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L AQUITAINE SOUS LES DERNIERS MIROVINGIENS
AUX VII0 ET VIII! SIÈCLES
• On sait de quelles obscurités est enveloppée l histoire de l quitaine pendant le vu 0 et le ville siècle, jusqu à l avènement des Carolingiens. La célèbre charte d Alaon avait paru projeter quelques lumières sur ces ténèbres ; mais, par son étude, si pé- remptoire dans son ensemble 1 , sur ics Mérovingiens d Aquitaine, M. Rabanis a relégué pour toujours au rang des falsifications historiques ce document, dont les savants auteurs de l Histoire générale de Lan quedoc, au xvme siècle, et M. Fauriel , au xix, avaient fait un usage si inopportun. Tout récernmnt, M. Perroud, aujourd hui recteur à l acadé- mie de Toulouse, a repris, la question en sous-oeuvre . Il a étudié de plus près les monuments contemporains, et a essayé de montrer par suite de quelles révolutions politiques l Aquitaine avait été amenée à se constituer en État indépendant. En récom- pensantcette oeuvre de critique, l Académie a rendu un juste
Les Mérovingiens d Aquitaine. Essai historique et critique de la charte d Âlaon, par M. Enhanis. Paris, Durand, 1856, in-Si de 234 pnges. Ilisloire de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants germains Paris, Paulin, 1836, 4 vol. in-8 . - La dissertation de M. R-a- banis, publiée en 1850, ayant eu un grand retentissement, et toutes les revues historiques ou scientifiques, notamment la Bibliothô que de l École des chai-les (1856, p. 281), la Bibliographie catholique (1857, p. 38), la Revue Numismatique (1858, p- 334, Ilote 2), en ayant rendu compte comme d un travail définitif, on s explique difficilement comment les Bollandistes, en 1861, ont encore essayé de soutenir l authenticité de cette pièce dans le tome X d octobre, p. 131, de leur collection des Acta Sanctorum. CI. Perroud, Des ermqines du premier duché d Aquitaine. Paris, Hachette (81, in-8 de 281 pages. -
Document IIIIIIIIDhl DIIIIIll 0000005341771 G flEVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. hommage au mérite de l auteur, qui a su grouper avec habileté et talent une foule d éléments utiles ii la solution du problème. Toutefois, plusieurs l ont remarqué avec raison, il a laissé dans le vague les principales conclusions de sa thèse. Cette incerti- tude doit être attribuée à certaines idées générales et systé- matiques qui ont nui à l impartialité de ses appréciations. Occupé,. depuis de longues almées, à l étude assidue des mo- numents de l Aquitaine en général et du Poitou en particulier, il m a semblé.que je pouvais, sans témérité, essayer, à mon tour, d élucider ce point intéressant de notre histoire na-. tionale. Toutefois, je n ai nullement l intention de faire une critique du travail de M. Perroud. Mon but est plus modeste. Je me pro- pose simplement d exposer, dans un récit clair et succinct, les faits historiques que mes recherches personnelles m ont suc- cessiyement permis d étudier. C est à peine si, de temps en temps, certaines opinions de M. flahanis et de M. Perroud seront contradictoirement , discutées. Bien plus, je ne serais pas fâché, je l avoue, si mon sentiment soulevait quelques objections, inspirait même quelques contra- dictions, dans l intérêt de la vérité que j ai uniquement en vue.
L
Je ne parlerai pas des, divers partages de l AquiWine au vi siècle. M. Longnon a suffisamment éclairci cette question dans son livre désormais classique Géographie de la Gàule au VI siéclé. Mon point de départ sera la mort du roi Gontrn (28 mars 593). Ce prince avait légué tous ses États à son neveu Childebert Il, fils de Sigebert 1 , roi d Austrasie. Ce legs, qui avait été solen- nellement sanctionné en .587 par un traité spécial signé à Andelot, portait un préjudice notable ail jeune Clotaire II, fils de Chilpéric et de Frédégonde. En effet, Gontran, qui se disait son tuteur, l avait dépouillé de presque tous les États de son père. Soissons même, l ancienne capitale du royaume de Chilpéric, lui avait été enlevé ; et, à la mort du roi de Bourgogne, L AQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. 7 Childebert s en était emparé comme d une portion de l héritage de son oncle. A vrai dire, cette conduite ne semble pas avoir passé pour injuste aux yeux de plusieurs contemporains ; car on se deman- dait si Clotaire H était réellement fils de Chilpéric, tant les déhaii- ches de Frédégonde étaient notoires. Mais cette femme ambitieuse n était pas d humeur à souffrir ce qu elle considérait comme une usurpation. Saisissant le moment où le roi d Austrasie était occupé à se mettre en pos- session du royaume de Bourgogne, elle réunit les fidèles de son pupille, et réussit à s emparer de Soissons, après avoir fait subir une sanglante défaite aux Austrasiens. La mort de Childebert II fut l occasion d une nouvelle guerre encore plus profitable au jeune Clotaire II, alors âgé de douze ans (an. 59O). Mais bientôt la fortune le trahit complètement. Sa mère Frédégonde mourut l année suivante, et trois ans plus tard, en 600, son armée était écrasée à Dormelles, au diocèse de Sens, par les forces combinées des deux fils de Childebert 1!. Ils se nommaient Théodebert H et Thierry H. Le premier était devenu roi d Austrasie et le second roi de Bourgogne. Le royaume d Austrasie comprenait alors trois tronçons de territoires assez singulièrement constitués. D abord lAustrasie proprement dite, c est-à-dire les possessions franques d Outre- Rhin et les cités de Cologne, de Tongres, de Trêves, de Metz, de Verdun, de Toul, de Strasbourg, de Châlons-sur-Marne, de Reims et de Laon, auxquelles il faut joindre Mayence, Worms, Spire, Bâle et Constance . Le second tronçon, qui nous intéresse particulièrement, se composait d une partie des possessions aquitaniques des pre- miers Fois de Metz et de quelques cantons de la Provence. Ainsi les cités d Auvergne et du Velay, le Gevaudan, le Rouergue, le Vivarais, les évêchés d Alais et d Uzès, d Aix, de Vence et d Avignon, la moitié de la cité de Marseille et celle de Fréjus, puis une bande de territoire qui, des rives du Tarn, atteignait les bords du Loir et touchait même à l Océan, en englobant les évêchés d Albi, de Cahors, de Limoges, de Poitiers et de Tours , Longnon, toc. oit, p. 148. 13o]land., Acta .38., t. 1V sept., p. 47; L. I sept., p. 271-272; t. III Iebr., de B.Pippino dure, n. 12; L. 11 rnartii, p. 592; t. 111 april., P. 630 Gizilia Christ., t. XIII, p. 693.697. Mabillon, Acta 88. 0. S. 13., sec. I, Vfta 8. Cotuni&ani, 11i3 46, 47. REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. et les pays de Vendôme, de Dun, qui, sous le nom de passage (pervium); permettaient aux Austrasiens de communiquer avec l Aquitaine. Le troisième groupe s étendait de l embouchure de la Gironde aux Pyrénéeset comprenait les diocèses de Bordeaux, d Aire, de Labourd ou Bayonne, de Béarn, de Bigorre et de Conserans. Tel était le royaume d Austrasie avec toutes ses dépendances, en 596. Plus tard, Dagobert y ajoutera les cités aquitaniques voisines de celles que nous venons de nommer, en sorte que ces possessions d Outre-Loire égaleront celles du bassin du Rhin. Parle partage des deux fils de Childebert, on voit que le royaume d Austrasie, en 506, était encore considéré comme la portion la plus honorable de l empire des Francs, puisqu elle fut donnée à l ainé, Théodebert Ii, qui concéda nième à son jeune frère l Alsace, où celui-ci avait été élevé concession qu il lui retira du reste, quatorze ans après, par un acte de violence La bataille de Dormelles, avons-nous dit, fut désastreuse pour Clotairé II. Les vainqueurs le dépouillèrent de la plus grande partie de ses États, et ne lui laissèrent que douze pagi, compre- nant à peu près les territoires des diocèses de Rouen, de Beau- vais et d Amiens Ne pouvant se soumettre à cette humiliation, Clotaire essaya, en 604, de prendre sa revanche; mais, vaincu de nouveau, il ne lui resta d autre ressource que d attendre de la Providence cc qu il ne pouvait obtenir par les amies. 11 n attendit pas long- temps. - En 610, Théodebert et Thierry s armèrent l un contre l autre. Deux ans après, Thierry s alliait avec Clotaire contre son frère, et lui faisait éprouver deux défaites consécutives (613). Théode- bert perdit même la vie dans le dernier combat. Le roi de Bour- gogne, malgré ses engagements, refusa de faire participer (Ho- taire au gain de la victoire et s empara de tout le territoire qui composait le royaume d Austrasie. L Aquitaine fut, en conséquence, annexée au royaume Austro- Bourguignon. Clotaire revendiqua ses droits, les armes à la main, Vaincu
Longnon, toc. oit., p. 137, 138. 2 Longnon, toc. cit., p. 145, note 2. L AQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIEN. O encore une fois, il allait sans doute expier cruellement son au- dace, lorsque la mort enleva subitement Thierry Il. Il laissait quatre ifis en bas-âge, sous la tutelle de Brunehaut, sa grand- mère. - Mais, selon la prédiction de saint Colomban , la vengeance divine poursuivit ces enfants, nés de la prostitution. Ils furent tous privés du trône, et Brunehaut condamnée à d affreux sup- plices. Le principal -auteur de cette révolution fut le duc Pépin de Landen, qui, à la tète d une parue des Austrasiens, se joignit aux Bourguignons pour offrir à Clotaire Il le sceptre de l em- pire des Francs tout entier. C est ainsi que le fils de Frédégonde se trouva tout à coup transporté du fond d un abîme de malheur au faite des bon- neurs et de la grandeur suprême, conformément aux prévisions du même saint abbé 2; Durant les quinze ans qu il vécut encore (013-628), nos pro- vinces aquitaniques reconnurent sans conteste son autorité sou- veraine. Il semble même avoir eu à coeur de les gouverner lui- même; car il refusa constamment de les confier à son fils Dagohert, bien que, dès l an 4322, il lui eût décerné le titre de roi d Austrasie. Ce refus fut particulièrement pénible aux chefs austrasiens, qui, en réclamant l autonomie administrative pour i Austrasie, avaient espéré que cette faveur s étendrait à tout le territoire de l ancien royaume de ce nom. Les intérêts politiques n étaient pas seuls en jeu dans cette revendication. Les plus illustres familles austrasiennes possédaient d immenses domaines en Aquitaine, grâce surtout aux alliances matrimoniales qu ils aimaient à y contracter . On couoit dès lors sans peine com- bien il leur importait que l administration civile de cette pro-
Maijillon, Acta 83. 0.3.13., sine. Il, Vila S. Cctu,nbani, n. 32. 2 Mabillon. lac. cit., n. 43. S. lita, Comme de Pépin de Landen, était d Aquitaine (B011and. Acta 88., L. III niartii, p. 255; t. Itrnaii. p. 305, de B. lita; t. lii mliii, p. 53, n. 6, de S. Modoaldo; t. lii julii, p. 67, de S. Aniatberya; t. V julii, p. 255, de S. Wandregisito, n 12; t. 1 feb., p. SOI, de S. Adabaldo; t. III maii,p. 32, deS. Rictrudi ; t. Il 311g., p. 674. de S. Gaugerico; t. 1 sept., p269, n. il, de S. NLvardo; t. Vil oct., p. 917, de S. licreha-io; t. X oct., p. 134, de sancla Oda; t. VI sept., p. 47, de S. (doerico, etc. 40 JIEVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. • vince ressortit directement du gouvernement austrasien dont ils faisaient eux-mêmes partie, et non pas du royaume de Beur- •gogne, rival de l Austrasie. Cette considération fut assurément d un grand poids dans les résolutions prises dans les conseils du duc Pépin de Landen, et de ceux qui continuèrent, après lui, la politique austrasienne. Celte politique consistait à revendiquer pour l Austrasie tin gouvernement spécial et l Aquitaine comme annexe indispen- sable. En effet, à partir du commencement du vii siècle, la Neustrie cessa de former un royaume distinct, et.ne fut plus, en quelque sorte, qu une annexe de la Bourgogne. Dès lors, l équi- libre entre la Bourgogne et l Austrasie était rompu, si celle-ci n obtenait pas une compensation suffisante par la cession de l Aquitaine, qui, du reste, lui appartenait presque tout entière en vertu du traité d Andelot. Cette idée, que les ducs cVA.ustrasie ne cessèrent de poursuivre jusqu à leur avènement au trône, se manifesta pour la première fois avec éclat lors du partage de l empire fait par Dagobert, en 634. Ce prince, avons-nous dit, avait été créé roi d Austi-asie, du vivant de son père, et sous la tutelle de Pépin de Landen et de saint Arnoul, évêque de Metz . Les précieuses qualités qu il déploya pendant les six années qu il gouverna la portion de l em- pire qui lui était conflée lui méritèrent la confince, l estime et le respect, non seulement de ses sujets, tuais encore de toutes les nations barbares de la Germanie plus ou moins soumises à l autorité des rois mérovingiens. Aussi, à la mort de Clotaire II (628), ses tuteurs sefircnt-ils un devoir d employer tous leurs efforts à le faire proclamer monarque unique de l empire franc, au préjudice de son frère Charibert, qui ne reçut en partage qu une autorité subordonnée sur quelques cités voisines des Pyrénées, avec Toulouse pour.càpitale 1. -
i Frcdegar. chronic., C. Lvi,. 2 Frédégaire nous apprend (cap. Lvi)que,à la première nouvelle de la mort tic son père, Dagobert, sans aucun doute pat le conseil de ses tuteurs, donna l ordre ic ses leudes austrasiens de réunir une puissante armée, qui exerça nécessairement une grande influence sur les votes des Neust, iens et des Bourguignons qui proclamèrent Dagobert seul roi de Franco; d autant que de nombreux émissaires achevèrent par l or et la persuasion ce que la ter- reur avait Commencé. • Fredeg. C. Lvii; e Fratri sue (Jhariberto ml transigenduni cd instar privato, ad vivendum.» M.. Perroud (10e. cil., note vi, p 221 ) prétend que L AQUITAINE SOUS LES DERNIERS MÉROVINGIENS. li Pour In première fols l unité de la monarchie fut posée, sinon comme un principe, au moins comme une nécessité. Mais les Austrasiens, qui croyaient avoir opéré cette révolution à leur profit, furent déçus dans leurs espérances. Dagobert ne tarda pas à s émanciper de la tutelle austrasienne, et à se livrer aux Neustriens et aux Bourguignons, qui, pour le retenir dans leurs filets, l entraînèrent dans un abîme de dépravation morale:. Lejeune monarque porta l ingratitude jusqu à retenir à. l écart son fidèle mentor Pépin de Landen , dont il redoutait l oppo- sition. Toutefois, il fut contraint de tenir compte des revendications austrasiennes. Son fils Sigebert à peine âgé de trois ans fut proclamé roi d Austrasie (année 633). Cette concessionsemblait être le gage des plus grandes espérances pour les Auslrasiens. Né d une jeune austrasienne nommée ilagnetrude 2 et confiée aux soins de saint Chunibert, évêque de Cologne et du duc Mal- gisêle, cet enfant royal assurait dans l avenir les intérêts les plus chers du pays dans lequel Userait élevé. Et si la politique inaugurée par Dagobert prévalait après la mort de ce monarque, Sigebert, en possession de tout l empire, ne pouvait manquer d y faire prédominer l élément austrasien. Ces rêves d une ambition plus ou moins justifiée s évanouirent dès l année suivante. Dagobert avait des moeurs dignes d un Musulman. Outre un grand nombre de concubines, il entrete- nait trois reines en titre à la fois 1 . L une d elles, nommée Nantechildis, lui donna, en 634, un fils qui fut appelé Clovis. Nantechildis était néustrienne. Elle n eut pas de peine à obtenir c est Clotaire Il qui concéda cet apanage à Charibert, et que Dagobert ne fit que le confirmer etl augrnentcr. Le savant professeur n a pas transcrit les paroles du texte qui détruisent son hypothèse : « Comique i egnurn clilotarii tain quam l3urgundia e Dagoherto tpissct pnu000upa- soin tum, captis thesauris et redactis, TANDEM MISERICORDIA MOTUS. » Elle reste cité plus haut. Donc c est bien Dagobert lui-in qui, par coin- passion, fit la concession susdite. 1. Fredegar. chronic., Cap. LXI. M. Perroud (ibid., p. h4) (lit que Pépin s enfuit à Toulouse avec Sigebert, fils de Dagobert. C est confondre les temps et mal interpréter le texte de Frédégaire. Fin 630 Pépin n était pas encore en disgrâce, et le voyage qu il fit à Toulouse eut plutôt pour but de faire consentir Charibert à être le parrain de l enfant royal, comme cela ressort du chapitre suivant. Fredegar. c/ironic., esp. Lix. 3 P redegar, chronic., cap. Lx. 12 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. que sou fils partagerait avec Sigebert les prérogatives de la royauté- Mais cette prétention, qui détruisait les espérances des Austrasiens, n eût probablement pas été réalisée si Dagobert n eût pris, de son vivant, toutes les.précautions nécessaires pour en assurer l exécution. Dans ce but, il convoqua, en une assemblée solennelle,tous les princes (primates), les évêques et les autres leudes d Austrasie, et leur fit jurer sur les saints Évangiles qu ils observeraient fidè- lemeift le pacte qu il allait leur présenter. Or il consistait en un partage égal de l empire entre ses deux enfants, Sigebert et Clovis Celui-ci, après la mort de Dagobert, régnerait sur la Neustrie et la Bourgogne réunies (soMato ordine) ; et Sigebert posséderait d ab ord toute l Austrasie proprement dite (in inteqri- fate). De plus, afin de donner satisfaction aux prétentions des Austrasiens sur les contrées «au delà de la Loire, il fut convenu que toutes les cités aquitaniques qui avaient jadis appartenu à un titre quelconque au royaume d Austrasie, Seraient placées sous la domination de Sigebert. Le duché de Dentelin, qui avait été injustement enlevé à la Neustrie sous Clotaire If, fut seul excepté de cette clause générale (634). Cette célèbre convention, qui eut sa pleine exécution après la mort de Dagobert (638), régla jusqu à la fin de la dynastie méro- vingienne, et même sous les premiers carolingiens, les limites de ce qu on appela dès lors le duché d Aquitaine . Il ne compre- nait pas seulement les cités aquitaniques concédées à l Austrasie par le traité d kndelot il s étendait, en outre, d après les termes, mêmes de la convention que nous venons de citer, à toutes les contrées (quidquid) qui avaient appartenu dans le passé (ohm), à un titre quelconque, au royaume d ustrasie. Cette distinction entre les deux parties du texte de Frédégaire n a pas été assez
Fredegar. ci,rdnic., cap. lxxvI « Austrasioruin omnes Primates, Pou- tifices, cnter ique tendes Si giberti, minus eorum pnnentes insuper, sacra- ,iwntis lirmaverunt ut Neptricum et Burgundia solidato ordine ad regnum Ghlodovei, post Dagoberti discessuni, adipisceu ent Auster vero idenique ordine solidato, eo qtod et de populo et de spatio terrai esseS cozequans, ad regnum Sigiberti idernque in integritate deheret adspieere. Et QUIDQUID AD REGNUM AusTaAsIouu M JAM OLIM PERTItUJERAT, hoc Sigibertus rex suœ ditioni geiendum reoiperet et pet petuo riominendum haberet. s 2 Le Comte, Anniit. Fi ancorurn, t. liE, P 506, an. 667. n. 37. On voit aussi appm ajtre, à la même époque, le titre de Dux Austrasio, unt (D. Bou- quet, t. III, P. 517g;. L AQUITAINE SOUS LES DERNIERS MénOVINGIENS. 43 remarquée jusqu ici Et cependant, elle seule permet de résoudre les difficultés relatives aux origines du duché d Aquitai ne, tel qu il nous apparaît dans la suite. - LA.quitaine sera donc désormais une annexe de l Austrasie, et non pas de la Bourgogne, comme le prétend M. Perroud. Sans doute, lorsque lAustrasie n aura pas de gouvernement particulier et obéira légalement au pouvoir central résidant en Bourgogne, l Aquitaine suivra son exempleet, comme elle, sera soumise plus ou moins au représentant de la royauté. Mais aussitôt qu un roi.dAusttasie sera o?rjciellement reconnu, c est à ce royaume et non pas à celui de Bourgogne que l Aquitaine se rattachera. Marchant sur les traces des Maires du Palais d Austrasie, l Aquitaine essaiera de secouer le joug des rois mérovingiens; mais aussitôt que Pépin d Héristal, prince des Francs Austrasiens, aura réussi à identifier sa puissance avec celle du roi, ce sera au nom des intérêts austrasiens lésés par les ducs d Aquitaine , qu il fera invasion dans les contrées Transligériennes, et son fils et son petit-fils se couvriront du même prétexte.
II
Les considérations que nous venons d émettre ont une grande importance; elles sont comme la clef de voûte de l édifice que nous essayons de construire. D autre part, elles sont en contra- diction avec les opinions soutenues avec talent par M. Perroud. Ce savant, avec plusieurs autres, distingue deux duchés en Aquitaine celui de Toulouse, et celui des autres régipns de la Gaule méridionale 2 . Cette distinction ne me paraît pas fondée. En dehors des Wascons, qui, comme les Bretons, obéissent plus ou noins à l autorité royale, les textes ne nous montrent que des ducs d Aquitaine. Sous Dagobert P, c est le duc Beraldus qui semble avoir exercé cette importante fonction 3 . Après sa mort, son fils l3arontus, qui, dès 631, jouissait d une grande autorité eu Aqui-
1 D. Bouquet, t. Il, P. 6 S0. 2 Pen-ovd, toc, oit., P. 110, 141. Le Comte, loc. oit., an. 667, n 38.
r- 14 REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES. taire , lui succéda dans sa charge. En 630 ? il, fut l un des dix ducs chargés de réprimer l insolence des Wascons. Son autorité s étendait non seulement sur les cités voisines de Poitiers, oŒ il faisait sa résidence , mais encore sur Cahors et Clermont .Dans un acte de l an 631, il est déjà qualifié de vii inluster , titre qui nétait décerné qu aux personnages de la plus haute distinction, et dont les rois eux-mêmes se tenaient honorés 1 . Il était encore en charge le 2 janvier 600, comme on le voit pat la Vie de saint Viance (Viuccutianus), dont le P. Le Comte G et D. Mabillon- ont justement apprécié la valeur historique. A cette date, une grande révolution politique se préparait dans les sphères gouvernementales. Sigebert III, fils de Dagobert Jer, était mort au commencement de l année 66, après un règne de vingt-trois ans, rempli de bonnes intentions, mais sous la funeste domination de Grimoald, l indigne fils de Pépin de Lan- den. Se croyant sûr de sa fidélité, Sigebert HT, mourant, lui confia la garde de son jeune enfant Dagobert. Mais ,Grimoald, aveuglé par l ambition, se concerta avec Bidon, évêque de Poi- tiers, répandit le bruit que le jeune Dagobert était mort et que son propre fils, nommé Childebert, avait été adopté par Sige- bert IIi. En conséquence, il fit proclamer Childebert roi dAus- trasie. Il devançait inopportunément de cent ans les destinées providentielles de sa racé. C est ainsi que les Capétiens s es- sayèrent au pouvoir cent ans avant de détrôner dèfinitivcmént les Carolingiens dégénérés.