e auci oiia, be d c lve "NOUS livre, août à mars ce de rédigé été de a EN..." PEU objet BIEN ETIONS origina1, tapuscrit Le dans mon travail, le rôle d'un stylo complémentaire. stylo d'un rôle le travail, mon dans jouant, et joué, qu'ayant tant en livre, présent du pages des chacune accompagne magnétique bande la De des chacun à intervenants. impartie Colloque, dernier ce moitié durant la soit été, avait qui donc, durée la à conformer me pour environ, résumé simple un actualité, y a vingt ans me paraissant être resté d'une parfaite un décidé de lire un résumé de Cerisy-la-Salle, ce texte, son contenu d'il de n’ est évidemment pas ce lieu sans un ACTION”, certain plaisir SONORE/POESIE que j'ai même “POESIE intitulé Colloque ce dans ayant 1999, presque, ou aoùt 31 au après, 24 du Bobillot, Jean-Pierre avec organisé ans vingt mais, tiroir, un dans inédit resté finalement, donc, est texte Ce période. le mème cette durant surgis dans trajectoire parallèles, moins sa ou plus courants d'autres contexte enfin situer et manifestations diverses, ou réalisations ses avec l'histoire et sources les brièvement tracer en composantes, les pour ce faire i1 me fallait en définir dans le détail de droit, revendiquer ce label d' AVANT-GARDE, et que texte ce rédigeant qui en avait été de propos tenter de prouver mon que ce public courant mouvement, pouvait, ce de le à ou tort à que part raison, ne connaîtrait ma rien, ou de que la très peu Colloque, de choses Supputant ce d’appeler a assisterait lors, SONORE. depuis convenu, POESIE est qu'il ce de donc, I955 de autour balbutiements, premiers les depuis écoulées s'étaient années vingt-cinq I98O, En sont me qui raisons des extrémis. pour in annulé inconnues, restées été, a Colloque Ce ?. AVANT-GARDES "QUELLES titre le sous -la-Salle Cerisy- à année même la de août en Prigent Christian et Lemaire cadre Gérard-Georges par le organisé Colloque d'un dans moi-même par lu être devait I1 1980. 4 mars 2000 mars 4 B.H.

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Texte rédigé pour le Colloque "QUELLES AVANT-GARDES ?" organisé par Christian Prigent et Gérard-Georges Lemaire TE e qui devait se tenir au Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle en Août 1980 et dont la programmation a TE e été annulée fin juin I980 "NOUS ETIONS BIEN PEU EN..." TE o poésie sonore I950-I980 par Bernard HEIDSIECK TOu ou

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QU’Y faire heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 4 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 5

Dada, les Futuristes, au début du nôtre, de notre XXème, par contre, le furent-ils ? A leur époque, et le sont-ils encore maintenant ? Oui, absolument! Absolument! Ils le furent et ils le restent. Qui plus est, en doublant la mise, se payant le luxe d’être - et d’avoir été - tout à la fois, précurseurs et d’avant- garde. Il ne viendrait à l’idée de personne, enfin Aloysius Bertrand, créateur du poème en prose, Charles actuellement, de qualifier Joyce d’avant-garde. Mais Nodier, pionnier du Romantisme et de la littérature fan- tous, par contre, ou peu s’en faut, de le reconnaître tastique, furent-ils, au début du XIXème siècle, considé- comme un précurseur! rés d’avant-garde? Non! Avec notre recul, les considérons Il s’est donc, d’un siècle à l’autre, passé nous comme tel ou comme l’ayant été? Non! Mais nous leur quelque chose. collons, à coup sûr, l’étiquette méritée de Précurseurs. Il se passe, aussi, sans doute, quelque chose, d’un qualificatif à l’autre. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 6 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 7

Si les prémices, au XIXème, s’y repèrent déjà, c’est vraiment le nôtre, qui a inventé l’HISTOIRE. Sans craindre d’en créer son «accélération» bien connue, et d’en prendre conscience. Un Temps précipité s’est substitué à un Temps glissant. Ce n’est énoncer là qu’une évidence-serpillière! Mais chacun, néanmoins, intimement de la vivre dans la moindre de ses cellules. Tant physiquement que mentale- ment. Chacun cloué au centre de réalités mutantes, à en perdre le souffle! Emporté dans ce train dingue où - c’est le problème de l’oeuf et de la poule - l’on ne sait plus qui est le moteur de qui. Et alors, pris dans ce tour- billon, de scruter le passé, pour comprendre le présent, et de fouiller celui-çi pour y lire l’avenir. Alors de se côtoyer, de s’entremêler une soif folle de comprendre, braquée sur le passé, à la recherche de repères, points- d’appui, éclaircissements, tous passés à la loupe…, et la vitesse acquise d’une dynamique futuriste, mue par une volonté constante de démarquage et d’innovation. QUI bat

QU’IM porte

QU’Y faire

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QUI bat heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 8 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 9

Ecartelé au noeud de ces trajectoires opposées, et les vivres simultanément l’une et l’autre, c’est aller chercher dans la première ce qui mène à la seconde, ce qui l’éclaire et la justifie. C’est inventer donc les avants-gardes! Et les dénicher frénétiquement dans le passé pour expliquer le présent, cela conduit, par voie de conséquence, à les traquer fébrilement dans le présent pour prévoir l’avenir. Car enfin doivent bien s’y trouver - le pensons-nous C’est tenter de traverser le miroir, à tout instant, - s’y incruster les prémices de ce pré-moyen-âge que nous et dans tous les sens. traversons. Une mutation des valeurs s’y opère. D’autres ancrages se cherchent tandisque surgit, tâtonnante, une Le nôtre. sensibilité autre. La tentation nous est grande, donc, de coller un label d’avant-garde, à juste titre, à tout ce qui a pu contribuer à mettre à bas les valeurs du passé dont nous n’avons plus que faire, à ce qui dans le passé, passé récent, a précisément contribué à façonner notre sensibilité présente. Il y va là d’une simple reconnais- sance élémentaire!

Mais la tentation nous sera grande, également, par voie d’assimilation, de qualifier d’avant-garde, ce qui, sous nos yeux, présentement, tend à adopter un mode de faire semblable. Mais n’est-ce pas là, de notre part une extrapolation abusive, faute et pour cause de détenir la caution du futur. Lui seul pouvant détenir la clef d’une reconnaissance à ce titre. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 10 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 11

Ceci résulte de la connotation qu’a acquise le terme même «avant-garde» sous le poids de 60 années de recherches constantes, frénétiques, tumultueuses et préci- pitées, au diapason donc d’une Histoire surchauffée, de 60 ans de sabrages et de remises en cause. Aussi, dans sa définition actuelle, l’aspect «laboratoire» l’emporte-t-il sur sa vocation ou sa volonté d’être prémonitoire.L’«expé- rimental» devient une fin en soi, au risque, à la limite, de se déconnecter du monde. Au risque de voir se substi- tuer à une recherche appliquée et provocatrice, une recherche pure et préoccupée d’elle seule.

Narcissique à s’en mordre la queue - l’ «expérimen- tal» ayant bon dos, n’est-ce pas ? - A s’en… par plaisir, et processus logique aussi… coincer dans un cul-de-sac d’incommunicabilité.

Ce fut son risque. Ce l’est encore. L’AVANT-GARDE l’a pleinement vécu. Ne cesse de le vivre un peu plus chaque jour. L’incommunicabilité pour l’incommunicabilité dans les derniers replis jouissifs du laboratoire! Ah.

Alors d’en oublier, toute centrée nombrilistiquement sur elle-même, son rôle de défrichement. Sa vocation d’ou- verture. Sa nécessité de provocation et d’éveil. Ses pétards successifs, de plus en plus mouillés, sombrant dans une lassitude hébétée, générale, lasse et fatiguée. L’inflation - économique ou culturelle - provoque à la longue les mêmes effets: sourires complices ou de commisé- ration, indifférence et déconnection.

Et l’idée d’avant-garde de se résumer, alors dans cette image obscure d’elle-même!

Alors qu’après tout, le recul seul de l’histoire per- met de dénicher quels furent, dans le passé, les réels sédiments prémonitoires qui, venus postérieurement à matu- rité, peuvent revendiquer ce label, gorgé de sang et de luttes, cette étiquette d’avant-garde. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 12 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 13

Une assimilation raccourcie, bien trop rapide, nous conduit trop souvent, présentement, à considérer comme d’avant-garde, certains prémices, certaines recherches, en raison de leur parenté apparente, formelle ou intention- nelle, avec ce que nous avons, à coup sûr maintenant, convenu, relevant du passé, d’appeler AVANT-GARDE. Or, or, quelle sera la sensibilité future! Qu’en savons-nous ? Celle-ci cautionnera-t-elle nos choix ? Peut-être sera-t- elle par la loi naturelle des contrastes et saturations, dans 50 ans, totalement différente de la nôtre ?

Ne viendra-t-elle pas découvrir dans notre époque les signes et germes avant-coureurs de sa propre sensibilité et de son épanouissement, ceux-çi ignorés de nous, quelque soit notre souhait de lucidité maximum, et ceux-là mêmes que nous croyons présentement relever de l’avant-garde disparaissant et sombrant faute d’une adéquation et d’un répondant dans le futur ?

Tout ceci pour dire, en définitive, et avant d’en venir plus précisément à notre propos; - que le terme avant-garde - en tout état de cause - est un terme «piège», un vecteur que le temps peut certes consacrer, mais qui peut se révéler fugace aussi, avant- coureur, en somme, de rien! - que toute avant-garde, certes, se définit par son esprit de recherche et sa volonté novatrice, - par un démarquage volontaire - dans cette phase même créatrice - sinon radical, donc, à l’égard de son environ- nement social, intellectuel, affectif, qui lui confère un tonus de tête chercheuse, aventureuse, provocatrice, heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 14 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 15

perforante et perturbatrice, jusqu’à la gratuité parfois, mais alors dans un pur souci d’éveil, - que cet esprit, en quelque sorte frondeur, dans sa volonté novatrice et ses attitudes de provocation voulue lui confère une sorte de sociabilité à rebours, en ce sens que le fait de se gargariser d’être «en avant», implique l’existence d’une masse «arrière», titillée ou caressée, heurtée ou charmée, mais en tout état de cause sollicitée, - que l’esprit de «groupe», de «mouvement»,lui est impli- cite, -mais que le recul seul du temps peut en consacrer le terme, - ce qui implique qu’un novateur puisse dans l’instant être considéré d’avant-garde, mais ne plus l’être par la suite, faute d’une résonance, dans le future, pour ses trouvailles, - qu’inversement le futur consacre d’avant-garde, en rai- son d’une préscience qui ne fut néanmoins pas perçue comme telle lors de sa gestation même, - qu’un créateur isolé, isolé de tout avant-gardisme, puisse se révéler par la suite un précurseur, auquel ne sera cependant jamais accolé le terme d’avant-gardiste, en Tout cela donc pour dire que le terme «avant-garde raison de son isolement individualiste. signifie: tout et rien. et que de génération en génération il en sera de même. Qu’il a une résonance de carburation. Mais que celle-çi peut tourner à vide aussi! heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 16 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 17

Qu’est-ce que l’avant-garde ? C’est là une question oiseuse que se posait déjà l’avant-garde du début du siècle, ( à qui certes peut s’appliquer ce terme), et qui le revendiquait à l’époque, mais qui néanmoins répondait déjà sous la plume de Pierre Albert-Birot dans le numéro 47/48 de SIC en 1919 à cette question de la façon suivan- te: «En ce moment tout le monde fait partie de «l’avant- garde», et faire partie de «l’avant-garde», qu’est-ce autre chose en réalité que d’avoir du génie. Hélas, où commence «l’avant-garde», où finit-elle. Baste. Qu’importe, travaillons et laissons là «l’avant-garde», cette métapho- re empruntée au langage guerrier, elle n’a plus cours.» Elle a toujours cours et l’histoire a consacré la revue SIC comme une revue d’avant-garde de première impor- tance, avant-même DADA. Que la désinvolture Albert-Birot à l’égard de ce terme, nous serve d’exemple, lui qui, tout à l’enthousias- me de son oeuvre, s’en remettait en quelque sorte au Temps pour trancher.

Et reconnaissait, d’ores et déjà, dans l’immédiat, que ce terme s’affublait aisément, trop aisément, d’une image de marque impossible. Impossible à définir. Impossible de prétentions! heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 18 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 19

Alors, face à cette nébuleuse, qu’en est-il de la POESIE SONORE ? Revendique-t-elle ou non cette étiquette ? Le peut- elle, ou non ? Eh bien! Or donc! Elle existe, existe, un peu plus chaque jour… or… or… nous étions bien peu en… en… !!

Avant d’en tracer rapidement l’historique - puisque trente années d’existence le lui permettent - avant d’en examiner successivement, le POURQUOI, le COMMENT, et ses relations de cousinage avec des mouvements parallèles, avant de reconnaître, en dépit de ce qui précède, l’évi- La poésie sonore, ce n’est pas une école, mais c’est dence de son avant-gardisme à l’égard de larges pans de la plus qu’un mouvement. Sans pape ni apôtres, sans chef ni poésie ou de la musique actuelles, avant de tenter de per- disciples elles se distingue à ce titre de la franc-maçon- cevoir ses perspectives présentes et potentielles, il me nerie surréaliste. Disponible et transcendant toutes paraît indispensable, au préalable, et une bonne fois pour limites, elle s’enorgueillit de ses facultés d’ouvertures, toutes, d’en bien préciser - et à la limite, rectifier - donc d’accueil. Elle n’en reste pas moins à la poursuite les sources. constante, encore maintenant, de sa définition même, ses protagonistes s’étant vu coiffés, après tout, et après coup, malgré eux, de l’extérieur - mais d’où ? - de cette appellation générale, POESIE SONORE, LAUTGEDICHTE, SOUND POETRY, POESIA SONORA etc… qui a, sans coup férir, inter- nationalement englobé, ipso facto, les dénominations qu’utilisait chacun des ses promoteurs isolés, telles que: Crirythmes, Audiopoèmes, Verbophonie, Poésie Phonétique, Text-Sound, Poésie Publique, Poèmes - Partitions etc… que chaque poète/chercheur s’était ainsi créé à son usage. C’est ce phénomène même, qui faute de pouvoir la réduire à une école, en fait plus qu’un mouvement. Je tenterai, plus loin, d’en dire le pourquoi. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 20 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 21

La poésie sonore ne s’est extraite ni du Futurisme, ni de Dada. Elle y a par contre avec délices, retrouvé une connivence de pensée, de recherches et d’action. Elle a de ce fait, et cela de concert avec d’autres courants qui lui sont parallèles, consacré leur avant-gardisme. Ils avaient certes, à leur époque, conscience de l’être. Ils leur man- quait la caution du Temps. Par affinité, elle la leur a fournie. A 50 ans de distance. Le Surréalisme les avait étouffés. Elle les a réscucités. Comme l’on salut un parent très cher et admiré. Où l’on reconnaît son sang, où l’on retrouve une parenté de cellules. Leur conférant ainsi, à tout coup, de droit, mais a posteriori, ce label «d’avant-garde» qu’ils revendiquaient déjà, d’instinct.

Mais comprenons nous bien! Ce ne furent là que des retrouvailles! Rien de plus! Je l’affirme! D’autant plus joyeuses et chaudes qu’elles étaient inattendues! Car enfin, si études, recherches, exagèses, livres et docu- ments, expositions, souvenirs et analyses sur cette pério- de abondent maintenant, ne cessent de se multiplier, si les manifestes, poèmes, revues et textes fondamentaux de ces mouvements font maintenant l’objet de rééditions suc- cessives, nombreuses et fascinantes, et si l’on va donc, à l’heure actuelle, de découverte en découverte, et de ce fait même, d’émerveillement en émerveillement, il faut être bien conscient, que dans les années 50, la situation n’était pas la même. Que tout cela était pratiquement inaccessible - en aurait-on même eu à l’époque connaissan- ce - et relevait du mythe ou d’étranges nébuleuses pres- senties. On en conclura que ne peuvent être niées la force, la fatalité de courrants irréductibles et souter- rains. Au point, on pourrait y parvenir, d’affirmer que le hasard n’existe pas ! Cette rencontre à distance, une fois de plus, confortant ce constat! Sans doute! Sans doute! Il n’en reste pas moins que dans cette décade des années 50, il n’en reste pas moins, qu’à cette date, tout cela, tout ce qui concernait cette ébullition du début du siècle, n’était pas connu, diffusé, digé- heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 22 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 23

ré. Que tout cela n’était pensé, perçu, que de façon inconsciente et diffuse, que comme une potentialité du passé ayant pu exister, n’ayant pas même pû ne pas exis- ter, ne pas être, si fort était ce désir d’une parenté passée! A retrouver! Peut-on, en effet, prétendre, sans ridicule, être le premier ? Tout se qui se tramait, se cherchait, se forgeait, dans les années 50, nous le sen- tions, nous le savions, ne pouvait pas ne pas se raccro- cher à quelque chose qui devait avoir été, qui devait Que Dada ait par contre, après coup influencé un nous faire un signe et nous faire un clin d’oeil, à titre certain nombre de poètes sonores, c’est possible, sinon tout à la fois de reconnaissance et d’encouragement. Ce certain. A la longue et dans le contexte que je viens de début de siècle fut donc pour nous une redécouverte. définir. Directement ou indirectement. Mais enfin Dada se Moins qu’un miroir. Mais bien plus qu’une simple référen- retrouve depuis un bon nombre d’années dans beaucoup ce culturelle. d’autres choses! Autant que le Zen, l’esprit Dada a tra- versé Fluxus. Quant au courant phonétique de la poésie sonore, la filiation directe ou à rebours parait indubi- table. Le Lettrisme, quant à lui, à partir de 1947, n’a pas craint d’en théoriser et systématiser - sans le reconnaître, du reste - les pratiques. La poésie Concrète, à base typographique, surgie, concordance étrange là aussi et fortuite, à la même date que la poé- sie sonore, mais sur un plan visuel, lui est certainement redevable aussi. Encore que non exclusivement. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 24 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 25

En réalité, connivences et rapprochements avec Dada doivent être plaçés surtout sur un plan formel. Au niveau d’une volonté commune et retrouvée de sortir le texte du livre, de la page, de le vivre, de le pratiquer en public d’une façon radicalement a-littéraire. Mais ceci étant admis, il faut reconnaître aussi que l’état d’esprit, l’environnement politique et social de 1917, comme celui dans lequel baignaient Marinetti et le Futurisme, ne s’apparentaient en rien avec le climat des années 50 et 60. L’esprit provocateur de Dada, incendiaire, sa volonté délibérée de faire table rase de tout, nous n’en avions, à cette date que faire. Si par exemple - et c’est une de mes pratiques fréquentes depuis plus de vingt ans - nous juxtaposons plusieurs textes ensemble dans la même oeuvre - ce qui correspond en gros à la pratique des lectures simultanées du Cabaret Voltaire, - ce n’est pas pour affirmer que tout se vaut, ou ne vaut rien, ou s’annule, persifler l’esprit rationnel ou de logique, mais c’est par volonté de cerner de plus près, d’encore plus près, nos mécanismes mentaux et notre environnement quotidien. En tout cas de le tenter. Si nous réutilisons donc là certaines pratiques ou méthodes de Dada, à distance, on comprendra que c’est dans un tout autre esprit et avec des objectifs bien différents. Lucidement conscients de beaucoup plus participer au moyen-âge d’un nouveau cycle, 50 années se sont passées depuis l’aventure où toutes les recherches sont possibles, technologiques Dadaiste. Nous sommes peut-être à la fois plus modestes comprises, qu’à la fin d’un monde à raser par tous les et plus ambitieux! Cela de nous conduire à être plus moyens. tendres qu’agressifs. A être différemment lucides. Et si nos moyens d’approches ou d’investigations semblent s’ap- parenter, reconnaissons, reconnaissez, please!, que leur volonté sous-jacente diffère! «Vous êtes tous des cons» hurlait à son public Dada sur scène. Plus modestement nous lui chuchotons «Nous sommes tous dans le même bain, quant à moi, voici ma thérapeutique, puisse-t-elle vous être de quelque usage»!

En fin de compte, si en apparence nos modes de faire paraissent devoir nous rapprocher, ce qui explique notre sensibilité si vive, écorchée de tendresse, d’inté- rêt et d’émotion à l’égard de ces explosions du début du siècle, on ne dira jamais assez à quel point ce n’est là - cependant - ce ne fut là que la redécouverte par nous en somme d’un parent, plus ou moins éloigné, mais fich- trement bouleversant en dépit de son regard sur le monde tout autre. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 26 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 27

La poésie sonore ne s’est pas plus extraite de Dada qu’elle n’est sortie du Lettrisme. Ce dernier, certes, l’a précédée dans le temps. Et «L’INTRODUCTION A UNE NOU- VELLE POESIE ET A UNE NOUVELLE MUSIQUE» de Isodore Isou, fut publiée chez Gallimard en 1947.Sa connaissance, en ce qui le concerne, incontestée, de Dada, semble, en dépit d’une intuition fulgurante de départ, ne serait-ce que celle d’avoir tout de suite compris l’importance de ce mouvement, et supputé celle qu’il allait acquérir par la suite, semble l’avoir enfermé dans une pratique stricte- ment néo-dadaiste. Alors que la logique d’une telle redé- couverte eut dû, d’emblée, le conduire à hisser le poème hors du livre au lieu de s’y enfoncer davantage, en inventant d’illisibles nouvelles lettres et nouveaux signes. Morts, sitôt nés, en dépit ou à cause de sa fas- cination du papier et de la chose imprimée. Faute donc boule BANG d’avoir réellement saisi les prolongements potentiels et bille bulle actualisables de Dada, Isou enragera - parfois à juste bulle BANG titre - de constater que le pot aux roses a été découvert bille boule et ses sources, non avouées, dénichées. bille BANG balle bonds Ainsi est-il ignoré de bien des tenants de la poésie bonds BANG phonétique, ou de musiciens bien proches de celle-çi, - bulle bat peut-être abusivement parfois, peut-être… mais est-ce même certain ? - qui actuellement, se raccrochent bien plus à la poésie Concrète sur laquelle je m’étendrai ultérieurement, et qui pardessus sa tête ignorée adres- sent leur salut de reconnaissance bien loin, là-bas, à Dada directement. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 28 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 29

bluff BASE boue bagne boue BASE De même, depuis 1947, lettres, signes, calligraphies bal bloc ont proliféré de par le monde, dans la peinture, sans se bloc BASE référer pour autant au Lettrisme. Là aussi, sans doute, boue bal parfois in justement.

Il n’en reste pas moins que la structure du Groupe et son comportement d’ensemble, créé et vécu à l’image désuète - et comme sa répétition recherchée - de feu le Surréalisme - Pape et totalitarisme compris - revendica- tions abusives, répétées, gratuites et risibles, et chape- lets d’injures outrancières, ont eu de quoi désarmer les meilleures volontés. Il n’y a pas donc lieu de s’étonner.

Le Lettrisme, enfin, n’a pas compris qu'avec le magnétophone était né un nouveau stylo, une nouvelle machine à écrire, et qu’avec la bande magnétique, ce nou- veau médium, pouvait et allait s’opérer un renversement à 180 degrés du texte, cela quant à sa facture et quant à sa transmission. Or ce fut là le tremplin de départ de la Poésie Sonore. L’outil commun à partir duquel se sont développés ses courants multiples. C’est donc peu dire que ses soucis propres l’on conduite bien loin des «trou- vailles» du Lettrisme. Justifiant par là en quelque sorte, plus que son désintérêt, son ignorance de ce mou- vement. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 30 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 31

Nous y voici donc, enfin! (Je ponctuerai cet exposé sur la poésie sonore, comme je l’ai déjà commencé; par des extraits de mon poème-partition A, de 1958, - l’un de mes premiers poèmes «Nous étions donc bien peu en …», …en… disons 1955. sonores, donc - qui s’est voulu la transcription sur Il y a donc 25 ans. La poesie sonore est en effet née papier - en vue d’une relecture orale - de la panoplie autour de cette date, à , autour, donc, aussi, du complète des rythmes cardiaques - anomalies comprises - magnétophone, inventé peu de temps auparavant, encore trouvés sur un disque médical sorti à cette époque. Ceci rudimentaire, certes, mais devenu financièrement acces- en guise de «portage», dans le sens financier du terme. sible. Noblesse oblige!) L’apport de ce nouvel outil de travail fut immédiate- ment multiple:

- le poème - difficultueusement ou violemment - cher- chait à s’extraire du papier, à se projeter hors de la page: la bande magnétique est donc arrivée à point nommé pour le recueillir, en guise de support d’enregistrement et de retransmission.

- le poème, tout à ses occupations centripètes, se triturait nombrilistiquement en tous sens: le magnétophone va renforcer ces possibilités, flatter ces tendances en lui fournissant triturages et manipulations au niveau du studio et de la bande, mais renversement radical, de façon centrifuge cette fois, en l’oxygénant et le rebranchant sur le monde.

- le poème voulait se faire entendre, recouvrer son oralité perdue: le magnétophone révélera au poète, sa voix: la conséquence immédiate en sera l’instauration de nouveaux rapports avec le texte, quant à sa construction, quant à sa conception, quant à sa retransmission publique, heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 32 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 33

…«pour un poème donc, debout dressé les pieds sur la page, « une page: tremplin pour sa quête d’oxygène, «projeté aussi, mobile, errant, à l’affût à l’assaut des corps, «rôles renversés, sa chrysalide rompue. «pour une action immédiate et physique du poème, avec brû- «lures d’acide sur plaques de cuivre ou de marbre et de chair, «le désir, aussi, surtout, de s’y blottir, glisser, «Bien peu donc en …» coller, «plaquer. …en un moment - les années 50! - où le poème se gargarisait encore de Résistance, ou s’essoufflait à se «surréaliser» encore, ou sombrait dans une infla- «Contre une poésie point de mire, un poème toute tion d’images, ou comme une taupe cherchait à se ter- ten- rer dans les ultimes replis du papier, rêvant dans sa «sion dans son rôle de stupéfiant. coquetterie de le laisser blanc! Ce jeu de cache-cache a eu raison du lecteur le plus attentionné. L’ennui suintait. Gutemberg rendait, l’âme. Un cycle avait vécu. Parvenu à l’extrémité de ses limites. Semblait- (Ceci est un extrait d’une page manifeste de MAI il. 1961 écrite à propos de mon poème-partition D3Z pour l’exposition des 7 Métasignes de Jean Degottex à la Et de se succéder articles et enquêtes pour pleu- Galerie Internationale d’Art Contemporain.) rer l’absence totale de lecteurs de poésie.

La bombe Artaud, au même moment, aura été l’ex- pression même de ce déchirement charnière, qui s’est résumé dans un cri de rage et d’asphyxie, à la fron- tière de l’écrit et de l’oralité.

«Bien peu donc…» heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 34 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 35

Brion Cysin, un peu plus tard, en 1959, dans sa chambre du fameux Beat Hotel, enregistrait ses premières «permutations» et inoculait à William Burroughs, son voi- sin de chambre, sa trouvaille, le virus du cut-up. Une …Bien peu… OUI! réflexion très simple l’y avait conduit: «L’écriture a 50 François Dufrêne, tout d’abord, qui, scissioniste du ans de retard sur la peinture». N’était-il pas temps en Mouvement Lettriste dont il avait perçu le paradoxal cul- effet de s’en préoccuper ? Mais les années qui ont suivi de-sac, créait, en 1953, ce qu’il a appelé L’Ultra- ont montré que de s’attaquer au mot et que le promouvoir Lettrisme, et commençait à projeter, hurler ses «cri- dans l’espace - quitte à lui faire subir quelques rythmes» au-delà donc de la lettre, du phonème et du secousses, parfois, bien sûr - ne sont pas choses évi- papier. N’hésitant pas, le premier, dès cette date, à dentes dans un pays - est-ce son origine partiellement utiliser pour ce faire, un magnétophone. latine ? - fasciné par la chose écrite et la fixité de l’imprimé. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 36 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 37

Henri Chopin, à la même date, réalisait ses premiers enregistrements d’audio-poèmes. Il publiait à l’époque sa revue «Cinquième Saison» et rêvait déjà de lui substituer une revue-disque. Il lui faudra, en fait, attendre encore 5 ans pour que se réalise ce voeu et que sorte le premier numéro de sa revue OU avec un disque. 9 autres disques suivront, faisant de notre éditeur à tous et le point central promotionnel de la poésie sonore inter- national. Cela lui aura valu - portant à bout de bras, des années durant, cette revue fameuse devenue introuvable - certes bien des coups sur la tête, mais le droit nor- mal, aussi, de faire paraître tout récemment, chez Jean Michel Place un volumineux livre/bilan: «La Poésie Sonore Internationale». En guise d’hommage à OU et ses dix disques, je cite- rai, ici, les noms des divers participants enregistrés: boule BANG bille bulle - No 21 Henri Chopin, ,Bernard Heidsieck bonds BANG - No 23/24 Henri Chopin, François Dufrêne, Bernard bulle bat Heidsieck, Mimmo Rotella - No 26/27 Henri Chopin, Raoul Haussmann, Bernard Heidsieick - No 28/29 Henri Chopin, François Dufrêne, Paul de Vree - No 30/31 Henri Chopin - No 33 Henri Chopin, François Dufrêne, Bernard Heidsieck, Gil J. Wolman - No 34/35 Henri Chopin, Bob Cobbing, François Dufrêne - No 36/37 Henri Chopin, Sten Hanson, Ladislav Novak - No 40/41 William Burroughs, Henri Chopin, Brion Gysin, Bernard Heidsieck, J.A Da Silva - No 42/43/44 Charles Amirkhanian, William Burroughs, Ake Hodell, Henri Chopin, Ladislav Novak

Si le nom de Burroughs figure dans cette liste, sa «Révolution Electronique» seule le justifierait déjà, qui fut du reste, éditée pour la première fois, précisément par Henri Chopin. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 38 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 39

Moi-même, enfin. La sortie d’une petit recueil «Sitôt dit», en 1955, chez Seghers, m’a immédiatement convaincu: - de l’asphyxiant aspect «club fermé» de la poésie, exclusivement écrite et lue pour et par les seuls poètes entre eux, - de cul-de-sac formel de la poésie, à cette date, parve- nue au stade logique, ultime de la page blanche, - de la nécessité donc d’en renverser l’ordre des fac- teurs, de l’urgent besoin de sortir le poème de sa passi- vité et de le rendre «actif», de lui faire faire sa ren- Cette prise de conscience - et cette décision - se trée dans le monde en exigeant de lui qu’il puisse être sont, pour moi, trouvées comme renforcées à la même date écouté/entendu, et non plus seulement lu, de lui faire et durant les quelques années qui suivirent de façon évi- assumer, enfin, à nouveau, les risques directs de la com- dente: munication, instantanée, physique, aléatoire. - par le génie narratif de feu le peintre Thanos Tsingos, père du TACHISME, ami très cher, dont les récits parfois partiellement insaisissables, transgressaient les langues et ne m’en paraissaient pas moins, en dépit ou à cause même de cela, le type même d’une poésie «autre», pos- sible, sinon souhaitable (C’est en fait le phénomène même du jazz - et au-delà même du «scatt» - de la Pop ou du Rock, dont la magie opère sur un public qui à 90% n’en comprend cependant pas la langue, - et sans doute le latin a-t-il joué un rôle semblable dans l’Eglise, autrefois)

- renforcée aussi durant ces années de démarrage par les premiers Concerts du Domaine Musical - et nous n’étions guère plus d’une centaine, compressés, au Petit Marigny, pour littéralement pomper la révolution musicale qui s’y faisait entendre: une musique tout autre, enfin, insoup- çonnée, s’y donnait (grâce à Boulez): la musique Viennoise, certes, Schöenberg, Berg, Webern, mais surtout celle des gamins de l’époque qu’étaient Stockhausen, Nono, Bério, Boulez, celle de leur Maitre Messiaen, et par dessus tout - bombes incroyables - celle de Varèse et de Cage. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 40 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 41

C’est donc à partir de 1955 que j’ai commencé ma série de Poèmes-Partitions. Cette appellation signifiait que la page se trouvait pour moi désormais réduite à un rôle de tremplin, où s’inscrivait le texte à l’image d’une partition. Je commençais donc à m’accoutumer à les «lire» à des cercles restreints. 4 années plus tard, en 1959, l’acquisition enfin d’un magnétophone m’a conduit tout d’abord à les enregistrer, simplement, puis deux ans plus tard à travailler sur la bande en y pratiquant cou- pures, mixages, comme le faisait au même instant, diffé- remment, et sans que nous nous connaissions encore, Brion Gysin avec ses Permutations et Cut-Ups.

Si une révolution aussi radicale était entrain de s’opérer dans la musique, il m’apparaissait comme d’une nécessité hurlante qu’il en soit de même dans la poésie. Chacun des concerts me renforçait dans cette idée, me criait que la poésie méritait mieux que ces états de lan- gueur où elle végétait, que tout était enfin possible et permis, restait à inventer, était ouvert, et qu’à l’image de la musique il lui fallait recouvrer ses coordonnées de base, l’espace et la durée… avec le risque en prime. Mais que de ce bouche à bouche resurgiraient, à coup sûr, énergie et vie. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 42 heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 43

Dufrên, Chopin, Gysin et moi-même vivions en effet tous les quatre à Paris sans nous connaître. Chacun tra- vaillait isolément. Il n’était donc nullement question d’avant-garde. Chacun, de façon parallèle, chacun au magnétophone, faisait un travail de recherche, mais qui, passion incluse, se savait foncièrement voué à dépasser le stade expérimental du laboratoire. O combien! Nous nous sentions forts de cette certitude!

Nos rencontres successives à tous quatre s’opérèrent enfin entre 1951 et 1963. 10 ans déjà s’étaient écoulés depuis les premiers Cri-rythmes de Dufrêne! Elles fourni- rent à Henri Chopin et le déclic et la matière première et le courage pour publier un an plus tard, en 1964, le premier numéro de sa revue OU avec un disque. Ainsi s’ou- Depuis ces premiers balbutiements parisiens d’il y a vrait un nouveau cycle dont nous pouvions, quelque soit plus de 25 ans, la poésie sonore - qui ne s’intitulait notre enthousiasme de l’époque, soupçonner les futures pas encore ainsi - a fortement évoluée. Chez chacun retombées, suite et répercussions. Nous n’y songions qu’à d’entre nous, bien sûr, mais de façon globale. Elle s’est peine, en tout cas, tout à notre ardeur et joie de l’ins- tout d’abord largement internationalisée. Mais elle s’est tant, lorsque nous aidâmes Henri Chopin, des heures aussi abondamment diversifiée au sein de pratiques et tra- durant, dans la Galerie Riquelme, disparue depuis, rue de jectoires différentes, sinon même parfois opposées. l’Echaudé, à coller des languettes de liège destinées à Devenue pôle d’accueil - attrape-mouches, diront certains l’emboitage dans la revue de ce fameux premier disque! - sa toile - la fascination technologique aidant - ne cesse de s’étendre. Ayant inoculé aussi, à la Poésie, de Doivent être mentionnés dans cette décade qui a pré- façon générale, l’envie de sortir de l’ombre. cédé 1960: Paul de Vree en Belgique et Hans G. Helms en RFA. heidsieck 140*225 9/09/03 17:02 Page 44 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 45

- tout d’abord, fait capital, Fylkingen a localement provoqué un certain nombre de poètes traditionnels sué- dois, les incitant, en leur ouvrant des studios de tra- vail, à créer des textes sonores: il y avait certes là de l’électro-choc dans l’air, mais si l’expérience s’est révélé sans suite pour certains, ce fut une illumination pour d’autres, - autre conséquence majeure: pour la première fois - ou presque - des poètes - de différentes nationalités - se sont trouvés extraits de leur isolement, réunis durant plusieurs jours avec la possibilité et de confronter publiquement leurs travaux (au Moderna Museet notamment) et de réaliser une oeuvre dans les studios de la Radio, puis ultérieurement dans ceux de Fylkingen, mis à leur disposition: généreuse provocation, riche de mille ensei- gnements pour chacun, de telles facilités, pour la plu- part d’entre nous, s’avérant à l’époque - et comme main- tenant encore - impraticables. - venus donc d’horizons variables, réunis ainsi pour quelques heures ou quelques jours, il ne pouvait pas - dans ces confrontations de positions, techniques, rêves, travaux et projets - ne pas jaillir de ces rencontres périodiques, une prise de conscience commune, en dépit des différences, axée autour d’un même objectif: la pro- motion - par la force des choses - de cette appellation POESIE SONORE, ceci n’excluant pas, à son propos, une suite de questions passionnées et nécessaires: qu’est- elle?, où commence-t-elle?, où finit-elle. Quels en sont, La Suède a largement contribué à cette diffusion. quels doivent en être les supports, les fondements, les Bengt Emil Johnson, poète/musicien suédois très actif, limites, comment départager les vrais, des faux-amis? venu à Paris au milieu des années 60 s’est intéressé à Qu’est-ce qui la définit, enfin? Toutes ces questions, notre travail. De retour dans son pays, il a convaincu la capitales ou non, ne cessant, à chaque rencontre, d’être Svediges Radio et l’organisme Fylkingen dont la vocation posées, reposées, était de promouvoir la liaison de l’Art et de la - Fylkingen, enfin, a édité, à l’occasion de ses Technologie et qui à ce titre se trouvait concernée par différents Festivals 10 disques. Les poètes et musiciens les premiers pas de la musique électronique, d’organiser qui sont passés par ses studios ont nécessairement annuellement un festival de Poésie Sonore, dans la mesure contribué à leur diffusion de par le monde, à promouvoir où celle-çi, par le biais du magnétophone, rejoignait son les recherches inscrites dans leur sillons, à en provo- propos. Le premier TEXT-SOUND FESTIVAL est donc ainsi quer d’autres, inscrivant en orbite une chaîne sans fin intervenu à Stockholm en avril 1968. 9 autres ont suivi. de questions et réponses, tant chez les poètes que chez Le IIème a été organisé à Toronto, au Canada. Le 12 ème, certains musiciens. Alors d’assister, à l’heure actuelle, à New-York, au mois d’avril dernier. de façon spontanée - ou non - (comme on le dit d’une «génération») à une prolifération qui ne cesse de s’ac- Le rôle de ces manifestations - grâce à l’impulsion croître de recherches (poétiques ou musicales) à partir durant des années du Président de Fylkingen, le poète de ce matériau oublié/redécouvert: la VOIX sonore Sten Hanson - a été considérable: heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 46 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 47

MANIFESTATIONS COLLECTIVES - exclusivement:

- novembre 1960: dans le cadre du Festival d’Art d’Avant-Garde (déjà ce terme… et toujours!) orga nisé par Jacques Polliéri: présentation par François Dufrêne d’une «ANTHOLOGIE DE LA POESIE PHONETIQUE» à la Galerie des Quatre Saisons, à Paris.

-18,21 et 22 mai 1963: 3 séances du DOMAINE POE TIQUE, organisé par Jean-Clarence Lambert, à l’American Student Center du Boulevard Raspail à Paris à titre exceptionnel - dans le cadre de la pré QUi bat sente énumération - je citerai le nom des parti QUI sait cipants à ces trois soirs du DOMAINE POETIQUE, ceci pour deux raisons: qu’y faire - la première parce que, cette manifestation capi tale est trop peu connue, QUi sait - la deuxième parce que, à cette date, elle a réussi à réunir - le hasard n’existe pas, n’est- QUi bat ce pas? - FLUXUS, LA POESIE CONCRETE, la POESIE SONORE/POESIE ACTION et que depuis lors ces mouvements ou TApe bute courants parallèles n’ont cessé - et ne cessent encore - sous le vocable général à la mode et fort vague de PER- POUffe tousse FORMANCE, de se côtoyer:

QUi bat à savoir donc: William Burroughs, François Dufrêne, Robert Filliou, Brion Gysin, Bernard Heidsieck, Jean-Clarence Lambert, Ghérasim Luca, Emmet Williams. Il est vrai qu’au même endroit, le 9 décembre précédent, s’était déjà tenu une première soirée du DOMAINE POETIQUE (à laquelle je ne participais pas) et qui concluait 5 soirées de FLUXUS, ces 5 dernières tota- lement désertées du public parisien. C’est au cours de cette soirée que je découvrais pour la première fois le fameux «I AM THAT I AM» de Gysin. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 48 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 49

E- Juillet 1979 : Villeneuve Les Avignons : «POESIE SONO- RE» organisé par julien Blaine et Michel Giroud - Septembre I979: Fiuggi, Italies"OGGI POESIE DOMANI", organisé par Giovanni Fontana et Adriano Spatola - Octobre 1963: Domaine Poétique: Art du Langage: - Novembre 1979 : Porte de la Suisse, Paris: "CONCERT Biennale de Paris: Musée d’Art Moderne de la Ville de MANIFESTE" organisé par Paris. le GERM à l'occasion de la sortie du livre POESIE SONORE - Mars 1965: Kunsthall de Lund, Suède, deux soirées dans ITERNATIONALE de le cadre de l’exposition «LE MERVEILLEUX MODERNE» Henri Chopin - Octobre 1965:I.C.A, Londres: BETWEEN POETRY AND PAINTING - Janvier/Février 1980 : RENCONTRES INTERNATIONALES 1980 - Octobre 1965: 4ème Biennale de Paris: Musée d’Art DE POESIE SONORE: Moderne de la Ville de Paris Maison de la Culture du Havre, Maison de la Culture de - Mars 1967: FLUXUS,LA CEDILLE QUI SOURIT, ART TOTAL, , Centre Na- POESIE ACTION: Kunsthall de Lund, organisé par Paul-Armand tional Georges Pompidou, organisé par la Maison de la Gette Culture du Havre et -Mai 1968: Stockhlom: 1er TEXT-SOUND FESTIVAL, organisé l'Association DIXIT, à savoir Bernard Heidsieck et par FYLKINGEN et la Radio Suédoise au Moderna Museet Michèle Métail - Avril 1969: Stockholm: 2ème TEXT-SOUND FESTIVAL Avril I980: Florence: "IL COLPO DI GLOTTIDE" organisé par - Avril 1970: Stockholm: 3ème TEXT-SOUND FESTIVAL la ville de Flo- - Novembre 1970: Amsterdam: Stedeljik Museum rence et Luciano Caruso - Avril 1971: Wilhemsbad, RFA: «KLANGTEXTE» organisé par - Avril 1980: NewYork: Washington Square Church: THE I2th la Hessicher Rundfunk INTERNATIONAL SOUND - Novembre 1972: Centre Culturel Suédois, Paris: 2 soi- POETRY FESTIVAL organisé par Charlie Morrow rées de Poésie Sonore dans le cadre de l’exposition AVRIL 1980: Paris: «POkYPHONIX II» American Student LETTRES-SIGNES PARIS-STOCKHOLM Center organisé par - Juin 1975: 5ème Festival International de Musique Jean-Jacques Lebel Expérimental de Bourges - Septembre 1975: Genève: Le COLLOQUE DE TANGER organisé D'autres manifestations ont eu lieu depuis cette date! autour de William Burroughs et Brion Gysin par Gérard D'autres ont eu lieu à Berlin, à Londres, en Californie Georges Lemaire ailleurs encore... que je n’ai pas nommées! - Janvier 1976: Panorama de la poésie Sonore Internationale organisé par Bernard Heidsieck: Atelier/Exposition Annick Le Moine, Paris - Avril 1977: Stockholm: 10ème TEXT-SOUND FESTIVAL organi- sé par Sten Hanson - Avril-Mai 1977: Amsterdam: Stedeljik Museum: TEXT IN GELUID - Mars 1978: Vérone: Galleria Ferrari: POESIA SONORA organisé par Sarenco - Mai 1978: Glasgow: «SOUND AND SYNTAX, INTERNATIONAL SOUND POETRY FESTIVAL» organisé par Tom Leonard - Mai 1978: 8ème Festival International de Musique Expérimentale de Bourges - Juin 1978: 2ème Settimana Internazionale della «Performance»: Bologne - Octobre 1978: Toronto: IIème Festival International de Poésie Sonore organisé par Steve Mc Caffery - Février 1979: Paris: Centre Culturel Suédois: «sa voix/SON FESTIVAL» - Juin 1979: Cambridge Poetry Festival 1979 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 50 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 51

Cette liste - fastidieuse - n’avait pour objet que de montrer sa précipitation, son accélération même… au cours de ces dernières années, ces derniers mois… que dis-je… ces dernières semaines…! La liste des villes ou Capitales énumérées portant par ailleurs témoignages d’un expansionnisme géographique évident.

est fut est fut est fut est fut est fut

gicle tape tape gicle

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quant à à quand heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 52 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 53

Jérémie Adler (Grande-Breta&ne), Sonja Akesson (Suède), Charles Amirkhanian (USA), Beth Anderson (USA), Bob Ashley (USA) Earle Birney (Canada), Bill Bissett (Canada), Julien Blaine ();, Lars Gunar Bodin (Suède), Svante Bodin (Suède), Jean-Louis Brau (France), Nilliam BurrougUs (USA), John Cage (USA), Michael Chant (Grande-Bretagne), Chris Cheek (Grande-Bretagne), Paula Claire (Grande-Bretagne), Henri Chopin ( France), Christian Clozier (France)Thomas A. Clark (Grande-Bretagne), Bob Cobbing (Grande-Bretagne);, Goffrey Cook (USA), Jean-Paul Curtay (France), Herman Damen (Hollande), Charles Dodge (USA) Cos Dolsburg (Hollande), Charles Doria (USA), François Dutrêne (France) Clive Fencott (Grande-Bretagne), Robert Filliou (France), Four Horsemen (Ca-

nada), Paul-Armand Gette (France), Michael Gibbs (Grande est fut Bretagne), Gust Gils (Belgique), John Giorno (USA), Anthony est fut Gnazzo (USA), Lily Greenham (Grande-Bretagne), Peter Greenham (Grande-Bretagne), Brion Gysin (USA), Jarl est fut Hammarberg (Suède), Sten Hanson (Suède), Pauline Harvey est fut (Québec), Peter et Patricia Harleman (USA), Bernard est fut Heidsieck (France), Christer Hennix Lille (Suède), Hans G. Helms (RFA), Dick Higins (USA), Ake Hodell (Suède), Joël Hubaut (France), Isidore Isou ( France), Ernst Jandl pré-sent (Autriche), JGIJIG (Grande-Bretagne), Bengt-Emil Johnson (Suède), Ake Karlung (Suède), Bliem Kern (USA), Bengt Af pas-sé Klintberg (Suède), Alison Knowles (USA) Richard Kostelanetz (USA), Ferdinand Krivett (RFA), Jean-Clarence Lambert (France),Jean Jacques Lebel (France), The Last Poets (USA), Ilmar Laaban ( Suède), Maurice Lemaitre est fut (France), Anna Lockwood (USA), Joan La Barbara (USA),Katalin Ladik (Yougoslavie), Tom Leonard (Ecosse), Charles est Levendosky (USA), Arigo Lorra-Totino (Italie), Ghérasim Luca (France), Alvin Lucier (USA), Steve Mc Caffery (Canada), Jackson Mc Low (USA), Tom Mc Grath (Ecosse), Jan Ollof Mallander (Finlande). Michèle Métail (France), Arne Mélinas (Suède), Neil Mills (Grande-Bretagne), Franz Mon (RFA), Charlie Morrow (USA), Edwin Morgan (Ecosse), Greta Monach (Hollande), Maurizio Nannuci (Italie), Giulia Niccolai (Italie), B.P. Nichol (Canada), Ladislav Novak (Tchecoslovaquie), Lian O'Gallagher (USA), Sean O'Huighin (Canada), Steffen Olson (Suède), Yoko Ono (USA), Owen Sound (Canada), Jean Luc Parant (France), Arthur Petronio (France), Georges Quasha (USA), Steve Reich (USA), Pierre Rochefort (France), Mimmo Rotella (Italie), Jerome Rothenberg (USA), Gehrard Rühm (Autriche), Steve Ruppenthal (USA), Carlos Santos (Espagne), Sarenco (Italie), Aran Saroyan (USA) Armand Schwerner (USA), J.A. Da Silva (Portugal), Arlene Schloss (USA), Adriano Spatola (Italie), Chuck Stein (USA), Jacques Spacagna (France), Demetrio Stratos (Italie), Tamia (France), Marc Texier (France), Erik Thygesen (Suède), Franco Verdi (Italie), Charles Verey (Grande-Bretagne), Paul de Vree (Belgique), Larry Wendt (USA), Emmet Williams (USA), Gil J. Wolman (France), Ellen Zweig (USA). heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 54 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 55

Le cercle de famille s’est donc bien élargi! semble- t-il! Et quel chemin parcouru depuis la liste précédente relative aux Disques OU! Surtout si l’on songe que cette liste ne comporte - sauf erreur ou omission - que les noms des participants aux seules manifestations énumérées çi-dessus. Qu’elle est donc nécessairement incomplète… mais il est vrai cependant, à très peu d’unités près!

Bien sûr chacun y aura, au passage, reconnu des noms de musiciens - parfois majeurs -, d’éléments de Fluxus - fondamentaux -, du Lettrisme - tout de même aussi -, de «performers» up to date, enfin, aussi. C’est dire le pou- voir d’aimantation actuel de ce courant.

La poésie sonore n’est pas une école. Un club encore moins: Sinon cette liste eut été moins longue. Son inter- nationalisme y apparaît par contre patent et le phénomène d’attraction, particulièrement fulgurant, sur certains

pays. Je me suis gardé d’y inclure la moindre séléction qualitative, de fournir dates d’arrivée et éventuellement de sortie des uns et des autres. Il ne s’agissait ici que de témoigner de l’apparition d’un mini mouvement de masse. Réponse sans doute à quelque «besoin» ambiant qui doit bien se nicher quelque part. Pour tenter néanmoins d’y voir clair et d’y retrou- ver ses «petits», je vais m’efforcer maintenant, précisé- ment, d’aborder le «pourquoi» de la poésie sonore, puis on «comment». Il me paraît nécessaire de préciser cependant, au préalable, que si la majorité des noms évoqués çi-dessus est sans doute inconnue d’un public français, beaucoup d’entre eux, dans leur sphère, bénéficient d’une réputa- tion internationale. D’où leur circulation de plus en plus fréquente d’une place à une autre, d’un pays à l’autre, les invitations dont ils bénéficient de Municipalités, Universités, Musées, Galeries, ASSOCIA- tions diverses, à titre individuel, en sus donc des Manifestations Collectives dont j’ai fourni la liste. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 56 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 57

QUI bat

EN fin

QUOI que La Poésie Sonore : POURQUOI ? QUI conque

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QUI heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 58 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 59

Les raisons se superposent et s’entrecroisent.

Pourquoi ? L’imprimerie, en couchant le poème dans la page, quelqu’aient pu y être ses cabrioles, mouvements d’hu- Une trajectoire d’un siècle et demi a conduit le meur, et manifestations de révolte, l’y avait rendu «pas- poème à se diluer dans la page blanche. Je l’ai déjà men- sif» dans une position - vis-à-vis du lecteur recherché tionné. Or l'électronique est apparu au moment même de cet ou fui - d’attente. Jusqu’à l’y faire roupiller, parfois. aboutissement ultime, de cet enfouissement extrême, de cet Sans risque majeur. Sinon ceux, patents, par delà soubre- essoufflement général. Le hasard fait décidément bien les sauts et fulgurances, soit de l’y dissoudre dans l’infla- choses, parfois! Et ce signe d’attester immédiatement du tion jusqu’à limer, gommer le sens et le son mêmes des démarrage d’un nouveau cycle, d’un nouvel âge. En se mots, jusqu’à la nausée, soit de l’y enchaîner, à l’abri retournant de 180°, le poème, dans ses mailles, et dans sa des regards, solitaire, dans un climat plombé de labora- vocation, y a trouvé là, d’emblée, son nouveau vecteur. Ou toire. pour le moins un vecteur possible pour sa rentrée dans le monde. Ceci constituant somme toute le dernier chaînon (avant-dernier, s’y l’on y ajoute, depuis, la vidéo) d’une histoire précipitée qui vit surgir successivement le ciné- ma, la radio, la télévision, l’informatique.

Pourquoi ?

Sinon ce fait, très simple, pour le poème, de redé- couvrir là ce désir/souci, enfoui/lancinant, de conser- ver/retrouver, son traditionnel pouvoir de médiation, mais par le biais, après tout pourquoi pas? des techniques du XXème Siècle, celles qui, nouvelles, ici, là, tout autour de lui, s’offrent à lui. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 60 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 61

Dans son nouveau souci, redécouvert, de communica- tion, il se devait de redevenir «actif». Quoi de plus naturel, alors, que d’utiliser, pour ce faire, les nou- veaux moyens électro-acoustiques mis à disposition ? D’où, dans le primitivisme de ce début de cycle - et son désir La poésie sonore peut à ce titre, en effet, dite ou dingue de re-communication - le fait de s’être résumé enregistrée, faire appel à l’improvisation, à la sponta- souvent, concentré, dans le cri, le phonème, le souffle, néité pure, n’ayant crainte de se soumettre aux aléas du le son pur. Pour REdécouvrir enfin, le MOT, les mots, hasard. leurs grappes, la sémantique, donc, aussi, mais toute gorgée, tendue, d’une dynamique sonore complémentaire Mais la machine, de surcroît, par la manipulation autre, visant à en vivifier, magnifier composantes et des mots enregistrés qu’elle autorise, peut aussi devenir impact. un instrument privilégié de recherches. Triturations, mixages, cut-ups, peuvent mener à de nouvelles saisies La page, ainsi, de ne plus être à ce stade, qu’une tant du réel que de l’imaginaire. partition, un élément de référence. Un ressort pour d’autres visées. Aussi aventureuses qu’inconnues. Quitte C’est ainsi, par exemple, qu’elle pourra restituer même à disparaître, parfois, jouant le tout pour le tout. sur la bande magnétique, la photographie mentale (sur un plan sonore donc), des agressions physiques, visuelles, auditives de la rue, sur un déroulement cisaillé de pen- sées, aussi fugaces-flashs, éclairs inclus - qu’obses- sionnelles, une fragmentation des mots sur la bande, ins- tinctivement corrigée à l’audition, en restituant le rythme. Quitte à y adjoindre - si besoin est - des sons extérieurs. Quitte à éliminer au montage toute respira- tion. Le concentré ne pouvant qu’y gagner. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 62 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 63

D’autres techniques de distanciation: superposi- tions, simultanéisme, collage, cassages et variations de rythmes et vitesses etc, etc… etc… peuvent de façon exploratoire aussi déboucher sur l’imaginaire.

Le propos n’est pas ici de décrire l’éventail des possibilités, à ce niveau de travail, mais de recon- naître par contre, peut-être, que la «vue», face à l’ouïe, s’avère bien lente, donc très pauvre. C’est ainsi que l’oreille peut capter simultanément - et dans leur nuance même - une multitude de phénomènes, le cerveau tout en en captant la variété, ne cessant de procéder à un travail de correction, remise en place, addition, et élimination, d’analyse, d’assimi- lation et de rejet. L’oeil, lui, ne lira jamais deux phrases à la fois.

TAM TAM

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TA PIe PIe TOu TOu TAm heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 64 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 65

Notre quotidien subit et se nourrit de tout cela, aussi. Il y a là tout un «négatif», dans le sens photo- graphique du terme, à déchiffrer. Sa trame est un filet - carrefour d’exorcismes s’il en est - que la psychanalyse (?!) par d’autres voies, tente de cerner.

Bref, les possibilités de la «Révolution Electronique» dont nous ne vivons encore maintenant, men- talement et techniquement, que les premiers signes, nous ne faisons qu’à peine les effleurer, les entrevoir. Ses prolongements, les imaginons-nous seulement? Or le phéno- mène est là. Concret. Pesant. Irréversible Que la poésie se soit sentie concernée par ces nou- veaux médias électro-acoustiques: quoi de plus naturel, donc! Qu’elle ait saisi ce que lui ouvrait ce nouveau matériau de travail et de communication: ce n’était là que vivre sa tradition révolutionnaire! A moins qu’elle ne se soit soumise, là, qu’au diapason ambiant d’un phé- nomène de civilisation de «masse» surgissant. Se conten- tant de prendre le train en marche, en y basculant. N’était-il pas temps, plutôt, pour elle, de s’y soumettre et d’en accepter la réalité, les moyens et les lois? Les vertus, autant que les dangers de ses nouveaux supports: radio, disques, cassettes etc… et celles et ceux de ses nouveaux lieux d’expression: salles publiques, rues, voir stades ou podium sur plages bondées, comme Rome en a fourni récemment l’exemple.

By!By! Les Tours d’Ivoire!

Un défi lui a été lancé par l’époque! Elle l’a rele- vé! A temps! merci pour elle! heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 66 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 67

son ventre pour lui faire rendre des poèmes apparaît alors comme un acte de haute sauvegarde, de haute lucidi- té, du type de ceux que requiert particulièrement notre temps. La poésie, fuyant tout narcissisme, se devait aussi de prendre - technologiquement - ce train en par- tance… C’est donc chose faite! Sa direction peut paraître incer- taine. Peut-être? Sans doute! Choix risqué, certes! vivant, donc… beaucoup plus que celui de rester à quai.

(Alors de faire sourire: toutes ces considérations qui s’étalent sur sa mort supposée! Qui relèvent d’un autre âge. D’aveugles ou de nostalgiques. C’est par d’autres canaux que se manifeste sa survie, sur d’autres supports et dans d’autres caniveaux qu’elle respire. Il suffit de s’y hisser, il suffit d’y traîner pour l’y voir. A l’oeuvre. A l’affût. A tout coup.)

Quant au problème de savoir si elle s’est fourvoyée dans une fondrière où elle n’eut jamais dû mettre les pieds: tout semble déjà témoigner du contraire, confirmer qu’il ne se pose déjà plus.

Il y allait de sa survie. Exigence, intimement, nébu- leusement perçue, comme partie prenante de ces premiers prémices d’une civilisation autre, ces indices d’un nouvel âge. A détecter, déglutir, à assimiler et à exorciser. Ainsi de l’informatique, par exemple, déjà omni-présente, quotidiennement et charnellement ressentie par chacun. Alors le poète sonore Californien, Larry Wendt, de compo- ser chez lui, dans la Silicone Valley, des poèmes sur son ordinateur non pas de poche, mais portable. Adieu déjà, l’ère du studio! Voici celle de l’ordinateur miniaturisé. Déjà tentaculaire à distance, le voici chez soi! Bientôt banalisé. Le monstre, vieux de 25 ans à peine, a certes contribué à susciter cette civilisation de masse, mais il l’a rendu viable par la même occasion. Il se tenait à distance. Le voici à portée de main. Diabolique dans sa dynamique et sa progression. Omnipotent. Grâce soit donc rendu à ses pionniers exorciseurs. Plonger dans heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 68 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 69

TAm TAm TOu PIe TI TUbe TA BOu TA BOu

TOu PIe BOu TA TI Ta

TAm Pie PIe TOu TOu TAm

Un autre cycle s’entame, donc. Je me garderai bien d’en vanter les mérites. Il me suffit d’en constater le fait, d’en observer l’évidence. Bon. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 70 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 71

Ce que je souhaite, par contre, très simplement, sou- et à travers ses sons, c’est l’objectif qui l’habite - ligner ici c’est que la poésie - de façon quasi incons- énergie comprise - qui vise à faire passer dans l’instant ciente - a voulu prendre et a pris le tournant qui s’im- une électricité destinée à transcender les normes habi- posait. A savoir - coïncidence non fortuite - qu’elle a, tuelles de la communication. Alors de se déployer un comme elle l’a toujours été en début de cycle, récupéré vaste éventail où puiser, de s’offrir différentes voies ses facultés d’oralité - cela fut vrai dans la Grèce possibles qui seront examinées plus loin, l’obstacle même Antique, comme ce le fut dans la poésie médiévale, comme des langues, par ce biais, se trouvant transgressé, ce le fut, comme ce l’est dans toute culture dite «primi- Festivals internationaux et émissions radiophoniques de tive». Or ne vivons nous pas la culture «primitive» de plus en plus nombreuses en rendant témoignage. Confortés notre tribalisme planétaire. Celle donc d’un nouvel âge. maintenant par - entre autres - L'Anthologie des 7 Mac Luhan n’a fait que le constater dont Paris s’est disques CRAMPS récemment parus en Italie, présentée par gaussé lors de la parution de sa GALAXIE GUTEMBERG, lui Arrigo Lora-Totino, celle de Richard Kostelanetz, aux réservant maintenant - lors des ses passages - les pre- Etas-Unis, les thèses universitaires de Steve Ruppenthal mières pages de ses journaux, et non des moindres. La et de Christian Scholz, respectivement aux Etats-Unis et poésie sonore ne lui doit cependant rien, sinon de lui en Allemagne. Par le livre déjà cité, enfin, «POESIE servir de preuve par 9 dans ses cours ou interventions. SONORE INTERNATIONALE» de Henri Chopin. Par les 50 ou 60 Maintenant. disques aussi, bien sûr, au total, parus dans différents pays. La poésie sonore, pourquoi? Bien des raisons peuvent être trouvées. Je viens d’en fournir certaines. Mais après tout, a-t-elle à se justifier logiquement? histori- quement? Ce serait trop simple, bien trop simple si elle pouvait y parvenir par ce biais.

Ce qui doit par contre être physiquement saisi, à travers ses mots heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 72 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 73

L’aboutissement actuel n’est que le résultat d’une gestation de longue date. Nous l’avons vu. Durant cette période, et de façon obsédante, s’est posée et reposée la même question: «LA POESIE SONORE, POURQUOI?» Quelques citations - personnelles (que l’on veuille bien m’en excuser - bien d’autres, tout autant, eussent pu être fournies -) se voudraient être précisément ces pointe d’assise requis du passé.

A savoir, donc: - «Qu’à une poésie-rébus, passive et d’attente, se substitue une poésie «tête-chercheuse, d’attaque ou d’éveil… La page est à considérer «maintenant comme un tremplin, d’où doit s’extraire et jaillir le po- «ème, sons, verbes, phonèmes, lettres, bruitages Bien! Bon! Nous en sommes à la étant utilisés à l’a- limite des constats d’huissier! Mais «bri de tout systématisme. Sans omettre l’improvi- tout cela c’est le présent. Or le sation rendue désor- badge «AVANT-GARDE» requiert la cau- «mais possible. tion du passé. octobre 1962 NOTES (Poème-Partition B2B3) heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 74 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 75

- «La poésie fait peau neuve. Se désasphixie. Se dévêt de ses moules «surranés. A temps. Enfin. Tout lui est bon. Tout. Pour vivre et se «projeter. Circuler et se déchirer. Se précipiter. Se précipiter sur, -Le poème fait sa rentrée au monde… Prêt à se «dans, vers, à travers, et encore mieux, et plus encore» cogner… quitte à y «perdre plumes et sang, ou à les acquérir, à ces «Ses possibilités ou moyens de communication surgissent réalités neuves que concurremment «sont pour lui ces désormais dimensions autres où il «avec ceux, nouveaux, que secrète l’époque même. En est appelé à se adoptent le rythme. «mouvoir, l’espace et le temps. Prêt à aborder un «L’empreinte et la précipitation. Sa fulugurance, enfin. public, non plus fui, Ce fait même «mais recherché. Le poème, oui, réintègre la «exige de repenser entièrement, de renouveler, réadapter SOciété… Modeste s’y évertue. son aspect, «Des lieux d’«actions» ou d’«auditions» se substi- «sa texture formelle. Ses lois, règles et ressorts. tuent ainsi à la page Mieux, son comportement «écrite: scène, rue, salle d’écoute, studio, espace, «d’ensemble… quelqu’il soit. En «sus et au delà des mots, les moyens utilisés NOTES CONVERGENTES 1967/1968 deviennent la voix, le cri, «le geste, l’action, le bruit, le son, le silence, la bande magnétique, «tout, absolument tout. Et l’auditeur et le specta- teur d’assister dès «lors à quelque rituel, cérémonial ou événement, magique ou banal, muet, «sonore, improvisé ou non, spontané ou non. Le poème visant à s’incar- «ner dans son «action» même.

décembre 1963 NOTES (poèmes-partitions H1 et H2 ou le Quatrième Plan) heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 76 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 77

Enfin cette dernière citation, extraite également des «si le poème… si… si le poème, tout au contraire mêmes Notes Convergentes de 67/68 (à cette date, 13 désormais, cherche années de recherches, pour ma part, s’étaient écoulées «à se brancher délibérément, diaboliquement sur qui peuvent en éclairer le ton, que marquent, face au l’extérieur, à se confron- poids de l’entreprise, autant la provocation que le «ter, s’user, se frotter, se meurtrir, à l’occasion doute: de luttes, empoignades - «La poésie écrite n’a plus lieu d’être. Au lieu des «et contacts, directs et physiques, comment, par rapports confiden- contre, comment se doit- «tiels, ultra-confidentiels qu’elle entretenait avec ses «il d’aborder cette aventure, comment surtout, face rares lecteurs, au monde, comment «c’est par rapport au NOMBRE qu’elle doit se situer main- « peut-il parvenir à faire le «poids»? Comment peut- tenant. La part il même l’oser, et «grandissante d’être «collectif» en chacun de nous le «de quel droit? Selon quels critères d’authenticité? commande. La pousse De valeur et d’ef- «à rejoindre la foule, les rythmes et la vie. L’exige. Il «ficacité? Comment, comment, oui, peut-il l’oser? Ne lui incombe pas capituler. «de précisément rendre cette part évidente. Mais aussi «Flancher face à cette ouverture terrifiante. Quels d’éveiller, d’éblouir sont ses droits, possi- «la part restante afin de rendre entre elles le dialogue «bilités et moyens d’infiltration au sein de la ou le combat matière humaine ou de «possibles… La poésie écrite n’a plus lieu d’être. Le «la marée des faits? Sa capacité de s’imposer sur ce nombre est en ques- qui, à priori, «tion. La poésie doit se hisser hors de la page. Se déra- «n’a que faire de lui?… Comment l’oser face, face au ciner de ce ter- poids de la Gare «rain mort. Utiliser les moyens de circulation actuels que mettent à sa «disposition les techniques nouvelles. Elle se doit d’agir, de frapper, « d’atteindre physiquement. D’abord. De se métamorphoser donc en une «poésie-action» … «Si le poème se résout à ne plus se considérer enfin, lui-même, comme «son propre but, s’il en résout à ne plus considérer sa seule texture «comme sa fin unique, ou son souci exclu- sif, (optique qui lui permet «en s’excluant du monde, toutes les auto-délectations byzantines), s’il «consent à ne plus être l’objet seul de ses caresses et délectations«son propre et unique point de mire, indiffé- rent à l’histoire, au monde «ambiant, digne, superbe et dédaigneux, et à ne plus donc, dans sa quê- «te d’absolu, déboucher inéluctablement sur les miasmes mordorés d’ago- «nies certaines ou d’asphyxies blanches - fautes d’oxygène -, si… si… heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 78 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 79

«St Lazare à 6 heures, du Métro à la même heure, de Calcuta, face au «Napalm, à l’équilibre de la terreur, aux ordinateurs and Co, à la «mise au point du Concorde, à celle du Marché Commun et de l’Europe, «face à une manifestation-masse des Gardes Rouges, face à Nagasaki, «à Hiroshima, au vol de Gagarine, de James Mc Divitt et d’Edward «White et d’autres, à n’importe quelle journée d’hô- pital, «au Pentagone, à un sourire, à un fou-rire, à Cap- Carnavaral, «à Coltrane, James Brown, Jimmy Hendricks, Les Softs Machine et d’au- «tres, au Che, à une Centrale Nucléaire, à la force d’impact du cinéma de Penn, Godard, Forman, Warhol, et d’autres, bien d’autres, comment l’ «oser, oui, comment l’oser face, face à … face… face… comment… «comment l’oser…

«Panique.

… «Alors s’infiltrer dans les rouages et les poulis de nos rythmes, sociaux «et personnels. «Panique. «Se coller à leurs pulsations. Et puis…

NOTES CONVERGENTES 1967/1968

La poésie sonore, POURQUOI? Comment diable le sau- rais-je? Il s’agissait de ne pas baisser les bras. C’est tout. Et vaille que vaille continuer, continuer, con ti nu er, con ti nu er, con ti nu er. C.O.F.D heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 80 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 81

Bien sûr, bien sûr, les coups n’ont pas manqué de pleuvoir, pendant 25 ans. Ils en ont eu le temps! C’est le moins que l’on puisse dire. En guise de banalité sur une banalité.

Mais…

BOUM… BOUM! BOUM! TAm Dit le Général TAm Boum TOu Quel coup!… bien rude à recevoir! PIe TI Malgré l’habitude… TUbe que l’on en peut TA avoir!… BOu BOUM! BOUM! BOUM! TA Dit le Général BOu Boum.

Cette comptine en mémoire valait tous les carburants imaginables. TOu PIe BOu TA TI TA

TAm PIe PIe TOu TOu TAm heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 82 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 83

POURQUOI? Bien sûr! Mais alors… COMMENT?

RI ons

RI ez

Ah non AH

QUI bat QUI bat

Ha ha heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 84 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 85

Le terrain est si vaste qu’il s’agit maintenant de le débroussailler. D’en donner, tout au moins, par sim- plification, les lignes de force. D’en clarifier le ten- dances.

Quatre courants, me semble-t-il, pour simplifier, traversent la poésie sonore. En constituent les axes de recherches. Parallèles, certainement. Antagonistes aussi, parfois, certainement.

Leur frontières, communes, sont poreuses.Les emprunts, d’une trajectoire à l’autre, fréquents. Des chassés-croisés, ténus ou évidents, y surgissent tant au niveau, du matériau choisi et des structures utilisées, que des objectifs visés.

Ces points communs d’ancrage sur un même terrain seront examinés plus loin. Encore faut-il, dans l’immé- (Les lignes qui suivent réutilisent de larges frag- diat, tenter de cerner ce qui caractérise chacune de ces ments de la mise au point que j’avais faite en 1975, POE- quatre tendances. SIE ACTION/POESIE SONORE 1955-1975, éditée par l’Atelier Exposition Annick Le Moine, à l’occasion du Panorama de Au cours de ce rapide survol, volontairement, je ne la Poésie Sonore Internationale que j’y ai présenté en citerai aucun nom. Tous ceux qui ont fait l’objet de la Janvier 1976) liste citée plus haut, trouvent bien entendu leur place dans l’un ou dans l’autre des courants, parfois dans I- Le premier de ces courants se caractérise par le deux, se situant parfois à la frontière de l’un ou de matériau essentiellement phonétique qu’il utilise. Ses l’autre. A chacun de s’y placer. Ou de les y placer! filiations historiques, ce sont évidement, à la fin du siècle dernier, Morgenstern avec sa GROSSE LALULA. heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 86 heidsieck 140*225 9/09/03 17:03 Page 87

plus tard Pierre-ALbert Birot, les Dadaistes , Hugo Ball, II- Le deuxième courant recourt au magnétophone (la Tzara, Haussmann, Schwitters, notamment, les Futuristes bande magnétique pouvant à la limite de substituer à la russes et italiens, et quelques autres, depuis, rares, page comme lieu de création) pour mettre en situation - Bryen, Artaud, entre autres, jusqu’aux Lettristes de 1947, et bousculer, et chahuter, et métamorphoser - certaines et un certain nombre de poètes CONCRETS apparus depuis données sémantiques, préalablement sélectionnées, ou 1953. improvisées lors de l’enregistrement, ou fournies par le hasard. Le champs -non clos, mais tout au contraire lar- Si l’on considère le magnétophone comme la cheville gement ouvert - de ce courant, s’étend des limites ouvrière de ce mouvement, il faut reconnaître que cer- extrêmes du précédent - comme nous venons de le voir - tains, relevant de cet axe, de ce courant, se situent en jusqu’à celles de celui qui va suivre, de celui qui se deçà, n’y ayant que peu ou accessoirement recours. Il ne situe - sans remords - à la frontière même de la musique. s’agit alors que de DIRE des textes phonétiques ou de Ce qui soude les éléments épars de ce deuxième volet, faire basculer au plan sonore des textes à fonction c’est le MOT, ce sont EUX, dits, purement DITS, jamais ni visuelle relevant de la Poésie Concrète. déclamés ni chantés. C’est cette volonté donc signifiante qui traverse des textes - composés/lus/enregistrés - D’autres, au delà par contre de ce stricte phonétis- appelés à se découper, dérouler, développer, dans un me, mais en deçà de toute sémantique, associent le magné- temps et dans un espace précis: le texte en effet, en tophone au cri, à la respiration, au souffle, au corps tant que se désirant «sonore», au stade préalable même de tout entier. son écriture, est imaginé , est conçu, avec le radical objectif d’être - in fine - projeté dans l‘espace, par la D’autres enfin, à la frontière du deuxième courant - voix et selon des dosages variables, par les moyens élec- celui qui concilie magnétophone et sémantique - combinent tro-acoustiques, cela, certes, bien sûr, mais en outre - selon/selon - phonétisme, sémantique et moyens électro- avec la conscience aigüe d’avoir à composer avec les exi- acoustiques. gences de la «durée», de son poids, des composantes et lois donc du Temps. Alors, ici, la bande magnétique, à l’égard de la voix et des mots, de se présenter dans son double rôle de terrain de fabrication et de support de diffusion. heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 88 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 89

III- Le troisième courant a pris la Machine à bras le corps et a voulu l’exorciser. Qu’y a-t-il à redire à cela? D’où son recours à toutes les voies et tous les moyens de l’électronique. D’où, chez lui, la réduction/sublimation du langage à un simple matériau sonore de base - sélectionné cependant, bien sûr, au niveau de la voix - mais que n’hésite pas à venir pulvé- riser, dissoudre, faire éclater la Machine. Et celle-çi de déglutir et d’avaler, mots, phrases, grappes de mots et embryons de textes, pour n’en laisser subsister - certes travaillé/bouleversé - que la texture d’un grain sonore, d’origine vocale, sa spécificité et exigence de base obligatoires.

Bien des caps, certes, à ce niveau, peuvent se trou- vés franchis. bien sûr. Largement dépassés. Parfois peut- être! Alors, dans ce cas, plus d’un de s’interroger: musique… ou poésie…?

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To mine

TER nelle heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 90 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 91

Vaine question! Question dépassée même, si l’on songe - expériences limites, présentement - à tel musicien, ou à tel poète, qui font, indifféremment, radicalement mais synthétiquement, «parler» un ordinateur. Que ce dernier - hors de toute connotation musicale - soit programmé par l’un ou par l’autre pour «dire» un texte de sa voix arti- ficielle, qui en conclura qu’il s’agit dans un cas de l’oeuvre d’un musicien, et dans l’autre de celle d’un poète. Qui, sinon l’un et l’autre, uniquement, qui dans leurs décisions péremptoires de départ, auront rattaché leur oeuvre à l’une ou l’autre de ces deux disciplines. Tranchant ainsi ce faux problème. Par leur seule volonté, Alors de s’inscrire ici, conséquence immédiate de ce ou tout simplement formation de base. La question, de qui précède, la possibilité d’une vaine discussion sur la l’extérieur, apparaissant alors comme dérisoire et sans confusion des genres, sur l’interpénétrabilité des pra- objet, au vu de leur voyage aventureux, autant commun que tiques, formes et normes artistiques: mais cette séparé, au noeud central de nos computers. fusion/confusion ne se retrouve-t-elle pas, au même degré, dans bien d’autres disciplines? Ce n’est là qu’un Il faut cependant reconnaître, ici, que ce courant rappel d’évidence qui traîne maintenant partout dans nos est essentiellement composé de musiciens, de ruisseaux, dans nos Musées, dans nos Galeries: la sculp- musiciens/poètes, certes, peut-être, mais de musiciens qui ture, ainsi, se fait «corporelle», la photo s’intègre au soit se définissent comme tels, définitivement, soit, qui, tableau, la musique se fait «geste», la poésie, «action», dans le cas contraire, le sont néanmoins de formation. le tableau, sculpture, l’écriture, tableau, at ainsi de suite dans une suite sans fin de chassé-croisés, au coeur d’une Histoire faite d’éclatements et de remises en cause. heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 92 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 93

AH ah

FO lie

POur tant JA mais NON pas En core Si non E coute BIen que TAis toi TOu jours TOi battre En core heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 94 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 95

IV- Il est un quatrième courant qui sans l’usage du magnétophone, n’en participe pas moins à cette explosion d’une nouvelle poésie orale. Il vise à faire basculer un texte - préalablement écrit - dans une oralité nécessai- rement publique, n’acquérant sa signification réelle, sa capacité de communication, sa dimension poétique en fin de compte, que catapulté dans un espace sonore de «lectu- re» à haute voix, d’une part, dans une «durée» définie, donc, d’autre part, espace et durée contribuant à en métamorphoser la nature même, son impact et sa réceptivi- té.

Listes, énumérations, répétitions se retrouvent sou- vent, sous une forme ou sous une autre (scientifique, grammaticale, obsessionnelle) à la base de cette ligne directrice. D’où l’importance, dans ces lectures, neutres ou non, de la composante TEMPS qui, parfois jusqu’à l’in- supportable - et c’est en reconnaître ici l’efficacité - bouleverse le sens des mots, hisse au niveau d’une action poétique un registre qui n’y prétendait initialement pas, et place l’auditeur dans une situation déboulonnée de dérive.

C’est ainsi qu’une phrase répétée, un texte banal même, peuvent par cet effet d’élongation dans la durée, bénéficier de cet effet de bascule, ET/OU le provoquer.

L’usage de la répétition, du reste, n’appartient pas exclusivement à ce dernier courant. A des degrés divers, il se retrouve dans l’un ou l’autre. Aussi ne peut-être passé sous silence, ici, le parallélisme de cette pra- tique chez bon nombre de poètes sonores, avec celle de la Musique dite Répétitive qu’illustrent actuellement, notamment la Monte Young, Ryley, Steve Reich, Phil Glass, Klaus Schultz, Tangerine Dream, Alvin Lucier, Ashley etc… Que le poète, ayant redécouvert sa voix, se situe, magnétophone interposé ou non, avec le musicien, sur un Une «rencontre», indubitablement, s’opère, là, même territoire de travail, aux limites imprécises, qu’y aussi. C’est évident. Rien des développements pourraient a-t-il à y redire ? Que les démarcations y soient parfois tenter de venir en éclairer les raisons. Tant sur un plan byzantines, quoi de plus naturel? formel, qu’intentionnel. De telles questions sont sans importance, hormis celle, précisément, que ceux-çi, seuls concernés, veulent bien lui donner. heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 96 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 97

Voici donc shématiquement décrites les quatre orien- tations majeures, à mon sens, de la poésie sonore. Par souci de clarification j’ai tenté d’éclairer dans un pre- zzzzzzzzzi TU mier temps les caractéristiques singulières de chacune zzzzzzzzzi TUES d’elles. Il reste maintenant à trouver leurs points pro- zzzzzzzzzi PASSES fonds de convergence. A préciser ce qui les rassemble zzzzzzzzzi CLAQUES sous cette bannière. Peut-être pourra-t-il s’en extraire zzzzzzzzzi TORCHES alors une approche de définition de ce qu’est - au vrai - zzzzzzzzzi TORDS la poésie sonore? zzzzzzzzzi TON zzzzzzzzzi TEMPS zzzzzzzzzi PLUS zzzzzzzzzi VITE zzzzzzzzzi PLUS zzzzzzzzzi VITE heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 98 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 99

Quel est donc le ciment miracle qui soude tout cela ensemble? Qui agglomère tous ces éléments parfois très disparates, - il faut le reconnaître? Quelles sont les conditions minima qui permettent à une oeuvre ou à une prestation de s’y référer?

Certes, ce label - POESIE SONORE - n’a pas été dépo- sé au Registre Public. Son domaine est ouvert. Son accueil permanent. Ce n’est en rien une Association secrète. Ce n’est ni un clan, ni un club fermé. Il n’en reste pas moins que le simple fait - très inhabituel jus- qu’à très récemment -, de lire un texte à HAUTE VOIX, ne constituera jamais la condition suffisante pour pouvoir le ranger sous cette bannière. Or l’on constate que viennent se greffer, lors de manifestations de plus en plus fré- quentes, de bien lointains cousinages. Cela sans doute au Certains en effet ont tendance à exclure de son bénéfice de confrontations fructueuses, mais au risque champ tout ce qui n’a pas été conçu pour et par le aussi d’accroître encore une possibilité de confusion dans magnétophone. Cette position me paraît, personnellement, un domaine déjà fort vaste, donc difficile à cerner. bien trop exclusive, quelque soit le rôle joué par ce dernier au cours des années 50, comme je l’ai mentionné Cette entreprise de définition n’est en effet, au précédemment. vrai, pas chose aisée. Un accord général sur ce qu’est ou n’est pas la Poésie Sonore, et précis, surtout, n’existe D’autres, curieusement, voudraient exclure de son pas même, en fait, ne serait-ce que parmi ses premiers et champs tout recours à la sémantique, en l’enfermant dans principaux protagonistes. Je l’avoue! une optique purement phonétique. Il va de soi qu’aucun fondement ne peut justifier une prise de position sem- blable, particulièrement restrictive au demeurant.

D’autres aussi … d’autres enfin… etc… etc… et chacun d’y aller de sa tentative de définition! heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 100 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 101

dans le moindre espace environnant à combler, - c’est s’incorporer dans sa propre lecture pour le mieux exterritorialiser, qu’elle devienne à la limite ACTION, POESIE-ACTION (terminologie que j’utilise depuis 1963) - c’est enfin, par voie de conséquence, accepter de s’y engager, réengager, chaque fois, dans l’instant, physi- quement, pleinement.

Il existe néanmoins un fait certain et commun à tous: c’est que la Poésie Sonore - même si on peut la trouver à l’état d’imprimé - est conçue pour être entendue. Le disque sera donc son support naturel, son véhicule idéal. Le lieu public son espace de retransmission, par nécessi- té.

Or la communication publique d’un poème n’est pas une chose évidente en soi.

Vouloir faire surgir un texte de la page, sur scène, pour le transmettre à un auditoire: - c’est accepter, pour la poésie, le risque du funambule, - c’est lui imposer certaines lois, qui sont celles, aussi, élémentaires, du show-business: acoustique, son, éclairage, comportement etc… - c’est avaler le texte dans ses muscles et se poumons, faire corps avec lui, entièrement, intimement, - mais c’est être lui aussi, simultanément, tout à son écoute, hors de soi, heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 102 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 103

Dans la dynamique obligée d’une telle transmission, les mots, non seulement récupèrent l’intégralité de leur potentiel sonore, mais ils deviennent, en outre, en eux- mêmes, concrètement visuels. Le texte, ainsi, dans sa totalité dressé, vertical, s’offre alors, à nu, dans la Le texte, enfin, serait-il destiné à la bande magné- fragile spontanéité de ce pari sur lui-même, sur sa «lec- tique seule, sans l’intervention d’une «lecture» phy- ture» vécue. Suscitant ainsi, tout à la fois, autour de sique, directe, en public, que c’est alors sur celle-çi, lui, une écoute, et de l’oreille et de l’oeil. au niveau de l’enregistrement, que doivent se retrouver les mêmes exigences, que ce soit par un travail structu- Il va de soi, dans ces conditions, qu’à de très rel sur la bande, ou la même «présence» spécifique rares exceptions près, le poète se fera l’exclusif inter- au micro. prète - et pour ces raisons mêmes - de son propre tra- vail, le voeu, sinon l’obligation, d’atteindre un certain «professionnalisme» excluant par contre, d’emblée, le recours au jeu d’acteurs de métier. heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 104 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 105

En somme et pour conclure sur ce point, je définirai par les critères suivants ce qui peut contribuer à faire basculer un poème dans le champ de la Poésie sonore, électronique interposée ou non:

A- la conscience aigüe - non de dialoguer avec lui-même - mais de se porter vers autrui ( et s’il tient à se regar- der, nul interdit!, qu’il n’oublie pas qu’il le fait publiquement, qu’à ce titre s’imposent à lui certains coû oût que impératifs qui ne doivent, en aucun cas, entacher sa sin- que e coûte cérité) coû oût que B- la conscience aigüe aussi, tout autant, d’avoir à rem- que e coûte plir un espace donné, d’avoir à s’affronter à la «durée», coû oût que nouveaux partenaires complices aussi bien dans la briève- que e coûte té - celle d’un cri! - que dans la longueur - lors de coû oût que «lecture» de plusieurs heures, par exemple! i i né

C- la quasi obligation exclusive pour le texte d’être né é vi «porté» par le poète lui-même, soit sur la bande, soit vi i ta sur la scène, que e coûte ta a ble D- la redécouverte capitale pour le poète du rôle de sa ble e ment voix, du poids de sa présence vocale (et physique), coû oût que conduisant à la spécificité du comportement de chacun en public - nouveau vecteur fondamental du texte (je rappel- le le rôle du miroir/révélateur, ici, qu’a joué et que je joue toujours le magnétophone à ce titre, au niveau, ne serait-ce que de la voix)

E- l’obligation d’assimilation physique du texte - le déglutir, en somme - pour le re-transmettre dans sa tota- lité de chair

F- dans le cadre de cette lutte avec lui à bras le corps, conséquemment, à bout de souffle, quitte même, pour finir, l’obligation de le rendre, au delà de la voix, «visuel», quasiment, par sa «présence» vécue,

Et alors,… ce seront les «lectures» fort différentes de François Dufrêne, de Michèle Métail, de Henri Chopin, de Jean-Luc Parant, de Brion Gysin, de John Giorno, de Sten Hanson, Gehrard Rûhm, Lora-Totino, Spatola, et de bien d’autres… heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 106 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 107

Je me suis gardé d’utiliser, jusqu’à présent, le terme «PERFORMANCE», allécheur, et fort utilisé actuelle- ment; commode, il finit par englober des pratiques très variées: une «lecture», telle que définie çi-dessus, devient une «performance», une action, un concert, un certain type d’exposition, une présentations de vidéos, etc… deviennent des «performances». Son mérite est de Fluxus, issu du Zen et de Dada, à travers Cage, la concrétiser globalement toute manifestation publique où rigueur et le minimalisme de ses interventions, a tendu à acteur/créateur et performeur ne se dissocient pas. Cette rendre le son «visuel», à étonner l’oeil ou sensibiliser adéquation peut seule permettre d’en revendiquer le terme. l’oreille sur ses composantes ou expressions les plus insoupçonnées ou insolites. En sorte que s’opère chez Dans ce terme, cependant, et dans ce qu’il implique l’auditeur/spectateur un déclic mental irrationnel, a- de façon sous-jacente, et exige, culminent et se rejoi- logique, allant de l’étonnement à l’illumination. Fluxus gnent, filiations et prolongements inclus, trois «mouve- est mort! Vive Fluxus dans ce que l’on qualifie si sou- ments» apparus dans les années 50: Fluxus, la Poésie vent, maintenant, PERFORMANCE! Et d’y retrouver fréquem- Concrète, la Poésie Sonore. Ayant oeuvré, à partir d’un ment, aussi, l’Art Conceptuel, qui ne saurait ou ne matériau de base différent, dans le même sens, il y a une devrait rejeter cette paternité évidente. logique, sinon une certaine justice, à les voir mainte- nant réunis fréquemment sous le même chapiteau. Et Paris découvre la Performance, qui durant tant d’années a ignoré Fluxus - son nom même, en dépit des efforts de Ben et de Filliou, ses relais français! heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 108 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 109

La Poésie Concrète, quant à elle, a surgi à la même époque, à peu de choses près, que la poésie sonore. Ses pionniers en furent Eugen Gomriger en RFA, en 1953, le Groupe Brésilien Noigrandes en 1955, Fahlström en Suède. Pierre Garnier, sa quasi unique cheville ouvrière en France, a ultérieurement contribué à la faire connaître à travers son ouvrage «SPATIALISME ET POESIE CONCRETE» publié chez Gallimard en 1968. Sa vocation est typographique, donc visuelle.

Le poème dans son immédiateté doit être saisi, d’un bloc, par l’oeil. D’où sa vocation projective.

Poésie Concrète et Poésie Sonore, dans le parallélis- me de leurs évolutions respectives, ont non seulement été souvent confondues, réunies dans de multiples manifesta- tions/expositions internationales, mais elles possèdent indubitablement une part commune d’ancrage, d’où, au fil des ans, entre elles, un riche dialogue et de multiples chassés-croisés. NOn pas La poésie Concrète , cependant paraît avoir vécu. En QUi bat tant que poésie d’expression exclusivement plastique et AU pas visuelle. D’où le refuge offert par le son à bon nombre QUi bat de ses adeptes. Le fait maintenant de les retrouver sur PAs plus scène, aussi, dans le cadre de manifestations de poésie NI moins sonore ou de Performances. L’attrait - redécouvert - du AU pas phonétisme, son inflation, et à mon sens, trop souvent, A force son abus! EN fin

Et Paris à nouveau découvre la Performance qui a totalement ignoré la Poésie Concrète, où nulle exposition complète ne l’a révélée, à la différence de la plupart des pays d’Europe et des Etats-Unis! heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 110 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 111

Et puisse-t-elle, ne serait-ce qu’à ce titre, être qualifiée d’avant-garde.

Mais il en va de la poésie sonore comme de tout. Bien sûr! Que son label ne serve pas d’excuse! Jamais la renommée d’une étiquette ne justifiera un contenu défi- cient. Or donc, s’il y a des poèmes à ne pas lire, il y en a de «sonores», qui ne sont pas à entendre. Et cer- taines tentatives actuelles, de plus en plus fréquentes, pour sortir de la page, gagnerait à s’en abstenir, pure- ment et simplement.

L’ivresse de la découverte et du micro ne justifient pas tout! Ni l’ampleur du terrain à défricher. Le papier à mouche joue à plein, et des redites s’accumulent jus- qu’à l’écoeurement. Parfois. Si la poésie sonore se cherche encore, authenticité et rigueur ne doivent pas moins y présider, comme partout. Ses exigences sont autres, c’est tout. Ses critères, différents. Encore faut- il les percevoir et les appliquer. Elle ne prétendra jamais être la panacée universelle de la poésie en cette fin de siècle! Mais elle revendique à tout coup l’oxygène qu’elle y a apporté!

Et peut-être aussi… le désennuie! heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 112 heidsieck 140*225 9/09/03 17:04 Page 113

«QUELLES AVANT-GARDES?» disiez-vous, a-t-on dit, disait-on, disions-nous… tout au long de cette semaine.

Bien qu’après tout, après tout, pourrait le lui per- mettre aussi, maintenant, toute une panoplie de constats. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 114 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 115

Eh bien! de ces constats, je me propose, maintenant, d’en fournir une liste non exhaustive, mais qui me parait suffisamment probante pour répondre à notre propos: - le recul historique de trente années d’activité, - son impact actuel, sa force d’attraction - la prolifération accélérée de festivals et manifesta- tions diverses organisés de par le monde sous cette déno- mination qui a définitivement acquis droit de cité - l’augmentation constante de nouveaux noms qui viennent s’y accoler tout cela, oui, oui, je l’ai déjà mentionné, aussi le compléterai-je en mentionnant: - qu’il ne fait aucun doute que la Poésie sonore a large- ment contribué à sortir la poésie du ghetto où elle s’était fourrée: n’était-ce pas là, du reste, l’un de ses objectifs de départ? - qu’à l’«offre» répond une «demande», au même diapason, - qu'un vertu de ce fait même, prolifèrent, et par rico- avide, anxieuse et critique: celle d’un public à crois- chet de proche en proche, en France, des «lectures», dans sance géométrique, que la Presse - hebdomadaires, quoti- des galeries, des musées, à la radio, par des poètes de diens ou revues - a en France, totalement et/ou volontai- leurs textes, que ce phénomène, ici ( à la différence des rement omis d’informer du phénomène en cours, à l’excep- pays Anglo-Saxons) est radicalement neuf et constitue tion toutefois, notamment, d’«opus» et de «CANAL», grâce déjà en soi une mini-révolution dont je ne cesse de me au rôle qu’y jouent respectivement Gérard-Georges Lemaire réjouir, (beaucoup d’entre eux, qui eussent, il y a enco- et Michel Giroud: les meilleures preuves de cette «deman- re peu de temps, refusé de le faire, accepte maintenant, de» n’en furent-elles pas les trois fois six heures de de façon naturelle, cette confrontation avec un public salle comble de Polyphonix organisées en 1979 et en 1980 d’auditeurs… il va de soi que leur poésie en portera la à l’American Center du Boulevard Raspail, à Paris, et ces marque à l’avenir! deux mêmes années, les Festivals Internationaux de Poésie - que les deux soirées de Rencontres Internationales 1980 organisés par la Municipalité de Rome en plein air où se de Poésie Sonore organisées en janvier dernier au Centre pressèrent plusieurs milliers de personnes. George Pompidou ont non seulement fait «salle comble», mais qu’un nombre équivalent d’auditeurs y assistait, à l’extérieur de la salle par télévision interposée, - que le fait d’avoir vu, à Florence, en Avril dernier, Place de la République, entre autres, soit au coeur de la ville, - et ceci ne se veut qu’un exemple, mais que je crois marquant - de longues et larges banderoles Officielles annonçant le Festival de Poésie «IL COLPO DI GLOTTIDE», témoigne de sa réinsertion dans la Société : non seulement la poésie s’extrait de son confidentialis- me, ose le faire, est en passe de se débarrasser d’une honte inavouée mais intimement vécue, mais ce terme même de poésie - éculé, usé, imprononçable, inavouable en vertu de ce qu’était devenue son image de marque - peut, revigoré, à nouveau s’afficher, et se lire en pleine ville au coeur de carrefours dingues, sans être ridicule, ni susciter sarcasmes ou compassion, - que se multiplient, en Allemagne, en Italie, aux Etats- Unis, en France, des éditions de cassettes. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 116 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 117

- qu’en partant de la voix, du mode de dire ou de lire, - qu’une information dans la page littéraire du MONDE du est apparu en septembre 1975, lors du Colloque de Tanger, 16 novembre 1979 relative à une nouvelle Edition incorpo- à Genève, avec l’intervention de Philippe Mikriamos, un rant des cassettes et pour l’heure consacrée à des écri- nouveau type d’analyse: sa pénétration de l’oeuvre de vains dont la réputation ne s’est pas faite au niveau du Burroughs s’est en effet, faite sur place, à partir de sa son - Butor, Maurice Roche, Sollers, mentionne, par voix enregistrée, comparée en outre, et en contrepoint, à exemple: «Les ouvrages de la collection X ont été pensés celles d’autres poètes américains et écrits par leur auteurs pour être lus et écoutés à la - que de plus en plus fréquemment, des manifestations, fois. Ils permettent de suivre comme une partition les telle celle du 16 mai dernier à Liège, n’hésitent pas à multiplient intentions de l’auteur au travers de sa voix ranger sous la bannière du son - POESIE A LA LIMITE DU et de son texte. Il est bon, en effet, que les auteurs SON, tel était le sous-titre de cette dernière - certes s’expliquent une fois pour toutes devant le cercle de la des poètes, dits sonores, mais bien d’autres aussi dont famille». le travail ne s’y relie que de bien loin. De telles confrontations, certes, me paraissent très profitables: Cette phrase, aux termes qui nous sont bien fami- je n’en constate pas moins que la référence au son sert liers, nous eussions pu la signer, il y a 25 ans, déjà! maintenant d’impact publicitaire, qu’une confusion accrue Elle ne fait donc que témoigner du chemin parcouru! risque d’en surgir, mais sans doute aussi le bénéfice d’une compétition diversifiés. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 118 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 119

Je cesserai ici cette énumération fastidieuse. Je n’en souhaite pas moins avoir démontré que ces constats ont répondu - et bien avant même qu’il n’ait exprimé ce souhait, et sans doute au-delà même de ses espérances - à ce voeu qu’exprimait Roland Barthes en 1973 dans le PLAI- SIR DU TEXTE: «S’il était possible d’imaginer une esthé- tique du plaisir textuel, il faudrait y inclure «l’écri- ture à haute voix». Cette écriture vocale, qui n’est pas du tout la parole, on ne la pratique pas. Parlons en comme si elle existait…».

Les faits, me semblent-ils, ont témoigné de son existence, prouvé que sa pratique ne cesse de croître.

Que le téléphone clandestin a fonctionné. Que le bouche à bouche a opéré et que la poésie est sortie de sa gangue de torpeur.

- qu’il y a donc en définitive, présentement, un phénomè- ne d’accélération indubitable - bien au delà des appa- rences d’une mode-. Hors de tout domaine littéraire, c’est en outre tout un pan nouveau, de la musique, qui vient s’y fondre, contribuant là aussi à engendrer controverses et quiproquos. Les oeuvres de ces musiciens n’empruntent ni au chant ni au Sprechgesang de Shönberg, mais à la phonétique, voir à de la sémantique purement et simplement dite, ce nouveau matériau verbal étant, d’em- blée, considéré comme un matériau musical. Et de s’inti- tuler MUSIQUE et non POESIE. Et de s’inscrire ici, de façon radicale ou épisodique, entre autres, les noms de RObert Ashley, Lars-Gunar Bodin, John Cage, Christian Clozier, Kenneth Gaburo, Alvin Lucier, Pierre Mariétan, Steve Reich, Dieter Schnebel… etc… etc;… mais ceux aussi, dans un autre, dans un autre registre, d’Eno, de Lou Reed… etc…etc… heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 120 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 121

Quant à l’avenir…! Aie!!

Peut-être qu’une comparaison économique pourrait aider à le cerner? rau auque SSIFfle La mode présente dans le monde des affaires, tant au niveau de la production que de la consommation, en est gron onde SSOUFfle aux CONGLOMERATS MULTINATIONAUX. Dynausores à vocations multiples, sinon éparpillées, ils associent sous la même rô ôde SSIFfle entité juridique, des activités fort diverses, parfois contradictoires. Dominant/écrasant SARL familiales, fra- râ âcle SSOUFfle giles et confidentielles. LA diversité même de leurs activités se veut un atout de solidité, un département grin ince SSIFfle malade se trouvant largement équilibré par les réussites escomptées, implicites d’autres secteurs. Souplesse et râ âpe SSOUFfle universalisme s’offrent comme des gages constants d’adap- tation et de reconversion. Un rationnel dosage de centra- lisme et de délégations étendues se doit de contribuer à la cohésion de l’ensemble.

Or l’histoire ne témoigne-t-elle pas de la dispari- tion des mastodontes? Depuis nos dynausores préhisto- riques jusqu’à la faillite retentissante de certaines multinationales notoires. Gigantisme et fragilité vont de pair, en fin de compte. Boulimie, désorganisation, absences d’audits, incohérence au sommet, absence marquée d’une ligne directrice peuvent aisément mettre à bas - très vite - des desseins de roc, des édifices à réputa- tion de plomb. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 122 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 123

Or du Conglomérat Multinational - mais sans les dividendes - la Poésie Sonore ne résume-t-elle pas cer- taines des caractéristiques les plus frappantes?: - son universalisme - sa juxtaposition de pratiques - disparates quoique reliées par une certaine cohésion dans les disciplines mises en jeu - d’où cet éventail qui va d’une poésie élé- mentaire et du souffle incantatoire aux sophistications de l’ordinateur après être passé par mille paliers de recherches discontinues - sa totale décentralisation à partir d’un centre inexis- tant (ou n’existant plus): rencontres et festivals jouant périodiquement un rôle de passage d’examen, de bilans de fin d’exercices, toutes les oeuvres et trouvailles et recherches s’y trouvant confrontées, mises à nues, adop- tées ou rejetées - son expansionnisme: la recette paraissant fonctionner NOn pas ou répondant à un besoin - mais aussi son risque implicite de confusionnisme jus- QUi bat qu’à n’y plus retrouver son enfant: tel rejeton - proche ou lointain - risquant - sans faire ouf - égaré ou par Au pas traîtrise, ou malice ou médiocrité, de faire chuter l’édifice, ou de lasser les plus attentionnés. QUi bat

Pas plus

NI moins AU pas heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 124 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 125

Trop, c’es trop, aussi, parfois!

Il résulte de ce qui précède - mais je l’ai déjà mentionné - que la poésie sonore n’est pas une Ecole impliquant une certaine communauté de pensée ou une simi- Cependant la Manifestation, POLYPHONIX II, déjà men- litude de pratiques, guidée par un chef-de-file à l’auto- tionnée, qui a délibérément mélangé les genres, en mixant rité incontestée (ou contestée) à l’image de mouvements musiciens, poètes sonores et lectures traditionnelles - et littéraires passés ou récents. je l’en félicite - a très nettement contribué à rendre évidents les disparités, sinon le gouffre qui séparent le ceci du cela.

C’est ainsi, peut-être, qu’à l’image de ce qui a été qualifié de NON-ART, ces dernières années, au regard de la peinture conventionnelle, mais qui n’en a pas moins consti- tué sa part la plus active, la plus vivante et boulever- sante, et paradoxalement ainsi, sa continuité même, la poé- sie sonore peut apparaître, de part ses «pratiques» et «supports», lois et disciplines, comme de la NON-LITTERATU- RE.

Identiquement, cependant, et tout aussi paradoxale- ment, il est indubitable - me semble-t-il qu’elle en est, en fait, la continuité même, dans sa manifestation, là aussi, la plus vivante, même s’il est exact, fréquemment, que lui soit de prime abord étranger tout souci LITTERAIRE, et que toute «lecture» de ce type lui fasse horreur. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 126 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 127

«puristes», il suffit de se remémorer, face à ces réac- tions d’avant-hier, ce que furent, il y a peu, l’explo- sion du monochrome dans la peinture, les actions musi- cales minimales de Georges Brecht ou du Groupe Zaj, l’im- pact incisif, inoubliable, du son continu de la Monte Young.

Ce n’est donc ainsi, qu’à un degré second, mais pri- mordial, dans le sillage parallèle du NON-ART, et par des voies détournées, insolites, inattendues, que de ces ter- ritoires «réservés» de la Littérature, elle investit et l’espace et la vie.

Elle est en somme - et le revendique ouvertement - devenue maintenant un élément obligé de références, de comparaisons, et de dialogues aussi, en sorte qu’on ne saurait plus, sans ridicule, ne pas en tenir compte.

Et si son radicalisme occasionnel, et sa nature révolutionnaire au fond, et dans la forme, perturbent encore l’ordre et la sensibilité de certains heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 128 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 129

La Poésie Sonore a 25ans! Une génération! Bigre! Puissè-je n’avoir pas sombré dans le style «ancien com- battant»! Avoir montré, prouvé, que tout «cela», toute cette tourbe et ce magma constituent un travail ‘en cours» - «in progress» selon l’actuelle terminologie franglaise -, à peine incubé, en totale évolution, en pleine exploration, et que découvertes, explosions et nouveautés jalonnent encore constamment son parcours à peine entamé. Qu’immense territoire reste à déchiffrer, c’est sûr! Mais que ces découvertes soient exigées d’un public de plus en plus avide et dense, ce l’est aussi! Un mode nouveau de communication a surgi:direct, tic tac instantané, collectif et fébrile. Une tension, une élec- en a tricité nouvelles se préoccupent d’habiter des temps et ten dant des lieux miraculeusement métamorphosés. en a miiiiiiiiiasmes On croit rêver? Qui l’eut cru? Eut osé l’espérer?

car bure pisse piaffe tic tac pis tone soouuuuuffle

as sis cou ché tic tac pa tient soouuuuuffle

ten dant quoi que tic tac ce soit miiiiiiiiasmes heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 130 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 131

Or le phénomène est là… est là… qui se cherche et se passe et se passe sous nos yeux. Ne cesse de s’amplifier. Un public se presse, ne cesse de croître, de faire QU’est-ce salles combles. qui QU’est-ce que QU’est-ce Oui, un phénomène se passe, neuf, très neuf, qui fait qui QU’est-ce littéralement exploser la lecture «livresque» tradition- que QU’y nelle de sa solitude. faire QUi bat Un courant - alternatif - est né qui crée RISQUE et CHALEUR.

Donc de l’énergie.

Communication et dialogue s’y trouvent - retrouvent - à la clef! heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 132 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 133

La Poésie Sonore a 25 ans! Surgie à Paris, elle est largement sortie de l’exagone. ELle n’en constitue pas pour autant la dernière coqueluche d’une nouvelle «école», de quelque Groupe plus ou moins structuré, de quelque «isme» à la mode. Sa projection internationale incontrô- lable - bien au delà donc des 14ème, ou 4ème ou 3ème arrondissements de Paris, suffirait à le prouver. Ce n’est qu’à la fin d’un cycle que se chassent l’un l’autre et se bousculent les «ismes», dans la précipitation, Nous n’en sommes pas là! Pas encore! En dépit de voire la panique! A son début, il n’y a pas d’étiquettes, différences, déjà notoires, la texture a - littéraire - encore moins d’école. Plus tard seulement, bien sûr, dans l’optique déjà évoquée - de ce conglomérat d’oeuvres peut-être, sans doute, sinon certainement, s’opéreront, à disparates mais très personnalisées, qui fournit à ce l’intérieur de cette nouvelle oralité redécouverte, oppo- mouvement sa coloration aigüe, tend à prouver, que toute sitions vitales et cloisonnements d’usage, avec leur cor- cette créativité, dans son spontanéisme planétaire, qui tège traditionnel de querelles, ruptures et exclusives… se confirme chaque mois davantage, que toutes ces oeuvres, oui, font déjà partie d’un autre âge, et dont elles ne constituent que certains prémices parmi d’autres.

Les nouveaux et multiplient médias de notre environ- nement, aux développements fulgurants, à la sophistica- tion chaque jour redoublée, toute cette technologie audio-visuelle de notre quotidien, tentatrice et tentacu- laire, ne les vivons nous pas, un peu chaque jour davan- tage, pour notre plaisir le plus vif, et nos angoisses les plus folles?

Banal constat qui n’en nous forge et moule pas moins!

C’est comme ça! C’est comme ça! heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 134 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 135

batterie écho

é cho batterie écho é cho batterie écho é cho écho écho batterie écho batterie batterie batterie écho heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 136 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 137

La poésie sonore, en dépit de ses lois, tics, cris et marques, ne s’affichera jamais comme une ECOLE, de scène, musicale ou littéraire - dans le sens le plus tra- ditionnel du terme. Elle se gardera toujours aussi d’être une auberge espagnole. Sa longévité actuelle exclut d’em- blée cette notion d’école. Un quart de siècle, c’est trop C’est donc que ce mouvement incarne, sans doute, une pour cela. Considérable, même, dans une temps d’accéléra- révolution bien plus profonde - vécue certes de l’inté- tion dingue de l’histoire! Alors qu’en outre ce mouvement rieur par ses protagonistes mais de plus attendue/exigée a l’irréductible sentiment de n’en être qu’à ses premiers par mille symptômes externes - révolution, cependant, qui pas et balbutiements. Qu’il se présente et le vit comme se situe au niveau général des médias de communication, tel. sur un plan formel, donc, et de supports, en deçà, ou par delà des clivages de «fond», en son sein même. Ceux-ci, à des niveaux de partis-pris de base et de contenus, de techniques et de vecteurs choisis, de styles et d’inten- tions, étant déjà décelables. Qui provoque aujourd’hui, dors et déjà, des divergences, demain des antagonismes. Alors s’opéreront à nouveau sur ce terrain neuf de l’ora- lité, de la «performance», de l’instantanéisme, des rup- tures, et se recréeront, clans et chapelles. Mais alors seulement. Car pour l’heure se partage encore intensément - tolérance lucide comprise - et se vit, de façon phy- sique et sensible, le sentiment très vif de vivre une aventure, très neuve et sans repères, où se nouent les liens - chaleureux et lâches - autour du globe, obliga- toires, caractéristiques de toute francmaçonnerie under- ground.

Ces liens se nourrissant d’un désir fou de communi- cation, de re-communication, d’instantanéité, vécue, activée. Au diapason de cette fin de siècle, accoucheuse d'informatique et de télématique, cette révolution se veut aussi, par contre-poids, radicale. Eh bien! cette trajectoire boulimique, ce Mouvement, pour l’heure, la vit, porté précisément par cet environnement, comme gon- flé par la richesse même de ses divergences. Par cette variété dont il s’enorgueillit. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 138 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 139

Alors l’avenir… l’avenir… dans tout cela? Optimiste par nature, j’exclue tout de suite que ce mouvement puisse devenir le seul refuge des musiciens ratés ou des mauvais poètes. Qu’il puisse par sa nouveau- té même exercer un phénomène d’attraction… peut-être?… sans doute même!… nous l’avons constaté! Il n’en sera jamais pour autant le lit de la facilité, ni pour l’une ni pour l’autre de ces deux disciplines. Quant à ces der- niers, sans doute en croiserons-nous, sur notre chemin, tentant de s’agripper à cette nouvelle branche, aggluti- nés sur les marches-pieds de ce train en marche. Et il en tombera sur les bas-côtés. Et il en restera dans la malle-arrière. Sans doute, sans doute… mais le problème n’est pas là. Le problème… le problème ne changera pas! Il sera toujours pour quiconque de parvenir à concilier QUALITE, AUTHENTICITÉ et NOUVEAUTE.

I nepte QUe dis-je QUi bat QUe dis-je QUi bat QUe dis-je heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 140 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 141

Alors proférer, dans ces conditions, conjectures et prophéties, je m’y refuse totalement. Ne m’en sens , ni le droit, ni la capacité. Non seulement les bouleverse- ments accélérés de chaque jour, autour de soi, ne peuvent qu’être une incitation à la modestie, mais l’expérience montre à l’évidence, en matière littéraire, que nouveauté et révolution surgissent rarement là où on les attendait. L’ «avant-garde» de demain s’extraira-t-elle de celle d’aujourd’hui? Les mouvements de bascule de l’histoire et les renversements contradictoires de sensibilité d’une époque à l’autre interdisent toute futurologie. Le pré- rrroule rrrâle curseur de demain, seul demain dira qui il fut. A l’image rrrâle rrrame de notre aujourd’hui qui peut se permettre de proclamer rrrame rrround très haut, quels furent ceux qui la préparèrent, ses pré- rrround rrrouille curseurs, quels furent ceux qui pigèrent et raclèrent le rrrouille rrrâcle terrain de ses actuels soubresauts, de ses fantasmes et de ses actions, de ses cauchemars et de ses énergies, le tissu même de son quotidien. Qui tentèrent, avant même qu’il ne soit là, palpable et concret, de l’éclairer ou de l’exorciser, de l’oxygéner ou de le pulvériser. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 142 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 143

rrrâpe rrâle rrrâle rrroule rrroule rrrampe rrrampe rrroule rrroule rrrâle rrrâle rrroulee

Des «laboratoires» et/ou des précurseurs, il en existera - le contraire serait nier l’HISTOIRE - tou- jours. OUF! Ils la préparent, la mijotent… et la font! Un étiquetage, a-priori ou a-posteriori, tout bien pesé, à leur propos, d’ «avant-gardisme» apparaît tout à fait secondaire et sans intérêt. Ce terme usé jusqu’à la corde, est devenu une sorte de passe-partout qui n’ouvre pas forcément sur quelque chose. Seule notre progéniture, dans cent ans, pourra déterminer ce droit à étiquetage, que lui contestera, dans 500 ans, sa propre succession, dont les choix élitistes seront autres. Tandis qu’entre temps, à travers «laboratoires» et «avant-gardes» succes- sives -récupérés/rejetés, selon/selon - se sera tissée l’HISTOIRE. Ainsi l’exige notre besoin de modestie! De recul et de lucidité! ou de franche rigolade! heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 144 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 145

La Poésie Sonore, donc, se refuse à imaginer ce qui pourra lui succéder. Ceci ne lui interdit pas d’avoir le sentiment, présentement très vif, de vivre un «chaînon» de cette HISTOIRE en train de se fabriquer. De se le fignoler, de se le façonner. Passionnément! D’en électri- ser les particules. D’y puiser de l’énergie. Certes. De lui en fournir aussi. De le teinter. De le colorer. De le singulariser. D’y introduire chaleur et souffle et désen- nui. De vivre, donc, intensément. De combler un vide, un manque, et ce Moment. Quitte même à le brûler, peut- être, par outrance ou débordement! Voire!

Qu’adviendra-t-il après? Ce n’est plus son propos! heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 146 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 147

Et le serait-ce, qu’elle se limiterait à dire - du Sa contribution se veut, se sera voulut lucide. Elle bout des lèvres - que la vie suscitera, bien sûr, des est actuellement sur sa lancée et n’en finit pas de cou- avant-gardes, d’autres avant-gardes. Que de celle-çi sur- rir. A toute berzingue, et sans essoufflement, prête à giront peut-être les réels précurseurs de demain. Mais aider quiconque à entrouvrir la porte de ce monde d’hor- peut-être d’ailleurs aussi. Tout aussi bien! reur bouché. A transmettre sa gratuité. Unique, sans doute, dans cet univers exclusivement monnayable et de rentabilité. Pourvu que subsiste cette gratuité, quelque soit l’avant-gardisme à venir. heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 148 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 149

Mais quant à dire vraiment ce qu’est l’avant-garde;;;… Hé! Quelles AVANT-GARDES nous… Oh la la:! Je m’y refuse! On l’aura compris! heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 150 heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 151

tourne tourne TRIME traîne traîne TOMBE loque loque traîne trousse trousse TOURNE tire tire CASSE file file COURS QUI BAT tape tape BAT bong bong TAPE ong ong BANG QUI ou ou BA o o B BAT

Mars- Août 1980

Bernard Heidsieck heidsieck 140*225 9/09/03 17:05 Page 152 heidsieck 140*225 9/09/03 17:51 Page 153

Bernard Heidsieck Nous étions bien peu en...

First edition limited to 250 numbered copies. A 30 copy deluxe mnogrammed limited edition of this book, accompanied by a monogrammed and numbered original “écriture/collage” by the artist, is available from onestar press

Layout: Bernard Heidsieck Special assistants to the artist: Wassila Kaïlali and Mélanie Scarciglia

Printed and bound in France

© 2001 Bernard Heidsieck & onestar press

onestar press www.onestarpress.com

Write us at: [email protected] Bernard Heidsieck est né en 1928. Grand Prix National de Poésie en 1991. L’un des créateurs, à partir de 1955, de la Poésie sonore, et à partir de 1962 de la Poésie Action. onestar press “a collection of books by artists”: A publié un grand nombre de livres et ses textes, enregis- • Christophe Boutin, “self-defense (two points of view)”, January 2000 • Hans Schabus, “[visite] 1999”, March 2000 trés par lui-même, se retrouvent sur plus de 60 disques et • Harvey Benge, “aide-mémoire”, April 2000 cassettes édités dans une dizaine de pays. A réalisé plus • Paul-Armand Gette, “voyage”, June 2000 de 400 Lectures publiques dans une vingtaine de pays. • Tim Maul, “studio visit”, June 2000 • Pamela Golden, “The Pirate”, September 2000 • Jason Stoneking, “no demon no god”, November 2000 • Jean Le Gac, “Les Adieux”, November 2000 • Véronique Aubouy, “Proust lu n°1 - n°182”, January 2001 • Markus Hansen, “German Landscapes 1493/1999”, January 2001 • Wolfgang Berkowski, “Incidental arrangements”, January 2001 • Max Neuhaus, “Ears”, January 2001

Projects under development at onestar press “a collection of books by artists”: • Mac Adams • Elisabetta Benassi, “Storyboard (You’ll never walk alone, Timecode)” • Christophe Boutin • Philippe Buschinger, “domino” • Richard Dailey • Rachid Djaïdani • Marie-Ange Guilleminot • Liz Stirling, “Fade to Pink.” • Garret Linn • Tina Barney