Les Monts d’Ardèche Créé le 9 avril 2001, le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, s’étend sur © Nicolas Dupieux© Nicolas Diversité à t o u s l e s é t a g e s 190 000 hectares. Ce territoire est habité par 61 000 habitants. Le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche est un territoire d’excep- L’altitude varie de 170 tion où, à n’en pas douter, le maître mot est la diversité. mètres sur le piémont cévenol jusqu’à 1 753 En effet, avec des roches allant du grès au granite, en passant par la mètres, au sommet du grande variété des roches volcaniques, la palette de la “géodiversité” Mont Mézenc. fait le plein. Pour la biodiversité, la nature se permet le grand écart. Le Parc couvre Du merle bleu au merle à plastron chez les oiseaux, de la couleuvre de les deux bassins Montpellier à la vipère péliade chez les reptiles, du gomphe de Graslin versants atlantique et à la cordulie arctique chez les libellules, du citron de Provence à l’apol- méditerranéen, avec plus lon chez les papillons ou encore du chêne vert au rosier des Alpes chez de 3 000 kilomètres de les végétaux, il n’y a pas un domaine du vivant qui n’échappe à cette rivières et ruisseaux. La • Les sucs volcaniques, un paysage original du plateau. forêt, très variée, s’étend richesse. sur 60 % du territoire. Et sur ces terres, l’homme s’est installé avec des habitats, des modes de vie et des productions agricoles calqués sur cette diversité. Une résis- tance à l’uniformisation bienvenue à l’heure de la mondialisation ! © Gilbert Cochet © Terracarta ©

• Les pentes de la Cévenne ardéchoise. © Gilbert Cochet

Rhône-Alpes

• Bâti tout en grès, , sur le piémont cévenol.

2 3 Les Monts d’Ardèche © Gilbert Cochet Un e g é o l o g i e m u l t i p l e

Sur le territoire du Parc des Monts d’Ardèche, rien ne manque pour une approche complète de la géologie. Toutes les ères sont représentées, depuis plus de 300 millions d’années. Tous les types de roches existent. Émergence des montagnes, avancée de la mer et érosion se sont succé- dées pour donner l’immense variété des paysages d’aujourd’hui. De tout temps, l’homme a su composer avec cette diversité en utilisant chaque roche en fonction de ses qualités, chaque type de sol pour une agriculture adaptée, chaque relief pour sa protection contre les intem- péries ou les envahisseurs. Enfin, la diversité de la faune et de la flore doit beaucoup à cette géologie plurielle.

l’ardèche et la géologie © Gilbert Cochet Pour situer la place de la géologie en Ardèche, il nous suffit de citer Charles-Albin Mazon, chroniqueur de la fin du xixe siècle, plus connu sous le pseudonyme de Docteur Francus. Pour lui, “l’Ardéchois qui ne connaît pas la géologie est comme l’homme qui, placé dans la plus grande bibliothèque du monde, ne sait pas lire”. On l’aura compris, en Ardèche, la géologie occupe le devant de la scène !

• La cordiérite, un minéral fréquent dans les granites cévenols. Un relief au pluriel

• Le docteur Francus.

• Le Gerbier de Jonc, un suc volcanique. 4 5 Les Monts d’Ardèche Su r u n p l a t e a u p e r c h é

Le plateau ardéchois s’étend jusqu’aux limites avec la Haute-Loire. Ce Une grande résistance à l’érosion relief doucement vallonné forme comme une plaine en altitude : une

© Gilbert Cochet pénéplaine. Au niveau de Montselgues, le plateau dévoile son histoire. Si ce plateau perché a pu ainsi garder ses formes de jeunesse, il le doit à En effet, plaqués sur les granites résistants, des dépôts de grès datent la résistance de son granite. En effet, dans ce secteur, le granite dit de - Fotolia © Jucamuro du Trias, soit le début de l’ère secondaire. L’histoire géologique peut la Borne, du nom de la rivière qui l’entaille, est le même que le granite être reconstituée. tout proche du Mont Lozère dont il est séparé par une longue faille. La grande cohésion des cristaux de cette roche l’a rendue très résistante Ce plateau s’est formé en trois temps. À la fin du Primaire, l’érosion à l’érosion. a fait disparaître tout relief. Puis les dépôts de grès ont recouvert les Le granite de la Borne, granites au début du Secondaire. Ensuite, durant le Tertiaire, l’ensem- ble s’est soulevé à plus de 1 000 mètres d’altitude et témoigne de cette Des oiseaux • Un traquet motteux mâle. comme tout bon granite, histoire chaotique. présente des cristaux de dans leur élément quartz, feldspath et mica. De fait, le plateau de Montselgues est désigné par les géomorpholo- gues sous l’appellation de “pénéplaine antétriasique” et est considéré Le traquet motteux, le bruant fou et le rou-

Mais ici, les cristaux © Jean Grosson de feldspath, appelés comme le plus bel exemple européen, parfaitement conservé, d’une ge-queue noir sont dans leur élément sur ces orthose, sont allongés surface d’érosion aussi ancienne. hauts plateaux. L’activité agricole et l’élevage et de très grande taille traditionnel ont préservé une riche diversité en et l’ont fait surnommer insectes tandis que les chaos rocheux offrent des “granite à dents de cheval”. sites de reproduction et des postes d’observation.

© Nicolas Dupieux© Nicolas Là où la lande à genêt purgatif s’est installée, le busard cendré l’utilise comme terrain de chasse et de nidification.

• Le bruant fou. © Nicolas Dupieux Dupieux© Nicolas

La dernière transhumance

Sur le plateau du Les chaos © Gilbert Cochet Tanargue, une autre granitiques pénéplaine de grande Dans les secteurs de étendue, des moutons Montselgues et du Petit pâturent durant la belle Paris se trouvent de saison. Avec 1 200 à beaux chaos granitiques. 1 500 têtes, il s’agit là du Après une phase d’érosion dernier troupeau en estive chimique le long des collective de la Cévenne fractures alors que la ardéchoise. roche est couverte d’une végétation, les blocs se retrouvent amoncelés à l’air libre.

6 7 Les Monts d’Ardèche En t r e s e r r e s e t v a l a t s

Les eaux qui dévalent sur le versant méditerranéen sont à l’origine d’un dou- ble relief. Les crêtes acérées témoignent © Gilbert Cochet de la présence ancienne du plateau et forment les serres tandis que le réseau hydrographique découpe à l’infini les En cheminant massifs, façonnant les valats. sur les calades… Une approche plus précise montre une nette différence entre le haut bassin de Pour accéder aux cultures en terrasses ou l’Ardèche, avec de larges massifs comme rejoindre les pâturages des plateaux, il faut le Tanargue, taillé dans les gneiss et des chemins qui résistent à l’érosion. C’est granite résistants, et le haut bassin du le rôle des calades, sentiers grossièrement Chassezac où les micaschistes, moins pavés de blocs parfois de taille remarqua- solides, sont à l’origine d’un réseau de ble. Certaines calades ont traversé les siè- serres extrêmement découpé. cles et sont, aujourd’hui, parcourues par les

© Gilbert Cochet randonneurs. Habiter la pente

La conquête Malgré les redoutables contraintes de la pente omniprésente, l’homme de la pente a su déployer toute son ingéniosité et sa pugnacité pour la rendre habi- selon Jean Ferrat table. L’essentiel de l’Ardèche devient alors, comme tous les territoires

pentus de la planète, un monde de terrasses, de jardins suspendus © Gilbert Cochet “Avec leurs mains capables de retenir la terre. Les noms de ces terrasses varient du sud © jeanma85 - Fotolia dessus leurs têtes au nord, voire d’une vallée à une autre : faysses, bancels, échamps et ils avaient monté des murettes autres chambas. jusqu’au sommet Aujourd’hui, beaucoup de ces constructions disparaissent avec le de la colline”. retour de la forêt mais des programmes de restauration permettent de conserver des témoins vivants de cette vie à la verticale. © Gilbert Cochet • Des couleuvres vertes et jaunes en parade. Au bonheur du circaète Les versants méditerranéens offrent tout le confort pour le rapace amateur de serpents : des ascendances thermiques pour faciliter le vol, des landes et milieux rocheux accueillant une grande diversité de reptiles, des arbres comme les différentes espèces de pins ou le chêne vert pour abriter l’aire, avec son unique jeune. De fait, la Cévenne ardéchoise héberge une des plus belles populations • Le site d’Antraïgues tiré de l’Album du Vivarais d’Albert du Boys (1842). françaises de circaète Jean-le-blanc.

8 9 Au x s o u r c e s d e l a g é o l o g i e f r a n ç a i s e

La révélation au Coiron En 1751, de retour d’Italie où ils avaient observé des volcans en acti- vité, Guettard et Malesherbes, tous deux géologues de l’Académie royale des sciences, font halte à Montélimar. Ils aperçoivent alors des ouvriers pavant les rues avec la roche étudiée en Italie, du basalte. De là, les deux naturalistes sont conduits dans une carrière du Coiron : aucun doute possible, ils sont face à une ancienne coulée de lave. La même année, Guettard publie “Mémoires sur quelques montagnes de la qui ont été des volcans” : le volcanisme entre dans l’histoire de la géologie ardéchoise. Après ce premier épisode fondateur, la suite a pour cadre la Cévenne ardéchoise. • Le géologue Guettard. • Dans l’ouvrage de Scrope, Rivalité vive autour de volcans éteints… la représentation du site de s’inscrit dans le Dans la vallée de la Volane, accompagné de Faujas de Saint-Fond, Guet- mouvement artistique du tard découvre la coulée d’Antraïgues et la coupe d’ en 1775. Mais romantisme. les deux naturalistes se brouillent et visitent la région séparément. • Giraud-Soulavie est l’auteur Une vive compétition naît alors qui va les conduire à lire, à la même d’une des toutes premières séance de l’Académie royale des sciences du 15 février 1777, la relation coupes stratigraphiques, de leurs découvertes, chacun ayant tenté de prendre l’autre de vitesse ! méridionale de la France naturelle : Histoire Source réalisée près de Largentière En 1778, Faujas de Saint-Fond publie un magnifique ouvrage : “Recher- et publiée en 1784. ches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay”. Les descriptions des sites sont rehaussées de superbes gravures montrant les coulées des vallées de la Volane, de l’Ardèche ou du Lignon. Un haut lieu Par la suite, nos sites attirent • Frontispice de l’ouvrage de des géologues renommés, Faujas de Saint-Fond. du volcanisme notamment en provenance Localement, l’abbé Giraud-Sou- d’Angleterre. Ainsi, après le lavie, curé quelques temps à passage de Scrope, au début du Antraïgues, reprend avec pré- xixe siècle, Lyell et Murchison cision la description des sites séjournent à en 1828. volcaniques. Aujourd’hui, étudiants et cher- Ainsi donc, à la veille de la cheurs de toutes provenances Révolution française, c’est en continuent de marcher, souvent Ardèche que furent découver- sans le savoir, sur les traces des tes les premières preuves de Guettard, Faujas de Saint-Fond manifestations volcaniques et autre Giraud-Soulavie. Le vol- dans notre pays. L’engouement canisme ardéchois est ainsi de scientifique généré par cette mieux en mieux connu et com- révélation conduira, dans un pris, même si la part du mystère • Dans l’ouvrage de Lyell et Murchison, second temps, vers le Velay et des profondeurs ne se révèle le site du pont du Diable et sa coulée de basalte. l’Auvergne où les formes vol- qu’avec parcimonie. Il faut lais- caniques nous apparaissent ser des découvertes aux futures générations ! • Sur la Volane, coulées du pont de Bridon et du pont de Rigaudel représentées dans l’ouvrage de Faujas. aujourd’hui évidentes.

10 11 Les Monts d’Ardèche De s s u c s a u x c o u l é e s

DES EAUX Pétillantes © Gilbert Cochet © Gilbert Cochet © Nicolas Dupieux© Nicolas Ventadour, Vernet, Reine des basaltes et autres Vals et , autant d’eaux gazeuses ardéchoises représentant le plus vivant témoignage de la persistance de l’activité volcanique. En effet, après un parcours • Le dryoptéris qui peut durer jusqu’à cinq des montagnes. siècles, les eaux de pluie rencontrent le magma, les fougères s’enrichissent en sels des volcans minéraux et en gaz avant de remonter à la surface Tout autour de la pour le plus grand bonheur planète, les fougères des consommateurs. Ces accompagnent les volcans. • Le suc de Montfol sur le plateau ardéchois. • Vue aérienne de la Vestide du Pal. eaux de pluie qui datent Ainsi, même sous les de la Renaissance sont tropiques, la fougère aigle Les paysages volcaniques de l’Ardèche peuvent se séparer en deux enti- Des cratères tout neufs aujourd’hui parfaitement est la première plante tés : les sucs et les coulées. pures et sans nitrate. Qu’en Les éruptions volcaniques de la Vestide du Pal, des coupes de Jaujac vasculaire à s’installer sur Les sucs rassemblent des reliefs tels que le Gerbier de Jonc et le Mézenc sera-t-il dans cinq siècles ? ou d’Aizac ne datent que de quelques dizaines de milliers d’années. A les édifices volcaniques. pour les plus célèbres, mais aussi le suc de Sara, le Montfol… Leur point Il en a certainement l’échelle des temps géologiques, c’était hier ! Les cônes volcaniques, DES prairies commun : ils sont constitués d’une lave visqueuse à l’origine de ces été de même lors des bien que couverts de forêts, gardent encore de belles formes comme le volcaniques pour le reliefs imposants. éruptions ardéchoises du cratère égueulé de la coupe de Jaujac. fin gras du mézenc Quaternaire. Aujourd’hui, Au contraire, les coulées se sont Les terres volcaniques le cryptogramme crispé formées grâce à une lave beau- • Les coulées et sucs des plateaux du Mézenc occupe les éboulis siliceux volcaniques abritent la coup plus fluide qui a emprunté présentent une forte des sucs de phonolite, en fine fleur de la gent ailée le lit des rivières pour s’écouler © Gilbert Cochet diversité botanique. compagnie du dryoptéris des falaises et rochers. dans le fond des vallées. L’élevage bovin y est des montagnes. Au Ainsi, grand corbeau, grand-duc d’Europe, de très grande qualité, contraire, les coulées de La nature de la roche diffère faucon pèlerin, hiron- notamment avec le Fin basalte peuvent héberger donc : la phonolithe pour les delle de rochers (photo Gras du Mézenc. le rare et endémique sucs, le basalte pour les cou- ci-dessous) et autre L’absence d’ensilage et dryoptéris des Cévennes, lées. Mais, pour compliquer un martinet à ventre blanc d’utilisation d’engrais voire le rarissime profitent des surplombs peu, tous les intermédiaires chimique garantit une dryoptéris tyrrhénien. existent, comme dans la série basaltiques et des fissu- res de la phonolite pour viande de très haute valeur des douze coulées qui se succè- y installer leur nid en gustative. La présence dent au pied de Saint-Clément. toute sécurité. abondante du fenouil des De fait, la province volcanique Alpes – appelé localement du Vivarais et du Velay oriental cistre – dans l’alimentation est une des plus diversifiées. de ces bovins est à © Nicolas Dupieux© Nicolas l’origine de la spécificité de cette viande hors du • La cascade du Ray-Pic conjugue le commun, bénéficiant blanc de l’écume et le noir du basalte d’une appellation d’origine

© Gilbert Cochet dans un contraste du plus bel effet. contrôlée. • Pâturage sur les pentes du Mézenc. 12 13 Les Monts d’Ardèche La p l a g e d u Se c o n d a i r e

Grès de près, À la fin du Primaire, le massif hercynien est presque entièrement Des pins sur le sable grès de loin érodé. La mer vient alors s’installer sur ses rives. Le futur Massif cen-

© Gilbert Cochet Les sols formés sur les grès sont toujours très pauvres et La composition et la tral devient le continent face à l’océan alpin en formation. Entre les difficiles à cultiver. De fait, ces secteurs ont été intensive- taille des grains d’un deux, la plage avec des traces de dinosaures ! ment plantés en pins : sylvestre, noir et surtout maritime. grès renseignent sur la Aujourd’hui, ces sables agglomérés forment les grès du Trias qui bor- Ces pins étaient utilisés notamment pour étayer les géographie passée. Ainsi, dent la Cévenne ardéchoise. Plus tard, durant le Jurassique, la mer galeries des mines comme à Jaujac, , Largentière, lorsque les éléments sont recouvre cet ensemble en déposant les calcaires entaillés aujourd’hui Sainte-Marguerite-Lafigère… grossiers et surtout si par les gorges de la Ligne, la Beaume et le Chassezac. Enfin, au Crétacé, les grains de quartz sont une grande barrière de corail borde le vieux continent. Très sensibles aux incendies, ce sont des forêts fragi- accompagnés de cristaux les et quatre dispositifs de surveillance sont en place : de feldspath, cela signifie En dehors du territoire du Parc, le calcaire urgonien des gorges de l’Ar- tour de Brison près de Sanilhac, Serre de Barre près des que l’érosion n’a pas dèche offre les archives de cette époque tropicale. terminé son œuvre. Nous Vans, Sainte-Marguerite-Lafigère et Serre-en-Don près du sommes face à des dépôts Cheylard. proches du continent et Alors que le pin noir d’Autriche et le pin maritime provien- cette roche porte le nom © Gilbert Cochet nent de plantations, le pin de Salzmann, une sous-espèce d’arkose. Au contraire, un de pin noir, est autochtone. Mais cette variété locale se grès composé uniquement développe essentiellement sur les grès datant du Pri- de grains de quartz très maire dans la basse vallée de la Gagnière. fins indique un long parcours des sédiments transportés par les cours d’eau.

• Des pins maritimes.

VRAIES ET FAUSSES BRUYères

Les sols squelettiques qui © Gilbert Cochet © Gilbert Cochet se développent sur les grès, Grès d’en haut, notamment en altitude, grès d’en bas font la joie des membres de la

© Gilbert Cochet famille des éricacées qui peuvent Alors qu’au pied des s’y développer sans concurrence. Cévennes, les grès La fausse bruyère appartient affleurent à 130 mètres au genre Calluna et non au d’altitude, sur le plateau genre Erica, représenté ici de Montselgues, ils sont par la bruyère cendrée. perchés à 1 050 mètres. Sur les placages de Cette différence témoigne grès du plateau de du formidable rejet de Montselgues, les la faille des Cévennes deux espèces peuvent probablement lié à la mise s’observer côte à côte. en place des Alpes au cours du Tertiaire.

• La bruyère cendrée. • La callune.

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