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LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MIROVINGIENS

AUX VII0 ET VIII! SIÈCLES

• On sait de quelles obscurités est enveloppée lhistoire de lquitaine pendant le vu 0 et le ville siècle, jusquà lavènement des Carolingiens. La célèbre charte dAlaon avait paru projeter quelques lumières sur ces ténèbres ; mais, par son étude, si pé- remptoire dans son ensemble 1 , sur ics Mérovingiens dAquitaine, M. Rabanis a relégué pour toujours au rang des falsifications historiques ce document, dont les savants auteurs de lHistoire générale de Lan quedoc, au xvme siècle, et M. Fauriel , au xix, avaient fait un usage si inopportun. Tout récernmnt, M. Perroud, aujourdhui recteur à lacadé- mie de Toulouse, a repris, la question en sous-oeuvre . Il a étudié de plus près les monuments contemporains, et a essayé de montrer par suite de quelles révolutions politiques lAquitaine avait été amenée à se constituer en État indépendant. En récom- pensantcette oeuvre de critique, lAcadémie a rendu un juste

Les Mérovingiens dAquitaine. Essai historique et critique de la charte dÂlaon, par M. Enhanis. Paris, Durand, 1856, in-Si de 234 pnges. Ilisloire de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants germains Paris, Paulin, 1836, 4 vol. in-8. - La dissertation de M. R-a- banis, publiée en 1850, ayant eu un grand retentissement, et toutes les revues historiques ou scientifiques, notamment la Bibliothô que de lÉcole des chai-les (1856, p. 281), la Bibliographie catholique (1857, p. 38), la Revue Numismatique (1858, p- 334, Ilote 2), en ayant rendu compte comme dun travail définitif, on sexplique difficilement comment les Bollandistes, en 1861, ont encore essayé de soutenir lauthenticité de cette pièce dans le tome X doctobre, p. 131, de leur collection des Acta Sanctorum. CI. Perroud, Des ermqines du premier duché dAquitaine. Paris, Hachette (81, in-8 de 281 pages. -

Document IIIIIIIIDhl DIIIIIll 0000005341771 G flEVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. hommage au mérite de lauteur, qui a su grouper avec habileté et talent une foule déléments utiles ii la solution du problème. Toutefois, plusieurs lont remarqué avec raison, il a laissé dans le vague les principales conclusions de sa thèse. Cette incerti- tude doit être attribuée à certaines idées générales et systé- matiques qui ont nui à limpartialité de ses appréciations. Occupé,. depuis de longues almées, à létude assidue des mo- numents de lAquitaine en général et du Poitou en particulier, il ma semblé.que je pouvais, sans témérité, essayer, à mon tour, délucider ce point intéressant de notre histoire na-. tionale. Toutefois, je nai nullement lintention de faire une critique du travail de M. Perroud. Mon but est plus modeste. Je me pro- pose simplement dexposer, dans un récit clair et succinct, les faits historiques que mes recherches personnelles mont suc- cessiyement permis détudier. Cest à peine si, de temps en temps, certaines opinions de M. flahanis et de M. Perroud seront contradictoirement , discutées. Bien plus, je ne serais pas fâché, je lavoue, si mon sentiment soulevait quelques objections, inspirait même quelques contra- dictions, dans lintérêt de la vérité que jai uniquement en vue.

L

Je ne parlerai pas des, divers partages de lAquiWine au vi siècle. M. Longnon a suffisamment éclairci cette question dans son livre désormais classique Géographie de la Gàule au VI siéclé. Mon point de départ sera la mort du roi Gontrn (28 mars 593). Ce prince avait légué tous ses États à son neveu Childebert Il, fils de Sigebert 1 , roi dAustrasie. Ce legs, qui avait été solen- nellement sanctionné en .587 par un traité spécial signé à Andelot, portait un préjudice notable ail jeune Clotaire II, fils de Chilpéric et de Frédégonde. En effet, Gontran, qui se disait son tuteur, lavait dépouillé de presque tous les États de son père. Soissons même, lancienne capitale du royaume de Chilpéric, lui avait été enlevé ; et, à la mort du roi de Bourgogne, LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 7 Childebert sen était emparé comme dune portion de lhéritage de son oncle. A vrai dire, cette conduite ne semble pas avoir passé pour injuste aux yeux de plusieurs contemporains ; car on se deman- dait si Clotaire H était réellement fils de Chilpéric, tant les déhaii- ches de Frédégonde étaient notoires. Mais cette femme ambitieuse nétait pas dhumeur à souffrir ce quelle considérait comme une usurpation. Saisissant le moment où le roi dAustrasie était occupé à se mettre en pos- session du royaume de Bourgogne, elle réunit les fidèles de son pupille, et réussit à semparer de Soissons, après avoir fait subir une sanglante défaite aux Austrasiens. La mort de Childebert II fut loccasion dune nouvelle guerre encore plus profitable au jeune Clotaire II, alors âgé de douze ans (an. 59O). Mais bientôt la fortune le trahit complètement. Sa mère Frédégonde mourut lannée suivante, et trois ans plus tard, en 600, son armée était écrasée à Dormelles, au diocèse de Sens, par les forces combinées des deux fils de Childebert 1!. Ils se nommaient Théodebert H et Thierry H. Le premier était devenu roi dAustrasie et le second roi de Bourgogne. Le royaume dAustrasie comprenait alors trois tronçons de territoires assez singulièrement constitués. Dabord lAustrasie proprement dite, cest-à-dire les possessions franques dOutre- Rhin et les cités de Cologne, de Tongres, de Trêves, de , de Verdun, de Toul, de Strasbourg, de Châlons-sur-Marne, de Reims et de Laon, auxquelles il faut joindre Mayence, Worms, Spire, Bâle et Constance . Le second tronçon, qui nous intéresse particulièrement, se composait dune partie des possessions aquitaniques des pre- miers Fois de Metz et de quelques cantons de la Provence. Ainsi les cités dAuvergne et du Velay, le Gevaudan, le Rouergue, le Vivarais, les évêchés dAlais et dUzès, dAix, de Vence et dAvignon, la moitié de la cité de Marseille et celle de Fréjus, puis une bande de territoire qui, des rives du Tarn, atteignait les bords du Loir et touchait même à lOcéan, en englobant les évêchés dAlbi, de Cahors, de Limoges, de Poitiers et de Tours, Longnon, toc. oit, p. 148. 13o]land., Acta .38., t. 1V sept., p. 47; L. I sept., p. 271-272; t. III Iebr., de B.Pippino dure, n. 12; L. 11 rnartii, p. 592; t. 111 april., P. 630 Gizilia Christ., t. XIII, p. 693.697. Mabillon, Acta 88. 0. S. 13., sec. I, Vfta 8. Cotuni&ani, 11i3 46, 47. REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. et les pays de Vendôme, de Dun, qui, sous le nom de passage (pervium); permettaient aux Austrasiens de communiquer avec lAquitaine. Le troisième groupe sétendait de lembouchure de la Gironde aux Pyrénéeset comprenait les diocèses de Bordeaux, dAire, de Labourd ou Bayonne, de Béarn, de Bigorre et de Conserans. Tel était le royaume dAustrasie avec toutes ses dépendances, en 596. Plus tard, Dagobert y ajoutera les cités aquitaniques voisines de celles que nous venons de nommer, en sorte que ces possessions dOutre-Loire égaleront celles du bassin du Rhin. Parle partage des deux fils de Childebert, on voit que le royaume dAustrasie, en 506, était encore considéré comme la portion la plus honorable de lempire des Francs, puisquelle fut donnée à lainé, Théodebert Ii, qui concéda nième à son jeune frère lAlsace, où celui-ci avait été élevé concession quil lui retira du reste, quatorze ans après, par un acte de violence La bataille de Dormelles, avons-nous dit, fut désastreuse pour Clotairé II. Les vainqueurs le dépouillèrent de la plus grande partie de ses États, et ne lui laissèrent que douze pagi, compre- nant à peu près les territoires des diocèses de Rouen, de Beau- vais et dAmiens Ne pouvant se soumettre à cette humiliation, Clotaire essaya, en 604, de prendre sa revanche; mais, vaincu de nouveau, il ne lui resta dautre ressource que dattendre de la Providence cc quil ne pouvait obtenir par les amies. 11 nattendit pas long- temps. - En 610, Théodebert et Thierry sarmèrent lun contre lautre. Deux ans après, Thierry salliait avec Clotaire contre son frère, et lui faisait éprouver deux défaites consécutives (613). Théode- bert perdit même la vie dans le dernier combat. Le roi de Bour- gogne, malgré ses engagements, refusa de faire participer (Ho- taire au gain de la victoire et sempara de tout le territoire qui composait le royaume dAustrasie. LAquitaine fut, en conséquence, annexée au royaume Austro- Bourguignon. Clotaire revendiqua ses droits, les armes à la main, Vaincu

Longnon, toc. oit., p. 137, 138. 2 Longnon, toc. cit., p. 145, note 2. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIEN. O encore une fois, il allait sans doute expier cruellement son au- dace, lorsque la mort enleva subitement Thierry Il. Il laissait quatre ifis en bas-âge, sous la tutelle de Brunehaut, sa grand- mère. - Mais, selon la prédiction de Colomban , la vengeance divine poursuivit ces enfants, nés de la prostitution. Ils furent tous privés du trône, et Brunehaut condamnée à daffreux sup- plices. Le principal -auteur de cette révolution fut le duc Pépin de Landen, qui, à la tète dune parue des Austrasiens, se joignit aux Bourguignons pour offrir à Clotaire Il le sceptre de lem- pire des Francs tout entier. Cest ainsi que le fils de Frédégonde se trouva tout à coup transporté du fond dun abîme de malheur au faite des bon- neurs et de la grandeur suprême, conformément aux prévisions du même saint abbé 2; Durant les quinze ans quil vécut encore (013-628), nos pro- vinces aquitaniques reconnurent sans conteste son autorité sou- veraine. Il semble même avoir eu à coeur de les gouverner lui- même; car il refusa constamment de les confier à son fils Dagohert, bien que, dès lan 4322, il lui eût décerné le titre de roi dAustrasie. Ce refus fut particulièrement pénible aux chefs austrasiens, qui, en réclamant lautonomie administrative pour iAustrasie, avaient espéré que cette faveur sétendrait à tout le territoire de lancien royaume de ce nom. Les intérêts politiques nétaient pas seuls en jeu dans cette revendication. Les plus illustres familles austrasiennes possédaient d immenses domaines en Aquitaine, grâce surtout aux alliances matrimoniales quils aimaient à y contracter . On couoit dès lors sans peine com- bien il leur importait que ladministration civile de cette pro-

Maijillon, Acta 83. 0.3.13., sine. Il, Vila S. Cctu,nbani, n. 32. 2 Mabillon. lac. cit., n. 43. S. lita, Comme de Pépin de Landen, était dAquitaine (B011and. Acta 88., L. III niartii, p. 255; t. Itrnaii. p. 305, de B. lita; t. lii mliii, p. 53, n. 6, de S. Modoaldo; t. lii julii, p. 67, de S. Aniatberya; t. V julii, p. 255, de S. Wandregisito, n 12; t. 1 feb., p. SOI, de S. Adabaldo; t. III maii,p. 32, deS. Rictrudi ; t. Il 311g., p. 674. de S. Gaugerico; t. 1 sept., p269, n. il, de S. NLvardo; t. Vil oct., p. 917, de S. licreha-io; t. X oct., p. 134, de sancla Oda; t. VI sept., p. 47, de S. (doerico, etc. 40 JIEVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. • vince ressortit directement du gouvernement austrasien dont ils faisaient eux-mêmes partie, et non pas du royaume de Beur- •gogne, rival de lAustrasie. Cette considération fut assurément dun grand poids dans les résolutions prises dans les conseils du duc Pépin de Landen, et de ceux qui continuèrent, après lui, la politique austrasienne. Celte politique consistait à revendiquer pour lAustrasie tin gouvernement spécial et lAquitaine comme annexe indispen- sable. En effet, à partir du commencement du vii siècle, la Neustrie cessa de former un royaume distinct, et.ne fut plus, en quelque sorte, quune annexe de la Bourgogne. Dès lors, léqui- libre entre la Bourgogne et lAustrasie était rompu, si celle-ci nobtenait pas une compensation suffisante par la cession de lAquitaine, qui, du reste, lui appartenait presque tout entière en vertu du traité dAndelot. Cette idée, que les ducs cVA.ustrasie ne cessèrent de poursuivre jusquà leur avènement au trône, se manifesta pour la première fois avec éclat lors du partage de lempire fait par Dagobert, en 634. Ce prince, avons-nous dit, avait été créé roi dAusti-asie, du vivant de son père, et sous la tutelle de Pépin de Landen et de saint Arnoul, évêque de Metz . Les précieuses qualités quil déploya pendant les six années quil gouverna la portion de lem- pire qui lui était conflée lui méritèrent la confince, lestime et le respect, non seulement de ses sujets, tuais encore de toutes les nations barbares de la Germanie plus ou moins soumises à lautorité des rois mérovingiens. Aussi, à la mort de Clotaire II (628), ses tuteurs sefircnt-ils un devoir demployer tous leurs efforts à le faire proclamer monarque unique de lempire franc, au préjudice de son frère Charibert, qui ne reçut en partage quune autorité subordonnée sur quelques cités voisines des Pyrénées, avec Toulouse pour.càpitale 1. -

i Frcdegar. chronic., C. Lvi,. 2 Frédégaire nous apprend (cap. Lvi)que,à la première nouvelle de la mort tic son père, Dagobert, sans aucun doute pat le conseil de ses tuteurs, donna lordre ic ses leudes austrasiens de réunir une puissante armée, qui exerça nécessairement une grande influence sur les votes des Neust,iens et des Bourguignons qui proclamèrent Dagobert seul roi de Franco; dautant que de nombreux émissaires achevèrent par lor et la persuasion ce que la ter- reur avait Commencé. • Fredeg. C. Lvii; e Fratri sue (Jhariberto ml transigenduni cd instar privato, ad vivendum.» M.. Perroud (10e. cil., note vi, p 221 ) prétend que LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. li Pour In première fols lunité de la monarchie fut posée, sinon comme un principe, au moins comme une nécessité. Mais les Austrasiens, qui croyaient avoir opéré cette révolution à leur profit, furent déçus dans leurs espérances. Dagobert ne tarda pas à sémanciper de la tutelle austrasienne, et à se livrer aux Neustriens et aux Bourguignons, qui, pour le retenir dans leurs filets, lentraînèrent dans un abîme de dépravation morale:. Lejeune monarque porta lingratitude jusquà retenir à. lécart son fidèle mentor Pépin de Landen , dont il redoutait loppo- sition. Toutefois, il fut contraint de tenir compte des revendications austrasiennes. Son fils Sigebert à peine âgé de trois ans fut proclamé roi dAustrasie (année 633). Cette concessionsemblait être le gage des plus grandes espérances pour les Auslrasiens. Né dune jeune austrasienne nommée ilagnetrude 2 et confiée aux soins de saint Chunibert, évêque de Cologne et du duc Mal- gisêle, cet enfant royal assurait dans lavenir les intérêts les plus chers du pays dans lequel Userait élevé. Et si la politique inaugurée par Dagobert prévalait après la mort de ce monarque, Sigebert, en possession de tout lempire, ne pouvait manquer dy faire prédominer lélément austrasien. Ces rêves dune ambition plus ou moins justifiée sévanouirent dès lannée suivante. Dagobert avait des moeurs dignes dun Musulman. Outre un grand nombre de concubines, il entrete- nait trois reines en titre à la fois 1 . Lune delles, nommée Nantechildis, lui donna, en 634, un fils qui fut appelé Clovis. Nantechildis était néustrienne. Elle neut pas de peine à obtenir cest Clotaire Il qui concéda cet apanage à Charibert, et que Dagobert ne fit que le confirmer etlaugrnentcr. Le savant professeur na pas transcrit les paroles du texte qui détruisent son hypothèse : « Comique iegnurn clilotarii tain quam l3urgundia e Dagoherto tpissct pnu000upa- soin tum, captis thesauris et redactis, TANDEM MISERICORDIA MOTUS. » Elle reste cité plus haut. Donc cest bien Dagobert lui-in qui, par coin- passion, fit la concession susdite. 1. Fredegar. chronic., Cap. LXI. M. Perroud (ibid., p. h4) (lit que Pépin senfuit à Toulouse avec Sigebert, fils de Dagobert. Cest confondre les temps et mal interpréter le texte de Frédégaire. Fin 630 Pépin nétait pas encore en disgrâce, et le voyage quil fit à Toulouse eut plutôt pour but de faire consentir Charibert à être le parrain de lenfant royal, comme cela ressort du chapitre suivant. Fredegar. c/ironic., esp. Lix. 3 Predegar, chronic., cap. Lx. 12 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. que sou fils partagerait avec Sigebert les prérogatives de la royauté- Mais cette prétention, qui détruisait les espérances des Austrasiens, neût probablement pas été réalisée si Dagobert neût pris, de son vivant, toutes les.précautions nécessaires pour en assurer lexécution. Dans ce but, il convoqua, en une assemblée solennelle,tous les princes (primates), les évêques et les autres leudes dAustrasie, et leur fit jurer sur les Évangiles quils observeraient fidè- lemeift le pacte quil allait leur présenter. Or il consistait en un partage égal de lempire entre ses deux enfants, Sigebert et Clovis Celui-ci, après la mort de Dagobert, régnerait sur la Neustrie et la Bourgogne réunies (soMato ordine) ; et Sigebert posséderait dabord toute lAustrasie proprement dite (in inteqri- fate). De plus, afin de donner satisfaction aux prétentions des Austrasiens sur les contrées «au delà de la Loire, il fut convenu que toutes les cités aquitaniques qui avaient jadis appartenu à un titre quelconque au royaume dAustrasie, Seraient placées sous la domination de Sigebert. Le duché de Dentelin, qui avait été injustement enlevé à la Neustrie sous Clotaire If, fut seul excepté de cette clause générale (634). Cette célèbre convention, qui eut sa pleine exécution après la mort de Dagobert (638), régla jusquà la fin de la dynastie méro- vingienne, et même sous les premiers carolingiens, les limites de ce quon appela dès lors le duché dAquitaine. Il ne compre- nait pas seulement les cités aquitaniques concédées à lAustrasie par le traité dkndelot il sétendait, en outre, daprès les termes, mêmes de la convention que nous venons de citer, à toutes les contrées (quidquid) qui avaient appartenu dans le passé (ohm), à un titre quelconque, au royaume dustrasie. Cette distinction entre les deux parties du texte de Frédégaire na pas été assez

Fredegar. ci,rdnic., cap. lxxvI « Austrasioruin omnes Primates, Pou- tifices, cnterique tendes Si giberti, minus eorum pnnentes insuper, sacra- ,iwntis lirmaverunt ut Neptricum et Burgundia solidato ordine ad regnum Ghlodovei, post Dagoberti discessuni, adipisceuent Auster vero idenique ordine solidato, eo qtod et de populo et de spatio terrai esseS cozequans, ad regnum Sigiberti idernque in integritate deheret adspieere. Et QUIDQUID AD REGNUM AusTaAsIouuM JAM OLIM PERTItUJERAT, hoc Sigibertus rex suœ ditioni geiendum reoiperet et petpetuo riominendum haberet. s 2 Le Comte, Anniit. Fiancorurn, t. liE, P 506, an. 667. n. 37. On voit aussi appmajtre, à la même époque, le titre de Dux Austrasio,unt (D. Bou- quet, t. III, P. 517g;. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MénOVINGIENS. 43 remarquée jusquici Et cependant, elle seule permet de résoudre les difficultés relatives aux origines du duché dAquitai ne, tel quil nous apparaît dans la suite. - LA.quitaine sera donc désormais une annexe de lAustrasie, et non pas de la Bourgogne, comme le prétend M. Perroud. Sans doute, lorsque lAustrasie naura pas de gouvernement particulier et obéira légalement au pouvoir central résidant en Bourgogne, lAquitaine suivra son exempleet, comme elle, sera soumise plus ou moins au représentant de la royauté. Mais aussitôt quun roi.dAusttasie sera o?rjciellement reconnu, cest à ce royaume et non pas à celui de Bourgogne que lAquitaine se rattachera. Marchant sur les traces des Maires du Palais dAustrasie, lAquitaine essaiera de secouer le joug des rois mérovingiens; mais aussitôt que Pépin dHéristal, prince des Francs Austrasiens, aura réussi à identifier sa puissance avec celle du roi, ce sera au nom des intérêts austrasiens lésés par les ducs dAquitaine , quil fera invasion dans les contrées Transligériennes, et son fils et son petit-fils se couvriront du même prétexte.

II

Les considérations que nous venons démettre ont une grande importance; elles sont comme la clef de voûte de lédifice que nous essayons de construire. Dautre part, elles sont en contra- diction avec les opinions soutenues avec talent par M. Perroud. Ce savant, avec plusieurs autres, distingue deux duchés en Aquitaine celui de Toulouse, et celui des autres régipns de la Gaule méridionale 2 . Cette distinction ne me paraît pas fondée. En dehors des Wascons, qui, comme les Bretons, obéissent plus ou noins à lautorité royale, les textes ne nous montrent que des ducs dAquitaine. Sous Dagobert P, cest le duc Beraldus qui semble avoir exercé cette importante fonction 3 . Après sa mort, son fils l3arontus, qui, dès 631, jouissait dune grande autorité eu Aqui-

1 D. Bouquet, t. Il, P. 6S0. 2 Pen-ovd, toc, oit., P. 110, 141. Le Comte, loc. oit., an. 667, n 38.

r- 14 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. taire , lui succéda dans sa charge. En 630 ? il, fut lun des dix ducs chargés de réprimer linsolence des Wascons. Son autorité sétendait non seulement sur les cités voisines de Poitiers, oŒ il faisait sa résidence , mais encore sur Cahors et Clermont .Dans un acte de lan 631, il est déjà qualifié de vii inluster , titre qui nétait décerné quaux personnages de la plus haute distinction, et dont les rois eux-mêmes se tenaient honorés 1 . Il était encore en charge le 2 janvier 600, comme on le voit pat la Vie de saint Viance (Viuccutianus), dont le P. Le Comte G et D. Mabillon- ont justement apprécié la valeur historique. A cette date, une grande révolution politique se préparait dans les sphères gouvernementales. Sigebert III, fils de Dagobert Jer, était mort au commencement de lannée 66, après un règne de vingt-trois ans, rempli de bonnes intentions, mais sous la funeste domination de Grimoald, lindigne fils de Pépin de Lan- den. Se croyant sûr de sa fidélité, Sigebert HT, mourant, lui confia la garde de son jeune enfant Dagobert. Mais ,Grimoald, aveuglé par lambition, se concerta avec Bidon, évêque de Poi- tiers, répandit le bruit que le jeune Dagobert était mort et que son propre fils, nommé Childebert, avait été adopté par Sige- bert IIi. En conséquence, il fit proclamer Childebert roi dAus- trasie. Il devançait inopportunément de cent ans les destinées providentielles de sa racé. Cest ainsi que les Capétiens ses- sayèrent au pouvoir cent ans avant de détrôner dèfinitivcmént les Carolingiens dégénérés.

.Frcdegar. c/irohic,, cap. Lxvii. 2 D. Bouquet, t. Il, p. 442. Le Comte, toc, oit., n3S, 39, 40. Pardessus, Diplomate, chart, t. lI, p. 9.. Pardessus (Diptomata, t. I, p. 149) a prétendu que ce titre était ex- clusivement réservé aux rois; cest inexact. Dagobert lui-même la donné oiflciellemeut tt saint Didier de Cahors (D. Bouquet, L. 111, p- 529). Le Comte, toc, ait., t. 111, p- 596-602. Mabillon, De re;diptometica, lib.V, f. 19, p. 378. Le P. Le Comte fait mourir ce saint en 667, mais cest une crieur, selon nous. Puisquil faut corriger quelque chose dans la date, cest dans le chiffre de lannée du règne de Clotaire quil faut faire cette correc- tion. Au lieu de changer XV anno en £111 anno, je ci-ois quil faut lire 1V anno. En 660 le 2 janvier était un vendredi. Le saint a pu mourir le vendredi soir et être enterré le lundi, avec les circonstances rapportées dans la légende. Dailleurs, raison démonstrative, en 667, Clotaire III ne régnait pins en Aquitaine; cétait Chulderic Il; nu lieu que le 2janvier et même le tS août 660, cétait encore Clotaire 111. (0. Bouquet, t. III, p. 690.) LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 15 La fraude de Grimoald ayant été découverte, il fut massacré avec son fils. Clovis II, roi de Bourgogne, se trouva ainsi maitre de toute la monarchie française; mais, à la fin de ID. même année 050, il descendit lui-même dans la tombe . II laissait de la reine. Bathilde trois enfants en bas âge Clotaire, Childeric et Thierry. En vertu du principe inauguré par Dagobert, Clotaire 111 fut proclamé souverain monarque de toute la Franco, à lexclusion de ses deux jeunes frères. Cette disposition rejetait dans lombre le royaume dAustrasie. Les puissants leudes de cet État ne purent souffrir longtemps cette humiliation. Ils protestèrent, et, dès lan 660, ils obtinrent de la reine l3athilde que Childeric leur fût donné pour roi, sous la tutelle du maire du palais Wulfoald. Il était âgé de sept à huit ans. Le royaume dont ce jeune prince eut le gouvernement nomi- nal avait toute létendue que lui avaitdonnée Dagobert .tur, par la convention mise à exécution en 038, cest-à-dire toutes les Aqui- taines et une partie de la Provence ?, avec la Wasconie pour tri- butaire tout au moins... Lantagonisme entre lAustrasie et la Bourgogne saccentuant de plus en plus, il est probable que Wulfoald écarta de ladminis- trdtion des provinces tous ceux qui, contrairement aux prescrip- tions de Id Constitution de Clotaire Il, édictée en 014 , avaient été pourvus du gouvernement dumie province sans lui appartenir parla naissance et lhabitation. Or Barontus, qui, depuis la fin du règne de Dagobert, gouvernait les Aquitaines, était, né en Anjou , pays de lancienne Neustrie. Il dut donc être sacrifié à la nouvelle politique. Sil faut lidentifier avec le Bienheureux solitaire du même nom , sa disgrâce fut grandement salutaire à son Aine.

D. Bouquet, t. 111, p. 688. 2 D. Bouquet, t. 111. p. 689. S l3aluze, Capitutaria, t. I, P. 23 Pardessus, Diplwnata, t. H, P. 190. Le Comte, toc, cil., p. 596, n0 37. Mabillon, Acta 88. 0. S. B., sec. Il, p. 792. 11 est certain du moins que lun et lautre étaient de la Neustrie, de "ace très noble et tout â fait con- temporains. Le saint se retira avec son fils Agtoatdas dans labbaye de Longré, au diocèse de Bourges, ornnem.mundi postponcns pompant. Sa fameuse vision des enfers était célèbre au ix° siècle (Patrot. kit., t. CXXVI, coi. 1073). 10 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. 11 fut remplacé par un très noble et illustre patrice (nobilissi- muni et illustrempatritiuns), nommé Félix, originaire de la ville de Toulouse (ex urbe Thoioscnpisium). Lécrivain, peuttre con- temporain, qui nous apprend cette particularité, ajoute que Félix fut établi prince de toutes les cités aquitaniques jusquaux Pyrénées : « qui c-t principatum super onines civitates usque montes PyrenLeos obtinebat, » y comprise la barbare nation des Wascons. Nous avons vu que cétait le territoire assigné par Dagobert au royaume dAustrasie. Cependant, sous lempire de vieux préjugés que la charte dA- laon na pas peu contribué à enraciner, on a donné à ce texte un sens tout différent. On a fait de Félix un duc de Toulouse. Cependant, le titre de patrice, bien que synonyme, en certain sens, de celui de duc, est le plus souvent simplement honorifique et nexprime jas le com- mandement. Dailleurs, sil signifiait duc de Toulouse, le texte • porterait : patritium urbis ou in ui-ho ,et non pas ex ?trbe. Ensuite, on entend par 0m nos civitates usque (cd) montes Jy les cités de la Wasconie, oubliant que lauteur les dis--renoeos, tingue absolument de cc pays, en ajoutant: t et super nequissi- ma gentemWasconum.» Dailleurs, un peu plus loin, le même légendaire, qui écrivait à Limoges, range cette ville parmi les cités sur lesquelles sé- tendait lautorité de Félix, et que voulut plus tard usurper son successeur Lupus. Enfin, nous verrons bientôt ce même. Lupus commander en Auvergne et dans les villes vraiment aquitaniques. Son prédécesseur y exerçait donc, lui aussi, son autorité. Félix parait avoir conservé jusquà la mort 2 le pouvoir qui lui avait été délégué au nom du roi dAustra gie, vers lan 661. Mais il est difficile de dire à quelle époque précise il descendit dans la tombe. Il est néanmoins probable que ce fut vers lan 670. En effet, il eut pour successeur Lupus. Or, le légendaire de saint Martial, que nous citions tout à lheure, nous apprend que celui- ci dut son élévation, non à la faveur du roi Childéric II, mais à lélection des seigneurs du pays et des fai-ons du royaûme de Bourgogne exilés et fugitifs en Aquitaine : « Eu defunctù, dit-il,

1 Jorniul. Marcutf, lib. I, cap. S. 2 D. Bouquet, t. III, P. 580: « Eo defuneto, supradictum Luponem, etc. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 17 supradictum Luponem principem super se omnes statuerunt, et ornnes vagi profugique ad eum adheserunt. » Cet écrivain, il est vrai, est assez obscur en cet endroit et même inexact. Sous linspiration dnue partialité manifeste contre Lupus, il représente celui-ci comme un homme de rien (Inter unus) qui, élevé à la cour du duc Félix, serait parvenu par lintrigue et lambition jusquau titre usurpé de prince dAquitaine. Or des documents certains nous le montrent sous une tout autre physionomie. En outre, le légendaire mêle évidemment à plaisir deux cir- constances distinctes de la vie de Lupus: son élévation au poste de duc dAquitaine et sa révolte contre Ébroïn. Ce dernier étant le héros préféré du légendaire, quiconque lui a fait opposition nest plus à ses yeux quun usurpateur et un bandit. Le texte que nous commentons doit donc être sévèrement contrôlé par les autres monuments historiques. - Un coup doeil sur la situation politique de la France eu 670 nous aidera à résoudre cette difficulté.

I II

Clotaire III, roi de Neustrie et de Bourgogne, étant mort au commencement de lannée 670, ou, selon le Bollandiste Corneille de Bye, au mois de décembre de Pan 660, les esprits, en Neustrie et en Bourgogne, se divisèrent au sujet de sa suc- cession. Les uns voulaient déférer la triple couronne de lempire franc à Childeric II, déjà roi dAustrasie; les autreS, le Maire du Palais de Clotaire III, Ébroïn, à leur tète- préféraient Thierry 111, le troisième frère du défunt. Cétait la grave question de lunité de gouvernement qui se posait de nouveau devant lopinion publique. Prévoyant que, dans létat présent des esprits, il navait à espérer aucune iI) lluence à la cour de Childeric Il, Ébroïn se constitua le cham- pion de la cause de Thierry; et, sans prendre conseil de per- sonne, il le proclama roi de Bourgogne et de Neustrie. Cet acte dautorité arbitraire souleva contre lui une opposition una-

]lolland., Ada SS, t. I oct., p. 353, n 121. T. XXXV. jtr JANVIER 1884. 2

n s 18 REVUE DES QUESTIO?S HISTORIQUES. nime ; sa tyrannie y mit le comble; en sorte que; au bout de - - quelques mois, une insurrection générale éclata. On sempara de sa personne et de celle de son pupif le, et tous les deux furent relégués dans un monastère: Ébroïn à Luxèuil, et Thierry à Saint-Denis près Paris. Saint Léger, évêque dAutun, prit incontestablement part à cette révolution politique, bien quil soit difficile de dire en quelle mesure . Toutefois, Autrasien par sa naissance, par ses alliances de famille et son éducation, il dut naturellement se montrer favorable à Childeric II, placé sous la tutelle de ses compatriotes, et représentant, à ses yeux, le parti le plus estimable de la nation. Cétait du moins lopinion de tous ceux qui, de près ou de loin, se rattachaient à laristocratie de lAustrasie et même de la Bourgogne 2• On peut constater une grande analogie entre la situation poli- tique quoffrait la France en 670 et celle quelle subissai,t en 870. Les charges publiques étaient partout en fait, sinon en droit, inamovibles, et les hauts fonctionnaires de lÉtat exerçaient dans leurs départements respectifs une autorité presque souve- raine. Chaque principale portion du territoire était gouvernée par un duc ayant sous ses ordres des comtes 1 et autres officiers inférieurs. Cétait une hiérarchie dautant plus fortement consti- tuée, quelle était entretenue et consolidée par la rccomnzan- dation, qui formait des liens bien plus intimes que lantique patronage. Tout ordre royal qui désorganisait cette machine puissante apparaissait dès lors comme un acte de violence. Ii eût fallu une main aussi habile que modérée pour utiliser, con- denser et guider cette force immense. Les Mérovingiens no lui opposèrent que le caprice dun maire du Palais, ou la passion du moment: Ébroïn avait essayé de la briser; il sétait brisé lui-même. En effet, aux yeux des membres de laristocratie dalors, cet état dé choses était ce que lexpérience du passé avait fait con- sidérer comme le plus conforme aux besoins de la société con- temporaine. Le haut clergé, sorti de ses rangs, pensait en général comme elle.

Bolkand., Acta 85., t. 1 oct., p. 315. 2 llol]and., toc. rit., p. 465, n°8, 3 Fvcdeyar. chronic., cap. Lxxviii.

LAQUiTAINE SOUS LES MINIERS MÉROVINGIENS. 10 Il ne faut donc pas &tonner si Pinsurrection qui venait de triompher clÉhroin présenta au roi Childeridil une sorte dècon- stitution quil devait jurer ,dobscrver.Ell.e contenait trois princi- paux articles, dont lé-biographe anonyme de Léger dAutun nous a conservé une;analyse exacte -".- - 10 « Les juges, cest-à-dire IS ducs et les: comtes chargés- de rendte la justice devront exercer-leurs.-fonctions confôrmément auxlois eteontumes observées de temps irnmémoriab(antiqui/us) dans le pays dont ils auront le gouvernement; n Cette prescrip- tien était justifiéepar Tes abusée pouvoir qui stauènt mubtiÏTis, à tous les degrés de léchelle sociale, pendant ladministration clÉbroïn, sous Clotaire III, et durant les derniers troubles. Elle ne faisait, du reste, que leur rappeler leur devoir et confftmer les constitutions édictées en 560 par Clotaire J , en 585 par Gontran , etc. 2° Les gouverneurs vcetores) dune provihce nempiéteront point sur les autres, et aucun deux, à lexemple dÉbroïn, ne sattribuera un pouvoir tyrannique, au point de mépriser ensuite, comme lui, ses collègues . Cet article, avait, ce semble, pour but décarter des occasions de conflit entre la Bourgogne et lAnstrasie. En sa qu:lité de Ifairé du Palais de Clotaire III, Pàîné des fils de Clovis If etpen- :ant quelque temps souverain- de tout lempire, Ébroin avait sans doute prétendu exercer une autorité suprême sur la cour de Cliilderic Il, roi dAustTasie. De là des nïécontentementsquil paraissait sagedéviter à lavenu. 3° « Les deur. Maires du Palais de Bourgogne et dAustrasie

Bolland., Acta 38., t. I oct., P. 465, ne iO Flilderibum expetnnt uni- versi, ut talia daret deoreta per tria quffl obtinuerat regna, ut uniuseujus que patriœ legem vel consuetudinem debererit, sieut antiquitiis, indices con.servare; et ne de ana provincia recto,ea in alias ïntroirent, nuque ullus, instar Hebroini, tyraun-idèm assumeret, ut postmodùm, sicut ille, conturber- nales sucs despiceret; sed dura rnutuam sibi successioneni cuiniinis habere cognoscerent, nulles se alio anteferre auderet. Dans le décret de leur institution il était dit r Et ces recto tramite sccurtdurn legem et consuetudinem £rorum regas. » [ Marculf. For-mut., file. I, cap. S.) l3aluze, Capitul., t. 1, p. T; Pardessus. Diplomate, t. li, p. 120. Baluze, t. I, p. 9; Pardessus, t. II, P. 155. 5 M. Perroud, (toc. cil., p.90) adonné un autre sens cet article ; mais nôtre est le vrai, selon.nous. . 20 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. remplhônt à tour de rôle les fonctions de comte du Palais royal, et éviteront de sattribuer une prééminence lun sur lautre. » Ce dernier point était une conséquence du second: mais il faut avouer quil était pratiquement difficile à exécuter. Cétait enlever au roi le choix de son premier ministre et lenchaîner à subir tour à tour les influences austrasiennes et bourguignonnes. Aussi Cbilderic 11 trouva-t-il ce joug intolérable. JI devait promulguer cette constitution par trois décrets distincts,adressés aux trois royaumes de lempire ; il nen fit rien. Il devait se livrer tour à tour aux Maires du Palais de Bourgogne et dAus- trasie ; il refusa de se séparer de son Maire austrasien Wul- foalde. Mais, sil faut avouer que ce dernier article était nouveau et. peu pratique, il ny a pas lieu, selon nous, de dire, avec M. Per- rond, que cette constitution était une capitulation du pouvoir royal. Elle était simplement lexpression dune situation poli- tique établie depuis plus de cinquante ans, et confirmée depuis trente ans. - Cétait le régime constitutionnel, si vanté aujourdhui, et un gouvernement aristocratique comme en Angleterre, niais avec des moeurs barbares et un esprit dindépendance que le Christia- nisme navait pas encore rappelé au devoir. Dautre part, la tyrannie dÉbroïn avait jeté sur la terre dexil, en Aquitaine et en Wasdonie, une foule de nobles mécontents, qui, privés de leurs biens confisqués, navaient dautrS ressource que de fomenter le désordre et les révolutions. Ils profitèrent, sans doute,des troubles politiques de 670 pour conférer la dignité de duc dAquitaine au jeune Lupus, élevé à la cour du duc Félix et dont lesprit actif ne reculait pas devant les difficultés présen- tes. Cest du moins ce qui ressort des textes contemporains déjà cités. Ces honneurs lui furent confirmés,ce semble, pat Childeric II, soit comme roi dAustrasie, soit comme monarque de tout lempire. Toutefois, lautorité quil sattribuait dès lors nétait pas celle dun simple gouverneur de province; cétait celle dun Maire du Palais, tout au moins. Un document dune grande valeur nous en fournit une preuve évidente. Dans le but de se concilier la faveur du clergé des trois Aqui- taines, il convoqua, dans un castrum nommé Garnomo, dans le LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 21 diocèse de Bordeaux, un concile composé des évêques soumis à son autorité, et il les engagea à renouveler les canons ecclésias- tiques contre les clercs belliqueux ou insubordonnés ; ce quils firent dans des décrets fort intéressants, mais qui nous sont par- venus sous une forme altérée, quil serait hors de propos de réta- blir ici. Toutefois limportance de ce document nous oblige à en faire ressortir toute la valeur. Cité par laluze et par D. Vaissete 2, il a été publié par M. Pardessus , daprès une copie déposée dans les papiers de Baluze, qui lavait découvert dans un manuscrit du j3Ée siècle, • conservé jusquà ce joui dans la bibliothèque publique dAlbi 4. Bien que nous ne possédions plus les Actes originaux de ce concile, la copie contenue dans le manuscrit dAlbi nous en garantit suffisamment la parfaite authenticité. La forme insolite de la convocation Medianle viro inlustri • Lupone dace per jU.9sioneflt - gioriosi principis Childerici démontre que ce monument appartient bien à lépoque troublée que nous étudions. Dailleurs, le style est absolument du VII et non du Ixe siècle. Remarquons notamment le mot jussionein,dans la première phrase. Cette expression est particulière au vit5 siècle et à lAquitaine. On ne la trouve que dans une lettre de Verus, évêque de Rodez, à saint Didier de Cahors . La qualifica- tion de viroinlustri, donnée au duc Lupus, appartient bien éga- lement à la même époque. Enfin, si les évêques signataires sont presque tous inconnus, il nen est pas de même dAdus, métropo- litain de Bourges , qui garantit ainsi la réalité de lexistence de ses collègues. M. Pardessus a daté ce concile de lan 662 environ. Mais, en 632, Lupus nétait point encore duc dAquitaine; cest à peine si son prédécesseur Félix avait alors pris la place de Barontus. En outre, les Pères du synode ne se seraient point servi, à cette époque, de lexpression insolite• Ifrïediante viro in) ust ri

l3aluze, Capitul aria, t. li, P. 1229. 2 D. Vaissete, Histoire générale de Languedoc, t. I, p, 31e, et Preuves, col. 23. Pardessus, Diplomate, t. Il, p 129. Catalogue des manuscrits des départements, t. I, p. 452, n. 2. D. Bouquet, t. IV, p 47. Gatlià Christ., t. Il, p. 18 ; Le Comte, Hist. Franc., an. 668, n.2. 22 REVUE DES J3ESTICNS HISTORIQUES. Lupouc duce. iCette mention dun simple gouverneur de pro vinQe3:inteLvenan.teonjoifltement avec le roi, dans la convocation dune assemblée dévêques, ne peut sexphquer que par :la situation politique faite à.la France après lÂnnée 670. Les ddcrets.sont:souscrits par les archevêques de Bourges, de Bordeaux et dEauze, par les évêques de Périgueux, dAuch, de Béarn, de Bazas, dAire, de.Lectoure, de Conserans:(Saint-Lizier), dOleron, de Comminges, de Dax, dAgen, et par deux abbés représentant lesOvêques de Limoges et dAlbi. On le voit, à part les évêques de Rodez, de Clermont, du Puy, dAngoulême, de Saintes et de Poitiers, dont les siges pouvaient être vacants, ouqui pouvaient être empêchés par quelques obs- taclés canoniques 1, tous les prélats des trois Aquitaines étaient représentés -dans cette assemblée conciliaire: Lautorité de Lupus y était donc officiellement reconnue. Cependant, -son ambition aétait pas satisfaite; il aspirait à une plus complète,indépêndance.

IV

.Rescesuinthe, roi des Visigoths, venait de mourir( jer sep- tembre 072), et Wamba avait été élu son successeur. Les cités gauloises soumises aux Visigoths jugèrent le moment favorable pour secouer le joug espagnol. Sous linspiration de Hilderic, comte de Nimes,de.GumiId, évêquede-.Maguelone,et dun certain abbé appelé Ranimire, elles organisèrent un vaste complot, de concert avec le duc dAquitaine, qui Leur envoya même des -hommes et -des armes pour soutenir la lutte. Quel était le but des insurgés? On l ignore. Toutefois, les agissements de Lupus tendantmanifestement -à former au sud de la Loireun État indépendant -de la monarchie mérovingienne, il est probable que les cités révoltées avaient une pensée ana- ogue; et leur alliance avec le duc dAquitaine indique assez quil devait y avoir, dans lavenir, une fusion plus ou moins complète entre les deux allies . Du reste, en fait, après la tics-

M. Longnon,:ec. oit., p185) s cru â tort que cette ville avait perdu, dès le VE sic1e, son litre de méti-opole. - Le copiste du xx siècle •peut aussi navoir pas coulé tous les noms, comme cela est arrivé trop souvent. LÀQUIT4JICE 80135 LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 23 traction du royaume visigothique par les trabes en 714, cette fusion sopéra comme naturellement et sans •difflculté.. Quoi quil en soit, cette insurrection jeta lalarme à la cour de Tolède. Le roi Wamba envoya sans retard -un corps darmée sous la conduite du comte Paul pour châtier lesrebelles. Mais celai-ci se laissa gagner par les insurgés et se mit à leur tête. En apprenant cette défection, Wàmba réunit ses troupes les plus fidèles, frânchit les Pyrénées avec une rapidité surpre- nante, sempare de Narbonne, de Beziers, dkgde, de Maguelone, et vient mettre le siège devant Nimes, où le comte Paul sétait enfermé avec les principaux chefs de la révolte et la plus grande partie des soldats visigoths, aquitains et wascons qui compo- saient son .armée délite. On était dans les derniers jours daoût 673. Les assiégés, se croyant sûrs du succès de la campagne, insultèrent dabord les assiégeants- Lupus leur avait promis de venir, dans trois jours, à leur secours, avec une puissante armée qui, selon eux, ne pou- vait manquer de tailler en pièces des troupes épuisées par des marches forcées et une série de combats meurtriers . Mais ils avaient compté sans lactivité du roi Wamba et sans une - coïncidence qui devait retarder larrivée du duc dAqui- taine. Le siège fut poussé avec tant de fureur que, dès le second jour, les Visigoths pénétraient dans la place (ter septembre 073). Les assiégés, refugiés dans les arènes, sy -défendirent avec acharnement- Les Aquitains et les Wascons surtout y firent des prodiges de valeur mais, dès le lendemain, ils furent contraints de se rendre à discrétion et Wamba fit son entrée triomphale dans la ville. Les chefs de la rebellion furent punis du dernier supplice ; les milices dAquitaine et de Wasconie furent, au contraire, renvoyées sans rançon dans leurs pays. Cetteconduite était dune habile politique ; elle réussit à mer- veille. Cependant, Wamha avait pris ses précautions contre les - secours annoncés avec ostentation par les assiégés. Enfin, cinq

D. Bouquet, tU, P. 7H « Mihi cairn res notissinia ,nanet quant mutti- pticia nobis auvilia prreliandi oceurrant. Teflia ergo dies est quod exinde properans venie » - 24 flEVUE DES QUESTIONS HiSTORIQUES, jours après la reddition de la place, 13 6 septembre, le duc Lupus apparut avec son armée sur les hauteurs qui avoisinent la ville dAspiran. Mais, apprenant que la ville de Nîmes était prise et linsurrection détruite, il rebroussa précipitamment chemin, laissant une partie de ses bagages entre les mains de lennemi lancé à sa poursuite . Que sétait-il donc passé entre le commencement de linsur- rection etla prise de Nîmes ? Non content de favoriser les insurgés du midi de la Gaule et de se préparer tout au moins des alliés, si non des sujets pour lavenir, Lupus avait tramé un noir complot contre son souverain Childerjc If. Ce prince, on sen souvient, sétait engagé, au début de son règne en Burgondie, à observer fidèlement les conventions rédigées par les conjurés qui lavaient élevé sur le trône. Mais il ne tarda pas à oublier ses serments. Réprimandé par lévêque - dAutun, saint Léger, il lenvoya en exil dans le monastère de Luxeuil, oùson adversaire politique Ébroïn rongeait son frein sous le froc monastique. Puis, sabândonnant sans retenue à ses Plus violentes passions, il se livra contre les grands à une série de brutalités, qui firent regretter la tyrannie dÉbroïn. Dans un moment demportement, il fit fouettéi, comme un vil esclave, lun des farons de Bourgogne, nommé Bodiion. Cen était trop. Bodilon résolut de se venger. De concert avec Plusieurs personnages illustres, notamment Amalbert, Tngol- 2 bert et Lupus il forma le projet dassassiner le roi, sa femme et ses enfants ce quil exécuta pendant une partie de chasse 3 à laquelle on avait attiré lé malheureux prince. Cétait probable-

ment au mois daoût de lannée 673 4. Toutefois, il faut lavouer, cette date est fort incertaine,les uns

I M. Perroud (toc. cil., P. 127) prétend que Lupus nétait pas le seul ohei de la Gaule méridionale parce que Julien de Tolède lappelle unuv; de ducibus Francùc. Mais Julien parle évidemment de la Fiance entière e non pas seulement de la Gaule méridionale. Dailleurs, tout ce que nous avons dit combat les interprétations de M. Pejroud. 2 D. Bouquet, t, 11!, p. 585, 55. Bolland., Acta 83., t. I octob., p. 468. Vila S. Leodegarfi, n. 20. Bolland., lot. cil., p. 393, n. 157: « Nihil sub finem Augusti obstat quozninus Childerieus datur, j aut initium scptembris venationem exerouisse ere

n LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 25 plaçant la mort de Chi ld crie au printemps,les autres en automne. Ceux qui la fixent au commencement de septembre sappuient sur la durée, pourtant problématique 2 , du règne de Childeric en Neustrie, sur la date arbitrairement interprétée dun diplôme publié par D. Mabillon, et sur cette idée singulière que le prince ayaiit été tué àla chasse, il sensuit que ce fut nécessairement au printemps ou en automne comme si un roi mérovingien ne pouvait chasser en dehors des mois davril ou de septembre. Il ny a donc pas lieu de rejeter, avec M. Perroud, la partici- pation directe de Lupus à lassassinat de son souverain. Les événements de Nimes ne contredisent pas nécessairement cette participation au crime.Dans tous les cas, ce cruel forfait ne lui fut daucune utilité, et lui causa, au contraire, des obstacles sérieux. - En effet, à la nouvelle de ce grave événement, Ébroïn sort du cloitre où il était renfermé, rassemble des troupes, sempare du pouvoir, et proclame roi un prétendu fils de Clotaire III, quil fait appeler Clovis 1 . Mais bientôt, sapercevant quil ne pourrait longtemps soutenir son fantôme de roi, môme par la violence et la persécution, il se rallie à la cause de son ancien pupille, Thierry III, quon avait enlevé de labbaye de Saint-Denis, pour lélever sur le paroi. Ébroïn gagne facilement sa confiance. Une fois maître du pouvoir, il se pose en vengeur de Cliilde- ric II; et, sous le prétexte de punir les assassins de ce prince, il se livre sans frein à toute la fureur de ses vengeances person- nelles. Ses adversaires pélitiques, dans le passé comme dans le présent, senfuient, soit dans la partie de lAustrasie soumise it Pépin dJ-Jéristal, soit au sud de la Loire jusque dans les monta- gnes de la Wasconie Le duc Lupus, complice notoire du comte Bodilon, ne pouvait échapper à la vengeance dÉbroïn. Les biens quil possédait en Orléanais furent confisqués e , et unarrêt dexil fut lancé contre lui. Au milieu de la stupaur générale, les Aquitains oublièrent

Bolland., toc. cit., p. 333, n: 11. 2 I3olland., toc, oit., p. 384, n. 122. Penoud, toc. oit., p. 123. Bolland., W. oit., p. 296-307. Bolland., toc. cil., p. 474,n. 38 490 note/. D. Bouquet, t. I, p. 697. 26 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. un instant leur liberté, en grande partieacquise sous le dernier roi, etcourbèrent la tête sous le joug -du Maire du Palais, du seul Mérovingien qui fùt alors -généralement reconnu eu France, puisque le fils dé Sigebert ni, Dagobert II, navait sous sa domi- nation quune portion assez restreinte de lAustrasïe. Mais bientôt le parti de lindépendance releva la tête et refusa lobéissance -aux agents dÉbroïn. Poitiers entra -des premiers dans cette voie, et Ansoald, son évêque, se mit, ce semble, à la tête du mouvement. Ii avait, -pour agir ainsi, des motifs à la fois personnels et dintérêt public. Assez prodhe parent de saint Léger, évêque dAutun, et de son frère saint Guérin, comte de Poitiers, lun et lautre victimes ensanglantées de la fureur dÉbroïn, Ansoald pouvait se croire autoriséà secouer le joug de ce tyran, ministre dun roi légitime, il est vrai, mais .-qui ne régnait pas -sur IA-ustrasie, -dont lAquitaine en général et le Poitou en particulier étaient depuis longtemps considérés comme une annexe. Puissant par sa haute naissance, par sa famille et ses alliances, par ses richesses et ses vertus, Ansoald mit toutes ces influences -au service de la cause quil croyait utile de servir. Ii réussit complètement. Nous en avons une preuve dans la vie de saintFilibert, abbé de Jumièges. Cc grand apôtre de la vie monastique au vile siècle, sétant attiré les ven- geances dÉbroïn par la liberté de son lSgage, avait été con- traint, -an 674, de chercher un asile contre ses persécutions. Il le trouva en Poitou auprès -dAnsoald ce qui démontre quÈbroïn navait aucune, puissance en cette partie de lAquitaine. Le moine de Saint-Martial de Limoges déjà cité nous apprend, de son côté, que le Poitou ne fut pas le seul à se déclarer indé- pendant de ladministration dÉbroin. Tous les vagabonds et les bannis de Bourgogne et de Neustrie se joignant aux Aquitains, dit-il 2, décernèrent le titre de Prince dAquitaine au duc Lupus, réfugié chez les Wascons. Une foule

J3oltand. Acta 88., t. 1V augnst., p. 79. 2 D. Bouquet, t. 111, p. bso Prineipern super -se omnes statueront et omnes vagi profugique ad cana adiinserunt, et tanta turbo, apué -eum assis. tebat ut regem Francorun, debellaret et in sedern regiam se adstare lace- rot... Adrenit et Pontificena ex ipsa urbe Lernovïea et omnes COflCLVCS ad se adunare jussit, ut fidem corum extorçueret -et cos 5(1 saura regimen per- stiingeret. » LAQUiTAINE SOUS LES DERNIER S; MÉROVINGIENS. 27 immense se Péunit autour de son drapeau, en sorte quil fut promptement en étatilelutter avantageusement contre les par- tisans et les agents du roi Thierry 111. Sil ne prit as le titre de roi, il osa du moins se faire un trône, au piedduqudlles Aqui- tains souniisvenaietït lui Tendre hommage et lui prêter le set- ment -de fidélité. Lorsquil se présenta devant limoges, lévêque et tous les citoyens sottirentr sa -rencontre et reconnurent son autorité. Cependant, un vol sacrilège qiifl commit dans -la crypte de Saint-Martial lui attira, de la part dun homme du peuple, un châtiment qui faillit lui coûter la Vie . & quelle époque -eut lieu cette insurrection générale? Ii -est difficile de le dire. -Lauteur qui -nous sert de guide a manifeste- suent réuni en un seul trait leux événements Tort distincts. Si lon prend à la lettre ses paroles, tout cela se serait accompli aussitôt après la mort du duc Félix (co de/itncto), vers lan 670. Maisnous avons vu que, postérieurement à cette date, Lupus reconnaissait lautorité tout au moins nominale •du roi des Francs et dailleurs Ébroïn, relégué dans -un monastère,nétait plus en-cause. Il faut donc admettre que le moine Lie Limoges, adversaire passionné du gouvernement de Lupus, a passé à dessein sous Silence la première administration de ce fonctionnaire de 670 à 673, ou plutôt la confondue avec celle qui fut le résultat du mouvement insurrectionnel que je yiens de raconter, daprès son propre témoignage. Mais cette insurrection générale, ,postéiieure à 673, avait-elle été précédée ou fut-elle suivie de celle du Poitou, dirigée par Aisoald ? .GettederŒière ne fut-elle quun épisode de la guerre déclarée par le duc dAquitaine? Ce sont là des problèmes his- toriques que la pénurie de documents nous contraint â laisser sans solution . Ce que nous pouvons affirmer, cest que linsurrection de lA-

Si Lupus était mort de sa blessure le légendaire naurait pas manqué de le dire, cette circonstance devant encore faire éclater davantage la-ven- geance de saint Martial. 2 Un diplôme du mois de mai de lan 080 tendrait à prouver que dans les actes publics, du moins dans certains monastères, on continuait â dater par les années (lu roi Thierry, malgré la déclaration dindépendance do lAqui- taine. Pas-dessus, Diplomate, t. 11, p. 185. 28 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. quitaine ne fut pas isolée. Elle semble, au contraire, se ratta- chet- à une vaste conspiration ou à une aspiration générale vers lindépendance chez tous les peuples situés sur les frontières de

lempire des Francs.Les auteurs anciens saccordent à constater 1, vers lépoque. que nous étudions, que les Frisons au nord, les Allemans, les Thuringiens et les Bavarois à lest, les Bretons à louest, et les Aquitains au sud secouèrent comme de concert le joug des Francs. Les Austrasiens, de leur côté, du vivant et après la mort de Dagobert H, refusèrent constamment de se soumettre à lautorité dÉbroïn et du roi Thierry. Après lassassinat de Childéric Il, son Maire du Palais, Wul- foald, avait cherché un refuge en Austrasie, sa patrie, et avait confié, en mourant, à son fils Martin, le soin de relever le dra peau national. Martin avait glorieusement rempli sa mission. De concert avecson cousin Pépin dHéristal, petit-fils par sa mère de Pépin de Landen, il avait essayé de renverser du pouvoir le cruel Ébroïn. Mais vaincu à Lafau, il périt dans un guet-apens préparé par son perfide ennemi. Pépin se préparait à venger sa mort, lorsque la Providence le délivra sans combat de son ter- rible adversaire: Ébroïn, en effet, périt assassiné par Erinenfroy, au printemps de lannée 681. Ce grave événement produisit les plus heureux résultats. Une réaction en faveur du roi Thierr y se produisit dans toute létendue de lancien empire des Francs. Pépin diléristal mit immédiate- ment bas les armes et reconnut sans difficulté lautorité aumoins nominale du prince Mérovingien et de son nouveau Maire du Palais, Waratton, avec lequel il contracta alliance et amitié 2 Le duc dAquitaine tint la même conduite. Cétait vraisembla- blement encore le duc Lupus, le moine de Limoges, laissant â entendre que la paix universelle, produite par la mort dÊbroïn , suivit immédiatement laccident arrivé à Lupus dans la crypte de de Saint-Martial.

D. Bouquet, t. II, p. 615, 677, 680,690; t. 111, p. 547. D. Bouquet, t; Il, p. 570, 678; t. 1!!, p;694. Faune], JIiS(. de la Gaule méridionale, t. III, p- 32. I LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÇROVINGtENS. O

V

A peine la nouvelle de lassassinat dÉhroïn fut-elle répandue en Poitou quAnsoald se rendit à la cour du roi Thierry. Il y ren- contra un grand nombre de prélats et de seigneurs de toutes les parties de lempire des Franc, qui vouèrent à lanathème la mémoire du tyran quon venait dimmoler. Lévêque dArras y raconta le long martyre de saint Léger, évêque dAutun, et les nombreux miracles que Dieu opérait sur son humble sépulture. Le roi était présent. Il fut vivement ému de ce récit, que confir- mèrent de nombreux témoins. Dune voix unanime les prélats décrétèrent alors quil était urgent dhonorer dun culte religieux ce grand martyr de la - liberté publique. Mais lévêque dArras, dans le diocèse duquel il avait été inhumé, lévêque dAutun dont il avait été le prédé- cesseur, et lévêque de Poitiers, parent de lillustre martyre, au nom de cette parenté et de léducation et des dignités ecclésias- tiques exercées dans son diocèse par le défunt, revendiquèrent, à la fois, lhonneur de posséder ce trésor précieux. Le sort décida en faveur dAnsoald 2, qui sempressa de char- ger Andulfe, abbé de Saint-Maixent, dopérer cette translation solennelle dans son monastère. La cérémonie se fit au milieu dun immense concours de peuple, depuis la cité artésienne jus- quen Poitou, où les saintes dépouilles arrivèrent au mois daoût 681 . En même temps quAssoald se rendait à la cour de Thierry 111, pour cimenter le pacte de réconciliation entre le pouvoir royal et les Aquitains émancipés, saint Filibert, son ami, allait con- soler ses enfants du monastère de Jumièges qui, depuis plus de huit ans, pleuraient sa perte. Puis, sur les instances de lévêque de Poitiers, qui était venu jouir un instant de lallégresse des moines de Jumièges, il retournait en Poitou y compléter loeuvre

l3olland., Acta 88. t. loci., p. 4251 n, 276, p. 479, 480; Boltand., Acta 88., t. L oct., p. 479, n, 58, p. 425, n. 278. Bolland., toc. cil , p. 426, n. 283. Les moines de Saint-Aubin dAngers, fêtaient, en effet, la translation de saint Léger le 17 août, Bibliothèque dAngers, MSS. n°95). 30 REVUE DES QUESTIONS JIISTORIQUE& de restauration monastique quil y avait si heureusement commencée . Tous ces événements supposent que lunion et la paix avaient été rétablies dans toute létendue de lempire des Francs, et que Thierry II1 y était reconnu souverain légitime., et. universel de la monarchie. Cependant, cet accord ne fut pas de longue durée. Waratton, Maire du Palais de Thierry III, avait un fils nommé Gislemare, aussi dépravé quambitieux, qui, à force dintrigues, finit par supplanter 5011 vertueux père auprès du trop facile monarque, vers la fin de lannée 683 2 Marchant sur les traces dEbroïn. C-islemare souleva, contre lui et le pouvoir q.uiL représentait, toute lAquitaine et IAustrasie. Lannée 084 se passa en combats incessants entre lambitieux ministre et le duc dAustrasie Pépin dHéiistal. La mort du nou- veau tyran. put seulernettre un terme à cette guerre civile ,.à la fin de cette même année 684. \àratton fut alors rétabli dans sa charge ; mais iLmourut lui-même peu de temps après, au début de lan 680.. Berthaire, son gendre, qui lui succéda, avait tous les vices de Gislemare, moins son habileté Aussi continua-t-il sa funeste politique irritante. Elle ne lui: réusit pas. En 087,.. Pépin dHé- ristal remportait sur lui; à Testry, une complète victoire, sem- parait de la persoirne du roi Thierry, imposait à celui-ci un Maire du Palais de son choix, et devenait le vrai souverain de la France, sous le couvert du monarque Mérovingien.- Du reste, il prit dès lors le titre de prince des Francs Austrasien (088) . Durant ces guerres civiles qui désolèrent le nord et:iiest de la France, lAquitaine avait, encore une fois,, suivi Pexeniple de 1Austrasie. Comme celle-ci,, elle refusa de se: soumettre .Fau- torité de Gislemare, et se réconcilia, avec, la cour mérovingienne lorsque Waratton revint au pouvoir à la fin de lannée 684.. Voilà pourquoi- nous voyons: lévêque de Poitiers, Ansoald,. souscrire,.

Boiland., Acta S&T t. IV eut. , p. 79 n. 22-23., - D. Bouquet, L. 111, p.- 694.. J0 parie lé langage des elirohiqueurs carolingiens, à.défaut dc, rensei- gnements plus impartiaux. D. Bouquet, t. Il, p. 570, 080. - LAQUITAINE SOIS LES DEnNIERS MÉROVINGIENS. 31 à Compiègne, une donation faite par saint. Rieul, évêque métro- politain de Reims, en mai 685 ou 688. Comme les Astrasiens encore,, les Aquitains firent opposi- tion au gendre de Warat.ton. Cependant, au milieu de ces révolutions continuelles de Palais, les liens de sujétin au roi mérovingien sétaient de plus en plus rélfichés, en Aquitaine comme en Austrasie ; en sorte que, après la bataille de Tesiry, voyant le duc dAustrasie, maître réel du pouvoir, gouverner en souverain indépendant les pro- vinces austrasiennes, le duc dAquitaine crut quiIpouvait suivre son exemple. Mais Pépin dHéristal nétait pas homme à souffrir que, sous son principat, la France fût plus amoindrie que sous les ministres moins puissants qui lavaient précédé. Dès lannée 688, il passa la Loire, et fit promptement rentrer les insurgés dans lobéissance, bien peu étroite du reste, quils avaient promise à Thierry JJJ 2, Les Annales de Metz, qui nous font connaître cette campagne. de Pépin en Aquitaine, la rattachent à une série dexpéditions semblables que le prince des Francs dirigea contre les diverses nations jadis sujettes ou tributaires de lempire des Francs Allemans, Bavarois, Bretons, Aquitains et Wascons, qui, profi- tant des dernières guerres civiles, avaient complètement secoué le joug. Les monuments de lhistoire ecclésiastique confirment lasser- tionda chroniqueur en ce qui concerne notre Aquitaine. En 688 saint Bonet est élevé sur le siège de Clermont en vertu dune double ordonnance, fait inconnu jusqualors. Son frère Avitus, évêque de Clermont, étant sur son lit de mort, lavait choisi pôur son successeur, du consentement de son clergé. « Sous Te prince Thierry, ajoute le biographe contempo- rain , Pépin, qui tenait alors la première place dans le royaume (reqni prima (uni tenens) et gérait la mairie du Palais, disposait à son gré de toutes les charges publiques. Le B. Avitus, ayant envoyé à la Cour sa requête pour obtenir lautorisation royale (pro ad?iscenda auctoritate reqia), grâce à Dieu, obtint pleine

I D. Mabillon, Annai. bcnedict., lit. XVII, an. 685, n° 43. - Pardessus, Diplomata, t. II, P 200202. D. Bouquet, t. 11, p. 680. D. Bouquet, t. 111, p. 628. 32 REVUE DES QUESTiONS HISTORIQUES. satisfaction; et comme témoignage du consentement sollicité, il obtint un mandement du roi et un précepte du prince Pépin (ex rejjio fussu ejusqueprzcepto idem roboraretur consensu). Ainsi Pépin intervient, par un précepte spécial, dans une affaire qui, jusqualors, avait été exclusivement réservée à. lautorité royale. Cétait un acte analogue à celui que nous avons constaté, de la part du duc dAquitaine, dans la convocation du concile de Bordeaux. Peut-être Pépin prétendait-il avoir, comme Prince dAustrasie, un droit spécial dintervenir en Aquitaine, qui navait pas cessé dappartenir depuis longtemps au royaume dAustrasie. Toutefois, répétons-le, Thierry III étant considéré comme souverain de tout lempire franc, lAquitaine, comme lAustra- sic, continuait à reconnaître son pouvoir nominal. - Cest en vertu de ce principe de soumission à lautorité royale et non pas comme sujet du ro yaume de Bourgogne, quAnsoald assista, en 689 , au concile de Rouen. Mais quel était, à cette époque, le duc dAquitaine? Était-ce encore Lupus? Était-ce le duc Boggis , mentionné dans la légende apocryphe de saint Hubert 2 et dans tes Annales de Lobbei 3, et dont lexistence ne peut guère être contestée, bien quelle soit enveloppée de voiles m ystérieux? Était-ce déjà cet Eudes, prince dAquitaine, qui joue un si grand rôle dans nos Annales au commencement du VIII0 siècle? Les monuments jus- quici découverts ne permettent pas de résoudre ces problèmes. Il nest pas moins difficile de préciser lépoque où les ducs dAquitaine secouèrent de nouveau le joug des Princes dAus trasie, qui gouvernèrent la France, après la mort de Thierry III (691), sous Les noms de Clovis III (691-693), de Childebert III (695-711) et de Dagobert 111(7±1-715). Il est du moins certain que Pépin dFléristal eut besoin de venir plus dune fois leur rappeler les liens qui les rattachaient à la couronne de France. Bans le récit, ce semble, très authentique des miracles opérés Par saint Austrégésile , Pépin OEHéristal nous est représenté

Mabillon, Acta SS. O. S. E., sec. ri. Vita S. Ansbertj, n° 27. Gallja Christ., t. XI, p. 16. D. Bouquet t. III. p. 600. WniLz; Monumenta Germani-e, t. XIII, p. 237. I D. Bouquet. t. III, p.660 Mabillon, Acta 55. 0. S. E., sue. ii, Lib. miracul. S. Austregili, nO 4

LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MéROVINGIENS, 33 taisant invasion dans notre Aquitaine et commençant une expé- dition contre Eudes, Prince (IAquitaine, pat le siège de Bourges, dont ses soldats incehdient les villages environnants. Peu de temps après (nec niulto posÉ lempore), cest le prince Eudes, au contraire, qui assiège la même ville, et qui ordonne à lon de ses optimaU de prendre position dans le monastère de Saint-Austregésile, situé dans lun des faubourgs de la cité- Aucune note chronologique nest malheureusement indiquée dans le récit que nous venons de reproduire. Toutefois, un fait de la vie de saint Borel, évêque de Clermont, nous permet de proposer une date approximative. Le biographe de ce saint, parlant de son élévation à lépisco- pat, nous a dit que Pépin dl-lérista[, qui gouvernait sous le nom du m-ci Thierry, y donna sorrconsenternent; fnais lorsquil rap- porte, un peu plus 13m, le choix que le saint Pdntife fit de son successeur, Nodorbert, il se sert clone expression qui semble indiquer que le Prince qui confirma cette élection exerçait une autorité indépendante de celle du roi. Il lappelle le Prince du royaume onde lÉtat (Principevi "eqni) terme insolite, quil naurait pas employé sil se fût agi de Pépin dFléristal, qui se faisait un devoir dassocier, tout au moins, le nom du roi au sien, dans les actes officiels. Par ce prince de PElai, il faut donc entendre le duc dAquitaine, à qui le même éciivain donne constamment la qualification de prince et même de roi 2 Or, comme saint Bonet désigna son successeur en 699 ou 700, cest antérieurement à cette date quil faut placer les combats entre Eudes et Pépia dont il était question tout à lheure, cette guerre civile supposant que lindépenda nce de lAquitaine nétait pas encore tolérée par la cour mérovingienne. Toutefois, cette lutte suprême entre les deux rivaux ne doit pas avoir précédé de beaucoup lannée 699. En effet, le Poitou faisait incontestablement partie du duché dAquitaine à cette époque, comme la prouvé M. Longuon. Or les monuments his- toriques nous montrent Ausoa]d, évêque de Poitiers, eh rapport direct avec la cour de Bourgogne et dAustrasie, non seulement •

Mabillomi et D. Bouquet, toc. cit., n° 16. - 2 D. Bouquet, t. 111, p.. 660-66!, 21°5. Revue des questions historiques, iS9. t. XXV, p. 187. T. XXXV. jr JANVIER 1884. -

(a. 1? 34 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. le 28 février 693, jour o il assistait àun plaid, présidé â Valen- ciennes par le roi Clovis III mais encore le 6 mars 696, où il signait un privilège en faveur dun monastère situé dans le dio- cèe de Chartres 2; et même le 14 mars 607, la troisième année de Childebert III. Dans cette dernière circonstance, il assistait encore à un pliid royal, tenu à Compiègne, et composé dun grand nombre de prélats et de seigneurs, parmi lesquels on remarquait les évêques dOrléans, de Paris, de Beauvàis, dAmiens et de Chantres . A cette date, le Poitou, et par conséquent lAquitaine, navaient donc pas encore rompu les liens de sujétion qui les unissaient à la royauté mérovingienne. Lépoque où sopéra la scission définitive se trouve ainsi limitée entre les années 607 et 700. Le prince Eudes, qui parvint t cet état dindépendance, était incontestablement aussi habile que brave. Mais à quel titre avait-il été mis à la tête tics populations du midi de la Loire, depuis Marseille jusquà Bourges et Poitiers? Etaitil simple- ment un soldat heureux, un optimat riche et puissant, que ses vertus ou ses intrigues avaient élevé au premier rang? Je ne le crois pas. LAquitaine imitait trop servilement lAustrasie dans ses visées politiques pour navoir pas confié, comme elle, ses destinées à une famille indigène qui avait bien mérité de la patrie. Dailleurs, à la mort dEudes, on voit ses enfants, comme ceux de Pépin, hériter sans conteste de soit ce qui suppose un mode de succession déjà établi. Mais quel était son père? Etait-ce Lupus ? Etait-ce Boggis? Cette question leste insoluble. - Les chroniqueurs, qui ont tous écrit sous les Carolingiens, cherchent manifestement à déprécier le rôle et les succès du prince dAquitaine. Cependant, il faut bien admettre que, tout

D. Mabillon, Arisai. bened., an. 693, liii XVIIi, n. 25 De ro dipioma- Uca. lib. VI, p. 475.— Pal-dessus, Diplomate, t. Il, p. 229. Mabillon, Assai, banS., t.XVIII, p. 40; De t-c dipiom., 11h. VI, P. 475. - pardessus, lac, ait., p. 234. Mabillon, Avinai., lib. XVIII, p. 55; De rc dipionzat., t. VI, p. 479. - pardessus (lot. ait., p. 242, not. 1) fait observer que ]e règne de Childe- beit ayant commencé en mars, sans quon sache le jour, de lan 695, le 14 mars de la troisième année de son règne pourrait à la ligueur 50 rap- porter à lan 697. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 35 au moins depuis la mort do Pépin dHéristal (714), il sut main- tenir son indépendance, puisque,vers la fin de lannée 717, le roi Chilpéric II et son Maire du Palais, Ragenfroy, implorèrent le secours de ses armes contre leur vainqueur Charles Martel Ils contractèrent avec lui, comme avec un égal, une alliance offensive et défensive ; et lon dit môme 2 , cc qui nest pas invrai- semblable, quen échange du secours sollicité, le roi mérovin- gien envoya au prince aquitain une couronne dor et de riches présents, reconnaissant ainsi officiellement son indépendance politique.. Gagné par de si séduisantes largesses, Eudes réunit une puis- sante armée et rejoignit au delà de Paris ses nouveaux alliés. Cependant Charles Martel savançait à marches forcées du fond de lAustrasie. La rencontre des deux armées eut lieu non loin de Soissons. Les Aquitains, ne pouvant soutenir le choc des Austrasiens, se débandèrent. Eudes se replia sur Paris. Là, pre- nant avec lui le roi Chilpéric et son riche trésor, il senfuit au delà de la Loire (719.) Charles Martel, en habile politique, ne poUrsuivit pas le roi fugitif. Il se contenta de faire élever surie pavoi un jeune rejeton de la race mérovingienne, quil nomma Clotaire IV. Mais ce fantôme royal étant mort peu de temps après, le prince austra- sien prit le parti de réclamer Chilpéric II, avec son trésor, comme un bien qui lui appartenait. Eudes nosa résister à cette revendication, moitié pacifique, moitié menaçante. Il remit le roi mérovingien, avec une partie de son trésor, entre les mains du prince austrasien, à la condition toutefois que celui-ci con- firmerait la souveraine indépendance de lAquitaine, officielle- ment reconnue par Chilpéric 11(720). Ce traité de paix souriait assez, du reste, au prince dAqui- taine, qui préférait se passer de lombre même de lautorité royale attachée ii la personne du monarque fugitif. Il entrait, au contraire, dans les plans des ducs dAustrasie de couvrir leur pouvoir usurpé du nom et de la présence de leur souverain,

Waitz, Monurnc,ila Germanite, t. XIII, p. 19. - D. Boiiquet, t. Il, p. 454, 664, 683. D. Bouquet, t. 11, p- 454 Legationem cd l3udonem dirigunt, ejus postulantes auxilium, regnum et munera tradunt. » - 36 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. jusquau jour où lopinion publique jugerait inutile ce masque de royauté sans réalité. Cependant, les Aquitaitis eurent à peine le temps de jouir de leur liberté politique,si chèrement achetée. Dès lannée suivante, 721 1 , les Sarrasins envahissaient la Septimanie ; et malgré une Sanglante défaite que leur infligea, près de Toulouse, le due dAquitaine, ils ne cessèrent plus de menacer nos provinces méridionales de nouvelles invasions. En effet, en 7252 et même peut-être en 731 , ils firent irrup- tion en France par la Provence et ravagèrent tout le bassin du Rhône. Dautre part, Charles Martel, sous un prétexte quelconque, envahissait, jusquà deux fois, en la même année 731 4, le fer et le feu à ]a main, les provinces soumises à la domination du prince Eudes. On dit que, réduit ainsi au plus affreux désespoir, celui- ci ouvrit ]os passages des Pyrénées à ces mêmes Sarrasins quil avait vaincus dix ans auparavant. Quoi quil en soit, il ne tarda pas à se convaincre quil ne pouvait avoir de plus cruels adver- saires que ces ennemis fanatiques du nom chrétien, et il se vit contraint dimplorer le secours du prince Austrasien. Celui-ci, qui avait autant dintérêt que personne à arrêter cette effroyable inondation de barbares, se précipite à leur rencontre. Déjà • ils avaient couvert de ruines toutes les Aquitaines, jusquà Poitiers, dont ils avaient brûlé les faubourgs. Cest près de cette ville que le prince des Francs les attaque, les culbute et en fait un hor- rible carnage 1 (732). La chrétienté était sauvée par cette immortelle victoire mais Charles Martel la fit payer cher à lÊgi se et au prince Eudes. Ce dernier eut probablement à subir des conditions qui limitaient

D. Bouquet, t. Il, p. 640. Monurnento GermaniŒ, t. XIIi, p. 19,460. 2 D. Bouquet, t. III, i. 650. D. Bouquet, t. III, P. 701. D. Bouquet. t. Il, p. 640, 641, 642, 655; L. V. p. 434. - Monurne,,ta Germani,r, t. XiII, P. 19, 304. D. Bouquet, t. li, p. 454, 574, 660, 674, 684. Toutefois ils commirent dhorribles ravages en revenant en arrière. Ils brûlèrent les monastères et massacrèrent tous les chrétiens quils rencon- trèrent. Tylabillon, Acta SS. O. S. B., sec. III, pars. t, Vila S. Pardulp/mé, n°13; Bolland. Acta 88., L. III oct., p. 436. B. Gué,u,d, Polyptyque aJrminon, t. I, p. 533; 13o1]and., Acta 88., t. XII oct., P. 680. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS M1tROVINGIENS. 37 la pleine indépendance de lAquitaine vis-à-vis du pouvoir royal. Du reste, il ne tarda pas à mourir (735). Un fait touchant qui prôuve ses sentiments religieux, nous -tété conservé parle biographe de saint Pardoux Ce saint abbé, sur son lit de mort (737), croyait encore entendre retentir à ses oreilles le son de la corne dor avec laquelle son illustre ami, le duc Eudes, avait tant de fois appelé ses guerriers au combat.

VI

A la nouvelle de la mort de ce prince. Charles Martel envahit lAquitaine, sen empare (736) et en confère le gouvernement à Huriald, lun des trois fils de lillustre défunt, à la condition toutefois quil se considérera comme vassal des princes dius- trasie 2 On le voit, le fils de Pépin dHéristal ne perdait pas de vue les liens qui rattachaient lAquitaine à lAustrasie ; et cest au nom de ces liens anciens, rompus par suite des guerres civiles, quil Prétendait imposer au fils dEudes le serment de fidélité et de va sse I age. Ce serment, prêté non seulement au vainqueuL, mais à ses fils Pépin et Carloman, fut la source de toutes les prétentions carolingiennes sur lAquitaine et de tous les malheurs dont ce malheureux pays fut la victime pendani plus de quarante ans. Toute tentâtive dindépendance de la part des fils et du petit-fils dEudes fut désormais, aux yeux des Carolingiens, un acte de félonie plus encore que de rebellion. Cest ce quattestent toutes les chroniques du temps. On y ajouta le prétexte religieux. Oubliant que son père en avait donné lexemple, Pépin reprocha, comme un crime de lèse-majesté divine, aux ducs dAquilaine, la spoliation des biens des églises et des monastères. Hunald avait accepté les conditions qui lui étaient imposées.

Bofland, Acta .99., t. III oct., p. 438, n° 19. 2 D. Bouquet, t. il, p. 084 « Ducatum ilium solita pietate Hunaldo, fluo Eodonis dedit; qui sibiet fuis suis Pippino et C rIu,anno fidem proinisit. s. M. Waitz a montré la grande valeur des sources dans lesquelles avait puisé lauteur des Annales de Mefz, pour les faits relatifs au viii siècle surtout. (Monumenta Gennanim, .t XIII, p- 1, 26.) 38 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. mais avec larrière-pensée de sen délivrer à la première occa- sion. Charles Martel mourut le 15 octobre 641. Aussitôt llunald secoua le joug. Il osa même faire arrêter et incarcérer le véné- rable Lantfrède, abbé de Saint-Germain-des-Prez, envoyé en Aquitaine par le prince dAustrasie, lannée précédente, pour traiter de diverses questions que lhistoire ne nous a pas fait connaître. Peut-être sagissait-il des biens que possédaient, en Poitou et ailleurs, labbaye de Sai lit- Germai n-des-Prez et celle de Saint-Denis, et quHunald avait livrés à des mains séculières. Quoi quil en soit, malgré le double caractère de prêtre et dam- bassadeur dont Lantfrède était revêtu, il fut traité en espion et renfermé dans une étroite prison pendant plus de trois ans et demi. Pépin et Carloman , fils et héritiers de Charles Martel, se mirent, dès lannée 742, en devoir de châtier ce quils appelaient la félonie du prince dAquitaine. Ils passèrent la Loire à Orléans, inèendiêrent les faubourgs de Bourges, se dirigèreit vers la Touraine, semparèrent de la petite ville de Loches, quils rédui- sirent en cendres, et savancèrent jusquau Vieux-Poitiers, où, réunissant les prélats et les barons de leurs Cours, ils se parta- gèrent lempire des Francs 2, Cependant le résultat de cette campagne ne parait pas avoir été considérable, puisque nous voyons Hunald continuer Li agir en maître dans ses États. Son frère Hatton sétant peut-être laissé séduire par les pro- messes des princes austrasiens, Hunatd résolut dexercer contre lui une vengeance digne de ces temps barbares. Il le fit sôrtir de Poitiers, où il exerçait sans doute la charge de comte, et latti- rant à sa cour, sous un prétexte quelconque, il lui fit crever les yeux , (744). Ce fratricide méritait un châtiment. Pépin et Carloman se préparaient, lannée suivante, à le lui infliger, en envahissant lAquitaine, lorsque l-Junald vint offrir sa soumission avec des otages et détourna ainsi le fléau qui le menaçait 1.

D. Bouquet, t. V, pt 426 GaUla chritiana, t. VII, p. 422. 2 D. Bouquet, t. II, p.576, 646; t. V, p.32, 106. D. Bouquet, t. 11. p. 687. - Bolland., Acta 85., t. Il julii. p. 318, n. 2.- Monumentc Gern,anirn, t. XIII, p. 675, 702. D. Bouquet, t. ii, p. 687. LAQUITAINE SOUS LES DERNI E RS MÉROViNGIENS. 30 Mais le remords, parait-il, ou une habile politique, le déter- mina à un acte qui eût été héroïque, sil avait été produit sous une inspiration plus surnaturelle. II abdiqua en faveur de son fils Waifre, et se retira dans un monastère de lile de Ré, en Saintonge. Jeune, brave, fécond en ressources, ardent et amoureux de la liberté, \ aifre prit dune main! courageuse les rênes du gouver- nement. Le temps, du reste, lui était favorable. Carloman, imitant 1-[unald, mais avec une Pensée plus reli- gieuse, sétait retiré dans un monastère de Rome, et son frère Pépin avait trop à faire en Bourgogne et en Austrasie pour son- ger à lAquitaine. Seul maitre désormais du pouvoir, ce dernier songeait dailleurs à se faire décerner le titre de roi, dont il exerçait depuis longtemps la puissance. Pour accomplir plus sûre- ment ce coup dÉtat, il sappuya sur lautorité de lÉglise, dont il prit hautement en mains les intérêts. Ayant ainsi gagné à sa cause saint Boniface, lapôtre de lAllemagne, et les papes Zacharie et Etienne 11, il se fit sacrer à Soissons par le saint archevêque de Mayeice, après avoir relégué dans le monastère de Saint-Bertin, Saint-Orner, le dernier représentant de la dynastie mérovin- gienne (752). Pépin avait un frère,nornmé Griffon,qui, après avoir essayé de se créer un État indépendant en Bavière, avait reçu de soit te gouvernement de la ville du Mans et de douze autres comtés circonvoisins 2 . Ne pouvant supporter cette séquestration. Griffon sétait enfui en Aquitaine (750). Pépin somma WaiIre 3e lui livrer le fugitif. Le prince dAquitaine refusa fièrement de coin- mettre cette lâcheté (752). Mais Griffon, ne voulant pas attirer sur les États de son ami la vengeance de son frère, se dirigeait vers la Lombardie, lorsquil périt dans un guet-apens au passage. des Alpes . Tous ces événements et les campagnes de Pépin en Italie permirent à Waifte de consolider son autorité sur les trois. Aquitaines et jusquen Wasconie. Durant quinze ans, son indé-

D. Bouquet, t. li, P. 687.— Monwn, Germanix,t. XIII, p. 227. Bolland. Acta SS., t II julii. p. 313. 2 D. Bouquet, t. Il, P. 576, 016, 080. D. Bouquet, t. V , P . 33, 335. D. Bouquet. t. V, p. 336. 40 HEvtJE DES QUESTIONS HISTORIQUES. pendance ne fut pas sérieusement inquiétée. Ce lut vraisern- blablement pendant ce temps que des monnaies furent frappées à son nom, avec la. marque de latelier de Mdc en Poitou. M. Lecoi litre- Dupont, de Poitiers, possède dans sa riche collection numismatique plusieurs pièces frappées à Melle, qui portent au droit un nom abrégé dans lequel on peut récon1aitre celui de Vafarius. Du reste, M. dé Loogpérier a publié un savant com- mentaire de deux deniers portant en toutes lettres le nom de W (k) FARLUS . Le nouveau roi des Francs, fier dès titres quil avait acquis à La reconnaissance de lÉglise romaine, en la délivrant du joug des Lombards, se posa comme le vengeur des droits des Églises de France foulés aux pieds par le duc dAquitaine 2 En conséqueiice, il envo ya signifier à Waifre quil eût à resti- tuer aux Églises de Bourgogne et dAustrasie les biens que ces Églises possédaient dans ses États et dont il sétait emparé (760). Les envoyés avaient mission de réclamer également les sujets de leur maître rélugiés en Aquitaine 4. Waifre répondit sans doute par une fin de non recevoir, attendu que, à légard des biens ecclésiastiques, il ne faisait quimiter Charles Martel et Pépin lui-mème, et que son honneur lui faisait un devoir de ne pas écouter la seconde proposition. Cette réponse, à laquelle on sattendait, fut le signal dune guerre aussi longue que sanglante, qui aboutit à la ruine de lAquitaine, à loppression des Églises de cette province, et à la destruction de la liberté politique acquise au prix de tant defforts par le duc Eudes et ses enfants. En effet, après cette réponse de Waifre. Pépin franchit la Loire près dAuxerre, ravagea le Berry et le Poitou, et sempara de la petite ville de Doué (T/icoclad) 5 , qui appartenait alors au duc dAquitaine, surflonfins de lAnjou et du Poitou. Waifte, faignant de demander grâce, députa vers Pépin les

1?cvucNumismat., 1858, p. 331. 2 D. Bouquet, t. V, p. 4, 35:xPippinus rex cernens \Vaffariùrn duceni Aquitanoiuin minime consentire justitias cectesiarum quœ orant in , conci]iuln fouit cum Francis ut itor ageret supradietas justitius qurendo in Aquitania. » D. Bouquet, t. \T, p. 4. 3, 63, 367. D. Bouquet, t. V, p. 4. D. Bouquet, t. V, p. 17, 35, 199, 335. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 41 comtes Aubert et Dadin ou I3landin, lui offrit pour otages deux Aquitains illustres, Adalgaire et Aitier, et promit de réparer les injustices quon lui reprochait. Sur ces assurances, Pépin repassa la Loire etregagna lAustra- sic. où il célébra les fêtes de Noël et de Pâques au château pater- nel de Kiersy-sur-Oise; Mais quelle nest pas sa colère, lorsque, lannée suivante, au milieu dun plaid solennel quil tenait â Duren, il apprend que le duc dAquitaine, suivi des mêmes comtes de Bourges et de C l er -mont, sest jeté â limproviste sur ses ltats et a porté le fer et le feu dans tout le territoire dAutun et jusquà Châlous-5ur Saône 2 .Aussitôt, il rassemble ses gueiriers, se metà la poursuite des pillards, sempare de Bourbon lArchambault -et de Chan- telle, dans le devant Çj._.. mont , quil livre aux flammes, après avoir fait prisonnier le cùnTide cette cité. Il se dirige ensuite vers Limo ges, répandant partout la dévas- tenon dl la mort. Puis il revient à Kiersy célébrer les fêtes de Noël et de Pâques. En 762,nouvelle invasion en Aquitaine, dont les fruits princi- paux furent la prise de limportante ville de Bourges et celle du château de Thouars, qui, par sa position stratégique, était la clé du Bas-Poitou. Waifre avait mis dans ces deux places une forte garnison dAquitains et de \ ascons. Pépin renvoya les premiers dans leurs foyers pour se les rendre favorables 1 et retint les seconds près de lui, ainsi que les deux comtes qui avaient été chargés de défendre ces deux places. Après quoi, il alla célébrer b Gentilly les fêtes de Noël et de Pâques . Il réunit ensuite à Nevers une grande assemblée des prélats et des seigneurs du royaume pour délibérer sur les affaires les plus - urgentes: Puis, envahissant une quatrième fois lAquitaine, il sempara de Calirs et de Na1m]ne 5 , revint , par Limoges, passer les fêtes de Noël et de Pâques à Longlare, dans le diocèse de Liège.

D. Bouquet, t. V, p. 4, 35. 2 D. Bouquet, t. V, P. 5, 338. D. Bouquet, t. V. P. 5. D. Bouquet, t. V, P. 17, 35. Bouquet, t. V, p 6,18, 35 , 199, 3 33- 42 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. Pendant cette expédition Pépin avait éprouvé une cruelle déception: son neveu, Tassilon, duc de Bavière, avaitquitté lar- mée et sétait retiré dans ses États. On ignore le motif de cette défection. La plus grande partie de lannée 704 se passa â cornbiner,dans un plaid tenu à Worms, les moyens les plus énérgiques et les Plus efficaces, pour réprimer la double insurrection de Waifre et de Tassilon. Pendant lannée 765, Pépin ne fit aucune expédition militaire. II préparait un grand coup pour lannée suivante. - Les hostilités ne furent cependant pas suspendues. Waifre avait établi en embuscade, sur le chemin de Nqrhonne, le comte Mancion, son cousin, avec ordrè de tomber à limproviste sur les soldats de la garnison établie clans cette ville par le roi des Francs, sils en sortaient pour retourner dans leur pars, comme on le croyait. Cest ce qui arriva. Mais officiers et soldats francs se défendirent si bien, quils taillèrent en pièces les troupes du comte Mancion . Dun autre côté, Chilping, comte dAuvergne, ayant fait inva- sion sur le territoire bourguignon, fut complètement battu par les généraux de Pépin. Tandis que, au sud et à lest de lAquitaine, les guerriers de Waifre tombaient sous les coups des Francs, au nord, Wulfoard, abbé de Saint-Martin de Tours, àla tête dune troupe de paysans déterminés, dispersait les soldats du comte de Poitiers, Ama- nugus, qui avaient envahi et ravagaient la Touraine 2, La cause du prince dAquitaine paraissait définitivement perdue. Trahi par le sort des .combats, il vit, en outre, son oncle Remistan non seulement prêter foi et hommage à Pépin, mais encore accepter de sa main le commandement du château dAr- genton, dans le Berry, que le roi dès Francs venait de restaurer avec magnificence Malgré tout, le courage deWaifre ne faiblit pas. IL fit appel à tous les coeurs que lamour de ta liberté et de la patrie pouvait encore émouvoir. Mais leur nombre diminuant de jour en jour, il prit une détermination suprême.

D. Bouquet, t. V, p. 6. 2 D. Bouquet, t. V, P. 6. D. Bouquet, t. V, p. 6, 18, 36, 200. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 43 Ne pouvant défendre les places fortes de ses États, lue len- nemi transformait contre lui en autant de centres dopérations militaires, il prit le parti de les démanteler. En conséquence, les murs de Poitiers, de Lg"es de S?ines, de P4j, gouiêmeet dune foule dautres villes et châteaux furent rasés par son ordre Mais ce moyen extrême de défense se tourna contre lui. Pépin se rendit maltre de toutes ces places abandonnées, en fit promp- tement réparer les fortifications, les pourvut de nombreuses garnisons, et réduisit ainsi le prince dAquitaine à ne lui opposer plus quune guerre de partisan. - En effet, délaissé par le plus grand nombre des nobles du pays et par les Wascons, qui avaient fait leur soumission aux Francs 2 Waifre fut bientôt réduit à errer en fugitif dans ses propres États (766). Pendant ce temps, -Pépin parcourait, en la dévastant, lAqui- taine en tous les sens ; après quoi, il retourna, par Périgueux, Angoulême et Poitiers, célébrer la fête de Noël à Samoussy, et celle de Pâques à Gentilly. Ce fut probablement à Samoussy quil réunit les prélats et les priicipaux seigneurs de tout lem- pire franc. il sagissait de recevoir les ambassadeurs de lempe- reur Constantin Copronyme , envoyés , en apparence , pour réclamer les provinces ditalie conquises sur les Lombards et données à lÉglise romaine, mais, en réalité, pour essayer de gagner les Francs à lhérésie des Iconoclastek. Mai, prévenu par Pépin, le pape saint Pau[ P avait député, en hâte, à cette assemblée nationale des légats instruits et habiles, qui neurent pas de peine à réfuter les sophismes des - - Grecs 4.

I D. Bouquet, t. V, p. 6 « Omnes civit,tes qum in Aquitania provincia ditionis sue erant, id est, Pectavis, Lemodieas, Santonis, Petrecors, Equo- lisma et ieliquas quaniplures civitates et enstella, omnes muros enroua in terram prostravit ; quos postea prmcelsris Rex Pippinus reparare jubet, et hommes sues ad ipsas civitates custodiendumn dimisit. » Cf. ibidem, p. 339. 2 D. Bouquet, t. V, p. 7. Les AintialesFtanCOflAfl (D. Bouquet, tV, p. 36) ne disent pas clairement en quel lieu se tint cette assemblée. La chronique dite dEginard (ibid., p.200) indique Gentilly; mais celle de Metz ibid., tV, p. 339) marque Samoussy. Or Eginard lui-même ajoutant i EO PERACTO, ad belinro post Nataiem Dornini in Aquitaniam proficiscitur, il semble que cest le moine de Jyleta qui n raison, puisque, ci dVoèi, Pépin était à Samoussy. Dans cette opinion le synode aurait eu lieu à la fin de 766, et non en M. 4 Fléfél& Rist. des Conciles, t. IV, p. 319.322, trad. Dclarc. 44 REVUE DES QUESTIONS HIS;OnIQUES. Aussitôt cette affaire terminée à la satisfaction de lÉglise romaine, Pépin reprit le chemin de lAquitaine. il se rendit à Narbonne, sempara de Toulouse, dAlbi et du Gesaiidaudan; puis il fit reposer ses troupes en allant céFer la fête de Paques à Vienne . Reprenant ensuite les armes au mois daoût, il se dirigea sur Bourges, où il tint une seconde assemblée des notables. Après quoi, il se remit à la poursuite du duc dAqui- taine, fouillant les bois, les rochers, les cavernes mais il ne put parvenir ,à découvrir sa retraite 2 Comme lhiver commencait à sévir, il retourna à Bourges, où il avait laissé la reine Bertrade au début de la campagne. Il y resta jusqdà No. Au moment où il était sur le point datteindre sa victime, le roi des Francs se vit abandonner par un des hommes dôiit la soumission avait été la plus utile tt son but. Remistan, loncle de linfortuné prince dAquitaine, le traitre à son pays, à soit et ses propres intérêts, sentit le remords monter à soit en voyant la situation désespérée et lhéroïque courage de son neveu. II séchappa de la cour du vainqueur, et alla se jeter dans les bras du vaincu 3. On petit se figurer avec quelle joie il fdt reçu. Malheureusement il était trop tard. Il ne fit que précipiter la perte de celui quil voulait sauver. Désirant réparer avec éclat les effets de sa perfidie, il se met à la tête de tous les fidèles ser- viteurs du malheureux prince, et répand le ravage et la mort autour des villes occupées par les garnisons franques, semant ainsi la désolation et la famine dans toutes les campagnes de lAquitaine 4. Cette barbarie inutile et insensée reçut bientôt soit Dès le milieu de février 788, Pépin rappelle ses troupes, quil avait fait hiverner en Bourgogne, et à force de marches et de contre-marches il parvient à faire tomber Remistan dans une embuscade. Une fois maître de ce. nouvel adversaire, il se met

D. Bouquet, t. V, P. 36, 200, etc. Comme toutes les chroniques sont dac- cord sur ce point, je ne vois pas, je lavoue, comment concilier cette asser- tion avec celle émise précédemment, par aquelleil aurait célébré à Gentilly la fête de Pàquesdc la même année 766.707. D. Bouquet, t. V, P. 7, M. 3 D. Bouquet, L. V, p. 7-S. D. Bouquet, t. V, P. 8. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MIiROVINGIENS. 45

de nouveau à la poursuite du prince dAquitaine. Pendant ce temps, la reine Bertrade se retira à Orléans, puis, descendant la Loire,elle passa lhiver dans le Castrant Sellus 1 , alors en Poitou, maintenant clans le département de Maine-et-Loire. Traqué comme une bête fauve, Waifre se jeta en désespéré dans une épaisse forêt du Périgord, appelée Ifclobofa 2, et y attendit lennemi. Sùr désormais que sa proie ne pouvait lui échapper, Pépin se contenta de faire cerner la forét, et revint,A Saintes, où on lui présenta la mère, la femme et les nièces du malheureux fugitif Sans sarrêter, malgré cela, dans la ville, il se dirigea vers le Cyi&.SdJus (Chantoceaux), oit il désirait célébrer la fête de Pâques avec son épouse. Il y reçut les ambas- sadeurs du calife de Cordoue, chargés de lui offrir de riches pré- sents. De retour dans la ville de Saintes, il se rendit promptement à Périgueux, ociil apprit que lun de ses comtes sétait emparé de la personne de Waifre et lavait cruellement égorgé. Cétait le jeudi 2juin 768. La mort de cet héroïque champion de la liberté de son pays mit fin à cette guerre cruelle, qui durait depuis huit ans. Le 1-oi des Francs revint ii Saintes. Il ne jouit pas longtemps de son triomphe. Quelques jours après, il fut saisi dun frisson de fièvre, pli le détermina à partir immédlatement.Il se dirigea, par Poitiers et Tours, vers Paris. Trois mois après, le 23 sep- tembre, il expirait dans Le cloître de Saint-Denis.

VII

La fin tragique de leur prince réveilla dans un grand nombre dAquitains le désir de le venger et de relever le drapeau de la liberté. Le vieil ilunald, sn père, du fond de son monastère de lîle -de Ré, se laissa entraîner par cette généreuse illusion. Rejetant le saint habit quil portait depuis vingt-trois ans, il rejoignit sa

I Cest aujourdhui Chaneoceau, mot corrompu pour Chateauccaut. Longnon, toc. cit., p. 575-576. 2 D. Bouquet, t. V, P. S. D. Bouquet., t. V, P. 8-9, 13, 15, 30, 200. 46 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. femme, à qui on avait sans doute rendu la liberté après la mort de Waifre, et se mità la tête des insurgés. Il ignorait que Pépin avait, dans son fils Charles, un héritier qui devait surpasser son père en vertus, en courage, en génie militaire. En effet, dès le commencement de lannée , suivante (769), Charles pénètre en Aquitaine, savance jusquà Angoulême, et taille en pièces les troupes dHunald. Celui-ci, désespéré par ce sanglant échec, senfuit avec sa femme et va chercher un refuge auprès de Lupus, duc de Wasconie Charlemagne ne perd pas un instant. Il fait construire, sur la Doiclogne, le fameux château deFronscsac destinéà tenir en bride les Wascons trop remuants; puis il envoie au duc Lupus des députés chargés de le sommer de lui livrer Flunald. Le duc des Wascons, effrayé, obéit sans résistance, et vint lui-même prêter serment de foi et hommage au jeune monarque victorieux (769). Ainsi sévanouit le- dernier espoir de lindépendance de lAqui- taine. Hunald fut enfermé dans le château de Fionsac, nouvellement bâti. uelque temps après, soit quil fut parvenu à séchapper de sa prison, soit que Charlemagne lui eût fait grâce, il se retira dans un monastère de Rome, où il sembla \rouloir reprendre sérieusement les livrées deIa pénitence. Mais séduit de nouveau par le démon de la vengeance, il déserta, encore une fois, son cloître pour sattacher à la fortune de Didier, roi des Lombards (771). Celui-ci était alors à Borne, où il retenait captif le pape Etienne III et lui dictait des lettres toutes à son avantage a. Cette apostasie ne tarda pas à recevoir le cliâtimeiit quelle méritait. Méprisé des Lombards eux-mêmes, Hunaldpérit igno- minieusement, peu de temps après, dans une émeute populaire. La multitude le lapida. Tel est du moins le. récit que nous a transmis Sigebert de Gembloux, clans sa chronique, sous lannée 771 1 . Il ne la cer- tainement pas inventé; car il se trouve presque mot jour mot, dans un texte fort ancien du Liber pontificalis, vers.le commen-

D. Bouquet, t. V. P. 444. Monumenta Gerniani-r, t, Xlii, p. 27, 228. 2 D. Bouquet, t. V, p. 18. lafro?. lue., t. LXXXIX, col. 1246-1250. D. Bouquet, t.. V, p. 376. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 47 cernent de la notice du pape Étienne II 1 . D. Bouquet la repro- duit au début de la notice dÉtienne Tif M. Rabanis a nié ce fait , ainsi que plusieurs autres de l vie dHunald, que nous examinerons tout à lheure. Selon lui, ce passage du Liber pontificalis est plus que suspect. En présence de lopinion dun homme si justement estimé, jai dû recourir aux sources. Ne le pouvant faire par moi-même, je me suis adressé au savant abbé Duchesne, qui nous prépare un texte du Liber ponÈi/i catis, attendu par tous les amis de la vraie - science avec une légitime impatience. Ayant compulsé et classé plus de cent manuscrits de cet ouvrage célèbre dans les difT& rentes bibliothèques de lEurope, il est par excellence lhomme compétent sur la question. Or voici sa réponse en date du 12 juillet 1883: « La note en question fait partie dun groupe dune douzaine dannotations marginales, quont été jointes à la vie dÉtienne fi, puis fondues avec son texte, antérieurement â Pannée 792. Toutes ces notes décèlent une main contemporaine. Cest un lec- teur qui aura jugé utile de compléter, daprès ses souvenirs per- sonnels la rédaction primitive. Celle-ci, dont il reste de bôns manuscrits, est représentée à peu près par lédition -Bianchini- Migne. Il est tout naturel de croire que Charlemagne, après avoir mis la main sur le vieil Hunald, aura jugé convenable de lui faire reprendre sa profession de moine, et quil laura expédié au pape, à Home, à bonne distance de ses anciens États. C Mais ce pape ne put être Étienne H, mort en 737 car le texte de la note où la mort dHunald est indiquée comme ayant suivi de près son évasion de Rome, ne, permet pas de penser à son abdication et à sa retraite dan lîle de Ré. Cest sous Étienne IJI, en 769 ou 770, que le vieux duc a dû venir à Bohe. g Œ Il y a donc une difficulté chronolo ique. Je crois que le meil- leur moyen de la résoudre, cest 10 dadcpter la note elle-même comme historique; 20 dadmettre quelle a été transposée •et transcrite par mégarde en marge de la vie dÉtienne II, au lieu de lêtre en marge de la vie dÊtienne III. »

Patrol. bit., t. CXXVIII, col. 1105. 2 D. Bouquet, t. V, p 434. Rabanis, toc, cil., p. 91, 93.94. 48 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. Cette solution a évidemment été admise par Sigebert de Gembloux, à la fin du xr siècle, puisquil rattache la note à lannée 771. Cette seconde partie de, la solution, continue M. labbé Du- chesne, nest pourtant pas exempte dembarras car la classifi- cation que jai faite des manuscrits me permet daffirmer que les notes en question ont été rédigées et même fondues avec le texte dans un manuscrit qui ne contenait pas encore les vies de Paul l- et dÉtienne III. . - On pourrait, ce semble, expliquer cette anomalie en disant que le copiste du manuscrit est lauteur des notes marginales, et que, ne possédant pas encore la notice officielle de Paul 1 - et dÉtienne III, il sest contenté de consigner sur sa copie les quelques faits remarquables dont il Voulait conserver ou trans- mettre le souvenir. Ceux qui aurontcopié son manuscrit auront fondu les notes dans le texte. «Quoi quilen soitde cette solution,ditenflnM. labbéDucliesne, Vous pouvez toujours considérer la note comme ancienne, ro- maine dorigine, et dune autorité égale à celle du reste du texte. La difficulté ne concerne que la façon dont on la combinée avec la vie dÉtienne 11, et nullement le libellé de la note elle- même, ni môme la question de savoir sil sagit dÉtienne Il ou dÉtienne IIJ. ,Il sagit évidemment dÉtienne 111. » Les doutes de M. Rabanis relativement à cette circonstance de la vie dHunald ne sont donc nullement fondés. Il faut en dire autant de ceux quil a émis sur la question de savoir si Waifre était frère ou fils dHànald, et site prince Hu- nald qui régna de 736 à 745, était le même que celui qui essaya de ressaisir le pouvoir en 769. Selon lui, les Annales de Met-z, Mon de Vienne et les Actes du martyre de saint lierthaire, qui affirment qne Waifre était fils dHunald, nont aucune valeur historique, et il faut leur préférer le témoignage de Sigebert de Gembloux, qui seul fait Waifre et Hunatd,/i-is de Eudes car les expressions fluor Euaonuin peuvent sentendre clans le sens large de descendants. Javoue ne pas comprendre cette préférence pour un auteur du X1IO siècle, quia sans cesse besoin dêtre contrôlé. Bien quil écrivit dans la seconde moitié du w siècle, Adon de

Itabanis, loco cit., P. 74-76. LAQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS.. 49 Vienne puisait à des sources incomparablement plus pures que Sigebert de Gembloux. Quant aux Annales de Metz l, M. Waitz a récemment prouvé que le moine qui les a composées sest principalementervi des Annales Lanrissenses mqjores et de la continuation de Frédé- gaire, oeuvres dont la rédaction remonte à la seconde moitié du vin siècle 2 Son témoignage nest donc point à dédaigner quand il sagit dévénements contemporains. La légende de saint Berthaire nest pas non plus si méprisa- ble. Pour la dénigrer, M. Rabanis la confond avec la vie de saint Bertllaire, abbé du Mont-Cassin l• Gràce à cette confusion, il ségare dans des rapprochements en dehors de la question. Pour y répondre, il suffit de dire que saint llerthaire et son frère saint Atalenus, massacrés à Menoux près dAmance, en Bourgogne, nont aucun rapport avec le saint abbé martyrisé par les Sarra- sins à la fin du Ix siècle. Il nest pas moins certain quil ny a jamais eu quun seul prince dAquitaine du nom dHunald. Non seulement les Annales de )lfetz, mais encore les chro- niques anciennes quelles reproduisent , supposent cette iden- tité parles expressions même dont elles se servent en parlant de la tentative de 769 t Karolus, y lisons nous, audiensperfl- tuant flunaldi, qui ITERUM fraudulejiter Aquitaniœ principatum arripere volebat. » Les mots per/idia,n et surtout itenim. démon- trent quil sagit bien du même Hunald qui déjà avait régné sur lAquitaine. Dun autre côté, Pertz ° a prouvé quÉginard avait ajouté à la chronique de Laureshaïm le mot quidam, qui, selon M. Rabanis, contredirait lidentité des deux Flunald. Enfin, le document que le mémo savant allégue comme une preuve décisive en faveur de son opinion , na nullement la signification quil lui attribue.

Waitz, 3lonu,nenta Gerinanin,, t. XIII, p. 26. 2 Waitz, (oc. ait., net 6. Bolland., Acta SS., t. Il ju)ii, p- 316. Mabillon, Acta SS. O. S. B.. s,eo. 1V, part. Il. p. 471. Waitz, Monurn. Gerra., t. Xll[, p- 27. & Port; .3ionurncnta Germ,, t. XX, . 36. Rabanis, toc. cil., p. 91. Itabanis, toc. cit., p. 89, 274, i3aluze, (Ja pitut,, t. Il. Append., col. 1392. - T. XXXV. t" JANVIER 1884. 4 50 - REVUE DES QUESTIONS III5TORIQUES. Un certain Gideon restitue à léglise de Saint-Julien de Brioude une villa quil lui avait enlevée per prava consilia, et cette restitution est datée du mois de septembre, la douzième année du seiçjnâur Wayfarius,Jrince (dAquitaine). Ce document, écrit dans le style incorrect du temps,renferrne au début mie lacune « Ego Gideon, dom non est incognitum, y est-il dit, quod Doinnus Hunaldus Princeps, aide hos dies, per piava consilia- aliquam viilam de racione sancti Juliani mai- tyris..., visus fui astruxisse. » M. Habanis supplée EGO entre quod et Domnus Hunaldus. Mais évidemment ce nest pas ainsi quil faut combler la lacune du texte, puisque la phrase débute par ego Gideoit. Au lieu de ego, il faut très probablement ajouter coin esset ou sub, sans accord, comme cela arrivait au Vitte siècle. Ou bien il faut lire visus fuit, au lieu de visus fui, toute cette phrase devenant ainsi une simple incidence. Quoi quil en soit, on ne peut raisonnablement rien conclure dun pareil texte ; et ce nest point Hunald lui-même qui y parle, mais Gédéon. Les objectionsde M. Rabanis navant aucune valeur, le récit des chroniqueurs quo nous avons suivi reprend toute son autorité.

Si nous jetons un regard densemble sut le chemin que nous avons parcouru, nous verrons que lAquitaine, après avoir été partagée, au vie siècle, entre la Bourgogne et lAustrasie, est devenue une annexe de ce dernier ro yaume, à partir du pacte de Dagobert, et que, contrairement à lopinion de M. Perroud, elle na jamais été rattachée, dune manière quelconque, au - royaume de Bourgogne proprement dit. Bien plus, elle n cons- j tamment suivi leemple de [Austrasie dans ses rapports avec le pouvoir royal, brisant les liens qui lunissaient à lui lorsque IAustrasie les brisait elle-même; ou se ralliant à lautorité cen- trale lorsque celle-ci s1en rapprochait. Nous avons suivi presque sans interruption lhistoire des chefs qui lont gouvernée avec le titre de ducs ou de princes, et là encore lexemple de lAustrasie sest fait sentir. Enfin, lorsque les ducs dAustrasie ont été maitres du pouvoir, cest en alléguant les droits de IAustrasie quils ont imposé à t

t LAQUITAINE SOUS LES DIERNIERS MÉROVINGIENS. 51 lAquitaine leur suzeraineté, jusquau joui où ils ont renversé de leur trône les fils du vaillant prince Eudes, comme ils venaient de le faire pourles rois mérovingiens. Sans doute, il reste encore beaucoup de lacunes et dobscu- rités dans lhistoire de notre province; mais il me semble que. les considérations qui précèdent, fondées sur les faits, ne laissent pas que de jeter quelque lumière sur ce grave problème histo- rique. Dom FRANÇOIS CHAMARD, Bénédie Lin.

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mois daoût de lannée 1882, la ville de Brescia érigeait, on sen souvient, mie statue à lun de ses enfants 1 . Cette oeuvre de glorification, posthume a soulevé, autour du nom de celui qui en était lobjit, n bruit discordant déloges et de blâmes qui n retenti dun bout de lEurope à lautre. Aranauld de Brescia, en • , effet, a, de nos jours comme de son vivant, le triste privilège de , diviser lopinion publique. Longtemps les historiens lavaient rangé parmi les hérétiques et les schismatiques. Au siècle dei- nier un revirement se produisit en sa faveur. Le janséniste f Guadagnini Z donna le signai de ce mouvement. A sa suite

quelques historiens, tels que Neander, Gregorovius 1 , de Castro 5, etc., brûlèrent un grain dencens en lhonneur de ladversaire de la papauté. Aprè lhistoire vint le tour de la poésie dans

une tragédie célèbre, Nicotini ° fit dArnauld Ufl héros et un .4

Arnauld, est représenté debout, vêtu en amine, le capuce sur ].a lasbras étendus comme un orateur en action. On le voit encore, dans un 1, as-relief, haranguant, le peuple mutiné et tenant des deux mains, au-dessus de sa tête, le livre des Evangile. Entre le bas-relief et la statue se lit lins. eription suivante M Araaldo, - al precorsore, al martire • del libero italien pensiero, Brescia sas deeretavn, • . testa rivendicata in libertà. e Vite di Arneldo. Pavie, 4790. Neander, 13cr he/lige Bernhard. Gothn. Geschichtc der Stacit Rom in Miltelalter. Stuttgart, 1S62. Arnaldo de Brescia. Arnaido de Brescia. Firenze, 1852. -

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