Revue archéologique du Centre de la

Tome 43 | 2004 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/racf/50 ISSN : 1951-6207

Éditeur Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du centre de la France (FERACF)

Édition imprimée Date de publication : 1 mars 2005 ISSN : 0220-6617

Référence électronique Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 [En ligne], mis en ligne le 01 mai 2006, consulté le 13 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/racf/50

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SOMMAIRE

Éditorial Olivier Buchsenschutz

La nécropole de l’âge du Bronze des Pâtures à Saumeray (Eure-et-Loir) : mise en évidence de gestes funéraires originaux Patrice Georges et Tony Hamon

La nécropole gauloise de “ Vaugrignon ” à Esvres-sur-Indre (Indre-et-) Sandrine Riquier

Les villae gallo-romaines dans le territoire proche d’Augustonemetum – Clermont- Ferrand Approche critique de la documentation archéologique Bertrand Dousteyssier, Maxence Segard et Frédéric Trément

La nécropole mérovingienne du “ Poteau ” à Richelieu (Indre-et-Loire) : apports chrono- typologiques Philippe Blanchard et Patrice Georges

La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) Une étude de la rotonde et de la nef Simon Bryant

Étude de deux digues d’étangs « en terre » recoupées par le tracé de la RCEA à Pierrefitte- sur-Loire et Coulanges (Allier) Sophie Liegard et Alain Fourvel

Une maison du quartier cathédral de Tours (Indre-et-Loire) : évolution architecturale et techniques de construction Bastien Lefebvre

Notes et documents

Découverte d’une porte monumentale sur l’oppidum de Cordes-Chateloi à Hérisson David Lallemand

Le Berry antique - De la carte au modèle-chorème Christophe Batardy

La fouille du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Premiers résultats Bruno Dufaÿ

Une datation absolue pour un saloir du XVIIIe s. en grès de la Puisaye À propos de l’urne contenant les restes d’Agnès Sorel Bruno Dufaÿ et Marcel Poulet

Les mines métallifères du département de la Loire. Bilan de sept années de recherches François Dumoulin

Chroniques

Voyages à travers les campagnes de la Gaule romaine - XI Alain Ferdière

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Chronique numismatique Brigitte Fischer

Comptes rendus

C. MARCIGNY, E. GHESQUIÈRE, dir., L'île de Tatihou (Manche) à l'âge du Bronze. Habitats et occupation du sol, DAF n° 96 Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2003, 192 p., 149 fig. Pierre-Yves Milcent

J.-F. PININGRE, V. GANARD, avec la collaboration de Ph. BARRAL, É. BOËS, Les Nécropoles protohistoriques des Moidons et le site princier du camp du Château à Salins (Jura) Paris, CTHS, 2004, 430 p., 134 fig. (Documents préhistoriques, 17) Luc Baray

J.-P. GIRAUD, F. PONS, Th. JANIN, dir., Nécropoles protohistoriques de la région de Castres (Tarn). Le Causse, Gourjade, Le Martinet. Volume 1 : études et synthèses, 276 p. ; volume 2 : catalogue des ensembles funéraires, 268 p. ; volume 3 : planches du mobilier, 231 p., DAF n° 94 Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2003 Pierre-Yves Milcent

Fr. PERRIN, M. SCHÖNFELDER, dir., La tombe à char de Verna (Isère) : témoignage de l'aristocratie celtique en territoire allobroge Lyon : Association Lyonnaise pour la Promotion de l'Archéologie en Rhône-Alpes, Documents d'Archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne n° 24, 2003, 156 p., 103 ill. Pierre-Yves Milcent

BOUET A., Les thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise 2 vol., Coll. Éc. Franç. de Rome, 320, EFR, Rome, 2003, 416 + 381 p. Alain Ferdière

P. AUPERT, R. MONTURET, Saint-Bertrand-de-Comminges, II. Les Thermes du Forum Études d’Archéologie Urbaine, Aquitania, 2001, 333 p., ill. et un cahier comportant toutes les planches graphiques, ISSN : 2295-7989 (avec la collaboration de Christine Dieulafait et les contributions de Frédéric Berthault, Jean-Pierre Bost, Patrick Perez et Dominique Tardy, préfacé par Jack Lang) Olivier Blin

B. PHALIP, Auvergne et Bourbonnais gothiques. Le cadre civil, collection Les Monuments de la France gothique Paris, Picard, 2003, 263 p., 10 pl. en couleurs et nombreuses ill. dans le texte Pierre Garrigou Grandchamp

Ph. HUSI (dir.), La céramique médiévale et moderne du Centre-Ouest de la France (XI- XVIIe siècles) 20e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, FÉRAC, Tours, 2003, 110 p. + un CD-ROM Bruno Dufaÿ

Livres reçus

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Éditorial

Olivier Buchsenschutz

1 Le numéro 43 de la revue est le dernier qui sera imprimé et diffusé sur papier. Le comité de rédaction a en effet pris, après de longues discussions, la décision de modifier profondément la structure éditoriale, en adoptant le support électronique, pour un certain nombre de raisons, les unes conjoncturelles, les autres plus profondes.

2 La revue est depuis plusieurs années diffusée essentiellement auprès des bibliothèques, ce qui montre que désormais son rôle de revue scientifique professionnelle l’emporte sur son caractère culturel. Les jeunes générations, les étudiants comme le public cultivé, s’abonnent désormais de préférence à des revues départementales ou régionales qui ont un profil à la fois plus large, et moins soumis aux règles des publications scientifiques que le nôtre.

3 Nous appartenons au groupe des revues interrégionales d’archéologie, clairement reconnu par le Ministère de la Culture, qui couvrent le territoire national, et qui répondent aux normes internationales scientifiques des revues dites “ de rang A ”. Le CNRS, à la suite d’une enquête qu’il a réalisée en 2004, a classé notre revue avec les autres revues interrégionales dans le groupe de celles qu’il soutiendrait toujours pour une édition électronique, mais plus pour une édition sur papier.

4 Sans entrer dans le détail, la situation administrative est de plus en plus confuse, le Ministère de la Culture a exigé que sa subvention pour la Revue soit versée… à une UMR du CNRS ; nous ne savons pas comment le CNRS va affecter sa subvention à l’édition électronique ; le Service Régional d’Archéologie d’Île-de France n’a toujours pas admis son rattachement à notre revue, etc. Dans ces conditions le budget propre de la revue n’est plus suffisant pour équilibrer ses comptes, et nous devons inventer une solution qui dépasse les contradictions de nos autorités de tutelle.

5 Intellectuellement, le fait de pouvoir publier des articles avec toutes les possibilités du support électronique (couleur, Système d’Information Géographie, interactivité) a soulevé un grand enthousiasme au sein du comité de rédaction. Le nouveau support permet en effet d’offrir au lecteur de nombreuses possibilités nouvelles, image en couleur, documents animés, interrogations dans le texte etc. La rénovation de notre mode de communication a donc pesé aussi dans la décision d’adopter ce nouveau

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support. Il ne s’agit en aucun cas d’abandonner la rigueur du comité de lecture, et de transformer les articles dont vous avez l’habitude en informations brutes, bien au contraire. La revue sera consacrée aux articles présentant des découvertes récentes ou en cours, et des idées nouvelles ; les suppléments, qui resteront eux sur papier, deviendront le support des publications de fond, appuyées sur un corpus de données. La publication des nouvelles données de terrain doit être pérennisée sur un support papier, la durée de vie des textes en ligne étant à ce jour mal évaluée.

6 Pour assurer la liaison avec les numéros précédents, et aussi pour mettre à jour les supports électroniques, nous allons numériser tous les anciens numéros sur CD Rom, et nous ajouterons chaque année à cette compilation le dernier numéro paru. De cette façon nous pourrons résoudre le problème du vieillissement des CD.

7 Nous sommes bien conscients que ce changement de support, et cette redistribution entre la revue et ses suppléments, changent nos habitudes. Mais au-delà du fait que nous n’avons pas vraiment le choix, il faut bien considérer que cette solution apporte un certain nombre d’avantages. Le comité de lecture continuera son travail d’éditeur avec le sérieux que mérite la qualité des articles qui lui seront adressés ; non seulement la mise en page des textes et la qualité des planches seront conservées, mais nous pourrons inclure des documents dynamiques ou interactifs, des possibilités de recherche par mots-clés.

8 Les détails de la distribution et de la consultation des prochains numéros vous sera précisé ultérieurement, mais le comité de rédaction a déjà décidé que la consultation sur internet serait gratuite. Le site sera installé sur le serveur de l’université de Tours, mais grâce à des liens les lecteurs pourront en trouver le signalement sur d’autres sites. Nous ferons en sorte que les moteurs de recherche comme Google ou Copernic puissent interroger notre base au niveau des titres et des mots-clés. Si un lecteur souhaite une copie papier d’un article, il peut comme auparavant s’adresser à l’INIST. Si des abonnés, notamment des bibliothèques, souhaitent une version papier de tout le numéro, nous étudions actuellement la possibilité de faire des tirages à la demande.

9 Les articles, les chroniques, les comptes-rendus de ce volume sont encore à notre rendez-vous annuel. Votre fidélité et nos efforts communs nous permettent de toujours remplir nos objectifs éditoriaux, et c’est bien là l’essentiel.

AUTEUR

OLIVIER BUCHSENSCHUTZ Président de la FÉRACF

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La nécropole de l’âge du Bronze des Pâtures à Saumeray (Eure-et-Loir) : mise en évidence de gestes funéraires originaux

Patrice Georges et Tony Hamon

Présentation du site

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1 La commune de Saumeray (Eure-et-Loir) est située à 150 km au sud-ouest de Paris en limite de la Beauce dunoise et du Faux Perche (Fig. 1). Elle est depuis une dizaine d’années l’objet de nombreuses fouilles d’archéologie préventive, en raison de l’exploitation de plusieurs gravières. L’extension de l’une d’entre elles est à l’origine de l’intervention archéologique au lieudit “ Les Pâtures ”. Ce dernier, situé à environ 300 m à l’est de la rivière Loir, est localisé sur la basse terrasse prairie qui accueille des chenaux anciens et des fossés de collecte des eaux de débordement du Loir. Le sous-sol de la basse terrasse est composé de lits de sables, graviers et galets de silex d’origine alluviale. Après décapage, la surface de la terrasse est matérialisée par un conglomérat gravelo-sableux non tassé, de couleur brune. Il est recouvert d’un sable limoneux et humique brun qui, par percolation dans le gravier, lui a donné une teinte singulière. Par un phénomène de lessivage, la pluie permet de l’éclaircir, ce qui rend la lecture du terrain plus précise. Ces considérations n’auraient que peu d’intérêt si cela n’avait pas en contrepartie révélé l’importance de ce site. Une opération qui n’aurait en effet pas pris en compte ces particularités sédimentologiques locales n’aurait pas appréhendé l’ampleur d’un tel ensemble dont nous ne présentons qu’une partie.

Fig. 1 : Alluyes. 2 : Saumeray. Le point marque l’emplacement du site (INRAP/T. Hamon).

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Le contexte archéologique

Les travaux antérieurs

Fig. 2 : Localisation et plan du secteur fouillé en 2001 (INRAP/T. Hamon).

2 C’est à Alain Lelong que l’on doit la découverte des nécropoles à enclos dans ce secteur de la vallée du Loir, localisées à l’est de la zone d’extraction en activité (LELONG 1991). En 1990, un nouvel enclos est repéré dans l’emprise de la carrière jusque là en prairie et nouvellement labourée. La menace de destruction motive Alain Lelong à réaliser une fouille archéologique programmée ; il recueille les premiers éléments d’information sur ce qui s’avérera être une nécropole de taille importante (Fig. 2). Ainsi, le comblement terminal du fossé de l’enclos exploré livre de la céramique du Bronze final I et IIa1. La position stratigraphique du mobilier et l’absence de forme individualisée complète laissent à penser que ce mobilier provient des terres du tumulus, ce dernier pouvant cependant avoir été construit avec les déblais d’un autre monument ou d’une couche d’habitat.

3 En 1993, une étude d’impact est diligentée par le Service Régional d’Archéologie du Centre. Des sondages exploratoires sur l’ensemble de l’emprise mettent en évidence l’importance du site, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. D’autres interventions révèlent essentiellement des occupations du Néolithique ancien, moyen et final (RANGER et al. 1996, RANGER, PROST 1998, HAMON, RANGER à paraître). Quatre enclos circulaires et deux incinérations en fosse sont cependant fouillés à cette occasion, mais aucun tesson ne vient confirmer la première hypothèse de datation.

4 En raison des modalités de l’exploitation de la carrière, une nouvelle opération d’un mois est menée durant l’hiver 2001-2002. Au total, ce sont près de deux hectares qui ont

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été soumis à l’investigation des archéologues (fouilles programmée et d’urgence). Il semble que les vestiges exhumés sont ceux de la frange occidentale d’une vaste nécropole protohistorique, comptant vraisemblablement plus d’une centaine d’enclos circulaires et plus rarement carrés. Ces derniers, repérés plus à l’est, sont implantés sur la moyenne terrasse. Les témoignages anciens associés aux données des prospections aériennes nous permettent d’affirmer que des tumulus avec ou sans enclos se situaient sur les basses vallées du Loir (et localement sur les moyennes terrasses), sur les deux rives, entre Marboué et Saint-Avit-les-Guespières (LELONG 1989). Des fenêtres de fouille, ouvertes à l’occasion des phases d’exploitation des carrières, nous révèlent des zones vides entre des groupes de structures encore conservés qui demeurent difficiles à interpréter (regroupements diachroniques ? En fonction de critères sociaux et/ou familiaux ?, etc.).

L’intervention de 2001-2002

5 La fouille s’étend sur une surface de près de 5 000 m2 ; elle est limitée au nord par l’ancien chemin d’accès à la carrière d’extraction, à l’est par la limite clôturée de la parcelle et à l’ouest par l’emplacement de la dernière fouille, aujourd’hui exploité, et au sud par un fossé chargé de récupérer les eaux de débordement du Loir (Fig. 2). Il s’est toutefois avéré difficile de la rattacher aux phases de sauvetage antérieures. En effet, la zone de jonction a été détruite par l’avancée de la carrière sans surveillance archéologique. Cette parcelle était une prairie qui n’a jamais été labourée au tracteur. Depuis environ une dizaine d’années, ce secteur a été utilisé pour stocker les déblais issus des décapages de la carrière, ce qui a eu pour effet de masquer les éventuels reliefs encore conservés. C’est la raison pour laquelle, dans certains cas, la limite entre la terre arable et les déblais tassés n’était pas toujours aisée à déterminer.

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Fig. 3 : Localisation et numérotation des structures fouillées (INRAP/T. Hamon).

6 Deux zones ont été distinguées. La plus grande (2 700 m2) n’a livré que quelques structures. L’autre correspond au secteur de la nécropole et comportait 85 aménagements tous types confondus (Fig. 3). Les découvertes ont été classées en trois phases d’occupation en fonction des rapports stratigraphiques et selon leur forme. Les substructions ont donc été considérées comme étant antérieures, contemporaines ou postérieures à la nécropole. Il apparaît ainsi que les aménagements réalisés sur le site avant que l’on y installe les monuments2 funéraires se résument à des fosses, des trous de poteau, pour certains alignés, et des structures de combustion (fours à galets et foyers domestiques de surface). Le rare mobilier exhumé est daté du Néolithique moyen. L’ensemble est donc à comparer aux occupations néolithiques déterminées auparavant (RANGER et al. 1996 ; RANGER, PROST 1998).

7 En ce qui concerne les deux alignements de trous de poteau repérés dès 1991 (LELONG 1991), il est difficile d’établir une relation avec la nécropole. Aucun lien stratigraphique ne permet en effet de préciser leur attribution chronologique. Au regard de la longueur des alignements de trous de poteaux et de la particularité de ces derniers (diamètre, profondeur et espacement), il a été établi qu’ils ne pouvaient être les vestiges de palissades. Ils semblent toutefois incompatibles avec une occupation domestique ; ils pourraient plutôt s’intégrer à une phase particulière de l’ensemble funéraire (HAMON, RANGER à paraître).

8 Les aménagements considérés comme étant postérieurs à la nécropole (fossés, chemin de desserte) sont peu nombreux. Ils concernent toutefois tous les secteurs décapés.

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La nécropole à enclos

9 Au regard de la faible surface investie, nous n’aborderons pas l’organisation générale du site. Au terme de cette opération archéologique, ce sont treize enclos et neuf fosses à crémation3, le plus souvent ténues (Fig. 4), qui ont été mis au jour dans le même secteur.

10 Notons d’emblée que, lors de la phase de terrain, leur attribution chronologique était délicate en l’absence de mobilier associé. C’est pourquoi nous avons fait procéder à des datations radio-physiques (cf. infra). La majorité des fosses à crémation était à l’intérieur de ces enclos. Mais deux d’entre elles ont été retrouvées isolées de toute structure de ce type.

Fig. 4 : Fosse à crémation F5, dont on remarquera les traces ténues (INRAP/T. Hamon).

Monuments funéraires à enclos

11 Douze monuments présentent des dimensions extérieures comprises entre 2 et 12 m. Deux autres avaient été fouillés plus à l’ouest de l’intervention. L’un d’eux, incomplet, était en partie scellé par une berme détruite depuis. L’enclos fouillé en 1991 par Alain Lelong est le plus important décapé à ce jour. Il semble cependant isolé dans la nécropole. Les observations stratigraphiques, confirmées par un travail de micro- topographie sur le site et les terrains environnants, ont révélé que ces monuments étaient en fait des tumulus de faible hauteur (inférieure à 1 m).

12 Deux types d’enclos ont été reconnus : à fossé interrompu et à fossé continu. Ces derniers sont les plus nombreux (9) sur la partie fouillée. Les interruptions sont marquées soit au nord-est, soit au sud-est (F16, F18, F20, F21). Leur largeur varie entre 0,10 m et 1 m pour ceux encore marqués en surface de décapage4.

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Les fosses à crémation

13 Nous avons dénombré au total neuf fosses à crémation. Certaines ne contenaient pas d’os brûlés ; trois d’entre elles n’ont été reconnues que par les traces laissées dans le sol (“ fantômes ”). Les autres découvertes sont de petites fosses d’un module compris entre 0,1 et 0,9 m pour une profondeur maximale de 0,1 m. Le fond est plat ou incurvé, les parois légèrement obliques. Des six fosses (F5, F11, F61, F77, F78 et F82) dont il restait le dépôt d’esquilles osseuses brûlées, seules trois se situent à l’intérieur d’enclos circulaires : F5 (enclos F2), F11 (enclos F1) et F13 (enclos F12). Si on les prend toutes en compte, la position centrale dans l’enclos circulaire est la situation la plus courante, mais elle n’est pas exclusive. Les positions de F5, qui se trouve dans la moitié ouest, et de F13, dans la moitié sud, contre le fossé, montrent une certaine variabilité. Les trois autres ont été découvertes en dehors d’un enclos, mais en périphérie. En effet, les fosses à crémation F61 et F64 étaient situées respectivement à proximité des enclos F1 (en bordure est) et F17 (Fig. 5). Ce n’était en revanche pas du tout le cas pour la double (?) fosse F77 et F78, creusée dans le comblement d’un trou de poteau (F76) dont le sommet semblait avoir été élargi.

Fig. 5 : Enclos F17 (INRAP/T. Hamon).

14 Seul le monument F1 a permis d’observer la position stratigraphique de la fosse à crémation avec le sédiment superficiel qui la recouvrait. Il apparaît que le sédiment sous la surface actuelle est en fait un remblai qui scelle la structure. Cette matrice, de couleur grise, est disposée en surface du gravier. Suivant ces observations, le sol (l’humus) a été décapé à l’intérieur du monument jusqu’en surface de la terrasse alluviale. Les vestiges brûlés ont ensuite été disposés dans une cuvette de 0,5 m de diamètre pour 0,06 m de profondeur, creusée au préalable. Par la suite, la fosse à crémation a été recouverte par des déblais de décapage formant ainsi le tumulus. Un talus externe est très probable.

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Des inhumations ?

15 Deux anomalies (F9 et F15) sont susceptibles d’être des inhumations. Mais c’est une véritable gageure de pouvoir le démontrer car ce terrain ne conserve manifestement que les os brûlés. En l’absence d’ossement et de matériel, il est par essence difficile de démontrer le caractère sépulcral de ces fosses. La situation de la fosse, sa forme et ses dimensions sont certes des éléments importants. Mais, les observations stratigraphiques sont décisives.

16 La structure F9 recoupe le fossé de l’enclos circulaire F1. Elle mesure 2,5 m de longueur pour 1 m de largeur et 0,6 m de profondeur. En plan, sa forme est oblongue, tandis qu’en coupe, ses parois sont légèrement éversées. Son fond est plat. Les coupes du comblement montrent un lit de sédiment et galets mélangés avec un pendage presque à 45°. Un tassement semble s’être produit au centre de la structure, dans toute la longueur du remplissage. Le comblement, stérile, est grossier, mal classé et sec ; à la base, il est divisé en trois parties aux limites verticales qui pourraient correspondre à des parois disparues par pourrissement. Si la structure F15 a également été découverte dans la zone de la nécropole, elle n’était pas en contact avec un enclos. Il s’agit néanmoins d’une fosse oblongue de 1,70 m de longueur, pour 0,7 m de largeur. Au plus profond, elle mesure 0,1 m. Le comblement, constitué de limon marron-orangé stérile, n’accrédite toutefois pas spécialement l’hypothèse d’une sépulture dont les os auraient disparu.

Le mobilier

17 Le comblement des fossés a livré du mobilier lithique et céramique attribuable au Néolithique moyen, par analogie avec les éléments de cette période représentée ailleurs sur le même gisement.

18 Le mobilier susceptible d’être contemporain de la nécropole se résume à une armature de .èche découverte dans le comblement de F2 (cf. infra). Il s’agit d’une armature perçante à base concave et ailerons biseautés (Fig. 6). Elle a été découverte dans le comblement terminal du fossé et vient donc très probablement des terres du tumulus.

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Fig. 6 : Pointe de flèche découverte en 2001 (INRAP/T. Hamon).

Paléoanthropologie des os brulés

19 De l’ensemble des fosses à crémation identifiées comme telles, seuls six creusements ont livré des esquilles d’ossements brûlés : F5, F11, F61, F77, F78 et F82. Tout en tenant compte des particularités des dépôts (cf. infra), l’objectif de cette étude a été de préciser, à la fois par des observations sur le terrain et un travail de laboratoire, les aspects de la gestuelle funéraire liée à la crémation et à l’inhumation des corps dont nous avons retrouvé les restes brûlés (chaîne opératoire) (LE GOFF 2002, LE GOFF, GUICHARD à paraître). Si l’esprit de recherche concernant l’étude des crémations est identique à celui développé dans le cadre plus large de la paléoanthropologie funéraire, les résultats des études d’os brûlés sont rarement à la hauteur des espoirs suscités par les champs d’action de cette dernière. Le travail d’analyse est en effet essentiellement tributaire de l’état des fragments osseux (degré de l’ustion, taux de fragmentation…) prélevés et étudiés selon toute l’attention qu’ils requièrent. Pour ce site, où les fosses ont livré des esquilles osseuses de petite taille et en faible quantité, la difficulté a tenu avant tout à mettre en œuvre une méthodologie adaptée, ou plutôt à adapter la méthodologie préexistante.

Une approche méthodologique adaptée

20 Le protocole concernant l’analyse des crémations est bien défini en France depuis un certain nombre d’années, en particulier depuis l’essor des fouilles préventives. Ainsi, il est entendu qu’une fois la crémation prélevée en l’état ou en motte, la micro-fouille a lieu en laboratoire.

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21 Il s’agit alors d’observer les fragments osseux avec attention (type des fractures, couleurs, etc.) et d’effectuer des analyses pondérales selon des référentiels portant sur le poids de squelettes d’adultes non brûlés (DUDAY 1990, DUDAY 1991, DUDAY et al. 2000). La reconnaissance des parties anatomiques doit aboutir à une comparaison entre les proportions établies à partir des segments anatomiques et des moyennes construites à partir d’échantillons de référence : on détermine alors un pourcentage de représentation. Mais il est des sites, comme celui-ci, où aucune de ces procédures ne peut être mise en œuvre. Sur le terrain d’abord, car la grave ne permet pas de prélèvement en motte rapide et peu coûteux ; en laboratoire ensuite, puisque l’extrême fragmentation des os et la taille minime des esquilles empêchent pour certaines des fosses à crémation toute reconnaissance anatomique .able et, par voie de conséquence, des développements paléobiologiques poussés.

22 Les résultats des analyses paléobiologiques appliquées aux restes brûlés demeurent en effet proportionnels à leur fragmentation (DUDAY et al. 2000).

Fig. 7 : Fosse à crémation F77 fouillée (INRAP/T. Hamon).

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Fig. 8 : Fosse à crémation F11 en cours de fouille (INRAP/ P. Georges).

23 Les fosses à crémation ont été fouillées in situ en raison de la nature du sédiment encaissant dans lequel elles s’inscrivaient (Fig. 7 et Fig. 8). Parmi celles qui recelaient des ossements humains brûlés, seule la sépulture F11, sur laquelle cette étude repose essentiellement, a été fouillée par le paléoanthropologue. Il s’avère par ailleurs qu’il s’agit de l’unique crémation pour laquelle nous sommes certains que tous les os qu’elle comprenait ont été prélevés. Il apparaît effectivement, selon les observations réalisées à partir de la coupe stratigraphique, que cette fosse à crémation n’a pas subi les effets de l’arasement ou d’une autre atteinte5. Une fois lavés, les os humains ont été pesés à l’aide d’une balance électronique précise à 0,1 g près. Les esquilles osseuses peuvent nous aider à cerner la manière dont les corps ont été brûlés. En effet, si plusieurs méthodes physiques peuvent être mises en œuvre pour déterminer la température de combustion l’observation de la couleur des esquilles osseuses autorise une approximation suffisante (BONUCCI, GRAZIANI 1975)6.

24 Par ailleurs, la forme et la direction des fractures déterminent si la crémation a été réalisée sur des os qui auraient ou non gardé leur trame protéique (défunts brûlés à l’état de cadavre ou non).

Les résultats (Fig. 9)

Les données pondérales

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Fig. 9 : Tableau synoptique des données concernant les crémations.

25 Le poids des amas osseux provenant des fosses F5, F11, F61, F77, F78 et F82 varie de 2,4 (F82) à 29,6 g (F11). Les dépôts F77 (13 g) et F78 (18,7 g), au regard de leur creusement et de leur situation de proximité, pourraient toutefois n’être qu’un seul dépôt. Dans le cas de la fosse F61, pour laquelle les rares esquilles osseuses qui avaient été observées au cours de la fouille n’ont manifestement pas résisté à l’étape du lavage et/ou du conditionnement, nous avons donc déterminé un poids minimum, par défaut, de 0,1 g. Notons d’ores et déjà que la très faible quantité d’os exclut pour ce site toute approche pondérale approfondie.

26 Les quantités, exprimées en grammes, sont telles qu’une analyse poussée, selon les modalités de la paléoanthropologie funéraire concernant les crémations, devient un véritable dé.. Appliquer dans ce cas, les méthodes préconisées pour des sépultures et/ ou des nécropoles souvent plus récentes, reviendrait certes à donner plus de poids au corps du texte, voire à cautionner une analyse spécialisée, mais ne valoriserait pas l’information primordiale de ce site. Plus que la mise en évidence des problèmes méthodologiques inhérents à l’étude paléoanthropologique, le poids total des os brûlés de chacune des structures de ce site est vraisemblablement révélateur d’un geste funéraire qu’il est difficile de déterminer à ce stade de l’analyse (cf. infra). L’analyse des deux crémations fouillées en 1996 révèle une telle différence qu’elle confirme l’idée d’un traitement du défunt, ou de ce qu’il en reste, pour le moins singulier (Ranger, Prost 1998).

L’identification paléobiologique

27 De même, une quelconque approche paléobiologique, même par des moyens détournés, est à exclure tant le matériel osseux est fragmenté7. Compte tenu de la taille minime des fragments, aucun relief caractéristique n’a été reconnu ; la détermination de ces restes osseux comme étant d’origine humaine repose donc essentiellement sur l’aspect du canal médullaire (os longs) et de l’os cortical, ainsi que la forme des fragments crâniens.

28 L’identification paléobiologique de ces sépultures est impossible en raison de la taille des fragments, aucune pièce osseuse ne pouvant en effet orienter la diagnose sexuelle et l’estimation de l’âge au décès des individus dont il ne nous reste que quelques fragments d’os blanchis par le feu. Toutefois, en se référant à l’épaisseur de la corticale des fragments d’os longs et à celle des fragments de la voûte crânienne, il est assuré que les restes de la sépulture F11 ne sont pas ceux d’un nouveau-né ou d’un bébé, ce qui ne permet pas, bien évidemment, de trancher entre un individu immature ou un adulte. La taille des fragments osseux limite indéniablement la portée des identifications ostéologiques.

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29 Par ailleurs, le poids total des esquilles osseuses nous interdit toute considération quant à la représentation des différentes parties anatomiques. D’autant plus que la plupart des esquilles de ces sépultures ne peut être attribuée de façon certaine à l’une d’entre elles.

30 En outre, le détail des fragments osseux semble exclure la présence d’os de faune. De même, aucun artefact n’a été retrouvé dans les sépultures identifiées comme telles. En revanche, deux dépôts (F5 et F13) comportaient des charbons de bois ; leur quantité est limitée, à savoir respectivement 11,5 et 2,5 g.

L’ustion

31 L’ensemble des fragments d’os des six dépôts sont de couleur blanche, rappelant dans nombre de cas l’aspect crayeux. Cela indiquerait une température égale ou supérieure à 650° C (BONUCCI, GRAZIANI 1975), étape ultime d’une crémation aboutie à partir de laquelle l’os ne subit plus de changements importants. Mais si cette indication est une approximation de l’intensité de l’ustion, elle n’autorise en aucun cas d’établir les temps d’exposition au feu. Aussi, cette couleur (blanc crayeux) associée aux fracturations (transverses et diagonales) vont dans le sens de corps brûlés lorsque les os étaient encore frais (GUILLON 1987).

Gestes funéraires et gestion des corps

32 L’approche de paléoanthropologie funéraire appliquée aux restes humains brûlés permet de préciser tout ou partie des aspects de la gestuelle funéraire. De fait, elle met en évidence que la crémation constitue une étape importante dans la prise en charge du défunt par son groupe. La sépulture est à n’en pas douter le témoin privilégié du processus funéraire dont le dépôt des os dans la fosse est l’étape ultime. Elle peut cependant apporter quelques informations sur les phases ultérieures.

Les corps brûlés

33 Si l’on doit traiter de la crémation stricto sensu, les informations sont peu nombreuses. Elles ne concernent en fait que la température du feu et la nature de l’os qui a été brûlé, reposant en fait essentiellement sur les observations des esquilles de la sépulture F11. L’homogénéité des fragments osseux, tant au niveau de leur couleur qu’à celui de leur taille, indique des crémations poussées en température (égale ou supérieure à 650° C) et/ou en temps (BONUCCI, GRAZIANI 1975) sur des os qui ont gardé leur trame protéique (GUILLON 1987)8. Les données restantes sont des arguments ad silencio qui devront être vérifiés par la suite. Ainsi, l’absence d’os de faune et d’artefact est-elle significative d’une crémation sans offrandes ? Cela se pourrait mais nous devons garder à l’esprit, et le poids des dépôts nous y oblige, que nous sommes tributaires d’un geste éventuel lors de la collecte et/ou du dépôt des os qui aurait pu éliminer tout ce qui ne relevait pas du squelette du défunt. Toutefois, en fonction des hypothèses que nous avons élaborées au sujet du ramassage des os sur le bûcher (cf. infra), ce n’est vraisemblablement pas le cas même si le collecteur n’a pris qu’une partie de ce qui avait brûlé.

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Les vestiges collectés

34 L’absence de charbons de bois est en règle générale interprétée comme un mode de ramassage spécifique aboutissant à la propreté, toute relative, des ossements prélevés. “ Un des épisodes marquant du rituel de l’incinération de Montot [Haute-Saône ; Bronze final IIa], écrit P. Pétrequin, est le tri et le lavage des restes osseux incinérés ” (PETREQUIN 1984 : 492). Mais le travail de G. Grévin au Népal montre que l’eau utilisée pour éteindre les braises du bûcher nettoient en même temps les os, sans pour autant que cela en soit le but (GREVIN 2004 : 50). En fonction des éléments dont nous disposons, il est donc difficile de se faire une idée précise de la manière dont on a pu collecter les os sur le bûcher. D’autant plus que la façon dont on veut inhumer les vestiges osseux a sans doute beaucoup d’influence sur leur collecte.

35 La taille des pièces osseuses peut laisser croire à un tamisage. Les pièces de très petite taille échappent en effet le plus souvent au ramassage des vestiges, os par os. Mais, cette hypothèse ne tient pas pour la sépulture F5 au moins puisque nombre des charbons de bois exhumés de ce dépôt sont nettement plus volumineux et/ou plus longs que les esquilles osseuses. La faible densité osseuse, le fait que les esquilles soient disjointes et que nous n’avons pas reconnu de concentrations particulières à la fouille tendent à indiquer un dépôt directement dans la terre sans autre forme d’artifice que le creusement de la fosse. La répartition au-dessus du fond de la fosse et la présence de charbons de bois de petites dimensions pour les sépultures F5 (11,5 g) et F13 (2,5 g) révèlent que plus que les os, ce sont les vestiges du bûcher qui ont été déposés, les esquilles osseuses n’étant qu’un des éléments ramassés. La découverte de traces de cendres diffuses, même dans les sépultures où il n’y avait pas de charbons de bois, tend à confirmer cette hypothèse. La présence de quelques fragments osseux, d’un sédiment noir laissant penser à des résidus de combustion, voire pour deux dépôts (F5 et F13) de charbons de bois, va dans le sens d’un mode de récupération qui ne permet donc pas de faire le tri. Une petite pelle pourrait en effet expliquer la faible quantité des vestiges retrouvés, à moins qu’il s’agisse d’une information quant aux modalités du dépôt. Cette façon de procéder rend cependant compte de tous les éléments du bûcher à l’endroit du prélèvement.

Les os inhumés

36 En ce qui concerne ce site, les gestes, sinon de la collecte, tout du moins du dépôt, se traduisent essentiellement par une masse très faible indiquant combien la différence est grande entre ce que nous avons retrouvé et ce que l’on sait des vestiges osseux restant après la crémation d’un individu adulte. La validité de notre étude repose donc en premier lieu sur une évaluation de la conservation et de l’intégrité des structures qui ont livré des ossements. En d’autres termes, dans quelle mesure sommes-nous certains que ces dépôts sont intacts ? En fait, même si l’absence d’activité agricole destructrice nous rassure en ce sens, il est difficile d’affirmer que l’action du décapage n’a pas porté atteinte, même de façon minime, au niveau supérieur des dépôts compte tenu de leur aspect fugace. Seule la sépulture F11, encore préservée par une berme comprenant la terre végétale lors de notre intervention, est assurément entière. L’étude portant sur la reconnaissance d’une série d’étapes qui a conduit les restes du défunt du bûcher à la sépulture, la question de la quantité d’ossements et de leur nature est en effet primordiale. En l’absence d’artefact en relation avec les ossements

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brûlés, il est difficile d’évaluer le degré de conservation de ces derniers, ce qui aurait pu éventuellement être un élément d’explication de la faible quantité d’esquilles brûlées exhumées des fosses. Si l’on ne peut donc écarter de façon catégorique l’hypothèse d’une acidité du sol, notons toutefois que les os brûlés de couleur blanche présentent une meilleure résistance à un Ph acide, la partie organique de l’os ayant en grande partie disparu lors de l’ustion.

37 Le poids minimum d’un squelette complet d’adulte après crémation serait de 970 g (moyenne : 1770 g) pour B. Hermann (1976) et 1 001,5 g (moyenne : 1625 g) pour J. Mac Kinley (1993). Le problème ici étant bien évidemment de savoir si nous avons affaire à des adultes… Les ossements de la sépulture F11 nous ont apporté suffisamment de renseignements pour pouvoir affirmer que, même si tel n’était pas le cas, le poids de l’amas osseux (29,6 g) constitue tout de même une anomalie qui ne peut s’expliquer que par une action volontaire de ne prendre ou de ne déposer qu’une partie des résidus de l’ustion. Cela est d’autant plus intéressant que sur le même site, il a été découvert en 1996 deux crémations qui ne s’apparentent pas du tout à ce que nous avons mis en évidence (RANGER 1996). En effet, le poids des amas osseux des sépultures 3214 et 3716 est respectivement de 180 et 360 g, pour des individus immatures. En plus du poids, la taille des fragments diffère de ceux des crémations que nous avons étudiées. En l’absence de datation 14C, nous ne pouvons savoir si ces différences peuvent s’expliquer en terme d’espace et/ou de chronologie.

38 Quelle que soit la façon dont les vestiges du bûcher ont été récupérés après l’ustion (exhaustivement ou non), ce sont des petits dépôts qui ont été effectués. Ils contrastent par ailleurs souvent avec la taille des enclos et des tertres mis en évidence9.

Éléments de datation et comparaisons

39 Le mobilier est trop rare pour pouvoir être un élément déterminant dans la datation. Seule l’armature de flèche (cf. supra), retrouvée dans le comblement terminal du fossé du monument F02, pourrait être contemporaine de l’utilisation de la nécropole. Si la archéologique nous indique que ce type de mobilier a rarement été découvert en contexte daté, elle peut toutefois être un indice chronologique. Plusieurs chercheurs ont en effet tenté de circonscrire leur aire géographique et de les dater (CORDIER 1965, VERRON 1980, VILLES 1987). Ainsi, G. Verron (1980) signale une forte densité de ces pièces en Normandie et les attribue au Bronze ancien. Cet auteur associe d’ailleurs cet artefact aux témoins de la culture des tumulus armoricains aussi présents dans cette région.

40 Le recours aux méthodes radiophysiques s’est donc avéré primordial. Des charbons de bois retrouvés dans les fosses F5 et F23, associées à des monuments funéraires (respectivement F2 et F17), ont été datés par la méthode du carbone 14 (Fig. 10). Les résultats permettent d’attribuer ces vestiges au Bronze final (I-IIb pour F5 et IIIa-IIIb pour F23).

Fig. 10 : Tableau synoptique des sépultures datées par 14C.

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41 Malgré ces datations, les comparaisons régionales sont difficiles, voire impossibles. Les découvertes des urnes funéraires du Pré-Saint-Martin à Gault-Saint-Denis et de Fort- Harrouard à Sorel-Moussel suffisent à confirmer la pratique de la crémation pour la protohistoire dans l’aire géographique qui concerne cette étude. Mais elles se différencient des fosses à crémation que nous venons d’étudier. Ainsi, en ce qui concerne la fosse de “ Fort-Harrouard ”, ses dimensions (0,60 m de long, pour 0,40 m de large et 0,22 m de profondeur) sont incomparables avec celles que nous avons mentionnées pour celles des “ Pâtures ”. Elle contenait par ailleurs du mobilier (fibule, clous, pointes de .èches…). En outre, l’une des caractéristiques des crémations protohistoriques est le contenant en céramique dans lequel on trouve les os brûlés (OLLAGNIER, JOLY 1994), ce qui a facilité les découvertes anciennes et/ou fortuites. En d’autres termes, surtout lorsqu’elles ne sont constituées que de quelques grammes d’os brûlés, les crémations de ce type sont difficiles à remarquer. C’est pourquoi, si aucune sépulture de ce type n’est mentionnée en Eure-et-Loir, les découvertes “ des Pâtures ”ne constituent vraisemblablement pas pour autant une pratique originale. Il faut plutôt les considérer comme un mode que l’on commence à peine à appréhender localement, mais quelques comparaisons existent dans d’autres régions.

42 Des études récentes révèlent des fosses ne comportant que très peu d’os brûlés. La quantité maximale d’os brûlés dispersés dans le comblement des fosses du site des Prés Pendus à Passy-Verron (Yonne ; Bronze final) n’est que de 10,9 g (DEPIERRE et al. 2000). De même, la fosse FS165 de Champ-Lamet (Puy-de-Dôme ; Bronze final IIIb), même si elle s’avère incomplète, ne comprenait que cinq fragments correspondant à un poids total de 0,6 g (BLAIZOT, MILCENT 2002). Une synthèse récente sur les nécropoles de l’âge du Bronze dans la vallée de l’Aisne mentionne ce type de dépôt (LE GOFF, GUICHARD à paraître)10. Par ailleurs, l’étude de F. Blaizot sur le site d’Arvermes à Trévol (Allier) a mis en évidence qu’un vase ossuaire (Bronze final IIb-IIIa) ne recelait que deux fragments d’os brûlés pour un poids total de 1 g, associés à une épingle (BLAIZOT, MILCENT 2002 : 22). D’autres exemples existent pour des périodes plus récentes (DUDAY 1981, LE GOFF 1998…). Pour le site des Falaises de Prépoux à Villeneuve-la- Guyard (Yonne), des incinérations en pleine terre sont signalées à compter du Bronze final IIb-IIIa, elles sont indifféremment associées ou non à des monuments funéraires de type enclos. Cependant, le mobilier associé est abondant et certaines fosses sont appareillées, ce qui diffère des observations réalisées à Saumeray (PRESTREAU 1992 : 199).

Quelle dénomination ? Quelle étape du rituel ?

43 L’étude du site des Pâtures aboutit à une situation pour le moins paradoxale d’un point de vue paléoanthropologique. Il s’agit en effet d’étudier des fosses à crémation dont une partie n’a été reconnue que par les empreintes (“ fantômes ”) qu’elles auraient laissées dans le sol. Tandis que pour les autres, seuls quelques grammes d’os alimentent le discours. Le croisement des données pour les autres fosses nous permet cependant de dresser un profil commun. Le poids des esquilles osseuses, indiquant indéniablement sinon un ramassage partiel, tout du moins un dépôt d’une partie des vestiges brûlés du défunt, la taille et la couleur des fragments révèlent un échantillon homogène dans la façon de procéder (répétition de gestes spécifiques ?). Pour autant, quelques différences existent dans cette nécropole, notamment avec les crémations fouillées en 1996 au nord

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de l’emprise. Ces dernières (crémations 3214 et 3716) recelaient en effet 180 g et 360 g d’os brûlés.

44 La localisation de la fosse à crémation, à l’intérieur ou non d’un enclos, est un élément qui doit être pris en compte. Mais, hormis l’investissement en temps que nécessite l’élaboration d’une structure tumulaire, ce qui n’est pas sans susciter nombre de questions quant au fonctionnement voire à la structure du groupe dit inhumant, il ne semble pas y avoir de réelle différence.

45 Mais, nous ne maîtrisons pas du tout ce qui se passe entre la collecte et le dépôt (cf. supra). Tout en effet pourrait être collecté, mais seule une partie serait alors déposée. À moins que le choix ne se fasse dès la collecte (sélective) sur le bûcher, après avoir rassemblé tout ou partie des os, le prélèvement se faisant en dehors de l’amas d’os rassemblé. Dans l’un comme dans l’autre de ces cas, le geste de dépôt en devient plus important, même quand la quantité d’ossements est infime, d’autant plus que les dernières réflexions à ce sujet et les enquêtes ethnologiques nous obligent à être circonspects. Des différences notables peuvent en effet exister au sein d’une population homogène (PAUTREAU 1995, 1998), voire selon l’action du préposé à la crémation (GRÉVIN 2004). Sans faire de comparatisme, le travail mené par J.-P. Pautreau en Thaïlande s’avère particulièrement intéressant. Il a en effet observé que les ossements n’étaient pas ramassés de façon systématique (sauf peut-être pour les personnages les plus importants). De fait, des os, parfois très volumineux restent sur le bûcher. De même, “ des éléments osseux variés, volumineux et nombreux ”sont dans les tas issus des vidanges (PAUTREAU 1994 : 311). La sépulture dans ce cas ne reçoit qu’une part, peut-être infime, des restes brûlés du défunt. Il est néanmoins difficile de ne pas voir dans ces fosses à crémation l’accomplissement d’un geste symbolique. Fort de toutes les réserves auxquelles les exemples ethnologiques nous renvoient, il faut garder à l’esprit que les dépôts n’ont livré que quelques esquilles. Les données pondérales nous renseignent cependant sur le déroulement de la chaîne opératoire.

46 Nous avons jusqu’à présent employé le terme de “ fosse à crémation ”, car les éléments sont minces pour les qualifier de sépultures. On pourrait effectivement s’interroger sur la fonction de ces fosses, tout comme l’a fait, à juste titre, I. Le Goff pour la fosse à crémation de l’enclos funéraire de Waben “ Le Sémaphore ”(LE GOFF 2000). Pour cette structure, dont l’amas de silex et le sédiment cendreux est la part prépondérante, I. Le Goff n’arrive pas à trancher entre une fosse de rejet du bûcher et une sépulture stricto sensu. Qu’en est-il alors pour celles des Pâtures ? La composition même de ces dépôts nous conduit en effet à nous interroger sur leur nature. Nos considérations sur le remplissage, à partir d’une partie des éléments constitutifs du bûcher, pourraient laisser croire à des structures d’accueil des cendres et des autres éléments constitutifs du bûcher. Il se peut en effet que les esquilles osseuses brûlées, sans que l’on puisse les considérer pour autant comme “ intrusives ”, soient à considérer comme les éléments d’un tout (une partie de ce qu’il reste de l’ustion) ; en n’étant pas l’objet unique du remplissage, elles ne seraient alors pas l’objet principal du dépôt. Dans tous les cas, les dimensions des fosses induisent alors une fonction plus symbolique largo sensu que pratique, l’unité de mesure pouvant être la poignée, voire les deux mains jointes.

47 La définition de sépulture, telle qu’elle est proposée dans le Dictionnaire de la Préhistoire d’A. Leroi-Gourhan, précise qu’il s’agit d’un “ Lieu où ont été déposés les restes d’un ou de plusieurs défunts, et où il subsiste suffisamment d’indices pour que l’archéologue puisse déceler dans ce dépôt la volonté d’accomplir un geste

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funéraire… ”. Il peut également s’agir de la structure constituée à l’occasion de ce geste La nécropole de l’âge du Bronze des Pâtures à Saumeray (Eure-et-Loir) : mise en évidence de gestes funéraires originaux 19 funéraire (LECLERC, TARRÊTE 1988 : 963). La reconnaissance de la volonté de réaliser un geste funéraire est difficile, dans la mesure où elle repose essentiellement sur une interprétation de ladite structure, mais aussi, voire surtout, des vestiges qu’elle contient. Les restes du corps sont donc l’argument principal. La sépulture est évidente quand un squelette, en connexion ou non, est présent Mais quelques grammes d’os font-ils une sépulture ? Même si J. Leclerc reconnaît qu’il est un peu risqué de définir une telle structure “ en prenant appui sur l’intention qui a présidé à sa mise en place ”(LECLERC 1990 : 14), c’est bien l’intentionnalité du dépôt, signe de l’action volontaire d’un geste funéraire qui caractérise la sépulture. Si l’on s’en tient aux données des fosses à crémation en tant que telles, il est difficile, voire impossible, de déterminer si nous avons affaire ou non à des sépultures. Mais l’association enclos-fosse à crémation est une donnée d’importance. L’érection d’un tertre, quelle que soit sa taille, révèle la détermination de marquer l’espace sur la durée, voire de commémorer le(s) défunt(s) et/ou d’adresser un signe aux vivants. C’est en ce sens que nous avons d’emblée parlé de “ monument ”. Il semble alors que l’installation des dépôts, aussi minimes soient-ils, est une manifestation du groupe humain de les inscrire dans la durée, voire dans le paysage (GEORGES, HAMON 2004). Comme pour les sépultures, “ ceux qui restent ”assurent effectivement une certaine permanence aux fosses à crémation des “ Pâtures ”.

Conclusions

48 Le site des “ Pâtures ”à Saumeray est pour l’instant un unicum en région Centre. En premier lieu parce que les investigations menées depuis plusieurs années ont révélé une importante concentration d’enclos circulaires. Une centaine d’enclos, visibles sur les clichés aériens et/ou repérés par prospection terrestre, a en effet été recensée par Alain Lelong en 1990 sur les communes de Saumeray et d’Alluyes (LELONG 1991). Les études d’impact et les fouilles ont révélé une concentration encore plus importante d’enclos circulaires (68 dans un couloir de 200 x 900 m dont 40 découverts par fouille et sondage), d’autant plus qu’il est probable que cette nécropole comporte des tumulus sans enclos. C’est tout du moins ce que conduisent à penser les observations réalisées sur le site du Bas des Touches situé sur la même commune (AGOGUE et al. 1997). Il faut donc certainement reconsidérer la surface occupée par ce vaste ensemble funéraire.

49 Les informations les plus importantes concernent à n’en pas douter les structures qui recelaient un sédiment cendreux et des esquilles osseuses brûlées, voire des charbons de bois. La quantité des vestiges du bûcher que chacune d’elle a livré pose en effet la question de leur nature. La taille des fosses, et par voie de conséquence la quantité des vestiges qu’elles recèlent, laissent penser à une fonction symbolique.

50 Elles n’excluent en rien l’hypothèse de sépultures, ce que tend d’ailleurs à confirmer leur association, le plus souvent, avec un tertre. Les exemples archéologiques et ethnologiques vont en effet en ce sens. Sous ces monticules, certes de dimensions modestes, en particulier en ce qui concerne la hauteur, les fosses à crémation s’inscrivaient durablement, voire ostensiblement, dans le paysage.

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51 Ces fosses à crémation sont indubitablement le moyen d’appréhender les opérations successives de la gestion du défunt, du bûcher à la tombe (LE GOFF 2002). Elles posent également la question du rapport au corps et de son devenir après la combustion.

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RANGER, PROST 1998 Ranger O., Prost D. - Saumeray “ Les Pâtures ”, Document Final de Synthèse, Orléans, SRA du Centre.

VERRON 1980 Verron G. - Les pointes de .èches à base concave avec ailerons coupés obliquement. À propos de quelques exemplaires trouvés en Normandie, in : Actes du colloque interrégional tenu à Saint-Amand- Montrond (Cher) les 28, 29 et 30 octobre 1977 : 67-74.

VILLES 1987 Villes A. - Un aperçu de l’industrie lithique des niveaux de l’Âge du Bronze au Fort-Harrouard, in : BLANCHET J.-C. (éd.), Les relations entre le continent et les Îles britanniques à l’Âge du Bronze, Actes du colloque de Lille, 22e Congrès préhistorique de France 2-7 septembre 1984, Supplément à la Rev. Archéol. de Picardie : 275-305.

NOTES

1. Précisions d’Hélène Froquet (INRAP CIF, Tours).

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2. Est considéré comme monument tout ce qui est propre à attester quelque chose, à en transmettre le souvenir. 3. Le terme de “ fosse à crémation ”nous semble être une appellation d’attente qui laisse ouverte la voie à toutes les interprétations. 4. La structure F26 présentait un fossé si peu implanté en surface de décapage qu’il a été repéré suite au séchage du terrain, le remplissage limoneux s’oxydant et se chargeant en humidité. 5. Cependant, il serait malhonnête d’affirmer de façon péremptoire que nous avons la totalité des vestiges osseux qui y ont été déposés. Il se pourrait, compte tenu de leur taille, que quelques « esquilles n’aient pas été repérées ou n’aient pas résisté aux étapes qui suivent la fouille proprement dite (transport, lavage, conditionnement etc.). Si tel était le cas, au regard des précautions que nous avons prises, cela n’irait pas à l’encontre des interprétations liées aux données pondérales. 6. On part du principe que la crémation s’est déroulée en atmosphère oxydante (à l’air libre). 7. À ce sujet, nous ne sommes pas d’avis que les précautions méthodologiques qui sont préconisées pour les études de squelettes humains non brûlés devraient être abandonnées quand il s’agit d’analyser des crémations. 8. Si ces os ont bien été brûlés à l’état frais, cela ne permet cependant pas de déterminer le temps entre la mort du défunt et son traitement par le feu. Par ailleurs, cela n’exclut en rien des manipulations éventuelles. Les observations ethnologiques montrent en effet parfois des temps d’attente (très longs) de plusieurs mois entre le décès et les funérailles, les os se présentant toujours à l’état frais (PAUTREAU 1995). 9. Si une petite pelle ou tout autre outil remplissant la même fonction a pu être utilisé pour le prélèvement et/ou le dépôt, il semble exclu que cet outil ait servi au dépôt : les fragments osseux n’étant pas dispersés par groupes dans le sédiment de remplissage. Il se peut également que la quantité de vestiges déposés soit définie par la taille d’une main seule, voire de deux mains jointives, avant d’être déversés dans le creusement. 10. Il s’agit du type 1 : “ quelques esquilles osseuses dispersées, sans constituer de regroupement notable, dans un sédiment plus ou moins cendreux ”. Notons par ailleurs que le mode prédominant consiste à déposer les ossements directement dans la fosse (LE GOFF, GUICHARD à paraître).

RÉSUMÉS

La fouille archéologique préventive menée durant l’hiver 2001-2002 sur le site de Saumeray “ Les Pâtures ”a consisté à sauver les vestiges d’une nécropole à enclos circulaires de l’âge du Bronze avant l’exploitation d’une gravière. La fouille méthodique des fosses à crémation mises au jour, dont les traces s’avéraient souvent fugaces, a permis d’établir que la plupart d’entre elles ne contenaient que des esquilles osseuses brûlées en quantité limitée ; leur poids n’excédait pas quelques dizaines de grammes. Une étude de paléoanthropologie funéraire portant sur l’analyse de ces dépôts a eu pour objectif de préciser, à la fois par des observations de terrain et un travail de laboratoire, tout ou partie des aspects de la gestuelle funéraire liée à la crémation et à l’inhumation des restes brûlés. Elle a mis surtout en évidence que la crémation proprement dite ne constitue qu’une étape, certes importante, dans la prise en charge du défunt par son groupe.

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Les observations sur l’un des monuments permettent d’avancer des hypothèses quant à la nature et au fonctionnement des enclos de ce secteur de la vallée du Loir.

A rescue excavation of a Bronze Age burial ground was carried out on the site of Saumeray, at Les Pâtures during the winter of 2001-2002. The systematic excavation of the cremation pits, many of which had left only ephemeral traces, showed that most of them contained fragments of burnt bone, the quantity of which never exceeded a few grams. The study of this material, both on site and during post-excavation work, aimed to reconstruct the series of actions related to the cremation and the inhumation of the cremated remains. This study showed that the cremation in itself represents only one stage, albeit very important, in the process by which the group dealt with their deceased. The observations of one of the monuments allow us to propose several hypotheses concerning the nature and the functions of these circular enclosures in this area of the Loir valley.

INDEX

Keywords : Bronze age, burial ground, circular enclosures, cremation pits, burnt bone, burial practices Mots-clés : âge du Bronze, enclos circulaires, fosses à crémation, gestes funéraires, nécropole, os brûlés

AUTEURS

PATRICE GEORGES INRAP Centre-Île-de-France. Centre archéologique d'Orléans (Site du BRGM), 3 avenue C. Guillemin, 45060 Orléans Cedex 2. Patrice Georges est intervenu en tant que paléoanthropologue.

TONY HAMON INRAP Centre-Île-de-France. Centre archéologique d'Orléans (Site du BRGM), 3 avenue C. Guillemin, 45060 Orléans Cedex 2. Tony Hamon a mené la fouille de ce site en qualité de Responsable d'Opération.

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La nécropole gauloise de “ Vaugrignon ” à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) The gaulish burial ground of “ Vaugrignon ” at Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire)

Sandrine Riquier

NOTE DE L'AUTEUR

Cette étude a été achevée dans le cadre d’une aide à la préparation de publication, financée par la sous-direction de l’Archéologie. La traduction anglaise a été assurée par Simon Bryant, que je remercie.

À Camille

Je remercie chaque personne qui a contribué à la réalisation de cette étude : - Laurent Bourgeau (conservateur régional de l’Archéologie, SRA Centre) et Damien Leroy (culture, S.R.A. Centre), pour sa volonté de voir aboutir ce dossier. - La Société Francelot qui a financé cette opération. - Les professionnels de l’INRAP qui ont participé à la fouille, dans la bonne humeur, pour que leur travail quotidien, souvent ingrat, soit reconnu et valorisé : Jérome Arquille, Philippe Blanchard, Véronique Champagne, Nicolas Fouillet, David Josset, Muriel Répelin, Émilie Trébuchet. - Les personnes volontairement venues nous aider à terminer la fouille dans les délais impartis : Pascal Amelin, Anitas Bourdais-Ehkirch, Marie-Pierre Chambon, Laurent Fournier, Damien Leroy, Gabriel Leroy, Dorothée Lusson, Béatrice Marsollier, Pierre-Yves Milcent, Mélanie Tremblay, et deux esvriens : Joël et Marion. - Les spécialistes qui m’ont conseillé sur le terrain ou qui ont contribué à l’étude : Olivier Buchsenschutz, Alain Ferdière, Vincent Guichard, Matthieu Poux, Patrice Georges, Dominique Marguerie, Martine Petitjean, Katherine Gruel, Sophie Krausz, Thierry Lejars, Christophe Moulhérat, André Rapin.

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- Les personnes qui ont contribué à la finalisation de cet article : Hervé Herment, David Josset. À Michel TURCO, maire d’Esvres, et tous les Esvriens, pour qu’une partie au moins de leur patrimoine leur soit restituée. - Enfin, une mention spéciale pour B.L. “ Patience et longueur de temps… ”.

Présentation

Situation géologique

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La nécropole de “ Vaugrignon ” est implantée sur le plateau à l’extrémité ouest du bourg actuel, à environ 750 m de l’Indre (Fig. 1). Le terrain se caractérise par un sable grossier, amorphe, d’une puissance variant de 0,15 m à près d’1,50 m. Il masque une couche d’argile orange, emballant des blocs et des dalles de calcaire siliceux de type meulière. Il s’agit de l’un des terrains les plus pauvres des environs immédiats du bourg actuel. La carte pédologique de Bléré signale un terrain à potentialité agricole limitée, due à la texture du sol et la faible capacité de stockage en eau, rendant le terrain sensible à la sécheresse et les cultures d’été difficiles. Les terrains alentour se montrent au contraire plus favorables à l’agriculture (BOUTIN, THOMAS 1987).

Fig. 1. : Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire): contexte archéologique.

Sites historiques (cercles) : 1-nécropole de “ Vaugrignon ” ; 2- nécropole de “ La Haute Cour ” ; 3-“ Vaugrignon ” ; 4-Gare ;5-église ; 6- Château ; 7-voie ? ; 8- tracé supposé de la voie Tours- Argentomagus ; 9-villa de “ Vonte ” ; 10-“ Champgault ”. Sites préhistoriques (carrés) :11- dolmen ; 12- toponyme “ La Grosse Pierre ” (dolmen disparu ?) ; 13 à 17 – mobiliers néolithiques (habitats ?) ; 18- structures fossoyées quadrangulaires ; 19- cachette de bronzier (d’après des cartographies de J.-P. Chimier, I. Frager, O. Ranger, INRAP).

Contexte archéologique1

La fréquentation du secteur est attestée dès le Paléolithique ancien et moyen par des dolmens et de l’outillage lithique. Des vestiges d’occupations domestiques et funéraires

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néolithiques (groupe de Chambon) sont disséminés sur la commune, ainsi qu’une cachette d’objets de l’âge du Bronze (RANGER 1998 : fig. 2). Pour la période gauloise, seules quelques monnaies de bronze ou d’argent sont inventoriées sans localisation (PROVOST 1988 : 68). Le toponyme d’Esvres semble avoir une origine gauloise de thème “ AV ”, qui se réfère à des sources, nombreuses sur voisin de l’Indre (DUBOIS à paraître). Les diagnostics, réalisés à l’ouest et au sud de la nécropole de “ Vaugrignon ”, n’ont pas livré de vestiges attribuables à l’époque gauloise (Fig. 2). L’habitat associé à cette nécropolereste totalement inconnu (sous le bourg actuel ?).

Fig. 2. : Esvres-sur-Indre, situation cadastrale (coordonnées Lambert de la parcelle 84) de la fouille et localisation des tranchées des diagnostics (d’après RANGER 1998 : fig. 6 ; RIQUIER 1999 : fig. 2, 3).

Fonds de plans et bornages : G. Volte (géomètre expert) ; relevés topographiques des interventions archéologiques : Da. Josset (INRAP).

À l’époque gallo-romaine, une agglomération secondaire est supposée à Esvres-sur- Indre. Cette hypothèse est fondée sur la mention d’un vicus par Grégoire de Tours et l’existence d’une nécropole utilisée du IIe au IV e s ap. J.-C. (cf. infra). Les quelques découvertes fortuites soulèvent l’hypothèse d’une occupation antique sous le centre du bourg actuel. Plusieurs voies anciennes ont été reconnues (DUBOIS 1982). À l’est du territoire communal, au “ Clos Rougé ”, hameau de Vontes, un bâtiment antique a été identifié. Au nord de ce site, à “ Champgault ”, le long de l’ancienne voie de Tours à Argentomagus, “ trois vases en terre cuite et quelques fragments de verreries ”, découverts en 1860, pourraient appartenir à une autre nécropole (CHIMIER et al. à paraître).

La fouille de “ Vaugrignon ”

Sur environ 2300 m2 décapés, 60 faits ont été inventoriés (Fig. 3). L’occupation du site est attestée dès l’époque néolithique par treize fosses ou foyers. À partir du milieu du

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IIe s. av. J.-C. et jusqu’à l’époque augustéenne, le site est dévolu à l’occupation funéraire étudiée ici. Cette nécropole se compose de 29 tombes et de trois zones d’épandage de mobilier calciné. Le site ne semble réoccupé qu’à partir de la fin du haut Moyen Âge comme l’indiquent quelques fosses, un fossé et un vaste fond de cabane.

Fig. 3. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ” : plan général de la fouille (seules les structures de la nécropole sont numérotées).

D’une façon générale, les structures archéologiques étaient peu visibles dans le sédiment lessivé. Un décapage énergique a donc été nécessaire pour repérer les structures. Elles ont le plus souvent été localisées grâce au mobilier, aux dalles calcaires ou au comblement sableux mêlé à des boulettes d’argile orange, lorsque les fonds des structures entaillent la couche sous-jacente. Dans ces conditions, il est possible que des structures ponctuelles nous aient échappé. En fin de fouille, un décapage de vérification a validé l’absence de structure dans certains secteurs.

La nécropole gallo-romaine de “ La Haute Cour ”

Situé à 150 m à l’est de la nécropole gauloise de “ Vaugrignon ”, le cimetière de “ La Haute Cour ” a été découvert au début du XXe s. (Fig. 1, n°2). Il occupe environ 1 ha (BOBEAU 1909). Les tombes “ sont alignées ”, mais leur nombre n’est pas précisé. Seule la pratique de l’inhumation est signalée. Comme à “ Vaugrignon ”, l’état de conservation des squelettes est très médiocre, mais les défunts sont pour la plupart orientés la tête à l’est. L’aménagement des tombes semble identique : un coffrage, composé de dalles calcaires brutes posées sur chant, entoure un cercueil en bois, matérialisé par des clous ou des agrafes. Les tombes d’adultes sont rectangulaires, d’environ 2 m de long sur 1 m de large, pour 0,60 à 0,80 m de profondeur ; celles de moins d’un mètre de long sont

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attribuées à des enfants. L’importance des dépôts est variable d’une tombe à l’autre : certaines ne contenaient qu’un seul vase, d’autres “ plus de dix objets ”. Le mobilier céramique est disposé à la tête et aux pieds des défunts, “ les verreries et les autres objets ont été déposés sur le corps ”. L’auteur signale également “ une tombe meublée de trois vases en terre dont l’un à deux anses (...) est accompagné d’une patère ”. L’étude initiale propose une utilisation du IIe au IVe s. ap. J.-C. (BOBEAU 1909). L’examen personnel de quelques objets conservés à la mairie d’Esvres-sur-Indre, révèle l’existence d’au moins une tombe d’époque augustéenne, contemporaine de la dernière phase d’utilisation de la nécropole gauloise. En l’état, il semble donc que la nécropole de “ Vaugrignon ” soit abandonnée ou déplacée vers celle de “ La Haute Cour ”, à cette époque.

Catalogue des structures

Abréviations : Dim. : dimension des tombes : L x l x p, L : longueur, l : largeur, p : profondeur (après décapage), S. : surface, Alt. : altitude indicative des fonds des fosses (exprimée en NGF), Or. : orientation (donnée dans le sens horaire, à partir du nord géographique). Mobilier : h : hauteur, d : diamètre, do : diamètre à l’ouverture, V : volume, ép. : épaisseur, env. : environ.

Catalogue des tombes

TOMBE F.110 (Fig. 4)

Fig. 4. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.110.

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La moitié ouest de la fosse a été fouillée au diagnostic. Fosse : quadrangulaire à paroi oblique, fond plat. Dim. : 1,80 x 0,87 x 0,18 m. S. : 1,56 m2. Alt.: 83,82 m. Or. : 75° N. Comblement : sable brun-gris mêlé de boulettes d’argile, légèrement plus sombre que le sédiment encaissant. Contenant : des agrafes et des plaques cloutées attestent l’existence d’un cercueil, d’une longueur minimum de 0,80 m. Sa largeur n’est pas déterminée avec précision. Des empreintes de bois sont minéralisées sur la surface interne des agrafes. Les fibres sont perpendiculaires à l’objet. Inhumation : non conservée. Mobilier céramique : un gobelet, en position verticale, dans le tiers ouest de la fosse. Il était manifestement posé à côté du cercueil. Mobilier métallique : trois fibules en fer fragmentaires, un anneau et une tôle perforée en alliage cuivreux sont disposés dans trois anneaux accolés de diamètre croissant. Un potin est situé au centre de la fosse. Offrande animale : quelques menus fragments de faune calcinée sont signalés lors de la fouille au diagnostic dans la moitié ouest de la fosse (non localisée). Datation : phase 1. Catalogue :- 1075 : agrafe, L : 10 cm, l : env. 1 cm. - 1372 : gobelet, type VB. 2, pâte 2, h : 17,6 cm, do : 11 cm, V : 0,84 litre. Dépôt noirâtre, par petites plaques en surface interne. - 1373 : potin “ à la tête diabolique ”. - 1374 : agrafe en fer, L : 9 cm, l : env. 1 cm. - 1377 : anneau en fer, section rectangulaire, d : 3 cm, ép : 1 cm. - 1378 : anneau en fer, section circulaire, d : 4 cm, ép : 0,4 cm. - 1379 : anneau en fer, section en D, d : 4,6 cm, ép : 0,4 cm. - 1380 a : anneau en alliage cuivreux, L : 2 cm, d : 1,3 cm. - 1380 b : tôle perforée en alliage cuivreux, L : 1,6 cm, l : 1 cm. - 1381 : fibule en fer, de type 5, L conservée : 6,8 cm. - 1382 : fibule en fer, de type 6, L conservée : 6 cm. - 1384 : plaques cloutées en fer. - 1411 : fibule en fer, de type 6. Fragmentaire. TOMBE F.120 (Fig. 5)

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Fig. 5. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture la sépulture F.120.

Fosse : ovoïde à paroi oblique, fond plat. Dim. : 1,60 x 0,60 x 0,18 m, p restituée : 0,30 m. S. : 0,96 m2. Alt.: 84,05 m. Or. : 79° N. Comblement : sable brun-gris homogène, identique à l’encaissant. Inhumation : non conservée ; d’après la longueur de la fosse, il s’agit d’un enfant. Mobilier céramique : un gobelet est déposé contre la paroi nord, dans la moitié est de la fosse. Il a légèrement basculé vers le centre. Un centimètre de sédiment le sépare du fond de la fosse. Mobilier métallique : trois fibules, un potin et une petite plaque sont regroupés au centre de la tombe. Autre mobilier : un fragment de tissu minéralisé a été identifié au contact du mobilier métallique. Observation : l’agencement du mobilier au centre de la fosse semble indiquer un dépôt dans un petit sac en tissu dont un fragment (lisière avec nœud) est minéralisé (Fig. 6).

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Fig. 6. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue de détail de l’agencement des trois fibules et du potin de la sépulture F.120.

Datation : phase 2. Catalogue :- 1033 : gobelet, de type VB. 2, pâte 2, h : 17,4 cm, do : 11,7 cm, V : 0,77 l. - 1034 : fibule en bronze de type 2, L conservée : 3,4 cm. - 1035 : plaque en fer, L : 3 cm, l : 0,8 cm. Tissu minéralisé. - 1036 : fibule en fer de type 7, L totale : 5,2 cm. Tissu minéralisé. - 1038 : potin “ à la tête diabolique ”. - 1039 : tissu minéralisé (lisière avec nœud). - 1040 : fibule en bronze de type 2, L conservée : 3,6 cm. TOMBE F.123 (Fig. 7)

Fig. 7. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.123.

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Fosse : les limites ne sont pas reconnues avec certitude. p : 0,80 m, p restituée : 0,20 m. Alt.: 84,08 m. Or. : 63° N ? Comblement : sable gris homogène. Inhumation : non conservée. Mobilier céramique : la tombe contient deux céramiques, l’une est écrasée en place, en léger pendage, la seconde est fragmentée. Datation : phase 4. Catalogue : - 1043 : pot globulaire de type O.1, pâte 1, h : 7 cm, do : 6,3 cm, V : 0,23 l. Très mal cuit. Dépôt noirâtre par plaques en surface interne. - 1044 : pot non tourné de type P.2, pâte 5, h : 8,5 cm env., do : 9,5 cm, V : 0,35 l. TOMBE F.124 (FIG. 8 et 9)

Fig. 8. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue générale de la sépulture F.124 en fin de fouille.

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Fig. 9. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.124.

Fosse : ovoïde à paroi oblique, fond plat irrégulier. Dim. : 1,10 x 0,50 x 0,20 m, p restituée : 0,30 m. S. : 0,55 m2. Alt.: 84,14 m. Or. : 73° N. Comblement : sable brun-gris mêlé de nodules argileux. Inhumation : non conservée. Mobilier céramique : une écuelle, en léger pendage vers l’ouest et un pot, légèrement basculé vers l’est, sont localisés à l’extrémité est de la fosse. Datation : phase 2. Catalogue : - 1047 : écuelle de type A.5, pâte 1, h : 4,7 cm, do : 15,4 cm, V : 0,39 l. - 1048 : pot de type P.6, pâte 1, h : 12,7 cm, do : 10,9 cm, V : 0,74 l. TOMBE F.125 (non illustrée) Fosse : ovoïde, fond plat. Dim. : 1,70 x 0,55 x 0,05 m ; p restituée : 0,20 m. S. : 0,93 m 2. Alt. : 84,07 m. Or. : 75° N. Comblement : sable gris mêlé de boulettes d’argile. Inhumation : non conservée. Datation : indéterminée. TOMBE F.126 (non illustrée) Fosse : quadrangulaire, fond plat. Dim. : 2,35 x 1,15 x 0,03 m, p restituée : 0,30 m. S. : 2,70 m2 environ. Alt. : 84,11 m. Or. : 77° N. Comblement : sable gris homogène, légèrement plus sombre que le sédiment encaissant. Contenant : une barre en fer rectangulaire à extrémité arrondie est localisée au centre de la fosse. Le côté apparent semble lisse. La face inférieure porte des paires de clous espacés d’environ 10 cm sur toute la longueur de l’objet. Trois clous sont situés à proximité de cette barre, au sud. La corrosion de ces objets a conservé des empreintes de bois. Ces clous restituent un cercueil d’au moins 1,30 m de long. Inhumation : non conservée. Mobilier métallique : une barre de cercueil, associée à quelques clous. Datation : indéterminée. Catalogue : - 1053 : barre cloutée en fer, L : 1,30 m, l : 0,05 m. Traces de bois minéralisé. - 1054, 1055, 1056 : clous en fer. Traces de bois minéralisé. TOMBE F.127 (Fig. 10)

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Fig. 10. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.127.

Cette sépulture, en limite est du décapage, n’a pu être fouillée totalement. Fosse : ovoïde, fond plat. Dim. : > à 1,50 x 0,90 env. x 0,16 m. Alt. : 84,17 m. Or. : 80° N. Comblement : sable brun-gris homogène. Les limites de cette fosse sont mal définies. Inhumation : une partie du crâne, du fémur et de la fibula sont conservés. Le sujet est positionné la tête à l’ouest. L’état de conservation est trop médiocre pour déterminer l’âge. La distance entre le crâne et la fibula est d’environ 1,30 m. Mobilier céramique : un pot est déposé en position verticale, à hauteur de l’épaule droite. Datation : phase 2. Catalogue : - 1402 : ossements humains (calotte crânienne, fémur, fibula). - 1058 : pot de type P.6, pâte 2, h : 16 cm, do : 10 cm, V : 1,30 l. Dépôt noirâtre en plaques en surface interne. TOMBE F.128 (FIG. 11)

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Fig. 11. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.128.

Le tiers ouest de la fosse sans mobilier, a été décapé lors du diagnostic, mais n’a pas été repéré. Fosse : quadrangulaire à paroi oblique, fond plat. Dim. : 1,70 x 0,79 x 0,20 m. S. : 1,34 m2. Alt. : 84,05 m. Or. : 81° N. Comblement : sable brun-gris homogène mêlé de boulettes d’argile. Inhumation : non conservée. Mobilier céramique : un gobelet est déposé dans la moitié ouest, le long de la paroi nord de la fosse. La céramique ne semble pas avoir bougé et repose directement sur le fond de la fosse. Mobilier métallique : une fibule en bronze est située au centre de la fosse. Autre mobilier : deux clous et une petite plaque rectangulaire portant des traces de bois, sont concentrés dans l’angle nord-est de la fosse. L’extrémité ouest, située dans une tranchée de diagnostic, ne semble pas avoir livré d’élément similaire. La fonction de ces objets reste indéterminée (éléments de cercueil ou de coffret ?). Datation : phase 2. Catalogue : - 1059 : gobelet de type VB. 3, pâte 2, h : 21 cm, do : 12 cm, V : 1,08 l. Très mal cuit. - 1060 : fibule en bronze de type 1, L conservée : 5,5 cm. - 1061 : potin “ à la grosse tête ”. - 1062 : clou en fer. Traces de bois minéralisé. - 1063 : plaque en fer, L : 5 cm, l : 1 cm. - 1064 : clou en fer, en position verticale. TOMBE F.129 (FIG. 12)

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Fig. 12. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.129.

Fosse : quadrangulaire à paroi légèrement oblique, fond plat. Dim. : 2,25 x 0,73 x 0,40 m. p restituée : 0,40 m. S. : 1,64 m2. Alt. : 84,38 m. Or. : 76° N. Comblement : sable gris mélangé de boulettes d’argile. Contenant : cinq clous sont répartis autour des dépôts de mobilier, dans la moitié est de la tombe. Leur position restitue un contenant large d’environ 0,40 m. La distance entre les clous 1080 et 1076, définie une longueur minimale du cercueil (1 m). Le clou 1079, situé entre les clous 1077 et 1078, pourrait appartenir au couvercle. Inhumation : non conservée. Il pourrait s’agir d’un enfant (diamètre du bracelet). Mobilier céramique : une coupe écrasée en place est située près de l’angle nord-est de la fosse. Mobilier métallique : trois fibules sont regroupées. La fibule en fer porte des empreintes de tissu. Un bracelet en position oblique est situé à proximité. Un anneau se situe au centre de la fosse. Observation : l’intégralité du mobilier se regroupe dans la moitié est de la tombe, laissant vide une grande partie de cette fosse. Les fibules étaient probablement contenues dans un sac comme le suggèrent les empreintes de tissu minéralisées sur l’exemplaire en fer. Datation : phase 2. Catalogue :- 1068 : coupe carénée de type C. 2, pâte 1, h : 11,9 cm, do : 17,1 cm, V : 1,44 l. - 1070 : bracelet à jonc plein et lisse, en alliage base cuivre, section légèrement ovalaire, d externe : 6 cm, ép : 0,4 cm. - 1072 : fibule en bronze, de type 1, L : 6,4 cm. Manque une partie de l’ardillon. - 1071 : fibule en bronze, de type 4, L : 5,5 cm. - 1073 : fibule en fer, de type 6, L conservée : 3,3 cm. Textile minéralisé.

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- 1074 : anneau rubané en fer. D. : env. 3,5 cm, ép : 0,2 cm, h : 1,3 cm. Traces de textile. - 1076 à 1080 : clous en fer. TOMBE F.130 (Fig. 13 et 14)

Fig. 13. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.130.

Fig. 14. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue du gobelet in situ de la sépulture F.130.

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Fosse : quadrangulaire, fond plat. Le creusement marque un palier, d’une dizaine de centimètres de large, à environ 0,30 m du fond. Dim. : 1,85 x 0,60 x 0,65 m ; p restituée : 0,80 m. S. : 1,11 m2. Alt.: 84,53 m. Or. : 86° N. Comblement : sable brun-gris mêlé à de nombreuses boulettes d’argile. Contenant : un sédiment sableux, brun foncé de forme rectangulaire est apparu au centre de la fosse, à environ 0,40 m de profondeur. Cette empreinte mesure 1,45 x 0,38 x 0,15 m environ. Sa périphérie est plus sombre, sur 5 à 6 cm de large. Sur le fond, à proximité de la paroi nord, une trace ligneuse, brune, épaisse de 1 cm, a été suivie sur 0,48 m de long et 0,08 m de large. Inhumation : non conservée. La longueur du contenant désigne un enfant. Mobilier céramique : un gobelet intact, déposé dans l’angle sud-ouest de la tombe, contre le contenant, a légèrement basculé vers l’est. Mobilier métallique : une fibule est isolée au centre de la fosse. Observation : l’empreinte 1082 correspond manifestement à un contenant de type cercueil, probablement chevillé (absence de clous ou d’agrafe). La céramique, intacte mais qui a légèrement basculé vers le centre de la fosse, renforce cette hypothèse. Elle a probablement bougé lors de la décomposition du cercueil. La longueur du contenant (1,45 m) suggère que le défunt était vraisemblablement un enfant. D’après les données recueillies sur le cercueil (épaisseur des parois d’environ 6 cm), le défunt ne devait pas dépasser 1,30 m. Datation : phase 1 ou 2. Catalogue :- 1090 : gobelet de type VB. 4, pâte 4, h : 18 cm, do : 9,8 cm, V : 0,91 l. Dépôt d’une fine pellicule brune sur la surface interne. - 1091 : fibule en fer, de type 6 ? Seul le ressort est présent. TOMBE F.131 (Fig. 15 et 16)

Fig. 15. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue depuis le sud du coffrage de la tombe F.131 en cours de fouille (cliché : V. Champagne, INRAP).

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Fig. 16. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan et mobiliers de la sépulture F.131.

Fosse : les limites du creusement n’ont pas été repérées, néanmoins, l’organisation des blocs et du mobilier permettent de suggérer les dimensions suivantes : env. 1,30 m x 0,70 x 0,50 m ; p restituée : 0,40 m. S. : 0,91 m2 environ. Alt. : env. 84,05 m. Or. : 77° N ? Comblement : sable gris, identique à l’encaissant. Contenant : cinq blocs calcaires ont été agencés sur au moins trois côtés. La dalle située au nord, en position verticale, ne semble pas avoir bougé. Il est bordé à l’ouest par un second bloc qui a partiellement écrasé des céramiques en basculant. Les extrémités sud et est sont bordées par des blocs qui ont basculé vers le centre de la tombe. Au centre, une vaste dalle, grossièrement quadrangulaire, est penchée vers le sud. Elle semble correspondre au bloc de couverture, affaissé avant celui situé à l’est. Sous le bloc central, sont apparus des clous, des plaques et des ferrures. Leur position restitue un cercueil d’environ 0,90 x 0,30 m et la dimension des clous permet d’estimer l’épaisseur des planches à 4 cm. Tous ces éléments portent des traces de bois minéralisé qui préciseront l’agencement des planches. Inhumation : la calotte crânienne, une dizaine de dents et un fragment d’humérus (?) appartiennent à un enfant d’environ 1 an (plus ou moins 3 mois) (détermination : P. Blanchard), orienté la tête à l’est. Mobilier céramique : quatre vases sont déposés dans cette tombe. Il s’agit d’un pot et d’une olla situés dans l’angle sud-ouest, à l’extérieur du cercueil. L’ olla a été partiellement écrasée par un des blocs du coffrage ; le pot est légèrement fêlé. Après l’enlèvement du bloc de couverture, un pot et une écuelle intacts sont apparus. L’écuelle, qui contenait un clou du cercueil, est déposée à droite de la tête du défunt et le pot, retrouvé en position horizontale, à hauteur de la jambe droite. Mobilier métallique : aux pieds du défunt a été déposé un objet fragmentaire, composé d’une plaque à extrémité arrondie muni d’un clou. Il s’agit d’un fragment de manipule de bouclier (identification T. Lejars).

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Datation : phase 4. Catalogue : - 1083 : pot de type P.7, pâte 1, h : 12,9 cm, do : 7 cm, V : 0,52 l. - 1084 : pot globulaire (olla) de type O.2, pâte 1, h : 10,4 cm, do : 13 cm, V : 1,16 l. - 1103 : pot de type P.2, pâte 5, h : 8,5 cm, do : 7,5 cm, V : 0,24 l. - 1104 : jatte de type A.2, pâte 5, h : 6,6 cm, do : 13,2, V : 0,42 l. Dépôt carboné sur les surfaces interne et externe. - 1105 : ossements humains (calotte crânienne, germes de dents et humérus ?). - 1129 : fragment de manipule de bouclier en fer, l : 2,4 cm, L conservée : 3,5 cm, ép. 0,3 cm, d de la tête du rivet : 0,9 cm. Essai de restitution (Fig. 17)

Fig. 17. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, essai de restitution de la sépulture F.131. 1- niveau de décapage, 2- niveau du sol protohistorique restitué.

Les différents éléments témoignent d’un cercueil clouté, protégé par un coffrage partiel (l’extrémité ouest n’a pas livré de pierre), couvert d’une puissante dalle, peut-être destinée à un marquage en surface. La base du crâne et les vases sont situés à une altitude équivalente et l’écuelle contenait un clou du cercueil, ce qui suggère qu’ils ont été disposés à l’intérieur du cercueil. TOMBE F.132 (FIG. 18)

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Fig. 18. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.132.

Fosse : quelques tessons calcinés et deux blocs calcaires ont permis de repérer cet ensemble. Aucune limite de creusement n’a cependant pu être déterminée. Comblement : sable gris homogène. Inhumation : non conservée. Le diamètre du bracelet désigne un adulte gracile ou un enfant. Mobilier métallique : le bracelet se trouvait en position sub-verticale. Datation : phase 2 ? Catalogue : - 1093 : bracelet lisse à jonc plein en bronze, section circulaire. D. externe : 7,5 cm, ép : 0,6 cm. TOMBE F.133 (Fig. 19)

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Fig. 19. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.133.

L’extrémité ouest de la fosse est située dans une tranchée du diagnostic. L’angle sud- ouest de la tombe est tangent à la sépulture F.139. Fosse : quadrangulaire à paroi verticale, fond plat. Dim. : 2,15 x 1,00 x 0,27 m. p restituée : 0,30 m. S. : 2,15 m2. Alt. : 83,61 m. Or. : 62° N. Comblement : sable gris homogène, identique au sable environnant. Inhumation : un fragment du crâne et d’un os long (fémur ?) sont conservés. Le sujet est orienté la tête à l’est. Mobilier céramique : un pot, écrasé en place et un plat à l’envers étaient disposés à la hauteur de l’avant-bras droit, un gobelet et un vase à la hauteur de l’épaule gauche. Ces derniers ont basculé dans des sens opposés. La position des vases laisse envisager la disparition d’éléments en matériau périssable. Datation : phase 4. Catalogue :- 1096 : vase biconique à engobe rouge sombre de type P.14, pâte 12, h : 19 cm, do : 13,8 cm, V : 2,94 l. - 1097 : pot modelé de type P.1, pâte 5, h : 11 cm, do : 11, V : 0,81 l. Fêlure ancienne (raté de cuisson ?). - 1098 : olla de type O.4, pâte 1, h : 10,8 cm, do : 10,4 cm, V : 0,87 l. Graffito en forme de croix, gravé après cuisson. - 1099 : plat en terra nigra de type A.8, pâte 13, h : 4,8 cm, do : 26,5 cm, V : 1,15 l ; - 1100 : ossement humain (calotte crânienne et fémur). TOMBE F.135 (Fig. 20 à 29) Fosse : quadrangulaire à paroi verticale, fond irrégulier. Dim. : 3,30 x 2,30 x 1,30 m. S. : 7,59 m2, V. : 9,87 m 3. Alt. : 82,76 m. Or. : 94° N.

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Comblement : la partie supérieure de cette structure (niveaux -1 et -2), partiellement perturbée par des terriers, se compose d’une succession de couches de sable mêlé à des boulettes d’argile et à de nombreuses pierres calcaires. À 0,80 m de profondeur sont apparus des éléments en bois, de forme longiligne et arquée, sur 1,30 m de longueur (U.S. 1141). Il n’a pas été possible d’identifier leur essence. Leur forme évoque des branchages ou un (ou deux) arcs (Fig. 20).

Fig. 20. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan cumulé des niveaux -1 et –2 de la sépulture F.135 et détails des éléments en bois conservés (U.S.1141 : branchages ou arcs ?).

Le plan cumulé des différents niveaux de pierres dessine un effet de paroi d’une dizaine de centimètres d’épaisseur le long de la paroi nord de la fosse. De plus, un fin liseré gris foncé a pu être observé entre l’amphore et le creusement dans la moitié inférieure du remplissage (U.S. 1160, niveau –3). Il a pu être suivi sur une partie de la paroi nord et dans l’angle nord-est de la fosse (Fig. 21).

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Fig. 21. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan du niveau –3 de la sépulture F.135 et détail de la pièce de bois (U.S. 1158 : poutre du plafond de la chambre).

À environ 0,90 m de profondeur (niveau -3), un élément en bois rectiligne est apparu (U.S. 1158). Il s’agit d’une pièce longue de 1,56 m, positionnée dans l’axe de la fosse. Elle est de section rectangulaire, de 9 x 7 cm. Ses extrémités sont irrégulières. Son dégagement fin a permis d’observer 8 découpes, distantes de 12 à 16 cm sur toute sa longueur (Fig. 22 à 24). Ces entailles sont rectangulaires, larges de 8 à 9 cm sur 3 à 4 cm de profondeur. Dans trois d’entre elles, des pièces de bois sont encore visibles. Le sens des fibres indique qu’elles sont perpendiculaires à la pièce principale.

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Fig. 22. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue générale depuis le sud de la sépulture F.135 en cours de fouille.

Fig. 23. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue générale de la poutre (1158) de la sépulture F.135, au niveau –3 (nord à gauche). En arrière plan, on distingue les limites supérieures de l’U.S. 1166 (tronc d’arbre évidé ?).

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Fig. 24. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue de détail d’une encoche de la poutre (U.S. 1158) de la tombe F.135.

Une fine couche de sable jaunâtre mêlé à des boulettes d’argile tapisse et régularise le fond (U.S. 1179). Très irrégulier, celui-ci n’a livré aucune dépression susceptible d’accueillir des poteaux. Contenant : une couche brune à noire, de texture charbonneuse (U.S. 1166) occupe le centre de la fosse. Elle est apparue sous la forme d’un grand rectangle, long de 2,45 m et large de 0,80 m (à l’ouest) à 0,65 m (à l’est). Ses limites supérieures sont planes et épaisses de 1 à 10 cm. Son dégagement a permis d’observer une couche en cuvette, très fine en son centre (Fig. 22 et 23). Sa limite externe est de forme convexe. Ses rebords, épais et plats, remontent de plus de 9 cm par rapport au centre de cette couche. Les côtés longitudinaux sont épais de 3 cm. Ses extrémités est et ouest mesurent plus de 10 cm d’épaisseur (Fig. 26 et 27). Les caractéristiques particulières de cette couche évoquent un tronc d’arbre évidé.

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Fig. 26. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan du niveau –4 et coupe longitudinale de la fosse F. 135 (le niveau du sol actuel se trouve à 0,60 m au-dessus du décapage).

Fig. 27. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, coupes transversales A/B et C/D de la sépulture F.135.

Inhumation : non conservée.

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Mobilier céramique : quatre céramiques sont déposées dans cette tombe : une amphore dans l’angle nord-est de la fosse, en position verticale, une écuelle intacte au centre de la tombe, une coupe et un vase bobine écrasés en place, à l’extrémité ouest de la fosse (Fig. 25). Excepté l’amphore, l’ensemble du mobilier repose directement sur l’U.S. 1166.

Fig. 25. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue zénithale de l’extrémité ouest de la sépulture F.135.

Mobilier métallique : un poignard en fer est déposé dans son étui en bois, parfaitement conservé au moment de sa découverte. Il est orienté est-ouest, poignée à l’est. Il accuse un pendage vers le nord. Deux anneaux de suspension sont accolés d’un même côté du fourreau. Une agrafe de ceinture est positionnée au centre de la tombe, à proximité immédiate de l’écuelle. Une pointe de lance est localisée du côté nord de la tombe, pointe à l’ouest, parallèlement au poignard. Datation : phase 3.

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Fig. 28. : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers de la sépulture F.135 (fig. S. Riquier, Da. Josset).

Catalogue : (Fig. 28) - 1133 : amphore Dressel 1 B de la côte tyrrhénienne, h : 121,2 cm, h de la lèvre : 6 cm, épaisseur : 3,2 cm, do : 15 cm, d maximum de la panse : 28 cm, l de l’anse : 6,2 cm, V : 24,7 l. Col cassé au décapage. Comblée de sable. - 1157 : vase bobine de type VB. 1A, pâte 1, h : 18 cm, do : 19 cm, V : 2,80 l. - 1167 : écuelle de type A.6, pâte 1, h: 3,9 cm, do : 16 cm, V : 0,33 l. - 1174 : coupe carénée de type C.1, pâte 1, h : 8 cm, do : 14 cm, V : 0,59 l. Dépôt noirâtre en plaques en surface interne. - 1169 : poignard en fer dans un étui en bois. - 1177 : agrafe de ceinture en fer, d : 2,6 cm. - 1178 : pointe de lance en fer, L : 21,4 cm, L de la douille : 4,6 cm, l. max. de la flamme : 4,3 cm. Empreinte de bois. Essai de restitution (Fig. 29) :

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Fig. 29 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, proposition de reconstitution de la chambre funéraire de la sépulture F.135.

1-tronc d’arbre évidé ( ?), 2- poutre du plafond (= U.S. 1158), 3-traverses, 4-planches de couverture, 5- planches de coffrage (largeur et orientation hypothétiques), 6-branchages ou arc ?, 7- niveau du sol actuel, 8- niveau de décapage.

Les différents niveaux de comblement et les pendages des pierres, toutes orientées vers le centre de la fosse, témoignent d’un effondrement important. Les effets de paroi des pierres et le liseré sombre constituent des éléments témoignant de l’existence d’une chambre funéraire aménagée. On propose de restituer un coffrage en bois d’environ 2,70 x 1,30 m. Sa hauteur minimum est de 1,30 m d’après la taille de l’amphore. Enfin, l’effet de paroi observé entre les dépôts de l’ouest et du bord de la fosse, permet d’évaluer l’épaisseur de ces parois à une dizaine de centimètre. L’absence de trace au fond de la fosse laisse à penser qu’un plancher reposait sur une sablière basse (?), directement posée sur le sol. La position stratigraphique de la pièce de bois 1158 et les encoches régulièrement espacées la désignent comme la poutre principale du plafond. Le système de couverture paraît donc être un système d’assemblage à mi-bois de traverses sur chevrons. On connaît une soixantaine de tombes “ à chambre funéraire ” en Gaule septentrionale (CERRI 2002), mais rarement leur architecture : celles de Clémency, de “ Folly Lane ” ou d’Antran témoignent d’une architecture plus complexe (METZLER et al. 1991 : fig. 21 ; NIBLETT 2002 : ill. 2 ; PAUTREAU 1999 : fig.16). Concentrées dans les niveaux supérieurs, les pierres proviendraient d’un tertre situé au-dessus du plafond de la chambre. Les caractéristiques de l’U.S. 1166 permettent de proposer une inhumation dans un tronc d’arbre évidé. Les traces de bois observées sur la face du fer de lance en contact avec cette U.S. permettent d’identifier du chêne à feuilles caduques, de fort calibre

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(identification D. Marguerie, Y. Le Digol) qui valide l’hypothèse d’un tronc d’arbre évidé. La position de la boucle de ceinture et l’orientation du poignard indiquent que le défunt était couché la tête à l’est. La situation de la boucle par rapport au poignard prouve que celui-ci n’était pas porté par le défunt, mais déposé à proximité du corps. L’écuelle, située immédiatement à l’est, était déposée sur le ventre du défunt, la coupe et le vase bobine disposés à ses pieds, sur le rebord du “ cercueil ”. TOMBE F.139 (Fig. 30, 31, 32)

Fig. 30 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan et coupes de la sépulture F.139.

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Fig. 31 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers de la sépulture F.139.

Le tiers ouest de cette tombe a été fouillé lors du diagnostic. L’angle nord-ouest est tangent à la sépulture F.133 (Fig. 30). Fosse : quadrangulaire, fond plat sur-creusé dans sa partie centrale. Dim. : 2,73 x 1,30 x 0,50 m. p restituée : 0,60 m. S. : 3,54 m2. Alt.: 84,01 m. Or. : 100° N. Comblement : sable brun-gris identique au sédiment encaissant. Contenant : un gros bloc calcaire, à la verticale de l’amphore est mentionné dans la partie fouillée lors du diagnostic. Il suggère une signalisation de surface ou un élément de couverture. La partie centrale de la fosse accuse un surcreusement quadrangulaire (2,20 x 0,55 m) et un fond en cuvette. De nombreux blocs et dalles calcaires se trouvent en périphérie et matérialisent des parois, sur les côtés nord et est de la fosse. Inhumation : le fragment de calotte crânienne appartient à un adulte (détermination : P. Blanchard) orienté la tête à l’est. Mobilier céramique : six vases, dont une amphore, sont inventoriés. Effondrée sur elle- même, l’amphore était à l’origine debout dans l’angle nord-ouest de la fosse. À l’extrémité ouest de la tombe, deux assiettes disposées côte à côte, sont écrasées en place. Trois pots sont le long de la paroi nord : un pot est déposé près de l’amphore, les deux autres, écrasés en position horizontale, reposent un peu plus à l’est. L’un d’eux porte un graffite. Mobilier métallique : un fer de javelot est déposé à gauche du crâne. Son talon, découvert lors du diagnostic, se situait à l’autre extrémité de la tombe. Offrande animale : quelques éléments de faune calcinée font face aux deux pots. Datation : phase 4. Catalogue : (Fig. 31) - 1180 : pot de type P.12, pâte 11, h : 14,7 cm, do : 7,2 cm, V : 0,9 l. Graffite “ UINDA ”

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gravé sur pâte cuite. - 1181 : pot de type P.1, pâte 5, h : 12,4 cm, do : 9,2 cm, V : 0,75 l. - 1182 : pointe de javelot en fer, L conservée : 25 cm. La pointe manque. Flamme de section lenticulaire, l maximum : 3 cm. Hampe partiellement minéralisée dans la douille. Empreintes de tissu. - 1183 : fragment du squelette (calotte crânienne). - 1184 : faune calcinée. - 1387 : douille en fer, L : 9 cm. - 1388 : amphore Dressel 7/11 de Bétique, pâte 15, h : 78,4 cm, do : 18,4 cm, d maximum de la panse : 29 cm, V : 20,4 l. Écrasée en place. - 1389 : pot de type P.11, pâte 1, h : 21,7 cm, do : 13,8 cm, V : 2,99 l. Surface lissée en bandeaux successifs. - 1390 : assiette de type A.8, pâte 13, h. : 3,7 cm, do : 19 cm, vol. 0,47 l. - 1391 : assiette de type A.10, pâte 8, h : 4,5 cm, do : 19,4 cm, V : 0,41 l. Essai de restitution (Fig. 32) : Le léger surcreusement central de cette fosse, en forme de cuvette, suggère l’emplacement d’un cercueil chevillé. La conservation de la calotte crânienne du défunt atteste une orientation tête à l’est. Le javelot est déposé à sa gauche, à l’intérieur du cercueil.

Fig. 32 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, proposition restitution de la sépulture F.139. 1- niveau de décapage, 2- niveau du sol actuel.

Tous les vases sont déposés autour de la moitié inférieure du corps, à droite (amphore et vases hauts) ou aux pieds (assiettes). L’amphore, déposée à l’extérieur du cercueil, semble avoir été appuyée contre la paroi de la fosse. Les pots se retrouvent à l’intérieur de l’espace défini par les pierres du pourtour. Leur position horizontale et leur faible écrasement indiquent qu’ils ont bougé alors qu’ils étaient comblés de sédiment. D’autre

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part, leur base, située à 10 cm du fond de la fosse, suggère qu’ils étaient probablement déposés sur le couvercle. La disposition des assiettes n’est pas identifiée avec certitude : elles ont pu être disposées sur le cercueil. TOMBE F.140 (Fig. 33 et 34)

Fig. 33 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobilier de l’incinération F.140.

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Fig. 34 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, essai de restitution de la sépulture F.140.

1- niveau de décapage, 2- niveau du sol protohistorique (cf. F.177), 3- coffrage partiel en dalles calcaires, 4- support en matériau périssable, 5- tertre restitué.

Il s’agit de la seule incinération attestée sur le site. Partiellement détruite par un fossé moderne, la limite sud reste visible dans le fond du fossé F.134. Le côté nord recoupe la tombe F.177 (Fig. 33). Fosse : quadrangulaire, fond plat. Dim. : 1,15 x 0,65 x 0,30 m. p restituée : 0,50 m. S. : 0,75 m2. Alt.: 83,89 m. Or. : 104° N. Comblement : sable brun-gris identique à l’encaissant. Contenant : quelques blocs calcaires encadrent le mobilier sur les côtés nord, est et sud. Aucun coffrage en matériau périssable n’a cependant pu être identifié. Incinération : quelques esquilles osseuses correspondent à des fragments de crâne, de dent(s) et d’os long (membres supérieurs ?). Les éléments ne sont pas suffisants pour déterminer le sexe et l’âge au décès. Cependant, les fragments d’os longs et de crâne laissent envisager un sujet adulte. L’épaisseur du crâne semble toutefois être le résultat d’une pathologie (étude : P. Georges). Ces ossements ont été retrouvés au fond de l’amphore. Aucun charbon de bois n’était associé. Mobilier céramique : une amphore, en position oblique, a été largement écrêtée anciennement ; quelques fragments étaient éparpillés dans les environs immédiats, d’autres à 0,70 m au nord, au-dessus de la tombe F.177 (cf. infra, Fig. 59). Elle est encadrée par deux autres vases. A l’est, une assiette est brisée en deux fragments retrouvés accolés à l’amphore. À l’ouest, une olla est écrasée sous l’amphore. L’état de fragmentation et la position des trois céramiques montrent un déplacement par rapport à leur situation d’origine. Datation : phase 4.

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Catalogue : - 1154 : amphore Pascual 1 de Tarraconaise, h. restituée : 93 cm, d max. de la panse : 28 cm, do : 20 cm, V : environ 29 l. Vase cinéraire. - 1155 : assiette de type A.10, pâte 10, h : 4,6 cm, do : 20,8 cm, V : 0,53 l. Graffito profondément gravé après cuisson à l’aide d’une pointe sèche (oiseau aux ailes éployées ?). - 1156 : olla de type O.2, pâte 1, h : 12,3 cm, do : 13 cm, V : 1,51 l. Dépôt noirâtre en plaques sur la surface interne. - 1157 : ossements humains incinérés, masse : 20 g. Essai de restitution (Fig. 34) : Les céramiques communes et deux des pierres périphériques, situées à un 15 cm du fond de la fosse, étaient vraisemblablement posées sur des supports. Or, le basculement de l’amphore, déposée debout à l’origine comme le suggère l’écrasement de l’olla, n’a pu être possible qu’à l’intérieur d’un espace vide. Il ne s’agissait donc pas de sédiment dans lequel était fichée l’amphore, mais de supports en matériau périssable (étagères, tabourets ou simples planches posées sur des rondins), qui maintenaient l’amphore en position verticale. Ce type de support est proposé pour la tombe 226 du Mail romain de Nîmes (FEUGÈRE et al. 1996 : fig. 19). Les fragments de l’amphore, retrouvés à plus de 0,70 m, suggèrent qu’elle dépassait du sol. Dans cette configuration, il est possible qu’aucun coffrage ne protégeait cet ensemble (cf. infra, 5.2.3). TOMBE F.144 (Fig. 35 et 36)

Fig. 35 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue générale de la sépulture F.144 en fin de fouille (nord à gauche).

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Fig. 36 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.144.

Fosse : ovoïde à paroi légèrement oblique, fond plat. Dim. 1,45 x 0,70 x 0,52 m. S. : 1,02 m2. Alt.: 83,95 m. Or. : 81° N. Comblement : sable brun-gris mêlé de boulettes d’argile. Contenant : cinq clous, qui portent des empreintes de bois, sont localisés le long de la paroi sud de la fosse. Le long de la paroi nord, un alignement de céramiques et un bloc calcaire définissent un effet de paroi. Ces éléments permettent de restituer un cercueil dont les dimensions sont estimées à 0,70 x 0,50 m (espace entre les clous). Inhumation : non conservée. La faible longueur de la fosse indique qu’il s’agit d’un enfant en bas âge. Mobilier céramique : trois céramiques sont disposées en ligne, le long de la paroi nord. Mobilier métallique : une fibule est située au centre de la tombe. Datation : phase 3. Catalogue : - 1212 : vase bobine de type VB.1B, pâte 1, h : 8,5 cm, do : 10 cm, V : 0,32 l. - 1213 : pot de type P.6, pâte 1, h : 12,7 cm, do : 8 cm, V : 0,57 l. - 1214 : pot de type P.3, pâte 5, h : 9,5 cm, do : 9, V : 0,44 l. Mal cuit. - 1215 : fibule en bronze de type 3, L : conservée 2,6 cm. TOMBE F.147 (Fig. 37 et 38)

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Fig. 37 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue zénithale du coffrage de la tombe F.147 (cliché: V. Champagne).

Fig. 38 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan et coupe de la sépulture F.147.

Fosse : sub-quadrangulaire à paroi verticale, fond plat. Dim. : 1,45 x 0,90 x 0,50. S. : 1,30 m2. Alt.: 83,84 m. Or. : 84° N. Comblement : sable brun-gris, légèrement plus sombre que le sable environnant. Contenant : neuf dalles calcaires brutes posées sur chant délimitent la fosse sépulcrale. Elles ont été sélectionnées avec soin, puisqu’elles s’agencent parfaitement entre elles. Un décrochement aménagé dans les parois de la fosse supporte ce coffrage. Deux blocs ont basculé vers le centre de la structure. Cette sépulture est dépourvue de dalles de

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couverture. Ce coffrage mesure 1,40 x 0,70 x 0,65 m, ménageant un espace interne de 1,05 x 0,50 m. Inhumation : non conservée. L’espace utile du coffrage est destiné à un enfant en bas âge. Datation : indéterminée. TOMBE F.150 (Fig. 39, 40, 41)

Fig. 39 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plans et coupe longitudinale de la sépulture F.150.

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Fig. 40 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue du mobilier déposé le long de la paroi nord de la tombe F.150 (nord à droite).

Fig. 41 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers de la sépulture F.150.

Fosse : ovoïde à paroi oblique, fond plat. Dim. : 1,75 x 0,90 x 0,45 m. S. : 1,57 m 2. Alt.: 83,97 m. Or. : 85° N. Comblement : sable brun-gris mêlé de boulettes d’argile.

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Contenant : deux grosses dalles de meulière (0,35 x 0,45 m et 0,45 x 0,30 m) recouvraient la fosse. Quelques centimètres en dessous, une trace longitudinale sombre, de 0,90 x 0,08 m, est apparue (U.S. 1239 a). Elle est grossièrement parallèle à la limite nord de la fosse. Quatre pierres reposant à 1 cm du fond dessinent un rectangle, qui mesure 0,90 x 0,60 m. Le long de ces pierres, une seconde trace rectiligne plus sombre était visible dans le sens longitudinal (U.S. 1239 b). Suivie sur 0,90 m de long, elle se perd un peu avant les céramiques du centre de la fosse. Ces quelques éléments témoignent de l’existence d’un cercueil (Fig. 39). Inhumation : il subsiste quelques fragments d’émail de dents. La longueur du cercueil identifie une tombe d’enfant en bas âge, orienté la tête à l’est. Mobilier céramique : dix vases se répartissent en deux groupes d’inégale importance (Fig. 40). Le premier se compose de sept vases alignés le long de la paroi nord. Ils sont intacts et en position verticale, à l’exception de trois vases basculés. Le second groupe se compose de trois vases, disposés en triangle, à l’ouest des deux pierres. Ils sont intacts et légèrement penchés; ils reposent à 2 cm du fond de la fosse. Le vase 1233, qui correspond à un fond de vase à piédouche découpé, repose dans sa position fonctionnelle originelle ; il ne semble donc pas avoir une fonction de réceptacle. La coupelle 1232 contenait quatre tessons de panse d’un gros vase (identique au vase 1300 de la tombe F.177), soigneusement agencés. Mobilier métallique : deux potins proviennent du centre de cette tombe. L’un est localisé à proximité immédiate des dents, le second au centre de la fosse. Dans l’angle nord-ouest, à l’extrémité du premier dépôt de céramiques, est localisée une paire d’anneaux superposés, en léger pendage. Datation : phase 3. Catalogue : (Fig. 41) - 1224 : pot de type P.4, pâte 5, h : 11,3 cm, do : 11 cm, V : 0,66 l. - 1225 : écuelle de type A.4, pâte 1, h : 4 cm, do : 15 cm, V : 0,31 l. Enduit brun sur la lèvre. - 1226 : vase balustre de type P.10, pâte 3, h : 12,5 cm, do : 4,2 cm, V : 0,34 l. - 1227 : vase balustre de type P.10, pâte 3, h : 12,7 cm, do : 4,2 cm, V : 0,32 l. Manque la galette du fond. - 1228 : coupelle de type O.6, pâte 2, h : 6 cm, do : 9,6 cm, V : 0,26 l. - 1229 : pot de type P.1, pâte 5, h : 10,4 cm, do : 8,5 cm, V : 0,53 l. Enduit brun sur le col. - 1230 : vase bobine de type VB.1B, pâte 2, h : 8,3 cm, do : 12 cm, V : 0,28 l. - 1231 : godet de type G.5, pâte 5, h : 7 cm, do : 3,2 cm, V : 0,06 l. - 1232 : coupelle à ombilic de type C.3, pâte 3, haut. 3,9 cm, dia ouv. 8,5 cm, vol. 0,12 l. Dépôt de 4 tessons jointifs de panse d’un gros vase. - 1233 : piédouche découpé à la jonction avec la panse d’un vase à engobe micacé de type Cr.1 ( ?), pâte 6, h : 5,8 cm, do : 12 cm. - 1234 a et b : paire d’anneaux, en fer, de section demi-circulaire, d : 2,6 cm, ép 0,4 cm, dimensions de l’aplatissement : 0,9 x 0,5 cm. - 1235, 1236 : potins “ à la tête diabolique ”. - 1237 : ossement humain (émail de dent). Essai de restitution (Fig. 42) : Affleurantes, les deux grosses dalles constituent vraisemblablement des dalles de couverture et / ou un système de signalisation de la sépulture. Les traces ligneuses observées entre les pierres, pourraient correspondre à un cercueil, long au minimum

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de 0,90 cm et large de 0,30 m. Les éléments disponibles permettent de proposer une restitution de la tombe de façon assez précise. Un potin est situé à la tête du défunt et un second à proximité ou dans la main gauche. Les quatre pierres étaient probablement posées au fond de la fosse, à proximité des angles du cercueil. Le bon état de conservation des céramiques et leur faible déplacement laissent supposer qu’elles étaient déposées à côté du contenant, dans un espace colmaté.

Fig. 42 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, essai de restitution de la sépulture F.150.

1- cercueil, 2- stature restituée d’un enfant d’environ un an, 3- monnaies, 4- pierres calcaires (support du cercueil ?), 5- dalles calcaires (signalisation de surface probable), 6- niveau de décapage, 7- niveau du sol protohistorique.

TOMBE F.151 (Fig. 43)

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Fig. 43 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.151.

Fosse : oblongue à paroi sub-verticale, fond plat. Dim. : 1,70 x 0,90 x 0,53 m. S. : 1,53 m2. Alt.: 83,86 m. Or. : 83° N. Comblement : sable gris mêlé de boulettes d’argile (U.S. 1238). Le fond de la fosse est comblé de sable argileux gris foncé (U.S. 1253) qui s’éclaircit progressivement vers les bords de la fosse. Contenant : le fond de la fosse accuse un léger surcreusement, de 1,32 x 0,60 m, encadré de quelques pierres le long des limites nord et sud. Cet effet de paroi suggère la présence d’un contenant. Inhumation : non conservée. L’espace disponible (1,30 m de long) ne pouvait accueillir qu’un enfant. Mobilier céramique : un pot est situé le long de la paroi nord, au-dessus du niveau des pierres. Deux autres vases, de petites dimensions, sont déposés à l’extrémité est et ouest au fond de la fosse et pourraient avoir été disposés dans le contenant, à la tête et aux pieds du défunt. Datation : phase 2. Catalogue : - 1241 : pot de type P.6, pâte 2, h : 11 cm, do : 8,4 cm, V : 0,52 l. - 1242 : godet de type G.1, pâte 5, h : 6 cm, do : 7,3 cm, V : 0,14 l. Mal cuit. - 1243 : godet de type G.2, pâte 5, h : 5,1 cm, do : 6 cm, V : 0,07 l. TOMBE F.152 (Fig. 44 et 45)

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Fig. 44 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plans, coupes et mobiliers de la sépulture F.152.

Fig. 45 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue de détail du mobilier de la sépulture F.152 : fragment de manipule de bouclier déposé entre trois céramiques.

Fosse : quadrangulaire à angles arrondis, fond plat. Dim. : 1,65 x 0,90 x 0,40 m. p restituée : 0,40 m. S. : 1,48 m2. Alt.: 83,79 m. Or. : 92° N. Comblement : sable gris mêlé de boulettes d’argile.

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Contenant : trois gros blocs calcaires étaient affleurants au décapage. Le plus proéminent, situé dans l’angle sud-ouest n’empiète pratiquement pas sur la fosse et ne semble pas avoir été déplacé. Les deux autres marquent le centre et l’extrémité opposée de la fosse. À mi-profondeur, sont apparus quatre blocs alignés le long de la paroi nord et deux autres au sud. Ils ont basculé vers le centre de la fosse et témoignent de l’existence d’un contenant qui n’a pas laissé d’autre trace. Le fond de la fosse est légèrement surcreusé dans sa partie centrale (1,50 x 0,55 m). Inhumation : non conservée. La longueur de la fosse désigne la tombe d’un enfant. Mobilier céramique : trois vases intacts sont regroupés en triangle au centre de la fosse. Leur base repose à quelques centimètres du fond de la fosse. Mobilier métallique : un potin et un objet en fer reposent sur le fond de la fosse. Observation : la position du mobilier et du surcreusement central témoigne d’un contenant, partiellement bordé de pierres. Les vases intacts, manifestement comblés avant l’effondrement de la tombe devaient reposer sur ce contenant. Datation : phase 4. Catalogue : - 1247 : pot de type P.2, pâte 5, h : 10,1 cm, do : 10,6 cm, V : 0,56 l. - 1248 : godet de type G.6, pâte 2, h : 5,6 cm, do : 3 cm, vol. 0,14 l. Modelé grossièrement. - 1249 : pot globulaire (olla) de type O.3, pâte 2, à fond surélevé, h : 9,6 cm, do : 9 cm, vol. 0,55 l. Pied ébréché anciennement. - 1250 : fragment de manipule de bouclier et de rivet de fixation en fer, L conservée : 6,7 cm, l : 1,8 cm, ép : 2 mm. Traces de tissu minéralisé. - 1252 : potin “ à la tête diabolique ”. TOMBE F.159 (Fig. 46 et 47)

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Fig. 46 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.159.

Fig. 47 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue de détail du vase bobine in situ de la sépulture F.159.

Fosse : quadrangulaire à angles arrondis, fond plat. Dim. : 2,55 x 1,20 x 0,50 m. S. : 3,06 m2. Alt.: 83,77 m. Or. : 80° N.

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Comblement : sable brun-gris compact et homogène. Fond induré. Contenant : deux grosses dalles proviennent du comblement supérieur. Par ailleurs, aucun élément ne justifie l’existence d’un contenant. Les céramiques, intactes, signalent un espace colmaté. Inhumation : non conservée. Mobilier céramique : les trois céramiques intactes reposent directement sur le fond de la fosse. L’une, située dans l’angle sud-est a légèrement basculée. Mobilier métallique : une fibule est située au centre de la fosse. Datation : phase 3. Catalogue : - 1267 : fibule en fer, de type 8, L conservée : 2,5 cm. - 1269 : vase balustre de type P.8, pâte 2, h : 21,7 cm, do : 10,7 cm, V : 2,33 l. Coup de feu sur la panse. - 1270 : écuelle de type A.6, pâte 2, h : 3,2 cm, do : 15,4 cm, V : 0,25 l. - 1271 : vase bobine de type VB.1D, pâte 2, h : 16,8 cm, do : 12, V : 0,91 l (Fig. 47). TOMBE F.161 (Fig. 48)

Fig. 48 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.161.

Fosse : quadrangulaire à angles arrondis, fond plat. Dim. :1,60 x 0,70 x 0,25 m. S. : 1,12 m2. Alt. : 83,40 m. Or. : 87° N. Comblement : sable gris mêlé de boulettes d’argile. Un gros bloc calcaire, non déplacé, marque la limite ouest de la tombe. Contenant : les céramiques ont manifestement bougé et signalent un espace vide, probablement laissé par la décomposition d’un cercueil. Inhumation : non conservée. La faible longueur de la fosse désigne une tombe d’enfant. Mobilier céramique : trois céramiques intactes en position oblique sont regroupées dans l’angle sud-ouest de la fosse. Mobilier métallique : un anneau est situé à proximité immédiate du godet. Datation : phase 3.

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Catalogue : - 1274 : godet de type G.1, pâte 5, h : 5,4 cm, do : 5,8 cm, V : 0,06 l. - 1275 : cruche à engobe micacé de type Cr. 1, pâte 6, h : 13,5 cm, do : 5,4 cm, V : 0,3 l. - 1276 : pot de type P.3, pâte 5, h : 11,2 cm, do : 8,2 cm, V : 0,58 l. Très mal conservé. - 1277 : anneau en fer de section circulaire, d : 3 cm, ép : 0,5 cm. Empreinte de textile. TOMBE F.162 (non illustrée) Fosse : quadrangulaire, fond plat. Dim. : 1,64 x 0,82 x 0,06 m. S. : env. 1,34 m2. Or. : 78° N. Comblement : sable argileux brun-gris, assez compact. Inhumation : non conservée. Datation : indéterminée. TOMBE F.163 (FIG. 49 et 50)

Fig. 49 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan et coupe longitudinale de la sépulture F.163.

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Fig. 50 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers de la sépulture F.163.

Fosse : quadrangulaire à paroi oblique, fond plat. Dim. : 2,95 x 1,75 x 0,50 m. S. : 5,16 m2. Alt. : 83,74 m. Or. : 78° N. Comblement : sable brun-gris mêlé de boulettes d’argile. Très compact. Fond induré. Contenant : le long de la paroi nord de la tombe, les dépôts de céramiques et quelques pierres définissent un alignement que l’on retrouve symétriquement le long de la paroi opposée. Les pendages relevés indiquent un basculement vers le centre de la fosse. Les effets de parois se dessinent aussi sur la position des céramiques. Ces observations indiquent un contenant, dont les dimensions peuvent être estimées à 1,90 x 0,60 m. Inhumation : non conservée. La fosse pouvait accueillir un adulte. Mobilier céramique : trois céramiques affaissées sont alignées le long de la paroi nord de la fosse. Deux d’entre eux ont basculé. L’écuelle intacte est en position sub-verticale. Mobilier métallique : une fibule incomplète est située au centre de la fosse. Datation : phase 3. Catalogue : - 1280 : vase bobine de type VB.1C, pâte 3, h : 20,5, do : 16,6 cm, V : 2,22 l. - 1281 : vase balustre de type P.8, pâte 9, h : 34 cm, do : 15, V : 7,89 l. Mal cuit. - 1282 : vase bobine de type VB.1A, pâte 2, h : 15,4 cm, do : 13,4 cm, V : 1,12 l. - 1283 : écuelle de type A.7, pâte 1, h : 3,9 cm, do : 17,4 cm, V : 0,51 l. - 1284 : fibule en fer, de type 9. Incomplète. TOMBE F.165 (Fig. 51 à 56)

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Fig. 51 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue générale de la sépulture F.165 en cours de fouille (nord à gauche)

L’extrémité sud de la fosse est recoupée par un fossé moderne (F.134). Fosse : quadrangulaire à paroi verticale, fond plat. Dim. : 2,45 x 1,05 x 0,40 m. p restituée : 0,50 m. S. : 2,57 m2. Alt. : 83,54 m. Or. : 91° N (Fig. 51). Comblement : le comblement supérieur est composé de sable gris, identique au sable environnant. Contenant : au décapage, de grosses dalles (U.S. 1315) sont apparues et se concentraient dans la partie médiane de la fosse. À une vingtaine de centimètres de profondeur, une couche noire, charbonneuse, meuble et épaisse d’environ 1 cm, aux limites irrégulières, est apparue (U.S. 1317). Elle butait, dans sa partie sud, sur un alignement de blocs calcaires. Sa limite nord présente plusieurs excroissances. Cette couche, longue au maximum de 2,30 m et large de 0,50 m, recouvrait l’ensemble des dépôts. À quelques centimètres du fond de cette fosse, une seconde couche noire (U.S. 1319), d’une texture charbonneuse identique à l’U.S. 1317 est apparue sur une longueur de 2,10 m et une largeur de 0,70 m. Elle est située sous les dépôts de la partie centrale de la tombe. Ses limites longitudinales butent contre les pierres périphériques (Fig. 52 et 53).

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Fig. 52 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plans de la sépulture F.165.

Fig. 53 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, coupes longitudinale et transversale de la sépulture F.165.

Inhumation : la fouille du prélèvement de la partie centrale de la fosse a permis d’observer un fragment de fémur collé à l’oxydation de l’épée. Le sujet adulte ( ?) reposait donc la tête à l’est. Mobilier céramique : sept céramiques, dont une amphore sont organisées en deux groupes. Le premier s’aligne le long de la paroi sud et apparaît étroitement lié au coffrage de pierre. Dans l’angle sud-ouest, une olla est écrasée en place. L’amphore, en position horizontale, prolonge le coffrage de pierres. Quelques fragments ont “ glissé ” dans le fossé. Près du col de l’amphore, deux assiettes sont posées sur les pierres du coffrage. Elles sont écrasées et quelques fragments ont glissé entre les pierres. Dans l’angle sud-est, un pot effondré sur lui-même, est posé sur une petite dalle calcaire. Le

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second groupe se compose de deux vases déposés près de la paroi nord : une assiette, retrouvée intacte mais en forte inclinaison et un pot à l’envers. Mobilier métallique : une épée se situe au centre de la tombe. Elle est orientée est-ouest, poignée à l’est et présente sa face antérieure. De nombreuses empreintes de tissu ont été observées sur sa face inférieure. Deux anneaux de suspension sont accolés au pontet. Une agrafe de ceinture est située à proximité, au niveau du haut de la lame. Une garniture d’arme de jet est située le long du coffrage sud de la fosse, pointe à l’ouest. La longueur mesurée in situ de cette arme est de 1,75 m. Autre mobilier : un petit lot d’objets se concentre près du talon en fer. Il se compose d’un menu fragment de bracelet en verre, d’une bille d’hématite, d’une monnaie et de deux anneaux dont l’oxydation a imprimé du tissu. Un fragment de meule en grès est déposé dans l’angle nord-ouest de la fosse, à l’extérieur du cercueil. Offrande animale : sous l’amphore, des fragments de faune calcinée sont préservés. Datation : phase 4.

Fig. 54 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, armement de la sépulture F.165 et radiographie du prélèvement en motte de l’épée

(cliché IRRAP, interprétation A. Rapin). Les anneaux de suspension et boucle de ceinture sont replacés selon leur position de découverte dans la tombe (figure : S. Riquier, Da. Josset).

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Fig. 55 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, autres mobiliers de la sépulture F.165.

Catalogue : (Fig. 54 et 55) - 1320 : amphore Pascual 1 de Tarraconaise, pâte 14, h : 92,5 cm, do : 12,5 cm, V : 29,2 l. - 1321 : olla de type O.2, pâte 1, h : 10,9 cm, do : 12,6 cm, V : 1,28 l. - 1322 : écuelle de type A.1, pâte 5, h : 3,9 cm, do : 21 cm, V : 0,65 l. - 1323 : vase balustre de type P.9, pâte 1, h : 22,4 cm, do : 10,6 cm, V : 2,83 l. - 1324 : pot de type P.5, pâte 5, h : 12 cm, do : 10,6 cm, V : 0,87 l. - 1325 : assiette de type A. 8, pâte 12, h : 3,5 cm, do : 21,4 cm, V : 0,69 l. - 1326 : plaque cloutée en fer. - 1327 : pointe d’épieu en fer, L : 14 cm, l : 1 cm. - 1328 : talon conique en fer, L : 7 cm. Empreinte de tissu. - 1329 a et b : paire d’anneaux en fer. Empreintes de tissu. - 1330 : potin à la légende “ MA ” (LT 5284). - 1331 a : épée en fer, dans son fourreau, L lame : 0,90 m. Empreinte de tissu et de cuir sur la face postérieure (côté pontet). - 1331 b : anneaux de suspension en fer, de section ovalaire, d : 3,5 cm. Empreintes de tissu. - 1343 : faune calcinée.

- 1344 : bille en hématite (Fe2O3), d : 0,5 cm (identification F. Delorme, BRGM, Orléans). - 1347 : fragment de meta conique en grès, ép min. : 1,8 cm, ép maxi. : 2,2 cm. - 1370 : fragment de bracelet en verre bleu, L conservée : 1 cm. - 1410 : assiette de type A.4, pâte 5, h : 5 cm, do : 17,2 cm, V : 0,47 l. - 1411 : agrafe de ceinture en fer. Essai de restitution (Fig. 56) : Les grosses dalles calcaires en surface de la tombe, semblent correspondre à des pierres de couverture et / ou à un système de signalisation. Les alignements de blocs calcaires

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le long des parois nord et sud de la fosse, contre lesquels s’appuient les couches charbonneuses (U.S. 1317, 1319), identifient un cercueil, qui devait être chevillé (absence de clou). L’U.S. 1317, située au-dessus des dépôts, est interprétée comme le couvercle du cercueil. Les excroissances observées sur la limite nord de l’U.S. 1317 pourraient correspondre aux résidus des planches de couverture, orientées nord-sud (?). La position de la plaque cloutée et des deux vases de la paroi nord renforcent cette hypothèse. L’U.S. 1319, sur laquelle reposent les dépôts du centre de la tombe, pourrait correspondre aux planches du fond du cercueil. Ces observations permettent de restituer un cercueil d’environ 2,30 x 0,70 m.

Fig. 56 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, essai de restitution de la sépulture F.165.

1- cercueil, 2- niveau de décapage, 3-niveau du sol protohistorique restitué, 4- tertre de signalisation (sable et blocs calcaires).

La position des armes indique qu’elles étaient déposées dans le cercueil avec le défunt. Les observations réalisées sur l’épée mettent en évidence des empreintes de cuir qui alternent avec des traces de tissu, sur la partie haute de l’épée. Ces traces sont interprétées comme celle d’une ceinture enroulée autour de l’épée. Les empreintes de tissus observées sur les anneaux et la concentration des petits objets désignent le dépôt d’une bourse à côté du corps, contenant de menus objets, correspondant probablement à des amulettes. Enfin, les traces de textiles observées sur l’épieu et un petit fragment de textile minéralisé, suggèrent le dépôt d’une toile de laine qui tapissait le fond du cercueil. TOMBE F.167 (FIG. 57)

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Fig. 57 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.167.

Fosse : quadrangulaire à paroi verticale, fond plat. Dim. : 1,45 x 0,90 x 0,30 m. S. : 1,30 m2. Alt.: 83,44 m. Or. : 85° N. Comblement : sable gris mêlé de boulettes d’argile. Le comblement primaire est plus argileux que le comblement terminal. Inhumation : non conservée. La longueur de la fosse désigne un enfant. Mobilier céramique : les quatre vases sont intacts. Un pot situé dans l’angle nord-est, est légèrement penché. Une jatte est déposée près de la paroi sud, un godet et un vase bobine à l’extrémité ouest. Le godet repose sur une pierre. Mobilier métallique : une fibule est située au centre de la fosse, à 3 cm du fond. Autre mobilier : un fragment de paroi de four est déposé dans l’angle sud-ouest de la fosse. Datation : phase 3. Catalogue : - 1309 : godet de type G.2, pâte 5, h : 7,8 cm, do : 9 cm, V : 0,28 l. - 1310 : vase bobine de type VB.1B, pâte 5, h : 5,6 cm, do : 9, V : 0,16 l. - 1311 : godet de type G.3, pâte 5, h : 5,4 cm, do : 8,6 cm, V : 0,12 l. - 1312 : pot de type P.6, pâte 1, h : 12,7 cm, do : 10,2 cm, V : 0,69 l. - 1313 : fibule en fer, de type 9, L conservée : 3,2 cm. Empreinte de tissu. - 1314 : fragment de paroi de four (7 x 6 x 3 cm), poids : 126 g. Chauffé à plus de 1000°C (identification : L. Fournier). TOMBE F.168 (Fig. 58)

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Fig. 58 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan, coupe et mobiliers de la sépulture F.168.

Fosse : oblongue à paroi verticale, fond plat. Dim. : 2,05 x 0,75 x 0,30 m. S. : 1,54 m2. Alt.: 84,36 m. Or. : 100° N. Comblement : sable gris mélangé à des boulettes d’argile. Contenant : cinq clous en position horizontale sont alignés le long de la paroi nord. Ils pourraient appartenir à un cercueil. Inhumation : il subsiste des fragments de crâne et d’émail de dents. Cet immature (détermination : P. Georges) est orienté la tête à l’est. Mobilier métallique : deux fibules sont accolées sur la gauche du corps. L’une d’elles est complète et fermée. Datation : phase 1. Catalogue : - 1335 : fibule en fer de type 6, L totale : 8 cm. Manque la corde. - 1336 : ressort et ardillon de fibule en fer de type 6, L totale : 8,6 cm. Empreinte de tissu. - 1337 : ossements humains (crâne, émail de dents). - 1338 à 1342 : clous en fer, L : 3 à 4 cm. TOMBE F.177 (Fig. 59)

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Fig. 59 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plans et coupe longitudinale de la sépulture F.177.

La paroi sud de cette fosse est légèrement entamée par l’incinération F.140. Des fragments de l’amphore de cette tombe (1154) sont situés sur son comblement. Fosse : quadrangulaire à paroi verticale, fond plat. Dim. : 2,00 x 0,95 x 0,40 m. p restituée : 0,50 m. S. : 1,90 m2. Alt.: 84,03 m. Or. : 98° N. Comblement : sable gris, légèrement plus sombre que le sédiment encaissant. Contenant : seul le fort pendage des céramiques situées le long de la paroi sud permet de soupçonner un contenant qui n’a pas laissé d’autre trace (Fig. 59). Inhumation : non conservée. La fosse pouvait accueillir un adulte. Mobilier céramique : un pot écrasé est fortement penché, le long de la paroi nord. Une écuelle, intacte, est située au centre de la fosse. Les quatre autres vases, intacts également, sont grossièrement alignés le long de la paroi sud et en fort pendage. Mobilier métallique : deux fibules fragmentaires sont localisées à l’extrémité est de la fosse. Autre : un fragment de tissu est minéralisé sur une petite plaque en fer. Offrande animale : des éléments de crâne de capriné sont préservés sous le gros vase et un os de grand mammifère à l’extrémité est de la tombe. Datation : phase 4.

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Fig. 60 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers de la sépulture F.177.

Catalogue : (Fig. 60) - 1295 : jatte de type G.4, pâte 2, h : 7,2 cm, do : 9,2 cm, V : 0,24 l. Mal cuit. - 1296 : olla de type O.5, pâte 3, h : 9,6 cm, do : 11,6 cm, V : 0,94 l. - 1297 : jatte de type A.2, pâte 5, h : 5,4 cm, do : 12,8 cm, V : 0,3 l. - 1298 : assiette de type A.7, pâte 2, h : 3,8 cm, do : 17,6 cm, V : 0,43 l. Desquamation ancienne en cupules de la surface externe. - 1299 : écuelle de type A.1, pâte 5, h : 2,9 cm, do : 11,2 cm, V : 0,14 l. Mal cuit. - 1300 : pot à lèvre moulurée de type P.13, pâte 7, h : 24,5 cm, do : 15 cm, V : 4,10 l. Col à enduit poissé. - 1301 : arc et pied fibule en fer de type 9 (?), L conservée : 7,2 cm. - 1302 : fragments de ressort et de pied d’une fibule en fer de type 10. - 1303 : faune (maxillaire et dents de capriné). - 1394 : petite plaque en fer. Fragment de tissu minéralisé (bordure). - 1395 : faune (fragment de tarse de grand mammifère). Essai de restitution (Fig. 61) :

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Fig. 61 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, essai de restitution de la sépulture F.177.

1-niveau de décapage, 2-niveau du sol protohistorique restitué.

La position des vases laisse envisager un contenant. Le gros vase était disposé à côté du contenant, à droite du corps ; les pendages des autres céramiques suggèrent qu’elles ont été déposées sur le cercueil. La petite écuelle au centre de la fosse était située soit au-dessus, soit à l’intérieur du cercueil. Le fragment de tissu minéralisé pourrait appartenir à une toile de laine tapissant le fond du cercueil.

Les amas de mobilier

Trois concentrations de mobilier sont apparues au décapage. Aucune limite de creusement n’a été identifiée. Le niveau de pose identique de ces éléments répartis sur une faible épaisseur laisse envisager des épandages de mobilier, qui correspondent soit à des lambeaux de sols, soit à des amas de mobilier étalés. Lors du diagnostic, une céramique calcinée, complète aux trois quarts, a été retrouvée isolée, à proximité de la sépulture F.110 (Fig. 62).

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Fig. 62 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vase calciné découvert au diagnostic à proximité de la sépulture F.110.

F.106 (non illustré) À environ 2 m du nord de la sépulture F.177, est apparue une concentration de pierres calcaires associée à un fragment d’amphore Dressel 1B calciné et à quelques tessons de céramiques communes. Datation : phase 3. F.116 (Fig. 63)

Fig. 63 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”,mobilier de “ l’amas ” calciné F.116 (en grisé : zones d’absence de la surface des vases).

1- amphore Pascual 1 (a-lèvre, b-anse), 2-Dressel 1B (anse), 3,4-vases bobines, 5, 6-jattes, 7, 8-pots (niveau d’apparition :-1,30 m).

À proximité de la sépulture F.168, une concentration de mobilier se répartit sur environ 2 m2 et quelques centimètres d’épaisseur. On dénombre 35 fragments de céramiques : 12 fragments d’amphores (dont 1 Dressel 1B et 1 Pascual 1) et 23 fragments de céramiques communes dont 1 jatte, 1 assiette, 2 vases bobines et 2 pots. Le mobilier calciné totalise 40 % du mobilier, dont la totalité des amphores. Des fractures anguleuses suggèrent un bris volontaire d’une partie au moins du mobilier. Aucun élément de faune n’y est associé. Datation : phases 3 et 4 ?

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F.181 (Fig. 64 et 65)

Fig. 64 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, vue de l’épandage de mobilier calciné F.181 (cliché : O. Ranger, INRAP).

Fig. 65 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ” , mobiliers de l’amas F.181.

1- amphore Dr.1B (a-lèvre, b-anse, c-pilon) ; 2-vase bobine ; 3-vase balustre ; 4 et 5-jattes (niveau d’apparition : -0,56 m sous la surface actuelle).

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Découvert dans une tranchée du diagnostic, une troisième concentration de mobilier est localisée à environ 30 m au nord des tombes. Il s’agit d’un amas de mobilier éparpillé sur une surface d’environ 1 m2 (1,20 x 0,80 m) et une dizaine de centimètres d’épaisseur (RANGER 1998 : 5). Cet “ amas ” se compose de 105 fragments de vases, dont 40 de céramiques communes, 65 d’amphore et quelques grammes de faune calcinée. Il totalise 4,4 kg de mobilier. De couleur gris à noir, parfois déformé et boursouflé, l’intégralité de ce mobilier a subi une forte action thermique. Il est très fragmenté, avec une moyenne de 10 g pour la céramique et de 60 g par tesson d’amphore. Les nombreux remontages reconstituent au moins un vase balustre, un (ou deux ?) vase bobine, une jatte à lèvre en bourrelet, une écuelle à bord rentrant et une céramique de forme indéterminée, tous en pâte de type 1 ou 2. Les fragments d’amphore appartiennent à une Dressel 1B de la côte tyrrhénienne. Avec une majorité de fragments de panse (46 %), on ne remarque pas de sélection particulière, mais le taux de fragmentation est particulièrement élevé, pour le col (24 fragments) et le pilon (7 fragments), contre 3 fragments d’anse et un fragment de lèvre. Les trois quarts des tessons mesurent entre 4 et 20 cm2 et beaucoup prennent l’aspect de tesselles. Ces fragments constituent 16 % de son poids initial, à l’instar des autres céramiques. Des fractures anormalement anguleuses et des traces d’impact, attestent des coups portés sur l’amphore et les céramiques avec un objet tranchant (Fig. 65) (examen réalisé avec M. Poux). Ils sont pratiqués après la calcination (remontages entre tessons de même couleur). Au vu de l’absence de foyer à proximité et du déficit en mobilier, ce mobilier semble avoir été déplacé avant de subir cette seconde destruction. Datation : phase 3.

Chronologie des tombes

Au total, 11 tombes ont livré des fibules, 4 des amphores et 23 des céramiques communes. Certaines formes, conjointes à plusieurs tombes, ont conduit à réaliser un classement typologique, pour observer les associations et effectuer une sériation à partir des comparaisons effectuées.

Les fibules

Typologie

On dénombre un corpus de 19 fibules dont 13 en fer et 6 en bronze. Dix types sont identifiés. Les correspondances typologiques renvoient aux études récentes réalisées en Gaule méridionale (FEUGÈRE 1985), en Forez ( VAGINAY, GUICHARD 1988 ; LAVENDHOMME, GUICHARD 1998), dans les Ardennes (LAMBOT, FRIBOULET, MÉNIEL 1994) et au Luxembourg (METZLER 1995 ; METZLER, METZLER-ZENS, MÉNIEL 1999). Les fibules en bronze - Type 1 : fibule de Nauheim : ressort à 2 x 2 spires, corde interne. Arc plat triangulaire tendu décoré d’incisions. Pied trapézoïdal ajouré. Tombes : F.129 (1072) et F.128 (1060). Longueur : 6,4 et 5,5 cm. Correspondances typologiques : Feugère 5a (décor 30), 3a, Titelberg 3b, Acy- Romance 7.

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- Type 2 : fibule de Nauheim miniature : mêmes caractéristiques que la fibule de type 1, mais deux fois plus petite. Arc non décoré. Le pied manque. Tombe : F. 120 (1040, 1034). Longueur conservée : 3,4 et 3,6 cm. Correspondances typologiques : Feugère 5a/b, Feurs 3a/b. - Type 3 : fibule à arc cambré : ressort à 2 x 2 spires, corde interne. Arc plat triangulaire, fortement recourbé à hauteur du ressort, incurvé au pied. Pied trapézoïdal ajouré. Tombe : F.144 (1215). Longueur : 2,9 cm. Correspondance typologique : Feugère 4. - Type 4 : fibule de Cenisola : ressort à 2 x 2 spires, corde interne. Arc plat coudé, orné d’un disque médian plat et mouluré, à perforation tronconique centrale. Pied rectangulaire ajouré. Tombe : F.129 (1071). Longueur : 5,5 cm. Correspondances typologiques : variante Feugère 5c (var. 20). Les fibules en fer - Type 5 : fibule à pied attaché sur l’arc : ressort à 2 x 6 spires, corde externe. Arc filiforme cambré. Pied attaché très bas sur l’arc par une bague. Le pied manque. Tombe : F.110 (1381). Longueur conservée : 6,8 cm. Correspondances typologiques : Feugère 1b, Feurs 1a, Acy-Romance 2. - Type 6 : fibule La Tène II : ressort à 2 x 3 ou 2 x 5 spires, corde externe. Arc filiforme tendu ou en archet de violon, de section circulaire ou carrée. Pied carré ajouré. Tombes : F.110 (1382, 1411), F.129 (1073), F.130 (1091), F.168 (1335, 1336). Longueur : 8,4 cm, 8 cm et 6,3 cm (restituable à environ : 7,8 cm). Correspondances typologiques : Acy-Romance 4. - Type 7 : fibule filiforme à arc tendu : ressort à 2 x 2 spires, corde interne. Arc filiforme tendu de section carrée. Pied trapézoïdal ajouré. Tombe : F.120 (1036). Longueur totale : 5,2 cm. Correspondances typologiques : Feugère 5b, Feurs 3b, Guillaumet 2, Titelberg 7b. - Type 8 : fibule à arc coudé (“ Knickfibeln ”) : ressort à 2 x 2 spires, corde interne. Arc filiforme fortement coudé à la tête, de section carré. Le pied manque. Tombe : F.159 (1267). Longueur conservée : 2,5 cm. Correspondances typologiques : Feugère 4c2. - Type 9 : fibule à arc trapézoïdal de schéma “ La Tène III ” : ressort à 2 x 2 spires, corde externe, monté sur un axe de section carrée. Arc trapézoïdal cambré et mouluré. Le pied manque. Tombes : F.163 (1284), F.167 (1313), F.177 (1301 ?). Correspondances typologiques : variantes Feugère 2a, Titelberg 4a. - Type 10 : fibule à griffe : ressort à 2 x 2 spires, corde externe retenue par une griffe. Arc filiforme fortement coudé à la tête, de section carrée. Le pied manque. Tombe : F.177 (1302). Correspondances typologiques : 10, Titelberg 14, var. Feugère 14.

Comparaisons

La fibule de type 5, à long ressort et pied rattaché sur l’arc est attestée dans les tombes d’Acy-Romance durant les horizons 1 et 2, datés des années 160-140 av. J.-C. Dans la tombe F.110, elle est associée à une fibule de type 6, équivalente au type 4 défini pour Acy-Romance. Cette fibule y caractérise la phase suivante, datée des années 140-120 av. J.-C. Ces deux fibules, bien représentées dans les nécropoles et l’habitat de “ La Warde ”

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ont permis de définir un horizon chronologique antérieur aux fibules de Nauheim (LAMBOT, FRIBOULET, MÉNIEL 1994 : 164). Dans la tombe F.129, la fibule de type 6 est associée à des fibules de Nauheim et de Cenisola. La perforation centrale de l’arc de cette fibule était probablement destinée à recevoir une incrustation qui n’est pas conservée. Ce type de fibule est décliné en plusieurs variantes dans son aire de diffusion principale située en Italie du Nord, dont elle est originaire (STRIEWE 1996 : 85 ; GLEIRSCHER 1992 : 95, fig. 2). L’exemplaire de la tombe F.129 s’apparente à la variante 20 du type 5c défini par M. Feugère, qui pourrait avoir été produit en Gaule méridionale (Causses ?) (FEUGÈRE 1985 : 223). Rares en dehors de cette zone, on dénombre, quelques fibules de Cenisola à Besançon (LERAT 1956 : 10, n° 68), Bourges (FAUDUET 1983 : fig. 1, n° 4), Orléans (GARDAIS 1999 : 31), aux “ Pichelots ” (GRUET, PASSINI 1986 : 106) et à Paule (inédite, information T. Lejars). La fibule filiforme de type 7 constitue l’équivalent du type 7b défini pour le territoire trévire. Dans les ensembles funéraires de Lamadelaine, cette variante à porte-ardillon ajouré se concentre essentiellement durant La Tène D2a (METZLER, METZLER-ZENS, MÉNIEL 1999 : 293). À Feurs, elle est toujours associée aux fibules de Nauheim et caractérise les horizons 3 et 4, soit les années 110 à 70 av. J.-C. (VAGINAY, GUICHARD 1988 : 153, fig. 124 ; LAVENDHOMME, GUICHARD 1997 : 158). Ces deux types constituent des fossiles directeurs de La Tène D1 (LEJARS, in : BRUNAUX, MÉNIEL 1997 : 217). Dans la tombe F.120, elle est associée à des fibules de type 2, variante intermédiaire entre la fibule de Nauheim classique et sa variante à arc filiforme. L’inventaire des “ Knickfibel ” dressé par F. Perrin montre leur large répartition sur les oppida et les sites ouverts de plaine de Gaule, jusqu’en Europe centrale. Tous les contextes les attribuent clairement à La Tène D2, entre les années 70 et 20 av. J.-C. (PERRIN 1990 : 40-41). Elle constitue, avec la fibule à arc cambré deux types emblématiques du deuxième tiers du Ier s. av. J.-C. (POUX 1999 : 87, 114). La fibule de type 9 présente un lien de parenté avec la fibule de type 4 du Titelberg (arc filiforme interrompu par un bouton), dont le ressort protégé par une plaquette est dépourvu de griffe. Abondantes en territoire trévire, ces fibules se classent suivant leur ressort : les plus anciennes sont à corde externe, par la suite doté de plaquettes, puis d’une griffe. La forme de l’arc de l’exemplaire de la tombe F.163 semble annoncer les fibules à arc rubané augustéennes, toujours munies de plaquettes et d’une griffe (idem : 296-297). La fibule d’Esvres apparaît intermédiaire entre la fibule de type 4 et celle du type 16 du secteur trévire, à situer dans le courant de La Tène D2b, d’après la chronologie établie (METZLER 1995 : 249, fig.127). Enfin, les fibules de type 10 apparaissent à Roanne dans des contextes attribués à l’horizon 6, daté des années 20-10 av. J.-C. (LAVENDHOMME, GUICHARD 1997 : 159). Elle est associée dans la tombe F.177 à une fibule de type 8.

Les amphores

Quatre tombes ont livré chacune une amphore complète. Nombreuses en contexte funéraire, leur chronologie semble désormais acquise (POUX 2004) (Fig. 66).

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Fig. 66 : Inventaire des tombes à amphore (d’après POUX 2004: fig. 127; OLIVIER, SCHÖNFELDER 2002: 84).

Les amphores Dressel 1B sont les plus fréquentes. Elles sont caractéristiques de La Tène D2. Le faciès des tombes à amphores hispaniques Pascual 1 les date des dernières décennies avant le changement d’ère, plus rarement au début du Ier s. ap. J.-C. (Neuvy- Pailloux, Primelles, Goeblingen-Nospelt, t. B). En parallèle, ce type apparaît fréquemment en contexte domestique dans la basse et moyenne vallée de la Loire en amont et en aval de Tours, à Angers (MORTREAU 1997 : 41-42), Amboise (niveau 2 : COLIN 1998 : fig. 46), Blois (information F. Couvin), jusqu’à Orléans (RIQUIER 2003 : 8), dans des horizons chronologiques similaires. Moins fréquentes, les amphores hispaniques Dressel 7/11 apparaissent dans quelques tombes privilégiées. Elles sont associées à des Dressel 1 (“ pavés ” de Clémency et Malintrat, tombe 4 de Saint-Nicolas-lès-Arras), seules (Stanway, tombe “ du docteur ”, Feulen, Goeblingen-Nospelt, t. 14), puis associées à des Pascual 1 (Goeblingen-Nospelt, t. B, Mont Bures). Ces amphores semblent étroitement liées à la présence de militaires romains sur les sites (POUX 2004 : 230).

Les céramiques communes

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Fig. 67 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, typologie du mobilier céramique.

Le corpus se compose de 73 céramiques déposées dans les tombes (Fig. 67) : 25 pots (34,2 % du corpus) ; 16 assiettes, écuelles ou jattes (21,9 % des vases) ; 11 vases à boire (15 %) ; 8 ollae et 8 godets (10,9 % chacun) ; 3 coupes (4,1 %) ; 1 cruche à piédouche et 1 pied découpé (F.150-1233). Le pot P.1 est identique à des exemplaires de Vernou-sur-Brenne, issus d’un contexte de La Tène C2/D1a (MAUGARD 1977 : pl. 17). Le pot P.6 est rare en dehors de cette nécropole. Un seul exemplaire est recensé sur le site de Tours “ Clocheville ” dans un contexte du milieu du IIe s. av. J.-C. (RIQUIER, étude en cours). De grands vases à décor cannelé P.8 se retrouvent dans les tombes de Ménestreau-en-Villette et Fléré-la-Rivière (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 145). Les pots P.9 et P.14 pourraient constituer des prototypes des bouteilles balustres et des vases à panse galbée à engobe rouge lustré de l’orléanais. Ils montrent en effet des caractéristiques “ archaïques ” par rapport à leurs homologues tibéro-claudiens (COUVIN 2002 : pl.57). La seule cruche de cette nécropole est imitée des olpés méditerranéennes, fréquentes dès le début du Ier s. av. J.-C. en Languedoc oriental (FEUGÈRE et al. 1996 : 183-184). Ces cruches, à bord en gouttière, dérivées des prototypes hellénistiques originaires d’Italie ou de Gaule méridionale, sont connues avec un revêtement micacé à Varennes-sur- Seine (SÉGUIER 1998 : fig. 18, n°14). Originale, la cruche d’Esvres est munie d’un piédouche mouluré d’origine purement indigène. Les godets d’Esvres sont tous issus de tombes d’enfant. Leur forme élémentaire et de facture grossière pourrait correspondre à des objets fabriqués par des enfants, par apprentissage, puis destinés à des jeux de dînette. Fréquemment inventoriés dans les tombes tardo-républicaines, les vases bobines restent absents des occupations domestiques contemporaines en Touraine et en Berry, contrairement aux sites de l’Anjou (CHEVET et al. 2000). La production connue à Angers

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se décline en deux variantes : un vase haut cintré et un vase bas caréné au profil proche de la coupe de la tombe F.135 (VACHER, BERNARD 2003 : fig.13). Le vase bobine est connu en Aquitaine dès la fin du Ier Age du Fer (SIREIX 1986 ; BOUDET, SIREIX 1983 : 245, 249). Il est probablement dérivé des exemplaires en bois, comme ceux conservés en Normandie et en Irlande (information P. Pion ; RAFTERY 1992 : fig. 5). En contexte funéraire, les vases bobines sont associés aux vases élancés et constituent le service de la boisson indigène (FERDIÈRE, VILLARD 1993 ; STEAD 1967). Le gobelet G.2 est rare. Le seul exemplaire connu régionalement provient du secteur cultuel de Saumeray (Riquier, étude en cours). Dans la vallée de l’Aisne, ces gobelets sont attribués à La Tène D2b (PION 1998 : fig. 2c). Des exemplaires assez proches proviennent des tombes de Snailwell et de Nospelt-Krecklbierg (t.1) (STREAD 1967 : 54 ; REINERT 1992 : fig. 11). Le gobelet balustre VB. 4 est comparable à des exemplaires de Tours, de Roanne et de la tombe de Welwyn-Garden City, datés de la fin du IIe s. au Ier s. av. J.-C. (RIQUIER 2001 : pl. 6 ; LAVENDHOMME, GUICHARD 1997 : pl. 97 ; FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 242). Peu courant, le gobelet tulipiforme VB.3 rencontre des parallèles en Touraine, en Anjou, ainsi que dans la région du Hunsbrück, dans des contextes de La Tène C2 et D1 (MAUGARD 1977 ; GRUET, PASSINI 1986 ; METZLER 1996). Les ollae O.2 sont courantes dans de centre-ouest de la Gaule de l’époque augustéenne à la période flavienne (MÉNEZ 1986 : forme 130). La tombe augustéenne de la nécropole de Tavant a livré une paire d’ollae couvertes d’un enduit noir appliqué au pinceau, identiques à celles d’Amboise (BLANCHARD, RIQUIER, SALÉ 2003 : 30 ; COLIN 1998 : fig. 54). Une production est connue à Angers où les plus anciens sont attribués au troisième quart du Ier s. av. J.-C. (BOUVET et al. 2003). À Argentomagus, il s’agit d’une forme courante, dont l’une porte le célèbre graffito du Vergobreto (ALLAIN 1981 : fig. 7), très proche du type O.5. Dans le secteur Seine-Yonne, cette forme est recouverte d’un engobe blanc ou lie-de- vin (SÉGUIER 1998 : fig. 16). L’olla de la tombe F.152 est originale, puisqu’elle est munie, comme la cruche, d’un piédouche. Les assiettes A.5 sont courantes en Touraine dans des contextes de La Tène C2-D1 (COLIN 1998 : fig. 50 ; MAUGARD 1977 : pl. 5 ; JOUQUAND et al. 2001 : fig.43). Les assiettes à bord oblique, dérivées des productions campaniennes Lamb. 5/7, apparaissent régionalement dès La Tène D2a. L’assiette en terra rubra de la tombe F.165 correspond à une production familière des secteurs carnute et sénon (RIQUIER 1997 ; SÉGUIER 1998 : fig. 16).L’assiette micacée A.10 est comparable aux exemplaires du centre et du centre- est de la Gaule de la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. à l’époque augustéenne (BARRAL 1998 : 381). Cette céramique est semblable aux couvercles des marmites tripodes, également représentés dès le milieu du Ier s. av. J.-C. à Orléans (RIQUIER 2003 : fig. 4). L’assiette A.1 n’est pas sans évoquer les patinae italiques à enduit rouge pompéien (Gose 243-246). Elle est ici réalisée en pâte grossière, non tournée et sans revêtement, de fabrication probablement locale. Dans l’état actuel des données, les vases de ces tombes s’intègrent donc parfaitement dans le faciès de la Gaule du centre-ouest.

Datation des tombes

Les informations chronologiques fournies par les différents mobiliers ont été examinées en parallèle avant d’être réunies dans un seul tableau matriciel : les quatre

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phases chronologiques proposées sont donc établies à partir du croisement des différentes données. Elles ne sont pas nécessairement continues, comme le suggèrent les ruptures de la sériation (Fig. 68). Chaque phase ainsi définie possède des caractéristiques propres à suivre l’évolution des répertoires et des dépôts funéraires (Fig. 69) :

Fig. 68 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, sériation du mobilier des tombes (abscisse : tombes ; ordonnée : critères).

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Fig. 69 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, évolution des répertoires et des assemblages de mobiliers.

- Phase 1 : fibules de types 5 et 6, pas ou peu de céramiques (1 gobelet VB.2) : La Tène D1a (horizon antérieur aux fibules de Nauheim : vers 140/120). 3 tombes : F.110, F.130, F.168. - Phase 2 : fibules de type 6, Nauheim, Cenisola et filiformes, pots P.6 et godets G.2 : La Tène D1b (vers 120-80). 6 tombes : F.120, F.124, F.127, F.128, F.129, F.151. - Phase 3 : fibules à arc cambré, coudé et à corde externe, amphore Dressel1B, vases bobines, pots à cordons, écuelles, assiettes : La Tène D2 (vers 80/40). 7 tombes : F.135, F.144, F.150, F.159, F.161, F.163, F.167. - Phase 4 : fibules à arc coudé, à griffe, amphores Pascual 1, Dressel 7/11, ollae, assiettes, pots non tournés : période augustéenne précoce (vers 40-10). 8 tombes : F.123, F.131, F.133, F.139, F.140, F.152, F.165, F.177. Cette étude chronologique attribue 24 tombes sur 29, soit 82,7 % des ensembles, à une phase particulière. Les autres, dépourvues de mobilier caractéristique restent non datées (Fig. 70). On constate une augmentation progressive du nombre de défunts inhumés dans cette nécropole, avant que ce secteur soit brutalement abandonné à l’époque augustéenne. C’est précisément à cette période que la nécropole de “ La Haute Cour ”, située à une centaine de mètres est créée (cf. supra 1.4).

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Fig. 70 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, plan général phasé des sépultures.

Étude des ensembles funéraires

Les tombes et les cercueils

Profondeur et signalisation des tombes

L’orientation des fosses varie de 62° à 104°, avec une majorité comprise entre 75° et 90°. En fonction des phases chronologiques, cette orientation est plus ou moins dispersée : elle varie de 73° à 83° pour la phase 2, de 78° à 94° pour la phase 3 et de 62° à 104° durant la phase 4. Outre les épandages, certaines pierres situées en périphérie de sept tombes débordent partiellement sur le comblement de la fosse. Cette position particulière ne s’explique que si le niveau du sol contemporain est situé à la base de ces blocs. Elles permettent donc de restituer la profondeur originelle des fosses, étonnamment peu profondes : environ 0,50 à 0,70 m pour les adultes (F.135 exclue) et seulement 0,30 à 0,50 m pour les enfants. Malgré l’utilisation de cette nécropole pendant plus d’un siècle, l’absence de recoupement des tombes s’explique manifestement par un système de signalisation pérenne. Des dalles calcaires sont remarquées sur un tiers des tombes. Il s’agit le plus souvent d’une ou deux grosses dalles ou de nombreux petits blocs, provenant du site. Ces dalles ne couvrent qu’une partie de la fosse sépulcrale, sans qu’il y ait volonté particulière de “ colmater ” tout l’espace disponible. Au moins trois des tombes à amphore devaient être signalées par un tertre constitué de sable, d’argile et des pierres issus du creusement de la fosse. Des calculs réalisés à partir du volume de ces sédiments permettent d’estimer des tertres hauts d’environ 1,30 m pour la tombe à chambre

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funéraire F.135 et 0,60 m pour la tombe de guerrier F.165. La fosse de l’incinération F. 140 est profonde de 0,50 m par rapport au niveau du sol protohistorique estimé. Or, l’amphore, déposée en position verticale, mesure 0,93 m : elle dépassait donc du sol. Ce dispositif particulier (cf. infra, § 5.2.3.) aurait néanmoins pu être partiellement protégé par un tertre.

Les contenants

Au total, 16 tombes ont livré des éléments susceptibles de préciser la nature du contenant dans lequel repose le défunt. Six tombes renfermaient des clous, des agrafes, parfois associées à des ferrures ou une barre cloutée, qui signalent des cercueils. Dans deux tombes, les clous alignés sur un seul côté de la fosse, pourraient témoigner de cercueil partiellement chevillé. Des limites de couches, des liserés sombres ou des effets de paroi, définis par la distribution des pierres, des céramiques et de leur état de conservation (écrasées, basculées, intactes...) illustrent des espaces vides laissés par la disparition d’éléments organiques, simples planches ou véritable cercueil chevillé. Il pouvait être doublé par un coffrage partiel ou souligné, à chaque angle, d’une pierre posée à plat. Le coffrage parfaitement agencé de la tombe F.147, était peut-être couvert de planches. Dans deux tombes, ces pierres servent de support à des céramiques : elles pourraient donc être mises à profit pour la mise en valeur des offrandes. Dans la tombe F.139, les pierres périphériques disposées par paquets, ménageant des espaces vides au centre, ne semblent pas correspondre à un calage, mais sont peut-être aménagés pour y déposer des offrandes. Dans la tombe F.135, le contenant est très probablement un tronc d’arbre évidé (cf. catalogue). S’agissant d’une tombe à chambre funéraire, un contenant ouvert est envisageable. Dans l’incinération F.140, l’amphore accueillait les restes du défunt. Ces différents contenants ne semblent ni spécifiques de l’âge, ni d’une phase chronologique, ni d’une abondance particulière en mobilier.

Les défunts

Estimation de l’âge des défunts

Des vestiges des squelettes (fragments de crâne, d’os longs, de dents ou seulement de l’émail) étaient conservés dans neuf sépultures. Tous les défunts, sauf un, étaient orientés la tête à l’est. Pour quatre tombes, l’âge a pu être précisé grâce aux données anthropologiques : un bébé d’environ un an, plus ou moins trois mois, un immature et deux adultes. Cette information lacunaire peut être complétée par une estimation large de l’âge des défunts (“ adultes ”/ “ enfants ”), par le biais des dimensions des fosses sépulcrales, des cercueils ou des parures. Les fosses et les cercueils de dimensions inférieures à 1,60 m de long sont attribués aux “ enfants ”. Sont ensuite classées, a priori, parmi les tombes d’adultes, les fosses supérieures à 2 m de long. Une tombe renfermant un bracelet de 6,3 cm de diamètre interne, pourrait appartenir à un adulte gracile. L’âge des sujets contenus dans les tombes dont les dimensions sont inconnues, comprises entre 1,65 m et 1,80 m, dépourvues de cercueil ou de parure, reste “ indéterminé ” (Fig. 71).

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Fig. 71 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, estimation de l’âge des défunts (“ adultes ”, “ enfant ”) en fonction des éléments disponibles sur leur contexte (les déterminations anthropologiues sont indiquées le cas échéant).

Pour une tombe (F.168), les données anthropologiques identifient un immature alors que la fosse mesure plus de 2 m de long. Cet exemple laisse supposer que le nombre d’enfants ainsi déterminés est probablement sous-estimé par rapport à leur nombre réel. Toujours est-il que l’on peut attribuer de façon quasi certaine 13 tombes sur 29 à des enfants, dont au moins 7 à des bébés ou de jeunes enfants, pour lesquels les fosses ou les cercueils mesurent moins de 1 m de long. Ils regroupent donc au total au moins 44 % des tombes (Fig. 72).

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Fig. 72 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, répartition des individus en fonction de l’âge estimé des défunts.

L’absence d’attribution sexuelle

L’état de conservation des ossements rend toute détermination anthropologique du sexe impossible. Les dépôts d’objets personnels (parures et armes) sont trop peu significatifs pour autoriser une détermination par ce biais. En effet, le dépôt de trois fibules est souvent considéré comme un caractère féminin, en référence à une mode vestimentaire (deux fibules aux épaules pour maintenir la tunique et une sur la poitrine pour le manteau) (POLENZ 1971 : 170 ; GUICHARD, VAGINAY 1993 : 239, note 12 ; LAMBOT, FRIBOULET, MÉNIEL 1994 : 167). Or, la position de ces agrafes dans les tombes d’Esvres n’autorise pas ce type d’extrapolation. Il s’agit vraisemblablement d’un dépôt à caractère d’offrande à part entière (cf. infra § 5.3). De la même manière, le dépôt de monnaie dans les tombes antérieures au milieu du Ier s. av. J.-C., est fréquemment associé à des femmes (POLENZ 1982), ce qui se vérifie dans la nécropole de Berne (DUNNING 2001 : 20). Mais ce type de dépôt est également associé à des enfants (Esvres, Berne, Lamadelaine), dont le sexe est rarement identifiable, mais aussi à des guerriers (incinération 3 de Lamadelaine et 104 de la Croisette à Acy- Romance). Pour les tombes militaires, si l’appartenance des défunts à la gent masculine est probable, elle n’est cependant pas exclusive. En effet, si les célèbres faits d’armes des reines Bouddica et Castismandua relatés par les textes ont peut-être valeur d’exception (DILON, CHADWICK 1974 : 28-30), l’étude anthropologique d’une inhumation arverne accompagnée d’armes, identifie sans ambiguïté une femme (détermination F. Blaizot, information L. Orengo). Il semble en être de même pour la tombe à armes F.225 du Mail romain à Nîmes (FEUGÈRE et al. 1996 : 191). D’autre part, dans le sanctuaire de Ribemont-

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sur-Ancre, consacré par essence aux valeurs militaires, le nombre de corps appartenant à des femmes s’élève à ... un tiers des individus (BRUNAUX, LAMBOT 1987 : 84). Ces quelques exemples attestent donc que les armes n’étaient pas un monopole masculin, durant au moins les trois derniers siècles avant notre ère. Face à ces quelques éléments, aucune attribution sexuelle ne saurait donc être proposée2.

Les vestiges textiles

Dans neuf tombes, des vestiges de textile ont été conservés dans la corrosion de certains objets en fer. L’état de conservation ne permet pas toujours de les identifier. Identification et commentaire (contribution de C. Moulhérat) Tous ces vestiges ont été préservés par l’oxydation d’objets en fer. - F.120, 1035 : (plaque) toile de lin. - F.120, 1039 : nœud en fibres de lin. - F.129, 1073 : (fibule) sergé de 2 lie 2, en laine fine, feutrée. - F.129, 1074 : (anneau) fil de laine. - F.139, 1182 : (pointe de javelot) toile grossière de laine. - F.165, 1328 : (talon) toile de laine grossière. - F.165, 1329 : (anneaux) toile de laine grossière. - F.165, 1331 : (fourreau de l’épée) sergé de 2 lie 2, en laine grossière. - F.167, 1313 : (fibule) tissu fin en laine. - F.177, 1394 : (plaque) bordure de toile de laine, sur deux couches. L’analyse de ces vestiges montre que tous les fils sont de structure simple et de torsion z. Deux matériaux sont identifiés : du lin et de la laine (mouton). Le lin et les autres végétaux utilisés dans l’élaboration de textile (chanvre, ramie, etc.) correspondent à des matériaux qui réapparaissent à cette période pour représenter une grande partie de la production textile en Gaule romaine. Les caractéristiques des laines identifiées montrent l’utilisation de toison de finesse moyenne pour réaliser des toiles grossières. Elles montrent que c’est avant tout l’efficacité (chaleur et solidité) qui a été privilégié et non leur beauté. Ce type de textile est mentionné notamment par Strabon au Ier s., qui précise qu’elle est rêche mais drue de mèche, idéale pour réaliser des vêtements épais et chauds (STRABON, Géographie IV, 4, 3). Elle se distingue des productions plus fines du pourtour méditerranéen. Les fonctions des textiles La situation de ces vestiges dans les tombes suggère des fonctions différentes. Dans la tombe F.165, deux types de tissus ont été identifiés. L’un, collé sur la face inférieure de l’épée déposée sur le corps, pourrait correspondre au vêtement du défunt (braie ou tunique) réalisé en sergé de laine grossière. Sur le talon de l’épieu et les anneaux, une toile grossière a été observée uniquement sur leur face située en contact avec le fond de la fosse. Cette situation indique qu’il ne s’agit ni des vêtements du défunt, ni d’un emballage. Dans cette configuration, ces vestiges correspondraient à une toile reposant sur le fond du cercueil. Cette toile grossière, “ rustique ”, est très similaire à celle de la tombe F.139. Ces empreintes, conservées sur de larges plages d’une face du javelot déposé à côté du corps, permettent là aussi d’évoquer une toile sur laquelle repose le défunt (couverture ou sayon ?. Dans la tombe F.177, la toile est plus fine. Située au-dessus de la tête du défunt et associé à des fibules, il pourrait s’agir d’un linge emballant le défunt.

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Des empreintes de tissu observées sur une petite plaque (F.120-1035) et sur une fibule en fer (F.129-1073), associées à des petits objets, désignent des petites sacoches (Fig. 73). Il s’agit d’une toile fine réalisée en lin dans la tombe F.120 et d’une toile sergé en laine feutrée dans la tombe F.129.

Fig. 73 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, concentrations d’objets probablement déposés dans des sacs en matériau périssable

(hachures : empreintes de textiles, en blanc : mobilier en fer, en gris clair : bronze, gris foncé : verre).

Ces quelques éléments apportent donc, outre des témoignages de vêtements, des informations complémentaires sur l’aménagement des tombes : une toile étendue au fond du cercueil et des sacoches contenant divers objets appartenant au défunt.

L’armement

Le dépôt d’armement apparaît à la phase 3 et concerne cinq tombes : 3 adultes et 2 enfants. Aucune n’a livré de panoplie complète (épée / lance / bouclier). Les observations sont essentiellement réalisées par A. Rapin d’après des radiographies. En l’état, les éléments exposés à titre préliminaire devront être complétés lors de la restauration (Fig. 74).

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Fig. 74 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, aperçu des armes déposées dans les tombes.

Le poignard

Le poignard de la tombe F.135 mesure 35 cm au total. La poignée, longue de 11 cm, est constituée d’un pommeau en fer composé d’une plaque légèrement ovalaire à bord replié. La soie est de section carrée et s’évase à la base. Un élément de la fusée en bois est conservé ; il est de forme cintrée. La croisière est formée, comme le pommeau, d’une plaque en fer ovalaire assez large à bord replié sur l’étui dans laquelle est incrustée la lame. La lame, à épaule droite et à double tranchant, est de section lenticulaire à méplat central. Elle est de forme cintrée (“ waisted ”) et longue de 24 cm. Son extrémité est peu effilée. L’étui en bois à entrée droite, est composé de deux fines planchettes à rebord, probablement maintenues par des ligatures en cuir (aucun élément métallique, de type gouttière, n’apparaît à la radiographie). Son extrémité distale est renforcée par un bouton en fer. Le système de suspension est composé de deux anneaux circulaires en fer, de 2,5 cm de diamètre, de section légèrement aplatie, situés sur un seul côté du fourreau. La section lenticulaire et la longueur de la lame, l’absence de renforts sur l’étui en bois et le système de suspension, le distinguent du gladius hispaniensis alors en usage dans les troupes romaines, illustré par les exemplaires précoces de Berry-Bouy, Délos ou Mouriès (FEUGÈRE 1993 : 138-146 ; 1994 : fig. 12) et des épées courtes à poignée anthropomorphe et fourreau en bronze de Châtillon ou de Palluau-sur-Indre. De fabrication probablement locale, ce poignard témoigne d’une conception qui allie à la fois des caractéristiques indigènes (construction de l’étui et de la poignée) et méditerranéennes (galbe de la lame, bouton terminal). L’origine de la pièce métallique qui forme la croisière semble moins bien définie. Elle est ovalaire ou hexagonale à

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petite perforation rectangulaire sur les glaives romains comme à Vindonissa, Dangstetten, Idria pri Baci (Slovénie), Comacchio et Göblingen-Nospelt, t. A (FEUGÈRE 1993 : 139-140 ; METZLER et al. 1991 : fig. 87). Cet élément se rencontre également sur l’épée de la tombe 103 de la nécropole de “ La Noue Mauroy ” à Acy-Romance, sur des épées d’Alésia et de Port, dans des contextes de La Tène D2 (LAMBOT, MÉNIEL 2000 : fig. 72 ; REDDÉ, SCHURBEIN 2001 : pl.52, 54 ; WYSS, REY, MÜLLER 2002 : fig.3). Ce type d’arme est très rare en Gaule avant l’époque augustéenne. À notre connaissance, un seul autre exemplaire comparable (fragmentaire) est recensé à Alésia (REDDÉ, SCHURBEIN 2001 : pl. 54, n° 182). À cette époque, le pugio est plus courant dans la péninsule ibérique en contexte funéraire (nécropole de Cáceres el Viejo) ou militaire (camps de Numance) (BISHOP, COULSTON 1993). Leur garde est en général rivetée directement sur le haut de la lame, longue de 15 à 20 cm (BISHOP, COULSTON 1993 : fig.24). Durant le Haut Empire, les poignards montrent une conception identique (poignée rivetée), d’une longueur équivalente au poignard d’Esvres (FEUGÈRE 1993 : 165-166). Le système de suspension mono latéral, situé sur le tiers supérieur de la lame, devait maintenir ce poignard en position sub-horizontale sur la ceinture, comme illustré par exemple sur la stèle césarienne de Padoue (Fig. 75).

Fig. 75 : Détail du système de suspension du poignard de la stèle césarienne du centurion Munutio trouvé à Padoue (d’après FRANZONI 1982).

L’épée

L’épée de la tombe F.165 est déposée dans son fourreau. La poignée, de section rectangulaire, mesure 12,5 cm de long. La lame mesure 0,90 m. Elle est à épaule rectangulaire. Son extrémité est arrondie. L’entrée du fourreau est campaniforme. Le pontet est large et rectangulaire. La patte de fixation est étroite et très allongée. Elle

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s’empatte à la base du pontet et se termine par une spatule. Le système de fixation au- dessus du pontet reste illisible à la radiographie. Le fourreau en fer est constitué de deux tôles maintenues par les gouttières de la bouterolle qui mesure plus du tiers de la longueur du fourreau. Son extrémité est en U, non massive. On dénombre neuf entretoises dont au moins quatre correspondent à des agrafes (de réparation ?). Le système de suspension se compose de deux anneaux d’environ 3,5 cm de diamètre, de section légèrement aplatie, maintenus au revers entre l’entrée du fourreau et le pontet par des ligatures en cuir visibles à la radiographie. La boucle de ceinture associée se trouvait à 17 cm des anneaux de suspension, accolée au fourreau. Identique à celle de la tombe F.135, elle est d’origine gauloise (LEJARS 1996). Cette épée, caractéristique de La Tène D2, est comparable à une des épées de Dun-sur- Auron (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : fig. 2-21, n°3) et de Malintrat ( GUICHARD, ORENGO 1999 : fig. 26). L’entrée campaniforme du fourreau se retrouve sur des épées de la nécropole de Cottévrard (tombe 130), d’Alésia et de Port (BLANCQUAERT 1998 : fig.8 ; REDDÉ, SCHURBEIN 2001 : pl. 50 ; WYSS, REY, MÜLLER 2002 : fig.17).

Les armes d’hast et de jet

- La lance (F.135 : 1178) Le fer à douille est long de 21,4 cm. La flamme atteint une largeur maximale de 4,3 cm et la nervure centrale est bien marquée. Cette lance est dépourvue de talon en fer. - L’épieu (F.165 : 1327, 1328) Une pointe à douille, en fer, longue de 17 cm et large de 1 cm à la base, puis s’amincit. Elle est identifiée, en l’état, comme une pointe d’épieu. Le nettoyage précisera sa section. La distance entre l’extrémité de la pointe et celle du talon est de 1,75 m. Il s’agit d’une arme inconnue en contexte funéraire en Gaule avant la conquête, mais attestée dans les camps militaires ou sur des sites de bataille comme Alésia ou Uxellodunum (Vercingétorix et Alésia : fig. 7, n° 12 ; POUX à paraître). - Le javelot (F.139 : 1182, 1387) La pointe, conservée sur 25 cm, est de section lenticulaire, large de 3 cm. La douille de 12 cm de long a partiellement minéralisé la hampe en bois. L’absence de nervure centrale identifie une arme d’hast, de type javelot lourd. Elle est munie d’un talon en fer. D’après la position approximative du talon, on estime que cette arme mesurait in situ entre 1,75 m et 1,85 m de longueur.

Les manipules de boucliers

Dans deux tombes d’enfants, des fragments de manipule de bouclier en fer ont été déposés. Dans la tombe F.131, cet objet est situé aux pieds du bébé d’environ un an. Le rivet de fixation est encore en place. Dans la tombe F.152, il occupe une position centrale dans la tombe, à proximité d’une monnaie. Le rivet de fixation est également présent. Les dimensions de la fosse (1,65 m) et surtout du cercueil (estimée à 1,50 m) identifient un jeune enfant. À notre connaissance, ce type de dépôt, associé à des enfants, est inédit.

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La position de l’armement

Les armes sont toujours déposées dans le cercueil, en contact avec le corps (Fig. 76). Dans les tombes F.135 et F.165, les armes d’hast et de poing encadrent les corps. Les pointes sont tournées vers les pieds des défunts. Dans la tombe F.139, le fer du javelot se trouve à proximité de la tête, sur la gauche du corps, en position inverse par rapport aux autres tombes.

Fig. 76 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, position de l’armement par rapport aux défunts (la taille et la position des individus sont indicatives).

Dans la tombe F.135, la boucle de ceinture est située à hauteur présumée du bassin. Elle serait donc en position fonctionnelle et situe le poignard à hauteur de l’avant-bras gauche. Dans la tombe F.165, l’épée est déposée sur la partie inférieure du corps, la poignée au niveau du bassin, comme en témoigne le fragment de fémur préservé sur l’oxydation du fourreau. Elle apparaît donc en position fonctionnelle. Des observations préliminaires effectuées sur le textile minéralisé du fourreau montrent que la ceinture en cuir (?) était enroulée autour de la partie supérieure de l’arme. Ceci explique la position particulière de la boucle de ceinture, que l’on retrouve dans les tombes de Ménestreau-en-Villette et de Malintrat (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : fig. 2-55 ; GUICHARD, ORENGO 1999). Ces armes n’étaient donc pas portées stricto sensu au moment de leur dépôt. La position des anneaux de suspension des deux armes montre des systèmes solidaires de l’arme et non de la ceinture : le poignard est situé à plus de 0,30 m de la boucle de ceinture et les radiographies de l’épée révèlent des traces de ligatures de cuir qui fixent les anneaux sur le fourreau, comme sur l’épée de Malintrat. Il s’agirait donc d’un système amovible de la ceinture, qui pouvait donc être portée seule. Ces exemples

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illustrent de possibles équipements “ civils ” se limitant au port de la ceinture, en signe d’appartenance à la classe guerrière (FEUGÈRE 1993).

Les fibules

Les 19 fibules dénombrées se répartissent inégalement dans 11 tombes. Trois fibules sont encore fermées et au moins trois autres devaient l’être également. Il manque souvent le pied et l’ardillon. Cette lacune est peut-être due à un problème de conservation des petits exemplaires, plus sensibles à la corrosion. Par contre, quelques fibules plus grandes laissent supposer qu’elles étaient déjà incomplètes lors de leur dépôt (F.110, F.168, F.177). Comme dans d’autres nécropoles, les fibules n’apparaissent ni dans les tombes de guerriers, ni dans les plus “ riches ” en mobilier.

Des fibules et des âges

Les fibules peuvent être réparties en deux classes : celles qui mesurent plus de 5 cm de longueur et celles de moins de 5 cm (types 2, 3 et 7). Les fibules de Nauheim et les fibules filiformes sont particulièrement petites (2,9 et 3,4 cm de long) : ces fibules sont miniaturisées par rapport à leur taille moyenne (6,9 et 6,1 cm, pour un minimum de 4,1 cm : FEUGÈRE 1985 : 227). Ces quatre petites fibules sont associées à des enfants. Des fibules miniatures sont connues dans d’autres milieux funéraires, en territoire arverne et ségusiave (DEBERGE, ORENGO, JOUANNET à paraître ; GUICHARD, VAGINAY 1993 : 239).

La position des fibules

L’emplacement des fibules varie en fonction de leur nombre. Lorsque la fibule est seule, elle se trouve au centre dans la tombe, en position fonctionnelle probable (sur le thorax ?). Lorsqu’elles sont deux, elles sont situées à proximité l’une de l’autre, au niveau du bassin ou au sommet du crâne. Elles sont en fer, appariées ou non et en général incomplètes. Lorsqu’elles sont trois, elles sont toujours groupées. Dans une tombe (F.110), les trois fibules sont incomplètes. Elles sont trop rapprochées pour imaginer qu’elles maintenaient un vêtement plié, même fin. De plus, leur association directe avec d’autres artefacts (monnaie, anneaux ou plaques) montre que ces objets ont été déposés dans des petits sacs, comparables à celui de la tombe F.165 (Fig. 73).

Les bracelets

Les bracelets en alliage cuivreux

Les tombes ont livré deux parures en alliage base-cuivre. Il s’agit de bracelets toriques fermés à jonc plein et lisse. Le premier, de 5,2 cm de diamètre interne, appartient à un enfant (F.129). Il semble avoir été porté au bras gauche. Le second, de 6,3 cm de diamètre interne a pu être passé par un adulte gracile (F.132). Sa position par rapport au défunt reste indéterminée. Il s’agit d’un type de parure en usage de La Tène ancienne à l’époque augustéenne (RAPIN, ZURFLUH 1998 : fig. 16 ; LUSSON 2003 : 16). Le bracelet en alliage cuivreux, associée à d’autres objets comme des perles, pourrait être considérée comme une parure féminine (LAMBOT, FRIBOULET, MÉNIEL 1994 : 167). Les études menées par L. Orengo dans les tombes arvernes semblent le confirmer, même en

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l’absence de perles (information personnelle). Si cet usage est valable pour ce secteur géographique, la tombe F.129 pourrait appartenir à une petite fille.

Le bracelet en verre

Il ne subsiste de cette parure qu’un menu fragment de moins de 1 cm2 (F.165-1370). Il semble correspondre au groupe 14 (variante 7 ?) de Haevernick, série 24 de Gebhard, caractéristique de la seconde moitié du IIe s. av. J.-C (GEBHARD 1989). Issue d’un contexte augustéen, cette “ miette ” correspond à une relique contemporaine des premières tombes de la nécropole. Déposé dans une bourse en association avec une pisolithe et une monnaie, ce dépôt revêt manifestement un caractère particulier (cf. infra § 5.3).

Les monnaies (avec la contribution de K. Gruel)

Le dépôt de monnaies concerne 6 tombes sur 29. Ce dépôt perdure sur toute la période considérée, dans des proportions à peu près équivalentes et il ne semble pas spécifique à l’âge des individus.

Catalogue (Fig. 77)

Fig. 77 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, les potins des tombes, à gauche : avers ; à droite : revers

(illustration : Dav. Josset, INRAP).

- F110-1373 : potin (“ à la tête diabolique ” ?)D : tête à gauche / R : taureau chargeant à gauche. Identification incertaine. Poids : 3,21 g.

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- F120-1038 : potin “ à la tête diabolique ” (Barthélémy : classe V ; BN 5656).D : tête à gauche, cavité pour l’œil, menton en galoche / R : taureau cornupète à gauche, échine cabrée. Poids : 3,14 g. - F128-1061 : potin “ à la grosse tête au bandeau en chevrons ” (Gruel-Geiser : GTB4, 1)D : Tête à gauche, œil cerclé, nez dessiné, lèvres pointées, bandeau en chevrons / R : taureau à gauche, jambes parallèles à la ligne de sol. Poids : 2,30 g. - F150-1235 : potin “ à la tête diabolique ” (classe non identifiée)D : tête à gauche, cavité pour l’œil, menton en galoche, nez pointu / R : taureau cornupète à gauche, très fin. Poids : 1,87 g. - F150-1236 : potin “ à la tête diabolique ” (Barthélémy : classe V) D : tête à gauche, cavité pour l’œil, menton en galoche / R : taureau cornupète à gauche, échine horizontale. Poids : 2,68 g. - F152-1252 : potin “ à la tête diabolique ” (Barthélémy : classe Ib)D : tête à gauche, œil pointé, chevelure en mèches / R : taureau cornupète à gauche, échine horizontale. Poids : 1,39 g. - F165-1330 : potin à légende “ MA ” ? (LT 5284 ?) D : Buste diadème à gauche / R : taureau chargeant à droite. Légende très abîmée. Poids : 3,25 g.

Commentaire

Toutes les monnaies inventoriées ici sont des potins de faible valeur unitaire. Quatre ou cinq exemplaires appartiennent à la série de potins dit “ à la tête diabolique ”, dont deux types sont distingués plus précisément. Les autres monnaies, très usées, n’ont pu être attribuées à une classe particulière. Les potins “ à la tête diabolique ” sont largement répartis sur toute la France (BARTHÉLÉMY 1996 : fig. 11), avec une forte densité en Indre-et-Loire (trésors de Fondettes et de Francueil), en Maine-et-Loire (trésor de la Chalouère) et dans la Sarthe (sanctuaire d’Allonnes). Leur circulation dépasse largement la cité des Turons auxquels on les attribue traditionnellement3. Ces potins semblent plutôt côtoyer la Loire moyenne et ses affluents, la Sarthe, la Maine et le Loir. Leur contexte de découverte les date du deuxième tiers du Ier s. av. J.-C., bien que certaines découvertes à Tours puissent les faire remonter à La Tène C2 (idem : 35). Les classes Ia et Ib apparaissent comme les plus anciennes de la série. Le potin de la tombe F.110, d’attribution incertaine, est associé à des fibules en fer antérieures à l’horizon “ Nauheim ”. La tombe F.120, avec un potin de la classe V, est attribuée à la phase 2 d’après les fibules de Nauheim miniatures et la fibule filiforme. Ces petites fibules, fragiles, n’ont probablement pas pu être utilisées longtemps avant leur enfouissement. Ces tombes pourraient donc attester un début d’émission un peu plus précoce pour cette série monétaire. Le potin “ à la grosse tête ” au bandeau en épis, de type Gruel-Geiser GTB4, 1 (non historié) est régulièrement mentionné sur les sites de l’est de la France, mais toujours en petit nombre. L’origine géographique de cette production reste encore difficile à préciser. Ce type n’est attesté que tardivement sur les sites et ne semble pas antérieur à La Tène D2 (GRUEL, GEISER 1996 : 15). Cependant, dans la tombe F.128, ce potin est associé à une fibule de Nauheim classique qui pourrait “ vieillir ” sa période d’apparition.

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Le potin de la tombe de guerrier F.165 à la légende “ MA ” (LT 5284), correspond à une imitation précoce des monnaies de Marseille au taureau cornupète, dans lequel Colbert de Beaulieu voit un prototype des potins “ à la tête diabolique ”. Son origine pourrait être antérieure à la fin de La Tène C2, comme en témoignent les diverses découvertes du Bassin parisien (BOURGEOIS 1999 : 75). Un exemplaire provient de Maiden Castle en association avec de la céramique de la fin du IIe s. av. J.-C. Sa diffusion est essentiellement attestée aux alentours de l’embouchure de l’Oise et en Grande- Bretagne (HASELGROVE 1995 : 119-120). Les principales concentrations proviennent des départements de l’Oise, du Val-d’Oise, des Yvelines et de Seine-Saint-Denis. Ainsi, ce potin connaîtrait plusieurs centres de diffusion, parmi lesquels Épiais-Rhus (Val-d’Oise) qui a livré une centaine d’exemplaires (GINOUX, POUX 2002 : 236).

La position des monnaies

Toutes les monnaies ont été recueillies sur le fond de la fosse, à l’intérieur de l’espace défini par le cercueil. Les monnaies sont isolées au centre de la tombe ou déposées dans une bourse en association avec d’autres mobiliers. Dans la tombe F.150, un potin est situé à proximité immédiate des dents et l’on suppose qu’il était à l’origine placé dans sa bouche (Fig. 42) ; un second se situerait à hauteur de la main gauche, d’après la restitution de la stature d’un enfant d’environ un an. Dans la tombe F.165, la monnaie est déposée dans une bourse près de l’épaule gauche du défunt (Fig. 56). Lorsque la monnaie est retrouvée seule au centre de la fosse, le geste qui l’accompagne est plus délicat à définir. Pour des raisons taphonomiques (disparition des squelettes et des éléments organiques) il est impossible de préciser si elles étaient déposées sous ou dans le cercueil, sous ou sur le corps du défunt (sur le ventre, dans la main ?) ou enfin si la monnaie correspond à une offrande jetée par l’assemblée groupée autour du cercueil ouvert.

Les anneaux

Les anneaux en fer

Dans la sépulture F.161, un anneau est isolé à proximité des céramiques. Dans la sépulture F.150, deux anneaux identiques, superposés lors de leur découverte, possèdent un aplatissement d’une partie de l’anneau. Leur corrosion, ne montrant aucune trace de bois ou de tissu, leur fonction reste indéterminée. L’anneau rubané ouvert de la tombe F.129, de type cerclage ou virole est situé aux pieds du petit défunt. Sa fonction reste obscure, même s’il porte l’empreinte d’un gros fil retors. Les deux anneaux accolés de la sépulture F.165 sont situés à proximité immédiate d’un petit lot d’objets ; ils correspondent probablement à un système de fermeture d’une petite sacoche pour sa suspension à une ceinture. Dans la tombe F.110, trois anneaux étaient alignés sur la tranche selon leur diamètre croissant. Des fibules et un anneau en alliage cuivreux étaient fichés à l’intérieur et débordaient largement du plus grand anneau (Fig. 73). Cette situation particulière suggère qu’ils étaient déposés soit dans un sac, soit qu’ils étaient eux-mêmes destinés à rigidifier une bourse (tronconique à soufflet ?) en matériau périssable. Le cas échéant, le petit anneau, muni d’une butée (de type virole), correspondrait au fond de cette bourse.

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L’anneau en alliage cuivreux

Dans la tombe F.110, un anneau coulé, est formé d’un corps ovalaire de 1,70 x 1,20 x 0,50 cm. De section sub-losangique, sa face antérieure est moulurée. Il se prolonge d’une langue martelée rectangulaire et plate. La morphologie particulière de cet objet évoque l’anneau passe-guide de la tombe à char de Verna (Isère). Dans une récente étude, M. Schönfelder inventorie huit exemplaires, issus de contextes mal datés (PERRIN, SCHÖNFELDER 2003 : 99). On dénombre également un autre exemplaire, de petite taille à Alésia (Fig. 78, n° 1-6). Dans le cas d’un anneau passe-guide, sa taille est inférieure de moitié aux exemplaires connus (de 4 à 6 cm) : il pourrait donc être miniaturisé. Dans ce contexte, où 30 % des céramiques et 21 % des fibules sont miniaturisées, cette interprétation paraît plausible. Cependant, une petite tôle perforée, de type œillet était située à proximité. Ce petit élément prolongeait peut-être l’anneau précédent. Cette pièce présenterait alors une morphologie et des dimensions comparables aux attaches de l’anse du seau de la sépulture 3 de Tartigny (MASSY et al. 1986 : fig. 38). Un parallèle peut également être évoqué avec les attaches d’anse de situle (Fig. 78, n° 7-8).

Fig. 78 : Essai d’identification de l’anneau en alliage cuivreux 1380 de la tombe F.110 (les objets sont réduits à la même échelle).

Hypothèse 1 : anneau passe-guide, 1- Levroux (bronze), 2-Oberursel-Oberstedten (bronze), 3-Verna (bronze), 4-Kolling (fer), 5- Manching (bronze) (d’après PERRIN, SCHÖNFELDER 2003 : fig. 68-69), 6- Alésia (fer) (d’après REDDÉ, SCHURBEIN 2001: pl. 97, n° 174). Hypothèse 2 : attache d’anse. 6-seau en bois à garniture métallique (Tartigny, tombe 3) (d’après MASSY et al. 1986 : fig. 38, 42) ; 7- situle en bronze Eggers 22 (Vieille-Toulouse, puits funéraire 23) (d’après VITAL 1991 : fig.19, n° 313).

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Les céramiques

Les effectifs de céramiques

L’ensemble du mobilier céramique compte 78 individus : 73 vases et 4 amphores déposés dans les tombes et un vase retrouvé hors contexte. Il pourrait provenir d’une fosse à offrande située à proximité de la sépulture F.110. Les céramiques constituent un dépôt fréquent puisqu’elles concernent 23 tombes sur 29. En moyenne, elles sont au nombre de trois. Les tombes d’enfants livrent de une à trois céramiques, rarement plus (une tombe à 4 vases et une à 10), alors que les tombes d’adultes sont garnies le plus souvent de trois, quatre ou six vases (une tombe de guerrier en contenait 7). La répartition chronologique montre une tendance générale à l’augmentation du nombre de céramiques : on dénombre de un à quatre vases durant les phases 1 et 2 et toujours plus de trois vases dans les tombes plus récentes.

La fonction des céramiques

Les catégories de pâte Les observations réalisées à la loupe distinguent seize pâtes regroupées en six catégories (Fig. 79).

Fig. 79 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, classement des céramiques communes par type de pâte.

Les pâtes brunes sont les plus fréquentes. Elles sont d’origine régionale, voire locale : - Type 1 : fine, à inclusions peu abondantes de quartz laiteux (petits grains blancs), de chamotte et de fines paillettes de mica argenté. Rares inclusions circulaires ou longilignes, noires, d’origine probablement végétale. Cœur noir, franges beiges, surfaces beiges à brunes, hétérogènes (20 ex.)

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- Type 2 : proche du type 1, à inclusions plus abondantes et de manganèse. Ces nodules donnent aux céramiques un aspect moucheté caractéristique (15 ex.) - Type 3 : fine, soigneusement épurée. Rares inclusions de quartz et de chamotte, discrètement micacée. Quelques grains de quartz grossier (environ 2 mm de diamètre) épars dans la pâte. Cœur noir, franges et surfaces brunes homogènes (5 ex.) - Type 4 : très fine à rares grains de quartz et de chamotte, discrètement micacée. Cœur gris, franges et surfaces beiges (1 ex.) - Type 5 : grossière à inclusions de quartz abondantes (de 1 à 2 mm) parfois associée à de rares nodules de manganèse. Non micacé. Cœur noir, surface externe variant du beige au noir (22 ex.). Les pâtes claires à engobe micacé :- Type 6 : fine, sableuse avec inclusions de chamotte et de manganèse. Mica abondant. Surfaces brun - orangé homogènes. Engobe micacé (2 ex.) - Type 7 : à grains de quartz grossiers (env. 2 mm de diamètre), associés à des nodules de manganèse et à des grains de chamotte, qui donnent aux surfaces un aspect moucheté. Finement micacée. Engobe micacé sur le col. Cœur noir, franges et surfaces brun-clair (1 ex.). Les communes claires : - Type 8 : fine, sableuse et finement micacée, avec grains de chamotte épars. Cœur et surfaces beiges (1 ex.) - Type 9 : mi-fine, à abondantes inclusions de sable, de mica, de chamotte et de manganèse, ne dépassant pas 1 mm. Cœur et surfaces variant de l’orange au beige. Farineux au toucher (1 ex.). Les terra nigra et terra rubra : - Type 10 : terra nigra finement micacée à vacuoles. Couleur beige clair, surfaces enfumées noires, satinées, soyeuses au toucher (1 ex.) - Type 11 : terra nigra à pâte très fine à rares grains de quartz, finement et abondamment micacée. Cœur gris, franges brun-orangé, surfaces lustrées et enfumées, noires homogènes (1 ex.) - Type 12 : terra rubra à pâte sableuse à inclusions végétales et chamotte, finement micacée. Engobe rouge sombre. Couleur brun-rosâtre à cœur légèrement plus sombre (2 ex.) - Type 13 : terra nigra à pâte identique au type 12. Cœur de couleur saumoné et surfaces enfumées, gris foncé (2 ex.). Les amphores : - Type 14 : originaire de Tarraconaise (2 ex.) - Type 15 : originaire de Bétique (1 ex.) - Type 16 : originaire de la côte tyrrhénienne (1 ex.). État sanitaire et contenu des vases Neuf céramiques sont très mal conservées en raison d’une mauvaise cuisson. Il s’agit en général de vases modelés en pâte grossière (de type 5). Un pot, fêlé anciennement, pourrait correspondre à un raté de cuisson (F.133-1097). Pour un autre, l’absence de la galette du fond (F.150-1227) le rend difficilement fonctionnel. Le grand vase (F. 159-1269) porte des coups de feu liés à sa fabrication et non à son utilisation. Des résidus noirâtres en plaques sur la surface interne d’un gobelet, de deux ollae, d’une coupe, d’un pot et des dépôts carbonés sur les surfaces interne et externe d’une écuelle sont sans doute liés à l’utilisation des vases avant leur dépôt, comme le montre l’usure des fonds.

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Fig. 80 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, répartition fonctionnelle des céramiques en fonction de l’âge estimé des individus (* vase trouvé hors contexte).

En l’absence de traces plus précises de leur contenu, on s’en tiendra aux usages communément admis, par référence à notre vaisselier contemporain ou à quelques formes du monde méditerranéen pour identifier leur fonction (Fig. 80) : - Le vase bobine est considéré, par analogie avec nos chopes à bière, comme un vase individuel destiné à la consommation de la boisson, qu’elle soit indigène ou non (vin, bière, hydromel ou lait dans le cas des enfants ?). Il est caractéristique des tombes de la phase 3. L’olla semble lui être substitué dans les tombes de la phase 4. - Le gros vase de la tombe F.177, d’une contenance supérieure à 4 litres contenait probablement une boisson. Des analyses effectuées dans des dolia de Lattes ou de Tossal Montañès (Espagne) montrent en effet qu’ils contenaient de la bière (JUAN-TESSARAS, MORET 2002 : 204). - L’amphore Pascual 1 de la tombe F.140 apparaît particulière puisqu’elle accueillait les cendres du défunt. La Dressel 1 était comblée de sable d’infiltration. Une nouvelle hypothèse sur le contenu des amphores Dressel 7/11 a récemment été émise. Dans la tombe de Feulen (Luxembourg), une passoire à vin en bronze était déposée sur le col de l’une des trois Dressel 7/11. Cet exemple soulève en effet le problème de son contenu, qui pourrait donc être, au moins pour une partie d’entre elles, du vin plutôt qu’un assaisonnement (POUX 2004 : 230-232). Par ailleurs, aucune trace de bouchon n’a été observée, mais il s’agit d’opercules fragiles rarement conservés. Devant l’indigence des indices recueillis, il est impossible de déterminer si ces amphores ont été déposées pleines de leur contenu originel, réutilisées ou vides, suite à une consommation lente ou un partage pratiqué dans le cadre d’un héritage (LEMAÎTRE 2003 : 254).

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- La fouille du sédiment de la coupe à ombilic de la tombe F.150 a révélé, à mi- profondeur, quatre tessons soigneusement agencés (Fig. 41 n°1232). Son utilisation comme vase à nourriture est peu probable, tout comme le piédouche découpé de la même tombe. Enfin, la morphologie particulière du petit godet à ouverture très resserrée de la tombe F.152 le rend tout aussi impropre à la consommation. Les graffiti Quatre marques sont gravées sur les céramiques après cuisson, à l’aide d’une pointe sèche. Elles sont issues de sépultures augustéennes et étroitement liées à la présence d’une amphore. Un de ces graffiti est historiée. Cinq lettres, inscrites en caractère latin sont déchiffrables : “ UINDA ” (Fig. 31, n° 1150). Il s’agit d’un mot à consonance gauloise qui signifie blanc (Dictionnaire ...). Il pourrait s’agir d’une marque de propriété (l’anthroponyme du guerrier de la tombe F.139 ?). Le second est profondément gravé sur la paroi d’une coupe et évoque un oiseau aux ailes déployées (Fig. 33, n° 1155). Deux autres graffiti sur le fond d’une olla et d’une assiette représentent une croix (Fig. 19, n°1098 ; Fig. 55, n° 1325).

Composition des services funéraires

La composition du vaisselier diffère nettement en fonction de l’âge du défunt. Les services des tombes d’adultes sont toujours triparties (boire / manger / présenter) : ils se composent systématiquement d’un grand vase à liquide, d’une contenance supérieure à un litre, d’un gobelet à boire et d’une écuelle ou assiette. Ce “ service minimum ” est complété, dans les tombes de la phase 4, d’assiettes et d’autres vases de préparation / présentation, généralement non tournés (40 % du corpus). Les tombes d’enfants ne livrent que des vases à boire parfois associés à un vase de présentation (Fig. 81). Dans cette configuration, l’accumulation de céramiques dans la tombe d’enfant F.150 apparaît tout à fait exceptionnelle (Fig. 40).

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Fig. 81 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, évolution de la composition des services funéraires, en fonction de l’âge des défunts.

La dimension des vases

Pour un même volume, les formes des céramiques peuvent être très variées. Les capacités volumiques attribuent 85 % des céramiques à un usage individuel (volume inférieur à 2 litres) et 15 % à un usage collectif (10 % ont une capacité de 2 à 10 l et 5 % supérieure à 20 l). Ces derniers sont l’apanage des adultes. La distribution des céramiques d’après leurs dimensions indique que les vases de petits gabarits sont associés aux enfants (Fig. 82).

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Fig. 82 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, distribution des céramiques communes. A : selon la hauteur et le diamètre ouverture des vases. B : selon le volume et l’indice diamètre ouverture/ hauteur.

Un certain nombre de vases ont des dimensions particulièrement restreintes. On remarque, d’une part, les céramiques miniaturisées à partir d’un répertoire varié attesté dans des tombes d’adultes contemporaines (15 vases). Leur gabarit d’origine est réduit en moyenne de 55 % et peut atteindre 36 % (Fig. 83). Ce phénomène est systématique pour les vases bobines (Fig. 84). D’autre part, les “ godets ” qui n’ont pas de correspondance typologique (7 vases). Contrairement aux vases miniaturisés, leur technique de fabrication est très rudimentaire. Il s’agit de vases façonnés au doigt dans une boule d’argile. Ne nécessitant pas de technique particulière, ils pourraient être fabriqués par des enfants.

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Fig. 83 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, comparaison des gabarits de quelques vases. À gauche : vases des tombes d’adultes ; à droite : vases des tombes d’enfants (les chiffres correspondent aux capacités volumiques, exprimées en litres).

Fig. 84 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, comparaison des capacités volumiques des vases bobines entre les tombes d’enfants et les tombes d’adultes.

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Ces petits vases regroupent au total 30 % des céramiques communes. Ils proviennent tous de tombes d’enfants, sauf deux. Leur importante proportion est donc parfaitement corrélée au nombre élevé d’enfants dans cette nécropole. En comparaison, la nécropole de Feurs a livré une dizaine de vases miniatures (GUICHARD, VAGINAY 1993 : 239). En pays arverne, les petits vases funéraires ne semblent pas strictement réservés aux enfants (DEBERGE, ORENGO, JOUANNET à paraître). Les petits vases, issus des tombes d’adultes pourraient être offerts par des enfants et constitueraient le pendant des objets d’adultes dans les tombes d’enfants, comme illustré dans la tombe 36 de la nécropole de Lamadelaine (METZLER, METZLER-ZENS, MENIEL 1999 : 156).

La position des vases

Répartition générale Contrairement au mobilier métallique, la céramique n’est jamais en contact direct avec le corps - sauf l’écuelle de la sépulture F.135. La position des vases est variable d’une tombe à l’autre en fonction de l’âge du défunt. Dans les tombes d’enfants, les céramiques sont plus fréquemment disposées le long de la paroi nord (16 vases) et à l’extrémité ouest (7 vases) de la fosse. Dans les tombes d’adultes, les vases, plus nombreux, sont toujours dispersés autour du défunt, le long de la paroi sud de la fosse, c’est-à-dire sur la gauche présumée du corps (13 vases) ou sur le cercueil (10 vases) et rarement à la tête du défunt. L’amphore se trouve à la tête ou au pied du défunt. S’agissant d’un vase encombrant, elle peut être couchée (F.165). La pratique du dépôt de céramique sur le contenant apparaît à partir de la phase 4. Répartition fonctionnelle Les vases à boire (vase bobine, godets et ollae) et de présentation (pots ou coupes) sont préférentiellement localisés au nord et à l’ouest des enfants, alors qu’ils sont répartis le long du corps des adultes, à droite ou à gauche et sur ou à côté du contenant. Les assiettes et les écuelles, qui accompagnent rarement les enfants, sont déposées, le cas échéant, dans le quart nord-est de la tombe, à proximité présumée de la tête, à l’inverse des tombes d’adultes, où elles sont placées dans la partie sud-ouest, c’est-à- dire dans la moitié inférieure du corps. Durant la phase 3, une distinction fonctionnelle peut être évoquée. Dans la tombe F.135, l’amphore est placée à la tête du défunt, une assiette est posée sur son ventre, une coupe et un gobelet à ses pieds (Fig. 29). On retrouve le même schéma dans les tombes F.159 (Fig. 46) et F.163 (Fig. 49), dans lesquelles les vases du service de la boisson sont situés dans la moitié supérieure du corps, alors que les assiettes se trouvent à l’autre extrémité de la tombe. Dans la tombe de Ménestreau, deux groupes d’offrandes sont clairement distingués : l’amphore, la cruche et les grands vases à liquide sont situés à l’ouest, avec l’armement, à l’opposé des assiettes, gobelets et vases de préparation (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : fig. 2-55). Durant la phase 4, cette distinction fonctionnelle semble moins déterminante. Cette organisation des vases ne se vérifie pas dans les autres inhumations connues dans ce secteur géographique. Dans les inhumations arvernes, les céramiques sont exclusivement disposées autour de la tête du défunt (LOISON, COLLIS, GUICHARD 1991 : 109).

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Le mobilier du comblement des tombes

Les sédiments du comblement de sept tombes ont livré, outre quelques artefacts résiduels (tessons et silex protohistoriques non chauffés), des fragments de céramiques systématiquement calcinés. Il s’agit essentiellement de vases liés au service de la boisson ou de la consommation individuelle, parfois accompagnés de fragments d’amphores. Certains présentent des cassures inhabituellement anguleuses que l’on rapproche d’un bris volontaire, effectué à l’aide un outil tranchant (Fig. 85 et 86). Quelques remontages sont réalisés entre des tessons provenant du comblement de l’incinération F.140 et celui de la sépulture F.139 située à 25 m, et entre la tombe F.135 et de l’épandage F.181 situé à 50 m au nord.

Fig. 85 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, inventaire du mobilier issu du comblement des tombes.

Fig. 86 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, mobiliers du comblement des tombes.

Ces mobiliers sont contemporains de la tombe associée. Ils sont essentiellement attestés durant la phase 4 et étroitement corrélés au dépôt d’amphore et d’armes dans les tombes (5 cas sur 7) ; on notera que ce type de dépôt concerne également deux tombes d’enfants, dont l’une avec arme.

Les offrandes animales

Ce type de dépôt est uniquement attesté dans les sépultures les plus tardives, qui ont également livré des ossements du défunt. Seulement quatre tombes et l’épandage F.181 sont concernés, grâce à des conditions de conservation particulières : les ossements étaient soit brûlés, soit protégés sous des céramiques. Cette lacune semble donc directement liée à un problème taphonomique.

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Identification (contribution de S. Krausz)

- Tombe F.131 : 1 fragment de diaphyse de petit mammifère, brûlé. - Tombe F.139 : 10 restes : 1 tête humérale (probable) de petit mammifère, brûlée ; 2 petits fragments d’os long de petit mammifère, dont 1 brûlé ; 2 petits fragments de crâne (?) ; 3 fragments non identifiables. - Tombe F.165 : 1 fragment de diaphyse de petit mammifère, brûlé. - Tombe F.177 : peut-être un os du tarse de grand mammifère (incomplet) ; 6 dents supérieures de capriné appartenant à un individu jeune ; 2 prémolaires du même maxillaire ; 6 fragments de dents de capriné ; 1 fragment d’os de maxillaire ; ces fragments appartiennent très probablement au même individu. - Épandage F.181 : 1 fragment de côte de petit mammifère ; 2 fragments de diaphyse d’os long de petit mammifère, dont 1 brûlé. Les os sont relativement bien conservés mais leur importante fragmentation (pièces inférieures ou égales à 1 cm) interdit toute identification.

La position de la faune

Ces quelques restes ne permettent pas d’envisager d’apports significatifs sur les modalités d’enfouissement d’animaux ou de parties d’animaux dans les tombes. Des éléments carnés ont été déposés brûlés, d’autres crus ou cuits. Ils appartiennent à de petits mammifères, sans que l’on puisse préciser lesquelles sauf pour le capriné (et éventuellement le chien). Il n’y a pas d’éléments appartenant au porc ou aux oiseaux. L’ensemble exclu les grandes espèces domestiques (bœuf, cheval) et sauvages. Dans trois sépultures, ces dépôts ont eu lieu dans la moitié inférieure et sur la gauche du corps, mais cette situation ne semble pas systématique (F.177). Dans cette dernière, deux dépôts distincts ont été effectués impliquant au moins un crâne de capriné. Ces dépôts n’étaient pas contenus dans des céramiques et il n’existe pas de corrélation entre la position de la faune et la fonction des vases.

Les autres dépôts

La meule (Fig. 55, n° 1347)

Un fragment de meta conique d’une meule rotative en grès a été déposé dans l’angle nord-ouest de la tombe du guerrier F.165. Il porte des traces d’usures liées à une longue utilisation. Les fractures mousses indiquent que cet objet a été cassé longtemps avant son dépôt.

La bille d’hématite (Fig. 55, n° 1344)

Dans la même tombe, une bille d’hématite naturelle (identification : F. Delorme, service Analyse et Caractérisation Minérale du B.R.G.M. d’Orléans). Il s’agit de “ fer en grain ” qui peut être ramassé sur de nombreuses formations argileuses de surface.

La paroi de four (Fig. 57, n° 1314)

La tombe d’enfant F.167 a livré un fragment de paroi de four. Son état de carbonisation et sa vitrification partielle indiquent que cet objet a chauffé à plus de 1000° C, ce qui

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laisse envisager un fragment de paroi de four lié à la métallurgie du fer (identification L. Fournier). L’absence d’une telle activité sur le site indique qu’il ne s’agit pas d’un artefact piégé accidentellement, mais bien d’un dépôt volontaire.

Analyse et essai d’interprétation

Organisation de l’espace funéraire

La concentration de structures au sud du décapage laisse supposer qu’une partie seulement de cet espace funéraire a été découverte (Fig. 3). Seule la lisière nord est assurée, par absence de tombes sur près de 1000 m2. Aucune limite spatiale (fossé, trous de poteaux ou chablis) n’a été observée. De l’étude chronologique se dégagent des groupes contemporains séparés par de vastes espaces vides : un axe nord-sud large d’environ 16 m sépare les deux premiers groupes et un axe est-ouest large de 10 m sépare les deux derniers. Ces espaces correspondraient à des aires de circulation ou à une volonté de les distinguer nettement. Chaque groupe se compose de tombes d’enfants et d’adultes dont au moins un guerrier. Aucun ne se démarque par la qualité des mobiliers ou l’aménagement des tombes. Cette organisation particulière évoque des regroupements à caractère familial où les enfants et les guerriers tiennent une place prépondérante. La tombe la plus ancienne appartient à un individu immature (F.168). Les tombes d’enfants restent majoritaires jusqu’à la phase 3 : il pourrait donc s’agir d’un espace funéraire dédié, à l’origine, aux enfants (Fig. 87).

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Fig. 87 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, répartition phasée des individus en fonction de l’âge estimé et mention des éléments remarquables.

L’identité des défunts

“ Chacun s’en est allé Entourant son histoire d’une clôture de nuages Chacun a retrouvé ses frontières ” Adonis

Les enfants

Globalement, les enfants regroupent un minimum de 44 % des tombes, soit autant qu’à Bobigny (Seine-Saint-Denis : Bobigny...2004). Dans les nécropoles arvernes et trévires, les enfants représentent un tiers des défunts (DEBERGE, ORENGO, JOUANNET à paraître ; METZLER, METZLER-ZENS, MÉNIEL 1999 : 419). Cette situation contraste avec le secteur Rème où les enfants sont absents ou très faiblement représentés dans les nécropoles, au point de se demander si les jeunes enfants accèdent à la sépulture (LAMBOT, MÉNIEL 2000 : 108). Le statut des enfants reste particulièrement méconnu durant l’époque gauloise. Les textes gréco-romains sont quasiment muets à leur sujet. Quelques mentions laissent entrevoir l’importance ou l’enjeu de l’enfant, au moins dans une certaine classe de la société gauloise. Elles concernent plus particulièrement les fils de guerriers, même si tout citoyen est un guerrier potentiel (César, B.G., VII, 71 ; BRUNAUX 2002 : 280). César précise que chez les Gaulois, on interdit aux enfants qui n’ont pas l’âge de porter des armes de se présenter en public en présence de leur père (B.G., VI, 18). Parvenus à l’adolescence, ces jeunes gens serviraient les guerriers lors des banquets (Poséidonios, in : PERRIN, DECOURT : 358, n°78). Ces enfants de chefs occupent une place politique

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stratégique, puisqu’ils peuvent servir d’otages en cas de conflit ou pour garantir la paix (B.G., II, 5). Des filiations sociales héréditaires s’illustrent en contexte funéraire, dès le IIIe s. av. J.- C., par la tombe du jeune guerrier de Barbay (Seine-et-Marne) équipé d’une épée adaptée à sa stature d’adolescent et d’un torque qui n’a pu lui être passé qu’à sa naissance (ARCELIN, RAPIN 2002 : 33). Cet héritage se manifeste également dans des tombes d’enfants, âgés de 6 mois à 6 ans, par le dépôt de véritables armes miniatures (poignards et couteaux dans leur fourreau, chaudron), dans les nécropoles Gandaillat (Puy-de-Dôme) et de Tavant (Indre-et-Loire), dans des contextes de La Tène D1a à l’époque flavienne (DEBERGE, ORENGO, JOUANNET à paraître ; RIQUIER à paraître). Sur le site de Tavant, ces petits défunts sont inhumés à proximité immédiate de la sépulture fondatrice de la nécropole : un guerrier décédé à l’époque augustéenne (RIQUIER, à paraître). Enfin, dans la nécropole de Cizancourt (Somme), la tombe la plus fastueuse du groupe, dans laquelle était déposé un chaudron bi-métallique notamment, appartient à un pré-adolescent, qui n’aurait pu atteindre par ses seules qualités, un statut aussi prestigieux (LEFÈVRE 2002 : 112). À Esvres, les fragments d’arme4 déposés aux pieds de jeunes enfants symbolisent tout autant leur appartenance à la classe guerrière des adultes contemporains. Le dépôt de la paroi de four dans la tombe d’enfant F.167, située à proximité immédiate de la tombe d’adulte F.165 (qui a livré une pisolithe) pourrait revêtir la même valeur symbolique : il signalerait l’appartenance de cet enfant à une famille exploitant le minerai de fer. Quelle que soit la datation des tombes d’Esvres, l’attention apportée à ces petits défunts s’exprime dans la plupart des tombes : les parures sont adaptées à leur stature, le service funéraire leur est spécifique et parfois même plus abondant que dans les tombes d’adultes. Ces sépultures témoignent d’une attention spécifique, au moins identique à celle des adultes. Ces gestes attentifs et précis semblent révéler une véritable reconnaissance individuelle, dès le plus jeune âge. La tombe F.131 atteste que cette reconnaissance intervient dès la fin de la première année5.

Des armes et du vin : des tombes d’auxiliaires de l’armée romaine

Les armes constituent l’attribut par excellence du guerrier, même si son port effectif ne peut être affirmé. Destinées à identifier le défunt, elles sont, dans les trois tombes, systématiquement associées à une amphore. Ces offrandes conjointes soulignent leur statut spécifique et les distinguent des autres individus de cette nécropole. Insignes de pouvoir, vin et arme comptent, en Gaule centrale et en Belgique, parmi les principaux critères retenus pour identifier des tombes privilégiées (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 208-209 ; METZLER et al. 1991 : 146 ; METZLER 2002).Quelques données statistiques permettent en effet de souligner leur “ rareté ”. M. Poux, recense sur l’ensemble de la Gaule, 91 tombes à amphores parmi lesquelles 46 contenaient également de l’armement : la co-occurence arme/amphore peut donc être évaluée à moins de 4% de l’ensemble des tombes gauloises connues (POUX 2004 : 216-219, note 688). Ceci conduit donc à souligner leur caractère d’autant plus exceptionnel qu’il semble évident qu’une faible partie de la population avait accès à la sépulture (PION, GUICHARD 1993). Régionalement, on constate le nombre important de tombes à armes : sur un inventaire de 31 tombes gauloises en secteur turon, 15 sont plus précisément datées du milieu du Ier s. av. J.-C. à l’époque augustéenne 6 (Fig. 88). Parmi celles-ci, une tombe sur trois a

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livré de l’armement (5 dont 4 avec amphore). Cette importante quantité est comparable à celle livrée par son puissant voisin biturige où l’armement apparaît pour la même période dans une tombe sur deux (7 tombes – avec amphore, sur 14 inventoriées : RIQUIER à paraître). Ces deux secteurs ont par ailleurs d’autres points communs (rituel de l’inhumation quasi exclusif, dépôt d’amphore dans les tombes, similitudes des répertoires céramiques) : ce petit territoire semble donc dans la mouvance de son voisin.

Fig. 88 : Situation de la nécropole de Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ” (carré noir) par rapport aux tombes à armes et / ou amphore de Gaule du Centre. Antran, Berry-Bouy, Châtillon-sur-Indre, Dun- sur-Auron, Fléré-la-Rivière, Gièvres, Huismes, Levroux, Ménestreau-en-Villette, Neuvy-Pailloux, Palluau-sur-Indre, Primelles, Saint-Georges-lès-Baillargeaux, Tavant

D’après FERDIÈRE, VILLARD 1993 : fig.1-2, complétée

Les dépôts d’armes et d’amphores apparaissent “ brutalement ” dans les tombes d’Esvres à partir du milieu du Ier s. av. J.-C.7. Confirmant largement le phénomène mis en évidence par M. Feugère, cette pratique apparaît directement liée au contexte politico-militaire de l’époque (FEUGÈRE 1994 : 3). L’absence d’arme ou d’amphore dans les tombes sûrement antérieures à la conquête plaide en faveur d’une pratique jusque-là étrangère aux traditions indigènes, sauf peut-être pour le territoire trévire où elle semble un peu plus précoce (METZLER et al. 1991 ; POUX 2004 : 329-330). Dans une situation de désarmement, la détention d’arme manifeste une marque de prestige accordée par Rome, sur dérogation, à quelques chefs gaulois probablement incorporés dans les troupes auxiliaires lors du conflit (FEUGÈRE 1996 : 165 ; POUX 1999 : 121). On constate en effet que dès l’époque césarienne, ces tombes paraissent déjà “ acculturées ” (épieu à Esvres, spatha à Feurs, cingulum à Malintrat, service à ablutions à Châtillon, cruche ou imitation de formes méditerranéennes à Ménestreau et Paris) (FERDIÈRE, VILLARD 1993 ; POUX 1999 ; RIQUIER à paraître). Ce phénomène s’accentue dans les

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tombes augustéennes (groupes des tombes bituriges et trévires). D’après la liste dressée par Pline l’Ancien, le territoire turon obtient le statut de “ cité libre et exempte de tribut ”, au même titre que les territoires biturige et trévire notamment, en récompense de leur collaboration durant le conflit (GOUDINEAU 2000 : 355-357). On constate en effet une étroite corrélation entre le statut des cités et les zones de concentrations de tombes à armes (FEUGÈRE 1996 : 166 ; METZLER et al. 1991 : fig. 112).

L’incinération F.140

La dernière tombe de cette nécropole dénote dans ce contexte. En effet, le rituel de l’incinération apparaît tout à fait marginal jusqu’au Haut-Empire dans ce territoire : sur 31 tombes, seulement deux correspondent à des incinérations (RIQUIER à paraître). La seconde est représentée par la tombe en umbo de type germanique de Huismes, pour laquelle une origine locale du défunt est peu probable - comme à Berry-Bouy (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 139, 281-282 ; RIQUIER, GEORGES en préparation). L’absence de charbon de bois associés aux ossements recueillis suggère que les cendres du défunt ont été soigneusement triées et lavées, peut-être avec le contenu même de l’amphore, avant d’y être déposés. De plus, l’amphore cinéraire dépassait volontairement du sol (Fig. 34). La mention à propos des découvertes anciennes de tombes à amphore “ placées debout ” (dont au moins une Pascual 1) à Gièvres (Loir-et- Cher) semble relever du même phénomène (cf. supra, note 7) De tels dispositifs sont fréquemment attestés en Italie (tombes de Vénétie) ou en Gaule méridionale (POUX 2004 : 272). Ils rencontrent de rares parallèles dans le domaine celtique, notamment en Belgique orientale, dès le milieu du IIe s. av. J.-C., mais restent exceptionnels avant le Haut-Empire (METZLER et al. 1999 : 434-435 ; LEMAÎTRE 2003 : 244-245). Cette volonté de laisser accessibles les reliques du défunt était destinée à l’abreuver lors de libations post-inhumatoires, pratiquées dans le cadre de cérémonies commémoratives (METZLER et al. 1999 : 313) (cf. infra § 5.3.4). Le contact entre les restes incinérés et le vin revêt un geste symbolique fort. Le feu étant considéré comme “ un médiateur vers l’au-delà ” (Diodore de Sicile, cité dans PERRIN, DECOURT 2002 : 402, n°231). Les conceptions du vin dans les pratiques funéraires semblent en effet lui conférer un pouvoir psychopompe et psychotrope : élément purificateur, comme le feu, il est censé accompagner le défunt vers l’au-delà, le rapprocher des dieux immortels ou des ancêtres pour garantir sa survie (Metzler et al. 1991 : 139 ; POUX 2004 : 349). Ce n’est pas un hasard de trouver, associé dans cette tombe, un graffito représentant un oiseau aux ailes déployées (Fig. 33, n°1155), animal considéré, dans la théologie celtique et gréco-romaine comme un “ convoyeur ” des âmes (BRUNAUX 1996 : 135).

Des relations privilégiées entre individus

On observe deux cas de regroupement de tombes. Ils concernent des adultes attribuées à la même phase chronologique (phase 4). Cet agencement particulier n’est pas fortuit, car aucun recoupement n’est constaté dans cette nécropole malgré la durée d’utilisation. Ceci renforce l’impression d’une mise en rapport volontaire de ces individus et la volonté de (re)créer des liens entre eux, au-delà d’une mort, qui n’a manifestement pas été simultanée. Cela est d’autant plus frappant pour les sépultures F.133 et F.139, précisément jointes à l’emplacement de l’amphore (Fig. 89). La nature de

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la relation qui unissait ces individus ne pourra sans doute jamais être précisée (lien de clientélisme, de parenté, matrimoniaux ?)8.

Fig. 89 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”: deux cas de regroupement volontaire de tombes d’adultes de la phase 4 (essai de restitution).

Des liens avec la métallurgie du fer

Deux tombes ont livré des objets qui font référence à la métallurgie du fer. Il s’agit d’une bille d’hématite (F.165) et d’un fragment de paroi de four dans une tombe d’enfant (F.167). Les objets liés à l’activité métallurgique sont rares en contexte funéraire. On dénombre des outils de forgeron dans des tombes aristocratiques : pinces à feu à Fléré-la-Rivière et Berry-Bouy, marteau de forgeron à Dun-sur-Auron et fragment de cheminée de fourneau à Clémency (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 283 ; METZLER et al. 1991 : 149). Nettement plus modestes, les artefacts d’Esvres correspondent à de menus objets, liés aux premières étapes de l’exploitation du fer : la collecte et la réduction. Ces tombes pourraient constituer le miroir privilégié d’une organisation sociale liée à ce type d’activité : les uns, situés en début de chaîne opératoire, fourniraient à d’autres la matière première nécessaire à la fabrication des objets.

Nature et fonctions des dépôts : entre rituels et croyances

Le dépôt de trois fibules

La présence de trois fibules dans certaines tombes semble relever d’un caractère particulier. Elles sont toujours contenues dans des sacs et associées à d’autres artefacts

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(Fig. 73). D’autres objets, qui symbolisent le statut social du défunt, sont déposés en trois exemplaires dans les tombes : 3 épées à Fléré-la-Rivière, La Mailleraye-sur-Seine et Dun-sur-Auron, 3 lances, 3 passoires à Dun-sur-Auron et 3 boucliers à Antran. Il s’agit toujours de contextes à caractère aristocratique, associés à de la vaisselle métallique. Ces dépôts triples sont interprétés comme des offrandes honorifiques offertes par des proches au moment des funérailles ou comme des armes de “ rechange ” appartenant à la panoplie du mort (VILLARD 1993 : 251). Leur nombre fait probablement référence à la structure ternaire qui régit la société celtique (BRUNAUX 1996 ; POUX 2004 : 125). Il s’agit ici d’un autre objet, dont le nombre pourrait être tout aussi symbolique. Récurrente en contexte cultuel, la fibule semble y revêtir un caractère apotropaïque. Elle perdrait sa fonction profane pour revêtir une dimension plus symbolique : l’offrande du donateur visant peut-être à “ s’attacher ” l’attention et la bienveillance du dieu auquel elle est destinée (BOURGEOIS 1999 : 184, d’après N. KILL 1966). À Esvres, ces fibules, déposées par les vivants, pourraient donc être destinées à protéger le défunt et l’aider à assurer son passage vers l’au-delà (BATS 2002 : 285). Peut-être liée à la rupture prématurée de la vie (les fibules de la tombe F.110 sont incomplètes), cette pratique est spécifiquement associée à des enfants. Même si la signification exacte de ce dépôt nous échappe, il pourrait être plus courant qu’il n’y paraît9. En effet, des groupes prédominants de tombes à trois fibules dans certaines nécropoles à incinération (Lamadelaine, La Croizette, Annelles, Canly, Feurs, Roanne), ne permettent pas de préciser le mode de dépôt des fibules (METZLER, METZLER- ZENS, MÉNIEL 1999 : 376 ; LAMBOT, FRIBOULET, MÉNIEL 1994 : 167 ; VAGINAY, GUICHARD 1993 : 238 ; GAUDEFROY, PINARD 1997 : fig.6). Étroitement lié au défunt, ce type de dépôt devait l’accompagner sur le bûcher.

Les monnaies

Le dépôt de monnaies en contexte funéraire est une pratique peu courante dans le monde celtique. Les quelques chiffres relevés, mettent en évidence des disparités régionales, au premier rang desquelles se place la nécropole d’Esvres-sur-Indre, avec 6 tombes à monnaie sur 29 : - dans les tombes aristocratiques et privilégiées du groupe biturige, au moins trois tombes sur sept renfermaient une à deux monnaies (Fléré-la-Rivière, Berry-Bouy, Primelles). Il s’agit des tombes les plus tardives du groupe, datées de l’époque augustéenne au Ier s. ap. J.-C. L’ancienneté des fouilles ne permet pas d’affirmer l’absence effective de ces petites pièces dans les autres tombes (VILLARD 1993 : 254). - dans le secteur arverne (75 tombes précisément datées des II-Ier s. av. J.-C.), une seule tombe (de femme) a livré un potin (DEBERGE, MENNESSIER-JOUANNET, ORENGO à paraître). - dans la nécropole de Lamadelaine, 5 tombes sur 70 ont livré des monnaies, soit seulement 7 %. La monnaie est en général posée sur les restes incinérés ou bien mêlée à eux. La tombe la plus ancienne est datée de La Tène D2a. Il s’agit d’une tombe de guerrier (METZLER, METZLER-ZENS, MÉNIEL 1999 : 28-37). Les autres tombes sont datées de la conquête à l’époque augustéenne. Elles affichent toutes sauf une des caractéristiques indigènes (idem : 385-386).

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- parmi les 130 incinérations d’Acy-Romance (Ardennes), 8 renfermaient des monnaies, soit seulement 6 % des tombes. Ce dépôt apparaît dans des contextes de l’horizon Nauheim (LAMBOT 2002 : 132-133). - en 1982, 20 ensembles funéraires avec monnaies étaient recensés par H. Polenz en territoire celtique au nord des Alpes à l’exception de la Gaule (POLENZ 1982). La récente fouille d’une nécropole à inhumation près de Berne (Suisse) témoigne du dépôt de monnaies dans 6 tombes sur 37, soit plus de 16 %. Les monnaies y sont étroitement corrélées aux tombes de femmes. Dans 4 tombes, les monnaies étaient situées dans la bouche des défuntes : cette observation atteste que la fameuse coutume de l’obole à Charon était connue au nord des Alpes dès La Tène moyenne (DUNNING 2001 : 20). Les tombes d’Esvres (notamment la tombe F.150) pourraient témoigner d’une telle coutume.

Les services funéraires

De la position des céramiques La position des vases par rapport aux défunts évolue au cours de la période considérée. Dans les tombes d’adultes de la phase 3, le service de la boisson est déposé dans la moitié supérieure du corps et celui de la nourriture à l’opposé, dans sa moitié inférieure, comme dans la tombe de Ménestreau (FERDIÈRE, VILLARD 1993 : 141 et fig. 2-55). Une distinction symbolique de la fonction des vases sous-tend et conditionne très probablement cette organisation particulière. Le service de la boisson alcoolisée (et son pouvoir psychotrope) est précisément situé à proximité de la partie du corps considérée chez les Celtes comme le siège de “ l’âme supérieure ” (BRUNAUX 1996 : 48), par opposition aux services à nourriture, qui répondent aux besoins vitaux du corps (comme l’assiette posée sur le ventre du guerrier de la tombe F.135). “ Viatiques d’éternité ” ou mise en scène ? Les services funéraires déposés dans les tombes sont généralement interprétés comme un “ viatique d’éternité ”, destiné à satisfaire les besoins terrestres du défunt entre la mort biologique et la mort culturelle (BATS 2002 : 285). Or, dans cette nécropole, il nous semble discordant d’associer un individu inhumé à de la faune calcinée, donc dépourvue de viande. Ces offrandes ne sont donc pas destinées aux "besoins" de consommation du défunt en tant qu’individu. Elles pourraient correspondre au contraire, à des reliefs de repas donné lors des funérailles du défunt et symboliquement déposés dans la tombe. Les “ illusions d’abondance ” utilisant la technique du trompe-l’œil relevées par P. Méniel, démontrent que des considérations esthétiques se manifestent clairement dans l’organisation des offrandes : elles semblent avant tout destinées à être vues par l’assemblée recueillie autour de la tombe (MÉNIEL 2002 : 341). Il s’agit donc de mettre en valeur la personne et sa dernière demeure lors des funérailles. Il est probable que cette “ mise en scène ” soit également destinée aux dieux qui doivent reconnaître et accueillir le défunt, en leur signifiant que les rituels ont bien été accomplis. Ces offrandes auraient donc une valeur plus ostentatoire que purement alimentaire (BATS 2002 : 286-288).

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Banquets funéraires et libations

Modestes à Esvres, chaque “ amas calciné ” se compose d’une ou deux amphores, quelques céramiques communes du service de la boisson (balustres, bobines) et de la nourriture (assiette, écuelle), parfois accompagnés de faune. La composition de ces mobiliers constitue le pendant parfait des services funéraires déposés intacts dans les tombes, tant dans leur composition que dans les quantités de mobilier mises en œuvre (Fig. 90). Quelques fragments de ce mobilier ont été placés précisément sur les tombes des individus les plus remarquables de la nécropole (cf. supra § 4.8.6.). Ces amas démontrent que la pratique de la destruction de mobilier par le feu intervient dans les rituels, même en cas d’inhumation : elle ne semble donc pas directement liée au domaine funéraire stricto sensu, mais se rapporte aux rites qui l’accompagne.

Fig. 90 : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, comparaison des services funéraires des tombes d’adultes de la phase 3 et du mobilier calciné de “ l’amas ” F.181

En blanc : mobilier intact, en gris : mobilier fragmentaire et calciné.

Ces épandages et leur manipulation complexe (calcination, bris et déplacement) sont à rapprocher des “ pavés ” associés aux tombes de Clémency, de Goblingen-Nospelt et de Malintrat. Ces éléments sont probablement liés à des repas commémoratifs, pratiqués dans le cadre du culte des ancêtres (METZLER et al. 1991 : 62 ; METZLER, METZLER-ZENS, MÉNIEL 1999 : 429 ; GUICHARD, ORENGO 1999). Reliefs de repas et pratiques libatoires (dispositif de l’incinération F.140) sont donc attestés dans cet espace funéraire, dès le milieu du Ier s. av. J.-C. Les remontages de céramiques calcinées effectués entre différentes sépultures d’une part, les fragments d’amphores et de céramiques communes calcinées éparpillés sur les vastes espaces qui séparent les groupes de tombes d’autre part, pourraient témoigner du cheminement de

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processions funèbres au cours desquelles l’assemblée offrait quelques reliefs de repas aux défunts, au titre de la pars pro toto (METZLER et al. 1991 : 142). Ils attestent par ailleurs que ces repas pouvaient être donnés en l’honneur de plusieurs “ ancêtres ” en même temps. On aurait alors le témoignage d’événements comparables à la fête des morts collective des Parentalia en Italie, au terme de laquelle, selon Ovide “ on honore les tombeaux pour apaiser les mânes de ses pères et on porte de modestes offrandes sur les tombes qu’on leur a édifiées ” (Fastes, II, 530-540, cité dans BATS 2002 : 287-288). Ces offrandes, issues de sacrifices et libations, qui, selon le témoignage de Platon, sont des “ cérémonies pratiquées en l’honneur des morts envers les dieux souterrains et les dieux de ce monde-ci ”, pourraient alors être destinées aux divinités immortelles (plutôt qu’à l’individu mortel), statut auquel appartiendrait désormais le défunt (BATS 2002 : 286-287). Ces manifestations ne semblent cependant pas perdurer très longtemps, puisque le site n’est plus fréquenté à la fin de l’époque augustéenne.

Synthèse

Assemblages funéraires et hiérarchisation

Hiérarchisation des défunts de la nécropole

Au sein de cette nécropole, les tombes peuvent se hiérarchiser. Par bien des aspects, la tombe F.135 se singularise par son relatif isolement et marque le début de la pratique du dépôt d’amphore et d’armes dans les tombes. De plus, elle est la seule à posséder une chambre funéraire boisée. Ce type d’aménagement est attesté dans moins d’une vingtaine de tombes datées de La Tène D2 à l’époque post-augustéenne. Le poignard constitue un élément atypique parmi les armes de poing de cette période (RIQUIER à paraître). Malgré la faible quantité de mobilier associé, ces éléments confèrent à ce défunt un statut tout à fait particulier au sein de sa communauté. Les deux autres tombes à arme et amphore, plus tardives, “ seulement ” munies d’un cercueil, renfermaient cependant un mobilier plus abondant, notamment la tombe F.165 dans laquelle est déposé un fragment de meule, symbole agraire par excellence (POUX 2004 : 342) et une pisolithe en référence à la métallurgie du fer. Les autres tombes (F.159, F. 163, F.177), apparemment moins prestigieuses10, ont livré des services de la boisson indigène, d’une contenance parfois conséquente (jusqu’à 8 litres). Certaines tombes d’enfants se remarquent par la présence d’armes (F.131, F.152), d’éléments métalliques (F.167) ou par l’abondance du mobilier (F.150).

Des organisateurs de banquets aux simples convives

Sans vouloir sur-interpréter “ la valeur sociale ” des offrandes (FERDIÈRE 2004), en replaçant ces tombes dans leur contexte régional, il est manifeste qu’une hiérarchisation se dessine au travers des assemblages de mobilier funéraire dans les tombes à armes.

Même si le dépôt d’amphore détient une valeur sociologique forte (METZLER et al. 1991 : 146 ; FERDIÈRE, VILLARD 1993), d’autres “ marqueurs ” retenus pour leur caractère encore plus rare et donc plus exceptionnel, comme la vaisselle métallique et les équipements militaires, qui caractérisent le mieux ces élites (METZLER 2002 : 182-185).

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Reflets d’un niveau social, économique et politique équivalent à celui de certaines tombes trévires, les somptueuses tombes bituriges, comme Fléré-la-Rivière, Dun-sur- Auron, Neuvy-Pailloux, Berry-Bouy, Châtillon-sur-Indre et Antran (FERDIÈRE, VILLARD 1993 ; PAUTREAU 1999), apparaissent bien supérieures aux tombes de Ménestreau-en- Villette ou des plus “ riches ” d’Esvres. L’absence d’éléments de prestige (ustensiles de foyer, vaisselle métallique, outils), les distinguent sans ambiguïté des tombes à caractère aristocratique. Le choix même des lieux de sépulture illustre l’importance sociale du défunt au sein de la communauté. La tombe reste isolée au cœur d’un grand domaine foncier (Fléré, Neuvy-Pailloux), génère un lieu de culte (Antran, Berry-Bouy, Malintrat, Goblingen- Nospelt, Clémency) ou une nécropole (Tavant), contrairement au guerrier dont la tombe est intégrée à un espace funéraire rapidement abandonné (Esvres). Il s’agit d’individus aux pouvoirs plus limités, qui se distinguent néanmoins par des dépôts privilégiés, constitués par les armes et les amphores. Ceci illustre toute une hiérarchisation sociale entre les défunts : des grands aristocrates propriétaires terriens, détenteurs de pouvoirs économiques et politiques, aux possibles chefs de clans. Ces “ hommes en armes ” sont les seuls, d’après César et Posidonios, à prendre part aux conseils armés et aux banquets (POUX 1999 : 115). Se dessinent alors au moins deux groupes sociaux distincts à travers leurs attributs funéraires : les “ organisateurs de banquets ” et “ les convives ”, qui ont seulement la possibilité d’y prendre part (POUX, FEUGÈRE 2002 : 205-207). Sur la base de la célèbre description du banquet par Posidonios, M. Poux propose, à l’issue de l’analyse portant sur un corpus des 136 tombes recelant amphore, vaisselle métallique ou ustensiles de cuisson, une stricte hiérarchisation sociale, économique et politique dans les assemblages funéraires liés au festin aristocratique (Fig. 91) (cf. POUX, FEUGÈRE 2002 : ill. 5).

Fig. 91 : Essai de hiérarchisation des dépôts funéraires des tombes de Gaule du Centre.

D’après POUX 2004: fig.73.

Replacés dans leur contexte, les défunts d’Esvres prennent donc place à la base de cette organisation pyramidale des élites, parmi le “ second cercle ” des convives. Ceux-ci pourraient ne participer qu’aux “ festins des pairs ”, réunissant les élites guerrières en permanente compétition. Les individus dont les tombes sont dépourvues des marqueurs de pouvoirs, mais garnies du service des boissons indigènes (F.159, F.163, F. 177) se placent très probablement dans l’entourage immédiat de ces guerriers privilégiés.

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Entre “ identité ” et “ hybridité ”

Plusieurs objets témoignent de contacts avec la culture matérielle méditerranéenne. Il ne s’agit pas seulement d’importations, mais aussi d’objets de fabrication locale témoignant d’un certain “ éclectisme inventif ” lié au savoir-faire des artisans (MÜLLER 2002 : 389). Ces objets se singularisent par leur aspect hybride, situé au croisement des caractéristiques indigène et méditerranéenne, telles qu’elles peuvent être identifiées à ce jour : la conception du poignard, la cruche et l’olla, formes d’origine méditerranéenne à piédouche (élément éminemment indigène) et dans une moindre mesure, la patina à pâte grossière et non enduite. D’autres éléments sont également remarquables : le dépôt de monnaie, attesté dès la phase 1, ne trouve d’équivalent qu’en Italie du Nord et en Suisse. Situées dans la bouche, dans la main ( ?) ou dans un sac, ces pièces évoquent les croyances gréco- romaines basées sur le rituel du passage. Par ailleurs, la fibule de Cenisola, rare en Gaule, est également originaire d’Italie du Nord. L’olla remplace brutalement le vase bobine dans les tombes de la phase 4, sans pour autant qu’il s’agisse d’un problème chronologique, puisque les vases bobines en terra nigra sont produits jusqu’à l’époque claudienne. L’épieu est un objet inconnu en Gaule avant la conquête. Les dépôts d’armes, d’amphores et de mobilier calciné constituent des pratiques apparues au moment de la conquête, manifestement véhiculées sous influence méditerranéenne (FEUGÈRE 1994 : 3 ; POUX 2004 : 330). Enfin, la dernière tombe de cette nécropole laisse supposer que le défunt incinéré n’est pas d’origine locale, mais pourrait être un méditerranéen (au sens large). Ces éléments mixtes et ces “ innovations ” concernent un tiers des tombes, autant d’adultes que d’enfants. L’étroite relation, exprimée par l’association de l’inhumation F. 177 et de l’incinération F.140, détermine une certaine forme d’intégration, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, d’affirmer jusque dans la tombe, des origines et des croyances distinctes exprimées par le biais des rituels funéraires traditionnels. Alors que la présence d’étrangers chez les Turons n’est attestée qu’en 57 av. J.-C. (César, B.G., II, 35), cette population a été en contacts étroits avec des “ étrangers ” ou avec des individus d’origine locale initiés à d’autres cultures bien avant la conquête : ces éléments sont discrets mais perceptibles dès le milieu du IIe s. av. J.-C. et s’accentuent jusqu’à l’époque augustéenne.

Conclusion

Malgré l’absence de données anthropologiques concernant le sexe et l’âge exact des individus, les informations d’ordre social et économique livrées par les mobiliers de cette nécropole lui confèrent un intérêt qui dépasse le cadre local. Des filiations familiales se manifestent à travers certains objets déposés dans les tombes des enfants, qui tiennent une place prépondérante. Confrontées aux tombes bituriges, les tombes d’adultes documentent une partie (?) de la basse aristocratie armée. Par ailleurs, elle atteste de pratiques méconnues jusqu’à ce jour au sud de la Loire : celle de la destruction de mobilier par le feu, même en cas d’inhumation et celle, étroitement liée, du rituel de la pars pro toto, touchant aux pratiques funéraires post-inhumatoires. La similitude entre ces mobiliers et des services funéraires pèse plus en faveur d’une "mise en scène" dans la tombe que de véritables “ viatiques d’éternité ” : ils se réfèrent

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plus à la notion d’ostentation qu’à celle des besoins biologiques des défunts en tant qu’individus. Des influences d’origine méditerranéenne, plus ou moins discrètes, sont perceptibles tout au long de l’utilisation de cette nécropole. Il est par conséquent assez délicat de faire la part entre les pratiques purement indigènes et les pratiques “ mixtes ”, et surtout d’évaluer leur impact sur l’idéologie et les croyances des populations concernées durant cette période de mutation culturelle. On ne peut donc que souhaiter de nouvelles découvertes funéraires pour mieux évaluer ce phénomène.

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ANNEXES

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Annexe : Esvres-sur-Indre “ Vaugrignon ”, tableau récapitulatif des éléments constitutifs des tombes

NOTES

1. . Cette partie est un résumé des articles de Chimier et al. à paraître et Dubois à paraître. Je les remercie de m’avoir communiqué ces informations. 2. La présence conjointe d’armes et de parures considérées comme strictement féminines (perles, coffrets, miroirs) dans certaines tombes n’est pas sans contradiction (à ce sujet, cf. en dernier lieu : POUX 2004 : 221-222). 3. Les monnaies des secteurs turon et carnute font actuellement l’objet d’une étude par M. Trombady, dans le cadre d’une thèse. 4. Ces fragments de manipule illustrent aussi le phénomène de la pars pro toto, rarement attesté au sud de la Loire. Ce rituel pourrait également se manifester dans la tombe F.110, avec le probable anneau passe-guide miniature. 5. Cette reconnaissance est plus généralement fixée vers 2-3 ans (Delattre 1998 : 68). 6. On mentionnera une découverte passée inaperçue dans la nécropole de "l’Érable" à Gièvres (Loir-et-Cher). Des tombes à amphore y auraient été découvertes au XIXe s., parmi lesquelles au moins une Pascual 1. Elles auraient été associées à « du mobilier varié », mais aucune arme n’est mentionnée. Il s’agit certainement là aussi de sépulture(s) privilégiée(s) augustéenne(s) (Jollois 1830, cité dans : Chimier, Toyer à paraître). Je remercie J.-P. Chimier de m’avoir communiqué cette information. 7. On notera toutefois que les tombes d’adultes sont rares avant la phase 3 dans cette nécropole. 8. De telles relations apparaissent dans des tombes des nécropoles de Lamadelaine et de Wederath (Metzler, Metzler-Zens, Méniel 1999 : 380 ; Haffner 1989 b). 9. Les inhumations arvernes ne contiennent que des fibules en position fonctionnelle (Deberge, Orengo, Jouannet à paraître). 10. On notera toutefois que ces tombes peuvent atteindre plus de 5 m2 et renfermer un certain nombre d’offrandes en matériau périssable, difficilement quantifiables.

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RÉSUMÉS

Situé à 15 km au sud de Tours, au cœur de l’Indre-et-Loire, le village d’Esvres-sur-Indre est implanté sur le versant nord et le rebord d’un plateau qui domine la vallée de l’Indre. Suite à un projet de lotissement, au lieu-dit “ Vaugrignon ”, un diagnostic archéologique, réalisé en octobre 1998 sous la direction d’O. Ranger, a mis au jour deux inhumations de la fin de l’époque gauloise, dont l’une accompagnée d’une amphore complète (RANGER 1998). La fouille qui a suivi, en été 1999 a confirmé qu’elles étaient intégrées à un ensemble funéraire, composé d’au moins une trentaine de tombes, dont trois avec amphore et arme, datées du milieu du IIe s. av. J.-C. à l’époque augustéenne. Cette nécropole constitue le premier ensemble funéraire connu et étudié à ce jour en territoire turon, situé à la marge occidentale du secteur biturige et de ses tombes aristocratiques (FERDIÈRE, VILLARD 1993). Utilisée du milieu du IIe s. av. J.-C. à l’époque augustéenne, cette nécropole se compose de 29 tombes, dont une incinération. Elle permet de suivre l’évolution des pratiques funéraires (des tombes les plus modestes à celles pourvues d’amphore et d’arme) et d’aborder le statut des enfants. L’analyse des objets met en évidence des dépôts originaux, comme ces trois fibules dans des sacs, les fragments de boucliers dans des tombes de bébés, de menus objets en référence à la métallurgie du fer, des monnaies et des “ services funéraires ” spécifiques à l’âge des défunts. Des épandages de mobilier calciné illustrent des pratiques funéraires post-inhumatoires. La mise en perspective de ces tombes par rapport aux prestigieuses sépultures bituriges (groupe de Fléré-la- Rivière), situées à proximité, est l’occasion d’établir une hiérarchisation sociale à travers les assemblages de mobilier et d’illustrer une partie jusque-là méconnue de la population.

This burial ground, which was used from the middle of the 2nd century B.C. until reign og Augustus, contained twenty-nine tombs, including one cremation. Its study allows us to follow the evolution of the burial rites (from the poorest tombs to those with amphorae or weapons) and to address the status of children. The analysis of the objects shows some original deposits, such as: three fibulae in bags, shield fragments in babies tombs, divers objects associated with iron working, coins and " funeral wares ” specific to certain age groups. Scatterings of burnt objects show up post-inhumation funeray practices. The comparison was made with prestigious " biturige ” type graves from the group of burial at nearly Fléré-la-Rivière. It gave an occasion to establish a strict social hierachy through the small-finds assemblages and to illustrate a hitherto poorly know of the population.

INDEX

Keywords : amphora, burial, burial ground, child, coins, cremation, funerary chamber, funeray meal, jewellery, late La Tène, pottery, textiles, Turones, weapons Mots-clés : amphore, armement, banquet funéraire, céramique, chambre funéraire, enfant, incinération, inhumation, La Tène finale, monnaie, nécropole, parure, tissu, Turon

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Les villae gallo-romaines dans le territoire proche d’Augustonemetum – Clermont-Ferrand Approche critique de la documentation archéologique The Gallo-Roman villae in the Augustonemetum – Clermont-Ferrand area. A critical approach to archaeological documentation

Bertrand Dousteyssier, Maxence Segard et Frédéric Trément

In memoriam G. B. Rogers

Les villae autour de Clermont-Ferrand : historique des recherches

Fig. 1 : Contexte historique et géographique de la zone d’étude.

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1 Les recherches archéologiques sur les villae gallo-romaines en Auvergne sont récentes. Plusieurs fouilles anciennes ont néanmoins été menées sur ce type d’établissement dès le XIXe s. On peut par exemple citer le dégagement d’une partie des bâtiments de la villa de Sérange, à Saint-Ours-les-Roches, sur le plateau des Dômes en 1838 (BOUILLET 1840) ou bien encore la fouille menée par C.-F.-J. Mangon de la Lande et F. Becdelièvre en 1822 à proximité du Puy, en territoire vellave (MANGON DE LA LANDE 1826). Mais ces fouilles résultent souvent de l’intérêt ponctuel de quelques érudits locaux et n’ont fait que très rarement l’objet de publications.

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Fig. 3 : Carte de répartition des sites à hypocauste connus en 1986 (d’après CLAVAL 1986 : Fig. 1).

2 Il faut attendre les années 1980 pour qu’un chercheur s’enhardisse à cartographier les sites gallo-romains d’Auvergne qui possèdent des thermes (CLAVAL 1986), tous ces sites n’étant évidemment pas des villae. La carte des “ hypocaustes arvernes ” publiée alors (Fig. 3) montre combien le Puy-de-Dôme et plus généralement l’Auvergne souffrent d’un déficit de recherches, car il faut bien évidemment voir les très larges étendues “ vides ” de sites gallo-romains dotés d’un système de chauffage par hypocauste plus comme une carence de recherches que comme une réalité historique. Le résultat de cette étude ne fait apparaître qu’une trentaine de sites. Dans ces conditions, il était alors extrêmement difficile de dresser un tableau fiable des campagnes du Puy-de- Dôme à l’époque romaine1. Les auteurs des volumes de la Carte Archéologique de la Gaule consacrés au Puy-de-Dôme (PROVOST, MENNESSIER-JOUANNET 1994a) n’hésitent d’ailleurs pas à souligner qu’il “ n’est pas possible ” (ibid. : 76) de faire une première synthèse sur les villae et plus généralement sur l’habitat gallo-romain du Puy-de-Dôme. Une carte est tout de même établie, sans que les critères définissant une villa ne soient exposés clairement (Fig. 4). Il s’agit tout de même d’une avancée, C. Mennessier-Jouannet et M. Provost s’appuyant sur les premiers résultats de prospections pédestres menées dans la plaine de la Limagne.

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Fig. 4 : Carte des « villae » connues en 1994 dans l'ensemble du département du Puy-de-Dôme (d'après PROVOST, MENNESSIER-JOUANNET 1994a : 78, Fig. 16).

1: villae avec marbre et/ou mosaïques, et/ou fragments d'architecture ; villae avec hypocauste et/ou enduits peints ; 3 : villae indéterminées ; en grisé: les bassins de la Limagne.

3 Depuis cette publication, nos connaissances ont évolué, notamment en raison de l’essor de l’archéologie préventive. On doit la première fouille extensive d’une villa à S. Liégard et A. Fourvel en 1993 (LIÉGARD 1994 ; LIÉGARD 1995). Cette fouille a été menée préalablement à la construction d’une bretelle autoroutière servant à la desserte sud de Clermont-Ferrand. Elle a permis d’appréhender, pour la première fois dans le département du Puy-de-Dôme, une pars rustica de villa. La publication la plus complète de ce site a été réalisée en 2000 et 2001 dans une revue locale (LIÉGARD, FOURVEL 2000 ; 2001). À ce jour, il s’agit encore de l’une des deux seules partes rusticae fouillées en Auvergne2 et sa localisation à quelques kilomètres seulement du chef-lieu de cité nous permet d’appréhender la question des productions et de la transformation des produits agricoles dans le territoire proche d’Augustonemetum.

4 La croissance urbaine de Clermont-Ferrand est à l’origine de la découverte en fouille préventive d’une autre villa, située sur la commune de Beaumont. G. Alfonso (INRAP) a fouillé cet établissement en 1999 (ALFONSO 2001). La publication de ce site doit intervenir très prochainement dans les Documents d’Archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne, ce qui constituera la toute première monographie d’un établissement rural gallo-romain d’Auvergne.

5 Enfin, un troisième établissement a été découvert récemment, à seulement quelques centaines de mètres du précédent, toujours sur la commune de Beaumont (ALFONSO 2004). Sa caractérisation n’a pas encore été clairement établie par le fouilleur, qui n’utilise d’ailleurs pas le terme de villa, malgré la fouille d’un édifice balnéaire.

6 Si ces trois fouilles donnent des informations capitales pour comprendre le phénomène de la villa, notamment autour d’Augustonemetum, elles ne permettent néanmoins pas

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d’avoir une vision plus large, à l’échelle de la plaine de la Limagne, de l’importance des domaines.

7 Le développement des prospections pédestres et aériennes dans le courant des années 1980-1990 a permis de renouveler complètement la question et d’avoir pour la première fois une approche spatiale. Les membres du Centre d’Études et de Recherches d’Archéologie Aérienne (CÉRAA) survolent depuis la fin des années 1970 la plaine de la Limagne. Le CÉRAA possède une documentation photographique importante, regroupant plusieurs milliers de clichés. Un premier inventaire a été l’occasion de reconnaître près d’une vingtaine de bâtiments gallo-romains assimilables à des villae (DOUSTEYSSIER 2000). L’intensification des missions aériennes depuis 2001 3 a permis de photographier à nouveau plusieurs sites déjà connus et de découvrir plusieurs nouvelles villae (cf. annexe n°2).

8 Parallèlement, plusieurs campagnes de prospections pédestres ont été menées depuis les années 1980 dans la plaine de Clermont-Ferrand. Il convient de signaler tout d’abord la première campagne menée par N. Mills entre 1979 et 1982 (MILLS 1986 : 121). Cette campagne de prospections systématiques visait à replacer le complexe d’Aulnat- Gandaillat dans un contexte plus large et à établir une carte de l’occupation du sol de plaine de la Limagne pour la période protohistorique4. Les sites gallo-romains, qui ne représentaient pas l’intérêt premier du chercheur, n’ont pas été finement caractérisés du point de vue typologique ou chronologique. Néanmoins, les fiches de sites établies précisent la superficie occupée par les vestiges en surface.

9 Outre les prospections effectuées par différentes associations à intérêt local ou par quelques amateurs, et cela généralement sur des secteurs très ciblés (une ou deux communes tout au plus), il faut noter l’émergence de plusieurs programmes de recherches d’envergure à partir de 1990. V. Guichard, dans le cadre du programme “ Le peuplement des Limagnes d’Auvergne à l’Âge du Fer ”, porté par l’Association pour la Recherche sur l’Âge du Fer en Auvergne (ARÂFA), a prospecté entre 1990 et 1994 des dizaines de sites gallo-romains, dont plusieurs villae, sur la quasi-totalité des communes de rive gauche de l’Allier retenues dans notre étude (voir 2.1. et Fig. 2).

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Fig. 2 : Présentation de la zone d'étude (B. Dousteyssier).

1 : altitudes (m NGF) ; 2 : zones urbanisées ; 3 : limites de communes ; 4 : cours d'eau ; 5 : zones individualisées au sein de la plaine.

10 Les communes de rive droite de l’Allier, notamment les plus orientales, ont été prospectées entre 1990 et 1993 par des membres de l’Équipe Archéologique Pluridisciplinaire de Lezoux (ÉAPL) dans le cadre du programme d’évaluation globale du site de Lezoux. G.-B. Rogers a poursuivi la prospection de cette zone, bien après la fin du programme. Il est l’inventeur de plusieurs villae et a effectué une surveillance quasi annuelle des sites, ce qui confère une grande fiabilité aux résultats, notamment en ce qui concerne la caractérisation typologique des bâtiments. Son activité s’est partiellement déplacée à partir de 1994 ; dans le cadre de l’ARÂFA, il a poursuivi les prospections menées les années précédentes par V. Guichard en Grande Limagne. Il a participé ainsi à l’établissement d’une carte archéologique assez fine d’un secteur qui devait accueillir la bretelle autoroutière A710. Il a “ visité ” les communes de Saint- Beauzire, Gerzat, Lussat, Malintrat, Les Martres-d’Artière, et élargi son champ d’investigation aux communes de Chappes, Chavaroux, Entraigues et Joze (ARÂFA 1994 : 4-8 ; ROGERS, GUICHARD 1995).

11 Le troisième programme de recherche qui a concerné notre secteur est celui dirigé par l’un de nous (F. Trément) à partir de 1997 (TRÉMENT et al. 2000 : 113-122). Par définition diachronique, ce programme mettait tout de même l’accent sur l’époque gallo-romaine. Durant plusieurs années, la prospection systématique de la commune de Saint-Beauzire a été effectuée. Des étudiants en maîtrise d’archéologie ont appliqué la même méthodologie sur une dizaine de communes voisines. Pour la première fois, l’occupation du sol à l’époque gallo-romaine de cette partie de la plaine de la Limagne pouvait être appréhendée et l’exceptionnelle densité de sites, si souvent pressentie, pouvait être quantifiée (SEGARD 1999 : 52-53).

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12 Enfin, le programme de prospection pédestre le plus récent est celui mené dans le cadre de l’étude pluridisciplinaire et diachronique de l’ancien lac de Sarliève. Tout le bassin versant du paléolac, situé au sud de Clermont-Ferrand, au pied de l’oppidum de Gergovie, a été prospecté entre 2001 et 2003 (TRÉMENT 2004), suivant les méthodes qui avaient fait leurs preuves dans la Grande Limagne. Plusieurs villae, au cours de cette campagne, ont été soit découvertes, soit caractérisées, notamment celles qui se trouvent en bordure de la cuvette.

Présentation de l’étude

Définition de l’espace retenu

13 L’étude présentée ici porte sur un ensemble de 38 communes formant un bloc homogène (Fig. 2), allant du pied du plateau cristallin à l’ouest aux portes du Livradois- Forez à l’est. Les communes de Lezoux et Clermont-Ferrand n’ont pas été retenues dans notre inventaire devant l’hétérogénéité d’une très riche documentation archéologique, difficile à exploiter en l’état ; seuls trois sites de Clermont-Ferrand ont été pris en compte car ils sont situés en limite de commune et ont fait l’objet d’une étude toute particulière (fouille dans un cas, et plusieurs prospections par des membres de l’équipe pour les deux autres).

14 Plusieurs raisons ont motivé le choix du secteur retenu pour cette étude (Fig. 2). Tout d’abord il faut souligner la présence de deux “ centres de vie ” à l’époque gallo- romaine, dont un est le chef-lieu de la cité des arvernes. Augustonemetum est un centre de pouvoir politique, économique, commercial, sans doute également religieux et culturel. Le second “ centre de vie ”, Lezoux, est un centre de production artisanal qui compte parmi les plus importants de l’Empire pour la fabrication des céramiques. D’autres fonctions sont possibles comme le laisse soupçonner, par exemple, “ l’édifice à arène ” retrouvé récemment (BEAUCHERON 2004) mais ces fonctions ne sont que très peu documentées archéologiquement. Il semblait intéressant de voir si ces “ centres ”, ces concentrations de population, avaient marqué la campagne environnante.

15 La seconde raison était de toucher différentes zones de la plaine de la Limagne. Notre transect ouest-est traverse la Limagne des Marais, la Limagne des Buttes, une petite partie de la Limagne des Varennes (dans la région de Lezoux) et la vallée de l’Allier. Il s’étire sur près d’une trentaine de kilomètres d’ouest en est et couvre une largeur de 18 km environ du nord au sud (soit une superficie de plus de 500 km2). La zone délimitée est suffisamment importante pour que les résultats soient représentatifs et extrapolables à l’ensemble de la plaine. Les altitudes s’échelonnent entre 290 m NGF en bordure de l’Allier et 745 m NGF à l’ouest de la zone d’étude (ce qui correspond au sommet du plateau de Gergovie).

Mode d’acquisition des données

16 Un dépouillement systématique de la bibliographie concernant notre zone d’étude a été effectué. La documentation concernant des sites fouillés est extrêmement faible ; plus de 60 % de notre corpus est composé de sites connus par des prospections au sol. L’hétérogénéité des modes d’enregistrement des données, en fonction des prospecteurs et de leurs objectifs, nous a obligés à reprendre l’étude de la majorité des sites gallo-

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romains. Aucun a priori n’a été retenu comme préalable à notre étude ; nous souhaitions enregistrer l’ensemble des sites antiques pour pouvoir déterminer nous-mêmes ceux qui pouvaient correspondre à des villae. Les filtres interprétatifs proposés par les différents prospecteurs n’ont pas été retenus.

17 Des vérifications au sol ont donc été réalisées en plus de nos campagnes de prospections systématiques ; ces retours sur le terrain5 ont permis d’infirmer, de confirmer ou de compléter les renseignements en notre possession. L’Équipe Archéologique Pluridisciplinaire de Lezoux et l’Association pour la Recherche sur l’Âge du Fer en Auvergne nous ont laissé en outre un libre accès à leurs données6 : fiches de sites, matériel issu des prospections, clichés aériens de sites. Le Centre d’Études et de Recherches d’Archéologie Aérienne nous a également ouvert ses archives photographiques. Un inventaire des sites gallo-romains reconnus par avion a été dressé. Il est apparu que les membres de l’association photographiaient souvent les mêmes sites : on dispose ainsi d’une riche collection de clichés pour certaines villae mais le nombre de villae différentes photographiées est relativement faible. À partir de 2001, des missions aériennes ont été réalisées conjointement avec des membres du CÉRAA. En 2003, la sécheresse printanière et estivale a permis la découverte de nombreux sites et notamment d’une très grosse villa dans le secteur nord de la plaine de la Limagne (commune de Saint-Ignat). En 2004, deux grosses villae ([AU-05] “ Le Pré du Camp ” à Aubière et [CF-202] “ Belde ” à Clermont-Ferrand) situées dans l’environnement proche de la ville antique ont pu être photographiées (Fig. 14 et17). Parfaitement connus par la prospection au sol, ces sites ont livré pour la première fois un plan précis de leurs bâtiments.

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Fig. 14 : Différents bâtiments reconnus par prospections aériennes de la villa de Belde à Clermont- Ferrand (B. Dousteyssier).

1 : pars urbana (cliché B. Dousteyssier 2004) ; 2 : pars urbana (gros plan sur une cour intérieure ; cliché B. Dousteyssier 2004) ; 3 : bâtiment annexe (cliché B. Dousteyssier 2003) ; 4 : bâtiment à 3 pièces et galerie de façade (cliché D. Miaillier 1997 d'après Trément 2004 : fig. 29) ; 5 : bâtiment à double abside (bains ?; cliché B. Dousteysier 2003) ; 6 : zone d'extension maximale reconnue de la villa (prospections au sol 2003).

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Fig. 17 : Villa du Pré du Camp à Aubière. Bâtiments reconnus par prospections aériennes.

1 : vue générale de la villa (cliché B. Dousteyssier 2004) ; 2 : détail de la pars urbana (cliché B. Dousteyssier 2002) ; 3 : détail d'un bâtiment annexe (cliché B. Dousteyssier 2002).

18 Toutes les découvertes archéologiques gallo-romaines ont été enregistrées dans une base de données, élaborée en grande partie par M. Segard. Cette base, conçue sous Access, est à “ géométrie variable ”. Elle autorise un enregistrement total des données, aussi bien au niveau global du site qu’au niveau du tesson ramassé en prospection. La hiérarchie des champs permet une interrogation rapide et efficace. Un Système d’Information Géographique (SIG) lui est associé. Outre une cartographie rapide des éléments désirés, le SIG permet d’interroger la base et d’effectuer des croisements de données.

Études complémentaires

19 Un programme d’identification des marbres collectés en prospection a été lancé dès 20017. Il est en effet apparu qu’il s’agissait du moyen le plus approprié pour appréhender le comportement d’une élite arverne, avare par ailleurs de témoignages ostentatoires.

20 Dans un premier temps, un échantillonnage des marbres colorés a été confié à F. Antonelli, du Laboratoire d’Analyses des Matériaux Antiques de l’Université de Venise. Les premiers résultats et la très grande quantité de marbres blancs, qui représentent 72 % des fragments8 selon l’inventaire dressé en 2000 ( DOUSTEYSSIER 2000 : 168), ont encouragé un rapprochement avec deux géologues des Monuments Historiques, A. et Ph. Blanc, qui se sont spécialisés, entre autres, dans la reconnaissance des marbres blancs antiques.

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21 Enfin, deux autres partenaires ont été sollicités. Il s’agit de S. Laisné et V. Tripeau, topographes à l’INRAP, qui ont développé un logiciel de redressement de photographies obliques (nommé “ Restitution ”). Dans le cadre du Programme Collectif de Recherche “ Archéologie des Paysages d’Auvergne ”, coordonné par F. Trément, ils ont traité trois villae gallo-romaines connues par photographies obliques. La technique développée permet d’avoir des redressements avec une précision métrique9.

L’occupation de la plaine de la Limagne à l’époque romaine

Présentation générale

22 Sur les 38 communes prises en compte dans cette étude, seule une n’a pas livré de site gallo-romain : il s’agit de la petite commune de Saint-Bonnet-lès-Allier, située en rive droite de l’Allier et qui n’a pas retenu pour l’instant l’attention des chercheurs.

23 La base de données constituée comporte 551 occurrences qui se décomposent en 462 sites, 84 indices de sites et 5 objets isolés. Cela confirme une densité exceptionnellement forte de l’occupation gallo-romaine de la plaine de la Limagne. Sur les 462 sites, 37 sont déjà occupés à La Tène finale, 382 ont une occupation attestée au Haut-Empire, 130 sont occupés au Bas-Empire (125 de ces 130 sites étaient déjà occupés au Haut-Empire) et 53 sites gallo-romains perdurent au haut Moyen Âge. 45 des 462 sites référencés ont une occupation continue du Haut-Empire au haut Moyen Âge. Enfin, il faut noter que seulement 16 % des sites (75 occurrences) ne sont pas suffisamment renseignés chronologiquement, ne serait-ce que pour différencier le Haut-Empire du Bas-Empire, très souvent parce qu’il s’agit de découvertes anciennes mal documentées. Il faut néanmoins ajouter à cette catégorie quelques rares bâtiments détectés en prospection et n’ayant livré que des tegulae et des imbrices, sans mobilier céramique.

Des réalités de terrain à l’élaboration d’une typologie

24 Il est toujours malaisé d’élaborer une typologie des sites gallo-romains lorsque la majeure partie des informations est issue de données de prospections pédestres. Nous bénéficions néanmoins de données pertinentes puisque les sites ont été généralement prospectés plusieurs fois et que la “ lisibilité ” des sites romains de la plaine de la Limagne est excellente. Les labours profonds et répétés ont fait remonter en surface une grande quantité de matériel, offrant ainsi une image fiable des sites enfouis. Sans données stratigraphiques, il est toutefois impossible de caractériser finement les différentes phases d’occupation. De même, les données issues de photographies aériennes peuvent révéler différentes phases de construction sans que celles-ci puissent être calées chronologiquement. On sait par exemple, grâce à une photographie aérienne oblique, que la villa située à l’est du bourg de Culhat [CU-14] a subi un réaménagement profond, avec un changement d’orientation et une modification très importante de la surface du bâtiment principal (Fig. 16) sans que cette mutation profonde du site puisse être caractérisée plus précisément.

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Fig. 16 : Plans superposés de la villa du Bourg à Culhat d'après le redressement de photographies aériennes obliques

(d'après LAISNÉ, TRIPEAU 2003).

25 La typologie établie ici est simple et empirique, s’appuyant sur des critères descriptifs basiques. C’est une première étape dans une réflexion plus poussée qui utilisera notamment les résultats des analyses factorielles de correspondances. Ce premier état de croisement de données a permis de définir huit classes, dont certaines peuvent être subdivisées.

26 La catégorie A rassemble 42 établissements gallo-romains de très grande taille, pouvant couvrir plusieurs hectares. Certains de ces sites ont été photographiés lors de missions aériennes, offrant ainsi une vision assez précise de l’organisation des bâtiments et de leur monumentalité. Ces importants complexes présentent à la fois une partie résidentielle richement ornée et décorée de marbre, dans certains cas de mosaïques, d’enduits peints ; une majorité sont dotés de bains. Outre la pars urbana, des bâtiments à fonction agricole ont pu être reconnus ; on dispose même des données d’une fouille extensive sur ce type d’espace, à la villa de Romagnat – Le Maréchal (LIÉGARD, FOURVEL 2001). Un des plus beaux exemples arvernes de juxtaposition d’une pars urbana et d’une pars rustica nous a été livré récemment par l’archéologie aérienne. Les survols au- dessus du site du Pré du Camp à Aubière [AU-05] en 2002 et 2004 ont montré comment des bâtiments agricoles, à pièce unique, s’alignent le long d’un mur de clôture ; la partie résidentielle à galerie de façade, dotée de bains, au moins d’une mosaïque et de très nombreux placages de marbre, s’ouvre quant à elle à l’ouest sur la grande cour (Fig. 17).

27 L’analyse précise des sites de rang A permet d’individualiser deux sous-ensembles qui se détachent assez nettement :

28 Les sites de rang A1, au nombre de 18 (plus deux potentiels mais insuffisamment documentés) sont les sites les plus riches ; ils ont une superficie moyenne de 18000 m2.

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Ils ont livré en prospection de très nombreux fragments de marbre (grandes dalles de placage, plinthes, moulures, voire de rares éléments de statuaires10…), des tesselles de mosaïque (6 à 7 cas), des enduits peints muraux dans 17 cas (parfois la polychromie a été reconnue) et quasi systématiquement des éléments d’hypocauste liés à des édifices balnéaires.

29 Les sites de rang A2, au nombre de 22, ont une superficie moyenne de l’ordre de 8000 m2 (soit inférieure de plus de la moitié par rapport aux sites de type A1). Ils sont généralement bien moins documentés que les sites de la classe précédente ; on peut raisonnablement penser que certains d’entre eux sont des candidats potentiels à la classe A1 trop mal renseignés pour lui être imputés. Cependant un bon nombre de ces sites s’individualise vraiment ; ils présentent dans 18 cas des éléments d’hypocauste, et dans 19 cas des fragments de marbre. Cette dernière donnée demande à être précisée : en effet, des éléments de marbres sont présents sur ces sites mais il ne s’agit, à chaque fois, que de fragments de plaques (aucune moulure ou plinthe) et leurs dimensions sont toujours réduites. Si on s’attache au nombre de fragments par site, on se rend compte qu’il est toujours très faible, inférieur à 3 ou 4 et même très souvent présent en seulement un exemplaire. L’intensité des prospections sur certains de ces sites permet d’affirmer qu’on est bien en présence d’établissements présentant des signes ostentatoires de richesse nettement moins marqués. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de savoir si les rares éléments de marbre retrouvés servaient au décor de la demeure ou avaient une autre fonction (récupération et réutilisation possible). Ces sites jouent néanmoins, comme les sites de rang A1, un rôle assuré dans la structuration du paysage.

30 Du point de vue interprétatif, les sites de rang A peuvent être qualifiés de villae. Les villae de type A1 sont les plus imposantes ; elles devaient appartenir à une élite arverne fortunée qui n’hésitait pas à reproduire le modèle romain. L’intensité des prospections tant pédestres qu’aériennes sur le territoire retenu pour cette étude nous permet de penser que l’on a une vision assez précise de la distribution spatiale de ce type de site particulièrement facile à repérer étant donné leur taille). La question de la présence de centres domaniaux sous les agglomérations actuelles reste cependant posée. Les sites de rang A1 correspondent donc à de “ très grosses villae ”.

31 Les entités de type A2 peuvent être qualifiées simplement de villae ; le caractère ostentatoire moins marqué permet de penser qu’il s’agit ici de centres de domaines où les propriétaires ne pouvaient s’offrir le même luxe que celui décrit précédemment. Les bâtiments demeurent tout de même très importants, la partie résidentielle étant dotée d’un confort certain.

32 Les 92 sites de catégorie B correspondent à de gros établissements. Ils ont une superficie moyenne de 3150 m2 mais certains bâtiments peuvent atteindre 9800 m2. Il s’agit bien évidemment d’estimations fondées le plus souvent sur des observations réalisées lors de prospections au sol (estimation particulièrement fine lorsqu’un carroyage a été implanté : TRÉMENT et al. 2000 : 114-116). Quelques sites de rang B ont pu être photographiés lors de prospections aériennes, comme celui de Fontjoriat à Saint- Georges-sur-Allier [SG-200].

33 Cette catégorie peut être subdivisée en trois sous-catégories qui reflètent des réalités différentes.

34 La catégorie B1, très homogène, rassemble 71 sites. Ceux-ci ont tous livré des éléments d’hypocauste mais ne semblent pas présenter de murs décorés par des peintures et

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encore moins de revêtements de marbre. Les hasards de l’archéologie préventive et de la prospection aérienne font que nous ne disposons d’aucun plan complet pour ce type de bâtiment.

35 La catégorie B2 regroupe seulement 13 entités. Ces sites sont dotés d’un système de chauffage par hypocauste (12 cas) et sont tous ornés de peintures murales (dont des enduits peints rouges et/ou noirs). En revanche, aucun n’a livré de fragments de marbre ou de tesselles de mosaïque. Un seul plan est connu : il s’agit du site de Fontjoriat, cité ci-dessus, photographié à plusieurs reprises. Les pièces de cet important bâtiment semblent s’organiser autour de deux grandes cours. Le site est localisé à proximité immédiate de la voie d’Agrippa qui relie Lyon à Saintes par Clermont- Ferrand.

36 Enfin, la catégorie B3 rassemble 8 sites qui pourraient être pressentis comme des sites de transition entre la catégorie B et la catégorie C. Ils présentent en effet des superficies moyennes inférieures à la moyenne de la classe B et le matériel collecté est légèrement différent : absence totale d’éléments d’hypocauste, de marbre ou bien encore de mosaïque. Les bâtiments possèdent néanmoins des peintures murales qui peuvent être élaborées : c’est le cas pour le site des Côtes à Lussat [LU-01], où au moins quatre couleurs différentes ont été identifiées, ce qui est assez rare pour les sites de la plaine de la Limagne. Un bâtiment a été fouillé à Lempdes en 1992 par A. Couilloud ([LE-03] COUILLOUD 1993) nous donnant une idée de la fonction de ce genre de bâtiment.

37 Les sites de rang B sont plus délicats à interpréter. Si on examine les sites de type B1 et B2, on constate qu’ils sont très nombreux, de taille beaucoup plus restreinte que les villae de rang A, mais qu’ils possèdent un hypocauste et sont dotés dans certains cas d’éléments ornementaux, mêmes si ceux-ci sont globalement assez rares. Il semble que l’imbrication entre le lieu d’habitation et l’espace consacré à la vie agricole soit assez forte, du moins davantage que dans les cas précédents. Les rares plans disponibles ne permettent pas de se faire une idée totalement arrêtée sur la question. Ces sites peuvent être provisoirement qualifiés de “ petites villae ”, en sachant que l’on prend dans ce cas précis le terme de villa dans son acception la plus large. Les sites de rang B1 et B2 semblent former un réseau intercalaire de moyennes propriétés foncières où le mode de vie à la romaine est bien intégré (comme en témoigne par exemple la présence de chauffage par hypocauste). On peut avancer l’hypothèse que la richesse de la plaine de la Limagne, louée par les auteurs antiques à plusieurs reprises, a favorisé l’accession d’une catégorie de la population à un niveau de vie relativement élevé. Des comparaisons extra-régionales devraient apporter des éléments pour la compréhension de ces sites.

38 Les sites de rang B3, très peu nombreux, ne peuvent être identifiés à des villae. Il s’agit simplement de petits établissements légèrement plus soignés que ceux de rang C. Ils ne peuvent notamment pas être identifiés comme des lieux de villégiatures pour l’élite arverne.

39 La catégorie C regroupe 156 sites bien identifiés, ayant livré un abondant matériel en surface. Il s’agit de bâtiments qui ne présentent aucune trace de confort, de luxe ou de souci esthétique, à la différence des deux premières catégories. Ces sites, qui ne correspondent pas à des villae, ne font pas ici l’objet d’une analyse approfondie.

40 La catégorie D rassemble cinq sites identifiables à des lieux de cultes. Certains sont connus grâce à des fouilles (temple du plateau de Gergovie), d’autres ont été identifiés

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lors de prospections pédestres ou aériennes, comme le fanum dit des “ Neuf Fontaines ” à Saint-Georges-sur-Allier.

41 Les 34 sites de rang E peuvent être identifiés comme des sites funéraires ; il s’agit aussi bien d’inhumations (comme par exemple la nécropole du Bas-Empire de Pérignat-lès- Sarliève [PS-05]) que d’incinérations.

42 La classe F regroupe 108 sites peu ou non documentés. Bien renseignés du point de vue géographique, ils n’ont pas été caractérisés du point de vue de la surface, de la chronologie ou bien encore de la fonction. Ils sont donc tous rassemblés dans cette catégorie qui peut recevoir le titre de “ sites gallo-romains indéterminés ”.

43 Une autre catégorie de sites gallo-romains a pu être isolée (classe G) : il s’agit de bâtiments d’exploitation que l’on peut qualifier “ d’annexes agricoles ”. De superficie assez restreinte, lorsqu’ils sont reconnus par prospection au sol, ils ne livrent que très peu de mobilier céramique11 mais une quantité assez importante d’éléments de toiture. La fouille préventive menée par V. Guichard préalablement à la construction de l’autoroute A710 d’un bâtiment sur poteaux sur le site des “ Douzaines Hautes ” à Malintrat [MA-20] permet d’aborder, au moins partiellement, l’architecture de ce genre de bâtiments (GUICHARD 2000 : 69).

44 Enfin une dernière catégorie rassemble des éléments tels que les canalisations, dépotoirs, captages de source, etc. Cette catégorie H n’est composée que de sept sites.

45 On peut souligner qu’aucune agglomération secondaire n’a été identifiée à ce jour entre Augustonemetum et Lezoux, du moins dans la zone retenue pour l’étude. La seule agglomération de plaine attestée pour l’époque antique dans ce secteur (en dehors de Lezoux) est celle étudiée partiellement par A.-M. Romeuf, légèrement plus au sud, sur la commune des Martres-de-Veyre (ROMEUF 2000).

Dynamiques chronologiques et spatiales des villae (Fig. 5-8)

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Fig. 5 : Sites de rangs A et B occupés au Haut-Empire (B. Dousteyssier).

1 : sites de rang A1 ; 2 : sites de rang A2 ; 3 : sites de rang B1 ; 4 : sites de rang B2.

Fig. 6 : Sites de rangs A et B occupés au Bas-Empire (B. Dousteyssier).

1 : sites de rang A1 ; 2 : sites de rang A2 ; 3 : sites de rang B1 ; 4 : sites de rang B2.

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Fig. 7 : Sites de rangs A et B occupés au haut Moyen Age (B. Dousteyssier).

1 : sites de rang A1 ; 2 : sites de rang A2 ; 3 : sites de rang B1 ; 4 : sites de rang B2.

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Fig. 8 : Sites de rangs A et B présentant une occupation à La Tène finale (B. Dousteyssier).

1 : sites de rang A succédant à un site de La Tène finale ; 2 : sites de rang A succédant potentiellement à un site de La Tène finale ; 3 : sites de rang B succédant à un site de La Tène finale ; 4 : sites de rang A succédant potentiellement à un site de La Tène finale.

Dynamiques chronologiques

Les très grandes villae (A1)

46 Une chronologie fine a pu être établie sur 14 des 18 des très grandes villae clairement identifiées. 11 de ces établissements ont une occupation attestée dès la première moitié du Ier s. ap. J.-C. Les données, issues essentiellement de l’identification du mobilier céramique ramassé au cours de prospections pédestres, ne peuvent malheureusement pas nous indiquer quel était alors le type d’occupation et si le caractère monumental existait dès la première phase d’occupation. Il n’empêche que ce réseau de grosses villae se met précocement en place, qu’il se renforce dans la seconde moitié du Ier s. et qu’il est totalement en place à l’aube du IIe s. Aucune création n’intervient au cours des siècles suivants et tous les sites (à l’exception d’un qui est insuffisamment renseigné : [MA-206]) perdurent au Bas-Empire. 11 de ces 18 villae sont encore occupées au haut Moyen Âge, ce qui souligne la très forte structuration du paysage par ces très grandes villae (Fig.7).

47 La fouille de Champ Madame à Beaumont (ALFONSO 2001a ; 2001b) nous permet d’avoir une vision précise des différentes étapes de construction et de réaménagement du site : établie dans la seconde moitié du Ier s., la villa “ s’inscrit dans un vaste espace rectangulaire de 24000 m2 environ, ceint par un mur de clôture, dans lequel sont édifiés un bâtiment résidentiel à plan centré de grandes dimensions, dans la partie ouest, ainsi que des constructions annexes. L’établissement a été habité probablement

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jusqu’à la 2e moitié du IVe s. ou le début du Ve s. ” (ALFONSO 2001b : 83). Une utilisation funéraire de certains espaces durant le haut Moyen Âge a été identifiée ; cette remarque invite à la prudence quant à la volonté de voir systématiquement un continuum entre l’occupation résidentielle du Bas-Empire et l’occupation du haut Moyen Âge. Les données de prospections n’offrent malheureusement pas la possibilité de discriminer ces changements dans le mode d’occupation. La fouille de la villa des Chazoux à Gannat, dans le département de l’Allier, au nord de la plaine de la Limagne, à seulement une quarantaine de kilomètres au nord de Clermont-Ferrand, nous éclaire également beaucoup quant à la date de construction du bâtiment : la phase principale de construction date de la seconde moitié du Ier s. de notre ère (FERDIÈRE 2002 : 92). Il s’agit là de la construction en dur, “ à la romaine ”, pour reprendre les propos de l’auteur, mais une implantation humaine est déjà bien attestée à la fin du Ier s. av. J.-C. Les fouilles effectuées sur ce genre de bâtiment, même si elles sont peu nombreuses, confirment le synchronisme qui existe entre le développement important d’ Augustonemetum à partir du règne de Claude et la construction en dur des très grandes villae de la plaine (TRÉMENT 2002c : 201). L’occupation augustéenne de ces sites, même si elle est attestée par exemple par des constructions sur poteaux (REBISCOUL 1996 : 17), n’est pas facile à interpréter : peut-on déjà parler de villae ? Il semble plus judicieux de réserver ce terme aux occupations postérieures, lorsque les bâtiments occupent des superficies beaucoup plus importantes, commencent à se parer de riches décorations et possèdent des espaces où le propriétaire peut reproduire le mode de vie “ à la romaine ” (espaces balnéaires, etc.).

Les villae de type A2

48 22 villae de type “ A2 ” ont été recensées. Tous ces sites sont occupés dès le Haut-Empire et il est possible de préciser la chronologie pour 11 d’entre eux. Si l’on estime cet échantillon représentatif, on peut dire que 60 % des sites s’implantent dès la première moitié du Ier s. et que les autres semblent être installés durant la seconde moitié du Ier s. ou au tout début du IIe. En l’absence de fouille, il est difficile d’être affirmatif quant à la date précise d’implantation des bâtiments : il est possible, et même probable, que le mobilier daté de la première moitié du Ier s. soit un témoin d’une occupation qui ne corresponde pas à la définition d’une villa. Seules 14 des 22 villae continuent d’exister au Bas-Empire : cela signifie que plus d’un tiers des villae de type A2 disparaissent à la fin du Haut-Empire. Ce taux diffère sensiblement de celui des sites de rang A1. De même, seulement 40 % des sites ont une occupation continue du Haut-Empire au haut Moyen Âge.

Les petites villae (B1-B2)

49 Notre étude a permis de recenser 84 sites interprétés comme des “ petites ” villae. Toutes sont occupées dès le Haut-Empire. Plus de la moitié ont fourni suffisamment de matériel pour esquisser une analyse plus précise de leur implantation. Il apparaît que 54 % d’entre eux ont une occupation durant la première moitié du Ier s. et que 46 % s’implantent dans la seconde moitié du même siècle. Ces chiffres mettent en évidence que les créations ex nihilo de petites villae dans la deuxième partie du Ier s. sont nettement plus importantes que pour les villae des classes supérieures.

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50 Cette catégorie est marquée par l’abandon spectaculaire, au Bas-Empire, de 41 des 81 sites. Cela signifie que la moitié des petites villae disparaît après moins de deux siècles d’existence. Si l’on se penche sur le nombre de sites de rangs B1 et B2 ayant une occupation bien attestée au haut Moyen Âge, on se rend compte que cela représente moins de 20 % des petites villae. Ce chiffre est à comparer avec celui de 61 % qui caractérise les sites de rang A1. Les petites villae structurent beaucoup moins durablement l’espace ; elles ont peut-être subi l’effet d’une restructuration foncière opérée dès la fin du Haut-Empire12.

Le problème de l’occupation des sites de villae à La Tène finale (Fig. 8)

La Tène finale Haut-Empire

site indice de site site

Très grande villa (site de rang A1) 6 0 18

Villa (site de rang A2) 3 4 22

Petite villa (site de rangs B1 et B2) 10 5 81

51 Un des axes de recherche concernant l’étude des villae gallo-romaines a souvent été de comprendre comment les bâtiments gallo-romains s’agençaient par rapport à l’habitat de La Tène finale. Existe-t-il un continuum ou la romanisation des Trois Gaules a-t-elle introduit une rupture dans le mode de gestion des campagnes ?

52 Pour le territoire proche d’Augustonemetum, les données de fouilles complètent avantageusement les données des prospections au sol, qui laissent percevoir un phénomène important sans permettre de réellement le caractériser. Du mobilier laténien est trouvé fréquemment sur des sites gallo-romains interprétés comme des villae ; il n’est malheureusement pas toujours caractérisable précisément. 6 des 18 très grandes villae de rang A1 sont installées sur un site de La Tène finale. On a donc une proportion de réoccupation ou d’occupation continue de l’ordre 1/3. Ce taux est sensiblement le même pour les villae de rang A2, si l’on considère que les indices de sites caractérisés au cours des prospections sont révélateurs d’un habitat enfoui : 7 occurrences sur 22 présenteraient une occupation à La Tène finale. En revanche, ce taux est très nettement inférieur pour les sites de petites villae puisque, en l’état actuel de la documentation, il n’excède pas 18 %.

53 Les trois fouilles menées sur de grosses villae, même si malheureusement elles sont incomplètes, nous livrent quelques éléments de réflexion sur cette question. La fouille du site des Chazoux à Gannat, situé à quelques kilomètres au nord de la zone d’étude, a mis en évidence, sous la villa gallo-romaine, une “ ferme indigène, avec enclos fossoyé, datée sans doute de la fin du IIe s. ou du début du Ier s. av. J.-C. ” (FERDIÈRE 2002 : 92). A. Ferdière complète son propos en soulignant qu’à “ cette ferme gauloise succède progressivement et sans solution de continuité, une villa de type romain ”. On peut noter que la villa reprend l’orientation des fossés de la ferme indigène (Fig. 9). À Romagnat, sur le site de Maréchal [RO-05], des éléments de fortifications datables de la

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première moitié du Ier s. av. J.-C. ont été mis au jour (Fig. 10) ; les responsables du chantier évoquent l’hypothèse “ d’un hiatus dans l’occupation du site correspondant à l’époque de la conquête ” (LIÉGARD, FOURVEL 2000 : 40-41). Sur la troisième villa fouillée, des vestiges de La Tène finale ont été également mis au jour (Fig. 11). L’intervention de G. Loison en 1993 a permis de caractériser un fossé à profil en V “ délimitant un carré de 20 m de côté ” (LOISON 1995 : 61) qui date de la seconde moitié du IIe s. av. J.-C. et qui est interprété comme “ une construction annexe liée à une exploitation agricole dont les prolongements seraient à rechercher dans les parcelles limitrophes situées plus au nord ” (ibid. : 61). La fouille de la villa par G. Alfonso en 1999 a permis la découverte d’un imposant fossé laténien (ALFONSO 2001a : 80). Là encore, il ne semble pas y avoir de continuité entre l’occupation de La Tène finale et la villa gallo-romaine.

Fig. 9 : Plan partiel de la villa des Chazoux fouillée à Gannat par A. Rebiscoul en 1994

(d’après FERDIÈRE 2002 : 93, Fig. 43 et 44).

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Fig. 10 : Plan des vestiges laténiens retrouvés par S. Liégard et A. Fourvel en 1993 sous la villa de Maréchal à Romagnat (d'après LIÉGARD, FOURVEL 2000, Fig. 11 et LIÉGARD, FOURVEL 2001, Fig. 20).

1 : fossé laténien ; 2 : palissade ; 3 : mur ou muraille.

Fig. 11 : Plan des vestiges laténiens retrouvés par G. Loison en 1993 sous la villa des Foisses - Champ Madame à Beaumont (LOISON 1995 : 61).

54 On peut comprendre le hiatus dans l’occupation de ces sites au Ier s. av. J.-C. par le perchement de l’habitat sur les oppida tout proches de Corent, Gondole et Gergovie ; ceci semble être le reflet de changements profonds consécutifs à des troubles

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politiques. Les campagnes sont toutefois toujours exploitées, comme en témoigne par exemple le réseau parcellaire qui est bien entretenu, ce qui montre que “ quoi qu’il en soit, les troubles politiques et les bouleversements sociaux n’affectent pas l’activité économique ” (TRÉMENT 2002b : 180). De plus, on a la preuve archéologique que les élites continuent de se faire inhumer dans la plaine : l’opération d’archéologie préventive menée par V. Guichard sur le tracé de la bretelle autoroutière A710 a permis de découvrir deux inhumations aristocratiques à Chaniat, sur la commune de Malintrat (GUICHARD 1998 : 67).

55 Les villae gallo-romaines de la plaine de la Limagne ne résultent bien souvent que d’un habillage “ à la romaine ” de structures préexistantes appartenant à l’élite arverne. Il ne faut finalement que peu de générations après la Conquête pour que le modèle romain supplante les modes de vie indigènes. La création d’Augustonemetum a certainement joué un rôle de modèle et l’image de demeures luxueuses a été ainsi retranscrite dans cette campagne qui devait déjà être bien contrôlée par les élites (TRÉMENT, DOUSTEYSSIER 2003).

Analyse spatiale du réseau des villae

Le réseau A

56 La lecture des cartes (Fig. 5 et 6) permet de réfléchir sur l’organisation de la plaine de la Limagne à l’époque romaine. Il est incontestable qu’il existe plusieurs réseaux qui se surimposent, se complètent et répondent à des logiques différentes. Les très grandes villae sont généralement espacées de 2 à 3 km ; elles sont implantées essentiellement aux pieds des buttes et délaissent les zones planes. Une concentration importante apparaît entre l’oppidum de Gergovie et Augustonemetum ([AU-06], [AU-255], [BE-03], [RO-05] et, dans une moindre mesure, [CF-202]). Il semble que la proximité des lieux de pouvoir ait joué un rôle important. Du reste, il ne faut pas oublier que bon nombre de ces villae ne résultent que d’un habillage “ à la romaine ” de sites antérieurs à la conquête. Il ne s’agit donc pas d’une stratégie d’implantation de l’élite locale après la Conquête, mais seulement d’une continuité forte dans les occupations : l’élite se “ romanise ” mais ne change pas. Ce sont donc paradoxalement les protohistoriens qui pourraient nous éclairer sur les stratégies d’implantation de ces grosses villae romaines…

57 Cette concentration de grosses villae, occupées précocement, renforce et complète les propos de B. Rémy qui souligne qu’au début du Ier s. ap. J.-C., “ la ville [d’ Augustonemetum] ne devait être qu’un vaste chantier où il n’était pas très agréable d’habiter (…). On comprend dès lors que les élites locales aient préféré aménager à la romaine les sites d’oppida où elles habitaient à l’époque de l’Indépendance. C’est donc sans doute sur les oppida, et notamment sur le site de Gergovie-Roche Blanche, qu’on devrait trouver les plus beaux habitats romains et les seuls temples connus de l’époque augustéenne, habitats que l’on recherche vainement à Augustonemetum. […] C’est vraisemblablement au milieu du Ier s. de notre ère, qu’en relation avec cet acmé, les élites locales abandonnent les sites d’oppida traditionnels. Les rares fouilles de l’oppidum de Gergovie le prouvent ” (RÉMY 1996 : 24-25).

58 Toutes les élites n’habitaient manifestement pas sur l’oppidum de Gergovie, du moins de manière constante, comme le prouve le réseau des très grandes villae. La mise en

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évidence de cette concentration de gros établissements sur un secteur assez réduit, au bas des pentes septentrionales du plateau de Gergovie, demanderait à être complétée par une enquête plus fine sur les vestiges découverts anciennement dans la partie sud de la commune de Clermont-Ferrand. Cette zone, totalement urbanisée aujourd’hui, n’a pas pu bénéficier de la même activité archéologique récente (campagnes de prospections systématiques, fouilles préventives…) que les communes d’Aubière ou de Pérignat-lès-Sarliève. On n’a donc sans doute qu’une vision partielle des choses. Une simple lecture de la Carte archéologique de Clermont-Ferrand (PROVOST, MENNESSIER- JOUANNET 1994a) montre d’ailleurs l’existence de bâtiments dans ce secteur, pouvant correspondre à de grosses villae (notice 275 : 210-211). Une reprise des données s’avère donc nécessaire. Un autre argument met également en avant ce phénomène de concentration de villae imposantes entre Gergovie et le nouveau chef-lieu de cité arverne : les prospections systématiques à maille très fine menées sur des communes immédiatement au nord de Clermont-Ferrand, dans le Grand Marais (TRÉMENT et al. 2000), n’ont permis de découvrir aucun site d’une telle importance. La première très grande villa connue au nord de Clermont-Ferrand se situe à plus de 10 km, sur la commune de Riom13 (DOUSTEYSSIER 2002). On pourrait arguer, en faisant preuve d’un certain déterminisme géographique, que la Limagne des Marais qui s’étend dans ce secteur est peu propice à une implantation humaine. Le résultat des prospections récentes infirme totalement cette idée qui était déjà remise en cause partiellement par les travaux de G. Fournier (1959 : 158). On a, au contraire, dans cette zone une densité exceptionnelle de bâtiments romains14, qui a peu d’équivalent en Gaule.

59 Un semis de très grosses villae se dessine dans le reste du territoire pris en compte pour cette étude. Une concentration semble apparaître au sud de Lezoux, délaissant les terrains les plus plats pour une implantation préférentielle des sites, là encore, au pied des buttes. La villa des Guérins à Glaine-Montaigut ([GM-04] ; Fig. 15), connue grâce à des prospections aériennes et pédestres, permet de s’interroger sur le lien existant entre les propriétaires des officines lézoviennes et la présence de certains établissementsautour de cet imposant centre de production de céramiques. On peut penser que certains propriétaires d’officines avaient choisi de résider à proximité immédiate de Lezoux, alliant ainsi très facilement otium et negotium. Comment interpréter d’ailleurs la présence de quelques fragments de moules de sigillée sur la villa des Guérins ? Il s’agit d’un mince indice, difficilement rattachable à la propriété d’officine… Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas de découverte de fragment de moule sur un établissement rural non producteur de céramique ; une utilisation funéraire de ces artefacts a même été envisagée (TRÉMENT 2002 : 105). Il ne s’agit là que d’une hypothèse pour tenter d’expliquer la présence de ces grosses villae autour de Lezoux, mais la question de la propriété des ateliers reste sans réponse (BET 2002 : 108). Il est néanmoins vraisemblable qu’un lien très fort unissait l’élite, qui n’est pas forcément locale, et les ateliers de productions. Des propriétaires romains ou italiens peuvent avoir soigné leurs intérêts dans ce secteur en investissant dans la production de sigillée, qui connaît un développement formidable au IIe s. La somptueuse villa des Guérins, richement parée de différents types de roches décoratives et d’un plan de type méditerranéen, avec ses deux cours centrales, serait alors un témoignage de la présence de cette élite dans la campagne arverne. Seules des fouilles pourraient nous éclairer sur la question…

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Fig. 15 : Villa des Guérins à Glaine-Montaigut. Bâtiments reconnus par prospections aériennes.

1 : vue générale de la villa ; 2 : plan général de la villa (connaissances au 01-01-2004 ; redressement et restitution analytique S. Laisné - V. Tripeau 2004).

60 Les sites de rang A2, plus nombreux, viennent compléter ce premier réseau de villae ; ils s’intercalent régulièrement et se trouvent généralement à une distance respectable des très grosses villae (au moins à plus d’1 km). Il ne semble donc pas y avoir de concurrence entre ces différents types de sites. Il ne s’agit ici sans doute que d’une différence de “ standing ” ; les villae “ A2 ” ont une pars urbana moins imposante et moins richement ornée. Ils correspondent toutefois à la définition traditionnelle de la villa et concourent à la mise en valeur raisonnée du territoire. Seule différence notable, ces sites occupent tous types de terroirs, contrairement aux sites de rang A1 qui semblent absents des zones les plus basses. On retrouve par exemple certaines de ces villae sur les communes de Gerzat, Malintrat ou Saint-Beauzire, au cœur du Grand Marais.

Le réseau B

61 Un second réseau est composé des sites de rang B. Une analyse de leur implantation montre qu’il n’y a pas, a priori, de zones ou de terroirs préférentiellement choisis (Fig. 5 et 6). Les sites se répartissent uniformément entre les différents terroirs ; ils sont néanmoins particulièrement présents, mais il s’agit bien sûr du reflet de la recherche, dans la Limagne des Marais, au nord-est de Clermont-Ferrand. Les prospections systématiques sur de très vastes espaces ont permis de bien appréhender ce type de site que nous interprétons comme des “ petites villae ”. Certaines zones qui semblent délaissées par le réseau A, ou tout au moins où les villae et les très grosses villae n’ont pas été reconnues, sont complétées par les sites du réseau B, ce qui nous offre la vision

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d’une plaine très densément occupée avec une mise en valeur intense des riches Terres Noires limagnaises.

62 Il est toujours difficile et risqué d’essayer de calculer la superficie des domaines. Néanmoins, en choisissant une zone-test particulièrement bien connue archéologiquement (TRÉMENT, DOUSTEYSSIER 2003 : 672), on compte 23 sites de rang A et B sur une superficie de 2215 m2. Si l’on suppose que tout l’espace était exploité par ces sites, on obtient une superficie théorique de domaine qui avoisine 100 ha. À cela, il faudrait certainement ajouter des espaces voués à d’autres utilisations, disséminées dans d’autres terroirs, comme par exemple dans les zones collinaires et montagneuses.

Villa et réseau de communication

63 Le tracé des voies romaines sur le territoire arverne n’est qu’imparfaitement renseigné (FOURNIER 1969). Néanmoins, on sait que deux grands axes routiers traversent la zone retenue dans cette étude : il s’agit de la voie d’axe est-ouest Lyon-Clermont-Saintes et de la voie nord-sud qui passe par les chefs-lieux de cités Autun-Clermont-Saint-Paulien.

64 La première voie, dite “ voie d’Agrippa ” (DENIMAL 1994), connue par des bornes milliaires et des clichés aériens obliques, passait vraisemblablement par Billom et traversait l’Allier à Pérignat-sur-Allier. Le tracé de la seconde voie, d’orientation méridienne, est plus hypothétique. Il est probable que cet itinéraire desservait l’agglomération des Martres-de-Veyre (il se peut également que seule une voie secondaire passait par cette agglomération et que la voie principale s’éloignait du cours de l’Allier, en passant par le nord de la commune de La Sauvetat, où une voie a été mise en évidence lors de plusieurs campagnes de prospections aériennes).

65 Malgré des tracés incertains, il est incontestable que la plaine de la Limagne était particulièrement bien desservie à l’époque romaine. Les villae, gros centres de production, bénéficiaient de ces structures pour la diffusion des différentes productions et notamment pour les céréales. La Limagne, intensément cultivée, semble être grâce à la richesse de ses terres, un véritable grenier à blé. Sa production céréalière est d’ailleurs particulièrement soulignée par Sidoine Apollinaire (Carmina, VII) et Grégoire de Tours (Liber in gloria martyrum, 83).

66 La production des villae pouvait également être exportée par voie fluviale. À l’époque romaine, l’Allier était navigable et l’archéologie nous démontre qu’elle était notamment utilisée pour le transport des céramiques.

67 La complémentarité entre transport routier et fluvial (d’un accès facile au milieu de cette plaine) devait être particulièrement utilisée par les élites locales pour exercer leur commerce, qui était l’une des bases de leur richesse.

68 Le réseau de transport secondaire, sans doute très dense et ne subissant aucune contrainte physique dans la plaine, explique peut-être la répartition homogène des centres de production agricoles, qui semblent s’affranchir de la proximité immédiate des axes majeurs de transport.

Villa, villa suburbaine et habitat groupé

69 Le problème des villae suburbaines a déjà été effleuré un peu plus haut. Un dépouillement systématique et critique des données n’a pas encore été effectué. L’extension de la ville de Clermont-Ferrand ne permet plus d’avoir une approche

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spatiale fine de l’habitat gallo-romain sur la périphérie du chef-lieu de cité. Seules les mentions anciennes et les rares évaluations archéologiques permettent de se faire une idée, partielle, de l’occupation de ses environs immédiats. Sur le secteur étudié, aucun habitat groupé n’a été identifié, malgré l’intensité des opérations archéologiques et notamment des prospections systématiques. Il semble bien que cette absence reflète une réalité historique et qu’elle ne soit pas due à un biais de la recherche. À proximité immédiate, on connaît l’existence de deux sites de “ concentrations d’activités ” dont on ignore tout du statut : Lezoux à l’est et Les Martres-de-Veyre au sud. Ces deux sites, en l’état actuel des données, semblent tournés exclusivement vers des productions artisanales, au nombre desquelles la production de céramiques sigillées domine très largement. Ils s’intercalent dans le réseau de villae sans paraître entrer en concurrence avec la production réalisée au sein des domaines. Ils produisent en effet en masse des céramiques, production qui n’est pour l’instant pas attestée au sein de la pars rustica d’une villa dans ce secteur. Il n’y a donc pas “ concurrence ” au sein des productions mais plutôt “ complémentarité ”, Lezoux et Les Martres-de-Veyre étant tournés vers une production de masse spécialisée (ceci est particulièrement vrai pour Lezoux).

70 Les villae semblent donc être l’élément déterminant de la mise en valeur et de l’exploitation agricole de la plaine, ce qui ne veut pas dire qu’une agglomération comme celle des Martres-de-Veyre, par exemple, n’a pas eu un impact direct sur l’espace environnant (nécessité d’exploiter d’importantes carrières d’argile et d’avoir un approvisionnement conséquent en bois pour la production des céramiques).

Analyse partielle des plans

71 Il est très difficile à l’heure actuelle de faire une synthèse sur les plans de villae dans le territoire proche d’Augustonemetum. La documentation est en effet extrêmement pauvre ; la publication du site de Champ Madame à Beaumont apportera quelques éléments essentiels, mais ne pourra pas à elle seule combler le déficit de données sur l’architecture et l’organisation spatiale au sein des villae arvernes.

72 Les photographies aériennes sont d’un secours appréciable mais livrent bien évidemment une image fausse des sites, superposant tous les états. La photographie oblique de la villa située à l’est du bourg de Culhat en est une belle preuve, avec au moins deux plans discordants superposés (Fig. 16). P. Gros rappelle à juste titre que “ la typologie est à manier avec prudence : les villas, et particulièrement les plus riches d’entre elles, sont en général, au stade où nous les appréhendons, le résultat de reconstructions ou adjonctions partielles, et ce qui nous apparaît comme une composition concertée peut n’être qu’un conglomérat plus ou moins aléatoire saisi seulement dans sa phase finale ” (GROS 2001 : 324). En l’état actuel des choses, il serait trop aventureux de proposer une typologie des villae arvernes ; nous nous bornerons à décrire rapidement les quelques plans partiels disponibles en l’état.

Partes rusticae

73 La fouille de la villa de Maréchal à Romagnat (LIÉGARD, FOURVEL 2001) a permis de dégager deux partes rusticae successives : la première a fonctionné du début du Ier s. ap. J.-C. au milieu du IIe s., alors que la deuxième a été édifiée dans la seconde moitié du IIe s., voire plus tardivement pour certains bâtiments. Dans le premier état, la villa était

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entourée d’un mur d’enceinte qui a accueilli contre lui un petit espace funéraire. Deux bâtiments avec des fondations “ en dur ” ont été reconnus, ainsi qu’une structure en matériaux périssables interprétée par les fouilleurs comme un grenier aérien. Un bassin a également été mis au jour ; le plan restitué permet d’évaluer sa surface d’emprise entre 65 et 100 m2.

74 Le second état est bien mieux renseigné ; six bâtiments ont été fouillés, dont un très partiellement (le n°6 figuré sur l’illustration 6 de l’article de S. Liégard et A. Fourvel ; voir ibid. : 24). Une grange de 250 m2 a été mise au jour ; elle comporte une pièce centrale et deux petites pièces latérales situées de part et d’autre d’un porche. Ces deux pièces, sans ouverture au niveau du sol dans un premier état, ont été interprétées comme des greniers.

75 Le deuxième bâtiment accueillait des foyers et des installations de pressurage, sans que l’on sache réellement quelle activité était pratiquée : “ deux hypothèses sont aujourd’hui retenues quant à la nature de l’activité artisanale qui se déroulait dans ce bâtiment : fabrication de vin cuit et/ou d’huile de noix – la noix étant le seul fruit oléagineux qui doit être chauffé et dont la présence est attestée à l’époque gallo- romaine sur les coteaux dominant la Limagne ” (ibid : 25-26). Les autres bâtiments dégagés ont été compris comme une petite étable et une grange dont l’élévation était vraisemblablement en matériaux périssables. Enfin, il faut souligner la présence au sein de la cour d’une aire de battage et de structures de combustion liées à des activités métallurgiques.

76 Les activités artisanales réalisées au sein des partes rusticae des villae sont très peu connues en dehors de cet exemple : on sait néanmoins que la villa des Chazoux à Gannat possédait un four de tuilier qui a servi “ sans doute pour l’établissement des toitures lors de la principale phase de construction, dans la seconde moitié du Ier s. de notre ère ” (FERDIÈRE 2002 : 1992). En dehors de cela, la seule information que nous ayons provient de ramassages au sol, sur différentes villae, de scories de fer denses et oxydées, témoins d’une activité métallurgique de forge ou de réduction au sein du domaine.

77 Les photographies aériennes montrent que les partes urbanae et rusticae sont souvent très proches. Dans le cas de villa du Pré du Camp à Aubière, la pars urbana s’ouvre sur une vaste cour, clôturée par un mur d’enceinte le long duquel s’organisent plusieurs bâtiments à pièce unique que nous interprétons comme des bâtiments agricoles (Fig. 17). Si la pars urbana de la villa de Romagnat n’a pas été reconnue, les fouilleurs pensent très justement qu’elle est située à très peu de distance, comme en témoignent le fragment de colonne ou les éléments de statuaires retrouvés. À Billom, la station d’épuration semble recouvrir les bâtiments agricoles de la villa alors que la très grande pars urbana est à quelques dizaines de mètres à l’est (Fig. 12). À Belde [CF-202], la cartographie des différents bâtiments détectés (TRÉMENT 2004) permet d’identifier des bâtiments à vocation agricole autour de la pars urbana (Fig. 14), sans qu’une organisation très nette soit reconnue.

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Fig. 12 : Villa de Fontpetière - La Guelle à Billom.

1 : bâtiments annexes (?) ; 2 : pars urbana monumentale (clichés C.E.R.A.A. 1997).

78 D’autres sites ne semblent pas présenter, à proximité immédiate de la résidence luxueuse, de parties vouées aux activités agricoles. Cette remarque est à prendre toutefois avec beaucoup de précautions, les photographies aériennes ne livrant pas forcément la trace de tous les bâtiments (notamment ceux en matériaux périssables).

Partes urbanae

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Fig. 13 : Plan partiel de la villa de Champ Madame à Beaumont (état 2), fouillée par G. Alfonso en 1999

(ALFONSO 2001a : Fig. 1).

79 Une seule pars urbana a pour l’instant été fouillée de façon extensive : il s’agit de celle, déjà évoquée plus haut, de Champ Madame à Beaumont (Fig. 13). Les pièces semblent s’organiser autour d’une ou de deux cours (ALFONSO 2001a : 80) ; des bains ont notamment été étudiés. La monographie de G. Alfonso apportera des éclairages, tant chronologiques que fonctionnels, absolument essentiels pour cette première fouille d’une partie résidentielle de villa à proximité du chef-lieu de cité. Les photographies aériennes livrent également des informations très intéressantes, même si elles sont à manier avec prudence. Il semble que la présence de pièces balnéaires soit systématique sur les villae du bassin d’Augustonemetum (ce que confirment les prospections au sol) ; dans certains cas, elles peuvent être dissociées du bâtiment principal (par exemple à Belde [CF-202], si l’interprétation retenue est exacte – cf. vignette 5 de la Fig. 14). Plusieurs villae présentent deux cours intérieures autour desquelles s’organisent les différentes pièces : on peut retrouver ce type de plan à Saint-Georges-sur-Allier, sur le site de Fonjoriat [SG-200] ou bien encore sur la très grande villa des Guérins à Glaine- Montaigut [GM-04]. Ce dernier site a été plusieurs fois photographié. La compilation des différents redressements effectués par S. Laisné et V. Tripeau permet de restituer un bâtiment couvrant une superficie supérieure à 16000 m2. Malheureusement, il nous est impossible de savoir si les photographies ne révèlent pas différentes phases d’occupation… Ce bâtiment est néanmoins très important, car il possède de riches revêtements de marbres, au moins une mosaïque et une partie balnéaire. Au nord de l’aile orientale, une construction carrée de 10 x 10 m rappelle le plan des fana, la “ cella ” mesurant 6 m de côté. Plusieurs autres parties résidentielles de villae semblent se développer autour d’une cour unique [AU-05]. Les plans paraissent complexes, variés,

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aussi bien très compacts que s’ouvrant sur de vastes cours antérieures… Une première mise en série sera possible lorsque le travail de redressement des plans sera plus abouti et lorsque des fouilles ou des sondages auront permis d’avoir des renseignements à la fois chronologiques, fonctionnels et architecturaux plus nombreux.

80 Aucun document épigraphique provenant des villae étudiées n’a été découvert pour l’instant ; la statuaire est quasi inexistante, les rares éléments reconnus étant très fragmentaires. Une étude des mosaïques est particulièrement difficile sans fouille, les tesselles isolées récoltées au cours de prospections n’apportant que peu de renseignements. Seules des analyses effectuées sur les fragments de marbres trouvés en prospection offrent la possibilité de combler, bien que très partiellement, l’indigence de la documentation, et peuvent “ faire parler ” cette élite arverne qui nous apparaît comme très discrète. Rappelons simplement que les archéologues cherchent désespérément les mausolées, les inscriptions évergétiques ou bien encore les monuments publics d’Augustonemetum !Les institutions mêmes sont très mal connues (LAMOINE 2002 : 199).

Le marbre : artefact révélateur du comportement et de la richesse des élites à la campagne ?

Protocole d’identification

81 En 2000, une première quantification des marbres provenant de ramassages de surface effectués sur des villae de la plaine de la Limagne avait été réalisée (DOUSTEYSSIER 2000 : 168-265 ; 290-294 ; 298-307). 758 fragments avaient fait l’objet d’un examen succinct qui n’avait alors que pour seul but de mesurer le potentiel existant avant de lancer des analyses plus poussées.

82 Fin 2000, F. Antonelli a accepté d’étudier quelques marbres colorés. 19 fragments provenant de cinq sites différents ont fait l’objet d’une analyse macroscopique. Il s’est avéré que seulement 6 fragments, tous ramassés en prospection sur la villa des Redons à Pont-du-Château, ne provenaient pas de carrières gauloises. La forte proportion de marbres “ locaux ” (au sens très large du terme) a incité l’équipe à se rapprocher d’A. et Ph. Blanc, spécialistes des marbres français. Ceux-ci ont analysé plusieurs centaines de fragments de marbre blanc ainsi que quelques marbres colorés. La provenance des marbres blancs est beaucoup plus difficile à déterminer que celle des marbres de couleur. Ainsi, à une première analyse macroscopique ont succédé des observations microscopiques, des mesures de la teneur des traces de Mn2+ par cathodoluminescence, ainsi que des analyses des isotopes stables du carbone et de l’oxygène.

Marbres blancs

83 Les marbres blancs représentent 72 % des fragments analysés15. L’écrasante majorité est composée de simples placages. Quelques éléments de plinthes, de moulures, un fragment de statuette, un fragment de colonne et une partie d’une coupe ont été tout de même identifiés. Les analyses effectuées par A. et Ph. Blanc ont permis de définir des catégories homogènes (types 1 à 5) et, à terme, des propositions relativement précises pourront être avancées pour définir les différentes zones d’extraction.

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84 Le type 1 correspond à un marbre blanc à gros grains à contours simples, souvent porcelané, et à luminescence forte. Le type 2 regroupe les marbres blancs à gros grains, transparents, gris bleuté, à veines jaunes et à luminescence forte. Le type 3, peu représenté, rassemble des marbres blancs à gros grains. Le type 4 est composé de marbres blancs à grains fins et à luminescence moyenne à forte. Enfin, le type 5 correspond à un marbre blanc rosé à gros grains, à fissures rouges et à luminescence très forte.

85 Quelques hypothèses préliminaires peuvent être formulées quant à la localisation des carrières. Le type 5, par exemple, pourrait correspondre à un marbre exploité en Mayenne, au sud-est de Laval, dans les environs de Bouère. Il paraît probable que certains marbres blancs proviennent de régions plus lointaines : une partie des marbres à grains fins peuvent ainsi être des marbres de Carrare, et il est possible que le site des Midimes à Artonne ait livré du marbre de Synnada en Turquie. Il s’agit ici, bien évidemment, de résultats partiels, qui demandent à être complétés par de nouvelles analyses ; la présence de marbres pyrénéens, par exemple, pourrait ainsi être mieux renseignée (cf. annexe n°1).

Marbres colorés, calcaires marbriers, cipolins et brèches

86 Les marbres colorés offrent l’avantage de limiter les analyses au simple examen macroscopique, du moins pour les grands groupes bien connus ; cela n’est malheureusement pas le cas pour des marbres dont la provenance est qualifiée de “ locale ” par F. Antonelli. Là encore, des analyses complémentaires sont nécessaires pour essayer de caractériser les lieux d’extraction.

87 Il faut signaler la présence, dans les villae de la plaine de la Limagne, de “ marbres ” (au sens large) provenant de tout le bassin méditerranéen (Fig. 18). On retrouve ainsi des marbres algériens (les “ grecs écrits ” de la région d’Annaba), tunisiens (de Chemtou), ou bien encore du Péloponnèse (“ rouge antique ” de la presqu’île de Mani).

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Fig. 18 : Lieux de provenance des roches décoratives retrouvées sur les villae de la plaine de la Limagne

(état des connaissances au 01-07-2004 ; analyse A. et Ph. Blanc, cartographie B. Dousteyssier 2004).

88 D’autres régions, beaucoup moins éloignées, ont contribué à l’embellissement des riches demeures rurales arvernes ; plusieurs fragments de calcaire marbrier proviennent ainsi de l’Allier (gisement de Diou), ainsi que de Prémeaux en Côte-d’Or. La production issue de carrières du Massif Central et/ou du Morvan semble avoir été utilisée, sans que les lieux d’extraction puissent être nommés avec précision. On se contentera simplement de souligner la proximité entre ces carrières et les villae étudiées. La villa du Pré du Camp à Aubière offre, en outre, la particularité d’être ornée partiellement avec de la fluorine. Des gisements de ce minéral (Ca F), particulièrement reconnaissable aux couleurs variant du violet au rose et au vert, sont signalés, là encore, dans le Massif central et dans le Morvan. Enfin, on peut signaler la présence, sur la villa des Granges à Aigueperse, d’une barrette de schiste d’Autun. C’est la seule villa, dans l’état actuel du corpus, qui a livré ce genre d’artefact, reconnu par ailleurs dans le Puy-de-Dôme sur le Temple de Mercure.

89 Dans la base de données établie en 2000, seuls 44 fragments de marbre sur les 758 recensés sont des éléments sculptés ou taillés présentant une forme spécifique (moulure, petite coupe, colonne etc.). On pouvait penser que les marbres de couleurs, particulièrement agréables à l’œil étaient réservés à ces éléments particuliers, d’autant plus qu’ils sont largement sous-représentés par rapport aux marbres blancs. Il n’en n’est rien puisque seulement 10 de ces éléments sculptés sont des marbres colorés. Les marbres blancs apparaissent comme très largement utilisés, non seulement pour le placage mais aussi pour les moulures et blocs ouvragés de ce type.

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Stratégie d’approvisionnement

90 Les sites ayant livré un nombre suffisamment important de fragments de marbres (Les Granges, Les Midimes, le Pré du Camp, Belde, Les Guérins et Les Redons ; cf. annexe n°1) offrent la possibilité de réfléchir sur d’éventuelles stratégies d’approvisionnement. La première remarque à formuler est que, sur tous ces sites, des marbres “ régionaux ” (là encore le terme est pris dans son acception large) ont été utilisés. En parallèle, des marbres “ exotiques ” ont également été employés sur la majeure partie des sites. Les villae des Midimes et des Guérins, où ce type de marbre n’est pas attesté pour l’instant de façon certaine, présentent tout de même des indices forts d’un approvisionnement lointain. On retrouve sur ces sites, potentiellement, du marbre de Synnada ou des cipolins italiens ainsi que du marbre blanc de type 4, pressenti comme étant du marbre de Carrare. En revanche le site du Pré du Camp est dépourvu de marbre blanc de type 4 et seul un fragment sur 90 artefacts a été identifié comme pouvant provenir d’une province extérieure à la Gaule, en l’occurrence un fragment de marbre gris pouvant correspondre à un “ grec écrit ”. Ce site a en outre livré plusieurs fragments de placage en fluorine qui est une production régionale. Il semble qu’un approvisionnement “ gaulois ” ait été, dans ce cas précis, préféré. Les raisons qui ont poussé à ce choix nous sont bien évidemment inconnues ; on peut avancer un argument esthétique de la part des propriétaires plus sensibles aux marbres de Mayenne ou du Massif Central qu’aux marbres grecs ou égyptiens, mais c’est bien sûr l’argument économique qui peut être primordial.

91 Si l’on compare les premiers résultats obtenus sur les marbres qui ornaient les villae de Limagne et ceux du Temple de Mercure, on s’aperçoit que deux logiques différentes coexistent. Les villae possèdent des marbres exotiques mais la proportion de marbre provenant de carrières gauloises est bien supérieure. L’approvisionnement “ régional ” semble être privilégié et il peut même être quasi exclusif dans certains cas. On touche ici au domaine personnel, à la sphère privée, et les élites ont pleinement conscience que la variété des marbres exotiques est un signe extérieur de richesse. On bénéficie d’un très beau texte de Sidoine Apollinaire (Epistulae, II, 2,7), qui décrit à son ami Domitius, en juin 465, sa villa d’Avitacum, située selon la tradition autour du lac d’Aydat, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Clermont-Ferrand. “ La face intérieure des murs se satisfait de la seule blancheur de la pierre polie (…). Si d’autre part tu t’inquiètes de mes marbres, c’est un fait que Paros, Carystos, Proconèse, la Phrigie, la Numidie, Sparte n’ont point déposé en ces lieux les plaques aux couleurs variées de leurs carrières, et les pierres de mes thermes n’offrent point non plus aux regards cette apparence trompeuse d’un semis d’écailles que donnent les rochers d’Éthiopie et leurs montagnes de pourpre teints d’un rouge naturel. Mais si nous ne sommes riches de la solidité d’aucune pierre étrangère, ma chaumière ou, si tu préfères, ma cabane possède au moins la fraîcheur du pays. Prête donc attention à ce que nous possédons plutôt qu’à ce que nous ne possédons pas ”.

92 Ces quelques lignes, certes rédigées dans un style très lyrique, montrent combien Sidoine a conscience de l’importance accordée par ses contemporains à la présence de marbres venus des différentes carrières du pourtour méditerranéen. Sa demeure ne semble pourtant pas dépourvue de marbre, comme le laissent supposer deux allusions. Une origine plus locale de ces marbres parait donc vraisemblable.

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93 La deuxième logique est celle que l’on peut évoquer grâce au Temple de Mercure. Ce sanctuaire est l’un des édifices majeurs des Trois Gaules. Sa construction est certainement le résultat d’une décision politique émanant d’une autorité très importante ; même s’il n’est pas documenté, un acte d’évergésie de l’empereur est possible. Ont été retrouvés au Temple de Mercure, entre autres, des marbres de Skyros, de Laconie, de Larissa, d’Annaba, de Téos, de Chemtou, d’Italie… La très grande diversité des provenances et la richesse d’assemblage des couleurs soulignent un souci esthétique évident, qui devait concourir à la magnificence du site. Nous ne sommes plus dans ce cas dans la sphère privée mais dans celle publique. Cette construction monumentale a dû bénéficier, à n’en pas douter, de très larges investissements, ce qui explique la présence d’assemblages complexes de marbres provenant de nombreuses carrières.

94 Il est toujours malaisé de s’interroger sur la provenance des marbres trouvés en prospection. Non seulement les fragments sont généralement petits, ce qui ne facilite pas l’identification, mais en outre on a une image “ lissée ” du site. Les villae, qui ont une durée de vie particulièrement longue, ont subi de nombreux aménagements, réaménagements, restructurations, etc. Les marbres collectés en surface ne peuvent pas rendre compte de ces changements ; il nous manque tout l’aspect chronologique, qui pourrait montrer des stratégies d’approvisionnement différentes dans le temps. De plus, on est incapable de spatialiser au sein même des bâtiments une éventuelle utilisation différentielle (par exemple entre une salle de vie et les bains). En revanche, devant l’extrême faiblesse des fouilles de villae en Auvergne, la prospection permet de constituer un premier référentiel et de mettre en série les sites pour avoir une vision plus globale du phénomène. Il apparaît que l’utilisation du marbre est très répandue ; les premiers résultats des analyses effectuées, aussi bien sur les marbres de couleurs que sur les marbres blancs, révèlent en outre la double utilisation de marbres des Trois Gaules et de marbres exotiques (Afrique du Nord, Grèce, Turquie…). Du point de vue quantitatif, l’utilisation de marbre provenant de carrières relativement proches semble être un phénomène majeur. Ces remarques préliminaires demandent cependant à être prises avec précautions : des analyses en cours devraient permettre d’affiner notre vision des choses. Des retours sur le terrain sont également prévus de la part d’A. et Ph. Blanc, notamment dans le Massif central, pour confirmer certaines hypothèses de localisation.

Conclusion

95 Cette première étude sur les villae gallo-romaines du territoire proche d’ Augustonemetum a été rendue possible grâce au croisement des données anciennes, des résultats de vastes campagnes de prospections systématiques menées pendant plusieurs années, de dizaines de campagnes aériennes, ainsi que de l’apport de quelques fouilles. Un premier constat est la faiblesse des sites publiés ; un site, même fouillé partiellement, apporte son lot d’informations qui prend tout son sens à travers une mise en série des données. À l’heure actuelle, il est encore difficile d’avoir une vision fine de l’organisation spatiale des pièces ou des bâtiments au sein des ensembles domaniaux. La mise en place en 2003 d’un Programme Collectif de Recherche sur L’archéologie des paysages d’Auvergne16, dont un des axes forts porte sur l’habitat rural, devrait permettre d’étoffer la documentation actuellement disponible, avec la

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publication de nombreux sites sous formes de fiches, à l’instar de ce qui a été réalisé en Gaule Narbonnaise il y a quelques années (HARUR 1996). L’inventaire critique des villae qui a été dressé ici montre l’importance de ce type d’établissements dans la plaine qui s’ouvre aux portes du chef-lieu de cité. Une première esquisse typologique, qui demandera certainement à être affinée dans les années futures, montre la coexistence, aux côtés d’un réseau de villae moyennes et de très grandes villae, de “ petites villae ”. L’analyse chronologique des sites montre l’importance de l’héritage laténien et le rôle essentiel des très grandes villae, tout au long des siècles, dans la structuration de la campagne environnante.

96 Des comparaisons inter-régionales s’imposent pour situer le territoire arverne au sein des Trois Gaules. Une étude élargie à l’ensemble du territoire arverne est en outre prévue : des “ fenêtres ” de prospections ouvertes plus au nord et plus au sud (régions d’Artonne-Aiguperse et d’Issoire) permettent déjà de confirmer l’étendue du phénomène observé à une très vaste zone. D’autres terroirs devraient faire l’objet d’explorations (plateaux des Dômes, des Combrailles, du Cézallier et du Cantal) dans les mois et les années à venir. Un des axes de recherches futurs est d’essayer d’appréhender le problème des productions17 : on voit l’importance des données livrées par la fouille de Romagnat, mais beaucoup de questions restent en suspens. Les fouilles d’annexes agricoles et la multiplication d’études paléoenvironnementales peuvent être d’un secours non négligeable, pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse.

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ANNEXES

Annexe n°1 : Résultats des analyses de marbre (analyses A. et Ph. Blanc sauf précision contraire)

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Annexe n°2 : Villae connues par photographies aériennes

NOTES

1. G. Fournier s’est pourtant essayé, dès 1959, à une synthèse en palliant le manque de données archéologiques par l’apport de la toponymie (FOURNIER 1959). 2. La deuxième pars rustica fouillée est celle de la villa des Chazoux à Gannat (Allier). En dehors de la notice du responsable d’opération dans le BSR Auvergne de 1994 (REBISCOUL 1996), la seule documentation publiée correspond à un encart d’A. Ferdière dans L’Identité de l’Auvergne (FERDIÈRE 2002). 3. Responsable des différentes opérations : B. Dousteyssier. 4. La zone prospectée s’étend de Pont-du-Château à Coudes.Des carrés de 500 m ou de 1 km de côtés étaient prospectés systématiquement, carrés sélectionnés de manière aléatoire à partir d’une grille de base préétablie (MILLS 1986 : 124-125). 5. Les campagnes de vérification ont essentiellement été menées sur les communes de rive droite de l’Allier, là où notre activité de prospections pédestres systématiques est la moins avancée. De larges “ fenêtres ” de vérifications ont été ouvertes (DOUSTEYSSIER 2000 : 65 ; TRÉMENT, DOUSTEYSSIER 2003 : 671). 6. Remerciements à Ph. Bet, V. Guichard et G.B. Rogers. 7. Programme soutenu financièrement par le Conseil Général du Puy-de-Dôme. 8. 758 fragments ont été inventoriés ; la plupart provenaient de sites compris dans l’espace que nous avons retenu pour cet article. Néanmoins, des marbres provenant notamment de villae découvertes sur les communes d’Aigueperse et d’Artonne (situées dans la plaine de la Limagne, à 25 kilomètres au nord de Clermont-Ferrand) ont également été pris en compte.

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9. Pour plus de précisions sur la méthode de restitution, se reporter à LAISNÉ, TRIPEAU 1999. 10. Une tête d’animal en marbre a été trouvé par S. Liégard et A. Fourvel au cours de la fouille du site de Maréchal ([RO-05] LIÉGARD, FOURVEL 2001 : 28) ; la prospection du site de Belde [CF-202] en 2002 a livré un petit fragment de jambe de statue en marbre. 11. Il faut toutefois noter que certains de ces sites ont été détectés en prospection au sol par une concentration anormale d’éléments de stockage (dolium et/ou amphore), comme par exemple le site “ Ouest le Clos ” à Entraigues (EN-221). 12. Cette hypothèse a déjà été formulée pour la Gaule Narbonnaise (TRÉMENT 1996 : 228-229). Ce changement affecte d’ailleurs particulièrement l’habitat le plus modeste puisque seuls 29 % des 156 sites de catégorie C sont occupés au Bas-Empire et seulement 6 % présentent une occupation alto-médiévale. 13. La commune de Riom, trop septentrionale, n’a pas été prise en compte dans cette étude. 14. La plaine marneuse est parfaitement drainée à l’époque romaine (TRÉMENT et al. à paraître). 15. Ce chiffre correspond à l’état de la base de données au 01 septembre 2000. Les fragments ramassés depuis en prospection, notamment dans le bassin de Sarliève, sont en cours d’inventaire. 16. Responsable : F. Trément. 17. Une synthèse récente a été réalisée pour les quatre départements auvergnats ( TRÉMENT 2002a : 102-107).

RÉSUMÉS

Un bilan des connaissances sur les villae gallo-romaines situées dans le territoire proche d’ Augustonemetum est présenté dans cet article. Le croisement de différentes sources d’informations (bibliographie, données de fouilles, données de prospections pédestres systématiques et de prospections aériennes) permet d’offrir, pour la première fois, un tableau précis de l’occupation de la plaine de la Limagne à l’époque romaine. Les villae apparaissent comme nombreuses et structurant durablement la campagne. Elles sont étudiées du point de vue dynamique et du point de vue typologique. Les résultats des premières analyses effectuées sur les marbres trouvés sur les villae arvernes montrent l’importance de l’utilisation de ce matériau et soulignent différentes stratégies d’approvisionnement.

This article aims to provide a survey of the research that has been conducted, up until now, on the gallo-roman villae located in the Augustonemetum area. The multiple research tools and methods (bibliography, data gathered through excavating, systematic field walking and aerial surveys) allow us to present, for the very first time, a thorough table of population density in the Limagne plain during the Roman period. The villae were very numerous and had a deep and durable impact on their surroundings. They are studied from dynamic and topological points of view. The results of the first analyses performed on the marble found in these villae show how important this material was; the results also pinpoint various strategies as far as supply was concerned..

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INDEX

Mots-clés : Arvernes, Limagne, marbre, occupation du sol, périurbain, villae Keywords : Arverni, Limagne, marble, settlement, suburban, villae

AUTEURS

BERTRAND DOUSTEYSSIER Ingénieur d’études, Centre de Recherches sur les Civilisations Antiques. Maison de la Recherche, 4, rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand Cedex 1.

MAXENCE SEGARD ATER, Université de Provence, UMR 6573 Centre Camille Jullian. Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5, rue du Château de l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence cedex 2.

FRÉDÉRIC TRÉMENT Maîtres de conférences, Centre de Recherches sur les Civilisations Antiques. Maison de la Recherche, 4, rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand Cedex 1.

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La nécropole mérovingienne du “ Poteau ” à Richelieu (Indre-et- Loire) : apports chrono- typologiques The merovingian cemetery at the “Poteau” at Richelieu (department of the Indre-et-Loire, France): new chronological and typological data

Philippe Blanchard et Patrice Georges

Introduction

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1 La construction d’une nouvelle voie routière départementale pour améliorer la desserte de la zone d’activité de Champigny-Richelieu, localisée à l’entrée nord de Richelieu (Indre-et-Loire), est à l’origine d’une fouille archéologique préventive. Réalisée entre le 30 septembre et le 21 octobre 2002, elle fait suite à l’évaluation de l’ensemble du tracé mené par V. Goustard (INRAP Centre-Île-de- France) en novembre et décembre 2001, sur une longueur totale d’environ 2 km. Au cours de cette dernière, quelques vestiges funéraires ont été découverts à l’emplacement du futur giratoire (début du tracé), sur la route départementale 749 (GOUSTARD 2002). Une opération d’archéologie préventive a alors été diligentée par le Service régional de l’Archéologie (DRAC Centre) avec les moyens de l’INRAP. Elle a permis de mettre au jour un ensemble funéraire d’une trentaine de sépultures de différents types et des fossés qui leur sont associés ou non.

2 En tant que telles, ces sépultures, jusqu’alors connues du propriétaire du terrain et de son entourage seuls, sont une information archéologique d’importance pour la commune de Richelieu. Mais cette découverte n’aurait pas été aussi intéressante si elle n’avait pas dépassé le cadre de l’histoire locale ou même celui de la carte archéologique. Au regard de l’état de la documentation des sites mérovingiens, cette fouille était en effet l’occasion de cerner, selon les méthodes actuelles de l’archéologie funéraire, le faciès des pratiques funéraires de cette période.

Présentation

Contexte d’intervention

3 La ville de Richelieu et ses abords occupent le fond de la dépression du Richelais, vaste cuvette bordée par des plateaux qui dépassent les 100 m de hauteur. Le site, situé sur une formation géologique composée de sables glauconieux roux datant du Cénomanien (époque du Crétacé, ère secondaire)1, est localisé au nord de la commune de Richelieu à moins de 150 m de la limite communale avec Champigny-sur-Veudes (Fig. 1). Il est bordé à l’est par la route départementale RD 749, au nord par la petite route de la “ Québrie ” et à l’ouest et au sud par des parcelles en culture. L’ensemble funéraire est à la fois sur les parcelles 68, 71 et 72 du lieu-dit “ Le Poteau ” mentionné sur les cadastres révolutionnaire et napoléonien (Fig. 2). Il est vraisemblable que le toponyme provienne du poteau qui était dressé au centre de la chaussée sur la petite route de la Québrie. C’est tout du moins ce que laissent à penser les plans cadastraux les plus anciens2.

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Fig. 1 : Richelieu “ Le Poteau ”, site : 37 196 001 AH.

Fig. 2 : Cadastre révolutionnaire, Richelieu, section A.

4 L’environnement archéologique de la commune de Richelieu issue d’une paroisse créée ex nihilo au XVIIe s., est mal connu. Aucun site précis n’a en effet été recensé ; cette

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nécropole est donc le premier site inventorié sur la commune (n° 37 196 001). Cependant, quelques indices montrent que la commune n’a pas été dépourvue de toute occupation humaine. Ainsi, les indices de sites sont le plus souvent imprécis, tant d’un point de vue spatial que chronologique (BOSSEBOEUF 1890 : 8-9 et 38-39, PROVOST 1988, PATRIMOINE 2001 : 1161)3.

Problématique générale

5 À la différence de la ville de Tours, où les premières fouilles d’un site funéraire n’ont eu lieu qu’en 1969, le département d’Indre-et-Loire a été depuis très longtemps le siège de nombreuses études anthropologiques (THEUREAU 1998), les sites se trouvant en majorité en zone rurale… mais datant pour la majorité de la période préhistorique. Les voies de recherches de la première moitié du XXe s. étaient axées sur la définition des “ races primitives ”. Par ailleurs, les cimetières mérovingiens, notamment en Touraine, sont appréhendés depuis le XIXe s., mais essentiellement du point de vue du mobilier : accessoires vestimentaires, objets personnels du défunt et mobilier d’apport proprement dit (AUDIN 1987, BLANCHARD, GEORGES 2003 a). Les squelettes ont pu intéresser les archéologues, mais les investigations paléoanthropologiques se déroulaient en laboratoire, souvent sans rapport avec les données du terrain, notamment pour aider à la compréhension des sépultures. De fait, l’image que nous avons des cimetières de cette époque est faussée. D’autant plus qu’avant les fouilles de sauvetage, liées à l’aménagement du territoire, le choix s’est généralement porté sur des nécropoles de cette période importantes en taille et riches en mobilier.

6 La fouille avait un triple objectif. Le premier était d’appréhender la nécropole d’un point de vue chronologique et spatial. Le second se devait d’aborder la question des pratiques funéraires, en particulier par l’étude, in situ, des squelettes humains dans leur contexte et enfin, le dernier était de l’intégrer dans une perspective chrono- typologique régionale. Outre l’organisation interne de cette nécropole alto-médiévale (croisement des informations concernant l’importance de la nécropole, la répartition des tombes, la nature des artefacts exhumés…), l’étude d’un tel site est l’occasion de définir l’attitude du groupe inhumant vis-à-vis des défunts dont il s’est occupé avec plus ou moins de précaution, d’ostentation… La mise en évidence des gestes funéraires pose la question de la relation des vivants avec les morts, au moment de dépôt, voire après (interventions). En outre, il s’agit de caractériser cet ensemble d’un point de vue typo-chronologique, ce qui permet d’évaluer la variabilité des contenants funéraires et de la confronter aux données récolées par ailleurs. La multiplicité des études historiques et archéologiques concernant la mort (PRIGENT, HUNOT 1996, Archéologie du cimetière chrétien 1996, TREFFORT 1996a, TREFFORT 1996b, CRUBEZY et al. 2000, CRUBEZY et al. s. d., etc.) permet aux chercheurs, certes depuis peu, de dresser un tableau général des pratiques funéraires pour le Moyen Âge en général, et le haut Moyen Âge en particulier. Maintes fouilles montrent toutefois des particularités locales pouvant se rapporter à une période et/ou un groupe défini. Malgré les contraintes de l’archéologie préventive, dont les modalités d’exécution ne permettent pas souvent d’appréhender les ensembles funéraires de façon optimum (contraintes de temps, d’espace, de moyens, etc.), chaque intervention a donc en charge de compléter le tableau général des pratiques funéraires : position des sujets, nature des ensevelissements, etc.

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Méthodologies appliquées

7 Au total, la surface ouverte pour l’opération de fouille se porte à 833 m2. Un nettoyage manuel, qui n’a pu être étendu sur l’ensemble de la surface décapée, a été régulièrement conforté par des moyens mécaniques. De fines passes ont pu ainsi nous rapprocher significativement au plus près des structures sans les abîmer, voire d’exclure de façon certaine la présence de structures archéologiques.

8 Les sépultures ont été fouillées, enregistrées et analysées selon les méthodes de l’anthropologie dite “ de terrain ” (DUDAY 1990, DUDAY et al. 1990, DUDAY et SELLIER 1990, DUDAY 1995, etc.), dans le cadre général de la paléoethnologie funéraire : analyse du traitement du cadavre, examen des conditions de dépôt, définition du milieu de décomposition, etc. Le relevé détaillé de l’orientation et de la position de chacun des vestiges osseux, dans la sépulture et les uns par rapport aux autres, permet ainsi de démontrer l’intervention éventuelle de facteurs anthropiques ou naturels qui ont pu affecter les sépultures. Cet apport des études ostéo-archéologiques à la connaissance des ensembles sépulcraux et des pratiques funéraires a abouti en France, sous l’impulsion d’Henri Duday (Laboratoire d’anthropologie de Bordeaux I ; UMR 5809 du CNRS), à l’anthropologie dite “ de terrain ”. Il est à noter que l’essor de cette méthode, essentiellement utilisée en France, mais pas seulement, correspond au développement de l’archéologie de sauvetage. Pour ce site, dont le sédiment encaissant ne favorise pas, bien au contraire, la conservation du bois, les observations ostéo-archéologiques ont souvent été décisives pour différencier les milieux de décomposition. Elles sont alors le point de départ d’une étude des pratiques funéraires (chrono-typologie).

9 Les sarcophages ont été prélevés en fin de fouille. L’un d’eux est déposé à la mairie de Richelieu, un autre à la Mairie de Chaveignes et les deux derniers ont été récupérés par le Conseil général d’Indre-et-Loire et déposé au Service territorial d’aménagement du sud-ouest de l’Île-Bouchard.

Résultats

10 Les éléments mis au jour (Fig. 3) sur le site semblent se répartir dans deux périodes différentes, sans qu’il soit possible de distinguer à l’intérieur de chacune d’elles des phases précises. La première période est attribuable à la première partie du haut Moyen Âge (mérovingien) et la seconde pourrait se rapporter au bas Moyen Âge et plus probablement à la période moderne voire contemporaine. Cette période n’est caractérisée que par un mur (M.1) et des fossés d’orientations diverses, tous mêlés inextricablement et en rapport avec un chemin médiéval. L’étude des plans à notre disposition, nous a permis de comprendre leur évolution, voire proposer un phasage (BLANCHARD, GEORGES 2003 b).

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Fig. 3 : Plan des structures de période mérovingienne.

11 Les structures relevant de la période mérovingienne sont au nombre de 37 et se répartissent en deux catégories distinctes (Fig. 3). La première catégorie rassemble les structures funéraires (35) composées exclusivement de fosses de sépultures (avec ou sans sarcophages). La seconde catégorie correspond aux structures linéaires fossoyées et ne concerne que deux éléments (F.3 et F.4).

Éléments de datation

12 Le matériel mis au jour ne provient que de deux tombes. La première (S.8), qui contenait deux individus (un immature et un adulte) a livré deux fibules, 15 perles et deux anneaux (Fig. 4) ; la seconde (S.11) comportant les restes d’un individu adulte, a permis de mettre au jour deux petits anneaux en alliage cuivreux reliés par une petite chaînette en fer 4.

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Fig. 4 : Mobilier mis au jour dans la sépulture S.8.

Le mobilier métallique

– Les fibules

13 La première fibule (enregistrée 1030.6) a été mise au jour sur l’individu immature de S.8 au niveau de l’abdomen, sous l’hémi-thorax gauche. L’objet découvert correspond à une fibule ansée symétrique à pieds scutiformes et section arquée et réalisée dans un alliage cuivreux. Sa longueur est de 6,9 cm pour une largeur maximale de 2,4 cm. L’ardillon en fer a disparu et seuls des fragments corrodés subsistent au contact avec le bronze. Elle est caractérisée par des pieds aux extrémités de contour arrondi, quasiment semi- circulaire et dont la base est échancrée au niveau de l’anse. Le décor est composé de cercles occulés disposés en triangle. D’après Marie-Cécile Truc (1998 : 13) qui a étudié ces objets pour la Normandie : “ ce type de fibule forme un des groupes les plus homogènes et les plus cohérents, non seulement d’un point de vue morphologique, mais également géographique et chronologique ”. La datation proposée par cette dernière ne semble pas intervenir avant la seconde moitié du VIIe s. Cependant, Stefan Thörle (2001) la place dans son groupe IA2 avec une apparition à partir du mérovingien ancien III, c’est à dire entre 560/570 et 600. On retiendra donc le VIIe siècle comme utilisation probable de cette fibule. Ces objets ne paraissent plus utilisés après le début du VIIIe s. Il est intéressant de rappeler que le cimetière du Breuil sur la commune de Courçay (Indre-et-Loire) a livré au début du siècle (BOBEAU 1923) une fibule exactement semblable et la datation proposée et retenue est du VIIe s. (CORDIER 1973 : 34). De même, cinq fibules de même type ont été mises au jour lors de prospection dans le Veron (triangle de confluence entre la Loire et la Vienne) sur trois communes différentes :

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Beaumont-en-Véron, Savigny-en-Véron et Huismes (HUBERT-PELLETIER et al. 2003 : 137-189).

14 La seconde fibule (enregistrée 1030.2) a été mise au jour sur les dernières côtes de l’hémi-thorax gauche de l’individu adulte de S.8. L’objet correspond à une fibule ansée symétrique à pieds circulaires en alliage cuivreux. La longueur est de 5,8 cm et de 1,8 cm de large. L’ardillon a ici encore disparu, mais quelques traces de corrosion indiquent que celui-ci était également en fer. Cette fibule circulaire se caractérise par des pieds ronds de petite taille, une anse de section plate élargie au sommet en un replat plus large, de forme et de décor identique en tout point aux pieds, bien que légèrement inférieurs. Le décor est incisé par un grand nombre de traits et quelques points. D’après P. Périn qui a observé les motifs, on est en présence d’un décor totalement dégénéré, sans doute les réminiscences d’un monstre serpentiforme bicéphale, peut-être accostant un masque humain. La datation de ce type de fibule est plus large que la précédente chez Marie-Cécile Truc (entre le VIIe et le IXe s.), mais elles n’apparaissent pas avant le VIIe s. en Normandie et sont utilisées jusqu’au VIII e s. (TRUC 1998 : 37). Cependant, Stefan Thörle (2001) propose une datation plus resserrée, car selon lui cet objet se place dans son groupe II D (Mérovingien récent II) entre 630/640 et 670/680. Du point de vue local, l’exemple le plus proche (même type) a été mis au jour sur la commune de Beaumont-en-Véron (HUBERT-PELLETIER, CORDIER, BOUCHER 2003 : 159, objet n°2).

– Les anneaux

15 Les anneaux, au nombre de 4, ont été retrouvés dans deux sépultures, S.8 et S.11. Pour l’inhumation S.8, ils ont été mis au jour sur l’individu adulte sous le gril costal au niveau de l’abdomen. Dans la tombe S.11, les anneaux ont été retrouvés sur le côté droit de l’individu, au niveau de l’abdomen et à proximité de l’avant-bras droit. Il convient d’indiquer que les anneaux étaient reliés par des éléments en fer considérablement corrodés et qui n’ont pas supporté le prélèvement.

16 L’anneau 1030.1 (Fig. 4) a été mis au jour en position autour d’une phalange de main. L’anneau d’un diamètre maximal de 2,2 cm est de forme ovale et de section plano- convexe. Il n’est pas prudent de proposer une datation pour cet anneau car il ne possède aucun critère particulier susceptible de le distinguer des anneaux simples fabriqués durant de nombreux siècles. Par conséquent, il nous semble plus prudent pour la datation de se référer à celle proposée par les fibules et les perles qui sont des marqueurs chronologiques beaucoup plus fiables.

17 L’anneau 1030.9 (Fig. 4) a lui aussi été mis au jour sur l’individu adulte de la tombe S.8, sous l’hémi-thorax gauche de l’individu. L’anneau d’un diamètre d’1,7 cm possède une section plane d’un côté et en forme de “gouttière“ sur l’autre face. L’anneau possède sur le pourtour des cannelures grossières disposées irrégulièrement. La fonction de cet objet n’a pu être précisée faute d’avoir trouvé dans la bibliographie des modèles comparables. Cependant, au vu des dimensions, il semble exclu que cet anneau ait pu être porté à un doigt, il est plus probable qu’il ait été associé à des éléments vestimentaires (ceinture ? cuir ?) ou simplement porté en pendentif autour d’un lien aujourd’hui disparu.

18 Les anneaux 1039.1 et 1039.2 ne doivent pas être dissociés car ils font partie d’un même ensemble (Fig. 5). En effet, ils ont été mis au jour sur l’individu de la sépulture S.11 et

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étaient reliés à l’origine par une petite chaînette en fer dont les éléments se sont disloqués lors du prélèvement. Ils possèdent tous les deux un diamètre de 2,3 cm, mais l’anneau 1039.1 est de section circulaire alors que 1039.2 serait plutôt de section ovale. Chaque anneau possède un maillon de chaînette qui vient l’enserrer. Ceux-ci se caractérisent par une forme de “8“ où chaque cercle du chiffre reçoit le passage d’un autre élément jusqu’à relier les deux anneaux. Ce type d’objet a été observé dans la nécropole mérovingienne de la Mouline à Saint-Firmin-des-Prés (Loir-et-Cher) et “ semble avoir été propre aux pays francs de l’ouest ” (BURNELL et al. 1994 :133-190). Ainsi, ces chaînettes ont également été mises au jour en Normandie sur les nécropoles d’Hérouvillette (DECAENS 1971 : 6-7, Fig. 4 ; 49, Fig.14) et de Saint-Martin-de-Verson (LEMIÈRE, LEVALET 1980 : 74-75). La datation de ce type d’objet sur le site de “La Mouline“ à Saint-Firmin-des-Prés (41) est proposée pour une phase tardive de la nécropole entre 625 et 675 ap. J.-C.

Fig. 5 : Mobilier mis au jour dans la sépulture S.11.

Les perles

19 Elles sont au nombre de 15 (Fig. 4) et ont toutes été mises au jour dans la sépulture S.8, sur l’individu adulte, au niveau de la partie inférieure du gril costal. Ces perles ne sont pas localisées en un point précis, elles ont été mises au jour, pour certaines, relativement groupées et ces différentes localisations sont probablement à mettre sur le compte de mouvements intervenus lors de la décomposition des parties molles du cadavre. Il est impossible de déterminer si ces perles étaient réparties à l’origine en un ou plusieurs colliers.

20 Les perles peuvent se répartir en 4 groupes distincts : 1/ perles en pâte de verre translucide de couleur bleu verdâtre avec de nombreuses bulles et filandres (1030.5,

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1030.8, 1030.10 et 1030.11.1) ; 2/ perles côtelées translucides (1030.4 et 1030.11.2) (Fig. 4) ; 3/ perles en pâte de verre opaque de couleur noire avec un décor d’entrelacs de pâte de verre blanc (1030.11.3) (Fig. 4) et 4/ perles en pâte de verre polychrome. Les perles de ce dernier groupe peuvent être elles-mêmes subdivisées en quatre types différents, à savoir type 4.1 : perle cubique à décor de croisillon (1030.7.2), type 4.2 : perle annulaire occulée (1030.7.1), type 4.3 : perles cylindriques bruns rouges avec vagues irrégulières blanches et lisières jaunes (1030.7.3, 1030.11.4 à 7) et type 4.4 : perle biconique brun rouge avec décor de “dents de scie“ de couleur blanche et lisières et bande centrale jaunes (1030.3).

21 Ces différents types de perles ont été observés fréquemment dans des cimetières mérovingiens dans le nord de la France, mais aussi en Indre-et-Loire. Il n’est pas rare de trouver des perles du groupe 1, mais celles-ci ne sont pas un indicateur très fiable pour la datation car elles sont en usage pendant toute la période mérovingienne (FARAGO- SZEKERES et al. 2000 : 45 et PITON 1985 : 261). Cependant, selon P. Périn (1985 : 410) ces perles semblent être plus caractéristiques du VIe s. Des exemplaires comparables ont été mis au jour sur le site de Mamort (86) (FARAGO-SZEKERES et al. 2000 : 46).

22 Les perles côtelées translucides (groupe 2) sont présentes dans les tombes 69, 127, 140, 143, 254, 267, 290, 304 et 400 de la nécropole de Nouvion-en-Ponthieu (80) (PITON 1985 : 260). De même, on retrouve ce type dans la tombe 194 de la nécropole de “La Mouline“ à Saint-Firmin-des-Prés (41) et la datation proposée pour cette inhumation se place vers le VIe s. (525-600)(BURNELL et al. 1994 : 158).

23 La perle classée dans le groupe 3 se retrouve également à Nouvion-en-Ponthieu (80) avec une datation étendue entre la fin du Ve et le début du VIIe s. (PITON 1985 : 260).

24 Le quatrième groupe correspond aux perles polychromes et se décline en 4 types qui se retrouvent sur différents sites : Type 4.1 : site de Vorges (02)(FLÈCHE 1988 : fig.35), site de Mamort (86) (FARAGO-SZEKERES et al. 2000 : 46). Type 4.2 : site de Chelles (60) (DUBAIL 1992 : 91-92), site de Vorges (02) (FLÈCHE 1988 : fig. 35), site de Courçay (37) (CORDIER 1973 : 31-32), site de Mamort (86) (FARAGO-SZEKERES et al. 2000 : 46). Type 4.3 : site de Vorges (02) (FLÈCHE 1988 : fig.35), site de Courcay (37) (CORDIER 1973 : 31-32), site de Braives (4260 Belgique) (BRULET, MOUREAU 1979 :57 et 73), site de Mamort (86) (FARAGO-SZEKERES et al. 2000 : 46). Type 4.4 : Site de Neufvy-sur-Aronde (60) (DUBAIL 1992 : 123-124).

25 Pour le groupe 4, la datation retenue par de nombreux auteurs se place entre le milieu du VIe et début du VIIe s. Selon Legoux (1993) les perles du groupe 4 apparaissent vers le milieu du VIe s. et se généralisent jusqu’au premier tiers du VIIe s. Seuls les types 4.2 et 4.4 se poursuivent jusqu’au milieu du VIIe s.

26 La présence de réductions, voir de recoupements nous révèle une certaine durée du fonctionnement de cet ensemble funéraire. La localisation des structures funéraires, leur situation les unes par rapport aux autres et les éléments de datation évoqués ci- dessus (datation du mobilier et typo-chronologie) nous conduisent à voir un ensemble funéraire du haut Moyen Âge relativement important datant du VIIe s.

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Implantation des sépultures et des fossés

27 Si en soi ces 35 sépultures constituent un ensemble funéraire relativement important, il faut signaler d’emblée que nous ne l’avons pas dans son intégralité. Il est donc difficile de déterminer les modalités d’une organisation éventuelle ; de fait, il se pourrait que cette dernière nous échappe en grande partie. La surface explorée (833 m2) en rapport au nombre des structures exhumées (N = 43) nous permet cependant d’élaborer quelques hypothèses quant à l’organisation spatiale.

28 La répartition des sépultures au sein de cet ensemble est inégale. Le plan général du site (Fig. 3) nous montre en effet une organisation plus lâche au sud-est qu’au nord- ouest. Pour la moitié sud-est, nous dénombrons 12 sépultures (S.16, S.20, S.23, S.24, S. 25, S.26, S.27, S.28, S.29, S.30, S.31 et S.32) sur une surface d’environ 96 m2. Le reste des sépultures, en particulier les 4 sarcophages, sont tous situés à l’extrémité nord-ouest de l’ensemble. A la différence des sépultures de l’extrémité sud-est qui, hormis la sépulture S.20, un peu à l’écart, se situent sur le même axe, il s’agit véritablement d’une concentration, dans l’environnement immédiat des 4 sarcophages. Sans preuve formelle, si ce n’est leur situation “ centrale ”, nous sommes donc tentés de penser que les sarcophages ont eu un rôle attractif. En effet, à partir de la sépulture S.17, toutes les sépultures situées plus au nord ne s’organisent plus seulement par rapport à l’axe déterminé par le(s) fossé(s), mais viennent encadrer les sarcophages, dont le sarcophage S.4 marque l’extension la plus à l’est. En outre, la situation de la sépulture S. 34, qui est accolée au sarcophage S.1, tend à accréditer cette idée.

29 Si nous ne maîtrisons pas, ni le nombre initial de sépultures de cet ensemble funéraire, ni sa taille effective, il semble néanmoins que ce dernier ne s’étendait pas plus au nord- ouest que la limite induite par les sépultures S.12, S.13 et S.21. Des investigations complémentaires n’ont en effet pas mis au jour d’autres sépultures au-delà de cette limite. Cet ensemble funéraire s’étend longitudinalement, parallèlement aux fossés F.3 et F.4, qui semblent n’en constituer qu’un. Il marque en effet une limite nette puisque qu’à l’ouest de cet axe, nous n’avons retrouvé aucune sépulture. Les sépultures n’y sont pas accolées. L’espace, vierge de sépultures, pourrait être un espace de circulation le long duquel cet ensemble funéraire aurait été installé (route, chemin…). Le(s) fossé(s) serai(en)t alors en rapport avec cet aménagement. Par ailleurs, la quasi-totalité des sépultures et ce(s) fossé(s) sont parallèles. Trois sépultures (S.17, S.22 et S.30) ne suivent pas cet axe. À l’est, la limite est marquée par les sépultures S.4, S.15 et S.18, et, dans une moindre mesure, la sépulture S.20.

30 La fouille des sépultures 23 et 24 a révélé que des sépultures se situaient sous la berme. Nous ne maîtrisons pas en effet le nombre de sépultures se trouvant sous l’actuelle route départementale 749. Nous aurions donc circonscrit les limites nord, est et ouest de cette nécropole. L’unique incertitude demeure donc quant à la limite sud. Cet ensemble funéraire mesurait donc au moins 30 m de long, pour une largeur maximale de 10 m.

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Fig. 6 : Réduction de sépulture dans le sarcophage S.1.

31 L’occupation de l’espace funéraire est clairsemée. Les sépultures ne s’y recoupent que très rarement : 6 sépultures (S.29 et S.30, S.25 et S.32 et S.27 et S.31) seulement se recoupent. Mais nous avons noté la destruction complète de plusieurs sépultures. Le phénomène est implicite et se révèle par des ossements dissociés, retrouvés dans le remplissage des sépultures (S.1 ou S.35, S.23) (Fig. 6), ou en contact avec le défunt (S. 26). De même, la présence d’un gros fragment de cuve de sarcophage en réutilisation comme bloc de calage dans la sépulture S.26 nous livre un indice de plus sur la destruction de certaines sépultures. Ils signifient la destruction partielle ou complète de sépultures primaires, sur une échelle de temps qu’il est difficile d’établir. Il est probable, mais pas certain au regard des interventions remarquées dans le sarcophage S.2, qu’il s’agisse d’os “ déshumanisés ”, en rapport avec les modalités de gestion du cimetière. Ce phénomène, qui relève des modalités de gestion réfléchie ou non d’un ensemble funéraire, est particulièrement bien appréhendé pour les cimetières en contexte urbain. Il révèle généralement une occupation sur la durée, dans un endroit dont les “ contraintes ” d’espace sont effectives. La “ réification ” (THOMAS 1980) est parfois nécessaire et plus ou moins rapide dans la gestion d’un cimetière. C’est en effet souvent le cas des espaces sépulcraux quand ils sont fermés, limités ou s’inscrivant le long de limites structurant le paysage. La place étant limitée de fait ou par la volonté du groupe inhumant, les utilisateurs sont contraints de traiter les ossements au même titre que le sédiment, voire de multiplier les remaniements (ARIÈS 1977). Après avoir traversé le temps des funérailles et le temps du deuil, écrit J. Leclerc (1990 : 17), c’est seulement en entrant dans le temps de l’oubli que les restent humains sortent véritablement du temps funéraire. Ces considérations sur le traitement des vestiges humains impliquent que notre vision de cet ensemble est révélatrice du dernier état. On peut donc imaginer différentes configurations éventuelles antérieures, tant il est vrai que les os épars,

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même si nous n’en avons pas trouvé entre les sépultures (espaces de circulation d’alors) sont le signe d’un fonctionnement sur la durée.

32 Certains toutefois peuvent être rattachés à des inhumations réduites, en particulier quand ces os ont été déposés en même temps que le défunt. C’est par exemple le cas pour la sépulture S.23 où les os épars sont entre les membres inférieurs du sujet déposés, sur le même niveau d’inhumation. Les arguments sont ténus et le rapport entre les deux sujets, celui en place et celui dont les os sont disloqués, est impossible à démontrer du point de vue ostéologique.

Composition de l’ensemble

33 L’échantillon de sépultures ne permet pas d’évaluer l’importance et la répartition spatiale de l’ensemble funéraire. D’autant plus que toute population dont on découvre les restes doit toujours être considérée sous-estimée, de façon plus ou moins sensible (LECLERC 1990, MASSET, SELLIER 1990). Il est donc difficile de traiter la représentativité de l’ensemble exhumé afin d’en révéler une éventuelle distorsion, signe d’une volonté culturelle. Gardons en effet à l’esprit que tout ou partie des sujets “ absents ” se trouvent peut-être dans les parties non fouillées ou détruites.

34 Le mauvais état des squelettes a rendu d’autant plus difficile la détermination du NMI et n’a pas permis de pousser les investigations paléobiologiques. Ainsi, il a été difficile de déterminer le sexe de tous les individus adultes inhumés sur ces deux zones. Pour preuve, le taux de détermination est faible : 54,2 % (Fig. 7). En effet, seuls 13 individus ont pu être sexués. Parmi les individus en situation (toutes les sépultures hormis S.23), nous avons reconnu 24 adultes, à savoir à partir de l’étude des os oxaux (BRUZEK 1991, BRUZEK et al. 1996) : 7 hommes (S.2-1, S.2-2 (?), S.8 (US 1031) (?), S.12, S.18, .21 et S.22), 6 femmes (S.6, S.9 (?), S.17, S.26, S.34 et S.35) et 11 adultes dont le sexe n’a pas pu être déterminé (S.4, S.7, S.10, S.11, S.16, S.19, S.23, S.25, S.31, S.32 et S.33). En ce qui concerne l’estimation de l’âge au décès, à partir des points d’ossification (extrémité sternale de la clavicule) l’âge de 15 adultes (1 homme, 4 femmes et 10 adultes) demeure indéterminé5.

Fig. 7 : Tableau des répartitions des individus adultes selon l’âge et le sexe.

35 Les restes de 13 individus immatures ont été retrouvés dans leur sépulture (1 sépulture double, avec 1 adulte et 12 sépultures individuelles). Parmi les sujets immatures pour lesquels nous avons estimé l’âge au décès (toutes les sépultures sauf S.14, S.20 et S.27)6, tous les individus sont âgés d’au moins 2 ans (± 24 mois) (?) (S.15) et plus (Fig. 8). Il semble en effet que nous n’ayons aucun individu proche de la naissance en sépulture individuelle. En revanche, la présence du radius droit appartenant à un individu âgé de

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6 à 24 mois (d’après la longueur diaphysaire) dans le sarcophage S.2 (situation secondaire ?) nous révèle leur présence au sein de cet ensemble. La rareté de ces individus peut être certes liée aux phénomènes du recrutement spécialisé propres à certaines nécropoles, d’autant plus qu’une gestion extensive (type nécropole rurale) est moins destructrice qu’une gestion intensive de l’espace sépulcral (type nécropole urbaine). Cependant, le fait que cet ensemble funéraire était vraisemblablement plus important est une donnée importante qui doit primer : il est en effet impossible d’exclure une zone réservée aux individus immatures proches de la naissance. Nous ne retiendrons en tout cas pas l’hypothèse de conservation différentielle (GUY 1996). L’idée répandue que les os des enfants dont l’âge est compris entre 0 et 5 ans, et tout spécialement ceux âgés entre 0 et 1 an, disparaîtraient alors que ceux des adultes sont conservés peut se vérifier. Mais pour ce site, nous n’avons retrouvé aucune structure de petite taille qui aurait laissé à penser qu’il s’agisse d’une sépulture d’un individu proche de la naissance dont les os, germes dentaires y compris, auraient complètement disparu. Notons également que nous n’avons retrouvé aucun os épars, non rattaché à une sépulture.

Fig. 8 : Tableau des estimations de l’âge au décès des individus immatures.

36 Sans même pousser les développements paléobiologiques et paléodémographiques, il est évident que la configuration obtenue à partir des données paléobiologiques, en particulier en ce qui concerne les individus immatures, est éloignée du schéma de mortalité pré-jénérienne ou archaïque (SELLIER 1996). Si l’on ajoute à cela les réserves quant à la datation de cet ensemble, il est difficile de parler d’un groupe, même si le fait de les retrouver dans le même ensemble a indéniablement une dimension sociale.

Les modes funéraires

37 Nous avons mis au jour 35 sépultures au cours de cette opération d’archéologie préventive. Pour 11 d’entre elles seulement (S.5, S.7, S.9, S.10, S.11, S.22, S.23, S.27, S.28, S.33 et S.35), nous n’avons pas pu déterminer l’espace de décomposition, en raison du mauvais état de conservation et de représentation du squelette et/ou de la difficulté de lire le sédiment.

38 Pour le reste des sépultures (N = 24 ; 63,2 % du total), l’espace vide primaire ne fait aucun doute. Aucune d’entre elles n’a toutefois révélé les traces du contenant en bois.

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Les observations taphonomiques ont donc été dans la majorité des cas primordiales, sans qu’il soit pour autant possible de déterminer à chaque fois le contenant. Il reste ainsi 6 sépultures (S.8, S.16, S.18, S.24, S.25 et S.32), pour lesquelles l’espace vide a certes été attesté d’un point de vue taphonomique, mais dont la nature du contenant demeure inconnue. Pour ces cas, l’absence de pierres en situation probante et l’homogénéité des cotes de profondeur ne permettent pas d’émettre une hypothèse : ni le coffrage en bois non calé, ni le cercueil chevillé (puisque nous n’avons pas retrouvé de clous) ne peuvent être exclus.

39 Les contenants qui ont été déterminés sont de trois types : 1/ les sarcophages, 2/ les coffrages mixtes et 3/ les coffrages de bois. Il est à noter que seul le premier type était immédiatement évident au regard des cuves, voire du couvercle, encore en place. En ce qui concerne les deux autres, nous les avons déterminés à la suite d’une réflexion d’ordre ostéo-archéologique, chacun des éléments de la sépulture ayant été pris en compte selon son importance.

Espaces de décomposition et architectures funéraires

Les sarcophages

Fig. 9 : Sarcophages S.1, S.2 (encore non fouillé) et S.3.

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Fig. 10 : Tableau des données concernant les sarcophages.

40 Au terme de l’opération, ce sont 4 sarcophages qui ont été mis au jour. Un seul (S.2) était entièrement conservé (cuve et couvercle) (Fig. 9). Deux (S.3 et S.4) ont subi, tout ou partie, les effets du creusement du fossé F.1, ce qui explique l’absence de la majorité des ossements du sarcophage S.4.

41 Ils mesurent en moyenne 2,39 m de long, pour 0,80 m de large à la tête et 0,46 m aux pieds. La hauteur moyenne de la cuve (à l’intérieur) est de 0,35 m (Fig. 10).

42 Aucun aménagement particulier (coussin, évidement…) ne marque l’extrémité où était placée la tête des défunts. Si ces sarcophages ont été taillés pour recevoir des adultes, des individus immatures (squelette et os épars) y ont été retrouvés. Aucune particularité quant à la taille des cuves n’a par ailleurs été observée. Ils ne se distinguent d’ailleurs pas les uns des autres.

Les coffrages de bois

43 À la différence du cercueil, boîte constituée au minimum de 5 planches fixées entre elles (chevilles et/ou clou) et fabriquée ailleurs que dans la fosse où on l’a déposée7, le coffrage de bois est constitué in situ, dans la fosse. Il est différent du coffre, qui est une pièce de mobilier. Les planches calées et/ou juxtaposées sont placées dans la fosse. Il ne s’agit donc plus d’une structure mobile qui servirait à transporter le corps du défunt.

44 La détermination du coffrage de bois a été réalisée à l’aide des arguments ostéo- archéologiques et/ou d’informations archéologiques. La présence de blocs calcaires, alignés le long d’une paroi, sur le même niveau d’inhumation que le squelette, est une hypothèse forte quant au calage d’un coffrage dont les parois auraient complètement disparu. Mais il est possible de caler des planches avec du sédiment plaqué contre la paroi et/ou de maintenir les parois de force par le jeu des pressions réciproques. Dans ce cas, aucun vestige du coffrage ou du calage ne peut orienter l’analyse. Les arguments taphonomiques deviennent donc indispensables. Il faut en effet diagnostiquer, en fonction de la position des ossements entre eux et à l’intérieur de la fosse, un espace vide. À cette étape de la réflexion, le paléoanthropologue détermine un espace vide, ce qui laisse le choix entre le coffrage et le cercueil chevillé. C’est la raison pour laquelle les études se servent du mot “ contenant ”, dont le caractère général regroupe à la fois les coffrages et les cercueils. Mais, les cotes de profondeur peuvent nous aider à trancher. Si les cotes de profondeur, prises à la base des ossements sont homogènes (faible amplitude des altitudes relatives), on ne peut ni exclure une fosse à fond plat, ni le fond d’un contenant (coffrage ou cercueil). En revanche, la détermination d’un profil en fosse concave, rendu par les cotes de profondeur des ossements, pour une sépulture dont les os ont indiqué une décomposition en espace vide, est le signe d’un fond non construit, et par voie de conséquence un coffrage de bois.

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45 Il est à noter ici que la présence de blocs de pierres calcaires n’en font pas des coffrages mixtes. Ce sont des pierres de calage, qui n’entrent donc pas à proprement parler dans l’architecture funéraire.

46 Le site de Richelieu a livré 9 coffrages en bois : S.13, S.14, S.15, S.19, S.21, S.29, S.30, S.31 et S.34 (Fig. 11). Nous sommes certains que les sépultures S.19, S.21 et S.31 au moins n’avaient pas de fond construit. Cela ne signifie cependant pas que le corps était déposé à même le sol… Par ailleurs, la présence de clous dans la sépulture S.21 (N=2), est difficile à interpréter : soit le couvercle de ce coffrage en bois, dont les parois étaient calées, était cloué, soit la planche du couvercle avait été clouée auparavant (planche de récupération).

Fig. 11 : Sépulture S.19. Inhumation en coffrage de bois.

Les coffrages mixtes

47 Les coffrages mixtes ne diffèrent pas, dans l’esprit, des coffrages en bois calés par des pierres ou non. Il s’agit en effet, comme les précédents, de contenants statiques du corps mais composés de matériaux différents. Dans le cas de Richelieu, cinq coffrages mixtes ont été mis en évidence : sépultures S.6, S.12, S.17, S.20 et S.26 (Fig. 12). Ils sont composés de pierres calcaires et de bois, pour la couverture mais pas seulement.

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Fig. 12 : Sépulture S.12 en coffrage mixte. Les éléments en matériaux périssables (couvercle et au niveau des pieds) ont disparu.

48 La question des couvertures est essentielle car elle entre pour une bonne part dans la mise en évidence de ces coffrages mixtes. Nous n’avons retrouvé aucun élément de couverture hormis pour les sépultures S.6, S.12 et S.17 (Fig. 13 et 14). Cependant, les quelques dalles calcaires disposées horizontalement dans ces sépultures ne permettent pas à elles seules de ménager un espace vide (dalles nombreuses mais trop petites). Compte tenu de la profondeur des sépultures et des modalités de décapage, et le fait que le couvercle du sarcophage 2 était encore en place, il semble exclu que des blocs calcaires en forme de dalle, tels qu’on en a retrouvé le long des parois latérales, couvraient ces contenants. L’incidence d’éventuels travaux agricoles n’est pas une hypothèse valable : si des engins avaient fait sauter des blocs de couverture, nous aurions en effet dû en trouver des traces sur les parties supérieures des blocs latéraux. Nous n’avons d’ailleurs pas découvert de blocs épars entre les sépultures. Dans la mesure où l’espace vide est déterminé à partir d’arguments taphonomiques seule une couverture en matière périssable (bois) a donc pu le ménager sur la durée. Il est toutefois impossible de savoir s’il s’agit d’une couverture d’un seul tenant ou si elle était composée de plusieurs éléments.

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Fig. 13 : Éléments de couverture de la sépulture mixte S.6

Fig. 14 : Sépulture S. 17, couverture composée partiellement de dalles calcaires.

49 Pour deux d’entre eux (S.6 et S.17), les cotes de profondeur (à la base des os) nous ont indiqué que les fonds ne pouvaient assurément pas être construits. En revanche, l’effet de sol observé sur les os du coffrage mixte S.26 nous laisse croire à un fond construit : soit des planches, aujourd’hui disparues, sur lequel le défunt était placé, soit un dispositif qui aurait permis d’apporter le corps (de type civière par exemple), le tout ayant été déposé dans la sépulture construite in situ (aménagements de pierres).

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Un dispositif de transport du corps ?

50 Les conclusions taphonomiques des observations réalisées sur l’individu immature (US 1029) du sarcophage 3 nous amène à penser qu’il reposait sur un dispositif de transport dont il demeure toutefois difficile de préciser les aspects. De nombreuses dislocations et anomalies de position semblent indiquer qu’il existait un élément en matière périssable, quelque peu surélevé, sur lequel reposait le corps. Sa décomposition, au moment où l’espace vide persistait dans le sarcophage (réduction des individus précédents, migration des os au cours de la décomposition du corps…), a produit des disjonctions et des affaissements (bras/avant-bras droits et moitié supérieure du corps). Il est en effet établi que les os présents aux points de rupture peuvent dans ce cas là être éjectés. Au regard de la découverte de la sépulture 6 du site du “ Patis ” à Montboucher-sur-Jabron (Drôme), argumentée par F. Blaizot (1998), il semble en effet qu’il ne reposait pas à même le fond du sarcophage.

Orientation et attitude des corps

51 Tous les sujets sont allongés sur le dos (décubitus dorsal), majoritairement la tête au nord-ouest et les pieds au sud-est ; 3 sépultures (S.17, S.22 et S.30) n’ont pas cette orientation : le sujet S.17 a sa tête au nord-ouest-ouest, le sujet S.22 à l’ouest et le sujet S.30 au sud-ouest. Pour la quasi-totalité des sujets, les membres inférieurs étaient en extension, ce qui n’était pas le cas des individus des sépultures S.25 et S.31 (membres inférieurs fléchis).

52 Il n’a pas été possible de reconnaître la position des membres supérieurs et des mains de l’individu, en raison de l’état de représentation du squelette, pour les sépultures suivantes : S.2, S.3, S.4, S.5, S.13, S.14, S.15, S.23 et S.28. Il se peut néanmoins qu’il soit possible, comme dans le cas de la sépulture S.13, de déterminer qu’il était allongé sur le dos, les membres inférieurs en extension. Nous avons défini plusieurs types d’attitude des corps en fonction de la position des membres inférieurs et supérieurs. En ce qui concerne ces derniers, outre le fait de déterminer s’ils sont fléchis ou en extension, c’est la localisation des mains qui importe.

53 Diverses localisations des mains peuvent être distinguées, selon que l’un des membres supérieurs, ou les deux, étaient fléchis ou non. Nous n’avons cependant pas remarqué de position particulière en fonction de l’âge des individus (adultes-immatures) ou du sexe des adultes, tant il est vrai que les effectifs ne sont pas très nombreux, et en deçà du seuil statistique. Dans la majorité des cas, les mains sont en position dite “ basse ” : en aval de l’abdomen. Notons toutefois que dans la mesure où la position mixte existe (une main en position haute, dans l’environnement du thorax, et une en position basse : S.21, S.22, S.24 et S.31), il est difficile de classer les individus dont un seul membre supérieur était observable : S.3 (membre supérieur doit), S.7 (membre supérieur doit), S.10 (membre supérieur doit), S.11 (membre supérieur doit), S.16 (membre supérieur doit), S.20 (membre supérieur doit) et S.33 (membre supérieur gauche).

Des défunts habillés ?

54 Longtemps, la fouille des nécropoles a consisté à exhumer les objets qui accompagnaient les défunts. Si aujourd’hui notre attention se porte certes essentiellement sur le squelette, à l’origine de la sépulture, il n’en reste pas moins que

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les objets, quelle que soit leur nature, sont une donnée primordiale dont il faut tenir compte. Outre qu’ils permettent généralement la datation de la sépulture dans laquelle ils ont été trouvés, ils permettent, quand l’enregistrement s’est attaché à les situer par rapport au corps, d’élaborer éventuellement un discours sur les parures et/ou les vêtements. C’est la raison pour laquelle les artefacts de la sépulture S.8, au contact ou non avec les ossements, ont toujours été décrits par rapport à l’individu. Il s’agit d’établir leur relation fonctionnelle par rapport au sujet, en tenant compte des modalités de décomposition du cadavre. La nature et la localisation des artefacts (par rapport aux corps, entre eux et dans la fosse) découverts en contexte doivent en effet être discutées.

55 La sépulture S.8 a livré 19 artefacts (US 1030.1 à 1030.11) en contact ou dans l’environnement des deux sujets (Fig. 15). Hormis une fibule en bronze (US 1030.6), retrouvée en avant de l’étage lombaire du sujet immature, dans l’axe longitudinal du corps, les 18 objets proviennent vraisemblablement de l’individu adulte.

Fig. 15 : Sépulture double S.8.

56 Au regard de leur localisation, il semble que l’anneau en bronze (US 1030.1), engagé dans une phalange proximale (rayon indéterminé), et la fibule en bronze (US 1030.2) située dans l’hémi-thorax gauche, ont été retrouvés en place. La question est nettement plus délicate en ce qui concerne les 15 perles (US 1030.3, 1030.4, 1030.5, 1030.7, 1030.8 , 1030.10 et 1030.11) et l’autre anneau en bronze (US 1030.9). Compte tenu de leur taille et de leur poids, ils ont pu effectivement, entraînés par les jus de décomposition, migrer sur des distances relativement importantes. C’est tout du moins ce que nous révèle la position des sept perles (US 1030.11) sous la pierre calcaire (en forme de dalle) la plus au Nord. Pour autant, les autres perles et l’anneau de bronze ont tous été retrouvés dans l’environnement de l’hémi-thorax et du coude gauches (US 1030.5). Il

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semble donc que le point d’origine se situait probablement au niveau du thorax. L’hypothèse la plus évidente serait un collier de perles. Cependant, le nombre (N = 15) n’accrédite pas cette idée… À moins qu’une partie de ces perles, toutes de couleur, de taille et de forme différentes, étaient en matière périssable. On peut en effet imaginer un collier composé en partie de perles en bois. Il se pourrait d’ailleurs que l’anneau de bronze (US 1030.9), situé au même endroit que les perles US 1030.7, était également pris dans le collier. L’autre hypothèse que nous ne pouvons pas rejeter est celle d’un collier ne comportant que quelques perles, la fonction se rapprochant alors plus de celle de pendentif que de celle d’un collier.

57 Une autre hypothèse peut être également avancée. Ces perles pourraient être une décoration cousue ou fixée au vêtement au niveau du thorax et/ou du ventre. Cette proposition n’exclut toutefois pas un collier et la présence d’éléments dont nous n’aurions plus aucune trace.

58 La sépulture S.11 a livré deux anneaux en alliage cuivreux appartenant à une petite chaînette dont quelques maillons (en fer) ont été préservés. Ces éléments déjà mis au jour sur d’autres fouilles sont très certainement à mettre en relation avec des pièces d’habillement sans qu’il soit possible d’en préciser la nature.

Comparaisons

59 Même si la relation à l’habitat est (pour l’instant ?) impossible à déterminer, la présence de sépultures en nombre suffit en elle-même à indiquer une occupation humaine relativement à proximité. L’aménagement linéaire appréhendé par le(s) fossé(s) F.3-F.4, est d’ailleurs l’indication d’une structuration forte du paysage (limites et/ou d’axes de circulation). Un tel ensemble funéraire reste cependant très difficile à caractériser. Peu d’exemples locaux bien documentés sont en effet à notre disposition. Ces ensembles, sans objets ni architectures funéraires évidentes d’emblée, intéressent les archéologues depuis peu. La multiplicité des études d’archéologie funéraire a permis de dresser un tableau général des pratiques funéraires durant le Moyen Âge. En ce qui concerne la période mérovingienne, les nécropoles de plein champ, remarquées par leur taille et/ou les objets qu’elles livrent généralement, ont longtemps focalisé l’attention des chercheurs. Le développement d’une archéologie de sauvetage liée aux travaux d’aménagements – l’archéologue ne choisit pas – a révélé nombre de sites petits et moyens, le plus souvent sans objets, qui ne sont pas comparables avec les sites de la même période mentionnés plus haut. Il est donc difficile de trancher entre un biais méthodologique (seul un type de site a attiré les archéologues pendant longtemps) ou une signification culturelle quant à la nature voire l’emplacement de cet ensemble funéraire.

60 Sur un même site, l’association du sarcophage et du coffrage, sans plus de précision, détermine à n’en pas douter le haut Moyen Âge (GALINIÉ1996 : 195). L’analyse chrono- typologique a pour objet d’affiner, autant que faire se peut, cette datation. C’est certes nécessaire pour une compréhension générale du site, mais aussi, voire surtout, indispensable en terme d’étude de l’évolution des pratiques funéraires régionales. Cependant, cette entreprise n’est pas exempte de difficultés. De nombreux écueils en effet se font jour. Les études de paléoanthropologie funéraire systématique sont encore trop récentes pour pouvoir utiliser la majorité des rapports de fouille rédigés jusqu’à présent. De fait, la publication des travaux collectifs conduits par B. Boissavit-Camus, H.

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Galinié, E. Lorans, D. Prigent et E. Zadora-Rio sur la “ chrono-typologie des tombes en Anjou-Poitou-Touraine ” dans le cadre du GDR 94 est le seul outil qui existe pour notre région. “ Rares sont encore les villes, écrit H. Galinié, où les squelettes exhumés à l’occasion des fouilles récentes ont été soumis à une étude systématique et comparative, d’un site à l’autre ” (GALINIÉ 1998 : 9).

61 Les sarcophages trapézoïdaux en calcaire sont présents sur tous les sites du haut Moyen Âge en Anjou-Poitou-Touraine, en particulier en milieu urbain. On les retrouve également dans les nécropoles rurales, qu’elles soient de plein champ ou liées à un édifice religieux. Ces sarcophages sont monolithes ; leur couvercle adopte également la même forme trapézoïdale, ce qui est effectivement le cas pour le sarcophage S.2. Les sarcophages monolithes mis au jour à Tours dans un contexte urbain semblent apparaître dès le VIe s. mais leur utilisation en série, dans cette ville comme ailleurs en Anjou et en Poitou, semble se poursuivre au moins jusqu’au VIIIe s. inclus. Les sarcophages de Saint-Martin de Tours sont remployés jusqu’au Xe s. inclus (BOISSAVIT- CAMUS et al., 1996 : 262).

62 Les coffrages uniquement en bois, sans qu’aucune pierre vienne caler l’ensemble des planches, ne sont pas attestés dans l’étude mentionnée ci-dessus. Aucune comparaison n’est donc a priori possible. Mais ce type de sépulture a été observé à maintes reprises sur le site de Saran (Loiret) (JESSET et. al. 2000). Il semble que pour ce site, si les coffrages à fond non construit ont pu apparaître dès la seconde moitié du VIe s. et perdurer jusqu’à la première moitié du IXe s., la pleine période d’utilisation se résume à deux siècles : le VIIe et le VIII e s. Pour les coffrages de bois, les cas les plus proches hors département sont à rechercher sur le département de la Vienne (Valdivienne, Cubord- le-Claireau et Civeaux). Ces exemples sont plutôt datés des VIe ou VII e s. (BOISSAVIT- CAMUS et al. 1996 : 268). Les coffrages mixtes, contenants réalisés in situ à partir de matériaux composites (bois et pierre pour ce site) ne diffèrent pas à notre sens, du point de vue de la mentalité funéraire, des coffrages en bois, qu’ils soient calés par des pierres calcaires ou non. Bien qu’ils soient absents de la chrono-typologie régionale, des exemples proches ont été observés dans la Vienne de manière légèrement différente pour ce type. En outre, ce type de sépulture est un peu plus connu ou tout au moins mieux observé dans les contextes funéraires du sud est de la France. Ce type a été observé sur les fouilles de Roissard et de Saint-Julien-en-Génevois (COLLARDELLE 1983) dans des contextes mérovingiens tardifs (COLLARDELLE et al. 1996 : 288).

63 La comparaison des structures mises au jour sur le site de Richelieu avec des exemples régionaux et extra-régionaux, montre une parfaite cohérence du point de vue de la chrono-typologie pour le haut Moyen Âge. A Tours, les sarcophages monolithes en utilisation primaire ont servi de sépulture du VIe au VIIIe s. L’utilisation des coffrages couvre également très largement cette période. Un exemple régional concernant les coffrages à fond non construit montre que la pleine période d’utilisation se situe aux VIIe et VIIIe s.

Conclusions

64 La fouille préventive du site de Richelieu apporte des éléments de connaissance précieux à différents niveaux. Ainsi, au niveau local, l’opération permet d’apporter un éclairage nouveau sur le peuplement de cette partie de région limitrophe du Poitou et

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de la Touraine. La création ex-nihilo de Richelieu au XVII e s. n’avait pas favorisé les recherches sur les occupations humaines antérieures à l’édification de la ville. Le diagnostic et la fouille ont en outre permis de mettre en évidence une zone funéraire et de proposer une datation assez précise pour celle-ci.

65 D’un point de vue plus large et concernant l’aspect funéraire, l’anthropologie de terrain nous a permis de mettre en évidence certains types de tombes et d’avancer les arguments ostéo-archéologiques pour les reconnaître. Il faut insister sur la possibilité d’appréhender certains types, tels que les coffrages à fond non construit par exemple, quand aucun élément de l’architecture funéraire ne persiste. L’analyse des sépultures est en effet une démarche globale où tous les éléments doivent en effet être pris en compte in situ.

66 La détermination de diverses tombes, dont certaines appartiennent à des types inconnus dans la région, permet en outre de compléter les observations inédites sur d’autres sites beaucoup plus importants. L’étude du mobilier permet d’affiner les datations et de les corréler avec la typologie des tombes du haut Moyen Âge. De fait, les observations récoltées en font un site important. Sans être un ensemble majeur, qui ne se distingue ni par la qualité des tombes, ni par la richesse du mobilier exhumé, sa publication doit nous servir de point de départ pour continuer la caractérisation des pratiques du haut Moyen Âge de notre région. Ce travail s’inscrit en effet dans l’étude générale des pratiques funéraires initiée par la première synthèse véritable concernant la chrono-typologie des tombes, établie en 1994 lors du colloque ARCHEA (BOISSAVIT- CAMUS et al. 1996).

67 Cette fouille permet de compléter le corpus de références sur l’archéologie funéraire mérovingienne en Touraine ; cette étude montre l’aspect lacunaire de la documentation en la matière, état d’ailleurs déjà souligné par certains auteurs ces vingt dernières années (CORDIER 1973 : 27, CORDIER 1974 : 184, BURNELL et al. 1994 :172).

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NOTES

1. Ces sables sont plus ou moins argileux, avec des lits de marnes et d’argiles sableuses grises et de petits bancs de grès glauconieux. 2. Il s’agit d’une carte de la route de Chinon à Richelieu établie au XVIII e s. et présentant le château et parc de la Pataudière et ses environs (Cote A.D 37, C.190/1) et d’une carte du bois de la Pataudière avec la route de Champigny-sur-Veude à Chinon, carte établie au XVIIIe s. (Cote A.D. C190.2). 3. Ainsi, l’ouvrage sur le patrimoine des communes de Touraine mentionne la présence de mobilier néolithique sur les bords de la Mable, sans plus de précisions (PATRIMOINE 2001 : 1161). Cette même référence indique que l’occupation du haut Moyen Âge n’est attestée que par quelques toponymes. 4. Cette sépulture a été fouillée lors de l’opération d’évaluation archéologique par Vincent Goustard (INRAP CIF). 5. En ce qui concerne les adultes, il est actuellement difficile d’approcher avec exactitude l’âge au décès. Au regard des travaux récent menés sur le sujet, il semble qu’après 30 ans, les indicateurs d’âge actuellement disponibles ne sont que faiblement liés à l’âge et ils varient d’une série de squelettes d’âge et de sexe connus à l’autre. Ainsi, il a été démontré que la méthode d’estimation de l’âge au décès des adultes (étude de la surface auriculaire de l’ilium) de Lovejoy et al. (1985), souvent usitée, n’est pas performante (SCHMITT, BROQUA 2000). L’âge au décès des adultes posant un problème majeur, il demeure plus prudent de ne pas l’estimer pour les individus adultes dits matures ou âgés. On ne prend ainsi pas le risque d’en conclure des interprétations

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erronées. Sans primer, ce raisonnement est assez répandu dans les études paléoanthropologiques françaises (CASTEX 1994 ; MURAIL 1996). 6. L’estimation de l’âge au décès des individus immatures a prioritairement été obtenue à partir de l’identification du degré de maturation dentaire selon le schéma d’éruption et de formation dentaire de Ubelaker (1978). Lorsque les vestiges dentaires faisaient défaut, nous avons mesuré les os longs selon les abaques staturales de Sundick (1978). 7. Le terme de cercueil, employé dans son sens premier, désigne à la fois le contenant comme moyen de transport et comme lieu de dépôt définitif du corps (ARIÈS 1977).

RÉSUMÉS

La fouille archéologique préventive du “ Poteau ”, menée en octobre 2002 à Richelieu (Indre-et- Loire), a principalement permis de sauver les vestiges d’un site funéraire mérovingien composé de 35 sépultures. Les observations de terrain ont certes permis de caractériser cet ensemble, tant d’un point de vue chronologique que spatial, mais aussi, voire surtout, de mettre en évidence différents types de sépultures : sarcophages, coffrages de bois, coffrages mixtes, voire un dispositif de transport du corps. Si les découvertes et les publications concernant cette période sont nombreuses, les sites bien documentés sur le sujet sont rares. La datation du mobilier retrouvé et les comparaisons avec d’autres sites régionaux et extra-régionaux, selon une approche chrono-typologique, permettent alors de mieux cerner les pratiques funéraires mérovingiennes de cette zone limitrophe du Poitou et de la Touraine.

A rescue excavation in advance of road building near Richelieu (department of the Indre-et- Loire) was carried out in October 2002. It brought to light some 35 graves belonging to a Merovingian cemetery. Observations made during the fieldwork allowed the understanding of the chronological and spatial organisation of the remains. They also showed the existence of several types of burials (sarcophagus, wood and mixed stone and wood-lined burial pits) as well as a sort of stretcher used to carry the body.Although many sites of this period have been discovered and published, well studied examples are rare. The dating of the small finds and the comparison with other sites both within and outside of the region have given a better understanding of Merovingian burial practices in this area on the border of Poitou and Touraine.

INDEX

Keywords : burial, chronology, Early Middle Ages, funeral practices, sarcophagus, typology, wooden-lined raves and stone-lined graves Mots-clés : coffrages de bois et coffrages mixtes, Haut Moyen Âge, pratiques funéraires, sarcophage, tombe

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AUTEURS

PHILIPPE BLANCHARD INRAP, UMR 6173, LAT. Philippe Blanchard a mené la fouille de ce site en qualité de Responsable d’Opération.

PATRICE GEORGES INRAP Centre-Île-de-France. Centre archéologique d’Orléans (Site du BRGM), 3 avenue C. Guillemin 45060 Orléans Cedex2. Patrice Georges est intervenu en tant qu’archéo-anthropologue, spécialiste de l’archéologie funéraire.

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La collégiale Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) Une étude de la rotonde et de la nef The collegiate church of Saint-Étienne at Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre, France). A recent building survey of the rotunda and the nave

Simon Bryant

Claude Andrault (CESCM, Université de Poitiers), Maria Cavaillès (Service Municipal d’Archéologie de Parthenay), M. l’abbé Christian Chapu (bibliothèque de l'archevêché de Bourges), Florence David (INRAP) pour la réalisation des planches annexes, Marc Du Pouget (Directeur des Archives Départementales de l’Indre), Brice et Geneviève Moulinier (relevés et photos des peintures murales), Eric Palazzo (CESCM, Université de Poitiers), Claire Péquignot (Docteur en Histoire de l'Art, pour les explications sur les différentes catégories des rotondes), Christian Sapin (CNRS, UMR 5594).

Introduction

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1 L’église Saint-Étienne de Neuvy-Saint- Sépulchre n’a pas fait l’objet d’observations archéologiques depuis les interventions de Viollet-le-Duc et les différentes hypothèses concernant la chronologie relative de sa construction, notamment la relation entre la nef et la rotonde, n’ont jamais été démontrées. La restauration des parements internes, réalisée en 1997-98, a permis une analyse archéologique des élévations jusqu'à présent inaccessibles aux chercheurs (les parements externes, restaurés en 1993-4, n’ont pas bénéficié d’une telle étude). Un sondage d’évaluation dans le noyau central de la rotonde complète ces observations. Cette intervention a pu apporter de nouvelles données sur l’évolution du monument et l’auteur espère qu’elle suscitera un autre regard sur un édifice bien particulier. Cet article résume les trois rapports de fouille remis à la fin de chaque phase de l’opération (BRYANT 1997, 1998a, 1998b). Ils contiennent des descriptions plus détaillées des vestiges observés ainsi que les raisonnements stratigraphiques qui ont conduit aux conclusions présentées.

Localisation du site

2 Le bourg de Neuvy-Saint-Sépulchre est localisé vers la limite sud du département de l’Indre, sur la D927 entre Argenton-sur-Creuse et La Châtre (Fig. 1). La route actuelle, une création du XIXe s., est plus ou moins parallèle à un tronçon de la voie romaine entre Néris-les-Bains et Poitiers, à 1 ou 2 km au nord, dont le tracé se perd dans les champs juste avant le bourg, à l’ouest, au hameau des Veaux. Ceci suggère une déviation liée à l'implantation d'une population au haut Moyen Âge. Hormis la basilique, Neuvy possédait deux églises dont les vocables, Saint-Pierre et Saint-Étienne, indiquent une origine au haut Moyen Âge, entre le VIe et le VIIIe s. (LAUGARDIÈRE 1951 : 50), hypothèse confortée par la découverte de sarcophages dans l'église Saint-Pierre au XIXe s. (MASSEREAU 1896 : 292 et 1899 : 86-89).

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Fig. 1 : Plan de localisation de Neuvy-Saint-Sépulchre avec la provenance des principales catégories de pierres utilisées dans la construction de l'eglise.

3 À proximité des limites septentrionales du Massif Central, la géologie est très variée1. L'agglomération est située sur du calcaire à gryphées recouvert par des marnes et des alluvions récentes. Au nord, on observe des marnes et argiles jaunâtres. Au sud, le substrat géologique s’organise en bandes orientées plus ou moins E-O, parfois décalées ou interrompues par des failles. Les calcaires cèdent place aux sables et aux grès grossiers de base puis, à 4-5 km de Neuvy, aux premières formations métamorphiques et éruptives (migmatites, orthogneiss, amphibolites, quartzites, micaschistes et leucogranits gris). Les grès roses, les micaschistes et les leucogranits gris ont été les pierres les plus utilisées dans la basilique. Quatre types de calcaire sont aussi présents : un calcaire cristallin gris, un calcaire blanc et très tendre et un calcaire assez dur de couleur blanc cassé ou jaune. Plusieurs types de pierres sont disponibles pour la construction. Si les origines des calcaires sont connues grâce à des recherches récentes (TARDY et al. 2000, par exemple), les relations entre les constructions médiévales et les carrières des roches métamorphiques et éruptives restent à étudier. La collégiale se situe juste à l'est de la rivière la Bouzanne, aujourd'hui retenue par le barrage d'un ancien moulin en amont du bourg. L'édifice a été quelque peu isolé de son tissu urbain à la suite du plan d'alignement de 1843 : toutes les structures entourant son côté nord furent abattues pour faire passer la route. Le plan cadastral de 1832 montre parfaitement la forme d’un noyau centré sur l'église (Fig. 2). Au sud, la ruelle de l'Abbé Bédu conserve ses anciennes maisons, seuls vestiges de l’enceinte de la collégiale.

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Fig. 2 : Le monument dans son environnement (extrait du cadastre de 1843).

L’apport des sources écrites

4 L'église de Neuvy-Saint-Sépulcre a déjà fait l’objet de nombreuses études (BAUTIER-BRESC 1974 ; CHENON, DESHOULIÈRES 1916 ; HUBERT J. 1931 : 92)2. Les auteurs s'accordent pour dire qu’il s’agit d’une fondation vers 1042-1045 d’Eudes de Déols qui s’est rendu en Terre Sainte en 1026-1028 avec Guillaume Taillefer, comte d’Angoulême et, sans doute, d’autres fidèles plus humbles. Une partie de l’édifice était inspirée par le Saint-Sépulcre de Jérusalem : “ ad formam S. Sepulcri Yerosolymae ”(CHENON, DESHOULIÈRES 1916 : 19). Les privilèges de cette nouvelle fondation sont confirmés par une bulle du pape Grégoire VII en 1079 et il est fait mention de l’autel du Saint-Sépulcre en 1087 (HUBERT E. 1899 : 202-203). L’église est donc sous l’invocation du Saint-Sépulcre dès l’origine.

5 En 1212, le bourg de Neuvy est déjà exempté de plusieurs taxes. En 1228, le seigneur Guillaume Ier de Chauvigny accorde le droit de suite, ou sequela, à l’église de Neuvy et décharge les chanoines de tous liens et corvées (DEVAILLY 1973 : 540, 545 ; HUBERT E. 1931 : 74). On sait alors que Neuvy est une église collégiale, et ceci avant même qu’une bulle d’Alexandre IV ne fixe le nombre de chanoines à quatorze (CAILLAUD 1865 : 264).

6 La destruction des titres du chartrier de Neuvy par une bande de brigands en 1523 nous prive de l’essentiel de son histoire (CAILLAUD 1866 : 8-11 ; HUBERT J. 1931 : 91 ; ADI : G. 166). L’édifice semble avoir servi de refuge pendant la guerre de Cent Ans car une ordonnance de 1399 adressée par le roi Charles VI au bailli de Saint-Pierre-le-Moutier (dans la Nièvre) contraint les habitants du bourg à réparer les dégâts (ADI : G.175 ; CAILLAUD 1866 : 11-15 ; MICHEL-DANSAC 1931 : 552-553). On apprend qu’ils ont abattu des bâtiments dans l’enclos canonial et fortifié les murailles de l’église. Celle-ci avait été malmenée par les habitants, à tel point que les voûtes en étaient fissurées et le chevet

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effondré, l'ensemble ayant été affaibli par le creusement d’un fossé défensif et par l’entassement de meubles au-dessus des voûtes des tribunes de la nef. L'enclos canonial est néanmoins encore visible au milieu du XVIe s., d'après la description de l'historien Jean Chaumeau dans le chapitre XXXIII de son ouvrage sur l'histoire du Berry : “ Du bourg et chastel de Neuvy Sainct Sepulchre. ... Le chastel ioignat ledict bourg est vieil et ancien, cloz et fermé de murailles, tours et fossez, auquel habitent seulement les chanoynes & habituez d'une eglïse collégiale, estant en iceluy qui sont bien rentez, & anciennenement fondez par les seigneurs de Chauvigny, barons de Chasteauroux, comme on dit. ” (CHAUMEAU 1566 : 269). L’étude archéologique suggère que les dégradations étaient un peu moins importantes que ne le laissent entendre les sources textuelles (cf. infra).

7 Après la Révolution, l’église est placée sous le vocable de Saint-Étienne en tant qu’église paroissiale. L'ancienne église paroissiale, sous le vocable de Saint-Pierre, est détruite vers la fin du XIXe s. ( MASSEREAU 1896 : 292-302). Le monument reliquaire ou commémoratif situé au milieu de la rotonde est démoli en 1806. À partir du classement de l’édifice en 1840, des campagnes successives de travaux vont sauver l’édifice de la ruine, mais au prix de quelques entorses à l’esprit du monument. Un bref résumé de ces travaux est donné en annexe.

Présentation de l’édifice

8 La présence de plusieurs phases de construction rend la lecture du plan du monument parfois difficile. Afin de permettre au lecteur de se repérer dans le texte, les travées de la nef et les piliers correspondants ont été numérotés d'ouest en est, de 01 à 06, sur la base des divisions de l'édifice primitif. Les piliers 02 et 04 ont été renforcés lors de la mise en place de voûtes d’ogives pendant la deuxième moitié du XIIe s. Les trois travées formées ainsi sont appelées respectivement les travées occidentale, centrale et orientale (Fig. 3, 4). Les travées de la rotonde, onze au rez-de-chaussée et quatorze au niveau de la tribune, sont numérotées de 1 à n à partir de la porte d’entrée (Fig. 3, 5).

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Fig. 3 : Plan de l’édifice au rez-de-chaussée et au niveau des tribunes, avec numérotation des travées.

Fig. 4 : Élévation du parement sud du mur nord de la nef avec numérotation des travées.

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Fig. 5 : Le parement sud du mur nord de la nef : élévation de la première travée et de la liaison avec la rotonde.

Une première église de type basilical ?

9 Bien qu'elle ait été très mutilée, il est possible de déterminer une partie du plan primitif de la nef, consistant en un vaisseau de 6,40 m pourvu de deux collatéraux de 3,20 m de large chacun. La longueur primitive de l’église reste inconnue car elle est tronquée à l’est par l’actuel chevet plat et à l’ouest par la rotonde. Elle consistait en au moins sept travées de 2,50 à 2,60 m de longueur (mesures prises entre les pilastres du rez-de-chaussée). Les arcades du rez-de-chaussée à simple rouleau de claveaux sont séparées par des piliers cruciformes de 1,30 m de large, dont 0,70 m pour les pilastres. Les baies des travées 5 et 6 sont plus hautes (4,60 m contre 3,30 m environ pour les autres baies) et plus larges (3,50 m). Les collatéraux étaient couverts de voûtes en berceau, renforcées par des arcs doubleaux reposant sur de simples impostes.

10 La nef possédait une tribune ouverte par des arcades à double rouleau. Chaque baie des tribunes présente une largeur de 2,40 m (1,80 m en interne) sur une hauteur de 2,70 m, avec un profil légèrement brisé. Le mur nord, assez bien conservé dans les travées 1 à 3, montre que le vaisseau central s’élevait jusqu'à 13 m-13,60 m environ et était couvert d’une voûte en berceau en plein cintre ou brisé (d’une hauteur restituée de 17 m sous clé), également renforcée par des arcs doubleaux. Les collatéraux des tribunes étaient sans doute voûtés eux aussi.

11 La forme de la limite occidentale de cet édifice est inconnue en raison de l’ajout de la rotonde. Les vestiges d’une fenêtre étroite dans l’extrémité ouest du mur nord de la nef montrent que cette dernière était plus longue et que les ouvertures de la travée occidentale n’avaient pas la même disposition que les autres (Fig. 5). À l’extérieur, des

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traces d’arrachement dans le parement externe de la rotonde montrent que le mur du bas-côté nord continuait vers l’ouest et avait été partiellement englobé lors de la construction de la rotonde (Fig. 6).

Fig. 6 : La liaison entre le mur nord de la nef et la rotonde. Juste en-dessous de l’arcature de la rotonde, on observe l’arrachage du mur du bas-côté nord.

12 À l'extrémité occidentale, au point d'articulation avec la rotonde, le mur gouttereau du bas-côté sud présente une rainure verticale de 1 à 2 cm de large à 2,60 m à l'ouest du pilastre 1. Elle marque l'emplacement d'un autre pilastre (Fig. 7, a, b), tandis que la maçonnerie du mur externe de la rotonde englobe la partie inférieure d’un pilastre appartenant à un pilier cruciforme (Fig. 8b). Ces éléments apportent des preuves de l'existence d'au moins une autre travée à l'extrémité ouest de la nef.

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Fig. 7 : Proposition de restitution de la nef primitive en plan et en coupe, avec localisation des indices permettant de restituer sa longueur.

Fig. 8 : Élévation du parement externe de la rotonde visible dans la nef.

On observe la réfection de l’arc de l’ouverture centrale et la partie inférieure d’un pilastre primitif englobée dans la maçonnerie de la rotonde.

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13 Si nous acceptons les largeurs de 0,70 m pour le pilastre et de 2,50 m pour les travées, le mur ouest de la nef devrait se trouver à 3,20 m environ à l'ouest de la rainure. Cette distance le situe juste à l'intérieur de la rotonde, à l'est des piliers du noyau central (Fig. 7).

14 La partie orientale de l’église est également difficile à appréhender. Les arcades du rez- de-chaussée de la travée 6 sont différentes des autres. Celle du nord a été fortement modifiée lors de la mise en place de croisées d’ogives, mais celle du sud conserve mieux son aspect primitif. Elle est plus large que les autres (3,30 m de large sur 4,50 m de haut, contre 2,50 m sur 3,30 m) et présente une arcature géminée aveugle au rez-de- chaussée, surmontée par une petite ouverture en plein cintre, décalée vers l’ouest (Fig. 9, e, f et g).

15 Au niveau de la tribune, l’arcade est absente mais les vestiges du montant ouest d’une ouverture montrent l’existence d’une fenêtre plus haute dans la partie est de la travée (Fig. 9, a). Celle-ci a été partiellement détruite lors de la construction du mur terminal et des voûtes. Cette dernière travée représente-t-elle une espèce de “ faux transept ” introduisant un chœur disparu ? La forme de ce dernier est également inconnue, mais on peut facilement imaginer une nef à abside avec des absidioles pour les collatéraux, plan classique adopté par d’autres églises de la région dont la majorité toutefois datent plutôt de la fin du XIe ou du début du XII e s. (Saint-Genès de Châteaumeillant, par exemple). Au total, on pourrait restituer une nef à sept piliers cruciformes.

Fig. 9 : Le parement nord du mur sud de la nef : élévation des cinquième et sixième travées avec les deux phases majeures de construction.

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Les matériaux et leur mise en oeuvre

16 L’ensemble de la construction a été réalisé en petit appareil de moellons de calcaire et de grès, avec un opus quadratum réservé aux piliers et claveaux des arcs. La maçonnerie primitive est bien conservée dans la tribune de la travée 5 du mur sud de la nef. Les moellons ont été simplement dégrossis avec un marteau têtu. La mise en œuvre est soignée et on constate un certain tri dans les hauteurs des pierres, avec des bandes alternées composées de petits et de grands blocs (Fig. 10). Les joints sont peu épais (1 à 2 cm) et semblent avoir été beurrés. Le piquetage des murs aux XIXe et XXe s. a enlevé l’essentiel des enduits anciens, seuls subsistent quelques lambeaux (cf. infra).

Fig. 10 : Le parement nord du mur sud de la nef, élévation détaillée d’un échantillon du parement primitif (cf. Fig. 9).

17 Le liant utilisé pour les murs présente un aspect terreux tandis que celui employé dans les arcades et les piliers est un véritable mortier de sable et de chaux. Les pierres de taille sont d’un granit assez grossier et ferrugineux. Seuls les impostes et un cordon au niveau des ressauts des arcades des tribunes ont été réalisés avec un calcaire blanc et assez tendre, provenant sans doute des carrières d'Ambrault, à 24 km au nord-est de Neuvy.

18 Les arcs sont de type dit “ fourré ”, c’est-à-dire que les deux parements sont clavés avec des claveaux taillés, tandis que le remplissage est réalisé avec un blocage désordonné de moellons. L’intrados est beurré ou carrément enduit afin d’en améliorer l’aspect. Cette technique, répandue en Berry, est considérée comme caractéristique des constructions du XIe s.

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Des éléments du décor primitif

19 Malgré les travaux de restauration, une partie du décor primitif a été conservée. Les parements en petit appareil étaient enduits et l’ensemble de l’intérieur badigeonné en blanc. Les travées 1 et 2 de la tribune nord présentent des traces de faux joints en noir qui recouvrent les arcades. Les assises sont horizontales, de hauteurs alternées de 14 à 15 cm et 19 cm pour une longueur de 40 cm, et ne respectent nullement la disposition des claveaux (Fig. 4, a et 11). En haut du pilastre 3 du mur nord de la nef, on a pu relever un personnage assis sur une chaise, peint en rouge sur un fond blanc avec des traits noirs pour rehausser certains détails. Ce personnage a été “ décapité ” par l’insertion des voûtes d’ogives (Fig. 4, b et 12).

Fig. 11 : Le parement interne du mur nord de la nef, travée

1 : détail des faux joints sur fond blanc conservés au-dessus de la baie de la tribune. Notons que les “ assises ” ne respectent pas les claveaux (cf. Fig. 4, a).

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Fig. 12 : Le parement interne du mur nord de la nef, au sommet du pilastre de la travée

2. Détail d’un personnage assis tenant un sceptre (cf. Fig. 4, b).

20 Sur le mur sud, l’arcade de la travée 4 de la tribune méridionale a été partiellement obturée pendant la phase suivante (cf. infra). Un sondage pratiqué dans son remplissage a révélé les vestiges d’un décor peint sur l’intrados (Fig. 13), qui a été dégagé et restauré par l’atelier de Brice et Geneviève Moulinier.

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Fig. 13 : Le mur sud de la nef, travée 5.

Relevé et photo des peintures conservées à l’intrados de la baie de la tribune (relevé et photo : atelier Brice et Geneviève Moulinier, reproduction interdite).

21 Au total, une longueur de 2,20 m a été dégagée. Les images conservées se divisent en deux éléments. À l’origine, tout le piédroit oriental de la baie était occupé par un saint bénissant dont seules la tête et la main droite subsistent. Son identité reste à déterminer. Son visage rose clair et son auréole rouge et jaune se détachent sur un fond ocre clair. Une partie de ses épaules montre une robe ou un habit bleu. L’ensemble est délimité par une bordure composée de deux bandes jaune et rouge (extérieur).

22 L’intrados de l’arc est également délimité par une bordure jaune et rouge dans laquelle des entrelacs forment des médaillons circulaires occupés par des animaux fantastiques (griffon et dragon). Au niveau du départ de l’arc, un personnage estropié, assis et nu, essaie une béquille. Le fond est rouge avec des entrelacs blancs et des animaux jaunes. Le personnage est blanc et rose clair. La datation de cet ensemble reste délicate. La fourchette chronologique proposée par le restaurateur, de la fin du XIe ou du début du XIIe s., est à prendre comme simple indicateur. Hormis le flou inhérent à la datation des programmes peints, certains éléments du décor ont pu être réalisés ou refaits un certain temps après la construction de l’édifice, peut-être à la suite de l’achèvement de la rotonde, par exemple (cf. infra).

Datation de la première phase

23 Des indices textuels et stylistiques permettent de proposer une fourchette chronologique pour la construction de cette première église. D’une part, la date de la fondation de la rotonde, mentionnée par des chroniques ultérieures vers 1042-1045, donne un terminus ante quem. D’autre part, les caractéristiques des techniques de

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construction observées sont plutôt typiques de la première moitié du XIe s. et on peut penser que la nef a été édifiée peu d’années avant la réalisation de la rotonde, probablement avant la fin de la première moitié du XIe s.

Phase 2, l’ajout de la rotonde

24 Il existe un doute quant à l’achèvement de la façade occidentale de ce premier édifice. Si elle a effectivement été construite, elle devait être terminée depuis peu lorsqu'on l'abattit pour ajouter la rotonde. Cette construction circulaire se compose de deux parties, une cage (ou un noyau central) installée sur onze piles circulaires et un mur constituant l’enveloppe extérieure. Le diamètre hors oeuvre de la rotonde atteint 23,30 m (21,90 m dans l’oeuvre) avec un déambulatoire de 6 m de large et un diamètre de 9,70 m pour le noyau central. La hauteur des piliers du sol au tailloir est de 4,70 m contre une hauteur totale de l'étage de 8,40 m.

Le noyau central

25 Les onze colonnes maçonnées du noyau central sont reliées par des arcs fourrés en plein cintre à double rouleau à l’intérieur et à rouleau unique sur le parement extérieur. Les claveaux ont une longueur de 29 à 30 cm pour une largeur de 11 à 15 cm à l'intrados et 15 à 18 cm à l'extrados. Leurs formes et leurs dimensions sont régulières et correspondent à celles des claveaux des arcs doubleaux du déambulatoire et des arcs formerets des baies de l'enveloppe extérieure. La plus grande partie est en granit ou leucogranit gris mais une certaine recherche de la polychromie, quoique un peu aléatoire, s'observe dans l'utilisation occasionnelle de granit rose ou de calcaire. Les faces des claveaux présentent des traces de layage régulières en raison de 35 à 45 coups pour 10 cm.

26 L'épaisseur du mur à ce niveau est de 0,90 m contre un diamètre de 0,75 m pour les piliers. Ceux-ci sont composés de demi-tambours de leucogranit grossier de couleur beige. Les hauteurs sont variables et la mise en œuvre est assez peu soignée. Les dernières pièces, sous les chapiteaux, sont en calcaire. Chaque tailloir de ces piliers supporte sur sa face externe une imposte moulurée en encorbellement, également en calcaire, qui sert de départ pour l’arc doubleau, lequel retombe sur les chapiteaux des colonnes engagées du mur extérieur. La grossièreté des piliers contraste avec la finesse et la régularité des chapiteaux et de leurs tailloirs en calcaire. Ceux-ci, de 1,2 m de côté, comportent des profils moulurés différents. La sculpture des chapiteaux représente des animaux, dont des singes et des lions ou des chats (GARNIER 2002. L’auteur interprète le caractère symbolique de ces chapiteaux où il est également question d’une opposition ombre/lumière). Ces chapiteaux appartiennent à un groupe répandu en Berry, datables du milieu du XIe s. sans que l’on puisse vraiment établir une chronologie précise (VERGNOLLE 1985 : 259, 265-273). Ils ont été réalisés en un calcaire oolithique blanc et fin qui pourrait provenir des carrières d'Ambrault.

27 Notons que chaque pilier présente une série de trois encoches du sol jusqu'à une hauteur de 1,60 m environ, destinées à loger des barreaux entre les piliers. Ceci suggère que le monument reliquaire était enfermé, les barreaux interdisant de pénétrer dans l'enclos central. L’époque de cet aménagement reste inconnue mais est probablement postérieure à la construction primitive. Les sondages ont mis en

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évidence des crochets en fer, scellés sous les piliers, qui représentent une autre façon de fermer la cage centrale (cf. infra).

28 Au-dessus des arcades, la maçonnerie est composée d'un moyen appareil d'une très grande qualité : quatre assises de leucogranit gris surmontées par quatre assises de calcaire (Fig. 14). Tous les blocs présentent des traces de layage obliques très régulières, d’une densité de 35 à 45 par 10 cm en moyenne. Notons que les blocs ont été posés de manière à ce que les traces de taille soient toujours orientées dans le même sens, soit en descendant de droite à gauche.

Fig. 14 : Élévation d’une partie du parement interne du noyau central de la rotonde travées 9 à 11).

29 Il existe deux niveaux de trous de boulins (Fig. 14). Le premier est à 1,45 m au-dessus du niveau des chapiteaux, sous la forme d’un trou de 8 cm de côté placé au milieu de l’espace entre chaque arc. Le deuxième niveau est situé à la base de la première assise de calcaire, soit à 2,60 m au-dessus des chapiteaux : les trous sont carrés, de 9 à 10 cm de côté, tous taillés dans un des angles inférieurs d'un bloc, leurs ouvertures étant légèrement chanfreinées. Les trous du premier niveau semblent avoir été condamnés pendant le chantier de construction tandis que ceux du deuxième niveau ont tous été bouchés pendant la phase suivante.

30 La totalité des maçonneries du noyau central révèle le même mortier, de couleur jaune clair, composé essentiellement de très gros sables et de petits gravillons. On observe ce liant sur tous les éléments contemporains en opus quadratum du rez-de-chaussée (les piliers et la maçonnerie du noyau central, les arcs doubleaux du déambulatoire, la partie supérieure des colonnes engagées du mur extérieur). La différence de mortier entre ces éléments et l’enveloppe extérieure peut s'expliquer à la fois par un désir d'économie et par le souci de souligner la différence entre les maçonneries en petit appareil et les parties nobles (éléments porteurs en pierre de taille). De surcroît, le

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noyau central contenait le monument reliquaire ou commémoratif représentant le tombeau du Christ. Il n'est donc pas surprenant que les matériaux de construction et leur mise en œuvre soient plus soignés que ceux de l'enveloppe extérieure. Cette distinction se répète dans les maçonneries des deux étages (cf. infra).

Le mur extérieur : une implantation malaisée

31 Le mur extérieur, d’une épaisseur de 1,70 m, est divisé en onze travées de largeur inégale par des colonnes engagées. Chaque travée comporte une niche ou une absidiole de faible profondeur délimitée par un arc d’applique qui retombe sur les chapiteaux des colonnes engagées.

32 Le déambulatoire est couvert par des petites voûtes d’arêtes asymétriques, séparées par des arcs doubleaux fourrés qui relient les piliers du noyau central aux colonnes engagées du mur extérieur. Deux des bases de ces demi-colonnes comportent des motifs sculptés qui pourraient représenter la récupération d’éléments de la construction primitive. Les arcs doubleaux, d'une largeur de 0,50 m, présentent les mêmes caractéristiques que toutes les autres arcades de ce niveau. L'implantation irrégulière et asymétrique de la rotonde est répercutée sur le voûtement du déambulatoire : les arcs doubleaux sont rarement perpendiculaires aux piliers ou aux murs. Au lieu de correspondre à une recherche de stabilité pour le bâtiment, cette maladresse de construction semble avoir provoqué un certain nombre de désordres.

33 Les intrados des arcs et des voûtes ont été partiellement enduits par un bourrage de mortier de scellement, suivi par un enduit de mortier plus fin, d'une teinte plus foncée. Ont été appliquées plusieurs couches de badigeon blanc dont la première comporte des traces de peinture rouge dans les angles entre les arcs doubleaux et les voûtes. D'autres traces de rouge sont présentes sur les bases des chapiteaux du noyau central. Ceux du mur extérieur portent également des traces de peinture bleue (turquoise), jaune et blanche, qui pourraient révéler un embellissement attribuable à la phase suivante.

La datation de la phase 2

34 Les mêmes problèmes de datation existent pour cette phase. Logiquement, la fondation en 1042-1045 mentionnée dans les textes devait se référer à la rotonde car, sans elle, l’église primitive déjà construite (ou en construction) n’avait rien en commun avec le Saint-Sépulcre de Jérusalem. Certes on peut supposer un délai entre la fondation et le début des travaux mais rien ne permet d’évoquer des retards importants dans la construction. Les aspects stylistiques des chapiteaux et des similitudes dans les techniques de construction entre les phases 1 et 2 sont des indices qui permettent de proposer une datation à partir du milieu du XIe s.

La phase 2 : les matériaux et leur mise en oeuvre

35 Seul le parement interne du mur enveloppe a été observé, celui de l'extérieur ayant été restauré en 1992-94, sans analyse archéologique. Comme pour la nef, la maçonnerie est un appareil mixte : la pierre de taille est réservée aux colonnes engagées, aux montants des ouvertures et aux claveaux des arcs latéraux. Les faces externes montrent des traces de layage obliques mais la qualité générale de la taille n'est pas exceptionnelle.

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36 La mise en œuvre des blocs est plus soignée pour les colonnes que pour le reste. La pierre utilisée est un leucogranit assez grossier avec des inclusions de quartzite, d'un gris plus ou moins foncé. Quelques claveaux et des tambours de colonnes sont en granit rose ou, plus rarement, en calcaire. Ce mélange donne un certain effet de bichromie qui est toutefois loin d'être systématiquement recherché ou appliqué. Le reste de l'appareillage, y compris dans le cul-de-four des niches, est composé d'un petit appareil de blocs dégrossis et de moellons de calcaire local, de micaschiste ou de grès, à assises plus ou moins réglées.

37 Le mortier utilisé est semblable à celui de la nef. D'une couleur marron, il est friable, composé de sable et de terre avec des nodules de chaux et de rares charbons de bois. La totalité de la maçonnerie a été faite avec ce mortier, à la seule exception des chapiteaux des colonnes engagées qui sont scellés avec le même mortier que celui utilisé sur les arcs doubleaux du déambulatoire et les piliers du noyau central.

38 Malgré les restaurations de 1993-94, l’observation de plusieurs parties du parement primitif du mur externe a été possible et a révelé que le liant terreux était toujours antérieur aux différentes reprises de la maçonnerie. Il semblerait donc que le mur enveloppe ait été réalisé jusqu’à sa hauteur définitive en une seule étape.

39 À l’extérieur, le sommet est couronné par une arcature aveugle de 33 colonnettes avec des chapiteaux sculptés, surmontée par un bandeau à billettes. Viollet-le-Duc, qui a restauré cette partie, ne fait pas beaucoup d'allusions concernant les maçonneries d'origine, mais il remarque cependant que le mur extérieur était couronné d'un chêneau avec des gargouilles. Ceci conduit à penser que la partie supérieure a été ajoutée ou refaite, peut-être vers la fin du Moyen Âge. Sur le côté nord, au rez-de- chaussée, le parement externe comporte un fragment de frise sculptée, sans doute une récupération d’un élément de la première église et non pas le réemploi de sculptures d’origine antique3.

40 Les travaux de restauration des XIXe et XXe s. ont été très importants. Le sol en béton armé qui forme le plafond du déambulatoire a été ajouté vers 1908 afin d'empêcher l'écartement des murs de la rotonde mais a caché à jamais le parement du noyau central au niveau des bases des ouvertures du deuxième étage. Les contreforts internes, ou pilastres, ont été entièrement reconstruits, probablement au même moment que la réfection de l'arcature extérieure (1848-50). Le parement interne de l’enveloppe, un petit appareillage de moellons de grès, de micaschiste et de calcaire, a également été refait, voire reconstruit, mais à un moment antérieur aux grands travaux du XIXe s. Les montants des fenêtres dans la partie nord font partie de cette première phase de réfection, caractérisée par l'emploi d'un mortier blanc et fin, très friable.

La phase 3 : l’achèvement de la rotonde

L'ajout de deux étages

41 Le deuxième étage du noyau central marque une rupture dans la construction par rapport au rez-de-chaussée. La tribune est désormais composée de quatorze colonnes monolithes en calcaire blanc. D'un diamètre de 48 cm, elles ont été tournées sur un tour comme en témoignent des trous carrés nécessaires pour tourner les cylindres ébauchés lors de leur façonnage. Le calcaire utilisé pourrait provenir des carrières des alentours de Saint-Marcel, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest. Plusieurs de ces colonnes

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présentent une finition de cannelures horizontales peu profondes. Toutes reposent sur des bases moulurées en granit gris et sont surmontées par des chapiteaux à tailloir, également en granit gris. Les corbeilles sont dépourvues de tout décor à l'exception d'une seule, réalisée en calcaire et richement sculptée. Malgré la tentation offerte par leur surface blanche, lisse et assez tendre, les colonnes présentent peu de graffiti. Hormis les inévitables noms et dates, on observe la représentation simple d'une église et de nombreuses croix.

42 Cette colonnade soutient quatorze arcs brisés surmontés par une suite d’archivoltes en plein cintre. Les claveaux (de 14 à 15 par arc) sont réalisés en leucogranit gris ou beige grisâtre tandis que la moulure et la maçonnerie entre les arcs sont en calcaire. Le parement au-dessus du cordon est en leucogranit : il est surmonté par un nouveau bandeau mouluré en calcaire qui marque la limite entre le premier et le deuxième étage. Les claveaux de ce niveau sont plus longs (35 à 42 cm) et la différence entre la largeur à l'intrados et celle de l'extrados (de 14 à 21 cm et de 15 à 28 cm en moyenne) est plus importante. Ceci donne un aspect plus trapézoïdal que dans les cas des claveaux presque rectangulaires du rez-de-chaussée. Leur finition est moins soignée et les angles extérieurs sont souvent écornés.

43 Signalons que presque la moitié des claveaux ont été gravés d'une croix et que l’un d'eux porte une étoile à cinq branches. Ces croix pourraient être des marques de tâcheron mais leur quasi-absence sur le parement externe évoque la possibilité d'une autre signification : elles sont réservées aux arcs de la face interne du noyau, tournée vers la représentation du tombeau du Christ.

44 La maçonnerie située au-dessus de la moulure est également moins soignée que celle du rez-de-chaussée. Elle est composée de petits blocs de calcaire dont les faces externes sont moins bien finies (un layage de 15 à 25 coups par 10 cm environ) et la mise en œuvre est moins régulière. Au-dessus des arcades, le parement est composé de blocs de grès et de granit. Le mortier employé dans ces deux étages, de couleur crème et composé de gros sable, est homogène et se distingue nettement de celui du rez-de- chaussée.

Entre les deux étages, une toiture à faible pente ?

45 Le parement externe de ce niveau est semblable à celui de l'intérieur hormis l’absence de la moulure au-dessus des arcs. Au centre des retombées de chaque arcade, on observe une série de corbeaux moulurés reposant sur les tailloirs des chapiteaux. Ils correspondent à ceux des pilastres situés à l’intérieur du mur externe. Chacun est associé à une encoche, large de 10 cm, qui suggère que les corbeaux soutenaient des poutres obliques faisant partie d'une charpente plutôt que d'un plancher.

46 La forme de la toiture pose problème. Avant les restaurations de Viollet-le-Duc, la rotonde était couverte par une toiture conique qui obturait les ouvertures du dernier étage. L’architecte a remplacé cette couverture par un toit en terrasse au-dessus de la tribune du premier étage, transformant ainsi le dernier niveau en clair-étage, coiffé par une coupole. Même si les solutions techniques adoptées par Viollet-le-Duc étaient inadaptées à la fois au climat français et aux possibilités structurelles de l’édifice (couverture en plomb), on ne peut pas écarter l’hypothèse d’une couverture primitive composée d’une charpente à faible pente au-dessus de la tribune avec un toit conique pour le deuxième étage. Ce type de configuration a été utilisé sur plusieurs grands

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édifices romans comme Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, par exemple. La toiture conique qui couvrait l’ensemble avait certes l’avantage d’offrir une meilleure protection et d’être soutenue par le mur enveloppe, mais sa forme concorde mal avec l’esprit de l’édifice et elle pouvait être le résultat d’une réfection plus tardive. En l’absence d’autres données, les deux solutions sont possibles.

Le dernier niveau

47 Le dernier niveau est composé d'un mur de 50 cm d'épaisseur séparé de celui du dessous par un bandeau saillant mouluré dont le profil est identique à celui qui se trouve au-dessus des arcades du premier étage. Il est également marqué par une série de trous de boulins. Il est divisé en huit travées par des baies à cintre brisé, réalisées avec le même type de claveaux que les arcades du premier étage. On observe la même concentration de croix gravées sur ces claveaux et leur absence sur le parement extérieur. Les profils de ces arcs brisés ont souvent été pris pour preuve d'un achèvement tardif de l'édifice mais, vus de face, ces arcs sont loin d'être en tiers point et leur profil a sans doute été un peu exagéré par la courbure du mur. La maçonnerie de ce dernier niveau est composée d'un moyen appareil de blocs de granit avec une assise de granit clair qui fait le tour du noyau au niveau des sommiers des arcs.

48 Ce niveau a malheureusement subi toutes les restaurations et restitutions du XIXe s. Le sommet est actuellement couronné par une corniche avec un décor de billettes, ajoutée par Viollet-le-Duc en 1848-1850. Il est donc impossible de savoir si ces fenêtres ont été vitrées à l'origine même si c’est peu probable. Le sol formé par la dalle en béton qui couvre le déambulatoire du premier étage, arrive au niveau des seuils des baies, ce qui rend impossible le repérage d’une éventuelle toiture.

49 Malgré la rupture entre les deux phases de construction et les différences de techniques de construction, l'ensemble garde une certaine homogénéité en ce qui concerne le décor et l'aspect général de la rotonde. Si nous sommes loin des décors bichromes ou polychromes de certains monuments romans, les différences entre le calcaire blanc et les granits gris et roses ont été bien employées, en accentuant les registres horizontaux dans un édifice qui se développe plutôt en hauteur : par exemple le gris des piliers et des assises en granit contre les chapiteaux en calcaire ou le contraste entre les assises supérieures en calcaire du rez-de-chaussée et le gris du parement sous-jacent ou, encore, les piliers et tailloirs blancs contre les chapiteaux gris du premier étage.

La datation de la phase 3

50 Cette phase est vraiment la plus difficile à dater en raison de l’absence totale de sources écrites et de la grande pauvreté des éléments stylistiques. Si les similitudes des techniques de construction des phases 1 et 2 permet d’envisager deux campagnes très rapprochées, celles de la phase 3 sont moins faciles à cerner. On observe l’emploi d’une nouvelle catégorie de pierre et un changement dans l’aspect général des claveaux. Ces éléments ne sont malheureusement pas datables. Le seul chapiteau sculpté du premier étage est en calcaire et présente des entrelacs végétaux dont le style a été simplement attribué au XIIe s. (MICHEL-DANSAC 1931 : 533). L’étude archéologique n’a pas pu apporter

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davantage de précision à cette fourchette somme toute bien large. Il reste donc une incertitude quant à la durée estimée entre cette phase, les précédentes et les suivantes.

Le noyau central et son monument reliquaire disparu

51 Un sondage d’évaluation a été pratiqué au cœur du noyau central à la suite de l’enlèvement des marches et de l’estrade du XIXe s. (Fig. 15). La fouille a mis au jour un fragment du sol primitif et une maçonnerie circulaire représentant les fondations du monument reliquaire démoli en 1806. Dans un secteur où le sol primitif avait été détruit, le sondage a été poursuivi jusqu’aux fondations.

Fig. 15 : La rotonde, vue verticale du quadrant N-E (sondage 1).

52 Le sol est composé de dalles de calcaire gris de formes diverses et d’une épaisseur de 8 à 12 cm (Fig. 16). On observe également la présence de quelques blocs de calcaire blanc et tendre ainsi que des dalles bien taillées de forme triangulaire. Celles-ci sont des éléments de récupération. Les joints sont peu importants, remplis d’argile grise. Ces pavés sont pris dans une chape de mortier blanc et dur qui repose lui-même sur une couche de 6 à 10 cm de mortier jaune et friable. Des traces du même mortier blanc observées dans les coupes sud et ouest du sondage indiquent la présence de ce sol partout dans l’espace central et sans doute dans le déambulatoire.

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Fig. 16 : La rotonde, détail du pavage primitif conservé sous le dallage du XIXe s. (éch. 1m).

53 L’agencement des pierres ne montre pas d’organisation particulière (cercles concentriques, damier, par exemple). Néanmoins, une limite est visible entre les dalles posées dans la partie centrale et celles qui occupent le cercle constitué par les onze piliers. Ces dernières suivent la courbe naturelle du cercle dont la limite intérieure correspond à celle créée par des blocs de granit gris qui soutiennent les bases des piliers. Ces vestiges ont été conservés in situ.

54 Les bases de deux piliers ont été complètement dégagées. Deux pattes ou crochets de fer ont été remarqués, scellés dans le mortier des joints entre les bases et les blocs de granit situés au-dessous (Fig. 17). Leur présence évoque l’existence de cordes tendues entre les bases et les chapiteaux des piliers. On ignore leur fonction mais on peut imaginer une espèce d’écran en tissu qui aurait permis d'isoler le monument central du déambulatoire ou, tout simplement, un dispositif pour suspendre des tissus décoratifs au moment des fêtes, par exemple.

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Fig. 17 : La rotonde, détail d’un crochet en fer scellé entre le sol et la base de la colonne IV (éch. 20cm).

55 Le sol a été posé sur un radier de pierre et de mortier qui s’étend sur toute la surface du noyau central. Il recouvre un plot maçonné, de forme circulaire, situé au centre de cet espace (Fig. 18). Son diamètre de 4,40 à 4,60 m correspond à une profondeur d’au moins 1,40 m. La surface de cette maçonnerie qui englobe une grande dalle de calcaire est encore dure et conserve l’empreinte d’un bloc ou d’une planche en bois.

Fig. 18 : La rotonde, détail du sondage avec les fondations du socle central à droite (éch. 1m).

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56 Une partie des fondations des piliers centraux a été observée (colonne IX, Fig. 19). Les onze piles sont reliées par un mur de chaînage qui forme alors un radeau annulaire d’une largeur de 1,20 m environ au sommet. La dernière assise correspond au niveau du pavage et chaque base de pilier est posée sur un bloc carré de granit gris, de 70 cm de côté. L’ensemble est lié par un mortier jaune et dur.

Fig. 19 : La rotonde, détail de la base colonne du pilier IX, posée sur une dalle de granit au sommet des fondations.

57 L’espace entre ces deux fondations est rempli d’une masse de remblais. La nappe phréatique a été décelée à une profondeur de 1,40 m par rapport à la surface du pavage primitif et le sol géologique, un calcaire marneux, rencontré à une profondeur de 1,60 m. Ceci permet d’écarter l’hypothèse d’un caveau ou d’une crypte au centre de la rotonde. Trois trous de poteau, disposés en croix, ont été observés dans ces niveaux. Ils sont de section carrée, de 50 cm de côté pour une profondeur de 75 cm. Leur remplissage a été scellé par la mise en place du pavage, ce qui suggère qu’ils faisaient partie des aménagements du chantier de construction, pour ancrer l’échafaudage, par exemple. Le socle avait-il un autre rôle, comme celui de plateforme pour l’installation d’une grue ? Sa position centrale serait idéale pour la construction d’un édifice circulaire.

58 L’interprétation de ces vestiges laisse peu de doute, car il s’agit des soubassements du monument reliquaire central, démoli en 1806, dont la forme est connue des textes4. Il consistait en une tour d’au moins trois mètres de hauteur pour un diamètre de 2,50 m. Le monument était composé d’une arcature aveugle qui enfermait une pièce exiguë, accessible par une porte en plein cintre et abritant un autel et une dalle funéraire plate, posée à droite de l’entrée. Le coffre-reliquaire reposait sur cette dalle. Cette disposition est conforme aux images médiévales du Saint-Sépulcre de Jérusalem, qui montrent une sorte de pavillon composé de quatre piliers surmontés par des arcades, lesquelles soutiennent à leur tour une autre arcature de colonnettes, coiffée par un toit conique. Des fragments du monument central ont été réutilisés dans les soubassements de l’autel mis en place après 1806.

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59 À Parthenay, la fouille de l’église du Saint-Sépulcre en 1986 a mis en évidence un sanctuaire maçonné et surélevé au centre d’une rotonde de 29 m de diamètre avec un noyau central composé de douze piliers (FOURTEAU-BARDAJI 1986a : 35). Le socle maçonné, moins massif que celui de Neuvy, pouvait soutenir une structure en bois.

60 À Neuvy, ce monument central était sans doute présent dès la construction de la rotonde, mais il n'en va pas de même en ce qui concerne les reliques. Nous savons que le prélat Eudes de Châteauroux avait apporté des fragments de la Croix et des gouttes du Précieux Sang en 1257 et qu’un fragment de pierre récupéré lors de la démolition du monument portait l’inscription “ hic sunt reliquie de sepulcro domini et de loco calvarie ”, mais y avait-il des reliques au moment de la fondation ? Rien n’empêche la construction d’un édifice commémoratif qui resterait vide en attendant une dotation ultérieure. C’est une situation qui n’a rien de choquant pour une copie fidèle du Saint-Sépulcre qui était lui-même vide, Jésus ayant ressuscité (DIERKENS 1997 : 248-249, KROENSEN 2000 : 12).

61 Le sondage n’a mis au jour aucune sépulture, ni même ossements résiduels, ce qui permet d’écarter un rôle funéraire pour la rotonde. Ceci contraste avec la rotonde de Parthenay qui a livré de nombreuses sépultures médiévales et modernes. Signalons toutefois la présence d’un gisant polychrome de “ l’époque gothique ”, accolé au mur externe dans la partie sud-ouest du déambulatoire qui avait été partiellement fouillé lors d’une tentative malencontreuse de déplacement. Le gisant, repose sur un socle maçonné qui englobe une partie d’un sarcophage trapézoïdal, prélevé en bloc. Dans l’optique de préserver des vestiges, son déplacement fut abandonné et la fouille des ossements ne fut pas menée à terme. On ignore donc s’il s’agit d’une inhumation primaire, donc celle de la personne représentée qui était vraisemblablement un ecclésiastique ou d’une réutilisation de la tombe.

Les circulations

62 L’achèvement de la deuxième phase de la rotonde a créé un édifice bipolaire : l’église à l’est et la rotonde à l’ouest. Il est sans doute impossible de réellement connaître le fonctionnement de cet ensemble, mais l’église était probablement utilisée pour les offices courants tandis que la rotonde, avec sa replique de l’Anastasis, devait servir de lieu de pèlerinage. Elle devait servir avant tout pour les célébrations pascales dont la liturgie et le symbolique, et donc les dispositifs architecturaux nécessaires, étaient en constante évolution pendant le Moyen Âge (KROENSEN 2000 : 12, 18-19, 151-173, par exemple). À Neuvy, cette tradition se perpétue aujourd’hui. Ce rôle est conforme à l’utilisation de l’église de la Résurrection à Jérusalem. En revanche, on ne sait pas si le chapitre des chanoines fut fondé en même temps que l’édifice et l’emplacement du chœur des religieux reste inconnu (dans l’hypothétique abside ?).

63 Le plan montre que les deux parties de l’ensemble étaient indissociables : au rez-de- chaussée, le déambulatoire communique avec les trois vaissaux de la nef, permettant une circulation aisée autour du monument reliquaire. La porte située dans le quart nord-ouest de la rotonde devait être l’entrée principale. Celle du bas-côté sud est plus petite : était-elle réservée aux chanoines, par exemple ? La porte du bas-côté nord existait-elle avant sa reconstruction au XVe s. ? Nos connaissances de l’organisation des points d’accès à la nef avant cette période restent incomplètes.

64 La circulation au niveau des tribunes est plus difficile à appréhender. Deux portes permettaient de passer de la rotonde aux collatéraux. Elles sont partie intégrante de la

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construction du mur extérieur de la nef, ce qui montre que la communication entre la nef et la rotonde était prévue dès le début du projet. Les modifications successives de l’édifice ont partiellement condamné celle du sud et supprimé l’utilité de celle du nord qui débouche sur l’extrados des voûtes du bas-côté.

65 L’accès à l’étage s'effectue par un escalier à vis placé dans une tourelle accolée à l’extérieur, à côté de la porte d’entrée. La forme primitive de la tourelle était plutôt carrée mais Viollet-le-Duc l’a modifiée en 1848-50, ajoutant un petit clocheton en même temps. Les transformations postérieures à l’achèvement de l’ensemble et aux destructions de la guerre de Cent Ans ont effacé d’autres points d’accès éventuels. L’étroitesse de l'escalier rend difficile le passage d’un grand nombre de fidèles et on peut se poser la question de savoir si ce niveau n'était pas plutôt réservé aux chanoines et aux personnes privilégiées. Le faible nombre de graffitis sur les colonnes est peut- être un indice en ce sens.

Phase 4 : la transformation de la nef

La nef

66 La dernière grande phase de construction a entraîné une transformation radicale de la forme de la nef mais ne semble pas avoir touché à la rotonde. L’hypothétique structure basilicale disparaît avec la démolition du chevet, remplacé par un simple mur plat. Celui-ci est éclairé par deux fenêtres ébrasées hautes et étroites, surmontées par une rosace (Fig. 20). L’emplacement de ce mur correspond à celui d’un pilier cruciforme primitif dont la partie inférieure a été conservée dans l’angle sud-est du chevet (Fig. 20).

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Fig. 20 : Elévation du parement interne du chevet (Phase 4).

67 Ce changement est concommittant à la mise en place des trois travées de voûtes d’ogives qui remplacent l’ancienne voûte en berceau. De taille inégale, leur implantation a été partiellement conditionnée par les piliers cruciformes primitifs. Les piliers 1, 2 et 4 ont été épaissis, partiellement englobés par l'ajout d'une maçonnerie en pierre de taille ou refaits, afin de créer des organes de support adéquats. Leur largeur passe de 0,72 m à 1,60 m au rez-de-chaussée et de 0,50 m à 1,60 m à l’étage. Chaque clé de voûte est ornée d'un décor végétal (Fig. 21).

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Fig. 21 : Les roses des clés de voûte de la nef (Phase 4).

68 Il y a tout lieu de penser que ces travaux se sont déroulés d’est en ouest. Les parties inférieures des piliers 4 de la travée orientale des nouvelles voûtes ont été réalisées avec des blocs de leucogranit marron et rose qui proviennent peut-être de la démolition du chevet primitif. Le reste de la maçonnerie est composé d'un petit appareillage de moellons en assises réglées aux joints beurrés. Les piliers 1 et 2 ont été réalisés avec de la pierre neuve, un calcaire cristallin de couleur blanc ou gris clair, provenant des bancs du calcaire de l'Hettangien ou du Sinémurien inférieur. Des carrières se situent à quelques kilomètres au sud-est de Neuvy. Les blocs sont relativement allongés par rapport à leur hauteur. Les traces de taille indiquent l'emploi d'un marteau taillant et leur densité, de 50 à 80 coups pour 10 cm, est due à la dureté de la pierre. Le mortier utilisé est assez dur, composé de gros sable. Il est identique à celui mis en oeuvre dans la reconstruction de la partie supérieure du mur sud du collatéral sud (cf. infra).

Le collatéral sud

69 Cette phase marque un changement dans la couverture des collatéraux, mais seul celui du sud en conserve des traces importantes. La partie supérieure du mur sud de la nef est refaite à partir du niveau des extrados des arcades de la tribune (Fig. 22). Le mur gouttereau sud est également reconstruit à partir du sol de la tribune. Les arases des contreforts externes ont été observées. Le nouveau mur est aveugle, à l’exception d’une petite fenêtre carrée.

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Fig. 22 : Le parement sud du mur sud de la nef, élévation au niveau de la tribune.

70 Dans le mur sud du vaisseau, les parements des deux travées entre les travées 1-2 et 3-4 présentent deux encoches verticales (Fig. 22 a, a', 23, 24). Leurs dimensions sont de 1,70 m de haut sur une largeur et une profondeur de 28 cm. Celle de l'ouest est totalement intégrée dans l'épaisseur du mur et des empreintes dans le mortier de ses parois montrent la présence, à l'origine, d'une poutre verticale. Celle de l'est est à face ouverte mais porte aussi les traces d'une poutre. Leur forme et leur disposition évoquent des emplacements destinés à ancrer les éléments verticaux d'une charpente. Ce dispositif astucieux permet donc d'envisager une toiture pour la couverture de l'étage du collatéral sud à la place de l’hypothétique voûte en berceau de la première phase (Fig. 7).

Figs. 23 : Le parement sud du mur sud de la nef : détail d'une loge de poutre verticale dans la maçonnerie de la reconstruction de la nef (cf. Fig. 22, a).

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Fig. 24 : Le parement sud du mur sud de la nef : détail d'une loge de poutre verticale dans la maçonnerie de la reconstruction de la nef (cf. Fig. 22, a’).

71 Il semblerait que les baies 2, 3 et 4 soient restées ouvertes pendant cette période. La travée 5, la plus orientale, a été partiellement obstruée par l'agrandissement du pilier 4. Une petite niche, de 0,50 m sur 1,10 m, a été aménagée dans la partie est de la baie (Fig. 9 b et c, 22). Au rez-de-chaussée de la nef, les anciennes arcades des travées 4 et 5 ont été aveuglées, enfermant l’espace du maître autel, désormais accessible par deux nouvelles portes en arc brisé, aménagées dans les murs sud et nord du vaisseau (Fig. 4, 9 c et d). Ceci suggère qu’un chœur liturgique fut séparé du reste du vaisseau, son accès étant réservé aux chanoines.

La liaison avec la rotonde

72 La grande ouverture qui assure la communication avec la rotonde n'est pas dans l'axe central de la nef, mais décalée vers le nord. Le mur de la rotonde présente une épaisseur de 2,20 m à ce point. De ce côté, l'arc est réalisé avec des claveaux en granit ou grès rose d'une profondeur de 20 à 30 cm. Le reste de l'intrados n'est qu'un fourrage de pierres.

73 Du côté de la nef, l'arc a été refait et renforcé par un arc de décharge qui possède un profil en quart de cercle applati dont un claveau sur deux est saillant par rapport au plan du mur (Fig. 8). Cette reprise a été réalisée avec un mortier jaune et dur. La réfection de l'arc de l’ouverture centrale a entraîné le remplacement de tous les claveaux primitifs, sans doute en grès, avec des claveaux d'un calcaire cristallin très dur, de couleur grise. Leurs dimensions diffèrent également de celles des claveaux d'origine du côté de la rotonde, avec une forme rectangulaire plus allongée (longueur de 40 cm sur une largeur externe de 19 cm et interne de 15 cm).

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74 À l'opposé de ceux des arcs de la première phase de la rotonde et de la nef primitive, ces nouveaux claveaux ne présentent pas de traces de layage. Leurs faces ont été dressées avec un outil pointu (pointrolle, smille, etc,) qui a laissé de nombreux impacts. Les mêmes traces ont été observées sur les claveaux de la porte de la cinquième travée du mur sud de la nef (Fig. 9, e). La raison de cette reprise est inconnue, mais devait viser à la consolidation d'une arcade primitive en mauvais état.

75 En ce qui concerne le mur sud du vaisseau, le parement de la travée 1 a été enlevé sur une profondeur de 20 à 30 cm environ, comme celui du mur nord. Il a été refait en pierres de taille de calcaire, chaînées à celles du pilier de la voûte. Le mortier utilisé est identique à celui de la réfection de l’ouverture centrale. L'arrachage des parements et leur réfection dans les travées adjacentes à la rotonde sont donc contemporains de l'insertion des supports pour les voûtes. Cette transformation a sans doute été nécessaire du fait de l'implantation d'une voûte symétrique dans un espace délimité par le mur circulaire de la rotonde, lui-même accolé maladroitement à la nef.

Un nouveau décor peint

76 L’intérieur de la nef a reçu un nouveau décor qui a également souffert des travaux de restauration successifs. Dans l’extrémité ouest du mur sud de la nef, le parement en pierre de taille comporte des traces de faux joints en rouge sur un fond blanc. Ce même décor, mieux conservé, a été observé sur la partie condamnée de la baie de la travée 4 de la tribune tribune du mur sud (Fig. 25). Les chapiteaux des piliers des nouvelles voûtes étaient rehaussés par des feuillages peints en jaune et en rouge sur les fonds sculptés des corbeilles.

La datation de la phase 4

77 Ces travaux ont toujours été attribués au milieu du XIIIe s. car le cardinal Eudes de Châteauroux a consacré le maître autel de l’église en 1246 et a apporté des reliques de Terre-Sainte en 1257. Or un faisceau d’indices suggère une date plus ancienne. Le système de voûtement trouve des parallèles dans l’abbatiale de Noirlac (1160-1180 pour le transept) et, plus encore, dans l’église du prieuré de Ruffec (entre 1160 et 1184, d’après BARGE, HUBERT J. 1929 : 208 et MALLET 1987 : 235). Ici on trouve les mêmes arcs doubleaux brisés, les mêmes nervures à tore dégagé par un cavet et des retombées de voûtes sur culs-de-lampes (CROZET 1932 : 126-127).

78 L’étude des techniques de taille de la pierre (notamment pour les claveaux des arcs doubleaux et les piliers) montre l’utilisation d’un marteau taillant à lame lisse, sans aucune trace d’outils brettés. Ceux-ci apparaissent en Berry vers la fin du XIIe et au début du XIIIe s. où ils peuvent être utilisés avec des outils à lame lisse. Avec prudence, on peut considérer leur absence ici comme un indice d’un chantier antérieur au début du XIIIe s., en tous cas avant les années 1230. Il est donc assez tentant de faire remonter cette dernière phase de construction au troisième tiers du XIIe s., au plus tôt. La prudence exige toutefois que l’on propose une fourchette de datation entre le dernier tiers du XIIe s. et le premier tiers du XIII e. Si nous acceptons cette hypothèse, la construction et la modification de l’ensemble ont été réalisées dans une période de moins de 200 ans, à compter du milieu du XIe s.

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De la fin du Moyen Âge à nos jours

79 Les données archéologiques permettent de préciser l’étendue des destructions mentionnées en 1399. Premièrement, l’effondrement du chevet semble être limité au bas-côté nord car la maçonnerie du mur oriental de la nef est encore d’origine et bien cohérente avec celle des voûtes qui ne présentent pas de traces de réfection. En revanche, les voûtes du collatéral nord étaient certainement effondrées, au niveau du bas-côté aussi bien qu’à celui de la tribune. Les travaux de réparation, sans doute exécutés à partir du début du XVe s., se sont limités à la reconstruction du mur gouttereau nord (qui est plus épais que celui du sud) et à celle de ses voûtes en berceau. Le niveau de tribune est supprimé définitivement, à l’exception des deux travées orientales qui sont reconstruites mais aveugles.

80 En ce qui concerne la fermeture des arcades du rez-de-chaussée du vaisseau, le processus de clôture était déjà bien avancé par les aménagements associés à la mise en place des voûtes d’ogives. Cette évolution est peut-être à mettre en relation avec un désir d'isoler le nouvel espace du maître autel, et d’en limiter l’accès dans un édifice désormais raccourci, plutôt qu’avec un problème de sécurité.

81 Dans la tribune du collatéral sud, au niveau du sol actuel, les pierres des pilastres 3 à 5 ont été rubéfiées et éclatées par la chaleur. On est tenté d’y voir l'installation de petits foyers par les habitants de Neuvy qui utilisaient l'église comme refuge pendant la guerre de Cent Ans.

82 L’étude des différentes phases de restauration, ainsi que celle des processus qui ont conduit à l’état actuel du monument, constitue presque un sujet à part entière. Un bref résumé est présenté en annexe.

Interprétation : de terre sainte en Berry, un cas singulier ?

83 L’architecture des rotondes et, plus particulièrement, du Saint-Sépulcre de Jérusalem, a fait l’objet de plusieures publications récentes (ADAM 1997 ; BAUTIER-BRESC 1993 ; CANTINO- WATAGHIN 1996 ; HEITZ 1991 ; 1994 ET 1996 ; JANNET, SAPIN 1996 ; OUSTERHOUT 2003, par exemple). Des recherches sur le rôle du Saint-Sépulcre dans l’architecture occidentale ont souligné l’importance de la compréhension de l’évolution du modèle hiérosolymitain et d’une analyse architecturale et liturgique qui dépasse la simple comparaison des formes (PEQUIGNOT 2000). En effet, les copies directes de l’Anastasis qui reprennent les dispositions du modèle hiérosolymitain et qui perpétuent réellement la mémoire du Saint-Sépulcre dans l’Occident sont très rares par rapport au nombre d’édifices appartenant à d’autres catégories (op. cit.).

84 Hormis le modèle hiérosolymitain qui a subi de nombreuses transformations, on peut distinguer plusieurs catégories d’édifices à plan centré, qui, malgré des similitudes, relèvent d’inspirations différentes : les baptistères5 et chapelles mariales (qui s’inspirent des habitudes antiques et qui se rattachent à des édifices dédiés au culte de la Vierge), les édifices funéraires, les rotondes faisant partie de complexes plus larges et qui ne sont finalement que des évocations indirectes de l’église du Saint-Sépulcre (Saint-Benigne de Dijon, Charroux, par exemple). À titre d’exemple, la rotonde de Llanleff en Bretagne (XIe s.) ne peut être rapprochée de Neuvy en raison de son statut

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d’église mariale, malgré les très nombreuses similitudes en ce qui concerne sa forme, les techniques de construction, voire les matériaux utilisés.

85 Les rotondes de Parthenay et de Neuvy, aussi bien que les édifices cruciformes de Sainte-Croix de Quimperlé et de Villeneuve-sur-Aveyron, sont tous des interprétations de l’église du Saint-Sépulcre, malgré d’importantes différences morphologiques. Plus près du Berry, la rotonde de Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne) est une évocation directe du Saint-Sépulcre, mais en miniature6.

86 L’édifice de Neuvy-Saint-Sépulcre se distingue par certains petits raffinements. L’implantation maladroite de la rotonde par rapport à la nef a été souvent remarquée. Loin d’être le fait de bâtisseurs peu familiers avec les constructions circulaires, elle est le résultat des contraintes imposées par le besoin de connecter un bâtiment circulaire, divisé en onze travées, à un édifice existant, tout en assurant la communication entre les trois vaisseaux et le déambulatoire de la rotonde. Le but était la création d’un complexe recréant l’ensemble du Saint-Sépulcre dans l’état où l’auraient vu les pèlerins aux Xe et XIe s.7

87 Le choix d’un groupe de onze piliers relève peut-être d’une valeur symbolique : ce chiffre représente le nombre des apôtres immédiatement après la Crucifixion. À l’étage, on observe quatorze piliers monolithes dont un seul, au sud-est et donc en direction de la Terre-Sainte, comporte un chapiteau sculpté. Ce niveau incarnerait les quatorze stations du Chemin de Croix dont la dernière, la mise au tombeau, est la plus importante8. Les deux niveaux rappellent la mort du Christ, conformément à l’interprétation occidentale de la Passion qui insiste sur le sacrifice plutôt que sur la Résurrection. C’est pourquoi le monde latin avait adopté définitivement le vocable Saint-Sépulcre bien avant le XIe s. et non pas celui de l’Anastasis comme l’avait fait le monde grec. Sur l'arrière-plan du schisme entre les Églises latine et grecque, cette différence s'accentue en Occident au cours des XIIe et XIII e s., notamment sous l'impulsion de la théologie cistercienne dont Bernard de Clairvaux fut un acteur majeur (KROENSEN 2000 : 54, 135).

88 Le dernier étage du noyau central présente un rythme classique de huit ouvertures qui est un chiffre pragmatique du point de vue de la division d’un cercle mais représente également la Résurrection. L’agencement vertical de cet espace pourrait donc traduire l’ascension du tombeau vers la lumière, c’est-à-dire le passage de la mort à la Résurrection. C’est pourquoi on regrette de ne pas pouvoir déterminer avec certitude la forme de la toiture primitive : l’existence d’un clair-étage à ce niveau serait justement une source de lumière.

89 Pourquoi donc une particularité berrichonne ? Là où les bâtisseurs des autres rotondes ont utilisé des formes classiques et des divisions symétriques, ceux de Neuvy ont choisi des formes peu communes. Au lieu de se contenter d’une copie de la forme générale de l’église du Saint-Sépulcre, ils ont eu l’idée très originale de symboliser les aspects essentiels de la Passion du Christ dans l’organisation même de l’édifice, tout en recréant les éléments essentiels du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Cette originalité les a poussés à sacrifier la relative facilité d’un édifice symétrique et à tenter une expérience qui entraînait certaines exigences techniques. Ceci se traduit par les maladresses visibles dans l’implantation de la rotonde par rapport à la nef et les irrégularités dans les largeurs des travées du déambulatoire, par exemple.

90 Néanmoins, la cohérence dans le projet est évidente, malgré une rupture certaine entre la réalisation du premier niveau de la cage centrale de la rotonde et celle des premier et

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deuxième étages. Le choix d’implanter quatorze colonnes a permis la reprise d’une division symétrique de l’espace. Au lieu d’une tentative de rattraper un chantier mal engagé, s’agit-il d’un choix délibéré dont la valeur symbolique permet de poursuivre l’idée d’origine ? Sinon, pourquoi choisir quatorze plutôt que douze ou seize ?

91 L’édifice est certes moins imposant que des ensembles comme Charroux ou Saint- Bénigne, mais le programme qu’il révèle montre beaucoup d’originalité dans l’interprétation du modèle hiérosolymitain et dans le désir de matérialiser la Passion du Christ dans l’édifice. Cette même motivation est visible dans les édifices de Villeneuve d’Aveyron et à la cathédrale Sainte-Croix de Quimperlé, où la rotonde s’inscrit dans une croix, rappelant ainsi le sacrifice du Christ et l’importance de son sépulcre9.

92 La qualité et la singularité de Neuvy sont soulignées par la présence de tribunes et d’un décor peint de qualité. La construction montre à quel point le Saint-Sépulcre était important pour les pèlerins et les simples fidèles des XIe et XIIe s. À une échelle plus locale, on a pu observer l'évolution des techniques de construction et l'utilisation de plusieurs catégories de pierres, les granits et les grès locaux cédant peu à peu la place aux calcaires venus de plus loin, sans doute en raison d’une plus grande facilité de travail.

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VERGNOLLE 1985 Vergnolle E. - Saint-Benoît-sur-Loire et la sculpture du XIe siècle, Picard, Paris.

ANNEXES

Résumé des travaux depuis le début du XIXe s.

(d’après BRUN 1938 et l’étude documentaire d’Anne-Isabelle BERCHON et Isabelle AMOUROUX, documentalistes à la Conservation régionale des Monuments Historiques, DRAC Centre, Orléans, 1997) - 1806 : démolition de l'édicule central de la rotonde afin d’installer un autel. Le responsable de cet acte nous est inconnu. Le sol du centre de la rotonde est rehaussé, cachant ainsi les bases des piliers centraux. - 1832 - 33 : travaux de couverture par Mariotat. - 1840 : l'édifice est classé Monument Historique. - 1843 : plan d'alignement. La route actuelle est percée à travers le bourg. Toutes les structures au nord de l'église sont détruites, l’isolant de son environnement topographique. - 1845 : l'architecte Dobrosielsky fait une série de relevés et un état des lieux du monument. Prosper Mérimée confie la restauration à Viollet-le-Duc. Son rapport montre l'état avancé des dégradations. L'effondrement menace... - 1848 - 1850 : une radicale intervention sous la direction de Viollet-le-Duc parvient à sauver le monument. Outre la consolidation de nombreuses baies et maçonneries, la charpente de la rotonde est remplacée par une coupole en terre cuite creuse, couverte par une chape de plomb. Le déambulatoire du premier étage est couvert par une toiture plate en plomb et les baies du deuxième étage du noyau central sont vitrées. Elles constituent alors un clair-étage. Les contreforts sont refaits et ceux de la tourelle de l'escalier sont piochés afin de donner un aspect circulaire. L'arcature extérieure du deuxième étage de la rotonde est refaite à neuf, les gargouilles et le chêneau au sommet du mur sont supprimés. Le sommet du noyau central est couronné d'un décor de billettes. Si cette transformation rappelle la forme du Saint-Sépulcre de Jérusalem, elle ne respecte nullement le probable état d'origine de l'édifice et contredit même celui proposé par Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire raisonné de l'Architecture. - 1867 - 1868 : les plombs de la coupole sont refaits, ainsi que l'escalier de la tourelle, sous l’architecte Darcy. - 1873 - 1880 : la sacristie est ajoutée à la nef par l’architecte départemental Dauvergne. - 1898 : suivant un devis de l'architecte Darcy de 1897, des travaux importants ont lieu sur la nef. Les voûtes sont consolidées et deux doubles tirants relient les arcs doubleaux. La couverture est refaite et la charpente consolidée. À l'intérieur de la nef et de la rotonde, les enduits sont détruits afin d'exposer les maçonneries des différentes étapes de construction.

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- 1899 : le clocher en charpente au-dessus de la travée centrale de la nef, composé d'une flèche à huit pans sur un soubassement carré, est démoli. - 1908 : la couverture en plomb du déambulatoire de la rotonde est remplacée par une dalle en béton armé. - 1923 : le clocher mur (ou “ campanile romano-byzantin ”) est construit entre la nef et la rotonde par l’architecte Mayeux. Sa construction condamne partiellement la porte entre le premier étage de la rotonde et le collatéral sud. - 1927 : certains des arcs latéraux de la rotonde sont refaits. - 1931 : l'architecte en chef des Monuments Historiques, Brun, constate une généralisation des désordres dans la rotonde, qui seraient provoqués par les travaux de Viollet-le-Duc. La coupole en terre cuite creuse (qui n'aurait jamais dû exister) est remplacée par une structure en béton armé et la rotonde est couverte par un grand toit conique. L'ensemble des travaux est mené en 1936. - 1949 : l’autel de la rotonde, ajouté en 1806, est remplacé par celui qui subsistait jusqu’aux travaux de 1997-98. Fondé sur une estrade reposant sur le sol du noyau central, il est composé d’un seul bloc de calcaire surmonté d’une table en granit gris. Une niche carrée est aménagée dans le sol, immédiatement à l’est de l’autel, et fermée par une petite dalle en calcaire. Elle contenait un petit coffre reliquaire contemporain. - 1978, 1983 - 1985 : travaux de réfection des couvertures de la nef et de la rotonde sous la direction de P. Lebouteux. - 1992 - 1994 : travaux de maçonnerie et d'enduits sur tout l'extérieur de la nef et de la rotonde. - 1997 - 1998 : restauration de l'intérieur de la rotonde et de la nef sous la direction de J.-J. Sill. Rejointoiement des parements, enlèvement des enduits en ciment. L’autel central de 1949 est réduit en taille et le rehaussement du sol et les marches du noyau central (travaux de 1806) sont supprimés. Nettoyage et mise en valeur des peintures murales.

Planches

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Planche 1 : La rotonde, rez-de-chaussée. Les profils des bases des colonnes du mur extérieur (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

Planche 2 : La rotonde, rez-de-chaussée.

A : profils des consoles des piliers centraux (avec les n°s des piliers correspondants), B : profils des tailloirs des chapiteaux des colonnes engagées (mur extérieur), C : profils des sommiers des arches du bas-côté sud (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

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Planche 3 : La rotonde, rez-de-chaussée. Profils des tailloirs des chapiteaux du noyau central (avec les n°s des colonnes correspondantes) (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

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Planche 4 : La rotonde, premier étage. Profils des consoles des chapiteaux du noyau central (avec les n°s des colonnes correspondantes) (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

Planche 5 : La rotonde, premier étage. Profils des consoles des bases des colonnes du noyau central (avec les n°s des colonnes correspondantes) (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

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Planche 6 : La rotonde, premier étage. Profils des consoles des bases des colonnes du noyau central (avec les n°s des colonnes correspondantes) (dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

Planche 7 : Le vaisseau central. Profils des moulures des voûtes. (Dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

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Planche 8 : La nef, rez-de-chaussée. Profils de la modenature des portes de la travée 5 (phase 4).

a : claveau des portes des baies nord et sud, travée 5, b : base de colonne commune aux deux portes, c : porte sud, tailloir est, d : porte sud, tailloir ouest, e : porte nord, tailloir est, f : porte nord, tailloir ouest (Dessin F. David, INRAP, d'après les minutes de terrain de S. Bryant).

NOTES

1. Cf. carte géologique au 1/50.000, n° 594, La Châtre. 2. En l’absence de véritable acte de fondation, les mentions de la création de l’église de Neuvy proviennent de quatre chroniques des XIIe et XIIIe s. (Limoges, Angers, Auxerre et Tours). Ces sources sont souvent citées avec plus ou moins de précision (Chenon, Deshoulières 1916 ; Caillaud 1866 : 2-3 ; Raynal 1844-47, par exemple). J. Hubert (1931 : 91-96) cite un extrait de la chronique de Guillaume Godel (BN ms. Lat. 4893, f° 62) qui signale une notice de l’acte de fondation, rédigée vers 1042-104. Cependant, J. Hubert reprend l’étude stylistique de F. Deshoulières qui date la construction de l’édifice actuel du XIIe s. (Chenon, Deshoulières 1916). Il évoque l’hypothèse d’une première rotonde commencée au milieu du XIe s. et restaurée au XIIe s. pour expliquer quelques anomalies architecturales et archéologiques. 3. La référence dans Espérandieu vol. XI, n° 7671 est peut-être erronée. 4. Caillaud 1866 : 5-6 et ADI : F.1755.1. Il s’agit d’une copie microfilmée des procès-verbaux des visites pastorales de Mgr. de la Rochefoucauld en 1734. L’original se trouve aux archives du grand séminaire de Bourges. 5. Dans le cas des baptistères, leur fonction rappelle la mort et la résurrection du Christ car le baptême est assimilé à une mort et à une renaissance, comme le dit saint Paul (Romains 6, 3-4). 6. Datée également de la deuxième moitié du XIe s., elle est intégrée dans l’angle entre la nef et le bras nord du transept, et consiste en une rotonde avec un noyau central de huit piles d’un diamètre total de 10 m environ. L’ensemble est essentiellement en granit.

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7. Soit le tombeau et son monument reliquaire entourés de douze piliers avec une cour à l’est, flanquée de pavillons au sud, au nord et à l’est. La démolition partielle par El-Hakem en 1009, un événement qui a profondement marqué la Chrétienté, et le fait que le monument central n’était entouré d’un déambulatoire que sur sa moitié ouest, ont sans doute faussé l’image que pouvaient avoir les bâtisseurs du Moyen Âge. 8. On observe également quatorze colonnettes pour soutenir les nervures de la voûte du rez-de- chaussée de Rieux-Minervois. 9. Ces observations ont été communiquées à l’auteur par Claire Pequignot.

RÉSUMÉS

La collégiale Saint-Étienne à Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) est un des rares édifices subsistants en France qui soit conçu comme une copie de l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. L’étude archéologique, réalisée pendant des travaux, a permis de préciser les étapes de son évolution depuis sa fondation dans les années 1040. La rotonde, avec ses onze piliers centraux, a été ajoutée à l’extrémité ouest d’une église antérieure. Le mur extérieur a été achevé dans cette première phase mais la cage centrale, qui abritait l’édicule, n’a été terminée qu’au début du XIIe s. Pendant la deuxième moitié du XIIe s., l’église est profondément remaniée et sans doute raccourcie avec la création d’un chevet plat. La voûte primitive est remplacée par trois travées de croisées d’ogives. L’édifice sert de refuge pendant la guerre de Cent Ans, ce qui provoque certains dégâts, partiellement réparés. Malgré les ruptures évidentes dans la construction et un plan irrégulier, l’étude montre que l’édifice est le résultat de la poursuite d’un projet architectural cohérent et original visant à évoquer l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

The collegiate church of Saint-Étienne at Neuvy-Saint-Sépulchre (Department of the Indre, France) is one of the few surviving rotundas built as a copy of the Holy-Sepulcre of Jerusalem during the mid 11th century. Many theories have been advanced concerning the history and the dating of this unusual monument. A recent building survey, carried out during restoration work, has managed to clarify the main phases of its evolution. The rotunda, with eleven central pillars placed around the reliquary monument, was added onto the west end of an existing church during the 1040’s. The two upper stories of the central cage, however, were not finished until the early 12th century. During the second half of the 12th century, the church was extensively modified by the replacement of the original tunnel vaults by three bays of ribbed vaulting. The hypothetical apse end was demolished and replaced by a simple chevet, shortening the aisles and the nave. The site was used as a refuge during the Hundred Years War which caused some damage, particularly to the north aisle. Despite the clear interruptions in the construction which have led to an irregular looking building, the study has shown that the complex is actually the result of the pursuit of a coherent and original architectural project aimed at creating a faithful copy of the church of the Holy-Sepulcre of Jerusalem.

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INDEX

Mots-clés : archéologie du bâti, décors peints, Indre, Neuvy-Saint-Sépulcre, rotonde, Saint- Sépulcre Keywords : building survey, church architecture, France, Holy-Sepulchre, Indre, Neuvy-Saint- Sépulcre, rotunda, wall paintings

AUTEUR

SIMON BRYANT Chargé d’études, INRAP, 3 avenue Claude Guillemin (site BRGM), 45060 Orléans Cedex 02.

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Étude de deux digues d’étangs « en terre » recoupées par le tracé de la RCEA à Pierrefitte-sur-Loire et Coulanges (Allier) Study of two earthen pond dykes tied in with the route of the RCEA at Pierrefitte-sur-Loire and Coulanges (Allier)

Sophie Liegard et Alain Fourvel

Étude archéologique

Présentation des sites

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1 Les deux digues d’étangs en question ont été repérées en 1997, lors de l’évaluation préalable aux travaux de la RCEA1 (Fig. 1). Elles ont fait l’objet d’interventions préventives en 1998, dont les investigations ont été menées à bien par M. Brizard, A. Fourvel et S. Liegard2, avec la participation de C. Ballut3 pour l’approche géomorphologique (LIEGARD, FOURVEL 1998).

2 La première digue se situe aux Grands- Brûlés à Pierrefitte-sur-Loire, à 2 km au sud-ouest du centre bourg. L’ouvrage barrait un vallon où coule un petit affluent du ruisseau du Theil (Fig. 2). Le vallon a une largeur inférieure à 100 m. Son altitude varie de 233 à 237 m. Le sous-sol du site, homogène, est constitué de sédiments argilo-sableux orangés caractéristiques des formations dites des sables et argiles du Bourbonnais. La digue a été recoupée par trois sondages mécaniques, afin de pouvoir étudier sa constitution et la stratigraphie de ses abords.

Fig. 1 : Localisation des sites sur le tracé de la RCEA (A. Fourvel).

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Fig. 2 : Plan du site de Pierrefitte-sur-Loire.

(A. Fourvel). 1 : sondages ; 2 : digue ; 3 : assiette supposée.

3 La seconde digue se situe au lieu-dit l’Étang-du-Pont à Coulanges, à 2 km au sud-est du village. L’ouvrage se trouve sur le lit majeur d’une petite rivière : Le Pin (Fig. 3). La vallée de ce cours d’eau a une largeur de près de 250 m. Son fond est relativement plat et son altitude moyenne est de 232 m. Le sous-sol du site, hétérogène, est constitué des alluvions du Pin qui présentent une grande variété (couches de galets, de sables, d’argiles…). Quatre sondages mécaniques recoupent la digue et un cinquième se localise dans la zone de carrière adjacente.

Les structures

La digue des Grands-Brûlés à Pierrefitte-sur-Loire

4 Cette digue a une longueur de 80 m, une largeur moyenne à la base de 7 à 9 m, pour une hauteur moyenne de 2 m. Elle culmine à une altitude variant de 235 à 236,50 m. Si l’on admet que le niveau de l’eau de l’étang se trouvait à une altitude d’environ 235 m, la retenue d’eau devait avoir une assiette de près de 3 000 m2 pour une capacité de l’ordre de 3 000 m3 (Fig. 2).

5 Sous cette structure, un paléochenal du ruisseau, de plus de 10 m de largeur, a été retrouvé. Son comblement, constitué majoritairement d’argiles bleutées, mouchetées de charbons de bois, témoigne d’une sédimentation alluviale au rythme variable. Par ailleurs, les traces d’un creusement linéaire de même orientation que la digue ont été mises au jour à l’est de celle-ci, sous les remblais constitutifs de l’ouvrage. Il pourrait s’agir, soit d’une limite parcellaire antérieure à l’étang, soit d’un fossé de drainage aménagé lors de la construction de la digue.

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6 Sous cet ouvrage, se trouvaient également les restes d’une tranchée d’ancrage (Fig. 4). Ce creusement linéaire continu, localisé dans l’axe de la digue, a une largeur variable, de 3,60 m dans l’axe du vallon à 1 m vers les bords. Sa profondeur varie également de 1,40 m dans l’axe du vallon à 0,60 m vers les bords. Son comblement est constitué, dans l’axe du vallon, de sédiments argileux et, dans le reste de la tranchée, de sédiments argilo-sableux. Il est probable que cette différence de constitution ne soit due qu’à la nature des matériaux d’origine qui sont, semble-t-il, ceux issus du creusement même de la tranchée d’ancrage.

Fig. 4 : Relevé de la digue de Pierrefitte-sur-Loire (A. Fourvel).

1 : sables ; 2 : sédiments sablo-argileux ; 3 : sédiments argilo-sableux ; 4 : argiles ; 5 : terre végétale.

7 La provenance des remblais constitutifs de la digue –qui représentent un volume d’environ 1 000 m3 – n’a pu être déterminée. Néanmoins, ils sont homogènes et très similaires au terrain environnant. Il est donc possible qu’ils aient été prélevés sur l’assiette même du plan d’eau. Ils ont été disposés progressivement, au fur et à mesure de la construction de l’ouvrage, sous la forme de couches régalées régulièrement qui s’interpénètrent (Fig. 4). L’étude des différentes stratigraphies relevées démontre que ces matériaux ont semble-t-il été sélectionnés en fonction de leur teneur en argile, les remblais les plus argileux ayant été utilisés pour constituer une sorte de noyau imperméable situé vers l’amont de la construction qui renferme ailleurs des sédiments sablo-argileux. L’induration de toutes ces couches témoigne probablement du fait qu’elles ont été compactées au fur et à mesure de leur mise en place. Sur les relevés stratigraphiques, on constate que les pentes de la digue sont recouvertes de couches limoneuses issues du démantèlement de la construction, ce dernier étant causé par les différents phénomènes d’érosion auxquels l’ouvrage a été soumis.

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8 En amont de la digue, des couches de sable se sont accumulées dans la zone de contact entre l’eau et l’ouvrage, à l’emplacement où s’exercent les phénomènes d’érosion liés au clapotis et au batillage. En s’éloignant de l’ouvrage, ces couches se transforment progressivement en niveaux argileux gris. Ceux-ci présentent une micro-stratification apparente qui est caractéristique d’une sédimentation lente en milieu immergé.

9 En ce qui concerne le système de bonde d’étang, qui devait se trouver dans l’axe du vallon, celui-ci a vraisemblablement été récupéré, puisqu’aucune de ses parties n’était conservée. La topographie du site indique par ailleurs que s’il existait un trop-plein, celui-ci devait surmonter la bonde, hypothèse invérifiable du fait de la destruction de cette portion de la digue.

La digue de l’Étang-du-Pont à Coulanges

10 Cette digue a une longueur de 170 m, une largeur moyenne à la base de 12 m, pour une hauteur moyenne de 2 m. Elle culmine à une altitude de 234 m. Si l’on admet que le niveau de l’eau de l’étang se trouvait à une altitude d’environ 233 m, la retenue d’eau devait avoir une assiette de près de 7 000 m2 pour une capacité minimale de l’ordre de 7 000 m3 (Fig. 3).

Fig. 3 : Plan du site de Coulanges (A. Fourvel).

1 : sondages ; 2 : digue ; 3 : assiette supposée ; 4 : carrière.

11 Sous cette structure, les dépôts alluviaux du Pin se présentent sous la forme de couches de sables et de galets, surmontées d’argiles, ces dernières illustrant une phase de dépôts lents de la rivière. La couche terminale d’argiles noires, très riche en matière organique, témoigne, elle, d’une sédimentation en milieu très humide, marécageux, voire lacustre. Un paléochenal, d’une largeur de 8 m, recoupe ces dépôts. Celui-ci correspond, soit à un ancien lit du Pin, soit à celui d’un ruisseau affluent du Pin qui se trouve aujourd’hui canalisé en limite méridionale de la parcelle étudiée. Il présente un comblement inférieur naturel hétérogène à base de sables et de galets qui renfermait des bois flottés. Des pieux taillés ont également été retrouvés enfoncés dans son remplissage (Fig. 5). Son comblement supérieur – constitué de remblais à base de blocs d’argiles le plus souvent noires – est, en revanche, d’origine anthropique. Sa mise en place a vraisemblablement été effectuée juste avant la construction de la digue.

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Fig. 5 : Pieux en bois découverts.sous la digue de Coulanges (S. Liegard).

12 Sous cet ouvrage, se trouvaient également les restes d’une tranchée d’ancrage (Fig. 6). Ce creusement linéaire, localisé dans l’axe de la digue, a une largeur variable, de 6 à 8 m, pour une profondeur de 0,80 à 2 m. Mais contrairement au site précédent, cette tranchée est discontinue. Les zones où ce creusement n’a pas été réalisé possèdent un sous-sol très argileux. Cette tranchée d’ancrage a donc certainement été limitée aux secteurs où le sous-sol était le moins imperméable. La quantité de matériaux issus de son creusement peut être estimée à environ 1 000 m3. Ces sédiments sableux pourraient avoir été utilisés pour combler des dépressions existant en aval de l’ouvrage, afin de rendre praticable ce terrain qui ne devait pas l’être du fait de la présence de paléochenaux et de zones humides. Le comblement de la tranchée d’ancrage a, quant à lui, été réalisé à l’aide de sédiments beaucoup plus argileux et homogènes que ceux constituant la digue, peut-être dans le but de construire une sorte d’assise souterraine imperméable.

Fig. 6 : Relevé de la digue de Coulanges (A. Fourvel).

1 : sables ; 2 : sédiments sablo-argileux ; 3 : sédiments argilo-sableux ; 4 : argiles ; 5 : terre végétale.

13 Différentes observations stratigraphiques, topographiques et géologiques, conduisent à penser que les remblais constitutifs de la digue – qui représentent un volume d’environ 3 000 m3 – proviennent d’une zone de carrière (de 1 500 m2) située directement au

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nord-ouest de l’ouvrage (Fig. 3). Ces remblais correspondent à une succession de couches le plus souvent argilo-sableuses. Les différentes stratigraphies relevées démontrent que l’accumulation de ces remblais ne semble pas avoir suivi de processus bien défini. Dans certains secteurs, ils ont été régalés régulièrement, alors que dans d’autres, ils ont été disposés en tas. Leur induration témoigne néanmoins d’un compactage volontaire lors de l’édification de l’ouvrage. Sur plusieurs relevés, on distingue la présence d’une couche plus argileuse qui semble sceller l’ensemble des apports sous-jacents, comme pour former un recouvrement imperméable de la structure. Cette couche est elle même recouverte de sédiments limoneux issus du démantèlement de l’ouvrage.

14 Dans l’axe de la vallée, la digue présente une anomalie de constitution qui a été interprétée comme une réfection de la structure, réalisée, semble-t-il, après rupture de celle-ci. En effet, on constate qu’un ensemble de couches semble avoir été disposé dans un creusement – sorte d’ancrage – recoupant la partie supérieure de la digue, dans son axe (Fig. 6 et 7). Ces couches comprennent une partie inférieure argileuse et une partie supérieure argilo-sableuse, tout comme la digue elle-même.

Fig. 7 : Vue de la digue de Coulanges en cours d’étude (S. Liegard).

15 La pente amont de cette structure, plus abrupte que l’aval, conserve des traces de creusements colmatés par des matériaux argileux (Fig. 6) qui peuvent témoigner de phénomènes de sapement liés au clapotis et au batillage, peut-être responsables de la rupture de la digue. Ces derniers peuvent également être à l’origine du profil abrupt de l’ouvrage du côté de l’étang. Par ailleurs, dans ce secteur, aucune trace de dépôt en milieu immergé n’a été retrouvée. L’absence de ceux-ci pourrait indiquer, soit que l’étang n’a pas fonctionné très longtemps – ce qui ne semble pas être le cas – soit que ces sédiments ont été utilisés pour amender d’autres terrains.

16 Le système de bonde d’étang devait se trouver, soit dans l’axe de la vallée, soit à l’emplacement où circule aujourd’hui Le Pin (Fig. 3), deux secteurs se trouvant en dehors de l’emprise routière et donc inaccessible à la présente étude. Quant à l’existence d’un éventuel trop-plein, celle-ci est probable du fait de la présence d’une

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anomalie topographique dans la partie ouest de l’ouvrage, directement au sud du sondage occidental.

La chronologie

17 Sur le site des Grands-Brûlés, le mobilier mis au jour comprend des tessons protohistoriques et gallo-romains résiduels, des tessons médiévaux atypiques découverts sous la digue, des tessons glaçurés modernes provenant du démantèlement de l’ouvrage et un tesson médiéval résiduel retrouvé dans les dépôts de l’étang.

18 Ce seul élément typologiquement caractéristique correspond à un bord de pichet à pâte blanche comparable aux productions des XIIIe et XIVe s. Sur le site de l’Étang-du-Pont, la céramique mise au jour se limite à huit tessons de céramiques médiévales ou modernes atypiques.

19 Par ailleurs, les deux digues étudiées ne figurent ni sur les cadastres anciens, ni sur la carte de Cassini, ce qui indique que ces ouvrages étaient déjà abandonnés lors de la réalisation de ce dernier document, dans le courant de la seconde moitié du XVIIIe s. Le mobilier recueilli lors des interventions n’étant pas caractéristique, le recours à des analyses s’est avéré indispensable pour obtenir les éléments de datation faisant défaut. Sur le site des Grands-Brûlés, trois prélèvements de bois ont été analysés44. Le plus ancien, découvert dans le paléochenal présent sous la digue, n’a pu être abattu avant 1345 et ne devrait pas être postérieur à 1500.

20 Le second, provenant des remblais inférieurs constitutifs de la digue, n’a pu être abattu avant 1540. Le troisième, mis au jour dans les dépôts supérieurs de l’étang, n’a pas été abattu avant 1525. Les deux dernières dates indiquent que la digue d’étang ne peut être antérieure au milieu du XVIe s. Cet ouvrage date donc de la seconde moitié du XVIe ou du XVIIe s.

21 L’étude documentaire réalisée par F. Gauthier5 (2001) a permis de retrouver, dans un terrier de 1613, la mention d’un étang au finage des Brûlés tenant au chemin allant de Pierrefitte à l’hôtel de la famille Berluchots (Terrier de la seigneurie de Pierrefitte, 1519-1531). La datation de ce texte ne semble pas compatible avec les résultats des analyses. Il est donc probable que l’étang mentionné corresponde à une autre retenue d’eau aménagée plus en amont sur le ruisseau. Les restes de la digue de cet étang pourraient avoir été conservés sous la route qui passait en amont de la queue de l’étang dont la digue a été étudiée.

22 Sur le site de l’Étang-du-Pont, six prélèvements de bois, provenant tous de niveaux antérieurs à la digue, ont été analysés6. Les résultats indiquent que la construction de cet ouvrage ne peut être antérieure à la fin du XVe s. ou au début du XVIe s. Cette digue date donc également du XVIe ou du XVII e s. L’étude documentaire a permis de retrouver, dans un mémoire de la cure de Coulanges, une mention de cet étang, datant de 1779, dans les confins et limites des Novalles de la cure de Coulanges (Mémoire des revenus de la cure de Saint-Révérien de Coulanges, 1779). Il est ainsi possible de constater que cet aménagement a fonctionné pendant plus d’un siècle, voire même pendant deux siècles. La longévité de celui-ci est cohérente avec les traces de réfection observées sur la digue. Par ailleurs, son abandon, postérieur à 1779, mais antérieur à la réalisation de la carte de Cassini, peut donc être daté assez précisément des dernières décennies du XVIIIe s.

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Les données environnementales

23 Le site des Grands-Brûlés a aussi fait l’objet de prélèvements en vue d’une étude pollinique réalisée par J. Argant7. Trois échantillons proviennent des niveaux sédimentaires comblant le paléochenal antérieur à la digue. Le quatrième provient du creusement linéaire postérieur au paléochenal et antérieur à la digue. Les résultats témoignent de l’existence d’un paysage ouvert, reflétant un défrichement important qui a eu lieu antérieurement à la mise en place des sédiments alluviaux comblant le paléochenal et donc bien avant la construction de la digue. Il est donc possible d’affirmer que l’édification de cet ouvrage n’est pas contemporaine du déboisement et des mises en cultures de ce secteur. Avant l’aménagement de la retenue d’eau, l’environnement était déjà assez similaire au paysage actuel, puisqu’il comprenait des pâturages et des cultures de céréales. L’activité agricole avait déjà vraisemblablement joué un rôle dans l’élimination des lieux humides, car la végétation hygrophile est faiblement représentée.

24 L’échantillon 1 (couche inférieure du paléochenal) confirme la proximité d’un point d’eau (par la prédominance de l’aulne), ainsi que de petits lambeaux résiduels d’une forêt (comportant des hêtres et des tilleuls) et des zones humides, défrichées mais non exploitées et colonisées par des fougères. L’échantillon 2 (couche intermédiaire du paléochenal) illustre une période de recul des arbres au profit des terres exploitées.

25 Le saule semble avoir été favorisé aux dépens de l’aulne. Les fougères diminuent alors fortement, ce qui pourrait être une conséquence d’une occupation plus rationnelle de l’espace. Les échantillons 3 (couche supérieure du paléochenal) et 4 (creusement linéaire) montrent une raréfaction de l’aulne et du saule s’accompagnant d’un accroissement des chênes. Cette variation pourrait indiquer que les cultures ont régressé au profit des pâturages. Ce phénomène pourrait être dû à une modification des conditions environnementales et/ou à l’intervention humaine. On ne peut exclure la possibilité que ce changement soit lié à une réorganisation du paysage qui serait contemporaine de la création de l’étang.

Essai de synthèse

26 À l’issue de l’étude de ces deux digues, il a semblé opportun de tenter une synthèse sur les conditions de mise en œuvre de tels ouvrages. Pour ce faire, les rares études archéologiques publiées sur le sujet ont été dépouillées (BARBÉ 1990 ; PRESSOUYRE, BENOIT 1996 ; BENARROUS 2000), ainsi que des recueils techniques relatifs aux modes de construction actuels des structures de ce type (QUESNEL 1976 ; TALUREAU 1965 ; Technique… 1977 ; TREYVE 1980), mais aussi quelques ouvrages de vulgarisation (BORDES 1982 ; PARKER 1988).

Contexte historique

27 L’apparition des étangs n’est pas précisément datée. Certaines retenues d’eau existaient peut-être dès l’époque gallo-romaine, mais il semble que la multiplication de ces aménagements hydrauliques date, en fait, du Moyen Âge. Pour la Sologne bourbonnaise, on ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’information précise sur la ou les périodes d’aménagement des étangs. La proximité de l’abbaye de Sept-Fons, fondée au

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XIIe s. à Diou, mérite néanmoins d’être soulignée, car tout ou partie des retenues d’eau de cette région pourrait avoir été aménagée par la communauté monastique cistercienne qui en dépendait, à l’instar des travaux réalisés dans d’autres régions environnant des abbayes, comme à Cîteaux (Côte-d’Or) ou Noirlac (Cher), pour ne citer que ces quelques proches exemples. En ce qui concerne les digues d’étangs étudiées sur le tracé de la RCEA, il semble que ces ouvrages se rapportent tous les deux à une période assez récente (fin du XVIe s./XVII e s.), période durant laquelle les dessèchements se sont multipliés en France, semble-t-il sous l’impulsion d’Henry IV. Dans un souci d’amélioration des conditions de salubrité publique et de production agricole, de nombreuses régions marécageuses bénéficièrent alors d’aménagements hydrauliques. Mais pour la Sologne bourbonnaise, les sources documentaires et archivistiques consultées sont, pour cette période également, peu loquaces sur le sujet. Dans de nombreuses régions, la création d’étangs n’était pas conditionnée à l’établissement d’une charte. Par conséquent, les rares mentions qu’il est possible de retrouver sont très souvent indirectes. Ces retenues d’eau apparaissent dans les textes au hasard d’un échange, d’une transaction, d’une prise de bail, d’un litige ou plus souvent comme un simple repère topographique. Néanmoins, lorsqu’elles existent, ces sources permettent d’obtenir des données chronologiques, le plus souvent sous la forme de simples mentions. Plus rarement, la démolition des digues ou chaussées peut être mentionnée, comme c’est le cas pour un étang situé dans le bourg de Pierrefitte- sur-Loire (Terrier de Pierrefitte).

28 La toponymie et surtout la micro-toponymie (relative aux noms des parcelles) figurant sur les états de section des cadastres anciens, peuvent renseigner sur l’existence d’anciens étangs dont les digues ont parfois disparu et qui ne sont donc pas représentés sur les feuilles cadastrales. Le plus communément, on retrouve les toponymes L’Étang ou Le Lac, mais aussi des noms dérivés tels que L’Étanche, L’Étanchepin, Les Trangouillets, L’Angouillet, Lache, Les Lachets ou Les Lagées, pour n’en citer que quelques-uns (PIBOULE 1996 : 97, 132 ; PIBOULE 2000 : 96-99). À titre d’exemple, sur la commune de Saligny-sur-Roudon (située au sud-ouest de Pierrefitte-sur-Loire), les emplacements de 23 étangs peuvent ainsi être restitués (GAUTHIER 2001). L’absence de représentation de ces anciennes retenues d’eau indique que ces aménagements n’ont souvent pas laissé de trace dans le parcellaire, surtout lorsque les digues étaient démolies. S’ils se trouvaient dans les bois, lors de leur abandon, les clairières qui les entouraient étaient rapidement reconquises par la végétation qui masquait alors l’ancien ouvrage. De plus, le fait qu’ils ne constituaient pas d’unité fiscale imposable, ne favorisait pas la perpétuité de leur souvenir.

Contexte économique

29 Les raisons qui justifiaient l’aménagement d’un étang pouvaient être de plusieurs ordres : • assainissement d’une zone marécageuse ; • contrôle et régulation du débit d’un cours d’eau ; • constitution d’une réserve d’eau pour : l’alimentation d’un moulin utilisant la force motrice de l’eau ; l’irrigation ; la consommation et les besoins en eau d’une communauté laïc ou religieuse ; l’obtention de glace en hiver (celle-ci permettant la conservation dans les glacières de laitages et de viandes) ; et l’abreuvement d’animaux ;

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• constitution d’une réserve de poissons (transformés et commercialisés sous la forme de salaisons, ils constituaient une base alimentaire importante durant le Moyen Âge et l’Époque moderne) ; • constitution d’un site à gibier d’eau ; • culture de plantes hygrophiles (telles que saules, roseaux, joncs, carex, utilisés dans la construction des habitats et dans l’artisanat de la vannerie) ; • constitution de couches destinées à l’amendement des terrains environnants ; • ou enrichissement du terrain même pour une mise en culture après assèchement.

30 La juxtaposition de plusieurs retenues sur un même cours d’eau permettait une exploitation optimale avec un système de rotation. Lorsqu’un étang était vidé de son eau, le poisson était recueilli, puis son assiette était mise en culture, pendant qu’un autre étang servait de vivier et conservait les alevins utilisés pour empoissonner le premier étang lors de sa remise en eau. Privilégier une de ces motivations au détriment des autres semble quelque peu irréaliste, car le principal intérêt des étangs devait justement reposer sur la polyvalence de ce type d’aménagement, permettant le développement de nombreuses activités tant vivrières qu’économiques. Si dans certaines régions, la vocation piscicole est systématiquement mise en avant, comme en Brenne par exemple, cela ne doit pas occulter les autres bénéfices que l’on pouvait tirer de l’exploitation de ces étangs.

31 Néanmoins, suivant les périodes et les régions, les créations de retenues d’eau peuvent être mises en parallèle avec certains faits attestés par les textes, comme la multiplication des moulins aux XIIe et XIIIe s., ou l’essor de la pisciculture aux XIVe et XVe s.

32 Toutefois, la rareté des études précises sur le sujet conduit à rester prudent et à considérer l’étang comme un des éléments constitutifs du domaine agricole, susceptible de fournir aussi bien de l’eau, de la glace, que de l’énergie, de la nourriture, des matières premières ou encore de l’amendement.

Contexte environnemental

33 Le choix du site susceptible d’accueillir un étang est conditionné par plusieurs facteurs. En premier lieu, le sous-sol doit posséder des caractères d’imperméabilité.

34 Pour cette raison, les zones argileuses, telles que les “ Solognes ”, sont les plus propices à la création de retenues d’eau. En second lieu, il doit exister une arrivée d’eau dont le débit est suffisant pour alimenter le futur étang. Celle-ci peut être directe ou se faire par l’intermédiaire d’un canal de dérivation. Le cours d’eau doit être relativement constant, car la survenue de crues trop importantes ou trop fréquentes peut compromettre la pérennité de l’aménagement. Toutes les vallées ou vallons ne peuvent donc abriter des retenues d’eau. Mais lorsque les conditions sont favorables, ces talwegs accueillent souvent non pas un étang, mais une série de plusieurs retenues successives, comme cela est très souvent le cas en Sologne bourbonnaise. De ce point de vue, les chapelets d’étangs figurant sur la carte de Cassini sont particulièrement caractéristiques. L’environnement du site conditionne également le futur aménagement. L’étang et sa digue seront différents si l’on se trouve sur le lit majeur d’une rivière (comme à Coulanges) ou dans un vallon où coule un petit ruisseau (comme à Pierrefitte-sur-Loire). Les emprises des retenues d’eau, appelées assiettes, sont également dépendantes de cet environnement. Elles peuvent considérablement varier

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(environ 3 000 m2 à Pierrefitte-sur-Loire contre 7 000 m2 à Coulanges). De même, le terrain géologique peut présenter des natures différentes. Mais la présence d’un paléochenal est quasiment systématique. En effet, les restes de l’ancien lit du cours d’eau sont presque toujours conservés dans le sous-sol. La fouille de ces paléochenaux peut apporter des indications précieuses sur l’environnement du site avant l’aménagement de l’étang, notamment par la réalisation d’études polliniques et d’analyses sur les bois gorgés d’eau qu’ils peuvent renfermer.

Approche technique

35 Dans de rares cas, les digues peuvent être maçonnées, mais la présente étude se borne à traiter des digues construites “ en terre ”, car celles-ci constituent la très grande majorité des ouvrages hydrauliques de ce type. Encore de nos jours, les constructions en terre sont les plus courantes. Elles correspondent au type d’aménagement appelé digues à cavalier de remblais ou d’alluvions.

36 Avant la construction d’un tel ouvrage, le site peut faire l’objet d’aménagements, tels que le remblaiement de paléochenaux (comme à Coulanges), le creusement de fossés de drainage (comme peut-être à Pierrefitte-sur-Loire), ou encore le creusement d’un canal de dérivation. L’aménagement d’une zone de basse altitude pour le système de vidange peut également être nécessaire, si le site ne possède pas naturellement ce point bas. Il faut également procéder au défrichement du terrain et au décapage de la terre végétale à l’emplacement du futur ouvrage. Par ailleurs, il est préférable que le sol d’assise présente une certaine irrégularité – qui peut être le fait d’un labour avec hersage – afin que la liaison entre la digue et l’assise ne forme pas une discontinuité qui pourrait compromettre la cohésion de l’aménagement. Ces travaux laissent peu ou pas de traces archéologiques. Par conséquent, il est difficile de savoir si les constructions anciennes étaient précédées de telles mises en œuvre.

37 Ensuite, il convient de réaliser une tranchée dite d’ancrage – de 0,80 à 1 m de profondeur en moyenne et dont la largeur est proportionnelle à celle de la digue – afin, d’une part, d’assurer une bonne liaison entre le corps de la digue et le sol environnant et d’autre part, d’éviter les infiltrations. Le creusement de cette tranchée fournit des sédiments qui peuvent être utilisés différemment suivant leur nature. À Pierrefitte-sur- Loire, ils ont dû être remis dans la tranchée d’où ils étaient issus, alors qu’à Coulanges, ils ont peut-être été étalés en aval de la digue. Certains auteurs préconisent de combler cette tranchée d’un corroi d’argile, comme cela a été le cas à Coulanges ou à Vallenay (Cher).

38 Sur le site de Coulanges, la tranchée d’ancrage est discontinue. Les zones du sous-sol les plus argileuses ont été conservées en l’état, la tranchée ne les ayant pas traversé. La nature du sous-sol semble donc avoir directement conditionné la réalisation de ce terrassement. Ceci témoigne du fait que dans l’esprit des constructeurs, la fonction première de cette tranchée était d’assurer l’étanchéité souterraine de l’aménagement. En revanche, sur le site de Pierrefitte-sur-Loire, cette tranchée a semble-t-il été remblayée à l’aide des sédiments issus de son creusement, tantôt argileux, tantôt sablo- argileux. Dans ce cas, les constructeurs étaient semble-t-il moins préoccupés par l’étanchéité que par la stabilité de leur ouvrage.

39 Le choix des matériaux constitutifs de la digue est dépendant du terrain duquel ils sont extraits. En ce qui concerne les zones d’extraction, celles-ci peuvent correspondre aux

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futures assiettes des étangs (comme peut-être à Pierrefitte-sur-Loire), mais il peut également s’agir d’une zone distincte (comme à Coulanges, où celle-ci est située à proximité de l’ouvrage, en aval de celui-ci). La tradition orale locale indique que ces carrières peuvent, par la suite, être réaménagées en pêcheries, ce qui cependant ne semble pas avoir été le cas à Coulanges.

40 Directement dépendants de la nature du sous-sol, ces sédiments doivent néanmoins respecter certains critères. Une bonne terre de digue doit être à granulométrie variable (ou étalée) et contenir un pourcentage à peu près équivalent de graviers, sables, limons et argiles. L’argile presque pure ne convient pas car elle sèche rapidement et se craquelle ce qui induit des fuites. Les meilleures terres sont celles où les argiles et les limons sont en quantité exactement suffisante pour remplir les vides du squelette des sables graveleux. L’élément essentiel de la stabilité d’une digue en terre réside dans l’homogénéité de ces remblais et dans la constance de leurs procédés de mise en œuvre, condition nécessaire de l’uniformité de leur cohésion interne. Sur les sites étudiés, les digues sont constituées par des remblais sablo-argileux – comme à Pierrefitte-sur- Loire, ainsi qu’à Vallenay et Nozières (Cher) – ou argilo-sableux – comme à Coulanges.

41 Les pendages des couches de matériaux au sein des digues indiquent que, pendant les travaux, la circulation devait se faire sur l’ouvrage même, comme c’est toujours d’usage. Les remblais étaient disposés plus ou moins régulièrement, soit étalés, soit déposés en tas. Au fur et à mesure de la construction, ils étaient compactés. Le hersage ou scarifiage des différentes couches, est préconisé pour améliorer la cohésion de la digue. C’est vraisemblablement ce qui a été réalisé sur le site de Pierrefitte-sur-Loire, comme en témoigne l’interpénétration des niveaux en question (Fig. 4). Suivant la nature des matériaux disponibles, il existe trois mises en œuvre possibles (Fig. 8). Si les remblais présentent des caractéristiques optimales en matière d’étanchéité, l’ouvrage sera qualifié de digue à stabilité et étanchéité de masse ou barrage homogène. Les digues étudiées à Vallenay et Nozières (Cher) semblent correspondre à ce type.

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Fig. 8 : Schématisation des trois types de digues “ en terre ” (A. Fourvel).

42 Lorsque les caractéristiques des matériaux sont moins favorables, il est possible d’avoir recours à une digue à écran axial d’étanchéité, ou barrage à noyau, comprenant un corroi interne argileux qui ne doit toutefois pas être constitué d’argile pure, mais plutôt d’un mélange d’argiles, de sables et de graviers. Ce noyau étanche peut être placé dans la partie amont de la digue (comme à Pierrefitte-sur-Loire) ou en son centre. Cette technique qui présente l’inconvénient d’être difficilement réparable en cas de fuite, peut être qualifiée de rustique, mais elle possède une longue durée de vie et est, en général, relativement peu coûteuse.

43 Enfin, toujours dans le cas de matériaux peu imperméables, il est possible de construire une digue à écran superficiel d’étanchéité, ou barrage à masque amont. Cette méthode consiste à recouvrir la structure – notamment sur la partie amont – d’une couche de matériaux imperméables (comme cela semble avoir été le cas à Coulanges). Par rapport à la technique précédente, celle-ci présente l’avantage de pouvoir être exécutée après l’édification du remblai et de pouvoir être réparée aisément (ce qui semble aussi avoir été le cas à Coulanges). En revanche, la couche imperméable est plus exposée aux agressions extérieures (mécaniques, thermiques…) et donc relativement fragile. Dans de rares cas, il peut s’avérer nécessaire de renforcer la construction en y incluant un clayonnage constitué de pieux en bois entre lesquels est disposé un fascinage tressé. Aucun témoin archéologique de tels aménagements n’a été retrouvé sur les sites dont les études ont été publiées.

44 Malgré des différences, on note une certaine homogénéité du volume des constructions qui ont une largeur moyenne à la base de 10 m, pour une hauteur de 2 m. Les profils des digues étudiées sont assez similaires. On constate que les pentes de ces ouvrages sont douces (entre 20° et 25°). L’érosion a néanmoins pu faire disparaître des éventuelles différences initiales. Les ouvrages contemporains, en fonction de leur type, ont des

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pentes variant de 20° (soit 1/3) à 33° (soit 2/3). De nos jours, il est préconisé de donner une pente plus importante – de 4° – au côté aval, ce qui semble avoir été le cas sur le site de Pierrefitte-sur-Loire, au moins dans la partie nord de la digue.

45 Lorsque les fondations sont de mauvaise qualité –argileuses par exemple – il est conseillé de diminuer la pente des talus en élargissant la base de l’ouvrage. Dans le cas d’une digue dont la hauteur dépasse 3 à 4 m, des redans horizontaux peuvent être aménagés sur les pentes afin de ralentir le ruissellement susceptible d’éroder la construction et de faciliter l’entretien du revêtement de la structure. La circulation d’eau d’infiltration au sein de la digue est souvent la cause de dégradations dues au phénomène de “ renard ”. L’eau entraîne progressivement une partie des éléments constitutifs du remblai jusqu’à former de petits tunnels par lesquels se produisent des fuites soudaines qui provoquent des glissements de terrain dans la partie aval de la digue.

46 Dans certains cas (comme à Coulanges), on constate que les pendages des digues sont accentués du côté de l’étang, ce qui pourrait résulter des phénomènes d’érosion, notamment de ceux liés au clapotis et au batillage. Ces manifestations peuvent avoir des conséquences relativement importantes et provoquer des sapements ou des glissements de terrain – comme à Nozières (Cher). De nos jours, la culture de plantes aquatiques, hygrophiles est préconisée pour protéger les digues. En effet, la végétation immergée opère une division et un ralentissement de la masse liquide en mouvement et protège ainsi les rives et les digues de l’érosion provoquée par l’eau de la retenue. Par ailleurs, les parties submergées de ces plantes fournissent de la nourriture à la faune dont s’alimentent les poissons. Elles servent également de refuge aux alevins et enfin, clarifient l’eau. Toutefois, cette végétation doit être maîtrisée, sinon elle risque d’envahir l’étang et de transformer celui-ci en marais aux eaux acides. En effet, les rhizomes et racines de certaines plantes, telles que les roseaux et carex, ont tendance à se développer horizontalement vers le centre de l’étang. Ils ralentissent l’eau, piègent les particules argileuses qui sédimentent et retiennent les feuilles mortes qui acidifient le milieu en se dégradant.

47 Une autre technique de protection consiste à installer des fagots fixés sur des pieux enfoncés à mi-pente de la digue. Un texte de 1766 (Visite du domaine de la commanderie d’Anglure) confirme l’ancienneté de cette pratique, associée à l’utilisation de mottes engazonnées pour réparer les brèches : “ … il faut racomoder en gazon deux bresches sur le devant de la chaussée ou l’on a fait du cléonage qui est mal fait (…) et le devant de ladite chaussée doit être gazonée aux endroits ou il est nécessaire avec de bons gazons, posés en liaison les uns sur les autres, et en talus ou fruit suivant la pente de la chaussée, lesquels seront soutenus dans leur empalement par un cléonage fait en quartier vulgairement appelé peaux de chêne ou autres bois… ”.

48 La mise en place de maçonneries ou d’enrochements peut également protéger l’ouvrage du clapotis et du batillage. Des structures de ce type, en pierres sèches, ont été retrouvées sur plusieurs digues du Cher (à Vallenay et Nozières) et observées sur des ouvrages abandonnés situés dans la forêt de Gros-Bois à Saint-Aubin-le-Monial (Allier). Si des constructions similaires n’existent pas sur les deux sites de Sologne bourbonnaise, cela est certainement dû à l’absence de matière première rocheuse dans ce secteur géographique. Quant aux parties des digues les moins exposées à l’érosion, celles-ci présentent le plus souvent un revêtement végétal herbeux ou arbustif.

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49 La partie supérieure de la digue est souvent plane et assez large pour permettre la circulation. Si la largeur préconisée de nos jours est de l’ordre de 3 à 3,50 m (nécessaire au passage d’engins), au Moyen Âge et à l’époque moderne, elle devait être moindre, vraisemblablement de l’ordre de 2 à 2,50 m, sauf lorsqu’un chemin ou une route passait sur la digue. Mais la largeur de l’ouvrage est également liée à la nécessité d’éviter une trop grande infiltration des eaux au sein même de la digue. Ceci implique que la construction doit avoir une largeur sommitale minimale d’environ 2 m.

50 La profondeur des étangs n’est jamais très importante. Généralement elle varie entre 0,80 et 2 m. La hauteur de la digue est évidemment supérieure à celle de l’eau de l’étang. De nos jours, il est recommandé que cette différence de niveau, appelée revanche, calculée en fonction du débit de crue du cours d’eau, soit de l’ordre de 0,40 m. Certains auteurs préconisent même, par prudence, que la revanche devrait avoir une valeur minimale de 1,20 à 1,50 m. Les propositions de restitution faites à partir des études archéologiques indiquent que cette différence devait être, le plus souvent, de l’ordre d’1 m. Sur le site de Coulanges, l’étude stratigraphique a permis de constater que la digue avait vraisemblablement cédé – peut-être suite à une montée des eaux au- dessus du niveau de la revanche – dans la partie axiale de la vallée, avant d’être réparée. Historiquement, certains sites gardent des traces écrites d’accidents ou de catastrophes liés à des digues qui se sont rompues, comme à Orval (Belgique) en 1691. Les deux interventions préventives réalisées à Coulanges et Pierrefitte-sur-Loire n’ont livré aucune donnée sur un éventuel système de bonde. La tradition orale indique que, localement, l’aménagement le plus couramment rencontré correspondrait à un tronc d’arbre évidé installé sous la digue, dans le talweg. Un système de vanne – en amont ou en aval – devait lui être associé. Archéologiquement, ce type de canalisation est attesté sur plusieurs sites. De tels tuyaux – de 2,30 m de longueur – taillés dans des chênes, ont été retrouvés dans un étang – où ils avaient été disposés pour les rendre imputrescibles – sur le site d’Orval (Belgique). Les interventions préventives effectuées préalablement aux travaux d’aménagement de l’autoroute A71, dans le Cher, ont permis de fouiller les restes de canaux voûtés qui permettaient la vidange d’étangs. Ce système, assez répandu dans certaines régions, consistait en un conduit maçonné construit sous la digue et à l’extrémité duquel se trouvait une pierre plate scellée avec de l’argile. Le basculement de cette pierre permettait l’ouverture du canal et donc la vidange de l’étang. En ce qui concerne les trop-pleins, compte tenu de leur fugacité et de leur simplicité, ces agencements ne sont pas toujours identifiables. Néanmoins, les traces probables d’un aménagement de ce type ont été repérées sur le site de Coulanges. Ces dispositifs sont pourtant primordiaux et indispensables, car ils permettent d’éviter les submersions d’ouvrages qui sont souvent la cause principale des ruptures de digues. Dans tous les cas, après l’abandon des retenues d’eau, les digues s’érodent et des couches limoneuses caractéristiques de leur démantèlement se mettent alors en place sur leurs pentes. Lorsque l’étang est asséché, les digues ne sont plus entretenues et la végétation les recouvre rapidement. Cette végétalisation détériore alors irrémédiablement l’homogénéité de la structure, ainsi que son étanchéité, rendant leur réutilisation presque impossible. En effet, les réseaux racinaires des arbres dénaturent les digues et accélèrent la formation des larrons, responsables des problèmes d’étanchéité. De plus, une végétation accrue constitue un abri pour de nombreux animaux qui détériorent encore plus l’ouvrage en y creusant des terriers et des galeries. Dans la majorité des cas, les digues d’étangs asséchés servent donc de carrière et disparaissent rapidement du paysage. En Sologne bourbonnaise on compte encore

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bon nombre de ces constructions qui se trouvent aujourd’hui au milieu de prairies ou sous les haies de limites parcellaires. Comme c’est le cas dans le Cher, la disparition des étangs et de leurs vestiges correspond à un phénomène qui semble ici aussi irréversible.

Conclusion

51 La Sologne bourbonnaise, du fait de l’imperméabilité de son sous-sol, est un secteur géographique propice à la création de retenues d’eau. De nos jours, on ne compte pas moins d’une douzaine d’étangs par commune en moyenne. Si le nombre de ces plans d’eau, après avoir diminué au XIXe s., est redevenu équivalent à celui du XVIII e s., la localisation et l’importance de ceux-ci ont changé. En effet, il ne subsiste presque plus de grands étangs, alors que ceux-ci étaient majoritaires il y a 200 ans. En revanche, les petits étangs d’agrément – à vocation de pêche et de loisirs –se sont multipliés depuis quelques décennies. Localement, la création de quelques vastes plans d’eau touristiques ne saurait masquer le phénomène grandissant d’abandon de ces étangs. Celui-ci aboutira, certainement rapidement, à la disparition presque totale de ces aménagements ruraux hydrauliques qui ont pourtant dû constituer une des caractéristiques majeures du paysage de la Sologne bourbonnaise pendant de nombreux siècles.

52 A priori sans intérêt et sous une apparente homogénéité, les digues d’étangs abandonnés recèlent, en fait, une assez grande diversité de constitution, comme en témoigne la présente étude. Celle-ci permet de compléter le modeste ensemble de données aujourd’hui disponible relatif aux caractéristiques des sites de ce type. Les recherches archéologiques ne peuvent répondre à elles seules à toutes les questions concernant les aménagements hydrauliques au cours du Moyen Âge et de l’Époque moderne. Néanmoins, elles permettent la mise en évidence de points communs et de différences existant entre les sites étudiés dont les caractéristiques sont dépendantes de nombreux facteurs tels que : la fonction de la retenue d’eau, l’environnement du site, la nature des matériaux disponibles, l’expérience et la technique des constructeurs… Les deux exemples présentés ici indiquent qu’au moins dès l’époque moderne, deux des trois techniques actuelles de construction de digues en terre étaient déjà maîtrisées. Si les études archéologiques sur le sujet venaient à se multiplier, il serait alors possible d’aborder le problème de la chrono-typologie, tout en sachant que la datation de ces constructions est souvent délicate à établir. Il faut souhaiter qu’à l’avenir, d’autres travaux – notamment d’entretien – puissent donner l’occasion de compléter et d’enrichir cette documentation issue d’un domaine où la recherche archéologique est encore balbutiante.

Lexique

53 Assiette : emprise d’un étang. Batillage : déferlement de vagues sur les bords d’un plan d’eau. Bois flotté : morceau de bois déplacé naturellement par flottaison. Bonde : système de fermeture du canal d’évacuation d’eau d’une retenue d’eau et par extension dénomme aussi le canal lui même. Clapotis : agitation modérée de la surface de l’eau.

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Corroi : couche de terre argileuse compactée. Larron : trou (ou fissure) dans une digue qui peut donner lieu à une fuite d’eau. Renard : fissure dans une digue qui peut s’agrandir jusqu’à former un tunnel par où l’eau fuira et éventuellement entraînera des glissements de terrain sur la partie aval de l’ouvrage. Revanche : différence de hauteur entre le sommet d’une digue et le niveau de l’eau qu’elle retient. Sapement : destruction d’un ouvrage par sa base conduisant à une mise en porte-à- faux, voire à un éboulement. Tranchée d’ancrage : creusement linéaire réalisé à l’emplacement d’une future digue (avant la construction de celle-ci) généralement comblé de matériaux imperméables qui assurent une étanchéité du sous-sol sous l’ouvrage ; il permet aussi d’assurer une liaison entre le corps d’une digue et le terrain qui l’environne. Trop-plein : système de déversement de l’eau d’un étang pour empêcher que celle-ci ne dépasse un certain niveau.

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NOTES

1. Route Centre-Europe / Atlantique, section de Dompierre-sur-Besbre. 2. Archéologues à l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), région Auvergne. 3. Chargée de recherche au CNRS, Géolab, UMR 6042, Maison de l’Homme, 4 rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand. 4. Codes laboratoire : ARC 1872, 1873 et 1874. 5. Assistant d’étude et d’opération à l’INRAP, région Auvergne, 19 rue Élysée Reclus, 63100, Clermont-Ferrand. 6. Codes laboratoire : ARC 1829, 1838, 1840, 1841, 1842, 1843. 7. Palynologue à l’ARPA, UFR des Sciences de la Terre, Université de Lyon I, 69100, Villeurbanne.

RÉSUMÉS

Les investigations archéologiques préventives liées au tracé routier de la RCEA en Sologne bourbonnaise ont suscité la découverte de deux digues d’étangs en terre. L’approche technique de ces ouvrages d’époque moderne a été privilégiée, afin d’étudier notamment leurs modes de construction. Sous une apparente homogénéité, il s’avère, en fait, que ces aménagements appartiennent à deux types de digues élaborées selon différents procédés qui sont toujours en usage de nos jours.

The rescue archaeological work linked to the road route of the RCEA in Bourbon Sologne sparked the discovery of two earthen pond dykes. The technical approach of these modern works has been made a priority in order to study their construction method in particular. Apparently homogeneous, it turns out in fact that the improvements belong to two types of dykes developed in accordance with different processes which are still in use nowadays.

INDEX

Mots-clés : Allier, aménagements hydrauliques, digues d’étangs, époque moderne Keywords : Allier, hydraulic improvements, modern period, pond dykes

AUTEURS

SOPHIE LIEGARD Chargée d’opération et de recherche à l’INRAP, région Auvergne, 19 rue Élysée Reclus, 63100, Clermont-Ferrand.

ALAIN FOURVEL Technicien dessinateur à l’INRAP, région Auvergne, 19 rue Élysée Reclus, 63100, Clermont- Ferrand.

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Une maison du quartier cathédral de Tours (Indre-et-Loire) : évolution architecturale et techniques de construction A house in the cathedral quarter of Tours (Indre-et-Loire): its architectural evolution and construction techniques

Bastien Lefebvre

Conditions générales de l’étude1

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1 Les recherches menées sur le bâtiment nord de la propriété du 12 rue du Général Meusnier à Tours (Fig. 1) résultent d’un travail de maîtrise d’Histoire de l’art présenté par l’auteur en 2003 à l’université François-Rabelais de Tours (LEFEBVRE 2003), sous la direction de F. Journot (maître de conférence à l’université de Paris I Panthéon- Sorbonne). Il est également une des conséquences d’un profond réexamen de l’amphithéâtre gallo-romain de Tours mené depuis 2001 par J. Seigne (directeur de recherche au CNRS, UMR 6173 CITERES).

Fig. 1 : Tours (37) : Extrait du cadastre actuel. En noir, le bâtiment étudié.

2 Le bâtiment, situé dans la ville historique, se trouve au cœur de trois éléments importants de l’histoire de la ville de Tours : l’amphithéâtre gallo-romain, l’enceinte du castrum du Bas-Empire et l’ancien quartier canonial de la cathédrale (Fig. 1) 2. Les conditions d’occupation ont été largement déterminées par ces trois facteurs (MABIRE LA CAILLE 1988).

3 En élévation, le corps de bâtiment semble avoir été construit, comme beaucoup d’autres maisons canoniales du chapitre de Saint-Gatien, entre la fin du XVe s. et le début du XVIe s. (Fig. 2), mais des vestiges de constructions plus anciennes sont conservés dans l’actuelle cave. On y reconnaît, entre autres, remployés à l’occasion de plusieurs états de construction médiévale, des murs en moellons appartenant à l’amphithéâtre gallo-romain.

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Fig. 2 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier. Photo de la façade est.

4 Cette étude cherche à répondre à deux questions : par une étude d’archéologie du bâti (JOURNOT 1999) elle vise à différencier et interpréter les phases d’occupation successives reconnaissables dans la construction actuelle, puis à voir comment l’étude fine du bâti peut permettre d’appréhender les différentes techniques de construction mises en œuvre pour la réalisation de la maison de la fin du Moyen Âge, encore en élévation.

Les différents états architecturaux

Une contrainte topographique forte : les constructions antiques (phases 1 et 2)3

5 Différentes maçonneries d’origine antique ont été reconnues dans l’actuelle cave du bâtiment. Elles appartiennent à deux édifices distincts dont l’étude, menée par J. Seigne, est en cours : il s’agit de l’amphithéâtre construit à la fin du Ier s. et agrandi au IIe s., puis par la suite de sa transformation en fort (SEIGNE à paraître). Parce qu’elles ont eu un rôle déterminant dans l’implantation et l’organisation des constructions antérieures – elles ont été réutilisées en tant que substructures dans les états médiévaux –, ces maçonneries méritent d’être présentées succinctement.

6 La construction de l’amphithéâtre représente la première phase de construction reconnue (Fig. 3). Les maçonneries lui appartenant se localisent dans le mur sud4 du bâtiment et à l’est dans l’une des deux volées d’un escalier de l’amphithéâtre, appartenant apparemment à un des vomitoria secondaire de l’édifice. Au sud, le mur se caractérise par un parement de moellons équarris en calcaire lacustre, certaines parties présentant même un appareil de type mixte où des assises de terre cuite architecturale s’intercalent entre celles de pierre (Fig. 5).

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Fig. 3 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier. Proposition de phasage du sous-sol.

En gris foncé, les constructions propres à la phase ; en gris clair, les maçonneries réutilisées (B. Lefebvre d’après B. Lefebvre, J.-P. Sazerat et J. Seigne).

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Fig. 4 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Élévation est, coupe nord-sud et proposition de phasage.

Fig. 5 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Élévation sud, coupe est-ouest et proposition de phasage.

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7 Le mur ouest correspond à la seconde phase de construction (Fig. 3). Il s’agit de la partie anciennement en fondation d’un mur appartenant certainement à l’état de transformation de l’amphithéâtre en fort durant le IVe s., soit un peu avant la construction du castrum (Fig. 6).

Fig. 6 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Élévation ouest, coupe sud-nord et proposition de phasage.

Le premier habitat civil médiéval (phase 3)

La première maison médiévale

8 C’est la première construction civile reconnue sur ce site (phase 3a). D’après les vestiges conservés de cette construction, il devait s’agir d’un espace grossièrement parallélépipédique de 5,30 m dans le sens nord-sud par 8,40 m est-ouest (Fig. 3). La pièce semble avoir été délimitée au sud par une reprise des maçonneries gallo- romaines précédemment décrites et à l’ouest par le mur de fondation du fort (Fig. 3 et 5). C’est au nord que les éléments de la phase 3a sont les mieux conservés (Fig. 7). Le mur se compose d’un parement assez homogène de moyen appareil de tuffeau jaune, dont les blocs sont disposés en assises régulières. Comme bien souvent, des traces de peinture dessinant des faux-joints rouges ont pu être observées sur ce mur (CARRÉ 2001) et semblent appartenir à cet état du bâtiment. Ce mur est percé d’une porte couverte par un arc à double rouleau ; le premier rouleau est de tracé surbaissé, tandis que le second est un arc plein cintre, avec une arrière-voussure de tracé surbaissé (Fig. 7). Au mur est également adossée une cheminée, désormais bouchée, encadrée de deux niches

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de dimensions sensiblement identiques, couvertes d’un petit linteau de tuffeau jaune, lui-même déchargé par une plate-bande clavée (Fig. 3, 7 et 11).

Fig. 7 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Élévation nord, coupe ouest-est et proposition de phasage.

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Fig. 11 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo de la cheminée du mur nord-ouest (sous-sol).

9 À l’est, l’espace était fermé par un mur désormais arasé dont ne subsiste la trace de l’arrachement que sur le mur nord. Ce mur venait donc se plaquer au mur extérieur de l’escalier du vomitoire (Fig. 3).

10 Le niveau de sol intérieur était sensiblement identique à l’actuel : d’anciennes fouilles permettent de voir la limite entre la partie en élévation et les fondations de ce mur nord.

11 En revanche, aucun témoignage d’un second niveau n’a pu être identifié ; en particulier aucun escalier n’a été remarqué, mais il ne faut toutefois pas exclure que cette pièce ait été surmontée d’un niveau supérieur.

12 Il faut signaler qu’aucune ouverture autre que la porte précédemment décrite n’a pu être reconnue comme baie ayant servi à l’éclairage et à l’aération. Peut-être cette pièce était-elle aveugle, à moins qu’elle ait été éclairée uniquement par des baies hautes, des soupiraux, qui seraient désormais détruits. Cet état de fait conduit à former l’hypothèse d’une salle enterrée ou semi-enterrée.

13 En l’absence de mobilier associé, et parce que les indices habituels propres à la datation sont ici inexistants, c’est le recours à une étude statistique des modules de pierre de taille mis en œuvre dans la maçonnerie du mur nord qui permet de proposer une datation à cette construction (étude D. Prigent). Celui-ci conclut avec prudence à une datation du bas Moyen Âge.

L’agrandissement de la construction

14 Dans un second temps, ce bâtiment est agrandi vers l’est (phase 3b) ; le mur oriental est détruit et un nouveau mur, implanté sur les maçonneries antiques, est alors aménagé à

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environ 4 m du précédent (Fig. 3 et 4). Le montage des murs appartenant à cette phase n’est plus réalisé en pierres de taille, mais en moellons (chose encore visible sur le mur nord). Une ouverture est percée dans le mur oriental ; son accès est possible par un escalier dégagé dans le blocage de l’escalier gallo-romain et perpendiculairement à celui-ci.

15 Ce nouvel indice concernant la distribution indique une différence de niveau entre le sol intérieur et l’extérieur à l’est (qu’il s’agisse d’un espace bâti ou non bâti). Ceci renforce l’hypothèse formulée pour la phase précédente, qui voulait que le bâtiment soit partiellement enterré, au moins à l’est.

16 Faute d’indice significatif, la datation de cette phase est impossible, il faut se contenter de la chronologie relative.

La construction de la seconde maison médiévale (phase 4)

17 C’est actuellement la phase de construction la mieux représentée (phase 4). Elle correspond à la maison visible aujourd’hui en élévation. Elle comprend quatre niveaux : un semi-enterré, un niveau de rez-de-chaussée, un niveau de comble à surcroît et un second niveau de comble.

Distribution et structure générale du bâtiment

18 Le bâtiment reprend à peu près le même plan que celui décrit en phase 3b : il s’agit d’un rectangle d’environ 12 m par 6 m. En effet, les murs ouest, nord et est ont servi de substructures aux murs de la nouvelle construction (Fig. 3). Seul le mur sud est un nouveau mur construit en phase 4 : il s’agit en fait d’un plaquage contre le mur sud de la phase 3a (Fig. 3), caractérisé par un parement de petit et moyen appareils de tuffeau jaune. Les blocs sont disposés en appareil réglé ; les assises varient de 13 à 30 cm. Le mur se compose de deux éléments structurants : • il s’agit d’une part d’une arcature aveugle comprenant deux arcs en plein cintre ; chacun mesure 3,23 m à la corde de l’arc et 2,97 m de hauteur sous clef. La présence de ces arcs dégage un petit espace dans l’épaisseur du mur (Fig. 12) ; • d’autre part une cheminée est encastrée dans l’épaisseur du mur “ afin que son conduit puisse passer verticalement derrière la cheminée située au-dessus ” (L’architecture civile à Tours… 1980 : 97). C’est donc vraisemblablement alors qu’est bouchée la cheminée de la phase 3a ; l’observation des modules des blocs va dans ce sens.

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Fig. 12 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo du mur sud-ouest (sous-sol).

19 En phase 4, le volume général du bâtiment étudié est donc sensiblement identique à celui aujourd’hui visible, à la différence près que le niveau de sol à l’est devait être plus bas que l’actuel, mais formait toutefois un niveau semi-enterré. La principale différence avec la disposition originelle vient du fait que le bâtiment est maintenant encadré par deux constructions plus récentes, alors que durant la phase 4, il devait être flanqué par un corps de bâtiment qui lui était contemporain (Fig. 13). En effet, certains indices incitent à croire que le bâtiment étudié fonctionnait avec un autre, situé immédiatement au nord-ouest, ceci est notamment suggéré par la série de blocs de parement qui se poursuit dans la construction plus récente placée au nord (au 10 rue du Général Meusnier). La maison dans son état initial possédait donc vraisemblablement deux corps de bâtiment, chacun individualisé par un pignon et une couverture propre. D’autres indices permettent de pousser plus loin cette hypothèse. L’observation de la façade ouest a permis de remarquer, outre la superposition de deux portes (dont l’une donnant actuellement dans le vide), toute une série de trous de poutre encadrant ces deux ouvertures (Fig. 9)5. Ainsi il est tentant de penser qu’à cet emplacement prenait place à l’origine un élément de distribution (galerie ou tour d’escalier) entre deux corps de logis, ce qui indique forcément que les façades des deux corps de logis n’étaient pas au même nu. Si cette hypothèse s’avérait justifiée, le bâtiment aurait été à deux corps de logis dont l’un aurait présenté un pignon sur rue, l’autre en retrait, afin de ménager une cour sur la rue (Fig. 13). Il s’agirait donc d’un plan en L assez répandu à la fin du Moyen Âge, où “ une cour est logée entre les bras du L et affronte la rue par un petit côté ” (GARRIGOU GRANDCHAMP 1992 : 58) et où la distribution est assurée par un escalier en vis, qui occupe l’angle formé par la jonction des deux ailes. Ce type d’organisation de maison, très répandu, se retrouve dans de très nombreuses villes, et notamment à Tours comme cela est attesté rue du Mûrier par une gravure du début du XXe s. (GATIAN DE CLÉRAMBAULT 1912 : pl. LX ; L’architecture civile à Tours… 1980 : 60).

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Fig. 8 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Façade est et proposition de phasage.

Fig. 9 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Façade ouest et proposition de phasage.

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Fig. 10 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo de la porte du mur nord-ouest (sous-sol).

Fig. 13 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Hypothèse d’organisation du bâtiment lors de la phase 4.

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L’organisation de la charpente

20 Inclinés à 59°, les deux versants de la toiture du corps de bâtiment étudié sont portés par une charpente à chevrons formant fermes. Cette forte inclinaison s’explique sans équivoque par le matériau de couverture retenu, identique à l’actuel, à savoir l’ardoise.

21 La charpente s’organise selon une structure tramée, d’un total de 20 fermes, avec cinq principales et quinze secondaires, d’un type assez commun, dont l’entraxe est proche de 65 cm (Fig. 5 et 7). Toutefois la “ travée orientale ” ne comporte que trois fermes secondaires comprises entre les deux principales, au lieu de quatre habituellement. Ces fermes reposent sur une sablière composée de quatre pièces de bois parallèles assemblées par tenons et mortaises (Fig. 6). Cette sablière est posée, sans épaule, sur le faîte des murs gouttereaux (nord et sud). Chaque ferme repose de part et d’autre sur un blochet. Les fermes principales sont composées de deux arbalétriers6, chacun renforcé par une jambette, de deux entraits retroussés (les premiers faux-entraits font office de solives de plafond pour le niveau de comble à surcroît), et bien sûr d’un poinçon (Fig. 6). Le poinçon de la ferme orientale repose sur un corbeau fixé dans le mur pignon (Fig. 4).

22 Il faut encore noter que les principales pièces de bois (les poinçons et les premiers entraits retroussés présentent un élargissement aux extrémités (Fig. 14). Ce phénomène ne semble pas répondre à un souci décoratif : ces élargissements servent plutôt à assembler plus facilement les pièces les unes aux autres. Enfin, le contreventement est assuré par une panne faîtière et une lierne de sous-faîtage qui prend place immédiatement en dessous des premiers entraits retroussés. Après observation, il semble que les entraits retroussés croisent la lierne sans assemblage, par simple superposition.

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Fig. 14 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo depuis l’est du second niveau de comble.

23 Ainsi cette charpente entre dans la catégorie des “ charpentes à chevrons formant fermes contreventées par une sous-faîtière et une panne faîtière et composées d’entraits retroussés ” (HOFFSUMMER 2002 : 212).

24 Les fermes sont numérotées sur les deux séries de faux-entraits d’est en ouest, d’I à XX. L’observation de ces marques indique que la charpente ne semble pas avoir subi de changement.

25 Les aisseliers sont eux aussi numérotés d’est en ouest. Ils le sont de II à VI sur leur face sud. L’aisselier est de la ferme principale ne porte pas de marque ; il est plus court et placé plus haut que les autres, sans doute une réfection a entraîné la suppression de l’aisselier numéroté I.

26 Ainsi la charpente ne semble pas avoir subi d’importantes modifications depuis sa mise en place, en phase 4.

Les cheminées et les baies

27 Durant la phase 4, il semble que le niveau de l’actuelle cave n’ait pas été très ajouré. La pièce aménagée dans ce niveau était semi-enterrée et n’était donc éclairée que par des baies hautes : à savoir deux (ou trois, un doute subsiste) baies dans le mur est et un soupirail dans le mur ouest. Ce soupirail présente une embrasure extérieure réalisée en tuffeau jaune de type “ Écorcheveau ” ; le couvrement est assuré par un linteau échancré selon un tracé en anse-de-panier. Le système de fermeture est particulier : à l’extérieur, sur le côté droit et dans la partie supérieure du linteau, on observe les vestiges d’un chambranle sculpté dans la pierre et composé d’un seul bandeau (Fig. 15).

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Un vantail venait donc y prendre place. Il était alors possible, depuis l’extérieur, d’actionner ce vantail afin de fermer cette ouverture.

Fig. 15 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo du soupirail donnant sur la façade ouest.

28 Deux ouvertures latérales du mur est appartiennent aussi à la phase 4 ; elles présentent la particularité d’avoir un linteau qui ne repose pas directement sur les piédroits, mais par l’intermédiaire d’une petite brique7. De plus, elles conservent à l’intérieur des traces de feuillure une série de petits trous servant vraisemblablement plus à placer un dormant qu’une grille. Celui-ci devait accueillir lui-même un vantail qui s’ouvrait et se fermait de l’intérieur : se pose alors le problème de l’accessibilité à ces baies hautes.

29 Ainsi, l’éclairage naturel de ce niveau, somme toute assez faible, s’effectuait par une série de trois (ou quatre) soupiraux qu’il était vraisemblablement possible d’ouvrir et de fermer afin d’éclairer et d’aérer la pièce.

30 Seule la cheminée du niveau inférieur est attribuable, sans équivoque, à la phase 4 (Fig. 5). Toutefois celle-ci n’est appréhendable que par la forme de son conduit et par ses deux bases. Son manteau était soutenu par des piédroits et non des corbeaux. Les bases des piédroits sont prismatiques et appartiennent donc au vocabulaire stylistique qui se développe à la fin du Moyen Âge.

31 Le niveau de rez-de-chaussée présentait, comme le précédent, une seule grande pièce. Celle-ci était éclairée par deux grandes baies strictement identiques, larges de 1,26 m pour 2,25 m de hauteur et couvertes d’un important linteau en pierre, sans système de décharge (Fig. 16). Les blocs constituant les piédroits de ces baies sont en tuffeau dit blanc (et d’une couleur effectivement) très blanche, tandis que les premiers et derniers blocs des piédroits, ainsi que le linteau et l’appui sont, eux aussi en tuffeau dit blanc,

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mais cette fois-ci de couleur franchement rousse (Fig. 22). Ces baies conservent différentes traces de l’existence d’un meneau et d’une traverse en pierre.

Fig. 16 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo de détail de la façade ouest.

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Fig. 22 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Répartition des matériaux utilisés pour la grande baie de la façade est.

32 Il est juste possible de noter qu’une feuillure encadre toute la baie, les aménagements actuels ne permettent pas de pousser plus loin l’observation. On supposera alors, en conformité avec les dispositifs observés habituellement, que ces grandes baies possédaient chacune un bâti dormant en bois encastré dans les feuillures de pierre et recevant des châssis mobiles pour la partie basse (sous la traverse) et fixe pour la partie haute. Ces châssis pouvaient être vitrés ou garnis de papier huilé (VIOLLET-LE-DUC 1854-1868 : t. 5).

33 Cet ensemble d’ouvertures faisait de ce rez-de-chaussée, le niveau le plus éclairé et le plus important du bâtiment.

34 La présence d’un important corbeau maçonné au niveau inférieur, indique que le rez- de-chaussée était lui aussi chauffé par une grande cheminée. Toutefois il est désormais impossible de connaître la modénature de cette cheminée, puisque le manteau a été totalement reconstruit.

35 D’après la chronologie, il apparaît que pendant la phase 4 le niveau de comble à surcroît était équipé de deux types de baies. La première baie est unique dans toute la construction. Il s’agit d’une fenêtre géminée s’ouvrant sur la façade ouest. Sa disposition actuelle est proche de celle qu’elle devait avoir pendant la phase 4. En effet, il faut juste restituer un appui un peu plus haut placé qu’il ne l’est actuellement. Le type de fermeture originelle de cette baie est difficile à appréhender, car l’aménagement actuel masque d’éventuels vestiges de cette fermeture. Néanmoins, on peut émettre l’hypothèse d’un système de fermeture proche de l’état en place. Ainsi, la

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fermeture de cette baie aurait pu s’effectuer par un bâti dormant accueillant deux vantaux s’ouvrant vers l’intérieur.

36 La seconde baie attestée dans ce niveau est moins bien conservée puisqu’il ne reste plus que son linteau, mais elle s’apparente à un type que l’on retrouve au niveau supérieur. Les dimensions du linteau ainsi que le chanfrein conservé permettent de connaître la largeur de l’embrasure extérieure de cette baie. Elle devait être semblable à celles du second étage de comble, quant à elles, conservées dans leur intégralité (cf. infra).

37 Contrairement aux deux niveaux précédents, celui-ci était équipé de deux cheminées et donc divisé en au moins deux pièces (Fig. 5). Des deux cheminées, si l’une est totalement détruite, la seconde semble n’avoir pas subi de transformations. Ses deux piédroits sont en pierre de taille de moyen appareil de tuffeau jaune. Leurs bases sont juste animées d’un chanfrein renversé. Les chapiteaux ou consoles des piédroits présentent un profil de chanfrein renversé surmonté d’un bandeau. Le couvrement de cette cheminée se fait par un linteau d’une seule pièce de bois. Le manteau droit est, quant à lui, appareillé de blocs de moyen appareil de tuffeau jaune ; ils présentent tous, comme ceux des piédroits, des traces de chemin de fer qui indiquent une réfection importante, peut-être lorsqu’il fut décidé de la condamner.

38 Le second étage de comble est ouvert de trois baies rectangulaires qui suivent toutes un modèle identique (cf. infra) : mesurant 28 cm de large et 90 cm de hauteur, elles sont couvertes d’un linteau de pierre posé sur des chantignoles. L’une d’elles conserve encore un vantail certainement d’origine : composé d’une seule planche de bois, il est mobile et pivote par rapport au mur au moyen de deux paumelles. Les pentures forgées, fixées sur le vantail, décrivent une série de courbes et de contre-courbes (Fig. 17). Le vantail vient prendre place directement dans l’embrasure de la baie, sans l’intermédiaire d’un bâti dormant. Il est équipé d’une targette cylindrique qui fonctionnait sans gâche, puisqu’elle rentre directement dans un trou aménagé dans la pierre. Fig. 17 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

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Vantail intérieur de la baie sud de la façade est.

39 Enfin, une quatrième ouverture couverte d’un arc segmentaire perce ce niveau. Même si la chronologie de cette baie ne fait pas de doute, il est assez difficile de restituer son état en phase 4. Trop de modifications empêchent de connaître sa hauteur d’origine.

L’aspect esthétique : les sculptures et les peintures

40 Les grandes baies à meneau et traverse déjà mentionnées concentrent à elles seules la quasi-totalité des sculptures et peintures encore visibles appartenant à la phase 4. Les sculptures sont désormais observables uniquement sur la baie de la façade ouest (Fig. 16), mais la grande similitude ainsi que la présence de traces de bûchage tendent à indiquer que des sculptures identiques prenaient place sur la baie de la façade opposée. Ces sculptures se concentrent sur l’appui. Son profil se compose d’un chanfrein droit, surmonté d’une scotie droite, puis d’un réglet et se termine par un tore. Mais les sculptures se trouvent surtout sur le linteau : celui-ci présente un larmier dont le profil mouluré se compose d’un quart-de-rond droit surmonté d’un chanfrein droit, d’une scotie droite, d’un réglet, d’une doucine droite, d’un réglet et s’achève enfin par une doucine renversée (Fig. 18). Cette moulure retombe sur deux culots sculptés prenant place sur chacun des derniers blocs des piédroits de la baie : ils sont quasi symétriques et composés d’un petit larmier (une scotie droite et un tore semi-circulaire), puis dans la partie inférieure d’un ange représenté en buste et portant un écusson.

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Fig. 18 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Profils du larmier et de l’allège de la grande baie de la façade ouest.

41 Des traces de peinture ont pu être observées sous le larmier de cette baie. Il faut noter que ces peintures sont appliquées directement sur la pierre, sans aucune couche préparatoire ni enduit intermédiaire. La plupart des motifs ont été préalablement gravés directement sur la pierre (Fig. 19). Trois motifs peints se localisent sur le quart- de-rond du larmier : ils sont encadrés par un bandeau rouge (Fig. 20). Il s’agit de gauche à droite, d’un “ damier ” de cases carrées de couleur rouge, ocre jaune et noire. Le quadrillage de ce damier a été préalablement incisé : les couleurs s’organisent selon des diagonales. Ensuite, alors que les incisons se poursuivent de manière identique, le second motif peint s’en affranchit : s’agit-il d’un changement du programme ? Il consiste en une grille de couleur noire, dont les cases ocre jaune accueillent un point rouge. Ensuite, prend place un damier composé de lignes de losanges ocre jaune et rouges (Fig. 21) ; là encore ce motif a préalablement été gravé sur la pierre. À mi- distance entre le motif précédent et la trace du meneau, une forme triangulaire vient rompre ce dispositif ; le mauvais état de conservation ne permet pas de connaître avec certitude ce qui y était représenté (un blason ?). Les losanges se poursuivent sur quelques centimètres à droite de l’emplacement du meneau, puis la polychromie n’est plus visible.

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Fig. 19 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo du marquage préparatoire gravé sur le larmier de la grande baie de la façade ouest.

Fig. 20 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Relevés des peintures localisées sur la scotie du larmier (haut) et de celles localisées sur le quart-de- rond du larmier (bas) de la grande baie de la façade ouest.

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Fig. 21 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Photo de détail des peintures observées sur le larmier de la grande baie de la façade ouest.

42 Le chanfrein droit du larmier est peint en rouge ; la scotie droite est le support d’un motif de palmettes (Fig. 20) peintes d’ocre jaune, de rouge et de noir.

43 D’autres traces de peintures feignant les joints d’un traditionnel faux-appareil sont également à mentionner, bien qu’elles soient bien plus sporadiques. Ce dispositif s’observe sous l’intrados de l’arc méridional dans l’actuelle cave et les faux joints sont peints en noir, couleur assez inhabituelle pour ce genre de motif (CARRÉ 2001).

44 D’autres éléments devaient être décorés, notamment les cheminées, mais à l’exception des bases prismatiques de celle située dans l’actuelle cave, l’état de conservation ne permet plus désormais de pouvoir appréhender le décor qu’elles pouvaient supporter.

Phase 4 : essai de datation

45 Faute de moyens financiers, la datation de la construction de cette maison ne peut pas être appuyée par des analyses en laboratoire, comme une analyse dendrochronologique des bois de la charpente.

46 Une comparaison stylistique, notamment du décor, est, dans le cas présent, peu significative étant donné le manque d’études de référence. Ainsi, par exemple, et d’un point de vue stylistique, les vestiges de la cheminée située dans l’actuelle cave pourraient être un indice, mais la datation de ce type de “ cheminées gothiques ” est assez imprécise : on les place traditionnellement à la fin du XVe s. (L’architecture civile à Tours… 1980 : 98). Toutefois, il apparaît que ce modèle existe dès le début de ce siècle et perdure jusqu’au début du XVIe s.

47 La structure de la charpente étudiée n’offre pas plus de véritables pistes. En effet, même si l’important travail sur la typologie et l’évolution des charpentes réalisé par P. Hoffsummer permet de comparer celle-ci avec d’autres charpentes datées par dendrochronologie, la fourchette de datation obtenue reste large (HOFFSUMMER 2002). Ainsi, même si la charpente du château de Sully-sur-Loire (datée entre 1396 et 1400) et

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celle de l’aile Longueville du château de Châteaudun (1470/1473) sont bien du même type que celle de cette maison, l’écart chronologique entre ces constructions reste important.

48 Les travaux menées par J.-Y. Hunot sur les charpentes en Anjou indiquent que certains indices peuvent être significatifs d’une évolution : l’entraxe, le type de contreventement, mais aussi l’inclinaison des versants de la charpente qui, pour celle étudiée (59°), semble plutôt caractéristique d’une période allant du milieu du XVe au milieu du XVIe s. (HUNOT 2001), mais aussi du type de couverture retenu (cf. supra).

49 Ainsi, si toutes ces remarques tendent à indiquer que la construction du bâtiment s’est faite au XVe ou au début du XVIe s., les indices ne sont pas assez caractéristiques pour proposer une datation fine. Une précision nécessitera obligatoirement de recourir à une analyse dendrochronologique de la charpente.

Les principales modifications jusqu’à nos jours8

50 Elles se résument essentiellement à la destruction du corps de logis qui prenait place immédiatement au nord. Cette destruction a entraîné celle de l’escalier ou de la galerie hors œuvre supposé et la condamnation d’un certain nombre de baies. La reconstruction d’un corps de bâtiment à son emplacement, dans la première moitié du XVIIe s., oblige à concevoir la destruction peu avant.

51 L’autre modification importante, qui eut lieu avant la Révolution9 et qui est peut-être contemporaine de la précédente, se manifeste par la surélévation importante (au moins un mètre) du niveau de l’actuel jardin. Elle entraîna le bouchage des baies hautes ainsi qu’un profond changement de fonction de la pièce de l’actuelle cave (celle-ci devenant vraisemblablement un lieu de stockage), peut-être alors accompagné de la destruction de la cheminée.

52 Bien plus récemment (en 1945), les propriétés des 10 et 12 rue du Général Meusnier furent réunies : de nombreuses ouvertures furent alors percées permettant de faire communiquer le corps de bâtiment en question et celui plus au sud.

53 Puis en 1962, à l’inverse, une partie de cette grande propriété fut vendue et les ouvertures faisant communiquer le corps de bâtiment étudié avec celui plus au nord furent bouchées.

54 Enfin, c’est en 1990 que le plancher à poutres et solives séparant l’actuel niveau de cave du rez-de-chaussée fut démonté et remplacé par un plancher préfabriqué en béton.

La construction de la phase 4 : aspects techniques et économiques

Les matériaux utilisés

L’utilisation majoritaire des tuffeaux

— Les tuffeaux “ jaunes ”

55 Comme pour les constructions médiévales à Tours, la pierre la plus utilisée pour la construction est le tuffeau jaune : c’est la seule employée pour les blocs de moyen appareil, ainsi que pour la majorité des moellons. Il s’agit d’une craie tendre sableuse,

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dont la couleur varie du blanchâtre au jaunâtre. Elle présente de très nombreux avantages pour la construction : c’est d’abord une pierre locale, disponible dans des carrières peu profondes qui permettent rapidement d’atteindre des bancs de bonne qualité et ce, dans de très nombreux endroits de la région, notamment dans les coteaux de la Vienne et de la Loire. Ensuite, cette pierre présente une faible dureté qui la rend facilement exploitable. Ces deux facteurs entraînent un coût d’extraction et de transport relativement faible.

56 Un faciès particulier de tuffeau jaune a pu être identifié : il s’agit de celui bien connu de type “ Écorcheveau ”. C’est un calcaire jaune grisâtre, plus gréseux que le précédent, mais aussi plus cohérent. Il présente de nombreuses empreintes de Cytherea uniformis. Son utilisation est très fréquente dans la région et sa carrière d’extraction a déjà fait l’objet d’études (COCIRTA et al. 1991).

57 La carrière dite “ de l’Écorcheveau ” se situe sur l’actuelle commune de Saint-Avertin (37). Elle a servi de carrière à ciel ouvert pendant l’époque romaine, puis de carrière souterraine du XIe au XIXe s. (CHEVALIER 1975 : 118). Ce faciès de tuffeau est fréquent dans les constructions de la ville de Tours, notamment pour les soubassements (base du chevet et des tours de la cathédrale, base de la “ Tour Charlemagne ” de la basilique Saint-Martin et de la plupart des maisons antérieures au XIXe s. (MACAIRE et MARTINET 1991).

58 La caractéristique principale de cette pierre, par rapport au tuffeau jaune ordinaire, est d’être plus cohérente et donc moins altérable ; en contrepartie, les empreintes de fossiles et donc les nombreuses dépressions, en font une pierre qui ne se prête guère aux sculptures ou aux moulures trop fines. En revanche, puisqu’il est impossible d’obtenir des surfaces planes et lisses et surtout parce qu’elle est très résistante, cette pierre est particulièrement prisée pour les parties basses des constructions les plus sollicitées. De plus, lorsque les blocs présentent une face dressée, l’aspect produit par les fossiles est fortement rugueux et fait penser au bossage rustiqué ; c’est peut-être également une des raisons pour lesquelles on l’utilise en soubassement.

59 Dans le bâtiment étudié ici, cette pierre est relativement peu fréquente et utilisée pour la réalisation de certains blocs spéciaux, souvent en contact avec le sol (les deux bases de la cheminée du mur sud de la cave, les trois premières assises des blocs communs aux deux arcades, mais aussi les linteaux extérieurs des soupiraux).

— Les tuffeaux “ blancs ”

60 C’est un calcaire crayeux plus fin que le précédent. Il est considéré comme la pierre d’oeuvre locale la plus noble parce que les “ grains ” (restes d’organismes calcaires, quartz et minéraux divers), sont plus fins que ceux du tuffeau jaune et surtout parce qu’ils sont liés par un ciment de calcite micritique, qui donne un aspect très homogène à la pierre. En outre, ce faciès de tuffeau se trouve dans des bancs plus épais, plus réguliers et plus homogènes : ainsi les blocs extraits peuvent être de dimensions plus conséquentes que ceux en tuffeau jaune ; ils se prêtent alors tout particulièrement aux sculptures fines.

61 Dans le bâtiment présenté, le tuffeau blanc n’est utilisé que dans deux cas de figure, à savoir : accessoirement sous la forme de moellons dans certains bouchages tardifs, mais surtout dans l’encadrement sculpté des grandes ouvertures à meneau et traverse du rez-de-chaussée.

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62 En réalité, deux faciès différents de tuffeau blanc sont à distinguer et là encore, leur répartition n’est pas aléatoire (Fig. 22). Si le premier se caractérise par sa couleur blanche, le second présente une couleur franchement rousse ainsi que des traces de stratification nettement visibles. Le premier type est exclusivement réservé aux blocs des piédroits des deux grandes fenêtres, à l’exception des blocs jointifs au linteau ou à l’appui de chacune de ces baies. Cette pierre ne fut pas retenue pour porter le décor sculpté. Le second type de tuffeau blanc est utilisé uniquement pour les appuis et les linteaux des fenêtres, ainsi que pour les blocs de l’encadrement jointifs à l’appui ou au linteau. D’après les quelques traces visibles, il faut noter que les traverses et les meneaux devaient être réalisés dans cette même pierre. Ce faciès a donc été réservé aux blocs destinés à recevoir des moulures ou des sculptures.

63 Malheureusement, à l’exception du constat d’une dureté plus importante du second faciès par rapport au premier, cette répartition reste pour l’instant sans explication. Il faut juste souligner que ce changement de matériau, face au traditionnel tuffeau jaune (cf. supra), produit un effet incontestable : est-il d’ordre esthétique (jeu sur le contraste de couleur) ou d’ordre technique (propriétés physiques) ?

Les autres matériaux : le bois et la terre cuite architecturale

64 Les éléments de bois conservés appartiennent aux planchers ou à la charpente. Seule cette dernière structure est actuellement visible : l’essence de bois utilisée est le chêne ce qui reste conforme à la majorité des cas (HUNOT 2001 : 29).

65 La terre cuite architecturale est utilisée sous la forme de briques pour les murets nord et sud du deuxième niveau de comble. Les briques quasi uniformes sont des chantignoles, ce qui reste assez étonnant puisque ce module de briques est d’habitude plus volontiers utilisé pour la réalisation de sols ou de cheminées.

66 La terre cuite architecturale a servi aussi pour le sol du second niveau de comble. À partir d’une observation sur une très petite surface, il semble que les dimensions des carreaux soient beaucoup moins homogènes que celles des briques10.

La mise en œuvre

Les ouvrages spéciaux de maçonnerie

67 À travers les différents niveaux d’élévation, deux types de baies, de dimensions et de montage identiques, ont pu être repérés. Le phénomène nécessite d’être souligné.

68 Un premier module de baie est présent à quatre reprises dans l’actuel niveau de cave et au second niveau de comble. Chacune présente une embrasure d’environ 55 cm de large (les dimensions varient de 1 à 2 cm) et de près d’1 m en hauteur. Le couvrement extérieur s’effectue par un linteau en pierre, alors que le couvrement intérieur se fait par une plate-bande de trois claveaux, à l’exception de la baie de la façade ouest qui est couverte d’un linteau. Une autre caractéristique est l’utilisation systématique de pièces de terre cuite architecturale côté intérieur, entre chaque piédroit et le couvrement. Toutefois cette disposition ne semble pas s’expliquer de manière structurelle. Peut-être s’agit-il d’un savoir faire propre à un maître maçon ou à un ouvrier ?

69 Les deux grandes baies à meneau et traverse présentent également entre elles de fortes similitudes : le montage et les dimensions sont rigoureusement identiques.

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70 Ainsi, la mise en place de ces baies a bénéficié d’un soin tout particulier. Chaque appui possède un épais lit de pose, composé de mortier, de schiste ardoisier et parfois de fragments de terre cuite architecturale. Il faut également remarquer que le montage des baies, par rapport au mur, se fait par retaille des blocs du parement, ce qui indique une réalisation séparée des blocs de l’encadrement de la baie par rapport aux blocs du parement.

71 Il faut envisager l’intervention de deux équipes, l’une préposée à la réalisation des blocs du parement, l’autre à celle des blocs des baies. Ceci pose la question de l’organisation du travail, comme, par exemple, celle de l’utilisation de modèles pour la réalisation des moulures11, bien que les dimensions des blocs qui les composent ne soient pas strictement identiques. En tout cas cette remarque, ainsi que la différence de la nature de pierre soulèvent celle du lieu de taille des blocs : ceux du parement et ceux des baies ont-ils été réalisés au même endroit ? Comment le travail s’organise-t-il en carrière ?

L’échafaudage

72 L’approche de l’échafaudage, et donc du montage des murs, passe d’abord par l’observation des trous de boulins (Fig. 23), observés uniquement sur les façades extérieures est et ouest. À l’intérieur, les parements des façades est et ouest sont réalisés en moellons et aucun trou de boulin n’a été remarqué. En outre, vu que les niveaux de plancher furent sans doute montés au fur et à mesure de la construction (L’échafaudage… 1996), il est probable qu’un échafaudage unilatéral, situé à l’extérieur, fut mis en place pour la construction des deux pignons.

Fig. 23 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Mise en évidence des alignements de trous de boulins sur les façades est et ouest.

73 Quelle était l’utilité d’un échafaudage dans des constructions de dimension modeste où les seuls planchers auraient vraisemblablement suffi à monter les murs ? Le recours à l’échafaudage ne s’explique-t-il pas essentiellement par l’utilisation de la pierre de taille, qui nécessite une mise en œuvre rigoureuse et soignée ?

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— Caractérisation des trous de boulins observés

74 Les trous de boulins des façades est et ouest sont façonnés, de forme carrée et de 15 cm de côté. L’usage indique que les trous de boulins façonnés sont : “ soit une échancrure taillée dans l’un des quatre angles de la pierre et réutilisant deux joints perpendiculaires, à droite ou à gauche du bloc, soit, plus rarement, une échancrure taillée au centre de l’arête inférieure du parement du bloc, en réutilisant un joint horizontal de lit de pose ” (L’échafaudage… 1996 : 136). L’élaboration du chantier peut s’observer par la disposition même des trous de boulins. Pour les constructions de grande qualité et bien souvent de grande hauteur, le respect d’une structure rigoureuse de l’échafaudage, guidée par l’emplacement des perches, s’impose et l’emplacement des boulins est ainsi déterminé ; le boulin doit alors être placé dans n’importe quelle partie du bloc concerné. Dans les plus petits chantiers, l’implantation du boulin s’adapte au travail du maçon ; les échancrures d’angle, parce que plus faciles à réaliser, sont alors privilégiées (L’échafaudage… 1996).

75 Dans la construction du bâtiment étudié, on observe indifféremment des échancrures d’angle, ou taillées au centre de l’arête d’un bloc ; ceci n’indique pas forcément qu’il s’agit d’un chantier prestigieux. Il faut plutôt rappeler que les blocs des parements des façades est et ouest sont réalisés en tuffeau jaune qui est une pierre tendre ; le façonnage d’une échancrure d’angle ou taillée au centre d’une arête est, dans un cas comme dans l’autre, facile à exécuter puisque réalisé à la scie.

— Disposition des boulins et type d’échafaudage mis en œuvre

76 Tous les trous de boulins étant actuellement bouchés, il n’a pas été possible d’appréhender la nature exacte de ces trous : sont-ils traversants, borgnes, de biais, coudés en baïonnette ? Sont-ils même tous sur un modèle identique ? Les relevés pierre à pierre des façades indiquent, qu’en partie haute, les trous de boulins ne sont pas à l’aplomb les uns des autres (Fig. 23) : les platelages étaient certainement indépendants. Peut-être un même platelage a-t-il pu être utilisé et déplacé au fur et à mesure de l’avancement de la construction. Ainsi un échafaudage encastré en bascule devait être utilisé pour la partie haute (Fig. 24).

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Fig. 24 : Tours (37) : 12 rue du Général Meusnier.

Proposition de restitution de l’échafaudage sur la façade est.

77 Ce type d’échafaudage est mis en place à l’aide d’un système d’équerres (triangulation d’un boulin, d’un potelet, ménagé le long du mur et d’un lien) ; le contreventement de ces équerres et assuré par le platelage même, qui y prend place.

78 Pour la partie basse, la question du type d’échafaudage utilisé est plus difficile à déterminer, car les trous de boulins visibles sont moins nombreux. Il ne faut pas exclure l’utilisation d’un échafaudage de pieds encastrés à un rang de perches. En effet, certains trous de boulins sont alignés de manière verticale. Puisqu’il s’agit de façades à pignon, la partie basse implique (principalement pour la façade est) une unité de développement importante, surtout si on considère qu’un second corps de bâtiment prenait place au nord (cf. supra).

79 Ainsi, en partie basse, la construction pourrait bien avoir requis un échafaudage de pieds, tandis que la partie haute, où l’unité de franchissement est, de fait, plus réduite (puisqu’il s’agit du haut du pignon), pourrait avoir été construite à partir d’un échafaudage encastré en bascule. L’échafaudage de la construction était donc vraisemblablement de type mixte (Fig. 24) (L’échafaudage… 1996 : 134).

— Les fonctions horizontales : l’entraxe et les appuis des baies

80 Puisque les façades du bâtiment présentent un pignon, les unités de développement varient d’un maximum de 6 m (en partie basse), à un minimum de 1,20 m environ (pour le haut du pignon). Malgré les lacunes dues aux transformations postérieures à la phase 4, il semble que seuls trois boulins étaient utilisés pour une unité de franchissement comprise entre 6 et 4,60 m. Pour celles inférieures à 4,60 m, seuls deux boulins étaient

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nécessaires. Bien qu’il n’existe pas de règle, l’entraxe paraît ici assez important (L’échafaudage… 1996 : 62).

81 Pour ce qui devait constituer le troisième platelage de la façade ouest, il faut remarquer une absence totale de trou de boulin. Par contre le positionnement présumé de ce platelage (cf. infra) se situe exactement au niveau de l’appui de la fenêtre géminée. Dans ce cas de figure, il n’est pas impossible que l’ouverture ait été utilisée pour ancrer le platelage et donc limiter les opérations de taille de pierre. En effet, il semble que parfois l’appui des baies fut utilisé pour la mise en place de l’échafaudage, comme ce fut le cas dans l’architecture religieuse (L’échafaudage… 1996 : 105-106).

— Les fonctions verticales : les hauteurs de platelages

82 Les trous de boulins observés sur les façades extérieures est et ouest, permettent d’appréhender les hauteurs des platelages mis en place pour la construction de ces deux murs pignons.

83 La façade orientale présente le réseau de trous de boulins le mieux conservé : sept platelages sont identifiables. Les hauteurs entre les platelages sont assez homogènes (1,40 m en moyenne) ; elles ne varient que d’une dizaine de centimètres en partie haute.

84 Pour la façade ouest, les hauteurs sont beaucoup moins homogènes. Actuellement, il n’y a plus de traces visibles des trous de boulins ayant supporté le premier platelage. Il est tout de même probable qu’il y en avait également sept. Là encore, il existe une homogénéité des premiers platelages (moyenne d’1,25 m), puis une irrégularité en partie haute. Toutefois, ici, l’irrégularité est beaucoup plus importante en partie haute : les variations vont parfois jusqu’à une quarantaine de centimètres.

85 La régularité des hauteurs de platelage en partie basse s’explique sans doute par l’utilisation d’un échafaudage de pieds tandis qu’en partie haute, dans le probable échafaudage encastré en bascule, les hauteurs de platelage peuvent plus facilement varier, car ceux-ci sont indépendants les uns des autres.

86 Dans une majorité de constructions, les intervalles entre les niveaux oscillent entre 1 m et 1,60 m. Toutefois “ en dessous de 1,20 m, le maçon a toute latitude pour effectuer son travail depuis les plateaux, sans être gêné dans sa tâche par l’amplitude de ses mouvements et les difficultés à dominer l’ouvrage ; à une dimension supérieure, il lui devient impossible d’accéder à l’arase du mur depuis le plancher ” (L’échafaudage… 1996 : 111-112). Ainsi, puisqu’il s’agit de hauteurs légèrement supérieures, on pense que pour que l’ouvrier puisse travailler à son aise, les platelages devaient être épaissis : plusieurs bastaings pouvaient être superposés.

La charpente de comble

87 La numérotation continue des fermes, d’I à XX, tendrait à indiquer que le montage s’est fait de manière continue, mais en réalité ce ne fut vraisemblablement pas le cas.

88 La numérotation continue des structures tramées, sans séparer les fermes principales des fermes secondaires, n’indique pas forcément un ordre de montage (HOFFSUMMER 2002 : 66 ; HUNOT 2001 : 59). Habituellement, dans ce type de charpente à chevrons porteurs et contreventement, les fermes secondaires sont posées ultérieurement. Ainsi, bien qu’aucun indice ne permette de l’affirmer, il est probable que le charpentier a

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d’abord levé les fermes principales “ I ” et “ V ”, puis mis en place le contreventement, enfin ce sont les fermes secondaires “ II ”, “ III ” et “ IV ”, qui ont été assemblées. Il en est de même pour les travées suivantes.

89 Les contremarques sont portées sur le côté nord, c’est-à-dire à gauche, par rapport à l’axe de la face d’établissage, tandis que la marque est située au nord. Cependant il ne semble pas que cette organisation réponde à une convention quelconque (HOFFSUMMER 2002 : 67), si ce n’est celle des charpentiers ayant travaillé sur ce chantier.

90 Le montage des fermes s’est certainement fait au sol, puis le levage s’est effectué dans l’ordre général de la numérotation des fermes. Elles ont donc été montées d’ouest en est ; le sens des chevilles le confirme. La mise en place de la charpente a donc été réalisée à partir de la rue ou de la cour et non de l’actuel jardin qui disposait pourtant d’un espace plus vaste et offrait une amplitude de mouvement plus importante. Peut- être la configuration de l’espace était-elle différente de l’actuelle ?

L’économie dans la construction

Le remploi des maçonneries antérieures

91 L’approche de l’économie du chantier par la seule estimation du prix des matériaux achetés serait une erreur, car, d’une part, l’estimation du prix de construction est quasi impossible et d’autre part, le remploi de matériaux anciens est plus que fréquent dans les constructions (DUTREUIL et VÉRON 1971-1972). Cependant, comme dans toute construction, il est très difficile de reconnaître et même d’évaluer la quantité de matériaux réemployés.

92 Toutefois, dans ce bâtiment, le remploi consiste en la réutilisation de maçonneries anciennes, ce qui n’est pas propre à la phase 4 : les maçonneries gallo-romaines ont déjà été réutilisées lors de la phase 3a.

93 Dans l’actuelle cave et en phase 4, le remploi des murs est très important, puisqu’un seul est totalement édifié : le mur sud-est, et encore s’appuie-t-il contre un mur d’un état antérieur. Les trois autres murs sont des reprises quasi intégrales des phases précédentes.

94 Le plan du bâtiment a donc été guidé par les maçonneries déjà présentes. Le maître maçon a été contraint par ces anciennes maçonneries, contrainte relative puisqu’elles offraient, du même coup, des avantages économiques non négligeables.

95 Ainsi, le site d’implantation a été pris en compte dans les nouvelles constructions : on a alors tiré au maximum parti des avantages qu’offrait le terrain de construction. Ceci implique obligatoirement une réflexion préalable à la construction, qui a tenu compte à la fois d’un certain souci d’économie, mais aussi des avantages du site, tout en cherchant à organiser au mieux le bâti dans son environnement.

96 Ce phénomène se retrouve dans une grande majorité des maisons construites sur l’amphithéâtre ou sur les murs du castrum, qui reprennent en substructure des maçonneries plus anciennes. Un travail sur la réutilisation de l’amphithéâtre ou de ses vestiges, depuis sa désaffection jusqu’à la formation du quartier tel qu’il est actuellement visible est en cours12. Celui-ci soulève la question de l’imprégnation de la forme de l’édifice antique dans l’actuel tissu urbain et dans le parc bâti. Il pose également la question de l’état de conservation de l’amphithéâtre lors de la

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construction des différents bâtiments, et notamment des maisons canoniales : des ruines pouvaient-elles être encore visibles au sol dans le courant du Moyen Âge ?

L’économie de la pierre de taille

97 L’économie dans la construction se distingue par trois aspects : le remploi déjà évoqué, le recours à des murs à un seul parement de pierre de taille et enfin la mise en œuvre d’un comble à surcroît.

— Les murs pignons

98 Lors de la caractérisation des maçonneries, il a été observé que les deux murs pignons du bâtiment possèdent un parement appareillé uniquement du côté extérieur. Ainsi en phase 4, la pierre de taille est réservée à la construction des murs gouttereaux et des parements extérieurs des murs pignons. L’utilisation de la pierre de taille pourrait répondre à deux fonctions : d’abord elle semble avoir été utilisée pour des raisons structurelles, ensuite ce choix semble correspondre à un parti pris esthétique.

99 Pour les murs gouttereaux, c’est parce que les forces exercées par le poids de la charpente y sont essentiellement réparties, qu’il a été choisi de réaliser ceux-ci en pierre de taille, celle-ci travaillant plus efficacement qu’une maçonnerie en blocage de moellons.

100 Quant au recours à la pierre de taille pour les parements extérieurs des murs pignons, peut-être faut-il envisager cette utilisation comme un choix esthétique. De l’extérieur, seules ces façades sont observables : tout est fait pour donner l’illusion d’une maison totalement construite en pierre de taille.

101 Ce choix n’est certainement pas fortuit. À Tours, ce parti pris se démarque de celui de la grande majorité des maisons de la fin du XVe et du début du XVIe s., puisque celles-ci sont alors construites en bois (L’architecture civile à Tours… 1980). Utiliser la pierre de taille comme matériau de construction est donc peut-être un signe social distinctif. Cependant le choix de l’utilisation de la pierre face au bois ne peut se dissocier de celui du parti esthétique retenu. Ainsi, dans la majorité des constructions en pans de bois de riches et nombreuses sculptures prennent place sur les façades. Ici, pour cette construction en pierre, le choix retenu est celui de sculptures localisées à quelques endroits seulement de la construction, mais aussi le choix d’une polychromie en façade, par le biais de peintures extérieures soulignant quelques éléments architecturaux importants.

— Les deux niveaux de comble

102 Sur le même principe, la disposition de la charpente de comble a autorisé, elle aussi, une économie de maçonnerie et plus particulièrement des pierres de taille. Le fort degré d’inclinaison des versants (59°), a permis de construire des murs gouttereaux (en pierre de taille) de faible hauteur. En conséquence, le recours au comble à surcroît doit vraisemblablement être interprété comme une économie de la pierre face à l’utilisation du bois. Ainsi, sur quatre niveaux, deux sont sous combles. La répartition des matériaux du gros œuvre, bois et pierre, se ferait donc d’une manière raisonnée, alliant d’une part, les particularités esthétiques, physiques et de résistivité de ces matériaux et d’autre part, un certain souci d’économie de la construction.

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103 Pour être certain, celui-ci n’est cependant pas visible depuis l’extérieur : au contraire les façades, espaces privilégiés de la représentation, laissent place à des écarts financiers (pierre de taille, sculptures, peintures).

104 Les principes d’économie dans la construction de la maison s’appliquent uniquement dans les parties où le simple visiteur n’a pas accès, et le commanditaire a eu recours à différents aménagements, pour présenter une construction à l’esthétisme soigné malgré une préoccupation d’économie fortement présente.

105 Ces réflexions semblent d’autant plus pertinentes qu’il s’agit d’une maison canoniale ; elle doit par son statut marquer une certaine supériorité sur les constructions laïques.

106 L’économie est alors bel et bien à concevoir comme un concept global qui repose sur un certain nombre de procédés (standardisation de baies, remploi de matériaux et de maçonneries antérieures, rationalisation de l’utilisation des matériaux en fonction de leur propriété et de leur coût, parti pris esthétique…). Cette approche est primordiale puisque c’est la source principale de renseignements sur l’homme producteur de la maison, qu’il s’agisse du constructeur ou du commanditaire (JOURNOT 1999).

Conclusion

107 Cette étude de bâti a donc permis de proposer une évolution du site depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Depuis l’amphithéâtre, le site a, à maintes reprises, changé de forme et de fonction. L’amphithéâtre fut abandonné alors qu’il était intégré au castrum du Bas-Empire, mais il le fut vraisemblablement peu avant puisqu’il semble avoir été fortifié de manière individuelle, avant la construction du castrum.

108 Dans les maçonneries actuelles, la phase la plus visible reste celle de la construction d’une maison canoniale à la fin du XVe s., peut-être au début du XVIe s. Il s’agit plus précisément d’une reconstruction puisque deux états antérieurs ont pu être identifiés. Les résultats de cette étude du bâti permettent donc de souligner que l’architecture civile, et plus particulièrement l’habitat, mérite un sérieux intérêt ; si certaines hypothèses ont pu être ici effleurées, elles permettent toutefois de livrer des connaissances sur l’occupation du site et sur les dynamiques économiques. Une étude plus étendue permettrait de préciser ces remarques et de comprendre d’une manière plus globale le processus de réutilisation de l’amphithéâtre. Quant à une confrontation avec l’étude des autres maisons canoniales, elle permettrait alors de comparer les techniques de construction et les choix esthétiques.

109 L’autre aspect de cette étude fut de proposer une alternative aux études concentrées jusqu’alors sur les formes et les décors et de montrer qu’une analyse fine des matériaux et des techniques de construction peut renseigner sur les différents types de conception d’habitat reconnus, avec la mise en évidence des indices propres à l’organisation de la vie et au confort des usagers. De manière encore plus significative, cette étude a permis de fournir des renseignements sur les producteurs des différentes constructions reconnus : - d’une part sur les constructeurs, puisque certaines particularités propres à la construction des bâtiments ont pu être mises en exergue, - et d’autre part sur les commanditaires, avec la mise en évidence des choix opérés dans la conception de la maison et des effets souhaités (du plan jusque dans la finition de la construction).

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110 Malgré la quasi-absence de sources ou d’intérêt porté jusqu’alors par les études de bâti sur cette partie de la ville, des résultats significatifs sont toutefois possibles : le bâti est bel et bien une source en soi, qui à la manière des fouilles permet de formuler des hypothèses sur l’occupation d’un secteur et son évolution au cours du temps, mais aussi sur les acteurs de cette occupation et de la création de l’urbain.

NOTES

1. L’auteur tient à remercier J. Seigne pour son aide ainsi que B. Dufaÿ, F. Journot et P. Garrigou Grandchamp pour leurs conseils et leur relecture de ce texte. 2. Sauf mention contraire, toutes les figures sont de l’auteur. 3. Sur les dessins (Fig. 4, 5, 6, 7,8 et 9), le phasage est indiqué par un numéro identique à celui de la phase correspondante ; les modifications modernes réalisées depuis le XVIe s. sont notées “ m ” ; pour plus de renseignements concernant ces modifications, le lecteur pourra consulter l’étude complète (LEFEBVRE 2003). 4. Afin de faciliter la description, il a été retenu de considérer le mur nord-ouest comme mur nord, le mur nord-est comme est, celui au sud-est comme le mur sud, et le mur sud-ouest comme mur ouest. 5. Le phénomène identique se répète sur la façade est, mais les deux ouvertures ne sont pas contemporaines : une fruiterie y est attestée à la fin du XVIIIe s. (ADIL 1Q403). 6. La section de ces arbalétriers est carrée ; elle avoisine les 15 cm. 7. Il s’agit de petites briques plates (21 cm x 11 x 3) parfois aussi nommées chantignoles (PÉROUSE DE MONTCLOS 1972 : 104). 8. Pour plus de précisions se reporter à l’étude complète (LEFEBVRE 2003). 9. Archives départementales d’Indre-et-Loire : 1Q282 et 1Q403. 10. Trois modules ont pu être repérés (18 cm x 18 x ? ; 16 cm x 16 x 2,2 et 14,5 cm x 14,5 x ?). 11. On parle aussi de panneau (PÉROUSE DE MONTCLOS 1972 : 105). La question ne peut être abordée ici, les sculptures n’étant conservées que sur une seule baie. 12. Ces problèmes sont au cœur d’une étude intitulée “ Le site de l’amphithéâtre de Tours du 5e au 18e siècle : étude archéologique du bâti et analyse morphologique du tissu urbain ” menée par l’auteur dans le cadre du DEA “ Villes et Territoires ” mention archéologie, sous le tutorat de B. Gauthiez (urbaniste en chef au ministère de la culture).

RÉSUMÉS

La maison du 12 rue du Général Meusnier à Tours a fait l’objet, dans un travail universitaire, d’une étude approfondie du bâti, l’objectif étant d’individualiser les différents états de construction et de proposer un phasage, afin de mieux comprendre l’évolution architecturale de cette maison. La particularité vient ici de la situation même du bâtiment au sein de la ville : la

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maison est en effet implantée sur le site de l’amphithéâtre antique et comporte en remploi des maçonneries de cet édifice, lui-même fort complexe. Différents états médiévaux ont également été reconnus. Ce sont ainsi quatre grandes périodes d’utilisation du site qui ont été identifiées avant le XVIe s., chacune évoque une situation topographique différente. Outre l’appréhension de la complexité du bâtiment, cette étude a permis de mettre en évidence, sur des points précis (choix des matériaux, taille de la pierre, échafaudage, charpente…), les techniques de construction utilisées pour la réalisation de l’état de la fin du Moyen Âge, la phase 4.

12 rue du Général Meusnier in Tours was the object of a thorough university-conducted building study, the objective of which was to identify the different stages of construction and to establish a sequence to better understand the architectural evolution of the building. What is special about it is that it is situated within the town itself. The house is in fact constructed inside the site of the ancient amphitheatre and contains reused masonry from this building, itself very complex. Different medieval states have also been recognised. There are four significant periods of use of the site which have been identified before the 16th century, each evoking a different topographical situation.Besides discovering the complexity of the building, this study highlights particular points (choice of material, size of stone, scaffolding, structure…), the construction techniques used at the end of the Middle Ages, phase 4.

INDEX

Mots-clés : étude du bâti, maison canoniale, Moyen Âge, techniques de construction Keywords : canon house, construction techniques, Middle Ages, site study

AUTEUR

BASTIEN LEFEBVRE Doctorant, rattaché au laboratoire“ Archéologie et territoires ” (UMR 6173 CITERES), 3 place Anatole France, 37000 Tours.

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Notes et documents

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Découverte d’une porte monumentale sur l’oppidum de Cordes-Chateloi à Hérisson Discovery of a great gate in the oppidum of Cordes-Chateloi at Hérisson

David Lallemand

Localisation de l’opération archéologique

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1 D’obédience biturige, l’oppidum d’Hérisson est localisé dans la partie nord-ouest de l’actuel département de l’Allier (LALLEMAND, à paraître 1). Il se trouve ainsi à la frontière de la province du Bourbonnais à quelques lieues des marches du Berry et du Limousin.

2 L’oppidum de Cordes-Chateloi est un éperon barré classique (Fig. 1). Il est protégé par deux escarpements abrupts qui dominent à l’ouest la rivière Aumance et au nord son affluent, La Louise. Au sud et à l’est, le site est ceint d’une levée de terre et d’un fossé qui dessinent un tracé curviligne de 800 m de long. L’espace enfermé atteint 18 ha. Longue de 700 m, une deuxième ligne de fortification située à l’est englobe la première enceinte et enserre une surface dépassant 60 ha (LALLEMAND 2002). La fouille conduite en 2003 est localisée sur le revers d’un petit promontoire naturel qui, depuis sa position, domine tout l’intérieur du site fortifié. Le talus massif gaulois, dans lequel est implantée la fouille, vient s’appuyer sur la partie orientale de ce plateau qui s’élève à une altitude de 250 m NGF. Cette parcelle porte le toponyme “ Babylone ”. La fouille est située directement dans la pente du talus massif. Elle avait pour objectif originel la recherche d’un éventuel murus gallicus enfoui sous l’imposant talus massif.

Fig. 1 : Localisation de la fouille programmée implantée sur le revers du talus massif.

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Un bref historique des recherches sur le site

3 Fait inédit, la première description des ruines de la “ Cité de Cordes ” est le fait du célèbre arpenteur royal Nicolas de Nicolay (NICOLAYS 1569). Il décrit les puissants remparts qui ferment le plateau et mentionne des voies encore pavées de pierres plates.

4 Plusieurs recherches sont entreprises au XIXe et au début du XX e s. ( LALLEMAND, à paraître 2). Un puits de La Tène finale est notamment fouillé aux sources de la Cave (BRINON 1886). C’est à la fin des années soixante que la recherche reprend sur l’ oppidum.

5 M. Moreau sonde en plusieurs endroits les fortifications, notamment au Babilliaire de 1968 à 1970 (MOREAU 1970). C’est à cet endroit que Nicolas de Nicolay identifiait les vestiges d’une tour appelée Babylone, présumée médiévale. Le sondage d’une dizaine de m2 révèle deux murs construits en moyen appareil, encore préservés sur cinq assises, assemblés sans liant, et formant l’angle d’une hypothétique construction. L’inspection récente du mobilier découvert dans ce sondage a permis de reconnaître son homogénéité pour La Tène D, sans qu’aucun tesson plus tardif ne soit identifié (LALLEMAND 2001).

Les découvertes de l’opération conduite en 2003

6 Le décapage débuté dans le bas du talus n’a livré aucun vestige construit. Le creusement d’un sondage géologique a même prouvé un faible recouvrement stratigraphique dans le bas de la pente. La poursuite du dégagement a permis de rencontrer un niveau archéologique faiblement enfoui, qui épousait la pente naturelle de cette formation géologique. La grande surprise est alors venue de la découverte de vestiges monumentaux masqués par un puissant éboulis. De fait, pour cette première campagne de fouilles, l’équipe universitaire s’est attachée à dégager une voie dallée et un parement construit avec de gros blocs taillés (Fig. 2). Le mur mis au jour se compose d’un parement de blocs équarris et d’un agrégat de pierres, large de 2 m, qui semble faire office de culée. Il faut signaler que les assises de ce mur sont littéralement construites dans la pente (qui atteint près de 14 %) ce qui est une originalité. L’appareil monumental est déposé sans liant et la technique du couvre-joint est absente. Deux assises sont conservées, mais les reliquats d’une troisième apparaissent en certains points du parement. Le dallage de la voie n’est conservé que partiellement, à cause du pillage des pavés intervenu à une période inconnue. Pour autant, sa largeur atteint encore 2,5 m .L’ensemble des vestiges monumentaux est orienté dans le travers de la pente, ce qui suggère qu’il s’agit d’une portion de porte donnant accès à l’oppidum (Fig. 3).La voie devait escalader la pente naturelle pour accéder au promontoire de “ Babylone ” qui domine tout l’intérieur du site fortifié.

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Fig. 2 : Relevé planimétrique des vestiges monumentaux, après le dégagement des éboulis

(DAO, D. Lallemand).

Fig. 3 : Photographie des vestiges monumentaux en fin de fouille

(cliché D. Lallemand).

Essai d’interprétation des vestiges

7 D’emblée il faut écarter l’idée d’une construction de type murus gallicus pour cet ouvrage. Nous n’avons observé ni poutrage interne ni alvéoles ménagées dans le parement, aucune fiche en fer et de fait, rien n’indiquant que ce mur soit un murus gallicus. La technique de construction employée reste très originale, et l’on ne peut s’empêcher de la comparer avec celle décrite par César. Si les bois longitudinaux et transversaux sont inexistants en apparence – tout comme les fiches en fer d’ailleurs –, il convient de signaler que le parement de pierres sèches et l’agrégat sont quant à eux bel et bien présents. Ce binôme agrégat-parement est effectivement l’une des

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composantes du murus gallicus. À Hérisson, l’agrégat a une largeur de 2 m, ce qui est plutôt massif ; quant au parement constitué de blocs taillés monumentaux, les références en Europe tempérée celtique sont quasiment inexistantes. En effet, les parements des murus gallicus sont le plus souvent construits avec des moellons informes (Bibracte, etc.).

8 Dans l’état actuel des recherches bibliographiques, quelques sites ont montré des remparts construits avec de gros blocs taillés. Il s’agit notamment de l’oppidum du Fossé des Pandours au Col de Saverne (Bas-Rhin), dont une portion du rempart a été fouillée par S. Fichtl en 1995-1996 (FICHTL 1996, 1997). Sur l’oppidum de Finsterlohr (Württemberg, Allemagne), doté d’un rempart de type Kelheim, l’une des entrées (Zangentor) est parée de blocs soigneusement travaillés (BITTEL 1950 ; COLLIS 1984 ; MAIER 2001 ; ZÜRN 1977). En Bohème, des vestiges monumentaux sont aussi observés sur l’ oppidum de Trisov (Rép. Tchèque ; BREN 1966, 1971 ; COLLIS 1984). D’après la quantité de blocs retrouvée dans l’éboulis, ajoutée à la hauteur conservée de l’agrégat en arrière du parement, il faut sans doute imaginer que le mur possédait plus de cinq assises dans sa partie haute. En conséquence, son élévation devait dépasser 1,50 m. D’ailleurs, cette hypothèse rejoint les résultats de la fouille effectuée par J. et M. Moreau en 1968-1970. L’emplacement de leur fouille n’est distant que d’une douzaine de mètres de l’extrémité nord-ouest de notre mur monumental. L’idée d’associer tous les vestiges au sein d’une même architecture est à envisager fortement.

Premières données chronologiques

9 Le mobilier céramique découvert lors des fouilles montre un faciès du centre-ouest très prononcé. Il est ainsi très proche de celui observé sur l’oppidum de Mediolanum à Châteaumeillant (LALLEMAND 1999).

10 L’ensemble du mobilier étudié est très homogène. Les techniques de montage, les pâtes, les traitements de surface et enfin les décors ne discriminent pas les niveaux fouillés. À cela s’ajoute la forte présomption d’un brassage important du mobilier lié à l’érosion et au colluvionnement des matériaux dans la pente, depuis le mur monumental et jusqu’aux niveaux de voirie inférieurs. Définir des phases chronologiques correspondantes aux différents états des vestiges relève de la gageure d’autant que la quantité de mobilier reste assez maigre. Malgré ces remarques qui limitent nos réflexions et qui nous invitent à la prudence, il est une évidence qui n’est pas sans intérêt : l’abandon des vestiges monumentaux avant l’arrivée massive des sigillées (c’est-à-dire environ 20 av. J.-C.). Tous les ensembles étudiés confirment cette datation basse. De fait, dans l’attente des analyses du petit mobilier, nous pouvons souligner que la plupart des objets récoltés s’inscrivent sans problème dans La Tène D et sans doute plus précisément dans le Ier s. av. J.-C.

Conclusion

11 L’objectif de ces travaux était de retrouver un éventuel rempart de type murus gallicus enfoui sous l’imposante levée qui fortifie l’oppidum d’Hérisson. La grande surprise de cette campagne de fouilles a été la découverte de vestiges monumentaux. Ainsi, nous

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avons focalisé nos premiers travaux sur les ruines d’un mur effondré sur une voie construite avec de larges dalles de grès.

12 Les études conduites sur le mobilier découvert nous indiquent que l’abandon de cette porte monumentale doit se situer avant la diffusion massive des sigillées. Dans l’état actuel de la documentation et avec toute la prudence qui s’impose à notre propos, les premières données suggèrent qu’il s’agit d’un ouvrage construit vers la fin de La Tène Finale. Cette parure monumentale, dont l’utilité ostentatoire est probable, habille également des vestiges d’une période antérieure. In fine, il s’agit là d’une découverte rarissime, qui allie une monumentalité et un degré de conservation exceptionnels pour toute l’Europe tempérée celtique.

BIBLIOGRAPHIE

BITTEL 1950 Bittel K. - Das Keltische oppidum bei Finsterlohr, Würtembergerische Franken, N.F., 24-25 : 69-86.

BREN 1966 Bren J. - Trisov: A Celtic oppidum in south Bohemia. National Museum Prague, 165 p.

BREN 1971 Bren J. - Das keltische oppidum Trisov, Archeologické Rozhledy, 23 : 294-303.

BRINON 1886 Brinon H. (de) - Fouille d’un puits au lieu-dit “ La Cave ”, Bulletin de la Société d’Émulation du Bourbonnais, 18 : 103-109.

COLLIS 1984 Collis J. - Oppida, Earliest Towns North of the Alps, University of Shef.eld, 250 p.

FICHTL 1996 Fichtl S. - L’Oppidum gaulois du Fossé des Pandours au Col de Saverne (Bas-Rhin), Pays d’Alsace, Archéologie, Société d’Histoire et d’Archéologie de Saverne et Environs, 177, 4 : 3-4.

FICHTL 1997 Fichtl S. - Le Murus Gallicus de l’oppidum médiomatrique du Fossé des Pandours (Col de Saverne, Bas-Rhin), Fouilles 1995-1996, C.A.A.A.H., 40 : 35-56.

LALLEMAND à paraître 1 Lallemand D. - Oppidum d’Hérisson, in : URBAN O.-H. (éd.) - Lexikon zur keltischen archäologie / Dictionnaire d’archéologie celtique, Vienne : Académie Autrichienne des Sciences.

LALLEMAND à paraître 2 Lallemand D. - L’organisation du peuplement au nord du Massif central, le carrefour des cités arverne, biturige et éduenne, Actes du Colloque de l’A.F.É.Â.F. Clermont-Ferrand, 29 mai - 2 juin 2003.

LALLEMAND 1999 Lallemand D. - La céramique de l’oppidum de Châteaumeillant au travers des fouilles et des publications d’E. Hugoniot et J. Gourvest (1956-1973), mémoire de DEA, Université Paris I, Panthon-Sorbonne.

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 323

LALLEMAND 2001 Lallemand D. - Hérisson, oppidum de Cordes-Chateloi, rapport de prospection thématique, Bilan Scienti.que Régional, service régional de l’Archéologie d’Auvergne : 35-36.

LALLEMAND 2002 Lallemand D. - Reprise des travaux archéologiques sur l’oppidum de Cordes-Chateloi à Hérisson, Bilan de trois années de recherches, Bulletin des Amis du Vieil Hérisson, 47 : 17-32.

MAIER 2001 Maier F. - Les oppida celtiques, in : MOSCATI S. (coord.), Les Celtes, Catalogue de l’exposition du Palazzo Grassi, Venise, 2001, réédition de 1991 : 410.

MOREAU 1970 Moreau M. - Rapport de fouille effectuée au Babilliaire à Hérisson, oppidum de Cordes-Chateloi (1968-1970), Archives du service régional de l’Archéologie d’Auvergne.

NICOLAY 1569 Nicolay (N. de) - Générale Description du Bourbonnois, Paris (éd. à Moulins en 1889).

ZÜRN 1977 Zürn H. - Grabungen im oppidum von Finsterlohr, Sonderdruck aus Fundberichte aus Baden- Württemberg, 3 : 231-264.

RÉSUMÉS

Après trois années de recherches conduites sur l’oppidum de Cordes-Chateloi à Hérisson, une fouille programmée vient d’être achevée sur le rempart gaulois du site. Cette intervention s’est déroulée au lieu-dit “ Babylone ” où l’on situe un petit plateau sur lequel vient s’appuyer le talus massif celtique. Les fouilles ont permis de mettre au jour des vestiges inattendus, en l’occurrence un mur et une voie dallée d’un style monumental. Ces derniers semblent bien traduire la présence d’une porte donnant accès à l’oppidum.

After three years of research carried out on the oppidum of Cordes-Chateloi at Hérisson, a planned excavation has just been completed on the Gallic rampart of the site. It took place at a place named Babylon, a little plateau on which the massive Celtic bank is supported. The excavations disclosed some unexpected remains, as it happens a wall and a paved way in a monumental style, which seem to indicate the presence of a gateway giving access to the oppidum.

INDEX

Keywords : Bituriges Cubes, late La Tène, monumental remains, murus gallicus, oppidum Mots-clés : Bituriges Cubes, La Tène finale, murus gallicus, oppidum, vestiges monumentaux

AUTEUR

DAVID LALLEMAND Doctorant-chercheur à l'Université Paris I, rattaché à l'UMR 8546 ENS-CNRS.

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 324

Le Berry antique - De la carte au modèle-chorème Ancient berry – from map to chorematic model

Christophe Batardy

1 L’Atlas du Berry Antique (BATARDY et al. 2001) qui contient une centaine de cartes, constitue la première tentative, à l’aide d’un Système d’Information Géographique (SIG) et à l’échelle d’une cité, d’analyse de l’ensemble des données archéologiques.

2 Nous nous proposons ici de reprendre la question du phénomène urbain à partir du cas de la Cité des Bituriges Cubes, et d’essayer de proposer un ou des modèles spatiaux pour affiner l’analyse historique du passage d’un semis d’oppida aux agglomérations gallo-romaines.

3 Il nous semble pour cela intéressant de nous appuyer sur la chorématique. Cette démarche de recherche est utilisée depuis les années 80 par les géographes pour mieux rendre compte de l’espace considéré en tant que produit social. Selon Roger Brunet (BRUNET 1974), comprendre l’espace c’est en chercher les structures fondamentales, c’est-à-dire les chorèmes et derrière ceux-ci, les logiques sociales en œuvre : logiques d’habitation, d’appropriation, d’exploitation, de gestion et de communication. Largement utilisée en géographie, cette approche l’est encore peu en histoire (GRATALOUP 1996). La démarche adoptée ici est largement déductive. Il ne s’agit pas de construire un modèle pour le confronter à la réalité mais de partir de la réalité afin de bâtir le modèle. La production du modèle ne résulte donc pas d’un parti pris subjectif, réducteur de la réalité, mais d’une tentative d’analyse en partant des cartes proposées dans l’Atlas.

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4 Nous avons adopté, pour la représentation minimale et géométrique de la cité des Bituriges Cubes, la forme du triangle. Cette représentation semble appropriée à l’étude du tracé de limite de la cité telle qu’elle est définie dans l’Atlas (Fig. 1). Ce tracé en effet est lié à la logique sociale en œuvre, qui semble être celle de la volonté humaine de s’approprier une partie des bassins versants du Cher, de l’Indre et de la Creuse, tout ce réseau hydrographique basculant à partir de la latitude de Bourges vers le nord-ouest c’est à dire vers la Loire (Fig. 2).

Fig. 1 : Limites de la cité biturige (d’après BATARDY et al. 2001 : 23, cartographie A. Maussion).

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Fig. 2 : Le chorème des limites de la cité.

5 Pour La Tène Finale le dénombrement retenu concernant le nombre d’agglomérations est celui de César qui parle de viginti urbes (CÉSAR 1991 B.G 7,15). Un quinzaine d’oppida ont été repérés : les protohistoriens considèrent Neung-sur-Beuvron comme faisant partie de la cité des Bituriges Cubes1.

6 Pour construire une représentation théorique des pagi2 (Fig. 3), il n’a pas été tenu compte d’un quelconque “ poids ” de chaque oppidum en fonction de sa superficie. Chaque oppidum est donc considéré a priori au même niveau hiérarchique. Le semis régulier formé par cette quinzaine d’ oppida (Fig. 3) induit un maillage de pagi de superficies équivalentes (400 km²). Si l’on émet l’hypothèse d’un lien direct entre la taille des pagi et l’ “ influence urbaine ” de chaque oppidum, alors on en déduit que toutes les agglomérations (Bourges peut-être mise à part) présenteraient les mêmes fonctions urbaines.

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Fig. 3 : Le territoire des oppida (d’après BATARDY et al. 2001 : 78. Cartographie O. Buchsenschutz).

7 Comme on peut le voir si l’on compare les figures 3 et 4, le semis des agglomérations est en place. Ce qui change en revanche c’est la nature, la hiérarchie des agglomérations et, on peut peut-être le supposer, leurs relations au sein de ce même espace entre le Ier s. av J.-C. et le Ve s.

8 Pour ce qui est des changements de nature, on retient tout d’abord que certaines agglomérations descendent dans la plaine : la colline des Tours à Levroux est abandonnée au profit de la plaine tout comme l’éperon barré de la Groutte pour Drevant au bord du Cher. On observe également que la ville du Haut-Empire s’ouvre et développe un important programme monumental (Fig. 6). En ce qui concerne la hiérarchie urbaine on s’appuie sur l’analyse de Françoise Dumasy (BATARDY et al. 2001 : 81). Celle-ciretient vingt sites pour la période gallo–romaine autour du chef-lieu Bourges. À l’aide d’une série de critères (superficie occupée, nombre de nécropoles, implantation d’un carrefour routier, durée d’occupation…) ces vingt agglomérations sont hiérarchisées. Le classement obtenu distingue ainsi six niveaux, du chef-lieu à la petite agglomération (Fig. 4). Ces agglomérations qui ne possèdent pas toutes les mêmes fonctions urbaines forment un réseau urbain hiérarchisé autour de Bourges. Remarquons que la confrontation du tissu urbain avec le réseau des voies n’est pas contradictoire et souligne le triangle obtenu pour représenter la limite de la cité (Fig. 2, 4). Ainsi, à la tête de ce réseau en triangle se trouve Avaricum (Bourges) puis en point d’appui, à la périphérie sud de la cité, Argentomagus (Saint-Marcel) et Aquae Nerii (Neris- les-bains). En “ troisième niveau ”, formant en Champagne Berrichonne une couronne de pôles dynamiques autour de Bourges, figurent Levroux et Drevant.

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Fig. 4 : Le territoire des agglomérations (d’après BATARDY et al. 2001 : 83, cartographie A. Maussion).

9 Les Fig. 5, 6, 7 tentent d’objectiver les figures précédentes de ce qui semblerait être le passage d’un maillage urbain à un réseau hiérarchisé. Les trois chorèmes proposés offrent ainsi une mise en perspective chronologique à deux échelles différentes. On y voit le passage de l’oppidum gaulois à la cité romaine, d’un espace que l’on peut qualifier de fermé à un espace ouvert.

Fig. 5 : Maillage urbain à La Tène finale.

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Fig. 6 : Les agglomérations : d’un espace fermé à un espace ouvert.

Fig. 7 : Réseau urbain hiérarchisé à la fin de l’Antiquité.

10 Si le Système d’Information Géographique utilisé pour traiter les données dans le cadre de l’Atlas nous a permis de produire des cartes de localisation, puis d’interprétation, la chorématique réalisée “ manuellement ” offre la possibilité d’élaborer des modèles nés de la confrontation de ces cartes numériques.

11 Il serait intéressant d’appliquer cette démarche à d’autres cités gallo – romaines et de confronter les résultats obtenus dans le cadre d’une analyse du processus d’urbanisation à plus petite échelle.

BIBLIOGRAPHIE

BATARDY et al. 2001 Batardy C., Buchsenschutz O., Dumasy F., dir. - Le Berry antique, Milieu, Hommes, Espaces, Atlas 2000, 21ème Suppl. à la Revue Archéologique du Centre de la France, Tours, 190 p.

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 330

BRUNET 1980 Brunet R. - La composition des modèles dans l’analyse spatiale, L’espace géographique, n°4, p. 253-265.

BRUNET et al. 1990 Sous la direction de Brunet R. - Géographie Universelle : Mondes nouveaux, Éd. Reclus-Belin, Montpellier, 552 p.

CÉSAR 1991 César - La Guerre des Gaules : texte intégral, Gallimard, Paris, 1991, 473 p.

GRATALOUP 1996 Grataloup C. - Lieux d’histoire : essai de géohistoire systématique, Éd Reclus, Paris, 200 p.

FERRAS 1993 Ferras R. - Les modèles graphiques en géographie, Éd. Economica, Paris, 112 p.

NOTES

1. Les protohistoriens identifieraient volontiers cette fortification au Noviodunum (B.G 7,12) mais tous les documents historiques postérieurs conduisent à exclure cette zone de la cité biturige. 2. Pagus est employé dans le sens que lui donne César, c’est-à-dire comme une subdivision de la cité.

RÉSUMÉS

L’Atlas du Berry réalisé à l’aide d’un système d’information géographique (SIG) a posé les bases d’une analyse géographique de la cité des Bituriges Cubes. La chorématique peut permettre d’aller au-delà.

The Atlas du Berry achieved with the aid of a Geographic Information System (GIS) lays the foundations for a geographical analysis of the town of Bituriges Cubes. Chorematic techniques can enable us to go further.

INDEX

Mots-clés : archéologie, Berry, chorématique, SIG Keywords : archaeology, Berry, chorematic, GIS

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AUTEUR

CHRISTOPHE BATARDY Ingénieur d'études Cartographe-Géographe - DRAC Pays de la Loire, 1, rue Stanislas-Baudry, 44035 Nantes cedex 1, [email protected]

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La fouille du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Premiers résultats The excavation of fort Saint-Georges at Chinon (Indre-et-Loire). First results

Bruno Dufaÿ

NOTE DE L’ÉDITEUR

Une publication complète sera entreprise lorsque la totalité du fort sera fouillée, ce qui est prévu pour 2005. Étant donné cependant que les trois quarts du fort ont été explorés, il nous a semblé utile de produire cette note d’information.

Le site et le contexte de l’opération

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1 Le fort Saint-Georges est l’un des trois éléments qui forment l’immense forteresse médiévale de Chinon. Juchée sur un éperon rocheux qui domine la ville et la vallée de la Vienne, celle-ci se compose principalement d’une vaste enceinte rassemblant divers bâtiments et logis, dite “ château du Milieu ” (Fig. 1). En 1205, Philippe Auguste prit le château au Plantagenêt Jean sans Terre. Il fit isoler l’extrémité de l’éperon par une profonde douve dominée par un donjon circulaire : le “ fort du Coudray ”. À l’autre extrémité, à la naissance de l’éperon depuis le plateau, au côté le plus vulnérable, se dressait le “ fort Saint-Georges ”. Il tire son nom d’une chapelle dédiée à ce saint, attestée au début du XIVe s. seulement, mais attribuée aux Plantagenêt.

Fig. 1 : Carte postale (début du XXe s.) représentant l’ensemble de la forteresse de Chinon.

À droite on distingue l’extrémité orientale du fort Saint-Georges, et en particulier la tour carrée attenante à la chapelle, effondrée en 1906.

2 Le fort Saint-Georges n’est pas accessible au public ; il était propriété privée jusqu’en 1994, devenu une friche après avoir été longtemps un clos de vignes et de fruitiers. À part la ligne des remparts, assez bien conservés sauf à l’ouest et au sud-ouest, aucun vestige de bâtiments n’était plus visible. L’iconographie ancienne n’était pas d’un grand secours. Deux gravures des XVIIe et XVIIIe s. montrent uniquement qu’à cette date la chapelle était encore debout, quoique ruinée1. Souhaitant réhabiliter les lieux, notamment pour y installer de nouveaux locaux d’accueil et d’exposition pour le public, le Conseil général d’Indre-et-Loire en fit entreprendre la fouille archéologique2, et l’acquit en 2003 auprès de la ville.

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Le fort Saint-Georges, une fortification avancée du château du Milieu

3 Le programme de 2004 ne prévoyait pas l’étude fine des remparts, notamment du rempart sud (qui sera entreprise en 2005 en parallèle à sa restauration). Néanmoins, nous avons cherché le contact à plusieurs endroits de la fouille, et repris l’examen détaillé des vestiges visibles. En outre, une étude de bâti du front oriental avait été réalisée en 1997(BRYANT, BLANCHARD 1997).

4 Classiquement, fouilles et études ont montré l’extrême complexité de ces fortifications, remaniées dans d’importantes proportions.

5 Correctement conservé bien que les deux tours qui le flanquaient se soient effondrées, le front oriental est en grande partie recouvert de végétation, ce qui ne permet pas d’en reconstituer la physionomie avec certitude. Il est en tout état de cause très hétérogène. L’angle sud-est était renforcé d’une tour carrée (Fig. 2, a) qui s’est écroulée en 1906, tandis que l’autre angle est doté d’une tour de géométrie incertaine, polygonale ou à bec (Fig. 2, b). Cet angle est par ailleurs formé de diverses maçonneries qui finirent par composer un massif très épais. La fouille l’a abordé par l’intérieur. Plusieurs phases de construction et le départ de deux escaliers permettant d’accéder aux parties hautes du rempart ont été observés.

Fig. 2 : Présentation des deux principales phases du fort.

En haut, l’organisation du site dans la seconde moitié du XIIe s. ; en bas, au XIVe s.

6 Le front nord est plus simple. À peu près rectiligne, le rempart domine une vallée sèche qui délimite l’éperon de ce côté. Il est bâti en moyen appareil assez régulier, surtout

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dans sa partie occidentale. La fouille a montré que la partie orientale était une reprise du XVIIe s., consécutive à l’effondrement d’une tour carrée attestée par deux procès- verbaux de visite, en 1625 et 1626 (PHILIPPE 1996 : 42-43) (Fig. 2, c). Cette tour n’avait pas été localisée jusqu’à maintenant. La partie occidentale est antérieure au XVIe s. car des remblais de cette époque s’y appuient. Mais elle n’est certainement pas primitive, car elle recoupe l’extrémité d’un des bâtiments construits à l’intérieur du fort, ce qui implique que ce bâtiment avait alors disparu, au moins en partie. Cet épisode n’a pu intervenir avant le XIVe s., date d’un important remaniement de ces constructions. Enfin, signalons une tour-contrefort rectangulaire placée à peu près au centre de ce front nord (Fig. 2d). Elle est typique des dispositifs considérés comme Plantagenêt et pourrait être tout ce qui reste du rempart primitif. Elle n’est, en effet, plus chaînée au rempart actuellement visible.

7 L’angle nord-ouest a disparu dans la construction d’une maison au XIXe s. Elle se situe sur l’emplacement de l’ancienne “ porte des Champs ”, attestée par des textes, dont le plus ancien date de 15683, et une eau-forte de 18194. Une petite portion du châtelet d’entrée a été vue en 2003 lors d’un sondage dans la rue du Château, qui longe maintenant ce front occidental. La démolition de la maison est prévue en 2005 et une fouille sera entreprise sur son emplacement.

8 Le front ouest a pratiquement disparu : seules quelques assises de calcaire coquiller sont encore visibles vers le sud, et une partie très arasée a été aperçue dans la fouille de 2003. Il est probable que cette portion de l’enceinte soit tombée rapidement en désuétude, remplacée par un mur épais construit plus haut pour barrer le fort Saint- Georges, peut-être au début du XIIIe s.

9 L’angle sud-ouest et toute la partie occidentale du front sud ont également disparu. Ce sont ici des effondrements qui en sont la cause, encore clairement visibles dans un secteur justement nommé “ la Brèche ”. Une portion de ce rempart disparu (Fig. 2, f) a été vue en 2003 lors d’un sondage dans la rue du Puy des Bancs qui longe maintenant le fort par le sud. Toutefois, c’est sur ce front méridional que les vestiges les plus impressionnants du fort sont encore visibles, sur une quarantaine de mètres de longueur et une élévation qui atteint 18 m. Ce pan de mur est rythmé par deux tours- contreforts rectangulaires. À mi-hauteur se situent deux entrées desservant des caves creusées dans le rocher, qui communiquent en surface par un large trou d’homme qui débouche dans une salle basse aménagée dans l’angle sud-est du fort. Toute cette partie est clairement Plantagenêt, comme l’atteste la maçonnerie en appareil assez petit et régulier, et les tours-contreforts.

10 La salle basse, aveugle, était communément considérée comme la crypte de la chapelle Saint-Georges. Nos observations ont montré qu’elle formait plutôt un passage voûté. Il devait s’agir d’une tour d’angle barlongue qui constituait l’entrée primitive du fort (Fig. 2, g). Cette tour était encore appelée “ le donjon de Saint-Georges ” en 13825. Selon cette analyse, la chapelle, installée à l’étage, devient un simple oratoire au-dessus de l’entrée, comme on en connaît dans de nombreuses fortifications. Elle n’a jamais constitué un pôle important de la vie religieuse du château. La chapelle castrale, Saint- Mélaine, attestée dès 1105 et de nombreuses fois par la suite (contrairement à la chapelle Saint-Georges), était située dans le château du Milieu.

11 Dans un deuxième temps, cette entrée fut condamnée : vers l’extérieur par l’adjonction de la tour carrée tombée en 1906 (Fig. 2, a), vers l’intérieur par celle d’une autre salle

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basse, plus petite, qui menait au fort par un étroit escalier en vis (Fig. 2, i). C’est peut- être à ce moment que fut construite la porte des Champs, à l’angle opposé (Fig. 2, e).

12 Sous réserve de nouvelles informations apportées par la fouille de la salle basse et du secteur de “ la Brèche ”, programmées pour 2005, on peut proposer le schéma suivant. Au départ, le fort Saint-Georges aurait été conçu comme une fortification avancée, grande barbacane défendant le château du Milieu où il était le plus vulnérable, là où l’éperon se rattache au plateau. Un dispositif semblable se retrouve au Château- Gaillard, construit par Richard Cœur de Lion à la même époque. Cette comparaison est d’ailleurs explicitement faite dans le récit du siège de Chinon par les armées de Philippe Auguste, en 1204-12056. Le passage vers le château du Milieu n’est pas clairement établi : il est sûr en tous cas que l’entrée actuelle de ce dernier ne remonte pas au-delà du XIVe s. Le suivi archéologique des restaurations du front est du château du Milieu apportera peut-être des réponses (également prévu en 2005).

13 Dans un deuxième temps, le fort Saint-Georges perdit son rôle de barbacane et fut au contraire isolé du château du Milieu. On l’a vu, la tour porche de l’angle sud-est fut condamnée. La porte des Champs n’ouvrait pas à proprement parler sur le fort, mais desservait un passage dominant la douve entre celui-ci et le château du Milieu. Une entrée devait exister dans le nouveau rempart ouest du fort qui vint le barrer plus en hauteur. Cette entreprise fut facilitée par la topographie : le fort Saint-Georges en effet était déjà naturellement séparé du château du Milieu par un thalweg (sans doute à ce moment approfondi et régularisé sous la forme de la grande douve maintenant visible7). Il est tentant de comparer cette entreprise à celle qui, symétriquement, isola l’extrémité de l’éperon, en créant le fort du Coudray. C’est donc sans doute à cette époque, dans les premières décennies du XIIIe s., que la forteresse de Chinon se structura en “ trois châteaux ”, tels que les appelait encore Henri IV, et tels qu’ils figurent dans les armoiries de la ville de Chinon.

Les bâtiments à l’intérieur du fort

14 Quoi qu’il en soit, le fort Saint-Georges ne s’est jamais résumé à une simple fortification vide. À part dans un quart occidental, dont la pente ne favorisait pas l’implantation de bâtiments, tout l’espace fut densément construit (Fig. 3 et 4).

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Fig. 3 : Vue, depuis l’est, de l’ensemble des vestiges mis au jour lors des campagnes de 2003 et 2004.

Fig. 4 : Relevé en plan des maçonneries mises au jour à l’issue des campagnes de fouilles de 2003 et 2004.

15 Il s’agit d’emblée de bâtiments bien construits et ordonnancés autour d’une cour (Fig. 2, j). Aucun vestige d’une occupation précaire ou antérieure à la deuxième moitié du XIIe s. n’a été décelé8. Deux phases principales ont été déterminées, qui correspondent à une importante réorganisation du plan des bâtiments. En outre, l’analyse des dépôts stratigraphiques (couches de déchets de taille en particulier) montre que des restaurations ou des modifications ont affecté les parties hautes, au XIVe et jusqu’à la fin du XVe s.

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16 Le plan primitif présentait un grand bâtiment est-ouest divisé en trois salles (40 x 13 m) (Fig. 2, k). On entrait par la salle centrale, la plus grande, au fond de laquelle s’élevait un escalier desservant un étage. Deux ailes perpendiculaires (Fig. 2, l et m), plus petites, s’y rattachaient (23 x 8 m). Celle de l’ouest (Fig. 2, l) était divisée en deux pièces égales. Une cave était aménagée dans la cour, à la jonction entre les deux bâtiments. L’aile orientale ne présentait aucun mur de refend ; elle était munie d’une grande cheminée et de deux fenêtres donnant vers l’est. Elle était dallée de calcaire. Les ailes sud et est n’étant en contact que par un angle, un escalier hors-œuvre a été aménagé pour assurer une communication directe (Fig. 2, n).

17 La deuxième phase est consécutive au changement de rôle du fort Saint-Georges. En effet, le nouveau rempart construit à l’ouest du fort vint amputer le grand bâtiment sud. À l’autre extrémité, l’adjonction d’une salle basse venant fermer le passage de la tour-porche est incompatible avec ce même bâtiment. D’autre part, il n’est pas exclu que dès cette époque, le front sud du fort ait donné des signes de faiblesse, qui aboutiront plus tard à l’effondrement de la zone de la Brèche. Quoi qu’il en soit, l’aile sud disparut presque entièrement. Une portion, élargie vers le sud, en subsista vers l’ouest, aménagée en cuisine et peut-être, à un moment donné, en étuve (Fig. 2, o). À l’autre extrémité, une petite cuisine fut également construite (Fig. 2, p).

18 Pour récupérer une partie de la place perdue par la destruction de l’aile sud et conserver la disposition autour d’une cour, une nouvelle aile sud fut construite, plus au nord, empiétant dans l’ancien espace de la cour dont toutes les façades furent refaites à ce moment (Fig. 2, r). Cette salle reçut une cheminée ; plus tard, elle vint s’articuler sur l’aile orientale par un sas aménagé dans l’angle.

19 Il semble bien que ces bâtiments disparurent dans le courant du XVIe s., comme l’atteste la céramique retrouvée dans la plupart des niveaux de démolition9. Depuis le milieu du XVe s., la cour royale ne séjourne plus régulièrement au château, et aucun roi n’y met plus les pieds après 1492. Les derniers travaux signalés au fort Saint-Georges (les seuls d’ailleurs) datent de 1454 ; encore s’agit-il de créer une promenade au pied du fort, origine probable de l’actuelle rue du Puy des Bancs. Le fort est encore utilisé sporadiquement pendant les guerres de religion : en 1567, une canonnière est installée “ dans une tour située derrière la chapelle de Saint-Georges ”. En 1569, la cour et un seul corps de logis à un étage sont mentionnés, qui est habité par une seule personne ; le reste sert manifestement de débarras. Les visites des années 1622-1633 ne font plus état que des remparts et de la chapelle ; seul un document de 1633 fait allusion à un “ appentis ” près de la chapelle, dont le sol est jonché d’ardoises10. Il s’agit sans doute de l’ancienne cuisine située au sud de l’aile orientale, dont le sol a été en effet retrouvé couvert d’ardoises, résultat probable du tri de tas entreposés en attente de récupération, dans un contexte stratigraphique postérieur au XVIe s.

20 La chapelle (Fig. 2, h) quant à elle fit en 1622 l’objet d’un ambitieux projet de restauration, qui n’eut pas de suite et fut limité en 1625 au projet de restaurer le mur nord, sans doute pour éviter son effondrement et le glissement des terres dans la salle basse. La fouille a mis au jour d’ailleurs un muret qui eut, plus tard, cette même fonction, aménagé sur le mur arasé de la chapelle. Celle-ci fut détruite définitivement en 1763. L’ensemble du fort devint alors un clos rural, on y rapporta 60 à 80 cm de terre végétale et il fut planté de vignes visibles encore sur une carte postale du début du XXe s.

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21 La fonction précise de ces bâtiments n’est pas établie. Il ne faut d’ailleurs sans doute pas chercher une affectation trop précise pour des lieux dont on connaît l’usage polyvalent au Moyen Âge. Il est assuré néanmoins qu’il s’agit plutôt de logis, et d’un certain niveau de confort. On peut se demander pourquoi, alors qu’il y avait une place considérable dans le château du Milieu, les Plantagenêt ont éprouvé le besoin de saturer ainsi un espace somme toute réduit. Pour y loger une garnison destinée à tenir la barbacane ? Le rôle d’un tel dispositif n’est pourtant essentiel qu’en cas de siège et ces bâtiments sont d’une qualité qui dépasse le simple cantonnement. Par ailleurs, l’absence de puits ne permet pas d’envisager que le lieu ait été conçu pour soutenir un siège très long11. À part un fragment d’éperon dans une couche du XVIe ou du XVIIe s., à une époque où le fort pouvait être fréquenté par quelques gardes à l’occasion des guerres de religion ou d’une crise postérieure, aucun élément d’équipement militaire ou d’armement n’a été trouvé. En revanche, plusieurs objets indiquent qu’on a effectué en ces lieux des comptes : jetons en terre cuite pour table de compte (“ l’échiquier ”), petite balance pliable pour peser les monnaies, godet de poids, sceau métallique monétiforme (ces éléments malheureusement retrouvés dans des contextes de remblai des XIV-XVe s., dans la cour).

22 Dans l’état actuel de nos réflexions, nous proposons d’y voir un ensemble dédié à la chancellerie des Plantagenêt. En effet, le château de Chinon fut choisi pour centre administratif de leurs possessions continentales à partir du moment où ils devinrent rois d’Angleterre. Depuis 1163 au moins, le trésor royal y fut entreposé, “ gardé soigneusement ” par Satan, d'après Guillaume de Newburgh (FAVIER 2004 :642) et chaque nouveau roi s’empressait de passer à Chinon s’en faire remettre les clés dès le décès du précédent. Tous les auteurs récents ont souligné à quel point les Plantagenêt avaient renforcé l’administration royale, s’entourant d’une élite intellectuelle, cléricale ou non (en dernier lieu AURELL 2003 ; FAVIER 2004). Ne peut-on imaginer que ces locaux leur aient été principalement dédiés ?

BIBLIOGRAPHIE

AURELL 2003 Aurell M. - L’Empire des Plantagenêt, 1154-1224, Paris, Perrin, 406 p.

BRYANT 2002 Bryant S. - Le Fort Saint-Georges, traces archéologiques d'un passé ignoré, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 6 : 611-614.

BRYANT 2004 Bryant S. - Fouilles au fort Saint-Georges. De la fonction stratégique à l'occupation pacifique, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 8 : 877-892.

BRYANT, BLANCHARD 1997 Bryant S., Blanchard P. - Le Fort Saint-Georges, Chinon (une partie oubliée du château de Chinon).

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 340

Rapport d'évaluation archéologique et architecturale, Orléans, SRA du Centre, 47 p. (rapport multicopié).

FAVIER 2004 Favier J. - Les Plantagenêts. Origines et destin d'un empire, XIe-XIVe siècles, Paris, Fayard, 960 p.

MARTINEAU 1993 Martineau M.-C. - L'évolution topographique de Chinon des origines au XVIIIe siècle, 2 vol. Tours, Université de Tours, 1993 (mémoire de maîtrise sous la direction de Monique Bourin et Henri Galinié).

PHILIPPE 1996 Philippe M. - Le Fort Saint-Georges, partie composante du château de Chinon : recherche documentaire, Orléans, SRA du Centre, 55 p. (rapport multicopié).

PHILIPPE 2001 Philippe M. - Le château de Chinon : étude documentaire, Orléans, SRA du Centre, 96 p. (rapport multicopié).

PHILIPPE 2002 Philippe M. - Le château de Chinon, une forteresse adaptée aux besoins de la guerre, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 6 : 599-610.

NOTES

1. Aquarelle de Roger de Gaignières, 1699 (BNF 5324), gravure sur cuivre anonyme de 1763 (Musée des Amis du Vieux Chinon). 2. Cette opération fut réalisée d’abord par l’INRAP sous la direction de Simon Bryant dans le cadre de l’archéologie préventive : sondages d’évaluation en 2000 et 2003, fouille de la moitié ouest du fort en 2003 (bilans rapides dans Bryant 2002 et 2004). En juin et juillet 2004, elle fut poursuivie en fouille programmée par Bruno Dufaÿ, archéologue départemental d’Indre-et-Loire, titulaire de l’autorisation, en collaboration avec le laboratoire “ Archéologie et Territoires ” de l’UMR CITERES 6173. C’est de cette dernière campagne dont il sera question, même si naturellement les résultats obtenus par Simon Bryant sont intégrés dans la réflexion. 3. Inventaire des munitions et provisions conservées au château, par Louis Le Basle, capitaine et gouverneur de Chinon (PHILIPPE 2001 : 87). 4. Eau-forte de Constant Bourgeois, tirage conservé au château. 5. Comptes de la reine de Sicile (MARTINEAU 1993, II, annexe 15). 6. Guillaume Le Breton, Philippide, livre VIII, vers 394-396. 7. Contrairement à ce qu’on pensait jusque là, cette douve n’a pas été creusée dans le rocher. Des sondages géotechniques réalisés en 2004 ont montré la présence de plusieurs mètres de sable naturel dans l’axe de la douve. 8. Si le château du Milieu a été occupé dès l’Antiquité, constituant sans doute le castrum évoqué par Grégoire de Tours, la zone du fort Saint-Georges n’a livré aucune occupation permanente de cette époque ; les traces en sont limitées à une demi-douzaine de tessons minuscules et un ou deux fragments de tegula. Le haut Moyen Âge n’est pas mieux attesté, là encore par quelques tessons plutôt carolingiens et un squelette en pleine terre découvert par Simon Bryant, qu’une datation 14C attribue aux IVe-VIe s. 9. Je remercie Philippe Husi d’avoir bien voulu regarder rapidement la céramique issue des fouilles, et qui devrait prochainement en entreprendre l’étude détaillée. 10. Pour tous ces textes, voir PHILIPPE 1996 et 2001.

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 341

11. L’ampleur de la surface fouillée rend cette absence quasi certaine. En outre, aucun puits n’est mentionné dans les procès-verbaux des visites des XVIe et XVIIe s., alors qu’il en est fait état pour les autres parties de la forteresse. Il n’est pas exclu en revanche qu’une citerne ait été creusée en sous-sol, alimentée par un drain retrouvé en fouille.

RÉSUMÉS

Cette note présente les premiers résultats des fouilles menées en 2003 et 2004 sur la quasi-totalité du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Celui-ci est l’un des trois éléments de la forteresse médiévale qui domine la ville. La fouille a permis de préciser la fonction du fort, construit dans la deuxième moitié du XIIe s., à l’époque où Chinon est le centre administratif des possessions continentales des Plantagenêt, rois d’Angleterre. Du point de vue militaire, il formait une fortification avancée, protégeant le château principal, selon une structure que Richard Cœur de Lion appliquera au Château Gaillard. À l’intérieur, de vastes bâtiments constituaient des logis, conçus peut-être au départ pour héberger la chancellerie royale.

This article presents the first results of the excavations undertaken in 2003 and 2004 over almost all of the Fort Saint-Georges at Chinon (Indre-et-Loire), one of three elements of the medieval fortress which dominates the town. The excavation enabled us to clarify the function of the fort, built in the 2nd half of the 12th century at a time when Chinon was the administrative centre of the continental possesions of the Plantagenet King of England. From a military point of view, it formed an advanced fortification protecting the main castle, within a structure that Richard the Lionheart would apply to the Chayeau Gaillard. Inside, some vast buildings made up the dwellings, designed perhaps initially to house the royal chanceller.

INDEX

Mots-clés : château-fort, Chinon, Moyen Âge, Plantagenêt Keywords : castle, Chinon, Middle Ages, Plantagenet

AUTEURS

BRUNO DUFAŸ Archéologue départemental d’Indre-et-Loire / UMR 6173 CITERES – LAT.

Revue archéologique du Centre de la France, Tome 43 | 2004 342

Une datation absolue pour un saloir du XVIIIe s. en grès de la Puisaye À propos de l’urne contenant les restes d’Agnès Sorel An absolute dating for a salting tub of the 18th century in sandstone from the Puisaye. Concerning an urn containing the remains of Agnès Sorel

Bruno Dufaÿ et Marcel Poulet

1 La céramique commune de l’époque moderne n’est pas toujours la mieux connue des archéologues ou le sujet de leurs constructions typologiques. Elle est souvent mal datée, car les contextes stratigraphiques sont peu nombreux. Objet commun, elle faisait rarement l’objet d’inventaires détaillés qui permettent leur attribution chronologique. La présente note fait état d’une mention datée de l’achat d’un saloir en grès de la Puisaye. Il a paru utile de signaler ce fait pour vérifier les datations admises pour ce type de pot. En outre, il se trouve que cet objet a eu une destination particulière (ce qui nous a valu de garder trace de son achat) : il sert d’urne funéraire et contient les restes d’Agnès Sorel, favorite illustre du roi Charles VII, morte en 1449. En effet, en 1777, les chanoines de Saint-Ours de Loches (Indre-et-Loire) expulsèrent son gisant de leur collégiale, et rassemblèrent les restes squelettiques (principalement le crâne) et du cercueil pas trop décomposés dans un pot acquis pour l’occasion1.

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Fig. 1 : L'urne funéraire d'Agnès Sorel. Au premier plan, os de la face et mandibules.

Fig. 2 : Dessin de l'urne funéraire d'Agnès Sorel (Service archéologique départemental du Nord)

(dessin F. Loridant et R. Ménard).

2 Le registre des comptes de la collégiale précise :

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“ Année 1777, mars, le cinq, payé aux ouvriers qui ont démoli le tombeau de la belle Agnès trois livres et ce pour boire. Le six payé pour l’achat d’une urne pour déposer les cendres de la belle Agnès deux livres deux sols. Le 23 may payé à Morisseau, serrurier, pour la grille qu’il a fournie et posée autour du tombeau d’Agnès Sorelle et autre ouvrage qu’il a fait au mesme tombeau cent livres quatre sols. Le 2 juin payé à Marteau, maçon, pour le raccomodage de la statue d’Agnès Sorelle onze livres six sols ”2. Apparemment, on ne s’était pas mis en frais pour la belle Agnès : un simple saloir pour le prix d’un pourboire ! Toutefois, on peut imaginer que ce choix fut raisonné, car un tel récipient a pour lui une incontestable solidité, conçu qu’il était pour le transport à longue distance. L’Histoire donna d’ailleurs raison aux chanoines, puisqu’il nous est parvenu intact, à l’exception du couvercle, brisé en son centre3. Il y a fort à parier que si le vase avait été en métal plus ou moins précieux, il n’aurait pas franchi les périodes troublées de la Révolution et de l’Empire, l’urne en effet ayant été déménagée plusieurs fois.

3 Il s’agit d’une poterie en grès, de forme ovoïde, munie de deux anses verticales implantées au tiers supérieur. Le type, la terre et plus encore la facture désignent une production des ateliers de la Puisaye, plus particulièrement de la partie sud de cette petite région naturelle (département de la Nièvre, au nord-est de Cosne, canton de Saint-Amand-en-Puisaye). Il s’agit d’un saloir que les potiers désignaient sous le nom de “ cuteron ”, l’appellation commerciale dans le milieu professionnel des marchands en gros étant “ charnier ”.

4 La pâte beige-rosé clair est caractéristique de cette région, couleur obtenue en cuisson oxydante dans des fours couchés d’une vingtaine de mètres cubes. On peut noter de place en place de petites taches noires provenant de la fusion de grains de sulfures de fer (pyrites) fréquentes dans les terres de la zone. La forme générale est caractéristique des pièces réalisées dans la seconde moitié du XVIIIe s. La base est élargie par rapport à ce qui se faisait au XVIIe et au début du XVIIIe s., où les bases sont plus étroites, le tiers inférieur de la pièce étant un peu rétréci. L’ouverture est plus étroite que la base et bordée par une lèvre aplatie, destinée à recevoir un couvercle tronconique à lèvre intérieure rentrante. Les anses constituent des éléments très sûrs de datation. Leur section est ici en ovale aplati, le dessus finement mouluré. Cette facture prend naissance à la .n du XVIIe s. où elle remplace des rubans plats à larges moulures. À cette époque la section est un ovale très aplati qui s’épaissit peu à peu. À la fin du XVIIIe s., les moulures du dessus disparaissent et la section s’épaissit encore. On est ici en présence d’une épaisseur moyenne, datable des années 1750-1770, ce qui correspond à la date fournie par le mémorandum d’achat. L’intérieur du vase est recouvert d’une glaçure brune, transparente, un peu irrégulière. Il s’agit d’une glaçure au laitier, provenant du traitement du minerai de fer local. Les ferriers étaient nombreux dans les bois de Puisaye. Jusqu’à la .n du XVIIIe s., les potiers y faisaient trier le laitier pour le broyer au pilon dans des mortiers de fonte. On le broiera ensuite dans des moulins à laitier. La .ne poussière obtenue était mêlée à de l’eau additionnée de cendres, d’argile ou même de bouse de vache, pour faciliter l’adhérence sur le tesson mais aussi éviter que le mélange se dépose trop rapidement. L’utilisation de cette glaçure apparaît au début du XVIIe s., avec même quelques indices à la .n du XVI e. Son usage resta longtemps parcimonieux à cause de la difficulté à broyer finement un matériau vitreux très dur. On en limita l’usage aux petites pièces, aux intérieurs de vases culinaires ; dans la seconde moitié du XVIIIe s., on l’utilise de plus en plus pour les intérieurs des

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poteries de stockage, comme c’est le cas ici. On peut noter encore quelques détails complémentaires : • la base n’est pas ébavurée, marque distinctive d’avec la région voisine à typologie similaire, le Haut Berry, où l’on “ repassait ” les pots après tournage, au début du séchage ; • la panse montre des stries que les potiers appelaient des “ croutelis ”, traces des doigts au tournage qu’on ne fait plus disparaître par un lissage à l’estèque, comme on le faisait couramment au XVIIe s. Les potiers tiraient d’ailleurs une certaine fierté de croutelis bien réguliers, d’autant plus méritoires qu’on utilisait en Puisaye des tours à bâton ayant toujours un certain balancement ; • on peut discerner deux légers enfoncements au tiers inférieur, dus à la pression des paumes du tourneur lorsqu’il soulève la pièce pour la déposer sur les planches du séchoir ; • on remarque à mi-hauteur une tache plus claire cernée de rose-brique, indiquant la proximité, sinon le contact, d’une pièce voisine dans l’enfournement très serré des fours couchés ; • trois nervures verticales, légèrement rayonnantes, peu accentuées, ornent chaque côté de la panse. Elles offrent parfois plus de relief et sont alors dentelées au doigt, mais ce n’est pas systématique en Puisaye, au contraire de certaines autres productions de grosses pièces.

5 Ces poteries étaient commercialisées dans tout le Val de Loire, jusqu’à Nantes. Il s’agissait d’un commerce à destination des grossistes en vaisselle des principales villes du “ pays-bas ” qui, à leur tour, distribuaient dans les régions environnantes. Ce commerce était très structuré et reposait sur la batellerie de Loire, à partir du port de Neuvy-sur-Loire. Les grossistes d’Orléans, Blois, Tours, Saumur, etc., passaient des marchés devant notaire avec des potiers ou des groupes de potiers. Une riche corporation de “ marchands voituriers par eau ” s’était peu à peu constituée à Neuvy- sur-Loire. Au début du XIXe s., elle avait réussi à détenir la quasi-totalité du marché.

NOTES

1. Cette étude prend place dans une série d’analyses en cours sur les restes d’Agnès Sorel, commandées par le Conseil Général d’Indre-et-Loire à l’initiative de Bruno Dufaÿ. Réalisées et coordonnées par le Docteur Philippe Charlier, paléopathologiste au CHRU de Lille, elles permettront l’acquisition de données biographiques sur Agnès Sorel (son âge, mal connu, la cause de sa mort…), mais aussi plus générales sur l’alimentation ou les modes de traitement des corps de l’élite sociale au milieu du XVe s. (par exemple l’embaumement). Elles ont été entreprises à l’occasion du retour du gisant d’Agnès Sorel du logis royal du château de Loches (Indre-et-Loire), propriété du Conseil Général, à la collégiale Saint-Ours. 2. Cité par L. Bosseboeuf ; “ Le tombeau d’Agnès Sorel à Loches ”, Mémoires de la Société Archéologique de Touraine, 41, 1900 ; 125. 3. Je remercie le Service archéologique départemental du Nord d’avoir bien voulu assurer la restauration de ce couvercle, ainsi que le dessin de cette céramique.

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RÉSUMÉS

Les éléments de datation absolue de l’époque sont assez rares pour la céramique commune de l’époque moderne. Le récipient dont il est ici question a été acheté par les chanoines de Loches pour y réduire les restes funéraires d’Agnès Sorel. Nous possédons la mention de son achat, effectué le six mars 1777.

It is quite rare to be able to establish an absolute date for common pottery of the modern period. The vessel in question was bought by the canons of Loches to contain the remains of Agnès Sorel. We have a mention of its purchase on the 6th March 1777.

INDEX

Keywords : Agnès Sorel, ceramics, sandstone, Puisaye Mots-clés : Agnès Sorel, céramique, grès, la Puisaye

AUTEURS

BRUNO DUFAŸ Archéologue départemental d’Indre-et-Loire / UMR 6173 CITERES – LAT.

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Les mines métallifères du département de la Loire. Bilan de sept années de recherches Metalliferous mines of the department of the Loire. Results of seven years of research

François Dumoulin

Introduction

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1 Le patrimoine archéologique minier du département de la Loire est caractérisé par la présence du bassin houiller stéphanois, élément majeur de la construction industrielle et culturelle du département. Beaucoup plus discret, dans les mémoires comme sur le terrain, le patrimoine minier métallifère n’en est pas moins important du point de vue du patrimoine présent, comme de l’histoire industrielle de la région1. Ainsi, les archives de l’administration des mines reconnaissent deux districts miniers (concessions), l’un au centre-ouest du département, autour de Saint-Martin-la-Sauveté, l’autre au sud sur le massif du Pilat, centré sur Saint-Julien-Molin-Molette, exploitant essentiellement des galènes légèrement argentifères (Fig. 1, n° 1).

Fig. 1 : 1

Sites et districts miniers du département de la Loire ; 2 : district de Saint-Martin-La-Sauveté, localisation des sites et des sondages ; 3 : Saint-Germain-Laval, Marcilleux, coupes des sondages 1 et 2 ; 4 : Saint-Germain-Laval, Marcilleux, relevé général du site ; 5 : Champoly, Le Ployet, relevé général du site.

2 Pourtant, l’interrogation de la bibliographie, tant locale que régionale, ne laisse pas apparaître de bilan archéologique sur cette question. C’est pourquoi il m’a paru intéressant, à partir du milieu des années 90 de réaliser un état des lieux, qui a pris la forme administrative de deux prospections thématiques triannuelles –1997/2000 :

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district de Saint-Martin-la-Sauveté ; 2001/2003 : district de Saint-Julien-Molin-Molette – et de deux sondages ponctuels – Saint-Germain-Laval, Marcilleux et Champoly, Le Poyet réalisés en 2002.

Un état des lieux nécessaire

Regard critique sur une documentation inégale

3 La première source est constituée des archives anciennes2. Celles-ci livrent deux types de mentions intéressants, les toponymes et les témoignages d’exploitation. Les toponymes, assez divers, sont nombreux à partir du milieu du XIIe s., jusqu’au début du XVe. Argentière et ses dérivés sont mentionnés dès 844 et jusqu’en 1261, la Mine, et Minerie sont a priori plus récents et apparaissent surtout à la fin du XVe s.

4 Le deuxième groupe de témoignages est celui des textes qui mentionnent des exploitations. Ainsi, en 1390, une mine est ouverte à Bussy sur l’initiative des comtes du Forez (HUILLARD-BRÉHOLLES 1867), et en 1395 un texte mentionne un conflit pour l’exploitation des mines avec les seigneurs de Saint-Marcel-d’Urfé3.

5 Les géologues de la période moderne nous apportent aussi leur contribution, par l’intermédiaire de deux documents. En premier lieu, la description géologique de la Loire, par L. Gruner, publiée en 1857 par cet ingénieur des Mines, est une description minutieuse des mines existantes. Il en précise l’ampleur et le développement, en donne souvent l’historique depuis la création administrative de la concession de Saint-Martin- la-Sauveté en 1717. Il mentionne encore souvent la découverte d’anciens travaux parfois profonds, dans les reprises du XVIIIe et du XIXe s. Un de ses prédécesseurs, le sieur Koenig4, avait dressé en 1766 un état des lieux de la concession de Saint-Martin- la-Sauveté qui donne, lui aussi, de nombreux détails, tant sur le mode d’exploitation que sur le personnel employé.

6 Les études historiques sur les mines se limitent à deux titres. V. Durand est le premier à dresser un bilan dans un compte rendu d’excursion effectuée en 1894 au cœur de la concession de Saint-Martin-La-Sauveté (DURAND 1898). Il reprend les mentions d’archives et les rattache aux lieux-dits du temps qu’il connaît particulièrement bien puisqu’il réside sur le secteur. Il est le seul à mentionner, en employant quelques précautions, la découverte de monnaies romaines dans une galerie de mine de Saint- Martin-la-Sauveté. E. Fournial, dans son étude des villes du Forez à la .n du Moyen Âge, évoque la question de l’exploitation minière avec un regard d’archiviste recensant les textes (FOURNIAL 1967).

7 En dernier lieu, les données de la géologie actuelle sont une source de renseignements, au travers des cartes géologiques5 qui donnent, selon leur date de réalisation, leur échelle et la sensibilité de l’auteur, des éléments d’inventaires et une description sommaire.

8 Les éditions récentes, normalisées, livrent dans un tableau les dates d’exploitation ainsi que la matière reconnue et le contexte géologique. Bien que peu précises et souvent non vérifiées sur le terrain, ces données sont un atout précieux. Signalons enfin que, dans les années 50, des travaux de recherche ont repris sous l’impulsion de la société Pennarroya. Un rapport du BRGM dresse alors un état des lieux sommaire (CARROUÉ 1959). Par la suite, l’essor de la mine d’uranium des Bois Noirs conduit le CEA à

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effectuer des prospections ciblées sur ce secteur, réalisées en partie par C. Gagnard dont la collaboration a permis une meilleure connaissance de la zone de Saint-Martin- la-Sauveté. Un des écueils à la réalisation d’un inventaire cohérent reste la difficulté à créer un lien entre sources de nature et d’époques différentes, qui peuvent se rapporter au même site. Cette part d’incertitude conduit parfois à réunir deux indices différents, quelquefois à en créer deux là où il n’en existe qu’un.

Élaboration d’une méthodologie

9 La méthode de travail retenue est de réaliser, à partir du dépouillement des sources, un inventaire des indices, puis de cibler les prospections sur ces indices et leurs abords immédiats. Devant la diversité des sources nous avons été amenés à produire une fiche d’inventaire, assez longue, mais qui permet de transcrire les informations selon la nature de la source6. Une partie de cette fiche permet d’enregistrer les résultats de la prospection, puis d’entamer une synthèse. Un extrait de carte lié à la fiche permet de localiser les vestiges observés dans l’espace7.

Résultats bruts

10 À l’issue du dépouillement, 63 indices ont été reconnus. Ils ont tous donné lieu à une prospection sur le terrain. Le résultat se répartit comme l’indique le tableau 2.

Tabl. 1 : bilan des dépouillements.

toponyme Texte témoignant d'une Etudes Carte Total exploitation médiévale historiques géologique

Saint-Martin-la- 6 7 13 4 32 Sauveté

Saint-Julien- 2 0 11 6 20 Molin-Molette

Hors concession 1 0 3 7 11

Tabl. 2 : résultats des prospections.

Concession Nombre Prosepection Prospection dont dont galerie dont d'indice négative positive travaux en ou puits galeries tranchée effondrés ouvertes

Saint-Martin- 32 17 15 8 6 3 la-Sauveté

Saint-Julien- 20 8 12 6 5 5 Molin- Molette

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Hors 11 7 4 2 2 0 concession

Total 63 32 31 16 13 8

11 Le premier constat est que plus de la moitié des indices n’ont pas été retrouvés, soit à cause d’une localisation approximative, parfois à l’échelle de la commune, soit à cause d’une destruction ou du masquage d’un secteur par des aménagements récents, plate- forme industrielle ou autoroute par exemple. Enfin, certains lieux-dits, relevés comme indices, s’avèrent d’une valeur aléatoire. Ainsi les lieux-dits bâtis sur la racine argent, (Argental, l’Argentière, le ruisseau d’Argent), rencontrés six fois (DUFOUR 1947), se révèlent négatifs à cinq reprises. Il est probable que ce toponyme soit accordé à des ruisseaux, comme c’est le cas à deux reprises, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les ressources minières, mais tiennent peut-être à leur coloration gris argenté. La seconde famille de toponymes anciens qui nous ont guidés est celle des mines : la Mine, Minière et Mineri, se rattachent presque toujours à une exploitation. Le toponyme Mivière, anthroponyme répandu dans ce secteur, reste plus délicat à interpréter et son origine semble être différente.

Éléments de synthèse

Exploitation souterraine

12 Il reste très difficile de tirer des conclusions sur les travaux souterrains, en raison de leur conservation très médiocre. Sur 21 sites où des travaux souterrains sont attestés, huit seulement livrent des galeries ouvertes. Cela ne représente souvent que l’amorce de l’exploitation, sous la forme de travers banc8 ou de galerie de recherche. Aucune zone d’exploitation réelle n’a été rencontrée. On reconnaît ici un trait marquant de ces travaux, qui est leur instabilité, soulignée longuement par les exploitants du XVIIIe s. en raison des forts coûts de boisage, qui fait que l’ensemble des travaux sont refermés. Le sondage réalisé en 2002 à Champoly sur le site du Poyet montre que le porche de la galerie est effondré sur une dizaine de mètres et que les colluvions masquent très vite les travaux anciens. Les interventions de l’équipe de P. Benoit sur les travaux de la mine de Pampailly ont rencontré les mêmes difficultés liées à l’instabilité de la roche dans un contexte géologique proche (BENOIT 1997). Ce ne sont donc pas les ouvrages souterrains qui caractérisent le mieux les travaux de cette zone, et vouloir les atteindre semble aujourd’hui bien illusoire.

13 Les huit galeries ouvertes sont chronologiquement réparties entre le XVIIIe et le XXe s. Pour le district de Saint-Martin-la-Sauveté (Fig. 1, n° 2), l’instabilité de la roche n’a permis de conserver que trois travers bancs dont un de recherche (Saint-Romain- d’Urfé, Grandris), et un second effondré à peu de distance de l’entrée, du XIXe s., alors que le dernier (Juré Durel), reprise d’un ancien travers banc développée sur près de 300 m, date de la .n des années 1950, lors d’une ultime phase de recherche.

14 Le district de Saint-Julien-Molin-Molette n’est pas mieux loti. Là encore, il s’agit de travers bancs vite effondrés, comme au col de Fayet. On remarquera que les plus récentes exploitations sont celles des verreries de Rive de Gier, qui exploitent alors des

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quartz, dans de petites galeries à , ou encore des travaux qui semblent plus vastes à La-Terrasse-sur-Dorlay. Là encore, les dépilages ne sont pas accessibles. Si le bilan pour les travaux souterrains stricto sensu est très maigre, les traces de surface sont, pour leur part, plus parlantes, au travers des travaux effondrés, mais surtout des rejets de stériles, les haldes. En raison de leur composition acide, elles restent le plus souvent très lisibles dans le paysage, et trahissent l’organisation des travaux souterrains. À Champoly, trois grandes haldes s’étagent sur le versant, chacune désignant une des entrées des travaux modernes (Fig. 1, n° 5). On reconnaît facilement ces dépôts par leur forme caractéristique. Le sommet est plat, car il correspond au prolongement extérieur de la voie de roulage. Les pentes sont très raides et lessivées, les blocs dominent alors que les parties fines sont colluviées. En général, elles épousent la forme des parcelles maîtrisées par l’exploitant. Elles ne sont donc pas toujours strictement situées au débouché de la galerie mais peuvent se développer latéralement. Leur volume est difficile à estimer, en raison de leur forme et de leur implantation sur de fortes pentes. Elles occupent ainsi une surface importante, mais sont étalées. Ce chiffre n’est par ailleurs pas le juste reflet du volume exploité car une part importante des stériles est stockée à l’intérieur de la mine.

15 Le district de Saint-Julien-Molin-Molette présente une série de haldes à l’aspect tout à fait spécifique. Le site d’Éteize est le plus important et le plus représentatif, avec, répété à quatre reprises, ce mode de dépôt si particulier. Il s’agit de haldes étalées le long du filon, qu’elles masquent entièrement, sur une largeur de 20 à 50 m et sur une longueur pouvant atteindre 300 m les dépôts ne sont pas réguliers mais dessinent de petites dénivellations qui rappellent un relief dunaire. On comprend mal comment ces dépôts se sont formés. Leur étalement sur tout le filon semble indiquer une extraction par une multitude de points, sans organisation rigoureuse de l’exploitation. Une source rapporte que le site était de longue date exploité pour le vernis, mais le caractère systématique, l’ampleur et l’organisation nécessitées par ces travaux nous incitent à penser à une exploitation plus récente, sans toutefois pouvoir identifier le mode de rejet des haldes. Toujours est-il que ces haldes ont marqué durablement le paysage où elles sont aujourd’hui inscrites comme des éléments constitutifs forts.

Exploitation de surface

16 Les travaux au jour, sous forme de tranchées, sont de deux types principaux. On reconnaîtra en premier lieu des travaux importants qui sont en fait de véritables dépilages9 au jour. Il s’agit de zones exploitées où seules sont conservées les parois stériles du filon, dessinant souvent deux bordures rectilignes verticales. Selon leur position, ils sont plus ou moins comblés. Ils témoignent d’une exploitation assez organisée, et ne se retrouvent que sur le district de Saint-Julien-Molin-Molette. Leur ampleur est limitée à quelques mètres en développement et leur profondeur conservée n’excède pas deux mètres.

17 Les tranchées en V sont plus discrètes mais plus répandues. Leurs bords obliques sont prolongés par deux bourrelets de rejets. Leur tracé suit visiblement des filons ou filonets. La profondeur de la tranchée visible est d’ordre métrique. La coupe de certains de ces travaux montre que les filons exploités sont extrêmement minces, d’ordre décimétrique à centimétrique, ce qui explique le faible développement en profondeur de ces travaux. On les suit en revanche sur des distances respectables, parfois près de

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100 m. En règle générale, on trouve ces sites à proximité de travaux souterrains, dont ils doivent constituer un complément ou une pré-exploitation.

18 À quatre reprises, dans le district de Saint-Martin-la-Sauveté, on rencontre des tranchées multiples organisées en séries parallèles. Géologiquement cela ne se justifie pas puisque les gisements sont filoniens, et donc a priori peu dispersés. C’est pourquoi nous avons réalisé en 2002 un sondage sur le plus important de ces sites, à Marcilleux (Fig. 1, n° 3-4). On y rencontre sur près d’un ha une dizaine de tranchées parallèles, orientées dans le sens de la pente et bordées de leurs rejets mollement étalés. Une coupe établie perpendiculairement à trois de ces tranchées a permis de constater un creusement peu important, avec une profondeur de un mètre environ pour une largeur équivalente. Surtout, c’est l’absence de filon dans le substrat rocheux qui est surprenante. Cela conduit à proposer que ces tranchées soient des travaux de recherches et non d’exploitation. Leur ampleur, et l’importance des moyens mobilisés pour leur réalisation témoignent de toute évidence d’une grande soif de minerai, à une époque qui reste toutefois indéterminée, en l’absence de tout élément de datation.

Conclusion

19 Au final, les éléments chronologiques sont assez peu nombreux. Si on situe sans grande difficulté la grande phase d’exploitation par la famille de Blumenstein entre 1717 et le Second Empire, reste une série de travaux non datés. La toponymie, par l’existence de mentions dès le XIIIe s., atteste d’une exploitation ancienne dont les traces semblent effacées. Les textes rapportent aussi une intense exploitation pour le vernis à la .n du Moyen Âge, dans un contexte, décrit par ailleurs, de manque général de ressources (AMOURIC 1993). Faut-il voir là l’explication des travaux de surface ou des haldes étalées ? Aucun élément, à ce jour, ne permet de se déterminer en faveur de cette hypothèse. Enfin le témoignage des Blumenstein rencontrant à Champoly d’anciens travaux à des profondeurs considérables, au pied du château originel de la famille d’Urfé, associé à quelques textes médiévaux, laisse supposer l’existence d’une exploitation médiévale aux mains de la famille dominante, appelée à devenir maîtresse du Forez.

20 Au titre du bilan, nous retenons l’information de caractère archéologique apportée par l’étude, avec le pointage de plus de 30 sites miniers, composant une base départementale à étoffer, avec notamment le volet charbon qui n’a pas encore été développé à ce jour. Si les ancrages chronologiques demeurent souvent flous, la phase moderne est bien attestée. Elle illustre l’implication de secteurs ruraux dans un premier essor industriel du département. Ces secteurs demeurent dotés d’outils industriels, dans d’autres branches comme le tissage à Saint-Julien-Molin-Molette, jusqu’à nos jours. On notera avec regret l’absence du passé minier dans l’identité historique locale. Replacé au plan régional, notre travail sur le département de la Loire s’intègre dans une série d’inventaires archéologiques liés à la mine10, où il paraît un peu en retrait du fait de l’absence de travaux souterrains ou de grandes structures industrielles conservées. Toutefois cette carence peut conduire à travailler sur d’autres domaines, moins centrés sur la mine elle-même, comme l’impact sur l’environnement, l’intégration à la carte archéologique, la reprise des archives, ou la question du vernis, qui sont autant de pistes à développer.

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NOTES

1. La dernière exploitation, la mine d’uranium des Bois Noirs a cessé son activité dans les années 1980. Ce volet de l’activité minière n’a pas été traité par cette recherche. 2. Pour le département de la Loire, ces dernières ont fait l’objet d’un dépouillement exhaustif par J.-E. Dufour, repris et complété par E. Fournial (DUFOUR 1947 ; FOURNIAL 1967). 3. Archives nationales, P 1402 1, n° 1208 ; Archives départementales de la Loire B1928 f°18 v° et 1998 f° 24 ; Archives départementales du Rhône, C115 n° 6 (d’après FOURNIAL 1967). 4. Transcription dans DUMOULIN 2000. 5. Carte géologique de la France au 1/50 000e par le BRGM et carte des gîtes au 1/500 000, feuille de Lyon. 6. La fiche conçue pour l’occasion comporte six grandes rubriques : nom de l’indice ; localisation géographique ; références géologiques ; références bibliographiques ; compte rendu de prospection ; synthèse. 7. Pour évoluer sur le terrain un extrait de carte IGN au 1/25 000 ramené au 1/10 000, dans un format A, permet une manipulation aisée et offre des possibilités de relevé. 8. On désigne par travers banc une galerie percée dans la roche stérile pour rejoindre la zone minéralisée. 9. Dépilage : zone minéralisée exploitée formant un volume ouvert plus important qu’une simple galerie. 10. Enquête en cours en Ardèche, réalisé en Drome et dans les départements alpins autour de l’équipe de M.-C. Bailly-Maitre.

RÉSUMÉS

Cette étude se propose, dans les limites du département de la Loire de réaliser un bilan du patrimoine minier métallifère. À partir de sources diverses (toponymie, mention d’archives, compte rendu d’exploitation et littérature géologique), un premier dépouillement permet de reconnaître 63 sites potentiels essentiellement regroupés dans deux concessions. La prospection permet d’en retrouver 32 et de dresser un état des lieux. On retiendra que les travaux souterrains sont très rarement conservés. En revanche, on relève de nombreux travaux de surface de faible ampleur à mettre en relation avec une recherche de la galène pour les potiers.

This study is intended to show the results of the metal mining heritage within the limits of the department of the Loire. From different sources (place names, mentions in archives, reports of working operations and geological literature), a first analysis identifies 63 potential sites grouped into two concessions. Prospecting enabled us to find 32 of them and draw up an inventory. It must be remembered that underground works are very rarely preserved. However we picked up numerous small scale surface workings connected with the search for galena for potters.

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INDEX

Mots-clés : méthodologie, mines de plomb, prospection, travaux de surface Keywords : lead mines, methodology, prospecting, surface workings

AUTEUR

FRANÇOIS DUMOULIN Service régional de l'Archéologie de Rhône-Alpes, Le Grenier d'abondance, 6 quai Saint-Vincent, 69283 Lyon cedex 01.

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Chroniques

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Voyages à travers les campagnes de la Gaule romaine - XI

Alain Ferdière

1 155. Vingt ans après… - Nous fêtons ici (déjà !) les vingt ans de cette chronique sur le monde rural des provinces gauloises, dont la première était publiée dans le volume 23/1, 1984 de la Revue Archéologique du Centre de la France. Au fil de ces aujourd’hui onze chroniques, ce sont 175 notes qui ont ainsi été publiées sur les sujets les plus divers autour de ce thème des campagnes gallo-romaines. Si certaines ont été méthodologiques et théoriques, d’autres ont été critiques par rapport à certains travaux, et ont suscité des réactions que nous avons volontiers publiées ici. Mais beaucoup concernent aussi de courtes recensions bibliographiques qui permettent de faire connaître certaines recherches à un plus grand nombre : c’est une fonction, certes modeste, de cette chronique à laquelle je tiens également beaucoup.

2 156. AGER - (voir ma note n° 2002, 145). L’Association en Gaule pour les Études Rurales – que j’ai toujours l’honneur de présider tout en souhaitant vivement un relais ! – , poursuit bon an mal an ses activités, qui consistent quasi exclusivement à susciter l’organisation d’un Colloque biennal, chaque fois sur un thème différent et dans un lieu nouveau, puis de veiller ensuite à la publication, si possible dans des délais raisonnables : pour ce dernier point, ce n’a pas été tout à fait le cas de la publication des Actes du Colloque de Besançon de septembre 2000, dont la publication n’est en fait assurée, par les Presses Universitaires Franc-Comtoises, que depuis cette année 2004 (FAVORY et VIGNOT 2003) ; la thématique en était assez imprécise, puisque consacrée à l’actualité de la recherche dans ce domaine (27 contributions, concernant d’ailleurs un champ chronologique qui dépasse souvent la seule période romaine en Gaule).

3 En revanche, la publication des Actes du Colloque de Compiègne de juin 2002 a été assurée par la Revue Archéologique de Picardie moins d’un an plus tard (LEPETZ et MATTERNE 2004). Il était consacré aux productions rurales en Gaule (agriculture, élevage, artisanat… : 25 contributions ; cf. ci-dessous, note n° 172).

4 Le prochain colloque se tient à Rennes en octobre 2004 sur le thème de la forêt et zones rurales marginales.

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5 AGER publie aussi un Bulletin intérieur annuel (J.-L. Fiches).

6 157. Histoire et Sociétés Rurales - Cette revue bisannuelle, organe de l’association d’Histoire des Sociétés Rurales (cf. ma note n° 1993, 66), paraît depuis 1994 et vient donc de publier son n° 21 (1er semestre 2004). Elle continue globalement à considérer l’archéologie comme une discipline annexe de l’histoire, essentiellement destinée à illustrer les faits connus par les textes. Ainsi par exemple, la rubrique intitulée “ Sources ” concerne exclusivement la publication de documents écrits. Il me paraît malgré tout utile de signaler deux dossiers récemment publiés sous ses auspices : l’un (ANDREAU et CÉBEILLAC-GERVASONI 2003) concernant “ Les Élites locales et la Terre à l’époque romaine ”, où, parmi les dix contributions, on notera un texte sur les provinces d’Occident (J. Dubouloz) et un autre sur la Gaule méridionale (M. Christol) ; l’autre (BÉAUR, ARNOUX et VARET-VITU 2003), publié dans la série complémentaire “ Bibliothèque d’Histoire Rurale ”, sur les contrats agraires, où nous aurons, pour ce qui nous concerne ici, à retenir les contributions de J.-P. Vallat, de C. Moatti et d’A. Marcone, ainsi que les textes juridiques antiques inventoriés dans le corpus de sources.

7 158. Occupation du sol - (cf. mes notes n° 1984, 5 ; 1987, 19 ; 1988, 32 ; 1993, 67 et 68 ; 1996, 85 ; 1998, 106 ; 2000, 120 ; 2002, 139). On a déjà évoqué (note n° 153, 2002) l’important ouvrage publié en 2001 sur le Berry antique : les données recueillies à l’occasion de cette recherche et concernant l’occupation du sol en milieu rural, ont fait l’objet d’une fort intéressant essai de synthèse (MAUSSION et GANDINI 2003), quant à ses relations, notamment avec la qualité pédologique des sols. Il reste que l’évolution de ces sols depuis l’Antiquité semble en partie sous-estimée, et que par ailleurs les exigences de l’agriculture antique en la matière sont loin d’être les mêmes que celles d’aujourd’hui ; un certain déterminisme marque donc, à mon avis, ce travail, au demeurant suggestif.

8 Très riche aussi au plan de la réflexion méthodologique est la contribution de Claude Raynaud (2003) dans les Actes du Colloque AGER de Compiègne sur l’approche archéologique des systèmes agraires antiques.

9 D’ambition plus modeste mais néanmoins utile est le petit ouvrage récemment publié par ailleurs par G. Puaud (2003) sur l’occupation du sol à Saint-Sauvant (Vienne). Je mentionnerai aussi l’intéressante contribution de P. Naas (2002) sur un terroir armoricain de dimension réduite.

10 À titre de simple recension, j'indique également ici l’étude consacrée à l’habitat gallo- romain en Flandre orientale (DE CLERCQ 2003), concernant notamment un certain nombre de structures en bois.

11 Mais il faut enfin attirer également l’attention sur la publication des fiches de synthèses des principaux sites fouillés sur le tracé du TGV Méditerranée (Archéologie… 2002), qui comporte de nombreux sites ruraux, fermes ou villae, voire de fonctions plus problématiques (tel Bourbousson 3 : fiche n° 71 : V. Bastard et P. Stephenson, p. 687-698).

12 159. “ Romanisation ” des campagnes - (voir ma note n° 1998, 104). Le vocable de “ romanisation ” (voir par exemple récemment WOOD et QUEIROGA 1992, ou WOOLF 1998) est souvent utilisé un peu sans précaution à propos de la Gaule et notamment de ses campagnes, tout particulièrement par les archéologues. Il est clair, par exemple, que la présence de quelques tessons de sigillée sur un site ne suffit pas pour y voir un changement culturel profond, pas plus que c’est le cas quant à l’usage de bassines en

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plastique par telle tribu indienne d’Amazonie… J’utilise plus volontiers le terme d’“ acculturation ”, mais il est vrai que ce substitut nécessite aussi d’être explicité. On veut parler de modifications, relativement profondes, des habitudes culturelles, en matière de techniques, d’alimentation, etc., qui marquent la société indigène gauloise entre la fin du IIe s. av. J.-C. (Transalpine surtout alors) et – disons – le milieu du Ier s. ap. Ces apports culturels nouveaux, exogènes, sont certes pour l’essentiel d’origine romaine, mais aussi déjà parfois hellénistique, et plus généralement méridionale, méditerranéenne. P. Le Roux (2004) vient précisément de publier un stimulant petit essai sur ce terme de “ romanisation ”, plus généralement quant aux provinces romaines.

13 160. - Prospection au sol - (cf. mes notes n° 1984, 5 ; 1985, 12 ; 1987, 21 ; 1988, 32 ; 1990, 49 ; 1993, 69 ; 1996, 86). C’est une contribution suggestive qu’offre Claude Raynaud à la réflexion sur l’étude des territoires et des dynamiques peuplements, d’occupation du sol à travers la prospection systématique au sol (RAYNAUD 2000 ; cf. aussi 2003, ci- dessus note n° 158). Les questions méthodologiques, leurs “ biais ”, et celles taphonomiques sont notamment abordées. Un essai certainement à lire de manière profitable, même si je reste en partie non convaincu quant à ces notions d’approches systémiques, de modélisation (non sur le principe, mais sur les modèles retenus ici…), de réseaux de dépendance (proposés pour le Languedoc), d’“ annexes agraires ” (cf. ma contribution, in : Collectif 2000 ; voir ma note n° 2002, 142).

14 161. Études et monographies de villae en Gaule, en Italie et ailleurs… - (cf. mes notes n° 1987, 25 ; 1990, 52 ; 1993, 74 ; 1998, 108 et 109 ; 2000, 122 et 123 ; 2002, 140). Une fois n’est pas coutume – et j’avais déjà fait une telle exception (note n° 1987, 24) au moment de la parution de la monumentale monographie de la villa de Settefinestre (CARANDINI 1985) – : signalons l’ouvrage que l’École Française de Rome a récemment consacré à la publication des fouilles françaises de la villa de Sperlonga (Italie), située en bord de mer (BROISE et LAFON 2001), ainsi que trois publications un peu moins récentes, sur les villae de Vénétie et Istrie (DE FRANCESCHINI 1999), celles de l’Ager Bruttius en Calabre (ACCARDO 2000) et la villa de Poggio Gramignano (SOREN 1999).

15 Mentionnons aussi rapidement ici un article dont le titre est alléchant, concernant la villa comme symbole culturel (WALLACE-HADRILL 1998) ; mais, en dehors du fait qu’il s’agit essentiellement de “ villae ” urbaines (grandes domus, surtout italiennes), le constat est souvent le même avec les chercheurs anglo-saxons : l’ignorance quasi totale de la bibliographie autre qu’en langue anglaise, qu’il s’agisse ici en l’occurrence du français (sur le sujet, cf. GROS 2001) ou par exemple de l’italien.

16 Nous sommes par ailleurs, en effet, toujours aussi pauvres en monographies solides de villae romaines récemment fouillées sur le territoire métropolitain : la récente contribution de P. Dubedat (2003) sur la villa du Gleyzia d’Augreilh (Landes), assez brève et de conception par trop obsolète, ne peut malheureusement pas contribuer à pallier sérieusement cette carence documentaire préoccupante… (voir aussi ci-dessus, note n° 158, les villae faisant l’objet de notices sur le tracé du TGV Méditerranée).

17 On envie donc nos collègues étrangers qui savent régulièrement publier des monographies concernant les villae et fermes gallo-romaines fouillées dans d'autres partie du territoire des Gaules, en Belgique, en Suisse, en Allemagne : ainsi par exemple, parmi les dernières, la publication du site rural (ferme en bois) de Wessling-

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Frauenwiese en Bavière (BENDER 2002) (pour le coup hors de Gaule, dans la province de Rhétie).

18 Je signalerai donc aussi ici quelques publications sous forme d’articles, parfois assez développés : c’est le cas de la “ villa rustica ” de Larajadé (BOUDARTCHOUK 2003), intéressant petit établissement agricole situé à proximité immédiate de la capitale de cité des Ausci (Auch-Augusta Auscorum) ; enfin, au passage, notons un bref article sur une villa de Seine-et-Marne présentant un plan original de grange (PILON 2003).

19 162. Et des villae, de l’habitat rural en Région Centre… - (cf. mes notes n° 1993, 80 ; 1996, 103 ; 2002, 153). Le précédent numéro de la RACF offre deux articles importants concernant des villae récemment fouillées (archéologie préventive) dans la vallée de la Loire (rive droite), en aval de Tours (GUIOT 2003a et b) : Langeais “ Les Béziaux ” et Saint-Patrice “ Tiron ” (Indre-et-Loire) ; ils complètent de manière suggestive notre vision de cette série de riches établissements jalonnant le coteau septentrional de la Loire en aval de la capitale turone de Tours-Caesarorunum (cf. AUDIN 1976). Notons au passage que l’un de ces sites (Saint-Patrice) a livré des indices d’une activité viticole (dolia de type narbonnais), qui complètent nos connaissances de la viticulture gallo- romaine en Touraine, après sa mise en évidence à Crouzilles “ Mougon ” (SCHWEITZ et al. 1986).

20 La Revue Archéologique du Loiret, qui continue, de manière assez stérile compte tenu de sa diffusion, à publier parfois des articles d’un réel intérêt scientifique, ouvre par ailleurs ses pages à un court article sur une villa partiellement fouillée en contexte préventif dans les environs d’Orléans, à Saint-Jean-de-Braye (Loiret) (JOYEUX 2003).

21 On peut encore noter pour la région un court article sur les villae de Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire) (MESTAT 1999), ainsi que, pour terminer, une petite étude sur l’occupation du sol, notamment gallo-romaine, dans un terroir de Touraine, le Véron (confluence Vienne-Loire) (BOUCHER 2003).

22 163. Villae, fermes, ou autre chose ? - (et cf. ci-dessous, note n° 164). Au fur et à mesure que se multiplient les fouilles préventives sur de grandes surfaces, on constate de plus en plus souvent l’inadéquation de nos catégories et typologies classiques des sites ruraux (fermes, villae…). J’avais notamment évoqué cette question à propos du site de Genas “ L’Épine ”, près de Lyon (COQUIDÉ et VERMEULEN 1999 ; voir ma note n° 2000, 125) ; il se posait également déjà, par exemple, pour les fermes mises au jour dans la forêt de Hambach (GAITZSCH 1986 ; 1988 ; cf. note 1988, n° 34). Plusieurs publications récentes soulèvent le même problème : par exemple le site de “ La Lampe ” à Fontenay-en- Parisis (Val-d’Oise), établissement agricole ou lieu de culte (DAVEAU et YVINEC 2002), et surtout le site de Soumaltre (Hérault : THERNOT, BEL et MAUNÉ 2004), qui vient de faire l’objet d’une remarquable monographie : situé en bordure de voie et comportant un atelier de potier, ce site rural est, au moins sur ces deux points, atypique en tant que villa. Ainsi, comme dans cette dernière publication mais aussi dans d’autres récentes (BARBET et GANDEL 1997 ; QUÉREL et FEUGÈRE 2000), on tend à substituer au terme de “ villa ” ou même de “ ferme ” celui d’“ établissement rural ” : “ vocabulaire d’attente ” selon la formule d’André Leroi-Gourhan, au même titre que par exemple “ agglomération secondaire ”. On veut garder une quasi totale neutralité quant à l’interprétation fonctionnelle, socio-économique du site, ce qui n’est certes pas totalement satisfaisant si l’on veut faire avancer les connaissances. Un “ établissement rural ” peut ainsi être également un sanctuaire, un atelier artisanal isolé, etc. De même, on a récemment

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utilisé le terme de “ simili-villa ” pour des fermes gallo-romaines des Pays-Bas (VAN ENCKENVORT 2001). Si l’on a la certitude qu’il s’agit d’une structure de production agricole (au sens le plus large, élevage donc inclus par exemple), ne pourrait-on quand même pas garder le terme de “ ferme ” dans son sens le plus courant, et bien sûr sans l’affubler du tout aussi ambigu qualificatif d’“ indigène ” ?

23 Le prochain colloque AGER (2006) devrait porter sur ces questions de typologie, de fonctions, de vocabulaire…

24 164. Villa-vicus - (voir mes notes n° 1990, 58 et 2000, 125). On vient de le dire (note n° 163) : nos classements des sites archéologiques en catégories sont manifestement aujourd’hui trop astreignantes, face à la diversité de faciès des sites qui s’offrent à nous. Ainsi, Pierre Garmy et Philippe Leveau (2002) ont réuni un important dossier sur la question “ villa-vicus ”, de nombreux sites se prêtant de toute évidence mal à entrer dans l’une ou l’autre de ces deux catégories pré-établies. La terminologie y est discutée, et les relations entre exploitations rurales et agglomérations secondaires sont débattues, au fil de près de vingt contributions, essentiellement autour de la Narbonnaise bien sûr.

25 165. Villes et campagnes - (voir mes notes n° 1985, 14 ; 1988, 36 ; 1993, 72 ;et cf. ci- dessous, note n° 171). L’étude du territoire rural des villes romaines à travers les Gaules alimente d’importantes questions historiques, telles que l’approvisionnement alimentaire de ces centres urbains, ou par exemple aussi celle des “ villae suburbaines ”, en terme de résidence des élites des cités.

26 Plusieurs ouvrages récents méritent à ce titre d’être signalés : - les campagnes autour de la ville romaine de Béziers fait l’objet d’une grosse monographie (MAUNÉ 1998) qui renouvelle fondamentalement les connaissances sur ce territoire depuis la déjà ancienne thèse de Monique Clavel-Lévêque (CLAVEL 1970) ; - l’espace rural périurbain de Nîmes est ainsi de même analysé en détail dans la remarquable synthèse de M. Monteil (1999 : cf. p. 41-68 et 445-488) ; - le territoire de Toulouse antique est aussi assez largement traité dans le volumineux – mais touffu – état des recherches sur cette ville publiée par J.-M. Pailler (2002) : les campagnes et établissements ruraux périurbains sont traités par P. Sillières (p. 373-404), A.-C. Delpuech (p. 403-407, pour l’Antiquité tardive) et Ch. Delplace et al. (p. 508-526, pour les établissements ruraux tardifs et leur christianisation) ; - et encore, par exemple, la proche campagne d’Arles (LEVEAU et SAQUET 2000 ; cf. ci- dessous, note n° 174).

27 Dans le contexte de l’Antiquité tardive, il est intéressant de mentionner aussi le recueil publié par Th. Burns et J. Eadie (2001), même si les contributions concernant la Gaule n’y sont pas très nombreuses (cf. H. Bender sur l’habitat rural des régions rhéno- danubiennes au Bas-Empire, p. 185-198).

28 166. Les bains des villae - (cf. ma note n° 1985, 17). Il est utile de signaler en la matière les travaux que poursuit Alain Bouet sur les installations thermales en Gaule : la publication de sa thèse (BOUET 2003) est l’occasion de présenter, à côté des ensembles publics des villes et agglomérations secondaires, les balnéaires des habitations privées, tant en ville (domus) qu’en ce qui nous intéresse ici, à la campagne (villae), concernée par de nombreuses notices du Catalogue, ainsi que dans la synthèse, notamment par les pages 315-317 (voir le compte rendu que j’ai fait de cet ouvrage dans le présent n° de la RACF).

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29 167. Instruments aratoires - (cf. ma note n° 1996, 94 ; 2000, 128). Rien de très nouveau à signaler ici en la matière, si ce n’est la publication attendue de la Thèse d’André Marbach, séparée en deux volumes des British Archaeological Reports (MARBACH 2004a et b).

30 168. Céréales - (voir mes notes n° 1993, 32 ; 1998, 111 et 112 ; 2000, 129). Le traitement des céréales après la moisson était le thème retenu pour les XXIIIe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes (ANDERSON et al. 2003), manifestation annuelle qui maintient au fil des ans une grande tenue scientifique et traite souvent de questions proches de nos centres d’intérêt ici.

31 Je retiendrai cette fois-ci les contributions de F. Gransar (p. 201-217) sur les systèmes de stockage en Gaule du Nord à l’âge du Fer, de M. Derremaux, V. Matterne et F. Malrain (p. 219-235) sur le traitement des céréales en Gaule du Nord (âge du Fer et Antiquité), de S. Mauné et J.-L. Paillet (p. 295-326) sur de nouveaux moulins de Narbonnaise (cf. ma note n° 1998, 113).

32 169. Viticulture, Oléiculture - (cf. mes notes n° 2000, 130 ;2002, 147). La viticulture antique reste à la mode, et les travaux se multiplient en la matière. J’avais déjà signalé (note 2002, n° 147) l’important dossier publié par Gallia ( BRUN et LAUBENHEIMER 2001). Voici maintenant un petit ouvrage, qui en est apparemment en partie issu, agréable et bien documenté, traitant aussi de l’oléiculture dans le monde méditerranéen antique (dont Narbonnaise) : BRUN 2003 (voir aussi ici, notes n° 162 et 172).

33 170. Élevage et pastoralisme ; cuir et pelleterie… - (cf. mes notes n° 1984, 4 ; 1987, 27 ; 1993, 77 ; 1996, 98 ; 1998, 114 ; 2000, 131 ; 2002, 148). La question de la transhumance, mieux connue en Italie qu’en Gaule dans l’Antiquité, avait été posée à la suite des découvertes des belles bergeries de la Crau (BADAN, BRUN et CONGÈS 1995 ; cf. récemment LEGUILLOUX 2003). Elle est en partie remise en cause par les recherches récentes concernant à ce sujet les Alpes et Pré-Alpes (LEVEAU et SEGARD 2004).

34 Sujet tout autre mais qui nous rapporte aussi à l’élevage, l’artisanat du cuir et de la pelleterie, souvent méconnu à cause de l’indigence des données archéologiques pour ces matériaux périssables, fait l’objet d’un utile petit ouvrage de Martine Leguilloux (2004).

35 171. Élevage et approvisionnement urbain en viande - (cf. mes notes cités ci-dessus, note précédente ; et ici, note n° 165). Dans la problématique de l’alimentation, la question de l’approvisionnement carné des villes romaines est essentielle. Elle est évoquée à propos de deux chefs-lieux de petites cités du Bassin parisien, Meaux et Paris (LEPETZ et OUESLATI 2003) et concerne les relations qu’entretiennent ces centres urbains avec leurs campagnes et leur territoire vivrier. Si des boucheries s’installent dans les villes, elles concernent presque exclusivement le bœuf. Et il n’est pas exclu qu’au moins à Lutèce porcs et caprinés (moutons/chèvres) aient été parfois élevés en ville même.

36 Le propos du récent ouvrage que Philippe Columeau (2002) consacre à l’alimentation carnée en Gaule du Sud est certes beaucoup plus large, tant chronologiquement (du VIIe s. av. au XIVe s ap. J.-C.) – et le titre est d’ailleurs trompeur – qu’en ce qui concerne les types de sites étudiés, ruraux ou urbains (pour la période romaine, Orange surtout, et accessoirement Toulon). Mais ce travail est essentiellement un recueil d’études archéozoologiques assez disparates, où les conclusions générales, d’ordre historique, apparaissent mal dégagées.

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37 172. Fundus et production artisanale - (voir mes notes n° 1988, 40 ; 1993, 78 ; 1996, 99 ; 1998, 116 ; 2000, 132 ; 2002, 150). Il m’apparaît de plus en plus important de réviser la “ vulgate ” concernant la place de l’artisanat en Gaule, tiraillée entre les tendances parfois quasi nationalistes de l “ exception gallo-romaine ” (des artisans plus libres qu’ailleurs, des agglomérations secondaires plus indépendantes…) et les vieux fantasmes de l’autarcie domaniale. Je le fais d’autant plus volontiers que j’ai certainement moi-même trempé dans cette sombre conspiration. La place du domaine et de l’aristocratie foncière en la matière doit certainement être réhabilitée, en veillant bien sûr à ne pas verser dans l’excès inverse et le contre-pied systématique. C’est ce à quoi je tente de m’employer depuis quelques années (FERDIÈRE 1999 ; 2001 ; 2003).

38 Il faut certainement faire un sort différent aux productions d’amphores domaniales liées à la viticulture et à l’exportation de vins, dans la mesure où il s’agit là, économiquement, d’un cas très distinct, la fabrication des emballages de produits du domaine pour la vente. C’est cette dernière situation qui est notamment concernée par les assez récents travaux de V. Revilla Calvo (1993 ; 1995) sur la Tarraconaise (Espagne), que je n’avais pas encore eu l’occasion d’évoquer ici.

39 173. La sépulture privilégiée, les nécropoles rurales - (cf. mes notes n° 1987, 30 ; 1990, 57 ; 1996, 100 ; 1998, 118 ; 2000, 136 et 137 ; 2002, 151). La question de la sépulture privilégiée gallo-romaine, généralement surtout rurale, est régulièrement traitée dans ces notes. Il m’est ainsi possible d’indiquer par exemple les plus récentes publications sur le sujet, qu’il s’agisse de La Tène finale ou de la période gallo-romaine. Le mobilier (LTF) la riche sépulture à char de Boé (Lot-et-Garonne) a ainsi, notamment après restauration, et après le décès de son inventeur, le regretté Richard Boudet, fait l’objet d’une importante monographie (SCHÖNFELDER 2002).

40 J’ai en outre pensé intéressant de consacrer récemment une petite étude à la différence culturelle fondamentale qui concerne l’expression de la notabilité dans la mort entre la culture indigène gauloise et celle gallo-romaine influencée par les modèles architecturaux hellénistiques et romains (FERDIÈRE 2004).

41 Signalons au passage, par ailleurs, la publication monographique de la nécropole gallo- romaine du Haut-Empire (rurale ou d’une agglomération secondaire ?) de Saint-Patrice (Indre-et-Loire) (LELONG 1999).

42 174. Environnement - (voir mes notes n° 1984, 6 ; 1985, 11 ; 1993, 71 ; 1996, 84 ; 2002, 142). Dans la veine de nombreux autres travaux qu’il a précédemment publiés sur l’approche paléo-environnementale, Philippe Leveau nous offre un nouveau recueil de contributions (27 articles), autour de la vallée des Baux où il a notamment auparavant étudié les moulins de Barbegal (LEVEAU et SAQUET 2000) : un ensemble un peu touffu mais souvent stimulant (cf. mon compte rendu dans RACF, 40, 2001 : 310-311).

43 La Revue du Nord consacre par ailleurs un important dossier à ces questions autour de la vallée de la Deûle, dans le Nord (Dossier… 2003).

44 175. Formes de l’habitat rural dans l’Antiquité tardive - (cf. mes notes n° 1985, 15 ; 1988, 43 ; 1990, 60 ; 1996, 101 ; 1998, 117 ; 2002, 152 ; et ci-dessus, note n° 165 : BURNS et EADIE 2001). Depuis la thèse fondamentale de Paul Van Ossel (1992) pour le Nord de la Gaule, on a pu noter la parution en 1995 des Actes des Journées organisées en 1993 sur l’habitat rural au Haut Moyen Âge (dont, pour nous, France et Pays-Bas : LORREN et PÉRIN 1995) : c’est maintenant la publication de la thèse d’Édith Peytremann (2003) qui vient en partie compléter nos connaissances en la matière pour le Nord de la France entre les

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IVe et XIIe s. : essentiellement un corpus de données, où les considérations synthétiques nous laissent sur notre faim…

BIBLIOGRAPHIE

(les publications recensées ou analysées dans les notes ci-dessus sont indiquées par un astérisque(*) ; les autres titres correspondent simplement aux références appelées dans ces notes).

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Chronique numismatique

Brigitte Fischer

1 Rédiger une chronique n'est pas chose facile : l'exercice comporte toujours une part arbitraire. Tout chercheur se heurte aux problèmes de documentation et, en matière de numismatique, l'écueil est de taille, car les publications sont très dispersées. Des trouvailles qui peuvent être importantes sont signalées aussi bien dans des ouvrages généraux de grande diffusion que dans de petites revues locales, certaines ne faisant pas l'objet du dépôt légal. Une tentative de mise au point sur l'évolution des connaissances est donc toujours utile, en dépit de ses imperfections. Au cours des six années qui se sont écoulées depuis la parution de la dernière chronique, des progrès sérieux ont été réalisés.

2 Pour une réflexion générale sur la nature de la monnaie, son apparition et son rôle, nous recommandons vivement la lecture de deux articles. Le premier est intitulé : “ En attendant la monnaie. Torques d'or en Gaule ” (LEWUILLON 1999). L'auteur s'attache à démontrer qu'à partir du IVe s. av. J.-C., en l'absence d'un outil monétaire satisfaisant, les torques d'or ont été utilisés dans les échanges. Le second a pour titre : “ Drôles de Drachmes : Obéloi, faisceaux de broches et monnaie chez les Gaulois ” (LEWUILLON 2001). Il s'agit là d'une recherche approfondie et originale sur les objets prémonétaires qui conduiront à l'usage du numéraire. L'auteur s'interroge sur les techniques d'échanges, la notion de valeur, etc., dans les sociétés archaïques. Sa démarche est riche d'enseignements et nous oblige à remettre en cause un certain nombre de notions qui étaient pour nous des certitudes.

3 L'étude des monnaies gauloises s'intègre évidemment dans l'histoire générale des Celtes. Elle n'a de sens que resituée dans ce cadre général. La parution en 2000 d'un gros ouvrage intitulé : Les Celtes, histoire et dictionnaire a eu une importance considérable (KRUTA 2000). Comme le titre l'indique, le dictionnaire est précédé d'une histoire des Celtes à travers l'Europe. Les textes, les vestiges archéologiques, puis l'histoire événementielle retraçant les grandes migrations, la constitution et l'évolution des différents états sont évoqués. Cette étude est particulièrement précieuse pour l'Europe centrale et orientale, qui n'avaient jamais fait l'objet d'une telle synthèse. Le dictionnaire est de conception classique, son classement est alphabétique. Il comporte des anthroponymes, des toponymes aussi bien que des noms techniques ou de décors.

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La plupart des rubriques offrent une bibliographie fort utile et l'indication des musées dans lesquels les objets sont conservés. De nombreux dessins au trait (plus de 175) illustrent cette partie et un index regroupe l'ensemble des mots étudiés. Les monnaies ne sont pas oubliées : on les trouvera principalement sous deux rubriques : les peuples concernés et les inscriptions qu'elles présentent.

4 Un gros ouvrage (564 p.) a précisément été consacré à ces légendes, dans le cadre du Recueil des Inscriptions Gauloises, dont il constitue l'avant-dernier volume. 338 inscriptions totalisant plus de 1000 mots y sont recensées et classées par ordre alphabétique. Chacune fait l'objet d'une notice qui comporte une ou plusieurs photos de droit et de revers. On y trouve également les informations métrologiques : métal ou alliage, poids, module, description des monnaies, attribution, lieux de dépôt, déchiffrement de la légende et bibliographie (COLBERT DE BEAULIEU, FISCHER 1998).

5 Le Nouvel Atlas des monnaies gauloises, I. De la Seine au Rhin, fournit les illustrations des monnaies des Parisii (pl. IV et V), ainsi que pièces non attribuées de la région parisienne (pl. XXVIII) (DELESTRÉE, TACHE 2001). Dans le t. II. De la Seine à la Loire moyenne, on trouve les numéraires carnutes (PIXTILOS) (pl. XIX), durocasses (pl. XX), ainsi que les séries séno-carnutes et de la Loire moyenne (pl. XXI-XXVI) (DELESTRÉE, TACHE 2004).

6 Par ailleurs, si les divers Bilans scientifiques comportent rarement la mention de trouvailles monétaires, la bibliographie, située à la fin de chaque volume, peut être utile pour la numismatique. Les fascicules concernant l'Île-de-France, l'Auvergne et le Centre seront, à cet égard, consultés avec profit.

Île-de-France

7 Pour cette région, deux cartes archéologiques ont été publiées : celle de Paris en 1998 et celle du Val-de-Marne en 2001. Par ailleurs, les publications recensées ne sont pas nombreuses. Deux sont consacrées à des études de monnayages, les autres à des récoltes de sites.

8 M. Dhénin s'est intéressé à une variété inédite de statères des Parisii. Il présente une monnaie d'or très proche de la classe VII pour le droit. Le revers s'en distingue par la présence, sous le ventre du cheval, d'un triscèle et d'une rosace à cinq perles. Cette pièce pèse 6,65 g et l'auteur propose de la placer entre les classes VI et VII (celle-ci étant la dernière). Ce statère, acquis par le Cabinet de Médailles de la BnF en 1995, aurait été découvert en compagnie de deux exemplaires issus des mêmes coins, dans la région d'Adinkerke, près de Fumes, en Belgique (DHÉNIN 2000).

9 Ce sont des potins de type BnF 5284-5314, imités de Marseille et des émissions dérivées qui ont retenu l'attention de L.-P. Delestrée. La plupart des pièces de type BnF 5284 ont été recueillies dans le Vexin. L'auteur situe le début de leur fabrication au commencement du IIe. s. av. J.-C. ; leur circulation est attestée au moins jusqu'à la Guerre des Gaules. Il pense qu'il pourrait s'agir là du premier monnayage des Parisii (DELESTRÉE 1999).

10 Quelques sites ont livré des monnaies gauloises. Au lieu-dit “ La Lampe ”, à Fontenay- en-Parisis (Val-d'Oise), douze potins ont été recueillis dans des structures de La Tène. Dix d'entre eux (dont neuf qui étaient groupés) se trouvaient dans un fossé et deux dans un silo. Le contexte de découverte de ces pièces, de type BnF 5284, est daté par les

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archéologues du début du IIe s. av. J.-C. Ces potins pourraient, selon eux, revêtir “ un caractère cultuel...plutôt que jouer un rôle économique ” (DAVEAU, YVINEC 2001).

11 Au XIXe. s., 210 pièces gauloises ont été mises au jour en forêt de Compiègne, au cours de diverses campagnes de fouilles. Leurs origines précises n'ont pas été conservées. À l'exception d'une monnaie à la croix en argent, cette récolte se compose de bronzes frappés et coulés. La plus grande partie de ce numéraire a été réalisée en Gaule Belgique (TROUBADY 2002).

12 Dans les Yvelines, sur le site du sanctuaire rural de Bennecourt, 52 pièces gauloises ont été trouvées en fouilles. Il s'agit de bronzes et de potins, émis principalement par les Ambiens et les Aulerques Éburoviques. Des bronzes “ d'un peuple anonyme du Nord- Ouest de la Gaule ” ont également été recueillis (BOURGEOIS, AMANDRY, DHÉNIN 1999).

13 Une fouille de sauvetage effectuée à Jouars-Pontchartrain (Yvelines), a permis de découvrir 1437 monnaies, dont 112 gauloises. Parmi elles figurent un quart de statère du sud de la Belgique, un statère coriosolite en billon, quatre pièces d'argent, ainsi que des bronzes frappés et coulés. 24 exemplaires ne sont pas identifiables. On a pu recenser 52 monnaies des Sénons, treize pièces carnutes. Les autres espèces se répartissent entre les peuples du nord de la Gaule. Deux exemplaires sont inédits : leur droit est emprunté aux Bituriges et leur revers aux Aulerques Éburoviques (FISCHER 2001).

14 Par ailleurs, la fouille d'une cité gauloise à Nanterre (Hauts-de-Seine), à la fin de l'année 2003 a suscité beaucoup d'émotion. Les vestiges d'une zone d'habitations et d'un quartier artisanal couvriraient une quinzaine d'hectares. Il s'agirait là d'une cité proto- urbaine d'occupation dense, qui pourrait être la véritable capitale des Parisii. Un mobilier important a été recueilli, parmi lequel figurent des monnaies. Aucune étude du matériel numismatique n'est parvenue à notre connaissance à ce jour, mais il est probable que ces espèces joueront un rôle important dans la détermination de cette cité. En attendant, Lutèce reste à Paris.

15 C'et justement dans la capitale que 109 monnaies ont été trouvées dans les jardins du Carrousel. Dix sont gauloises, toutes sont en bronze, quatre étant frappées et six coulées. Elles ont été émises par les Parisii et quelques peuples voisins : Bellovaques, Sénons, Suessions, Meldes et Aulerques Éburoviques (VAN OSSEL 1998).

Centre

16 Il faut d'abord signaler la publication d'un ouvrage général : Le Berry antique. Atlas 2000. Dans l'introduction, O. Büchsenschütz précise que certains sujets, qui sont en cours d'étude, seront traités dans un prochain volume. Les monnaies font partie des thèmes en attente. Toutefois, les grandes rubriques qui composent ce livre constituent un outil précieux pour les numismates. On y trouve, en effet, la description du cadre, l'habitat, le paysage funéraire, les réseaux, la production, les échanges, ainsi que l'organisation du territoire (BÜCHSENSCHÜTZ et al. 2000).

17 Les connaissances en matière de mines ont sérieusement progressé, principalement grâce aux recherches de B. Cauuet. Un recueil d'articles a été publié sous sa direction (CAUUET 1999). Il comporte, entre autres, quelques contributions qui concernent le monnayage gaulois (BOIRON, CATHELINEAU 1999 ; CAUUET, SZEPERTYSKI DIOT M.-F. 1999 ; GOUDINEAU 1999). Les travaux qu'elle a réalisés, en particulier en Limousin, sont d'une grande

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utilité pour les numismates. À partir de ses observations et conclusions, il est probable qu'ils seront amenés à réviser certaines attributions et à étudier les relations entre les différents peuples de la région Centre, en particulier les Arvernes et les Lémoviques.

18 Un autre chercheur s'est intéressé aux mines de Combraille qu'il a mises en rapport avec les trésors de la région. Située aux confins de plusieurs régions : Bourbonnais, Marche et Auvergne, la Combraille présente d'anciennes traces de mines à ciel ouvert. L'extraction de l'or y est attestée. L'important trésor de Pionsat a été découvert à quelques kilomètres de l'une de ces mines. Ce dépôt, mis au jour en 1852, aurait comporté de 200 à 300 statères d'or arvernes. La plus grande partie fut rapidement dispersée. 51 exemplaires, qui se répartissent entre diverses collections publiques et privées, sont actuellement connus, parmi eux figurent plusieurs statères de Vercingétorix, qui auraient été représentés par plusieurs dizaines de pièces dans cette trouvaille (RIGAUD 2003).

19 L'auteur pense que ce trésor a pu être enfoui par les derniers monnayeurs de statères. Il suggère qu'un atelier monétaire a pu être établi à proximité des mines, au moment où la guerre entraînait de grandes difficultés pour les communications. Le “ Champ du Trésor ” où les monnaies ont été enterrées, présentait des vestiges de construction et des traces d'incendie. Au cours de ces dernières années, l'intérêt pour les monnayages du Centre a été considérable et le numéraire arverne, en particulier, a fait l'objet d'études approfondies.Une thèse, soutenue à Paris en décembre 2003, lui a été consacrée par Sylvia Nieto. Ce travail est princialement fondé sur des études réalisées au Laboratoire d'Orléans, dirigé par J.-N. Barrandon. De nombreuses monnaies, issues principalement de grandes collections de Musées, en particulier le Cabinet des Médailles de la BnF, ont été analysées et un classement de ces pièces a pu être réalisé. Cette thèse devrait paraître prochainement et enrichir nos connaissances sur ce numéraire particulièrement important pour l'histoire de la Gaule.

20 En attendant la publication de cette synthèse, S. Nieto a publié plusieurs articles. L'un est consacré au monnayage d'or arverne. L'étude de 137 pièces du Ier s. av. J.-C. a permis d'associer le classement typologique aux résultats d'analyses. Des groupes de composition et d'émissions monétaires ont été déterminés. Une chronologie relative a été établie grâce à l'examen du titre et de l'altération des monnaies (NIETO, BARRANDON 2002).

21 Les monnaies d'argent ont fait l'objet d'une autre publication (NIETO 2002). 80 pièces ont été analysées à Orléans par activation aux neutrons rapides de cyclotron. Elles correspondent à 9 types, dont 4 sont épigraphes. Il s'agit de deux séries à inscription EPAD (types au cavalier et au guerrier), ainsi que des séries portant les mots PICTILOS et EPOMEDVOS. Les numéraires anépigraphes sont les plus anciens. Ceux qui portent les légendes PICTILOS, EPOMEDVOS et EPAD (type au cavalier) ont été utilisés vers 60 av. J.-C. Le type EPAD au guerrier semble datable aux environs de 30 av. J.-C., il est signalé sur l'oppidum de Gergovie. Des pièces anépigraphes “ à la roue et à l'oiseau ” présentent des teneurs en or élevées. Des analyses complémentaires devraient permettre d'expliquer cette particularité.

22 Un ouvrage a été consacré aux fouilles de Roanne (Loire) (LAVENDHOMME, GUICHARD 1997). Les 252 monnaies gauloises recueillies sur le site ont été étudiées par G. Gentric et V. Guichard. Elles sont toutes illustrées. L'abondance des potins dérivés du type “ à la grosse tête ” des Séquanes est frappante. On trouve ici des types à double et triple bandeau.

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23 Le site de Corent (Puy-de-Dôme) a fait l'objet de fouilles importantes au cours des dernières années. Il apparaît désormais comme le centre d'une activité politique, religieuse (présence d'un sanctuaire au milieu de l'oppidum) et économique (nombreuses monnaies et importations diverses). Aux abords du sanctuaire, plus de 2000 pièces ont été recueillies, ainsi que trois coins monétaires. Deux ont servi à frapper des espèces locales, le troisième appartient aux Bituriges Cubi. L'abondance des petits bronzes au renard semble bien indiquer qu'ils ont été fabriqués sur place (POUX et al. 2002). Pour les auteurs, la plupart des monnaies gauloises et romaines semblent être des offrandes.

24 En ce même lieu, un atelier monétaire a été localisé (POUX 2004). On a trouvé des monnaies inachevées, divers rebuts de fabrication, des flans, deux plateaux et le fléau d'une balance de précision en bronze, ainsi qu'un coin monétaire portable. Des monnaies d'argent et de bronze ont dû être réalisées sur place.

25 Par ailleurs, les potins ont fait l'objet de diverses études. J. Grangien et D. Hollard se sont intéressés aux pièces de type BnF 5697-5700, qui sont principalement recueillies dans la vallée du Cher. Ils les répartissent en deux classes, la première correspondant aux types BnF 5697-5699. Ils présentent une tête à gauche sur une face et un quadrupède (?) sur l'autre face, la seconde classe est ornée d'une tête à droite. Elle correspond au type 5700 de la BnF. Ces bronzes coulés seraient datables de la Guerre des Gaules et de la période pré-augustéenne. Ils ont pu être émis par un pagus centré sur la vallée du Cher (GRANGIEN, HOLLARD 2002).

26 Aux environs de La Roche-Posay (Vienne), un dépôt constitué principalement de bronzes coulés attribués aux Turons, a été mis au jour aux abords d'une source. Ces pièces ont été dispersées, mais l'auteur a pu en étudier une centaine (GRANGIEN 2004). Il les classe selon la typologie établie par F. Barthélemy, (dans “ Les potins gaulois..., Gallia, 52, 1995, p. 27-36). Dans ce lot figuraient également deux potins au taureau chargeant, attribuables aux Bituriges Cubi, selon l'auteur, un potin du type Scheers/ Lyon n° 671, un autre de type n° 673 et un petit lingot ovoïde. Treize pièces n'étaient pas identifiables. 28 autres, très usées, se répartissent entre les classes III et IV de F. Barthélemy. Avec un effectif total de 36 monnaies, ces deux classes sont les mieux représentées, suivies par la classe V (11 exemplaires). Sept monnaies de la classe VIII ne doivent pas appartenir aux Turons, mais à une fraction des Bituriges Cubi, selon l'auteur. L'ensemble est probablement un dépôt votif de site cultuel.

27 Ce même monnayage a retenu l'attention de P. Schiesser, qui décrit des potins “ à la tête diabolique ” ornés sur une face d'une tête caricaturale à gauche, sur l'autre, d'un quadrupède à gauche, la queue étant recourbée au-dessus du dos (SCHIESSER 2001). L'auteur a eu connaissance de deux exemplaires qui présentent quatre globules derrière la tête. Il propose d'en faire une troisième classe de la typologie de J.-B. Colbert de Beaulieu et une neuvième de celle réalisée par F. Barthélemy.

28 La trouvaille d'un statère d'or arverne est signalée par A. Vinatié et C. Baillargeat, dans un champ, près de Maintaire de Charmensac (Cantal). Il s'agit du type BnF 3715-3716, qui présente au droit une tête humaine à gauche, au revers, un cheval au galop, à droite, surmonté d'un aigle ; un sanglier est gravé sous son ventre. Cette pièce pèse 7,2 g. Deux autres exemplaires auraient été recueillis, l'un dans le Puy-de Dôme, l'autre dans le Cantal (VINATIÉ, BAILLARGEAT 2002).

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29 Les 40 monnaies d'or du Musée Bargoin de Clermont-Ferrand ont fait l'objet d'un catalogue (FISCHER 2000). On y trouve une brève histoire du monnayage gaulois, une étude sur Vercingétorix et les statères frappés à son nom. 9 pièces sont des imitations des monnaies d'or de Philippe II de Macédoine, 6 sont arvernes. Les autres exemplaires ont été émis par des peuples divers : Bituriges Cubes, Carnutes, Eduens, Séquano- Helvètes. Les autres monnaies sont attribuables à des cités armoricaines ou belges. Une rubrique est consacrée à chaque pièce. Elle est illustrée d'une photo couleur du droit et du revers. Chaque exemplaire est intégralement décrit ; une bibliographie et un historique terminent chaque notice.

30 S. Scheers, enfin, a étudié une rare monnaie d'or conservée au Musée Bargoin. Elle est ornée au droit d'une petite tête stylisée, à gauche, le revers présente un bige à droite conduit par un aurige. Une rouelle à quatre rayons est gravée devant les chevaux, une croisette sous leur ventre et trois globules forment un triangle derrière les animaux. La pièce pèse 7,34 g. L'auteur signale deux monnaies proches de cet exemplaire. L'une appartient à la collection Schörghuber, l'autre figurait dans la collection Boulangé. Leurs poids respectifs sont de 7,47 et 7,57 g. Une quatrième pièce, conservée dans une collection privée, pèse 7,29 g. Ces monnaies sont faites d'or très allié. Un seul lieu de découverte est connu : Saint-Avold, en Moselle (SCHEERS 2003).

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Comptes rendus

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C. MARCIGNY, E. GHESQUIÈRE, dir., L'île de Tatihou (Manche) à l'âge du Bronze. Habitats et occupation du sol, DAF n° 96 Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2003, 192 p., 149 fig.

Pierre-Yves Milcent

1 L'ouvrage consacré à l'îlot de Tatihou illustre l'efficacité de la politique d'archéologie préventive initiée en Basse-Normandie ces dernières années. Il n'est pas inutile de se souvenir que la Protohistoire dans cette région faisait figure de parent pauvre par le passé, au point qu'il était extrêmement difficile d'articuler les données archéologiques armoricaines à celles que l'on connaissait pour le centre et le nord du Bassin parisien. En limite du Massif armoricain et près de la pointe nord-est d'une presqu'île avancée vers l'Angleterre, le Cotentin, la fouille de Tatihou fait plus que combler une lacune. Que l'on en juge plutôt : entre 1996 et 1998, 2 ha ont été fouillés, 17 diagnostiqués, et ont livré des parcellaires fossoyés, un système de retranchement, des enclos funéraires, deux établissements ruraux ainsi qu'un mobilier lithique et céramique assez abondant attribuables au courant à la fin du Bronze ancien, au Bronze moyen et au début du Bronze final (1700-1100 av. J.-C. environ). L'insularité de Tatihou, sans doute acquise postérieurement à l'âge du Bronze (le site devait correspondre à un promontoire à l'époque la plus importante de son occupation), explique en partie le succès de l'opération dans la mesure où les terres n'ont jamais fait l'objet d'une mise en culture intensive.

2 Outre le cadre environnemental, ce sont naturellement les aménagements anthropiques qui focalisent l'attention des archéologues dans un premier temps. Celles- ci consistent en structures en creux sauf exceptions ; ce sont des fossés, fosses (silos et structures de combustion) et trous de poteaux dont la distribution spatiale et les recoupements autorisent un phasage et une lecture interprétative assez poussée.

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3 Trois grands fossés parallèles semblent barrer tout d'abord l'extrémité de l'îlot- promontoire. Dans la partie retranchée couvrant une dizaine d'hectares, un vaste enclos quadrilatéral a peut-être été identifié, mais de nouvelles campagnes de fouille mériteraient d'être programmées afin d'en déterminer plus précisément la forme et la fonction. Au-delà se déploie un réseau de fossés agraires, ouverts pour l'essentiel, qui affecte une maille en arête de poisson. Les recoupements stratigraphiques du réseau ont permis aux auteurs de l'étude d'identifier la succession de trois phases pour l'âge du Bronze et de relier de façon convaincante ces dernières aux structures d'habitat avec l'analyse spatiale et stratigraphique des dépôts détritiques.

4 Les structures sur poteaux plantés, dont de nombreux greniers, sont étudiées avec soins et identifiées comme les éléments de deux établissements agricoles qui se sont succédé dans le temps, mais en deux endroits peu éloignés l'un de l'autre. L'établissement le plus ancien présente un plan assez dispersé et paraît s'articuler en fonction d'une maison de plan circulaire. Le plus récent dispose d'un plan plus ramassé, est organisé autour d'une maison rectangulaire à deux nefs, et se trouve enclos sur trois côtés. Des structures annexes, tels que des silos, fours et fosses leur étaient associées. À une centaine de mètres au nord et au nord-est, de petits enclos, les uns circulaires, les autres quadrangulaires, correspondent à un espace funéraire. L'un des monuments a livré un vase contemporain des occupations du Bronze ancien-moyen ; un autre enclos délimitait un édicule carré fondé sur quatre poteaux. À titre d'hypothèse, nous y verrions volontiers une structure d'exposition des cadavres en vue de leur décharnement, ce qui permettrait d'expliquer pour partie le déficit chronique de sépultures observé dans la Gaule nord-atlantique de l'âge du Bronze.

5 Le mobilier collecté, relativement abondant pour la période et la région, est représenté pour l'essentiel par de la céramique (environ 3000 tessons représentant 60 kg) et des pièces en silex (plus de 2600 pièces). Avec l'appui de la stratigraphie, les auteurs cernent l'évolution d'une céramique qui présente beaucoup d'affinités avec celle des autres régions bordant la Manche, en particulier avec celle de l'Angleterre. Les vases de Tatihou sont représentatifs des productions nord-atlantiques du courant de l'âge du Bronze : les formes sont hautes, fermées et très simples puisqu'elles évoquent des tonnelets ; les pâtes sont grossières ; les décors sont peu caractéristiques (boutons, cannelures et incisions), rares et tendent à disparaître au cours du Bronze moyen ; les systèmes de préhension et de renfort (languettes, cordons et digitations), dont il faudrait considérer une bonne fois pour toute que ce ne sont pas, sinon rarement, des décors, sont également élémentaires. Les auteurs ne tirent pas toutes les conséquences de ces données dans la mesure où nous pensons que le corpus, à l'image des autres assemblages contemporains de céramiques atlantiques, n'est constitué que de vases de stockage et de préparation des denrées alimentaires. Autrement dit, il n'y a pas ou très peu de récipients ayant pour fonction la présentation et la consommation des aliments liquides et solides, c'est-à-dire les vases qui, dans d'autres sphères culturelles, sont fabriqués en céramique fine, nécessitent un investissement technique conséquent et comportent une charge personnelle et symbolique importante : c'est pourquoi ces derniers sont soigneusement ou richement décorés. Il faut donc envisager que dans le nord-ouest de l'Europe, au second millénaire av. J.-C., la partie “ noble ” du vaisselier atlantique était, non pas en céramique, mais en matière organique et en métal. Si quelques gobelets en or et en argent nous sont parvenus pour le Bronze ancien, les récipients en corne, bois, écorce, vannerie et sparterie restent à découvrir…

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Aujourd'hui encore, il convient de souligner que l'aspect ubiquiste de la céramique atlantique pèse lourdement sur les débats relatifs à l'identification et la définition des cultures matérielles du Bronze occidental, et nuit à l'établissement d'une chronologie précise, voire à la reconnaissance des habitats qui ne livrent pas d'objets métalliques.

6 À l'image de la céramique, l'étude de la série lithique de Tatihou est traitée méthodiquement, en particulier sous l'angle de la technologie, ce qui est assez rare pour être relevé. Ici encore, l'étude, le corpus et les comparaisons réalisées serviront de référence à l'avenir. Les auteurs montrent que la série lithique renvoie à une industrie où les éclats retouchés suivis des grattoirs dominent, et dont les chaînes opératoires sont simplifiées et opportunistes quant à l'acquisition de la matière première. Par effet de miroir, cela en dit long sans doute sur le niveau de développement de l'industrie métallique atlantique - ce niveau demeure sous-évalué aujourd'hui - pour laquelle les témoignages archéologiques directs sont assez rares en raison des possibilités de recyclage systématique qu'elle offre.

7 Pour finir avec la présentation des données extraites de la fouille, un dossier est consacré aux “ observations paléoenvironnementales ”. Celui-ci reste maigre en raison des problèmes taphonomiques. Les analyses anthracologiques et carpologiques donnent cependant quelques indices intéressants, d'autant que les données sont encore très éparses pour cette époque.

8 La conclusion de l'ouvrage est véritablement une synthèse qui explicite les résultats pour les replacer dans un cadre chrono-culturel cohérent. Les questions essentielles sont soulevées (nature des activités et statut du site, fonctions et statut foncier du parcellaire, affinités avec les Îles britanniques), mais les réponses sont peu nombreuses, ce qui s'explique pour beaucoup par l'état de la recherche. Soulignons néanmoins que des comparaisons judicieuses sont faites, y compris avec des sites inédits mis au jour il y a peu en Basse-Normandie. L'ensemble des éléments discutés donne à voir à quel point la forte structuration des terroirs et domaines ruraux fut précoce dans le domaine nord-atlantique.

9 En résumé, le gisement de Tatihou et la manière dont il a été exploité sont d'un grand intérêt à bien des égards. L'étude qui nous est livrée, tout en étant classique dans son approche, s'avère méthodique et très efficace, alors même que les délais de publication ont été brefs. Certaines orientations de la recherche, telle que l'étude de l'industrie lithique, s'avèrent même assez originales pour la période considérée. C'est là une contribution fondamentale à l'étude de l'âge du Bronze atlantique.

AUTEUR

PIERRE-YVES MILCENT Maître de conférence à l'Université de Toulouse II-Le Mirail. UTAH - UMR 5608.

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J.-F. PININGRE, V. GANARD, avec la collaboration de Ph. BARRAL, É. BOËS, Les Nécropoles protohistoriques des Moidons et le site princier du camp du Château à Salins (Jura) Paris, CTHS, 2004, 430 p., 134 fig. (Documents préhistoriques, 17)

Luc Baray

1 Les fouilles réalisées dans la seconde moitié du XIXe s. sur le plateau d'Amancey (Jura), par différents amateurs locaux (É. Toubin, L. Clos, J. de Morgan, É. Boilley…), malgré leur importance tant pour la détermination des occupations des âges du Bronze ou du Fer dans l'est de la France que dans l'élaboration de chronologies régionales, ne sont connues que par quelques comptes rendus succincts où “ les auteurs s'attachent davantage à la description des objets […] qu'à l'analyse des ensembles, des sépultures et de leur organisation ” (p. 14).

2 Bien que s'inscrivant en totale rupture avec celles de ses prédécesseurs, les méthodes de fouilles utilisées et d'étude des tumulus réalisées par M. Piroutet, entre 1898 et 1931, n'aboutiront pas nécessairement à une meilleure connaissance de ces gisements en raison de la rareté des publications que ce dernier leur aura consacré (p. 15-16). Dans les faits, les publications de M. Piroutet ne portent pour l'essentiel que sur quelques ensembles de l'âge du Bronze et du premier âge du Fer ; aucune synthèse ne sera publiée. Au terme de ses 35 années de fouilles (cf. la liste des publications données dans l'ouvrage), M. Piroutet ne nous aura laissé qu'une vue partielle des découvertes réalisées et de leur importance.

3 À la fin des années 50 et au début des années 60, d’autres études ont participé à leur manière à la diffusion des travaux de M. Piroutet, ceux de R. Joffroy (1957) sur le tumulus de “ Champ-Peupin ” et sa tombe à char, et ceux de J.-P. Millotte dans sa vaste synthèse de 1963. Malgré cela, on ne disposait toujours pas d'une vision globale, à la

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fois analytique et synthétique, permettant d’apprécier toute l'importance scientifique de ces découvertes.

4 C'est désormais chose faite grâce à l'étude menée sous la direction de J.-F. Piningre et de V. Ganard, avec la collaboration de Ph. Barral et d’É. Boës. Dans un souci très louable d’exhaustivité, les auteurs ont systématiquement dessiné l'ensemble du mobilier déposé en son temps par M. Piroutet au Musée des Antiquités Nationales de Saint- Germain-en-Laye. Les ossements qui avaient été déposés au Musée de Lons-le-Saulnier ont fait l'objet d'une étude détaillée de la part d'É. Boës dans le cadre d'un mémoire universitaire, avant d'être reprise dans le cadre de cette publication. J.-F. Piningre et V. Ganard ont également tenté de retrouver, grâce à des prospections au sol systématiques entreprises depuis 1991, l'ensemble des 90 tertres qui constituent ce vaste champ funéraire. Des fouilles de contrôle, sur quatre tertres menacés de destruction par des travaux d'aménagement, ont également été réalisées en 1992 et 1993, sur les territoires des communes de Parançot (tumulus 18 et 19) et Chilly-sur- Salins (“ Lavières ”). P. Barral a, pour sa part, étudié les rares ensembles du deuxième âge du Fer et en propose une synthèse.

5 L'ouvrage est divisé en huit parties d'inégale importance. Après une introduction générale présentant l'historique des recherches et l'analyse de l'implantation géographique de ce vaste complexe funéraire dans son cadre naturel (J.-F. P.), les auteurs abordent l'étude proprement dite par les recherches récentes (Première partie), puis le catalogue des tumulus et des sépultures de la forêt des Moidons (Deuxième partie), l'étude archéo-anthropologique de la collection Piroutet (Troisième partie : É. B.), les sépultures de l'âge du Bronze ancien (Quatrième partie : J.-F. P.), les sépultures de la fin de l'âge du Bronze (Cinquième partie : J.-F. P.), l'étude typo- chronologique du mobilier des sépultures des âges du Fer (VIIe-Ve s. av. J.-C.) (Sixième partie : J.-F. P., P. B.), l'étude de la structure et de l'organisation des tertres du Ha D - La Tène ancienne (Septième partie) et pour finir, celle des nécropoles des Moidons dans leur contexte du IXe au V e s. av. J.-C. (Huitième partie : J.-F. P., P. B.) suivie d'une synthèse finale (J.-F. P.), de quatorze listes typologiques renvoyant aux cartes présentées dans l'ouvrage et d'une bibliographie de 15 p. organisées en deux parties distinctives, consacrées respectivement à l'anthropologie et à l'archéologie.

6 D'emblée, on ne peut que regretter l'absence de résumés en anglais et en allemand, ce qui aurait aidé à une meilleure diffusion de l'ouvrage chez nos collègues étrangers.

7 D'un point de vue global, il s'agit d'un ouvrage clair, agréable et assez facile à utiliser. L'illustration est de bonne qualité et en cela il faut remercier les auteurs de nous avoir enfin fourni des dessins d'objets de qualité, car les rares illustrations connues n'étaient le plus souvent que de méchantes reproductions. Les cartes sont nombreuses et également de bonne qualité. Les premières cartes de localisation des tumulus des Moidons sont les bienvenues. Elles permettent d'entrée de jeu de situer correctement ces ensembles dans le contexte local et régional. Les sériations et autres tableaux sont également clairs et de lecture aisée.

8 Dans la première partie, J.-F. Piningre et V. Ganard présentent les résultats des fouilles réalisées sur deux tumulus fouillés, en 1992 et 1993, à Chilly-sur-Salins, “ Lavières ”, et sur deux autres tertres (tumulus 18 et 19) également fouillés les mêmes années à Parançot. La publication de ces ensembles, malgré le petit nombre de sépultures découvertes, n'en apporte pas moins leur lot de nouveauté ne serait-ce que dans le domaine de l'anthropologie funéraire, grâce à l'analyse des restes osseux humains

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brûlés ou entiers. Les résultats obtenus relatifs aux nombres d'individus présents dans la sépulture à crémation, le fait que les os aient été brûlés frais ou secs, les caractéristiques paléobiologiques des individus concernés, sans oublier la position du corps sur le bûcher funéraire ou sa protection, etc., ne font que confirmer tout l'intérêt des analyses archéo-anthropologiques. Celle des restes osseux brûlés de la sépulture à crémation centrale du tumulus 2 de Chilly-sur-Salins montre que l'on n'est plus simplement en présence d'une sépulture, mais d'un ensemble de données relatives à la gestuelle funéraire et à sa dimension sociologique. On en apprend tout autant sur le mort que sur les survivants qui ont procédé à ses funérailles.

9 Les découvertes de Chilly attestent du recours concomitant à l'inhumation et à la crémation des corps au cours du Bronze final IIIb et du Hallstatt C, dans une région relevant indéniablement de la Culture du Jura.

10 Les observations réalisées sur la structure interne de ces quatre tumulus, plus particulièrement ceux de Parançot, édifiés à l'aide de dalles et plaquettes calcaires, viennent sensiblement compléter les descriptions de M. Piroutet sur l'organisation des tertres des nécropoles de Moidons (cf. la septième partie de l’ouvrage).

11 Les fouilles du tumulus 19 de Parançot indiquent à quel point ces monuments, sous des aspects apparemment simples, peuvent révéler, pour peu que l'on s'interroge sur leur mode de fonctionnement, des aspects jusqu'alors ignorés de leur mode d'édification et de fonctionnement. La succession des occupations qui s'échelonnent du Hallstatt D1 au Hallstatt D3 s'accompagne de modifications parfois importantes de la physionomie du tertre (architecture interne notamment) et plus particulièrement de ses dimensions. Ces observations ne sont pas nouvelles (cf. l'exemple de Bressey-sur-Tille) mais elles viennent cependant entériner l'idée, si tant est qu'il faille encore insister sur ce point, que la plupart des tumulus ont connu différentes phases d'occupation et que chacune d'elle a pu entraîner des modifications plus ou moins importantes de sa physionomie. Aussi convient-il d'être particulièrement vigilant et attentif aux données de terrain quand il s'agit d’utiliser le calcul du volume des tertres, comme d'aucuns l'ont fait au cours de ces dernières années, en guise de modèle sociologique fondé sur les différences de dépense d'énergie, partant de l’idée que le volume du tertre est en rapport direct avec l’importance sociale de l’individu pour lequel il a été édifié. Il faut dénoncer cette assertion et le fait que les calculs réalisés ne tiennent aucunement compte des modifications intervenues durant tout le temps d'utilisation du monument. Dans l'ignorance dans laquelle on se trouve le plus souvent de pouvoir déterminer avec précision le volume initial du tertre ou la nature et l’importance des aménagements subis au cours du temps (au moment de l’implantation de nouvelles sépultures, notamment), on ne peut honnêtement utiliser les volumes connus au moment des fouilles pour extrapoler d'éventuelles classes volumiques et partant d'hypothétiques hiérarchies sociales à partir de ce seul critère. Rappelons que la grande majorité des tertres actuellement retenus dans ce mode de calcul, a été fouillée le plus souvent à la fin du XIXe s. ou au début du XX e s., dans des conditions et avec des méthodes peu scientifiques. Du reste, J.-F. Piningre est parfaitement conscient du problème : “ Cette approche se prête toutefois à la critique dans la mesure où nous avons souvent été contraints de prendre en compte le volume terminal du tertre, sans qu’il nous soit toujours possible, à quelques exceptions près, d’isoler d’éventuels agrandissements intervenus au cours de l’utilisation ” (p. 358).

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12 Dans la deuxième partie, J.-F. Piningre et V. Ganard nous livrent l'ensemble de la documentation actuellement disponible sur les tumulus des Moidons. Malgré les inévitables lacunes, dues pour l'essentiel à l'ancienneté des fouilles, et les problèmes liés à l'enregistrement de la documentation par M. Piroutet, dont les fouilles sur certains tertres se sont échelonnées sur plusieurs années, les auteurs mettent à notre disposition une masse considérable de données nouvelles que seul un patient travail de récolement entre les diverses sources disponibles a permis de réaliser. Si dans beaucoup de cas, on ne dispose plus des données concernant l'organisation des sépultures ou la composition précise des ensembles clos, le travail réalisé par les auteurs met à la disposition de la communauté scientifique une masse documentaire composée de plus de 500 objets provenant de 234 sépultures susceptibles d'alimenter de nouveaux travaux de synthèse. La perte irrémédiable de la quasi-totalité de la documentation se référant aux contextes de découverte est en partie tempérée par l'enrichissement provoqué par la mise à la disposition de tous d'une documentation parfaitement maîtrisée, et comble ainsi un vide dans nos connaissances du faciès culturel local, dans une région charnière entre différentes entités culturelles de premier plan (Bourgogne, Allemagne du Sud-Ouest, Plateau suisse, vallée du Rhône). Ce “ sauvetage ” prend ainsi toute sa valeur une fois replacé dans le contexte des découvertes plus récentes, effectuées notamment par B. Bichet et J.-P. Millotte dans les tumulus de la région de Pontarlier, ou des fouilles effectuées ces dernières années par les auteurs dans le tumulus de Courtesoult (Doubs). Grâce à ces travaux, la Franche- Comté compte désormais parmi les régions de référence pour l'avancement de nos connaissances sur le premier âge du Fer occidental.

13 L'étude archéo-anthropologique (Troisième partie) des collections anciennes conservées au Musée de Lons-le-Saulnier par É. Boës, a également permis de sauver ce qui pouvait l'être encore des données initiales sur la taphonomie (p. 175-178), sur la paléobiologie (p. 179-183), sur la morphologie (p. 185-187), mais surtout sur l'état sanitaire des populations concernées (étude odontologique, p. 189-192 ; paléopathologique, p. 193-196) et d'enrichir grandement, malgré les inévitables lacunes, nos connaissances de leurs pratiques funéraires (p. 197-201).

14 Si les résultats obtenus peuvent paraître parfois minces, voire dérisoires, compte-tenu du nombre initial de sépultures fouillées, il ne faut pas oublier qu'il s'agit là de collections anciennes constituées dans des conditions de prélèvement qui n'ont rien de comparable à celles mises au point depuis quelques décennies par l'archéo- anthropologie. On ne pourra cependant que regretter le choix, non argumenté, qui a visiblement été fait de ne pas tenir compte des restes osseux conservés au Musée des Antiquités Nationales (“ Une seconde collection est conservée au Musée des Antiquités Nationales. Elle regroupe principalement des ossements brûlés et quelques os long isolés. ”, p. 169), ainsi que l’absence de synthèse de l’ensemble des informations recueillies, ce qui ne permet pas de se faire une idée précise, même partielle, du mode de “ recrutement ” des nécropoles.

15 Dans la quatrième partie, J.-F. Piningre étudie sur trois chapitres différents, les sépultures du Bronze ancien : mobilier funéraire (typologie et chronologie) ; structure des tumulus et pratiques funéraires ; les nécropoles des Moidons dans le contexte du Bronze ancien de la région salinoise. C’est le même plan qui a été repris pour la présentation des résultats de l’étude des sépultures du Bronze final (Cinquième partie).

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16 Dans les deux cas, J.-F. Piningre en profite pour dresser une première synthèse des connaissances sur le Bronze ancien et le Bronze final de la région salinoise. Les différents aspects abordés (organisation spatiale des nécropoles, habitats fortifiés, dépôts et découvertes isolées, organisation territoriale) permettent avantageusement de compléter la vision partielle que l’on avait jusqu’alors de cette région au Bronze ancien, à partir des travaux précédents, notamment ceux déjà anciens de M. Piroutet (1931) ou plus récents de C. Mordant et P. Pétrequin (1989). Pour le Bronze final, la synthèse présentée par J.-F. Piningre permet, tout en faisant le point sur l’état des connaissances (à partir d’une documentation particulièrement faible), de mieux situer la région salinoise au regard des régions environnantes et de nuancer son rattachement au faciès Gündlingen-Ossingen-Singen (p. 241), à travers notamment, l’étude des sépultures à crémation de Chilly-sur-Salins.

17 Dans la sixième partie, J.-F. Piningre et P. Barral présentent l’étude typologique et chronologique du mobilier des sépultures des âges du Fer (VIIe-Ve s. av. J.-C.) ; ils y font preuve d’une parfaite maîtrise de ces outils, et d’une connaissance approfondie de la culture matérielle de ces périodes. Plusieurs cartes de répartition illustrent leur propos de manière opportune. Ces études, qui portent pour l’essentiel sur les dépôts funéraires du premier âge du Fer, viennent compléter celles qui avaient été réalisées à l’occasion de la publication du tumulus de Courtesoult (PININGRE 1996), ainsi que celles de B. Chaume (2001) et nos propres travaux (2003). Les résultats obtenus reprennent, sans les modifier, les premiers essais de chronologie régionales élaborés par les auteurs en 1992 (GANARD et al. 1992 ). Deux planches de synthèse présentant les mobiliers les plus caractéristiques des différentes phases déterminées, permettent au lecteur d’obtenir une bonne vision d’ensemble.

18 La septième partie de l’ouvrage porte sur l’étude de la structure et de l’organisation des tertres du Ha D – La Tène ancienne. La reprise de l’ensemble des données permet désormais de disposer d’une documentation classée et parfaitement intégrée aux problématiques actuelles. Il convient ici également de souligner l’apport indéniable que constitue le travail réalisé. L’approche analytique retenue par les auteurs met clairement en évidence la richesse des enseignements qu’ils ont pu tirer de ces fouilles anciennes et que l’on croyait, visiblement à tort, définitivement obsolètes. Plusieurs tableaux et histogrammes, ainsi que plusieurs plans et coupes schématiques illustrent clairement le propos. Déjà, dans une communication ancienne sur “ Nécropoles, pratiques funéraires et société au premier âge du Fer dans le massif du Jura et le bassin supérieur de la Saône ”, J.-F. Piningre et V. Ganard, en collaboration avec F. Passard et J.-P. Urlacher, avaient présenté un premier aperçu du potentiel informatif qu’il était possible d’obtenir du réexamen des fouilles des nécropoles du premier âge du Fer de M. Piroutet (GANARD et al. 1992 ). Aujourd’hui, grâce à cet ouvrage de synthèse, c’est la totalité de l’information que les auteurs nous livrent. Dans la mesure où la documentation disponible l’autorise, ils abordent successivement les différents aspects des pratiques funéraires dans leur contexte régional (structures des tumulus, aménagements des sépultures, inhumations centrales et secondaires, incinérations, sépultures bi-rituelles, sépultures d’enfants, costumes funéraires et marqueurs sociaux, offrandes, organisation des sépultures et organisation des nécropoles, évolution chronologique des pratiques funéraires). Dans bien des cas, les résultats obtenus n’ont rien à envier à ceux qui proviennent de fouilles récentes.

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19 Dans cette septième partie, les auteurs abordent le problème de la répartition spatiale et chronologique des nécropoles des Moidons. Les incertitudes qui existent au sujet de la localisation précise d'un certain nombre de tertres n'ont cependant pas interdit toute analyse globale, bien au contraire. Les résultats obtenus indiquent clairement tout l'intérêt d'un tel exercice et sont d'autant plus importants qu'ils concernent “ le groupe de tumulus le plus étoffé et le mieux documenté du domaine jurassien ” (p. 9).

20 C'est au terme de l'étude, dans la huitième partie, que l'étude chronologique de l'occupation du camp du Château à Salins est enfin prise en compte par les auteurs et mise en relation avec celle des nécropoles des Moidons. On pourra regretter qu'une place aussi ténue (moins de 5 p.) ait été réservée à ce site dont l'importance dans le cadre des travaux portant sur les résidences princières du VIe s. av. J.-C. n'est plus à démontrer. Régulièrement cité dans les travaux des collègues français ou étrangers, le site du Château aurait mérité de plus amples développements, voire une analyse détaillée de son occupation (en partie déjà présentée, il est vrai, dans la communication faite à l’occasion du colloque de Châtillon-sur-Seine en 1993), comme on était en droit de l'attendre compte-tenu du parti pris par les auteurs de le mettre dans le titre de l'ouvrage. Publiée quelques années après la tenue du colloque de Châtillon-sur-Seine consacré au phénomène princier des VIe-Ve s. av. J.-C., une étude d'ensemble reprenant la problématique développée à cette occasion aurait été la bienvenue. Elle aurait ainsi permis de replacer cet important habitat fortifié dans le réseau des résidences princières, et de s'interroger sur son statut véritable ainsi que sur son importance et son rôle stratégique à l'époque. L'étude présentée ici ne fait que compléter sur quelques points de chronologie, celle qui a été publiée dans les actes du colloque de Châtillon- sur-Seine (PININGRE, GANARD, 1997), les rapports existant entre l'habitat et les ensembles funéraires périphériques.

21 L’ouvrage s’achève par une mise en perspective des Moidons dans le contexte de l’âge du Fer jurassien et par une synthèse faisant le point sur les limites et les acquis d’une telle étude, en replaçant notamment l’ensemble ces découvertes dans la problématique du Bronze ancien, du Bronze final, du premier âge du Fer et de La Tène ancienne d’Europe occidentale.

22 Au total, on peut dire que cet ouvrage, qui avait pour but de livrer à la communauté scientifique à la fois les données de terrain sur une des régions clés de l’est de la France et les approches synthétiques qu’elles ont engendrées, a atteint son but. Ce travail se signale par sa qualité et sa démarche pluridisciplinaire et ce, il faut insister sur ce point, malgré les lacunes de la documentation. Il y a fort à parier qu’il servira de modèle à de nombreux collègues en possession d’une documentation ancienne, parfois bien plus riche qu’on ne le pense habituellement, pour peu que l’on se donne les moyens, comme l’on fait les auteurs, d’une démarche analytique rigoureuse, aidée d’une bonne problématique.

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BIBLIOGRAPHIE

Baray 2003 Baray L. - Pratiques funéraires et sociétés de l’âge du Fer dans le Bassin Parisien (fin du VIIe s. – troisième quart du IIe s. avant J.-C.), Paris, C.N.R.S. éditions, 446 p., 1 cédérom (suppl. Gallia, 56).

Chaume 2001 Chaume B. - Vix et son territoire à l’âge du Fer. Fouilles du mont Lassois et environnement du site princier, Montagnac : Librairie archéologique, 643 p., 238 ill., 155 pl. (Collection Protohistoire européenne, 6).

Ganard et al. 1992 Ganard V., Passard F., Piningre J.-F., Urlacher J.-P. - Nécropoles, pratiques funéraires et société au premier Âge du Fer dans le massif du Jura et le bassin supérieur de la Saône, in : kaenel g., curdy p., éd. - L'Âge du Fer dans le Jura, Actes du XVe Colloque de l’AFÉÂF (Pontarlier, France - Yverdon‑les‑Bains, Suisse, 9‑12 mai 1991), Cahiers d'archéologie romande,57, p. 37‑64, 21 fig.

Piningre 1996 Piningre J.-F., dir. - Nécropole et société au premier âge du Fer : le tumulus de Courtesoult (Haute-Saône), Paris, MSH, 1996, 219 p., ill. (DAF, 54).

Piningre, Ganard 1997 Piningre J.-F., Ganard V. - Le Pôle princier de Salins et le Hallstatt du Jura, in : brun p., chaume b., dir. - Vix et les éphémères principautés celtiques. Les VIe-Ve s. av. J.-C. en Europe centre-occidentale, actes du Colloque de Châtillon-sur-Seine, 27-29 octobre 1993. Paris, Errance, p. 125-138, 10 fig. (Archéologie aujourd’hui).

AUTEUR

LUC BARAY UMR 5594 du CNRS. CEREP, 5, rue Rigault, 89100 SENS

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J.-P. GIRAUD, F. PONS, Th. JANIN, dir., Nécropoles protohistoriques de la région de Castres (Tarn). Le Causse, Gourjade, Le Martinet. Volume 1 : études et synthèses, 276 p. ; volume 2 : catalogue des ensembles funéraires, 268 p. ; volume 3 : planches du mobilier, 231 p., DAF n° 94 Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2003

Pierre-Yves Milcent

1 Entre 1987 et 1995, plusieurs campagnes de fouilles préventives ont permis l'exploration de trois importantes nécropoles à incinération de la fin de l'âge du Bronze et du premier âge du Fer dans les environs de Castres, en Midi-Pyrénées. Trois volumes, l'un de planches, un autre de description et un troisième d'analyse et de synthèse, nous apportent, dans des délais qu'il faut saluer pour leur brièveté, la publication exhaustive d'un corpus exceptionnel par la quantité des informations collectées. En témoignent quelques chiffres : au nombre de 1200, les sépultures exhumées ont livré, outre les restes osseux humains et des dépôts de faune, environ 5300 vases et 1400 objets métalliques. Seules les données extraites des gisements funéraires de Mailhac soutiennent la comparaison en importance. La documentation castraise est systématiquement inventoriée, décrite (ne manquent que les poids des objets métalliques) et soigneusement illustrée dans les deuxième et troisième volumes, ce qui représente à n'en pas douter un travail collectif considérable pour lequel les équivalents sont rares. Gageons que cette qualité de présentation des informations archéologiques fera école ailleurs car, à vrai dire du sud de la France, d'autres

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publications de nécropoles protohistoriques nous ont habitués ces vingt dernières années à ce niveau d'exigence. Les recherches sur les nécropoles protohistoriques du Castrais sont effectivement inspirées d'un protocole analytique rigoureux initié dès la fin des années 1970 par l'étude du gisement de Las Peyros à Couffoulens (Aude), puis développé en 1989 à l'occasion de la publication par André Nickels et ses collaborateurs de la nécropole du Peyrou à Agde (Hérault). Les auteurs de la présente monographie revendiquent du reste cette paternité intellectuelle ; c'est pourquoi le plan du volume d'étude et de synthèse est inspiré de celui de la monographie du Peyrou, et va jusqu'à reprendre en titre de chapitre certains des en-têtes qu'avait retenus A. Nickels.

2 Les premiers chapitres sont consacrés à l'historique de la recherche, l'environnement et la question de la conservation différentielle des gisements. Il s'avère qu'à l'image de la plupart des nécropoles languedociennes, les trois sites ont été soumis à une érosion assez importante et que seules quelques zones du Causse et de Gourjade préservaient des tranchées de fondation d'enclos funéraires. Viennent ensuite les recherches portant sur le mobilier. La céramique est étudiée sous l'angle des formes et des décors. Un classement inspiré de celui qui fut adopté pour le site d'Agde est opéré méthodiquement selon des critères pertinents et hiérarchisés. Les résultats obtenus permettent d'établir des comparaisons avec les autres corpus funéraires publiés ces dernières années sous l'impulsion ou avec la collaboration de Th. Janin (cf. tableau de la fig. 21). Comme les autres catégories de mobilier, la distribution spatiale des types céramiques est finement analysée. Des caractéristiques propres aux environs du Castrais sont identifiées, en particulier l'usage répandu de l'impression pointillée à la cordelette ou à la roulette. L'analyse du mobilier métallique s'inspire également de certaines classifications anciennes pour les améliorer (typologie des rasoirs par exemple) et propose de nouvelles classifications. Dans la mesure où elles forment la part la plus importante du corpus, les épingles sont l'objet d'une analyse typologique plus détaillée.

3 Somme toute, les assemblages de mobilier des trois nécropoles apparaissent assez banals puisqu'aucune pièce ne fait figure d'exception. Il n'y a presque pas d'armes et les assemblages de parures restent simples et peu fournis. On trouve essentiellement, outre les épingles et les anneaux, des fusaïoles, coquillages, torques, perles, fibules, boutons, instruments de toilette et couteaux. On regrettera au stade de l'analyse du mobilier métallique et céramique que les critères technologiques soient insuffisamment pris en considération et que la notion de fonction des objets fasse rarement l'objet d'une discussion ou d'une argumentation. Pour ne citer qu'un exemple, il est ainsi vraisemblable que sous la catégorie des bracelets se rangent des anneaux de cheville dont l'identification enrichirait l'analyse paléosociologique. Le parti des auteurs de fournir peu de comparaisons au matériel, y compris au plan strictement régional, empêche en outre d'avoir une idée précise de la communauté de culture matérielle à laquelle appartiennent les nécropoles castraises. Cette remarque doit être nuancée cependant puisque, dans le dernier chapitre du volume, plusieurs des types définis sont extraits afin d'illustrer le rattachement de ces sites à la sphère mailhacienne.

4 L'organisation des dépôts dans les tombes et l'architecture de celles-ci sont ensuite analysées dans un quatrième chapitre. L'étude des modalités de déposition du mobilier et des os brûlés dans les urnes cinéraires est poussée. Quant à l'architecture des tombes, les auteurs observent au Causse et à Gourjade que les petits enclos funéraires,

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assimilés à des structures de délimitation de micro-tumulus arasés, passent progressivement d'un plan circulaire à un plan quadrangulaire, ce qui témoignerait d'un souci d'améliorer la gestion de l'espace funéraire. Ces espaces apparaissent structurés en effet par des alignements parallèles de sépultures bien mis en évidence par l'analyse spatiale.

5 L’étude typologique du matériel est ensuite mobilisée pour établir, au moyen de deux matrices de sériation, la chronologie relative des trois nécropoles. Une périodisation en cinq phases (la phase IV étant en outre subdivisée) est retenue et reliée à la chronologie relative des ensembles funéraires de Mailhac et Agde. Les dates absolues assignées aux phases reposent également sur ces comparaisons. La première phase est assimilée au Bronze final IIIb et débuterait vers 900 av. J.-C. - nous savons toutefois que dans les régions où des dendrodates sont disponibles, le Bronze final IIIb débute plus tôt, vers 950-930 av. J.-C. -, la dernière correspondrait au "Fer I récent" et s’achèverait vers 550 av. J.-C. L’établissement des chronologies relative et absolue des matériaux castrais souffre cependant de faiblesses de présentation. Les diagonales des sériations ne sont pas totalement lissées et il eut été pratique de disposer de matrices de cooccurrence afin de contrôler et justifier visuellement le découpage retenu. Une sériation par analyse factorielle serait également opportune au vu de la masse de données utilisables. Mais, surtout, la corrélation avec les autres phasages chronologiques du Languedoc occidental mériterait un traitement plus détaillé. C'est peut-être cette faiblesse qui explique que l'usage et la définition des systèmes chronologiques soient parfois confus ou discordants (cf. p. 108, 212 et 252-253). La nécessité d’un tableau général de concordance des chronologies des principales nécropoles languedociennes se fait ressentir, d’autant que cela permettrait de valider un système chronologique méridional dont la nomenclature n'a jamais été explicitée (nous faisons référence ici aux notions de Fer I ancien, moyen et récent, initiées par M. Py). L’argumentaire pour fonder la chronologie absolue est également insuffisant pour emporter pleinement l'adhésion du lecteur, d’autant que des dates apparaissent en décalage avec quelques- unes de celles qui avaient été proposées jusqu'à aujourd'hui par les chercheurs languedociens. Néanmoins, ces problèmes ne pèsent aucunement sur la validité de l’usage qui est fait de la périodisation dans les stades ultérieurs de l’étude, notamment lorsqu’il s’agit de restituer l’évolution des pratiques funéraires. Ce dernier aspect donne lieu en effet à une analyse détaillée, où l’on observe la variation du poids moyen des dépôts de crémation d’une époque à une autre. Comme pour les autres nécropoles de la Gaule du Bronze final et du premier âge du Fer, un déficit important (essentiellement les moins de 14 ans) est relevé au sujet des immatures par rapport à ce que l'on pourrait attendre d'un recrutement funéraire ouvert uniformément, quelles que soient les classes d'âges, dans une société pré-jennérienne. La nécropole du Causse se distingue en outre par la présence de neuf inhumations dont les auteurs envisagent qu'il s'agisse de sépultures d'allochtones. L’étude des ossements animaux est également soignée et renseigne un aspect des gestes funéraires rarement pris en considération. Une typologie des dépôts d'ossements est formulée. Les dépôts animaux des sépultures du Castrais sont interprétés pour l'essentiel comme des viatiques.

6 Le chapitre de synthèse consacré à l’interprétation des données en termes sociologiques est l'un des plus courts du volume. Une matrice alimentée par une typologie fonctionnelle des objets déposés donne à identifier, comme pour les autres nécropoles du premier âge du Fer languedocien, trois groupes. L’un est formé par des assemblages à caractère féminin (fusaïoles, perles, parures annulaires en deux

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exemplaires au moins…), le deuxième par des assemblages à caractère masculin (rasoirs, éléments de trousse de toilette, épingles à tête serpentiforme, bracelet unique…) et le dernier par des assemblages à caractère mixte. Il est postulé que ce dernier groupe rassemble des sépultures doubles où un homme et une femme seraient représentés. La distribution spatiale des ensembles “ sexués ” est homogène et ne traduit aucun regroupement spécifique, ce qui plaide en faveur de groupements familiaux. Vient ensuite un essai de caractérisation du statut des titulaires des tombes en fonction de la sériation de paramètres simples, tels que l'architecture funéraire, l'abondance du mobilier, le dépôt ou l'absence d'une offrande carnée. La discussion est menée avec une rigueur méthodologique teintée de prudence et l'on conclut à l'absence d'une distinction nette entre les divers groupes de tombes, le passage étant progressif des uns aux autres. Le pas en direction de l'hypothèse qu'il s'agirait de communautés faiblement hiérarchisées est cependant franchi plus loin. On objectera que des tombes pauvres ou modestes peuvent renvoyer à une idéologie funéraire égalitaire, et qu'elles n'impliquent pas pour autant que la société des vivants soit calquée sur ce principe. Mais surtout, les critères mobilisés par les auteurs restent principalement quantitatifs alors qu'ils mériteraient d'être pondérés par d'autres aspects, tels que le poids et la qualité des objets métalliques déposés par exemple. Il aurait également été nécessaire de poser la question de la signification sociale que pouvaient acquérir certains objets lors des funérailles ou bien avant celles-ci : comme dans d'autres régions, les torques pour les femmes et les rasoirs pour les hommes ne sont-ils pas des marqueurs d'un statut dominant par exemple ? Nous rejoignons à ce sujet l'avis de ceux qui estiment que la grande majorité des communautés de l'Europe occidentale étaient déjà fortement structurées et hiérarchisées à la fin de l'âge du Bronze, que ce soit sur le pourtour méditerranéen ou ailleurs, mais sans pour autant que cela transparaisse de manière explicite dans la sphère funéraire.

7 Les auteurs terminent leur étude par un dernier chapitre consacré à l'identité et aux affinités culturelles décelables à partir de l'examen des tombes. Il en ressort que, moyennant des traits locaux, les ensembles du Castrais se rattachent à une sphère culturelle qui s'étendait du fleuve Hérault au bassin moyen de la Garonne et de l'Albigeois à la Catalogne (cf. carte fig. 288).

8 La bibliographie, qui clôt véritablement l'ouvrage, est courte, bien que certains ouvrages et articles ne soient pas cités dans les textes qui la précèdent. L'orientation en est essentiellement régionale.

9 Pour conclure, nous pensons que les trois volumes consacrés au Castrais constituent une excellente référence en matière de documentation et d'analyse des données archéologiques. L'interprétation, la synthèse et les comparaisons interrégionales ont été laissées en retrait, mais sans doute était-ce la nécessaire contrepartie d'une publication rapide. Souhaitons qu'un ouvrage synthétique vienne sous peu compléter et brosser le tableau historique de ces sociétés du midi de la France au premier âge du Fer, en prenant appui sur les monographies de nécropoles accumulées depuis un quart de siècle.

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AUTEUR

PIERRE-YVES MILCENT Maître de conférence à l'Université de Toulouse II-Le Mirail, UTAH - UMR 5608

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Fr. PERRIN, M. SCHÖNFELDER, dir., La tombe à char de Verna (Isère) : témoignage de l'aristocratie celtique en territoire allobroge Lyon : Association Lyonnaise pour la Promotion de l'Archéologie en Rhône-Alpes, Documents d'Archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne n° 24, 2003, 156 p., 103 ill.

Pierre-Yves Milcent

1 Frank Perrin et Martin Schönfelder portent à notre connaissance un ensemble mobilier remarquable attribuable à La Tène D1b (100-80 av. J.-C. environ) et mis au jour, en 1818, à proximité du château de Verna, sans doute à la limite des communes de Leyrieu et Saint-Romain-de-Jalionas (Isère, Rhône-Alpes). La monographie débute par une évocation de l'histoire de la découverte qui présente à bien des égards un intérêt exceptionnel compte tenu de son ancienneté. C'est à un amateur éclairé, M. de Verna, que l'on doit la fouille méticuleuse pour l'époque d'un tumulus utilisé à la fin de l'âge du Fer pour l'ensevelissement d'une tombe au mobilier abondant et riche. On reste frappé par la qualité de la collecte ainsi que par le soin apporté à la conservation des objets par les descendants du fouilleur jusqu'au moment de la mise en vente de l'essentiel de la série en 1995 : de menus fragments de céramique et de métal côtoient en effet des objets de grande qualité. Tout aussi remarquable est la façon dont la découverte a été décrite, étudiée puis partiellement publiée quelques semaines après la fouille par un pionnier de l'archéologie lyonnaise, François Artaud. Outre des notes (rassemblées en annexe dans le volume), ce dernier a laissé des dessins de qualité du site et de plusieurs des objets, mais aussi deux illustrations qui attestent de l'avance intellectuelle de certains savants de l'époque : l'une présente une tentative de reconstitution du char, l'autre une épée de la nécropole de Mouriès (Bouches-du- Rhône) donnée à titre de comparaison. Il est passionnant d'observer que, bien avant la naissance de l'archéologie protohistorique, Fr. Artaud sut identifier les pièces d'un char et attribuer la tombe de Verna à “ un guerrier gaulois qui a vécu à l'époque des colonies

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romaines ”. En 1819, les mors de la sépulture étaient étudiés et l'un d'eux utilisé à titre expérimental sur un cheval ! Malgré ces auspices favorables, la sépulture était tombée dans un oubli relatif jusqu'à ce que la Maison du Patrimoine de Hières-sur-Amby se porte acquéreur des objets avant qu'ils ne soient dispersés. Ceux-ci ont pu être étudiés après une campagne de restauration et d'étude au Musée Romain Germanique de Mayence.

2 Avant de livrer le détail de cet examen poussé, les auteurs de la monographie ont jugé bon de rappeler le contexte historique et les sources antiques relatives aux Allobroges pour les IIe-Ier s. av. J.-C., puis de dresser un bilan de la carte archéologique des environs de la découverte. On retiendra que le site de Verna, sur la rive gauche du Rhône, se trouvait à l'une des frontières des Allobroges - les Ambarres étant sans doute de l'autre côté du fleuve - et qu'il participait au début du Ier s. av. J.-C. des marges les plus septentrionales de la province de Narbonnaise. C'est aussi l'occasion pour le lecteur de prendre conscience de l'importance des environs de Hières-sur-Amby pour l'ensemble de la Protohistoire et de regretter que des sites voisins de quelques kilomètres, tels que la tombe princière de Saint-Romain-de-Jalions et le camp fortifié de Larina, demeurent en grande partie inédits.

3 Les pièces de la collection de Verna posent quelques difficultés d'interprétation dans la mesure où il n'est pas assuré que toutes proviennent bien d'une seule tombe, ni même d'un seul tertre. L'étude taphonomique révèle toutefois que la plupart d'entre elles ont subi les mêmes traitements (démontage et bris, chauffe importante au contact d'un foyer ouvert) et plaide en faveur de l'ensemble clos. L'essentiel de la collection est représenté par de la vaisselle de bronze, des armes en fer, les éléments métalliques d'un char à quatre roues, quelques objets personnels, soit plus d'une centaine de pièces métalliques sans compter les clous. Des tessons de céramiques et quelques fragments d'os brûlés, dont l'un sans doute humain, confortent l'hypothèse qu'il s'agit là des vestiges d'un mobilier porté sur un bûcher funéraire.

4 Les lots les plus remarquables sont sans conteste la vaisselle de bronze, l'armement, les pièces de char et les harnachements de chevaux. Les vases métalliques représentent le plus grand assemblage connu en France avec douze pièces, la plupart étant des importations italiques de La Tène D1. L'étude va au-delà des perspectives typo- chronologiques puisque la question de la fonction des récipients est systématiquement abordée. Il en est déduit que ceux-ci devaient constituer un service double, à ablution et à boisson. L'analyse comparative souligne qu'il s'agit de pièces souvent rares, dont les dimensions sont régulièrement supérieures à ce qui est connu ailleurs. On rappellera que cette seconde observation est également vraie pour les importations italiques ensevelies dans les tombes princières au nord des Alpes aux VIe et Ve s. av. J.- C. : la clientèle “ barbare ” semble bien avoir suscité à différentes époques une offre spécifique de la part des fabricants de vaisselles métalliques destinées à l'exportation. Un bassin enfin mérite l'attention puisqu'il est étrusque et nettement antérieur aux autres récipients. Il s'agit d'un bain de pied (Podaniper) à anses plastiques représentant un couple de lutteurs armés qu'Anne-Marie Adam attribue, à l'issue d'une étude approfondie, à un atelier nord étrusque du milieu du IVe s. av. J.-C. La présence de cette antiquité est replacée dans un contexte élargi, celui des exportations italiques au nord des Alpes après la période de grande diffusion du Ve s. av. J.-C., et donne à évoquer d'autres exemples, en Europe moyenne, de tombes aristocratiques de l'âge du Fer

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contenant des importations méditerranéennes bien antérieures à leur contexte d'ensevelissement.

5 Seize armes sont documentées à Verna, mais l'objet qui était peut-être le plus intéressant, un casque en bronze, a disparu. Les objets restants correspondent à des armes offensives et défensives : cinq épées, sept éléments de lance et trois umbos de bouclier. Le nombre et la composition du lot d'armes posent un problème d'interprétation sur lequel les auteurs ne s'appesantissent guère. Outre une analyse morpho-typologique très détaillée, l'étude met en valeur des procédés de décoration originaux : des flammes de lances peut-être utilisées comme enseignes militaires, portent des décors en creux qui pourraient avoir été réalisés à l'acide. Un umbo en fer a montré, à la suite d'un nettoyage mécanique adapté, la présence d'une pellicule de bronze en surface qui devait tout à la fois décorer et protéger le métal de l'oxydation.

6 Les nombreuses pièces de char de Verna donnent lieu à M. Schönfelder, auteur d'une thèse sur la tombe à char contemporaine de Boé (Lot-et-Garonne), d'effectuer des rapprochements précis à l'échelle du monde laténien et d'identifier, malgré la disparition des jantes de roue, un véhicule de parade gaulois à quatre roues, le “ Petorritum ”. Fabriquées en bronze et en fer, elles appartenaient aux roues (frettes de moyeu, clavettes), à la caisse (poignées, tiges de fixation, pitons à œillet), au train avant et au timon (tige de pivot) et au joug (anneaux passe-guides et chapeaux décoratifs). Toutefois, en l'absence de plan de la sépulture et du fait de la rareté des véhicules de ce type, la restitution du char et de l'emplacement précis des différents éléments conservés reste impossible. C'est également la raison pour laquelle des tôles de bronze, des tiges et des plaques de fer demeurent d'attribution incertaine. Le caractère exceptionnel du dépôt d'un char de parade à quatre roues dans un contexte funéraire de La Tène finale est relevé. C'est là une caractéristique propre aux tombes les plus riches de l'époque mais marginale du point de vue géographique puisqu'on ne la retrouve qu'aux limites du domaine laténien resté indépendant des Romains.

7 L'étude du char est prolongée par celle des pièces de harnachement de chevaux. Une paire de mors de bride, un troisième mors de bride et un mors annulaire suggèrent que le titulaire de la tombe, outre qu'il possédait un char et son attelage, était un cavalier. L'identification du mors circulaire ouvre de nouvelles perspectives sur le dressage des chevaux gaulois, mais en ferme d'autres quant à la question des torques de La Tène finale, certains mors étant probablement assimilés à tort à des parures annulaires.

8 Parmi les objets moins spectaculaires de la collection de Verna figurent quelques tessons brûlés de céramiques d'importation qui pouvaient compléter les services de vases métalliques : il s'agit de vestiges de plats en céramique campanienne et d'une amphore vinaire républicaine. Des objets métalliques demeurent énigmatiques. Bien qu'il s'agisse d'un objet dont la fonction religieuse est envisageable, une faucille en fer n'attire guère l'attention des auteurs qui l'assimilent à un outil agricole pouvant tout au plus symboliser un pouvoir économique.

9 En guise de synthèse, la question de la nature de l'assemblage de Verna (dépôt rituel ou sépulcral ?)est posée ; une discussion prudente et convaincante conclut en faveur de la sépulture. Logiquement, la relation est faite avec le passage de César au livre VI de la Guerre des Gaules qui évoque les funérailles des aristocrates gaulois. Le texte, emprunté à Poseidonios, pose pourtant difficulté dans la mesure où il met l'accent sur des éléments qui ont laissé peu de traces archéologiques aisément interprétables jusqu'à présent, le sacrifice des animaux et des hommes. Le statut du défunt est aussi

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évoqué par Fr. Perrin et M. Schönfelder, mais uniquement sous l'angle du prestige économique et politique. La dimension religieuse du pouvoir des élites gauloises n'est pas soulevée, alors même que plusieurs objets de la tombe - les patelles et l'œnochoé ; la faucille - peuvent être interprétés comme des instruments cultuels et des marqueurs d'un statut sacerdotal. La discussion s'achève sur deux questions fondamentales, celle du rapport qu'avait le défunt de Verna au pouvoir romain et de son lieu de résidence. Sur ce dernier point, la réponse n'est pas évidente puisque dans le secteur de Verna se trouve un grand domaine rural, mais aussi un oppidum, celui de Larina, tous deux occupés à l'époque de la constitution de la sépulture.

10 Pour conclure, on recommandera particulièrement la lecture de cet ouvrage qui nous fait connaître non seulement un ensemble funéraire d'exception dans une région encore peu documentée pour La Tène finale, mais aussi un épisode très précoce de l'histoire de l'archéologie protohistorique en France. Les études documentaires que l'on y trouve sont toujours rigoureuses, complètes, parfois même très fouillées, et s'appuient sur un appareil bibliographique à jour et très riche. Les interprétations sont classiques et assez générales, mais la nature de la collection étudiée, de même que la faiblesse des connaissances sur les Allobroges, ne se prêtaient pas à une exploitation beaucoup plus poussée. En outre, force est de constater que l'ensemble de Verna demeure original en l'état de la recherche et que les comparaisons avec les autres ensembles funéraires gaulois restent délicates à établir.

AUTEUR

PIERRE-YVES MILCENT Maître de conférence à l'Université de Toulouse II-Le Mirail, UTAH - UMR 5608

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BOUET A., Les thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise 2 vol., Coll. Éc. Franç. de Rome, 320, EFR, Rome, 2003, 416 + 381 p.

Alain Ferdière

1 Alain Bouet, Maître de Conférences à l’Université de Bordeaux, est un chercheur qui publie : après son petit essai sur les Matériaux de construction en terre cuite dans les thermes de la Gaule Narbonnaise (Ausonius/Les Belles-Lettres, Bordeaux/Paris, 1999) et simultanément à son étude monographique des thermes de Barzan (Thermae Gallicae - Les thermes de Barzan (Charente-Maritime) et les thermes des provinces gauloises, De Boccard, Paris, 2003), il s’agit cette fois de sa thèse (sous la direction de Ph. Leveau), soutenue à Aix-en-Provence en 1996 (publication effective : janvier 2004).

2 La collection de l’EFR assure à cet ouvrage toute la qualité nécessaire, même si l’on regrette évidemment d’aussi longs délais d’édition, la documentation de l’ouvrage étant arrêtée à 1997. Le texte original de la thèse a toutefois été assez sensiblement modifié, notamment en fonction des observations faites à l’occasion de la soutenance, et l’œuvre comporte donc deux gros volumes, l’un concernant la Synthèse (416 pages, 262 figures numérotées et Planches in texto et XVI Pls hors textes : photos), l’autre le catalogue (corpus : 381 pages, 278 Figures et 2 Pls h. t., pour 218 fiches).

3 Comme son titre l’indique, l’auteur a clairement voulu – à mon avis à juste titre – étudier simultanément les ensembles balnéaires antiques dans le cadre public et dans le cadre privé (même si à titre personnel je préfère maintenir, pour des raisons pratiques, la distinction de vocabulaire entre « thermes » publics et « bains » privés). On dispose ainsi, pour la première fois pour les Gaules, d’une synthèse imposante concernant l’ensemble des bâtiments balnéaires d’époque romaine, en l’occurrence pour la province de Gaule Narbonnaise (en fait de Transalpine pour les établissements les plus anciens).

4 L’objectif premier d’A. Bouet est de nous offrir une typologie extrêmement détaillée, tant en ce qui concerne le plan d’ensemble de ces édifices que pour chacune de leurs parties, des aires de services aux salles d’apparat, en passant par les praefurnia, caldaria, tepidaria, frigidaria, et sans oublier les espaces « annexes » que constituent les apoditeria,

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gymnases, etc. On pourrait trouver l’entreprise pointilliste et un peu vaine, mais l’obsession de l’auteur –c’est son propre terme – est en fait de dégager ainsi les évolutions, à travers près de sept siècles, et d’établir une véritable chrono-typologie de ces thermes : il est vrai qu’une telle entreprise manquait, dans un contexte d’étude des ensembles balnéaires antiques assez considérablement renouvelée dans ces quinze dernières années (avec notamment les travaux de Nielsen, Garbrecht, etc.).

5 Tous les bâtiments de thermes publics ou privés de Narbonnaise connus au moment de la thèse ont été pris en compte, sous réserve – certes normale – de présenter un plan publié suffisamment complet : soit donc quelques 218 ensembles qui font l’objet d’une notice détaillée, accompagnée de plans, dans le volume de Catalogue ; et ce à quoi s’ajoute souvent, dans la Synthèse, l’évocation de maints ensembles balnéaires gallo- romains d’autres provinces gauloises, voire d’autres contrées de l’Empire (Italie, Afrique, etc.) ; le développement de la bibliographie (31 pages) montre assez l’ampleur des dépouillements effectués et Alain Bouet apparaît ainsi sans doute aujourd’hui comme le spécialiste des thermes antiques en Gaule…

6 Le volume de synthèse comporte trois parties : la première, « Les thermes en Gaule Narbonnaise : de la pratique du bain aux bâtiments » la plus développée (p. 5-188), après un court chapitre général sur la fonction et le fonctionnement des bains romains, présente justement cet essai très poussé de typologie des plans, tant des ensembles que, spécifiquement, de chacune des parties. La seconde partie « L’eau et le feu : le fonctionnement des thermes en Gaule Narbonnaise » (p. 189-277), est technique et concerne d’une part l’alimentation, la circulation et l’évacuation des eaux, de l’autre les systèmes de chauffage (praefurnia, différents types d’hypocaustes…). La troisième partie enfin, « Les thermes : révélateur de la vie quotidienne individuelle et sociale » (p. 279-345), traite du rôle de ces édifices, en contexte tant public que privé (domus urbaines et villae rurales), et se clôt par un chapitre sur l’évolution des bains en Gaule Narbonnaise, depuis les thermes hellénistiques de Marseille (IIIe s. av. J.-C.) jusqu’aux derniers avatars du VIe s. ap. J.-C., en passant par l’apogée de ces édifices au IIe s. ap. J.-C.

7 Au plan technique justement, on note une Annexe (vol. 1, p. 351-356), par I. Figueiral, qui concerne l’analyse anthracologique des charbons recueillis dans la zone des bains de la villa de Coudoux (B.-du-Rh.) : même si ses conclusions montrent que l’approvisionnement en combustible est « classique » et opportuniste, sans privilégier une essence particulière, cette étude apparaît ici un peu « plaquée » car trop isolée sur un ensemble de plus de 200 complexes balnéaires étudiés.

8 Il est clair que les objectifs de la thèse, et donc de cet ouvrage, d’ailleurs mal dégagés en introduction, sont du domaine plus strictement archéologique, celui de la typologie et des aspects techniques, plus que de la sphère de l’histoire sociale ou des mentalités, celle notamment des religions : à l’évidence, ces derniers aspects, finalement assez rapidement évoqués dans la dernière partie (au sujet notamment du rôle social de ces établissements, en contexte tant public que privé), ne sont pas ceux qui ont le plus intéressé l’auteur. Les thermes apparaissent pourtant ici – comme ailleurs en Gaule – comme l’un des éléments les plus représentatifs de l’acculturation “ à la romaine ” de la société gallo-romaine.

9 Textes, inscriptions, documents iconographiques, objets caractéristiques afférant à ces installations sont également pris en compte. D’utiles index complètent le volume de synthèse. On remarquera aussi les nombreuses cartes, de qualité et fort utiles, à travers tout l’ouvrage (il est seulement dommage d’être obligé d’aller chercher entre les pages

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350 et 351 la légende de la Pl. 1 – p. 3 – avec la liste des noms des sites correspondant aux numéros de la carte). Il est clair que le domaine urbain, tant pour les thermes publics que pour les bains de domus privées, avec de nombreuses notices pour des villes telles que Vienne-Saint-Romain-en-Gal, Vaison-la-Romaine ou Nîmes, paraît sur- représenté par rapport au monde rural (Pl. 1) ; mais des chefs-lieux de cités aussi importants que Toulouse, Aix-en-Provence ou Fréjus ne sont représentés que par un nombre d’édifice somme toute assez faible : comme toujours, cette répartition n’est représentative que de l’état des recherches archéologiques à travers cette province de Narbonnaise, certainement pas (ou peu en tout cas) du développement différentiel de ces bains à travers les cités concernées.

10 Jusqu’alors, lors de fouilles de bâtiments balnéaires en Gaule, on était souvent obligé de se contenter du volume, daté, du Manuel d’A. Grenier consacré aux thermes (4e partie, 1960), auquel on joignait parfois, pour les contextes privés, l’utile petit manuel de J.-M. Degbomont (1985) ; on y ajoutera le récent volume consacré aux bains d’Armorique par A. Le Bot (2003) : nul doute que l’imposant ouvrage que nous offre aujourd’hui Alain Bouet constituera dorénavant – avec en outre son étude de Barzan – la référence incontournable pour quiconque est amené à étudier une ensemble balnéaire à travers les Gaules.

AUTEUR

ALAIN FERDIÈRE Université François Rabelais, UMR 6173 CITERES

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P. AUPERT, R. MONTURET, Saint- Bertrand-de-Comminges, II. Les Thermes du Forum Études d’Archéologie Urbaine, Aquitania, 2001, 333 p., ill. et un cahier comportant toutes les planches graphiques, ISSN : 2295-7989 (avec la collaboration de Christine Dieulafait et les contributions de Frédéric Berthault, Jean-Pierre Bost, Patrick Perez et Dominique Tardy, préfacé par Jack Lang)

Olivier Blin

1 Cet ouvrage livre à la communauté scientifique une présentation exhaustive doublée d’une synthèse raisonnée de l’ensemble des données archéologiques disponibles sur l’un des édifices majeurs de Lugdunum Convenarum, les thermes du forum. Cinq chapitres détaillent les différents états et sous-états identifiés (chapitres I à V), que clôt une conclusion qui met en perspective le site stricto sensu avec le contexte plus général de la ville et son contexte territorial et son évolution. Une série d’annexes (annexes 1 à 7) alimente les différents aspects de la documentation (annexes 5 à 7 sur la localisation des salles, des murs et des sondages) et s’attache aux études thématiques des mobiliers (annexes 3 et 4 sur le matériel archéologique et les amphores) ou à la présentation et l’analyse des sources archéologiques anciennes (annexes1 et 2 sur les sondages et les unités stratigraphiques).

2 Comme le signale Pierre Aupert en avant-propos, la tâche fut, sans nul doute, ardue. En effet, cet ensemble fut fouillé dans sa quasi-totalité au début du XXe siècle (essentiellement par B. Sapène, de 1922 à 1938), à une période où l’exigence de l’enregistrement (sous toutes ses formes) était loin d’être de mise. Les “ dégagements ” opérés ne se sont pas appuyés sur une recherche de compréhension stratigraphique et ont entraîné un décaissement préjudiciable de certaines parties (cour et salles périphériques), causant des pertes irrémédiables, en particulier pour la connaissance des séquences des états les plus récents de la construction.

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3 Les mêmes carences concernent les découvertes de mobilier, lesquels sont le plus souvent sans rattachement direct et qui, pour une part, ne sont même pas mentionnés dans les réserves comme provenant du site.

4 D’emblée, il faut donc saluer ici le travail réalisé, œuvre véritablement “ archéologique ”, autant du point de vue de la relecture des sources documentaires et des vestiges des architectures, que par l’apport de nouvelles données grâce à la reprise des fouilles sur cet édifice exemplaire et complexe.

5 Après une courte introduction (P. Aupert) qui présente une chronologie des fouilles anciennes et les arguments permettant d’identifier a priori trois états à l’édifice (et non deux comme il était admis jusqu’alors), dont les datations ont pu être établies par la reprise et l’analyse de lambeaux de stratigraphies, le premier chapitre (P. Aupert et C. Dieulafait) s’attache à la “ stratigraphie et à l’histoire détaillée du site ” (en treize niveaux jusqu’à la période contemporaine) apportée par les sondages et les fouilles récentes.

6 On retiendra la mise en évidence d’une voirie augustéenne précoce, antérieure à la vocation monumentale du secteur, en corrélation avec la topographie du lieu (légère déclivité du sol vierge vers le nord-ouest qui dictera d’ailleurs, par la suite, l’organisation du réseau d’égout durant toute l’occupation du quartier). Un premier état des thermes est attesté, sous Auguste, dans l’espace délimité par cette première trame urbaine, dont l’existence même (Decumanus D4.2) obligerait désormais à placer la construction de l’édifice thermal avant même celle du temple, contrairement à ce qui était admis jusqu’alors.

7 Les règnes de Tibère puis de ceux de Claude-Néron se caractérisent par des transformations urbaines marquantes, à la fois dans le réseau des voies (déplacement et restructuration), du point de vue édilitaire à l’échelle du quartier (édifice circulaire puis monument rectangulaire à l’est des thermes) et dans les thermes eux-mêmes, d’abord modifiés sous le premier empereur, puis reconstruits (état II) sous les deux suivants.

8 La fin du premier siècle voit la destruction puis la reconstruction des thermes, qui deviennent mitoyens avec le temple, en en respectant l’orientation. Ce troisième état perdure jusqu’au IIIe s. qui voit encore quelques transformations ponctuelles et sera définitivement détruit au plus tôt vers 378. Le dernier état proposé pour l’Antiquité tardive (Pl. XXXIII du cahier graphique) se caractérise surtout par la présence de tombes, dont on notera la disposition qui respecte scrupuleusement les tracés des murs du bâtiment. On peut poser, de ce fait, la question de l’existence à cette époque d’un nombre plus important de murs encore visibles, ou du moins encore marqués dans le paysage urbain, que ceux directement identifiés et proposés sur le document.

9 Les chapitres suivants, II à IV (P. Aupert et R. Monturet), sont consacrés à l’analyse archéologique et architecturale détaillée de chacun des différents états du Haut- Empire, précédemment cités. Les données issues des fouilles anciennes sont mises à contribution dans une approche qui associe à la fois la reprise des éléments conservés in situ, les compléments ou les nouveautés apportés par les fouilles récentes couplées à l’analyse des sondages anciens, et les éléments de chronologie. L’ensemble permet des propositions ou des hypothèses novatrices : on peut ainsi citer la question déjà évoquée de l’antériorité des thermes sur le temple, les problèmes liés à leur alimentation en eau ou l’identification des espaces de l’édifice à ses différentes étapes, sachant qu’une

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partie importante des niveaux ont été éradiqués par les interventions anciennes. La documentation graphique, de grande qualité, permet tout autant de suivre précisément l’évolution du complexe thermal que de le replacer plus globalement dans la dynamique urbaine qui s’inscrit en contrepoint.

10 L’étude des pièces d’architecture (le plus souvent très fragmentaires), blocs provenant des fouilles anciennes – avec les difficultés d’attribution qui en découlent – et des explorations récentes, offre la possibilité de proposer une restitution partielle de l’architecture de l’édifice, en particulier du troisième état. L’indigence des informations disponibles est très largement compensée par une analyse fine des blocs et de leurs associations, ce qui permet des hypothèses vraisemblables, en référence à l’architecture classique du même ordre, tout en affirmant un réalisme en accord avec les vestiges retrouvés et les témoins lapidaires. L’ensemble de l’édifice semble dénoter une qualité certaine, tant dans les registres structurels que décoratifs, qu’il s’agisse des revêtements de sols ou de murs, placages, mosaïques, des décors sculptés en relief ou même du mobilier.

11 Sur la base d’une proposition d’organisation, de fonctionnement et d’identification des espaces du bâtiment, P. Aupert, souligne tout particulièrement l’originalité architecturale des thermes de Saint-Bertrand-de-Comminges, qui semblent occuper une place à part dans la typologie, en particulier par la coexistence palestre / natatio, même si le plan d’ensemble, axial, s’inscrit dans un schéma attesté. La proximité avec le Forum et le sanctuaire voisin, en fait éventuellement un élément fonctionnel complémentaire de l’ensemble cultuel.

12 Les phases postérieures (P. Aupert), à partir d’Antonin-Le-Pieux jusqu’à l’abandon du site, font l’objet du dernier chapitre (chapitre V). L’édifice est affecté par diverses transformations en termes d’espaces, de systèmes techniques (foyers) ou d’accès, souvent ponctuelles et qui ne remettent pas radicalement en cause son organisation générale. Il faut en revanche noter les réfections du IVe s., reconstructions, adjonctions de bassins, extensions en façade nord, qui témoignent de l’actualité du bâtiment à cette période. Son abandon est à placer, au plus tôt, à la fin du IVe s. si l’on en croit les données monétaires et sa probable mise en carrière et exploitation dans le courant du Ve s., comme l’atteste la découverte d’un four à chaux de cette période. Toutefois, le site est loin d’être abandonné comme le signale la construction de thermes modestes dans les portiques du temple, la découverte de mobilier mérovingien et d’inhumations médiévales. L’existence d’un lieu de culte installé dans les ruines de l’édifice est d’ailleurs une hypothèse plausible qui permettrait d’expliquer la conservation d’une partie des murs de l’édifice et la présence des sépultures en cohérence avec eux.

13 Au-delà de la stricte monographie, apport fondamental à la connaissance de ce type d’édifice pour lequel les publications sont rares, c’est la mise en relation avec la ville et son histoire qui transparaît. En particulier l’articulation des premiers ensembles monumentaux sur les axes des voies principales puis leur évolution, dont les mécanismes de transformation semblent se jouer, au moins durant le Ier siècle, de la trame urbaine. C’est le sanctuaire impérial qui dictera, finalement, l’organisation du cœur monumental de la cité. La reconstruction complète des thermes, sans doute sous Domitien (suite à un probable incendie), vient concrétiser définitivement la primauté de cette orientation.

14 Parmi les points notables apportés tant par les fouilles anciennes, réalisées avec un manque certain de rigueur lié à l’époque (mais compensé ponctuellement par

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l’exploitation des documents parvenus jusqu’à nous comme les photographies, dont certaines sont présentées en illustration), que par les découvertes récentes, on retiendra particulièrement la reconnaissance de niveaux tardifs, sans doute d’une occupation quasi ininterrompue du site jusqu’à l’époque médiévale. Certes, la structure urbaine et monumentale héritée du Haut-Empire ne répond plus aux mêmes fonctions, mais, comme l’indique P. Aupert en conclusion, on constate encore au Ve s., période d’édification du rempart de la “ ville haute ”, la construction de grandes demeures luxueuses comportant des installations thermales privées dans la “ ville basse ”. Changement de civilisation et désaffection, plus que désertion, ont sans doute signé l’abandon des Thermes du Forum, dont les derniers vestiges seront peut-être convertis en chapelle dès le VIe s.

15 Il faut reconnaître ici l’importance d’une telle publication, non seulement pour la connaissance de l’histoire de Lugdunum Convenarum, mais plus généralement pour celle des thermes antiques de la Gaule romaine.

16 C’est un travail qui a aussi valeur d’exemple puisqu’il démontre que l’exploitation de données anciennes, souvent considérées comme peu fiables ou difficilement récupérables, est possible, à la fois comme source intrinsèque d’information mais aussi comme contrepoint indispensable à la reprise des fouilles anciennes et pour éclairer de nouvelles explorations. Il faut y associer les études menées pour la restitution de l’édifice, qui s’attachent à prendre en compte le maximum d’éléments architecturaux (presque tous issus des fouilles anciennes et diversement retrouvés sur le site), et qui, à ce titre, sont plus qu’illustratives. On mentionnera ici, les reconstitutions en images de synthèse (étude de l’École d’Architecture de Toulouse) qui complètent l’ouvrage ainsi qu’une proposition de reconstitution informatisée par Éric Follain. On se permettra de regretter l’absence de prise en compte, dans ces vues, des conduits d’évacuation de chaleur, de possibles cheminées, qui se devaient, par nécessité, d’exister au niveau des couvertures (mais cette absence est une constante dans les propositions de reconstitution de thermes !).

17 Pierre Aupert, Raymond Monturet et leurs collaborateurs signent un ouvrage de référence, essentiel et désormais incontournable pour tout chercheur en archéologie de la Gaule romaine et plus généralement en archéologie urbaine.

AUTEUR

OLIVIER BLIN INRAP Centre-Île-de-France

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B. PHALIP, Auvergne et Bourbonnais gothiques. Le cadre civil, collection Les Monuments de la France gothique Paris, Picard, 2003, 263 p., 10 pl. en couleurs et nombreuses ill. dans le texte

Pierre Garrigou Grandchamp

1 L’ouvrage que Bruno Phalip vient de consacrer au “ cadre civil ” de l’Auvergne et du Bourbonnais à l’époque gothique doit être salué à plusieurs titres. Tout d’abord, c’est la première synthèse sur ce thème dont bénéficient ces provinces ; à vrai dire, c’est même, dans la collection Les Monuments de la France gothique, le premier ouvrage à traiter de façon exhaustive ce que l’auteur nomme le “ cadre civil ”, dans sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans l’architecture. De ce fait il faut souligner le souci de l’auteur d’aborder tous les programmes, tout donnant la part du lion à ceux qui ont pour dominante le logis ; il reste que sont traités aussi bien les résidences seigneuriales, ou aristocratiques comme préfèrent les nommer certains, que les demeures urbaines, de tous rangs, et aussi les habitats ruraux, des forts villageois aux sites de montagnes, proches du type des “ villages abandonnés ” ; néanmoins, l’architecture publique ou édilitaire est peu ou pas étudiée. Enfin, la somme de nouveautés apportées par l’ouvrage, tant dans la synthèse que dans les monographies, en font une référence de premier ordre. Observons dans un premier temps les partis retenus.

2 En fait de méthode, l’auteur a choisi, dans la synthèse, un exposé qui sépare les apports des sources écrites et figurées, très considérables, puis les données fournies par les bâtiments : il en résulte un retour sur les mêmes thèmes, approfondis, complétés et nuancés à l’occasion. Vue d’ensemble et monographies, donc, comme le veut le genre de la collection. Les généralités sont ici particulièrement développées (64 p. sur 263 p., soit un quart du volume), ce qui permet des développements approfondis sur plusieurs thèmes, nous y reviendrons.

3 Quant aux choix des sites, l’opération est douloureuse ; les raisons de l’auteur sont compréhensibles et il faut les admettre ; tout au plus pourra-t-on constater que le

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Bourbonnais est à la portion congrue : Hérisson, Gannat et Montluçon en sont absentes, tout comme Moulins (les châteaux des deux dernières villes sont jugés trop restaurés, mais les maisons ne sont pas évoquées) ; se borner au diocèse de Clermont conduit à éliminer la moitié de la Haute-Loire, ce qui est dommageable dans l’esprit de la collection, car il est à craindre que le reste du Velay n’y soit jamais étudié. De fait, l’auteur développe en priorité ce qu’il connaît le mieux, c’est-à-dire le Puy-de-Dôme (mais sans Riom) et le Cantal, dont il continue à révéler les richesses, sans craindre d’annexer un site corrézien. Quant aux édifices, notons aussi qu’après avoir voulu se démarquer ostensiblement de la seule étude des “ monuments ”, il est finalement conduit à se polariser sur eux : comment faire autrement, et d’ailleurs, pourquoi faire autrement, dès lors que les autres formes du “ cadre civil ” ne sont pas oubliées ?Par ailleurs,il prend en considération de nombreux édifices de style roman, à Brioude, et surtout à Clermont et à Montferrand, où sa tendance est à un rajeunissement des datations (p. 128-129), parfois surprenant (rue du Docteur Balme : p. 135) ; à cet égard, l’auteur note pourtant que l’exemple de Riom montre que l’habitat urbain n’est pas en retard pour l’introduction des formes gothiques. Notons encore que ne sont pas retenus des édifices gothiques très authentiques (Hôtel du Baillage à Montferrand) et des ensembles complexes à pièces voûtées (Clermont). Mais quoi, on ne peut faire grief de ne pas avoir tout traité en un peu plus de 250 p. !

4 Quant aux bornes chronologiques, enfin, il se range sagement aux critères adoptés par tout un chacun, soit l’avènement progressif des formes gothiques vers la fin du XIIe s. et la première moitié du XVIe s. pour un terminus chronologique qui s’étire autant que les formes du gothique flamboyant restent prisées. À ce propos, il estime que l’emploi du pan de bois est tardif et il date volontiers de la fin du XVe s. ou du XVIe s. les formes flamboyantes ; dans la moitié nord de la zone tout au moins, ceci paraît à nuancer : le développement récent des campagnes dendrochronologiques tend à prouver que les pans de bois et certaines des formes apparaissent fort tôt (maison datée de 1411 à Moulins) ; il y à fort à parier que certaines des maisons de Montferrand, par exemple rue de la Rodade, puissent remonter à la première moitié du XVe s. Sans nier une tendance au conservatisme des formes, notamment chez les charpentiers, parfois jusqu’au milieu du XVIe s., il nous paraît qu’il ne faut donc pas trop vite généraliser. Une telle appréciation ne conduit-elle pas à évincer de l’ouvrage les remarquables maisons de Billom, jugées trop tardives ? Sur un autre point, il paraît que l’affirmation courante de la grande raréfaction du bois d’œuvre à partir du courant du XIIIe s. doive être nuancée (grande charpente d’une maison de Hérisson datée de 1299). À vrai dire, l’auteur pâtit ici d’être dans les précurseurs et il souffre du retard des études sur l’architecture civile ; il prend donc des risques et nous devons lui savoir gré de baliser le chemin.

5 La synthèse commence par un bilan initial sur l’état de la recherche : l’auteur est sévère pour les travaux de ses prédécesseurs, mais c’est de bonne méthode pour mieux montrer le travail à faire. Il insiste à juste titre sur l’insuffisant investissement dans l’élaboration de théories, ou de modèles, et sur la carence en synthèses, mais sous- estime peut-être l’importance des inventaires préalables ; il est vrai qu’il a donné l’exemple dans ses travaux sur les châteaux où inventaire et théorisation vont de pair. Il rompt des lances contre une tendance à trop accorder le primat aux “ élites ”, et le Bulletin monumental en prend pour son compte, qui leur donne une “ place hypertrophiée ”.

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6 Dans ce registre, nous commenterons en particuliers quatre problématiques complexes :

7 1. La querelle emporte manifestement un credo sur l’autonomie de la créativité des artisans, et sur la capacité du milieu rural à élaborer des normes et des modèles. Loin de nous l’idée de contester le pluralisme des sources de création, mais sans aller au spontanéisme : la création n’est-elle pas toujours fruit de la connaissance, soit incarnée par les savoir-faire des hommes de l’art, associés étroitement à la réalisation, soit trouvant son origine dans des sources plus relevées, savantes dans le cas des clercs, et aussi sociales, quand il s’agit des élites du pouvoir, religieux, politique ou économique ?

8 2. En outre, pourquoi systématiquement attribuer un critère de non représentativité à des bâtiments jugés aristocratiques : “ Il reste que la déception est importante puisque, pour l’essentiel, ce sont des éléments aristocratiques qui sont une nouvelle fois envisagés ” (p. 48). N’est-il pas imprudent d’introduire un tel biais, qui présage de ce que l’intensification des inventaires laissent à l’inverse entrevoir à propos de cette prétendue absence de représentativité : pour ne pas être les maisons du commun, les “ logis ruraux et hôtels ” évoqués par l’auteur paraissent tout autant évocateurs d’importantes couches des élites moyennes en milieu rural, que le sont en ville les très nombreuses maisons des XIIe-XVe s. repérées en nombre toujours croissant.

9 3. Quant à affirmer que la maison tour serait un type de programme résidentiel d’origine rurale, le débat ne nous semble pas clos ; qu’il suffise de considérer sur le temps long l’évolution des cités d’origine romaine et le devenir des monuments antiques, comme la privatisation des fortifications. Le problème est complexe et l’unité d’origine ne paraît en rien assurée. D’ailleurs, est-il opportun de séparer les créateurs vivant en milieu rural de ceux qui vivent en ville ? La perméabilité sociale n’est-elle pas grande entre les deux catégories, qui pour une grande part (tant les élites que les hommes de l’art), n’en font qu’une ?

10 4. D’ailleurs, qu’est-ce qu’une maison tour et quel programme recouvre la forme de la tour ? La réponse, à lire les monographies, n’est pas aisée. Certaines des tours évoquées paraissent peu “ habitables ”, et relèveraient plutôt de ce que Jean Mesqui appelle les tours – beffrois. Dès lors, si des tours vastes et bien aménagées en équipements domestiques peuvent se voir reconnaître sans peine une fonction résidentielle dominante, qui justifie le terme de maison tour, quelles sont au juste les fonctions des autres ? Symbole de pouvoir, sans fonction domestique ? Annexe de logis disparus (la plupart des logis évoqués près des tours sont postérieurs) ? Lieu de l’hommage féodal, comme pourrait aussi le donner à penser la présence d’une cheminée dans des tours exiguës, quand ce ne sont pas des peintures murales à connotation héraldique dans des pièces étroites (cas de Teyssieu, dans le Lot, à la frontière du Cantal) ? Il y a donc encore beaucoup à creuser à propos de ces programmes et il faut savoir gré à l’auteur d’apporter tant de matière qui permettront les conceptualisations futures.

11 Pour en finir avec les questions, quelques points précis surprennent. Ainsi est entérinée p. 108 la mauvaise restauration de la maison de Brioude, qui a créé une fenêtre géminée unique à baies hors d’échelle, quand il eût fallu restituer une paire de fenêtres géminées, et donc quatre baies. De même, la contestation réitérée de la contemporanéité des poinçons et des autres pièces de charpente (p. 140) fait l’économie des dernières analyses dendrochronologiques qui établissent l’inverse, dès le milieu du XIIIe s., par exemple à Montferrand, rue des Cordeliers (voir la publication dans le Bulletin monumental).

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12 Sur un autre registre, nous nous plaisons à souligner la vigueur de plusieurs positions :

13 1. Nous rejoignons amplement la mise en garde contre les trop rapides généralisations inspirées par un progressisme réducteur. L’étude des monuments prouve amplement que le sens du progrès n’est pas vectoriel et les considérations de l’auteur sont salutaires. Un seul exemple, sur l’emploi qui pourra paraître surprenant du verre à vitre dans un modeste logis seigneurial du XIVe s. (p. 80). Pour autant, la meilleure conservation des logis du XVe s. permet d’y bien distinguer les distributions, marquées par la multiplication des cloisonnements et l’insertion de plafonds réduisant les hauteurs des pièces.

14 2. De même approuvera-t-on le constat qu’il n’y a pas de frontière nette entre les moyens de l'architecture religieuse et ceux des constructions civiles, encore que celles- ci affirment bientôt leur autonomie dans la mise au point de baies qui leur sont adaptées ; le règne progressif de la fenêtre à croisée en est un exemple décisif, car il est propre au civil.

15 3. On appréciera encore les pages particulièrement riches d’une intelligente compréhension sur la dynamique des sites seigneuriaux, qui conduit souvent à un “ encombrement ” de l’espace, avec multiplication des logis, notamment quand les lignages aristocratiques pullulent.

16 Achevons par quelques observations sur une partie fondamentale, la documentation figurée, ici particulièrement réussie. Certes, la lecture souffre parfois de ne pas disposer des plans de ville nécessaires à la compréhension et au repérage, comme dans le cas de Brioude et surtout de Clermont, mais les contraintes de la collection sont rigoureuses. La bibliographie est bien informée, avec un oubli notable, celui du volume des Châteaux de Haute-Loire (R. Thomas, dir., Éditions Watel, 1993), qui mérite mieux qu’un silence. En revanche, les plans des édifices sont très clairs et de bonne venue ; plus, il est manifeste que l’auteur est particulièrement doué pour rendre les élévations et les coupes, toutes de sa main, traitées sans sécheresse, avec sensibilité : il donne ainsi bien à voir et à comprendre, et ce n’est pas l’un des moindres agréments de l’œuvre. Comment également ne pas souligner la qualité des photographies en noir et blanc, œuvres de l’auteur, bien supérieure à ce que la moyenne des éditions scientifiques livre actuellement : elles servent bien le propos ?

17 Puisqu’il faut conclure, rassemblons les compliments en une gerbe bien fournie : l’ouvrage restera comme un apport très précieux, en premier lieu par le souci d’exhaustivité et par la matière livrée - vaste et souvent quasiment inédite, tels ces “ logis soignés isolés ” du XVe s., attribuables à une moyenne aristocratie. Il amorce aussi bien des débats, qui feront avancer la connaissance. Surtout, il n’est que la “ partie émergée de l’iceberg ” et ne donne qu’une image partielle de l’immense travail réalisé en Auvergne par l’auteur, qui portera assurément d’autres fruits.

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Ph. HUSI (dir.), La céramique médiévale et moderne du Centre-Ouest de la France (XI-XVIIe siècles) 20e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, FÉRAC, Tours, 2003, 110 p. + un CD-ROM

Bruno Dufaÿ

1 Comment rendre une étude céramologique commode et intéressante ? En effet, bien que la céramique soit le “ pain quotidien ” des archéologues, force est de reconnaître que les ouvrages qui en traitent (au demeurant rares, si l’on excepte les pages consacrées à ce type de mobilier inclues dans la publication d’un site donné) ne présentent pas tous ces deux qualités : être le manuel de référence que l’on garde au coin de sa table ; s’élever au-dessus des planches typologiques pour apporter un véritable “ plus ” à notre connaissance du passé.

2 Or l’ouvrage publié sous la direction de Philippe Husi (Laboratoire Archéologie et Territoires, université de Tours) réunit ces qualités. Cela devrait en faire une référence en la matière. En outre, il vient combler une évidente lacune, celle des études céramologiques pour le Moyen Âge, qui peinent à se hisser au niveau de synthèse atteint pour l’Antiquité.

3 Commode à utiliser. En premier lieu, vous l’aurez autant sur un coin de votre table que sur celui de votre écran d’ordinateur. En effet, un CD-ROM est joint à l’ouvrage. Il présente les études détaillées, les catalogues typologiques, le tessonnier, les statistiques… Dans l’ouvrage imprimé se trouvent les tableaux synthétiques, les exposés méthodologiques, les conclusions véritablement historiques. Cette distinction entre analyse et synthèse, entre preuves et discours, est encore trop peu répandue pour ne pas être saluée ici. C’est pourtant une voie nécessaire, à l’heure de l’inflation des publications papier remplies de données brutes. L’informatique permet de passer tout cela sous une forme bien plus maniable, où la recherche d’une donnée ne représente pas le fastidieux feuilletage de centaines de pages.

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4 Les types de céramique sont accessibles par un moteur de recherche, par forme, type de récipient ou groupe technique, et enfin par provenance. À tout instant, ces données sont reliées, et l’on peut passer d’un type d’approche à l’autre (une exception regrettable : on ne peut accéder à la planche chrono-typologique à laquelle appartient un type de vase, si ce n’est pas de cette planche que l’on vient, par exemple si l’on vient de l’index). La présentation graphique est sobre (trop ?), sur un fond violet couleur de deuil ecclésiastique un peu présent parfois au détriment de la taille des planches de dessins (malgré un système de loupe bien pratique).

5 L’ouvrage proprement dit ne fait donc que 110 pages. Un avant-propos et une introduction (p. 9-13) présentent succinctement la méthode et les objectifs. La méthode est largement due au travaux de Philippe Husi, développée à partir d’une thèse sur la céramique médiévale de Tours soutenue en 1994 et affinée lors d’un PCR (1996-2000), dont le présent ouvrage est issu. Cette méthode est rigoureuse et permet les comparaisons, depuis les comptages jusqu’aux déterminations typologiques, car les références sont communes à tous les sites étudiés. Chaque forme identifiée se définit par ses caractéristiques morphologiques, et non par sa fonction, trop souvent subjective. Le système est ouvert, afin de toujours pouvoir intégrer de nouvelles découvertes. Un tessonnier de référence a été construit, matérialisé à Tours (LAT). Il est structuré en “ groupes techniques ” : faute de connaître dans tous les cas les ateliers de production, il s’agit de repérer une “ tradition de fabrication commune, sans pour autant confirmer une provenance commune ” (p. 12).

6 À l’origine, l’ambition était d’intégrer le haut Moyen Âge à l’étude, mais une vision plus réaliste de l’étendue du travail a restreint la fenêtre chronologique aux XIe-XVIIe s. : celle-ci permet déjà de travailler sur la longue durée, et d’aborder la période moderne, en général laissée pour compte. Le choix du début de la période est aussi pertinent : quelles que soient l’ampleur et la radicalité des “ mutations ” du XIe s., celles-ci sont indéniables, notamment dans la structure des réseaux d’échange.

7 Puis l’ouvrage est divisé en deux parties. La principale matière première de l’étude consistant en mobilier issu de longues séries stratigraphiques de cinq grandes villes du bassin de la Loire moyenne (Angers, Tours, Blois, Orléans, Poitiers), on trouvera d’abord une synthèse chrono-typologique pour chacune de ces villes (p. 15-82). Elles sont rédigées par des archéologues de l’INRAP bons connaisseurs des contextes régionaux (Viviane Aubourg, Sébastien Jesset, Didier Josset, Isabelle Moréra-Vinçotte, Brigitte Véquaud). Ce chapitre est clos par une synthèse régionale rédigée par Philippe Husi.

8 La deuxième partie forme l’apport le plus neuf de l’ouvrage (p. 83-102, en réalité présentée en deux chapitres). Si la chrono-typologie est une base de départ indispensable, et qui rendra les plus signalés services aux chercheurs, les réflexions de Philippe Husi sur les réseaux d’approvisionnement et les aires de diffusion haussent la céramique au rang de véritable source historique. Cette réflexion générale est appuyée sur un exemple détaillé consacré à l’atelier d’Amboise, où la place des analyses pétrographiques et physico-chimiques est développée (par Nadia Cantin et Nathalie Huet, du laboratoire Arc’Antique). On notera que la pertinence de celles-ci est limitée par l’homogénéité des faciès géologiques de la région considérée. C’est d’ailleurs une constante, ce qui limite grandement la portée de ces analyses, le problème s’étant par exemple posé pour le Bassin Parisien. Si l’on retrouve à Tours le “ groupe d’Amboise ”, on ne peut donc affirmer que ce centre de production y ait bénéficié d’un monopole.

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9 Au terme des études monographiques par ville, Philippe Husi a pu dégager quelques données générales, qu’il reprendra dans sa synthèse (sans toujours d’ailleurs éviter des redites). Il note, pour le Moyen Âge central, la quasi-disparition des formes ouvertes au profit des pots sans anse à lèvre en bandeau (oules), des pichets (d’abord allongés, puis plus trapus), et des cruches à bec tubulaire. Le pot à une anse (coquemar) apparaît nettement à partir des XIIe-XIIIe s., même s’il a eu des précurseurs ici et là dès le XIe s. La glaçure, verte et externe, est encore partielle. Les pichets, destinés à paraître sur la table, sont souvent décorés ; les cruches le sont aussi parfois, surtout au début de la période.

10 Il semble exister une partition est-ouest de l’aire d’étude, qui passerait entre Tours et Blois ; elle se marquera encore plus aux XIVe-XVe s. Logiquement, elle concerne les céramiques ordinaires, les productions plus raffinées paraissent dès les XI-XIIe s. plus “ transrégionales ” (p. 86). À l’ouest, des productions précocement diversifiées, réalisées avec des pâtes claires, à l’est, des productions plutôt ocres et rouges, qui trouvent leur prolongement dans des productions du sud-ouest francilien. La raison de cette différence n’est pas abordée, si ce n’est au détour d’une phrase caractérisant les argiles régionales (p. 101) : il semble que ce choix soit bien culturel et non dicté par la nature de la matière première, équivalente partout.

11 À partir du XVe s., la diversification du vaisselier, l’omniprésence de la glaçure, l’apparition du grès, traduisent autant une évolution des habitudes que des aires d’approvisionnement qui s’élargissent notablement (les contenants en grès normand et du Beauvaisis en étant la manifestation la plus évidente). Les formes ouvertes, attestées sporadiquement dès le XIIIe s., comme à Poitiers, font un retour en force à partir du XVe s. Elles sont produites dans la Sarthe, en Île-de-France ou dans le Beauvaisis : ce n’est pas un hasard si cette diffusion est plus précoce dans la partie orientale de l’aire d’étude, à Orléans et Blois.

12 La limite entre les deux pôles Angers-Tours et Orléans-Blois a tendance à s’estomper à partir du XVe s., avec l’ouverture des marchés et une généralisation des produits glaçurés, ce qui répond peut-être à des préoccupations hygiénistes (comme la vogue du grès). La tendance à la standardisation s’accroît jusqu’au XVIIe s. Il est intéressant de noter que l’arrivée dans la région des produits du nord parisien ou de Normandie se fait avec un retard de cent à cent cinquante ans sur l’émergence locale de ces fabrications. L’Île-de-France, qui voit une diffusion massive du grès dès la deuxième moitié du XIVe s., est en ce sens nettement plus “ moderne ” que les pays de Loire.

13 Poitiers, tourné vers les productions du sud-ouest de la France, se distingue à un point tel qu’on peut se demander s’il fallait le maintenir dans l’aire d’étude. D’ailleurs, les productions saintongeaises ne sont pas diffusées dans cette dernière, à l’exception de Tours qui manifeste là une certaine importance régionale. Au nord, la Normandie a toujours joué un rôle, qui deviendra évidemment très important quand les grès envahiront le marché ; à ce moment, au sud-est, émergeront aussi les zones de production du Berry et de la Puisaye.

14 L’aire d’étude ne comporte pas d’ateliers dont la production bénéficie d’une diffusion large, au-delà du niveau micro-régional. À l’inverse, et surtout à partir du bas Moyen Âge, elle reçoit de nombreuses productions réalisées dans les régions limitrophes. Pourtant, les auteurs soulignent que l’axe ligérien est important dans la structuration du commerce médiéval : mais il semble ne fonctionner que dans un seul sens. Par ailleurs, le fleuve peut être autant frontière que vecteur commercial.

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15 Cet aspect n’est pas développé, et on peut regretter plus généralement que l’analyse historique soit un peu faible, les auteurs se réfugiant fréquemment derrière un présumé “ effet de source ” et une prudence à mon sens excessive. Celle-ci interdit toute généralisation, puisque l’absence d’information ne signifie pas, théoriquement, absence réelle de l’objet d’étude. Toutefois, malgré ses lacunes (normales), le bilan présenté est suffisamment ample pour que l’on puisse oser des conclusions. En particulier, on aurait aimé une mise en relation des faciès céramiques avec les entités culturelles et politiques qui ont structuré la région. Entre Anjou et Blésois, Angleterre et France, il y avait lieu de brosser un tableau des différents territoires, et de se demander dans quelle mesure les aires d’approvisionnement manifestaient une corrélation avec ces divisions. Qu’elle soit positive ou négative, la réponse aurait été instructive.

16 Les perspectives historiques laissent donc un peu sur sa faim, il y a un décalage entre les ambitions annoncées et les résultats, qui restent assez descriptifs. Dans la conclusion de l’ouvrage, l’accent est mis sur les apports méthodologiques, qui ne sauraient en effet être sous-estimés. Ils ne contribuent pas peu au mérite d’un travail fondamental et très utile pour les chercheurs. Ceux qui travaillent sur la région y trouveront un irremplaçable outil, les autres puiseront dans la démonstration méthodologique des éléments pour mettre en œuvre leurs propres synthèses régionales.

AUTEUR

BRUNO DUFAŸ Service archéologique départemental d’Indre-et-Loire

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Livres reçus

M. Monteil, dir., Les fouilles de la ZAC des Halles à Nîmes, Nîmes, 1993 (Bulletin de l’École Antique de Nîmes, supplément n° 1) Les Annales de Normandies, 53-2, 3, 4, 2003. Les Annales de Normandies, 54-1, 2, 3, 2004. Cahiers d’Archéologie et d’Histoire du Berry, 154 (2ème trimestre 2003). ISSN 0007-9693. Cahiers d’Archéologie et d’Histoire du Berry, 155 (3ème trimestre 2003). ISSN 0007-9693. Cahiers d’Archéologie et d’histoire du Berry, 156 (4ème trimestre 2003). ISSN 0007-9693. Archéologie Médiévale, 33, 2003, ISBN 2-271-06136-9. Antiquités Nationales, 34, 2002. Bericht des Römisch-Germanischen Kommission, 83, 2002, ISBN 3-8053-3348-X. Bulletins et mémoires, 2003, 2-3-4, Société Archéologique et Historique de la Charente, 159ème année. Bulletins et mémoires, 2004, 1, Société Archéologique et Historique de la Charente, 160ème année. Bulletins et mémoires, 2004,2-3, Société Archéologique et Historique de la Charente, 160ème année. Bilan scientifique, Haute Normandie, 2000. Bilan scientifique de la région Rhône-Alpes, 2001, ISSN 1240-859-X. Bilan scientifique de la région Nord-Pas-de-Calais, 2002, ISSN 1240-8565. La vannerie dans l’Antiquité, exposition 14 mars-14 novembre 2004, Musée de Préhistoire d’Ile-de-France, Nemours, 2004, ISBN 2-913853-06-4. Bulletin du groupement archéologique de Seine-et-Marne, 43, 2002, ISBN 2-9505572-3-6. M. J. Jones, Roman Lincoln. Conquest, Colony and Capital, Gloucestershire, 2002, ISBN 0-7524-1455-0.

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