Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie

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• Gérant-responsable de la revue: A. PALLUEL-GUILLARD. L'HISTOIRE EN

Revue de culture et d'information historique

(paraissant tous les trois mois, éditée par les soins de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie)

SOMMAIRE

Jean Prieur — Valloire

VALLOIRE

Commune la plus méridionale de la Savoie, dont les vingt hameaux s'étagent le long de la gouttière de la Valloirette, Valloire a toujours été un lieu de passage entre la vallée de l'Arc () et la vallée de la Romanche (Oisans) ou la vallée de la Guisane (Briançonnais).

ETYMOLOGIE

On ne peut déterminer avec certitude l'origine du mot, car, dans les documents latins, Valloire porte deux noms différents : Vallauria et Volovium.

Au Xle siècle, dans la Chronique de la , on trouve « Va- lauria » ; dans les cartulaires du Xlle et du Xllle siècle, « Valoria » ou « Valloria » : ce qui donne, dans les documents du XVIe et XVI le siècle, « Valloyre ». L'étymologie serait alors « Vallls aurea », la vallée d'or: hypothèse confirmée par les homonymes,Valloire (Isère), Vallauris (Alpes Maritimes) appelés « Vallis aurea » dans les documents anciens.

Par contre, au Xllle siècle, un cartulaire de 1269 appelle cette même localité « Volovium », terme souvent repris par la suite et employé en concurrence avec le précédent. Volovium rappellerait le premier nom de Valloire, « Volosco » (déformé en « Volascis » dans la légende médié• vale de Sainte Tygre), se rapportant probablement à un nom de personne. C'est ce terme qui a été à l'origine d'une étymologie purement fantaisiste : « Vallisovium », le Val des brebis. - 2 -

La première forme semble la plus sijre : « Valauria », Valloria, Valloire, la vallée d'or, c'est-à-dire la belle et splendide vallée comme il y a le Mont d'Or, la Côte d'Or, etc.

LES ORIGINES Sur le lointain passé de Valloire, une légende, longtemps admise par certains historiens locaux, ne manque pas de nous renseigner avec beaucoup de détails : « Lorsque Néron ouvrit le feu de la persécution contre le christianisme, un grand nombre de chrétiens de la campagne de Rome abandonnèrent leur patrie. Ils vinrent à la Novalaise ; de là, plusieurs passèrent le Mont-Cenis... et finirent par s'établir à Valloire. La petite plaine où est maintenant le village de Place était alors un lac alimenté par les deux torrents qui descendent, l'un de l'Aiguille Noire et l'autre du Galibier... Ce ne fut qu'au Xe siècle que les Sarrasins coupèrent le rocher sur lequel s'élève la chapelle de Sainte Thècle et desséchèrent la plaine... » Ainsi, on n'hésite pas à attribuer aux redoutables et légendaires Sarrasins l'œuvre naturelle de l'érosion d'un torrent qui a scié une gorge de raccordement !

L'histoire est tout autre et combien plus sobre de renseignements sur les origines de Valloire. Même les vestiges archéologiques, pourtant abondants dans les environs (Albiez, vallée des Arves, Mont-Denis...), sont ici assez rares : pour l'époque préhistorique, on ne signale à Val• loire qu'une fibule (ou épingle) du second âge du Fer, c'est-à-dire de l'époque gauloise. De l'époque romaine, une seule découverte, récente d'ailleurs : il s'agit d'une monnaie en bronze (trouvée au Chozeaux-Verney) à l'effigie de Maxence, empereur de l'an 306 à l'an 312. En voici la description : à l'avers, tête de Maxence, laurée, regardant à droite, avec l'inscription MAXENTIUS P (ius) F (elix) Aug (ustus) ; au revers, un temple à six colonnes, au milieu la déesse Rome tenant un globe et une haste avec l'inscription Conservator urbis suae. Puis, il faut attendre l'époque burgonde pour signaler un sarcophage en tuf trouvé près de la chapelle Saint-Pierre.

Peut-on penser que la région de Valloire n'ait presque pas été habitée pendant de longs siècles? Il semble plus vraisemblable que de nombreux vestiges archéologiques restent enfouis dans le sol ou que, s'ils ont été exhumés, ils n'ont pas été signalés.

Par la suite, beaucoup d'historiens font entrer Valloire dans la célébrité au Vie siècle avec Sainte Thècle, jeune fille du pays qui, au retour d'un pèlerinage en Orient, rapporta d'Alexandrie les reliques de Saint Jean-Baptiste (deux doigts et un pouce). C'est alors que le Roi Contran fonda l'évêché de Maurienne vers 575. Histoire ou légende ? La question reste posée. En effet, les docu• ments écrits ne sont guère probants : Grégoire de Tours, à la fin du Vie siècle, parle « d'une certaine femme, venant de Maurienne » qui rapporta des reliques du précurseur ; mais les précisions sur le nom et l'origine de cette femme n'apparaissent que dans un manuscrit du Xe siècle, qui sera repris et complété au XVIe siècle dans la Vie de Sainte Tygre (ou Thècle). Par contre il faut souligner l'innportance de la tradition : au-dessus de Saint-Jean-de-Maurienne, on peut encore visiter la « Grotte de Sainte- Thècle » (où la pieuse femme aurait terminé sa vie en ermite) , dans la cathédrale de la même ville, la chapelle de Sainte-Thècle est une partie ancienne de l'édifice ; à Valloire, la tradition locale indique le hameau où Thècle serait née (les Clots) et la famille dont elle serait issue (les nobles Rapin de la Choudane) ; dans l'église de Valloire (XVIIe siècle), sainte Thècle a sa statue, en bois sculpté et doré, au rétable du maître-autel, faisant pendant à celle de saint-Pierre, qui était le titulaire de la plus ancienne église de cette paroisse ; enfin, au mas de la Choudane, à côté des ruines du manoir de la famille Rapin, il existe une chapelle (fin XVIe siècle) dédiée à sainte Thècle.

LA TERRE EPISCOPALE

L'évêque de Maurienne était le seigneur temporel d'une grande partie de son diocèse. Mais, après la célèbre révolte des Arves en 1326, un traité signé à Randens l'année suivante plaçait les habitants de la Terre épisco- pale de Maurienne sous la d'^uble autorité de l'évêque de Maurienne et du Comte de Savoie. Toutefois, une partie de ce territoire ne fut pas comprise dans le traité de Randens : ce sont les chatellenies d'Argentine, de Saint-André et de Vallo'.e, sans doute parce que les habitants de ces chatellenies n'avaient pas pris part à la révolte contre l'évêque.

Ces tiois chatellenies constitueront désormais à elles seules la « Terre épiscopale » dépendant uniquement de l'évêque ; alors que le reste de la Maurienne devenait la « Terre commune », c'est-à-dire le territoire placé sous l'autorité du Comte de Savoie et de l'évêque de Maurienne.

La chatellenie de Valloire comprenait Valloire, Albanne, et Saint-Martin-d'Arc. Le château situé sur la butte dominant le village, prés de la chapelle Saint-Pierre, fut probablement la résidence du châ• telain jusqu'au XVIe siècle, époque où cet édifice commença à tomber en ruines (ses derniers restes ont servi à la construction de la chapelle Saint-Pierre).

Le châtelain, qui avait sous ses ordres un ou plusieurs métraux, était choisi par l'évêque de Maurienne, communément parmi les notables de Valloire. Plus tard, le Duc Amédée VIII eut des prétentions sur la chatellenie de Valloire ; mais l'affaire se termina par la reconnaissance officielle de la juridiction de l'évêque sur cette paroisse et celles qui en dépendaient. Dans une lettre datée de Ripaille le 25 octobre 1438, et adressée à l'évêque Ogier de Conflans qu'il appelle son « très cher conseiller », le duc confirme officiellement cette solution (cf. docu• ment I).

La commune de Valloire était régie par un conseil et des syndics, dont une des principales occupations était de soutenir les procès. En effet, Valloire obtint des franchises, source de querelles perpétuelles entre la commune et le seigneur temporel ou ses représentants.

En 1515, les troupes de François 1er traversèrent les Etats du duc de Savoie pour aller à la conquête du Milanais. Ce passage des Français entraîna des dépenses dont l'Evêché voulut faire supporter une partie au mandement de Valloire. Les syndics de Valloire, refusant de - 4 - participer aux frais, furent emprisonnés à Saint-Jean-de-Maurienne jusqu'à paiement des 125 florins exigés. Mais, à leur demande, la cause fut évoquée au tribunal de l'évêque, Mgr de Gorrevod, qui, le 25 janvier 1516, les dispensa de verser cette somme (cf. document II).

La juridiction de l'évêque de Maurienne était encore efficace au début du XVIIle siècle, si l'on en juge par une ordonnance de Mgr Val- pergue de Masin (1686-1736) : il s'agit d'un véritable règlement de police, édicté par l'évêque et publié par Vincent Roche, Châtelain « rière le ressort et juridiction de la chatellenie de Valloire ». Cette ordonnance contient les prescriptions relatives à la foi catholique et au bon comportement de la population (cf. document III).

En fait, les empiétements successifs des officiers ducaux ou royaux avaient considérablement diminué l'autorité temporelle des évêques. Aussi, par acte du 9 février 1767, tant en son nom qu'en celui de ses successeurs, l'évêque de Maurienne Mgr de Martiniana abandonne au roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III tous les droits, toutes les régales et prérogatives dépendant de sa juridiction temporelle. Puis, par acte du 15 juillet 1768, Mgr de Martiniana abandonne ses droits féodaux (dimes, rentes, etc.) moyennant une indemnité. Enfin, par un édit du 19 décem• bre 1771, le roi Charles Emmanuel III abolit la servitude et supprime les droits seigneuriaux, La grande réforme de l'abolition des droits féodaux avait été accomplie en Savoie avant la Révolution française.

LE PASSAGE DES ARMEES

C'est surtout le , reliant le duché de Savoie au royaume de , qui a donné à Valloire une importance stratégique. Bien qu'il ait été fréquenté dès la plus haute antiquité et qu'il ait probablement servi de passage aux bandes sarrasines arrivant de Provence pour opérer des razzias, c'est surtout à l'époque moderne qu'il a été utilisé par les armées.

Lors de la guerre de succession d'Espagne, la Savoie fut occupée par les Français de 1703 à 1713. Le Maréchal de Berwick, chargé par Louis XIV de défendre la frontière du Sud-Est, choisit comme centre de ses mouvements la place de Briançon.

Dans ses Mémoires, le maréchal expose lui-même l'importance stra• tégique de Valloire : « Ma ligne, à gauche, passait par le col du Galibier, tombait à Valloire, de là à Saint-Jean-de-Maurienne, et puis à couvert de l'Arc jusqu'à son embouchure dans l'Isère, que je suivais jusqu'à Montmé- lian et Barraux, où j'avais médité un camp retranché. Je ne comptais pas garder la Tarentaise ni le reste de la Savoie. Pour assurer les navettes nécessaires, j'avais ma principale attention sur Valloire, poste excellent qui couvrait le Galibier, empêchait les ennemis de descendre par la Mau• rienne plus bas que Saint-Michel, et par conséquent, les rejetant nécessaire• ment vers la Tarentaise, s'ils voulaient aller en Savoie, me donnait tout le temps d'y arriver avant eux ». - 5 -

Ce système de défense explique pourquoi deux tentatives,faites en 1709 et en 1711 par les Austro-Piémontais pour reprendre la Savoie, ne purent aboutir à un résultat durable.

L'occupation étrangère qui a laissé le plus mauvais souvenir en Savoie est celle des Espagnols, lors de la guerre de succession d'Autriche (1740-1748). Le roi de Sardaigne s'était engagé à soutenir Marie-Thérèse d Autriche contre l'Espagne, alliée de !a France. L'Infant Don Philippe, pour attaquer le Piémont, se dirige vers la Savoie en aoiJt 1742 par la route des Alpes. Le dimanche 2 septembre il franchit le Galibier et descend sur Valloire

D'après une tradition recueillie en 1859 par le Chanone Truchet, alors vicaire à Valloire, le matin du 2 septembre, la population de la pa- oisse est rassemblée dans l'église et, cure en tête, ,-e dirige en procession vers le Galibier. Don Philippe s'approche et, après quelques explications, il fut c^r venu qte ,es soldats épargneraient la vie et les biens des Vallorins, à condition de leur pnrmt^ttie 'r pilirqf' une heure par jour aussi longtemps qu ils séjourneraient à Vaiioiie.

Il est bien possible que le curé de Valloire ainsi que cela s'est pratiqué dans d'auttes paroisses, soit allé au-devant de don Philippe pour le complimenter ; mais il est plus difficile d'admettre la bonne entente entre les Vallorins et les Espagnols qui occupèrent la Savoie de 1742 à 1748.

En septembre 1792, le jour même où la République est proclamée à Paris, les Français envahissent la S'ivo'e et remontent la vallée dt^ Mau''enne jusqu'au Mont-Cenis. Contie-attaqués par les Sardes en juillet 1793, les Français refluent jusqu'à Aiguebelle laissant à Vailoire et à Valmeinier deux bataillons sou- |.= s or;i es de l'adjudant-généra! Pris/e qui avait mission de garder l'important passjge du Galibier. En septembre 1793, les Français reprennent l'offens've à partir d'Aiguebelle Prisye attaque Valmeinier où s'étaient installes les Piemontais : sa victoire fut totale et Valmeinier fut incendié. Une commission militaire réunie à Valloire condamna à mort Joseph de Mareschal, commandant les paysans des envi• rons qui ava ent pr^s les armes pOo'' les Piemontais • l'acte de décès se trouve dans les registres de l'état c'vil de Valloire (archives de la Société d'histoire de Maurienne) ; « Aujourd'hu. trois du mois d'octobre 1793, d 9 heures du matin déclarons que le nommé Joseph de Mareschal de Lucane, âgé de trente ans, de la commune de Saint-Martin-la-Porte, ensute de la commission militaire donnée au ctoyen Piisye, commandant 'es troupes de Maurienne a été fusillé aujourd'hui à 9 heures du matin, et inhumé une demi-heure après dans le cimetière de cette commune.

Signé Pierre RETORNAZ officer public. »

En 1814, Valloire est épargné par l'invasion autrichienne qui se fait par la Suisse ; mais, en 1815, Valloire connaît l'occupation autri• chienne : l'armée arrivait par le Mont Cenis et de Saint-Michel allait occuper le Galibier. - 6 -

Enfin, le pays connut une récente et dernière occupation étran• gère lors de la deuxiènne guerre mondiale.

LE RATTACHEMENT A LA FRANCE

Bien avant le rattachement de 1860, Valloire, comme l'ensemble de la Savoie, avait connu plusieurs occupations françaises, dont la première et la plus longue dura de 1536 à 1559, souè les règnes de Fran• çois 1er et de Henri II. Il y eut ensuite plusieurs occupations par les armées françaises en 1630 et 1631, de 1690 à 1696 et de 1703 à 1713.

Après l'invasion de septembre 1792, l'occupation française devait durer jusqu'en 1814, Le département du Mont Blanc, créé dès 1793, était divisé en sept districts ; le district de Saint-Jean-de-Maurienne se compo• sait de onze cantons ; Valloire était un chef lieu de canton comprenant quatre communes (Valloire, Valmeinier, Albanne et Montricher) ; mais, en 1800, le canton de Valloire est supprimé.

Pendant cette époque, Valloire connaît donc successivement les différents régimes français. En 1793, la commune doit accepter un curé constitutionnel, Pierre Savoye, qui, dès son arrivée, le 11 avril, est baptisé du surnom de « Pierrin » : il rencontre l'indifférence ou l'hostilité de la population et des filles furent fouettées publiquement pour n'avoir pas voulu assister à la messe de Pierrin.

Valloire dut livrer ses cloches, sauf une. Mais, après le concordat de 1801, le maire de Valloire se plaint que la cloche trop petite est insuffi• sante pour les 18 hameaux et les 2 300 habitants ; il obtient de l'adminis• tration livraison d'une cloche qui avait été enfouie dans le chœur de l'église d'Aiguebelle.

Sous le consulat, la municipalité ne met pas beaucoup d'ardeur à désigner les conscrits : la plupart des conscrits des ans IX et X sont réformés et le sous préfet de Saint-Jean prie le maire de Valloire de procéder à une nouvelle désignation.

Mais les incorporés admettaient assez bien leur sort, si l'on en juge d'après une lettre du soldat Ernest Rambaud qui, passant par Lyon le 13 avril 1811, écrit à son père : « Il est pénible pour un fils d'avoir depuis 8 ans toujours été si éloigné de son tendre père ; et aujourd'hui on passe si proche, et je ne puis aller vous voir. Nous avons passé à Paris, le 21 mars, le pain vaut 3 sols et le vin 12 à 13 sols le litre. Le régiment va descen• dre le Rhône en bateau. Mon cher père, si j'avais eu 100 francs à mon service, j'aurais obtenu la permission d'aller au pays ; j'aurais pris la diligence. Mon cher père, je vous prie, en grâce, de faire comme moi, de ne pas vous chagriner ; car vous savez que le chagrin n'aboutit à rien. »

Le dimanche 22 avril 1860 Valloire est la commune de Maurienne qui manifesta le plus d'enthousiasme pour le rattachement à la France. L'heure de la messe fut avancée et, à l'issue de l'office, les cloches annoncèrent le moment solennel du vote. Parmi les votants se trouvaient neuf vétérans des guerres de l'Empire ; de nombreux drapeaux aux couleurs françaises avaient été placés aux fenêtres. Il n'y eut pas une seule abstention : 333 votants donnèrent 333 oui. - 7 -

EGLISE - ECOLES - FAMILLES ILLUSTRES

La plus ancienne église paroissiale était probablement située près du château, là otj se trouve l'actuelle chapelle Saint-Pierre. Puis, une nouvelle église fut construite à l'emplacement de l'église actuelle ; en 1622, l'évêque ordonna de l'agrandir. La commune préféra la rebâtir : les travaux commencèrent en 1630, mais la construction fut lente.

En 1666, la commune de Valloire adressait au sénat de Savoie une supplique :

« A nos Seigneurs,

Supplient humblement les syndics et communiers de la paroisse de Valloyre en Maurienne,

disant qu'il leur est nécessaire de refaire entièrement leur église par les fondations. Ayant déjà refaicî le chœur et deux chapelles, mais la nef est seulement démolie, en sorte qu'il est très nécessaire d'y tenir, main pour la refacture et restauration... »

La consécration ne put avoir lieu que le 22 juillet 1682. (Sur l'église et de Valloire, voir la plaquette « Valloire » éditée par les abbés Jorcin et Roi).

Des lettres patentes d'Emmanuel-Philibert datées du 12 février 1566 nous apprennent qu'à cette date il existait depuis longtemps dans la plu• part des paroisses du duché de Savoie une ou plusieurs écoles.

Bien plus tard, en 1802, le préfet du Mont-Blanc, Verneilh écrit dans la « Statistique » de son département que « pour ce qui est des écoles primaires, il existait peu de communes rurales avant 1792, où il n'y eût un instituteur ».

En 1729, la communauté de Valloire possédait deux écoles publiques gratuites. La première, fondée par Révérend François Cornut qui avait légué à cet effet un capital de 3 000 florins était dirigée par un maître, prêtre ou séculier, qui recevait un salaire annuel de 150 florins et ne devait rien exiger de ses élèves. La seconde école avait été dotée par Révérend Jean Baptiste Falcoz par son testament du 27 mai 1728 pour enseigner la jeunesse du Tiers Dessus depuis le lendemain de la fête des Trépassés jusqu'à la fin du mois d'avril, sauf les jeudis. Le maître était tenu de faire la prière aux écoliers matin et soir, suivie du De profundis pour le repos de l'âme du Révérend fondateur, en outre de faire le catéchisme les dimanches et fêtes.

Les écoles de Bonne-Nuit, de Point-Ravier, de Geneuil et des Villards furent fondées en 1790 par Rd Jean-Baptiste Combet, curé de Valloire.

Dans un inventaire de 1793, il est fait mention de « l'école générale » de Valloire, dont les capitaux se montent à 5 150 livres 15 sols 2 deniers. - 8 -

Le 8 fructidor an Vil, les administrateurs municipaux de la commune de Valloire promettent de payer au citoyen Joseph Marie Perrin la somme de 11 louis d'or, soit 270 francs monnaie de la République à charge pour ledit Perrin d'enseigner « à lire, écrire et chiffrer ».

La famille Rapin est une des plus anciennes familles nobles de Mau• rienne ; elle possédait le fief de la Choudanne et en portait le nom, comme le rappelle une inscription funéraire du XVIe siècle dont voici la traduction : « Ici repose noble seigneur Pierre Rapin de la Choudanne de Valloire, corrier et juge de cette cité et de la terre commune, entré dans la voie où va tout homme, le 8 novembre 1579 ».

Au XVIe siècle, la famille Rapin se divisa en deux branches, dont l'une passa en France, puis en Angleterre et de là en Prusse , elle a produit l'historien Paul de Rapin-Thoyras. L'autre branche restée en Maurienne compte trois de ses membres qui se convertirent au protestantisme . Michel Rapin qui dut se réfugier à Genève , Philibert Rapin qui prit part à la révolte des Réformés de Toulouse en 1562 et fut condamné à mort par le Parlement de Toulouse en 1568' enfin Antoine R;pin, qui prit part aux guerres de religion en France et fut successivement gouverneur de Montpellier en 1562 et de Montauban en 1567.

La famille Rambaud avait été anoblie par Guigues de Cluny, officiai de l'évêque Aimon de Miolans, en 1309. On trouve des nobles Rembaud d'AI- biez et des nobles Rembaud de Valloire ; mais les premiers à des dates plus anciennes, ce qui permet de supposer qu'une branche des Rembaud d'Albiez a été transplantée à Valloire pour quelque office de juge, de châtelain ou de métrai. Une charte de 1480 relate une visite a Valloire de Claude évêqie de St-Claude, remplaçant en Maurienne le Cardinal d'Estouteville à cette occa• sion, noble Jean Rambaud lui demanda la permission de bâtir sui la place publique une chapelle sous le vocable de l'Annonciation. Une branche setobiit à St-Jean où l'on trouve un noble Jean Rambaud des Chozeaux, paroisse de Valloire, fils de feu noble Humbert Rambaud Les nobles Rambaud avaient pour armoiries . « d'azur au lion couronné d'or; tenant entre ses pattes dextreet senestre un bâton noueux au naturel posé en pal ».

C'est peut-être dans la descendance de cette famille qu'il faut signa• ler Alfred Rambaud, dont le grand-père, Barthélémy Rambaud est né à Valloire le 30 avril 1764 Alfred Rambaud, professeur à la Faculté des Lettres de Paris fut ministre de l'Instruction Publique en 1879. Mem• bre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, il est l'auteur de nombreux ouvrages historiqiies.

Barthélémy Gallice naquit à Valloire le 13 juillet 1722 Son petit fils Barthélémy fut colonel du Génie, maréchal de camp dans l'armée égyptienne: Il prit part aux campagnes de la Grande Armée et à la con• quête de l'Algérie. Il était commandeur de la Légion d'honneur.

Thérèse Borgé, néà Verceil le 2 juin 1821 était petite-fille de Joachim Borgé, du hameau de la Borgé, à Valloire. Thérèse Borgé fonda à Mo• naco une nouvelle congrégation, la Sainte Famille de Monaco. Cette congrégation compte aujourd'hui 45 religieuses et à trois maisons . la maison mère à Saint-Paul-de-Vence, une maison à Monaco, une autre à Fangeaux (Aude). - 9 -

VALLOIRE EN CHIFFRES

Altitude du chef-lieu : 1 450 m

Superficie de la commune: 13 791 ha, soit 137, 91 km^

Biens communaux : 73 % de la superficie

Nombre de parcelles: 15 503

Cheptel :

Années 1759 1929 1955

Bovins 900 638 254

Ovins 2590 3265 1435

Evolution de la population :

Années 1561 1759 1848 1906 1954 1962

Population 2000 1637 1733 1072 774 851

Ménages (500) 374 380 280 160 212

En 1954, la population de 0-14 ans est de 21,2 %, les plus de 65 ans représentent 13,1 %, la population active est de 43,9% dont près de la moitié (46 %) vit encore de l'agriculture.

En 1970, Valloire a pris rang parmi les grandes stations touristiques de la Savoie, avec sa patinoire naturelle de 1200 m^ et surtout ses treize remontées mécaniques assurant un débit de 3 000 personnes/heure.

Les vingt deux hôtels de la commune offrent 1200 lits aux voyageurs et touristes, auxquels s'ajoutent les 1500 lits des chalets ou appartements meublés.

Le climat ensoleillé offre d'ailleurs un attrait supplémentaire, car le pays est au contact des Alpes du Nord et des Alpes du Sud : sur le tableau de pluviosité et de nivosité de la Maurienne de 1950 à 1960, Valloire compte 273 jours par an sans précipitations ; pour la même période, la hauteur moyenne de la neige est de 2,86 m.

L'avenir de Valloire apparaît ainsi nettement orienté vers le tou• risme. Voie de passage située entre les cols du Télégraphe et du Galibier, l'accès, agréable et facile en été, devient difficile en hiver. Mais, depuis décembre 1969, Valloire possède son altiport, situé au hameau de Bonne Nuit, dans un décor grandiose au milieu des sauvages beautés de la Maurienne.

Jean PRIEUR. - 10 -

DOCUMENTS

I

Extraits de la Charte de 1438 fixant le statut de la chatellenie de Valloire (charte du duc Louis, approuvée par son père Amédée VIII).

« ... Nous ordonnons aux officiers par Nous établis de rendre à l'évêque ou à son receveur un compte fidèle des sommes qu'ils ont reçues pendant leur administration et de tout ce qui concerne les charges qu'ils ont remplies, et Nous leur défendons de s'immiscer à l'avenir, de quelque manière que ce soit, dans les dites charges, rétractant tout ce qu'ils ont pu faire au préjudice de l'Eglise de Maurienne ;

Nous prenons les habitants, présents ou futurs, de ladite chatellenie de Valloire, sujets de l'Evêque, sous notre protection et sauvegarde spéciale, sans préjudice de la juridiction dudit Evêque et de ses successeurs, à la condition que ces habitants ou le châtelain de Valloire en leur nom paye ront, pour cette sauvegarde, chaque année, le jour de la Nativité de Notre-Seigneur, la somme de vingt-cinq livres fortes entre les mams de notre châtelain de Maurienne ,

Dans le cas où, ce qu'à Dieu ne plaise, mon père ou ses successeurs viendraient dans l'avenir à être en guerre avec un seigneur voisin de ladite chatellenie, les habitants seront tenus de défendre ladite terre contre les ennemis de mon dit seigneur et père et de l'aider dans cette défense, de la manière qu'y sont obligés les autres sujets de l'Eglise de Maurienne ;

L'Evêque de Maurienne et ses successeurs ne pourront en aucune manière céder à un autre seigneur la souveraineté de la terre de Valloire, qui demeurera toujours en l'état où elle est et où elle a été depuis notre association ;

L'Evêque de Maurienne nous expédiera des lettres ratifiant la pré• sente convention; il la fera aussi ratifier par son chapitre et par les habitants de la chatellenie de Valloire ...»

Il

Supplique des communes du mandement de Valloire à l'évêque de Maurienne en 1515.

« Révérendissime Evêque et Prince, humblement exposent leur re• quête vos sujets, les syndics, procureurs et autres habitants de votre mandement de Valloire :

Exemption générale leur avait été reconnue et libération totale, par lettres patentes - dont copie - de toutes les contributions auxquelles sont soumis les habitants de la ville de Maurienne et de la terre commune. Défense avait été faite, par Votre Révérence, au Sieur Jacques Fos- sier, alors et aujourd'hui, votre vicaire général ; et à tous les autres et à chacun, et ce sous peine d'excommunication, d'une amende de 100 livres fortes, de forcer, de quelque manière que ce soit, lesdits habitants du man• dement de Valloire à payer contribution, pour quelque motif que ce soit, avec lesdits habitants de la terre commune ;

Et cependant, en ces jours, en dépit et au mépris de vos dites lettres et défenses, ledit sieur vicaire, sous prétexte que les habitants de Valloire n'ont pas été appelés (sous les armes) au passage des soldats ennemis ; sous prétexte que la défense du Mont-Cenis a été organisée par les habitants de la Terre Commune de l'Evêché de Maurienne et les sujets de la Chatellenie de Maurienne, contre quelques lansquenets qui voulaient, à ce qu'on rapporte, franchir de force le Mont-Cenis ; sous prétexte que des dépenses ont été, à cette occasion, paraît-il, nécessaires, ledit sieur vicaire, à l'instance des syndics de la ville, a fait publier des lettres par lesquelles les habitants dudit mandement de Valloire étaient cités en personne par devant lui, pour le partage desdites dépenses et pour le payement de leur juste quote-part et portion ;

Auquel jour fixé, ont comparu en personne les habitants de Valloire et ont demandé un délai pour prouver comment ils ne peuvent être forcés à quelque contribution que ce soit et pour faire valoir leurs droits par lesquels il constera clairement qu'ils n'y peuvent être forcés, attendu que les habitants de Valloire sont tenus, eux aussi, de garder le col du Galibier, laquelle garde est pour eux une charge très lourde.

Et demandent que la cause soit évoquée, pour débats, à votre tribunal...

... Ils se déclarent prêts à accepter sans appel à la sentence portée par Votre Révérence ou par celui à qui elle aura jugé bon de remettre l'affaire, pourvu que, par ce moyen ou par un autre, ils soient à couvert contre toute vexation imméritée... »

Réponse favorable de l'Evêque en janvier 1516 :

« Louis de Gorrevod, Evêque et Prince de Maurienne et Evêque de Bourg à tous fait savoir que, après lecture de la supplique annexée à ces présentes, et après comparution devant Nous, au nom des suppliants de Noble Pierre Rapin de la Choudane, Prudents Jean Falcoz de la Tour, notaire et adjoint de Valloire, Noé Fontaine, adjoint de Montricher de la terre-chatellenie de Valloire, envoyés et procureurs de toute la communauté de susdite chatellenie, envoyés spécialement par devant Nous au nom des suppliants ;

... Nous disons et annonçons que les habitants de la susdite chatellenie, suppliants, ne sont pas, à notre jugement, et ne peuvent pas être forcés, à présent ni à l'avenir, de contribuer aux dépenses des autres habitants et sujets de la ville et de la Terre Commune de notre Evêché de Maurienne ; ... » - 12 -

III

Ordonnance de Mgr Valpergue de Masin 1736) concernant la cha• tellenie de Valloire.

« ... Et parce qu'ils se commettent beaucoup d'aggressions, larcins, batteries, rompements et embrasements de maisons, sertours et greniers et autres inconvénients et désordres tant de nuit que de jour dans la chatellenie de Valloyre, qui ne se peuvent justifier, sont faites expresses inhibitions et défenses à tous subjects, enfants de famille et ceux qui n'ont ni père ni mëre qu'ils n'ayent à fréquenter les cabarets et tavernes en quelle façon que ce soit ni marcher la nuit avec armes offensives, à peine de vingt livres fortes.

De même sont faites inhibitions et défenses aux hostes et cabare- tiers de ne retirer lesdits enfants de famille tant de nuit que de jour sinon pour cause légitime, à peine que dessus.

Pour obvier au débauchement et perdition des personnes et des biens des jeunes gens, il est défendu de n'acheter aucun bien meuble ou immeuble ni de passer aucun contrat avec des personnes qui n'ont pas vingt ans, sans l'expresse assistance de leurs tuteurs, et ce sous peine de nullité de l'acte et d'une amende de vingt livres fortes. Il est également défendu de jouer avec ces mineurs aucun or ni argent ni blé ni bien quelconque. Défense aux hôtelliers de recevoir chez eux les joueurs.

Pour l'utilité et profit du bien public, il est commandé à tous les syndics de la chatellenie qu'ils tiennent suffisamment réparés les ponts et chemins publics « et c'est dès le Rieu du Buchet et dès l'eau de Novachette de Saint-Martin-d'Arc jusqu'à l'haut du col de Galebier ». Les particuliers doivent entretenir les cheimins publics le long de leur propriété.

Est semblablement enjoint sans préjudice des privilèges ditte chatellenie à tous pêcheurs et chasseurs de ne distraire (exporter) aucune chasse ny pêche hors le ressort de ladite chatellenie sans l'avoir au préalable présenté au châtelain pour la payer raisonnablement, scavoir : pour chaque livre de truites un florin... et c'est à peine de dix livres fortes et de confiscation de la marchandise ... »

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Le gérant responsable : Palluel GUILLARD un dimanche à Valloire au début du siècle, (dessin de A. Coppier).