Allocution pour Madame Maïa ROHNER

Cérémonie en hommage au groupe Charles Hildevert

Oissery, Place de l’église à 11 h 30

Dimanche 27 août 2017

- Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

- Monsieur le Président du Conseil Départemental,

- Mesdames et Messieurs les maires,

- Mesdames et messieurs les élus,

- Messieurs les représentants des autorités militaires et civiles,

- Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations d’anciens combattants et de victimes de guerre,

- Mesdames et Messieurs les Porte-drapeaux

- Mesdames, Messieurs,

Depuis 73 ans, nous nous retrouvons traditionnellement ici, place de l’Eglise à Oissery, pour clôturer le long parcours mémoriel que vous avez commencé très tôt ce matin devant l’Hôtel de Ville du Raincy, pour nous souvenir et honorer tous ceux qui ont donné leur vie pour que la soit une démocratie et pour que nous vivions libres.

Il y a 73 ANS, le 26 août 1944, c’est ici dans votre commune que prend fin tragiquement l’épopée du 1 er régiment Franc de Paris.

Plus connu aujourd’hui sous le nom de « groupe Charles Hildevert », c’était le Bataillon ANY (nom de code formé avec les lettres paires de la ville du Raincy). La troupe de choc du réseau Armand Spiritualist du colonel Buckmaster.

Ces hommes souvent rompus depuis plusieurs années à l’action clandestine, n’ont pas participé à l’insurrection parisienne, ils obéissent aux ordres et sont tout à la mission qui leur a été initialement confiée par la « Spécial Operations Exécutive ».

Il s’agit pour eux de réceptionner à environ quarante kilomètres à l'Est de la capitale un important parachutage de troupes alliées et de matériel lourd qui auront pour mission de couper la route à la retraite allemande en provenance de l'Ile de France et de se porter dès que possible sur la région de .

Ces hommes ont été recrutés parfois depuis plus de deux ans dans la banlieue Est de Paris, à Gagny, Rosny sous Bois, Montfermeil, Villemomble, Noisy le Grand, Le Raincy mais aussi à Créteil, Montgeron et Villeneuve Saint-Georges.

Tous étaient les fils de l’appel du 18 juin 1940. Tous étaient les fils de la France qui voulait rester libre. Comme de nombreux résistants tombés si jeunes, ils ont représenté en pleine occupation l’espoir d’un renouveau qu’ils n’ont pas eu la chance de connaître.

Les Allemands étaient chez nous, chez vous, donc chez eux. Ils ont pris le chemin du maquis, de la clandestinité et des armes. Personne n'a demandé d'où ils venaient et où ils allaient. Quant à ceux qui le savaient, ils se devaient d’effacer leur passage.

Certains avaient changé cent fois de nom, d’autres perdu femme et enfants. Mais ils n’avaient pas peur, car ils retrouvaient l’âme de la liberté, ils étaient la France entière.

Au matin du 26 août, le bataillon se met en route en plusieurs colonnes de camions; il s'agit de s'enfoncer dans les lignes allemandes le plus discrètement possible, en évitant tout accrochage, et de se rassembler à Saint-Pathus en Seine et Marne. Dans la nuit de nombreux avions ont bien survolé la région de Oissery mais les habitants n'ont rien vu descendre du ciel. Sur place, sous les ordres d'un général, stationne une importante troupe allemande appuyée par des chars.... mais les combattants l'ignorent.

C'est la bataille rangée qui tourne vite au désavantage des hommes du commandant Charles Hildevert : plus d'une centaine de victimes au combat, des blessés achevés ou brûlés à la Râperie, des rescapés fusillés quelques kilomètres plus loin, quelques rares prisonniers qui seront déportés ... Les allemands, de leur côté, perdent environ 150 hommes et 3 chars. Le Bataillon Charles Hildevert est décimé le lendemain de la Libération de Paris.

En cette journée de souvenir, nous devons, dans un devoir de mémoire inextinguible vis-à-vis de ces combattants de l’ombre, rappeler que leur résistance relève d’un acte de bravoure et d’engagement collectif dont nous devons tous être fiers.

Ces frères d’armes, restés unis dans la mort comme dans le combat, nous laissent un message et un immense héritage, pour que vivent les valeurs de la patrie, de l’humanisme, de la justice et de la tolérance.

Comme eux, faisons nôtre cette déclaration du général de Gaulle qu’ils purent lire dans la presse clandestine le 23 juin 1942 :

« Nous voulons que les Français puissent vivre dans la sécurité. A l'extérieur, il faudra que soient obtenues, contre l'envahisseur séculaire, les garanties matérielles qui le rendront incapable d'agression et d'oppression. A l'intérieur, il faudra que soient réalisées, contre la tyrannie du perpétuel abus, les garanties pratiques qui assureront à chacun la liberté et la dignité dans son travail et dans son existence. La sécurité nationale et la sécurité sociale sont, pour nous, des buts impératifs et conjugués. Nous voulons que l'organisation mécanique des masses humaines, que l'ennemi a réalisée au mépris de toute religion, de toute morale, de toute charité, sous prétexte d'être assez fort pour pouvoir opprimer les autres, soit définitivement abolie. »

Que jamais le souvenir de ce tragique passé ne soit perdu, et que ces lieux soient toujours respectés, pour que vive la France.

Anna Marly, le "Troubadour de la Résistance", dont le Général de Gaulle écrivit « qu'elle fit de son talent une arme pour la France » nous laisse les vers de la première version du Chant des Partisans.

Personne, aucune force / Ne nous soumettra / Ne nous chassera Vengeurs du peuple / Nous mettrons en pièces / La force mauvaise Dût le vent de la liberté / Recouvrir / Aussi notre tombe... Nous irons là-bas / Et nous détruirons / Les réseaux ennemis Qu'ils le sachent, nos enfants / Combien d'entre nous sont tombés / Pour la liberté ! »

Nous avons donc un devoir à l’égard de tous ceux qui sont tombés ici pour notre Patrie, ils sont une partie sacrée et inaliénable de notre héritage. Sans leur sacrifice nous ne serions rien.

Le sang qui a été versé partout alentour de et d’Oissery, comme celui qui le fut sur les sillons des terres de France, ou en des contrées plus lointaines, fait partie d’un tout et ce tout est une partie du patrimoine génétique de notre Nation.

En leurs noms nous devons transmettre l'héritage de valeurs qu’ils nous ont légué avec au premier rang d’entre-elles l’amour de la Patrie.

Car nous sommes paradoxalement enclins à manquer de piété vis-à-vis de la patrie en raison de la surabondance des biens qu’elle procure. On sait reconnaître les petites choses que l’on nous donne mais quand c’est très grand, nous croyons que c’est dû.

Quand il s’agit de ce que nous avons reçu de la France, depuis quinze cents ans, depuis Reims, on peut bien, n’est-ce pas, gaspiller l’héritage ! Nous avons l’impression qu’il en restera toujours quelque chose et faute de sanction immédiate, nous n’avons pas le sentiment que cette impiété est une faute contre la justice et plus encore, s’il est possible, contre la charité… nous méritons (alors) le mot que Cicéron appliquait à ceux qui n’avaient pas l’amour de la patrie, « ces criminels semblables à des parricides ».

Dans les périodes troublées dans lequel nous vivons, la longue liste des attentats qui touche la France, l’Europe et le monde nous le rappelle douloureusement, il est important de pouvoir s’appuyer et travailler avec des femmes et des hommes qui ont avant tout des valeurs fortes et intransigeantes en commun.

Servir la patrie, c'est n'être plus soi. C'est n'être plus à soi. C'est n'avoir presque pas de droits, c'est ne point connaître son intérêt propre. C'est en tout cas le sacrifier toujours à l'intérêt général. C'est penser, vouloir et agir en fonction des autres.

Des autres valeurs nous devons retenir le don de soi pour défendre le droit et la volonté de servir en toutes circonstances les valeurs de la République marquées dans sa devise nationale : Liberté, Egalité, Fraternité.

Que jamais le souvenir de ce tragique passé ne soit perdu, et que ces lieux soient toujours respectés, pour que vive la France.

Je vous remercie