Journée Du 12 Mars 2020
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Journée du 12 Mars 2020 Intervenants : Olivier Legrand - Parallèlement à sa carrière de scénariste BD et d'auteur de jeux de rôle, il est professeur de lettres et il réside à Caen. Fabrice Neaud – Auteur et artiste français. Il est notamment connu comme auteur de bande dessinée, en particulier pour son Journal publié entre 1996 et 2002. Alain Demarco - University of Nice Sophia Antipolis, Nice (UNS) Première intervention (par skype) d’Olivier Legrand Olivier Legrand revendique être un auteur de BD de genre (Policier, Fantaisie, Aventure,…) J’utilise déjà des univers existants dans lesquels j’insère des personnages et un récit afin de créer d’emblée une familiarité avec le lecteur. Ainsi Les quatre de Baker Street. Ce sont trois enfants qui vont aider Sherlock Holmes. Et à chaque fois, dans cet univers déjà connu de Baker Street au XIXè, on s’intéresse à un quartier de Londres et à un sujet social offrant plusieurs niveaux de lecture. Je travaille avec Jean-Blaise Djian, scénariste français de bande dessinée d’origine arménienne qui a commencé ses travaux de scénariste avec Loisel. La série « Baker Street » est dessinée par David Etien , dessinateur et coloriste français de bande dessinée. Les Quatre de Baker Street est une série de bande dessinée d’aventure policière française éditée en 2009 par les éditions des Vents d'Ouest. Elle met en scène des Irréguliers de Baker Street, en faisant référence à leurs apparitions dans les romans de Conan Doyle, et en expliquant l'absence remarquée de leur ancien chef, Wiggins. Billy, Black Tom et Charlie sont trois enfants livrés à eux-mêmes dans l’East End londonien de la fin du XIXe siècle. Ils sont inséparables et font parfois office d'espions des rues pour le célèbre Sherlock Holmes. Dans le tome 1 L’Affaire du rideau bleu, les enfants ont 10 ans. Dans le tome 8, ils arrivent à l’adolescence. On retrouve dans cette série quelques personnages du « Canon Doylien ». Les auteurs tiennent à une certaine orthodoxie par rapport à l’univers de Conan Doyle. Cette BD s’adresse au lecteur de 7 à 77 ans. Si les contraintes d’écritures sont assez fortes (Espace-temps des bas quartiers de Londres à l’époque victorienne), si aucun élément relevant du fantastique n’y est admis, les personnages peuvent cependant évoluer dans leur histoire et dans le pathos conformément au ton dominant donné par ces œuvres. À Londres, dans le dernier quart du XIXe siècle, on comptait 90 000 arrestations en moyenne par an, deux cents cas de morts violentes, plus d’une centaine de corps repêchés dans la Tamise. La misère était considérable, à la mesure des triomphes de l’Empire. À cette époque, Charles Dickens (1812-1870) et Lewis Carroll (1832-1898) contaient, chacun à sa manière, les gloires de l’enfance, Jack The Ripper (1888) semait la terreur, la Grande-Bretagne était fière de ses conquêtes, et Conan Doyle (1859-1930) inventait Sherlock Holmes. Quelles sont les étapes du travail ? 1 - D’abord, je travaille avec Jean-Blaise Djian sur le script, comme pour une pièce de théâtre ; - 2 - Ensuite vient le découpage. Il s’agit alors d’une version mise en scène et détaillée case par case. 3 - Le découpage, c’est la colonne vertébrale d’un récit. Si on le rate, on perd le lecteur. Avec ce découpage le dessinateur travaille un premier storyboard puis le renvoie aux scénaristes pour approbation. Le storyboard découpe l’action rapidement pour aller à l’essentiel. Il sera moins précis que la planche de bd en elle-même, mais il donne un aperçu rapide du lieu, de l’ambiance, des personnages et de l’action. 4 – Le trait et l’encrage. Encrer, c'est repasser le trait crayonné, mais pas seulement. C'est définir ce trait à la fois par sa forme, son épaisseur, sa place. C'est une confirmation d'un choix possible. C'est aussi une indication de matière, de lumière, de plan. 5 – Puis la finalisation qui n’est pas toujours faite par le dessinateur. 2 - L’écriture BD Elle est très différente de l’écriture romanesque et plus proche de l’écriture cinématographique. Dans une BD, le temps devient espace. La pagination contraint l'espace-temps du récit. Particulièrement dans la BD de genre, la pagination est fixée au début. Pour Les quatre de Bakerstreet, on sait que la pagination durera 54 pages soit tant de pages droites et tant de pages gauches. Et cela compte aussi dans la mesure où l'auteur pourra faire monter la tension du récit au moment précis où le lecteur devra tourner la page. Les productions sont de plus en plus exigeantes et peut être de plus en plus calibrées. Ce qu'une maison d'édition acceptait de publier hier ne serait peut être pas publié aujourd'hui. Ainsi, Edgar P Jacobs (Edgard Félix Pierre Jacob, plus connu sous le nom d'Edgar P. Jacobs, est un auteur de bande dessinée belge. Il est le créateur de la série des Blake et Mortimer) qui rêvait d'être chanteur d'opéra, baryton en particulier écrit énormément de texte. Ainsi ses défenseurs évoquent son rêve d'opéra et regardent ses pavés de texte comme la ligne de basse sur une partition. Il est probable qu'aujourd'hui Edgard P. Jacobs et Tardi ne réussiraient pas à se faire publier Ils restent des maîtres incontestés et bénéficient de cela mais leur travail est marginal et très différent de ce qui est publié aujourd'hui. 3 – L'aspect commercial Le marché francophone est énorme (avec les Comics aux EU et les mangas en Asie). Les contraintes de compétitivité sont également énormes. La carrière d'un album se décide dans les premières semaines de sa conception et les énormes moyens qui y seront mis ne devront pas décevoir. Les seuils de rentabilités sont de plus en plus élevés dans la BD. Intervention de Fabrice Neaud Depuis 1994, Fabrice Neaud a entrepris un projet novateur et ambitieux : réaliser son journal en bande dessinée. La BD d'auteur est le qualificatif qui accompagne cet artiste dès la sortie de son Journal sans pour autant qu'il le revendique. Son travail qui commence en 1992 n'était attendu de personne. Comme plusieurs autres auteurs réunis à Angoulême, il se questionnait sur l'avenir d'un métier auquel il s'était formé. Lui même qui rêvait de BD SF et qui avait tout juste 24 ans n'envisageait pas immédiatement d'écrire un journal ou une autobiographie. Le Journal raconte la vie du narrateur, artiste homosexuel au chômage habitant une « ville moyenne de province », « qui sort la nuit dans les parcs pour faire des rencontres [et] qui tombe amoureux ». Neaud utilise un style « sans fausse pudeur, sans faux-semblants, sans tabous » pour décrire de manière très précise son quotidien au moyen d'un dessin réaliste épuré. L'homosexualité constitue un thème central dans l'œuvre. Il a fallu que des amis m'y poussent. Nous étions tous en train de chercher notre place et notre légitimité. Après la création de quelques saynètes que proposait chacun de nous, nous décidions entre nous de produire une sorte de Fanzine à l'aide d'une photocopieuse en nous imposant des chartes graphiques exigeantes dont nous convenions. Depuis ses origines, la BD passait, la plupart du temps, par une pré-publication dans les journaux. Or, petit à petit, et particulièrement dans les années 1990, la BD est devenue un média, à part entière, qui ne s'est plus uniquement destiné à la presse. Profitant de cette mutation, l'album a pris le dessus. Cependant, ce nouveau support s'est coupé d'une partie du lectorat populaire. À la fin des années 1990, rares étaient les créations, datant de moins de 20 ans, qui vendaient à plus de 100 000 exemplaires. Nous voulions renouveler cet art autant que nous espérions en vivre. Toute une génération de jeunes auteurs entre 20 et 30 ans décide de s'imposer. Loin des récits d'aventure qui se sclérosent un peu, loin des héros de SF qui se caricaturent de plus en plus, nous décidions de faire une proposition alternative avec une charte graphique assez pointue en faisant référence aux graveurs du XVIIIè qui revendiquaient eux aussi l'expérimental. Il n'y avait alors que Métal Hurlant qui sortait des rangs depuis les années 1970. Nous voulions rester dans une logique d'auteur « complet » qui bien sur va puiser dans le vocabulaire du cinéma. On parlait de BD d'auteur comme on parlait de cinéma d'auteur, une notion non dépourvue de prétention qui est aujourd'hui totalement dépassée. À l'instar de nos recherches, la bande dessinée finit par se trouver un peu. Elle connaît un renouvellement important en France dans ces années là suite à plusieurs parutions emblématiques (Approximativement de Lewis Trondheim, Livret de Phamille de Jean-Christophe Menu, L’Ascension du Haut-Mal de David B, les comix de Mattt Konture) qui marquent un véritable engouement des auteurs de bande dessinée pour l’écriture à la première personne, traduit concrètement par la création de la maison d’édition « ego comme x », qui publie en 1994, dans sa revue éponyme, le Journal de Fabrice Neaud et se spécialise en partie dans l’autobiographie dessinée. L’engouement se poursuit dans les années 2000, selon des modalités variées dont le Persepolis de Marjane Satrapi, les carnets de Joann Sfar, Le combat ordinaire de Manu Larcenet ou le Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet seront d’autres exemples à la fois marquants et distincts. Aujourd'hui, la critique a rangé la BD du coté de la sémiologie tentant ainsi de l'éloigner du cinéma auquel elle emprunte encore beaucoup de son vocabulaire tant il est vrai que la BD ne s'est pas encore constitué un vocabulaire indépendant ? La BD dans ces années 90 avait un coté « Factory » à partir duquel son évolution et son autonomisation ont été possibles.