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α FIRENZE 1616

LE POÈME HARMONIQUE VINCENT DUMESTRE α

3 FIRENZE 1616

Sospiri d’amanti 1 Io moro (Claudio Saracini) 3'53 2 Tutto'l di piango () 6'05 3 Non ha'l ciel (Giulio Caccini) 3'50

Il Rapimento di Cefalo di Giulio Caccini

4 Sinfonia quarta (Cristofano Malvezzi) 3'13 5 Innefabile ardor (Giulio Caccini) 0'39 6 Muove si dolce (Giulio Caccini) 2'52 7 Caduca fiamma (Giulio Caccini) 2'27

L’ Dolente di Domenico Belli

8 Sinfonia, Orfeo : Numi d'Abisso 1'31 9 Sinfonia, Orfeo : Deh se fur miei lamenti 1'41 10 Plutone : Ei fu soverchio ardire 0'42 11 Orfeo : Lasso o mai 2'23 12 Calliope : O del moi cor 0'45 13 Orfeo : Ascolta O Genitrice 1'38 14 Calliope : Dell'atre Averno 1'25 15 Plutone : Ei fu soverchio ardire 0'45 16 Calliope : In darno far di mora 0'23 17 Choro : O quanto merto 1'26 18 Orfeo : Rive ombrose e selvagie 1'55 4 19 Calliope : Quel si fero dolore 1'50 20 Orfeo : Bella mia genitrice 0'49 21 Calliope : Deh verdi erbosi colli 0'38 22 Choro di pastori, Orfeo, Pastor : Non più lagrime o dolore 2'13 23 Calliope, Orfeo, Pastor : Eper té s'oscura il Cielo 2'27 24 Le tre Grazie :Qui d'Orfeo la dolce Cetra 2'34 25 Le tre Grazie : Venga omai venga sereno 0'55 26 Orfeo, Le tre Grazie : Sospiroso dolore 1'27 27 Choro di Ninfe, Le tre Grazie, Orfeo : D'amaranti e di viole 1'08 28 Una delle Grazie : Poi qu'Amor 1'38 29 Le tre Grazie : Dunque in sen d'erbosi valli 0'33 30 Tutti gli interlocutori : Son fonti e fiumi 4'43

ARNAUD MARZORATI, Orfeo ISABELLE DRUET, Calliope PHILIPPE ROCHE, Pluton CATHERINE PADAUT, première Grâce CAMILLE POUL, seconde Grâce AURORE BUCHER, troisième Grâce JAN VAN ELSACKER, un Berger

EVA GODART, cornet à bouquin MÉLANIE FLAHAUT, flûte & dulciane JOHANNES FRISCH, violon 5 ISABELLE SAINT-YVES, basse de viole LUCAS GUIMARAES, basse de viole MARTIN BAUER, violone FLORIAN CARRÉ, clavecin & orgue MASSIMO MOSCARDO, archiluth

VINCENT DUMESTRE, théorbe & direction

enregistré en septembre 2007 à Paris, chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours

prise de son, direction artistique & montage : Hugues Deschaux

Photographies : Robin Davies

Nos remerciements vont à Susanna Poddighe pour son formidable travail de coach linguistique, à Jean-François Lattarico pour les multiples recherches qu’il a effectuées ainsi que pour ses conseils philologiques, à Annick Ostertag pour son patient travail de mise en partition.

Pour contacter le Poème Harmonique : [email protected]

7 Gianlorenzo Bernini Naples 1598 – 1680 Apollon et Daphné, 1622/25 Marbre de Carrare, grandeur nature [hauteur 243 cm] Rome, Galerie Borghèse

Se d’amor l’aurato strale [Si la flèche dorée de l’amour] Pur t’incende o impiaga il petto, [Enflamme ou blesse ton coeur,] Se il suo vago il cor t’assale [Si sa beauté te saisit] Di soave almo diletto… [D’un plaisir suave et suprême…] Domenico Belli, Orfeo dolente

Piqué par le dard acéré de la flèche d’or que, vexé qu’on ait douté de son talent d’archer, Cupidon lui a lancé par vengeance, Apollon est aussitôt envahi par un désir irrépressible envers Daphné, atteinte par la pointe émoussée d’un deuxième projectile, celui-là en plomb, destiné, au contraire, à l’éloigner de son soupirant. Émule de Diane, déesse des bois, la nymphe, qui a choisi de vivre dans la virginité éternelle, pour s’adonner continûment à la chasse, se refuse obstinément à lui. Pour échapper aux avances de Phoebus qui, courant plus vite qu’elle, vient de la rattraper près des rives du Pénée, la jeune fille en est réduite à supplier son père, le dieu fleuve éponyme, de la métamorphoser et, ainsi, de soustraire son être, objet des ardeurs du fils de Jupiter, à la convoitise divine. Or voilà que, sous les yeux du Délien, la nymphe se transforme en laurier, essence 8 végétale inconnue jusque-là. Devant ce sort irrémédiable, mais néanmoins désireux de posséder Daphné, quelle qu’en soit la forme, Apollon décide de faire de l’arbre auquel elle a donné son nom, son emblème. Désormais, il se ceindra d’un rameau de laurier, lequel servira à proclamer la gloire des héros de l’armée romaine qui, honneur suprême, recevront une couronne de ses feuilles, lors de leur triomphe au Capitole1.

Bernin ne se contente pas de reproduire verbatim le récit de la Fable, il rend compte aussi du phénomène de la transmutation : ut pictura poesis, jamais l’image n’aura à ce point approché le texte. Avec un instinct artistique et poétique inédit, et une imparable habileté technique, il réussit à saisir sur le vif la course effrénée des figures, au moment précis, la fraction de seconde, où la chasseresse passe de la forme humaine à celle de plante. Un épisode plus facile à traiter en peinture qu’en ronde bosse, médium moins adapté pour enregistrer le passage du temps et le caractère fugitif des choses. Issu de la jambe gauche levée d’Apollon, le mouvement est relayé par le bras droit de Daphné, instaurant un double contrapposto avec le dextre du dieu, qui s’apparie à l’autre membre de la nymphe. La pulsation effrénée qui anime les coureurs culmine dans le frémissement des cheveux transformés en feuilles, battant au vent, dont on croit percevoir le souffle qui les soulève. Peau féminine et masculine, chevelure, vêtements, sol, frondaisons, écorce… sont rendus dans toutes les nuances de leurs textures, leurs qualités tactiles atteignant à un hyperréalisme qui dépasse la nature. On a l’impression de sentir la sueur consécutive à l’effort physique, alors que la peur gagne Daphné, dont la bouche, paralysée par l’effroi, demeure ouverte, et que la frustration qui envahit un Péan, interdit, le laisse sans voix, le regard perdu.

L’émotion est à son comble, l’expression à son paroxysme, rendue par les 9 affetti, chers aux Italiens, au moment où le recitar cantando du stile rappresentativo s’impose à eux comme une évidence2. Au point que le degré de pénétration pychologique atteint par le sculpteur réduit l’Apollon du Belvédère3 au rang de lointain modèle, et le ballet d’Atalante et Hippomène de Guido Reni4, peintre préféré de Bernin, dont les acteurs désemparés planent avec grâce de part et d’autre de l’enjeu qui les oppose, simple jeu formel. Homme de théâtre, concepteur de décors, metteur en scène… l’artiste règle la gestuelle avec la précision du chorégraphe, alors que le groupe envahit le champ du spectateur, entraîné dans une scénographie, une correspondance des arts nouvelle, où la virtuosité, la bravura, s’affirme avec éclat. Ut pictura musica, on croit entendre les trilles et les tremblements des interprètes de l’Orfeo et ressentir aussi les émotions exacerbées qu’ils expriment avec le naturel prôné par Giulio Caccini. Soutenu par le passage de la lumière fluide et sensuelle du chiaroscuro, dont les intonations exaltent la force du drame qui se joue sous nos yeux, ce tour de force semble devoir être à la seule portée du génie auquel le doit son acte de naissance. La veine moralisatrice du distique composé par le Florentin Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII, gravé sur le socle de la statue5, et destiné à couvrir la délectation esthétique, plaisir « érotique » inaccessible, en principe, à l’ecclésiastique qu’est le mécène Scipion Borghèse, cardinal de la Sainte Église, ne trompe personne. L’admonestation demeure sans effet sur l’agitation effrénée de ces divinités éperdues, à la fois réelles et surréelles, dont l’élan tragique transcende les temps de l’histoire.

© Denis Grenier Département d’histoire Université Laval, Québec http://www.hst.ulaval.ca/Profs/Dgrenier/Dgrenier.htm 10 http://www.ckrl.qc.ca/index.php?page_id=1&jourp=10&emissionid=290 [email protected] Novembre 2007

1 At, quoniam coniunx mea non potes esse / Arbor eris certe. [Eh bien, puisque tu ne peux être mon épouse / Tu seras mon arbre.], Ovide, Les Métamorphoses, 1, 555, et 452-567, pour le récit in extenso. « Laurier » se dit « daphné », en grec. 2 À cet égard, cf. dans le texte signé par Vincent Dumestre la citation liminaire de Marin Mersenne, lequel lance un véritable défi aux interprètes français s’essayant à la musique italienne. 3Cette sculpture hellénistique du IVesiècle a été découverte fin XVe. Cf. http://www.hku.hk/french/dcmScreen/lang3035/apollon_belvedere.jpeg. 4 Cf. http://www.hellenica.de/Griechenland/Mythos/Bild/AtalanteHippomenesReniGuido.jpg. 5 Quisquis amans sequitur fugitivae gaudia formae,/ Fronde manus implet, baccas seu carpit amaras. [Tel qui court après les plaisirs fugaces / s’emplit les mains de feuilles mortes, ou cueille des fruits amers.

ut pictura musica la musique est peinture, la peinture est musique 11

En 1582, Vincenzo Galilei appliquait à ses théories musicales liées à l’expression des humaines en récitant, chez le comte Bardi, le Chant XXXIII de l’Enfer de Dante soutenu par un accompagnement de violes : il inaugurait ainsi la naissance de la monodie accompagnée. En 1616, Gabriello Chiabrera, Domenico Belli et leur Orfeo Dolente refermaient en quelque sorte la page florentine de trente années de stupéfiants bouleversements musicaux. Si vouloir en donner dans ce disque une idée globale serait vain et présomptueux, figurent cependant ici trois étapes qui jalonnent l’évolution du parlar cantando. Les airs de Giulio Caccini (extraits des Nuove Musiche) et de Claudio Saracini (extrait de ses Musiche) qui furent tous deux édités en 1614 sont ainsi l’illustration des théories basées sur la déclamation intonée qu’évoquent les lettres de Girolamo Mei à Vincenzo Galilei et que reprendra dans la préface de son . Quant aux rares extraits qui nous sont parvenus du Rapimento di Cefalo, oeuvre du librettiste Gabriello Chiabrera, ils rejoignent également les principes de la recherche d’une expression mélodique à mi-chemin entre le parler « ordinaire » et un mode déclamatoire et extrêmement orné du chant. Enfin, tout à l’opposé de la noble déclamation de Giulio Caccini se situe l’Orfeo Dolente de Domenico Belli. Pourtant composé sur un livret du même poète Gabriello Chiabrera, l’Orfeo Dolente de Belli ne laisse nullement la place à la grazia et au beau chant de la sprezzatura telle que la concevaient Peri ou Caccini. C’est le monologue acerbe d’un Orfeo à jamais inconsolable et totalement sourd aux réponses des autres protagonistes ; c’est un Orfeo Dolente expérimental, dans lequel le personnage d’Euridice a totalement disparu, et dont la tonalité radicalement lugubre se refuse à l’habituel lieto fine. Ici donc, la tradition courtisane s’efface au profit d’un chant dont Domenico Belli s’empare à sa manière : alors que Caccini et Peri remplissent leur récitatif d’harmonies fondamentales (la tonique est chez eux souvent présente sur un bon tiers du récit ou du ), Belli joue de l’harmonie à la manière d’un peintre impressionniste : impossible de jamais savoir vers où se dirige sa phrase musicale et rares sont les cadences qui se résolvent telles 12 qu’on l’eût supposé ; jamais les dissonances ne sont préparées, et son sens de la mélodie, inhabituellement disjointe, dilatée par les chromatismes est pour le moins étonnant : on comprend le désarroi des chanteurs de son temps qui rechignaient à chanter sa musique, la trouvant «difficile et inchantable» selon les propres mots de Belli dans sa lettre du 11 juin 1616 à Ferdinand Gonzague, Duc de Mantoue. Choix d’un musicien d’avant-garde parmi l’avant- garde florentine ? D’un compositeur libre et indépendant qui, comme un Gesualdo, n’aurait eu de compte à rendre à personne ? Fantaisies d’un noble amateur - comme il en existait - dont les gaucheries peuvent aujourd’hui nous apparaître comme de véritables joyaux ? En attendant que la musicologie nous apporte plus d’éléments historiques sur l’homme et le compositeur, on ne peut nier le caractère extrêmement personnel, unique, de son style - d’autant moins qu’il se reconnaît à la fois dans ses madrigaux à voix seule, dans son œuvre opératique et dans sa musique sacrée (un Officium defunctorum) - tous édités en 1616. Après cette date, les palais florentins résonnent encore de quelques belles favola in musica (La Liberazione di Ruggiero de , la Dafne de Gagliano) mais force est de constater que le centre des innovations musicales se déplace progressivement vers Rome avec le théâtre sacré des Mazzochi, des Landi et des Rossi pour que ne citer qu’eux, et à Venise pour la grande aventure des Manelli, Cavalli et Monteverdi de l’opéra populaire vénitien : le temps de la musique expérimentale florentine est alors bien terminé.

Vincent Dumestre 13

Florence 1616 Un laboratoire musical

L’ émergence du théâtre musical à Florence à la fin du XVIe siècle coïncida avec la réactualisation d’un mythe, un peu plus d’un siècle après la fable du Politien à la fin du XVe siècle qui marqua l’acte de naissance du théâtre profane italien : celui d’Orphée. Les recherches et les expérimentations de la Camerata Bardi, qui souhaitaient un retour à l’idéal de la tragédie grecque jadis entremêlée de parties chantées, avaient mis l’accent sur le rapport étroit qui devait unir musique et poésie. Cette union est l’une des pierres de touche du Livre du Courtisan de Castiglione, véritable manifeste de l’humanisme florentin, qui célébrait l’union des arts dans le but revendiqué de faire triompher, par le biais de l’artifice, l’expressivité. Toutefois, le caractère proprement inouï de cette forme musicale (le fait de pouvoir recitar cantando, « parler ou déclamer en chantant »), justifiait que les protagonistes choisis appartinssent à un univers mythologique, et n’eussent par conséquent aucun lien avec une quelconque réalité historique ou contemporaine. Il n’était donc pas étonnant que ce lien privilégié entre deux langages fût précisément incarné par celui qui symbolisait cette union, à savoir Orphée, à la fois poète et musicien, fils d’un Dieu et d’une mortelle. Parallèlement, il faut rappeler que l’organisation de la vie musicale à la cour de Florence répondait à un certain nombre de contraintes que notre regard déformé par quatre siècles d’histoire a tendance à oublier. Si l’Euridice est considéré comme le premier drame intégralement chanté à nous être parvenu, il ne constituait en réalité qu’un moment, parmi tant d’autres, dans la longue série d’événements festifs qui honoraient les noces royales de Henri IV et Marie de Médicis en ce jour d’octobre 1600. Banquets, bals, comédies, naumachies, courses 14 de chevaux, les festivités ont duré plus d’une semaine, consignées sur le papier par le fils de Michel-Ange qui nous a laissé un compte-rendu très précis de ces noces et de leur apparat spectaculaire1. En d’autres termes, le drame musical des origines n’avait aucune autonomie artistique, il n’était qu’un maillon d’une longue chaîne allégorique destinée à glorifier les vertus des souverains. du grand poète génois Gabriello Chiabrera et de Giulio Caccini (mais d’autres compositeurs ont apporté leurs contributions) constitue un autre élément, un autre « maillon » de ce « spettacolo veramente da principe », selon la célèbre expression de Marco da Gagliano, qui fut représenté trois jours après l’Euridice, le 9 octobre au théâtre médicéen des Offices devant près de quatre mille personnes2. Contrairement aux autres partitions princières, la musique de cette pastorale ne fut malheureusement pas publiée, mis à part le chœur final et le monologue de Titon qui ouvre le second acte (« Chi mi confort’haimè »), que Caccini inclut dans son recueil des Nuove Musiche, véritable manifeste de cette nouvelle pratique musicale fondée sur la rhétorique des « affetti ». Le recueil nous informe sur les interprètes qui officiaient ce soir-là : ainsi le chœur, repris cycliquement entre les parties monodiques (« Ineffabil ardore »), d’une puissante expressivité, était interprété par « settantacinque persone in mezza Luna » (« soixante-quinze personnes en demi-cercle »), la première intercalaire (« Muove si dolce e si soave ») fut chantée par Melchior Palontrotti, nous précise-t-on, « con i propri passaggi », ce qui montre que la part d’improvisation dans le chant orné était de rigueur. La seconde (« Caduca fiamma ») fut en revanche interprétée par Jacopo Peri en personne, « secondo il suo stile ». Les autres pièces donnent un aperçu assez fidèle des techniques vocales préconisées par le maître florentin, comme le pathétisme endolori et « passaggiato »de « Tutto il dì piango », superbe madrigal sur un sonnet de Pétrarque, le seul mis en musique par Caccini, qui fait écho au rythme ternaire et enjoué de « Non ha Ciel cotanti lumi », véritable 15 diamant brut de ces Nuove musiche, qui ouvrait à la musique occidentale un horizon semble-t-il plus serein que celui d’Orphée. Plus serein aussi que l’œuvre de Claudio Saracini (1586-1649 ?), compositeur audacieux, dans la veine d’un Gesualdo ou d’un Sigismondo d’India, et l’un des maîtres de la monodie florentine. Auteur de six livres de madrigaux, publiés entre 1614 et 1624, Saracini adopte un style qui se caractérise par un langage harmonique chromatique et dissonant qu’illustre assez bien le « Ch’io moro », tiré du premier livre. Les textes, comme celui-ci, sont brefs, six, sept vers, plus courts par conséquent qu’un sonnet, ce qui induit une attention particulière à la parole poétique, en particulier à travers les ornements expressifs qui jalonnent le discours déclamatoire. Une déclamation qui fait du chant de Saracini, comme de celui de nombreux autres « monodistes » florentins, l’idéale synthèse du récit austère et des formes closes de l’aria strophique.

Après les deux Euridice de Peri et Caccini en 1600, qui inaugurent le genre opératique dans un cadre aristocratique et élitiste, après l’Orfeo montéverdien de 1607, une quatrième illustration musicale du mythe a lieu de nouveau à Florence à l’occasion du Carnaval de 1615. L’Orfeo dolente, sur un texte du même Chiabrera et une musique de Domenico Belli, est donné pour une représentation de l’Aminta du Tasse au Palais Scala della Gherardesca. Il s’agit en effet d’intermèdes, dans la pure tradition des spectacles de cour de la fin du XVIe siècle (on pense surtout aux intermèdes de la Pellegrina durant les fêtes de 1589 joués entre les actes de cette pièce bien oubliée aujourd’hui de Scipione Bargaglia). Une pratique musicale qui perdurera pendant le premier tiers du Seicento, puisque Monteverdi en composera, notamment pour la Cour de Parme en 1628, qui plus est pour la même fable pastorale du Tasse. Si le phénomène est comparable, le génie et la célébrité du Tasse ont malheureusement éclipsé la musique de Belli, d’une 16 modernité pourtant stupéfiante, déconcertante parfois, toujours attentive en tout cas au poids des mots et aux « affetti » qu’ils véhiculent. En ce sens, il est un parfait représentant de la monodie florentine issue des débats du cénacle Bardi, un maître d’autant plus représentatif qu’il ne semble pas avoir quitté Florence de sa vie. Les documents sont malheureusement bien avares sur la biographie de ce compositeur, comme pour beaucoup d’artistes du XVIIe siècle. Giuseppe Ottavio Pitoni, auteur d’une monumentale Notitia de’ contrapuntisti e compositori di musica rédigée au début du XVIIIe siècle, (qui donne des renseignements sur tous les compositeurs occidentaux depuis l’an Mille jusqu’à la fin du XVIIe siècle), ne lui consacre que deux lignes, citant toutefois sa musique d’Orphée : « Compositore di camera, secondo riferisce l’Indice del Vincenti, nel quale porta musiche e l’Orfeo dolente » (« Compositeur de chambre, comme le signale l’Index de Vincenti, qui y rapporte des musiques variées et l’Orfeo dolente »)3 . Si l’on ignore sa date de naissance, il est sans doute mort vers 1627 après avoir rempli les fonctions de maître de chapelle à San Lorenzo et servi à la Cour de Côme II de Médicis qui l’appela en 1616. Il participa aux grands spectacles de la Cour qui ponctuèrent les vingt premières années du siècle, avec notamment une « Fable maritime » sur Andromède, malheureusement perdue, mais qui suscita l’admiration de Giulio Caccini (lettre du 10 mars 1618). Trois œuvres seulement ont survécu, toutes publiées en 1616, un Requiem (Officium defunctorum), un recueil d’airs monodiques sur des poèmes de Marino, Pétrarque ou Guarini (Primo libro delle arie) et cet Orfeo dolente présenté sous la forme de cinq intermèdes. Contrairement aux deux opéras précédents, que le poète Chiabrera connaissait pour avoir assisté aux représentations à Florence et à Mantoue, 17 l’Orfeo dolente évacue complètement le personnage d’ (toujours très peu mis en valeur, il faut le souligner, dans la plupart des adaptations du mythe). Il donne en revanche la part belle à sa mère, Calliope, généralement occultée et absente des deux précédentes versions, et qui peut, dans la version Chiabrera- Belli, jouer le rôle qu’a Vénus chez Rinuccini-Peri, ou l’Espérance chez Striggio- Monteverdi (« Indarno è far dimora, / L’inferno è sordo e cieco » ; « Il est inutile de s’y attarder, / L’Enfer est sourd et aveugle », déclame-t-elle à la fin du Deuxième Intermède). L’épisode théâtralement efficace de la mort d’Eurydice est ainsi absent de la partition qui débute par le retour d’Orphée aux portes d’Averne. Solution inédite : aucune version ne présente retour du héros aux portes de l’Enfer, s’acharnant à récupérer une Eurydice définitivement perdue. L’inutilité de sa démarche plonge Orphée dans le désespoir le plus complet et, pour l’essentiel – le titre éclaire la dramaturgie de l’œuvre – il s’agit d’une longue plainte du héros de Thrace, qui se fait ici l’écho des célèbres lamenti qui ont inauguré la tradition florentine, depuis la plainte perdue que Vincenzo Galilei composa, autour d’un ensemble de violes, sur le chant d’Ugolin, tiré du dernier chant de l’Enfer de Dante en 1582, jusqu’à celle d’Ariane de Monteverdi représentée en 1608. Il n’est pas inutile de préciser qu’une première version de l’œuvre fut composée quelques mois seulement après la première de la célèbre Arianna sous le titre de Il pianto d’Orfeo, et on peut penser que, du moins du point de vue littéraire (car on ignore si cette première version fut également composée par Belli), Chiabrera a tiré les leçons de cette influence. Des traces éloquentes sont d’ailleurs visibles dans l’Orfeo dolente, qui reprend plusieurs fois des schémas syntaxiques présents chez Striggio/Monteverdi et même chez Rinuccini/Peri. Ainsi le « Ecco ch’a voi ritorno » du premier (début du Premier Intermède) répond au « Ecco pur ch’a voi ritorno » du second (début de l’Acte II), tandis que « Rive ombrose e selvagge, / Deserte orride piagge » de Chiabrera (début du Troisième Intermède) 18 fait écho au « Funeste piagge, ombrosi orridi campi » de Rinuccini (Scène 4 de l’Euridice), et les exemples sont bien sûr très nombreux. Musicalement on relèvera la brève ritournelle instrumentale par laquelle débute l’œuvre et qui est tout entière construite sur un tétracorde descendant, schéma musical promis à un brillant avenir, notamment dans l’opéra vénitien, pour accompagner la forme spécifique du lamento. Le chant d’Orphée est âpre et tourmenté, contrebalancé par les admonestations de Pluton et les mises en garde de Calliope. L’association de chromatismes et de dissonances en rend le chant à la fois particulièrement expressif et redoutablement exigeant pour l’interprète qui doit littéralement incarner le personnage pour le représenter, selon les canons esthétiques de l’époque, c’est-à-dire le rendre présent sur scène. Mais par rapport à la première version de 1608, bien plus radicale, puisqu’elle s’achevait sur un long monologue d’Orphée s’éloignant vers son pathétique destin de solitude, la version de Belli est plus riche en chœurs (et en cela plus conforme aux pratiques florentines des Intermèdes) qui reposaient généralement sur un mètre poétique différent et en conséquence sur une « intonazione » (mise en musique) plus variée. C’est ainsi que le chœur des Grâces, dans le Quatrième Intermède, pourrait apporter une note d’optimisme dans leur supplique au héros à reprendre goût à la vie, et rappelle l’allégresse du premier acte de l’Orfeo montéverdien. Le Cinquième Intermède est d’ailleurs tout entier dévolu aux Grâces qui achève l’œuvre dans une tonalité festive. Toutefois, celle-ci ne peut faire oublier l’écho du chant pathétique d’Orphée, sublimé par la musique incandescente et sans concession de Belli. À Florence en 1616, la musique a atteint, grâce à ce compositeur, un point de non-retour. Dans les années à venir, l’asservissement à la parole poétique allait cesser d’être une contrainte absolue. Pour fuir le « tedio » (ennui) d’un récitatif jugé peu hédoniste, la vocalità et ses délices allaient bientôt triompher, et le recitar cantando, fabuleuse création de ce Seicento si prolifique en 19 inventions, laisser la place à un cantar recitando, certes plus flatteur pour les sens, mais infiniment moins riche en émotions, une richesse que seule pouvait permettre, dans l’idéologie et l’esthétique du premier baroque, la subtile et fraternelle alliance du logos et du pathos, de l’intellect et du sentiment.

Jean-François Lattarico

1 Descrizione / delle felicissime / Nozze / Della Cristianissima Maestà di Madama Maria / Medici regina di Francia e di Navarra. / Di Michelagnolo Buonarroti. / In Firenze / Appresso Giorgio Marescotti. 1600 / Con licenza de’ Superiori, p. 46. 2 Le compositeur l’emploie dans la préface de sa Dafne, représentée à Florence en 1608. 3 Outre les intermèdes pour l’Aminta, Monteverdi avait composé le tournoi Mercurio e Marte, partitions aujourd’hui perdues. 20 1 Io moro ecco ch'io moro Bella nemica mia t'offesi assai Levar tropp'alt'i miei pensieri osai. Perdon ti chieggio e in pegno Bramo di pace un segno. In questa estrema mia dura partita Non vo senza il tuo bacio uscir di vita.

2 Tutto 'l dí piango; e poi la notte, quando prendon riposo i miseri mortali, trovomi in pianto e raddoppiansi i mali: cosí spendo 'l mio tempo lagrimando.

In tristo umor vo li occhi consumando, e 'l cor in doglia; e son fra gli animali l'ultimo sí, che li amorosi strali mi tengon ad ogni or di pace in bando.

Lasso!, che pur da l'un a l'altro sole, e da l'una ombra a l'altra, ho già 'l più corso di questa morte che si chiama vita.

Più l'altrui fallo che 'l mi' mal mi dole; ché Pietà viva e 'l mio fido soccorso vedem' arder nel foco, e non m'aita.

Francesco Petrarca

3 Non ha'l Ciel cotanti lumi Tante still'e mari, e fiumi Non l'April cigli, e viole Tanti raggi non hà il sole Quant'ha doglie e pen'ogni ora Cor gentil che s'innamora. 21

Je meurs, voilà que je meurs I die, now I die. Ma belle ennemie : je t'ai beaucoup offensé. My fair enemy, I have greatly offended you J'ai osé élever trop haut mes pensées, I have dared to raise my thoughts too high. Je te demande pardon et en retour I beg your forgiveness and in return Je désire un signe de paix. I desire a sign of peace. Dans cet ultime et cruel départ, In this my last, cruel departure, Je ne veux, sans un baiser de toi, quitter la vie I do not wish to leave this life without your kiss.

Le jour entier je pleure ; et puis la nuit, alors que All day I weep, and at night, les malheureux mortels jouissent du repos, when poor mortals rest, je me retrouve en pleurs, et mes maux sont redoublés ; I find myself in tears and my pains increase: ainsi je passe mon temps parmi les larmes. thus I spend my time weeping.

De profonde tristesse je consume mes yeux, My eyes are consumed by sadness et mon cœur en douleurs ; je suis des animaux and my heart by sorrow, and I am le dernier, car les flèches de l'amour of all living creatures the last, me maintiennent toujours banni de toute paix. for Love's darts keep me ever from peace.

Hélas, car cependant d'un soleil à l'autre Alas, between one sun and another, ou d'une ombre à l'autre, j'ai déjà parcouru one shadow and another, I have spent une partie de cette mort que l'on appelle la vie. most of this death that we call life.

Plus de la faute d'autrui que de mon mal je souffre, The other's fault pains me more than my grief, car la Pitié vivante, mon fidèle réconfort, for Pity, my only loyal aid, me voit brûler au feu, et point ne m'aide. sees me burning in the flames and assists me not.

Le ciel n'a pas autant d'étoiles, The sky has not as many stars, La mer et les fleuves autant de gouttes d'eau, Nor the sea and rivers as many droplets, Et avril autant de lys et de violettes, Nor April as many lilies and violets, Le soleil autant de rayons, Nor the sun as many rays Que ce noble coeur amoureux As a noble and loving heart N'a de douleurs et de peines infinies. Has suffering and pain. 22 Pennar lungo, e gioir corto, Morir' vivo, e viver' morto, Spem' incerta, e van desire, Mercè poca à gran languire, Falsi risi e veri pianti, E la vita degli amanti.

Neve al sol, e nebbia al vento E d'Amor' gioia, e contento. Degli affani, e delle pene Ahi che'l fin già mai non viene. Giel di morte estingue ardore Ch'in un alma accende Amore.

Ben soll'io che'l morir' solo Può dar fine al moi gran duolo, Ne di voi già mi dogl'io. Del mio stato acerbo, e rio Solo Amor tiranno accuso Occhi belli, e voi ne scuso.

5 Ineffabile ardore Ch'a gli' alberghi del ciel richiama'il core

6 Muove si dolce e si soave guerra Lusingando i pensier beltà mortale Ch'a volo un cor non spiegheria mai l'ale Per sollevarsi peregrin da terra Se non scendesse a risvegliarlo Amore.

7 Caduca fiamma di leggiadri sguardi Ci da per morte dilettoso assalto Ma verace beltà regna nell'alto Indi arma l'arco, et indi avventa i dardi Che'l cor piagato han di bear valore 23 Longues souffrances et joies trop brèves, Long suffering and short-lived joy, Mourir vivant et vivre mort, Dying yet living and living yet dying, Espoir incertain et vain désir, Uncertain hope and vain desire, Faible pitié à tant d'affliction Little mercy and much sorrow, Rires trompeurs et pleurs véritables, False laughter and real tears: Telle est la vie des amants. Those are the lover's lot.

Neige au soleil et brume au vent, Snow in the sun and mist in the wind C'est la joie et la plénitude d'amour. Such are love's joys and pleasures. Des tourments et des peines, There is no end, alas, Ah, que jamais la fin ne vienne. Of suffering and pain. Le froid de la mort éteint l'ardeur The chill of death extinguishes the fire Qu'Amour embrase dans un coeur. That Love kindles in the heart.

Je sais bien que seule la mort I know well that only death Peut mettre fin à ma grande douleur, Can end my great suffering. Pourtant je ne me plains guère de vous. But I blame you not De mon sort féroce et cruel, For my sad and sorry state: Je n'accuse que le tyran Amour, It is tyrannical Love that I accuse, Beaux yeux, et je vous en excuse. O my beauty, and you I forgive!

Ardeur ineffable Ineffable ardency qui attire le cœur vers les hauteurs célestes That draws the heart towards celestial heights.

La beauté mortelle, en flattant les pensées, Mortal beauty, in flattering the thoughts, provoque une guerre si douce et si suave Causes such a sweet and gentle war qu'un cœur ne déploierait jamais ses ailes That a heart would never unfold its wings pour quitter d'un envol cette terre, To rise up like a falcon from this earth si l'Amour ne descendait pour le réveiller If Love did not descend to awaken it.

La flamme caduque des regards charmants The fragile flame of charming glances Nous donne un assaut mortel et délicieux, Strikes us mortally, delectably, Mais une vraie beauté règne là-haut But a true beauty reigns on high, D'où elle arme son arc et lance ses traits Whence she arms her bow and shoots arrows Qui donneront courage au cœur blessé To give courage to the wounded heart. 24 Domenico Belli Orfeo Dolente Favola in musica

8 Orfeo Numi d'abisso, numi Dell'infernal soggiorno, Ecco ch'a voi ritorno Con lagrimosi fiumi. È ver ch'a vostra legge Io poco intento attesi, Io follemente errai : Ma non vi vilipesi ; Fu sol che troppo amai.

9 Orfeo Deh, se fûr miei lamenti Da voi pur dianzi uditi Oggi non sien scherniti Che li fò sì dolenti. Su'l tanto acerbo Di mia cruda ventura, Numi, deh, ripensate, E di mia vita oscura Costringavi pietate.

10 Plutone Ei fu soverchio ardire Scender la prima volta A porger preghi al tenebroso inferno, Che giammai non gli ascolta. Ed or che debbo dir ch'i gran divieti, Fûr da te prensi a scherno. Pàrtiti omai : con punta di diamanti Sono scolpiti in selce i miei decreti. 25

Orphée Dieux des abîmes, dieux Gods of the abysses, gods Du royaume des Enfers, Of the infernal region, Voici que je viens à vous Behold, I return to you Par des fleuves de larmes ; Weeping rivers of tears; Il est vrai que je fus peu For your laws, I admit, Respectueux de votre loi, I showed but little respect, Et me suis follement trompé, And foolishly I erred, Mais je ne vous ai pas offensé ; But to offend you was not my intention: J'ai seulement trop aimé. My only fault was in loving too much.

Et si mes plaintes furent I beg you, if you heard Entendues devant vous, My pleas then, Elles ne doivent pas aujourd'hui être bafouées, Do not reject them now, Car je les rendrai plus dolentes For in the great bitterness Sur le ton si acerbe Of my cruel misfortune De mon cruel malheur : They will be even more plaintive. Dieux, hélas, réfléchissez. Gods, reconsider, Et ayez pitié I beg you, and have pity De ma sombre vie. On my cheerless life.

Pluton C'est une bien grande audace It was temerity to descend De descendre la première fois The first time into the darkness of Hell, Dans les ténèbres de l'enfer et d'y faire des prières With pleas that I shall never heed. Que je n'écouterai jamais. But what am I to say now A présent que dois-je dire, alors que tu as That you have transgressed Transgressé le grand interdit ? Our laws a second time? Go now. Pars désormais ; mes décrets sont sculptés With a diamond's point are they Dans le roc dans une pointe de diamant. Engraved upon the hard stone. 26 11 Orfeo Lasso! Omai che vedrò Cosi lungi da voi, bellezze amate ? Che vedrò, che farò ? Indarno Febo il suo bell'oro eterno E Cintia mi disvela il puro argento Che io lontano da voi nulla non scerno E muove indarno lusinghevol vento, E tra bell'erbe di chiare onde il suono, Ch'io lontano da voi nulla non sento Oimè, dell'esser mio poco ragione Ch'io lontano da voi nulla non sono.

Secondo Orfeo, Calliope, Plutone.

12 Calliope O del mio cor diletto Figlio, ond'è ch'io ti miri Cosi mesto e dolente E carco di martiri Perche stanchi la cetra E con lunghi sospiri Disfogh'il duol interno Presso le porte del temuto inferno.

13 Orfeo Ascolta o genitrice, Ascolt'e piangi poi L'aspra ventura del figlio infelice. Io godea la bellezza Amata oltra misura Della cara Euridice Et ella in sul fiorire Punta da picciol angue Si condusse al morire. E io più di lei morto Corsi dentro gli abissi, 27 Orphée Orpheus Hélas ! que verrai-je désormais ? So far away from you, beauties that I loved, Si loin de vous beautés adorées, Alas, what now have I to contemplate? Que verrai-je ? Que deviendrai-je ? Alas, what is to become of me? C'est en vain qu'Apollon me révèle In vain Phoebus shows me his fine, Son bel or éternel et Diane son pur argent ; Eternal gold, and Cynthia her pure silver, Car loin de vous, je ne vois rien : For far away from you I see nothing. C'est en vain que le vent agréable bruisse In vain the pleasant breezes murmur Et que le son d'une onde limpide résonne dans les prés ; And clear waters babble through the mead, Car loin de vous je n'entends rien ; For far away from you I hear nothing. Hélas, je n'ai plus toute ma raison : Alas, I am almost out of my senses, Car loin de vous je ne suis rien. For far away from you I am nothing.

Deuxième intermède Second Intermedio Orphée, Calliope, Pluton. Orpheus, Calliope, Pluto.

Calliope Calliope O mon coeur, o mon fils O my son, my heart's delight, Adoré, pourquoi te vois-je Why do I see you Aussi triste, dolent So sad and grieving, Et si plein de douleur ? So downcast and depressed? Pourquoi fais-tu taire ta lyre, Why is your lyre unplayed? Et par de longs soupirs And why do you heave Exprimes-tu ton malheur Such great sighs of unhappiness Près des portes de l'Enfer redouté ? Beside the gates of awesome Hell?

Orphée Orpheus Ecoute, mère, Listen, mother, and I will tell you. Ecoute et pleure ensuite l'âpre aventure Listen, then weep for the cruel fate De ton malheureux enfant. Of your unhappy son. Je jouissais outre mesure I loved too much De la beauté adorée The fair beauty De ma chère Eurydice ; Of my dear Euridice, Et elle dans la fleur de l'âge And she died Piquée par un petit serpent In the flower of youth, Trouva le chemin de la mort. Bitten by a viper. Et moi plus mort qu'elle And I, more dead than she, ran after her J'ai couru dans les abîmes en demandant Into the depths of Hell, and asked 28 E impetrai da chi colà corregge Il mio dolce conforto. Ma con sì fatta legge Che mentre colà giù moveva i passi Io non la riguardassi.

14 Proserpina Dell'atro Averno Rettor supremo e dell'orribil Dite, E voi ch'al cenno suo pronti ubbidite Spirti d'inferno, Udite un amator ch'a voi dolente Chiede pietà, E che senza Euridice ond'era ardente Viver non sà. Per tôrlo al duolo Non fan mestieri inusitati ingegni, Nè s'ha da guerreggiar con fieri sdegni Su l'alto polo : Sol che di vostra reggia apra le porte Chi le serrò, Tornerassene a lui la sua consorte Che tant'amò.

15 Plutone Ei fu soverchio ardire Scender la prima volta A porger preghi al tenebroso inferno, Che giammai non gli ascolta. Ed or che debbo dir ch'i gran divieti, Fûr da te presi a scherno ? Pàrtiti omai : con punta di diamanti Sono scolpiti in selce i miei decreti.

16 Calliope Indarno è far dimora L'inferno è sordo e cieco; Lascia diletto figlio il crudo speco. 29 Au maître des lieux The lord of that place to return to me Mon doux réconfort. She who was my sweet comfort. Mais la loi était telle But the condition was Que tandis qu'elle marchait dans les enfers, That as long as she walked in Hell Je ne devais pas la regarder. I was not to look back at her.

Proserpine Proserpine Recteur suprême Supreme ruler of dark Averna Du sombre Averne et de l'horrible Dis, And of horrible Dis, Et vous, esprits de l'Enfer, qui obéissez And you, spirits of Hell, Aussitôt à son geste, Who hasten to do his bidding, Ecoutez un amoureux plaintif Hear a plaintive lover Qui vous demande pitié, Who seeks your pity, Et qui sans Eurydice pour qui il brûlait d'amour, For without Eurydice, whom he loved Ne saurait vivre. With such passion, he cannot live. Pour l'arracher à sa douleur, It demands no great ingenuity Point n'est besoin d'être fort ingénieux, To save him from his grief, Et il ne faut pas combattre avec rage Nor do you have to engage Sur les hauteurs du pôle : In a fierce battle in the highest spheres. Il suffit qu'ouvre les portes de votre royaume Whoever closed the gates of your Celui qui les ferma, Kingdom has only to open them, Ainsi son épouse qu'il aima tant So that his wife, whom he so loved, Reviendra vers lui. May return to him.

Pluton Pluto C'est une bien grande audace It was temerity to descend De descendre la première fois The first time into the darkness of Hell, Dans les ténèbres de l'Enfer et d'y faire des prières With pleas that I shall never heed. Que je n'écouterai jamais. But what am I to say now A présent que dois-je dire, alors que tu as That you have transgressed Transgressé le grand interdit ? Our laws a second time? Go now. Pars désormais : mes décrets sont sculptés With a diamond's point are they Dans le roc dans une pointe de diamant. Engraved upon the hard stone.

Calliope Calliope Il est inutile de rester, It is no use staying here, L'enfer est sourd et aveugle ; For Hell is deaf and blind; Quitte, mon cher fils, cet abîme cruel. Leave this cruel cavern, my dear son. 30

Coro dei pastori Non più lagrime o dolore Turb'il cor di tanto Iddeo, Sol gioisca ardente il core D'altro bel, gloria d'Orfeo.

O dia intanto il cielo il segnio Della gioia e del diletto Che n'ingombra il cor nel petto Esaltando eroe sì degno.

Terzio Intermedo Orfeo, Calliope, & Choro di pastori.

Ritornelleo sonato con la Lira da Orfeo, e replicato a ciascuna stanza.

Orfeo Rive ombrose e selvaggie Deserte orride piaggie, Solinghi alpestri monti, E voi, torbidi fonti, Rupi, non giammai liete, Or per sempre accogliete Nel caso infausto e reo Il sì dolente Orfeo.

Bella per cui felice Vissi un tempo, Euridice Benchè mesta dimori giù nei profondi orrori Non per tanto è men dura Di me la tua ventura, Se quassù di te privo, Miseramente io vivo. 31

Chœur de bergers Chorus of Shepherds Qu'aucune larme ou douleur Let no tear or sorrow Ne trouble le coeur d'un tel Dieu, Trouble the heart of such a God; Que son coeur se réjouisse avec ardeur Let Orpheus's heart ardently delight D'une autre beauté, gloire d'Orphée. In another beauty, as befits his glory.

Et que le Ciel donne entre-temps signe And meanwhile let Heaven give proof De la joie et du plaisir Of the joy and the pleasure Qui comblent notre coeur That fill our hearts En exaltant un héros aussi digne. In praising so worthy a hero.

Troisième intermède Third Intermedio Orphée, Calliope & Chœur des Bergers. Orpheus, Calliope, Chorus of Shepherds.

Ritornello played on Orpheus's lyre, and repeated with each stanza.

Orphée Orpheus Rives ombragées et sauvages, Wild, gloomy riverbanks, Horribles rivages déserts, Horrible, deserted shores, Montagnes solitaires, High, lonely mountains, Et vous troubles rivières, And you, muddy brooks, Rochers jamais souriants, You, dismal rocks, A présent accueillez pour toujours, In this cruel and fatal moment, Dans cet instant funeste et cruel Welcome most plaintive Le si plaintif Orphée. Orpheus now and for ever.

Belle Eurydice pour qui O fair Eurydice, for whom J'ai vécu un temps heureux,, I lived for a while in happiness, Bien que tu demeures triste Down there in the dreadful Là bas dans les horreurs profondes, Depths you remain sad, Ton épreuve n'est pas pour autant But for me, here, deprived Moins dure pour moi, Of your presence, your fate Si là haut privé de ta présence, Is still hard to bear: Je vis misérablement. I live in misery. 32 Calliope Quel sì fero dolore, Quell'angosciosa pena Che sì ti strugge il core, Dolce mio figlio, consolando affrena, Ch'omai per te non è pietà là dentro Nel tenebroso centro.

S'hai pur lieto desire Goder di bel sembiante Felicissimo amante A che tanto martire ? Che non ha tante il prato erbette e fiori Quante ardon Ninfe de tuoi dolci ardori.

Se tu Euridice brami Già ti vieta l'inferno Che più il suo bel non ami ; Nè che sospiri eterno Vuole Amor, ma che speri D'altri bei lumi amati sguardi alteri.

Orfeo Bella mia genetrice, D'altra beltà, d'altro amor non mi lice Mirar lampi sereni, Ma sol di doglia pieni, Lasso ! guidar i mesi, i giorni e l'ore In estremo dolore.

Calliope Deh, verdi erbosi colli, Fior leggiadretti e molli, Voi cristallini umori, E selvaggi pastori, Fuor, fuor d'ombroso spero Venite or mesti e lacrimate meco. 33 Calliope Calliope Cette douleur si fière, My dear son, hold back Cette peine angoissante This terrible grief, Qui te déchire tant le coeur, This painful distress Mon cher fils, réprime-la et console-toi, That gnaws at your heart, Car tu ne peux trouver la pitié For there is no pity for you Là dans ces entrailles de ténèbres. Here in these dark depths.

Si tu éprouves l'heureux désir But why, when you have only to feel De jouir d'un si beau visage, The joyous desire to delight in a fair face, O très heureux amant, O most happy lover, do you suffer so? Pourquoi un tel martyre ? For there are more nymphs burning Car les champs n'ont pas autant de fleurs et d'herbes With love for you than there are Que les nymphes ne brûlent de tes douces ardeurs. Flowers and grasses in the meadow.

Si tu adores Eurydice, Although you long for Eurydice, L'Enfer t'interdit désormais Hell now forbids you D'aimer sa beauté ; To love her beauty any longer; Et Amour ne veut pas que tu soupires Nor does Love want you to sigh Éternellement, mais que tu espères For ever, but to hope for proud glances Des regards altiers d'autres beaux yeux adorés. From other beautiful eyes that you love.

Orphée Orpheus Mère si belle, Most comely mother, Il ne m'est pas permis d'admirer les yeux I am not permitted to admire the serene Sereins d'une autre beauté, d'un autre amour, Eyes of another love, another beauty, Mais seulement, plein d'affliction, But only, alas, to spend the months, Hélas !, de passer les mois, les jours et les heures The days and the hours full of grief, Dans une douleur extrême. In extreme suffering.

Calliope Calliope Ah, vertes et riantes collines, Ah, lush, green hills, Fleurs ravissantes et délicates, Delightful, delicate flowers, Et vous ondes cristallines, And you, crystal-clear springs Sauvages bergers, And rustic shepherds, Sortez de cette sombre grotte, Emerge from that dark cavern Venez, avec votre tristesse, pleurer avec moi. And in your sadness weep with me. 34 Orfeo Quanti ha fior' Gnido e Citero Vaghe rose pellegrine, Li torran dal bel sentiero Di sue luci alme e divine.

Un pastor Già di sua Diva beltade Di mirar non è pietade.

Calliope E per te s'oscura il Cielo

Orfeo Languirò d'amato zelo

Un pastore Se d'amor l'aurato strale Pur t'incende o impiaga il petto, Se il suo vago il cor t'assale Di soave almo diletto, Ah, ti vedo in dolce foco Liquefarti a poco a poco.

Orfeo Non sia mai ch'io mi distrugga Ch'ora Amor negletto fugga.

Calliope O d'Amor belta gradita Qual per me miser' or langue ; O per me crudel ferita O mortifer' rigido angue.

Un pastore Frena omai, deh, frena intanto De begli occhi il largo pianto Che fia tempo che rimiri 35 Orphée Orpheus Tout ce que Gnide et Cythère a de fleurs, All the flowers of Cythera and Gnidus De belles roses singulières And all their strange and beautiful roses, Les retireront du beau sentier Will keep her divine De ses yeux nobles et divins. And noble eyes from weeping.

Un berger du chœur A shepherd Déjà il n'a plus la permission Henceforth he is not allowed to admire D'admirer la beauté de sa déesse. The beauty of the one he worshipped.

Calliope Calliope Et pour toi le ciel s'obscurcit. And for you the Heavens darken.

Orphée Orpheus Je languirai d'un zèle amoureux. With loving devotion, I shall grieve.

Un berger du chœur A shepherd Si la flèche dorée de l'amour If Love's golden arrow wounds Enflamme ou blesse ton coeur, Your breast or therein kindles a flame, Si sa beauté te saisit If the beauty of another seizes your heart D'un plaisir suave et suprême, With a sweet and noble pleasure, Ah, je te vois dans un doux feu Ah, I see you little by little Te consumer peu à peu. Melting in that gentle flame.

Orphée Orpheus Que jamais je ne me détruise Never may I thus destroy myself! A présent que je fuis imprudemment l'amour. Now let me shun Love, which I ignore!

Calliope Calliope O beauté agréable de l'amour, Oh, pleasing beauty of Love, Qui me fait à présent languir ; Now miserably you make me grieve! O pour moi blessure cruelle, Oh, alas, the cruel wound! O serpent mortel et rigoureux ! Oh, harsh and deadly snake!

Un berger du chœur A shepherd Réprime, ah réprime donc Hold back, ah, but hold back Les pleurs abondants de tes beaux yeux, From your lovely eyes those many tears; Le temps sera proche où tu verras The time is near when you will see 36 Vago Orfeo tra bei desiri.

Choro di tutti gli interlocutori ecceto Orfeo Non più dol, non più tormento, Ma dolcissimo contento Serbi in se gioconda l'alma Di goder l'aurata palma.

Quarto Intermedio Le tre Grazie, Orfeo, & choro di Ninfe.

Le tre Grazie Qui d'Orfeo la dolce cetra Gioir fece erbette e fiori Qui d'Amor l'aura faretra N'impiagò mille alme e cori. E tu, crudo arcier, consenti Ch'or languisca in rei tormenti ?

Una delle Grazie Forse il bel giovinetto Mitigherà il suo pianto E con soave canto Di dolcezza e diletto Di nuovo invocherà queste selve Pietose al suo cantar l'orride belve.

La seconda Grazia Sembrano i puri argenti Voci formar sonore, Ch'ardon di dolce ardore E in graziosi accenti Par che alternando in sì chiari cristalli Muovano i pesci leggiadretti balli.

La terza Grazia Se del tartareo fondo Pluto respinse al suo cantar giocondo 37 Le bel Orphée retrouver ses désirs heureux. Fair Orpheus regain his happy desires.

Tous en chœur (sauf Orphée) Chorus (all except Orpheus) Plus de douleur, plus de tourment, No more grief, no more sorrow, Mais un bonheur très doux But the sweetest happiness Devra permettre à l'âme joyeuse Shall enable the joyful soul De jouir de la palme dorée. To enjoy the richest prize.

Quatrième intermède Fourth Intermedio Les Trois Grâces, Orphée et Chœur de Nymphes The Three Graces, Orpheus & Chorus of Nymphs.

Les Trois Grâces The Three Graces Ici la douce lyre d'Orphée Here Orpheus's sweet lyre Fit se réjouir plantes et fleurs, Made plants and flowers rejoice, Ici la flèche dorée de l'Amour Here Cupid's golden arrow Toucha mille âmes et cœurs, Touched a thousand hearts and souls, Et toi, cruel archer, tu consens And you, cruel Archer, now you allow him Qu'il languisse de mille tourments ? To suffer a thousand torments?

Une des Grâces One of the Graces Sans doute le beau jeune homme Perhaps that fair youth Réprimera ses pleurs, Will cease to weep Et par un chant suave And with a sweet and gentle De douceur et de plaisir, And delightful song will once again Invoquera de nouveau dans ces forêts, Move to pity the wild beasts La pitié des bêtes sauvages qui écouteront son chant. Of these woods that hear him sing.

La seconde Grâce Another of the Graces Les eaux pures et argentées semblent The pure, silvery streams Former des voix sonores Murmur like voices Qui brûlent d'une douce ardeur, Burning with sweet passion, Et en de gracieux accents, And the fish, leaping On dirait qu'en sautillant dans des ondes si claires, In the crystal-clear waters, appear Les poissons se livrent à de charmantes danses. To be engaged in charming dances.

La troisième Grâce A third Grace Si du tréfonds du Tartare, If down in the depths of Tartarus Il repoussa Pluton par son chant joyeux, He lulled Pluto with his joyful song, 38 Qual meraviglia fia Se grazia, se bellezza e leggiadria Noi qui sottrage amanti De' suoi bei pregi e vanti.

Choro Venga omai venga sereno Nel fiorito almo confine Fido Amor gl'incenda il seno Di bellezze peregrine Scenda in lui celeste nembo Che d'onor gli adorni il grembo Onde sia de' boschi Iddeo Fortunato e lieto Orfeo.

Orfeo Sospiroso dolore Che mi trafiggi il core Se far non puoi che s'involi ogni mia noia E dolcemente io moia A che più tormentar l'aspra mia vita Perché che non moro e non ritorno in vita.

Le tre Grazie Godi pur felice amante Frena il crudo empio martire, Segui Amor fido e costante Che s'appresta il bel gioire. Lassan già le chiare linfe Vezzosette e vaghe Ninfe Per mirar l'aureo splendore Tua beltà, pompe d'Amore.

D'amaranti e di vïole Cinto il crin, adorno il seno, Qui moviam liete carole Al fiorito lido ameno. E tua pregi alzando al Cielo 39 Quelle stupeur ce serait It will be no wonder S'il repousse ici la grâce, la beauté That here he brings out the grace, Et le charme, de nous autres amants The beauty and the charm in us lovers De sa beauté, de ses mérites et de sa valeur ? Through his talents and his skills!

Chœur Chorus Qu'il vienne désormais le coeur serein Now let him come with heart serene Dans ces suprêmes confins fleuris ; To these fair and flowery confines; Qu'Amour fidèle embrase son coeur Let faithful Love fire his breast De beautés singulières ; With love for singular beauties; Qu'un nuage céleste descende sur lui May a heavenly cloud descend Pour le couvrir d'honneur, And shower him with honour, Et qu'ainsi le fortuné et heureux Orphée And thus may Orpheus, happy Soit le Dieu des bois. And joyful, be the God of the woods.

Orphée Orpheus Douleur langoureuse Languorous pains Qui perce mon coeur, That pierce me to the heart, Si tu ne peux faire disparaître mes tourments, If you cannot cheer me Et si je dois mourir doucement, And slowly I must die, what is the use A quoi bon tourmenter mon âpre existence, Of tormenting my bitter existence? Pourquoi ne pas mourir et renaître à la vie ? Why not let me die, never to return?

Les Trois Grâces The Three Graces Réjouis-toi, heureux amant, Rejoice, happy lover, Réprime le cruel martyre, Cease this cruel suffering, Suis Amour fidèle et constant, Follow Love faithful and constant, Car le bonheur est proche. For happiness is near. Les sources claires abandonnent déjà Already the fair and charming nymphs Les nymphes brillantes et charmantes, Are leaving the clear waters Pour admirer la splendeur du soleil, To gaze upon the golden splendour Ta beauté, pompes d'Amour. Of your beauty, Love's outward show.

Les cheveux ceints d'amarantes Wearing crowns and garlands Le sein orné de violettes, Of amaranths and violets, Livrons-nous ici à d'heureuses danses Here let us dance in joyful rounds Sur ce rivage agréable et fleuri. Upon this pleasant, flowering shore. Et louant au ciel tes mérites And praising your merits to Heaven 40 Dolcemente in puro zelo Or cantiam, felice Orfeo Figlio a Febo e semideo. O per te giorno felice, Fortunato amica sorte.

Orfeo Vive in me sol Euridice Bel trofeo dell'altra corte !

Quinto Intermedio

Choro di tutti gli interlocutori Non più lagrime o dolore Turb'il cor di tanto Iddeo, Sol gioisca ardente il core D'altro bel, gloria d'Orfeo.

O dia intanto il cielo il segnio Della gioia e del diletto Che n'ingombra il cor nel petto Esaltando eroe sì degno.

Una delle Grazie Poi ch'Amor tra l'erbe e fiori Più non scherza o dolce ride, Che farem ministre fide Senza il bel de' suoi splendori, S'il gioir più non attende E sua luce al cor non splende ?

La seconda Grazia Non però d'aspro tormento Pascerò l'alma dolente Ch'il suo foco è sì possente Che non è del tutto spento. 41 Avec un zèle pur et suave, Sweetly and earnestly Chantons à présent l'heureux Orphée, Let us now sing, happy Orpheus, Fils d'Apollon et demi-dieu. Son of and demigod. O pour toi jour heureux, Oh, fortunate, happy day for you, Destin ami et fortuné ! And kind destiny!

Orphée Orpheus Seul Eurydice vit en moi, Only Eurydice lives in me, Beau trophée de la haute cour ! Now the fair prize of the other court!

. Cinquième intermède Fifth Intermedio

Chœur de tous les interlocuteurs Chorus (everyone) Qu'aucune larme ou douleur... Let no tear or sorrow Ne trouble le coeur d'un tel Dieu, Trouble the heart of such a God; Que son coeur se réjouisse avec ardeur Let Orpheus's heart ardently delight D'une autre beauté, gloire d'Orphée. In another beauty, as befits his glory.

Et que le Ciel donne entre-temps signe And meanwhile let Heaven give proof De la joie et du plaisir Of the joy and the pleasure Qui comblent notre coeur That fill our hearts En exaltant un héros aussi digne. In praising so worthy a hero.

Une des trois Grâces One of the Three Grâces Si Amour au milieu des fleurs Since Love no longer sports and frolics Ne plaisantait plus et ne riait plus, Amidst the flowers and grasses Que ferions-nous, fidèles ministres, What shall we do, faithful ministers, Sans la beauté de sa splendeur, Without the boon of his splendours, Si elle n'espère plus se réjouir If he no longer cares for joy, and his light Et que sa lumière n'éclaire plus son coeur ? No longer shines bright in the heart?

La seconde Grâce Another Grace Mais mon âme dolente But my grieving soul Ne se nourrira pas d'âpre tourment, Will not feed on bitter suffering, Car son feu est si puissant For his fire is so powerful Qu'il n'est pas tout à fait éteint. That it is not yet completely extinguished. 42 La terza Grazia Di pietade ancor adorno Si potria porger Amore E che qui tra fiore e fiore Serenasse oscuro il giorno.

Choro Son fonti ohimè di lacrime Quest'occhi afflittissimi Se la mia donna angelica Si mostra sì marmorea

Ahimè 'l destino temolo L'amore ingrato ed empio Ché i miei martir non vedono In van il duol dissimolo

In van sospiri spargovi In van soccorso chiedovi Tutti i miei preghi in polvere Il vento portar vedesi

Ma lo sperar fu fragile Al mio tormento misero Ella non vuole credere Ch'io mi vorria uccidere 43 La troisième Grâce Third Grace Puisque Amour toujours Since Love is always Se montre compatissant, Compassionate Ici parmi les fleurs Here amongst the flowers, Il peut rendre serein le sombre jour. He can make the dark day serene.

Chœur Chorus Ces yeux pleins d'affliction Alas, these most unhappy eyes Font hélas couler tant de larmes, Are fountains of tears Car ma dame angélique For my angelic lady shows Se montre de marbre Herself to be so unmoved

Mais je crains le destin But, alas, I fear destiny Et l'amour ingrat et cruel, And ungrateful, cruel love Car ils ne voient pas mes souffrances, For they do not see my suffering En vain je cache ma douleur. In vain I conceal my grief

En vain je répands mes soupirs, In vain I heave sighs En vain je demande de l'aide In vain I ask for help Je vois le vent qui emporte I see all my prayers carried away En poussière toutes mes prières Like dust in the wind

Mais l'espoir est fragile But hope was fragile Pour mon tourment misérable, To my great anguish Elle ne veut pas croire She will not believe that what I want Que je voudrais mourir. Is to put an end to my life.

Translation © Mary Pardoe

45 Gianlorenzo Bernini (Naples, 1598–Rome, 1680) Apollo and Daphne, 1622/25 Carrara marble, life size [height 243 cm] Rome, Borghese Gallery

Se d’amor l’aurato strale [If love’s golden arrow] Pur t’incende o impiaga il petto, [Enflames or wounds your heart,] Se il suo vago il cor t’assale [If its beauty seizes you] Di soave almo diletto… [With a sweet, supreme pleasure…] Domenico Belli, Orfeo dolente

Jabbed by the sharp tip of the golden arrow that Cupid, offended at the idea that his talent as an archer might have doubted, shot at him out of revenge, Apollo is immediately overwhelmed by irrepressible desire for Daphne. She has been struck by the blunt tip of a second projectile, made from lead and, on the contrary, intended to leave her indifferent to her wooer. A follower of Diana, goddess of the wood, the nymph, who has chosen to remain a virgin forever and continuously devote herself to the hunt, obstinately refuses to give herself to him. To escape the advances of Phoebus who, running faster, has just caught up with her on the banks of the Peneius, the maiden is reduced to begging her father, the eponymous river god, to metamorphose her and thereby shield her from the divine lust of Jupiter’s son. And lo and behold, before the eyes of the Delian, the nymph is transformed into a laurel tree, a heretofore unknown species. Before this irremediable fate but nonetheless still desirous of possessing Daphne regardless of the form, Apollo decides to take as his emblem the tree to which she has given her name. He will henceforth wear a laurel branch, which will 46 later serve to proclaim the glory of Roman army heroes who will receive a crown of its leaves as the supreme honour during their triumph at the Capitoli.

Bernini does not settle for reproducing the myth verbatim but also takes into account the phenomenon of transmutation: ut pictura poesis, never will the image have come so close to the text. Displaying a totally new artistic and poetic instinct, coupled with staggering technical skill, he succeeds in depicting the headlong race of the figures, at the precise moment, the split second, when the huntress is changing from human form to that of a tree. An episode easier to treat in painting than in the round, the latter less adapted for recording the passage of time and the fleeting nature of things. Starting from Apollo’s raised left leg, the movement is picked up by Daphne’s right arm, establishing a double contrapposto with the god’s right hand, matching the nymph’s other member. The breathless pulsation that animates the runners culminates in the quivering of the hair, turned into leaves and tossed by the wind whose breath we can almost feel. Female and male skin, hair, clothing, the ground, ferns, bark… their textures are rendered in all their nuances, their tactile qualities attaining a hyperrealism that surpasses nature. We have the impression of smelling the sweat resulting from the physical effort, while fear overcomes Daphne whose mouth, paralysed by fright, gapes open, and frustration invades a dumbfounded Paean, leaving him speechless, staring into space.

Emotion is at fever pitch, expression at its paroxysm, rendered by the affetti of which the Italians were fond at the time when the recitar cantando of the stile rappresentativo asserted itself as evidentii. To the extent that the degree of psychological penetration achieved by the sculptor reduces the Apollo Belvedereiii to the rank of a distant model, and the fateful footrace of Guido Reni’s Atalanta 47 and Hippomeneiv, Bernini’s favourite painter, to a simple formal game, a graceful ballet on either side of the stakes that oppose them. As a man of the theatre, set designer, stage director, the artist adjusts the body movements with the precision of a choreographer, whilst the group invades the field of the viewer, dragged into a scenography, a new correspondence of the arts in which virtuosity, bravura, dazzlingly asserts itself. Ut pictura musica, one has the impression of hearing the trills and tremolos of the interpreters of L’Orfeo, also feeling the exacerbated emotions they express with the naturalness advocated by Giulio Caccini. Supported by the passage from the fluid, sensual light of chiaroscuro, whose intonations exalt the force of the drama being played out before our eyes, this tour de force seems as if it has to be within the reach only of the genius to whom the Baroque owes its birth certificate. No one would be fooled by the moralising vein of the distich carved into the statue’s pedestalv, composed by the Florentine Maffeo Barberini, the future Pope Urban VIII, and meant to cover the aesthetic delectation, the ‘erotic’ pleasure that was, in principle, inaccessible to the ecclesiastic patron, Scipio Borghese, cardinal of the Holy Church. The admonishment remains ineffective on the unbridled agitation of these distraught divinities, both real and surreal, whose tragic momentum transcends the times of history.

© Denis Grenier History Department Laval University, Quebec http://www.hst.ulaval.ca/Profs/Dgrenier/Dgrenier.htm http://www.ckrl.qc.ca/index.php?page_id=1&jourp=10&emissionid=290 [email protected] November 2007 48

i At, quoniam coniunx mea non potes esse / Arbor eris certe. [Well, since you cannot be my wife / You shall be my tree.], Ovid, Metamorphoses, 1, 555, and 452-567, for the narrative in extenso. ‘Laurel’ is daphne in Greek. ii In regards to this, cf. in the text by Vincent Dumestre the introductory quotation by Marin Mersenne, who throws down a veritable challenge to French performers having a go at Italian music. iii This 4th-century Hellenistic sculpture was discovered in the late 15th century. Cf. http://www.hku.hk/french/dcmScreen/lang3035/apollon_belvedere.jpeg. iv Cf. http://www.hellenica.de/Griechenland/Mythos/Bild/AtalanteHippomenesReniGuido.jpg. v Quisquis amans sequitur fugitivae gaudia formae,/ Fronde manus implet, baccas seu carpit amaras. [Like he who chases fleeting pleasures / fills his hands with dead leaves or gathers bitter fruits

ut pictura musica music is painting, painting is music 49

In 1582, at the home of Count Bardi in Florence, Vincenzo Galilei declaimed the lament of Count Ugolino from Dante’s Inferno (Canto xxxiii) accompanied by . In putting into practice his theories on the expression in music of the human passions, he gave the first performance of accompanied . Just over thirty years later the Florentine chapter in the history of – a chapter full of important discoveries – was almost over. The end was marked by Orfeo dolente of 1616, by Gabriello Chiabrera and Domenico Belli. To give a true account of the whole of such a rich and fertile period on one recording is clearly beyond the bounds of possibility. We chose therefore to present three different stages in the evolution of parlar cantando. The arie from Giulio Caccini’s Nuove Musiche and Claudio Saracini’s Musiche, both published in 1614, illustrate the theories based on intoned declamation (stile recitativo) that Girolamo Mei expressed in letters to Vincenzo Galilei, and which Jacopo Peri later expounded in his preface to Euridice. The few surviving fragments of Il Rapimento di Cefalo, to a text by Gabriello Chiabrera, show the same aim, but their melodic expression comes halfway between ‘ordinary’ speech and an extremely ornate, declamatory mode of singing. Finally, Belli’s Orfeo dolente is far from the idea of noble declamation. The libretto of the work was by the same poet, Chiabrera, but in Orfeo dolente Belli leaves no room at all for the grace and noble nonchalance of sprezzatura as conceived by Peri or Caccini. Orfeo dolente is above all a bitter lament, a monologue, for Orpheus, who is inconsolable and deaf to the responses and entreaties of the other characters. It is an experimental work: the character of Euridice is absent, and the usual happy conclusion is rejected, leaving Orpheus to his grief. The court tradition is waived, and Belli brings his own style to the fore. Whereas Caccini and Peri fill their with basic 50 harmonies (the tonic is often present for a good third of the solo song or madrigal), Belli uses harmony like an impressionist painter: it is impossible to tell where his musical phrase is heading and very few cadences are resolved as expected; dissonances are never prepared, and his use of melody, unusually disjunct and dilated by chromaticisms, is remarkable, to say the least; it is easy to understand why singers of the time were so confused and reluctant to perform his music, which they found ‘difficult and unsingable’ (letter from Belli to Ferdinando Gonzaga, Duke of Mantua, 11 June 1616). But who was Belli? Was he an avant-gardist among the Florentine avant- garde? A free and independent composer, like Gesualdo, who had no need to justify himself to anyone? A nobleman and amateur musician of such flair that even his gaucheries appear so very precious to us today? Little is known about Belli at present, either as a man or as a composer. But the individuality – the uniqueness – of his style is undeniable, evident in all his surviving works, the solo , operatic compositions and sacred music (an Officium defunctorum) published in 1616. After that date the Florentine palazzi still resounded with some fine favole in musica – La Liberazione di Ruggiero by Francesca Caccini, for instance, or Gagliano’s La Dafne – but Florence was no longer the hub of musical innovation. Rome, with the sacred theatre of Mazzocchi, Landi, Rossi and others, was taking over, and in the great adventure of popular opera, in public theatres, with Manelli, Cavalli and Monteverdi among its exponents, was about to begin. The days of experimental music in Florence were over.

Vincent Dumestre Translation: Mary Pardoe

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Florence 1616 A musical laboratory

The birth of musical theatre in Florence in the late sixteenth century coincided with a revival of the Orpheus myth, just over a century after Politian’s Orfeo (1480) marked the advent of secular theatre in . The research and experiments of the Camerata, which met at the home of Giovanni de Bardi, and whose main concern was a return to the ideal of Greek tragedy, with some parts of the text spoken and others sung, brought out the need for a new style of word-setting, a close combination of music and poetry. Castiglione’s The Book of the Courtier, a deeply felt account of Florentine humanism, shows the same interest in the union of the arts aimed at achieving maximum expression. The absolute originality of recitar cantando (speaking, or declaiming, while singing) justified the choice of mythological themes that were far removed from historical or contemporary reality. It is not surprising that Orpheus, who was a poet and a musician, the son of a god and of a mortal, was chosen to symbolise that union between the two languages of poetry and music.

At the same time we must remember that the organisation of musical life at the Florentine court corresponded to a number of constraints that we, four centuries later, tend to forget. Although Euridice, to a text by and with music by Jacopo Peri, is regarded as the first extant musical drama, it was in fact just one event among many that were presented in celebration of the wedding of Maria de’ Medici and King Henry IV of France in October 1600. The 53 festivities, including banquets, balls, comedies, mock naval battles and horseracing, lasted for over a week, as Michelangelo’s son tells us in a detailed written accounti of the wedding and its accompanying celebrations. In other words, the earliest musical drama had no artistic autonomy; it was simply one of the links in a long allegorical chain that was intended to glorify the virtues of sovereigns. Il Rapimento di Cefalo by the great Genoese poet Gabriello Chiabrera and the composer Giulio Caccini (with some music by others) was another element, another ‘link’, in that ‘spettacolo veramente da principe’, as Marco da Gagliano called itii. It was performed, three days after Euridice, on 9 October, in the Medici court theatre (in the Uffizi) before an audience of almost four thousand. Unlike other scores written for important court events, the music of this pastoral drama was unfortunately never published, apart from the final chorus and Titone’s lament from the beginning of Act II (‘Chi mi confort’haimè’), which Caccini included in Le nuove musiche (1601/2), a veritable manifesto of the new musical practice based on the rhetoric of the ‘affetti’. In that collection Caccini gives information about the singers who took part in the performance that evening: the powerfully expressive chorus, ‘Ineffabil ardore’, which was repeated cyclically between monodic parts, was sung by seventy-five singers standing in a semi-circle (‘settantacinque persone in mezza Luna’), and the first aria, ‘Muove si dolce e si soave’, was sung by Melchior Palontrotti ‘con i propri passaggi’, which shows that improvisation was de rigueur in the ornamentation. The second aria, ‘Caduca fiamma’, was sung ‘secondo il suo stile’ (in his own style) by none other than Jacopo Peri, who was also a fine singer. The other pieces give quite a true idea of the vocal techniques recommended by Caccini, such as the painful and ‘passaggiato’ pathos of ‘Tutto il dì piango’, a superb madrigal to a sonnet by Petrarch (the only one Caccini set), which echoes the lively ternary rhythm of ‘Non ha Ciel cotanti lumi’, a very fine piece from Le 54 nuove musiche showing more serenity than Orpheus’s lament, also heard on this recording… …And more too than the work by Claudio Saracini (b. 1586; d. after 1649), a bold composer whose music is similar in vein to that of Gesualdo or Sigismondo d’India, and one of the masters of Florentine monody. Saracini wrote six books of madrigals, published between 1614 and 1624, in a style characterised by a chromatic, dissonant harmonic language, of which ‘Ch’io moro’, from his first book, is a good illustration. The texts he set, as in this case, are short six- or seven-line poems (shorter therefore than a sonnet), requiring an intense response to the words, particularly through the use of expressive ornaments punctuating the declamation. A declamation that gives Saracini’s songs, like those of many other exponents of Florentine monody, the ideal combination of austere recitative with the closed forms of the strophic aria.

After Euridice of 1600, which inaugurated the operatic genre in an elitist, aristocratic context, and after Monteverdi’s Orfeo of 1607, another musical illustration of the Orpheus myth was composed in Florence for Carnival in 1615. Orfeo dolente, to a text by Gabriello Chiabrera and to music by Domenico Belli, was presented as intermedi between the acts of ’s Aminta at the Palazzo della Gherardesca in Florence. These are indeed intermedi in the pure tradition of such pieces written for the court at the end of the sixteenth century. The Intermedi for La Pellegrina immediately spring to mind; written by various composers, they were performed between the acts of that now forgotten play by Scipione Bargaglia, which was staged in 1589 for the wedding of Grand Duke Ferdinando I de’ Medici and Christine de Lorraine. The musical practice of providing intermedi was to continue throughout the first third of the seventeenth century. Monteverdi also composed intermedi for Tasso’s pastoral drama Aminta, as well as 55 music for a tournament, Mercurio e Marte (now lost), that was given in Parma in celebration of the marriage of Duke Odoardo Farnese and Margherita de’ Medici in 1628. In Belli’s case, Tasso’s genius and fame unfortunately overshadowed his music, which is nevertheless amazingly – and sometimes disconcertingly – modern, with a constant awareness of the meaning of the words and of the ‘affetti’ they convey. In that sense, Belli is a perfect representative of Florentine monody, resulting from the discussions of the Camerata. Moreover, he appears to have spent the whole of his life in Florence. Unfortunately contemporary documents provide us with very little biographical information about Domenico Belli (or indeed about many seventeenth-century artists). Giuseppe Ottavio Pitoni, the author of Notitia de’ contrapuntisti e compositori di musica (early eighteenth century), an important landmark in music lexicography, providing information about composers from the beginning of the eleventh century to the end of the seventeenth, devotes just two lines to him, which nevertheless mention his Orfeo dolente. The entry reads: ‘Compositore di camera, secondo riferisce l’Indice del Vincenti, nel quale porta musiche e l’Orfeo dolente’iii. We do not know when Belli was born, but he died in Florence in 1627. He was responsible for music at the church of San Lorenzo, and worked at the Medici court; he was officially enrolled as a musician by Cosimo II de’ Medici in 1619. He took part in the various court entertainments that punctuated the first twenty years of the century, which included a ‘maritime fable’, Andromeda (music lost), which was highly praised by Giulio Caccini (letter of 10 March 1618). Only three of Belli’s works have survived, all of them published in 1616: an Officium defunctorum, a collection of monodic Arie to poems by Marino, Petrarch or Guarini (Primo libro delle arie) and Orfeo dolente, which is in five scenes or intermedi. Unlike the two previous , Euridice (Rinuccini-Peri) and Orfeo 56 (Striggio-Monteverdi), which the poet Chiabrera knew from the performances he attended in Florence and Mantua, Orfeo dolente excludes Eurydice completely (in most adaptations of the myth, she plays only a very small part anyway) but gives an important part to Orpheus’s mother, Calliope, who is absent from the two earlier works. Calliope in the Chiabrera-Belli version is the counterpart of Venus in the Rinuccini-Peri version and of Hope in the Striggio-Monteverdi: at the end of the Second Intermedio, Calliope declaims ‘Indarno è far dimora, / L’inferno è sordo e cieco’ – ‘It is no use staying here, / For Hell is deaf and blind’. The dramatically effective episode of Eurydice’s death is therefore absent from this score, which begins in a very original way, unlike any other, with Orpheus, after losing his wife forever, returning to the gates of Averna and trying once more to obtain her return. The fact that the Thracian hero’s efforts are in vain plunges him into utter despair and most of the work, as the title indicates, takes the form of a long lament that echoes the famous lamenti which inaugurated the Florentine tradition, from the one composed in 1582 by Vincenzo Galilei (now lost), accompanied by viols and set to Count Ugolino’s lament from Dante’s Inferno, to Ariadne’s lament by Monteverdi, which was performed in 1608. It is useful to note that a first version of this work was composed just a few months after the première of the famous Lamento d’Arianna, under the title Il pianto d’Orfeo, and we may assume that, at least from the literary point of view (we do not know whether or not Belli also composed that first version), Chiabrera learned a lesson from its influence. Moreover there are signs of this in Orfeo dolente, which in several places shows syntactical similarities with the Striggio/Monteverdi work and even with the Rinuccini/Peri. Thus, Chiabrera’s ‘Ecco ch’a voi ritorno’ (beginning of the First Intermedio) corresponds to ‘Ecco pur ch’a voi ritorno’ from the beginning of Act II in the Striggio, while ‘Rive ombrose e selvagge, / Deserte orride piagge’ by Chiabrera (beginning of the Third Intermedio) echoes Rinuccini’s 57 ‘Funeste piagge, ombrosi orridi campi’ (Scene 4 of Euridice). There are of course many other examples. Musically we note the short instrumental ritornello at the beginning of the work, based entirely on a descending tetrachord – a musical pattern that was destined for a brilliant future, notably in Venetian opera, to accompany the specific lamento form. Orpheus’s expressions of bitterness and suffering are counterbalanced by Pluto’s admonitions and Calliope’s warnings. The combination of chromaticism and dissonance makes the singing both highly expressive and extremely demanding for the interpreter, who has to truly embody the character in order to represent him according to the aesthetic canons of the time, that is to say, give him stage presence. But compared with the first version of 1608, which was much more radical, ending with a long monologue for Orpheus as he accepts his pathetic fate of solitude, Belli’s version is richer in choruses (and therefore more in keeping with the Florentine practice of intermedi), generally based on a different poetic and consequently on a more varied ‘intonazione’ (setting). Thus the chorus of the Graces in the Fourth Intermedio brings a note of optimism as they urge the hero to find life worth living again, and it also recalls the cheerfulness of the first act of Monteverdi’s Orfeo. The Fifth Intermedio, moreover, is devoted entirely to the Graces, but despite the festive note they bring to the ending, the listener is not allowed to forget the pathos of Orpheus’s song, sublimated by Belli’s uncompromising and incandescent music. Thanks to Belli, music in Florence in 1616 reached a point of no return. In the years to come subjection to the poetic text was to cease being an absolute obligation. To escape the ‘tedio’ (tedium) of recitative, which was not considered very hedonistic, vocalità and its delights were soon to triumph, and the recitar cantando, that fabulous creation of the prolifically inventive Seicento, gave way to 58 cantar recitando, which was indeed more flattering to the senses, but infinitely less rich in emotion, a richness that was only possible, in the ideology and aesthetic of early Baroque, through the subtle and fraternal alliance of logos and pathos, intellect and feeling.

Jean-François Lattarico Translation: Mary Pardoe

i Descrizione / delle felicissime / Nozze / Della Cristianissima Maestà di Madama Maria / Medici regina di Francia e di Navarra. / Di Michelagnolo Buonarroti. / In Firenze / Appresso Giorgio Marescotti. 1600 / Con licenza de’ Superiori, p. 46. ii In his preface to La Dafne, performed in Florence in 1608. iii ‘A composer of chamber works, as Vincenti mentions in his Index, indicating various music and Orfeo dolente Illustration : Gianlorenzo Bernini Apollon et Daphné, 1622/25 Rome, Galerie Borghèse (droits réservés)

Le commentaire de cette œuvre par Denis Grenier se trouve en page 7 du livret Alpha 120