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Cahiers ISABELLE DE CHARRIERE BELLE DE ZUYLEN Papers * Isabelle de Charrière et les Pays-Bas * Belle de Zuylen and the Netherlands * Genootschap Belle van Zuylen 2010 No 5 Nous remercions les membres du « Groupe de lecture » de l’Association Isabelle de Charrière pour leur contribution aux préparatifs de ce Cahier. We thank members of the “Reading Group” of the “Genootschap Belle van Zuylen” for contributing to preparing this issue. Ambassador Peter Schönherr at the inauguration of the renovated “Salon d’Isabelle de Charrière” in Colombier, November 2008. Photo: François Ermatinger Foreword It is an honour for me to present this Cahier Isabelle de Charrière / Belle de Zuylen Paper, focussing on the relationship between Belle de Zuylen and Holland. When we consider the interest that Belle arises after more than two centuries, it is clear that she was and still is a very inspiring lady. This I already experienced in November 2008 on the occasion of the inauguration of the “Salon d’Isabelle de Charrière” in the manoir du Pontet at Colombier, that was renovated in order to create a revival of cultural life. Since many years the Netherlands Embassy in Berne fully supports the “Association suisse Isabelle de Charrière” and it is a pleasure for us to see how many activities are organized not only in Switzerland, but also in the Netherlands and in France. Marieke Frenkel, co-president of the Association, is very active in fostering the ties between the Embassy and the Association and keeps us informed of all the events that take place. In the year 2007 the Embassy obtained a special budget from the Min- istry of Foreign Affairs at The Hague to support the presentation of the the- atre play La Dame du Pontet, Isabelle de Charrière, written by Anne-Lise Tobagi and performed during several weeks by the theatre company La Co- lombière, in collaboration with L’avant-scène opéra and the Harmonie de Colombier1. I see Belle de Zuylen as a person who initiated the cultural relationship between Switzerland and the Netherlands. We in our time “only” have to fol- low her initiative and keep the relationship between our two countries fresh and alive, both within the framework of Belle’s art, and in all aspects of co- operation: culture, economics, science and education, health and environment. This is certainly the way she would like our society to be, if she were with us today! I hope that these Papers will not only be enjoyed by Belle’s old friends, but also will attract new admirers! Peter Schönherr Her Majesty’s Ambassador Berne, Switzerland 1 See: Valérie Cossy, “Entretien avec Anne-Lise Tobagi, auteur de la pièce La Dame du Pontet, Isabelle de Charrière”, in Cahier Isabelle de Charrière 2009 (4), pp. 30-44. Comité de rédaction Belle de Zuylen et sa patrie ; Isabelle de Charrière et les Pays-Bas. Présentation du thème « C’est en vérité une chose étonnante que je m’appelle Hollandaise et Tuyll. Il faut que la providence ait absolument voulu que je fusse ce que je suis », s’exclame Belle de Zuylen dans une lettre envoyée en 1764 à son correspondant Constant d’Hermenches. Elle y parle aussi de ses propres « indignations » et « enthousiasmes » que ses compatriotes admettent diffici- lement : « Ici l’on est vif tout seul »1. En l’occurrence, c’est Belle elle-même qui souvent a dû être « vive toute seule ». Dans la même lettre, elle avoue avoir bien ri « de tous les Tuyll et des dames hollandaises, et du vin rouge qui doit délier leurs pesantes langues »2. Mais dans d’autres lettres adressées au même d’Hermenches, elle apporte des nuances. Elles concernent aussi bien l’identité nationale – « Je m’ennuie dans mon pays, mais je ne hais pas ma nation » 3 –, que la famille – « c’est une chose dont je veux me parer un moment, que de tous les Tuylls de ma connaissance il n’y en a pas un d’avare, pas un de fourbe, pas un homme lâche, pas une femme galante […] »4. Elle récuse l’éloge du beau monde parisien que d’Hermenches ne cesse de lui vanter et en dénonce la vanité, la futilité et le manque de naturel5, n’hésitant pas à prendre la défense de ses compatriotes et à louer leurs qualités de sérieux et de simplicité. Dans son âge mûr, elle se moque avec son neveu Willem-René des prétentions de l’une de ses parentes qui « veut à toute force monter Utrecht sur le ton de Paris »6. En ce sens, Isabelle de Charrière est un bon exemple de l’ambiguïté des relations franco-hollandaises, soulignées par 1 Les écrits d’Isabelle de Charrière sont cités d’après : Belle de Zuylen / Isabelle de Charrière, Œuvres complètes, éd. Jean-Daniel Candaux, Cecil P. Courtney, Simone Dubois-De Bruyn, Pierre H. Dubois, Patrice Thompson, Jeroom Vercruysse, Dennis M. Wood, Amsterdam, Van Oorschot, 1979-1984, 10 vols. (O.C.). L’orthographe et la ponctuation ont été modernisées. Ici : Lettre des 3-6 novembre 1764, O.C., I, p. 342. 2 Ibid., p. 341. 3 Lettre des 25-28 février 1765, O.C., I, p. 389. 4 Lettre du 28 octobre 1764, O.C., I, p. 333. 5 Lettre du 26-28 janvier 1766, O.C., I, p. 454. 6 Lettre du 26 mars 1799, O.C., V, pp. 558-560. Isabelle de Charrière et les Pays-Bas 5 Willem Frijhoff7 : l’adoption de la langue française, la connaissance appro- fondie de la littérature française n’impliquent pas forcément l’adhésion au modèle social et culturel français. Il est clair aussi que, une fois installée en Suisse, elle continue à s’inté- resser à sa première patrie, à entretenir des contacts avec sa famille et, surtout, à suivre et à commenter ce qui s’y passe. C’est ainsi qu’elle observe l’évolu- tion du mouvement patriote qui aboutit en 1787 à une révolution réprimée par les troupes prussiennes, venues au secours du stathouder, Guillaume V, en octobre de la même année. Elle lit les journaux, en particulier la Gazette de Leyde, périodique francophone imprimé en Hollande, s’informe et discute de la situation politique avec des visiteurs néerlandais en Suisse et encore plus avec ses correspondants – ses amis et sa famille, membres de l’aristocratie d’Utrecht ou du patriciat d’Amsterdam ont en effet pris une part active aux événements 8. La répression sévère exercée à l’égard des patriotes néerlan- dais – sous l’influence en particulier de l’épouse du stathouder, la princesse d’Orange, Wilhelmine de Prusse, est la source d’inspiration des « Réflexions sur la générosité et sur les princes »9, l’un des premiers essais des Observa- tions et conjectures politiques, publiés sous l’anonymat en 1788 à Verrières (Suisse). Les liens que l’écrivaine a entretenus avec son pays d’origine consti- tuent évidemment un sujet qui préoccupe l’Association néerlandaise Isabelle de Charrière. Dans une conférence lors d’une de ses réunions annuelles – en octobre 2004 – l’historien Wijnand Mijnhardt a posé la question de l’appar- tenance nationale de Belle de Zuylen. Il la comparait alors à deux autres écrivaines des Lumières, ses compatriotes, qui toutes deux avaient également des visées internationales: Elisabeth Wolff (1738-1804) et Etta Palm (1743- 1799). Même si c’était pour arriver à la conclusion qu’elles appartenaient chacune à des catégories bien différentes, cette comparaison est en elle-même très intéressante. En effet, habituellement seule Elisabeth Wolff – auteure avec son amie Agatha Deken de l’un des premiers romans épistolaires hollandais, paru en 1782 – a le droit d’être incluse parmi les écrivain-e-s des Lumières hollandaises. Présenter les deux romancières avec Etta Palm, fémi- niste partie à Paris et publiant des pamphlets en français, comme un trio de femmes actives à l’échelle internationale et en même temps représentatives 7 Willem Frijhoff, « Le français en Hollande après la paix de Westphalie : langue d’immigrés, langue d’envahisseurs ou langue universelle ? », in Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 18, décembre 1996, pp. 329-350. 8 Cor de Wit, « Isabelle de Charrière, écrivain politique », O.C., X, pp. 11-19. Pierre H. Dubois et Simone Dubois, Zonder Vaandel. Belle van Zuylen 1740-1805, een bio- grafie, Amsterdam, G.A. van Oorschot, 1993, pp. 501-512. 9 Sur ce texte, voir Lotte van de Pol, « A Public Reprimand : Isabelle de Charrière’s Pamphlet addressed to Wilhelmina of Prussia », in Cahiers Isabelle de Charrière / Belle de Zuylen Papers, 1, 2006, pp. 44-57. 6 Comité de rédaction des Lumières hollandaises, c’est une façon d’inclure Belle de Zuylen dans l’histoire littéraire néerlandaise tout en montrant que son rôle international n’est pas complètement isolé ni attribuable seulement à son milieu d’origine. La question du positionnement culturel de Belle de Zuylen a été égale- ment abordée dans les contributions de Valérie Cossy, Willem Frijhoff et Isa- belle Vissière aux actes du Colloque qui s’est tenu à l’occasion du bicente- naire en 200510. Mais elles ne faisaient qu’ouvrir un champ qui demande à être davantage étudié. Et notamment les textes découverts par Kees van Strien dans les archives néerlandaises11 ont suscité de nouvelles questions. Ils suggèrent que la thèse soutenue en 1994 par Johanna Stouten, selon laquelle celui qui « veut esquisser les rapports entre Mme de Charrière et la littérature contemporaine de son pays natal se confronte au vide »12, doit être nuancée. En effet, il existe également une littérature francophone pratiquée non seulement par Isabelle de Charrière, mais aussi par d’autres Néerlandais, tels que, à ses débuts, le journaliste Justus van Effen (1684-1735), le philosophe Frans Hemsterhuis (1721-1790), le pédagogue Willem Emmery de Perpon- cher (1741-1819).