Paris Palaces
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P a g e | 1 Jean-Jacques Meusy, Paris-Palaces ou le temps des cinémas, 1894-1918, CNRS Editions, 1997 P a g e | 2 1896 : L’Expansion Dès janvier 1986, Louis Lumière demande à l’ingénieur Jules Carpentier de lancer une construction de 100 à 200 cinématographes. Expansion large car on la pense rapide et brève. L’appareil est présenté en province, à l’étranger. Des salles s’ouvrent à Lyon (25 janvier), St-Pétersbourg (19 mai)… Les Lumière engagent très vite des opérateurs. Contrat de 6 mois renouvelable. Métier de forain comme le rappelle Louis à Félix Mesguich. En juin, ce dernier présente l’appareil en Amérique, 2 mois après le Vitascope d’Edison. Pour arriver à cette diffusion aussi rapide, la société s’appuie sur un réseau qui existe déjà. A Paris, on recherche des salles supplémentaires pour étendre l’audience. I. Nouveaux lieux boulevardiers L’Olympia, 28 Boulevard des Capucines. Etablissement de Joseph Oller. Au 1er étage, Antoine Lumière loue une ancienne salle de billard (mars 1896). L’exploitation dure à peu près 4 mois. L’Eldorado : le cinématographe s’y installe en mars pour 5 semaines comme seconde partie de spectacle à 22h. En avril, les représentations débutent dès l’après-midi. II. Le cinématographe Lumière n’est plus seul ! La concurrence apparaît dès 1896 : Théâtre Isola, 39 Boulevard des Capucines : presque en face du Grand Café et de l’Olympia. Salle exploitée par les 2 frères Isola, Vincent et Emile, venus en 1880 d’Algérie. Passé de menuisiers, deviennent prestidigitateurs aux Folies-Bergères en 1886. Ils louent la salle des Capucines en 1892. 194 places où se donnent des spectacles de magie, spiritisme, deviennent célèbres avec le tour des « lyres isoliennes ». Dès avril 1896, ils se lancent dans l’aventure du cinématographe. Quel appareil utilisent-ils ? L’isolatographe ne fait pas illusion. Il s’agirait en fait de l’appareil de George William de Bedts. Le spectacle ne dure pas et les frères l’abandonnent dès l’été. Théâtre Robert Houdin : le Kinétographe remplace les tours de lévitation. Méliès est allé acheter l’appareil à Londres, chez William Paul. La publicité présente l’appareil comme américain. Certainement une copie du cinématographe, mais il s’agit de contourner la barrière des droits. Les bandes viennent par contre de chez Edison. Très vite, Méliès considère ces films comme désuets. Méliès veut l’indépendance. Pour cela, il lui faut un appareil de prises de vues. Pour se faire, il adapte lui-même le projecteur de W. Paul. Dès juin, il tourne sa première scène : La partie de cartes, inspirée d’une scène Lumière. Arrive la coupure de l’été, et au retour des vacances, Méliès annonce la mise en vente d’appareils et de vues de sa composition. Intense activité chez cet homme, à l’origine du premier trucage du cinéma. Fin 1896, il fait bâtir dans son jardin de Montreuil, un studio entièrement vitré. Le truc de substitution se retrouve dans l’escamotage d’une dame chez Robert-Houdin, le manoir du diable, qui inaugure le « genre Méliès ». La bande comporte 3 bobines, soit 60 mètres (3 mn). Le cinématographe Lumière aux grands magasins Dufayel, 13 Bd Barbès : magasin plutôt de luxe pour le mobilier, tout ce qui concerne la maison, l’inévitable vélocipède. Le magasin de la petite bourgeoisie situé dans un quartier nord, populaire, dans le 18è arrondissement. Mr Dufayel offre à sa clientèle des conférences, expositions, attractions scientifiques. Moins de 4 mois après les débuts dans le salon Indien du P a g e | 3 Gd Café, un cinématographe est installé dans une salle de 250 places. Séances de 10h30 à 11h30, de 14h à 18h30, le dimanche de 9h à 13h. Les actualités de tous les pays défilent à un prix bon marché (50 centimes). 28, Bd Capucines : le musée Oller. Au sous-sol de l’Olympia, alors qu’au 1er étage Clément Maurice cesse en juillet l’exploitation du cinématographe des frères Pipon. Les séances se poursuivent jusqu’en octobre 1897. Guillaume Tell au musée Grévin : Emile Reynaud, harcelé par la direction pour qu’il renouvelle ses sujets. Une pantomine représentant entre 500 et 800 images, ne lui permet pas d’honorer son contrat, lequel stipule 1 changement/an. Reynaud expérimente la photographie animée avec des appareils de sa conception. Le conseil d’administration semble satisfaite et engage 2 clowns, Footit et Chocolat, pour des prises de vues. Ils parodient la scène de Guillaume Tell avec un fusil à eau. Reynaud retravaille ensuite chaque cliché, sélectionne, agrandit, colorie à la main, monte les photos dans les cadres de la bande articulée. Travail lourd, mais moins pénible que précédemment. Accueil excellent du public. La direction décide de s’engager sur un nouveau chantier : « le premier cigare » avec l’acteur Galipaux. Le cinématographe rencontre le peuple des faubourgs aux Folies-Bergères : ancien théâtre de la Villette, 19è arrondissement, naturalisé parisien par Haussmann. En-dehors des Bds, quartier d’entrepôts, fabriques. Le théâtre a bonne réputation. 900 places pour des spectacles de qualité. Son directeur, Paul Ruez, offre le cinématographe a ses spectateurs, dès septembre 1896 et ce, pendant 3 mois ½. La photographie animée dans la grande salle de l’Olympia : célèbre établissement dont Oller a confié à son ancien chef d’orchestre, Mr de Lagoanère, accueille des photographies animées en octobre 1896. Grande salle mi-mondaine, mi-populaire. Spectacle en couleur, varié (funambulisme, déshabillage de Melle Willy). Gros succès et le spectacle reste à l’affiche jusqu’en mars 1897. Le cinématographe Pirou au Grand Café de la Paix, 12 Bd des Capucines (9è) : Eugène Pirou, photographe de célébrités. En 1896, il se lance dans l’aventure de l’image animée au Gd Café de la Paix, à deux pas du Salon Indien. Son programme est varié (cortège du Tsar, rencontre avec le président et départ pour Versailles, le tout dure 6 mn). Le coucher de la mariée avec Melle Willy, qui le joue aussi à l’Olympia, rencontre un franc succès. Pirou ouvre alors plusieurs autres salles. Le chronophotographe Demenÿ au théâtre du Chatelet (1er) : novembre 1896, première de la Biche au bois, féérie en 4 actes et 30 tableaux, créé à l’origine en 1845. Le spectacle est en couleur, 1000 images coloriées à la main par Jacques Ducon, présent au Salon Indien lors des 1ères séances. Demenÿ, assistant de Marey, développe son propre chronophotographe, qu’il dépose en 1893. Il n’arrive pas à régler certains problèmes techniques qui auraient fait de lui le père du cinématographe. En 1895, Gaumont décide de financer ses recherches. Lui-même, à 31 ans, il dirige le Comptoir général de la photographie. En 1896, Demenÿ dépose plusieurs brevets, les appareils étant fabriqués par Gaumont. La pellicule est plus large que celle d’Edison et de Lumière, 6cm au lieu de 3 ½. On peut ainsi projeter sur une surface plus grande avec une excellente luminosité. Le coût, plus élevé, ramène Gaumont vers le format 35 mm. Une 3è salle pour le cinématographe Lumière au 6 Bd St-Denis (10è) : Après le Salon Indien et les magasins Dufayel, une 3è salle apparaît dans une zone plus populaire des Gds Bds. Ouverture les après-midi et le soir de 20h30 à 23h. L’ouverture passe relativement inaperçue. Première véritable salle de cinéma dans la mesure où elle n’est la dépendance d’aucun café, magasin ou musée. Capacité d’environ 150 places. Détail de l’histoire, ce cinéma a traversé les temps pour terminer cinéma X dans les années 90. P a g e | 4 III. Bilan d’une première époque Développement assez considérable de la photographie animée. Le mot cinématographe est encore réservé pour un temps au seul appareil Lumière. La rencontre avec le public a eu lieu. Au Grand Café, malgré une concurrence qui se développe, les frères Lumière enregistrent des bénéfices record : 326.383 F (895/j), 6X plus que le théâtre Robert Houdin. Impossible par contre de répertorier tous les lieux où se produisent des exhibitions : temps éphémère, les journaux ne les évoquent pas tous. L’opinion qui prévaut est que la mode passera. On s’extasie devant la technique mais on est convaincu que les gens se lasseront des spectacles. Ces spectacles manquent souvent d’originalité, mais les frères Lumière profitent de leur avance pour faire réaliser des vues documentaires dans le monde entier. Ils s’essaient au sketch comique. Une grave erreur est à répertorier au compte des Lumière : à peine plus de 3 mois après la 1ère projection publique, la concurrence émerge. Du coup, refuser la commercialisation de leur appareil entraine un effort de la recherche. Demenÿ, Méliès, De Bedts, Kirchner et d’autres se lancent dans la conception, la fabrication et la vente de leurs propres appareils (Gaumont exploite le mécanisme Demenÿ). Situation d’autant plus absurde que la technologie Lumière surclasse les autres concurrents (images plus stables grâce à son mécanisme à griffes. Seul inconvénient : les bandes s’usent plus vite. Plus tard, on privilégiera les 8 perforations, 4 de chaque côté, selon la méthode Edison, plus efficace que les 2 trous ronds selon la perforation Lumière). L’année 1896 est donc une course aux brevets : 10 en 1895, 124 en 1896. Pourquoi ? On copie d’abord le Kinétographe et le Kinétoscope Edison, non protégés en France (ce que fait Eugène Werner, pourtant concessionnaire officiel de la firme Edison). Ensuite, aucune pièce du cinématographe n’est réellement originale : la came qui produit un mouvement alternatif est déjà connue, les griffes sont inspirées des métiers à tisser Jacquard. Le mécanisme à « croix de Malte » à 4 branches vient de l’horlogerie.