MAGASINS DE SPORTS MONTAGNE & OUTDOOR CATALOGUE GRATUIT PARUTION EN AVRIL AUBERIVES-EN-ROYANS 04 76 36 02 67 LYON 04 37 24 22 23 MARSEILLE 04 91 48 78 18

Expédition « Vuvu 2010» en Papouasie Nouvelle-Guinée, Flo dans la galerie des gours, LikLik Vuvu, photo Jean-Paul Sounier. Jean-Paul photo Vuvu, LikLik dans la galerie des gours, Nouvelle-Guinée, Flo 2010» en Papouasie Vuvu Expédition « MONTPELLIER 04 67 58 47 69 NICE 04 93 55 25 84 SAINT-ÉTIENNE 04 77 49 03 14 EXPÉ | BP5 | 38680 AUBERIVES-EN-ROYANS | TEL. 0476360267 | www.expe.fr | e-mail: [email protected] Rester à notre place tout en alertant

Une fédération sportive a une mission de service Agréée en matière de protection du milieu souterrain, public qui consiste pour l’essentiel à rendre accessible au titre de l’article 40 de la loi du 10 juillet 1976 sur au plus grand nombre la pratique des activités qu’elle la protection de la nature, la FFS s’est également gère, en veillant principalement à la sécurité des rapprochée de grandes associations de protection pratiquants. de la nature et notamment de Nature Auteurs des clichés: Cependant, gérant des activités de pleine nature dans Environnement, dont elle est membre. en haut à gauche, à droite lesquelles l’environnement tient une place importante, Ce rôle d’alerte, d’interpellation des pouvoirs publics et au milieu: Nicolas Legrand; en bas à gauche: Bernard Tourte; pour ne pas dire essentielle, nous exerçons un droit et de la population est une mission importante que en bas à droite: Philippe Assailly. d’alerte écologique grâce à notre expertise sur ces nous devons poursuivre envers et contre tout, en Montage: Jean-François Hayet. milieux que nous explorons, étudions, protégeons et privilégiant comme nous l’avons toujours fait la RÉDACTION valorisons. concertation et l’échange. Rédacteur en chef: Philippe Drouin Président de la commission FFS Ce droit se trouve d’ailleurs renforcé, de fait, par les Certains jugeront que notre position est trop des publications: Claude Mouret volontés étatiques et ministérielles de nous voir frileuse et qu’il conviendrait de nous associer aux Directrice de la publication: Laurence Tanguille Correspondant du Comité directeur FFS : prendre en compte l’impact que nos activités peuvent organisations politiques qui dénoncent ces états Jacques Orsola avoir sur l’environnement. de fait et exigent la suspension des permissions Conseillers de la commission des publications: Jean-Claude d’Antoni-Nobécourt, Ce qui est vrai pour des activités sportives, dont les d’exploration actuellement délivrées et le gel des Philippe Audra, Didier Cailhol, Laurent Galmiche, Christophe Prévot, Christophe Tscherter répercussions apparaissent très relatives par rapport demandes en cours. Bruits de fond: Jean-Pierre Holvoet à d’autres activités, l’est bien plus encore lorsqu’il C’est oublier un peu vite que nous sommes une L’évènement: Claude Mouret Canyonisme: Marc Boureau s’agit d’activités économiques et industrielles avec fédération sportive et non un parti politique. Archéologie: Philippe Galant des enjeux financiers nettement plus importants. C’est même aller à l’encontre de notre rôle d’alerte. Paléontologie: Michel Philippe Manifestations annoncées: Marcel Meyssonnier Lorsque ces exploitations concernent directement nos D’autres considéreront que c’est une bataille perdue Illustrations en-têtes rubriques: François Genevrier milieux de pratique, comment ne pas être inquiets sur d’avance, comme celle du pot de terre contre le pot Lecture et rédaction: Philippe Drouin, Claude Mouret les répercussions possibles et les risques de pollution de fer. Relecture: Jean-Yves Bigot, Jacques Chabert, Philippe Drouin, Christophe Gauchon, qu’elles portent avec elles ? Nous croyons néanmoins, même si cela est difficile à Jean-Pierre Holvoet, Annick Menier, Le cas de l’exploitation des gaz de schiste tenir, que c’est en dialoguant, en expliquant, en faisant Claude Mouret, Jean Servières Secrétariat: Anne Adenis expérimentée aux États-Unis et au et dont reconnaître notre expertise du que nous ferons MAQUETTE, RÉALISATION, PUBLICITÉ plusieurs autorisations de prospection ont été le mieux avancer les questions liées à la protection Éditions GAP - 73190 Challes-les-Eaux accordées en France par l’administration, entre autres du monde souterrain. téléphone: 047972 67 85 fax: 047972 67 17 dans des régions hautement karstiques, nous incite Par le passé, nous sommes intervenus à de multiples e-mail: [email protected] à souhaiter – voire à exiger, mais sommes-nous en reprises auprès de différents ministères et même en www.gap-editions.fr mesure de le faire ? – que soit parfaitement précisé justice pour protéger des cavités menacées comme ADMINISTRATION ET SECRÉTARIAT DE RÉDACTION le cadre de ces expérimentations afin de préserver au la grotte du Calel dans le Tarn, nous nous sommes Fédération française de spéléologie maximum l’environnement où elles vont se réaliser. portés partie civile dans des affaires de vandalisme. 28, rue Delandine - 69002 Lyon téléphone: 0472560963 Notre expertise du milieu karstique souterrain nous Les succès que nous avons obtenus prouvent notre e-mail: [email protected] fait redouter d'éventuelles répercussions sur ce milieu détermination alliée à notre travail de sensibilisation, site internet: www.ffspeleo.fr et sur ses eaux souterraines. d’éducation et de veille. DÉPÔT LÉGAL: mars 2011 Numéro de commission paritaire: 064032 « La FFS a prouvé à de nombreuses reprises le rôle Nous pensons que ce sont nos meilleurs atouts pour TARIFS D’ABONNEMENT irremplaçable du spéléologue, véritable témoin du protéger efficacement le milieu souterrain et au-delà 22,50€ par an (4 numéros) Etrangers et hors métropole: 30,00€ par an monde souterrain, apte à s’y déplacer et à constater l’ensemble de nos milieux de pratique. Prix au numéro: 9,20€ franco de port les atteintes à son intégrité, voire à les réparer. Ceci ne doit évidemment pas empêcher chaque fédéré Imprimé en France sur Inapa oxygen gloss C’est une personne clé pour la connaissance des en qui sommeille un citoyen de s’impliquer comme (papier 60 % recyclé, 40 % FSC). L’encre utilisée est à base d’huile végétale. macro-circulations calcaires et la qualité des eaux » il l’entend pour défendre son environnement. L’imprimerie adopte une démarche (in Spelunca mémoires n° 23, 1997, « droit et environnementale progressiste validée Jean-Pierre HOLVOET par la certification Imprim’vert. spéléologie » page 43 par J.-P. Holvoet). Président adjoint de la FFS

Spelunca ...... 2 Un gouffre volcanique exceptionnel :

L’évènement ...... 3 le Doon Kinnimi (Tchad) ...... 36 Paul COURBON Échos des profondeurs France ...... 5

Échos des profondeurs étranger ...... 8 Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) ...... 41 Nadine DOUVRY L’écho des jeunes ...... 9 Eigerwandschlucht, l'estrecho L’opération OSÉE ...... 10 de la face nord de l’Eiger (Suisse) ...... 49 Spéléo-secours français Emmanuel BELUT

La grotte aux Mille diaclases (Vosges) ...... 23 L’éclairage à leds en spéléologie ...... 51 Éric PÉRY Jean-François BALACEY

L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 ...... 29 Karst et biodiversité en Papouasie occidentale Le coin des livres ...... 59 Guilhem MAISTRE, Hubert CAMUS, Bruits de fond ...... 62 Bruno FROMENTO et Laurent POUYAUD Galerie de la mémoire ...... 64 Les lecteurs de Spelunca IMPORTANT Les articles destinés à Spelunca sont à envoyer à : FFS - Spelunca 28, rue Delandine - 69002 Lyon [email protected]

Dates limites 2011 pour Spelunca Les nécessités actuelles ont conduit à redéfinir les dates limites qui doivent être respectées pour la date de réception ultime des documents à publier, afin que Spelunca sorte dans les délais. Les voici ci-dessous, Répartition du lectorat de Spelunca mais il faut prendre en compte aussi les remarques F: fédérés; NF: non fédérés; Fr: Français; Etr: Etrangers; EDS: Écoles départementales de spéléologie listées plus bas.

L'enquête diffusée avec le numéro 119 de Spelunca maintient une vitalité bien meilleure Fin de Fin de Spelunca (2e numéro de 2010), effectuée à que d'autres revues, mais… ceci est déjà une réception Fin de Devant de tous Bon la maquette notre initiative, nous a permis de bien mieux autre histoire. Numéro la pré- et envoi à sortir fin les articles, maquette à tirer connaître notre lectorat. Nos lecteurs nous ont également suggéré des notes et l'impression Tout d'abord, constatons que sur 7 404 pistes tout à fait intéressantes, dont nous autres fédérés, 1 562 (21 %) sont abonnés et payent vous ferons part dans un prochain numéro. 122 juin 11 mai 27 mai 9 juin 13 juin la revue, tout comme le font 484 clubs, ainsi Merci à vous tous. 123 sept. 10 août 31 août 9 sept. 15 sept. que 85 non fédérés, dont 26 étrangers. La proportion est donc de 18,4 fédérés Et ceux qui ne lisent pas ? 124 déc. 9 novembre 28 nov. 7 déc. 12 déc. abonnés pour 1 abonné non fédéré. Il y a en ou ne s'abonnent pas ? tout 2 131 abonnés payants. Il y a d'abord ceux qui ne lisent quasiment Ne payent pas ou participent à des échanges jamais, ou pas régulièrement. Certains d'entre Les dates limites s'appliquent aux articles déjà prévus au profit de la commission Documentation et eux lisent un numéro par-ci par-là, c'est pour le numéro concerné. Est appelé ici article un de la CREI : les 15 membres d'honneur de la fréquent aussi. Il y a aussi ceux qui n'ont pas document qui ne nécessite aucune autre correction que FFS, les 19 envois EDS, les 5 envois CTS, les « un besoin standard ». Certains fédérés, très quelques ajustements orthographiques mineurs. 72 exemplaires CREI, 30 envois divers (MJS, spécialisés dans leur type de pratique, Tout article prêt à envoyer pour un Spelunca futur doit dépôt légal…), soit 141 envois gratuits (6 % préfèrent – semble-t-il – lire une revue l'être le plus tôt possible (avec toutes les illustrations), des 2 272 envois). Ces chiffres sont ceux du hyperspécialisée ou rien. Des débats n° 119. échangés sur une liste Internet non FFS ont afin de permettre plusieurs allers-retours avec l'auteur En tout, 1 582 fédérés ou assimilés reçoivent révélé ce type de comportement. et avec l'ensemble de l'équipe rédactionnelle. personnellement la revue. En nous basant sur Et puis, il y a ceux qui ne peuvent ou ne veulent Il ne peut y avoir engagement de la rédaction à publier les résultats de l'enquête 2010, on peut dire, pas payer, pour diverses raisons, le plus immédiatement un document qui arrive, pour des aux incertitudes près, qu'entre les abonnés souvent très légitimes. Nous ne portons raisons évidentes. directs, les clubs, les EDS, etc., Spelunca est évidemment pas de jugement. lu par 4 123 fédérés non abonnés (famille et Consignes particulières amis). Le total des fédérés touchés par notre Concluons sur une note positive revue est donc de 6 208 (84 % des fédérés). Spelunca est beaucoup plus lu qu'on aurait pu Photographies et illustrations doivent être dûment Parmi les non fédérés français, il y a le penser et c'est une bonne nouvelle. En plus, légendées et les crédits photographiques indiqués. 59 abonnés directs et 1 742 autres lecteurs il existe encore des marges d'amélioration de Votre e-mail et votre numéro de téléphone opérationnel (1 801 lecteurs au total). la diffusion, bien appréciées par nos fédérés. doivent être indiqués sous le titre, afin de faciliter le Parmi nos amis étrangers, 26 d'entre eux Spelunca tient mieux le coup que nombre de travail de l'équipe rédactionnelle. reçoivent Spelunca personnellement et, avec revues. Toutefois, il est fondamental de Aucun article sous format pdf ne pourra être le résultat des échanges, on peut dire que, en prendre avec doigté, si l'on peut dire, l'impact accepté, s'il n'est pas accompagné des fichiers tout, 565 étrangers lisent notre revue. des évolutions des médias. Donnons à chaque équivalents en format utilisable (.doc, .xls, .jpg, etc.). Un numéro de Spelunca est donc lu par support, papier ou électronique, toute quelque 8 574 personnes, dont 93 % en l'audience qui lui revient. Merci pour votre Les souhaits particuliers des auteurs pour la mise en France. coopération. page ou les clichés doivent être clairement On voit qu'il y a des marges de progrès, mentionnés lors de l'envoi de l'article. Claude Mouret surtout vers l'étranger. En même temps, Président de la Commission des publications Claude Mouret

SPELUNCA Bulletin d’abonnement

Nom ...... Prénom ...... à photocopier Adresse ...... de préférence et à envoyer ......

à la Fédération ...... française de ...... spéléologie,

28, rue Delandine, Fédéré oui non ...... ci-joint règlement de ...... € 69002 Lyon, accompagné Abonnement: 23,00 € par an (4 numéros) de votre règlement Abonnement étrangers et hors métropole: 31,00 € par an - Prix au numéro: 9,20€ franco de port Pour l’abonnement groupé avec Karstologia, contactez la Fédération : [email protected] L’abonnement comprend quatre numéros : soit ceux suivant une demande en cours d’année, soit ceux de l’année civile à venir pour une demande renouvelée en même temps que la cotisation annuelle.

2 Traitement de l’actualité dans Spelunca - Spelunca 121 - 2011 Azerbaïdjan France Découverte de la plus vieille Haute-Savoie : la grotte de la mer de Glace menacée par la fonte du glacier mine de sel connue au monde Chaque année depuis 1946, les « grottus » creusent dans le glacier une grotte artificielle 6 500 ans : c'est l'âge des galeries reproduisant une habitation avec son mobilier, le tout fait de glace. Creuser est une tâche découvertes dans un diapir de sel de d'environ 4 à 5 mois, non empreinte de surprises : poches d'eau ou d'air, pierres éventuelles. la vallée de l'Araxe. Ces galeries se sont Le réchauffement climatique fait que le glacier rétrécit. Le front du glacier devrait perdre 600 à effondrées. Des pics et outils de pierre 900 m en vingt ans, en plus des 400 m déjà perdus ces derniers quatorze ans. ont été découverts dans les zones Information: la presse d'entrées. Information: les médias Préfiguration du parc naturel régional des Préalpes d’Azur M. Marc Daunis, président du Syndicat mixte de préfiguration du PNR des Préalpes d'Azur, sénateur-maire de Valbonne Sophia-Antipolis, a adressé ses vœux à la FFS et de chaleureux remerciements Espagne aux spéléologues, pour leur soutien continuel dans l’avancée du projet et leur participation Asturies : découverte constructive. Le projet de charte réalisé a reçu un bon accueil et un avis intermédiaire au Conseil d'un groupe de Néandertaliens national de protection de la nature (CNPN) et à la Fédération des PNR le 15 décembre 2010. dans la grotte d'El Sidron 2011 sera marquée par de nouvelles étapes et notamment par l’enquête publique à laquelle les Les restes osseux de douze spéléologues contribueront aussi. Néandertaliens, vieux de 49000 ans, D’après un courrier de M. Daunis à la FFS ont été découverts : 3 hommes, [email protected] 3 femmes, 3 adolescents et 3 jeunes enfants (!). Des liens de parenté ont été Val-de-Marne : une voiture dans un gouffre, à Maisons-Alfort prouvés pour les hommes, par l'étude Dans la nuit du 28 au 29 octobre 2010, un gouffre large de 30 m et profond de 5 m s'est formé de leur ADN. Les femmes provenaient dans une rue passante de Maisons-Alfort. Il a englouti un arbre et une voiture en stationnement. biologiquement d'autres familles. Ce soutirage serait dû à une cavité générée par une fuite de canalisation d'eau. Il n'y a pas eu Information Carles Lalueza-Fox, de victime. Université de Barcelone Information Jacques Chabert, La Lettre du Spéléo-club de Paris, n°289, novembre 2010

Cantabrie : première découverte de stromatolites dans une grotte Géorgie Des stromatolites viennent d'être Abkhazie, ouest du Caucase, chaîne de Gagra : gouffre de Sarma découverts pour la première fois dans L'expédition russe Arabica 2009 (du 16 août au 12 octobre 2010), composée d'une cinquantaine de une grotte, El Soplao, où ils couvrent personnes, était organisée sous l'égide de clubs sibériens, ceux de l'université fédérale sibérienne, plus d'un kilomètre pour une de Krasnoyarsk et d'Irkoutsk. Dans le gouffre de Sarma (–1543 m), un méandre de 500 m a été épaisseur décimétrique. Ils sont exploré à partir de –1300, ainsi que plusieurs autres méandres dans des parties moins assez semblables dans leur forme aux profondes de la cavité. Le potentiel de profondeur est comparable à celui du gouffre de stromatolites classiques formés sous Krubera. Une coloration a été effectuée, ainsi que des prélèvements d'eau. Des camps à grande les rayons du soleil. profondeur installés en vue des expéditions à venir. Ces dépôts se seraient faits dans une Information Paul Rudky rivière souterraine à faible courant, dans laquelle vivaient des « microbes » capables d'oxyder le manganèse. Hongrie Information Carlos Rossi et al, fin 2010 Tapolca: première à la grotte de Berger Karoly Deux salles quasi contiguës, l’une de États-Unis 30 x 23 m, l’autre de 30 x 25 m environ, Dakota du Sud, Wind : viennent d’être découvertes en chapeau ! post-siphon, au cours d’une première Wind Cave, la grotte du Vent, développe totalisant un kilomètre. Les étroitures sont actuellement 216 km. Un certain Jesse multiples et il y a 350 m de portage de Bingham l'a découverte en 1881, avec l’équipement de plongée. L’eau est à 21°C. son frère Tom… après des Amérindiens Aucun des lacs rencontrés n’est traversé par restés anonymes. L'anecdote veut un écoulement. Les spéléothèmes sont qu'un souffle violent issu de l'orifice abondants. L’exploration continue. étroit fît envoler son chapeau. Quelques Information Szilaj Rezso Curieuse concrétion. Cliché Sándor Horváth. jours plus tard, il revint avec des amis pour leur montrer le phénomène. Il lança alors son chapeau devant l’ouverture de Israël la cavité, mais à sa grande surprise, À l'est de Tel-Aviv : des dents humaines fort anciennes trouvées celui-ci fut happé par le trou. Le dans la grotte de Quesem puissant courant d’air s’était inversé Une fois de plus, une importante découverte archéologique a été faite dans une grotte de ce pays au et le chapeau ne fut jamais retrouvé. climat sec et conservateur des vestiges du passé : huit dents d'homme. L'interprétation première Information Jacques Chabert, La Lettre du récemment publiée par l'université de Tel-Aviv, celle de dents d'Homo sapiens pouvant avoir jusqu'à Spéléo-club de Paris, n°286, août 2010 400 000 ans est très controversée. D'abord, les niveaux sédimentaires qui contenaient ces dents

Spelunca 121 - 2011 - l’évènement 3 datent de 200 à 400 000 ans et l'attribution à une couche en particulier est incertaine. Ensuite, dans ces tranches d'âge, l'existence d'H. sapiens n'est pas prouvée. Même si des affinités existent entre les dents trouvées dans la grotte de Quesem et celles Karst de Ké-Bang : la très vaste des H. sapiens sapiens trouvées dans les grottes de Qafzeh et de Skhul, aussi en Israël, grotte de Hang Son Doong elles présentent que des ressemblances partielles avec des dents néandertaliennes. La presse et Internet se font largement Information: la presse l'écho de cette découverte faite par nos amis anglais, menés par Howard Limbert, qui explorent le karst de Nations Unies Ké-Bang depuis une quinzaine 2011 a été déclarée « Année internationale de la d'années. L'affaire n'est pas vraiment Chauve-souris » nouvelle et on en parlait déjà au L'UNEP, Programme des Nations Unies pour l’environnement, congrès de Kerville en 2009. Normal, (http://www.biodiversite2010.fr/L-annee-de-la-chauve-souris- car la découverte datait du printemps. est.html) a décidé de mobiliser la communauté internationale La question principale était : s'agit-il sur leur conservation, car elles participent à l’équilibre de là de la galerie la plus large au la planète, par exemple dans la lutte contre les rongeurs, monde? Peut-être, si on la compare l'éradication des parasites des semences ou la dispersion des à la grande galerie de Cave (gua graines. Sur les 1100 espèces de chauves-souris connues, près de la moitié Payau) à Mulu (Sarawak, Malaisie), est en danger d’extinction (déforestation, maladies, troubles divers). elle aussi explorée par les Anglais. En France, de nombreux événements, coordonnés par le MEDDLT (ministère de En 2009, il y avait eu arrêt au pied l'environnement…), auront lieu. Le thème retenu est : « Les chauves-souris sont des d'une paroi de calcite boueuse, voisins indispensables qu’il faut protéger chez soi, dans son jardin et dans son voisinage. haute de 60 m. En 2010, cet obstacle Le thème central sera la coexistence avec les chauves-souris ». a été vaincu après près de deux jours http://www.biodiversite2010.fr/L-annee-de-la-chauve-souris-est.html d'escalade à la perforatrice. L'entrée http://www.yearofthebat.org/ nord n'était plus très loin de là. http://www.plan-actions-chiropteres.fr/spip.php?page=actualites Hang Son Doong traverse de part Information: Edit Limagne en part un relief karstique, avec plus de 4 km de développement. La galerie est relativement rectiligne, et Plongée et fiction assez régulière en largeur : environ La nouvelle super-production en 3D de 90 m. En hauteur, elle atteint plus de James Cameron, Sanctum, un film réalisé par 180 m. Une rivière se perd dans Alister Grierson, est sortie en France fin février. l'entrée sud puis dans le sol de la L'intrigue se déroule en Papouasie Nouvelle-Guinée, dans un galerie. En saison des pluies, l'eau complexe de grottes inconnues qu'explore un groupe de spéléo monte haut dans presque toute la plongeurs. Une crue survient alors qu'ils se trouvent au plus galerie. profond des entrailles de la terre. Le scénario très hollywoodien Gigantesques aussi, deux puits, est peu imaginatif et parsemé de quelques invraisemblances. percent le plafond de la galerie et Les images spectaculaires à l'esthétique soignée ont été tournées l'inondent de lumière. La forêt dans de vraies grottes de l'hémisphère sud ou réalisées dans des tropicale pousse au bas. Les images décors reconstitués. Elles servent une histoire palpitante qui se publiées sont spectaculaires. déroule intégralement sous terre. Le côté extrême de la L'un des puits mesure au moins 90 m spéléologie d'exploration est mis en avant et ce film catastrophe d'ouverture, et environ 240 m de donnera une fois de plus une vision erronée de l'activité au grand public qui considère les profondeur. L'autre affiche environ spéléologues comme des casse-cou, inconscients des dangers qu'ils prennent. 150 m, au-dessus d'un éboulis haut D'après Arnaud Guyot et Jacques Chabert, de 260 m ! La Lettre du Spéléo-club de Paris, n° 293, mars 2011 S'agit-il vraiment de la plus vaste galerie connue au monde ? Que l'exploration continue ! Russie Information: discussions privées, sites Internet et la presse Montagnes de l'Altaï, sud de la Sibérie : découverte d'un groupe humain voisin des néandertaliens dans la grotte de Denisova La découverte dans cette grotte d'une phalange d'une main attribuée à une jeune fille, Ukraine puis la réalisation d'études génétiques sur l'ADN de cet os fait conclure, comme l'annonce Podolie : 40 ans la revue Nature en décembre 2010, à une lignée humaine intermédiaire entre les hommes d'exploration dans la grotte de Neandertal et l'Homo sapiens, mais significativement plus proche de Neandertal. d’Optimistˇceskaya et 232 km Les trois groupes auraient peut-être coexisté dans cette région, il y a quelque 40 000 ans. Après 40 ans d'exploration, cette Il y a d'autres interprétations. grotte creusée dans le gypse est L'ADN de cette nouvelle lignée humaine se retrouve en partie dans les génomes actuels des devenue la troisième plus longue Papous de Nouvelle-Guinée et de l'île Bougainville et seulement là. grotte connue et elle atteint 232 km Une dent appartenant à un autre individu a également été découverte. de développement. C'est pour l'instant peu de chose, mais les couches associées ont fourni des artefacts et laissent Pour comparaison, la plus longue, espérer plus de découvertes. Mammoth Cave, aux USA, La grotte couvre 270 m2 au sol et a livré aussi des paléofaunes. développe 627 km. Information: la presse et sites Internet, 2011 Information Paul Rudky

4 l’évènement - Spelunca 121 - 2011 France Hérault Grotte du Berdiau, siphon aval. Expédition Plonghérault Cliché Laurent Parmentelot. (de la bonne nouvelle) ou les tribulations Grotte d’un Éros véritable dans du Berdiau, siphon amont. les arcanes héraultaises Cliché Laurent Cela fait quelques années Parmentelot. que l’esprit d’aventure, le goût de l’exotisme, la folie de la jeunesse avaient orienté nos palmes affûtées vers d’autres contrées, parfois fort éloignées de notre doux foyer. Avec la quadrature et la nostalgie Le 24 juin 2007, parti plus léger nent avant de buter sur un colma- associée, voici l’histoire (en ouvert cette fois pour m’équi- tage d’argile. d’un petit retour aux sources, per/déséquiper plus aisément en La seconde est baignée par un lac, une série de petits plaisirs solitaire), je franchis le siphon alimenté par une brève galerie (1,8 PARTICIPANTS : autochtones que j’m’en vais « tranquillou », avec deux Nitrox en x 1,8 m) terminée par une étroiture Spéléo-club de Saint-Pons (34) : vous conter. relais et un dorsal d’air, en sévère, qui bloque l’accès à la Jean-Louis Barthès, Nicolas Brunet, 18 minutes. Il faut dire que le continuation entrevue. Qu’elle est Émilie Farré, Patrick Giro, Bastien et Laurent Parmentelot. Grotte du Berdiau niveau est descendu de 4 m depuis loin la silhouette filiforme de mes ASCO (34) : Alexandre Paradis. Riols la dernière fois (début mai), la visi- vertes années ! AMES (34) : Yves Besset, La grotte du Berdiau fut une bilité est supérieure à 10 m. La Au nord-est, la galerie bute rapide- Jean-Pierre Brieu, Thierry Garau, bergerie avant de devenir une première partie du siphon, topo- ment sur une zone fracturée entiè- Jean-Pierre Sierra, Michel Thieron. cavité-école. graphiée à nouveau à cette occa- rement colmatée par une puissante Spéléo-club de Béziers et des Avants- Le siphon aval fut plongé en 1966 sion afin de disposer de l’intégralité trémie de marbre blanc. monts (34) : Jacky Fauré, Paul Redon. Spéléo-club de Montpellier (34) : par Jean-Louis Vernette (GEPS), des données, a été ramenée de Un modeste affluent sera exploré Michel et Thierry Granier. l’amont puis l’aval en 1993 par les 200 m à 150 m effectifs. au retour, rapidement im pénétrable. Individuels : Ghislain Krizlzanowski, clubs parisiens GRESPA et SCP. Ce dernier totalise donc 282 m au Retour en levant la topographie Michel Plessier (Landru), lieu des 333 annoncés au sortir de et en furetant, sans plus de Frankadapthabile. Plongées dans le siphon amont l’immersion précédente. succès. Le siphon sera aussi revu Le premier mai 2007, le niveau Je profite de ces conditions favo- en détail. Plongée dans le siphon aval était plus haut de 3 m que la rables pour « zieuter » assidûment Au total, 312 m de première et une Samedi 13 septembre 2008, le normale. Il fallut dérouler 25 m de tous les recoins, dans l’espoir de jonction (fortement) espérée non Spéléo-club de Saint-Pons organise fil pour retrouver l’amorce de celui dénicher une continuation noyée aboutie. la plongée du siphon aval. en place. Il avait un peu souffert qui m’aurait échappé la fois précé- L’objectif visait à relier la grotte du Un premier siphon de 10 m émerge (coupé à trois endroits) mais avait dente. En vain. La suite se jouera Berdiau (1 800 m /–62 et +30 m) dans un haut méandre semi-noyé tenu le coup malgré tout. bien de l’autre côté du siphon, par au gouffre d’Euzèdes (5 000 m dont un prolongement aérien est Passé le terminus (150 m ; –40 à cette escalade de 4 m. environ / –170,5 m ) distant de occupé par une nuée de mous- l’étiage) à –29, après un point bas Une fois le siphon franchi, coup de 200 m à vol d’oiseau. tiques. Nul doute qu'une entrée est à –42 et des poussières, le siphon chance, le niveau, bien que beau- Le report topographique place les proche. amorce rapidement une remontée coup plus bas, correspond, côté deux cavités à moins de 50 m l’une La suite se trouve au sol, sous jusqu'à –11. Une galerie plus amont, à une petite margelle domi- de l’autre. Côté Berdiau, la portion l’eau. C’est un méandre noyé modeste se prolonge ensuite née par une arche. Pile poil ce qu’il la plus proche est un boyau noyé intime, qui descend en sinuant jusqu'à émerger (à 308 m du faut pour se déséquiper et assurer quasi impénétrable. Côté Euzèdes, dans l'argile jusqu'à –9 avant de départ) à la base d'une escalade le matériel. De la première de luxe c’est un laminoir très étroit. Bref, remonter dans un conduit plus de 4 m, prolongée par une jolie en quelque sorte. c’est pas la joie. propre jusqu'à une zone de galerie exondée de 2 x 2 m. Vêtu La première partie de l’escalade, La synthèse cartographique des ramifications à –3 : une seule est d’une combinaison étanche aux noyée récemment encore, est cavités du secteur est l’œuvre de pénétrable, elle émerge dans une bottillons fatigués, je préfère glissante. Par contre les quatre Michel Plessier, qui a réalisé un cloche borgne basse. remettre à une date ultérieure la derniers mètres, plus verticaux, magnifique travail de report et Des morceaux de planches en bois séance de varappe hypogée. sont en marbre blanc acéré. Pas d’illustration. et un fil en plastique attestent d'un Je remonte une cheminée dans le de problème d’adhérence, les Merci à tous les participants, et fonctionnement aval. siphon et un diverticule argileux, les semelles accrochent bien. Suit une tout particulièrement à Laurent et Pas de courant perçu lors de cette deux émergent dans des cloches jolie galerie immaculée confor- au Spéléo-club de Saint-Pons pour plongée en régime d’étiage. La borgnes. La topographie de la partie table, ponctuée de flaques, qui se l’organisation de ces plongées, et topographie est levée. explorée est levée lors du retour. mue en fracture sensiblement incli- la bonne ambiance interclub qui PARTICIPANTS : Nicolas Brunet, née avant de recouper perpendicu- règne à chaque fois. Plongée en recycleur Megalodon, Xavier Garayt, Patrick Giro, dans l’hypothèse d’une longue lairement une grosse galerie. Merci aussi à l’ONF pour l’autori- Ghislain Krizlzanowski, Laurent zone noyée en dessous de 20 m de Vers le nord-ouest, deux salles sation de circuler sur les pistes et Bastien Parmentelot (Spéléo-club profondeur. concrétionnées (6 x 6 m) s’enchaî- qu’il gère. de Saint-Pons), Frankdownstream.

Spelunca 121 - 2011 - échos des profondeurs France 5 France

Gouffre d'Euzèdes, siphon de la Pissette. Cliché Laurent Parmentelot.

Gouffre d'Euzèdes Siphon aval (140 m ; –30)

Grotte des Charbons, siphon aval. Cliché Laurent Parmentelot.

impénétrable par un gros bloc coincé derrière lequel le conduit ne s’élargit pas.

PARTICIPANTS : Sébastien Barra, Brice Dufermont, Xavier Garayt, Patrick Giro, Laurent et Bastien Parmentelot (Spéléo-club de Saint-Pons), Yann Bertin, Topographie : Frank Vasseur Marie-Isabelle Blanes (AMES) Frank (Proteus anginus Porcus Vulgus). Gouffre d'Euzèdes Merci à Jacky, pour la mise à dispo- Deux tentatives ne permettront pas Riols sition de son quad pour le portage de venir à bout du pincement situé Source du Jaur Dans la série « Cherchons la des bouteilles jusqu'à l'entrée. au bout de la fracture à –4 (vue à Saint-Pons-de-Thomières jonction grotte du Berdiau - Gouffre –6), dans une ambiance plus que Nous profitons d’une incursion PARTICIPANTS : Bastien et d'Euzèdes » nouvel épisode le Laurent Parmentelot, Patrick Giro, « chargée ». photographique pour revoir le S2, 30 août 2008. Michel Plessier, Nicolas Brunet, Le siphon n'était pas émissif, la plongé en 1989. Arrivés sur place, Ces deux cavités majeures du sud- Jacky Cabrol, Serge Taillade, rivière dans la cavité était à sec. nous constatons qu’une partie de ouest héraultais font partie d'un Philippe Fontes (SC de Saint-Pons). la trémie terminale s’est effondrée Yann Bertin (AMES), Frankyestderetour PARTICIPANTS : Nicolas Brunet, même réseau. Dans cette optique, Patrick Giro, Ghislain Krizlzanowski, dans la vasque, le S2 n’existe plus. le siphon aval d'Euzèdes a été revu Laurent et Bastien Parmentelot PARTICIPANTS : Patrick Giro, (première plongée en 1995), sans Grotte de Marso (Spéléo-club de Saint-Pons), Laurent (Spéléo-club de Saint-Pons) résultat. La salle située à –26 est La cavité, récemment découverte Frankyrentresonventre. Cédrik Bancarel, Frank Vasseur. bouchée au nord comme au sud, par le Spéléo-club de Saint-Pons malgré la présence de nettes ripple- est en cours d’exploration. Grotte des Charbons Event du Mas Neuf marks (rides de courant) depuis le Le siphon terminal a été plongé Saint-Pons-de-Thomières Gorniès puits d'entrée à –20. En plafond, samedi 13 septembre 2008. Plongée du 10 mars 2007. Nous avions repris les explorations elle remonte jusqu'à –20 à la base Il est situé à 200 m de l'entrée, La cavité fut découverte et explo- de cette jolie source des gorges de d'une fracture qui pince. Le termi- derrière une voûte mouillante rée par le SCSP depuis quelques la Vis en 1993. nus est revu, avec plus de facilité du « onctueuse ». années. En avril 2007, nous avons poursuivi fait de la hauteur du niveau d'eau Le siphon se présente comme une Le siphon terminal est un aval, à l’exploration du S2 durant 20 m. (3 m de plus qu'en 1995), le lami- fracture sensiblement inclinée côté 500 m de l’entrée, dont 100 m Au précédent terminus (fracture noir très étroit est confirmé aussi. rive droite. d’étroitures initiales suivies d’une étroite à 385 m de l’entrée et par Dommage, ce n'est pas par là En rive droite, une bande de rivière souterraine. –43), la suite se trouve à 2 m en qu'on jonctionnera. Dans le puits schistes (recoupée à plusieurs La vasque est colmatée par l’argile hauteur, par une jolie galerie de 3 x d'entrée, une galerie horizontale à reprises dans la cavité), en rive à –1,7 m. Le courant file dans le 3 m. Elle bute rapidement sur une –18 est explorée sur 10 m jusqu'à gauche : un talus d'argile. prolongement de la fracture, rendu fracture perpendiculaire (N330°) un rétrécissement dans l'argile. remontée de –42 à –36,5. Vue sur Pas abattus pour deux sous, nous le plafond à –32. en profitons pour aller voir le Une suite serait possible en siphon de la salle du Pissadou, sinuant dans la fracture (exempte distant d'environ 200 m. Il s'agit de points d’amarrages pour le fil d'un fond de fracture, dans une d’Ariane) sur 5 m vers –36. Au- zone de fluctuation du niveau Grotte de Marso. delà, le conduit amorce un virage piézométrique. Autant dire que Cliché Laurent et semble s’élargir. Après cinq l'ambiance est « onctueuse ». Parmentelot. minutes à tenter de composer avec La visibilité est nulle dès la mise à l’exiguïté du passage, il faut se l'eau. Descente à –13 en aveugle rendre à l’évidence, ce n’est pas dans une modeste fracture, arrêt avec cette configuration que ça sur pincement rempli d'argile passera (ou alors avec un plongeur liquide. vraiment plus maigre).

6 échos des profondeurs France - Spelunca 121 - 2011 France

dans le siphon nord : 100 m après implication dans cette exploration, ainsi la sortie du siphon nord, cette frac- qu'à tous les participants, ceux des ture aquatique pince irrémédiable- portages préalables comme ceux de l'exploration, tant de fois reportée pour ment. L’écoulement est perdu. cause de météorologie cette année. Il provient en fait du fond du lac dans la jolie galerie immédiatement Jean-Louis Galera, notre Maître en amont de la cascatelle. Le S2 Yoda de la topographie est en train Évent du Mas Neuf : fracture (rides de courant sur le sable), est de synthétiser les données sur au début du reconnu sur 85 m jusqu'à –41. cette cavité, dont le développement siphon 1. C'est une belle fracture (4 x 6 m) dépasserait à présent 3 800 m. Cliché Frank qui plonge par paliers successifs. Vasseur. Frank VASSEUR Arrêt sur autonomie en gaz (avec la petite marge de sécurité excédentaire dans l’un des deux Activités 2009 bi-bouteilles disponibles), vue sur et 2010 du Clan la suite qui semble plonger encore. des Tritons Soit 200 m de première topogra- Pour faire suite aux deux phiée au total. articles publiés dans les PARTICIPANTS : Samuel Azemar, « échos des profondeurs », Patrick Labadie, Yves Imbert, des Spelunca n° 113, 2009 Jean-Louis Galera, Sarah Fièvre, et n° 114, 2009, le Clan des Joël Boutin, Fred Martin, Vincent Gal, Tritons a poursuivi ses Jean-Jacques Huselstein, Le S2 développe à présent 405 m Jeannot Tarrit, Raymond Diet, explorations en Lozère et Pierrot Jacquier, Thierry Martire, Pierrot Jacquier, Cédrik Bancarel, (–51). Haute-Savoie notamment. Laurent Villaret, Patrick et Samy Frank Vasseur. PARTICIPANTS (du Groupe de Aurignac, Jean-Louis Galera, recherches spéléologiques du Vigan) : Jeannot Bancillon, Fabrice Gautier, 2010 : samedi 1er mai 2010, après Hervé et Antoine Blois, Michel Meilhac, Alexandre Greffier, Frank Vasseur. une période pluvieuse contrariante Xavier Meillac, Richard et encore plus étendue que l’année Benoît Villemejeanne, Laurent Vasseur. 2009 : après plusieurs mois précédente, l'exploration du siphon Lozère Aqua-folles : Cedrik Bancarel, d’attente pour cause de crues itéra- 2 du réseau nord est poursuivie, en Romuald Barré, Jérôme Martin, tives, nous plongeons à deux en solo et en recycleur, sur 170 m. Le Grotte du Pré de Neyrac Frank Vasseur. circuit ouvert (trois bouteilles de siphon plonge dans un magnifique Cubières 9 litres de Nitrox chacun). collecteur à –67, puis remonte Le 27 juin 2009, à la grotte du Pré Grotte du Sergent Le siphon nord est franchi en jusqu’à –58 au niveau d’un carre- de Neyrac, cavité lozérienne décou- Saint-Guilhem-le-Désert 32 minutes. Il a fallu raccorder le fil, four. La partie explorée est intégra- verte en 2005, Jean-Pierre Baudu Depuis 2008, à l’initiative du rompu en quatre endroits dans la lement topographiée. (CDS 42 – Césame) plonge trois Spéléo-club alpin languedocien première partie du siphon. Le reste Exploration de 13 heures dont siphons successifs (40, 50 et (Montpellier), nous avons organisé de l’équipement est intact, malgré 2 h 40 de plongée au total (S1 et 25 m) et explore environ 730 m de trois campagnes d’exploration la récente crue. Passé le siphon, au- S2). conduit actif : arrêt sur laminoir. dans la branche nord. delà du point terminal atteint l’an Pendant ce temps, les porteurs du Ces plongées faisaient suite à dernier, une fracture d’abord confor- PARTICIPANTS : Samuel Azemar, Clan des Tritons (Jean-Philippe celle, organisée par le SCAL en table (1,8 m de large pour 5 de Stéphane Debron, Jean-Paul Houlez, Grandcolas, Alexandre Pont et Nicolas Jaussaud, Patrick Labadie, 1994, qui avait révélé la suite du haut) se réduit passé un petit amon- Christophe Tscherter) topogra- Pascal Mouneyrat, Jean-Louis Galera, siphon nord et permis une progres- cellement de blocs rocheux (0,7 m Frank Vasseur, Nicolas Villard. phient sur 200 m une galerie supé- sion de 285 m. Jusqu'à 500 m du de large). Toutefois, sous l’eau, les Merci au SCAL de Montpellier pour rieure ouverte le 2 septembre départ dans une cloche effilée en dimensions autorisent le passage l'équipement de la cavité et son 2007. Remarquons que pour accé- fracture impénétrable et sans circu- avec le matériel sur le dos : 26 m lation d'eau apparente. après la sortie du siphon nord, une Le siphon nord se situe, par cascatelle augure un splendide tron- l’entrée supérieure, à 250 m de çon de galerie. Un profond lac la surface, après un siphon à occupe toute la largeur, le plafond franchir en apnée (siphon Bournier) est à 2,5 m, les parois s’écartent suivi de 286 m de progression de 4 m. Le grand luxe ! À proximité accidentée. immédiate du redan, en rive droite, un mini-siphon (3 m) orienté plein 2008 : le siphon nord-est est sorti sud émerge dans une fracture impé- (570 m ; –36). nétrable. Un peu plus en amont, en Samedi 26 janvier 2008, à l'initia- rive gauche et en hauteur, plusieurs tive du SCAL, le siphon nord est modestes départs de galeries se équipé à nouveau (fil d’Ariane en rejoignent sans prolongement. pointillé). Une suite est trouvée, Après 22 m de cet acabit (toutes elle émerge à 570 m du départ les bonnes choses ont une fin), le dans une fracture active. conduit retrouve une section aqua- tique profilée (largeur : un petit PARTICIPANTS : Samuel Azemar, Raymond Diet, Sarah Fièvre, mètre), inclinée sur la rive droite, à Jean-Paul Houlez, l’image des cloches rencontrées Grotte du Pré de Neyrac - galerie supérieure. Cliché Christophe Tscherter.

Spelunca 121 - 2011 - échos des profondeurs France 7 France Étranger

Grotte du Pré de Neyrac. Cliché Christophe Tscherter. Asie centrale Tadjikistan « Pamir 2010 » expédition au Tadjikistan

Trou des Suisses. Cliché Alexandre Pont.

der à l’actif de cette cavité, il est nécessaire Village estival. Cliché Pamir 2010. de franchir une voûte mouillante et un siphon de deux mètres. Deux membres du Clan des Tritons ont participé à En surface, une radiolocalisation est effec- une expédition de reconnaissance de trois tuée par Daniel Chailloux (AREMIS – CDS 94) semaines sur deux zones distinctes, la première et Hubert Boutry (SC Chanac – Lozère). à l’est du pays, proche de la frontière chinoise, la La cavité développe à ce jour 1 972 m. prospection s’effectue entre 3900 m (camp de En 2008 et 2009, la désobstruction de la base) et 4600 m. La deuxième zone se situe au très active perte de la Sagnette est centre du pays, à proximité du Kirghizistan, entre poursuivie, une coloration prouve une 3500 et 4200 m d’altitude. Si le bilan spéléolo- évidente liaison le Rieutord souterrain à la gique est plutôt décevant, le bilan humain est plus grotte du Pré de Neyrac. que positif. Parallèlement, dans la haute vallée du Lot, L’ÉQUIPE EST COMPOSÉE DE NEUF MEMBRES : une désobstruction est entreprise dans la 3 Millavois, 1 Haut-Saônois, 2 Lyonnais, 1 Grenoblois, grotte Gerbal ou grotte-exsurgence ou grotte 1 Suisse et 1 Tadjik. du tunnel de Sainte-Hélène (exploration anté- rieure du Spéléo-club de la Lozère ; dévelop- Après la rédaction de plusieurs articles publiés en pement : 335 m). Là aussi, les explorations 2010, un compte rendu détaillé verra le jour en 2011. sont assujetties à de bonnes conditions météorologiques. Haute-Savoie

Rochers de Leschaux - Trou des Suisses Haute-Saône Le Petit-Bornand-les-Glières Après neuf séances de désobstruction, Réseau du Chaland notamment dans le méandre à –152 m Arbecey (ancien fond), ce gouffre très esthétique et Le Clan des Tritons conjointement avec vertical est poursuivi jusqu’à –210 m, l’Association spéléologique des Hauts du Val ce terminus est un boyau non ventilé. de Saône (Haute-Saône) poursuit la reprise Le 19 septembre 2009, ce gouffre est entiè- de la topographie de ce réseau de 9 609 m, rement topographié et déséquipé. à ce jour 4 371 m sont relevés. Spéléométrie : 317 m ; –210 m. Doline de gypse. Cliché Pamir 2010. Jean-Philippe GRANDCOLAS

Réseau du Chaland. Cliché Serge Site balnéaire de Garm-Chashma. Cliché Pamir 2010. Caillault.

Toutes les explorations sont relatées dans La Gazette des Tritons, dont le n°62 a vu le jour en mars 2011. Les publications du Clan des Tritons en 2009 : Camp spéléo Causse de Gramat (Lot) : Pâques 2009, 43 pages. À la recherche de Z (Massif de la Pierre-Saint-Martin) : Explos Tritons spécial Baticotch – Info 2009, 78 pages. http://clan.des.tritons.free.fr/blog/ Jean-Philippe GRANDCOLAS 8 échos des profondeurs France - Spelunca 121 - 2011 Vercors 2010, rassemblement de la CoJeunes Comme le veut la tradition, la commission Jeunes (CoJ) a organisé un rassemblement spéléologique national, le premier week-end des vacances de Noël (18 et 19 décembre 2010), cette année sur le massif du Vercors.

Nous étions logés au gîte des pouvaient effectuer la traversée Cadets sur la commune de Lans-en- Coufin/Chevaline, avec toutefois Vercors. Ce week-end a été un réel quelques consignes à respecter. succès, avec 47 participants dont Au cours de cette sortie, un bali- 25 jeunes (de moins de 26 ans) sage parfait ainsi que six topogra- malgré un temps froid et neigeux en phies du réseau (avec, pointé début de séjour. dessus : « vous êtes ici ») ont été placés dans la cavité. Ce travail a été réalisé par Laurent La jonction fossile entre Coufin/Chevaline. Cliché Serge Caillault. Garnier, gérant de la grotte de Choranche, que l’on tient tout parti- Nous tenons également à remercier Nous tenons également à remercier culièrement à remercier. Matthieu Thomas qui a organisé Isadora Guillamot pour sa disponi- La traversée Coufin/Chevaline ce week-end de A à Z : réservation bilité et sa bonne cuisine. Isadora permet de suivre une grosse rivière du gîte, conception des équipes, est toujours aux petits soins pour souterraine d’une grande esthé- gestion des inscriptions et assu- nous et nous savons que ce travail tique. Chaque équipe était accom- rances, autorisation d’accès à la demande beaucoup d’énergie et du « Qui veut de la neige ! » Cliché Matthieu Thomas. pagnée d’un moniteur fédéral ou grotte de Choranche avec Laurent temps. d’un BEES option spéléologie. Garnier, etc. L’ASPA basé à Saint-Christol dans Le samedi 18, il y avait : le Vaucluse a fourni aussi du maté- - 4 équipes sur la traversée grotte riel de cuisine. de Coufin/grotte de Chevaline, Serge Caillault a réalisé de - 1 équipe à la grotte Roche, nombreuses photographies lors de - 1 équipe à la grotte de Gournier. la traversée Coufin/Chevaline. Le dimanche 19 : Pour finir, ce rassemblement a été - 1 équipe à la grotte Roche, rempli de rencontres et d’échanges, - 2 équipes à Coufin/Chevaline. ce qui a favorisé une très bonne Ce rassemblement était un évène- ambiance et permet d’entretenir ment exceptionnel car pour la une dynamique de la commission première fois, des équipes de L’équipe 2 devant l’entrée des grottes de La CoJ… convivialité. Un bon repas… Jeunes. spéléologues non accompagnées Choranche. Cliché Matthieu Thomas. merci Isadora. Cliché Matthieu Thomas. Thomas BRACCINI

ATTENTION ! Les établissements Petzl ont signalé une apparition de contrefaçons de certains de leurs produits. Le détail est accessible sur le site Petzl, mis à jour régulièrement, par le lien ci-dessous : http://www.petzl.com/fr/outdoor/news/2011/ La poignée Ascension et la 02/12/avis-aux-utilisateurs-concernant- poulie Rescue ont été lexistence-de-contrefacons-de-produits-petzl modifiées, et les modèles proposés à la vente n’ont Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il semble plus le design ci-dessus que, cette fois, l’aspect de ces contrefaçons ne (poignée grise, dorée ou permette pas de les identifier facilement en tant noire, poulie rouge et noire). que telles. Les contrefaçons de ces deux L’aspect, la couleur, les différents logos et produits sont a priori les plus marquages, l’emballage et les notices sont en faciles à détecter. effet reproduits à l’identique. La plus grande vigilance Les caractéristiques techniques n’ont, par contre, s’impose donc en cas de pas été copiées à l’identique, d’où un danger propositions de vente en potentiel. dehors des circuits habituels Sont concernés les produits suivants : (revendeurs) et à des prix Le bloqueur ventral « Croll », le mousqueton anormalement bas (sur le « Attache », la poignée bloqueur « Ascension » net, en circuits parallèles…). modèle droit bleu, et la poulie « Rescue » modèle Gérard CAZES violet et bleu. Groupe d’étude technique de l’EFS, février 2011

l’écho des jeunes - Spelunca 121 - 2011 9 Spéléo-secours L’opération OSÉE français Introduction L’opération de sauvetage OSÉE, quatre lettres et une sonorité dans la Dragonnière de Gaud, qui resteront longtemps dans du 3 au 13 octobre 2010 l’esprit de tous ceux qui s’y sont investis et probablement même Dimanche 3 octobre 2010, 16 h 38. une équipe assez nombreuse pour dans la mémoire collective au-delà Le numéro vert du Spéléo-secours fran- permettre des plongées journalières tout de notre seule communauté çais (SSF) nous apprend le non-retour en laissant à chacun le temps de désa- spéléologique. OSÉE, un immense à la surface d’Éric Establie, un plongeur turation nécessaire entre deux missions. raccourci pour symboliser ces expérimenté d’origine niçoise parti ce Au soir du mardi 5 octobre, troisième quatre-vingt-cinq jours de matin-là à 9 h 30 en exploration, dans le jour de recherche par la source, nous mobilisation absolue, ces centaines siphon de la Dragonnière de Gaud, en savions qu’en raison de la profondeur, la d’hommes et de femmes qui, Ardèche. Il connaît bien ce siphon pour longueur et la complexité du siphon, les chacun à son niveau, chacun selon en avoir lui-même conduit l’exploration opérations de secours par ce côté ses compétences, ont mis toute jusqu'à son terminus actuel, à 1 040 m seraient difficiles et qu’il fallait envisager leur énergie et tout leur cœur dans de l’entrée et 42 m de profondeur. et proposer d’autres solutions. la réalisation d’un même objectif. À cet instant, Éric a trois heures de Parmi les alternatives, toutes plus OSÉE, qui aura été l’adieu que retard sur le prévisionnel de retour établi aléatoires les unes que les autres, avec son équipe. figuraient : l’on voudrait dédier à chacun des Le plan de secours est rapidement - le pompage et le vidage du siphon ; spéléologues qui nous ont quittés. déclenché par le préfet de l’Ardèche et - le forage et le suçage d’un glissement OSÉE, que l’on pourrait résumer une phase de recherche immédiatement de sédiments faisant obstruction ; d’un seul mot: solidarité! engagée par le SSF 07. L’opérationnel - le forage en ligne à la recherche de national du Spéléo-secours français vides sur le plateau. assiste cette mise en œuvre, notamment C’est finalement la technique que par l’activation des plongeurs référents les spéléologues maîtrisent le mieux qui et en engageant rapidement deux plon- sera retenue : la désobstruction d’une geurs du SSF pour s'assurer qu’Éric n'est perte. Au milieu de nulle part, ou plutôt pas simplement en retard ou en difficulté d’une vigne, sur le plateau très karstique dans la zone des paliers de décompres- de Labastide-de-Virac, 200 m au-dessus sion. En parallèle, des plongeurs anglais, du réseau noyé de la Dragonnière et à suisses et italiens sont également réqui- 1 500 m à vol d’oiseau de la source, sitionnés, car les spécialistes français M. Jacques Marron, maire de Labastide- aguerris à ce type de profil subaquatique de-Virac et propriétaire des lieux, nous Éric Establie, le 3 octobre 2010. ne sont pas tous disponibles. Or, il faut conduit au puits de Ronze.

10 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 L’ouverture du puits de Ronze

La légende qu’il nous rapporte veut sécuriser et consolider l’ouverture de Gestion du que les pommes tombées d’un vieil cet aven, élargir le cône d’entrée, grilla- planning arbre au puits de Ronze, emportées par ger, ferrailler, projeter du béton… Un au poste de les eaux de ruissellement, échouent à travail de titan, un véritable chantier où commandement central. la rivière Ardèche à deux kilomètres spéléologues et entreprises travaillent en aval, à la Dragonnière de Gaud… de concert. Nous savons bien sûr que les choses La désobstruction peut alors conti- seront moins simples. nuer au bas du P15 dans un boyau Attaquer une désobstruction en étroit. De nombreux tirs sont néces- pleine terre parce que l’eau s’engouffre saires pour enfin forcer le passage qui là par gros orages, espérer trouver des débouche rapidement sur un P45. Nous vides susceptibles de nous conduire sommes à –80 m, de nouveau devant aux amonts de la Dragonnière où un boyau étroit parcouru par un léger Éric est peut-être réfugié dans une de courant d’air et un filet d’eau. ces galeries exondées post-siphon : La gestion exulte. Deux PC en H 24 personne n’y croit vraiment, mais à Labastide et Gaud, plus un PC avancé personne ne prendrait le risque de ne improvisé au chantier. Il faut organiser pas courir cette chance. La pression les relèves et les plannings, gérer deux médiatique sans doute, la conviction sites, deux chantiers, l’un de désobs- qu’Éric est vivant, que le temps presse, truction et l’autre de forage, la famille, Le poste de commandement avancé de Labastide- que l’ensablement de 780 m est infran- la presse arrivée en force et le public. de-Virac pendant l’opération de sauvetage. chissable malgré les plongées Les moyens à disposition doivent être extrêmes, l’irrecevabilité des autres renforcés. solutions : tout cela a eu raison de nos Nous sommes le dimanche a priori et nous avons su convaincre les 10 octobre. Après une semaine de autorités. recherches, le préfet donne son accord Le quatrième jour, le mercredi pour continuer la désobstruction avec 5 octobre, nous décidons donc d’atta- des moyens encore plus importants. quer une désobstruction en règle. Avec Tout le monde y croit. l’accord des autorités, le poste de La plongée du 11 va tout faire commandement (PC) est déplacé à la basculer. mairie de Labastide ; seul un PC « plon- gée » est conservé à Gaud, où s’orga- niseront encore de nouvelles tentatives par la source. Avec le soutien du propriétaire et des entreprises de travaux publics, les équipes de désobstruction spéléolo- gique vont se relayer jour et nuit, d’abord pour ouvrir un semblant d’en- tonnoir, puis un puits de 15 m. Il faudra

Évacuation de matériel par treuillage Stabilisation des parois par projection de béton. depuis la surface. Mise en place de buses sur l’ouverture du puits de Ronze.

Le P16 d'entrée du puits de Ronze une fois busé.

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 11 La fin de l’espoir

Du côté de la Dragonnière, les 920 m de l’entrée, à la cote –70 m, à missions s’étalent sur plus d’une « 140 m derrière » l’étroiture qu’ils vien- semaine. Dès le mardi 5, une équipe de nent de réussir à forcer. plongeurs bute à 780 m de l’entrée sur Fatigués et abattus, les hommes un glissement de sédiments qui obstrue du puits du Ronze se retrouvent au PC, complètement la galerie. On y retrouve ayant abandonné avec leurs perfora- un propulseur abandonné par Éric, posi- trices, pelles et pioches, leurs illusions tionné en direction de la sortie et aux au fond de cet aven qui n’existait pas deux tiers enseveli. Ce glissement s’est voilà cinq jours, sinon dans leur tête peut-être produit lors de l’intrusion et dans les légendes. d’Éric dans le passage étroit situé en Le Directeur des opérations de ce point. Il est maintenant colmaté au secours (DOS) fait le point et nous point de le rendre infranchissable. Pire : confie ses sentiments. Tandis qu’il fait plusieurs dizaines de mètres cubes de l’éloge de la ténacité et de la compé- sédiments instables dominent encore tence du SSF, tous écoutent hébétés, le passage, rendant extrêmement sonnés par l’arrêt des opérations et la dangereuse toute tentative de désobs- levée du plan de secours que vient d’an- La coloration du S3. truction de la zone ensablée. noncer le sous-préfet. Samedi 9 octobre, lors d’une Désormais, les recherches passent L’opération de sauvetage prend nouvelle immersion, c’est une bouteille naturellement sous l’autorité du donc officiellement fin le mercredi de plongée qui est à son tour trouvée, parquet et du procureur dans le cadre 13 octobre. Mais la mobilisation du plus engagée encore dans le passage. de ce qui est maintenant l’enquête judi- SSF 07, du SSF national et de toute la En même temps, une fissure est repé- ciaire sur la disparition et le décès communauté spéléologique sous la rée à l’aplomb du point de colmatage d’Éric Establie. bannière de la FFS ne va pas s’arrêter par une nouvelle équipe de plongeurs. La coloration du siphon 3 terminant là. Les spéléologues ont la mémoire Elle est jugée franchissable avec des le puits du Ronze à la cote –150 sera longue et l’entraide chevillée au corps. techniques particulières où le plongeur effectuée ultérieurement, en décembre. Ils se souviennent aussi du secours de ne porte pas ses recycleurs sur le dos. Elle ressortira à la Dragonnière de la résurgence des Fontanilles, de la L’espoir de tous les sauveteurs se Gaud, ce qui donnera à nos choix tout décision de retrait du dispositif sapeurs focalise sur cette fissure providentielle. leur sens, et aux légendes leur part pompiers prise par le colonel Cassard La plongée du lundi 11 octobre 2010 a de vérité. contre l’avis du SSF, qui avait poursuivi pour but de shunter le colmatage en Mais envisager de ramener le seul ses recherches sous la tutelle du forçant cette ouverture. corps d’Éric par la fissure franchie en DOS et vu son obstination couronnée Mais, lorsque les plongeurs ressor- décapelé par les plongeurs n’est clai- par la découverte ultérieure du plongeur tent de la vasque de la Dragonnière rement pas concevable. Dès lors, le disparu, sain et sauf ! Cette fois-ci après leur mission, ils sont porteurs procureur de la République en charge hélas, Éric ne reviendra pas. Mais il y a d’une nouvelle terrible qui tombe de l’opération décide de l’abandon de peut-être quand même quelque chose comme un coup de massue : ils ont toute tentative d’évacuation du corps qui vaut d’être tenté. Les spéléologues retrouvé le corps sans vie d’Éric à d’Éric par le siphon. n’ont pas dit leur dernier mot…

Le siphon de la Dragonnière

Ce siphon sélectif descend La longueur déjà explo- jusqu'à la profondeur de 87 m, rée est de 1 500 m. Dans de ce qui impose un mélange telles conditions, sa techni- respiratoire à base d'hélium cité le réserve à une élite afin de réduire l'ivresse des dont Éric faisait partie. profondeurs. De plus, son profil Pourquoi n’est-il pas en « yoyo » (–87 m, –27 m, revenu ? À la distance de –71 m puis –1 m, sans comp- 780 m depuis le départ du ter le retour) rend la procédure siphon, la conformation de la de désaturation très complexe. galerie favorise l’accumula- Enfin, il est très chargé en tion des sédiments. Il s'agit sédiments et dès que l'on d'un cran de descente pentu touche les parois, un nuage se dont la section varie d'un forme, dégradant très forte- Éric Establie lors de sa mise à mise à l'eau dans la Dragonnière de Gaud facteur 10 entre son large ment la visibilité. le 3 octobre 2010. sommet et sa base étroite.

12 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 Le courant remonte cette sorte de la quantité critique de sable est aperçu de rien à l'aller, et a donc réalisé toboggan. En période de crue, l'accé- atteinte, ou que la pente est déstabili- son exploration comme prévu. Ce n’est lération de la vitesse de l'eau dans la sée par le passage d'un plongeur, un probablement qu'au retour qu'il s’est partie inférieure plus étroite fait remon- glissement se produit et le sable redes- rendu compte que le passage vers la ter le sable et les limons vers l’aval, cend en bas de la pente, vers l’amont. sortie était condamné. Après avoir mais dès que la vitesse diminue, et C'est ce qui s'est produit après passé plus de deux heures à tenter c'est le cas dans la partie haute du qu’Éric ait franchi ce point à l’aller, vainement de le forcer, il a joué son conduit du fait de sa large section, les et, à son retour, il a trouvé le passage va-tout : repartir en amont en espérant particules en suspension se déposent obstrué par le sable. trouver une cloche éventuelle où le long de la paroi et glissent jusqu'à L'analyse de l'ordinateur de plon- attendre les secours, ce qu’il ne

former une pente d’équilibre. Quand gée d’Éric laisse penser qu’il ne s’est parviendra pas à réaliser. ❮ Vue de détail et de section du conduit à 725 m,

à l’approche du point de colmatage de 780 m. ❮ Détail de la fissure étroite qui a permis à l’équipe de plongeurs anglais de Dragonnière de Gaud rejoindre Éric Establie. Commune de Labastide-de-Virac (Ardèche)

Coordonnées : X = 767,90 Y = 230,65 Z = 80 Développement : 1 560 m dont 1 040 m noyés

Dénivellation : 97 m (+10 ; –87) m ❮ Vue en coupe du siphon de la Dragonnière de Gaud.

Explorations 2008 : Topographie: Éric Establie - Frank Vasseur (synthèse)

La genèse d’OSÉE

L’opération de sauvetage complexe proposer une suite post-opération afin Le S2, des qui a pris fin le 13 octobre a donc de tout faire pour ressortir le corps conditions de travail débouché sur un double électrochoc : d’Éric. bien loin - la découverte d’Éric décédé alors Le soir même, la question est du confort. qu’on l’imaginait réfugié au sec, atten- évoquée entre Laurence Tanguille, dant les secours ; Dominique Beau et Bernard Tourte qui - l’impossibilité de ramener sa dépouille se rencontrent à Grenoble pour les par le siphon pour qu’elle puisse être quarante ans de la Société spéléo- rendue à sa famille. secours de l’Isère. L’idée d’une action Rester sur ce constat d’impuis- solidaire à l’échelle nationale recueille sance était bien difficile à admettre pour la pleine approbation de la présidente les siens, pour ses amis, mais aussi de la fédération. pour la communauté spéléologique. Le lendemain, le Comité directeur Le vendredi 15 octobre, le SSF (CD) fédéral se réunit au siège. Le SSF y Le 23 octobre, après une intense national et le SSF 07 se rencontrent. présente le projet de reprendre les mobilisation, toutes les autorisations L’idée de ne rien tenter ne passe pas, travaux au puits de Ronze sur la base officielles nécessaires à la reprise du d’autant que les travaux sur le puits d’une action bénévole et solidaire. Cette chantier ont été obtenues, et déjà de de Ronze ont déjà permis d’atteindre la idée engendre l’enthousiasme. Unanime, très nombreux spéléologues volontaires cote –82 m durant la phase de secours, le CD vote le lancement d’une action sont présents sur le site. OSÉE pour un collecteur attendu vers les nationale. Ce sera l’opération OSÉE démarre… –200. Le CDS 07 et plusieurs spéléo- (Opération de solidarité Éric Establie) ; L'opération durera quatre-vingt-cinq logues consultés partagent l’idée de elle est née en moins de trois jours. jours.

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 13 Retour au puits de Ronze

Mise en place d’un bungalow destiné à accueillir le PC Les turbines de soufflage. L’une d’elle fonctionne en Livraison du groupe électrogène industriel 380 V sur le site. permanence. Elle pulse de l’air extérieur vers le fond de trou par une gaine génolène de 160 mm de diamètre.

Pour qu’OSÉE réussisse, la montée en concertation avec la commission séchage du matériel individuel sont en puissance devait se faire sur trois fédérale correspondante, avec la également pourvues d’un système de plans : humain, technique et financier. volonté d'être réactif. chauffage. Le SSF maîtrise les deux premiers Dans un projet aussi ambitieux, la Ce minimum de confort est bien- aspects. Le dernier est plus probléma- logistique est essentielle, mais sa venu, d’autant que les conditions sous tique, notre fédération n’ayant pas les gestion est bien connue du SSF. L’hé- terre sont très éprouvantes. Le puits de capacités financières pour faire face à bergement est bien sûr primordial. Une Ronze est humide, argileux ; la désobs- ce type d’opération. La seule solution tente « fourre-tout » est d’abord mise truction et le vidage des siphons 1 et 2 était de faire un appel aux dons. Ces en place, puis un bâtiment préfabriqué demandent de souvent travailler dans appels au mécénat d’entreprise et à servant de PC, deux conteneurs de l’eau, parfois à demi immergé. Une la générosité du public ont très bien stockage pour le matériel et les équi- astreinte est nécessaire pour mainte- fonctionné. pements. Pour le logement des inter- nir ces siphons ouverts. Un Conseiller technique national venants, une grande tente double est Pour ce qui concerne l’alimenta- (CTN) du SSF a été chargé de coor- installée, une partie fera également tion, les repas ont été confectionnés donner l’ensemble de l’opération. La office de PC pompage avec son énorme par un restaurant local. Les petits- base arrière a été assurée par toute tableau électrique de commande. déjeuners et autres casse-croûte la structure bien rodée du SSF. Son Cependant une météorologie capri- souterrains ont été préparés avec des trésorier s’est chargé des aspects cieuse s’installe, avec un froid inhabi- provisions du supermarché voisin. financiers, son président de la liaison tuel pour la saison : pluies persistantes, Enfin, la générosité des habitants de la avec la présidente de la fédération. Sur violentes averses, neige parfois en région a permis d’améliorer l’ordinaire. le terrain, les équipes et les actions ont tempête, froid souvent glacial : le ther- été dirigées par un Conseiller technique momètre descend à –17 °C. départemental en spéléologie (CTDS) On fait avec, et on s’organise. Des sous la responsabilité du CTN coordi- abris sont construits pour protéger l’en- nateur de l’opération. La mise en place trée et la centrale de ventilation. a été rapide et efficace : tous les inter- Monsieur le maire de Labastide met à venants parlaient le même langage et disposition pour le couchage une salle étaient tendus vers le même objectif. chauffée au village, les tentes collec- La communication extérieure s'est faite tives dédiées à la restauration et au

Un moment de convivialité : les repas pris sous la tente collective.

La tente collective à tout faire, un lieu de vie ou sont pris les repas, stockées les victuailles ou encore Le PC et ses dépendances permettant le stockage des séchés les vêtements équipements et la préparation des équipes. humides.

14 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 La première crue

Une semaine après le redémarrage perte. Les dégâts matériels dans la du chantier, se produit la crue du cavité ont été énormes. Il a fallu 31 octobre. Elle restera comme l’un beaucoup d’énergie et d’argent pour des événements les plus marquants remettre les lieux dans leur état anté- d’OSÉE. Après plusieurs heures de rieur, mais cette crue a aussi permis de fortes précipitations, la plaine du puits mieux comprendre le fonctionnement de Ronze se noie en totalité. Le ruis- du puits de Ronze. seau coule à flot devant le PC. Cette La rivière retrouve lame d’eau, dont le débit est estimé à son lit naturel vers le puits de Ronze. 2 m3/s, ravine tout sur son passage. Les terrains et la vigne, ainsi que le chemin à l’aval de la perte, sont partiel- lement emportés et défoncés. Un barrage de protection de l’entrée de la cavité a été construit la veille par le propriétaire des lieux et il tient bon. Cependant, au vu de la puissance de l’eau et des dégradations subies par l’environnement, la décision est prise Sous la pluie battante, la rivière forme d’ouvrir le barrage pour que le ruisseau un vortex à l’entrée retrouve son chemin naturel vers la du puits de Ronze.

Le CO et les gaz dégagés par Mesure de gaz 2 en cours de progression. les explosifs : un double problème Les gaz à surveiller sont l’oxygène (O2), Le karst ardéchois a, entre autres, travailler sans risques graves, voire le monoxyde de la particularité de comporter des cavi- mortels. L’une des priorités a donc été carbone (CO) et le dioxyde de tés présentant des taux élevés de gaz de mesurer ces taux de gaz. Comme carbone (CO2). carbonique naturel (CO2). La zone du prévu, ils se sont révélés très élevés. puits de Ronze n’échappe pas à la Le remède a consisté à mettre en Remontée dans un règle. La couverture végétale est impor- œuvre une ventilation mécanique puits reconnu grâce à un recycleur tante et, là où elle est absente, la forcée. Le principe est simple : il faut d'oxygène. Ce puits couche argileuse de surface est propulser de l’air venant de l'extérieur comportait une forte suffisamment compacte pour obstruer dans la cavité pour rendre l’atmosphère concentration en CO2 et un taux d'O2 très toutes fissures et interstices. Avant respirable. Cependant un second bas (15 %). son ouverture lors de l’opération de facteur complique considérablement le secours, le puits de Ronze n’avait problème : les gaz de décomposition

vraisemblablement aucune ventilation. des explosifs. Les taux de CO2 ont eu Le taux de CO2 dans la cavité était sans une forte incidence sur les valeurs doute voisin de 8 ou 9 %. Dans ces limites admissibles d’exposition aux gaz conditions, il est absolument impos- d’explosifs. Gérer les deux est vite sible de progresser et encore moins de devenu une véritable « usine à gaz »…

Perçage de désobstruction au S2. Tous les trous de forage ont été effectués au perforateur 36 V ou au perforateur 220 V.

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 15 Opération OSEE

Vue d’ensemble des infrastructures de pompage et de gestion du CO2.

Développement : 450 m Dénivelé : 150 m Topographie : Spéléo-secours français

Le ventilateur disposé à l’entrée du puits de Transport Ronze. du tuyau semi-rigide destiné à remonter les eaux pompées au barrage de –140 m.

ERDF 220 V et 380 V

groupe 70 kVA matériel vestiaire PC 380 V électrogène vers perte de l’Eboulis PC pompage

P16 LEGENDE

téléphone Perte du puits de Ronze câble alimentation électrique câble alimentation électrique

05 100 m 50 10 0 Labastide-de-Virac (Ardèche) coffret électrique de sécurité et de distribution génolène (160 mm) ventilation X = 766,970 génératrice air pulsé (2000 m3/h) P45 Y = 3229,519 3 Z = 244 venlateur (20 000 m /h) tuyau refoulement extérieur pompe barrage tuyau refoulement S1 et S2 sens d’écoulement des refoulements

pompes de refoulement (2 par siphon pour la sécurité) P15 pompe de refoulement barrage (25 m3/h maximum) boyau -75 m Les câbles et tuyaux dans E23 Le conduit le P45 du puits de Ronze. du S1 vidé de son eau P13 par les pompes. bousier La première P20 pompe de 2,30 m -110 m et 140 kg mise en E12 place au barrage. P7 -130 m E8 rivière OSEE Barrage E17 S3 P5 S1(-2/20 m) -150 m S2(-2/12 m)

Le tableau électrique du vestiaire installé à L’entrée du S1 –130 m. et ses deux pompes.

16 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 La complexité des pompages Les dons et

Après la première crue ayant une seconde pompe de sécurité a le coût financier de conduit à l’ennoiement partiel du été installée pour doubler la l’opération OSÉE puits de Ronze, une autre spécialité première. On a changé également du secours spéléologique, le le type de pompe pour passer aux pompage, a dû être rapidement mise vide-cave basse pression. Parallèlement à l’implication bénévole en œuvre. La progression dans la cavité a de centaines de personnes sur le terrain, été de nouveau stoppée par un OSÉE a aussi mobilisé une enveloppe second siphon, impénétrable aux financière d’un montant exceptionnel. plongeurs. Après réflexion, il fut Dès le lancement de l’appel sur les sites décidé d’aménager un bassin de internet FFS et SSF, un afflux immédiat rétention dans le collecteur de la de promesses de dons a été constaté : rivière de manière à pouvoir pomper 128 le premier week-end, 437 au cours le S2. Cette retenue créée par un de la première semaine, 941 au total. barrage servait également de décan- 91 % de ces promesses se sont teur. Une puissance pompe haute concrétisées par des règlements pression à gestion automatique, atteignant un montant total de 85 661 €, capable de relever 12 m3/h à une par chèque (80 %), par virement (12 %) hauteur de 160 m, a ensuite été ou par le compte Paypal spécialement Préparation de la pompe n°1 mise en place au barrage de –140 m. Sa longueur est de installée dans le bassin de manière dédié à cette opération (8 %). 2,30 m. à en évacuer l’eau jusqu’à l’extérieur. Les dons se sont échelonnés Les eaux de refoulement des deux entre 4 et 4 800 €, la valeur moyenne pompes du S1 puis des deux vide- étant de 100 €. Ils ont dépassé le coût de l’ensemble de l’opération, qui atteignait au 15 février 74 349 €. L’affectation du solde, après clôture définitive, sera décidée par le Comité directeur fédéral. Comme le montre le graphique, l’organisation totalement bénévole d’OSÉE a permis de concentrer les dépenses sur les moyens techniques : 80 % du total, Le barrage artificiel à –140 m. contre 15 % liés à l’intendance et 5 % à la logistique de l’opération. À l’aide d’une petite pompe Enfin, il ne faut pas oublier l’effort haute pression, il a fallu vider le financier consenti par l’ensemble siphon suspendu qui s’était créé au des intervenants en prenant en charge le bas du puits de 15 m situé à la cote coût de leur déplacement. Il repré sente –75, les sédiments ayant complète- un montant non chiffré à ce jour, mais ment obstrué le passage horizontal extrêmement élevé, et s’ajoute à leur appelé familièrement « l’anus » par Le tuyau haute pression raccordé à la pompe implication physique sur place. les explorateurs. Une fois ce passage dans la retenue du barrage. ouvert à nouveau, l’exploration a pu reprendre jusqu’à un siphon situé à la cote –140. Une plongée de recon- naissance a déterminé que ce S1 Répartition des dépenses pouvait être pompé. Dans un premier État au 15 février 2011 temps, une pompe haute pression a donc été mise en œuvre pour refou- ler l’eau à l’aval, dans le collecteur de la rivière OSÉE. Une fois vidé, le S1 a été aménagé et surtout sécu- risé : en effet, un apport d’eau pérenne d’environ 1 l/s demandait un pompage permanent. Qui plus est, pour garantir la sécurité des personnes à l’aval du S1, il était impératif de garder une présence humaine aux commandes de Les deux premières pompes mises en œuvre l’installation. Dans la même logique, au S1.

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 17 cave du S2 étaient déversées dans Le groupe électrogène de 70 kVA, 380V. cette retenue. Le principe de fonction- nement est resté le même jusqu’à la fin de l’opération. Toutefois de nombreux paramètres ont évolué, ce qui changeait la donne technique. Tout d’abord, l’eau était ciers à effectuer de chargée en sédiments très compacts. nombreux élargisse- Cela a généré beaucoup de problèmes, ments supplémen- les tuyaux de refoulement se bouchant taires. Toutefois, souvent et obligeant à une maintenance cette nouvelle instal- astreignante. Ensuite, le débit d’eau lation n'a pas permis dans la cavité était très variable. Les un accès permanent 2 l/s estimés lors de la première au fond du réseau pouvaient rapidement décupler. Il a quel que soit le débit de la rivière. Elle En capacité maximale, l’installation donc fallu augmenter les capacités de a simplement autorisé une plus grande comportait jusqu’à cinq pompes débi- pompage en changeant la pompe du marge de manœuvre et autonomie de tant de l’ordre de 90 m3/h. Deux barrage contre un modèle de 25 m3/h. travail dans la cavité. En contrepartie, réseaux électriques l’alimentaient, l’un Ses dimensions (3,20 m de longueur cette pompe demandant énormément en 220 volts pour les pompes basse par 160 mm de diamètre) et son poids d’énergie a nécessité la mise en place pression de type vide-cave, l’autre en (140 kg pour le corps de pompe et le d’un groupe électrogène de 70 kVA pour 380 volts pour la grosse pompe haute moteur électrique) ont obligé les artifi- son alimentation. pression du barrage.

La banderole réalisée OSÉE vue par… pour l’opération. Évelyne et Monsieur Jean Rampon, sous-préfet, Monsieur Jacques Marron, maire Arthur Establie de Labastide-de-Virac et sa compagne On raconte aux enfants des contes Line, Monsieur Jean-François Degore, de fées, mais il est une histoire maréchal des logis-chef, Madame d’hommes que l’on devrait leur Laurence Tanguille, présidente de la raconter afin qu’ils sachent qu’il n’y a FFS, Monsieur Jean-François Perret, pas que les fées qui sont capables de conseiller technique national du SSF et grandes et belles choses. son épouse Valérie, Monsieur Robert Le 3 octobre 2010, Éric Establie, Nous savons que notre tristesse et Crozier, Monsieur Nicolas Legrand pour mon mari, et le père d’Arthur, est notre déception sont aussi les vôtres. toutes ses photographies et ses parti dans la Dragonnière de Gaud Nous savions depuis le début que comptes rendus, tous les donateurs, pour une exploration qui lui coûta la l’opération OSÉE, nom de cette tous les fournisseurs, les vie. Notre souhait fut que son corps incroyable odyssée, ne serait pas restaurateurs, tous les habitants de nous soit rendu. Alors fut lancée forcément couronnée de succès mais Labastide-de-Virac et tous ceux que une opération d’entraide et de l’espoir nous a quand même portés. j’ai peut-être omis de citer, bien solidarité comme jamais il n’en avait Nous vous rendons hommage pour ne involontairement. existé auparavant sur le territoire pas vous être découragés malgré les Gardez toujours au fond de votre cœur français. De partout, des donateurs problèmes qui ont surgi chaque jour cette flamme qui vous anime et qui ont envoyé de l’argent pour financer et pour la foi qui vous a animés nous porte encore, même à des cette opération, des responsables jusqu’au bout. centaines de kilomètres. à tout niveau ont donné leur accord Nous vous rendons hommage pour Éric pour que cela soit possible, et des que vous ne connaissiez pas forcément centaines de spéléologues se sont et qui est sûrement reconnaissant de proposés spontanément pour venir tout ce que vous avez fait pour lui et Jacques Marron, creuser pendant des jours et des nuits pour nous. maire de Labastide-de-Virac interminables, loin de leur famille, Malheureusement, dans une histoire bénévolement. d’hommes, il n’y a pas de baguette À la famille « spéléo » Toutes ces personnes étaient magique et, encore une fois, la Nature Le 23 octobre 2010 a débuté animées par la même ardeur, a été la plus forte. l'Opération de solidarité Éric Establie, la même volonté et la même Nous vous remercions TOUS encore suite à l'accident dramatique survenu compassion. Toutes venaient sortir une fois du fond du cœur. le 3 octobre à la Dragonnière de Gaud. « leur ami » de son piège mortel, même Nous tenons aussi à remercier Comment rester insensible à cet élan si elles ne l’avaient jamais connu. Monsieur le préfet de l’Ardèche, de fraternité, de générosité et aussi et Mais la Nature qui avait piégé Éric Monsieur Christophe Raffin, surtout à cet élan de soutien à une n’a pas voulu nous le rendre. procureur de la République de Privas, famille dans la peine ?

18 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 Votre implication forte, sans faille, des Jean-François Perret, moment ou un autre lors de cette quatre coins de France, force le respect, opération. Les tréfonds de la et j'ai pu constater votre dévouement Conseiller technique national conscience humaine ont été fouillés physique et moral. Pour avoir vécu avec du SSF en charge au même titre que toutes les galeries vous des moments très forts en qualité du suivi d'OSÉE de la cavité. Beaucoup de personnes de propriétaire et de maire de se sont exprimées sur la pertinence, Labastide-de-Virac, je crois et je pense, Je suis Conseiller technique du la faisabilité, sur les conditions si vous le permettez, faire maintenant Spéléo-secours français depuis plus de techniques et humaines d’OSÉE. J’en partie de la famille « spéléo ». vingt ans. De par cette fonction, j’ai dû retiens les mots suivants : bien sûr, Merci à vous tous, donateurs, organiser et diriger de très nombreuses solidarité, volonté, labeur, sueur, haine bénévoles, pour cette opération interventions, formations ou et peine. Les deux premiers pour la exemplaire de générosité et entraînements. Mais jamais auparavant vague puissante qui a poussé tous ces d'humanisme. je n’avais ressenti ce que je viens de hommes et ces femmes à donner du vivre intensément pendant presque temps, de l’argent, du matériel et du trois mois. miel… Les deux suivants en pensant L’accident d’Éric Establie, je l’ai suivi aux tonnes de sable déplacées, aux Nicolas Legrand avec mes compagnons formateurs lors mètres cubes d’eau évacués, aux d’un stage secours au Brésil. Nous efforts exercés pour soulever, pousser, 22 h 30 le 3 octobre 2010, je suis avons reçu la triste nouvelle comme tirer et finalement remonter le matériel réquisitionné par le SSF 07. un coup de massue, hélas, comme descendu dans la cavité. Enfin, l’avant- 17 h 30 le 5 février 2011, quatre mois beaucoup d’autres. De l’autre côté de dernier pour caractériser les plus tard, le marabout du CDS 07 et le l’Atlantique, notre impuissance et notre sentiments qui ont envahi chacun matériel d’OSÉE sont nettoyés et triés, envie de participer nous rongeaient lorsque la nature ou les conditions le cadenas est refermé sur la grille du l’âme. météorologique réduisaient presque puits d’entrée de la perte. De retour en France, lorsqu’il a été à néant les efforts de plusieurs jours Dans cet espace de temps, j’ai rêvé. décidé de monter une opération pour de travaux acharnés. Pour terminer, C’était d’abord un cauchemar dans tenter de récupérer le corps d’Éric, l’ultime mot pour le moment où la lequel nous perdions un ami, un frère, j’ai été désigné pour coordonner et raison a dû l’emporter sur la passion, un père, un fils, une connaissance, diriger la partie opérationnelle. plus aucun chemin n’étant une légende vivante ; et nous étions Je dois reconnaître aujourd’hui, humainement possible pour rejoindre anéantis, totalement démunis face à que vraisemblablement aucune la Dragonnière de Gaud par le puits cette dure réalité. des personnes présentes à de Ronze. Puis, dans un autre rêve, des cette étape ne pensait que Malgré cela, il fallait faire OSÉE. personnes étaient animées par la cette opération allait devenir cet De ce malheur qui touche cruellement solidarité et le service d’une cause énorme mouvement solidaire. et durement une famille, une force commune. Je les voyais creuser, L’opération « OSÉE » a eu deux positive est née qui a donné de grands désobstruer, élargir, agrandir, pomper, composantes. L’une est technique, moments. J’évoque à nouveau certains désensabler sans jamais faillir, exigeante et complexe, passionnante mots : amitié, complicité, sacrifiant ainsi le confort du corps aussi ; elle a nécessité un grand complémentarité, technicité, dans un but commun au service de nombre de spécialistes. L’autre, la plus perspicacité, générosité, confiance et l’impossible. importante à mes yeux, est humaine. patience… Chaque homme, chaque Rien n’était jugé impossible, une foi Ce projet, dès le départ, est basé sur femme que j’ai côtoyés lors de cette inébranlable repoussait toutes les les sentiments. Comment une idée opération m’ont confirmé que l’Homme limites. aussi ambitieuse a-t-elle pu se est capable du meilleur. J’ai vu tant de choses… elles forcent transformer en un gigantesque élan de Pour finir, en tant que coordinateur, le respect, les mots me manquent pour générosité ? Je ne sais pas. Je peux je souhaite remercier chacun et les traduire. seulement dire, moi qui ne crois qu’en chacune d’avoir suivi au mieux, dans Plus tard encore, j’ai fait un nouveau l’Homme, que j’ai été transcendé par des conditions extrêmes, les protocoles cauchemar dans lequel tout le monde toute cette volonté et toute cette et les directives donnés. Ainsi, nous partait sans avoir atteint le but tant énergie manifestées sans compter avons pu œuvrer et réussir cette recherché. Le puits de Ronze était par plusieurs centaines de personnes. grande entreprise sans aucun accident déséquipé, le bruit des ventilateurs Il y a eu ceux qui ont rempli une ou incident majeur. Les spéléologues avait disparu et le silence enveloppait mission spéléologique, qu’elle soit sur présents ont démontré à nouveau le à nouveau les lieux. La tristesse se ou sous terre. Il y a eu aussi tous ceux savoir-faire et la compétence du SSF. lisait sur les visages. qui ne font pas partie du monde C’est grâce à cette cohésion que, Heureusement, quelqu’un m’a alors « spéléo ». Mais chacun, à sa façon, bien que nous n’ayons pu atteindre réveillé. Il m’a dit : « Nous n’avons pas a donné quelque chose. Chaque jour notre objectif, OSÉE restera dans réussi l’impossible, mais cette épreuve passé a apporté son lot de surprises, les annales de la spéléologie comme nous a permis de nous unir, de de sentiments, de doutes, d’espoirs et une très grande réalisation. partager, d’agir tous ensemble ». a fini par la désillusion, la peine et le Au final, mes pensées vont forcément Puis il a ajouté : « Cette chance unique, chagrin : toute la palette des réactions vers Évelyne et Arthur. Merci de votre nous la devons à Éric. » humaines a trouvé sa place à un confiance…

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 19 Vue d’ensemble du puits de Ronze et de la Dragonnière de Gaud

La fin de l’opération

Trois mois se sont écoulés depuis D’innombrables escalades et désobs- conséquent, et donc un volume à exca- le lancement de l’opération OSÉE. Le tructions ont aussi été réalisées, sans ver important, nécessitant pour un puits de Ronze avoisine maintenant les plus de résultat hélas ! résultat extrêmement aléatoire une 150 m de profondeur pour un dévelop- Dans cette recherche tenace d’une nouvelle montée en puissance des pement de 450 m. suite, l’hypothèse d’élargir le S3 a bien moyens de pompage et de ventilation, Les équipes à l’œuvre ont longue- sûr été envisagée. Elle a été abandon- tout en augmentant l’exposition des ment buté devant le deuxième siphon née au regard de deux éléments essen- très nombreux sauveteurs nécessaires (S2). Ce point de blocage sérieux a tiels. Tout d’abord, un remplissage pour travailler au-delà de deux siphons donné bien du fil à retordre pour sableux visible sur plus d’une dizaine déjà vidés. finalement n’être franchi et sécurisé de mètres depuis le S2 et ce jusqu’à La fin des opérations s’est donc que vers la mi-décembre, grâce au l’entrée même du S3 est le signe clair imposée d’elle-même le 7 janvier 2011. déploiement d’un matériel de pompage d’une importante zone de décantation, Tout ce qui pouvait raisonnablement toujours plus conséquent. et du fait que les deux siphons n’en être tenté l’ayant été, le fond du puits Depuis, près d’une dizaine forment qu’un en période de hautes de Ronze était décrété impénétrable. d’équipes ont pu œuvrer en aval de eaux. Ensuite, de nombreuses traces Restait le déséquipement, une ce S2, un lieu relativement saturé en de crue et des dépôts sur près de deux phase qui a encore demandé seize

CO2. Chaque mètre gagné a été mètres de hauteur sur toutes les parois jours d’un intense travail afin de ressor- inspecté et réinspecté à maintes environnantes témoignent d’une mise tir le matériel considérable mis en place reprises, à commencer par le troisième en charge fréquente et importante. Il y en divers points de la cavité. OSÉE s’est siphon (S3), totalement infranchissable. a donc en ce point un étranglement achevée le dimanche 23 janvier 2011.

Éric Establie en plongée au Goul du Pont, Bourg-Saint- Andéol, Ardèche.

20 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 Début des travaux au S2.

Synthèse: Comité départemental spéléologique de l’Ardèche

OSÉE : un engagement solidaire sans précédent

OSÉE ne serait restée qu’une belle Ce casse-tête pour tout respon- ciles, le labeur harassant de désobs- idée si des centaines de personnes sable des ressources humaines un tant truction, la réalisation de plongées déli- n’avaient pas accepté de se mobili- soit peu raisonnable a été résolu grâce cates, la manutention de centaines de ser bénévolement pendant près de à quelques éléments simples. Le kilos de matériel, les heures de veille trois mois pour la transformer en premier a été intégré dans l’appel à soli- au poste de commandement, les longs réalité. darité lancé le 22 octobre : la définition retours chez soi, fatigué, parfois décou- Dès la conception de l’opération, il de règles claires, à savoir une partici- ragé, et pourtant bien vite le retour sur a fallu concilier plusieurs probléma- pation totalement bénévole mais vali- site pour une nouvelle mission. tiques. D’abord, comment réunir, jour dée par un conseiller technique SSF afin après jour, tous les spécialistes d’attester des capacités à intervenir sur nécessaires au fonctionnement en l’opération. Le second a reposé sur l’uti- La répartition des taches sur OSÉE continu d’une opération complexe, dont lisation des circuits habituels du SSF et OSÉE: 15783 heures sur 85 jours les besoins évolueraient nécessaire- sur les conseillers techniques dépar- par 391 spéléologues ment en fonction des obstacles de tementaux en spéléologie qui, informés progression rencontrés : spécialistes de en permanence des besoins d’OSÉE, la désobstruction, du pompage, de la se sont impliqués pour solliciter les ventilation, de l’équipement, de la sauveteurs et proposer des équipes. plongée, de la gestion, de la conduite Le troisième a consisté en un travail d’une opération, des approvisionne- permanent du coordinateur de l’opéra- ments ou de l’électricité ? Ensuite, tion, des conseillers techniques et comment canaliser et structurer dans gestionnaires qui se sont relayés au PC la durée toutes les bonnes volontés qui pour prévoir les besoins et remplir les allaient se manifester ? Enfin, comment plannings quotidiens. faire en sorte que tout cela inspire Tout ceci n’est cependant que suffisamment confiance aux autorités l’aspect purement technique de ce pour qu’à aucun moment elles ne formidable élan de solidarité. Il n’est puissent être tentées de mettre un pas son moteur, il n’explique pas ces Les départements d’origine terme à l’opération ? Sans oublier que 15 100 heures données, les milliers de des participants à OSÉE tous ces bénévoles auraient un travail, kilomètres parcourus pour venir à une vie de famille et pour beaucoup Labastide-de-Virac aux frais de chacun, habiteraient à plusieurs centaines de le travail dans le froid et l’humidité avec kilomètres du puits de Ronze ! des conditions extérieures souvent diffi-

L’arrivée sur le site de l’opération OSÉE.

L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 21 Les partenaires de l’opération OSÉE Un retentissement au-delà Cette opération n’a pas été qu’une belle démonstration de solidarité de la part de du milieu spéléologique l’ensemble de la communauté spéléologique. En effet, sans les donateurs et les partenaires techniques, nous n’aurions pas pu aller aussi loin dans nos recherches. En nous excusant auprès de ceux qui auraient pu être oubliés par mégarde, vous trouverez en suivant la liste des collectivités, des entreprises et des personnes qui ont apporté leur soutien technique à OSÉE: . Monsieur Jacques Marron, maire et propriétaire Cliché de de la cavité du puits de Ronze; groupe pris . La mairie et les habitants de le 3 octobre Labastide-de-Virac; 2010 (Éric . La société Mira-Charmasson, Establie Labastide-de-Virac; au centre). . La société BUNG’ECO à Aubignas pour le prêt du bungalow et des containers; . La société STIC Distribution, matériel de pompage, Alès; . L’entreprise LED Électricité, Nîmes, et son patron, Monsieur Marceau Lacroix; . Le restaurant Chez Coco à Barjac pour la fourniture des repas; . Le magasin Intermarché, Vallon-Pont-d’Arc, et son propriétaire Monsieur Ortiz; Quelle était donc la raison de cet Il renvoyait le grand public à ses peurs . La société AR POMPE de Nîmes, pour le prêt engagement sans précédent ? La ancestrales, il était pour trop de médias d’une pompe haute pression; réponse à cette question n’est certai- une promesse d’audience. Ils étaient . Les équipes d’ERDF de Joyeuse et leur responsable monsieur Xavier Tourre; nement pas unique. Chaque participant donc nombreux à se presser sur place, . La société de location de matériel LOXAM à et chacun de ceux qui ont soutenu cette ces journalistes que l’annonce de la Pierrelatte; opération a probablement la sienne. mort d’Éric fit disparaître comme une . La menuiserie-ébénisterie Alain Borie, L’ampleur de l’œuvre accomplie et son volée de moineaux vers d’autres lieux, Saint-Jean-de-Maruéjols; . La société PETZL, Crolles, pour sa dotation retentissement montrent cependant un reportage chassant l’autre. en matériel de portage; que l’élan de solidarité d’OSÉE est allé Certains toutefois sont restés. . La société BEAL, Vienne, pour la fourniture au-delà du simple cumul des engage- Ceux-là étaient intrigués, curieux de de corde; ments. OSÉE a en effet frappé l’opinion suivre l’opération de solidarité qui se . La société MTDE, Toulouse, pour la fourniture de matériel de survie; en lui présentant une image très éloi- dessinait, et qui apparaissait comme . La société Cévennes-Évasion, Florac, pour la gnée des clichés que véhiculent habi- totalement à contre-courant des valeurs mise à disposition de matériel de progression ; tuellement les médias, attachés d’une société confite dans le chacun . La société ITT LOWARA avec Monsieur Damien Galzin, responsable France des seulement au côté sensationnel des pour soi. C’était une presse de proxi- « produits eaux claires » sur le site de Tours; accidents spéléologiques et au mité, mieux à même de transmettre les . L’atelier Mathieu domicilié à Cannes; fantasme d’un coût exorbitant supporté valeurs humaines de la grande famille . La Société CECCI, pour la fourniture de matériel par la communauté nationale en raison des spéléologues, désireuse de électrique, câbles, pompes et divers; . Monsieur William Hannachi, revendeur de l’irresponsabilité de quelques-uns. comprendre et de faire partager à ses de la pompe ITT LOWARA. Ce prisme déformant a encore été lecteurs l’engagement de ces hommes . Sont aussi remerciées les sociétés Submerge utilisé pendant la phase du secours de l’ombre pour rendre hommage à l’un et InterDiving, pour la donation d’un caisson proprement dit. Dans la même veine des siens disparu, et pour soutenir une de plongée étanche. que celle du sauvetage en cours des famille dans la peine. Éric Ont contribué à la réalisation Establie en mineurs chiliens, la Dragonnière de Sur place, dans les rapports avec plongée, Gaud offrait chez nous le spectacle d’un ces journalistes-là, on était bien loin de cet article laminoir du homme bloqué sous la terre derrière des pratiques des paparazzis et de la Écrits : Dominique Beau, Jean-François Perret, goul de la Éric David, Olivier Lanet, Robert Crozier, Tannerie. le verrou obscur d’un siphon effrayant. presse « people ». Les articles et repor- Évelyne Establie, Georges Marbach, tages réalisés étaient fidèles à la Jacques Marron, Jean-Luc Rouy, réalité du terrain. Ces professionnels Nicolas Legrand, Bernard Tourte. sont restés présents à nos côtés Coordination : Bernard Tourte. Synthèse : Georges Marbach. jusqu’à la fin de l’opération. Topographie et illustrations : Frank Vasseur Il restera donc de l’opération OSÉE (b, p. 13) ; Olivier Lanet (ht, p. 13) ; une idée forte, bien au-delà de notre Judicaël Arnaud (p. 16, ht, p. 20) ; Éric David petit milieu : celle de la solidarité du (b, p. 17), Claire et Yvon Henaff (ct + b, p. 21). Crédits photographiques : monde spéléologique. Les témoignages Nicolas Legrand (p. 11 ; ht, p. 12 ; p. 13 ; ht.dr, reçus pendant et même après l’opéra- b.g, p.14 ; 2ht + 2xb, p. 15 ; 3xht, p. 16 ; h.g, tion le laissent penser. Il suffit de n’en et 2 x dr, p. 17 ; ht, p. 21) ; Bernard Tourte (b.ct, citer qu’un, envoyé par un inconnu après p. 14 ; les 4xb, p. 16 ; ht, p. 18) ; Jean-François Perret (ht.g + ct, p.14) ; Philippe Assailly (b, la fin d’OSÉE : « Vous avez été super, p.10 ; b, p.12 ; ht, p. 22) ; Jean-Claude Boutin et surtout vous nous avez montré que (ct, p. 18 ; b, p. 21) ; Sylvain Collin (ct.dr, de nos jours, la vraie solidarité existe p. 15) ; Fabrice Dauvergne et Nicolas Brejon (g.b, p. 17) ; Frank Vasseur (b, p. 22) ; encore. Continuez dans ce sens ! ». Émerick Houplain (b, p. 20). Réalisation des photomontages : Jean-François Hayet (1ère de couverture, cliché ht, p. 10). 22 L’opération OSÉE - Spelunca 121 - 2011 La grotte aux Éric PÉRY * Mille diaclases Bazoilles-sur-Meuse (Vosges)

Préambule Le département des Vosges, en amont du Bassin parisien, Vallée de se compose de terrains la Meuse argilo-calcaires à l’ouest: la Plaine, face à l’entrée de d’une bande gréseuse au centre: la grotte. la Vôge et d’un massif cristallin à l’est: les Hautes-Vosges. La limite des calcaires passe au centre du département par une diagonale orientée nord-est – sud-ouest. La Vôge comprend au sud, le bassin versant de la Saône. Trois rivières importantes prennent Historique leur source dans les Vosges. Début août 1990, Paul Mathieu, nous progressons d’environ 300 m. Un La Moselle et la Meurthe coulent membre du Groupe spéléologique et seul d’entre nous, aidé par les deux vers la mer du Nord, alors que préhistorique vosgien (GSPV) d’Épinal, autres, franchit une étroiture verticale la Saône se dirige vers la se rend dans la région de Neufchâteau et reconnaît une suite sur 50 m. Méditerranée. dans l’ouest du département, pour aller Le 27 octobre 1990, nous sommes La Meuse prend sa source au sud reconnaître une entrée de grotte qui quatre et après agrandissement du de la Haute-Marne à une quinzaine lui avait été indiquée. À environ un passage à la massette-pointerolle, nous de kilomètres du département des kilomètre de cette cavité, en passant arrivons à environ 950 m de l’entrée. Vosges et rejoint également la mer sur un chemin qui longe la Meuse, il Le 20 décembre 1990, nous du Nord. Elle coule sur le Lias en aperçut alors un passage d’eau tempo- retournons à deux et obtenons notre direction contraire du pendage raire et en amont une petite excavation cadeau de Noël un peu avant l’heure en dans ses premiers kilomètres pour dans un talus. découvrant, à un niveau inférieur, un finalement traverser l’ouest du Le 7 août 1990, nous sommes beau siphon d’où émerge une rivière deux à nous rendre sur place pour véri- pérenne. Nous continuons d’abord la département des Vosges du sud fier si cela peut être intéressant. Un fort reconnaissance de l’axe principal qui au nord. En passant sur le sol courant d’air frais sort de la cavité, se termine sur étroiture et au retour karstique vosgien et en étiage, alors qu’il fait environ 30 °C à l’exté- nous explorons l’aval de la rivière sur elle se perd totalement près de rieur. Après déblaiement de pierres et plus de 200 m. Bazoilles-sur-Meuse et retrouve creusement dans du remplissage Après une impossibilité d’explora- l’air libre quelques kilomètres terreux, nous progressons difficilement tion en début d’année 1991, à cause plus loin à Neufchâteau. d’une dizaine de mètres. d’un niveau d’eau important dans la Le 21 avril 1989, l’ouverture en Le 17 août 1990, nous sommes galerie principale, le 4 mai 1991, nous plein champ, sur la commune de bloqués à une soixantaine de mètres sommes quatre pour explorer la suite Mont-les-Neufchâteau, du gouffre de l’entrée par une coulée stalagmi- de la rivière qui se termine sur une des Ensanges profond de 15 m tique remontante où un violent courant sévère voûte mouillante. Depuis la et possédant un écoulement d’air souffle d’un orifice d’environ dix rivière, nous remontons le seul petit temporaire attira notre attention centimètres de diamètre. affluent temporaire en rive gauche sur sur cette zone intéressante du Fin août à début septembre 1990, environ 30 m. Une petite trémie de Paul désobstrue en plusieurs heures, blocs enchevêtrés nous interdit les département. au marteau-burin, le passage. passages supérieurs et dans l’axe. Le 22 septembre 1990, nous Le 2 février 1992, au profit d’une retournons à trois dans la cavité et exploration élargie aux spéléologues * (GSPV Epinal 1976-1991 – Aragonite, Vittel 1992 -2010) La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 23 lorrains lors d’un séminaire régional organisé dans la commune, Jean-Marc Lebel (USAN, Nancy) fait une recon- naissance du siphon en apnée : pas de prolongement dans l’axe direct, mais à voir en latéral. Une petite incursion est faite également à l’aval, où la voûte mouillante semble précéder un siphon. Le 8 février 1992, plusieurs membres du GSPV trouvent, à moins de deux cents mètres avant la rivière, Premier élargissement depuis l’entrée. une nouvelle galerie qui sera bapti- sée l’affluent du P’tit Minou. En raison d’un niveau d’eau impor- tant, deux explorations seront néces- saires le 22 février et le 23 mai 1992 Description de la cavité et de l’exploration pour atteindre et explorer totalement ce nouvel affluent temporaire. De l’entrée à la sortie étroit permet de déboucher dans la Plusieurs échecs d’explorations et des Massues galerie du Piège, moins large mais de désobstructions, associés à une Ce parcours de 90 m demanda au nettement plus haute que la galerie baisse d’activité, feront attendre plus début des explorations et pendant d’entrée (coupe n° 3). de dix ans, pour enfin franchir le plusieurs années plus de quarante Après quelques mètres de parcours passage de la trémie le 13 septembre minutes pour être franchi avec des kits ! debout, c’est à « quatre pattes » puis 2003 et découvrir plus de 200 m de À l’aller ce n’était pas facile, mais au de nouveau à plat ventre que l’on nouvelles galeries. retour, avec la fatigue, c’était pénible. progresse jusqu’à une petite salle où il Le 12 novembre 2005, Frédo Depuis, plusieurs travaux d’agrandis- est possible de se remettre en position Poggia nous fait l’honneur de traverser sement et séances de désobstruction verticale. une bonne partie de la France pour ont permis de rendre ce parcours On s’enfile aussitôt dans une petite venir plonger le siphon amont. Malheu- moins difficile. ouverture à environ un mètre de reusement ce dernier ne dévoilera pas Dès l’entrée, haute de quelques hauteur, pour progresser de nouveau en plus de quinze mètres de développe- décimètres (coupe n° 1), la progression « ramping » et à « quatre pattes » dans ment latéral, pour quatre mètres de s’effectue en « ramping » sur le sol une galerie couverte de calcite. Après profondeur. La reconnaissance de terreux de la galerie en profil de lami- le passage d’une coulée stalagmitique l’aval est stoppée par de l’argile fluide noir. Après une légère descente et un remontante, lieu de la première désobs- dans un laminoir assez large, mais coude, celle-ci remonte (coupe n° 2), truction sérieuse effectuée en 1990, on de plus en plus bas. puis redescend… Un passage bas plus peut se reposer assis dans un élargis- sement avant de s’allonger de nouveau sur quelques mètres pour arriver enfin dans une galerie de bonne taille (coupe Topographie n° 4). Dans cet effort, la traversée d’un Les relevés topographiques gour, presque toujours sec, orné de furent essentiellement réalisés par trois belles stalagmites en forme de Francis Vatrey et Éric Péry (Aragonite, massues, permet un petit intermède. Vittel) entre le 1er mai 1992 et le 27 mai 1996, avec l’aide sur certai- La grotte aux Mille diaclases nes sorties de membres des clubs Aragonite, du Groupe spéléologique Bazoilles-sur-Meuse (Vosges) et préhistorique vosgien (GSPV) et Coordonnées Lambert 1 : X = 845,525 - Y = 1 070,165 - Z = 297 du Groupe Ursus spelaeus (GUS) Développement : 2 036 m d’Épinal. Le dessin sur feuille est Siphon réalisé en 1997 et restera en attente blanc dans un placard… La galerie décou- verte en 2003 est ajoutée et la remise au propre et diffusion ne sont effectuées qu’au début 2010. Avec son développement de plus de 2 km, la grotte aux Mille diaclases rivière Siphon amont trémie est au troisième rang du départe- ment qui offre, en 2010, environ passage de la Baignoire La « Tectonique » 11 km de galeries dont 10 km pour affluent les quatre cavités principales. des Cupules

affluent de Calcite siphon 24 La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 Quatre pattes après les Massues.

De la sortie des Massues ment se relever. La hauteur atteint sept à la salle de la Table à huit mètres (coupe n° 6) pour les plus Une fine coulée de calcite colorée hautes pour des longueurs transver- Les Massues. et quelques stalactites décorent le côté sales variant de quatre à seize mètres. droit de la galerie voûtée de belles C’est ainsi jusqu’à la salle de la dimensions, mais le rêve ne dure pas, Table à 287 m de l’entrée, mais égale- derrière et dessous celui-ci. Agrandi à car le plafond s’abaisse rapidement. Le ment tout au long de l’axe principal de plusieurs reprises, il donne accès à une sol est désormais jonché de dalles la cavité. galerie plus humide (coupe n° 7) d’en- tombées du plafond (coupe n° 5). La viron soixante mètres de longueur et progression à « quatre pattes », parfois De la salle de la Table à la salle entrecoupée de quatre diaclases. Elle à plat ventre, est entrecoupée par les dite « de l’Escalade » débouche dans une petite salle que premières diaclases. La suite de la cavité se trouve dans nous appelons d’une manière un peu À chaque diaclase, d’une épaisseur le même axe, mais à un niveau inférieur surfaite la salle de l’Escalade car il faut d’un à trois mètres dans le sens de de deux mètres. Le passage se trouve remonter d’environ deux mètres pour progression, l’explorateur peut aisé- à gauche du gros bloc au sol et conduit accéder à la suite. Pour raison de

Sortie des Massues.

les Massues

diaclase Armbruster Sortie des Massues.

salle Carrée galerie du Piège entrée

salle de la Table

petit affluent siphon

affluent du 0 100 m P’tit Minou salle de la Boussole Topographie: relevés réalisés entre le 01/05/1992 et le 27/05/1996 et le 16/09/2003 Dessin: janvier 2010 Découverte de la cavité: août 1990 (GSPV Epinal) Exploration et topographie: Aragonite Vittel, GSPV Epinal et quelques spéléologues invités de différents clubs Calculs, report et dessin: Éric Péry (Aragonite Vittel).

Reproduction interdite pour usage professionnel, commercial ou à but lucratif sans autorisation du club Aragonite de Vittel. La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 25 modestie, cette salle n’est pas réfé- un peu de hauteur pour que cela soit rencée sur la topographie ; il s’agit de le cas. À 864 m de l’entrée, au profit l’élargissement avant la coupe n° 8 et d’une diaclase, un petit passage au sol qui se trouve à 345 m de l’entrée. peu visible donne accès à l’affluent temporaire du P’tit Minou. La « Tecto- De la salle de l’Escalade nique » est une grosse diaclase avec un à la salle Carrée enchevêtrement de blocs. Il faut les La progression se fait de nouveau escalader sur quelques mètres puis sur des dalles (coupe n° 8), à « quatre s’enfiler entre eux pour trouver la suite. pattes » et à plat ventre, en louvoyant Avant ce passage situé à 970 m de l’en- entre des blocs qui obstruent presque trée, il y a souvent quelques laisses totalement la hauteur de la galerie d’eau peu profondes. (coupe n° 9). La salle Carrée située à 413 m de De la « Tectonique » au fond l’entrée est en réalité triangulaire, mais de l’axe principal possède un beau dièdre à son entrée Après ce chaos, on retrouve le gauche. même type de galerie qu’auparavant (coupe n° 15) et on progresse toujours De la salle Carrée à la salle et encore entre « quatre pattes » et Profil diaclase de la Boussole debout, mais courbé, jusqu’à croiser Tout comme dans la salle de la une diaclase ouverte au sol à 1 022 m Table, la suite de la cavité se découvre de l’entrée. Cette ouverture d’environ La Rivière entre le bloc au centre de la salle et la 50 cm de large donne accès à la rivière Aucun équipement particulier n’est paroi. Après un passage inférieur un peu après une descente en opposition d’en- nécessaire pour son exploration. concrétionné, bas et long de cinq mètres viron trois mètres. L’axe principal conti- Aussitôt après la descente, à moins (coupe n° 10), la progression alterne nue avec toujours le même style de de 15 m, l’amont est verrouillé par un entre debout, « quatre pattes » et à plat découpe jusqu’à un coude où arrive à siphon d’une longueur de 4 m pour une ventre au gré des diaclases (coupes gauche l’affluent des Cupules et à largeur d’environ 60 cm à 1 m et une n° 11, n° 12 et n° 13). Après quelques droite une suite impénétrable à 1 163 m profondeur de quatre mètres. L’aval équerres, la suite se dévoile. On y avance de l’entrée. commence avec un passage en hauteur accroupi ou debout, mais souvent courbé À environ moitié de ce parcours on entre des blocs. La galerie a une (coupe n° 14), jusqu’à la salle de la Bous- passe une nouvelle diaclase importante hauteur appréciable, mais peu large sole, à 776 m de l’entrée. avec des blocs, où arrive sur la gauche (coupe n° 17) pour devenir au fil des Un petit affluent temporaire à l’affluent de Calcite très joliment 330 m plus large mais beaucoup moins 495 m de l’entrée emprunte, de gauche concrétionné de microgours. haute. La progression se termine par à droite, la galerie principale sur L’affluent des Cupules est un actif une sévère voûte mouillante à 1 352 m quelques mètres. temporaire très érodé avec, comme son de l’entrée où débouche sur la droite, nom l’indique, des cupules au sol. La probablement, la partie non explorée de De la salle de la Boussole galerie est toujours assez large, mais a l’affluent du P’tit Minou. à la « Tectonique » perdu de la hauteur. Elle se termine par Le passage de la Baignoire, à 100 m La progression est plus aisée, sans un passage étroit dans une coulée de de la descente dans la rivière, est un toutefois être reposante, car il manque calcite à 1 240 m de l’entrée. élargissement plus profond qui s’évite

La salle de la Table. La Rivière.

26 La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 Passage sur des dalles.

par une opposition un peu acrobatique affluent développe 182 m. Avec les qui des fois amène à un beau plouf ! deux petites arrivées temporaires sur Trente-trois mètres après cette sa gauche et le diverticule derrière la L’entrée en crue. marmite, arrive un affluent temporaire trémie, il totalise 230 m. de rive gauche, dont la trémie a été désobstruée par quelques tirs. La L’affluent du P’tit Minou progression se fait à « quatre pattes » L’amont est vite étroit, l’aval se fait Description ou accroupi, pour ensuite être debout comme souvent dans cette cavité par sur quelques dizaines de mètres au une progression à « quatre pattes ». géologique profit d’une diaclase derrière le La galerie qui ressemble à une galerie de la cavité et passage de la Trémie, puis de nouveau minière en modèle réduit comme il est à « quatre pattes ». Après avoir passé possible d’en visiter dans les anciennes de sa situation un bloc qui obstrue partiellement la mines d’argent des Vosges, est peu galerie, l’affluent se termine par un petit large (souvent 40 cm) et peu haute L’entrée se situe à seulement siphon à 1 318 m de l’entrée. Cet (souvent 50 cm) (coupe n° 16). quelques mètres au-dessus du lit de la Meuse et environ à cent mètres de distance à l’ouest. Elle réagit très rare- ment en résurgence temporaire, seule- ment en cas de saturation des Commentaires couches inférieures de terrain. Devant Comme vous avez pu le lire, la l’entrée et dans l’axe jusqu’à la progression dans cette cavité se fait Meuse, deux niveaux de résurgences essentiellement à « quatre pattes » : temporaires ont été identifiés, un sous les genoux souffrent ! L’accessoire forme de bouillons dans la prairie et indispensable, à ne pas oublier, est l’autre à quelques mètres de l’entrée une paire de genouillères. au ras du chemin. Quand le système Avec un kit pour se ravitailler en Arrivée dans la galerie du Piège. se met en charge, l’eau ne semble pas eau, nourriture et carbure, il faut provenir du parcours spéléologique. compter entre sept et neuf heures jusqu’à la coulée stalagmitique L’entrée de la grotte est creusée pour une exploration totale de la remontante, mais aucun n’avait été dans le Dogger au niveau du Bajocien cavité. Bien qu’il n’y ait pas vu. C’est pour cette raison que nous inférieur, dont c’est juste la limite d’obstacle rédhibitoire, cette visite avons trouvé un piège à mâchoires à d’affleurement nord. demande un effort physique certain. 30 m de l’entrée et que nous avons À environ 300 m plus au nord, se Au début de l’exploration, des baptisé ce tronçon la galerie du renards « habitaient » la grotte Piège. Après la désobstruction, ils trouvent les premières pertes de la ont étendu leur territoire jusqu’à la Meuse, qui ont été colmatées au début salle de la Table et font même des du vingtième siècle, afin que la Meuse incursions plus loin. puisse toujours atteindre un moulin à Lors des deux dernières explorations Bazoilles-sur-Meuse, même à l’étiage. de 2003 et 2005, nous les avons L’axe principal de la cavité est même croisés au niveau de la salle parallèle à la faille dite de Vittel, acci- de la Table, vision assez surréaliste dent majeur du Bassin parisien, qui où nous nous demandions lesquels passe à cinq kilomètres de là, au sud. avaient le plus peur ! Le souci Les diaclases sont toutes orientées ou majeur est causé par les excréments presque entre 140 et 160 degrés nord qui se trouvent souvent sur le dont une majorité à 145 degrés. passage… et par l’odeur ! Elles sont parallèles à deux failles de Arrivée au petit affluent.

La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 27 Bouillon au premier plan. Approche archéologique Un sondage de diagnostic [J.-J. Gaffiot (GUS), N. Chrétien (GSPV)] effectué dans la zone d’en- trée, ainsi que des découvertes fortuites lors des désobstructions, ont révélé une présence impor- tante de débris fauniques épars en voie de fossilisation d’origine quaternaire. La coupe du remplis- sage a révélé plusieurs planchers stalagmitiques superposés prou- direction nord-ouest – sud-est qui Il reste encore quelques départs à vant des phases d’activités passent au sud-est de Neufchâteau. explorer et quelques passages à revoir successives de la cavité au cours Celle de Rebeuville est la plus éten- ou à travailler. La grotte aux Mille des âges. Tout reste à faire en ce due (10 km environ) et a un tracé recti- diaclases devrait voir augmenter son domaine pour un spécialiste. ligne. La deuxième est une faille relais développement, si des spéléologues d’environ 6 km et devient direction nord- s’en donnent la peine ! sud dans sa partie sud au niveau de Aucune étude géologique in situ n’a Circourt-sur-Mouzon. Ces deux failles été menée, de même qu’aucune colo- de la pollution d’un étang. Il effectua de regard contraire déterminent un bloc ration. Cela pourrait faire l’objet d’un de nombreux traçages à la fluores- légèrement affaissé d’une largeur infé- bon sujet de travail universitaire ou céine pour trouver ou vérifier les rela- rieure à un kilomètre. Le rejet de ces autres, d’autant plus que le secteur est tions entre les différentes pertes de failles est d’une vingtaine de mètres, assez complexe et énigmatique… la Meuse, du Mouzon et de la Saônelle mais il est très peu marqué dans le Les travaux récents, connus par et les résurgences. paysage. Ces failles principales sont l’auteur de cet article, concernant la Certaines constatations et théories essentielles car elles déterminent de zone au sud de Neufchâteau, et ayant développées, semblent être en contra- nombreuses fractures et diaclases aux fait l’objet d’une publication sont les diction entre ces deux études menées orientations très régulières. suivants : à la même époque. Le passage inférieur entre la salle - Claude Thomas, étudia en 1976, les - Mickaël Gérard, lors d’une maîtrise de de la Table et la salle de l’Escalade relations entre les pertes de diffé- géomorphologie en 2000, étudia le semble être une particularité géologique rentes rivières (Meuse, Mouzon et secteur et inclut dans ses travaux la qu’il serait bon de vérifier. En effet, sur Saônelle) et des résurgences, avec grotte aux Mille diaclases dont la les anciennes cartes géologiques au la technique des propriétés physico- découverte remontait à dix ans. 1/80 000, une faille était dessinée de chimiques des eaux. ce côté (faille Goncourt-Bazoilles) et la - Le professeur Pierre L. Maubeuge, en Photographies : Éric Péry, Jean-Jacques Gaffiot, Mario De Souza. superposition topographique corres- plus de ses nombreux travaux géolo- pondrait assez bien. Cette faille a été giques, dont la carte géologique au contestée lors de l’établissement des 1/50 000, étudia la zone en 1977 cartes géologiques au 1/50 000. pour une expertise judiciaire à cause

Biospéléologie

La rivière est colonisée par des crustacés. Un spécimen récolté par Jean-Jacques Gaffiot (GUS) a été identifié en 1993 par M. J.-P. Henry, professeur à l’université de Dijon comme un Caecosphaeroma burgun- dum Dollfus. Cette espèce rare, preuve de la qualité de l’eau, mérite vos égards lors de la visite de la rivière. Pancarte sur le chemin.

Bibliographie Gérard, Mickaël (2000) : Les vallées de la Meuse et du Mouzon : lien entre karstification Maubeuge, Pierre L. (1980) : Expertise judiciaire de 1977.- Bulletin Académie et Société des calcaires et encaissements des cours d’eau (revers du Bajocien au sud de Neufchâ- lorraines des sciences, t.XIX, n° 4, p.9 à 24. teau), 145 p. Minoux, G. et Stchépinsky, V. (1965) : Carte géologique de la France à 1/80000, n° 84 – Hilly, J. et Haguenauer, B. (1979) : Guides géologiques régionaux – Lorraine – Cham- Mirecourt. pagne.- Éditions Masson (Paris), p.56 à 63. Péry, Éric (1992) : Spelunca n°46, juin 1992, p.8. Jacquemin, Dominique (2003): Spelunca n° 89, 1er trimestre 2003, p.4. Poggia, Frédéric (2007) : Info plongée n° 94, 1er semestre 2007, p.55. Maubeuge, Pierre L. (1974) : Carte géologique de la France à 1/50000, n° 302 – Neuf- Thomas, Claude (1976): Étude hydrogéologique de l’aquifère karstique du bassin de la Haute château. Meuse. Étude géochimique des émergences de Neufchâteau (Vosges), 189 p.

28 La grotte aux Mille diaclases - Spelunca 121 - 2011 Guilhem MAISTRE 1,2,3, Hubert CAMUS 1,2, L’expédition Bruno FROMENTO 1,3, Laurent POUYAUD 4 Lengguru-Kaimana 2010 Karst et biodiversité en Papouasie occidentale

L’expédition Lengguru- Hubert Camus devant des gravures découvertes sur le bord du lac Kamakawalar. Cliché Laurent Pouyaud. Kaimana 2010 n’était pas une expédition spéléologique à proprement parler. Cependant, la karstologie constituait un axe central de la problématique abordée et des investigations spéléologiques étaient nécessaires. Trois spéléologues Bruno Fromento prépare le terrain pour que les archéologues puissent relever les peintures « se sont sacrifiés pour en baie de Triton. Cliché Marc Legendre. explorer les grottes » d’un massif karstique jusqu’alors vierge. Genèse d’un projet Après notre retour, nous pouvons dire que nous Kadarusman, étudiant originaire de (Fondation pour la recherche sur la Sorong, Papouasie occidentale, est accueilli biodiversité), il est approuvé en janvier. En avons rassemblé des par le centre de Montpellier de l’IRD (Institut France, Laurent s’occupe des partenariats résultats spéléologiques de recherche pour le développement) pour scientifiques et financiers. En Indonésie, encourageants, y réaliser une thèse de biologie sur la famille Jacques Slembrouck, en poste au centre IRD des observations des poissons arc-en-ciel (Melanotaeniidae). de Jakarta, abat un énorme travail de karstologiques Les poissons arc-en-ciel, endémiques d’Aus- relations avec les partenaires scientifiques majeures et la mise tralie et de Nouvelle-Guinée, présentent un indonésiens, de démarches administratives en lumière d’un massif intérêt économique car ils sont très prisés et d’organisation logistique. Chez CENOTE, karstique au potentiel des aquariophiles. Laurent Pouyaud, ichtyo- Guilhem Maistre collecte tout ce qu’il peut énorme. De plus, logue à l’IRD de Montpellier, est le co-direc- trouver comme informations sur le terrain la collaboration teur de thèse de Kadarusman. Ensemble, ils d’étude. Il découvre qu’une thèse sur la ont organisé trois expéditions sur la pénin- géologie structurale du massif de Lengguru pluridisciplinaire sule du Vogelkopf (tête de l’oiseau) et les îles vient d’être soutenue à Paris. Son auteur, et internationale environnantes pour étudier les poissons arc- Vivien Bailly [1], est contacté : il nous a fourni fructueuse montre en-ciel, en 2007, 2008 et 2009. une masse colossale et décisive de données. à ceux qui en Au cours de leurs pérégrinations, ils ont Malheureusement, sa nouvelle activité doutaient encore constaté que les espèces sont plus nom - professionnelle ne lui laisse pas la possibilité l’intérêt de l’exploration breuses à proximité des zones karstiques. de participer à l’expédition. spéléologique comme Laurent se met en quête de spécialistes Au fur et à mesure que l’équipe se outil pour la science. du karst. Par chance, le cabinet CENOTE est constitue et que le projet avance, la présent lui aussi à Montpellier. Une première thématique s’élargit et s’enrichit de rencontre a lieu en juin 2009. À partir de nouvelles disciplines. Finalement, les 1. CENOTE: cabinet d’expertise septembre 2009, tout va très vite. Une quarante-trois participants français et et conseil dans le domaine du karst et des formations expédition est programmée pour fin 2010. indonésiens à l’expédition représentent superficielles. Le thème est précisé : « le rôle structurant les spécialités suivantes : poissons d’eau 2. GERSAM: Groupe d’études et de recherches spéléologiques du karst sur la biodiversité des poissons douce, batraciens, oiseaux, chiroptères, et archéologiques de Montpellier. d’eau douce ». Le cadre géogra phique est invertébrés, hydrologie, paléontologie, 3. SCVV: Spéléo-club de la Vallée de la Vis. choisi : le massif de Lengguru dans le « cou géologie, archéologie, karstologie, spéléo- 4. IRD: Institut de recherche pour de l’oiseau ». Un projet est soumis à la FRB logie, navigation, cuisine. le développement.

L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 29 Massif de Lengguru, Papouasie occidentale

3°S Lac endoréique

Rivière

Disparition de rivière

Baie d’Arguni Rivière abandonnée ou temporaire

Limite nord-ouest des calcaires C Première et deuxième A zones (voir texte)

B Troisième zone (voir texte)

C Quatrième zone (voir texte) 1640 m Lac Sewiki D Cinquième zone (voir texte)

Lac Kuweri

Rivière Lengguru D

Baie de Bitsiari

Kaimana

Lobo Lac Kamakawalar A N

0 10 20 km Baie de Triton B Baie de Kayumerah Lac Mbuta Baie d’Aru Baie d’Etna 4°S 134°E 134°30’E

Le milieu

La Papouasie occidentale est sous Le massif de Lengguru, dans le cou peut-être la faiblesse relative des contrôle indonésien depuis 1963, après de l’oiseau, a une partie calcaire consti- précipitations (2 400 mm annuels à avoir été sous tutelle hollandaise. tuée d’une suite de crêtes orientées Kaimana). Elle est peuplée majoritairement de approximativement nord-ouest – sud- Le massif de Lengguru est un Papous, bien que des populations origi- est. Leurs altitudes moyennes sont prisme orogénique de formation récente naires d’autres îles de l’archipel comprises entre 800 et 1 200 m. Le (moins de onze millions d’années), lié indonésien soient de plus en plus point culminant dépasse un peu à une compression en contexte de présentes, particulièrement dans les 1 600 m. convergence rapide. Le déplacement villes et leurs abords. Sorong, ville La position basse du massif, des contraintes crée depuis trois à un importante à la pointe ouest de l’île, comparativement à la chaîne centrale million d’années un contexte distensif était déjà une possession du sultanat située à l’est, culminant à 4 884 m et à l’origine d’affaissements et de bascu- de Ternate (Moluques) avant l’arrivée aux monts Arfak sur la tête de l’oiseau, lement de blocs. des Hollandais. à l’ouest (près de 3 000 m) explique L’armature de la chaîne est constituée de calcaires du groupe des New-Guinea (NGL) d’âge paléocène à miocène, déposés en environnement de plateforme. La compression a déformé les couches en une succession d’anticli- Le massif naux chevauchants séparés par des karstique en arrière bassins souvent endoréiques et de la baie occupés par des lacs, créant un relief d'Arguni. de type jurassien. La phase distensive Cliché Guilhem a créé des basculements en touches Maistre. de piano et des grabens (baie de Triton), selon des failles normales grossièrement perpendiculaires à l’axe des anticlinaux.

30 L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 L’expédition

Elle a été conçue comme une reconnaissance ayant pour but de recueillir les informations nécessaires à l’établissement d’un programme de recherche pluriannuel. Au vu de l’imagerie satellitaire et des informations géologiques commu- niquées par Vivien Bailly, nous avons sélectionné cinq zones-cibles. Un navire mis à notre disposition par l’APSOR (Académie des pêches de Sorong, orga- nisme employeur de Kadarusman) nous acheminera ensuite de Sorong vers le massif de Lengguru et nous servira de camp de base.

Première zone : percée hydrologique de la rivière Lengguru, 13 octobre La rivière Lengguru, que nous avons vu débiter plusieurs centaines de Le navire qui sert de camp de base à l'expédition arrive en vue du massif de Lengguru. mètres cubes par seconde en crue dans Cliché Guilhem Maistre. sa partie aval, et qui ne semble pas descendre en dessous de 100 m3/s à quatre kilomètres un sentier papou qui Deuxième zone : environs l’étiage, disparaît sous terre pendant remonte la vallée et nous permet de du lac Kamakawalar, environ 3 km à vol d’oiseau, une contourner la zone infranchissable. du 15 au 19 octobre cinquantaine de kilomètres en amont Nous apprenons auprès des Papous du Ce lac est situé quatre kilomètres de l’embouchure. Des branches laté- coin qu’un village existe à proximité de en arrière de la baie de Triton. Selon rales fossiles ou temporaires de la notre objectif et qu’un système de les fluctuations du niveau de l'eau, il rivière laissent espérer un système navettes en pirogues à moteur permet mesure plus ou moins dix kilomètres de souterrain complexe. Des rapides de remonter les tronçons navigables de long pour deux de large. Il ne possède visibles sur Google Earth faisaient la rivière. Mais selon les attentes, il faut aucun exutoire aérien. Lors de notre craindre des difficultés d’accès en environ trois jours à l’aller et autant au reconnaissance, il était à un niveau très Zodiac. La présence de ces rapides est retour. Ce délai, cumulé avec le temps élevé et encore en phase de montée confirmée lors de notre reconnaissance. nécessaire pour une reconnaissance selon nos guides papous et aussi au vu Nous devons laisser le Zodiac à environ sérieuse sur place, est incompatible de l’état de la végétation ennoyée. Lors quatre kilomètres de l’embouchure avec le temps dont nous disposons. Cet du passage de Vivien Bailly en 2007, après avoir déjà affronté quelques objectif majeur est réservé pour une il était au moins quinze mètres plus turbulences. Nous suivons alors sur prochaine expédition. bas. Déjà en 1873, le naturaliste russe Nikolaï Mikloukho-Maklaï [2] déduisait de ses observations et des témoi- gnages recueillis que le niveau du lac Les rapides de la Lengguru, à contourner à pied! avait fluctué d’au moins quarante Cliché Hubert Camus. mètres sur une génération. Lors de d’approche, nous sommes passés par un col axé sur un chapelet de dolines. Trois cavités mineures ont été explorées. Nous avons fait le tour du lac en pirogue, mais le niveau élevé de l’eau limitait les possibilités d’ob- servations. À 1,5 km au nord-est du lac, nos guides papous nous ont emmenés voir une grosse rivière qui se perd. Un jaugeage rapide indique un débit de l’ordre de 15 m3/s, eau claire. Malheu- reusement, la perte était noyée et sera donc à revoir avec un niveau plus bas du lac. Cette rivière alimente très proba- blement le lac par une résurgence

L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 31 Navigation en pirogue monoxyle sur le lac Source sous-marine au fond de la baie de Triton. Cliché Guilhem Maistre. Kamakawalar. Cliché Guilhem Maistre.

noyée lors de notre visite. Au fond de la avaient été repérées sur les vues Pendant que nous explorons cette baie de Triton, nous avons identifié aériennes. Le 21 octobre, deux d’entre grotte, les ichtyologues continuent à plusieurs résurgences sous-marines, elles sont atteintes, l’une d’eau claire prospecter le littoral de la baie pour dont une relativement importante. et fraîche, probablement alimentée par trouver des embouchures de rivières à le massif, l’autre d’eau jaune et tiède, poissons arc-en-ciel. Près de l’extrémité Troisième zone : baie de provenant certainement d’une perte du est de la baie de Kayumerah, un petit Kayumerah et région du lac lac Mbuta. Les deux sont impéné- cours d’eau arrive sur une plage de Mbuta, du 21 au 27 octobre trables, l’eau sortant entre des blocs. galets. Quelques centaines de mètres En arrière de la baie de Kayumerah, Le 23 octobre, nous rejoignons une troi- en amont, la résurgence est une fois de une ancienne piste forestière encore sième rivière au débit conséquent et plus impénétrable. Laurent a l’idée de praticable en moto permet de traverser nous la remontons jusqu’au pied du remonter le vallon à l’amont. Il atteint la plaine côtière sur 6 km avant d’at- massif où, une fois de plus, la résur- rapidement un col et entend un bruit de teindre le pied du massif. Encore 6 km gence est impénétrable. Toutefois, rivière en contrebas. Le cours aérien pour passer le col à 350 m sur l’anti- cinquante mètres plus haut, un effon- retrouvé se jette dans une perte clinal trépané par des dolines géantes drement nous donne accès à la rivière impénétrable, mais sa source se situe et on atteint le lac Mbuta, lui aussi en souterraine, majestueuse. Trois cents seulement deux cents mètres à hautes eaux. Au pied du massif, côté mètres de combat contre le courant l’amont, surmontée d’un petit porche. plaine côtière, plusieurs résurgences nous mènent à un siphon. La rivière souterraine est rapidement

Bruno Fromento, rivière souterraine Tanjungboi. Au bord de la rivière souterraine de Mbuta. Cliché Guilhem Maistre. Cliché Guilhem Maistre.

32 L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 rejointe et explorée sur environ deux cents mètres. Son débit est d’un à deux mètres cubes par seconde à l’étiage, mais les dépôts organiques sur les parois montrent que les crues sont violentes. Les archéologues indonésiens Budiman et Erlin devant le Quatrième zone : baie d’Arguni squelette humain découvert dans le et environs du lac Sewiki, porche d'entrée de la du 29 octobre au 9 novembre grotte de Jabuenggara. Cliché Guilhem Maistre. Les habitants du village d’Urisan nous amènent à la grotte de Wababoko, au pied de l’anticlinal de Seraran, au bord d’un affluent de la rivière Berari. Un porche de cinq mètres de large pour trois de haut au ras de la rivière nous permet d’entrer en Zodiac dans une salle de quarante mètres de diamètre Quatre cents mètres plus loin, en Les archéologues de l’équipe, pour quinze de haut occupée par des prospectant au pied des falaises, nous prévenus, nous rejoignent quelques colonies de petites chauves-souris et découvrons un vaste porche au sol plat, jours plus tard et réalisent un sondage de salanganes. La suite est noyée. On occupé par quelques foyers récents dans le sol du porche. Ils découvrent aperçoit un gros conduit qui part sous attestant sa fréquentation par des chas- une stratigraphie particulièrement riche la surface à l’opposé de l’entrée. seurs de passage. C’est la grotte de en outils, os et poteries, et découvrent Il faudra revenir avec les scaphandres Jabuenggara. Trois crânes humains et à 50 cm de profondeur une sépulture et de quoi se protéger contre les quelques os longs sont entreposés manifestement ancienne. crocodiles. dans une fracture de la paroi.

Rivière souterraine de Mbuta Rivière souterraine Mbuta

Vallon sec

Entrée n°1

Source 60 m à N220°

N

0 10m

Entrée n°2 Vallon sec Stalagmite Zone d’entrée Porches Colonne stalagmitique Galerie Escarpement Marmite Concrétions Pente Courant Eau Blocs Circulation présumée

L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 33 petites, avant de l’atteindre. Il s’agit bien d’un gouffre d’effondrement de dimensions majeures. Sur plus d’un kilomètre de circonférence, il n’y a que falaises, aucune voie praticable pour descendre à pied, il faudra revenir avec des cordes. Une pierre jetée du bord met plus de sept secondes à renvoyer le bruit de son impact au fond. Quelques jours plus tard, il nous faut deux heures et demie pour rejoindre le gouffre en empruntant l’« autoroute papoue » taillée par nos amis Anton, Paulus et Lucas. Bruno commence aussitôt à équiper la descente, suivi par Hubert pendant que Guilhem organise l’installation du camp et la collecte d’eau de pluie de l’orage Océane Trevennec dans la grotte de du soir. L’équipement n’est pas une Jabuenggara. Cliché Guilhem Maistre. mince affaire pour Bruno, avec deux cents mètres de corde et toute la quin- Poisson aveugle découvert dans la grotte caillerie pendue au baudrier, la perfo- de Jabuenggara. Cliché Laurent Pouyaud. ratrice d’un côté, la machette de l’autre. La nuit est là depuis un bon moment En descendant un éboulis au fond Laurent Pouyaud est alerté. Grâce à quand Bruno et Hubert rejoignent le du porche, on passe à côté d’un épan- des stratagèmes de biologiste, il camp. Après presque deux cents dage de coquilles de bivalves et on parvient à capturer quelques spéci- mètres de descente verticale, ils ont accède à une salle d’effondrement de mens. Il s’agit d’un poisson dépigmenté suivi un éboulis de blocs déchiquetés trente mètres par soixante environ. Un et dépourvu d’yeux. Son comportement jusqu’au centre du gouffre, où l’eau plan d’eau limpide et calme occupe le très fuyant montre qu’en perdant la vue, s’infiltre par des interstices impéné- fond de la salle côté droit. Son niveau il a développé ses autres sens. Vu les trables. oscille de plus d’un mètre au rythme aires de répartition très restreintes des Le lendemain, Bruno et Guilhem des marées, alors que la mer libre est espèces connues de poissons caver- redescendent et font le tour en longeant à plus de soixante-dix kilomètres de nicoles, il ne peut s’agir que d’une les parois dans une jungle parsemée de distance. Le squelette d’un gros croco- espèce nouvelle pour la science. plantes urticantes. Il faut se rendre à dile repose au fond de l’eau. Nous aper- Ces grottes vastes traduisent le l’évidence : il n’y a pas de continuation. cevons un petit poisson à proximité. développement d’un réseau à l’aplomb De l’autre côté de l’anticlinal, près d’une grosse doline, repérée via Google du mouillage de notre navire camp de Earth, vers six cents mètres d’altitude. base, deux grottes ont été repérées Il faudra deux séances de prospection au pied des falaises qui bordent la baie. à remonter le long de crêtes acérées et La première s’ouvre sur un grand à slalomer entre des dolines plus porche pénétrable en Zodiac. Dans une

Traces de crocodile dans une grotte côtière de la baie d'Arguni. La zone lisse au centre matérialise le passage du ventre de l'animal. Cliché Guilhem Maistre.

Le gouffre au-dessus de la grotte de Jabuenggara. Cliché Guilhem Maistre.

34 L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 Bilan et perspectives

L’expédition Lengguru-Kaimana-2010 avait pour objectif de reconnaître le massif de Lengguru dans la perspective de monter un programme de recherche pluridisciplinaire ambitieux. Plus spécifiquement il s’agissait de : - explorer l’intérêt des cibles choisies ; - valider la nature des éléments liés à la karstologie qui peuvent être utilisés dans l’étude de la spéciation génétique de l’ichtyofaune. Les principales questions concernant ces éléments étaient les suivantes : - y a-t-il étagement de réseaux ? La réponse est oui ; - y a-t-il des éléments pour reconstituer la paléogéographie autour de ces réseaux ? La réponse est oui. L'entrée de la grotte à venues sulfuriques en baie d'Arguni. Cliché Guilhem Maistre. Donc on dispose d’un cadre géométrique (étagement et développement des réseaux karstiques) et chronologique (remplissages : concrétions, sédiments et paléontologie) qui permet d’étudier le caractère structurant du karst dans la création de biodiversité. D’un point de vue karstologique, l’expédition Lengguru-Kaimana 2010 nous permet en plus de ramener sur nos carnets de terrain des observations nouvelles et enrichissantes, notamment concernant la présence de hypogènes actifs et la mise en évidence de relation entre l’établissement des systèmes karstiques et le littoral avec la présence de sources sous- marines et l’observation de l’impact de la mise en place des rias sur l’organisation du karst. Les résultats ramenés dans les différentes disciplines concernées sont extrêmement encourageants. Les ichtyologues ramènent une quinzaine d’espèces nouvelles de poissons arc-en-ciel et de gobies ; des espèces de chiroptères et de batraciens probablement nouvelles sont en cours d’identification, ainsi que de très nombreuses espèces d’invertébrés. D’un point de vue spéléologique, les résultats peuvent paraître bien modestes, mais nous n’avons fait qu’effleurer cinq zones relativement restreintes. Nous avons découvert un karst de grande ampleur, avec des L'entrée d'une grotte résurgence en bord de mer, probable sortie phénomènes qui sortent de l’ordinaire. Le potentiel d’exploration est des eaux du lac Kuweri. Cliché Guilhem Maistre. manifestement très important. Nous projetons de retourner une fois par an pendant au moins cinq ans sur le massif de Lengguru, dans le cadre galerie latérale, située au niveau de la mer, les traces du programme de recherche qui est en train d’être formalisé. Il est prévu d’un gros crocodile nous incitent à la circonspection. de cibler pour chaque expédition une zone restreinte dans laquelle nous La seconde rejette à marée basse un flot d’eau pourrons mener des investigations plus poussées. Il est d’ores et déjà sulfureuse dont l’odeur est sensible à plus de cinq cents prévu d’utiliser l’hélicoptère pour accéder aux zones les plus reculées. mètres de distance. En amont du porche, une galerie Pour les spéléologues qui voudraient monter des expéditions assez spacieuse est explorée sur plus d’une centaine indépendantes, le plus difficile est l’obtention des autorisations, mais il de mètres. La grotte présente toutes les caractéris- semble que la situation évolue de manière plutôt favorable. tiques d’un karst hypogène, avec des encroûtements de gypse, des colonies bactériennes et une morpholo- L’expédition était organisée par l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et CENOTE gie particulière avec des formes très découpées. (Cabinet d’expertise et conseil dans le domaine du karst et des formations superficielles), en partenariat avec l’AMAFRAD (Agency for Marine Affairs and Fisheries Research and Development, Cinquième zone : environs du poljé Jakarta) l’APSOR (Académie des pêches de Sorong), le LIPI (Institut indonésien de recherche scientifique), l’ARKENAS (Institut indonésien de recherche archéologique), Le Muséum de de Kuweri, du 10 au 12 novembre paléontologie de Bandung, et l’ITB (Institut de technologie de Bandung) et avec la participation Sur l’imagerie satellitaire, le poljé de Kuweri parais- du Muséum national d’histoire naturelle. Elle a reçu le soutien financier de la FRB (Fondation pour sait sec et parcouru par une rivière qui se perdait sur la recherche sur la biodiversité), de COLAS Indonésie et de VEOLIA Environnement. Aventure Verticale, Expé et Scurion nous ont apporté leur aide matérielle. Un grand merci à tous nos partenaires. son bord ouest. Depuis le fond de la baie de Bitsiari, il nous faut trois heures de marche pour arriver à un lac qui occupe le fond du poljé. Là aussi, nous sommes en hautes eaux. Laurent y découvre une nouvelle espèce de poisson arc-en-ciel, inconnue et magnifique. Nous [1] : BAILLY, V. : La chaîne de Lengguru: Évolution et structure d’un prisme jeune dans le contexte tectonique rapide de Papouasie occidentale. Thèse soutenue le 13 novembre 2009 pour l’obtention du titre de retournons au bateau et longeons la côte en Zodiac à Docteur de l’Université Paris VI - Spécialité Sciences de la terre, École doctorale GRN ED 398 préparée la recherche de résurgences sous-marines. À notre au laboratoire de Géologie de l’École normale supérieure de Paris et dans les locaux de Total E&P Indonésie Jakarta. surprise, la principale résurgence que nous trouvons BAILLY, V., PUBELLIER, M., RINGENBACH, J.C. (2008) : Structure of the Lengguru Fold Belt, New Guinea sort d’un porche et nous pouvons remonter contre le island: consequence of rapid kinematic changes 2008, 33 International Geological Congress, Oslo. [2] : MIKLOUKHO-MAKLAÏ, N. (1994) : Le papou blanc, Phébus 1994 n° 2650, p. 10-18 . courant sur environ 300 m, arrêt sur manque de temps.

L’expédition Lengguru-Kaimana 2010 - Spelunca 121 - 2011 35 Un gouffre volcanique exceptionnel Paul COURBON Le Doon Kinnimi (Tchad)

Au cœur du Sahara, à mi chemin entre le lac Tchad et la rive libyenne de la Méditerranée, le Tibesti est le plus haut massif du désert africain. D’une superficie proche de celle de notre Massif Central (100000 km2), il est recouvert sur un tiers de sa surface par un épais manteau volcanique aux formes remarquables. Il culmine à l’Emi Koussi (3415 m). Sur le rebord occidental du massif, l’ensemble volcanique du Dans le Trou au Natron, situé à quelques kilomètres du Doon Kinnimi et d’une formation identique. Au fond, la paroi dépasse Toussidé (3315 m) regroupe une série 1000 m de hauteur. Ici, un sel, le natron (Na2CO3.10H2O), de phénomènes exceptionnels. recouvre le fond du cratère d’explosion. Cliché Paul Courbon.

La longue gestation d’une exploration

En 1971, entre deux missions de aériennes qui l’accompagnaient. Mon mesuré 410 m. Ce gouffre, le Doon l’Institut géographique national, j’avais sang de spéléologue ne fit qu’un tour : Kinnimi comme je l’appris plus tard, se été chargé de sélectionner des cartes accentué par l’effet stéréoscopique, un trouvait dans une zone difficilement et des photographies aériennes desti- extraordinaire gouffre vertical attira accessible. Les voyages étaient plus nées à un atlas des formes du relief mon attention. Les mesures faites lors difficiles qu’aujourd’hui, les grandes qui, malheureusement, faute de crédits, de l’établissement de la carte lui expéditions à l’étranger n’avaient pas ne fut pas édité par IGN. C’est alors que donnaient une profondeur de 440 m. encore débuté et, pour moi, cette cavité je tombai sur un travail réalisé précé- C’était le plus profond puits connu de restait du domaine du rêve. demment par l’Ingénieur géographe la planète, plus profond que le Sotano Pourtant, en 1977, une première Durand de Corbiac. C’était un magni- del Barro au Mexique, exploré par les occasion m’était donnée. L’aventurier fique bloc-diagramme du pic Toussidé, Américains de l’AMCS en 1964 et Christian Galissian organisait la dans le Tibesti et les photographies

Figure 1: Le travail d’un ingénieur géographe.

Sur la photographie aérienne, le Doon Kinnimi saute aux yeux. Le recouvrement stéréoscopique des photos accentue le relief d’une manière saisissante.

36 Un gouffre volcanique exceptionnel Le Doon Kinnimi (Tchad) - Spelunca 121 - 2011 première traversée hors piste du cordes dans nos bagages. Dans En 1988 et 1992, Jacques Rieu Sahara, de l’Atlantique à la Mer Rouge. l’Afrique en constante ébullition, faisait deux séjours militaires au Saviem lui fournissait sept véhicules, Hissène Habré avait fait la une de la Tchad où il put nouer de nombreux Total avait créé deux points de ravi- presse. Réfugié dans son fief du contacts. Il avait en mémoire le taillement en plein désert. Le GPS Tibesti, protégé par ses guerriers bloc-diagramme que j’avais publié en n’existait pas encore et Galissian avait toubous, il avait pris l’ethnologue Fran- 1972. Et en 1993, quand avec ses sollicité de l’IGN le détachement de çoise Claustre en otage. En février, amis caussenards il put monter une quelqu’un connaissant la navigation nous avions attendu une semaine à la expédition, il ne fit aucune difficulté saharienne ; je fus retenu parmi les frontière nigéro-tchadienne une autori- pour m’admettre dans l’équipe. candidats à l’aventure. J’avais branché sation qui ne vint jamais et nous L’expédition se déroulait en novembre- Galissian sans peine sur le Doon contournions le Tchad par les déserts décembre 1994, soit 23 ans après ma Kinnimi et nous avions 500 m de libyens, plus au nord. découverte « photographique » !

Genèse d’un édifice volcanique complexe

Pour amener le lecteur à mieux comprendre la formation de l’édifice volcanique Toussidé-Natron, nous avons dressé ci-après cinq blocs diagrammes plus explicatifs qu’un texte.

• Phase 1 : Un premier volcan que nous appelons le pré-Toussidé, s’est formé à l’ère tertiaire, à la fin du Miocène ou au début du Pliocène. Aujourd’hui, ce qui reste de son cône Figure 2 Figure 3 est composé d’une alternance de laves et de cendre qui correspondent aux Figure 4 Figure 5 diverses éruptions. La lave très fluide, de type hawaïen, s’est étalée avec une très faible pente (figure 2). • Phase 2 : Au Quaternaire ancien (Pléistocène), après la formation du pré- Toussidé, la chambre magmatique s’est rapprochée de la surface, déformant et affaiblissant le sommet du volcan. Ensuite, s’est produite une éruption de pierre ponce et de cendres en suspen- sion dans des gaz torrides. Cette vidange du réservoir magmatique a centaines de mètres, projetant dans les Quelques kilomètres plus à l’est, le conduit à l’effondrement du toit de ce airs des milliards de tonnes de maté- Doon Kinnimi a eu une formation iden- réservoir, à la faveur de fractures riaux (figure 5). La roche pulvérisée tique, mais avec un volume 100 fois circulaires. Ainsi s’est formée la vaste forme surtout des cendres et des petits inférieur, il fait figure de nain ! caldeira (chaudron en Portugais) du fragments ; les gros blocs sont relati- • Phase 5 : Dans la paroi de la Yirrigué, d’un diamètre de 13 km et vement rares. On peut cependant caldeira du Yirrigué, le magma finit d’une profondeur de 2 à 300 m penser que le Trou au Natron s’est par trouver un chemin pour former le (figure 3). formé en plusieurs explosions : d’une Toussidé actuel. En même temps, • Phases 3 et 4 : La formation du part sa forme comporte plusieurs lobes plusieurs petits volcans se forment au Trou au Natron est toute autre. On peut et d’autre part, on retrouve deux fond du Trou au Natron (figure 6 et la dater du Quaternaire assez récent. niveaux dans la caldeira, où la présence cliché du haut p. 36). En bordure de la caldeira du Yirrigué, de diatomées indique l’existence les infiltrations d’eau ont créé une ancienne d’un lac. Figure 6 nappe phréatique. Une nouvelle ascen- D’un diamètre de 5 à 6 km et d’une sion de la masse magmatique chauffe profondeur comprise entre 720 et la roche englobant la nappe qui se 1 035 m, suivant les accidents de transforme en vapeur avec des pres- sa lèvre, le Trou au Natron a un volume sions énormes (figure 4). Quand la pres- de 25 milliards de mètres cubes sion atteint un niveau suffisant, la (20 fois le barrage de Serre-Ponçon). vapeur s’ouvre violemment un chemin Ce n’est pas la plus vaste caldeira du à travers la roche affaiblie qu’elle fait monde, mais certainement la plus exploser sur une hauteur de plusieurs profonde en terme d’accès par l’homme.

Un gouffre volcanique exceptionnel Le Doon Kinnimi (Tchad) - Spelunca 121 - 2011 37 Complications africaines

En majeure partie désertique, le chante, es-tu condamnée aux guerres et Tchad est l’un des pays les plus pauvres aux désordres perpétuels liés aux luttes du monde. Par les connaissances de pour le pouvoir et à une pauvreté qui les Jacques Rieu, nous trouvions un loge- exacerbe ? Pauvreté liée à une explosion Quand un 4 x 4 n’a que deux roues motrices! ment spacieux à N’jamena, la capitale, démographique incontrôlée et que où nous pouvions préparer l’expédition. personne n’essaye de réduire, mais qui Dans ce pays sinistré économiquement, en parle ? Cette explosion fait partie des où les carnets de chèques n’existent prochaines catastrophes écologiques, plus et où il faut payer cash, le plus pire que la couche d’ozone. Là encore, dur fut de trouver la location de trois silence, même Arthus-Bertrand se tait, véhicules tout-terrain ; l’accès au Tibesti cela sort du cadre de ses belles photo- se fait par 1 500 km de mauvaises graphies et est politiquement incorrect. pistes. Mais, quand nous arrivâmes à Zouar abritait une importante des passages difficiles, il s’avéra que garnison, supérieure en nombre à sa l’un des trois véhicules loués n’avait population : 800 soldats tchadiens béné- que deux roues motrices ! Cela nous ficiant de l’assistance technique de huit valut de longues séances de pousse militaires français commandés par le Rencontre africaine! et de désensablage ! Le troisième jour, capitaine Tor. Ce sont ces huit militaires nous arrivions à Zouar, l’avant-poste du qui nous accueillirent pendant dix jours. Tibesti ; là nos passeports étaient genti- Dix jours durant lesquels nos déplace- ment confisqués par les autorités tcha- ments libres furent limités à 10 km diennes. Tibesti, région montagneuse autour du village. Heureusement, cette rebelle, où les remuants Toubous région très belle réservait de nombreux défient constamment le pouvoir ; la lieux de visite. Pourtant, au bout de semaine précédente, une embuscade quelques jours, cette attente commen- avait fait quatre morts dans les troupes çait à peser sur l’ambiance. Après une gouvernementales. Dix-sept ans après semaine, Jacques Rieu et quatre autres Hissène Habré, le désordre perdurait. équipiers prenaient la décision de repar- Afrique, pourtant si sympathique et atta- tir vers le sud avec deux véhicules, tandis que quatre équipiers restaient à En chemin, l’un des nombreux vestiges de l’invasion et de Zouar. Ils partaient vers l’Ennedi où de la déroute libyenne de 1987, très beaux paysages désertiques et des un tank abandonné avec toutes ses munitions intactes. grottes les attendaient. En fait, Jacques Symbole de l’instabilité Rieu s’était sacrifié, c’est lui qui africaine. débloqua la situation. À son passage à la préfecture de Faya, il réussit à convaincre les autorités de laisser les quatre membres restés à Zouar, aller au Natron sous escorte militaire. Merci, Paysage désertique Jacques, mais cette scission en deux non loin de Zouar, avec un phénomène groupes créera un malaise et des d’érosion basale. rancœurs dans l’équipe. Clichés Paul Courbon. Prise de contact

Ce mercredi 16 novembre 1994 à fond du trou. Cette opération prendra je le pensais. Le Doon Kinnimi est à 11 heures, nous touchons au but ! six heures une douzaine de kilomètres de notre Nous sommes tous fascinés par le Moi aussi, la fièvre me dévore, campement. Dans un oued, après Trou au Natron, dont le spectacle gran- mais pour le Doon Kinnimi encore que je me sois arrêté pour étudier les diose nous coupe le souffle et nous inviolé. Estimant que j'ai le temps d'al- photographies aériennes, notre voiture enthousiasme à la fois. Je le contemple ler le reconnaître, je prends les photo- refuse de redémarrer. Nous sommes pantelant et silencieux. Raphaël n'y graphies aériennes et pars aussitôt en encore à deux ou trois kilomètres de tient pas et dès que le camion militaire véhicule avec notre chauffeur Abakar et notre but ; laissant le chauffeur Abakar d'escorte nous a abandonnés, les un garde du corps. L'échelle 1/50 000 tenter de résoudre la panne, je conti- conditions météorologiques étant très des photographies aériennes ne permet nue à pied avec notre garde du corps bonnes, il décide de décoller en para- pas de voir tous les détails et Abdallah et une partie du matériel de pente. Les autres iront le chercher au l'approche n'est pas aussi simple que descente.

38 Un gouffre volcanique exceptionnel Le Doon Kinnimi (Tchad) - Spelunca 121 - 2011 Descente en parapente dans le Trou au Natron, quel pied pour Raphaël Moreno! Cliché Paul Courbon.

L’alternance de lave, de ponces et de cendres instables du début du puits. Cliché Paul Courbon.

Nous marchons, traversons Je ne suis pas déçu. Je touche à plusieurs oueds, mais le terrain coupé 23 ans de rêve. Ce trou immense, de multiples ravins n'offre aucune visi- colossal, minéral correspond bien à bilité étendue. Chaque fois que nous l'image qu'en donnaient les photogra- atteignons une crête, 200 mètres plus phies aériennes. Beaucoup moins vaste loin, de l'autre coté du ravin, une que le Trou au Natron (Doon Oreï en nouvelle hauteur bouche l'horizon. Au dialecte Toubou), il ressemble beau- bout d'une demi-heure, nous allons coup plus à un gouffre avec ses parois atteindre une nouvelle crête, une de verticales bordant 440 mètres de vide. plus. Je ne sais pourquoi, je sens que Un gouffre inquiétant, non à cause des l'abîme est juste derrière… J'ai bien ténèbres chassées ici par le soleil, senti : brutalement, après quelques mais, parce qu'il donne l'effet d'un mètres de marche, le trou immense piège énorme dont il serait difficile de s'ouvre sous nos pas. s'extirper. Le Doon Kinnimi : 440 à 490 m de falaises. Le soldat armé tchadien qui m’accompagne. Cliché Paul Courbon. L'exploration Pas de froid, Le lendemain, sponsors de l’expé- Il nous faut tout d'abord descendre ni de boue, dition obligent, il faut du spectacle ! 60 m de dénivellation dans un éboulis ni d’obscurité, ni de combinaison, Raphaël Moreno a pris son parapente, de cendres très instables et croulantes. spéléologie pour Roger Marcorelles son matériel de prise Il faut prendre garde de ne pas se lais- le troisième âge! de vue. Pendant que j'équiperai et ser entraîner, car il y a en dessous commencerai la descente en compagnie 350 à 400 m de falaises. Nous arrivons Spitage dans une de Philippe Cazals, Raphaël décollera si enfin au bord de l'à-pic. Quel beau vide, roche médiocre. Clichés Ph. Cazals. les conditions de vent le permettent. quel spectacle enivrant. Je passe sur Tout le monde contemple l'abîme les commentaires enthousiastes profé- inquiétant. Je sens Raphaël peu rés à ce moment ! enthousiaste à sauter. Il y a beaucoup Le départ n'est pas fameux. moins d'espace que dans le Trou au L'éboulis de cendres arrive à ras de la Natron. Nous sommes ici en présence falaise. Heureusement, 20 m en retrait, d'un vrai gouffre ne permettant aucune se trouve un bloc de plusieurs tonnes erreur. Nous laissons Raphaël à ses auquel j'amarre nos agrès. Le rocher hésitations et pendant que Roger n'est pas extraordinaire. Ce n'est pas cherche un endroit pour filmer, je pars le basalte dur que j'ai déjà vu en avec Philippe et Koulbé, un autre garde France, mais une rhyolite assez friable tchadien. Le bord du cratère n'est pas où le spit pénètre facilement. À plusieurs d'un parcours facile. En franchissant reprises, je préfère planter dans des une profonde entaille, nous découvrons fissures les longs pitons que je me des caches toubous datant de la guerre réjouis d'avoir pris. contre la Libye. Après vingt minutes La descente n'est pas très rapide. de marche, nous parvenons lourde- Nous sommes rarement en plein vide, ment chargés à l'endroit choisi. mais dans une contre-paroi dont il faut

Un gouffre volcanique exceptionnel Le Doon Kinnimi (Tchad) - Spelunca 121 - 2011 39 Le fond du Doon Kinnimi. Cliché Paul Courbon.

L’escorte militaire qui revient nous chercher après un voyage difficile. Cliché Paul Courbon.

nettoyer les paliers au fur et à mesure rejoindre ? La paroi étant équipée, il zone plus verticale avec des blocs de la descente. Et puis, le spectacle me ne lui faudrait que 30 à 40 minutes instables en surplomb qui doivent poser donne tellement de plaisir que j'ai envie pour descendre. Toutefois, différem- des problèmes de franchissement. de le faire durer ! La verticale la plus ment de ce que nous pensions, la voix Nous faisons demi-tour pour retrouver longue fait 70 m. Les parties verticales ne porte pas et nous avons beau crier, notre corde au pied de la paroi, à la correspondent à des lits de roche dure, aucune réponse ne nous parvient. limite de l'ombre et du soleil qui Chaque palier correspond à un chan- En attendant, nous allons faire un commence à baisser. Philippe remonte gement de strate. Parfois, on passe tour dans le fond du cratère. Il est le premier. Notre méthode est au point directement d'une couche dure à une tapissé de galets de pierre ponce de et nous faisons la course avec le soleil autre et le palier est restreint. D'autres quelques centimètres de diamètre. Leur couchant dont la ligne d'ombre nous fois, la couche dure fait place à une couleur, variée, va du bleu clair à l'ocre, accompagne. À mon tour de partir, nappe de cendres plus ou moins en passant par le rose et le gris. Sur adieu Doon Kinnimi ! Je me sens triste. épaisse, ce qui donne un grand palier 900 m, nous ne retrouvons que ce revê- Comme souvent, j'éprouve une sorte incliné et ébouleux. tement épais d'où émergent quelques de déception et d'insatisfaction au Un dernier à pic de près de 100 m, herbes à l'odeur de charogne. moment précis où un rêve vient de se coupé par une minuscule corniche et Je continue jusqu'au bas du ravin réaliser. Comme si l'homme avait nous atteignons le fond convoité. En ouest, encombré de grandes coulées besoin de rêve et non de réalité ! bas, personne. Raphaël n'a pas sauté, d'éboulis. Ce que j'avais vu d'en haut Enfin, nous rejoignons Koulbé, qui quant à Roger, va-t-il se décider à nous m'est confirmé. À mi-pente, il y a cette à côté de son fusil, nous a attendus là-haut à l'abri d'un rocher. Nous l'admirons, car à 2 500 m d'altitude, il Figure 7 souffle un vent glacial. Mal équipé d'un mauvais treillis, il a dû souffrir. C'est fou ce que ces pauvres militaires tchadiens sont stoïques. Le surlendemain matin, une Doon Kinnimi escorte militaire revenant de Bardaï Massif du Tibesti nous ramène vers Zouar. On nous y (Tchad) apprend que dix kilomètres au nord de notre campement, un accrochage avec les rebelles toubous a fait cinq morts.

Membres de l'expédition : F. Blanchard, Ph. Cazals, J. Cisotto, P. Courbon, D. Dossal, R. Marcorelles, R. Moreno, R. Pineau, J. Rieu.

Bibliographie B. GÈZE, H. HUDELEY, P. VINCENT, Ph. WAGRENIER (1959) : Bull. volcanologique de l’Union géodésique internationale, série II, tome XXII. Pierre VINCENT (1963) : Les volcans tertiaires et quaternaires du Tibesti occidental et central, BRGM, Orléans, Mémoires n°23. Paul COURBON (1972): Atlas des grands gouffres du monde, compte d’auteur (épuisé), p. 54 Paul COURBON (1995): Les phénomènes volcaniques du Toussidé et Doon Kinnimi, Tibesti terre interdite, Société européenne des explorateurs, pp. 25-28, 29-33.

40 Un gouffre volcanique exceptionnel Le Doon Kinnimi (Tchad) - Spelunca 121 - 2011 Dans la jungle Nadine DOUVRY

Photographie 1: Mains de Sulawesi négatives à l’ocre. Cliché Bertrand Valentin. (Indonésie) Découverte d’un peuple qui dessina dans les grottes et y déposa ses morts

2005 : les débuts d’une aventure

Le visa pour l’Irian Jaya nous dessinées au ayant été refusé une semaine charbon, mains avant le départ prévu, nous négatives, dépôts avons opté pour l’exploration funéraires avec de l’île de Sulawesi, une île sarcophages, de légendes qu’on appelait céramiques autrefois les Célèbes et dont et ossements, statuettes la forêt primaire recouvre rituelles: chaque site a fait Goa Tengkorak I, l’essentiel. Si le karst de Maros l’objet, parallèlement à la la grotte aux chasseurs dans la branche ouest est topographie, d’un inventaire bien exploré, la partie rapide, dans la mesure où Deux groupes de dessins au charbon (de bois, septentrionale, la province de nous ne restions que quelques d’os ?) ont été observés dans cette grotte qui Sulawesi Tenggara, est quant à heures sur place. s’ouvre sur les flancs d’un petit piton karstique isolé elle inconnue. Nous sommes Outre l’aspect scientifique et escarpé, recouvert par une végétation très dense sur les contreforts d’un massif et le questionnement que et épargné par les plantations de palmiers à huile calcaire, le Matarombéo, qui suscitent ces découvertes qui l’entourent. Le piton est constellé de petits culmine à 1274 m, et que – Quel peuple en est à porches et de diverses ouvertures, communiquant nous essayons de pénétrer l’origine? Quelle est la entre elles pour certaines. Nous y avons topogra- en remontant le cours de la signification de ces dessins, phié principalement trois grottes : goa Tengkorak I Lindu, un fleuve aux crues de ces rituels? De quand avec ses dessins au charbon, goa Tengkorak II avec spectaculaires. datent ces manifestations un dépôt de céramiques et goa Tengkorak III Là, pendant six semaines, humaines? – le caractère avec deux crânes et un dépôt de céramiques. À certains endroits dans la forêt, sous les feuilles Marc Boureau, Bertrand artistique des fresques et des en dé composi tion, à demi enfouis, de nombreux Valentin et moi-même allons artefacts découverts offre tessons (céramique non tournée, avec parfois des réaliser l’expédition Selamat l’exemple d’un style original et décors géométriques incisés, céramique vernissée Goa. Quelques-uns des fascinant, qui a sa place dans et décorée) jonchent le sol. résultats archéologiques sont le monde de l’art asiatique. Le porche de Tengkorak I, aux dimensions Voici une petite sélection de présentés ici. modestes mais à taille humaine, est connu des ces découvertes, qui, nous villageois et abrite un gour rempli d’eau (2 x 3 m) Une quarantaine de cavités l’espérons, feront un jour dont l’accès a été aménagé avec des planches de ont été découvertes. En terme l’objet d’études approfondies. bois, qui sont aujourd’hui hors d’usage. de développement, elles Nous présenterons, de Le premier groupe de dessins au charbon est restent modestes, mais la manière partielle, d’abord situé dans un petit méandre et se développe sur la plupart présentent un intérêt deux grottes avec des paroi de droite à environ 3 m du sol (dessin 1). Les archéologique de tout premier fresques, goa Tengkorak I et dessins ont pu être effectués depuis un étage ordre. Des observations ont goa Tanggalassi, puis une rocheux qui court parallèlement à la paroi, acces- donc été consciencieusement grotte funéraire, les statuettes, sible par une escalade facile. À cet endroit, le menées lors de chaque et enfin goa Anawaï, la grotte calcaire est particulièrement lisse et blanc, propice exploration. Fresques aux mains négatives. à une expression artistique au trait.

Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 41 Photographie 2: Anthropomorphe à l’entrée du méandre de goa Tengkorak I, baptisé le gardien. Cliché B. Valentin.

Dessin 1: Le chasseur de goa Tengkorak I, ses proies et l’étrange anthropomorphe au bâton. Dessin Nadine Douvry.

panache de plus de 80 cm. Son corps est trapu ; ses bras sont repliés vers le bas et ses doigts écartés tournés Composé de cinq personnages et Le deuxième groupe de dessins, dans la même direction. Son sexe est d’un bestiaire d’herbivores (neuf plus complexe, a été repéré dans un représenté, ou est-ce une machette ? Il animaux – cervidés et/ou bovidés, dont méandre supérieur invisible d’en bas, semble qu’un objet orne son cou, à trois indistincts), ce panneau évoque accessible soit en vire par l’extérieur, moins qu’il ne s’agisse d’une anomalie une scène de chasse : trois ou quatre soit par une courte escalade. Le de la paroi. Toutefois, nous avons flèches sont dirigées sur les croupes de méandre débouche sur une petite salle retrouvé cette excroissance à plusieurs trois des animaux. Les deux anthropo- ronde (2 x 3 m, 1,5 m de hauteur), au reprises sur d’autres personnages, morphes ont la tête ornée d’un grand plafond bas en forme de cloche, et se dans la même grotte mais aussi panache dont le nombre de fanions poursuit par un boyau dans lequel il faut dans goa Tanggalassi. Ce personnage varie de l’un à l’autre. Ce panache ramper sur quelques mètres. C’est caractéristique semble avoir une impor- original et intrigant, aux dimensions dans cette petite salle à la roche lisse tance spécifique, par son aspect et sa variables, apparaît également dans les et claire que des dessins au charbon position. autres grottes. ont été trouvés, se déroulant en frise Quelques mètres plus loin, sur la Un historien local passionné, (2 x 1,5 m) sur la paroi gauche, et épou- même paroi, un panneau aux repré- Monsieur Piaggi, donateur du musée de sant la rotondité du plafond jusqu’au sentations variées a été dessiné à envi- Kendari, musée que nous avons départ du boyau, où certaines repré- ron un mètre du sol. contacté suite à ces découvertes, nous sentations ont probablement dû être Une scène de chasse (photogra- a suggéré que cette hampe symbolisait réalisées couché sur le dos. phie 3 et dessin 3) présente quatre le nombre d’ancêtres de l’individu. Ces À l’entrée, sur la paroi droite, au animaux (cervidés ?). Elle est animée hampes seraient aussi des drapeaux, niveau du resserrement qui donne par deux anthropomorphes aux bras à la fois insignes de guerre et signes accès à la salle et à environ un mètre levés, sans doute armés de lances ou de protection. Les personnages à du sol, un personnage isolé est repré- d’arcs. L’un a la tête surmontée d’un panache seraient, selon lui, les repré- senté. Il a une grande taille (photogra- panache (neuf fanions plus une déco- sentants de la première migration dans phie 2) et il est orné d’un remarquable ration originale en « arêtes de poisson ») l’île. Ce drapeau du peuple Tolaki était et se trouve sur le dos d’un animal. utilisé pour des rites et réalisé en soie, Dessin 2: Les L’ensemble apparaît harmonieux et en écorces d’arbre et en rotin. villageois sont vivant : les membres pliés des deux restés perplexes Pour en revenir aux dessins, l’un devant cet animal, chasseurs et la concavité de la paroi des personnages est représenté sur goa Tengkorak I. sur laquelle se déploient les dessins le dos d’un animal dont les cornes Dessin N. Douvry. conférant du mouvement à cette scène. sont particulièrement bien typées Sous les animaux, est dessinée une (dessin 2), tandis qu’un troisième pirogue munie d’un seul balancier (dessin 1), sans panache, tient un (l’autre est peut-être effacé ?), sur bâton surmonté d’un signe (étoile ? laquelle on distingue six silhouettes. hélices ?) dans sa main. Dans la salle, on dénombre en tout Sur la paroi opposée, un anthro- quatre pirogues, qui semblent être du pomorphe isolé de grande taille, les même type, même si pour deux d’entre bras écartés en croix, semble répondre elles, les traits sont très abîmés et les à ce premier groupe de chasseurs. Sa balanciers ont pu disparaître. Vue à la tête est décorée par un panache à huit fois d’en haut et de profil, une des fanions. pirogues présente cependant une proue L’ensemble est dans un bon état (poupe ?) caractéristique (en forme de de conservation et d’accès facile, à mâchoires de crocodile ?) ; elle est de l’abri des dégradations dues au climat. plus représentée avec cinq silhouettes.

42 Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 Photographie 3: Une scène Dessin 3: Chasseurs et pirogues de chasse à balanciers, goa Tengkorak I. animée, goa Dessin N. Douvry. Tengkorak I. Cliché B. Valentin.

Celle-ci domine la scène de chasse. situé dans le fort Rotterdam, une Encore plus haut, il semble qu’un large maquette d’une pirogue à balancier est trait figure une autre pirogue, mais il est exposée. Malheureusement, le musée très estompé. Une ultime pirogue se ne propose aucune explication ou devine sur la droite de la scène de presque concernant les objets expo- chasse, avec deux balanciers. sés : au mieux, le lieu de découverte, La frise est globalement bien parfois une date de l’ordre du siècle. conservée, mais les parties en plafond Les armes, arcs, flèches et sont plus estompées, voire illisibles. machettes que nous semblons distin- Ce piton, en temps qu’unité guer ont fait dire à un villageois du nom distincte, pourrait faire l’objet d’une de Suleiman, qu’il s’agissait probable- quelques habitants ont organisé une prospection systématique fructueuse, ment de leurs ancêtres. En effet, le partie de chasse nocturne, ramenant afin de mettre en relation l’occupation peuple dont sont issus les villageois, un cerf qui nous a été servi le lende- et l’utilisation des différents porches et les Culembachu, est une branche du main soir ! grottes. peuple Tolaki qui occupe le sud-est de Lorsque nous avons interrogé les Les villageois qui nous accompa- l’île et qui sont réputés pour leur manie- villageois sur ces dessins, aucun n’a gnaient et qui ont découvert ces ment de la machette. pu évoquer un souvenir lié à cette dessins en même temps que nous ont Certains animaux, comme le petit pratique dans les grottes : pour eux, ces reconnu les pirogues : celles qu’ils cerf endémique (le rusa) ou le petit dessins ont été faits par des enfants. utilisent aujourd’hui sont en bois, buffle endémique (l’anoa), ont été Pour les archéologues du Muséum monoxyles, mais sans balancier ni formellement identifiés par les villa- d’histoire naturelle de Paris, les lignes proue ou poupe, d’après ce que nous geois : ils sont toujours chassés. La de sol paraissent particulièrement inté- avons pu voir. Ils nous ont dit que les chasse est d’ailleurs une activité prati- ressantes, car plutôt rares dans ce type pirogues dessinées servaient pour navi- quée et très appréciée : lors de notre de dessins pariétaux : en général, les guer en mer. Au musée de Macassar, séjour à Wiwirano, le chef du village et êtres flottent dans un espace indéfini.

Goa Tanggalassi, la grotte aux pirogues

Photographie 4: Cette grotte a été repérée lors Porche de goa d’une prospection en pirogue sur la Tanggalassi, rivière Lindu. Le porche s’ouvre en rive la grotte aux pirogues, avec droite et surplombe l’eau d’une dizaine son sol meuble de mètres, présentant une position et la vue sur la rivière Lindu. dominante tout en étant à l’abri des crues (photographie 4). À l’accès facile depuis la rivière, où le passage obliga- toire présente une roche à l’aspect particulièrement patiné, succède une aire plane de forme allongée qui précède l’entrée dans la grotte. Le porche, vaste, se prolonge en une gale- rie aux dimensions agréables dont le plafond va en diminuant progressive-

Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 43 lignes ondulantes. Deux personnages évoquent un affrontement guerrier : ils sont armés de lances ou de bâtons (?) et d’un bouclier (?) et leur tête est surmontée par un panache. Au-dessus de cette scène, trois autres personnages, moins précis, sont dessinés : l’un d’eux arbore un panache de trente fanions. Figure 1: Topographie La paroi de droite offre le tableau de goa Tanggalassi I. le plus riche, composé de deux pirogues, de neuf anthropomorphes et d’un ou deux animaux, plus des signes et tracés indéfinissables (dessin 4). L’une des pirogues présente une proue et une poupe « en mâchoire de crocodile », ainsi qu’un trait semblant marquer un système de gouvernail (photographie 6). Des traits partant de la coque suggèrent des rames (?). ment, puis s’incurve vers la gauche galerie principale, où la paroi une fois L’autre pirogue, qui présente une barre jusqu’à un passage abaissé qui se encore est la plus lisse et la plus à l’avant (?) et une barre de gouvernail termine en cul-de-sac (figure 1). blanche (photographie 5). à l’arrière (?), est chargée de treize Deux séries de dessins ont été Sept anthropomorphes sont repré- silhouettes (photographie 7). observées : l’une vers l’entrée, l’autre sentés, à une hauteur d’environ 1,7 m Un groupe de trois personnages se dans le fond de la galerie. du sol, dans des attitudes variées : le distingue particulièrement (photogra- Le deuxième groupe, mieux premier semble tenir un bouclier et phie 8 et dessin 5). Celui de gauche conservé, est situé dans le fond de la il est séparé du deuxième par deux porte un pagne triangulaire (une femme ?), celui du milieu a la tête ornée d’un panache complexe : seize fanions, une « arête de poisson » et un « crois- sant de lune » encerclant un point. Et le personnage de droite arbore un panache (sept fanions) et tient un objet (arme ?) dans sa main. Surtout, le grand personnage à panache présente Photographie 5: une particularité morphologique. Ses Dessin d’observation membres inférieurs segmentés et four- dans goa Tanggalassi. Cliché B. Valentin. chus évoquent plus des pattes que des jambes humaines ! Les trois présentent une excroissance au niveau du cou. Un autre groupe présente quatre hommes en armes (boucliers ? machettes ?) qui semblent s’affronter, mais un animal est dessiné près d’eux,

Dessin 4: Fresque avec les pirogues, le sorcier et les guerriers affrontés, goa Tanggalassi. Dessin N. Douvry.

44 Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 Photographie 6: Pirogue stylisée, dessinée d’un trait sûr et élégant, Photographie 7: Une deuxième goa Tanggalassi. Cliché N. Douvry. pirogue très élancée, goa Tanggalassi Cliché N. Douvry.

et on devine également une flèche : une Dans ces grottes, scène de chasse ? (dessin 4) les dessins présentent Le tracé de ces motifs figuratifs est des similitudes incon- globalement plus fin que celui de goa testables dans leur tracé et dans dessin, dont la découverte et l’étude Tengkorak : les personnages sont plus les thèmes traités. Un même peuple les permettraient de saisir l’histoire de ce graciles et présentent des corps parfois a sans doute exécutés. Leur dénomi- peuple de la Lindu à la mémoire plus allongés. nateur commun a pu être le fleuve perdue… Tout ceci reste à approfon- Lindu. dir… Ce que nous avons fait lors de Il est certain que d’autres cavités deux autres expéditions, mais ceci est doivent présenter le même style de déjà une autre histoire.

Goa Wawosabano, site funéraire

Cette grotte fossile est située doute de saronga, grandes barques au-dessus d’une résurgence que funéraires utilisées au XIVème et nous avons explorée. Son porche XVème siècles. contient un matériel archéologique Des niches semblent avoir été abondant en céramiques et en bois. aménagées dans la paroi pour y loger La grotte a été victime du pillage, les urnes funéraires qui gisent à terre mais l’état des vestiges est meilleur (hauteur : 40 cm, largeur : 30 cm) que dans goa Tengkorak II. Dispersés (photographie 9). Ces urnes servaient dans la grotte, nous remarquons de sépulture, semble-t-il, aux enfants. Dessin 5: Pieds fourchus, panache particulier, des objets en bois : couvercles de Des grottes aux alentours de ce personnage filiforme semble particulièrement inquiétant. Goa Tanggalassi. Dessin N. Douvry. sarcophages en forme d’auges rectan- Kendari, la ville principale située à une gulaires, avec des frises gravées en centaine de kilomètres, ont livré un forme de croisillons. Il s’agit sans matériel archéologique similaire.

Photographie 9 : Grandes urnes funéraires de goa Wawosabano. Cliché Marc Boureau.

Photographie 8: Le groupe sorcier, goa Tanggalassi. Cliché N. Douvry.

Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 45 Goa Anawaï Inguluri, la grotte aux mains négatives

Au pied d’une falaise dominant un baignent les anges », un toponyme on graphie 13). Puis il faut gravir les cent affluent de la rivière Lindu, nous avons ne peut plus approprié pour une résur- mètres d’un lapiaz acéré et ébouleux découvert une grotte ornée de mains gence karstique aux couleurs d’azur, ce recouvert de jungle qui nous séparent négatives (photographie 11). À Bornéo, qui semble être monnaie courante dans du pied de la falaise. l’île voisine, ces mains sont datées et ce secteur (photographie 12). Plusieurs porches y ont été explo- sont antérieures à 10 000 ans. La légende rapporte que le dieu rés : nous avons noté que des tessons Le lieu est appelé Anawaï Inguluri, Anawaï Inguluri serait descendu du ciel de céramique jonchent le sol des grottes ce qui signifie « la source où se pour se baigner dans les eaux cristal- ou de la jungle de manière sporadique. lines du lac. Cette histoire est encore La grotte d’Anawaï, découverte vivace dans les mémoires et c’est avec l’avant-dernier jour de notre expédition, ferveur que Suleiman, notre guide, nous présente un vaste porche offrant une l’a racontée. zone plane dans le fond et une zone Une heure de pirogue est néces- de blocs à l’entrée. Un petit méandre saire depuis la maison de la grand-mère très étroit et sans suite abrite trois qui nous a hébergés à Sambandete. bauges d’anoa (figure 2). Nous quittons le cours d’eau principal La paroi de gauche, blanchie par le pour un modeste affluent poissonneux passage des eaux de pluie, conserve la qui se termine par un petit lac aux trace très estompée d’une unique main reflets sublimes. L’eau est transparente négative. et nous apercevons l’exsurgence noyée La paroi de droite offre un panneau à trois mètres de profondeur (photo- constellé de mains négatives, rouges,

Figure 2: Topographie de goa Anawaï I. Photographie 11: Selon le niveau de l’eau, l’accès est plus ou moins aisé.

Photographie 14: Le balai fantasmatique des mains négatives, goa Anawaï I. Cliché B. Valentin.

Photographie 12: La falaise d’Anawaï. Cliché B. Valentin.

Photographie 13: L’eau transparente de l’exsurgence noyée d’Anawaï. Cliché B. Valentin.

46 Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 Les trouvailles du vieux pêcheur Un vieux pêcheur, celui qui nous a loué la pirogue, nous a invités dans sa maison sur pilotis pour nous montrer ce qu’il a trouvé dans les grottes…

Les yeux, la bouche et les narines Les statuettes Tête en terre cuite, évoquant un sont incisés. Dessin N. Douvry. visage momifié, dont la couche C’est avec une grande fierté externe est claire; l’intérieur, plein, est noir. Le visage, allongé, présente un qu’il a sorti d’un vieux sac crâne arrondi, une face très aplatie plastique et étalé sur sa table ainsi qu’un front protubérant. L’oreille en bois de magnifiques têtes droite, dont le creux est suggéré, a un de statuettes en terre cuite. lobe percé d’un trou. L’autre oreille est cassée. Les yeux, la bouche et les Elles étaient peut-être narines sont incisés; le nez écrasé est Une statuette modelées à l’image des suggéré par un modelé discret. qui évoque défunts, et pouvaient orner L’arrière du crâne présente des traces un visage de décollement. Le bas du visage se le couvercle des urnes momifié. fond dans le cou qui n’est pas Cliché funéraires ou d’autres différencié. Cassure au niveau du cou. B. Valentin. réceptacles.

Tête en terre rouge chamottée présentant des nuances noires (restes Tête en terre cuite présentant de calcination) et des fissures, notamment à l’arrière du crâne, où des traces de calcination, de des traces de décollement sont visibles. Les traits évoquent une statuette fissures et de décollement à féminine. Les yeux, profondément marqués par deux trous, possèdent l’arrière du crâne. La face est des cils inférieurs incisés, des paupières réalisées avec un léger relief, aplatie, contrastant nettement ainsi que des sourcils traités en relief et incisés. La bouche, creusée avec le bombé prononcé du dans la masse, a des lèvres incisées de haut en bas, évoquant un visage front et les joues arrondies momifié. Les oreilles ont le lobe percé d’un large trou; celle de droite débordant largement d’une tête est cassée. Le cou est bien dessiné. Le buste, étroite. Le nez est cassé. sans relief et les bras sont cassés. Les oreilles sont suggérées par une incision derrière les joues. Statuette funéraire aux oreilles percées. Le cou, cassé, est massif. Dessin N. Douvry. Les yeux et la bouche sont creusés profondément.

Une statuette au visage plat, avec des traces de calcination. Cliché B. Valentin. Une fissure court Un modelé sur le visage dont délicat du le traitement est menton et du remarquable. nez dont les ailes Dessin N. Douvry. sont finement suggérées. Cliché B. Valentin.

Tête en terre rouge chamottée, présentant des traces de calcination, de fissures et de décollement à l’arrière du crâne. Le visage, massif et rectangulaire, est ébauché par un relief unique Tête arrondie en pâte claire présentant un pour le nez, des incisions en carré pour les yeux et des traits pour modelé harmonieux, remarquable par les la bouche dont les lèvres semblent cousues, comme pour une raccourcis plastiques utilisés. Le haut du momie. Les deux oreilles sont percées dans leurs parties crâne est percé de petits trous. Le nez et le supérieures et ornées de deux pastilles collées sur chaque lobe. sourcil gauche sont traités par un seul relief Cassure au niveau du cou. en colombin. L’autre sourcil est en relief; les yeux et la bouche sont incisés profondément. Les deux oreilles sont percées en hauteur. La tête et le corps sont d’un même tenant. Les seins sont figurés par deux pastilles arrondies et lissées. Le bras droit, replié, est réalisé en relief depuis l’épaule jusqu’à la main, dont les doigts sont distincts, par un colombin. Le bras gauche est uniquement représenté par sa main, dont l’index est déplié ou tendu vers le haut. La statuette, dont la Le bras gauche est partie inférieure est cassée, est décorée de uniquement représenté par pastilles sur trois côtés. Les parties latérales sa main, dont l’index est sont aplaties. La cassure correspond à un trou tendu vers le haut. transversal, percé d’un flanc à l’autre. Dessin N. Douvry. Oreilles percées et pastilles collées sur chaque lobe. Dessin N. Douvry. ➜

Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 47 ➜ Les trouvailles du vieux Dessin 6: Quarante mains, petites et pêcheur (suite) grandes, gauches et droites. Goa Anawaï I. Dessin N. Douvry. Les « porcelaines chinoises »

Le vieux pêcheur a également sorti à grand-peine cinq gigantesques jarres trouvées dans les grottes (ph. 10) Il s’agit en fait de jarres (pongasih) chinoises, vietnamiennes ou thaïlandaises, ocre et noires, dont certaines sont et la pigmentation encore dense (photo- que les habitants nomment sans encore bien visibles (photographie 14). graphie 1). Une couche de calcite distinction « porcelaines Il y a quarante empreintes : douze semble recouvrir le tout. La paroi chinoises ». Et c’est entouré mains gauches et vingt-cinq mains présente un relief par endroits assez d’une dizaine de villageois que droites, dont dix-sept mains d’adultes tourmenté : creux et bombés ont été le vieux pêcheur nous les a et dix-huit petites mains (femmes ? mis à profit, quelle que soit la difficulté présentées. Il en a trouvé trois enfants ?) déterminées (dessin 6). Le d’accès. dans le massif du Matarombéo panneau a été exécuté depuis une vire Des dessins au charbon, difficile- et deux dans la grotte aux à deux mètres du sol, qui court le long ment identifiables, ont été observés, statuettes, sans donner plus de la paroi. L’ensemble est malheu- notamment les membres de ce qui de précisions. Ces jarres reusement assez abîmé par l’eau, par semble être un animal (on voit nette- comportant quatre estampilles une pigmentation verdâtre par endroits ment les longs traits au charbon qui avec idéogrammes, datent sans et par des nids de guêpes maçonnes délimitent ce qui serait un dos et des doute du XIVème siècle. Elles qui pullulent. Les mains les mieux pattes), ainsi qu’un personnage. servaient à stocker l’eau ou le riz conservées se situent dans des D’autres traces ont été vues, mais et d’offrande lors des mariages. niches. Les empreintes y sont nettes elles sont illisibles. Ces objets produits en grandes quantités en Chine servaient de monnaie d’échange avec les Perspectives habitants de l’île, qui leur accordait une grande valeur. Le massif du Matarombéo recèle bien plus forte. Le front pionnier avance, des secrets. La première expédition, avec son lot de déforestation et de pendant laquelle furent effectuées les mise en cultures pour l’huile de découvertes présentées ici, eut lieu en palme, bien que la zone fasse partie juillet et août 2005. Nous y sommes d’un parc naturel. Une protection du retournés en 2006 et 2007, et nous karst et du patrimoine archéologique avons rapporté des résultats passerait par la connaissance et spéléologiques et archéologiques la diffusion de cette connaissance tout aussi riches. auprès des habitants, ainsi que par Les enjeux historiques et une sensibilisation des autorités préhistoriques de ces découvertes locales. Au-delà de ces se situent dans la compréhension considérations, les dessins des migrations de populations et découverts, qu’ils soient pariétaux dans l’expression de leur culture. ou des décors sur des céramiques, Une recherche en plein essor témoignent d’une extraordinaire concernant ces régions, notamment sensibilité artistique, qui s’exprime à Kalimantan, la partie indonésienne puissamment à travers les statuettes de Bornéo, qui est l’île la plus proche funéraires. Une mémoire oubliée de Sulawesi, étudiée par Jean-Michel pour ce peuple, qui serait digne Chazine et Luc-Henri Fage, apportera d’être reconnue. son lot de réponses et des quantités Photographie 10: Grandes jarres chinoises du d’autres questions. Sulawesi cherche, XIVème siècle. Cliché B. Valentin. Bibliographie quant à elle, son archéologue. FAGE, L.-H. et CHAZINE, J.-M. (2009) : Bornéo, la À l’abri des regards pendant mémoire des grottes.- Lyon, Fage éditions. VALENTIN, B. (2006) : Sulawesi, un nouvel eldorado.- longtemps, cette zone est soumise Spéléo magazine, n° 54, avril 2006, p.14-15. à une pression humaine de plus en

48 Dans la jungle de Sulawesi (Indonésie) - Spelunca 121 - 2011 Le Wetterhorn, depuis la marche d'approche. Cliché Emmanuel Belut.

Eigerwandschlucht, l'estrecho de la face nord de l’Eiger (Suisse) Emmanuel BELUT Le train frémit, s'ébranle, puis entame son périple vers la petite ville de Scheidegg, bourré jusqu'à la gueule de touristes en tenue de sport dernier cri. Avec nos vêtements improbables et nos énormes kits pleins à craquer, nous ne passons pas inaperçus au milieu de cette clientèle fortunée. Pourtant, nos pensées restent concentrées vers l'inconnu qui nous attend, presque mille mètres plus haut. Nous passons Brandegg, puis Alpiglen : déjà nous devons quitter le confort tiède du wagon, pour affronter le froid et la pente qui nous attendent, lourdement équipés en prévision des périls d'une ouverture.

Le temps est ensoleillé et radieux, de mètres en aval du glacier, car plus pourtant l'ombre menaçante de la haut l'encaissement semble encombré face nord de l'Eiger est devenue par des névés. omniprésente, et sa froide présence Nous enfilons prestement nos semble engloutir les rayons du pâle combinaisons, puis attaquons la soleil d'automne. La pente déjà raide descente. À peine quelques ressauts semble encore se redresser, et le aisément franchis, et nous voici chemin s'incurve résolument vers immédiatement plongés dans l'am- l'interminable face de l'ogre de glace. biance. Dans l'étroit, le débit ne semble Là-haut, un petit glacier suspendu plus si débonnaire et le flot glacé baigne laisse s’échapper de petites cascades tumultueusement un boyau d'un gris de cristal. D'ici, la noire crevasse d'où lunaire. Vite, il faut poser le premier s'échappent les petits geysers est point. Mon petit perforateur gémit dans presque indiscernable, mais nous la pénombre : la roche est compacte, ressentons sa présence. resserrée ; le perçage est difficile. Impa- Notre pas se fait plus résigné, tient, j’insère un goujon dans le trou, presque fataliste. Au détour d'un virage, mais celui-ci est un peu court. Après un léger grondement semble sortir du avoir reposé correctement le point, nous sol, puis subitement le sentier enjambe descendons et poursuivons notre une fissure de moins d'un mètre de progression, jusqu’à ce que nous large : au fond, le torrent est à peine tombions nez à nez avec une magnifique visible, à l'image du canyon qui zèbre arche naturelle. Son pilier gauche imperceptiblement la pente comme s'avère idéal pour une descente sur une fine cicatrice. Nous poursuivons nœud autolargable, que je confectionne l'ascension. Le franchissement d'une un peu laborieusement dans une posi- deuxième passerelle laisse deviner un tion peu idéale, sous l'œil vaguement encaissement sculptural, mais nous goguenard de mon coéquipier, Bernard montons toujours. Passée une cascade Junger. L'obstacle franchi, d'autres se émergeant subitement de la faille creu- présentent aussitôt. Le canyon est sans sée par le canyon, nous nous éloignons temps mort : les petits obstacles se du torrent pour franchir une ultime barre succèdent sans discontinuer, entre rocheuse, avant de le rejoindre plus désescalades techniques dans des L'ultime arche en amont. C'est là que nous attaque- estrechos1 très arrosés, et petites naturelle du canyon. rons la descente, une petite centaine sections de boyau où nous traînons Cliché Emmanuel Belut.

1. Estrechos : canyon en espagnol.

Eigerwandschlucht, l'estrecho de la face nord de l’Eiger (Suisse) - Spelunca 121 - 2011 49 L'estrecho après la première grande cascade. Cliché Emmanuel Belut. laborieusement nos kits obèses. Nous nous tient compagnie, et ne manque pas de n'avançons pas vite, mais soudain, l'en- nous poser l'éternelle question existentielle : caissement s'ouvre enfin sur la première « Mais pourquoi faites-vous ça ? ». Cette cascade visible de l'extérieur. Je plante un question restera sans réponse bien précise. piton pour m'assurer, puis pose un goujon Bernard confectionne un repas gastro- pour le rappel. Alors que Bernard s'élance nomique improvisé que nous dégustons dans la descente, quelques randonneurs en trinquant à notre ouverture, avant de nous regardent ébahis. nous glisser dans nos duvets. La cascade mesure une trentaine de La matinée du lendemain s'amorce par mètres, et s'avère bien arrosée. À son pied, une petite brume automnale, vite dissipée nous sortons de l'encaissement sur pour révéler une journée aussi radieuse que quelques mètres pour attaquer la suite par la veille. Nous nous préparons tranquille- le sommet de l'encaissement suivant : le ment, tant et si bien que nous voilà au débit semble avoir notablement augmenté départ du canyon à seulement 12 h 20. depuis le début, et nous esquivons ainsi un Décidément, nous ne sommes pas du passage inquiétant. Nous voilà immédiate- matin ! Le débit semble avoir notablement ment replongés dans l'ambiance hostile du diminué depuis la veille, et nous nous enga- canyon. Etroitures, désescalades, siphons, geons confiants dans la partie encore inex- bloc coincé : chaque mètre a son obstacle plorée du canyon. Elle se révèle encore plus et se vend chèrement. étroite et miniaturisée que la partie amont, Puis la deuxième cascade de trente avec également son lot de surprises, entre mètres, encore plus arrosée, fait son appa- siphons, blocs instables et creusements rition : la descente avec la corde raboutée et sculpturaux. En à peine une heure et demie, le kit d'équipement à la ceinture s'avère nous achevons l'équipement de cette particulièrement pénible. Encore quelques partie, et nous sortons à la deuxième ressauts, et un grand bloc coincé barre le passerelle. Puis nous partons en recon- canyon : plutôt que de poser un point, nous naissance par l'extérieur de la dernière grimpons au dessus et utilisons un amar- partie du canyon, qui se limite finalement à rage naturel pour assurer notre descente. un creusement d'une cinquantaine de À peine l'obstacle franchi, il faut à nouveau mètres de dénivelé, suivi d'une série de planter un goujon pour franchir deux petits cascades ouvertes peu intéressantes. Nous ressauts délicats. Le prochain détour du laissons ce court encaissement final pour méandre nous révèle alors la première un rééquipement ultérieur, et redescendons passerelle, largement ensoleillée : il est dans la vallée, fort heureux de ce magni- seize heures, trop tard pour poursuivre notre fique week-end. Après une brève recon- périple, et nous choisissons donc de laisser naissance du canyon voisin de la Schwartze la suite au lendemain et de regagner Grin- Lütschine, au débit actuellement imprati- La première arche naturelle. Cliché Emmanuel Belut. delwald, presque mille mètres en contrebas. cable, nous prenons la route du retour. Nous passons la soirée dans une Au final, la Suisse demeure pour moi auberge de jeunesse où le gérant nous a une terre de paradoxes. Comment expliquer sympathiquement permis de recharger le qu’une descente d'une telle ampleur, aux perforateur. Un Allemand venu randonner pieds d'une des faces nord les plus célèbres d'Europe, soit demeurée vierge jusqu'à notre passage ? Alors même que le sentier de randonnée qui traverse deux fois le canyon est parcouru chaque année par des milliers de randonneurs ? Comme le disait notre randonneur allemand, il faut croire que tous ont les yeux rivés vers les sommets.

50 Eigerwandschlucht, l'estrecho de la face nord de l’Eiger (Suisse) - Spelunca 121 - 2011 L’éclairage à leds en spéléologie

Jean-François BALACEY 1

Spéléologue depuis 1968, m’étant interrogé sur les leds en 2007 après discussions sur le forum FFS et la liste française de spéléologie (forum internet), il m’a paru intéressant de faire un point sur l’éclairage à leds du commerce. Cet article décrit seulement les lampes disponibles via les distributeurs habituels. Il ne concerne ni les lampes dédiées à la plongée spéléologique, ni les lampes fabriquées de façon artisanale. Il ne prétend pas être exhaustif ; comment pourrait-il l’être, compte tenu de l’évolution constante de la technique. C’est une « photographie » de ce qui existe début 2011 : il vise donc à aider les spéléologues acheteurs potentiels de ces lampes.

Constitution des lampes à leds

Une lampe à leds pour la spéléo- De plus, la quasi-totalité des lampes des lampes du commerce, secret logie est constituée de deux boîtiers possède un indicateur de niveau de industriel oblige, mais on dépassait déjà reliés par un fil électrique. charge de batterie qui permet de suivre 100 lm/W en 2009 et on est sans la consommation. doute au-delà. Le rendement n’est pas Le boîtier des lampes L’obtention de la lumière souhaitée de 100 % et l’échauffement notable Il contient 2 à 6 leds de puissance, est obtenue par plusieurs leds. Les produit par les leds de puissance néces- un dispositif optique, l’électronique fabricants associent une led pour voir site un radiateur constitué par le boîtier associée et un interrupteur. Il permet au loin (sondage de puits, de galerie, des lampes. Si cette dissipation de d’obtenir plusieurs modes d’éclairage, etc.), qui porte souvent à plusieurs chaleur n’était pas possible, la durée de variant d’une autonomie maximale avec dizaines de mètres, à une led pour avoir vie des leds serait réduite. Toutes les un éclairement modéré (pour le bivouac un éclairage d’ambiance, nécessaire lampes récentes assurent cette dissi- ou en secours, lorsque les batteries à la progression. Selon la technologie pation et comme la durée de vie des sont trop déchargées), à un éclairement et aussi le coût de la lampe, le nombre leds se compte en dizaines de milliers maximal, utilisé ponctuellement pour de modes et la puissance lumineuse d’heures, le boîtier n’est pas aisément filmer ou bien profiter du paysage, avec varient. Ce passage d’un mode à l’autre démontable car la défaillance des leds alors une autonomie réduite. Entre est assuré par un interrupteur multipo- est improbable. Il n’y a pas de led qui ces deux modes, on en trouve un ou sitions qui comporte parfois un grille, contrairement aux ampoules à plusieurs pour la progression, compro- verrouillage de transport, pour éviter incandescence ou halogène. mis entre un éclairement suffisant et l’allumage intempestif de la lampe dans une bonne autonomie, généralement le sac. Parfois (LedLampe IV, Scurion), Le boîtier d’alimentation supérieure à six heures, voire beaucoup cet interrupteur permet aussi la Ce boîtier d’alimentation diffère plus, selon l’alimentation. Un circuit programmation de la répartition de peu de ceux existant sur les éclairages électronique assure la gestion de l’éclai- l’éclairage entre les deux leds, aux fais- précédents. Les différences portent rage et prévient également une trop ceaux concentrés ou diffus. sur le type d’alimentation, piles ou grande décharge des batteries. Ainsi, Les leds ont un bien meilleur rende- batteries, et sur le type de boîtier. toutes les lampes citées réduisent la ment que les lampes à incandescence Certaines lampes acceptent des piles lumière fournie pour éviter une panne ou halogène qui équipaient nos casques ou des batteries, d’autres non, nous d’éclairage, passant au mode de dans le passé. Il est de 10 à 15 lumens y reviendrons. Les batteries peuvent consommation inférieur lorsque les par watt (lm/W), pour les lampes à être dédiées ou non. Le boîtier peut batteries sont trop déchargées. On a incandescence, 15 à 25 pour les être étanche ou non, en plastique ainsi peu de chances d’être dans le halogènes, 20 à 200 pour les leds. On ou métallique. Tout cela est détaillé noir, même en cas de batteries faibles. ne sait pas exactement le rendement ci-après.

1. Association spéléologique de Côte-d’Or (ASCO)

L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 51 Les lampes étudiées

Arbitrairement, j’ai retenu sept J’ai retenu des modèles récents, avec leur fabrication artisanale, leur pays de lampes de quatre fabricants, en dehors une bonne diffusion et une bonne infor- fabrication, leurs spécificités et leurs des leds pour lampe Duo. Il s’agit des mation sur leurs caractéristiques, dont performances. lampes LedLampe IV de TechTonique leur fiabilité. Ces lampes sont bien (Suisse), Scurion 700, 900, 1000 et décrites sur les sites Internet des fabri- Les critères de choix 1300 de ScurionTM (Suisse), Stenlight cants et aisément disponibles via Inter- S7 de Stensat Group LLC (USA) et Ultra net. Certaines se trouvent rapidement Le tableau ci-contre, liste les Wide de Petzl (France). J’ai écarté les chez les grands distributeurs spéciali- multiples critères de choix, déjà lampes Nova (voir article dans Spelunca sés dans le matériel de spéléologie ou évoqués plus haut. Un tableau ne en 2006), techniquement dépassées et de montagne ; d’autres nécessitent un peut suffire, les principaux et les l’APEX de Princeton (USA), trop fragile. délai, parfois long, lié à leur succès, secondaires sont détaillés, ci-après.

Les critères principaux

Sur la Scurion 900, l’éclairage lointain est assuré Types d’éclairage par la led jaune (en haut en gauche) et celui large Toutes les lampes présentées par la led basse, avec un large diffuseur. associent un éclairage de progression et un éclairage lointain. J’ai essayé de Sur l’Ultra Wide, l’éclairage diffus est qualifier ces types d’éclairage. Presque assuré par le dépolissage de la vitre toutes les lampes ont un bon éclairage frontale et l’ajout de deux déflecteurs lointain, même si l’Ultra Wide privilégie en partie haute de la vitre. l’éclairage large, tout en portant quand même à une quarantaine de mètres. La majorité possède un bon éclairage de progression, à savoir un faisceau pas trop étroit pour avoir une bonne vision latérale et un éclairement suffisant pour bien distinguer les détails. La Sten- light S7, dans sa première version, Toutes les lampes étudiées éclai- avait un faisceau un peu étroit qui rent loin. Qu’est ce que ça veut dire, nécessitait l’ajout de lentilles complé- loin ? Voir « bien » du haut le fond d’un mentaires pour avoir un éclairage diffus puits de 50 m ? Le référentiel pour la large ; ceci semble avoir été corrigé spéléologie reste à trouver. Toutes les de séjours prolongés sous terre. Par dans la dernière version. lampes étudiées ont un éclairage de conséquent, certains fabricants ont progression, mais aucune lampe à leds développé des leds « lumière chaude », Éclairement n'a un éclairage omnidirectionnel en résumé avec plus de jaune, comme C’est un sujet vaste et complexe, comme celui de l’acétylène. En effet, l’éclairage à acétylène. Scurion propose sans réponses évidentes. Il faut c’est impossible sans une très forte un éclairage de ce type (modèle 1000, distinguer le ressenti du spéléologue, consommation d’énergie et, de plus, ce 3000 Kelvin de température de couleur, nécessairement subjectif, des mesures n’est pas indispensable : on ne regarde au lieu de 6000 pour une led standard d’éclairement, objectives. Il existe pas simultanément de tous les côtés blanche), Petzl a ajouté du jaune autour différentes unités photométriques et il y a des limites à la vision latérale. des six leds de l’Ultra Wide pour tendre (candela, lux, lumen), le lumen étant le Néanmoins, toutes les lampes ont vers cet éclairage chaud. plus utilisé. Je vous renvoie à Wikipedia un éclairage large, plus ou moins selon L’idéal serait de faire des tests (internet) pour les définitions et aux les modèles. Cet éclairage large est comparatifs des divers éclairages dans sites des fabricants pour les chiffres. réalisé en plaçant devant une led foca- les mêmes conditions. J’en ai réalisé Chaque fabricant annonce des chiffres lisée (à faisceau étroit) un dispositif selon un protocole reproductible (voir obtenus selon un protocole non précisé optique qui diffuse la lumière. encadré p. 56). Ils seraient à continuer ou selon celui qu’il a développé : la Parlons aussi de la température de façon élargie avec d’autres modèles comparaison de l’éclairement est donc de couleur. Les leds de 4 mm des plus récents. Dans ce domaine des délicate voire impossible. On ne sait premiers éclairages à leds avaient une tests comparatifs, il faut consulter le pas si les chiffres sont le maximum dominante bleutée, jugée désagréable. travail colossal des Autrichiens, réalisé délivré par la lampe ou pas et il paraît Maintenant, on sait faire de la lumière sous terre (voir le site : difficile d’interroger les fabricants sur blanche ; toutefois, cette lumière http://www.hirlatz.at/lampenvergleich3/ ce sujet délicat, en espérant une blanche est jugée froide en spéléologie lampenvergleich_en.html), réponse satisfaisante. et pouvant contribuer à un mal-être lors le plus complet à ce jour.

52 L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 Lampes complètes Nom de la lampe LedLampe IV Scurion 700 Scurion 900 Scurion 1000 Scurion 1300 Stenlight S7 Ultra Wide Fabricant TechTonique ScurionTM ScurionTM ScurionTM ScurionTM Stensat Group LLC Petzl Pays Suisse Suisse Suisse Suisse Suisse USA France

Lampes LED 2 Seoul Z-Power P7 - 2 DEL Cree XP-G 1 DEL Cree XP-G + 2 DEL Cree MCE 2 DEL Cree MCE 2 leds LUXEON 6 leds Optique focalisée & diffuse 1 DEL Cree MCE blanc chaud Rebel 100

Lithium ion (2,3 Ah Lithium Ion (2 Ah pour 4 NiMh AA 2,7 Ah avec accumulateur ACCU 2 Batteries boîtier DUO ou lithium ion Lithium (4 cellules 5,1 Ah) pour LG723 ou 5 Ah ULTRA, ou 4 Ah pour pour LG750) (pas de Petzl (idem Ultra Wide) boîtier fourni) accumulateur ACCU 4 ULTRA). OUI avec batteries Petzl Câble prolongateur (option) OUI (option) OUI (option) OUI (option) Éclairement lointain OUI OUI OUI MOYEN MOYEN (ajout d’optique large Éclairement large OUI OUI possible, existe sur OUI dernier modèle)

Distance éclairement au loin Supérieure à 40 m Non testées Non testée Environ 40 m

Éclairement moyen (lux) sur 4m2 en mode progression 9 Non testées Non testée 12 (test auteur) Utilisation de batteries standard NON (option adaptateur pour pile 9 V) NON NON Choix lors de l’achat Utilisation de batteries OUI OUI OUI spécifiques Indicateur de niveau de batterie OUI OUI NON OUI

Autonomie en mode 18 (avec 4 accu NiMh Selon la programmation des modes spot et large, avec une batterie à 4 cellules, Fonction des réglages, Test auteur: au moins progression (heures) de 2,8 Ah) en pratique supérieur à 20 h (20 à 60 h) en pratique supérieur 6 h avec ACCU 2 à 24 h Avec 4 NiMh AA 2,7 Ah: 2 h 4h45 (accumulateur (mode 4), 6 h (mode 3), Avec batterie 2,3 Ah: ACCU 2 ULTRA) ou 18 h (mode 2), > 48 h OFF 20 mois, LOW > 9h30 (accumulateur (mode 1). Avec 4 piles AA Li Selon la programmation des modes spot et 3 j, MEDIUM > 24 h, Autonomies annoncées Avec une batterie à 4 cellules, 5 à 150 h, selon large: avec une batterie à 2 cellules, 1 à ACCU 4 ULTRA). (heures) 1,5 V 3 Ah ou 1 pack Li-Ion la programmation des modes spot et large. HIGHT 7 à 8 h, TURBO 39 h; avec une batterie à 4 cellules, 2 à 88 h. 25 h (mode 1), 18650 7,4 V 2,6 Ah avec limite thermique 9 h (mode 2), (2 cellules): 3 h (mode 4), 3 à 5 h, TURBO sans 5 h (mode 3), 9 h (mode 3), 27 h limite thermique 2 h (mode 2), > 72 h (mode 1). 2 h (mode 4). Poids lampe 155 166 166 166 166 125 152 Selon modèles (boîtier Duo 145 (accumulateur Poids boîtier batteries 42 g + 4 NiMh 2,7 Ah à 301 (avec batterie à 301 (avec batterie à 301 (avec batterie à 301 (avec batterie à 115 (LG723) ou 240 ACCU 2 ULTRA) ou 265 (avec batteries) 122 g = 164 g) (accu Petzl 4 cellules) 4 cellules) 4 cellules) 4 cellules) (LG750) (accumulateur ACCU 4 voir Ultra Wide) ULTRA). 370 (lampe avec Poids total (grammes, avec 319 g (avec boîtier Duo 240 (avec accu accumulateur ACCU 2 & 4 NiMh 2,7 Ah), 467 (avec batterie à 467 (avec batterie à 467 (avec batterie à 467 (avec batterie à batteries fournies ou 4 NiMh 300 g (avec ACCU 2), 4 cellules) 4 cellules) 4 cellules) 4 cellules) LG723) ou 365 (accu ULTRA) ou 417 (lampe 2700 mAh) 420 g (avec ACCU 4). LG750) avec accumulateur ACCU 4 ULTRA). Étanchéité Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Moyenne Bonne Robustesse Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Bonne Encrasssement (argile) Faible Moyen Moyen Moyen Moyen Faible Moyen Encombrement Moyen Notable Notable Notable Notable Faible Bon Fiabilité Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Élevée Esthétique Moyenne Élevée Élevée Élevée Élevée Moyenne Élevée

Inclinaison du boîtier NON OUI OUI OUI OUI OUI OUI des lampes

Possibilité de programmation OUI OUI OUI OUI OUI NON NON

Complexité d’utilisation Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne NON NON Prix lampe (€) 165 Voir ci-dessous Voir ci-dessous Voir ci-dessous Voir ci-dessous 280 Voir ci-dessous Batteries Selon modèles (4 NiMh supplémentaires: 85 € Prix batteries (€) 2,7 Ah et chargeur environ Batterie 2 cellules 2500 mAh: 59 €; batterie 4 cellules 5100 mAh: 79,50 € 2,3 Ah: 47 , 5 Ah: (accumulateur ACCU 2 35 €), batteries Petzl voir 83 € ULTRA) ou 135 Ultra Wide (accumulateur ACCU 4 ULTRA). 344 € avec une Selon batteries: 190 (NiMh), € € € € 285 (ACCU 2), 335 € € 568 avec une 775 avec deux 775 avec deux batterie 2,3 Ah; 380 325 (lampe avec Prix total (€) 465 avec une batterie batterie 4 cellules batteries 4 cellules batteries 4 cellules avec une batterie un accumulateur (ACCU 4) (dont chargeur Ultra 4 cellules 5,1 Ah incluse € 35 €) 5,1 Ah incluse 5,1 Ah incluse 5,1 Ah incluse 5 Ah; 392 avec ACCU 2 ULTRA) 2 batteries 2,3 Ah

Bonne fiabilité, bon Simple d’utilisation, Meilleur rapport qualité prix risque du fil torsadé, du marché, bon retour Fiabilité et robustesse élevées, bon retour d’expérience (depuis 2005), retour d’expérience Avis global retour d’expérience d’expérience (depuis 2009), poids élevé, encombrante, chère (depuis 2002), peu limité (commercialisée encombrante, pas de fiable boîtier batterie fourni. depuis novembre 2010), fort éclairement.

L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 53 Batterie 4 cellules (5,1 Ah) Alimentation de ScurionTM. Il faut pouvoir s’éclairer pendant une sortie en classique du week-end de 6 à 10 h ou plus, en exploration longue, de plusieurs jours, avec bivouacs ou loin des sources de courant, en camp d’altitude. Certaines lampes acceptent des piles, mais c’est très coûteux à l’usage, sauf comme moyen de dépannage. Les lampes utilisent en général, Détail de batterie ACCU2 soit des batteries standard, le plus (2 Ah) de Petzl. souvent au format AA (RC06), facile- ment disponibles dans le commerce, des batteries fatiguées ou trop soit des batteries spécifiques. Certains déchargées (Lacrosse RS700 ou fabricants (Scurion, Stensat Group LLC, RS900, Memorex PRO 1 Genius, Petzl) ont développé des batteries Powerex MH-C9000 ou équivalents). spécifiques, soit pour disposer d’une plus grande quantité d’énergie, soit Autonomie pour y intégrer des particularités Les fabricants fournissent des (verrouillage et indicateur de niveau de valeurs qui sont délicates à vérifier car, charge chez Petzl). Plus faciles géné- comme pour l’éclairement, leurs proto- ralement à changer que celles stan- coles sont différents. Par exemple, Petzl dards, ces batteries spécifiques sont estime que le niveau d'éclairement mini- néanmoins plus coûteuses. mal est équivalent à la clarté d'une nuit pauses repas ou aux bivouacs, elle Parmi les batteries standards, on de pleine lune, soit 0,25 lux, ce qui augmentera encore. En pleine puis- pense le plus souvent aux accumula- paraît romantique, mais faible. De façon sance, l’autonomie sera vite réduite. teurs NiMh, nickel hydrure métallique, globale, on peut avancer que, avec la Sachant qu’il n’est pas évident de les plus répandus, dépassant ceux de batterie spécifique fournie (Scurion, savoir la consommation des batteries, la génération précédente au cadmium Stensat Group LLC, Petzl) ou un jeu de la majorité des fabricants ont doté leur nickel. On pourrait considérer que les quatre batteries standards les plus lampe d’un indicateur de charge. Sur la NiMh sont dépassées par les accumu- répandues (NiMh de 2,7 Ah au format LedLampe IV, l’interrupteur permet de lateurs au lithium, existants sous AA), l’autonomie minimale est de 10 h, faire clignoter la lampe, il suffit de diverses formes (lithium métal, lithium parfois beaucoup plus (voir tableau). Les compter (4 niveaux). Sur les Scurion, ion, lithium polymère), dont la densité témoignages d’utilisateurs de Scurion cinq diodes dans le boîtier des leds énergétique (et le coût) sont plus montrent des durées d’un à six jours donnent une indication, mais il faut élevés. Ces derniers équipent les fron- avec des batteries spécifiques. Cepen- demander au collègue ou enlever le tales haut de gamme et/ou à grande dant, cela dépend largement de l’utili- casque (il y a une option pour projeter autonomie (Scurion, Stensat Group LLC, sation, en clair du mode sélectionné, cette information sur un mur). Les accu- Petzl). plus précisément de l’énergie que vous mulateurs de l’Ultra Wide ont des Cependant, les NiMh sont plus décidez de faire consommer aux leds bargraphs à quatre niveaux : il suffit simples d’emploi comme batteries stan- pour un éclairement donné. En mode d’appuyer sur un bouton pour connaître dards, moins coûteuses en éléments progression, le mode le plus travaillé par la charge, mais il faut également séparés AA et plus polyvalentes. les fabricants car le plus utilisé, une demander au collègue ou enlever le Pour les batteries standards NiMh dizaine d’heures d’autonomie est casque. La Stenlight S7 n’a pas d’indi- (voir ci-dessous), le choix se portera de atteinte sans problème. En réduisant cateur de charge. Quelle que soit sa préférence sur des grandes marques l’éclairement en galerie étroite (pas lampe, le spéléologue prudent aura (Energizer, GP, Varta, Sanyo, etc.). besoin de la pleine puissance), ou en avec lui un ou plusieurs jeux de batte- Le chargeur dédié vendu par la marque arrêtant la lampe lors des attentes (profi- ries bien chargées. Il aura ainsi une peut suffire, mais des chargeurs tant de l’acétylène de vos collègues) tranquillité d’esprit utile pour une plus sophistiqués peuvent faire revivre ou en passant en mode secours aux pratique sereine et sécurisée.

Les critères secondaires

Types de leds Prix mum à 775 € pour les Scurion 1000 et On est contraint de se fier aux Le prix total dépend du choix de 1300 de ScurionTM (vendues avec deux choix des fabricants, car les caracté- la lampe, de son alimentation et de ses batteries lithium de 5,1 Ah). Il est ristiques des leds ne sont pas toujours accessoires. Le minimum se situe à prudent de prévoir au moins un jeu de connues ni celles de l’électronique 190 € pour la LedLampe IV de TechTo- batteries en plus pour éviter de sortir associée. nique avec des batteries NiMh, le maxi- en mode secours ou dans le noir.

54 L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 Étanchéité incluant le boîtier arrière contenant Il s’agit de la résistance aux l’alimentation électrique. Le poids peut Double sécurité embruns (atmosphère humide, proximité dépendre des batteries standards de cascade), voire à une courte immer- choisies. Les plus lourdes sont L’utilisation d’une lampe à leds seule sion, tel le passage d’une voûte les Scurion, le poids total avec un ne répond pas au principe de la double mouillante. Toutes les lampes ont une casque classique – tel l’Écrin Roc, de sécurité, cher aux spéléologues, tel dans résistance moyenne ou élevée. En clair, Petzl, 445 g, largement répandu le double éclairage classique, acétylène et elles résistent bien, pour peu qu’on les en spéléologie – est presque d’un électrique. Il est possible d’ajouter une sèche après une sortie (pour éviter la kilogramme, ce qui fatigue les cervicales lampe à leds sous un éclairage acétylène corrosion sur les divers contacts élec- à la longue. Scurion, comme Petzl, (TechTonique a prévu les mêmes trous que triques) ou qu’on graisse les joints propose d’une part des câbles longs, ceux de la Duo pour sa Ledlampe IV). (Scurion). Certaines (Scurion) ont une d’autre part deux types de batteries, Ce serait même conseillé en cavité résistance accrue et peuvent être utili- à acheter en plus, afin de réduire froide, ou pour rénover sa Duo (voir enca- sées pour des plongées peu profondes le poids sur la tête. En plus, cela dré ci-dessous). La sécurité minimale est (maximum 20 m). Mais, répétons-le, ce prolonge l’autonomie en cavités froides, d’avoir un ou plusieurs jeux de batteries. ne sont pas des lampes faites pour la car les batteries, sensibles au froid, Il est vivement conseillé d’avoir une plongée, spéléologique ou autre. ont une meilleure autonomie dans la seconde frontale à leds autour du cou ; combinaison. Globalement, le poids total c’est même obligatoire dans certaines Fiabilité n’est pas signalé comme une gêne, à expéditions. Il faut choisir pour cela une Il s’agit là du retour d’expérience des part parfois pour les Scurion, plus frontale éprouvée, telles les Tikka de Petzl spéléologues qui utilisent (ou ont utilisé) renforcées donc plus solides et plus ou équivalentes, la gamme est vaste. les lampes étudiées. J’ai décrit dans cet lourdes. Gardez-la autour du cou, au pire dans la article la totalité des avantages et poche de combinaison, mais pas dans le inconvénients qui m’ont été rapportés. Possibilité de programmation kit que votre copain aura avec lui, deux Globalement, aucune lampe citée ne Sur les lampes suisses (Scurion, puits plus haut, inaccessible. présente de défaut rédhibitoire, incom- TechTonique), il est possible de patible avec la pratique de la spéléologie programmer la puissance des leds : (voir également le paragraphe sur la 4 à 10 niveaux sont possibles. Cela Les compléments robustesse). présente un intérêt si on n'est pas satisfait des réglages d’origine, mais àlaDUO Robustesse cela peut aussi compliquer l'utilisation. La lampe DUO de Petzl équipe un grand Toutes les lampes ont une robustesse On tâtonne toujours un peu au début nombre de casques de spéléologues depuis une quinzaine d’années. Dès que des leds éprouvée, adaptée aux chocs, nombreux pour savoir dans quel mode on est et ont été disponibles, divers fabricants en ont en galeries étroites. La Stenlight S7 est pour trouver celui qui convient. Avec proposé pour la DUO, soit pour remplacer testée depuis 2002 par les spéléologues l’habitude, cet inconvénient disparaît. l’ampoule halogène, pour voir au loin, soit américains, les Scurion depuis 2005, la l’ampoule à incandescence, pour la progression. Petzl a ainsi proposé des LedLampe4 depuis 2009 : aucune casse Inclinaison du boîtier des lampes modules à 5 puis 14 leds pour la n’a été signalée sur ces lampes. L’Ultra Ce peut être un plus, pour mieux voir progression, ces derniers équipant bon Wide de Petzl est commercialisée depuis au loin (progression en galerie large au nombre d’éclairages mixtes. L’éclairement fin novembre 2010, mais Petzl en avait sol sans obstacles) ou de plus près (pour du module 14 leds de Petzl me paraît confié vingt en juillet 2010 à divers spéléo- mieux étudier une topographie) mais ce limité, sans doute parce que j’ai trop pris l’habitude d’autres lampes plus puissantes. logues (dont l’auteur), qui les ont testées n’est pas fondamental. J’ai testé la Powerled 1 W de TechTonique : sans casse. celle à l’angle de 10° a un faisceau un peu Interférence magnétique trop étroit pour la progression mais celle à Encombrement Avec son interrupteur magnétique, l’angle de 25° a un angle et un éclairement La taille de la lampe peut être une la Stenlight S7 influence les boussoles suffisants. D’autres fabricants proposent des ensembles plus complets, remplaçant en gêne en galerie étroite, avec aspérités, à courte distance (5 cm) ; les autres totalité les deux lampes. C’est le cas de ou aux rétrécissements. Les Scurion ont lampes n’ont pas cet inconvénient. l’italien Mastrel : les retours d’expérience une lampe à la tête large, conduisant des utilisateurs de ses leds et kits sont parfois à des variations inopinées d’éclai- Encrassement mitigés, il semble toutefois généralement rement lorsque l’interrupteur frotte. L’argile peut encrasser les fentes que ce soit mieux que le module 14 leds de Petzl, suffisant pour l’initiation mais Également, le boîtier des batteries peut des radiateurs de refroidissement et évidemment moins lumineux que les lampes s’ouvrir si les têtes des vis de ferme- aussi gêner le nettoyage après les récentes étudiées. Que faut-il en penser ? ture frottent trop souvent. Ceci peut être sorties. Il s’agit d’un élément mineur. Si vous avez un casque avec DUO et que évité par un montage avec les têtes des vous voulez le conserver parce qu’il est équipé d’un éclairage à acétylène, il peut vis placées latéralement et non vers le Esthétique être intéressant de le rajeunir avec une led haut. Les autres lampes, de taille plus Vu le prix de certaines lampes, ça ou un module. Au pire, si vous n’êtes pas réduite, n’ont pas cet inconvénient. peut compter. Ainsi Scurion propose un satisfait, il servira en initiation. Sinon, choix de sept couleurs. investissez dans un éclairage complet, plus Poids Pour l’Ultra Wide, le fabricant a cher mais plus performant car ses leds seront plus récentes, donc éclaireront mieux Il faut distinguer le poids de la ajouté des touches orange, agréables avec une autonomie plus grande. lampe (boîtier des leds) et celui total, aux photographes.

L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 55 Mesures comparatives de flux lumineux de frontales à leds Figure 1 J’ai réalisé des mesures reproductibles dans Mon ressenti visuel montre que la valeur un lieu intérieur, sur une surface blanche de minimale pour voir réellement quelque chose 2 x 2 m, un peu plus petite que celle éclai- au sol est de 5 lux. À 10 lux, on voit assez rée par une lampe acétylène (env. 3 x 3 m). bien et au-dessus de 15 lux, on voit bien. La surface a été une nappe en papier blanc Il y a donc un intérêt à avoir la plus grande avec un quadrillage de 10 et 20 cm. Pour surface possible supérieure à 15 lux pour les mesures, j’ai utilisé un luxmètre Quan- progresser correctement. On est loin des tum Photo / Radiometer HD 9021 fabriqué valeurs annoncées par ailleurs, par les par Delta Ohm en Italie, avec une sonde fabricants (voir figure 3). HD9021 Photic 0 à 200 000 lux. Les lampes Le ressenti personnel est éloigné des testées ont été placées en hauteur, à valeurs recommandées par la législation 1,68 m, orientées à 45° environ vers le (Code du travail). L’aide-mémoire juridique centre de la surface quadrillée et la sonde TJ13 de l’INRS (à télécharger sur a été déplacée en chaque point. http://www.inrs) recommande des valeurs Plusieurs séries de mesures ont été réali- minimales d’éclairement de 40 lux (voies de sées, d’une durée de 20 minutes à 1 h 20 circulation intérieure) à 800 lux (« tache très par mode, chaque série durant environ difficile dans l’industrie ou les labora- 3 heures. sept lampes ont été testées : toires »). Une grotte fait-elle partie des l’Apex de Princeton, la Powerled 1 W et la « locaux aveugles affectés à un travail LedLampe IV de TechTonique, la Scurion P4 permanent » (200 lux), des « espaces (dépassée maintenant par la 700, au extérieurs où sont effectués des travaux à meilleur rendement lumineux), le module caractère permanent » (40 lux) ? La spéléo- 14 leds (sans connaître le mode), l’Ultra logie correspond-elle à de la « mécanique Wide de Petzl et l’acétylène (Ariane et bec moyenne, dactylographie, travaux de 21 litres porcelaine). Les valeurs mesurées bureaux » ou de la « mécanique de précision, ont été représentées en fausses couleurs électronique fine, contrôles divers » pour une meilleure compréhension. La valeur (600 lux) ? À vous de juger : combien de lux moyenne sur la surface ainsi que les pour- faut-il pour lire un topofil laser en opposi- centages de la surface supérieurs à 5, 10 tion ? Pour progresser tranquillement dans et 20 lux ont été calculés. Les principaux une galerie de 20 m au carré ? Pour sonder résultats sont présentés ici (voir figure 1). un puits d’au moins 40 m ? Les mesures sont longues, parce qu’il faut Au global, ces mesures constituent une déplacer la sonde à chaque mesure, sans approche de ce qui pourrait être réalisé de interférer avec le faisceau de la lampe. façon plus rigoureuse et plus complète, Elles sont pénibles car il faut être dans une dans toutes les directions (sur 5 faces d’un position malcommode, et noter fidèlement, cube, car on ne voit pas derrière soi), parfois dans la pénombre en éclairement en variant la couleur des surfaces et avec faible, les valeurs. La reproductibilité est la mesure de la température de couleur. moyenne, car le changement de lampe se Ce pourrait être un bon sujet pour un traduit par de petits écarts du centre éclairé mémoire de stage de spéléologie ou de (point central), faute de dispositif d’essai spécialité en optique, si on pouvait rassem- mieux adapté (voir figure 2). bler quelques modèles représentatifs du Toutes ces lampes ont un meilleur éclaire- marché. Bon courage. ment que l’acétylène, mais il est plus centré. Figure 2

Éclairement moyen sur 4 m2 (lux)

Figure 1 : Exemple de résultats de mesures, présentés en fausses couleurs, pour 2 lampes en mode progression (mode 2). Ces résultats sont un peu sous-estimés pour la LedLampe IV car les valeurs maximales, qui devraient être au centre, sont décalées. On note que l’intensité au centre est plus forte pour l’Ultra Wide.

Figure 3 Figure 2 : L’observation de l’éclairement moyen sur 4 m2 montre que toutes les lampes récentes (LedLampe IV, ancienne Scurion P4, Ultra Wide) sont au-dessus de Pourcentage supérieur à 10 lux sur 4 m2 5 lux, ce qui donne un ressenti visuel satisfaisant en mode progression, non atteint par l’éclairage acétylène.

Figure 3 : Le pourcentage de la surface de 4 m2 supérieur à 10 lux montre également qu’en mode progression (2), la valeur de 10 lux est dépassée, ce qui traduit un bon ressenti visuel.

56 L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 Classement des lampes du commerce et meilleurs choix

J’avais imaginé de faire un classe- ment pondéré de chaque paramètre important, mais c’est utopique. L’éclairement est-il plus important LedLampe IV sous que l’autonomie ou le choix des batte- éclairage acétylène montée ries ? Les paramètres secondaires sur casque Ecrin (Petzl). On distingue dans le (étanchéité, robustesse, indicateur de boîtier les 2 leds assurant niveau des batteries, prix, etc.) sont- l’éclairage lointain ils si secondaires ? Impossible de tran- (à gauche) et diffus (à droite). cher. J’ai donc préféré suggérer des choix de lampe ; à vous de voir selon votre pratique et votre budget. Ultra Wide. On distingue à gauche Retenons en premier lieu la l’accumulateur avec le bargraph à LedLampe IV de TechTonique. C’est la quatre niveaux, à droite le boîtier lampe avec son interrupteur verrouillable à 4 positions, moins chère, mais ce n’est pas du bas derrière le bandeau le fil torsadé de gamme : elle est reconnue depuis sa commercialisation en 2009 comme une des meilleures lampes du marché. Dotée de deux leds puissantes, possé- dant quatre modes programmables et une alimentation variée (batteries stan- dard ou Petzl), elle peut aussi se monter à la place de votre Duo sous votre acéty- lène, les trous étant les mêmes. Un excellent produit suisse qui sera bien- Les Scurion ont une réputation tôt complété par une LedLampe V, au justifiée de produits haut de gamme, à même boîtier, mais avec 5 leds Cree, la technologie éprouvée, à l’éclairement trois optiques avec diffuseurs et puissant, large et focalisé, program- prisme. Ces optiques permettent d'avoir mable, mais elles sont chères, comme un éclairage focalisé et une lumière opti- le sont souvent les produits de ce type. male pour la progression. Elles semblent répandues chez les L’Ultra Wide de Petzl est le produit explorateurs intensifs et exigeants car, français à retenir : puissante, orien- si le prix peut apparaître dissuasif, la table, facile d’emploi, éclairant sans grande fiabilité, l’autonomie et la robus- problème une galerie de 30 m au carré tesse les compensent dans le temps. jusqu’à 50 m, elle devrait prendre sa Une place à part doit être faite place au cours du temps, son prix étant pour la Stenlight S7 de Stensat Group StenLight S7. On note les 2 leds et l’interrupteur magnétique à l’arrière, très facile à manipuler. concurrentiel. Seul bémol, le fil torsadé LLC, lampe américaine peu connue des est un risque potentiel d’usure préma- Français. Je ne l’ai pas testée, mais turée et d’accrochage. L’éclairage est elle est très utilisée en Grande-Bretagne puissant, large, idéal pour la progres- et aux États-Unis ; elle a une bonne sion grâce à son optique diffusive (voir réputation chez des spéléologues encadré sur les mesures comparatives). belges. La nouvelle version aux leds Petzl envisage des évolutions de ce plus récentes a semble-t-il une vision premier modèle. plus large que la précédente.

Batterie 2,3 Ah StenLight. Notez sa compacité. La protection dans un boîtier est utile.

Boîtier batterie Scurion. La construction en alliage d’aluminium conduit à une Boîtier lampe de la Scurion 1300. résistance inégalée. Notez la taille du réflecteur de la led grand-angle.

L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 57 Quid de la toxicité des leds? Classique L'ANSES (Agence nationale de un certain nombre de facteurs sécurité sanitaire de l'alimentation, aggravants : comparaison avec de l'environnement et du travail) - absence ou faiblesse du filtre a attiré l'attention récemment sur cristallinien (enfant, pseudophake, une toxicité oculaire potentielle aphake), l’éclairage acétylène des éclairages équipés de diodes - maladie rétinienne (DMLA) ou électroluminescentes (leds). cutanée, On ne peut éviter cette comparaison. Le En effet la puissance de ces - certains médicaments, point fort incontestable de l’éclairage acétylène systèmes a considérablement - les personnels exposés aux leds est sa production de chaleur, bien utile en cavité augmenté ces dernières années. sur le plan professionnel (effet cumulatif), froide ou lors de longues attentes. Sa lumière La technologie de ces matériels - distance de la source. chaude aussi, agréable, à laquelle nous possède certaines particularités : sommes habitués de longue date, est encore - spectre lumineux très « froid » Ceci entraîne un certain nombre et énergétique par rapport à la de risques : peu présente sur les leds. En altitude, le carbure lumière naturelle ; déséquilibre - risque photochimique (stress peut aussi être plus disponible que l’électricité. spectral avec une richesse oxydatif), Pour le reste, l’éclairage à leds le supplante. De particulière en lumière bleue, - éblouissement, surcroît, il est obligatoire dans certaines grottes - rendement élevé qui ne cesse - autres effets moins dangereux d'augmenter avec les progrès (cycle nycthéméral entre autres). protégées, pour ne pas noircir les concrétions. technologiques : on admet que le flux lumineux double tous les D'autre part, les normes ne sont 18 mois, pas adaptées à ce type de source - source lumineuse de petite taille lumineuse : entraînant une luminance de la - distance de mesure de test ?, Conclusion source (candela/m2) extrêmement - effet de l'exposition répétée ? Les leds ont fait leurs preuves en spéléo- élevée (source ponctuelle). logie et vont continuer à prendre progressi- On peut enfin en tirer quelques En outre des facteurs industriels recommandations : vement la place de l’éclairage à acétylène, interviennent aussi : - la source lumineuse ne doit pas pour de multiples raisons (facilité, propreté, - fabrication à bas prix - irrégularité être visible directement fiabilité, autonomie). Les lampes des grands de performance d'un produit à (construction), fabricants cités dans cet article vont encore l'autre, - ne pas regarder directement la - modification notable des lampe, s’améliorer, se perfectionner, se renouveler ; caractéristiques dans le temps. - créer un faisceau diffus à la c’est classique dans notre société basée sur Le vieillissement entraîne une construction, la technologie, à l’évolution constante. À côté augmentation du bleu dans le - se limiter aux leds du groupe 0 spectre (plus dangereux), ou 1 pour l'usage courant, d’eux, de multiples spéléologues ingénieux - regroupement de plusieurs leds - mettre en place un étiquetage bricolent à partir de leds du commerce (type en multichip, augmentant informatif adapté. 12 V pour cuisines et salles de bains) ou de considérablement la densité de chipsets plus performants, récupèrent les la source. En conclusion, si le fort rendement de ces matériels est un gage vieux boîtiers des lampes Zoom des années Compte tenu de l'interaction d'économies d'énergie à long 1980, associent des batteries lithium dans de cette lumière avec les terme, il ne faut pas négliger la des boîtiers de récupération et fournissent tissus oculaires, on retient qualité de leur mise en œuvre. à tous leurs idées et solutions via de Dr Philippe Gaubert nombreux sites Internet. Chacun peut donc CoMed FFS se lancer, s’il aime manier le fer à souder. Du danger des leds… Si l’avenir est parfois radieux, Le simple bon sens doit donc Remerciements il peut aussi être éblouissant ! prévaloir : être conscient des Merci aux spéléologues et aux fabricants qui ont fourni Les éclairages à leds ont fait des risques de ces éclairages avant de leurs produits et répondu à mes nombreuses questions: progrès fulgurants en un temps très s’en servir, ne jamais diriger sa Frédéric Bonacossa (SophiTaupes 06 & AVENS 94), court. Si leur réelle qualité lampe vers le visage de son Michel Bouthors, Paul de Bie (Spéléo-club Avalon), lumineuse a déclenché un vrai interlocuteur, n’utiliser les fortes Michel Demiere (TechTonique), Martin Melzer (Scurion), tsunami dans le milieu puissances qu’à bon escient et Paul Petzl (Petzl), Rolf Siegenhalter (Scurion), spéléologique, il ne faut pas oublier jamais en direction de personnes, Thierry Vilatte (Furets jaunes de Seyssins). le revers de la médaille, propre à même éloignées. Cela est encore toute avancée technologique. plus indispensable quand il y a des Le Dr Gaubert a parfaitement enfants, en raison de leur plus résumé les risques liés à ces grande fragilité oculaire. Les sorties Bibliographie succincte éclairages, je n’y reviens pas. d’initiation de groupes encadrés Maintenant qu’en est-il en sont donc particulièrement ANES: Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen- tation, de l’environnement et du travail relatif à la saisine « Effets spéléologie ? concernées et il ne sera fourni sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électrolu- En raison du caractère récent des dans ce cas que des lampes minescentes (LED) ». Saisine n° « 2008-SA-0408 ». Octobre 2010. leds, il n’y a encore eu aucune « basiques ». DE BIE, Paul: Evol in ledland. Spelerpes 2008-1, p.54-60. étude épidémiologique menée dans Voilà quelques recommandations DEMIERE, Michel: Les leds blanches : la nouvelle lumière spéléo- notre milieu. Cependant, nous applicables facilement, mais nous logue? Spelunca n°89, p.12. DURAND, Robert: La Nova, le nouvel éclairage du spéléologue. sommes tous douloureusement aurons sûrement l’occasion d’en Spelunca n°104, p.28-30. éblouis quand un porteur de lampe reparler. LIMAGNE, Rémy: « Cette fois on y est ». Spelunca n°120, 2010, nous regarde en face… Avec les D’ici là, rappelez-vous le slogan p.41-44. nouvelles lampes surpuissantes, « la vue c’est la vie » ! Sites Internet des fabricants (Mastrel, Princeton, Petzl, TechTonique, c’est même insupportable et très Scurion, StenLight) dangereux pour nos rétines si Dr Jean-Pierre Buch précieuses ! Médecin fédéral national CoMed

58 L’éclairage à leds en spéléologie - Spelunca 121 - 2011 Pyrénées d’hier tions entre le Bassin aquitain et les terrain, moderne et précise, donc Stage national et d’aujourd’hui Pyrénées (qui mènent naturelle- de référence, menée par des cher- « Équipier ment au texte sur les champs cheurs universitaires en étroite Ouvrage collectif sous la direction pétroliers et gaziers, grands ou collaboration avec des géologues scientifique 2010 », de J. Canérot, J.-P. Colin, J.-P. Platel moins grands, tels que Lacq, pétroliers. réseau Bufo Fret et M. Bilotte. Meillon, Parentis et d’autres). Que dire de plus sur cet ouvrage Rapport coordonné par Actes du colloque de Pau, Matthieu Thomas, FFS (EFS et 20-21 septembre 2008. Biarritz, La sismicité naturelle est présen- passionnant ? Les articles sont Commission scientifique), 76 p. éditions Atlantica, 334 p. (20 euros). tée ensuite, ainsi que le risque clairs, rédigés par des auteurs associé pour l’homme et ses réali- réputés, les illustrations plutôt sations. Vient après une belle et bien faites et le débat toujours passionnante présentation de présent. Voici donc un ouvrage l’évolution des karsts pyrénéens propre à satisfaire les lecteurs depuis le Paléozoïque, par nos exigeants et tous ceux qui s’inté- amis Richard Maire et Nathalie ressent au massif pyrénéen et à Vanara. On y trouve, entre beau- ses milieux naturels ou anthropi- coup d’autres données, une coupe sés. Le patrimoine naturel et géologique du grand puits (330 m) humain de cette région demande du célèbre gouffre d’Apanicé, à être parcouru et connu. C’est montrant une superbe discordance une véritable invitation à la décou- stratigraphique accompagnée de verte, alors rendez-vous à tous Année après année, le stage natio- Voici un ouvrage fort original et son front d’altération et ce, au dans les Pyrénées, si riches aussi nal « équipier scientifique », passionnant pour quiconque s’in- milieu du puits. de leurs gouffres et cavernes. module n° 2 du monitorat fédéral, téresse aux Pyrénées. L’histoire La morphogenèse de la chaîne est Claude MOURET poursuit sa tournée des massifs géologique de la chaîne est ensuite abordée, ainsi que les détaillée et le milieu naturel actuel aspects glaciaires et ceux liés à la est lui aussi très largement pris en déglaciation quaternaire. La liai- Santenay souterrain compte. L’aménagement du terri- son se fait ainsi avec les climats et sa région. toire est l’un des thèmes abordés, et les végétations successives au tandis que l’environnement n’est cours du temps et on aborde fina- Les sablières de dolomie pas en reste. Bien sûr, la karsto- lement les glaciers actuels. Par Jean-Yves Renard logie est judicieusement repré- Nous sommes maintenant à la et Didier Vermot-Desroches sentée. page 177 et on nous présente la Inventaire spéléologique de Côte-d’Or, tome 6. ASCO n°23 (2010), 304 p. Ce livre remarquable est le résul- flore de ces montagnes et les tat d’une collaboration de l’indus- effets de l’anthropisation. Aborder trie (Total, le Bureau de recherches ainsi le rôle de l’homme introduit L’exploitation souterraine de géologiques et minières-BRGM), la vue d’ensemble de l’art pariétal la dolomie dans la région de de l’université (Pau), du Centre paléolithique sur toutes les Pyré- Santenay semble débuter aux graphies et de très nombreuses national de la recherche scienti- nées, présentée de plume de premières années du 19e siècle ; photographies. fique-CNRS, du Conseil général maître par Jean Clottes. elle se termine en 1918 mais il Au final, ce sont quelque des Pyrénées-Atlantiques, de la Les parcs nationaux des deux subsiste, à Saint-Aubin, une 358 phénomènes karstiques ou ville de Pau et des associations, versants de la chaîne, ceux des exploitation en surface jusque souterrains qui sont présentés, de géologues (Association des Pyrénées, d’Ordesa et du mont vers 1950. dont le plus important est le géologues du Sud-ouest - AGSO, Perdu sont présentés à la suite, Cette matière première des Complexe nord, qui atteint Planèteterre) ou de professeurs ainsi que les vignobles français et verreries locales, puis des acié- 4 673 m de développement. du secondaire (Association des espagnols (un beau sujet combi- ries, n’avait pas fait l’objet de Une bibliographie de 405 titres professeurs de biologie et géologie nant géologie, botanique appliquée recherches particulières quant termine l’ouvrage, avec une - APBG). et terroir). Autres réalisations à son exploitation souterraine, table des illustrations, un index C’est un ouvrage de haute tenue, humaines, l’aménagement hydrau- si l’on en croit les index du Bulle- des topographies et une table très bien illustré, avec de lique de ces montagnes, puis tin bibliographique spéléologique des matières particulièrement nombreux diagrammes et clichés une coopération franco-espagnole (Speleological Abstracts). détaillée. en couleur, certains autres étant sur la gestion des territoires Cette monographie d’archéolo- Au final, une véritable monogra- cependant en noir et blanc. On y d’altitude. gie industrielle, très détaillée sur phie régionale qui dépasse large- trouve de très nombreuses L’ouvrage se prolonge par un l’histoire et les modalités de l’ex- ment le cadre de la spéléologie, données et une vision très éclec- retour sur l’étude géologique du ploitation de la dolomie, se fût-elle minière, mais qui montre tique du sujet que constituent les massif de la Pierre Saint-Martin, prolonge par des chapitres, tout l’indispensable apport des Pyrénées. puis par un itinéraire géologique aussi fouillés, sur les gisements spéléologues pour la connais- L’ouvrage débute par la géologie du en vallée d’Aspe et en Aragon. paléontologiques locaux, mais sance et la valorisation d’un patri- massif, avec d’abord un historique Enfin, vient une remarquable aussi sur la géologie, la préhis- moine exceptionnel et peu connu, montrant l’évolution des idées au synthèse tectono-sédimentolo- toire, l’histoire locale, la faune en mobilisant nombre de disci- cours du temps. Viennent ensuite gique du flanc sud des Pyrénées, souterraine, sans oublier un plines scientifiques. Cet ouvrage l’histoire géologique de la chaîne, dans la région d‘Ainsa et de la inventaire des cavités, le tout touchera ainsi un large public. avec les temps hercyniens puis les sierra de Guara : c’est l’exemple abondamment illustré des topo- Philippe DROUIN phases du cycle alpin, puis les rela- même d’une étude géologique de

le coin des livres - Spelunca 121 - 2011 59 et des grands réseaux. Après le équipes : deux secteurs du réseau Inventaire des cavités Un siècle dans Gard en 2009, il s’est tenu en ont fait l’objet de relevés topogra- de l’Entre-deux-Mers les mines de Savoie juillet 2010 dans les Corbières. phiques et cartographiques précis Accueillis par Christophe Bès, pour comprendre d’une part une Par Philippe Audra (2010) Sites d’extraction. grand maître des lieux, les neuf zone de capture, d’autre part un 106 p. Ouvrage à compte d’auteur. Patrimoine. stagiaires ont investi le Pech de carrefour. Une autre équipe s’est Histoires vécues. Bugarach et le réseau de Bufo Fret. familiarisée avec les techniques Par Robert Durand Le rapport s’ouvre sur deux de traçage et de mesures des Gap Éditions (Challes-les-Eaux), exposés introductifs, l’un de débits d’air. Enfin, deux stagiaires 2010, 288 p. Michel Wienin sur le contexte ont commencé un inventaire géologique complexe de ces biospéléologique de la branche hautes Corbières, l’autre de Chris- principale du réseau et livrent un tophe Bès sur le réseau lui-même, début d’atlas prometteur. son agencement et l’historique Ce rapport de stage vaut aussi par des explorations; une bibliographie les deux documents joints en du réseau est également fournie. annexe : le premier, dû à Bruno La structure du rapport reproduit Le Roux, fournit une description Le karst de l’Entre-deux-Mers, dans donc le déroulement du stage lui- précise de la biologie et de l’éco- le département de la Gironde, même, puisque les deux premiers logie de l’Euprocte des Pyrénées, correspond à la partie orientale du jours sont consacrés à la compré- présent dans le réseau ; dans le département, comprise entre la hension de la cavité étudiée dans second, Elisa Boche fait le point Dordogne et la Garonne. C’est un sa région. sur les enjeux et les méthodes de bas plateau dont l’altitude variant Robert Durand, on le sait, est un Les pages suivantes sont consa- l’archéologie en grottes, et sur ses de 10 à 130 m. Sa surface a large- des piliers du Spéléo-club de crées aux travaux des stagiaires rapports avec la spéléologie. ment été déboisée au profit du Savoie depuis 1968. Quelque eux-mêmes, répartis en quatre Christophe GAUCHON vignoble et les conduits souter- 1 500 sorties sous terre lui ont rains présentent majoritairement permis de topographier plus de des formes en méandres, en lami- 100 km de galeries. Mais, depuis À l’origine du Causse, noirs et en tubes, une dizaine de de nombreuses années déjà, il nouveau regard mètres sous les vignes, avec une s’intéresse aux carrières souter- extension verticale limitée par la raines et mines de Savoie. On en sur la Préhistoire du minceur des calcaires karsti- a répertorié plus de 800, ce qui Causse de Blandas fiables, épais au plus d’une tren- représente quelque 188 km de Par Philippe Galant taine de mètres. galeries. Éd. Musée cévenol, Le Vigan, 2010, Par contre, tous les conduits sont L’ouvrage commence par une 52 p. En vente au musée Cévenol du parcourus par un ruisseau, et présentation des matériaux Vigan (30120), 10 euros plus port. dix cavités dépassent deux kilo- extraits qui se répartissent en Moins connu du grand public que mètres de développement : la plus matériaux de construction (pierre ses voisins le Larzac et le importante est le réseau du Grand à ciment ou à chaux, gypse, Causse noir, le Causse de Blan- Les chapitres « Connaître son Antoine avec 11 km. ardoise, talc et amiante), en das bénéficie de l’attention territoire » et « L’eau nécessaire Après un index général (nom de la combustibles (lignite, anthracite) soutenue d’une équipe d’archéo- à la vie » offrent les développe- cavité, coordonnées, commune, et en métaux (fer, cuivre, plomb, karsto-spéléologues qui œuvrent ments les plus passionnants et profondeur, développement), un argent, or et uranium). sans relâche depuis plus de montrent la permanence des index alphabétique et un index La dernière exploitation souter- vingt-cinq ans. Parmi eux, enjeux liés aux ressources. classé par commune, on passe raine a fermé ses portes en 2003. Philippe Galant a rédigé ce livret, Quelques pages plus loin, ils directement aux fiches des Après avoir présenté les mineurs pour accompagner une exposi- sont illustrés par les découvertes 164 cavités recensées, décrites savoyards, l’auteur détaille une tion qui s’est tenue pendant l’été qu’ont livrées l’aven de la selon le modèle de Louis Balsan. trentaine de sites emblématiques 2010 au musée du Vigan. Rouvière et l’aven de la L’auteur précise que cet inventaire sous la forme de fiches (localisa- Petit ouvrage bien illustré, acces- Baumelle : les lecteurs de a été réalisé vers 1994 et provient tion, historique, travaux effectués, sible au grand public, « À l’origine Spelunca n° 117 ont eu la essentiellement de la compilation état actuel), illustrées de plans, du Causse » présente le karst primeur du menhir enfoui dans des données bibliographiques : de photographies et d’histoires comme on l’aime : à la fois en l’aven de la Baumelle. Quant à il représente donc un état des vécues, souvent des relations surface et dans ses profondeurs, l’aven de la Rouvière et à ses lieux, une base de recherche pour d’accidents. associant sans cesse la nature alentours, ils constituent un les explorations futures. Une L’auteur remarque d’ailleurs, à et les sociétés, le passé lointain, modèle d’étude archéologique quarantaine de topographies des juste propos, que les procès- l’histoire des explorations et le interdisciplinaire. principaux réseaux est donnée. verbaux d’accidents de 1870 se présent. Ph. Galant ayant fait le L’eau, la pierre, le sol, l’herbe et Une table des figures permet de résument bien souvent à une seule pari du temps long et des regards le temps ont ainsi façonné un les localiser et une liste de feuille, parfois sans même le nom croisés des différentes disci- monde attachant, resté à l’écart 90 références bibliographiques de la personne décédée et sans plines, il explique les héritages des grands flux touristiques (à est fournie, avec l’index des explications sur les causes de l’ac- qu’une observation attentive l’exception notable de Nava- bulletins publiés par la Société cident. Au fil du temps, ce type de permet de déceler. Les méga- celles). L’opuscule se termine par spéléologique et préhistorique de document s’étoffe et atteint une lithes, les vestiges archéolo- la description d’un itinéraire de Bordeaux. En bref une synthèse vingtaine de pages. La synthèse de giques, les implantations de découverte à travers le causse bien utile pour une région qui l’accidentologie des sites d’extrac - villages aident ainsi à décrypter Blandas et le sud du Larzac. reste largement à découvrir et tion de Savoie, en fin d’ouvrage, le paysage. Ch. G. prospecter. constate que les éboulements et Ph. D. les chutes de blocs sont respon-

60 le coin des livres - Spelunca 121 - 2011 sables de 63 % des décès recen- Cette huitième publication de suisse. Au final, un modèle d’in- quables et une initiation à l’art sés entre 1860 et 1973. La liste la Höhlenforschergemeinschaft ventaire, aussi bien sur le fond que pariétal des Pyrénées ariégeoises. des personnes décédées lors des Region Hohgant est un gros inven- sur la forme, que tous les appren- Niaux présente deux émouvantes exploitations est fournie en taire de 440 pages sous carton- tis rédacteurs devraient consulter. énigmes : comment une explora- annexe, ainsi que la liste des nage rigide, livré avec des cartes Ph. D. tion aussi poussée – près de deux personnes citées dans l’ouvrage, géologique et géomorphologique kilomètres de l’entrée – a-t-elle été la liste des communes savoyardes hors texte. Les Cavernes de Niaux possible il y a 14 000 ans ?, et que possédant au moins une mine ou Avant tout, il s’agit d’un hommage Art préhistorique en sont venus faire ici trois enfants carrière souterraine, un lexique à trois spéléologues suisses trop Ariège - Pyrénées dont les traces de pas sont géologique et minier, etc. tôt disparus : Philippe Rouiller, inscrites à jamais dans le sable de Très bien illustré de nombreuses Thomas Bitterli et Maja Köppel, et Par Jean Clottes la grotte ? photographies en couleurs, cet une synthèse des 34 dernières Éditions Errance (2010), 232 p. Ph. D. ouvrage nous met dans l’ambiance années d’exploration. Ce petit d’une formidable épopée écono- lapiaz de 0,75 km2 est situé Les visiteurs de mique et humaine, avec un accent dans le massif du Hohgant, au Par Chantal Tanet et Gilles Tosello fort mis sur les drames et autres nord du lac de Thoune, une des Éditions Sud Ouest (2007), 40 p. histoires vécues, souvent nombreuses zones de la région poignantes. Vers 1920, quelque Siebenhengste – Hohgant. Là s’ou- 1 600 mineurs travaillaient en vrent 474 cavités dont les plus Savoie ; les dernières exploitations importantes sont le K2 (14 km ; souterraines, inexploitées depuis –751) et le F1 (29 km ; –646). plus de trente ans, devront toutes Deux parties composent ce être « mises en sécurité » en monumental ouvrage ; la première 2018. C’est-à-dire rendues totale- aborde l’histoire, la géologie, les Jeune spéléologue, Jean Clottes a ment inaccessibles. C’est ce patri- découvertes d’ossements et les exploré le karst où s’ouvre la grotte moine bientôt disparu que Robert observations biospéologiques. Elle de Niaux en 1953 ou 1954 avec le Durand nous révèle, et c’est parti- est entièrement bilingue, en alle- Spéléo-club de l’Aude et de culièrement heureux ! mand et en français. La seconde l’Ariège. Mais c’est véritablement Ph. D. est constituée par l’inventaire des de 1971 que date son « associa- Superbe album pour enfants, qui cavités ; elle est en allemand mais tion étroite » avec la cavité, lorsque met en scène un petit groupe de Die Höhlen des toutes les légendes des figures le réseau Clastres fut découvert en Magdaléniens remontant le cours Innerbergli sont bilingues. On trouvera encore décembre 1970, alors qu’il était de la Vézère à la recherche d’un Les grottes de l’Innerbergli de nombreuses anecdotes d’ex- nommé directeur des Antiquités lieu accueillant où passer l’hiver. ploration dans des encadrés préhistoriques de la Région Midi- Et trois enfants découvrent l’en- Par Thomas Bitterli bilingues, ainsi qu’une table des Pyrénées… le 1er janvier 1971. trée d’une caverne qu’ils explorent et Philipp Häuselmann matières, une liste des coordon- Il écrivit trois livrets-guides en à la lueur de leurs lampes à Speleo Projects, 2010. Commande sur nées, un glossaire et quelques 1976, 1981 et 1991, jusqu’à la graisse. Plusieurs milliers d’an- www.speleoprojects.com ou [email protected]. éléments bibliographiques. Toutes monumentale synthèse publiée nées auparavant, des peintres ont 75 € port compris. les topographies ont été dessi- aux éditions du Seuil en 1995, représenté ici de nombreux nées à 1/200 ou 1/500, le nord depuis longtemps épuisée. Ce animaux, et les enfants sont émer- vers le haut, ce qui facilite les nouvel ouvrage, le cinquième, est veillés. comparaisons. une édition revue et actualisée de Mais une tempête bouleverse Les grandes cavités F1 et K2 ne celui de 1995, qui prend en le paysage et l’entrée de la grotte sont pas encore entièrement topo- compte les nouvelles découvertes se retrouve sous une coulée de graphiées ; elles ne sont donc et publications (10 % des 160 réfé- terre pour les treize millénaires décrites ici que pour la zone des rences de la bibliographie sont suivants. puits jusqu’au niveau de base, une postérieures à 1995). Avec près Des explications techniques et un autre publication sera prochaine- de 200 photographies en couleurs, glossaire terminent l’ouvrage. Les ment consacrée à ces cavités, et ce superbe livre constitue à la illustrations de Gilles Tosello sont on l’espère aussi belle que ce fois la monographie d’une des simplement magnifiques. catalogue, typique de la qualité cavernes ornées les plus remar- Ph. D. Divers

Potins silencieux et propos frondeurs en ut (La petite rubrique pour lire et s’amuser un peu) de Dominique ROS n° 20

Solutions du n° 19 (Spelunca n°114) : Ne pas confondre : Le spéléologue fatigué de se peigner avant Là, de l’eau ! et l’au-delà. de pénétrer dans les fosses, n’a même plus Que coûte donc ce maillon ? Leur galerie est belle et leur Gui râle et bêle. envie de galeries détectables. (2c de Les spéléologues topographes, fatigués, n’aiment pas Les souterrains et t’es sous l’airain. J. Martin) quand la galerie mouille car ça perturbe leurs comptes Oh une faille court et une caille au four. A Bramabiau, l’abîme immense te cache les et bavent, hélas, quand ils descendent. sources du Bonheur. (2c dont une classique) Écoutez bien cette grotte avant d’aller y mettre le pied. Continuons : Depuis le congrès, le maire de Lans trouve Amis spéléologues, qu’avez-vous donc avec vos grottes ?! Que font tous ces maillons cassés au bout que les grottes des spéléos sont fort Ah, que j’aime à voir l’aven Serge et le Trou fumant le des verticales. (1c double) coûteuses. (1c de J. Martin) matin. Ces plaquettes sont à qui ? (1c) Solutions au prochain numéro

le coin des livres - Spelunca 121 - 2011 61 Vie fédérale

Appel de candidature pour trois postes à pourvoir au Comité directeur

Trois postes sont à pourvoir au Comité directeur pour un an. avant le 10 mai 2011 à minuit par tout moyen d’acheminement permettant C'est l’occasion pour ceux qui le souhaitent de découvrir un contrôle précis et rigoureux. le fonctionnement fédéral avant de s’engager pour un mandat de 4 ans. Les actes de candidature doivent être signés et comprendre les : Les candidat(e)s doivent être fédéré(e)s depuis au moins deux ans et faire nom, prénom, photographie d’identité récente et une profession de foi parvenir leur candidature au siège de la FFS, 28 rue Delandine, 69002 Lyon de 150 mots maximum.

« Spéléologie et canyon pour tous » Réunion de Saint-Bauzille-de-Putois (Hérault)

Quarante-cinq personnes étaient A priori, aucun handicap ou Séance plénière présentes pour ce rendez-vous déficience n’est incompatible avec à Saint-Bauzille- de-Putois. important qui clôturait une année sur nos activités. Cependant, certaines le thème « Spéléologie et canyon personnes en situation de handicap pour tous ». nécessitent un encadrement que Ce week-end, décalé en ce début tous les clubs ou structures d’année 2011, avait pour but de déconcentrées de la Fédération ne définir les handicaps et les peuvent mettre régulièrement à déficiences compatibles avec nos disposition. activités, de définir ensuite la finalité Autant des actions ponctuelles, de nos actions et de mettre en place dûment préparées, sont envisagea - des formations adaptées pour bles, autant la question de l’accueil permettre aux clubs et fédérés qui dans les clubs nécessite de le souhaitent d’accueillir dans de s’interroger sur notre capacité à offrir Echanges et bonnes conditions des personnes en aux personnes en situation de discussions situation de handicap. handicap les moyens de pratiquer au dans l’aven des Lauriers. Après avoir rappelé que la Fédération même titre que les autres licenciés. Clichés a une mission de service public et Se posent aussi la limite de nos Gérard Cazes. qu’à ce titre, elle doit accueillir toute interventions et la question des personne désirant pratiquer les assurances et du certificat médical. activités qu’elle gère, nous nous Les échanges ont fait apparaître une sommes interrogés sur les moyens « ligne de partage » entre, d’une part, dont nous disposions pour le faire. les publics à mobilité réduite où la question à régler semble prioritaire - ment être celle de l’adaptation du Pédale à main adaptée milieu, du matériel et des techniques pour des personnes mobilité réduite. et, d’autre part, les personnes en Cliché Gérard Cazes. situation de handicap social, voire mental, où la question est davantage celle de la pédagogie de l’encadre - déjà à ces personnes d’évoluer L’ensemble des participants semblait ment. Ces lignes de partage sont avec une large autonomie. Par d’accord sur l’idée que nous devons bien évidemment poreuses. contre, le cheminement en « grotte rechercher en priorité l’autonomie Il est également apparu que les horizontale » est plus compliqué et des personnes qui désirent pratiquer stratégies d’accueil des personnes demande la présence de nombreu - nos activités. Ceci pose de façon plus en situation de handicap dans les ses personnes pour aider la large la question de l’accueil et des fédérations de sports de nature en progression. Il en est de même en moyens que nous proposons pour sont encore à l’état de construction ce qui concerne l’accès aux rendre rapidement les personnes et que dans ce domaine beaucoup entrées ; autonomes. reste à faire. • que pour les personnes souffrant À partir des expériences des uns Les quelques heures passées sur le d’un handicap sensoriel, la et des autres, la formation des terrain, plus particulièrement à dimension de la grotte influe de personnes désirant accompagner l’aven des Lauriers, nous ont permis manière importante sur leur des personnes en situation de de nous rendre compte : progression. La grotte « étroite » handicap est apparue comme une • qu’en ce qui concerne les permet une meilleure autonomie ; nécessité : personnes à mobilité réduite, la • que si nous n’y prenons pas garde, - informer sur les handicaps, les progression sur corde s’avère tout nous pouvons très rapidement comportements, les réactions ; à fait gérable. Un travail important amplifier la notion de dépendance ; - savoir à quoi on s’engage, mesurer de recherche est à mener pour • qu’il est essentiel de bien choisir les responsabilités, donc être averti adapter nos techniques, mais les la cavité ou le canyon et d’adapter sur les questions d’assurance et expériences existantes permettent l’encadrement à chaque situation. les aspects juridiques ;

62 bruits de fond - Spelunca 121 - 2011 - disposer d’une liste de personnes - mobiliser le Groupe d’étude 2012 (référentiel, organisation, Un grand merci à tous ceux qui ont ressources ; technique de la Fédération sur etc.) ; contribué à la réussite de ce - préparer en amont les sorties ; les techniques à développer pour - proposer lors des prochains stages week-end et plus particulièrement : - disposer de matériel adapté. permettre aux personnes à mobilité de dirigeants d’aborder l’accueil - au pôle ressources Sports et réduite d’évoluer en autonomie sur dans les clubs ; handicap ; Il est donc proposé de : corde ; - créer une rubrique spécifique sur le - au centre de Saint-Bauzille-de-Putois - créer un module de formation - créer une liste de personnes site fédéral afin d’y relater les pour son accueil ; optionnel tant pour les fédérés ressources ; expériences et d’y mettre un certain - aux commissions fédérales (Comed, bénévoles que pour les profession - - travailler en lien avec les nombre d’informations à l’usage EFC, EFS) ; nels, la Fédération ayant un rôle fédérations handisport et sport des fédérés. - aux cadres techniques ; d’expertise à faire valoir sur ces adapté, et le pôle ressource Sports Un compte rendu détaillé de ce week- - et à tous les participants. questions sur lesquelles elle travaille et handicap du ministère, sur la end sera rédigé et accessible sur le depuis plusieurs décennies ; mise en place d’une formation pour site de la Fédération. Jean-Pierre HOLVOET

Commission médicale « Spéléologie et canyon pour tous » : une vue d’ensemble

La note ci-après présente la synthèse Les moyens matériels : en dehors du crue, etc.), adaptation de la cavité Il faudra développer des parte- des tables rondes effectuée lors de handicap moteur qui nécessite du aux personnes ; nariats, institutionnels mais aussi l’assemblée générale 2010 de la matériel spécifique, il n’y a pas de - les situations de crise : risques associatifs, avec les associations de FFS. particularité. L’autonomie et la d’accidents, de décompensation handicapés ou de malades. progression en sécurité sont médicale, de malaise, de déra - Quatre tables rondes réunissant privilégiées. page psychologique, etc. ; 4. Sous forme de conclusion : soixante participants. Les moyens humains : ils peuvent - nécessité de s’aligner sur les le projet « Spéléologie et Quatre questions posées dont le être importants, jusqu’à un enca- personnes les plus fragiles, les canyon pour tous » au quotidien résultat a été réinvesti lors des drant par personne. plus lentes. à l’échelle d’un club, d’un journées des écoles en janvier 2011, La durée de l’action sera variable : comité, est-il envisageable pour aboutir à un outillage des ponctuelle ou longitudinale. 3. Comment adapter notre avec ce type de public ? structures fédérales qui voudraient Les critères limitants de l’action : enseignement, nos techniques La faisabilité et l’intérêt de ces accueillir ces publics défavorisés. • ne pas extrapoler forcément les à certaines formes de handicap, travaux paraissent amplement travaux expérimentaux à la vie de pathologie, de difficultés confirmés, mais on ne doit pas 1. Quelle spécificité réelle des clubs et structures sociales pour rendre nos occulter les difficultés d’une telle et plus-value portent la fédérales ; disciplines accessibles au plus aventure. spéléologie et le canyonisme ? • faire attention aux éléments : grand nombre ? Cela nécessite un projet préparé très Le milieu naturel est exceptionnel, - juridiques et assurantiels, et à la Il faut sensibiliser les cadres à la en amont, parfaitement structuré, inhabituel, riche, et ne peut être vécu notion de responsabilité ; pathologie et aux publics concernés. d’autant que les intervenants sont qu’en y allant. - médicaux : diagnostic, traitement, Le sujet est vaste et complexe. Il multiples et de cultures différentes. C’est une aventure humaine avec pathologies associées, contacts s’agira de déterminer des réfé- C’est un volontariat éclairé. rencontre, confiance et relations avec les spécialistes dans la rentiels, ou plus modestement des Il faut une traçabilité du projet, voire entre les personnes, solidarité, limite du nécessaire (secret idées-force à proposer aux structures une convention écrite. entraide, égalité devant les médical). Le certificat médical fédérales. L’accueil par un club peut être difficultés. sera une aide précieuse et devrait La compréhension des consignes, difficile, mais l’accessibilité des Ouvrir la porte de l’activité est une pouvoir faciliter la pratique à des adaptée à chaque type de handicap handicapés à la spéléologie l’est réponse à la part de rêve de chacun. personnes souvent interdites de est une difficulté réelle. également. Les bénéfices : sport ; Il faudra mutualiser les expériences, La porte doit donc rester ouverte, - une reprise de la confiance et de - techniques : difficultés et risques les compétences et le matériel mais cette accessibilité est condi - l’estime de soi, valorisation objectifs liés à la cavité (blocage, spécifique. tionnée par une lucidité et une personnelle ; responsabilité aiguë de la part des - la rupture de la spirale de la désin - encadrants, qui engagent leur sertion sociale et de l’isolement. responsabilité. En milieu éducatif, le bénéfice fait Enfin, l’activité ne doit pas être une l’unanimité des travailleurs sociaux consommation, mais doit être et est amplement documenté et centrée sur un vrai projet éducatif au prouvé. service de l’autonomie et de la valorisation de soi, tout en garan - 2. Quels moyens logistiques, tissant le maximum de sécurité. matériels, humains pour être Le chantier est donc ouvert. Il restera acteur de sa pratique en à développer les outils adaptés à la spéléologie et descente problématique. de canyons ? Dr Jean-Pierre BUCH La relation ne se décrète pas, mais se construit. La préparation du projet est fondamentale : connaissance des professionnels encadrants, des spéléologues, des personnes enca- Écoute attentive des méthodes de progression sur agrès pour personnes à mobilité réduite. drées, des pathologies observées. Cliché Gérard Cazes.

Spelunca 121 - 2011 - bruits de fond 63 Jane MARTIN (1919-2009)

Le Spéléo-club de Montpellier (SCM) a et c’était toujours de bon gré, même tard Comme pour son mari, il faut noter perdu le 5 mars 2009 en la personne de dans sa vie, qu’elle prenait plaisir à également leur fort investissement fédé- Jane Martin l’un de ses membres les initier les jeunes du club aux arcanes du ral. À l’origine membres héraultais de la plus éminents. Jane et son mari Louis monde souterrain. Sur le terrain, elle Société spéléologique de France, ils (décédé en 2002) faisaient partie des faisait toujours preuve de simplicité et rejoignirent, après sa création en 1951, membres historiques du SCM qu’ils d’efficacité, ce qui complétait bien le l’Union spéléologique héraultaise, avant avaient rejoint juste après-guerre. côté imaginatif, emporté, et parfois de participer activement à la création de Randonneurs et prospecteurs infati- quelque peu brouillon de son mari. Sa la Fédération française de spéléologie à gables, ils écumèrent après-guerre gentillesse et son côté « bon public » Millau en 1963. Ils prirent part ensuite les garrigues nord-montpelliéraines, le étaient également proverbiaux, à un tel aux bureaux du Comité départemental massif de la Séranne (au pied duquel ils point qu’il était parfois facile de lui faire de spéléologie de l’Hérault, sous leurs vécurent de nombreuses années, dans gober d’énormes bobards, ce qui nombreuses formes (Louis Martin fut le mas de Font de Griffe, au-dessus de finissait toujours avec elle par une aussi Conseiller technique du Spéléo- activités du club, et participait aux repas la grotte de Clamouse, qu’ils explorèrent franche rigolade, sans jamais qu’aucune secours français de l’Hérault). Ils repré- des assemblées générales. Elle était en profondeur et dont ils devinrent fina- rancœur ne s’exerce envers ces maudits sentèrent notre club pendant de longues toute contente quand nous lui rappor- lement actionnaires), le Larzac, le massif blagueurs. années auprès des diverses instances tions les récits de nos premières, et n’hé- de l’Escandorgue, mais aussi la Lozère, Jane Martin s’illustra également dans le de la fédération, lorsque les autres sitait pas à nous questionner en long, en l’Aude et l’Espagne, entre autres. domaine de l’archéologie où elle motiva membres ne voulaient pas s’y investir, large et en travers sur tous les points de Ils découvrirent et explorèrent au sein du longtemps un groupe soudé de fouilleurs assurant ainsi la pérennité fédérale du ces découvertes. SCM de nombreuses cavités et eurent sur de nombreux vestiges de l’Hérault. Elle SCM au sein de la Fédération. Aujourd’hui le monde spéléologique l’intelligence de publier à l’époque la était également investie dans les services Jusqu’à très récemment, malgré une héraultais, et tout particulièrement notre majeure partie de leurs découvertes, ce associatifs à autrui, et tout particulière- maladie osseuse qui l’empêchait d’exer- club, est en deuil. On peut souhaiter aux qui permet aujourd’hui de retrouver une ment auprès d’associations pour les cer toute activité physique, Jane Martin jeunes de vivre ne serait-ce qu’une frac- trace intacte de leur très grande activité. enfants du tiers-monde, où elle militait cotisait encore au club et à la fédération. tion de la vie intense et bien remplie de Jane, directrice d’école primaire, était pour des services d’urgence en chirurgie Ce petit bout de femme (Jane était toute Jane Martin. connue pour ses talents pédagogiques, cardiaque. petite et menue) s’enquérait encore des Jean-Michel SALMON

Michel MASSON (1942-2008)

locales souvent effrayées par les côtoyé ! Il faut dire que tu avais le C'est même reparti ! Mais pas comme groupes de jeunes. Il avait traversé avec bon filon pour cela ! Mais que de conver- avant… Quelque chose s'est brisé, ce succès la période critique échelles/ sations enrichissantes, que d'idées soir-là, près de Lussac-les-Châteaux. jumar pour devenir un vétéran expéri- de découvertes, de premières, d'orga- Quelque chose qui a fait que rien n’a menté et, malgré lui, une figure de la nisation de ce que nous n'appelions plus été pareil. Je me souviens de cette spéléologie poitevine. En 2001, il a parti- pas encore « stages de découverte de fois où, en ressortant de la grotte de la cipé activement à la désobstruction de la spéléologie » mais « camps de Vallée Cuchon par l'entrée historique, je la grotte de la Vallée Cuchon (Chauvigny) Remerle » ou de camps spéléologiques te posais les pieds sur ces prises que dont le développement dépasse aujour- tout court ! Que de découvertes de soi, tu ne trouvais plus, que tu ne sentais d’hui les 4 000 m. aussi… plus. Instinctivement, j'ai su que tu Il s’est éteint le 17 novembre 2008 à Quand tu as pris la présidence du n'irais plus jamais sous terre après cela. l’âge de 66 ans après 40 ans de spéléo- Comité départemental de spéléologie de Et puis les années ont passé, laissant logie. Michel avait un certain goût pour la Vienne, en 2000, tu as débuté ton l'une après l'autre leurs méchantes la mise en scène ; dans son testament, « règne » (Hou ! le gros mot !) en trônant traces indélébiles et l'affront lent et il a désigné six amis qui, en tenue de au milieu d’une ruine ! Non pas que la régulier de la dégradation de ton état de spéléologues, l’ont porté dans sa dernière équipe n'ait pas fait tout ce santé, inexorablement. Même si le moral Un pilier du Spéléo-club châtelleraudais dernière demeure. qu'elle pouvait durant son mandat, mais paraissait bon, la pente s'accen tuait et (Vienne) nous a quittés. La vie de Michel Sacré Michou. parce que l'usure des années en avait la glissade, du coup, s'accélérait sans Masson, dit Michou, se confondait avec Ses copains du Spéléo-club châtelleraudais fait ce qu'il était devenu ! Alors tout espoir d'aucun ralentissement, d'aucun celle de son club. Régulièrement, il invi- jeune retraité, tu t'es octroyé du temps recul, jamais. Des répits, parfois… tait les anciens du SCC à se retrouver À Michel que tu as consacré en grande partie à Un quart de siècle, un tiers d'une vie autour d’une bonne table. En 1999, Bien sûr, il y eut des orages… repenser le CDS et à lui donner un dyna- d'homme, il n'y a pas à dire, ça crée des dans sa cabane de Fournioux (Mérigny, Vingt-cinq ans, ça ne peut pas se passer misme qu'il n'avait plus connu depuis liens. Je prends conscience aujourd’hui, Indre), il avait su réunir toutes les géné- sans roulement sourd ni craquement longtemps (s'il en eût jamais connu de égoïstement sans doute – mais rations de spéléologues, qu’il avait sec, surtout quand les caractères qui tel un jour…). Un peu trop peut-être au comment en serait-il autrement ? – qu'un formées. s'affrontent ont, comme on dit parfois goût de certains… Mais foin des gros bout de moi, de nous, « les anciens Bien sûr, Michou racontait toujours les en spéléologie, une dimension respec- critiques venant de ceux qui finalement combattants » que j’ai si souvent raillés mêmes histoires anciennes, notamment table ! Mais les années de beau temps ne s'engagent pas ! En avant ! "Qui peut amicalement, vient de partir, que tout ce celle du « trésor de la Guigno », pièces ont été des années formidables ! le plus peut le moins !" était ta devise. qui a été est irrémédiablement passé et de monnaie trouvées dans une grotte, De « Chabot/Archéo » aux Arbailles, de La première fois que je l'ai entendue de qu'il faut bien continuer tout de même ! qui avait conduit à l’éclatement du club Remerle à Caniac, de la Poirelle au ta bouche, c'est quand je t'ai demandé Alors nous allons continuer, continuer à peu après sa création. Il était la Marina, de la « cabane » de Fournioux au si tu ne voyais pas un peu trop grand rêver à de la belle première, continuer à mémoire spéléo-archéologique des Cayolar d'Arroscoua, des sardines de pour l'abri de Remerle… Je pensais que gratter pour passer, continuer à aimer la vallées et des plateaux calcaires Nanard qu’on n’a jamais mangées au la moitié suffirait ! Quelle idée ! spéléologie et à la faire aimer ! Et d’Angles-sur-l’Anglin (Vienne) où des Foch de Fanfan qui est définitivement Suite à cela, j'ai compris (et j'en ai surtout, surtout, si nous trouvons une générations de jeunes spéléologues ont démantelé… j'en passe et des mémo- même eu la certitude absolue, mais bonne cavité, un truc « qui le mérite », vécu des moments inoubliables. rables ! Que de souvenirs, de soirées, c'est une autre histoire…) que quand tu nous lui attribuerons quelque chose de Michou vivait pour le trou, mais aussi moscatel et guitares, Tri Yann et parties avais décidé quelque chose, rien ne toi pour qu'une longue trace reste dans après ; il appréciait l’ambiance qui de Risk, ce jeu indissociable de ta pouvait t'arrêter ! La période des la mémoire collective ! régnait dans les camps spéléologiques personnalité ! Déjà fin stratège, tu avais tempêtes… Un dernier orage vient de gronder, ce des années 1970-1980, les années trouvé en ce jeu une autre façon d'exer- Puis le gros temps est passé, et comme lundi 17 novembre 2008, mais toi, tu ne « plein-air » durant lesquelles les cer virtuellement les combinaisons dont si de rien n'était, les choses sont rede- l'as pas entendu. membres du club étaient soudés autour tu aurais à user tôt ou tard dans le venues calmes, sereines, sans que Il pleut sur nos joues, mais cette eau a d’un même projet d’exploration. Les diffi- monde réel : renforts, encerclement, jamais un éclair isolé, même un gron- le goût nostalgique des souvenirs joyeux, cultés rencontrées dans les gouffres du attaque ! Les propriétaires de cavités les dement lointain ne vienne plus se faire de la jeunesse et de la folie, du chahut pays basque (Arbailles) l’avaient même plus rétifs s'en souviennent, qui finis- entendre… jusqu'à ce « drôle » de soir et du « crapahut » que seuls peuvent conduit à se spécialiser dans la désobs- saient de toute façon par céder sous tes où tu m'as flanqué cette trouille que je reconnaître ceux qui s'y sont baignés un truction à l’explosif. Plus âgé, pour tous assauts incessants ! n'oublierai jamais, jamais ! J'ai bien cru jour. il était l’ancien et jouait un rôle de réfé- Que d'heures au téléphone n'avons-nous que cette fois, mon vieux, c'était fini. Salut Michel, et bonnes explorations ! rent crédible auprès des autorités passées avec toi, nous tous qui t'avons Mais non ! Pas du tout ! Jean-Luc ROUY

64 galerie de la mémoire - Spelunca 121 - 2011 COMMUNIQUÉ ACTES DE VANDALISME CONSTATÉS DANS LES GORGES DE L’ARDÈCHE

Ces derniers mois, des actes de vandalisme ont été constatés dans plusieurs grottes des gorges de l’Ardèche : portes vandalisées, gisements archéologiques « visités », voire prélevés, etc. Le Syndicat de gestion des gorges de l’Ardèche (SGGA) qui gère la Réserve naturelle nationale des gorges de l’Ardèche, et le Comité départemental de spéléologie de l’Ardèche ne peuvent que condamner ces actes qui portent atteinte au patrimoine exceptionnel des gorges. Certes, la liberté de pratique d’une activité comme la spéléologie est un concept fort, mais cette liberté ne peut pas ignorer les règles de bonne conduite garantes d’une meilleure préservation de ce patrimoine. En 2002, l’assemblée générale de la Fédération française de spéléologie a adopté une charte rappelant les grands principes qui la régissent et dont le respect est le meilleur garant de cette liberté de pratique. Les spéléologues contribuent fortement à l’amélioration des connaissances, notamment scientifiques, dans des territoires comme celui des gorges. Ils sont de ce fait les premiers garants de la préservation de ce patrimoine. Le SGGA, conscient de cela, joue la carte de la concertation avec le monde de la spéléologie, plutôt que d’imposer de manière unilatérale la fermeture de grottes pour des raisons écologiques (présence de chauves-souris notamment) ou archéologiques, ce dernier point étant traité également avec les services de l’État. Et lorsqu’il y a fermeture, quand cela se justifie, c’est de manière concertée et adaptée avec le Comité départemental de spéléologie et l’ensemble des partenaires concernés. De plus, ces cas de fermetures s’accompagnent de modalités de gestion (autorisation de visites pour les spéléologues, avec ou sans accompagnement selon les cas), ainsi que d’actions de communication et pédagogiques pour expliquer le pourquoi de la fermeture. Dans la Réserve naturelle, le travail de concertation a permis de mettre en place des moyens de protection gradués et adaptés aux enjeux environnementaux et sociaux avec, par exemple, la grotte du Lierre (en rendant simplement l’accès plus difficile pour les randonneurs), l’aven de Noël (géré par l’association ARSPAN) ou la baume des Cloches (fermée en concertation pour la protection des chiroptères). Afin de concrétiser encore plus formellement cette démarche de concertation, le SGGA travaille actuellement à un projet de convention avec le CDS 07. Si les actes constatés ces dernières semaines viennent entacher cette démarche, tout le monde est bien conscient qu’il ne s’agit que d’actes isolés et non représentatifs de l’état d’esprit général du monde spéléologique d’aujourd’hui. Ce premier communiqué commun est une preuve de la volonté des deux structures d’avancer ensemble pour la préservation d’un bien commun. Le Syndicat de gestion des gorges de l'Ardèche Le Comité directeur du CDS 07 AuAu VVieuxieux CCampeurampeur

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