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L’église de Landeleau et l’étonnante histoire de la tombe au gisant d’Auffray du Chastel

Jean GUICHOUX

Le gisant de 1638, réalisé par Roland Le Doré 1, a été sculpté dans la kersantite, dite pierre de Kersanton. Auffray du Chastel, seigneur de Châteaugal à Landeleau, est représenté allongé, les mains jointes, en armure. La garde de son épée est recouverte d’un écu avec les armes de la maison des du Chastel. Ses pieds reposent sur un lion portant une banderole où figure la devise en breton des seigneurs de Châteaugal, « MAR:CAR:DOE » (s’il plaît à dieu ou si dieu le veut).

ette sculpture, vieille de 378 ans, se trouvait dans Ancienne église de Landeleau 1 C l’église de Landeleau jusqu’à la Révolution. La période de sa construction n’est pas connue avec certitu- Cédée par la commune au musée archéologique de de. en 1874, elle rejoindra ensuite le nouveau musée En 1844, dans son Guide du voyageur dans le Finistère , le cheva- installé dans l’ancien palais des évêques de Cornouaille. lier de Fréminville note que sur le portail méridional se lit en Exposée au public jusqu’aux années 1980, elle était conser- caractères gothiques, sur un cartouche déroulé que tient une vée depuis dans ses réserves. figure d’ange, « l’an mil CCCCCXL En 2003, les démarches entamées auprès du musée par des (1540) fust fait ceste ». membres de la commission patrimoine de Landeleau per- Aucun document trouvé à ce mettront le retour du gisant dans la commune. jour ne confirme cette date. Après sa restauration par l’atelier Floch de La Chapelle-Caro Peut-être s’agit-il d’une dans le Morbihan, il a été placé sur un support en pierres de importante restauration, car le taille dans l’église communale. pignon a été construit et rectifié de neuf et par le moyen semblablement la grande vitre changée et faite de neuf en 1498. A la médiathèque de Quimper sont conservés les carnets de travail du Chanoine Jean-Marie Abgrall (voir annexes). Sur l’un d’entre eux figure le plan manuscrit de l’ancienne église dressé en 1885. On y remarque la vieille sacristie où a reposé le cercueil du seigneur de Châteaugal après son exhumation en 1638 et le pignon est, sans fenêtre. Ce plan et d’autres documents prouvent

uniquement l’ancienneté de certaines Le gisant dans l’église de Landeleau. Photo 2015 parties de l’édifice. Les archives mentionnent de Quatre pierres sculptées provenant de l’ancien tombeau y nombreuses modifications effectuées aux sont insérées. Elles se trouvaient dans le mur sud de cette 18 et 19 e siècles. église depuis sa reconstruction en 1896. En 1713, Germain Le Breton est Des documents conservés aux diverses archives de Quim- adjudicataire de la démolition de la tour de per, Brest, Rennes et Nantes ont permis de retracer bois pour 6 livres. l’histoire de cette sculpture funéraire. En novembre 1716, l’évêque a donné l’ordre de déplacer le saint-sacrement dans la petite chapelle 1 Cette sculpture tumulaire, longue de 1m73, est l’œuvre de Roland Doré, de Saint-Modé, située dans le cimetière, vu le péril sculpteur à . Elle ressemble aux huit autres, du même artiste, recensées en Basse-Bretagne par Emmanuelle Le Seach, dont celle de Yves Le évident et la ruine totale de l’église . Bervet, seigneur du Parc, mort en 1640, et exposée au musée Départemental Breton de Quimper.

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CI-DESSUS Entre 1716 et 1718, le grand pignon du maître-autel est Plan de l’église de Landeleau d’après le croquis de Jean-Marie ABGRALL démoli, ainsi qu’une partie de la charpente. La petite vitre donnant sur l’autel de Sainte-Marguerite est déplacée à côté de CI-DESSOUS Elévation de la vieille église en 1885 par LE BIGOT la costière joignant le grand pignon du midi à ce que le grand pignon de l’église soit plus fort et que la dite église reçoive plus de jour. La grande fenêtre donnant du midi sur le grand autel est refaite. De nouveaux vitraux y seront posés. Les travaux sont plusieurs fois suspendus car la fabrique n’a pas l’argent nécessaire pour payer les ouvriers. Les fabriciens craignent que le vent enlève le toit et que le retable du maître-autel, estimé à plus de 2 000 livres, soit abîmé par la pluie et le soleil. Pour achever les travaux, 300 livres sont empruntées sur les fonds de la chapelle de Lansignac. En 1730, on construit le clocher, pour mettre les cloches , égard au grand danger et autres incommodités de messieurs les recteurs et prêtres de la dite paroisse d’être obligés à tout moment de souffrir dans leur sacristie et les sonneurs de cloches et plusieurs autres personnes pour monter et descendre à sonner les dites cloches dans l’endroit où elles sont, outre que souvent les bruits qu’elles font les empêchent de plu- sieurs particularités. Ces travaux sont effectués par Louis Sa- laun, architecte et entrepreneur, demeurant à . Du- rant sa construction, des modifications sont apportées sui- vant les voeux de la fabrique. Le clocher était prévu à 45 pieds dont tout le monde connaît à vue d’œil qu’il faut encore le lever de 5 pieds de plus avant de poser la plate-forme ou bien le clocher n’aurait aucune grâce et paraîtrait très difforme. En 1805, on refait complètement la toiture sud de l’église avec le remplacement de la charpente en mauvais état pour 1 095 francs. Le bois sera fourni par la fabrique et le charroi des ardoises assuré par les paroissiens. Des travaux d’entretien seront effectués régulièrement jus- qu’à sa déconstruction en 1896.

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Nouvelle église de Landeleau Elle a été bâtie sur l’emplacement de la précédente. En 1885, Jules Boyer et Gustave Bigot, architectes, sont appelés par la fabrique de Landeleau pour dresser le procès-verbal de l’état de l’église et de son clocher. Ils constatent que la charpente de la nef est complètement disloquée. Les arcades sont déjetées vers le sud, les murs ne sont plus à l’aplomb. Le creusement des tombes contre ces murs à l’extérieur et à l’intérieur en est la principale raison. Des enterrements ont eu lieu dans la vieille église jusqu’en 1745 et peut-être plus tard. Après cette date, les registres des décès de la paroisse ne men- tionnent plus le lieu d’inhumation. Ils notent aussi une grande inclinaison du clocher vers l’est. La principale raison évo- quée est sa construction en pierres de taille à l’extérieur et en moellons à l’intérieur. Le balancement des cloches et les infiltrations d’eau ont aussi contribué à son inclinaison. Il risque de s’écrouler à tout moment et il est urgent de le démonter. En attendant les travaux, on interdira l’entrée ouest et une clôture provisoire devra être placée à l’intérieur à environ 13 mètres du pied du clocher. Devant l’urgence des travaux et le manque de moyens financiers, seul le clocher est reconstruit en 1887 par Jean-Louis Le Naour, entrepreneur à Quimper. Démonté pierre par pierre, il est remonté de manière semblable suivant le projet du chanoine Abgrall. Le clocher actuel

Les matériaux récupérables de l’ancienne église ont servi à sa construction, les autres ont été vendus aux enchères. Elle sera consacrée le 16 novembre 1897 par l’évêque de Quimper.

Les seigneurs de Châteaugal D’après les archives, dont certaines remontent au début du 15 e siècle, les principales seigneuries de Landeleau ont tou- jours été celles de Châteaugal et du Grannec dont les do- maines s’étendaient sur les paroisses voisines.

L’église actuelle date de 1896 selon les plans dressés par Le De nombreuses procédures opposant leurs propriétaires Guerranic, architecte à Saint-Brieuc, en remplacement de pour des droits honorifiques dans les églises de Landeleau et ceux du chanoine Abgrall, contraint de renoncer à son tra- se retrouvent principalement dans les fonds des tribunaux de l’Ancien Régime. vail pour des raisons personnelles. De nombreuses années seront nécessaires pour départager N’étant pas les fondateurs de celle de Landeleau, mais hauts les partisans de sa rénovation et ceux d’une construction justiciers, premiers prééminenciers ou bienfaiteurs, ils vont nouvelle. se disputer principalement l’emplacement de leurs armoiries sur les vitraux et leurs droits de bancs et de sépultures. Le 30 novembre 1895, Alain Herry, entrepreneur à Lam- paul-, obtient le marché pour 21 762 francs. Soucieux de marquer leur pouvoir, certains n’hésiteront pas La vente d’arbres de haute futaie, se trouvant dans le cime- à user de violences pour conserver ou renforcer leur pré- dominance. tière et dans les enclos des chapelles de Saint-Roch et Saint- Laurent, a été nécessaire pour compléter le budget.

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Reconstitution de la partie supérieure de la maîtresse vitre de l’église de côté d’icelle vitre à occasion du quel débat les dites parties, l’une devers Landeleau en 1654, d’après sa description (AD29) et un dessin des vitraux de l’autre et par force et insolence, par voie de fait avaient fait bris, de l’église de Collorec (AD35) rompu et abattu les dites armes et armoiries, l’une après l’autre. A et Bretagne. B Bretagne. C Du Chastel de Châteaugal. D Kermellec-Languenoez. E Boutteville. F Lohennec. G Lohennec- L’accord prévoit que le sieur de Mesle jouira pour lui et ses succes- Coëtanezre. H Châteaugal - Mesle. seurs mettre ses armes en la dite grande vitre de l’église paroissiale de Landeleau, aux deux plus hauts et prochains soufflets et fenêtre auquel En 1498, Henry du Chastel, seigneur de Mesle et de Châ- haut lieu seront apposées et assises les armes de la Reine Duchesse teaugal, et Guillaume de La Marche 2, seigneur du Grannec, notre souveraine dame aux quels d’iceux soufflets proches du dit souve- après avoir brisé par force, insolence et voie de fait les signes de rain soufflet le dit sieur de Mesle pourra mettre et asseoir ses dites noblesse de leur adversaire, profitent de la reconstruction du armes comme il est et sans que le dit sieur du Grannec lui puisse pignon de l’église et de la maîtresse-vitre pour s’accorder sur donner aucun trouble et empêchement…le sieur du Grannec mettra et l’emplacement de leurs armoiries, le seigneur du Grannec pourra mettre, apposer et asseoir semblablement ses armes, il, ses hoirs acceptant d’avoir ses armes et ses armoiries au-dessous de et causseyants au temps à venir comme bon lui semblera, à deux autres celles du seigneur de Châteaugal. soufflets proches sous les soufflets où seront apposées les armes du Pour éteindre le plect au sujet des questions et différents droits et pré- seigneur de Mesle… et ledit sieur du Grannec aux deux fenêtres éminences et prérogatives que les dites parties et chacune avaient dit et d’icelle vitre du côté de l’épître pourra aussi mettre, apposer, asseoir ses disaient l’une vers l’autre avoir et leur appartenir en l’église paroissiale armes ou autres armes qu’il y pourra ajouter à d’autres personnes, de Landeleau et le mettre, faire mettre, apposer, maintenir et garder en ainsi que le dit sieur de Mesle, sans que l’un ne puisse donner empê- la grande vitre du chanceau d’icelle église, leurs armes et armoiries, et chement à l’autre, de faire ce que est ci-dessus parlé en aucune maniè- quel chanceau (balustrade en pierre ou en bois entourant le re… chœur) et pignon du haut d’icelle église eut été construit et rectifié de Ces droits d’armoiries sont régulièrement confirmés par les neuf et par le moyen semblablement la grande vitre changée et faite de différents propriétaires de Châteaugal. Dans son aveu de neuf à la quelle vitre sur ce que les dits sieurs de Mesle et La Marche 1544, Jehan du Chastel évoque en même temps ses droits de et sa compagne y avaient voulu apposer et asseoir leurs armes chacune tombe dans l’église. sa part et ce que de fait les avaient mises et assises. S’étaient entre eux En 1619, Auffray du Chastel, seigneur de Châteaugal, petit- nombreux débats de savoir en quels lieux et endroits leurs dites armes fils du précédent, déclarera les mêmes droits en l’église parois- d’une et autre part devaient être apposées et mises et lequel des dits siale de Landeleau avec sur la maîtresse-vitre au plus haut et plus nommés les devait avoir plus haut et au plus éminent lieu et auquel éminent lieu ses armes et signes de noblesse en deux écussons sous le roi. Plus a ses armes en intersigne de noblesse au-dessus d’un autel qui est du côté de l’épître du grand autel avec deux tombes élevées, l’une au 2 Guillaume de La Marche est décédé vers 1500. Sa veuve, Marie Lohennec, milieu du chœur, l’autre du côté de l’épître du grand autel avec deux épousera ensuite Richard de Coëtanezre, seigneur de Pratmaria. escabeaux aux deux plus hauts côtés d’icelle église et grand autel et

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aussi lui appartiennent les tombes basses qui sont en dessous des dits bancs et escabeaux...

Le manoir de Châteaugal La date de la construction du manoir de Châteaugal (appelé quelquefois château) n’est pas connue. En 1420, le serment fait au duc de Bretagne par son propriétaire Jehan de Kermel- lec, paroissien de Landeleau, de garder fidèlement le château de l’Isle atteste son existence (trésor des chartes, AD 44). La même année, le duc qualifie ce dernier de bien aimé et fidèle chancelier et chambellan. Récompensé de sa fidélité par de nombreux avantages, il obtient en 1427 le droit de faire élever des patibulaires à 3 piliers sur sa seigneurie de Landeleau. Sa fille Isabeau épouse vers 1420, Henri du Chastel, sei- gneur de Mesle (Maël-Carhaix). Leurs héritiers conserveront le manoir et ses terres pendant presque 200 ans. En 1680, le manoir et ses annexes consistent en écuries au midi et au nord, portail, dôme (ou douve ?) et pavillons faisant la clôture de la principale cour, la dite cour comprise, avant cour et ses clôtures, issues devant et derrière la dite maison antichambre et autres éligements. En 1691, il est tenu en ferme par Allain de Penpoullou de Paule, puis pendant plus de 50 ans par la famille Nobile. Lors de sa vente comme bien national en 1796, les bâti- ments se composent de la maison principale ayant 29 pieds de longueur, largeur 22, hauteur 22, couverte d’ardoises avec 2 pignons, chambre et grenier, 1 pavillon d’attache qui a 16 pieds de longueur, 11 de large, 17 de haut, avec aussi chambre et grenier et sous couverture d’ardoises, le tout en très mauvais état, 1 longère de maison à four, crèches, granges se tenant et ayant de longueur en œuvre y compris les murs de séparation 161 pieds de longueur, 19 de largeur et 15 de hauteur, sous couverture d’ardoises. Manoir de Châteaugal vers 1978 - Façades avant et arrière du En 1847, des vestiges de l’ancien château et de sa chapelle bâtiment principal sont encore visibles. Le colombier est également signalé.

Le bâtiment principal date de la fin du 17 e ou du début du Trois ans et demi plus tard, le 5 décembre 1641, Moricette 18 e siècle et peut avoir été construit par la famille Nobile de Ploeuc, propriétaire de la seigneurie du Grannec, épouse (pierre sculptée portant ce patronyme). de Louis Gourcuff, demeurant au manoir de Tréménec En partie restaurée, la propriété est un domaine privé. (paroisse de ), porte plainte devant le présidial de

Quimper contre Claude du Chastel, seigneur de Châteaugal,

fils mineur de Renée de La Marche. En tant que propriétaire Construction de la tombe au gisant de la seigneurie du Grannec, et en vertu de ses droits hono- Vincent du Chastel, en son vivant seigneur de Châteaugal, rifiques dans l’église de Landeleau, dont une tombe et des Rosquijéau, décède sans héritier en février 1614. Auffray du armoiries sur les vitres, la dame de Tréménec veut faire Chastel, son jeune frère, devient le propriétaire de Château- démolir la tombe d’Auffray du Chastel, construite sans son gal. accord. De son union avec Renée de La Marche, fille unique de Claude du Chastel conteste les droits de tombe de Moricette René et de Françoise du Plessis, il aura deux enfants : Clau- de Ploeuc. de, né en 1621, et Thérèse, décédée à 6 ans et enterrée dans Une enquête civile est ordonnée. l’église de Landeleau. Deux ans après le dépôt de la plainte, le 9 février 1643, le Auffray du Chastel va mourir à Châteaugal en octobre 1637 sénéchal de Cornouaille se rend à Châteauneuf-du-Faou afin et être enterré dans la tombe familiale située au milieu du d’interroger des témoins de cette affaire. chœur de l’église. Ce sont au total 25 personnes qui sont entendues chez Au début de l’année 1638, sa veuve exhume son cadavre et François Lozechmeur, hôtelier à Châteauneuf-du-Faou : entreprend la construction d’un caveau à l’emplacement de 1/ Ecuyer Alain de Keraldanet, sieur de Gouderne, 48 ans, la tombe. Sur ce caveau, elle fait poser un gisant reposant demeurant ce jour au village de Lansignac et depuis 18 à 20 sur un socle en pierres. Quatre de ces pierres en Kersantite ans dans la paroisse de Landeleau. sont sculptées aux armes des différents propriétaires de 2/ Maître Jean Laurens, procureur au siège royal de Lande- Châteaugal. leau, 40 ans, demeurant au bourg de Landeleau. 3/ Jean Forloroux, couvreur d’ardoises, 75 ans, demeurant au village du Stang à Landeleau.

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4/ Louis Conan, maçon, 26 ans, demeurant au bourg de te-Catherine de l’église. Celui d’Auffray du Chastel est dépo- Landeleau. sé dans la vieille sacristie en attendant l’achèvement de la 5/ Jacques Saliou, prêtre et recteur, 43 ans, demeurant au sépulture. presbytère, pourvu du bénéfice de la cure de Landeleau depuis 12 à Le caveau terminé, le corps du défunt y est placé et la sépul- 13 ans, depuis lequel temps il a toujours tenu sa résidence en la dite ture refermée. Ensuite la tombe élevée est entablée d’un gens paroisse . d’arme armoirié. 6/ Jean Roignant, sonneur de cloches, 54 ans, demeurant au Le témoignage de Jacques Saliou, prêtre et recteur de Lan- bourg de Landeleau. deleau, résume en grande partie l’ensemble des autres dépo- 7/ Marie Le Poulain, veuve de Guillaume Scouarnec, 60 sitions. ans, demeurant au bourg de Landeleau. Messire Jacques Saliou, prêtre et recteur, témoin juré par les saints 8/ Baptiste Bariou, voiturier, 35 ans, demeurant au village ordres, après lui avoir fait mettre la main sur l’estomac….dépose avoir du Cleuziou à Landeleau. vu construire de nouveau la tombe enlevée étant à présent au chœur de 9/ Yvon Le Poulain, voiturier, 33 ans, demeurant au village la dite église ce qui fut fait sur l’ordre de la dame douairière de Mesle , de Pennanech à Landeleau. (Renée de La Marche, veuve d’Auffray du Chastel) environ les 10/ Gilles Garnier, sergent de la juridiction de Châteaugal, quatre à cinq ans. Auparavant il y avait un grand coffre de bois en 43 ans, demeurant au village du Cleuziou à Landeleau. forme de cercueil ou forme de fausse chasse peint de noir avec une croix 11/ Ambroise Kerganivet, laboureur de terres, 25 ans, de- blanche par le milieu armoyé des armes des seigneurs de Mesle et au- meurant à la métairie du Grannec à Landeleau. dessous des tombes plates ardoisines non armoyées et conforme à toutes 12/ Claude Le Guillou, laboureur de terres, 35 ans, demeu- les autres qui sont dans la dite église en l’une des quelles le déposant dit rant au village de Coatilliou à Collorec. avoir fait deux enterrements des défunts de la maison de Châteaugal, 13/ Yves Cran, prêtre et curé de Landeleau, 50 ans, demeu- savoir le premier un fils au seigneur de Coetenez (neveu d’Auffray rant ce jour au village de Kerret, et depuis 25 ans dans la du Chastel) qui mourut audit Châteaugal et l’autre du défunt sei- dite paroisse. gneur de Mesle. Dans les autres tombes aux environs dit aussi le 14/ Jean Kerangueven, laboureur de terres, 37 ans, demeu- déposant avoir enterré plusieurs particuliers de la dite paroisse indiffé- rant au village de Resbital à Plonévez-du-Faou. rent. Aux ouvertures des quelles tombes il a vu qu’il n’y avait aucune 15/ Catherine Kerganivet, 30 ans, épouse de François Pe- voûte fors depuis la construction de la dite voûte de pierres nouvellement zron, demeurant au manoir de La Garaine à Plonévez-du- élevée, pour la construction de laquelle il a été enlevé cinq à six cada- Faou. vres lesquels les vit tirer en la dite église mais ne s’y arrêta pas à cause 16/ Louis Le Goff, laboureur de terres, 40 ans, demeurant de l’infection qu’ils y causaient, parmi lesquels cadavres était celui au village de Tréflech à Collorec. dudit défunt seigneur de Mesle qui fut déposé en la sacristie de la dite 17/ Guimarch Le Fresq, charpentier, demeurant au bourg église pendant la perfection de la dite voûte, laquelle accomplie le dépo- de Collorec. sant assista à le remettre. Ensuite fut la dite tombe élevée construite 18/ Nouel Hervé, laboureur de terres, 36 ans, demeurant au au-dessus et la dite voûte entablée d’un gens d’arme armoyé comme elle bourg de Collorec. se voit en la dite église . 19/ Marie Bosser, 50 à 60 ans, épouse de Guillaume Le Il déclare aussi que la veuve d’Auffray du Chastel a fait poser Breton, demeurant au village de Keroué à Landeleau. sans autorisation les armes du défunt sur la nouvelle croix construite 20/ Louis Jézéquel, couturier, 80 ans, demeurant au bourg aux frais de la paroisse dans le cimetière 3. de Collorec. 21/ Pierre Lancou, laboureur de terres, 38 ans, demeurant Maître Jean Laurens, procureur au siège royal de Landeleau, au village de Kerbulzic à Collorec. ajoute avoir vu enterrer un enfant de la sœur d’Auffray du Chastel, 22/ Maître Jean Floch, notaire, 55 ans, demeurant au bourg venu à Châteaugal pour changer d’air et décédé environ les 15 ans de Landeleau. (1628) et enterré en une tombe sous l’arcade séparant le chœur de la 23/ Jeanne Ruello, épouse de Jean Floch, 45 ans, demeurant chapelle de Sainte-Catherine. au bourg de Landeleau. Barnabas Caro, le maçon, a déclaré avoir passé 3 jours à vestir et 24/ Renée du Vieux Castel, épouse de maître Jean Laurens, escarer les pierres plates de la voûte . 35 ans, demeurant au bourg de Landeleau. Jean Roignant, le sonneur de cloches, dépose qu’il a assisté à 25/ Barnabas Caro, maçon et piqueur de pierres, 45 ans, l’exhumation de quatre corps dont celui d’Auffray du Chas- demeurant au village de Lesnevez à Cléden-Poher. tel. Les trois autres étant ceux de maître Michel Le Floch, Tous les témoins déclarent que la tombe élevée et le gendarme Yvon Le Jeune et Marie Le Roux qui ont été aussitôt enter- (gisant) ont été exécutés aux frais de Renée de La Marche, rés dans la chapelle de Sainte-Catherine de l’église paroissia- veuve d’Auffray du Chastel. Ils estiment sa construction en le. Les anciennes fosses contenant les cadavres ont été 1638 et déclarent que le seigneur de Mesle et de Châteaugal, curées et nettoyées. mort depuis environ cinq ans, reposait dans le chœur de Yves Crann, prêtre et curé de Landeleau depuis 25 ans, l’église, sous une simple dalle en ardoise semblable à toutes confirme la déposition du sonneur de cloches et ajoute qu’il celles qui se trouvent dans la dite église. vit enterrer une sœur de Claude du Chastel à présent seigneur de Châ- Sur cette tombe plate en pierres ardoisines, se trouvait un banc de teaugal (il s’agit de Thérèse du Chastel décédée à l’âge de 6 bois peint en forme de cercueil ou de fausse chasse avec une croix ans). blanche par le milieu, armoiriée des armes des seigneurs de Mesle et Les témoins ignorent si Moricette de Ploeuc a droit de tombe, Châteaugal. Pour construire la tombe voûtée (caveau), quatre cadavres sont exhumés. Trois sont aussitôt enterrés dans la chapelle Sain- 3 En 1639, la fabrique de Landeleau a payé à Roland Le Doré 99 francs argent et 2 sacs de seigle pour la façon de la croix du cimetière suivant le marché.

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escabeau, lisière 4 ou autres prééminences en l’église de Landeleau , mais de faire ôter l’enfeu de Châteaugal et de le changer de place pour la certains indiquent qu’une tombe est supposée appartenir commodité du service divin et de le mettre à une même hauteur proche aux seigneurs du Grannec. de la muraille du coté de l’épître, en sorte que dans la place dudit enfeu, Yves Cran, le recteur, déclare avoir ouï dire par les anciens de la le terrain demeure sans élévation et à fleur de terre, même de faire paroisse et le bruit commun, que la tombe qui se trouve sous l’arcade changer leurs bancs des dites seigneuries et transporter le petit dans la séparant le choeur de l’église de la chapelle de Sainte-Catherine vis-à- place du grand. Permettons de plus que l’on puisse allonger le balustre vis de Saint-Sébastien, élevée de terre de un pieds et demi, est la sépul- pardessus la tombe de la seigneurie de Crapado. ture du Grannec , et vu y enterrer une sœur au seigneur présent de Fait au château de Pratulo le deuxième février 1719 et signé prési- Châteaugal . Également ouï dire par tous les habitants de la paroisse dent De Marbeuf. que le banc apposé sur icelle tombe par le seigneur de Châteaugal être On ignore si cet enfeu désigne le tombeau d’Auffray du toléré sous les bons plaisirs des seigneurs du Grannec. Chastel et si son changement de place a été effectué. Marie Bosser ajoute avoir entendu d’un nommé Hervé Le Com, Dans son aveu du 7 février 1764, Marie-Félix-Pauline Hay homme fort ancien, décédé il y a quelques années, que la sépulture du de Nétumières, propriétaire de Châteaugal et autres lieux, Grannec était une tombe plate hors de terre d’un demi pieds vis a vis déclare posséder dans l’église de Landeleau deux tombes éle- l’image de Saint-Sébastien et qu’en icelle avait été enterré avant les vées, l’une au milieu du chœur, l’autre du côté de l’épître du grand autel guerres civiles avec le consentement des seigneurs du Grannec, une dame avec trois escabeaux et sur la maîtresse vitre au plus haut et plus de la maison de Châteaugal, croit être de Keroulas , (probablement éminent lieu ses armes et signes de noblesse en quatre écussons sous le Marie de Kéroulas, première femme de François du Chastel, roi. décédée avant 1583), sous la promesse que dans les trois ans on L’acte de vente de Châteaugal en 1773 par cette même Ma- pourvoirait à la défunte une sépulture ailleurs. rie-Félix-Pauline Hay de Nétumières (21 ans) à François Marie Le Poulain a déclaré qu’un gentilhomme, fils du Grannec, Julien de Rosily, seigneur de Mesros (Plonévez-du-Faou), fut tué au temps des guerres de la ligue au bourg de Landeleau et indique simplement le droit de banc et de tombeau près du qu’elle se souvient d’avoir vu un jour et une nuit en ses habits en la dite balustre de l’église de Landeleau. église mais ne savoir où il fut enterré. Il s’agit peut-être de Guil- laume de Coëtanezre, seigneur du Grannec, époux de Jean- ó Période révolutionnaire ne de Kerouant, mort à la fin de l’année 1594, suivant la Dès le 4 août 1789, l’Assemblée Constituante met fin au déclaration de sa succession faite en 1606 par sa fille mineu- régime féodal et abolit tous les privilèges. re, ou de Louis de Coëtanezre, seigneur de Trévallot, rési- Le 17 juin 1790, l’Assemblée Nationale décrète la suppres- dant en 1593 au Grannec. sion de la noblesse héréditaire et ordonne de faire effacer les En 1645, un accord entre les deux parties met fin à la pro- armoiries, blasons et titres de noblesse sur les lieux publics. cédure. Claude du Chastel, seigneur de Châteaugal, échange A Plouyé, les pierres de l’église paroissiale et des chapelles sa seigneurie de la Roche-Droniou à Calanhel contre celle portant des armoiries et blasons sont chiquées par un artisan du Grannec appartenant à Moricette de Ploeuc, la plaignan- qui sera payé sur les revenus de l’église le 26 décembre 1790. te. Quelques années plus tard il vendra séparément ses deux La plupart des municipalités du district de Carhaix applique- seigneuries de Landeleau. ront sans trop de problèmes l’arrêté du Directoire du Finis- En 1660, un contrat d’échange passé entre Luc de Marbeuf, tère du 25 septembre 1790, confirmant le décret du 17 juin. sieur du Verger, nouveau propriétaire du Grannec, et Jac- A Landeleau, le gisant d’Auffray du Chastel est sorti de ques de Musillac, nouveau propriétaire de Châteaugal, met- l’église et les tombes élevées sont mises au niveau du sol. tra un terme aux conflits des prééminences. Ce dernier trans- Quelques plaintes de propriétaires de bancs, enfeus et autres porte au sieur de Marbeuf tous ses droits honorifiques et les prééminen- signes de féodalité, se retrouvent dans les correspondances ces qu’il avait dans les églises de Collorec et Saint-Yves de , et du district. le seigneur du Verger transporte à l’autre les prééminences qu’il avait à Le 24 septembre 1790, Guillard de Kersauzic, propriétaire Landeleau. du manoir de La Haie à Locmaria-Berrien, demande justice au sujet de la pierre tombale armoiriée sous laquelle reposent les Parcours du gisant cendres de ses ancêtres dans l’église de Huelgoat . Le procureur de la commune l’a brisée en mille morceaux et sortie de l’église le 14 ó 18 e siècle septembre . Par un arrêté du 4 janvier 1791, le procureur de Le dimanche 5 février 1719, Jacques Le Née, recteur de Huelgoat sera déchu de ses fonctions et suspendu de ses Landeleau, communique au procureur terrien et aux mem- droits actifs de citoyen pour 4 ans par le Directoire du dis- bres de la fabrique, une autorisation du 2 janvier 1719 don- trict, car l’Assemblée Nationale en ordonnant la suppression des née par Claude de Marbeuf, propriétaire de Châteaugal. armoiries et autres signes féodaux n’a jamais entendu nuire aux droits Cette autorisation va permettre d’améliorer la circulation sacrés de la propriété, ni dégrader les monuments publics comme les dans l’église en déplaçant le gisant qui se trouve au milieu du églises et que l’esprit de ce décret n’autorisait nullement le procureur à chœur. briser le pavé de l’église de Huelgoat. Nous, en qualité de seigneur de Châteaugal et des Isles de Crapado, et Début janvier 1791, les officiers municipaux de Château- pour cause des dites terres, fondateur de l’église de Landeleau, consen- neuf-du-Faou interrogent le district de Carhaix sur l’attitude tons et avons permis aux sieur recteur et paroissiens de la dite paroisse à adopter devant les problèmes causés par les propriétaires des bancs, enfeus et autres signes de féodalité qui se trou- 4 Le droit de lisière ou de ceinture funèbre était le droit d’orner, d’une bande vent dans l’église communale. Celui-ci leur rappelle que les d’étoffe de couleur noire ou d’une bande de peinture noire horizontale, les murs enfeus doivent être démolis et mis au niveau du pavé de l’église aux intérieurs ou extérieurs d’une église ou d’une chapelle lors du décès du fonda- frais de la municipalité. Quant aux armoiries, la loi vous autorise à les teur, haut justicier ou premier prééminencier.

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Le gisant est ensuite remisé dans un petit oratoire situé près de l’église. Les pierres sculptées restent au pied de la croix du cimetière.

ó Musées Dans sa réédition des Antiquités du Finistère et dans son Guide du voyageur dans le Finistère paru en 1844, le chevalier de Fréminville indique que dans le cimetière est une croix dont le piédestal est revêtu de plusieurs grandes dalles de pierres portant des écussons armoriés entourés du collier de l’ordre de Saint-Michel. Ces CI -DESSUS ET A DROITE pierres proviennent du mausolée du marquis de Châteaugal qui exis- Le gisant au musée départemental breton avant son départ en 2006 tait dans l’église mais a été profané et détruit à la Révolution. La Clichés musée départemental breton statue quoique mutilée est abritée dans une maisonnette où le fossoyeur détruire en faisant remplacer les vitres aux dépens de l’église. Il faut range ses outils. C’est encore un modèle curieux du costume militaire également remplacer les lisières . du commencement du règne de Louis XIII. Auffray du Chastel a les A Landeleau, le gisant et les pierres de la tombe de Château- cheveux coupés assez courts sur le front mais fort longs sur les deux gal conserveront leurs armoiries. Nous en ignorons les côtés de la tête où ils forment une multitude de grosses boucles réunies raisons. Il est certain que la municipalité de la commune ne en touffes. Son épée est suspendue par une bandoulière à son côté s’est jamais empressée d’appliquer ou d’exécuter les ordres gauche. La garde est recouverte d’un écusson avec les armes de la du district. De multiples rappels, une grande partie avec maison des Du Chastel. Du bourg de Landeleau il ne retient menace d’envoyer les militaires pour leurs exécutions, se que quelques maisons éparses sur la route. Quelques autres, retrouvent dans des courriers conservés aux archives dépar- environnant l’église, composent cette triste bourgade qui ne paraît tementales. renfermer que des malheureux et quelques méchants cabarets. Le 6 vendémiaire de l’an 2 (27 septembre1793), le conseil du directoire de Carhaix ordonne l’arrestation du maire et du procureur , considérant qu’il est plus que temps de sévir contre cette municipalité qui a dans tous les temps donné des preuves du plus grand incivisme en refusant d’obéir aux différentes réquisitions leurs faites…. Le conseil arrête que par mesure de sécurité le maire et le procureur de la commune de Landeleau seront amenés à Carhaix pour y rester en état de surveillance provisoire jusqu’à plus amples informations contre eux. Par courrier du 16 germinal de l’an 2 (5 avril 1794), les ad- ministrateurs du district de Carhaix ordonnent à la munici- palité de Landeleau d’abattre les patibulaires : Citoyens, nous sommes instruits qu’il existe sur votre commune une marque infâme de féodalité. Trois piliers qui désignaient jadis une juridiction seigneuriale ou plutôt le droit que des hommes avaient d’opprimer leurs semblables. Hâtez vous donc, citoyens de faire disparaître de votre territoire ces marques honteuses de l’esclavage de nos pères ou nous serons forcés de penser que vous regrettez leur servitude. Sortis de l’église, le gisant et les quatre pierres sculptées du soubassement sont déposés au pied de la grande croix du cimetière. Dans le rapport de son voyage dans le Finistère en 1794 et 1795, Jacques Cambry, conseiller du départe- L’oratoire ou « maisonnette du fossoyeur » démoli en 1885. Le gisant y a été entreposé durant de nombreuses années. ment, signale que l’on voit dans le cimetière de Saint-

Théleau la tombe de Kersanton du marquis de Mesle armé de Le gisant est depuis près de 80 ans dans l’oratoire, quand pieds en cap, sa tête reposant sur un oreiller. Il porte une espèce de des membres de la Société archéologique du Finistère, de fraise et ses cheveux bouclés s’évasent en larges ailes de pigeon.

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passage à Landeleau, le découvrent au milieu des outils du fossoyeur. Inquiets de le voir un jour disparaître, ils aver- tissent le Préfet. Celui-ci accepte d’intervenir au- près de la municipalité de la commune pour son transfert au tout nouveau musée départemental de Quimper, inauguré le 15 août 1872. Dans un courrier du 16 novembre 1872, il in- forme le sous-préfet de Châteaulin de l’existence d’une pierre représentant en relief la figure Le gisant dans l e nouveau musée d’archéologie du palais des évêques du marquis de Mesle et qu’elle serait une très bonne acquisition pour le (aujourd’hui musée départemental breton). Les 4 panneaux du soubas- musée archéologique où elle figurerait beaucoup mieux que dans sement proviennent de 2 autres tombeaux. Carte postale Vilard. l’ossuaire de Landeleau où elle se trouve reléguée et cachée depuis très longtemps. extrémités de celui de Gatien de Montceaux, évêque de Il lui demande de contacter le maire de Landeleau à ce sujet Quimper, enterré en 1416 dans la cathédrale. en précisant que ce dernier ne fera aucune difficulté à son transfert, les frais de transport étant à la charge du département. De passage à Landeleau à l’occasion de la reconstruction de Contrairement aux attentes du Préfet, le maire refuse de l’église en 1895, Marc Villiers du Terrage, membre de la céder la sculpture. Société archéologique du Finistère, y remarque la présence En représailles, les subventions départementales promises à des pierres sculptées provenant du tombeau d’Auffray du la commune pour la restauration de sa maison d’école sont Chastel. Elles sont éparses dans le cimetière mais toujours bien con- suspendues. servées. Elles portent des écussons entourés du collier de Saint-Michel En août 1873, le maire est informé que la commission dé- sur lesquels se trouvent les armoiries de Châteaugal et du Chastel, partementale des secours lui accorde une subvention de seules ou associées avec des familles alliées, Kermellec, Ploeuc … Mal- 4200 francs aux conditions qu’il fera abandon au musée départemen- gré son souhait de voir ces pierres réunies à la statue qu’elles tal d’archéologie de la statue du seigneur de Châteaugal dans un but de accompagnaient et qui est l’une des pièces les plus importantes du conservation de cette œuvre d’art et qu’il fournira un plan et un devis musée de Quimper , elles resteront à Landeleau et seront pla- complet et régulier des travaux prévus sur la maison d’école. cées dans le mur sud de la nouvelle église. La commune étant sans ressources, le maire est contraint En 1920, le gisant change une nouvelle fois de lieu et rejoint d’accepter le marché proposé par la commission. le nouveau musée d’archéologie installé dans l’ancien palais Le 27 septembre 1873, après délibération, les membres du des évêques (aujourd’hui musée breton). conseil municipal, réunis extraordinairement d’après les ordres du Exposé au public jusqu’aux années 1980, il était conservé sous-préfet de Châteaulin en date du 25 courant, déclarent approu- depuis dans ses réserves. ver les plans et devis des travaux de la maison d’école et En 2006, il retrouvera sa place dans l’église de Landeleau. céder au musée départemental de Quimper la statue du sei- gneur de Châteaugal, considérant qu’elle n’est d’aucune utilité pour la Question commune et qu’elle est même exposée à être détruite. Auffray du Chastel reposerait-il toujours dans sa tombe, Quelques jours plus tard, le sous-préfet de Châteaulin in- sous le dallage de l’église ? forme le préfet de cette décision et lui fait remarquer que le Dans une copie d’un inventaire des archives du presbytère maire ne cèdera le gisant qu’au retour de la subvention de 4200 de Landeleau, conservée au CRBC de Brest, Clet Berriet, francs promise à la commune en cas de concession de cette statue. recteur de cette commune de 1892 à 1898, écrit qu’on lui a Le 2 février 1874, le mandat arrive à la mairie de Landeleau montré dans l’ancienne église, au pied du balustre qui ferme le chœur, et le transfert de la statue s’effectue dès la fin du mois. Les une dalle en granit sous laquelle repose Auffray du Chastel . pierres sculptées du soubassement ne sont pas emportées. On ignore si l’on a purgé le sol et découvert le caveau lors Nous en ignorons la raison. de la pose du dallage de la nouvelle église. La lecture du Le gisant intègre directement l’une des deux salles du musée cahier des charges concernant la nouvelle construction ou départemental et d’archéologie de Quimper, situé dans le du devis initial établis par Le Guerranic apporterait peut- nouveau bâtiment construit près de la mairie pour recevoir être un élément de réponse. Malgré les recherches effec- la collection de tableaux du comte Jean-Marie de Silguy tuées, aucun exemplaire n’a été trouvé à ce jour. (aujourd’hui musée des Beaux-Arts). La tombe réservée aux recteurs de Landeleau peut égale- Dès le début de l’année suivante, il est exposé sur un sous- ment se trouver sous le dallage. Elle était située sous une bassement construit avec les débris de deux tombeaux. Les grande dalle de granit de l’ancienne église et servait de mar- grands panneaux proviennent du tombeau d’Alain De Les- chepied pour accéder au chœur. pervez, évêque de Quimper de 1444 à 1451, et ceux des

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Le château de Goulaine à Haute-Goulaine (44) Wikimedia commons Claude du Chastel - Fils unique d’Auffray et de Renée de La Marche. - Baptisé le 6 juin 1621 (généalogie par Guy Autret, cousin germain de sa mère). ANNEXES - Deviendra l’un des plus riches partis de Cornouaille à la suite de multiples successions. Auffray du Chastel - Qualifié à une certaine période de sa vie de marquis de - Né après 1584. Mesle (Maël-Carhaix), puis marquis de la Garnache, de - Fils de François, seigneur de Mesle, Châteaugal, La Roche Goulaine, comte de Beauvoir-Sur-Mer, vicomte de Saint- Droniou (décédé en 1599 et enterré à ) et de Cathe- Nazaire, baron de Gouarlot, seigneur de Châteaugal, Ros- rine de Quélen. quijeau, Landreverzec, Quelennec, Kergoat, Glomel, Bo- - Époux de Renée de La Marche, fille unique de René et de driec, Grannec, Kerminihy, la Marche, Quinimilin… Françoise du Plessis (mariage en 1610 suivant certaines - Marquis de Mesle : titre de courtoisie obtenu à l’occasion généalogies). des honneurs de la cour ou par usurpation. 2 enfants identifiés : - Marquis de La Garnache (Vendée) : titre de l’achat du - Claude né en 1621 et décédé en 1688 à Port-Louis (56). marquisat en 1654 à sa vente en 1675. - Thérèse décédée à 6 ans et enterrée dans l’église de - Se fera appeler marquis de Mesle ou de La Garnache jus- Landeleau. qu’à son décès. - Devient propriétaire de Châteaugal à la mort de son frère - Décédé à Port-Louis le 22 octobre 1688, à l’âge de 68 ans aîné, Vincent du Chastel, en son vivant sieur de Mesle et environ. Pas d’enfant. Châteaugal, décédé sans héritier en février 1614. - 1 er mariage : - Seigneur de Mesle, Châteaugal, Roche-Droniou, Rosqui- Le 10 octobre 1639, à Pleumeur-Gautier, avec Saintes Budes jeau. (Maël-Carhaix - Landeleau - Calanhel - Poullaouën). de Blanchelande. - Déclare la succession de son frère le 23 février 1619. Le contrat de mariage précise que la dot de la mariée est de - Décédé en octobre 1637 à Landeleau. 15000 livres et que sa mère lui accorde 6000 livres pour subve- nir aux frais d’un voyage qu’il fera la campagne prochaine en l’une des Renée de La Marche armées du roi. - Epouse d’Auffray du Chastel. Ce mariage sera dissous en mars 1646 par une sentence du - Fille unique de René de La Marche, sieur de Bodriec tribunal ecclésiastique de Quimper, pour impuissance (Braspart-) et de Françoise Du Plessix, dame de d’après un acte trouvé par Marc Villiers du Terrage à la Kerminihy (). bibliothèque nationale en 1902 ou 1903 et d’un courrier de - Née vers 1580. son oncle à la mode de Bretagne, Guy Autret, seigneur de - 2 enfants identifiés : Claude (qui suit), baptisé en 1621 et Missirien (Quimper), de Lézergué (Ergué-Gabéric), généa- Thérèse, morte à l’âge de 6 ans. logiste, historien et écrivain. - Décédée en 1664.

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Son épouse profitera de ses longues absences répétées pour dilapider sa fortune, obtenir la séparation de biens (un fac- tum de 1671, conservé à la BNF, en détaille les raisons) et lui interdire l’accès à son magnifique château de Goulaine. En 1678, ses nombreux créanciers feront saisir ses dernières terres en Cornouaille dont Missirien (Quimper), Bodriec (Loqueffret), La Marche (Braspart), Rosquigeau (Poul- laouën) et Quillimelin (Berrien) qui seront vendues aux enchères à Quimper. Séparé de son épouse, il finira sa vie à Port-Louis, où il décèdera en 1688.

Pierres sculptées

Yolande de Goulaine Collection château de Goulaine

Ce dernier reconnaît que le mariage de son neveu est un échec , et qu’il n’y a rien d’autre à faire que le dissoudre en présence de la haine que la femme éprouve pour son mari. Elle l’accuse entre Sur les quatre pierres en kersantite du tombeau sont sculp- autres, d’être mauvais jousteur. tées les armoiries des seigneurs de Châteaugal et de leurs - 2 e mariage : alliances, entourées du collier de l’ordre de Saint-Michel Sa future épouse est Yolande de Goulaine, fille aînée de surmonté d’une couronne de marquis 5. Trois d’entre elles Gabriel, marquis de Goulaine, et de Claude de Cornulier. figurent sur les vitraux (posés en 1944) de la grande fenêtre Au cours de l’été 1647, il se rend chez sa future belle famille du chevet de l’église. demeurant au château de Goulaine, au sud-est de Nantes. Chargé de traiter cette nouvelle union, son oncle Guy Au- tret l’accompagne dans son voyage. A son retour à Quim- per, celui-ci écrit avoir trouvé tant de longueurs et d’obstacles à ce mariage que nous y avons employé près de deux mois de temps…. Il nous a fallu visiter les parents de la maîtresse dans le Poitou et l’Anjou… (lettre à d’Hozier publiée par Rosmorduc). Le mariage sera célébré le 26 septembre 1647. Devenu gentilhomme de la chambre du roi, il vivra princi- palement à Paris et Versailles. Il confiera la gestion de son patrimoine à sa nouvelle épouse qui, munie de diverses procurations, vendra le 29 décembre 1652, une partie de ses biens en Bretagne, dont les seigneuries de Châteaugal, des Isles de Crapado et du Grannec (Landeleau - Collorec). Avec cet argent, elle remboursera les dettes de sa famille et achètera le marquisat de La Garnache et de Beauvoir-Sur- Mer (Vendée). En 1652, il provoquera un duel qui coûtera la vie au sei- gneur du Tymeur de Poullaouën. Collier de l’ordre de Saint-Michel - Wikimedia commons Dans un courrier de 1658, le grand Colbert, futur ministre de Louis XIV, le décrira comme un brutal ou pour mieux dire un fou qu’il ne faut guère considérer. Aventurier sans scrupules, il sera embastillé quelques mois 5 Aucune explication sérieuse pour le collier de l’ordre de Saint-Michel et la couronne de marquis, entourant les quatre écus. Suivant certains ouvrages, de l’année 1670, pour avoir mis dans l’embarras la diploma- François du Chastel, père d’Auffray, est fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel tie royale lors d’une mission rocambolesque en Italie. en 1598-1599.

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1/ Languenoez et du Chastel de Châteaugal en allian- ce avec Kermellec. Jehan de Kermellec, seigneur de Châteaugal, chambellan du duc, époux de Béatrice de Languenoez, dame de Châteaugal et demoiselle de la duchesse en 1426.

2/ Du Chastel en alliance avec Mesle. Mariage de Tanguy du Chastel et de Gabrielle de Mesle vers 1350

Photo de Jean-Marie Abgrall vers 1910. Médiathèque de Quimper

Jean Marie Abgrall (1846-1926) Ordonné prêtre en 1870, il entame sa fonction d’architecte en 1878. Membre de la Société française d’archéologie, correspon- dant de la Commission des monuments historiques pour les 3/ Du Chastel de Châteaugal. objets mobiliers dans le Finistère, il a dressé les plans de De gueules à trois châteaux d’or, deux et un, d’après un nombreux édifices religieux. dessin des vitraux de l’église de Collorec en 1654. Chanoine titulaire du chapitre de la cathédrale de Quimper en 1905, il est aussi président de la Société archéologique du Finistère de 1912 à 1922. Il a fait don de ses archives à la bibliothèque municipale de Quimper en 1924. Elles représentent environ 10 mètres de rayonnages et sont composées de plans, de négatifs sur plaques de verre, de carnets de terrain et de son importante correspondance. Les plaques de verre (environ 800) représentent pour la plupart des édifices religieux, clochers, calvaires, ossuaires, etc.

Actuellement en cours de classement et de numérisation,

elles sont incommunicables aux lecteurs. 4/ Du Chastel en alliance avec Kermellec et Ploeuc. La plus grande partie concerne le Finistère. Mariage de Henri du Chastel, seigneur de Mesle et de Isa- En 1893, l’évêché indique être en possession de photos de beau de Kermellec, dame de Châteaugal vers 1420. l’église de Landeleau.

Jean GUICHOUX

Sources :

ó Archives départementales 22-29-35-44. ó Archives médiathèque et musée breton de Quimper. ó Archives évêché de Quimper. ó C.R.B.C. Brest.

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