au chcock n’est pas plus intéressant que de vol, les femmes qui s’entassent dans le métro, faire travailler les réalisateurs déjà sous les voyageurs de commerce, les journalistes, contrat dans la compagnie. La renommée les manucures, les compositeurs qui écrivent d’Hitchcock, considérable en Angleterre, des numéros de danse, l’employé de la Cité, est nettement moins grande à Hollywood, avec son match de rugby du samedi après- riche en cinéastes de talent, ce qui n’était midi, l’agent de change et son équipement de pas le cas de l’Angleterre. golf, la dactylo et son petit ami, les queues  Tournage au cours du quatrième tri- devant les cinémas, la foule des dancings, les mestre de The Lady Vanishes avec Michael gens dans les cars d’excursion, les types qui Redgrave, Mar garet Lockwood et Dame traînent dans les bistros, les secrétaires de May Whitty. clubs, les girls de music-hall, les docteurs, les vendeurs d’automobiles, les fl ics de la circula- 1938 Sortie en février de Young and tion ou les maîtres d’école. C’est en eux que Innocent. réside l’esprit de l’Angleterre.  Hitchcock tourne du 1er septembre à la Si dans ce pays notre seule source d’informa- mi-octobre Jamaica Inn avec Charles Lau- tion était le cinéma, nous en saurions davanta- ghton et Maureen O’Hara. Sortie en octo- ge sur la vie d’un Américain de classe moyenne bre de The Lady Vanishes. que sur celle du peuple anglais qui remplit nos  En juin et juillet, Hitchcock, Alma et trains et nos tramways aux heures de pointe. Patricia sont aux États-Unis. Partis de Si vous allez plus haut dans l’échelle sociale New York, ils rejoignent Hollywood où britannique, tout s’affadit. Le vernis de la ci- Hitchcock signe un contrat avec David O. vilisation est tellement épais chez les riches, Selznick le 14 juillet 18. Ce contrat, qui sti- que les qualités individuelles disparaissent. pule qu’Hitchcock sera payé 75 000 dollars Il n’y a rien à fi lmer, rien qui vaille la peine pour chaque fi lm, fait suite à divers événe- d’être porté à l’écran. Les intonations sont les ments. Au mois de février, Bob Kane, à la mêmes, les expressions se réduisent à zéro, les tête de la 20th Century-Fox, avait tenté de personnalités sont anéanties. Mais descendez mettre sous contrat Hitchcock. Le même dans ce monde beaucoup plus coloré de la mois, Selznick voyait Young and Innocent classe moyenne, observez les façons d’être, et com prenait que – contrairement à la les attitudes décontractées. Voilà enfi n des réaction de la MGM – Hitchcock n’était pas gens qui sourient et dont le sourire signifi e un réalisateur comme un autre. Au cours quelque chose. du printemps, Hitchcock avait offi cielle- Voilà des expressions qui viennent vite et sans ment demandé à Myron Selznick de le re- contraintes, un langage naturel, des émotions Alfred Hitchcock présenter. plus libres, un instinct plus aigu. Voilà un ma-  Hitchcock aura cette année deux pro- tériau idéal pour l’industrie du cinéma. » jets qui ne se concrétiseront pas : Empty Alfred Hitchcock World pour la com « More Cabbages, Fewer Kings: A Believer in the Little Man19. »

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