Henri DRILLIEN (1894-1975) Notice Biographique par M. Pierre PHILIPPE

Monsieur le Président, Mes chers Confrères,

Le 17 août dernier est décédé, dans l'isolement et le silence, notre confrère Henri Drillien, ancien président de l'Académie Nationale de .

C'est un ami mais aussi une grande figure qui disparaît.

Né à Montceau-lès-Mines le 10 août 1894, après des études secondaires au Lycée Carnot à Dijon, il est admis à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts en août 1914. Mobilisé peu après, il est au front dès avril 1915, y conquiert le grade de lieutenant d'artillerie, il est blessé au mont Kemmel et se voit décerner 5 citations et la Légion d'Honneur.

La guerre terminée, il retourne à l'Ecole des Beaux-Arts - section architecture - à l'atelier d'Umbdenstock - Il est diplèmé par le Gouver­ nement en 1923. Il s'installe comme architecte à Metz, en association avec G. Tribout, en 1925. Ses réalisations de cette époque sont nombreuses : des Eglises : Audun-le-Tiche, Ste Jeanne d'Arc à Montigny, Amnéville, Henning, Boulange, , des collèges : , la Providence à , Sierck-les-Bains, Scy, l'Ecole Ste Thérèse à Metz, des H.L.M. à Metz. La guerre 1939-1945 le voit à nouveau mobilisé comme capitaine d'artillerie, en juin 1940 il est gravement blessé et subit l'amputation d'un bras dans des conditions atroces, sa conduite lui vaut deux nouvelles citations et la rosette d'officier de la Légion d'Honneur mais il est fait prisonnier. Libéré ensuite comme mutilé, avec l'interdiction de rentrer à Metz, il entre aux Chantiers de Jeunesse à Châtel-Guyon, auprès du Général de la Porte du Theil, qu'il a connu à Metz. Il a la charge de Commissaire aux Travaux pour l'ensemble des quelques soixante Chantiers de Jeunesse, répartis en pleine nature en non occupée et en Afrique du Nord, où 120.000 jeunes français vivent et travaillent.

C'est à ce titre, connaissant bien l'encadrement des Commissariats et des Groupements, qu'il est nommé membre de la Commission d'Epu­ ration du Ministère de l'Education Nationale, ministère chargé d'assurer la liquidation des Chantiers de Jeunesse, à la Libération.

Rentré à Metz dès 1945, il s'associe avec Pierre Fauque, architecte DPLG comme lui, qu'il a connu et apprécié aux Chantiers de Jeunesse, et il accepte de suite de lourdes responsabilités professionnelles et civiques :

- Architecte en Chef de la reconstruction en , - Président du Conseil de l'Ordre des Architectes d'Alsace et de Moselle, - Président de l'Office Mosellan du Bâtiment, - Président du Syndicat des Architectes de la Moselle depuis 1946, - Président d'Honneur et fondateur du SAMOS, - Conseiller municipal et premier Adjoint de la Ville de Metz.

Ceci ne l'empêche pas d'assurer de nombreuses réalisations, dont je ne peux citer que les principales ou les plus connues : - la reconstruction de et d'Ars-sur-Moselle, - l'Hôpital Saint-André à Metz avec son Ecole d'Infirmières, - les pensionnats de la Miséricorde à Metz, de , de , des Frères de Queuleu, - des groupes scolaires à Moulins-Alger, à Ars-sur-Moselle, la charmante Ecole Maternelle Sainte-Thérèse à Metz, - des églises et chapelles, - des H.L.M. : Côte des Roses à Thionville, , Saint-Eloy, - la Caisse de Crédit Agricole à Metz, - et parmi les immeubles de particuliers : celui des Syndicats Patronaux à Metz, le Républicain Lorrain à Metz, la Galerie d'Art Louyot à Metz, les immeubles du Gaz de France, de la FLUM, etc.. Une commission de l'Académie Nationale de Metz composée de MM. Rebourset, Navel et Clément présente un rapport en février 1946 sur la candidature de M. Henri Drillien à notre Compagnie. Il est admis comme membre associé-libre en avril 1946, comme membre titulaire en 1951. Il préside notre Compagnie en 1955-56 et 1956-57.

Ses titres honorifiques sont nombreux : - Président d'Honneur des officiers de réserve, des prisonniers de guerre, de la Société d'entr'aide de la Légion d'Honneur, de l'U.N.C. de Jouy-aux-Arches. Vice-Président de « Ceux de la Résistance ». A sa Croix de Guerre 1914-1918 avec 5 citations, il a ajouté celle de 1939-40 avec une citation et celle de 1939-45 avec 2 citations. - Il est Commandeur de la Légion d'Honneur, - Commandeur du Nicham Iftikar, - Médaillé de Verdun. et au titre de sa profession : - Grande médaille de l'Ordre des Architectes, - Médaille de la Société des Architectes DPLG, - Médaille d'argent de l'Education Physique et des Sports, - Médaile de la Société des Architectes de l'Est de la France. Ces titres, comme les œuvres d'Henri Drillien, font ressortir l'activité d'un homme qui se dévoue sans compter à sa profession, comme à ses amis, à sa ville, à son pays.

Pourtant ses dernières années furent attristées : il avait fait construire en 1960 une charmante maison à Jouy-aux-Arches et, depuis une dizaine d'années, s'y était retiré pour jouir d'un repos bien gagné tout en gardant des liens avec ses amis. La mort prématurée de son associé Pierre Fauque avec qui il avait une grande amitié, et dont la délicate sensibilité marqua profondément leurs œuvres communes, fut pour lui et pour tous, une grande perte. Puis la maladie vint, lui interdisant toute sortie. Enfin dans des circonstances tragiques, son épouse lui fut brutalement enlevée par un accident de route. Il n'arriva pas à surmonter ce dernier coup du destin et s'enferma dans sa solitude et son chagrin.

Il nous laisse, avec ses œuvres si nombreuses, en Moselle, le témoignage d'un esprit classique et ordonné, soucieux de donner à ceux qui utiliseront ces bâtiments tous les agréments et le confort qu'ils sont en droit d'en attendre.

Il est frappant de constater combien cet homme qui aimait tant les enfants, et qui a souffert de ne pas en avoir, a su les comprendre dans ses écoles : il n'est qu'à regarder la ravissante école maternelle SteThérèse à Metz pour le voir. C'est pourquoi lorsque les charges de la présidence de l'Académie Nationale de Metz l'amenèrent à prendre la parole lors de la séance publique en 1956, il s'adressa très vite aux jeunes lauréats de la Renaissance française, passant « de la reconstruction à la poésie ». Et c'était des poèmes d'enfants qu'il lut : « Le pinceau va, vient, Sur la toile, Un bleu Un jaune : Un arbre naît Le pinceau va, vient sur la toile »

Nous pouvons commencer à comprendre un peu la vie de cet éminent confrère ; toute donnée au service de son pays, de sa ville, de son métier, de ses amis, il sut garder et contenir une sensibilité très vive pour animer son action mais en l'assujétissant à ce qu'il considérait comme son devoir et sa mission.

Mes chers confrères, au-delà de la minute de silence, que nous allons observer à la mémoire de notre très regretté confrère, je vous demande de réfléchir à la leçon qu'il nous laisse.