Société Archéologique, Historique Et Scientifique De Soissons. Bulletin
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105 La Commanderie et la Ferme du Mont de Soissons à Serches Presque à mi-distance, sur la route qui joint Soissons à Fère-en-Tardenois, se trouve un point dominant qui fut toujours apprécié. Notre temps y a connu un socle de calvaire, caché sous un buisson, un poteau géodésique, puis un poste d'observation allemand, aujourd'hui le monument des chasseurs. Ce point ne semble qu'un pli de terrain sur le vaste plateau, mais on y découvre un panorama immense : au Nord les crêtes du Soissonnais, au Sud, celles boisées du Tardenois et même la vallée d'Ourcq. Au centre, ce plateau de Cuiry-Lesges et du Mont de Soissons qui au 18ème siècle avait la réputation de fournir le meilleur froment de la province (Carlier). L'endroit se nomma « La Croix Saint-Ursace », puis « L'Epi- ne St-Ursace», une déformation en a fait l'Epitaphe. La ferme du Mont de Soissons s'aperçoit au Nord à quelques centaines de mètres. Un érudit d'époque premier Empire, l'abbé Robert, préten- dit placer là le Noviodunum-Suessionum que César, campé dans l'Oppide de Muret, aurait assiégé. Ce n'était qu'une proposition, elle n'a pas été retenue ; par contre, il est toujours admis, que la route départementale, qui se dévide au milieu du plateau, sans jamais traverser de village, est une voie protohistorique. C'est elle, qui en diagonale, reliait la capitale des Suessiones à la vallée de la Marne. Guibert de Nogent, voulant montrer la férocité de Thomas de Marie, à l'égard de paysans révoltés, rapporte l'expédition qu'il fit sur la « Montagne de Soissons » et M. Bourgin a cru placer le carnage à notre Mont. Ce n'est pas notre avis, les sévices du tyran ont dû se produire sur la « Montagne de Soissons » au Sud de Blérancourt, endroit où les sires de Coucy possédaient des intérêts. — 106 — Il n'est donc pas de traces certaines du Mont de Soissons, avant l'apparition des Templiers, le premier acte qui leur men- tionne du bien à Serches, date de 1133 et émane de l'évêque Goslein de Vierzy. L'insécurité alors était grande au royaume de Jérusalem. Quelques chevaliers recrutés par Hugues de Payns avaient dé- cidé de se muter en croisés permanents, partageant leur temps entre la prière et la police des lieux saints si chèrement conquis. Bientôt, ils désirèrent une existence officielle et le concile de Troyes se réunit en 1128 pour y aviser. L'assemblée était sur- tout champenoise, mais des Soissonnais s'y trouvaient : deux archevêques, huit évêques dont notre Goslein, trois grands ba- rons, dont André de Baudement comte de Braine. Le concile adopta les aspirations des champions du Christ et chargea Saint Bernard de fixer leur règle. Le concile clos, le seigneur de Payns et ses compagnons se dispersèrent pour faire connaître leur institution et solliciter aide. Leurs démarches furent couronnées de succès ; elles sus- citèrent des dons nombreux qui permirent la création des pre- mières maisons templières. La maison du Soissonnais fut de celles-là, car en 1133, l'évêque Goslein «considérant le dévouement que les Templiers montraient à «la religion» leur faisait donation des menues dîmes de sa « cour » ou ferme de Serches, à la condition toute- fois qu'ils lui payeraient un cens de 12 deniers chaque année. Cet acte n'est, à dire vrai, qu'accessoire, il n'est pas celui de la fondation du Mont de Soissons qui reste inconnu, comme le nom de son promoteur. Les titres primordiaux des comman- deries sont tous perdus. L'emplacement avait été fixé de manière assez étonnante : — commanderie non pas sur l'axe routier affectation rurale placée sur le plateau, variante bien opposée aux fermes ancien- nes de la région qui occupent toutes la bordure du plateau, y trouvant à la fois la proximité des terres labourables, l'eau et les pâtures du vallon. Toutefois, les chevaliers ne voulurent pas l'isolement, leur implantation fut le point de départ de quatre et même sept chemins. Deux d'entre eux semblent antérieurs, ils joignaient Chacrise à Epritel et formaient un «chemin de vicomte», qui avait pour justicier le seigneur de Buzancy. — 107 — Les dons suscités par le prestige spirituel des Templiers, n'ont pas dû suffire à créer le domaine du Mont de Soissons. Les générosités, les unes en rentes, les autres en biens fonciers, mon- trent qu'elles étaient disséminées partout et au loin. Mais, à l'image des autres ordres monastiques, les Templiers, par des moyens variés, furent de grands rassembleurs de terres, leur conti- nuité de deux siècles leur permettra de constituer les exploitations qui furent leur vraie richesse, elles allaient relever toutes du Mont de Soissons, seront exploitées par des serviteurs sous le contrôle de frères sergents, lorsque la maison sera importante, on lui construira une chapelle dotée d'un chapelain. Des bienfaiteurs de la commanderie. E. Mannier, auteur des « Commanderies du Grand Prieuré de France» qui a dépouillé les titres originaux de l'Ordre, a publié une série de tractations. On les trouvera parmi celles qui vont suivre ; elles sont incomplètes pour le lieu qui nous inté- resse, mais elles font deviner que son commandeur était un grand régisseur. 1157 - Reconnaissance par l'évêque Ancoul, qu'après le décès d'Eudes, seigneur de Saint-Médard, les frères entreraient en possession de la maison et des terres censuelles et vinales que le dit seigneur leur léguait. 1158 - Robert, comte de Braine et Agnès sa femme abandon- nent tout ce qu'ils possèdent à Valbellan (Villeblain ou Vauberlain). 1192 - Emmeline, femme de Thomas de Fismes, ainsi qu'il résulte d'une confirmation de l'évêque Nivelon, donnait la tierce partie de sa terre de Buici (Bucy), dont elle conservait l'usufruit, en s'obligeant de payer chaque année un cens de 12 deniers à leur maison. La donatrice cependant, se réservait, si elle venait à avoir un enfant, que la terre lui ferait retour lors de sa majorité. 1200 - Les Bénédictins de Saint-Médard, pour obtenir, en fa- veur de leur église, le bénéfice des prières des Templiers, donnaient sous la signature de leur abbé Godefroy, un champ, près du Mont de Soissons. 1200 - Gaudefride de Comin (?) pour le salut et le remède de son âme, donne une terre vers Oulchy, moyennant une rente de 13 setiers de blé. — 108 — Cette rente eut une curieuse destinée, elle continua à se percevoir au cours des siècles, sur la ferme du Mont de Soissons, sera détenue en 1603 par un bourgeois Jean Visignier, qui alors l'abandonnera à l'Ordre de Malte, contre cession de la maison du Temple sise à Soissons, rue des Rats. 1206 - Landry de Faverolles faisait abandon de la libre posses- sion de tout ce qu'il détenait dans sa mouvance du Mont de Soissons. 1230 - Fr. Robert étant commandeur, passait bail de la maison de Chavonne, auparavant donnée à l'Ordre par Fr. Gil- lon (du Temple). En 1239 il achetait aux Cisterciens de Longpont une maison qu'il joignait à la Censé de Billy- sur-Ourcq. L'abbé Pêcheur (Annales IV p. 156) rapporte d'autres actes avec le Chapitre de la Cathédrale. Les seigneurs de Faverolles reparaissent ensuite : Gilbert en 1240 donne divers terrages. Robert en 1247 amortissait des ter- res achetées par les frères dans son domaine au lieudit Culeron et en 1253 leur amortissait d'autres biens nouvellement acquis. En 1253, Alain est chapelain du Mont de Soissons. C'est grâce à ses dons et à ceux de ses oncles Henri et Garin que l'Ordre devra son établissement à Chassemy. Divers accords peuvent encore être signalés dans la seconde partie du XlJJème siècle. L'amortissement de la rente de 20 esseins de blé dus par le moulin templier à Villeblain au sei- gneur du lieu ; celui-ci, Gérard, leur en fit abandon en 1269 ; en 1290 l'abbé de St-Crépin le Grand leur échange un droit de terrage sur deux terres, contre un droit semblable, qu'ils avaient à Violaine dans la censive de cette abbaye. C'est enfin un vidi- mus signé par Hugues de Pairaud l'un des quatre grands digni- taires qui se montrera si peu courageux lors du procès, lequel vidimus, concerne une des maisons que les frères du Mont de Soissons possédaient à Soissons, près de la chapelle Saint-And ré. Par cet acte de 1295 le dit Pairaud accordait à deux de ses bons amis, la maison leur vie durant, contre redevance de 5 sols tournois à payer chaque année au Mont de Soissons. L'énumération qui précède est bien incomplète. Les cartons S des Archives Nationales contiennent d'autres titres intéres- sant Acy - Billy-sur-Aisne - Billy-sur-Ourcq - Chassemy - Chouy - Ciry - Salsogne - Courmelles - Courcelles - Les Crouttes - Cutry - Launoy - Missy-aux-Bois - Vailly... etc. — 109 — Templiers et commanderie. L'ordre était mi religieux, mi militaire. Ses profès faisaient voeux de chasteté, d'obéissance et de pauvreté. Son but était surtout d'entretenir la seule armée permanente et ses forteresses d'Orient, affrontées à l'Islam. Une telle entreprise nécessitait de gros capitaux, les commanderies d'Occident se devaient de drainer outremer leurs gains et revenus et des hommes d'armes éprouvés. Les Templiers en plus, délivraient des aumônes et prêtaient assistance aux pèlerins. Sous la direction d'un commandeur ou précepteur, la com- manderie était un enclos où l'on vivait sur soi, séminaire de chevaliers à robe blanche, mais habité surtout par des sergents à robe brune, des domestiques et des artisans attachés à l'exploi- tation agricole. Chacune avait depuis l'autorisation papale de 1172, sa cha- pelle et son cimetière, chapelle qui relevait directement du Saint Siège et qui, par conséquent, échappait à la juridiction épisco- pale ; ainsi en allait-il au Mont de Soissons.