C’était le dimanche 26 NOVEMBRE 1944 vers 16 heures

que notre village fut libéré. 2

Quelques mots pour rappeler aux jeunes générations, qu’il n’y pas si longtemps, pendant la Seconde Guerre Mondiale de 1939-1945, beaucoup d’autres jeunes ont souffert et parfois même, y ont laissé leur vie pour nous sauver, nous délivrer de l’emprise nazie, et nous redonner notre Liberté ... 3 L’offensive américaine dans le pays de Nied en Novembre 1944

Après le franchissement de la , l’offensive américaine ne devait, selon les plans, ne subir aucun arrêt dans sa progression vers la Sarre.

La 95ème division qui était occupée à réduire les dernières poches de résistance à permettait au XXème corps de progresser et de poursuivre l’attaque. Le 21 novembre 1944, après les opérations de nettoyage de Metz, le Général TWADDLE demanda 4 jours de délai pour réorganiser et réadapter ses troupes. Les pertes en hommes et en matériels étaient lourdes.

Après la chute de Metz, la situation allemande était très obscure : la stratégie générale semblait qu’une fois Metz libérée, les allemands retireraient leurs forces mobiles à l’Est et que dans le but d’économiser des forces, il n’y aurait pas de résistance à l’Ouest de la Sarre. On estimait à 25.000 hommes l’effectif qui pouvait se trouver entre la Moselle et la Sarre et qui était susceptible de mener des actions de résistance.

L’analyse topographique de la région faisait apparaître la présence de deux rivières : la Nied française et la Nied allemande. Derrière ces rivières, se trouvent des collines menant à un plateau suivi d’une descente abrupte donnant sur le bassin de la Sarre. La majorité du terrain est découvert et cultivé avec de grandes zones de bois épars.

De plus, le réseau routier était en mauvais état et des ponts pouvaient être détruits ; ce qui rendrait difficile l’avancée américaine. Entre la Moselle et la Sarre se trouve la ligne Maginot qui, bien qu’orientée vers l’Est et l’Allemagne, pouvait provoquer une action de retardement.

Le 22 novembre, la 95ème compagnie de reconnaissance, appuyée par une compagnie du 778ème bataillon de chars reçut comme mission de reconnaître la région Est, d’examiner les ponts et de garder le contact avec l’ennemi. La mission fut menée avec succès et c’est ainsi que le pont de Bionville fut repris intact le 23 novembre. Les mines menaçant le pont furent désamorcées et le pont gardé. Le 24 novembre, c’est un autre pont qui fut repris à l’Ouest de Boulay par un peloton de reconnaissance et permit la progression jusqu’à Boulay malgré de nombreux blocages de routes.

Soldats Américains sur les hauteurs de Boulay 4 Ces patrouilles furent relevées par les bataillons d’infanterie dans la nuit du 24 au 25 novembre. Le Chef de corps décida que le déclenchement de l’attaque se ferait le 25 novembre à 7h30 en direction du Nord-Est de la Sarre avec pour mission la récupération des ponts.

Les objectifs fixés aux régiments étaient : 1) pour le 377ème régiment d’infanterie de franchir la Nied et d’occuper le bois d’ 2) pour le 378ème régiment d’infanterie de franchir la Nied et de conquérir le terrain élevé derrière .

Ces 2 régiments étaient renforcés par une compagnie de tanks, une de mortiers et une compagnie médicale. Le 379ème régiment d’infanterie resta en réserve pour un renfort dans n’ importe quel coin de la zone. Les troupes de la 90ème division avaient pour mission de tenir la rive Ouest de la Nied, au point de rencontre des 2 Nieds (allemande et française) et de soutenir au maximum l’attaque du 377ème régiment. L’artillerie, comme à son habitude appuierait les attaques par ses feux.

Au début de la progression de Metz vers la Sarre, l’opposition fut faible. La vitesse d’avancement était davantage déterminée par le temps, le terrain et le réseau routier en mauvais état que par l’action ennemie. Les 2 régiments débutèrent donc leur action le 25 novembre à 7h30, ils franchirent la Nied allemande et ne rencontrèrent qu’une très faible résistance ennemie. Avant la tombée de la nuit, les troupes avaient atteint la région de la ligne Maginot.

1) Le 1er bataillon du 377ème régiment, après avoir franchi la Nied, occupa Volmerange, puis un peu plus tard Brecklange.

Civils démontant les obstacles que les Allemands leur ont fait construire à Volmerange 5 Au Nord de ce village, la Nied avait débordée sur la route, provoquant des retards. Les véhicules du bataillon progressaient avec difficultés dans les terrains inondés. A 11h30, était pris. Au milieu de l’après-midi, le bataillon s’apprêtait à traverser 800m de terrain découvert afin d’atteindre la partie Nord du bois d’Ottonville, son objectif à atteindre. L’attaque fut menée par deux compagnies en formation tirailleurs ; l’une sur la droite et l’autre sur la gauche du bois. Une opposition ennemie provoquée par de tirs d’artillerie ainsi que de mortiers n’a pas suffit à faire échouer l’attaque. Vers 16h, la zone fut nettoyée et devant le Bataillon se trouvait Ottonville ainsi que les fortifications de la ligne Maginot.

Ce même matin du 25 novembre, le 2ème bataillon du 377ème régiment d’infanterie, plus au Sud, quitta ses positions en direction de Boulay. Malgré une apparente force défensive ennemie de Boulay, la ville était laissée presque sans défense par les allemands ; 2 ennemis furent tués et 2 autres capturés. A 9h30, le bataillon avait pris possession de la ville.

En poursuivant sa route en direction des bois d’Ottonville, la compagnie tomba sous un feu nourri d’artillerie et de mortiers. Le peloton à l’avant réussit à atteindre les bois, mais le reste de la compagnie fut retenu par les tirs. Les Allemands continuaient à faire feu sur les troupes et envoyaient des patrouilles pour les encercler. Il fut nécessaire de se retirer afin de se mettre à couvert en laissant le peloton d’avant-garde seul dans les bois et sans contact.

Le lendemain 26 novembre, le 3ème bataillon du 377ème régiment réussit une percée dans la force ennemie et reprit contact. Leur progression fut bloquée par un grand blockhaus. Des blindés furent envoyés à l’avant et leurs tirs se sont avérés efficaces. A l’intérieur du fort, on trouva 5 allemands morts. La progression se poursuivit jusqu’aux abords du bois. Tous les contacts entre les compagnies furent rétablis dans l’après-midi. Le bataillon tint cette position jusqu’au lendemain où il fut relevé.

2) Le 378ème régiment d’infanterie, au matin du 25 novembre à 7h30, s’est également mis en marche avec les 1er et 3ème de ses bataillons ; le 2ème bataillon s’était déplacé le 24 novembre pour assurer la relève des troupes ayant pris et tenu le pont de Bionville. Dans la nuit du 24 au 25 novembre, Bionville fut occupé puis Morlange et Bannay. En marche vers Halling, il ne subit aucune résistance, si ce n’est qu’un tir isolé de longue portée. Halling fut atteint vers 10h. Les troupes se dirigeaient alors vers Momerstroff. La tête de la compagnie essuya des tirs de mortiers, mais poursuivit rapidement sa route. Momerstroff atteint, le village fut nettoyé en faisant 12 prisonniers. Après une courte riposte, le terrain élevé au Nord de Momerstroff fut atteint vers 13h. Un prisonnier signala qu’un pont sur la rivière Mühlenbach à n’avait pas sauté et n’était donc pas détruit. Pendant la nuit, un peloton tenta de s’emparer du dit pont, mais de nombreuses tentatives allemandes furent entreprises cette nuit là afin de reprendre et faire sauter ce pont.

Le lendemain, le peloton fut attaqué par une troupe allemande d’environ 50 hommes, mais toutes ces attaques furent repoussées et le peloton garda le pont ainsi que sa position jusqu’à l’arrivée du gros des troupes de la compagnie. Après une résistance négligeable, le 1er bataillon du 378ème régiment, également en route depuis le 25 novembre au matin, atteignait Narbéfontaine vers 10h15. Le bataillon se mit en marche vers et essuya soudainement un feu nourri d’armes portatives de mortiers et de canons, provenant d’un point fortifié sur la colline le Johannisberg. 6 Le bataillon fut surpris et subit de nombreuses pertes dont le major Paul Huggins. Le capitaine du bataillon réussit à ouvrir un chemin jusqu’à Niedervisse qui fut occupé jusqu’à la tombée de la nuit. Le bilan au soir du 25 novembre faisait état d’une avancée rapide et ce malgré les conditions : ponts détruits par les allemands et inondations d’une grande partie du pays. La situation militaire s’améliorait au fur et à mesure que les troupes continuaient leur avancée sur les routes et réparait les ponts comme par exemple à Condé-Northen. Au soir du 25 novembre, avait été pris par la 80ème division, le contact était établi avec les troupes de reconnaissance du 42ème régiment de cavalerie à Hautes- Vigneulles et maintenu avec la 90ème division à .

Le 26 novembre au matin, les troupes des 377ème, 378ème et 379ème régiments d’infanterie reprirent leurs attaques. Un des objectifs du 377ème régiment était, entre autre, de rejoindre les 2 compagnies (A et B) restées dans les bois d’Ottonville. Une attaque coordonnée sur Ottonville avait été projetée, mais les inondations de la zone d’Eblange rendaient ce plan impossible. C’est donc une 3ème compagnie (C) qui partit de Roupeldange en direction des bois. Ce changement de plan présenta des difficultés. L’avancée de cette 3ème compagnie fut désorganisée par des tirs intensifs d’obus ennemis, créant une certaine confusion dans les troupes. Certains hommes retournèrent vers Boulay. La compagnie finit par rassembler ses forces quelque peu éparpillées et en fin d’après- midi lança finalement une attaque contre Ottonville. Après avoir passé la nuit à l’orée Nord des bois, le bataillon pénétra dans le village au matin.

Pendant cette même journée du 26 novembre, le 3ème bataillon du 377ème régiment d’infanterie progressait vers Téterchen. La zone à traverser était vallonnée, principalement à découvert et en plus les Allemands contrôlaient d’excellents points d’observation. Après avoir pris Ricrange, la 1ère compagnie (I) du 3ème bataillon affronta toute la journée des tirs de mortiers ennemis. Vers 16h, l’approche de Téterchen était faite et l’attaque finale obligea les Allemands à se retirer. A la tombée de la nuit, tout le bataillon entra à Téterchen. En soirée, la 3ème compagnie (K) du 3ème bataillon tenta de prendre , mais la résistance étant trop forte, il fut décidé de reporter l’attaque au lendemain.

Toujours ce même jour du 26 novembre, le 378ème régiment fait route vers Denting, où un peloton s’était emparé du pont la nuit précédente. Malgré une résistance ardue qui dura la journée, une compagnie pénétra dans le village et fit une trentaine de prisonniers. Chassant l’ennemi des bois, celui-ci se retira vers la ferme Saint Henri où après une nouvelle attaque 20 Allemands furent pris et 16 tués.

Le matin du 27 novembre, les 2 mêmes régiments (le 377ème et le 379ème) poursuivirent leurs attaques. La 2ème compagnie du 377ème régiment occupa dès 9h30 sans rencontrer de véritable opposition. Les troupes stationnées à Boulay et à Téterchen et montées sur des chasseurs de chars, roulèrent vers Velving, Valmunster et occupèrent sans aucune résistance.

A Téterchen, les villageois qui craignaient pour leur vie, se réfugièrent dans les caves voutées et s’y terrèrent pendant de longues journées et de longues nuits d’attente éprouvante. Dès les premiers tirs de l’artillerie US, la population, partagée entre angoisse et espoir, mais persuadée de sa libération imminente, s’écria : « les voilà, les voilà ! ». 7 Témoignage de Madame Annie Bergeron, dit « Annachen » :

« Chez nous, la maison était traversée par un long couloir qui allait de la rue au jardin. Quand les Américains sont arrivés, ils sont arrivés derrière la maison, et devant, il y avait encore 2 Allemands : un ancien et un plus jeune. Mon père leur a dit : «Il faut partir». Le plus vieux a répondu : «Je vais me rendre» et le jeune hésitait : «Si je me rends, ils vont fusiller mes parents» et l’ancien répondit : «Ils ne le sauront pas, on sera fait prisonniers et c’est tout!» Les Américains nous ont demandé s’il y avait des Allemands à la maison et on a répondu : «Non». Entre temps, les 2 Allemands s’étaient sauvés, ils s’étaient cachés. Ils avaient jeté toutes leurs affaires, leurs armes dans notre jardin. Mais le soir, les 2 Allemands sont redescendus, ils ont tapé au carreau de la fenêtre pour demander où était le quartier général : ils allaient se rendre.

Tous les Allemands qui se sauvaient, partaient vers le Bambesch. Une fois, les Allemands partis, les Américains se sont installés à Téterchen.

Soldat américain logeant chez la Famille Schneider

C’était l’hiver, il y en avait qui logeaient sous un toit chez nous et ils venaient à la maison pour se chauffer. Ils nous donnaient du chewing-gum et du gros chocolat. Pour leurs repas, ils avaient des boîtes de conserves dans des colis en carton. Le carton était en cire ; ils l’allumaient et ça leurs permettait de chauffer leur repas. C’était bien étudié !

Et puis, il a fallu apprendre l’américain ! Je me souviens du jour où un soldat est entré chez nous et a demandé à ma mère: «Have you cow ?» (Avez-vous une vache?). Elle a répondu : « ja». Dans notre dialecte, le platt, vache se dit «Koh», ça se ressemble. Et puis, il a dit «I like milk» ; Milk et milch, ça se ressemble aussi! Et elle lui a donné un bol de lait et il était content! Pour la remercier, il est venu avec une boîte de conserve «des pinapples». Nous, on ne comprenait rien. Alors, on a fini par ouvrir la boîte et pour la première fois, nous avons mangé des ananas, des ananas au sirop. C’était bon! Et c’est comme ça, que j’ai appris le mot «pinapple». » 8

C’est ainsi que Téterchen fut libéré.

Il suffit de se rendre au Cimetière Américain de Saint Avold devant ces dizaines de milliers de croix blanches (10.450 en tout) qui se dressent dans un dernier alignement impeccable pour se rendre compte et comprendre combien de personnes ont donné leur vie pour nous sauver. N’oublions jamais que c’est grâce à eux que nous vivons en Liberté depuis 70 ans.

Vincent Guillaume Un passionné d’Histoire locale

Téterchen, novembre 2014

Bibliographies: Ces notes historiques sont une juxtaposition de renseignements recueillis dans différents ouvrages. - Ninety-fifth Infantry Division History, 1918-1946 by George M.Fuermann - SHAN - Archives personnelles