Partie II. Des Paysages En Construction Dans La Région De
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Partie II. Des paysages en construction dans la région de Mananara à Madagascar Plan de la Deuxième Partie Introduction Chapitre 3. De la région à l'élément de paysage Section 1. Les paysages de la région de Mananara Section 2. Usages et pratiques dans le paysage Chapitre 4. La dynamique du paysage : comparaisons synchroniques et diachroniques Section 1. Paysage et occupation de l'espace autour de villages Section 2. Domestication des ressources et différenciation de l'espace Conclusions 102 Introduction Une étude de terrain dans la région de Mananara appuiera notre réflexion sur les rôles respectifs de la démographie et du contexte économique, social et politique dans la construction des paysages ruraux des tropiques humides. Les paysages observés dans la région sont le point de départ de notre travail. Dans un premier temps, une observation rapide nous permet de repérer quelques grands types de paysage. Dans l'arrière pays se distinguent les paysages des basses collines de ceux des montagnes ou de ceux des larges vallées alluviales et d'autres vallées importantes. Dans un deuxième temps, l'examen des paysages sera conduit à une échelle plus grande, celle du terroir. Au sein de la grande diversité de paysages, la présence de la forêt, des essarts (et de leurs jachères), des rizières de bas-fond, des rizières en terrasse et des arbres plantés seront des éléments discriminants. Nous verrons que la présence et l'étendue des différentes occupations du sol sont des indicateurs simples du paysage. Ainsi, l'évolution de l'occupation de l'espace sera choisie comme indicateur de la dynamique du paysage. L'observation des paysages montre que les arbres plantés sont très présents dans les paysages des zones les plus densément peuplées, de même que la forêt dans les paysages des zones très peu peuplées. Au contraire, des zones intermédiaires en terme de présence humaine sont totalement déboisées. Ce genre d'observations permet d'émettre des hypothèses sur les liens entre la densité de population et le couvert boisé, même s'il s'agit plutôt de faire naître des pistes de travail ultérieures. En effet, les concepts utilisés ne sont pas définis : par exemple, l'idée de zone densément peuplée résulte seulement de la vision de nombreuses habitations dans le paysage. Les constatations faites lors de la lecture des paysages amènent des questions. Certaines d'entre elles trouveront des réponses au niveau de la parcelle. Un travail d'enquêtes a permis de connaître les usages et pratiques paysannes sur les principales occupations du sol : forêt, essarts, rizicultures irriguées et arbres plantés. De plus, les pratiques de transformation de l'occupation du sol ont été examinées. La comparaison des différentes occupations du sol en terme de travail, de production, de capital ou de risque nous montre leur complémentarité. Les paysages observés aujourd'hui sont le résultat de pratiques de construction passées. Comme la lecture du paysage actuel ne permet pas de retrouver ces pratiques, une méthode a été développée pour retracer l'histoire du paysage et de sa construction. Elle consiste à retrouver par enquêtes les occupations du sol successives sur chaque parcelle du paysage et les dates de transformation. Si le principe est simple, la mise au point de la méthode s'est heurtée à de nombreuses difficultés. 103 Ce travail s'est déroulé dans trois villages choisis pour leurs différences en terme d'occupation humaine, d'enclavement et de paysages. A l'aide des enquêtes et des observations, les paysages autour des trois villages peuvent être décrits. Dans la mesure où les enquêtes ne nous informent pas sur les paysages autour des villages mais sur la contribution des villageois à ces paysages, il sera utile de tester la pertinence des enquêtes au sujet du paysage et de son histoire. La dynamique de l'occupation de l'espace retracée portera en particulier sur la forêt, les arbres plantés, l'essart et les rizicultures irriguées. Les analyses montreront des corrélations entre l'histoire du paysage et l'histoire démographique, économique ou politique. Dans l'espace aussi, des corrélations seront visibles entre la situation démographique ou économique et le paysage. Cette partie qui est entièrement consacrée au travail de terrain est divisée en deux chapitres. Le premier décrit les paysages de la région à la parcelle et le deuxième traite de la dynamique du paysage et des corrélations que son étude fait découvrir. 104 Chapitre 3. De la région à l'élément de paysage D'une vallée à l'autre, les paysages changent assez nettement. Près d'une forêt dense, on trouve des zones consacrées exclusivement à l'essartage. Plus loin, des arbres plantés et des rizières en terrasses couvrent les collines. Souvent, rizières, essarts, plantations et forêt coexistent dans le paysage. La diversité régionale que relève l'observateur le conduit à s'interroger sur les paysages. Souvent ses questions le conduisent à regarder le paysage d'un peu plus près, à l'échelle du terroir ou de l'élément. Ce sera précisément notre démarche : dans ce chapitre, nous allons décrire les paysages de la région de Mananara, à des échelles de plus en plus grande, puis nous traiterons des usages et des pratiques dans le paysage, à l'échelle du versant ou de l'élément. Notre étude de terrain portera sur une zone qui n'est qu'une partie de la sous-préfecture de Mananara-Nord et que nous appellerons "région de Mananara". Nous définissons la région de Mananara comme l'espace situé entre l'océan indien à l'est, le fleuve Mananara au nord, la rivière Sandrakatsy à l'ouest et la latitude 16°25' au sud (voir carte ci- dessous). Il ne s'agit pas d'une entité administrative mais d'une "demi-entité" physique. Les limites est, nord et ouest sont des limites naturelles et la limite arbitraire au sud divise la taille de la zone d'étude par deux par rapport au grand fleuve situé plus au sud, le fleuve Anove. La zone retenue mesure environ 28 km du nord au sud et 25 km d'est en ouest. Une zone deux fois plus grande aurait été difficilement appréhendable, car les déplacements dans la région se font à pied, sauf sur les deux limites ouest et est où se trouvent des routes carrossables (voir carte ci-dessous). 105 Océan Indien 16°10' Mananara Sahalava Mananara N Bealanana Imorona 0 5 O E Vodivohitra kilomètres Légende S Antsirabe-F. Ro1u6°t1e5' carrossable Sahave Imorona Seranambe Vahibe Rivière Antanambaobe Vohibe Sahasoa Village Fontsiarivo Mananara Ville ou gros village Antanananivo Aire Protégée Ivontaka Ivontaka Fotsialanana Inara Vongohely 16°20' Mananara Sandrakatsy Saharamy Sahasoa Manandriana Varary Sahasatrana Vahibe Sandrakatsy 16°25' Vahibe Antanambe 49°35' 49°40' 49°45' 49°50' Figure 21. Carte de la région de Mananara Section 1. Les paysages de la région de Mananara 1. Découverte des paysages à l'échelle de la région "Un tour de pays"1 nous a révélé les traits marquants des paysages. Ceux ci se différencient nettement d'est en ouest, à mesure qu'on s'éloigne de l'océan et que le relief s'accentue. L'autre trait marquant le paysage est la présence de grandes vallées, certaines larges et alluviales, d'autres encaissées, mais qui sont toutes des lieux de communication et de densités de population élevées : les villages sont nombreux et les chemins sont larges. Lors de notre survol, les grands traits des paysages de la région apparaissent. On discerne d'abord le relief et l'hydrographie. Ensuite se révèlent les couverts végétaux, l'occupation des sols, des indices pédologiques. Enfin, on découvre l'occupation humaine et les infrastructures. A l'issue d'un survol rapide, on peut déjà distinguer les paysages de la zone côtière de ceux de l'arrière pays. Dans l'arrière pays, on sépare les paysages des grandes vallées et de ceux des reliefs (voir figure ci-dessous). 1 Bonnemaire et al., 1977 106 Mananara 16°10' N 0 5 1 kilomètres O E 3 Imorona S 6 Zone littorale 1. Cordon littoral 5b 5d 2. Petites vallées alluviales 7a 1 a. Seranambe 5a 2a 16°15' 6 Seranambe b. Hoalampano Antanambaobe 6 6 c. Ivontaka 2b d. Sahasoa 5b 4a Arrière-pays 2c Ivontaka 3. Basses collines 6 4. Larges vallées alluviales 5b a. Fotsialanana Sandrakatsy Inara 6 b. Sandra1k6°a20t'sy Manandriana 5. Vallées importantes 7b 2d Sahasoa a. Fontsirarivo 5e b. Mananara 4b Varary 7b c. Sanofia 5c d. Imorona e. Sahasatrana 6. Moyennes collines 1 7. Montagnes 16°25' Vahibe a. Antevialabe b. Verezanantsoro Antanambe 49°35' 49°40' 49°45' 49°50' Figure 22. Carte des paysages de la région de Mananara a. Près de l'océan · En bordure d'océan : l'empreinte des espaces naturels Coincée entre l'océan et les proches collines, la frange côtière est le lieu des paysages de zones plates et sableuses, de marécages et de petites vallées (voir photo 1)1. En bordure d'océan se trouve le cordon littoral, qui est une bande large d'environ un kilomètre au niveau de la ville de Mananara et plus étroite au sud. Elle se rétrécit et disparaît aux endroits où les collines tombent abruptement dans l'océan, vers Ivontaka par exemple (voir photo 2), puis s'élargit vers Antanambe au sud. Cette bande de sables côtiers récents à sols peu évolués ne présente pas de relief marqué et la végétation arborée y est composée essentiellement d'arbres fruitiers (litchis, caféiers, cocotiers...). Bien que les nombreux villages soient situés très près de l'océan, ils laissent l'impression d'une côte déserte pour qui passe en bateau car des plantations de cocotiers les séparent de la plage.