Maurice 'JADOUIN

CAMPUGNAN

en Blayais/ ETUDE HISTORIQUE ,

Armoiries des BRUN DE GADEAU DE D'azur à 13 lozanges d'or aboutés et posés 4, 4, 4 et 1 Au chef d'argent chargé de 4 croisettes d'or.

Grand armorial de (F. Henri-Jougla De Morenas T Il, P. 279)

PRÉFACE

Le 12 mai 1791, ii y avait du beau monde à Cam- pugnan, petit village des abords de . Jean Bacon de Gourdet, écuyer, mariait son fils Pierre à Marie, fille de Pierre-Joseph Brun de Gadeau, chevalier de Saint-Louis... On était loin des tumultes de Paris qui avaient causé la mort de Mirabeau !... ou de ceux de qui avaient partagé la ville et sa région en deux camps : celui qui groupait les partisans de la constitution civile du clergé et les autres, qui étaient contre. L'abbé Marcou, curé de Cartelègue desservant Cam- pugnan, supportait avec calme ces nouvelles dispositions administratives : sa paroisse était en fête. Toute la noblesse était là, les curés des environs et la population du voisinage applaudissait... On avait défoncé un muid de vin rouge sur la place de l'Eglise pour fêter la mariée... Les Brun de Gadeau étaient seigneurs de Campugnan, Fours, Cartelègue et autres lieux, depuis des générations... C'était leur dernier acte de noblesse ! Dans peu de jours ils allaient perdre leurs titres, leurs espoirs, leurs hommes peut-être. C'est Louis XIV qui les avait maintenus nobles en 1697. Il n'y avait pas tout à fait 100 ans.

C'est en compagnie de cette famille que Maurice Jadouin nous promène dans les sous-bois de l'Histoire. Il sait nous faire visiter Romefort, le Prat, Morillon... de façon sympathique et agréable. Au détour d'une allée, il nous laisse saluer tel « concu- binaires », te! illettré, tel curé, tel maire... On sent bien que l'auteur aime son village, son église, son histoire. Il a su fouiller les registres de la paroisse depuis 1645, s'inspirer de la grande culture et des notes de M. de Gilbert des Aubineaux. Amalgame bénéfique s'il en est. De lecture facile, cette histoire Campugnan doit rester dans chaque foyer, comme Bellemer dans ceux de Blaye, Bodin dans ceux de Saint-Savin, etc. C'est un ouvrage de référence que les historiens dans les siècles à venir utiliseront souvent et avec besoin. Et qu'il me soit permis, ici, au nom de tout le Blayais, au nom de ce beau passé, de cette belle région, de ses humbles et de ses martyrs, de vous adresser, Monsieur Jadouin, un profond merci. Johel COUTURA Depuis les Origines

Campugnan, petite commune au sein de notre pays Blayais, n'intéresse la plupart d'entre nous que par des attaches ances- trales ou sentimentales profondes. A cause de cela, délaissant * toute considération sur sa géographie, ses habitants, sa vie ac- tuelle dont il est inutile de rappeler les évidences, nous nous atta- cherons, au cours de cette incursion dans le passé, à partager notre savoir, nos découvertes et aussi parfois, notre étonnement. Certes, les documents authentiques sont peu nombreux, les mail- lons de la chaîne de plus en plus difficiles à joindre à mesure qu'on s'éloigne du présent, aussi demanderons-nous d'avance l'in- dulgence du lecteur.

Des temps les plus reculés, peu de témoignages nous par- viennent, si ce ne sont, trouvés ça et là, des éclats de silex qui, utilisés comme couteaux, poinçons, racloirs, ont constitué les premiers outils de nos lointains ancêtres. Il suffit de les observer pour se rendre compte qu'ils sont issus de la main de l'homme. L'absence de parois rocheuses et de grottes ne devait pas retenir ceux-ci dans nos contrées, comme dans la vallée de la Dordogne par exemple.

Après le néolitique et l'époque gauloise peu représentés chez nous, l'invasion romaine, commencée en 56, sera terminée 25 ans avant notre ère. Très habilement, les nouveaux occupants respec- teront les croyances locales ou raciales, ils sauront avoir, pour diriger, la main de fer dans le gant de velours. Le peuple vaincu devra obéir à ses nouveaux maîtres, à ce prix s'instaurera une période de paix qui durera près de trois siècles.

C'est que notre pays de la race des Santons a connu succes- sivement, après celui des Romains, le déferlement des barbares qui furent Vandales, Wisigoths, Francs, Mérovingiens, Normands, pour se retrouver comme avant les invasions, à peu près dans ce que sont les limites ethnologiques actuelles. Des recherches récentes faites dans l'arrondissement de Blaye, prouvent l'évidence de cette époque florissante que fut l'époque gallo-romaine. Les communes de Bourg, Plassac, Blaye, Saint-Martin, Saint-Androny, Saint-Genès, , , Ey- rans, Braud, Saint-Ciers, Reignac, nous laissent des traces de ce très haut degré de civilisation. Si des villas furent somptueuses comme à Bourg, à Plassac, à Saint-Genès, si la résistance put être redoutable au castrum de Blaye, on retrouve encore dans les au- tres communes, à l'emplacement des habitats et des fermes, parmi des amoncellements de tuiles et de pierre, des fragments d'objets tels que amphores, monnaies, bols, vases, assiettes, dont certains sont signés de potiers qui furent de véritables artistes. Pour fixer un essai de datation, disons que le site le plus proche, celui de Mazion, a livré entre autres pièces intéressantes, deux monnaies en bronze, l'une dont le titre, marqué de César-Auguste, était porté par les cinq premiers empereurs du début de l'ère chré tienne (le nom de cet empereur est illisible), l'autre pièce d'une facture remarquable, est à l'effigie de Néron (54-70), ainsi qu'un échantillonnage varié de poteries, dont une assiette de Célérius de l'atelier de Montans et un bol signé Latini de Lezoux. Une très belle hache en bronze, dite médocaine, est d'une époque anté- rieure. Pour Campugnan, ont été trouvées à La Botte, une pièce de monnaie de Vespasien (69 - 74) et une autre pièce de Trajan (98- 127), à Cazaux, une meule à grains convexe assez rudimen- taire, probablement gauloise. Une citation d'Edouard Feret nous apprend qu'à La Botte « Des tombes en pierre et des débris d'ar- mures, un vase contenant des pièces de monnaie, ont été trouvés par M. P. Etourneau ». Leurs descendants ignorent ces faits. Peut-être d'autres objets intéressants ont-ils été trouvés dans la commune; il serait bon, dans l'intérêt de tous, que les décou- vertes soient connues et classées. Essais d'Etymologie

Diverses interprétations peuvent être faites sur l'origine du mot Campugnan... Il est courant d'entendre dire que ce mot vient de campus pugna, inévitablement on y associe l'idée d'une bataille avec les Anglais. Pourquoi tant d'obstination à cette sorte de croyance populaire ?...

Rapportons-nous à une citation d'Emile Giraud dans sa Chro- nique sur Blaye et ses environs : « Le 5 avril 1814, une troupe française composée des restes d'armée des généraux L'Huillier et Desbareaux, est rencontrée par un détachement de huit cents Anglais qui la met en fuite et la poursuit jusqu'au Pas des Fenê- tres. Le colonel du 20e de ligne est blessé mortellement et enterré à Cartelègue. La division anglaise .arrivée à Blaye le 1er avril, repart du pays le 25 à la suite de l'abdication de Napoléon Ier ». Quand on pense que les grands-pères de nos grands-pères ont pu connaî- tre ces événements, que malgré le temps qui les sépare depuis la guerre de Cent Ans, une espèce de confusion peut associer les Anglais d'alors aux Anglais d'antan, l'imagination situe facilement à Campugnan le lieu d'une bataille avec les Anglais auquel ce « campus pugna » aurait donné son nom... A vrai dire, une décou- verte vient un peu matérialiser cette idée, c'est celle faite il y a près d'un siècle, au cours de travaux agricoles sur la propriété de Morillon. Trois boulets de canon en fer avaient été extraits, l'un d'eux est toujours en possession de M. Roy. Ces boulets étaient- ils anglais ? Qui pourrait le dire ?...

L'abbé Bellemer, dans son Histoire de la ville de Blaye, pro- pose : Campo pugnex ou champ du combat pour Campugnan. Les significations latines portant sur ce mot sont assez vagues, si campo ou campus est bien relatif au mot camp, pugnus qui est à l'origine de poing, peut faire aussi bien pugnex que pugnens pour représenter le mot combat. Il peut sembler étonnant que l'on ait affublé d'un nom latin, le lieu d'une bataille avec les Anglais, se- rait-ce ceux de la guerre de Cent Ans !

Edouard Feret avance une version à laquelle on peut donner également quelque crédit : à la base, il y aurait Campinius ou Campanius, comme de son côté, Générac aurait pu être le domaine du gendre (du latin généris). Aucunes traces de gallo-romain sur les lieux ne viennent confirmer ces hypothèses.

Dans un autre ordre d'idée, MM. Dauzat et Rostaing, auteurs d'un Dictionnaire des noms de lieux en France, affirment avec rai- son que Campugnan est une altération de Campunenx. Ils croient qu'à la suite de Campu, le suffix nenx aurait pour origine le nom d'un homme germanique. Cet « apport germanique » est également confirmé par Charles Higounet (Histoire de Bordeaux, T. II). L'inva- sion de notre région par les Francs et les Wisigoths vers la moitié du premier millénaire, pourrait bien donner quelque valeur à cette explication.

Grâce à la Nomenclature des paroisses de Bordeaux pour l'établissement des quartières (G. 237), au chapitre « In presby- teratu Blaviensi », grâce surtout à la documentation et au savant rapport de M. de Gilbert des Aubineaux, qu'il convient de remer- cier ici, nous avons pu établir d'une façon certaine l'identité du mot « Campunenx » et de ses variantes au XIVe siècle : de 1324 à 1378, nous possédons 17 échantillons de ce mot. Les altérations comportent 12 terminaisons en « nenx » et autres dérivés et 4 en « nanx n, nous avons même une terminaison en « gnan », comme nous prononçons aujourd'hui.

La reproduction de la page photocopiée jointe, datée de 1357 et les citations relevées ci-après avec leurs références, sont la garantie de ces affirmations. 1340 (1. 61). Au titre des quartières, Sancta Maria de CAMPU- NENX doit 4 livralles de froment, 4 de mixture (mélange de fa- rine) et 32 boisseaux d'avoine.