Portraits De La Beauté Chez Marguerite Duras Et Violette Leduc : Forme Figée, Objet De Mémoire
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PORTRAITS DE LA BEAUTÉ CHEZ MARGUERITE DURAS ET VIOLETTE LEDUC : FORME FIGÉE, OBJET DE MÉMOIRE par Kiev Renaud Département des littératures de langue française, de traduction et de création Université McGill Thèse soumise à l’Université McGill en vue de l’obtention du grade de Ph. D. en langue et littérature françaises Décembre 2019 © Kiev Renaud, 2019 i RÉSUMÉ Cette thèse porte sur la pratique et l’usage du portrait chez Marguerite Duras et Violette Leduc à une époque qui tend pourtant à l’abandon de la représentation des visages. Plus spécifiquement, l’étude s’intéresse à l’obsédante description de la beauté chez les deux écrivaines, à partir de l’hypothèse que le portrait de la beauté convoque dans leurs œuvres une double mémoire. La première mémoire est littéraire, la représentation textuelle de la beauté venant avec son répertoire immuable de normes et de clichés. La simple mention de la beauté offre aux personnages qui en sont pourvus un rôle narratif immédiat hérité de la tradition romanesque : la beauté sert moins à les incarner qu’à signaler leur grande importance dans l’intrigue, à la manière d’un raccourci intertextuel. Bien que le portrait chez Duras et Leduc semble de prime abord reconduire parfaitement la norme littéraire, les deux écrivaines convoquent la beauté si souvent et avec tant d’insistance qu’elle en devient hypertrophiée et s’anime d’une vie propre, prête à se détacher des corps. Par cette autonomie, la beauté devient une valeur en soi, au-delà du portrait, n’ayant finalement plus rien à voir avec la description de corps et de visages spécifiques. La seconde mémoire est celle des personnages focalisateurs et des narrateurs lorsqu’ils sont témoins de la beauté. Si l’obsessif usage du portrait a pour effet de rendre interchangeables les personnages décrits comme beaux, il fait aussi de la beauté un repère fixe : on la retrouve à l’identique peu importe les identités et elle réussit même à traverser le temps de manière intacte. La beauté agit ainsi à la manière d’un relais pour la mémoire – la présence d’un beau personnage marquant tant l’imagination de ceux qui l’entourent qu’elle permet aux narrateurs de raviver avec efficacité leurs souvenirs. ii ABSTRACT This thesis examines the practice and the use of the portraits by Marguerite Duras and Violette Leduc during an era that tends to neglect the representation of faces. More specifically, this study focuses on their rich and haunting description of beauty, based on the main argument that both of them evoke a double memory through the portrait of beauty. The first memory is literary, the textual representation of beauty bringing up an immutable repertoire of norms and clichés. The mere mention of their beauty immediately assigns those characters to a narrative function inherited from the tradition of the novel. It serves less to describe them than to signal their great importance in the plot, in the manner of an intertextual shortcut. Although Duras and Leduc's portrait seems at first glance to perfectly reflect the literary norm, the two writers summon beauty so often and so insistently that it becomes hypertrophied and endowed with an autonomous existence that allows it to detach itself from the bodies. Through this autonomy, it becomes a value in itself, beyond the portrait, which ultimately has nothing to do with the description of specific bodies and faces. The second memory is the one of the characters themselves, when they witness the beauty of others. If the obsessive use of portrait has the effect of making the beautiful characters interchangeable, it also sets beauty as a fixed reference point: beauty is found identically regardless of identities and even resists the passage of time. It thus acts as a relay for memory, the presence of a beautiful character marking the imagination of those around in such a way that it allows the narrators to revive their memories. iii REMERCIEMENTS Je voudrais remercier avant tout ma directrice de recherche, Isabelle Daunais, pour sa présence constante et bienveillante tout au long de la rédaction de ma thèse, ainsi que pour ses lectures rigoureuses. Toujours dans le grand respect de mes idées, elle a su recadrer et guider ma pensée, m’aider à donner forme à mes intuitions. Je me sens privilégiée d'avoir été si bien accompagnée, mais surtout d'avoir eu accès à ce dialogue. Je remercie également Mathilde Barraband, Mbaye Diouf et Laurance Ouellet-Tremblay pour leur lecture attentive de ma thèse, Lucie Desjardins et Jane Everett pour leurs conseils au début de mon parcours, ainsi que Florence de Chalonge pour son accueil à l’Université de Lille 3 à l’hiver 2017, avec qui cela a aussi été un bonheur de parler de Duras. Merci à la Société d’Amis de Violette Leduc (Anaïs, Alexandre, Kaliane, Mireille et les autres), regroupement de généreux passionnés en compagnie de qui les idées circulent et grandissent. Toute ma reconnaissance va aussi à ma sœur Frédérique, ma première lectrice avec son précieux regard d’historienne de l’art, et à nos parents pour leur présence, leur écoute et leur indéfectible confiance en nous. Je tiens finalement à remercier Élise pour sa lecture généreuse, Sophie pour l’aide à la traduction, et plus largement tous mes amis, grâce à qui mes solitaires années de rédaction ont été belles, peuplées, riches d’échanges et de balades en forêt. Merci au Conseil de Recherche en Sciences Humaines, au programme de bourses d’études supérieures du Canada Vanier et au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill pour leur soutien financier. iv TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION : LIMITES DU PORTRAIT LITTÉRAIRE _____________________________ 1 PREMIÈRE PARTIE : CONSTRUCTION DES PORTRAITS __________________ 17 1. Décrire la beauté : rhétorique de la répétition __________________________ 18 1.1 Leitmotiv _____________________________________________________ 25 Les couleurs ______________________________________________________ 26 Accessoire métonymique ____________________________________________ 28 Le nu ____________________________________________________________ 30 1.2 La prétérition __________________________________________________ 32 Force des réactions suscitées _________________________________________ 34 1.3 Stratégies d’organisation _________________________________________ 37 Mise en ordre dans l’énumération ______________________________________ 39 Récits de geste _____________________________________________________ 41 Visage-paysage ____________________________________________________ 45 1.4 Intégration de la description dans la narration ________________________ 46 Pause narrative ____________________________________________________ 48 Scène de présentation _______________________________________________ 50 1.5 Contexte propice à la description __________________________________ 53 L’éclairage _______________________________________________________ 54 La distance _______________________________________________________ 57 La lumière : marque de temporalité ____________________________________ 59 1.6 Développement d’un portrait en contexte ____________________________ 63 René dans La chasse à l’amour _______________________________________ 64 La femme aux nuits payées des Yeux bleus cheveux noirs ___________________ 69 1.7 Conclusion : effet d’effacement ___________________________________ 75 2. La beauté, un jugement subjectif : question de point de vue ______________ 77 2.1 Choix de narration, choix de focalisation ____________________________ 79 Limites de focalisation : les personnages myopes _________________________ 82 2.2 Subjectivité et originalité des critères _______________________________ 84 Angles inédits _____________________________________________________ 85 Le « Je ne sais quoi » _______________________________________________ 87 2.3 Portraits dans le discours rapporté _________________________________ 91 Les compliments ___________________________________________________ 93 Portraits dialogués __________________________________________________ 94 À la recherche du marin de Gibraltar ___________________________________ 97 La beauté au service de la reconnaissance ______________________________ 101 v Le Navire Night : force de l’image mentale _____________________________ 104 2.4 Le regard durassien ____________________________________________ 108 2.5 Triangle de regards ____________________________________________ 114 2.6 Autoportraits _________________________________________________ 116 Le miroir ________________________________________________________ 119 2.7 Conclusion : unanimité des avis __________________________________ 125 DEUXIÈME PARTIE : FONCTION NARRATIVE DE LA BEAUTÉ ___________ 126 3. La beauté « inoubliable » : le portrait comme objet de mémoire __________ 127 3.1 Conscience de la perte possible __________________________________ 128 3.2 Passage du temps visible à l’œil nu _______________________________ 134 3.3 Permanence des portraits _______________________________________ 138 3.4 Modèles repoussoirs : portrait mortuaire et portrait photographique ______ 142 3.5 Le portrait comme travail de mémoire _____________________________ 147 3.6 Superposition des temps ________________________________________ 153 Vieillissement autonome des parties du corps ___________________________ 157 Superposition artificielle : les soins de beauté ___________________________ 159 Portraits en parallèle _______________________________________________ 164 3.7 Circulation dans le musée de la mémoire ___________________________