AVANT-PROPOS

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la création et le maintien de la généralité de Riom sous l’autorité d’un intendant d’Auvergne avaient permis à la monarchie de réunifi er en quelque sorte la province. L’Auvergne, qui avait perdu ses Etats, était divisée en sept Elections dont trois, celles d’, de Saint-Flour et de Mauriac, correspondaient à la Haute-Auvergne, quoique les paroisses de l’archiprêtre de Mauriac eussent continué à dépendre de l’évêque de Clermont. Malgré tout, les divisions ecclésiastiques, judiciaires, fi nancières et militaires n’étaient pas corrélatives et se chevauchaient bizarrement. L’Auvergne devait subir les approximations d’une administration complexe, chaotique, que seul un long usage rendait tolérable. Rédigés en mars 1789, lors des assemblées convoquées pour préparer les Etats Généraux du royaume, les cahiers de doléances réclamèrent unanimement une administration rénovée, simplifi ée, uniforme. L’Assemblée Nationale Constituante allait répondre, un an plus tard, à ce vœu largement formulé, en divisant la en départements.

La création et la délimitation du département du Dès le 22 décembre 1789, les constituants prescrivent le partage du royaume en départements (du vieux verbe “départir”), découpés en districts, futurs arrondissements, eux-mêmes divisés en cantons groupant un certain nombre de communes administrées par des municipalités. Par décrets des 9 janvier et 16-23 février 1790, les limites du département sont fi xées dans leurs grandes lignes, légèrement rectifi ées ensuite en août 1790 et juin 1791. Du côté du Limousin et du Quercy, l’entente se réalise assez facilement. Avec le Rouergue, les diffi cultés ne se résoudront pas tout de suite : les paroisses de Lacalm et de Lacapelle-Chaniès, provisoirement englobées dans le canton de Chaudesaigues, opteront fi nalement pour l’Aveyron. Quant au Barrès, il restera d’autorité acquis à ce dernier département. Du côté du Gévaudan, la routine prévaut. Le 5 février 1790, on abandonne l’idée de choisir la Truyère comme limite avec la Lozère, et le canton de Chaudesaigues reste partie intégrante du Cantal. Au nord-est, les cantons de Condat et de Champs sont distraits de la Basse-Auvergne pour être réunis au Pays des Montagnes, malgré les vives protestations des paroisses

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LLaa ReRévolutionvolution CHASSANG.inddCHASSANG.indd 7 55/05/08/05/08 17:38:2617:38:26 de Marcenat, de Condat et surtout de . En 1794 cependant, la paroisse d’Anzat-le- Luguet sera agrégée au département du Puy-De-Dôme et détachée pour cela du canton d’. A l’est, le district de Brioude sera inclus dans le département de la Haute-Loire. Les principales paroisses de Basse-Auvergne réunies à la Haute-Auvergne pour former le département du Cantal seront donc : Champs, incorporée au district de Mauriac ; Chanet, , Condat, Marcenat, Montgreleix, , inclues dans le district de Murat ; Auriac, Bonnac, , Fournols (Rezentières), La Chapelle-Laurent, Laurie, , , Molèdes, , , Saint-Mary-le-Plain, dans celui de Saint- Flour. De plus, quelques paroisses qui appartenaient à l’Election de Saint- Flour sous les rapports fi nanciers et administratifs, tout en étant en dehors de la prévôté et de l’ancien bailliage des Montagnes, sont comprises dans le département : il s’agit des paroisses de Chazelles, de Lastic, de , de Saint-Mary-le- Cros, de Saint-Poncy, de Soulages, de Védrines-Saint-Loup, de , et de Vèze. L’évêché de Saint-Flour est lui aussi circonscrit par les limites du département. Il perd la plus grande partie des archiprêtres de Brioude, de Langeac et de Blesle, mais gagne celui de Mauriac. Le nom du “département du Cantal” apparaît pour le première fois dans un décret du 4 mars 1790. On lui a donné comme nom celui de l’immense cône volcanique qui occupe son centre. Enfi n, dernière réforme administrative d’importance : en 1926, l’arrondissement de Murat, trop peu peuplé, sera supprimé et englobé dans celui de Saint- Flour qui s’étendra ainsi sur tout l’est du département.

Les districts de Saint- Flour et de Murat Ce sont les districts de Saint- Flour et de Murat pendant la Révolution française (1789-1801), qui feront l’objet de notre étude. De très nombreux travaux historiques ont été consacrés à la révolution dans le département du Cantal, mais aucune étude d’ensemble à notre connaissance. Cette histoire de la Révolution reste donc à faire ; nous nous sommes quant à nous limités plus modestement à celle de cette partie orientale du département qui, nous le verrons, se serait volontiers détachée du Cantal occidental, et plus précisément de sa ville phare, Aurillac, pour se tourner vers le Brivadois et la Haute-Lozère, afi n de former avec eux un département distinct. Cette tentative de scission faillit coûter cher à la cité épiscopale, éphémère chef-lieu du Cantal. Le district de Saint-Flour comprenait les cantons de Chaudesaigues, Massiac, , Ruines, Saint- Flour, ; celui de Murat trois cantons seulement : d’Allanche, de Condat, de Murat. Autrement dit le territoire constituant l’arrondissement actuel de Saint- Flour.

Avant les Etats généraux du Royaume Nous ne reviendrons pas en détail sur les situations économiques et sociales des “Pays de Saint-Flour et de Murat, dits de Saint-Flour Haute-Auvergne” à la veille de la Révolution, situation que nous avons largement présentée dans notre précédent ouvrage. Résumons ici simplement les handicaps que nous avions constatés et déplorés : l’ingratitude d’une nature au relief tourmenté et au climat rude, l’isolement de la contrée, l’archaïsme d’une économie de subsistance peu rentable, le développement

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LLaa ReRévolutionvolution CHASSANG.inddCHASSANG.indd 8 55/05/08/05/08 17:38:2617:38:26 trop limité de l’activité herbagère et pastorale, la pénurie de bois, la léthargie de petites manufactures minées par la concurrence et la routine, l’insolite variété des poids et mesures qui compliquaient et entravaient les échanges, l’immobilité d’une société enracinée dans ses coutumes, le poids excessif des impôts qui générait une migration saisonnière ou défi nitive indispensable, la modestie des centres urbains au commerce languissant dans un monde essentiellement rural, une société divisée en classes et bloquée, mal perçue par la bourgeoisie qui continuait son ascension au détriment d’une noblesse en semi-décrépitude et par le petit peuple que les privilèges, les inégalités et le poids d’un système féodal obsolète énervaient de plus en plus.

L’examen des cahiers de doléances nous permettra de vérifi er la réalité de ces situations et les espoirs suscités par la réunion des Etats Généraux du Royaume et les premières mesures révolutionnaires... , et les déceptions aussi à la mesure de ces trop naïves espérances.

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