Emmanuelle Jouineau, « Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011, www.histoire-politique.fr
Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste
Emmanuelle Jouineau
Depuis près de onze ans, la Fondation Jean-Jaurès œuvre au rassemblement et à la consultation des sources sur l’histoire du mouvement socialiste en général et du parti socialiste en particulier. Elle a inauguré en 1999 le Centre d’archives socialistes (CAS), ouvert au public et animé par deux archivistes professionnels qui ont pu réunir dans des locaux agrandis en 2004, 2006 et 2010 plus d’1,2 km linéaire de fonds déposés par le parti socialiste lui-même (depuis sa refondation au congrès d’Épinay en 1971 jusqu’aux années 2000), ainsi que des papiers privés donnés par des élus, des anciens dirigeants du parti, des anciens membres de cabinets ministériels et des militants du PS. Le CAS a également constitué des collections de presse interne et de revues socialistes, de brochures, d’affiches et de tracts, des fonds photographiques et un fonds de documents audiovisuels. Mais cette action en faveur du patrimoine socialiste ne s’arrête pas là, puisque la Fondation a lancé depuis 2001 un vaste plan de numérisation sur les débats des congrès et des comités directeurs du PS de 1939 à 1997 et sur certains titres de la presse interne du PS, comme L’Unité et Le Poing et la Rose, programme qui a donné naissance à des bases de données électroniques librement accessibles sur le site Internet de la Fondation1 et qui permettent d’exploiter plus facilement et à distance ce type de sources. D’autre part, la Fondation soutient les travaux des historiens et des politistes sur le mouvement socialiste, par une activité de publication et d’organisation de séminaires et de colloques, en partenariat avec d’autres fondations et centres de recherche. Elle a également créé en 2000 le Prix de la Fondation Jean-Jaurès, qui récompense chaque année un mémoire de niveau universitaire en histoire politique, sociologie ou science politique2.
1 http://www.jean-jaures.org [lien consulté le 20 janvier = 2011]. 2 Parmi ces mémoires publiés par la Fondation, on peut notamment citer La mémoire du mitterrandisme au sein du Parti socialiste par Rémi Darfeuil (Prix 2002), Le premier communisme français (1917-1925) par Romain Ducoulombier (Prix 2003), Réviser le marxisme d’Emmanuel Jousse (Prix 2006), et Un socialiste oranais dans la guerre d'Algérie : Joseph Begarra, de Claire Marynower (Prix 2007).
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Emmanuelle Jouineau, « Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011, www.histoire-politique.fr
La Fondation Jean-Jaurès
Née de la volonté de Pierre Mauroy, ancien Premier ministre de François Mitterrand, et à l’époque premier secrétaire du parti socialiste et maire de Lille, la Fondation Jean-Jaurès (FJJ) a toujours eu comme objectif d’être un lieu d’échanges et de débats pour toutes les tendances du mouvement socialiste et de la gauche en général. De fait et statutairement, elle se place en dehors de l’« appareil » du parti socialiste. Conçue d’après le modèle des fondations politiques allemandes, comme la Friedrich Ebert Stiftung créée en 1925 par les sociaux-démocrates, la Fondation Jean-Jaurès, organiquement et financièrement indépendante du PS, accompagne les socialistes dans les combats politiques de notre époque. Le but affiché de cette fondation est de permettre le dialogue entre la sphère politique de gauche et les milieux intellectuels et d’expertise sur les grandes questions de société et de politique internationale, et d’œuvrer à la production d’idées nouvelles. La Fondation Jean-Jaurès, qui porte le nom d’un des plus illustres socialistes, se veut un outil de réflexion et d’analyse sur les changements survenus au tournant des XXe et XXIe siècles, et sur le besoin (ou pas ?) de réformes. Reconnue d’utilité publique en 1992, la FJJ a été la toute première fondation politique instituée en France. D’autres ont suivi, telle la Fondation Robert Schuman chez les centristes pro-européens, ou plus récemment la Fondation Gabriel Péri côté communiste ou la Fondation pour l’innovation politique à droite. À ce jour, la Fondation Jean-Jaurès est la seule fondation politique française à avoir créé son propre centre d’archives dédié à l’histoire et la mémoire d’une organisation militante3.
Le Centre d’archives socialistes (CAS)
Cette structure était inscrite dans les gènes de la Fondation Jean-Jaurès puisque les statuts de la Fondation en 1992 projettent la création d’un centre d’archives et de documentation dédié à l’histoire du mouvement ouvrier et socialiste. Mais un tel projet demandait avant tout de passer un accord avec le parti socialiste lui-même pour lancer les opérations de collecte d’archives produites depuis sa (re)création en juin 1971 au congrès d’Épinay4. Ce fut chose faite en juillet 1997 par une convention sur la conservation et la valorisation des archives socialistes, signée entre le PS dirigé par François Hollande, la Fondation Jean-Jaurès et l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS, créé en 1969 par Guy Mollet). Cette convention,
3 On peut cependant citer le cas de la Fondation Charles de Gaulle et de l’Institut François Mitterrand, fondations reconnues d’utilité publique, mais celles-ci produisent un travail mémoriel et de collecte d’archives sur les deux anciens chefs d’État de la Ve République et n’ont pas le statut de fondation politique. 4 Archives dont il est propriétaire, le statut des organisations militantes en France relevant du droit privé.
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Emmanuelle Jouineau, « Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011, www.histoire-politique.fr
renouvelée en mars 2006, a posé les fondements d’un véritable centre d’archives ouvert à un public de chercheurs, de militants et de citoyens intéressés par l’évolution du socialisme en France, mais ouvert aussi au monde de l’édition et de la production audiovisuelle en quête d’iconographie ou de films et sons pour des documentaires. D’abord installé en 1999 dans les bureaux de la Fondation Jean-Jaurès, à Paris au n° 12 de la cité Malesherbes – immeuble qui fut de 1937 à 1975 le siège de la SFIO puis du parti socialiste après Épinay – le CAS a rapidement connu la saturation de ses espaces de stockage et de consultation. Le hasard a voulu que des locaux plus vastes et dotés de caves étaient disponibles à quelques mètres de là, au n° 6 de la cité Malesherbes. Rénovés et équipés de salles de conservation et de lecture, ils accueillent depuis octobre 2004 le centre d’archives de la Fondation, dans le cadre d’un projet plus ambitieux d’une « maison des archives socialistes », dont le but, inspiré de la convention de 1997 et de 2006, est de réunir en un seul lieu de conservation et de consultation le patrimoine archivistique issu de la SFIO et du PS. Une nouvelle étape a été franchie dans ce sens en décembre 2006 avec le transfert de l’OURS de la rue de l’Université à la cité Malesherbes. L’OURS a confié une riche bibliothèque et de nombreux fonds d’archives et sources documentaires qui retracent plus d’un siècle de socialisme en France. Enfin, au premier semestre 2010, de nouveaux équipements pour la conservation sont aménagés pour l’accroissement des collections. Dix ans après le lancement du Centre d’archives socialistes, un premier bilan peut être établi : 1,2 km linéaire de fonds d’archives et documentaires, plusieurs centaines de séances de consultation par an5, des publications, des bases de données numériques, des partenariats par le biais du Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale (CODHOS)6 et avec différents centres de recherche…
Les fonds d’archives du parti socialiste depuis 1971
Les premiers ensembles collectés par le CAS sont venus du siège national du parti socialiste, précisément des dossiers de travail produits par les secrétariats aux Relations internationales et ceux des Élections et des Fédérations, durant les années 1970-1980. Ces morceaux de l’histoire contemporaine du parti socialiste ont permis d’amorcer très rapidement, après un inventaire sommaire, la mise en consultation auprès des chercheurs. Beaucoup des sujets de recherche pendant cette première période du CAS, du moins jusqu’en 2004-2005, ont été consacrés à la réaction du parti socialiste aux régimes militaires en Amérique latine, au Proche et
5 La création au CAS a notamment permis l’ouverture des archives post-Épinay produites au sein même du PS, ce dont plusieurs historiens et politistes spécialistes de la gauche se sont réjouis, certains se désespérant qu’elles puissent resurgir un jour et être exploitées pour la recherche en histoire politique. 6 La Fondation Jean-Jaurès est membre fondateur du CODHOS, créé en 2001 et qui rassemble aujourd’hui 36 institutions travaillant à la conservation et la communication au public d’archives, de fonds documentaires et d’ouvrages en histoire sociale : voir le site http://www.codhos.asso.fr/welcome/index.php [lien consulté le 20 janvier = 2011].
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Emmanuelle Jouineau, « Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011, www.histoire-politique.fr
Moyen-Orient. Mais les guest stars du centre d’archives sont incontestablement les fonds sur la construction européenne qui ont fait l’objet de près d’une quinzaine de mémoires universitaires en dix ans et les dossiers sur les campagnes électorales socialistes. Depuis 2003, le volume et la diversité des sources provenant directement de la direction nationale du PS ont considérablement augmenté et ont été mis à la disposition du public différents fonds d’archives produits des années 1970 aux années 2000
Parmi les plus importants :