De que se dizzio pas !* Contes et légendes du Pays Gentiane

Chateaubriand enfant imaginait l’ comme « un pays bien loin, bien loin, où il y avait des choses étranges ». Jusqu’au siècle dernier, le haut fut une région assez retirée, d’accès difficile. Il n’est pas étonnant que les croyances populaires, transmises par la tradition orale, soient restées si longtemps vivaces.

Le chemin de fer d’abord, l’automobile et l’avion, toute cette mécanique déchaînée sur terre et au ciel, les ont peu à peu dépoétisées, détruites, précipitées dans l’oubli. Inquiétantes et ravissantes à la fois, elles étonnèrent mon âme d’enfant.

Le temps a fui, l’automobile et la lumière des phares ont définitivement chassé ce peuple d’esprits. Que reste-t-il de cette tradition orale, que d’aucuns ont nommée avec justesse « littérature d’illettrés » ? Peu de choses, en vérité. C’est bien dommage… *Quene disait-on pas!

Jacques MALLOUET (Paris, 1928 – Valette, 2004) La veillée d'autrefois Jadis, au fort de l'hiver, quand le gel mordait au long des dures nuits étoilées, ou quand le ciel bas déversait sur la campagne un insidieux amoncellement neigeux, « l'oustaou » – la maison auvergnate – vivait intensément.

Dès le crépuscule tombé et les soins aux animaux terminés, la tempête pouvait hurler dans les bois, l'écir danser sa folle sarabande sur la lande : le logis tiède était un refuge confortable et paisible. Un peu déserté pendant les travaux d'été, il avait vu revenir à lui toute l'animation des champs. Alors, cinq mois durant, de la Toussaint au temps pascal, la veillée régnait...

La veillée était une solennité. Elle avait pour décor l'unique pièce de la chaumière, qui servait à la fois de salle à manger, avec sa massive table de frêne flanquée de deux bancs sans dossier, et de chambre à coucher, avec ses lits-placard précédés d'un marche-banc, secrets derrière leurs rideaux d'indienne. Mais la cérémonie intime déroulait ses rites dans le « cantou », âme de la maison.

Les gens des villes vous diront que le cantou, c'était le coin de l'âtre. C'était bien autre chose ! Le cantou était une ambiance, une intimité, un art de vivre. Il permettait d'apprécier le quotidien, sans fébrilité. Il sentait le passée, la vieille cendre. Y flottaient la sagesse et toute la philosophie narquoise de nos aïeux. Les initiés seuls étaient admis. En voulez-vous la preuve ?

En guise d'introduction... Lorsqu'un étranger – entez un non-familier, et pas nécessairement un inconnu – avait franchi le seuil de la pièce, il n'était pas encore entré dans la maison. L'usage voulait qu'il demeurât immobile jusqu'à ce que l'hôte lui ait dit :

– Achabas d'intrar !

Cette invite signifiait que le visiteur pouvait s'avancer et avait l'insigne honneur de prendre place à côté du maître de céans, près du feu. Oui, le cantou était aussi une hospitalité, d'apparence bourrue, mais chaude et profonde. En somme, la salle commune n'était que le vestibule de la maison, analogue au narthex des basiliques romanes. Le canton en était le sanctuaire. Là se passaient les veillées...

Le génie de se sanctuaire était le feu de bois, flambant pendant le jour pour aider aux travaux domestiques, couvant sous la cendre, dès la fin de la veillée, tout au long des nuits hivernales. Flammes, claires, ivres de vie, ou tisons agonisants ne jetant qu'une avare lueur, le feu était une présence amie, un compagnon, un protecteur. Il ne s'éteignait jamais.

Pendant les tristes mois de claustration des hivers, nos ancêtres avaient tant contemplé ses flammes qu'ils entendaient les langages du feu. Si une petite langue bleue s'échappait de la bûche en sifflant, c'était signe de vent. En observant sa direction, on connaissait celle de l'aquilon ou de la brise du lendemain et des jours suivants. Si le bois pétait, dégageant des myriades d'étincelles, il importait de calfeutrait les soupiraux de l'étable et de préparer sa pelisse : la gelée serait ride. Si les flammes peinaient pour s'élever, si la fumée stagnait dans le conduit, répandant une odeur d'humus et de mousse du sous-bois, une longue période de pluies et de frimas s'annonçait. Par contre, la cheminée sentait-elle la suie ? La canicule s'installait à coup sur.

2 Qu'était-ce, une veillée ? Avant toute, une réunion d'amis. Ils arrivaient, après avoir affronté les épouvantes de la nuit auvergnate, les loups-garous et les feux follets. Ils venaient « passer un moment » au cantou.

Une veillée cantalienne, c'était « se carrar » et « batalhar ». « Se carrar » signifie être bien, se sentir à l'aise, dans la complète détente du corps et la sérénité de l'esprit. C'est aussi être en harmonie avec ses amis, dans une ambiance sympathique, sans affectation. En un mot comme en quatre : se retrouver chez soi. Quant à « batalhar », c'est deviser et non discourir, porter un jugement et non calomnier, plaisanter et non persifler, et surtout, conter, avec art. Le « batalhaïre » était l'animateur recherché de ces réunions. Grâce à lui, un ululement de hibou entendu un soir d'automne n'était pas le cri de l'oiseau en chasse, mais les vociférations dru démon acharné contre l'âme d'un enfant mort sans baptême. Alors, l'imagination des assistants enfantait ces légendes où erraient les esprits du purgatoire, auxquels Dieu a ordonné de parcourir un certain chemin, poursuivis par une meute de chiens hurlants. Le cantou se peuplait d'être surnaturels. Un silence inquiétant tombait...

Et puis, on parlait de tout et de rien, des menus faits quotidiens, des choses d'autrefois et d'hier, des cours de la dernière foire et des récoltes de l'été, des origines de telle propriété, des brouilles et des chicanes villageoises, pour l'eau du ruisseau ou le bornage d'un communal. Et des sornettes et des galéjades à n'en plus finir ! Tous les sujets étaient abordés, malgré la présence des jeunes enfants : la langue d'oc offre tant te nuances et de demi-teintes que, même dans un sujet scabreux, on ne peut être ni grossier, ni obscène !

La conversation n'empêchait pas les activités manuelles. Les femmes filaient à la quenouille, tricotaient des chaussettes sur une armature de quatre aiguilles disposées en carré, confectionnaient au crochet d'épais tricots de laine rousse.

Les hommes fabriquaient des paniers en aubier de noisetier, des corbeilles oblongues qui contiendraient indifféremment les draps de la lessive ou les entrailles fumantes du porc. Certains polissaient un manche d'outil ou guillochaient une canne, d'autres torsadaient la paille de seigne pour bâtir « un palha », utilisé comme récipient pour laisser lever la pâte du pain ou vannier le blé. Un peu à l'écart, des jeunes fourbissaient un piège à renard, ou montaient des lacets en fil de laiton. Ils jouaient parfois à la manille, ou à une espèce de poker simplifié, connu sous le nom de « lo bourro ».

Le temps passait-il ? Caché dans une rainure de l'âtre, le grillon avait stridulé les secondes dans que nul ne s'en fût aperçu. Le son fêlé de la vieille pendule battant minuit surprenait toujours les veilleurs.

En un instant, la table était dressée. Pain et fromage surgissaient du tiroir, jambon rose et saucisson fumé à point étaient décrochés de ma maîtresse poutre. Quand arrivaient les châtaignes, grillées dans une « padello » perforée, ce repas complet parfumé d'un litre de vin rouge avais mis la compagnie en liesse. Il suffisait alors qu'un jeune fredonnât une air : naturellement, la bourrée éclatait. Peu importait qu'on n'eût aucun instrument pour marquer le rythme. La voix suffisait, les figures se formaient. C'était la fête !

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

3 Table des matières

Récits de jadis...... 5

Apchon...... 8

Cheylade...... 19

Collandres...... 38

Le Claux...... 42

Marchastel...... 46 Pour se repérer... ...... 50

Riom-ès-Montagnes...... 53

Saint-Amandin...... 59

Saint-Etienne-de-Chomeil...... 63

Saint-Hippolyte...... 67

Trizac...... 70

Valette...... 77

Aux origines de la gentiane...... 85

Bibliographie...... 86

4 Le Drac, héros de nombreuses légendes du Haut-pays cantalien

Qui est le Drac – « lou Drà » en dialecte occitan –, ce génie typiquement auvergnat ? Il est le pendant du djinn des Arabes, de l'elfe des pays scandinaves, du gnome des cabalistes juifs, du sylphe des Celtes.

Son nom vient-il du latin « draco », qui désignait un serpent fabuleux, gardien de trésors, et que l'usage a transformé en dragons ? Quel est son aspect ?

Récits de jadis... Nos aïeux l'imaginaient comme un être invisible, esprit flottant dans l'air comme buée diaphane, immatériel par essence, mais susceptible toutefois de prendre occasionnellement une forme corporelle, humaine ou animale. Certains prétendaient qu'il ressemblait à un loup, d'autres affirmaient qu'il avait deux pieds fourchus.

Il vivait dans la haute montagne, ne sortait que la nuit. Le jour, il se blottissait dans les halliers de houx, se cachait dans les ronciers, ou dans un arbre, à une croisée de chemins, à l'orée d'un bois.

Aux époques de foi chrétienne profonde, tout méfait était l'œuvre du diable, que l'on voyait partout. Mais le Drac, son fils, n'apparaissait pas uniquement comme un tourmenteur. En dépit de sa lourde hérédité, et à travers ses innombrables aventures, on pouvait discerner chez lui un penchant certain pour l'espièglerie, non pour la malignité.

Le réquisitoire est long, car les faits reprochés à l'inculpé sont nombreux. Ce lutin malicieux défait le lit du pâtre qui couche dans l'étable. Il tire les couvertures pendant son sommeil. Il met à tremper les habits du bouvier, dans l'abreuvoir ou le torrent voisin. Il fait tourner le lait, tarir les vaches.

D'autres fois, il détache la jument, l'enfourche et la fait galoper toute la nuit sur le pavé de l'écurie où ses fers lancent des étincelles. Au petit matin, le fermier venu panser les animaux découvre la pouliche couchée sur le flanc, blanche d'écume, les yeux exorbités, encore remplis de terreur. Les jours de mauvaise humeur, il allume un feu follet devant le marcheur solitaire, pour le conduire perfidement au bord d'un étang ou d'un précipice. Enfin, tour plus que pendable, souvent constaté mais jamais expliqué, il est capable de lier deux vaches au même licol, si étroitement qu'il s'avère impossible de les délivrer avant qu'elles ne périssent asphyxiées.

Malgré de si mauvais antécédents, le Drac n'est pas méchant. Il possède même certaines qualités. Il garde, soulage et console les malades, berce et endort les petits enfants, dont il est l'ami fidèle.

5 Les chasses volantes

Qui n’a pas entendu parler des « chassos boulontos » (chasses volantes) et des terreurs qu’elles inspirèrent à nos grands-parents ? Souvenez-vous : la chasse infernale du seigneur de Cotteughes, dans les solitudes boisées de la haute vallée du Marilhoux, ou encore les terribles chasseurs qu’étaient l’homme noir et son chien Briquet, des confins de Menet et d’Antignac, vers le château de Gouzel…

Le croyance populaire considérait ces chevauchées nocturnes comme la poursuite d’âmes en peine par des démons qui cherchaient à s’emparer d’elles pour les conduire en enfer. Malheur à l’infortuné passant qui rencontrait cette chasse démoniaque ! Il devait sans tarder se jeter à genoux, se signer, confectionner une croix avec n’importe quoi, ne fût-ce que deux brindilles.

Ce culte de latrie explique la profusion des croix ou des cippes qui se dressent à maints carrefours de nos chemins verts, parfois au milieu d’un village ou d’un champ. Chacun de ces lieux connut une « peur » aujourd’hui oubliée.

Les loups et meneurs de loups

Nul n'ignore que nos forets étaient pleines de loups. Dès le crépuscule, on les entendait hurler au loin et ils ne tardaient pas à venir rôder autour de la vacherie. Averties par l'instinct, les vaches commençaient à s'ébrouer puis, dès qu'elles les apercevaient, poussaient un âpre cri d'alerte auquel elles se rassemblaient toutes. Alors le troupeau serré, compact, fort de son nombre, fondait sur les loups et c'était une poursuite farouche dans un bruit assourdissant de beuglement et de sonnailles. Dès qu'il avait perdu la trace des fauves, le troupeau rebroussait chemin, les mères alarmées se hâtaient vers le parcs, pour retrouver leurs veaux. C'était le moment que choisissaient les loups pour saisir la proie. Ils revenaient sur leur pas et sautaient à la gorge de la dernière bête, sans que le troupeau, qui entendait ses cris, revînt à la charge.

Les bêtes fauves, à cause de leurs méfaits, réels, et de leur pouvoir maléfique, imaginaire, ont tenu une grande place dans les « peurs ». Dans le haut Cantal plus peut-être qu’en d’autres régions, c’est au loup que les croyances ont attribué ce rôle surnaturel. Il hantait encore nos campagnes, il y a moins d’un siècle.

Le mythe du loup, fils de Satan, donna naissance à deux personnages de légende totalement différents. Le premier était le loup-garou. Il s’agissait d’un être malfaisant, homme ou femme, qui courait la campagne la nuit, revêtu de peaux de loups ? Sadique ? Sorcier ? Ou tout simplement, vulgaire voleur voulant mystifier ses victimes ?

Le deuxième héros des épouvantes était le meneur de loups. L’imagination de nos aïeux l’apercevait la nuit, dans une clairière, accroupi avec ses fauves auprès d’un grand feu dont on ne retrouvait nulle trace le lendemain. Pour expliquer son origine, on avançait deux hypothèses. Il pouvait s’agir d’un homme qui, lassé des méfaits des animaux sauvages, avait décidé de composer avec eux, ou inversement de les commander, de les conduire, en utilisant l’odeur de la louve, grâce à un linge passé sous la queue de celle-ci

6 afin d’attirer les mâles. En cas de réussite, le meneur se faisait escroc : auréolé de ce prétendu pouvoir, il offrait sa protection à ses voisins, moyennant une rétribution fixe.

Loups-garous et galipotes

Depuis des siècles et des siècles, on crut en Auvergne à l'existence des hommes-loups, les « loups-garous » comme on les appelait, ou encore des « galipotes ». Ces êtres n'avaient, à vrai dire, rien d'humain et pas grand chose d'animal. C'étaient des sortes de masses noires quasi sans membres qu'on entrevoyait, dans la nuit, filer le long des haies ou des murailles. Elles guettaient les attardés, leur sautaient sur le dos et exigeaient qu'ils les portassent. Il s'agissait, pensait-on, de bâtards que leur disgrâce aurait conduits à faire un pacte avec le Malin. A la pleine lune, ils se voyaient changés en loups et tous ceux qui les apercevaient pouvaient les prendre pour tels, revêtus qu'ils étaient de la peau remise par le Diable. Ils couraient sur les pieds et les mains avec une vitesse que jamais homme n'aurait pu avoir. Dès que la nuit était noire, la fièvre les prenait. Ils sautaient du lit et s'échappaient par la fenêtre. Leur marché stipulait qu'ils devaient courir, dans la nuit, sept paroisses. Ils étaient lancés par la campagne, prêts à sauter sur le premier passant. Ils ne craignaient rien, pas même les balles à moins qu'elles ne fussent bénites et les chiens restaient à leur approche. Si l'on rencontrait un loup-garou, la seule chose était de le piquer du couteau ou de le frapper d'une pierre, en tout cas d'en tirer du sang pour qu'il reprenne sa forme humaine. On mettait toujours sur les berceaux quelque rameau de capillaire ; cette élégante fougère qui pousse dans les vieux murs avait le pouvoir de faire reculer les loups-garous.

Les feux follets

Les feux follets, ces émanations d'hydrogène phosphoré s'enflammant spontanément, visitent souvent les bords des étangs. Dans mon enfance, nombreux étaient les vieux qui affirmaient les avoir aperçus. Ils inspiraient une grande frayeur, car c'étaient les âmes des défunts, morts sans les derniers sacrements, qui erraient longtemps sur terre avant d'entrer au paradis. Elles s'attachaient au pas de celui qui les avait vues, l'accompagnaient jusqu'à sa demeure, y pénétraient parfois, livrant une affreuse bataille aux flammes de l'âtre. La seule façon de s'en débarrasser était de passer près d'une église. La vision funeste s'évanouissait aussitôt.

Sources Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary Pierre BESSON, Un Pâtre du Cantal Annette LAURAS POURRAT, Guide de l'Auvergne mystérieuse

7 Les souterrains du château d'

La tradition orale nous rapporte que le château d'Apchon était relié à d'autres domaines environnants par un système de galeries souterraines. À proximité du château du Caire Apchon (), il subsiste effectivement des vestiges d'un souterrain. Mais de là à relier deux châteaux distants de plus de 2 km...

Rapporté par Jean-Pierre JOURNIAC

La femme louve

Il sera bien à propos d'adjouster icy ce qui est advenu, à l'an 1588, en un village distant environ deux lieues d'Apchon, ès hautes montagnes d'Auvergne.

Un gentilhomme, estant sur le vespre ès fenestres de son chasteau, voit passer un chasseur de sa cognoissance. Il le prie de luy apporter, à son retour, de sa chasse. Le chasseur, poursuivant son chemin de long d'une plaine, fut attaqué par un groz loup, contre lequel il délascha un coup d'arquebuze sans le blesser, ce qui l'occasiona de joindre le loup, qu'il saisit par les oreilles. Mais enfin, estant las, il se depestra du loup et, se reculant, mit la main à un grand coutelas de chasseur, qu'il portoit, duquel il frappa le loup et luy abbatit l'une des pattes, qu'il resserra dans sa pouchette, après que le loup eut prins la fuitte. Et puis se vint rendre au chasteau du gentilhomme, à la veüe duquel il avoit combattu le loup.

Le gentilhomme le prie de luy faire part de sa chasse, ce que le chasseur voulant faire et pensant tirer la patte de sa pouchette, il tire une main, qui portoit à l'un des doigts une bague d'or, que le gentilhomme recogneüt qu'elle avoit la main coupée. Sur quoy le gentilhomme la prent par rigueur. Mais aussitost et mesme après que sa main luy eüst esté confrontée, elle confessa que ce n'estoit autre qu'elle qui avoit, en forme de loup, attaqué le chasseur.

Et fut depuis bruslée à Ryom, ce que je sçay par le rapport d'un personnage digne de foy, qui passa par là environ quinze jours après que la chose fut faicte.

Pierre-François FOURNIER, Magie et sorcellerie

Dans son Discours sur les Sorciers, Boguet raconte l'histoire suivante : vers la fin du XVIe siècle, dans un village distant de deux lieues d'Apchon, un gentilhomme était un soir à sa fenêtre quand il aperçut un chasseur de sa connaissance et le pria de lui rapporter quelque gibier. Le chasseur promit. Arrivé dans la plaine, il vit un gros loup qui venait à sa rencontre. La lutte s'engagea. Le chasseur coupa la patte droite du loup mais l'animal parvint à se dégager et se sauva, estropié. Le chasseur rapporta la patte à son ami mais quand il tira de sa gibecière, il en sortit une main de femme avec un anneau que le gentilhomme reconnût aussitôt : c'était celui de sa femme. Il alla la trouver : elle était

8 auprès du feu et cachait son bras droit sous un châle. Lorsqu'elle lui montra la main, la malheureuse éperdue avoua qu'elle avait poursuivi le chasseur sous la forme d'un loup- garou. Son mari la livra à la justice et la dame sorcière fut condamnée et brulée sur le Coudert de Riom-ès-Montagnes.

Mathias DE GIRALDO, Histoire curieuse et pittoresque des sorciers, devins, magiciens, astrologues

La femme louve (bis)

Une fin d'après-midi d'automne, Le Châtelain d'Apchon, posté à l'une des fenêtres du donjon, aperçoit un homme de sa garde, porteur d'une arquebuse, qui traverse la cour et de dirige vers la barbacane. Il le hèle :

– Où vas-tu ! Équipé de la sorte ? Aurais-tu vu des assaillants ? – Que nenni ! Je vais à la chasse. – Tu aurais pu me demander la permission ? – Mille excuses, messire. Je ne voulais point vous déranger ? – Tu as de la chance, je suis de fort belle humeur. Je t'autorise à chasser sur les terres miennes, mais je t'ordonne, dès ton retour, de me présenter les produits de ta chasse ! – Il sera fait selon vos désirs. Mon salut vous va.

Dans le vallon où paresse la Rhue de Cheylade, le chasseur débusque soudain une énorme bête. A n'en pas douter, un loup ! En hâte, le nemrod1 dresse la fourche de son arme, lâche le coup au jugé, rate sa cible. Pétrifié par la forte détonation, l'animal sauvage ne bouge plus. L'arquebusier s'avance, l'empoigne par une oreille. Sa dextre libre, armée d'un grand coutelas, tranche la patte antérieure gauche du loup qui s'enfuit en hurlant de douleur.

En hâte, le garde regagne le château, sollicite une entrevue avec le Seigneur.

– Messire, j'ai combattu le loup ! Pour preuve, voici l'une de ses pattes !

Disant, il extirpe d'un havresac, non une patte, mais bien une main, qui porte à son annulaire une bague d'or enchâssant un gros diamant.

Stupéfaction du Seigneur, qui s'exclame :

– Morbleu, je reconnais fort bien ce bijou ! Je l'ai offert à mon épouse, l'été passé !

Vert de rage, soupçonneux, le châtelain somme le garde de s'expliquer.

– Je vous ai dit la vérité vraie, répond le chasseur. J'ai tiré sur le loup, je l'ai manqué. Il n'a pas bougé. Alors, je me suis jeté sur lui et lui ai coupé une

1 Passionné de chasse

9 patte. Tenez, voici mon couteau, encore tâché du sang de mon ennemi ! Ce qui m'a interloqué, c'est qu'il s'est enfui en poussant des cris humains ! – Par tous les diables, je veux savoir !

Le seigneur se dirige vers la chambre de sa femme, qui se chauffe près de la cheminée en émettant des lamentations, le bras gauche enfoui sous le plus de son long châle.

– Ah ça, ma dame ! Où étiez-vous, cet après-midi ? – Je faisais promenade, sur le bord de la rivière. – Mais encore ? – L'un des hommes de votre garde m'a tiré un coup d'arquebuse et m'a ratée. J'ai eu très peur. Il s'est jeté sur moi et m'a tranché la main gauche.

Vivement, le seigneur écarte l'étoffe du châle et découvre le moignon sanguinolent.

– Mille dieux, je vous enjoins de me rendre compte ! – Voilà, messire. Je suis possédée du démon. J'ai fait pacte avec lui. A tout instant, je puis me transformer en louve pour effrayer les humains. C'est bien moi qui ai rencontré votre chasseur. Il a été le plus fort... – Sacrebleu, vieille mégère ! Vous me paierez fort cher cette ingratitude !

Une femme devenue "louve-garou" est-elle un cas unique sous le ciel d'Auvergne ou d'ailleurs ?

La légende affirme que la châtelaine d'Apchon, accusée de sorcellerie, fut brûlée vive sur le "Coudert" de Riom-ès-Montagnes. Paix à ses cendres...

Jacques MALLOUET, in Le Réveil Cantalien (23 mai 2003)

Une version théâtralisée de ce conte a été rédigée par le Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes en 1983, dans un livret baptisé « Au bord des puys ; contes, légendes, dictons, recettes de cuisine locale du pays de Riom-ès-Montagnes ».

La source de Saint-Mary

Les reliques de Saint Mary, disciple et compagnon de Saint Austremoine, apôtre de l'Auvergne, se trouvaient primitivement à Saint-Mary-le-Cros, commune du canton de , arrondissement de Saint-Flour, lorsque, l'an 1050, une haute et puissante châtelaine, Ermengarde de Rochedagoux, voulut aller les visiter en grande pompe. La pieuse dame, épouse de Bertrand Ier, comptor d'Apchon, remarqua, pendant son séjour, que ces restes sacrés, placés dans un lieu peu accessible aux pèlerins, n'étaient point honorés avec la splendeur convenable ; elle résolut donc de les faire transporer à Mauriac et de les déposer solennellement dans l'église de Saint-Pierre.

Les reliques, enfermées dans une châsse, furent attachées sur le dos d'un mulet et suivies, pendant tout le trajet, par une procession de fidèles marchant à pied et priant.

10 C'est dans ce transport, qu'en passant à Apchon et non loin du château, le mulet qui portait le fardeau précieux broncha au milieu des aspérités du rocher, et pour se relever ou se retenir donna un fort coup de pied contre la pierre. Au moment même, à l'étonnement de tous les assistants, une claire fontaine s'échappa en filets limpides et n'a plus tari depuis.

Le fonds de cette tradition sacerdotale respire le pur arôme de l'antiquité. Les moines des XIe et XIIe siècles, partageant leur temps entre l'étude des Saints-Pères et la lecture des auteurs anciens, professaient pour ces derniers une admiration que beaucoup se reprochaient en secret et dont ils s'accusaient même en confession. Aussi retrouve-t-on facilement, dans la légende présente, le souvenir classique de Pégase qui, d'un coup de pied, fit jaillir, sur le Mont Hélicon, la fontaine Hyppocrène.

A.D. MICHEL, L'ancienne Auvergne et le Velay

Le pré de la guerre

Celui-ci est situé à la sortie du village, à gauche en allant vers Saint-Hippolyte. Il porte son nom depuis une fameuse bataille entre le seigneur d'Apchon et celui de Mauriac. Il était, à partir de ce jour, disait-on, habité par le démon.

Or, le soir de Noël 1544, Guillaume Dumont, trompette du roi, qui s'était illustré à la bataille de Cérisole, arriva au village. Pour montrer sa bravoure, mais surtout pour répondre au souhait de la plus belle dentellière d'Apchon, il promit d'aller planter la quenouille de la mère Beynac au milieu du Pré de la Guerre sur le coup de minuit afin de provoquer le démon.

Il partit. Quelques instants après, on entendit le son de la trompette, puis plus rien... On attendit en vain le retour de Guillaume. A l'aube, quatre soldats des plus intrépides se rendirent sur les lieux. Ils le trouvèrent couché, inanimé, la face contre terre.

Guillaume fut transporté chez le barbier du village qui lui pratiqua une saignée. Au bout de quelques jours, quand la fièvre disparut, il décrivit les scènes apocalyptiques qu'il avait vues : pendant des heures, il avait été entouré de démons hideux aux couleurs étranges. Armés de glaives, ils étaient montés sur des dragons ailés et des salamandres, et se pourfendaient. A l'aurore, tout avait disparu et il était tombé épuisé.

Le 25 décembre 1545, Guillaume Dumont n'était plus trompette du roi : pour se repentir, il allait revêtir l'habit religieux à l'abbaye de Feniers.

Source inconnue

Le pré de la guerre (bis)

Entraînée par la bouillante ardeur du valeureux Montluc, une foule de jeunes seigneurs et de gentilshomme ; quittaient la cour de François Ier pour voler en Piémont se ranger sous

11 la bannière du duc d'Enghien. En tète de leur rang marchait un trompette du roi, Guillaume Dumont. né à Apchon, un beau jeune homme, ma foi, brave comme son épée, joyeux compagnon, hardi, quelque peu téméraire, et que plus d'une jolie dentellière de son bourg natal accompagnait, en secret, de ses vœux de retour. Soutenu par cette foule de braves, le duc d'Enghien gagna la célèbre bataille de Cérisoles, et, parmi les prodiges de valeur qui signalèrent cette mémorable journée, le trompette du roi fut surtout remarqué. Déjà les Impériaux se débandaient de toutes parts, déjà les trompettes sonnaient bataille gagnée, lorsqu'une balle perdue vint frapper en pleine poitrine l'intrépide Dumont; on le relève, et d'Enghien, qui, lui aussi, avait vaillamment payé de sa personne et avait remarqué les brillants faits d'armes du jeune trompette, ordonne qu'il soit transporté sous sa tente et le recommande lui-même aux soins de son premier chirurgien, Thomas Rey, homme d'expérience et d'un grand savoir. L'extraction de la balle eut lieu après une opération douloureuse ; cependant l'homme de science ne perdit pas espoir; en effet, quelques jours après, Dumont, grâce à sa bonne constitution, put entrer en convalescence, et, sur ces entrefaites, la paix ayant été conclue, il sollicita et obtint un congé.

Or, le 24 décembre 1541, veille de la grande fête de Noël, il n'était bruit dans tout le bourg d'Apchon que de l'arrivée du brave Guillaume Dumont, le trompette du roi, qui s'était si noblement conduit à la bataille de Cérisoles. Sa bonne et vieille mère avait versé de bien douces larmes en l'embrassant; chacun s'empressait de le féliciter sur son heureux retour et sur sa guérison, et plus d'une jeune fille, en lui souhaitant la bienvenue, essuyait, du coin de son tablier, une larme furtive, larme aussi bien d'attendrissement que de joie.

La veillée fut nombreuse ce soir-là chez la mère Dumont pour entendre le récit des campagnes de Guillaume; parmi les plus empressées à s'y rendre, il faut citer trois jeunes dentellières, l'espiègle Mamourette, la brune Toinon et la timide Françonnette aux yeux bleus.

— Je parie, disait Mamourette a ses deux compagnes, je parie une aune de cette dentelle que je destine à mon bonuet de noces, que Guillaume, tout brave qu'il est, n'irait pas, sur le coup de minuit, planter la quenouille de la mère Beynac au milieu du Pré-de-la-Guerre, qui n'est qu'à trois cents pas d'ici.

— Je tiens le pari, dit Toinon, et, d'avance, tu n'as qu'à me donner l'enjeu, car le beau trompette n'est pas un poltron comme ces deux habitants de Cheylade, qui, passant la veille des Trépassés sur le Pré-de-la-Guerre, à onze heures du soir, furent saisis d'une telle frayeur en entendant le sabbat que les démons y faisaient, qu'ils rentrèrent ici à demi-morts de peur.

— Il est quelquefois imprudent, fit observer Françonnette, d'aller provoquer sur leurs domaines les démons et les sorcières, car nous savons que le Pré-de-la-Guerre leur appartient et qu'ils aiment à s'y réunir pour prendre leurs ébats ; aussi, sans mettre en doute le courage de Guillaume, à sa place je n'irais pas.

La veillée tirait à sa fin et déjà le sacristain de la paroisse avait sonné le premier coup de la messe de minuit, lorsque la brune Toinon, qui tenait à gagner son pari, s'adressent à Guillaume :

— Gentil trompette du roi, lui dit-elle, vous plairait-il ouïr ma supplique? Et alors elle lui raconta le défi de la jeune Mamour. Dumont accueillit, avec un sourire de bienveillance,

12 le récit de la jeune fille, et pour lui prouver qu'elle n'avait pas en vain compté sur sa bravoure :

— Qu'il soit fait comme vous l'avez désiré, ma belle enfant; mais à une condition, c'est que Françonnette gagnera pareillement une aune de cette dentelle si gentement ouvrée.

— Soit, dit Mamourette.

La mère Beynac prêta sa quenouille; Guillaume la prit, ainsi que sa trompette, et il se dirigea vers le Pré-de-la-Guerre. Après quelques instants on entendit le sou d'une fanfare guerrière, puis tout rentra dans le silence, moins le vent qui continuait de grincer aux portes, et la raffole de pluie mêlée de neige qui fouettait, plus furieuse, les ais mal joints des volets extérieurs.

On attendit bien longtemps le retour du trompette; car personne, à cette heure, n'eût osé s'aventurer jusqu'au Pré-de-la-Guerre ; quatre des plus intrépides s'y rendirent, pourtant quand le jour eut paru, et là ils trouvèrent l'infortuné Guillaume couché la face contre terre et ne donnant plus signe de vie; ils le transportèrent chez lui, et le barbier du lieu, appelé en grande hâte, pratiqua une saignée qui eut les plus heureux résultats. Le malade reprit connaissance; mais, nu tremblement convulsif qui l'agitait et à ses yeux bagards, on devinait assez quelles avaient été ses terreurs de la nuit. Pendant huit jours, il fut en proie au délire de la fièvre; enfin les symptômes alarmants cessèrent) et, plus calme, il put raconter ce qui lui était arrivé.

« A peine eus-je planté la quenouille sur le pré fatal, que j'entonnai sur ma » trompette une fanfare des plus bruyantes et des plus belliqueuses; aussitôt, des quatre points cardinaux, je vis s'abattre sur le Pré-de-la-Guerre, et prendre » position sur la redoute qui en forme l'enceinte, une nuée de démons aux couileurs étranges, montés les uns sur des boucs aux cornes lumineuses, d'autres sur des salamandres aux proportions difformes. Les chefs chevauchaient sur des dragons ailés et rangeaient en bataille leurs légions infernales. Sur l'ordre de l'un d'eux je dus emboucher la trompette et sonner la charge; quoique soufflant M à perdre haleine, mon oreille ne percevait aucun son. Alors commença un de ces fantastiques combats, dont nous, pauvres humains, ne saurions nous » faire une idée. Je voyais des démons pourfendus jusqu'à la ceinture par des 0 glaives flamboyants maniés avec une rapidité étonnante, recommencer le combat après que les parties séparées par le glaive s'étaient réunies d'elles-mêmes; d'autres allaient ramasser à dix pas , qui un bras, qui une jambe, qui sa » tète, que des coups incessants, et comme les démons seuls savent en porter, » détachaient à chaque instant de ces corps hideux... Et cela dura ainsi jus» qu'aux premiers rayons de l'aurore. Tout disparut alors, et je tombai épuisé au lieu où l'on m'a recueilli. »

Le 23 décembre 154-5 les cloches de l'abbaye de Feniers annonçaient une prise d'habit; c'était le trompette du roi, Guillaume Dumont, qui, relevé de .ton service, et après une année passée dans la pénitence et la prière, allait revêtir l'habit religieux ; il avait été vaillant soldat, il fut un serviteur de Dieu , zélé, pieux et repentant.

Jean-Babtiste DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique du département du Cantal

13 Une version longue de la légende du « pré de la guerre » est proposée par Ludovic SOUBRIER dans Légendes d'Auvergne.

La légende du « mal hiverné »

Le comtour Amblard Ier, surnommé « le mal hiverné », ce qui indique son caractère irascible, violent et de mauvaise foi, viola un jour (vers l'an 1000) une nonne qu'il avait enlevée et enfermée dans son château de Hauteclair avant de la mettre à mort. Ce château, désormais appelé Nonette, fut confisqué et donné par le roi à l'un des parents du comtour que celui-ci assassina bientôt par vengeance. Il demanda ensuite son pardon à l'évêque de Clermont qui refusa de l'absoudre. Amblard alla donc à Rome trouver Sylvestre II, le pape lui accorda l'absolution à condition qu'il soumette ses terres au Saint-Siège et qu'il donne celle d'indiciat à Saint Odilon, abbé de Cluny, pour y fonder un monastère qui devint Saint-Flour. C'est à cette occasion que lui furent imposées, en expiation, des armoiries où figurent une croix, une hache, une nonne, des pièces de monnaie, le tout rappelant son crime.

Jean-Baptiste DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique du département du Cantal

Le blason. La croix évoque la pénitence et le pardon. Les pièces ou besants d'or représentent les sacrifices financiers auxquels il fut obligé. La hache rappèle l'instrument du crime et la nonne en habit fait allusion à la victime.

Rapiassou est mort

Il s'appelait Firmin Chappe. Mais si à Apchon, où il résidait, on l'avait surnommé « Rapiassou », c'est parce qu'il avait la spécialité d'aller de maison en maison pour l'entretien des ruches et surtout pour l'extraction du miel, opération que l'on désigne en occitan par le verbe « rapier ».

A l'époque déjà fort ancienne dont je vous parle, chacun avait deux ou trois ruches, jamais beaucoup plus. Mais il s'agissait de ruches à l'antique, c'est-à-dire de paniers de paille et d'osier protégés des intempéries par une « capeline » de paille retenue par un cercle de fer. Ces ruches étaient placées au fond des jardins. On les considérait un peu comme des porte-bonheur dans les familles. On se demande même si certaines propriétaires ne les considéraient pas comme des membres de la maisonnée puisqu'ils déposaient sur leur capuchon un brin de buis au jour des Rameaux et leur faisaient porter le deuil en cas de décès.

Aux approches de l'été, en période orageuse, ces ruches produisaient généralement un essaim que la plupart abandonnaient à son sort, lui laissant le soin de trouver lui-même un gîte dans le trou d'un vieux mur ou le creux d'un arbre. Certains cependant faisaient « charivari », pour le faire poser sur des branchages proches et les capter ensuite. Ce charivari obtenu en frappant sur de vieilles casseroles ressemblait à celui que l'on faisait

14 lorsque les veufs se remariaient. Mais dans le cas présent il s'agissait, paraît-il, d'imiter les grondements du tonnerre ! Puis lorsque la ruche-mère avait produit une nouvelle reine et que celle-ci avait été fécondée, lors du vol nuptial, la colonie se mettait à travailler énergiquement pour constituer les provisions d'hiver. Sauf après un été trop sec ou trop pluvieux, celles-ci n'étaient pas entièrement consommées en période hivernale. Alors, dès les premiers jours de printemps, lorsque le soleil reprenait de la force,, que les primevères faisaient leur apparition et que les fleurs de pissenlits inondaient les prairies d'immenses nappes jaunes ressemblant à des champs de colza, les propriétaires de ruches se préoccupaient d'avoir leur part du trésors des habitantes ailées de leur jardin.

Mais voilà, ne s'improvise pas qui veut apiculteur, les abeilles ayant le secret de défendre farouchement leurs possessions ! Alors tout un chacun fait appel au seul spécialiste de la région : Firmin dit « Rapiassou ».

C'était un célibataire quadragénaire, de taille plutôt médiocre, mais bien planté sur ses pieds, et les épaules carrées avec un visage légèrement prognathe et une abondante chevelure noire geai. Il arrivait un peu avant midi par journée assez douce et autant que possible ensoleillée. Il avait revêtu une blouse bleue par-dessus son vêtement de velours. Il avait noué des mouchoirs aux poignets et au bas des pantalons pour empêcher les abeilles de grimper le long de son corps et de piquer, le contact des vêtements leur apportant la sensation d'être prisonnières. Sur la tête, essentiellement pour protéger les yeux, il avait un masque fait d'une cloche à fromage à treillage métallique et d'une toile grise dont il glissait les extrémités sous sa blouse. Il avait à la main un soufflet dans lequel il avait placé au préalable une touffe de fin enflammée. Cela donnait une épaisse fumée qui avait la propriété d'engourdir les abeilles. Il lançait prestement quelques volutes dans la ruche par le trou d'envol, et, lorsqu'il entendait le bruissement caractéristique, il enlevait calmement le cercle de fer et la chape de paille. Il décollait ensuite le panier renversé sur un socle de bois, au moyen d'un robuste levier. Avec d'infinies précautions, il faisait culbuter le panier qu'il déposait sur un trépied. Il avait alors vue sur la base des rayons de miel. Une foule d'abeilles voltigeaient autour de lui mais sans la moindre agressivité, gavées qu'elles étaient de miel, grâce à la vertu de l'enfumoir. Il faut dire aussi qu'en ces journées annonciatrices des grandes miellées, es abeilles étaient naturellement douces. Aussi Firmin, comme la plupart des apiculteurs chevronnés, mettait-il son point d'honneur à travailler à mains nues.

Il avait mis à proximité de lui une grande soupière pour y déposer les brèches recueillies au moyen d'un grand couteau à pointe recourbée. Il prenait soin de ne pas enfoncer cet instrument dans le centre du panier où se trouvait la reine et le précieux couvain. Il découpait également quelques rayons vides mais tellement noirs qu'il les jugeait nocifs à la colonie.

Lorsqu'il avait terminé sa récolte, Firmin remettait le panier sur son socle, le coiffait de la chappe de paille et n'avait garde d'oublier le cercle de fer. Puis il passait à la ruche suivante.

Lorsqu'il avait terminé la récolte, l'apiculteur allait porter au pied de quelque arbre fruitier ses instruments et la précieuse soupière. Puis dans l'ombre propice du pommier ou du cerisier, il secouait les quelques abeilles endormies sur sa blouse, il enlevait son masque et s'essuyait le front. Ayant également ôté sa blouse, il se rendait à la maison du propriétaire des ruches, portant triomphalement la soupière pleine. Son contenu

15 constituerait le dessert du prochain repas et le mets de résistance de bien des « quatre heures » des enfants. Mais il est évident que la maîtresse de maison mettrait de côté quelques rayons pour combattre les maux de gorge de l'hiver suivant, le miel étant mélangé aux infusion de feuilles de ronces séchées.

La scène qui suivait, alors, est tout fait typique de la politesse auvergnate. La maîtresse de maison :

– Firmin, vous mangerez bien la soupe avec nous. – Oh ! Voyez-vous, je ne voudrais pas vous déranger. – Vous savez bien que vous ne dérangez jamais, vous êtes un voisin et un ami. Et puis, quoi, aujourd'hui, vous avez travaillé pour nous ! – Alors si c'est ainsi, j'accepte.

Il n'était pas question de payer Firmin en espèces pour ses travaux de « rapiaïre », c'eut été contraire à toutes les traditions apicoles de l'époque ! On n'aurait pas envisagé non plus de lui donner une brèche de miel ; il avait un rucher relativement important. A son départ, la maîtresse de maison lui remettait un morceau de fromage du Cantal ou bien un « présent », c'est-à-dire quelques saucisses ou une pièce de viande de porc à rôtir. Firmin se contentait de peu et vivait modestement. Il habitait avec un oncle, « vieux garçon » comme lui et ancien combattant de la guerre 1914-1918, au cours de laquelle ayant été grièvement blessé, il était substantiellement pensionné. Firmin s'occupait de son rucher et cultivait le jardin potager. Au printemps, il était souvent appelé pour aller bêcher celui de quelques voisins, il en aidait d'autres pour la fenaison ou, à l'automne, pour le ramassage des pommes de terre. La plupart du temps il était payé en produits du sol.

Un dompteur chevronné qui, pendant des années, a fait sans le moindre accident son numéro de cirque, peut, un jour, être victime de la folie inexplicable d'un fauve. Depuis des lustres, Firmin avait été un « dompteur de mouches à miel » heureux. Or, ce jour-là, il « rapiait » chez Rodde. Surtout n'allez pas vous aviser de dire que vous connaissez cette famille Rodde ! Les Rodde sont aussi nombreux à Apchon que les Rigal à Albepierre et prétendent n'avoir aucune parenté entre eux ! Sous l'Ancien Régime, ces Rodde étaient des trompettes du roi fort réputés.

Donc Firmin était dans le rucher d'un des nombreux Rodde d'Apchon quand, soudain, les abeilles devinrent comme folles. Avait-il, par mégarde, fait un geste brusque qui les avaient excitées ? Le vent avait-il subitement tourné au nord ? On ne sait. Toujours est-il que l'infortuné Firmin reçut de multiples piqûres sur les mains et même au visage, les bords de la « voilette » étant mal enfoncés sous la blouse.

Chose inouïe, Firmin, devant capituler, quitta précipitamment le rucher et chercha refuge dans une porcherie voisine. En effet, l'odeur du purin de porc est insupportable aux abeilles. Lorsque ses poursuivantes ailées se furent enfuies ou furent tombées mortes à ses pieds – une abeille qui a fait usage de son dard trouve rapidement la mort –, Firmin partit chez Rodde pour demander de l'alcali, son visage étant tuméfié.

Madame Rodde fit asseoir l'apiculteur dans un fauteuil et courut à son placard-pharmacie. Elle rapporta un flacon et imbiba du produit un morceau de ouate et frictionna le visage de Firmin.

16 – J'espère que je ne vous fais pas mal ? Questionna-t-elle.

Mais aucune réponse ne vint. Firmin avait les yeux fermés et ne bougeait plus.

La maîtresse de maison, émotive et impulsive, se précipita dehors et se mit à crier sur la place principale d'Apchon :

– Rapiassou vient de mourir !... Rapiassou vient de mourir !

Une personne eut l'idée de téléphoner à Riom-ès-Montagnes pour demander à un médecin de monter d'urgence.

Lorsque le praticien arriva, il constata que le pouls de l'apiculteur était normal et que celui- ci était tombé dans un profond sommeil. Ayant fait sa petite enquête sur le déroulement des événements, il demanda à voir le flacon dont Madame Rodde avait fait usage. Aussitôt, il partit dans un grand éclat de rire. La brave femme, dans sa précipitation et son affolement, avait utilisé un flacon d'éther au lieu d'un flacon d'alcali !

Jean-Marie ANDRAL

Le Maître-doreur d'Apchon

Maître Verdier reçut en 1722 une somme considérable afin de terminer la dorure du retable de l'église d'Apchon. Pour se donner du cœur à l'ouvrage, le doreur but un verre, puis deux, et ne cessa de boire que pour constater qu'il avait tout gaspillé.

Le Diable proposa alors de lui donner tout l'or dont il aurait besoin, en échange de son âme. Marché conclu ! Des semaines durant, le maître doreur s'attela à la tâche, jusqu'à ce que le jour du terrible échange arrive ; jour de la bénédiction du retable.

Verdier montra donc son œuvre au Diable, disant qu'il lui manquait de l'or pour la queue du chien de Saint- Roch. Ainsi, l'œuvre étant inachevée, le marché de tenait plus...

Le Diable furieux quitta les lieux et, frappant le sol du talon, fit s'effondrer le mur extérieur de l'église en une ouverture béante.

Louis FUZET, Le Maître-doreur d'Apchon, légende d'Auvergne

17 Le spectre du Pont d'Apchon

Un récit oral affirme que naguère, un fantôme hantait le site du Pont d'Apchon. Ce spectre, muni d'une imposante hache, aurait fait des siennes...

D'après Jean-Pierre JOURNIAC

18 Les "cagadrinlhes"

Les habitants de Cheylade portaient le surnom de « cagadrinlhes », ce qui veut dire en français « chieurs d'alises ». L'alisier s'appelle « drilher », son bois très dur sert à faire des cannes et des manches d'outils. Ils devaient ce sobriquet à Léger, le saint patron de leur paroisse, dont un buste de chêne habitait l'église. On l'y voyait assis dans cathèdre, une main tenant la croix, l'autre tenant l'évangile. On l'implorait spécialement pour qu'il fit venir Cheylade la pluie ou le soleil, suivant les besoins.

La veille de sa fête, le 2 octobre, les femmes avaient coutume de venir déposer au pied de son image des nourritures variées : fromages, beurre, saucisses. Elles se doutaient bien que ces cadeaux étaient consommés par le curé, homme de chair, plutôt que par un homme des bois, mais qui leur servait d'interprète. Une année cependant qu'il n'avait pas envoyé la pluie comme il aurait du, elles décidèrent de le priver de nourriture.

Et que se passa-t-il ?

Le lendemain, le saint avait disparu. Voilà tout le monde partit à sa recherche. On finit par le retrouver au Bois-Grand, sous un alisier, une grappe d'alises dans la bouche, de ces fruits qui ressemblent à des cerises, en plus dur, dont les oiseaux sont friands. On le rapporta dans son église où il voulut bien recommencer ses miracles.

Voilà comment les habitants de Cheylade furent considérés comme des mangeurs d'alises.

Jean ANGLADE, Les Puysatiers Les Revenants

“Lou Zar”2 était vacher au Sartre, à la ferme du château. C'était un bon vacher : il n'avait pas son pareil pour soigner le bétail, pour traire... Mais il se disait aussi qu'il avait partie liée avec le diable et tous le craignaient. Quand Lou Zar avait dit quelque chose, personne 2 Lou Zar : le coq

19 ne pouvait dire le contraire parce qu'on n'osait pas. Et c'est ce qui s'est passé un certain jour.

Lou Zar avait un ami, un véritable ami, sans doute un célibataire comme lui, peut-être un autre vacher. Cet homme, un jour, mourut. Il avait des héritiers qui bien sûr “amassèrent” l'héritage. L'ami de Lou Zar fut enterré sans trop de cérémonie. Certainememt pas tout à fait un enterrement de première classe. Et surtout, ils oublièrent de faire le repas du mort. Quand il y avait un enterrement, il fallait faire un repas, parce qu'en ce temps-là, “le monde” venait de loin, de , de , de Condat, de partout avec les voitures à chevaux et l'enterrement étant terminé, il n'était pas question de les laisser repartir le ventre vide : il fallait faire un repas. Cela ne s'est pas passé ainsi. Mais il y a des usages auxquels il ne faut pas manquer, ce conte va le prouver.

Les héritiers de l'ami de Lou Zar prirent possession de sa maison qui était fort convenable. A quelques temps de là, ils vinrent trouver Lou Zar qui vit tout de suite qu'ils avaient un sérieux problème ; ils avaient des mines disant qu'ils n'étaient pas bien tranquilles, qu'ils n'étaient pas heureux, qu'ils n'étaient pas contents. Ils venaient demander conseil à Lou Zar, homme averti, que les gens consultaient souvent.

– Ah ! Nous venons te trouver parce que nous sommes très malheureux, nous avons quelque chose qui ne va pas. – Et qu'y a-t-il qui ne va pas ? – Eh bien, la maison du tonton... Quasiment chaque soir, à fin de veillée, au moment de dormir, il y a quelqu'un qui revient de bien loin et qui fait charivari en haut. Et toutes les nuits, il crie, il hurle... Nous sommes venus te consulter. – Dites-moi plus, leur dit Lou Zar. – Nous entendons des bruits de chaînes dans la grange et même dans les chambres, les portes claquent, on entend du monde qui gémit et qui pleure... Peut-être toi tu nous diras quelque chose... Ce que nous pouvons faire ? – Eh bien, vous allez faire ce que vais vous dire, répondit Lou Zar, d'un air très entendu. Quand le soir recommencera un tel charivari, il faudra ouvrir la porte du bas de l'escalier et crier bien fort : “Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?”

Ainsi ils firent. A l'heure habituelle, le soir tard, le charivari recommença : on traînait des chaînes, les portes se fermaient ou s'ouvraient, des gémissements épouvantables s'entendaient à l'étage : c'était un charivari terrible !

– Quoi qu'y a-t-il ? Que voulez-vous ? firent les héritiers. – Eh ! C'est bien moi Alphonse qui vous ai tout donné et qui ne trouverai jamais de repos par votre faute. Vous êtes la honte du pays, peut-être, celle du monde. Vous m'avez enterré sans inviter mes amis, sans faire le repas d'enterrement. Ils sont repartis comme ça, le vendre vide, “ce brave monde”, qui était venu m'honorer et me pleurer. Et vous autres, vous avez eu de l'argent, vous avez eu ma maison et puis vous avez osé faire cela ! Vous êtes des “rien du tout”, vous êtes la honte du monde. – Qu'est-ce qu'il nous faut faire ? demandèrent les héritiers en tremblant. – Mon ami Lou Zar vous le dira.

Bien sûr, les héritiers revinrent rapporter à Lou Zar la conversation.

20 – Quand nous avons ouvert, c'est Alphonse qui nous a parlé : il est revenu de l'autre monde, tout ce qui nous arrive, c'est parce que nous n'avons pas fait le repas mortuaire et que nous devions venir te demander conseil.

Lou Zar prit son air entendu :

– Sûr, c'est grave, c'est très grave. – Mais qu'est-ce qu'il faut faire ? – Eh bien, il faut essayer de réparer cela, pardi ! Peut-être ça se passera. – Mais que pouvons-nous faire ? – Il faut voir les amis de votre oncle, tous ceux qui étaient à l'enterrement, les voisins et faire une bonne fête dans une bonne auberge et inviter tout ce monde, comme on fait un jour de “bouade”. Avez-vous assez d'argent pour payer ? – Oh oui, dirent-ils, il nous a laissé assez d'argent.

Lou Zar continua :

– L'Alphonse vous a dit : si vous avez besoin de renseignement, demandez-les à Lou Zar, il vous dira ce qu'il faut faire, c'est lui qui doit diriger tout cela.

Ainsi il fut fait et bien fait. Lou Zar guida toute l'organisation sans s'oublier lui-même. Et, par ma foi, quand toute cette cérémonie fut faite, que tout le monde eut bien bu et bien mangé, qu'il furent partis contents, le chagrin du mort fut fini parce que les revenants ne revinrent plus. Les héritiers purent passer de bonnes veillées. Lou Zar aussi était très content de la réussite de ce bon tour, content peut-être aussi d'arrêter là ses sorties nocturnes de revenant.

Alexandre AUDRAUD, Paysan et Maître d'école, Mémoire d'un Pays au pied du Puy Mary Saint Léger et le Drac

Par une magnifique journée d'été, Saint Léger demanda à Saint Pierre de vouloir bien lui ouvrir les portes du Paradis, afin qu'il pût aller revoir la plaine de la Bragousse où il était venu s'abriter, pendant quelques temps, des mauvais traitements que lui infligeait Ebroïn, son rival lorsqu'il était sur terre. Il vécut là de fraises, de framboises, de myrtilles et de cèpes, qui poussent encore aujourd'hui à profusion dans ce site, le plus enchanteur de la vallée.

Mais le Drac veillait et se promettait bien d'empêcher Saint Léger de regagner le Paradis : la veille du jour où le Saint devait se rendre à la Bragouse, il se présenta à la même heure aux deux plus jolies filles de la vallée, Toinette de la Maurinie et Catinou du Caire, et tint ce langage à chacune d'elles : « Je suis un riche et puissant seigneur anglais venu pour prier sur la tombe de mon compatriote qui se trouve, comme vous le savez, au suc de Cézens en haut de la vallée de Chamalières. Je dois y être demain dans l'après-midi. Mais, comme les jeunes filles de ce pays me plaisent énormément, j'ai décidé d'épouser l'une d'elles à laquelle je donnerai la moitié de mes immenses

21 domaines, bien plus grands que toute votre vallée. Comme vous êtes la plus belle que j'ai rencontrée sur mon chemin, si ma proposition vous est agréable, trouvez- vous demain à deux heures dans la plaine de la Bragouze, à cinquante toises du bois, sur le bord du ruisseau. ».

Les deux filles furent fidèles au rendez-vous. La première qui arriva fut Toinette de la Maurinie. A l'endroit indiqué, elle vit un bon vieux à longs cheveux et à grande barbe blanche souillée de jus de framboise et de myrtilles. Elle s'approcha de lui et lui demanda : « Avez-vous vu un beau jeune homme à l'œil ardent et aux manières élégantes ? ». « Je n'ai vu personne », répondit le vieillard. Toinette allait s'éloigner lorsqu'arriva Catinou du Caire qui, croyant se trouver en présence du père et de la fille, leur demande : « Avez-vous vu passer un jeune homme à l'œil ardent et aux manières élégantes ? ». A cette question, qui était la même que celle qu'elle avait posée, Toinette se sentit défaillir et eut toutes les peines du monde à demander quelques explications à sa rivale.

Ayant assisté à leur conversation, le vieillard leur dit : « Mes pauvres enfants, puisque ce beau jeune homme a parlé à toutes deux à la même heure, à vous Toinette, à la Maurinie et à vous Catinou, à trois lieues de là, au Caire, il ne peut s'agir que de ce que vous appelez le Drac et qui n'est autre que le Diable. »

À ces mots, les jeunes filles tressaillirent de frayeur. « N'ayez pas peur ainsi », reprit le bon vieux, « je suis Saint Léger et je vous protégerai. Tenez, voici deux belles tiges d'églantiers bien fleuries dans le haut, mais encore mieux fournies de longues épines. Prenez-en une chacune et vous vous en servirez comme du fléau avec lequel vous battez le blé, pour fouailler le jeune homme qui s'est ainsi moqué de vous, lorsqu'il se présentera ».

À cet instant même, il arriva et s'exclama, avec un rire si bruyant que le Puy Mary en fut ébranlé : « Eh bien ! Léger, je te trouve en galante compagnie et, désormais, tu auras bien du mal à rentrer au Paradis. ». « Et moi, je te garantis que tu auras plus de mal à éviter la correction que vont t'administrer ces jeunes filles dont tu t'es moqué », répondit le Saint. « Tu sais bien qui je suis », dit le Drac, « il n'est pas au pouvoir des humains de me châtier, je vais disparaître ». « Pour une fois », rétorqua Saint Léger, « tu t'es trompé et tu vas immédiatement avoir la certitude qu'il n'est pas de roses sans épines ». Il fit alors signe à Toinette et Catinou, leur indiquant que le moment était venu d'utiliser leurs églantiers. Alors les jeunes filles, à la même cadence que si elles battaient une gerbe de blé, fessèrent avec l'ardeur que vous devinez le Drac qui, à chaque coup, sautait comme un chevreau tant les épines le piquaient.

Le Drac eut beau crier « Pitié ! Pitié », ce traitement ne cessa que lorsque les jeunes filles furent fatigués de manœuvrer leur fléau. A ce moment-là seulement, Saint Léger dit au Drac : « Maintenant, tu peux t'éclipser ». C'est ce qu'il fit, non toutefois sans avoir juré qu'il ne reviendrait plus dans un pays où les filles fouettaient les garçons. De fait, depuis lors, on ne l'a plus revu et les habitants de Cheylade, pour remercier Saint Léger de les en avoir débarrassés, l'ont pris pour patron, après avoir obtenu pour promesse que désormais, les filles « n'escoudraient3 » plus les garçons !

Syndicat d'initiative de Cheylade, Guide de la vallée de Cheylade

3 Éscoudre : battre le blé en fléau

22 La Tritone, l'orpheline et la fée

Il y avait un veuf qui avait une fille, Mélanie. Il se remaria avec une veuve qui, elle aussi, avait une fille surnommée la Tritone. Le veuf, à peine remarié, vint à mourir. Il fallut donc que sa fille vive avec sa marâtre qui ne pouvait pas la sentir. La Tritone faisait la demoiselle à la maison, tandis que l'orpheline passait son temps à garder les vaches ; encore fallait-il qu'elle file toute la journée avec, pour toute nourriture, un peu de pain noir.

Un jour, conduisant son troupeau à la Champ, la bergère rencontra une pauvre petite vieille, toute courbé, toute ridée, qui lui demanda humblement l'aumône. Les mauvais jours n'avaient pas changé Mélanie qui avait gardé son gai sourire et son bon cœur.

– Tenez, ma bonne grand'mère, je n'ai que ce morceau de pain, le voici. J'ai déjà déjeuné avant de partir et je peux bien m'en passer. La bonne fille ne disait pas la vérité. C'est tout ce qu'elle avait comme pitance pour passer la journée, mais elle préférait jeûner, plutôt que de voir souffrir une femme âgée et misérable. La petite vieille, après avoir mangé le pain, lui donna une baguette de noisetier en lui disant :

– Mon enfant, tu es bien pauvre et tu sais te priver pour de plus pauvres que toi. Le Bon Dieu aime les âmes charitables ; avec cette baguette tu n'auras qu'à toucher une vache en prononçant ces mots : « Par la volonté de Dieu, donne-moi du pain et de la viande. » Puis tu planteras ta quenouille dans le trou d'un taupier.

Et la pauvresse – qui, vous le devinez, était une fée – disparut comme une fumée au soleil. Arrivée au pacage, Mélanie fit point par point ce que lui avait recommandé la Fade. Aussitôt, elle eut devant elle une table servie d'un bon dîner, pendant que sa quenouille se filait toute seule.

Cela dura ainsi plusieurs mois. Bien nourrie et ne travaillant guère, la jeune bergère avait mis de fraîches couleurs et embellissait tous les jours, à tel point que la Tritone devenait jalouse d'elle. La marâtre, furieuse et de doutant de quelque chose, parla de tout cela à sa fille qui se chargea de surveiller Mélanie. La Tritone passa la journée du lendemain dans le pacage, cachée derrière un mur. Cette mauvaise fille voyait et entendait assez clair pour qu'elle ait vite appris tout ce qui se passait. Le même soir, en pleurant de rage, elle raconta tout à sa mère.

– Console-toi, ma fille, tout cela est facile à arranger. Nous laisserons Mélanie à la maison avec un morceau de pain sec, et toi, tu iras garder.

En cours de route, la fille rencontra aussi la petite vieille de plus en plus chétive et misérable, qui lui tendit la main.

– La charité, s'il vous plaît, ma bonne enfant.

– Sortez-vous de là, cria méchamment la Tritone, des mendiants de votre espèce, on devrait débarrasser le pays et les mettre en prison.

23 La Fade, car c'était elle, lui tendit une baguette et se retira sans répondre. La Tritone, s'apercevant de la maladresse qu'elle avait commise, voulut rattraper la mendiante. Trop tard ! Elle avait disparu.

– Enfin, se dit la fille, il n'y a pas de raison qu'avec cette baguette et en faisant comme Mélanie je n'obtienne pas comme elle toute ce que je veux.

Mais elle eut beau faire, réciter la prière et le reste, rien ne vint. La quenouille resta plantée sans bouger. Elle rentra le soir, rouge de colère, le ventre creux et avec toute sa laine à filer.

Tout finit par se savoir dans les villages. Mélanie, toujours douce et charitable, vit sa réputation grandir. La vache lui apporta alors des pièces d'or, tandis que la Tritone méchante et mal élevée obtint de la bouse.

Marcel JUILLARD, Contes du pays d'Artense

La légende de Pradines

En 1510 existait, au château de Pradines, près de Cheylade, un baron qui avait deux enfants : un fils mousquetaire, aimant le plaisir et la dépense, d'un caractère dur et impérieux, et une fille pleine de grâces, de vertus, aimée et estimée de tous dans le pays, comme son père.

Marguerite avait le cœur tendre : elle avait voué toutes ses affections au chevalier de , jeune homme accompli ; mais le défaut de fortune de part et d'autre faisait ajourner leur union.

Le Roi de était bon ; l'intendant de la province avait recommandé à sa générosité le couple infortuné. Sur sa demande, le roi venait de doter Marguerite sur sa cassette et déjà les apprêts de noces étaient terminés ; mais tout à coup Georges, frère de la future, arrive à Pradines, demande une entrevue particulière à son père et lui confie que pressé par ses créanciers, il a trafiqué de la main de sa sœur avec son voisin, le baron de Peyrelade. Il ajoute que si ce traité n'est pas accepté, il va se suicider.

Le baron de Pradines refuse de consentir au malheur de sa fille ; Georges s'emporte jusqu'à le menacer, et ce malheureux père, frappé d'une émotion trop forte, succombe à une attaque. Cependant, toujours bonne, toujours sensible, Marguerite s'immole pour sauver son frère ; elle accorde sa main au baron de Peyrelade.

Peu d'années s'écoulent, Peyrelade meurt et Marguerite, redevenue libre, sent renaître en elle ses premières affections. Mais le chevalier de Fontanges a disparu depuis l'époque du mariage. On craint qu'il n'ait pu supporter sa douleur.

André Raynal, curé de Saint-Saturnin, intervient entre le frère et la sœur, les réconcilie. Un sacrifice est encore demandé à Marguerite pour dégager le manoir paternel, il faut qu'elle renonce à de nouveaux liens ; elle a désespéré de la vie de celui qu'elle aimait ; elle fait une promesse téméraire.

24 Peu de temps après, on porte au château un militaire revêtu d'un costume étranger ; il est blessé par suite d'une chute de cheval ; il est sans connaissance. Georges et Marguerite on reconnu le chevalier de Fontanges. L'impression causée par cette rencontre jette Marguerite dans un profond abattement ; ses sentiments pour le chevalier se sont ranimés ; mais un serment la retient et son frère refuse de l'en dégager. Le curé de Saint-Saturnin la délire de ce serment. Fontanges, alors, après quelques hésitations fondées sur l'ancien abandon de Marguerite, se déclare, et l'on prend jour pour leur union.

Cependant, il faut que le chevalier parte ; des affaires importantes l'exigent. Au jour marqué, toute la noblesse des environs se réunit ; mais le baron de Pradines et Fontanges sont absents.

Le curé de Saint-Saturnin arrive ; une vive émotion est répandue sur sa figure ; on aperçoit des taches de sang sur sa soutane.

En ce moment, on porte au château le corps de Georges, nouveau baron de Pradines. Une balle a percé sa poitrine ; un assassinat a eu lieu. On interroge le curé. Il déclare qu'il connaît le meurtrier, il a reçu sa confession et aucune loi humaine ne peut le forcer à la révéler.

Le trouble témoigné par lui, les traces de sang remarquée sur son habit, son absence du presbytère à l'heure de la perpétration du crime, absence qui a été constatée par le sacristain, lèvent toutes les incertitudes : le curé est le coupable ; il est arrêté, jugé et condamné à être roué.

Le jour de l'exécution a paru ; la foule curieuse, compacte, se presse autour de l'échafaud. Un prêtre va être supplicié ! Quelle bonne fortune pour les esprits forts du pays ! Quelques secondes encore et le supplice commencé va toucher à sa fin. Tout à coup, un mouvement s'opère dans la foule ; un cri déchirant se fait entendre ; on s'écrie de toutes parts : « Arrêtez ! Arrêtez ! Voici le meurtrier ; c'est celui qui a tué le baron de Pradines. »

Le chevalier de Fontanges se précipite ; il est auprès du patient.

L'exécution fut naturellement suspendue ; le meurtrier était connu ; il avouait son crime ; on le conduisait en prison ; son procès fut instruit et se termina par une condamnation à mort. Quant à la foule, ses sentiments de fureur contre le curé s'étaient transformés en admiration. La victime du dévouement au secret de la confession avait été rapportée chez elle en triomphe ; elle y fut comblée de bénédiction. Il reste maintenant à connaître quelque acte intermédiaire de ce drame, et à dire quel en fut le dénouement.

Le chevalier de Fontanges fut condamné à mort et la foule attendait avec impatience le nouveau spectacle promis à son horrible avidité. Or, voici ce qu'était devenu Fontanges depuis son premier départ.

Après le mariage de Marguerite et de Peyrelade, le cœur brisé, la tête brulante, il résolut de quitter le pays. La nuit le surprit errant au milieu des neiges, dans les gorges de la montagne, en proie à une fièvre délirante ; il s'était égaré, et la nécessité l'avait forcé à demander un asile dans une modeste habitation voisine de Thiézac. Les maîtres du logis appartenant à la classe moyenne, l'accueillirent avec bienveillance.

25 Le lendemain, une maladie inflammatoire l'empêcha de continuer son voyage. Sa vue fut en danger, et il ne dut sa guérison qu'aux soins touchants de ses hôtes, et surtout de leur fille, chez laquelle il s'était déclaré un sentiment plus tendre que celui de la pitié.

Touché de ses soins, reconnaissant de toute sa tendresse, le chevalier consentit à l'épouser secrètement. Mais cette épouse n'était point Marguerite, Marguerite régnait toujours en souveraine dans son cœur. Sa jeune femme était d'une santé chancelante ; il vit bien que l'indifférence qu'il lui montrait augmentait ses maux.

Pour échapper à une situation si pleine d'inquiétudes antérieures, Fontanges prit la résolution de passer à l'étranger, d'y revêtir l'habit militaire et de trouver dans une mort glorieuse la fin de ses souffrances. Après quelques années d'absence et de nobles services, les souvenirs d'Auvergne revinrent à son cœur. En se rendant, à l'habitation de sa nouvelle famille, il passait par la vallée de Cheylade. Mille sentiments divers l'absorbaient lorsque son cheval, mal guidé, effleure le bord du chemin ; le terrain manque sous ses pieds ; cheval et cavalier roulent ensemble au fond d'un précipice et dans sa chute Fontanges et grièvement blessé ; c'est dans cet état qu'on le rapporte au château de Pradines.

Dès que sa guérison lui permit de voyager, Fontanges se remit en route pour Thiézac. Sur son chemin, il rencontra le curé qui lui apprit que sa femme venait de succomber à l'affection de poitrine qui la dévorait, et qu'elle avait fait en sa faveur un testament dont il était dépositaire ; mais qu'une personne se disant envoyée par lui venait de le réclamer, et qu'il le lui avait remis, le croyant encore hors d'état de voyager à cause de ses blessures ; il lui avait aussi confié son acte de mariage.

Le chevalier, après s'être informé de la direction qu'avait prise le ravisseur, se mit à sa poursuite ; il le rejoint à l'entrée de la nuit et reconnut le baron de Pradines. Le chevalier, plein de colère, exigea la restitution des actives qu'il venait de soustraire. Georges de Pradines s'y refusa ; il voulait rendre public le mariage de celui à qui sa sœur avait donné sa foi, il accabla même de sarcasmes son futur beau-frère. Fontanges alors proposa au baron un combat à outrance ; nouveau refus ; Georges voulut s'éloigner, mais le chevalier avait saisi la bride de son cheval pour le forcer à se battre. Son adversaire, toujours violent, le frappa au fouet au visage. Devenu furieux, la tête égarée, par un mouvement en quelque sorte machinal, le chevalier pressa la détente du pistolet qu'il tenait à la main. Le coup partit, le baron chancela et tomba mort.

Alors Fontanges s'empara des actes qu'il avait sur lui et déchira son contrat de mariage. Revenu à lui, les remords pénétrèrent son cœur ; il courut avouer son crime au curé de Saint-Saturnin et implora le pardon du ciel. Quoique les aveux du chevalier fussent de nature à intéresser tout le monde en sa faveur, la justice avait dû se montrer sévère ; le crime était patent et avoué. Le jour fatal arrivait.

La veille dans la prison se passèrent des scènes déchirantes. Marguerite éplorée, jugeant que la condamnation de Fontanges acquittait ses devoirs de sœur, voulut qu'au moins il mourut, son époux.

S'il faut en croire les mémoires du temps, le mariage se préparait pendant qu'on dressait l'échafaud. Les deux contractants auraient ardemment désiré recevoir une bénédiction nuptiale solennelle du bon curé de Saint-Saturnin ; mais aussitôt après s'être remis des

26 douleurs que lui avait causées le commencement de son supplice ; il avait disparu ; personne ne savait quelle direction il avait prise. Un autre prêtre avait donc été demandé lorsque, tout à coup, on vit paraître l'abbé Raynal. Celui-ci apportait la grâce du chevalier que le roi lui avait accordée en dédommagement d'une torture subie aussi injustement et aussi héroïquement que la sienne.

Il est impossible d'exprimer la reconnaissance des deux époux, Marguerite retrouvait plus que la vie ; elle voyait refleurir le bonheur, Fontanges, néanmoins, quoique au comble de ses vœux, resta longtemps livré à une profonde mélancolie. Quant au bon curé Raynal, il les quitta peu de temps après avoir béni leur union. Il se retira dans un monastère de la Trappe.

Syndicat d'initiative de Cheylade, Guide de la vallée de Cheylade

Le Drac transformé en cheval

Dans la vallée de Cheylade, un marquis fut invité à déjeuner par un seigneur des environs. Après le plantureux repas, le marquis prit congé de son hôte, et s'en fut vers sa demeure La tête lourde et les jambes un peu flageolantes, il regretta d'être venu à pied, et sans domestique pour le soutenir dans sa marche. Et puis, à un moment donné, levant les veux le noble aperçut un cheval noir qui semblait l’y attendre, un cheval, la selle sur le dos et la bride au cou. Mieux encore, ce cheval semblait de son écurie ! Sans hésitation, le marquis s'en approcha, grimpa sur son dos. Le cheval, obéissant, se mit en marche d'un pas paisible. Tout alla bien jusqu'au gué de la rivière, la Rhue. Le cheval s'y engagea, puis brusquement, obliqua sur la droite, sans se soucier d'aborder la berge. Le marquis eut beau tirer la bride, jouer de la botte à défaut d'éperon, crier, hurler, rien n'y fit. Bientôt l'eau lui atteignit la taille, le ventre... Alors, le cheval disparut, et le noble faillit se noyer dans la rivière avant de pouvoir atteindre la rive, jurant et crachant. Inutile de préciser, je pense, qu'un drac s'était fait cheval ce jour-là pour s'amuser un brin.

Site du collège Jean Rostand, Moutiers-Rarentaine (73)

Le Drac transformé en cheval (bis)

Un certain jour d'été, le marquis d'Eybex avait été convié à déjeuner chez le seigneur de Cheylade. En ce temps-là, les repas étaient toujours plantureux. Celui qu'offrit ce jour-là le seigneur de Cheylade à son invité le fut tout particulièrement, tant et si bien que pour s'en retourner chez lui, le marquis d'Eybex regretta vivement d'être venu à pied afin d'admirer plus pleinement la beauté du paysage alors dans toute sa splendeur. Mais ses regrets ne furent pas de longue durée. A peine prenait-il la côte de la Maladie qu'il vit arriver dans un trot impressionnant son magnifique cheval noir bridé et sellé qui ressemblait à s'y méprendre à son cheval favori. Il n'eut plus le moindre doute quand arrivé à lui le cheval s'arrêta et hennit de joie en reconnaissant son maître. Celui-ci pensa qu'un de ses serviteurs avait eu la bonne idée de lui conduire son cheval qui lui avait échappé en cours de route. Il n'hésita donc pas et se mit en selle. Le pont sur lequel on franchit la Rhue aujourd'hui n'existait pas alors. On traversait la rivière à gué. Lorsqu'il fut au milieu de la

27 rivière, le cheval tourna brusquement à droite et malgré tous les efforts du marquis qui passait cependant pour le meilleur écuyer de la région, il poursuivit sa course rapide dans l'eau jusqu'au premier tournant où la rivière était très profonde. Là, il disparut subitement et son cavalier se trouva dans l'eau jusqu'au cou. Inutile d'ajouter qu'il se dépêcha d'en sortir sans attendre d'être remis de sa surprise. Mais celle-ci fut encore plus grande lorsque, revenu chez lui, il vit son cheval noir pacager tranquillement avec les autres et que ses gens lui affirmèrent qu'il n'avait pas quitté le pré de l'après-midi. “Maudit Drac”, dit- il, “je me vengerai !”

Adolphe CHALVET DE ROCHEMONTEIX, Guide de la vallée de Cheylade

Le Drac transformé en cochon

On l'appelait l'Ermite parce qu'il vivait seul au Tras Viel, sur le plateau de la Font-Sainte, dans l'une des rares maisons subsistant alors du camp que les Anglais y avaient établi lorsqu'il allaient faire le siège du château d'Apchon. Ce bon vieux paysan était allé à Cheylade demander au tueur de cochons de venir saigner le sien le lendemain. Il s'en retournait tranquillement chez lui lorsqu'entre Sélins et le Tras Viel, il trouva son cochon en train de manger de la faîne, particulièrement abondante cette année-là dans le bois Donet. Il fut assez surpris de le rencontrer à cet endroit relativement éloigné de sa loge, et aidé de sa canne, il se mit en devoir de l'y ramener. Mais au bout de cinquante pas, le cochon quitta le sentier qu'ils suivaient tous les deux pour se hisser sur un petit monticule le longeant, où il s'allongea tout essoufflé. Son propriétaire eut beau le frapper de sa canne, impossible d'en obtenir autre chose que des grognements comme jamais compagnon de Saint-Antoine n'en avait poussé. On les entendit dans toute la vallée, depuis Chamalières jusqu'au château d'Apchon, alors dans toute sa splendeur. Les gens sortirent sur le pas de leurs portes pour chercher à se rendre compte d'où venait ce bruit qu'ils n'avaient jamais entendu. Le ciel était tout bleu, ce ne pouvait être le roulement du tonnerre. Ils en conclurent que ce devait être des grondements souterrain précurseurs de quelque tremblement de terre et furent saisis d'une grande frayeur. Mais le temps s'écoulait, le crépuscule allait s'incliner devant le nuit, ce que voyant, l'Ermite craignant de perdre son cochon dans les bois fit appel à toutes ses forces et le chargea sur ses épaules. Le pauvre diable faillit succomber sous le faix. Lorsqu'il arriva devant la porte de la loge, il n'était que temps. Mais quelle ne fut sa stupéfaction en ouvrant la porte de voir son cochon tranquillement allongé sur sa litière, tandis que celui qu'il portait s'éclipsait non sans lui avoir dit narquoisement : “ Brave ermite, je te remercie de m'avoir évité les fatigues de la montée ! “. Inutile de vous dire que c'était le Drac que l'Ermite avait ainsi transporté.

Syndicat d'initiative de Cheylade, Guide de la vallée de Cheylade

Le cabrettaïre et le loup

Un musicien venant de Dienne où il avait joué un bal, traversait le plateau du Limon. Il fut suivi par un loup. Sachant que les loups avaient peur de la musique, il entra dans le grenier d'un buron et une fois le loup à l'intérieur, il ferma la porte en la poussant du pied.

28 Puis il se mit à jouer de la cabrette. Le loup en l'entendant eut une peur terrible, une telle peur qu'il se tapait la tête sur tous les murs du buron si bien qu'à la fin il s'assomma et notre musicien reprit la route vers Cheylade.

Propos recueillis par Claudie LOUBEYRE auprès de son grand-père

Une version théâtralisée de ce conte a été rédigée par le Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes en 1983, dans un livret baptisé « Au bord des puys ; contes, légendes, dictons, recettes de cuisine locale du pays de Riom-ès-Montagnes ».

Diable pris qui croyait prendre !

De la neige, ce jour-là, il en était tombé comme jamais. On aurait dit qu'une grande mer blanche avait noyé la vallée de Cheylade. On voyait au loin la tour noire du château d'Apchon, pareille à la proue d'un navire fantôme arrêté dans les glaces.

Antonin était resté dans sa forge à regarder tristement le feu mort. Il est vrai que neige ou pas, il y a longtemps qu'il n'avait plus d'ouvrage et qu'on n'entendait plus dans son atelier chanter la braise et sonner le fer. Au village, tout le monde aimait Antonin ; il était pauvre mais simple et généreux comme sont souvent les plus pauvres. On l'appelait Bonne Misère. D'ailleurs, il n'avait pas honte de sa misère. Son chagrin, c'était de voir des enfants maigres et pâles chercher au fond du bol un peu de soupe noire.

C'est à eux qu'il songeait une fois encore, ce jour-là, dans son atelier froid, lorsqu'il lui sembla entendre dehors, troublant le grand silence immobile de la vallée, le bruit d'un attelage. Il vit à travers la fenêtre trois buses qui tournaient dans le ciel vide.

On frappa à la porte. Un homme entra. Un étranger, grand et sec, richement vêtu de moire et d'or. Il fixait Antonin sans mot dire, avec un drôle de sourire. Le diable, oui, c'était le diable qui n'aime rien tant que le malheur : à vrai dire, c'était son métier.

– Bonjour à toi, Bonne Misère, dit-il enfin. Allons, j'ai pitié de toi. Si tu le veux, tu auras de l'ouvrage, beaucoup d'ouvrage, plus que tes bras n'en pourront supporter.

Il se tut un instant puis souffla dans un sourire :

– Donne-moi seulement ton âme.

“Bah, pensa le brave Antonin, que vaut mon âme de toute façon si je laisse mes enfants mourir près de moi ?”. Mais s'il était bon, Antonin n'était pas sot. Puisqu'il fallait finir aux forges du diable, que ce soit le plus tard possible !

– Combien de temps me donnes-tu, diable ? – Hum... Dix bonnes années d'abondance et de richesse, dix ! – Non, c'est trop peu. Je veux voir mes enfants grandis. – Je t'aime bien, Bonne Misère, reprit le diable – mais une ombre noire passa dans

29 ses yeux noirs qui disait tout le contraire. Quinze ans, je te donne quinze ans de richesse et d'abondance, quinze ! – Vingt, répliqua Antonin. Vingt, c'est vingt. Ou je garde mon âme et ma misère. – Va pour vingt, soupira le diable. Signe seulement ici...

Et Antonin signa le papier que le diable lui tendait. Ah, voyez-vous, le méchant tient bien ses promesses quand elles font son affaire. A partir de ce jour, la forge de Bonne Misère devint la plus recherchée du Sancy au Puy Mary. On y battait le fer hiver comme été jusqu'au cœur de la nuit. Antonin embaucha des ouvriers et ses enfants, bons apprentis, surent bientôt tenir le soufflet et manier les pinces. Il eût été le plus heureux des hommes s'il n'avait pas dû son bonheur à ce marché conclu un vilain soir d'hiver. En tout cas, la richesse n'avait pas changé son caractère. Antonin gardait le cœur aussi doux que ses bras étaient vaillants.

Un jour, on frappa à sa porte. C'était un voyageur, un vieillard vêtu de peu, fatigué du chemin mais aux manières aimables et dont le visage semblait toujours rire sous sa grande barbe légère comme une neige de Noël. Il demandait qu'on ferrât sa mule. Bonne Misère s'empressa, moins soucieux d'être payé de sa tâche que de rendre service au vieil homme. Il savait ce qu'était la pauvreté et il refusa l'argent qu'on voulait lui donner.

– Allons, dit le voyageur, tu es un brave homme. Je te paierai d'autre façon. Fais deux souhaits et je les exaucerai. – Eh bien, dit Antonin en riant, je n'ai besoin de rien. Faites seulement que celui qui montera dans mon cerisier n'en puisse descendre sans ma permission et que, sans ma permission, nul qui s'assiéra dans mon fauteuil ne puisse en sortir ! – Fort bien, dit le voyageur, il sera fait à ta volonté.

Et le voilà reparti sur sa mule, riant étrangement dans sa barbe blanche.

Et Bonne Misère reprit son labeur. Et le temps passa comme il sait faire : trop vite. Le diable ne manque pas ses rendez-vous, hélas ! Au jour dit, le méchant drôle était à la forge, attendant Antonin.

– Vingt, c'est vingt, murmura le diable à l'oreille du forgeron. Je viens te chercher. – Cochon qui s'en dédit, répliqua Antonin. Je finis seulement la roue du meunier et je suis à toi. Va donc goûter de mes cerises en attendant.

Tous les péchés sont bons pour un diable et il est gourmand pour deux. Aussi, celui-ci ne se fit pas prier et le voilà aussitôt dans les plus hautes branches à gâter son bel habit. Il y resta jusqu'au soir, quand Antonin l'appela.

– Allons, diable, je suis prêt.

Mais il eut beau, le bougre, se démener comme un beau diable qu'il était, pas moyen de quitter sa branche.

– Allons, diable, donnant donnant ! Vingt ans encore et tu descendras de mon arbre.

30 Pour le coup, il n'y eut pas de marchandage : le diable sans doute avait affaire ailleurs. Il donna les vingt ans et s'en fut demander son reste.

Ces vingt ans-là furent bien employés. Bonne Misère vieillissait content : ses fils faisaient merveille à la forge et lui, enfin, jouissait d'un repos grandement mérité. Il regardait les montagnes verdir et reblanchir, et ne se lassait pas de suivre à pas tranquilles le chemin des belettes et hautes gentianes.

Aussi, quand le diable qui a bonne mémoire revint le chercher, Antonin n'était pas plus pressé qu'au premier jour de quitter sa vallée.

– Cette fois-ci, dit le diable sans sourire, pas de retard. Je t'emmène. – Cochon qui s'en dédit, répliqua Antonin. Je finis seulement de tremper la hache du bûcheron et je suis à toi. Va donc te reposer un peu dans mon fauteuil en attendant.

Si tous les péchés sont bons pour un diable, celui-ci était justement le plus paresseux des diables. Sitôt assis, sitôt endormi, rêvant aux âmes qu'il avait volées aux pauvres gens.

Au soir, Antonin vint le réveiller :

– Allons, diable, je suis prêt, cria-t-il.

Il ne voulait pas d'un tel compagnon pour la veillée et il était temps d'en finir.

Remue, remue donc ! Notre diable ne pouvait se défaire du fauteuil, et allez courir le monde les fesses accommodées de la sorte ! Il comprit qu'il ne viendrait pas à bout du forgeron et admit qu'ils étaient quittes tous deux. Le papier signé brûla dans le feu du cantou et le diable ne remit pas de longtemps les pieds en Auvergne. Ou, s'il y revint, il n'y fit plus son marché...

Jean-Pierre SIMEON, Contes et légendes d'Auvergne

Le fantôme du Caire

Au village du Caire, il y avait un couple de personnes âgées. Un jour, au cœur de l'été, il se passa un fait peu courant. L'orage menaçait. Le couple se dépêcha alors d'aller ramasser le linge et, aussitôt fait, prit la route des champs dans le but de mettre le blé en gerbe, avant que la pluie ne tombe et fasse des ravages.

Le soir, alors que le couple était tranquillement en train de moissonner, au clair de lune, un homme apparut soudain, habillé d'un drap. Il était descendu par la montagne, les bras très écartés.

Toute tremblante, la vieille dame s'écria : – C'est la bonne vierge de la Cheveyre4 qui va voir celle de la Font Sainte !

4 Commune de Valcivières, Puy-de-Dôme

31 Cette histoire est véridique et ce sont les gens du village du Caire qui avaient eu l'idée de faire cette farce, pour effrayer ces deux personnes. Objectif atteint puisque, pour surmonter leur peur, le couple avait rapidement rejoint le foyer afin de prier.

Recueilli auprès de Marcelle JOURNIAC et de son fils Jean-Pierre

Le sens de l'accueil

Un soir, à l'occasion d'une veillée qui se tenait dans une maison de Pierrebesse, il se produisit quelque chose de bizarre. Au bout de quelques minutes, le repas déjà bien engagé, les invités se rendirent compte que la fumée ne sortait pas. Effectivement, les yeux commençaient à piquer et la fumée prenait à la gorge. Naturellement, les invités eurent le réflexe de regarder à travers la cheminée, afin de vérifier qu'elle n'était pas fermée ou obstruée, mais tout était normal. Il y avait même un magnifique clair de lune en cette soirée d'hiver. Quelle était donc la cause de ce dérangement inhabituel ? Un méfait du drac, ou alors, tout simplement, la prévision d'une météo mauvaise ? Rien de tout ça ! En vérité, quelques personnes – maniant l'ironie à merveille, avaient installé une plaque de verre à la pointe de la cheminée. Ainsi, celle-ci se retrouvait fermée et la fumée ne pouvait être évacuée. Mais à l'œil nu, on la croyait ouverte !

Recueilli auprès de Marcelle JOURNIAC et de son fils Jean-Pierre

La noce au poulacre

C'était un matin de juin merveilleux. La vallée de Cheylade était inondée de soleil et le Puy-Mary semblait à portée de la main, tant l'air était limpide. Mathilde Rodde épousait Antoine Begon. C'était un grand mariage, car il n'y avait pas moins de cinquante vaches laitières dans l'étable des Rodde. Le futur mari était moins riche, mais c'était un beau garçon qui acceptait d'entrer pour gendre à la ferme de la Buge et de prendre, petit à petit, la succession du père Rodde. Celui-ci, en effet, commençait à sentir le poids des ans et des rhumatismes, et n'avait pas de fils.

À dix heures, toute le monde était endimanché, à la Buge, pour escorter la mariée à la mairie et à l'église. Avant de partir, la maîtresse de maison avait donné les dernières consignes à Hortense Roche, cuisinière de profession, arrivée dès l'aurore. Les deux servantes de la ferme avaient depuis longtemps allumé, non seulement le feu de l'âtre, mais encore celui de la cuisinière de fonte, ce qui n'arrivait que dans les très grandes circonstances. Aidées de Flavie, la petite « vachère », elles avaient disposé de grands draps de lut pour masquer la laideur des murs de la remise où devait avoir lieu le repas de noces. Elles avaient piqué des brins de gui ou de petit bouquets de coquelicots et de bleuets sur ces draps. Elles avaient dressé de grandes tables, les avaient recouvertes de belles nappes blanches. Avec d'infinies précautions, elles avaient mis en place la vaisselle de porcelaine, les verres à pied en cristal et les couverts d'argent. Puis, les femmes étaient parties plumer et vider de splendides coqs élevés au grain.

32 Pendant ce temps-là, Hortense suspendait la grande marmite au « crumal » au-dessus d'un bon feu de hêtre pour la cuisson d'une superbe tête de veau. Elle confectionnait de délicieuses sauces vinaigrette et piquait des têtes d'ail dans un énorme gigot de mouton et le bardait de lard. De temps en temps, elle abandonnait son travail pour aller activer le feu de l'âtre, comme celui de la cuisinière où se doraient de grandes tartes aux pruneaux. Mais tout cela lui donnait soif. Aussi se rendait-elle de temps en temps dans la souillarde, où l'on avait disposé de nombreuses bouteilles de vin vieux de Bordeaux et de Bourgogne, avec leur capsule de cire rouge ou jaune. Elle avait ouvert une bouteille de vin blanc et s'en servait de généreuses rasades.

Toute personne connaissant bien Hortense, aurait été surprise de la voir agir de la sorte, car, habituellement, elle ne buvait que de l'eau. Que se passait-il donc ? C'était une célibataire d'une cinquantaine d'années, habitant avec son frère et sa sœur, célibataires comme elle, la maison familiale dans le bourg de Cheylade. Sa sœur Maria était couturière, mais sans atelier, se déplaçant, au gré des demandes, de maison en maison, pour ravauder le vieux linge ou les vieux vêtements, ou même parfois, faire du neuf, grâce aux coupons de tissu achetés par ses employeurs aux « marchands de toiles » ambulants. Le deux sœurs étaient grandes et minces et ressemblaient à des dames de compagnie anglais. Quelle que fut la saison, elles portaient de lourdes robes de drap noir, descendant aux talons et fortement serrées à la ceinture, analogues à la soutane de leur curé dont elles étaient, d'ailleurs, de fidèles paroissiennes. Elles avaient une chevelure grise, toujours coiffée avec la stricte méticulosité héritée du couvent. Leur frère Guillaume était mi-artisan, mi-tâcheron. Pendant l'hiver, il allait de ferme en ferme pour égorger les porcs et les mettre au saloir, couper le bois de chauffage ou dégager, à la pelle, la neige des chemins vicinaux. Pendant la belle saison, tour à tour, il bêchait les jardins, aidait les fermiers à rentrer leur récoltes, ou faisait le métier qu'il affectionnait entre tous, celui de « rapieur ». C'est-à-dire que, revêtu, d'une grosse blouse paysanne dont les manches étaient fortement serrées aux poignets par de la ficelle, le visage protégé d'un masque confectionné à partir d'une cloche à fromage en fin grillage métallique, il récoltait le miel des riches qui, à l'époque, était invariablement en paille et placées, par trois ou autre, au fond des jardins potagers.

Bien qu'habitant sous le même toit, Hortense, Maria et Guillaume vivaient en régime à peu près permanent de guerre froide. Ordinairement, les deux sœurs étaient fâchées entre elles et communiquaient par l'intermédiaire du frère. Mais il arrivait aussi que les deux sœurs s'accordassent pour mettre le frère en quarantaine ; ce qui arrivait, en particulier, chaque fois qu'il rentrait ivre à la maison, c'est à dire deux à trois fois par mois. Maria était parfois aussi mise en quarantaine par les deux autres. Mais cela n'arrivait jamais à Hortense, en sa qualité d'aînée. Et pourtant, au moment du mariage de Mathilde Rodde, Hortense était bel et bien dans cette situation. C'était probablement la première fois. Elle vit sans doute en cela un mauvais présage et, fortement contrariée, décida de noyer son chagrin dans le vin.

Lorsque le cortège fut parti pour la mairie et pour l'église, elle n'était déjà plus dans son état normal. Elle avait cependant assez de lucidité pour ne pas vouloir garder de témoins autour d'elle et chassa-t-elle sans ménagement ses trois auxiliaires de cuisine en les invitants à partir aux jardin faire des bouquets pour l'ornementation des tables. Hortense disposa alors une seconde marmite à demie remplie d'eau sur l'âtre, et elle jeta pêle-mêle dans les deux récipients les poulets, les gigots, les pommes de terre, les carottes et même les haricots flageolets ! Alors, elle fit un feu d'enfer, à grand renfort du tisonnier et du

33 « buffo-fio ». Puis comme toutes ces opérations lui avaient donné soif, elle alla à nouveau à la souillarde.

Passé midi, le cortège nuptial revint du bourg, précédé de Jules, le charron, qui jouait du violon. Tout le monde était d'excellente humeur, à la perspective de faire un plantureux repas. Sans même prendre le temps d'enlever son chapeau, la maîtresse de maison entra dans la cuisine. Une âcre odeur de brûlé lui donna le pressentiment qu'une catastrophe s'était produite. Effectivement, les trois servantes étaient toujours absentes et Hortense, affalée sur le « canton », chantait, en véritable automate :

« Fillettes de quinze ans Qui avez des amants Ne les aimez pas tant ! »

La patronne ouvrir la porte du four de la cuisinière : les tartes étaient entièrement carbonisées et responsables de l'odeur âcre régnant dans la cuisine. Elle alla soulever le couvercle des marmites : toutes les bonnes victuailles avaient été transformées en un magma indescriptible qu'il fallut verser dans le « badignon » où l'on conservait la nourriture des porcs, qui profitèrent ainsi du festin nuptial de Mathilde Rodde ! La fermière comprit qu'il n'eût servi à rien de sermonner la malheureuse Hortense. Elle demanda donc à son mari de faire atteler le cabriolet et de reconduire discrètement la cuisinière chez elle. Puis, avec une parfaite maîtrise de soi, elle fit placer tout le monde à table et, très simplement, leur raconta tout. Et comme elle avait coutume d'agir lorsque les visiteurs arrivaient en grand nombre à la ferme et absolument à l'improviste, et qu'il fallait leur donner à manger, elle alla prendre dans la grande armoire-épicerie de grosses boîtes de sardines qu'elle fit ouvrir et disposer sur des plats avec des garnitures de beurre frais. Elle retira de la cave d'énormes pains de « poulacre », c'est à dire de pâté à base de foie de mouton, fort prisé dans la vallée. Elle puisa également dans sa réserve de « sarriçou » qui est une sorte de fromage blanc auvergnat. Le tout fut arrosé de force bouteilles de vin vieux. Et, ma fois, chacun fit à mauvaise fortune bonne figure, et la gaîté fut bien loin d'être absente de cet étrange repas de noces.

Lorsqu'ils furent rassasiés, la fermière engagea ses invités à aller se dégourdir les jambes, en dansant des bourrées et des valses jouées par Jules et son violon, dans la grange absolument vide de foin en cette période de l'année. Quant à elle, elle partir prestement changer de vêtements. Elle s'entoura de ses employées et leur donna des ordres précis. Une heure après, les deux servantes et la « vachère » plumaient des pigeons et des canards, épluchaient des légumes, tandis que la patronne s'affairait autour de l'âtre, ou battait en neige des blancs d'œufs.

Il y eut ce soir là, à la Buge, un repas si fin et si copieux que les invités qui avaient pourtant « mangé bien des noces » trouvèrent celle-ci supérieure à toutes les autres... Et dans le pays, on se mit à parler de la « noce au poulacre ».

J.M. ANDRAL

34 Anticipation (le réveil du volcan)

Mais qu'est-ce qui se passe donc, cette nuit, à Cheylade ?

Les gens courent affolés et hurlants dans les rues, à demi vêtus, des femmes blêmes de peur, traînent des enfants qui pleurent, des vieux, hagards, suivent clopin-clopant. Des hommes chassent devant eux des bestiaux. Tous se sauvent vers les montagnes. Une panique indescriptible. Et l'on entend depuis un moment de formidables détonations suivies d'éclairs fulgurants. Le sol tremble, les maisons vacillent dans un vacarme assourdissant. Il tombe une épaisse pluie de cendres chaudes, qui recouvre déjà la terre d'une couche grise de dix centimètres. Voici que, du côté du Peuch, on aperçoit d'immenses gerbes de flammes et des colonnes de fumée hautes de plusieurs centaines de mètres dont le panache s'élargit sans cesse et voile peu à peu tout le ciel.

Que se passe-t-il ? Serait-ce le réveil des volcans ?

Mais oui ! C'est tout simplement ce volcaneau du Peuch qui vient d'exploser. Sachez qu'un savant fort distingué, M. Pierre Marty, très compétent, je vous l'assure, affirme que ce mamelon du Peuch est ce qui reste d'un petit volcan autonome et Alfred Duraud, un érudit lui aussi (bien connu à Cheylade puisqu'il a épousé la fille de mon vieil ami Pons, si populaire dans la vallée), l'affirme également. Il écrit : “ce monticule, M. Pierre Marty l'a identifié comme un petit volcan autonome. Il devait former une sorte de verrou barrant la vallée en amont de Pradines” (Revue de géographie).

Plus de doute !

Le jour paraît. L'éruption s'apaise. Ce qu'on voit maintenant est proprement stupéfiant ! Le hameau du Peuch a disparu. Sur son emplacement s'élève un immense cône faut de 200 mètres, tout ruisselant de matières en fusion. Un flot de scories et de lave pâteuse et brûlante en descend lentement. Il s'est écroulé toute la nuit dans le sens de la plus grande pente de sorte que, délaissant les maisons du bourg, – heureusement – il a envahi et comblé la gorge où la rivière a creusé son lit. Le pont de Pradines est enseveli. Il s'est constitué en amont une épaisse muraille de matériaux volcaniques qui barre la vallée comme une digue, une digue large de cent mètres à la base et de 60 au sommet, haute de plus de 50 mètres et qui relie maintenant le versant du Peuch à celui de Rochemonteix.

À ses pieds l'eau de la rivière commence à s'accumuler dans les prés de Guittard, du Chambon, de Bulit. D'heure en heure son niveau s'élève. Un lac, peu à peu, se forme et s'étend. Quelques jours suffisent pour que l'eau parvienne au niveau de la digue et se déverse vers Pradines en une cascade de 50 mètres de haut. Mais à ce moment elle remplis tout le fond de la vallée jusqu'aux cascades et elle affleure les premières maisons

35 du bourg. La mienne s'ouvre de plein pied sur le lac. Noyés, mon cher François Guittard, ta ferme et ton chalet, noyée la maison Lemmet. Rigaudière, noyée aussi ta grange, mon cher cousin Bulit (pas de chance avec tes granges : l'une brûlée, l'autre noyée !), noyée aussi la ferme du Chambon et tous les prés de la vallée jusqu'aux cascades. Mon cher Pagès, votre château d'Escorolles a de l'eau jusqu'au ventre.

Toute la population contemple, atterrée, la catastrophe et se lamente. Malédiction !

Mais la presse, avec des titres sensationnels, a signalé le séisme au Monde entier et la Radio universelle en a saturé ses ondes, grandes, moyennes et couvertes pendant huit jours ! Et voilà que de toutes parts, en auto, en autobus, en autocar, en camionnette, en torpédo, en cycle-car, en side-car, en taxi, en tandem, en moto, en bicyclette, en landau, en calèche, en break, en coupé, en cabriolet, en tape-cul, en carrosse, en diligence, en malle-poste, en omnibus, en cab, en fiacre, en berline, en coche, en victoria, en char-à- bancs, en coucou, en patache et à cheval bien entendu, et plus encore à pied et même en avion (on atterit sur le Limon), arrivent, en rangs serrés, nuit et jour, des milliers et des milliers de visiteurs, de touristes, de journalistes, d'excursionnistes, d'ascensionnistes, d'alpinistes, d'explorateurs, de voyageurs, de campeurs, de vacanciers, de congépayés, de loisirdirigés, de scouts, de sportifs, de globe-trotteurs, de photograpes, de cinéastes, de géologues, d'archéologues, d'hydrologues, de paléotonlogues, de géographes, de naturalistes, de savants, d'académiciens, d'écrivains, etc, etc... Il en vient des quatre coins du monde. On ne sait où les loger. On se dispute les chambres à prix d'or. Toutes les maisons de la vallée sont prises d'assaut et louent leurs lits à des prix exorbitants, des granges même. Mme Danty et Mme Serre et leurs cuisinières en perdent la tête.

Et cette foule perpétuellement renouvelée s'extasie sur l'incroyable phénomène qui a fait surgir de la butte du Peuch cette monstrueuse cheminée haute de deux cents mètres qui, en une nuit, a pu clore la vallée par ses vomissements et sur l'impressionnante beauté du site qui en est résultée.

Ah ! Ce lac miraculeux de 3 km sur 1000 m, dans un cirque de montagnes dont l'horizon capricieux ondule si gracieusement, qui en dira toute la splendeur ? Si calme est sa surface, si pure est son onde qu'on disait un miroir de cristal. Tout ce qui, dans la belle vallée, dépasse son niveau, s'y reflète avec une visible complaisance. Voici le Puy Mary et tout son cortège de sucs, la Tourte, Pierrarche, le Christ, etc. Chacun a son correspondant sous l'eau, mais la tête en bas. Ligne par ligne, trait par trait, l'horizon tout entier y a son exacte réplique mais inversée. La calotte du ciel y devient une vasque d'azur où, le jour, s'épanouit un second soleil et, la nuit, une seconde lune au sein d'un second infini peuplé d'astres innombrables. Les deux cascades voient surgir des profondeurs deux sœurs qui montent à leur rencontre. Cheylade a maintenant deux églises. L'une dans les airs, l'autre sous l'onde, deux écoles juxtaposées par leurs bases. Ma maison natale s'avise tout à coup qu'un sœur jumelle adhère à ses pieds. En face, le Puy du Vernet, la Montagnoune, la Roche de Rochemonteix, et plus loin, le Château d'Apchon, semblent avoir exécuté, sans disparaître, un plongeon dans l'abîme. Et lorsqu'on se tourne vers le nord, on demeure stupéfait devant ce déconcertant cône tout ruisselant de lave noire qui, tel une fantastique cheminée, lance jusqu'au zénith un panache de flammes et de fumées ardentes, tandis que dans les insondables profondeurs du lac, un autre volcan tout pareil projette avec fracas des déjections jusqu'aux enfers.

36 Vision prestigieuse, féérique, enchanteresse qui allie le charme le plus exquis à la plus imposante grandeur. Mais la lave s'étant solidifiée et refroidie sur les flancs du cône, on a pu escalader celui-ci et explorer le cratère. Spectacle inoubliable ! Brusquement, devant nous, le sol disparaît, un gouffre sans fond s'ouvre à vos pieds, un à-pic de 2 ou 300 mètres, une sorte de puits monstrueux sont la margelle à 1000 m de tour.

D'innombrables fumerolles, des vapeurs de soufre, montent de cet abîme. Et, tout en bas, à la lueur de la lave incandescente, on discerne d'incessants bouillonnements, des jets de bombes, de flammes... Et tout cela s'accompagne d'explosions formidables, de grondements sourds, qui se répercutent, terrifiants, dans d'obscures cavernes, et l'on perçoit une trépidation, un frémissement continu du sol. Vision d'épouvante, vision d'horreur que la TSF, les cinémas, les journaux, les revues, à grands renforts de photos et de films, fit propager à toute la planète.

Et les visiteurs affluent, innombrables, vers notre vallée de Cheylade devenue une grande vedette de tous les continents. Et c'est maintenant que la catastrophe prend un tout autre aspect, c'est maintenant que ses victimes vont devenir un objet d'envie. Car ce lac merveilleux et ce volcan ressuscité leur appartiennent ! Et il est le seul, parce qu'autonome, le seul de tous les volcans d'Auvergne à avoir fait ce coup de tête ! Les autres continuent à ronfler comme des bienheureux. Et il est, à vrai dire, impossible de dénombrer toutes les perspectives de profit et de fortune qui s'ouvrent devant les chanceux habitants de notre vallée !

Pierre BESSON, « Anticipation », essai non-édité Document communiqué par M. et Mme ANDRAUD

37 La grotte des fées

La grotte de la Bade, située sur le versant est du suc de Rome, porte également le nom de grotte des Fées. « Lou Cuzi di li Fados », comme on l'appelait familièrement, fut habitée, d'après la tradition orale et comme son nom l'indique, par des fées. On dit également que Saint Martin, évangélisateur de la Gaule et patron de , y Collandres séjourna. Des fouilles menées dans les années 1980 ont également permis de prouver que cette cavité a livré des occupations relatives au gallo-romain. Plusieurs vestiges y ont d'ailleurs été retrouvés (monnaies, statuettes, céramique, etc).

Le village ruiné de l'Oùpilhèiro

Si, au départ de Valette, le promeneur remonte la haute vallée de la Sumène et gravit la rude pente de la croupe boisée dominant le village de Peyre-Grosse, il débouche soudain sur la planèze volcanique. Un immense plateau herbeux s'étend vers le sud, jusqu'au « Puech Redoun », que les cartographes ont baptisé le Suc de Rond.

Après avoir marché plein est pendant deux kilomètres, sur le territoire de la commune de Collandres, quelle n'est pas sa surprise de découvrir, du haut de modestes orgues basaltiques, tel un cimetière de géants, le village ruiné de l'Oùpilhèiro...

Ce gros village, abandonné depuis fort longtemps sans doute, et dont les fondations des maisons se devinent au lent moutonnement de la pelouse était construit en un lieu appelé encore de nos jours « lou claù de plùmo »

« Claù » peut se traduire approximativement par enclos, étendue, voire domaine. Le second terme est plus embarrassant ! « Lo plùmo » désigne la plume d'un quelconque volatile. Un vieux paysan de mes amis avance l'explication suivante :

« On peut penser que ce nom vient de la qualité de l'herbe qui y pousse, vivace, régulière, abondante, aussi douce que de la plume, du duvet. Tenez... une parcelle toute proche s'appelle « lou claù de bourro ». La « bourro » est cette végétation malingre, rase, sèche, qui pousse en toupet, et que l'on désigne communément par « lou pieu de bouc » (le poil de bouc). Comparez les deux herbages, et vous verrez la différence ! »

Le vieux paysan, mon guide, m'a raconté la légende de ce village mort. Autrefois, l'Oùpilhèiro était le royaume des serpents. Durant la belle saison, ces hôtes singuliers ne se manifestaient pas, occupés qu'ils étaient à se prélasser au soleil, musarder dans les

38 vieux murs, ramper dans les champs en quête de nourriture, mulots ou grenouilles. L'automne venu, ils envahissaient le village. On en trouvait dans le foin des granges, sous la litière des étables, mais aussi dans les maisons. Les coffres, les vêtements, même les lits en recelaient à foison. Et il fallait les nourrir !

Inoffensifs certes, et qui n'auraient pas fait de mal à un nourrisson, ils étaient quand même bien désagréables. Ils allaient et venaient dans les demeures, comme des animaux familiers. Les habitants, qui n'avaient pas trouvé le moyen de s'en débarrasser, s'y étaient habitués et les laissaient pulluler.

Malgré cette ombre au tableau, l'Oùpilhèiro était un village heureux, car les épidémies, si redoutables jadis, l'avaient toujours épargné. Inexplicablement.

Satan en prit-il ombrage ? On ne sait. Toujours est-il qu'un jour, il arriva à l'Oùpilhèiro, sous les traits d'un jeune et fringant cavalier. La présence d'un étranger, si somptueusement vêtu, si fier sur son alezan, eut tôt fait de rameuter sur la place la population entière. Il feignit l'étonnement devant le nombre de serpents qui hantaient la bourgade et s'écria :

– Comment pouvez-vous supporter d'aussi vilaines bêtes chez vous ? – C'est que... nous ne pouvons pas faire autrement – Diable ! Il est pourtant si facile de s'en débarrasser à jamais !

Et Satan dévoila son plan, qui fut approuvé d'enthousiasme, tant l'idée en était géniale, et si aisé à réaliser. Il suffisait d'introduire, dans le four préalablement chauffé à blanc, des jarres de lait. Les serpents en sont friands. Ils seraient attirés par l'odeur, s'y précipiteraient, seraient rôtis. C'était l'affaire d'une heure !

Sur ces bonnes paroles, le cavalier prit congé, après que les habitants l'eussent congratulé et couvert de cadeaux.

Cela ne traîna pas ! Un bûcher s'entassa bientôt devant le four. Le feu mis, une ardente chaleur commença à rayonner, fut craquer les pierres du foyer, pâlir les dalles. Deux hommes déblayèrent les tisons et les cendres, puis deux autres glissèrent les gros vases de grès, sous la voûte brulante. Sous l'effet de la chaleur, le lait déborda, répandant par tout le village une odeur de roussi.

Et les serpents d'accourir ! Ils se bousculaient, luttaient de vitesse, entraient dans le four, grimpaient sur les planches disposées en plan incliné pour leur faciliter l'accès au foyer. Ils s'y enfonçaient, dans un atroce grésillement de chair.

Cela dura de longs instants. Puis le flot tumultueux des reptiles s'amoindrit, tarit enfin. La foule réunie battait des mains et dansait de joie, quand un dernier serpent, énorme, sans doute très vieux, apparut, grimpa avec peine la planche. Arrivé à la gueule du four, il se dressa et, gonflant son col, prononça ces mots :

– Malheur à vous, habitants de l'Oùpilhèiro ! Avant de rejoindre mes frères, je vous prédis de grandes infortunes. Si votre village était à l'abri des épidémies, c'est à nous, serpents, qu'il le devait. Nous avions le privilège

39 d'arrêter les contagions. Maintenant que nous ne sommes plus là, les pires fléaux, des calamités terribles, vont fondre sur vous.

Il eut encore ces paroles énigmatiques :

– « Aieu ! Lo darrièro ! A ieu ! L'Oùpilhèiro ! » (A moi ! La dernière ! A moi ! L'Oùpilhère !)

Puis il s'élança dans le brasier.

Le soir-même, les premières manifestations de l'horrible peste noire apparurent. La sombre prédiction du serpent se réalisait. Dans l'espace d'une semaine, hommes et animaux succombèrent, à une vitesse foudroyante. Rien de vivant ne resta. Depuis, les maisons se sont écroulées, le village est maudit. Seul subsiste dans la mémoire des humains le souvenir de cette affreuse tragédie.

Oublions la légende. Les ruines sont là, qui prouvent une implantation de l'homme. On reconnaît le tracé d'une rue principale, un vestige de fontaine, et, sur le sommet des orgues qui protégeaient l'Oùpilhèiro des vents d'ouest, un dallage régulier. Lieu de prières ou de sacrifices ?

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

La « poùr dè lo Morello » La Morel est un minuscule hameau, entre Riom-ès- Montagnes et Collandres. On y parle encore des revenants qui agitaient les chaînes, dans les greniers, à l’époque de la pleine lune, et aussi de cet événement énigmatique survenu au siècle dernier. Une nuit, un paysan du lieu entendit les bœufs « s’abriougàr » (meugler de terreur) dans l’étable. Pensez à la stupeur quand il découvrit… deux vaches liées au même licol, la langue pendante, mortes étouffées !

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

La vengeance du Drac Un jour, à la lisière du bois de Cournil, près du suc de Rond, un insensé chasseur aperçoit le drac. Il lui lâche plusieurs décharges de fusil, mais ne découvre point de cadavre. Las de l'affût et dégoûté d'être bredouille, il reprend le chemin du logis. Taquin et moqueur, le drac rejoint le chasseur et lui souffle au visage son haleine glacée, avant de partir d'un ricanement ironique dans le taillis.

Jacques MALLOUET, Jours d'Auvergne

40 La Croix du Mouton

A cinq cents mètres du bourg existe une croix de pierre, que l'on appelle la croix du mouton. Des parents, ayant perdu un enfant, promirent de faire ériger une croix à l'endroit où ils retrouveraient leur enfant. Quelques temps après, l'enfant fut retrouvé, portant un mouton dans ses bras. Les parents tinrent promesse. Voilà pourquoi cette croix porte le nom de croix du mouton.

Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane

41 La légende de la Tombe de l'Anglais

A l'extrémité sud du plateau de Lachamp, au sommet du rocher où se trouve le suc de Césens, on remarque les vestiges d'une tombe dite « de l'anglais ». La chronique place dans cette tombe, les centres d'un chef anglais tué au combat singulier par un général d'Estaing. Au cours d'une bataille, le seigneur de Chamalières avait fait prisonniers deux chefs anglais qu'il enferma dans les cachots de son château. Il leur promit la vie sauve moyennant une forte rançon. L'un deux la paya et fut délivré. Le second trouva le moyen d'intéresser à son sort, Mathilde, fille du seigneur de Chamalières, qui lui ouvrit les portes de sa prison. Mais son évasion fut presque aussitôt dévoilée. Rejoint par le frère de Mathilde, il tua ce dernier en combat singulier et put ainsi continuer sa route. Toutefois, les hommes d'armes du seigneur de Chamalières l'atteignirent de nouveau au suc de Césens et l'abattirent. On creusa sa tombe à l'endroit même où il fut tué, d'où le nom de « tombe de l'Anglais ».

Gilbert LACONCHE Légendes et diableries du Cantal

42 43 Textes : Valrhue (Légendes et poèmes de la vallée de Cheylade) Dessins : Callixte Le bal du diable

Ce soir-là, il y avait un bal dans une des maisons d'un petit village situé là-haut, au pied du Puy Mary. Cela se passait donc un soir de mi-carême. L'orchestre qui consistait en un seul violoneux à qui l'on avait dressé une petite estrade, jouait une valse tournoyante. Soudain, tous les regards se tournèrent vers un visiteur qui venait d'entrer. C'était un jeune homme d'une vingtaine d'années, d'apparence élégante, vêtu très galamment et qui possédait une voix charmeuse. Il fit aussitôt une vive sensation parmi les danseurs. Il en tarda pas à inviter à danser la plus belle fille du bal et l'entraîna dans une valse qui devint un véritable tourbillon. La pauvre jeune fille eut bien tort d'accepter la danse du valeureux jeune homme, car à la stupéfaction de tout le monde les yeux du séduisant danseur devinrent flamboyants et des flammes jaillirent de sa bouche. Il ricanait avec un rire effrayant de vampire. Une vieille femme du village comprenant que Satan se trouvait parmi eux, fit un signe de croix. La plupart des gens s'évanouissaient tandis que d'autres fuyaient le plus vite possible. Aussitôt, Satan disparut dans une flamme gigantesque, emportant avec lui sa belle cavalière aux cheveux blonds dorés sur son cheval blanc. Celui-ci partit au triple galop et disparut dans les ténèbres. Les gens du village se demandèrent où le diable avait pu mettre la jeune fille, mais personne en sut jamais rien au sujet de cet enlèvement mystérieux.

Par le père de Corinne MARONNE Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

44 ...Et ainsi naquit le Puy Mary

Une légende conte qu'au moment de la translation à Mauriac des reliques de l'évangélisateur Mary, le mulet qui portait le précieux fardeau flissa et fut précipité dans un abîme. Il fut miraculeusement sauvé grâce à l'intercession de saint Mary et le lieu porta, dès lors, le nom de Puy Mary.

Annette LAURAS-POURRAT, Guide de l'Auvergne mystérieuse

Le suc de la Tourte

Une légende dit qu'un berger était sur un suc où il faisait paître ses moutons. Quand l'heure de manger est arrivée, il a sorti sa tourte et il a commencé à la manger. Soudain, un mouton s'écarta du troupeau. Le berger partit à la sa poursuite et revint quelques instants plus tard avec le mouton, mais le berger était tout trempé car un orage s'était abattu sur le suc. Il repartit vers sa tourte mais malheureusement, il s'aperçut qu'elle n'était plus bonne à utiliser, il la laissa donc sur le suc et emmena son troupeau vers le chemin du retour. C'est pour cette raison que l'on surnomme le suc, suc de la Tourte.

Raconté par le père de Bernadette CLAVEL Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

Le lac du Puy Mary

Un jour, on avait décidé de vider le lac du Puy Mary. On avait déjà creusé une tranchée, quand tout à coup une voix s'éleva, celle du génie du Fayet, et dit “Lac du Fayet, viens secourir le lac du Puy Mary qui va tarir”. Alors le lac du Fayet (Saint-Saturnin) vint au secours de son voisin du Claux et se vida tout seul. Le lac du Puy Mary n'existe plus aujourd'hui, mais on peut imaginer qu'il se situait sous la Brèche de Roland.

Recueilli par Éric LIADOUZE, raconté par son père, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

D'après Didier Huguet, une variante de cette légende affirme que c'est le lac du Puy Mary qui aurait secouru le lac du Fayet, par un système de vases communiquants. Ce qui expliquerait pourquoi le lac du Puy Mary n'existe plus aujourd'hui !

45 « Le château de Marc »

Suivant M. Déribier, Marchastel (Marcastrum) tirerait son origine d'un château qui devait exister dans les temps reculés, quoique aucun titre n'en fasse mention. La famille de Peyre aurait possédé cette seigneurie dans une antiquité très-reculée, et comme le prénom de Marc était porté communément par ses membres, le nom de Marchastel (château de Marc) serait provenu de son fondateur. Toutefois, les souvenirs qui se rattachent à cette légende sont totalement effacés. Aldebert de Peyre, évêque de Mende Marchastel en 1441, était seigneur de Marchastel. Antoine de Grolière, comte de Peyre, qui en était seigneur en 1565, était capitaine sous M. de Duras. A la tête des protestants, il fit la tentative de s'emparer d'. Cette terre, en 1723, appartenait à Philippe d'Eslaing, comte de Saillans, et en 1787, à Charles-Philibert de Lévi de Mirepoix, par suite de son mariage avec Marie de Montboissier, dame de Cheylade, à laquelle le fief appartenait.

On trouve dans les environs de Val, au sud de la commune, des ruines d'habitations appartenant, dit-on, à l'ancien Marchastel. Le château aurait pu, dans ce cas, exister sur le mamelon qui y touche, c'est-à-dire sur le suc du Tour, en face du cimetière.

Jean-Baptiste DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique du département du Cantal École de Marchastel

Sueurs froides pour le violoneux

Toinou de Marchastel maniait l'archet avec une dextérité certaine. Il était donc souvent invité à animer les noces. Pour le mariage de Marguerite Rodde et Antoine Vernegheol de Terrou, il se rendit donc de bon matin dans ce hameau et fut convié à accompagner le cortège à la mairie puis à l'église et enfin à ramener la noce jusqu'à l'habitation des parents de Marguerite où se déroula le festin. Entre le déjeuner et le diner, jeunes et vieux dansèrent au son du violon force valses, mazurkas, polkas et bourrées. L'heure du dîner sonna. Après le repas encore très copieux, les couples valsèrent, virevoltèrent, tapèrent du pied jusqu'au petit matin.

C'est alors que Toinou regagna Marchastel en portant son violon et une miche qui lui avait été donnée en paiement. Il grimpa le raidillon et s'apprêtait à s'engager dans le bois quand le loup, menaçant, sortit d'un taillis. Toinou n'en menait pas large. Il allongea le pas mais le loup suivait, affamé.

Alors Toinou écorna sa miche et jeta un bout de pain au loup qui, l'estomac toujours vide, restait sur ses talons. Tout le long du trajet, Toinou distribua des bouts de la miche à l'animal aux crocs inquiétants en priant le ciel d'avoir suffisamment de pain pour échapper à la voracité de l'animal. Toujours l'un derrière l'autre, ils arrivèrent au Coin d'Or. La miche diminuait à vue d'œil et Toinou tremblait de plus en plus. Tout à coup, le coq de la Marie chanta. Le loup, surpris, s'étala et dévala tout le bois en direction de la Grolle. Allait-il tomber dans la trappe ? Toinou l'espéra et, soulagé, courut vers Marchastel où il conta à tous son aventure. Elle devint un conte que l'on transmet de génération en génération...

Conte recueilli auprès de Paule ESCOUROLLES, raconté par sa grand-mère Maria (1870-1955)

46 Les saints qui avaient mangé la viande

Le curé de Marchastel avait un sacristain. Ce sacristain avait une famille nombreuse. Il n'était pas bien riche. Et le curé non plus n'était pas riche. Il avait un petit bout de pré et deux ou trois vaches. C'était le sacristain qui les soignait. Le curé tuait un cochon par an. Mais une année, est-ce que le curé voulait faire des réparations ou quelque chose, ils ne purent pas mettre le saloir à la cave.

– Eh, dit le sacristain, monsieur le curé, on pourrait bien le mettre dans le clocher, il y a assez de place. – Ah, dit le curé, vous avez raison.

Ils firent donc ainsi. Mais le sacristain, quand il allait sonner les cloches, était tenté. Il soulevait un peu le couvercle et prenait un petit morceau de viande, pour faire le déjeuner de ses gars. Et il le fit bien tant, ça dura bien tant qu'à la fin, de la viande il n'en resta qu'un morceau.

Un jour, le curé dit au sacristain :

– Peut-être que maintenant le cochon est salé. On pourrait l'enlever, qu'est-ce que tu en dis ? – Eh bien, monsieur le curé, vous avez raison.

Quand le curé fut parti, le sacristain pensa :

– Mais qu'est-ce que je vais faire, le cochon est à moitié mangé ?!

Il restait encore un petit morceau de viande. A ce moment précis, il y avait des saints dans l'église... Alors il prit un couteau. Il en coupa un morceau. Il invita les saints à monter au clocher et leur mit une bouchée de viande à chacun dans la bouche. A d'autres qui tendaient la main, il leur mit dans la main. Puis cria :

– Oh, monsieur le curé, venez voir ! Il n'y a plus rien dans le saloir.

Et s'empressa de rajouter :

– Tous les saints ont un morceau de viande dans la bouche. Et d'autres en ont un dans la main. C'est les saints qui ont mangé la viande !

Le curé, tellement en colère, attrapa l'éteignoir5 et descendit les trois-quarts des saints. Le saint – c'était Saint-Jean, y passa comme les autres...

Quand la Saint-Jean arriva, ils n'eurent pas de saint pour célébrer la fête. Le curé dit au sacristain :

– Comment allons-nous faire ?

5 Petit ustensile creux en forme de cône, qui sert à éteindre les cierges, les bougies

47 Le sacristain n'était pas en peine d'idées. Il dit :

– Oh ! Mais monsieur le curé, je connais Tourolle de Bagilet. Tourolle est bourru comme notre Saint Jean. Je lui donnerai une petite pièce et il fera bien ça.

Le curé était d'accord. Le sacristain alla trouver Tourolle. Ce dernier ne demandait pas mieux que de gagner une petite pièce. Ils l'habillèrent avec un morceau de peau de mouton et le mirent sur l'estrade. Quand les gens arrivèrent à la messe, ils dirent :

– Mais notre saint a changé cette année ! Même qu'il a bonne façon. Il est bourru comme l'autre, mais il est plus beau. On dirait qu'il est presque vrai.

Mais les messes sont longues. Et les églises sont froides. Tout à coup, Tourolle dit :

– J'ai envie de faire quelque chose. J'ai envie. Excusez-moi j'ai envie de faire quelque chose.

Le curé lui fit signe puis lui dit :

– Laissez-le aller, goutte après goutte.

Mais goutte après goutte, subitement, fssssi, ça lui échappa soudain. Alors les femmes qui honoraient le saint dirent tout à coup :

– Oh ! Notre saint fait des miracles ! Notre saint fait des miracles !

Et toutes, à galop, allaient se signer. Mais, à force de se bousculer, elles firent dégringoler le cierge qui entourait le saint. Le feu l'attrapa par les jambes et le saint vola au dessus des femmes. Il ouvrit la porte de l'église et se sauva dans les bois de Marchastel. Et elles dirent :

– Notre saint a fait des miracles ! Notre saint a fait des miracles ! Notre saint s'en est allé !

Le saint avait disparu. C'était un miracle. Quand Pâques arriva, le curé dit au sacristain :

– Écoute, Pierre, il y a un moment que je ne t'ai pas confessé. Pâques approche. Viens te confesser. – Bien, monsieur le curé, je vais faire mon examen. Et puis je viendrai me confesser.

Il alla au « tribunal de la pénitence ». Le curé lui demanda ses péchés. Et le sacristain lui en disait bien quelques-uns. Le curé lui dit :

– Finalement, dis-moi la vérité. C'est pas les saints qui ont mangé le cochon ? C'est toi et tes gars ! Mais je te pardonne. Dis-moi la vérité. – Ah ! Monsieur le curé, c'est drôle, je n'entends pas. Je n'entends rien. – Ah ! Tu n'entends pas ?

48 Et le curé parla un peu plus fort.

– Eh non, je n'entends pas. Passez à ma place, monsieur le curé, vous verrez que l'on entend rien de ma place. – Alors le curé passa à la place du sacristain. Et quand le sacristain prit la place du curé, il fit : – Monsieur le curé, quand je vais soigner les vaches, le matin, qui va coucher avec la Marinou ? – Ah ! dit le curé, mais je n'entends pas ! – Qui va coucher avec la Marinou, monsieur le curé ? – Ah, mais c'est vrai, on n'entend rien de cet endroit.

Raconté par Jeanne CHANCEL, paru dans La Cabrette Transmis par Paule ESCOUROLLES

49 Le barde et la sirène

Une légende demeure attachée au lac de Menet. Menet C'était il y a fort longtemps, aux temps druidiques, dans la forêt de Marilhou, près de la cité de Cotteughes. Le barde Donnataure aimait la belle Génoféva et en était aimé. A la lumière de l'astre des nuits, ils avaient échangé de tendres serments. Vint le jour des fiançailles, célébrées lors de la fête du gui. Le bonheur était proche.

Hélas pour eux, un puissant jaloux veillait : Agarrix, l'homme des chênes. Sorcier du village, il était plus mauvais que la peste ! Le matin du mariage, il sacrifia trois poulets, examina leurs entrailles, puis exhorta le Malin, afin qu'il lui vînt en aide. De maléfiques événements ne tardèrent pas à se produire. Le barde fut soudain transformé en saule pleureur, sentinelle immobile dressée à l'entrée de la hutte d'Agarrix. Une voix dit alors à Génoféva :

– Consens-tu à épouser Agarrix ? – « Jamais ! Au grand jamais ! », répondit la jeune fille. – « Tu seras châtiée », reprit la voix. « Dès ce soir, tu seras métamorphosée en sirène. Hâte-toi de trouver un habitat aquatique. »

Folle de douleur, Génoféva quitta ces lieux d'infortune, courut à toutes jambes en direction de la montagne, traversa le plateau herbeux dominant Trizac, puis, vers le col de la Besseyre, aperçut dans la vallée le lac de Menet qui scintillait au soleil. Elles s'y rendit et élut domicile dans une grotte, aujourd'hui disparue, sous le puy de Menoire.

Le jour, elle se cachait, n'osant montrer son pauvre corps mi-femmes mi-poisson. La nuit, elle sortait, en quête de quelque nourriture, et lançait dans l'espace de longues plaintes modulées qui clamaient son bonheur perdu. Le vent nocturne lui répondait, messager du pauvre saule pleureur qui, lui aussi, se désolait dans la solitude des bois.

Le temps passa. Un soir d'automne, sur un lit de feuillage, Agarrix rendit son âme au diable. Comme par enchantement, Donnataure recouvra forme humaine, retrouva la mémoire, et, le cœur débordant d'amour, partit à la recherche de sa fiancée, empruntant la direction d'où semblaient venir les plaintes. Arrivé sur les rives du lac de Menet, il détacha une barque, saisit les avirons, rama comme un forcené, aborda près de la grotte et tomba aux pieds de sa promise, redevenue miraculeusement belle.

Ce furent des baisers à n'en plus finir. Ils firent en barque le tour du lac, cueillirent un bouquet de nénufars, puis partirent à pied vers la clairière natale. Dès le lendemain, les noces furent célébrées, dans la liesse générale. Au crépuscule, les époux se rendirent sur la tombe d'Agarrix et, sans rancune, y déposèrent les fleurs lacustres. Ils avaient longtemps attendu le bonheur, mais en échange, Dieu leur accorda une éternelle jeunesse.

50 Génoféva et Donnataure habitent toujours Cotteughes. Quand l'hiver les chasse de ces hauts lieux désolés, ils viennent hiverner à Menet, près du lac dont ils fait leur résidence secondaire. On peut encore les y voir, à la nuit de la saint Valentin...

Jacques MALLOUET, Jours d'Auvergne

Les fées du Puy de Menoyre

Il y a fort longtemps, sous le Puy de Menoyre, sur le versant arrosé par le lac de Menet, il existait une grotte. Dans cette grotte vivaient paisiblement quelques fées. La légende raconte qu'un jour, une bergère osa les déranger. Les créatures, en colère, se jetèrent sur elle... Malgré de longues recherches de la part des habitants de Menet, on ne retrouva jamais la bergère.

D'après Odette LAPEYRE

Le pont de la Mort

Lorsqu'on emprunte la route reliant Riom-ès- Montagnes à Menet via Le Bredou, on franchit alors la Sumène au niveau du Pont de la Mort. Il parait que sur ce pont, un homme s'est tué. Toutes les nuits, son ombre revenait vers minuit pour faire peur aux gens.

Recueilli par Sophie RISPAL, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

Une autre version raconte qu'au Moyen-Age, à la mort du propriétaire du château de la Ribelle, une lutte pour la succession s'engagea entre le fils du défunt et le frère. A cette époque, il n'y avait qu'un gué pour traverser la Sumène et accéder au château. L'oncle de l'héritier légitime se cacha là et tua son fils. Depuis, on affirme que l'assassiné se promène avec son cheval sur ce gué et lorsqu'on a construit un pont on lui a donné comme nom le “pont du mort” qui s'est transformé peu à peu en pont de la mort.

Recueilli par Jean-Paul CAYLA et raconté par Marie-Pierre RODDE Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

Un ultime récit oral expose une toute autre version, selon laquelle Murat L'Arabe, qui résidait dans ce château aux confins de Menet et de La Monsélie, se serait jeté du haut des gorges de la Sumène, et aurait donc donné son nom au pont lors de sa construction.

D'après Odette LAPEYRE

51 Le lac de Menet au secours du lac du Fayet

L'été, si le soleil menaçait de dessécher un lac ou si quelque paysan essayait de le tarir pour agrandir sa terre, on entendait tout à coup un grand cri sortir du fond de ses eaux. Alors les pics faisaient éclater sur lui un orage qui le remplissait jusqu'aux bords. Il arrivait pourtant que les sucs, pour des raisons mystérieuses, ne voulussent pas entendre l'appel de détresse. Les lacs alors s'appelaient et se secouraient entre eux :

« O lac de Minit, sicourès lou lac dir Fayit qui lou bogou faïri tari ! » (O lac de Menet, secourez le lac du Fayet qu'on veut faire tarir !)

Et, sur-le-champ, on voyait l'eau sourdre du fond de la cuve de pierre et le niveau du lac s'élever.

Pierre BESSON, Un Pâtre du Cantal

52 La croix de la Pagis

Autrefois, le voyageur qui passait, de nuit, à la Croix de la Pagis, entendait des gémissements, des plaintes d'enfants, semblant monter des entrailles de la terre. Presque toujours pris de peur, il s'éloignait en toute hâte. Mais si, plus courageux, il s'arrêtait, prêtait l'oreille, au milieu des sanglots, il démêlait des voix jeunes qui suppliaient :

– Moun piri, moun piri, mon parrain, mon parrain !

Que signifiaient ces cris ? Que répondre ? Comment soulager ces créatures inconnues dont les accents inspiraient la pitié ? On avait récité des prières, fait des neuvaines, célébré des messes, mais tous les soirs les mêmes lamentations recommençaient. Aussi n'y pouvant Riom-ès-Montagnes rien, les gens du pays avaient fini par éviter la croix de la Pagis, après le coucher de soleil.

Il était cependant écrit que ce mystère impénétrable pendant des siècles, livrerait en partie son secret. Et celui qui devait soulever un coin du voile s'appelait Garde-à-vos.

Garde-à-vos, de son vrai nom Murat, enfant de choeur de dix à quinze ans, soldat de vingt à quarante, avait la moitié de sa vie échangé des coups aux quatre coins de l'Europe. Rentré au pays sur le tard, il s'installait à Journiac où une tante lui avait laissé un modeste héritage. Au dire de tous, c'était un brave homme et l'on peut ajouter, un homme brave.

Un soir de Noël, Garde-à-vos descendu à Riom à l'occasion de la fête, s'établit en faction devant la crèche de l'Enfant-Jésus, pendant les trois messes et dégaine les Je vous salue, la seule prière qu'il n'ait jamais vraiment négligée, avec l'entrain qu'il mettait à tirer le sabre. Manifestement, il veut être agréable au divin Enfant et il y va de tout son cœur, comme à la bataille !

Après la cérémonie, content d'avoir rempli militairement son devoir, le briscard racole quelques voisins et se paye avec eux, un petit réveillon qu'il a fichtre bien mérité. Et puis c'est le retour dans la nuit sombre, froide et pluvieuse.

Pour rentrer à Journiac, Garde à vos et ses compagnons devaient régulièrement affronter la Croix de la Pagis, mais il était probable qu'ils préfèrent à pareille heure se tenir à l'écart. Et bien, non, le vieux soldat, arrivé à l'endroit où le sentier s'amorce, arrête ses amis :

– Nous sommes six, dit-il, tous solides et sans peur, j'espère. Marchons tout droit, peut-être en cette nuit de Noël, la Croix nous révélera son secret ?

Les cinq se récusent.

– A quoi bon, on n'apprendrait rien, d'autres ont essayé inutilement. Et puis ces plaintes chavirent le cœur. – Comme vous voudrez, j'irai seul, voilà tout !

53 – Ah ! Non, par exemple, la nuit est si épaisse, le diable si traître. S'il arrivait quelque malheur ! – Assez parlementé, le Petit Colonel – c'est l'Enfant-Jésus qu'il désignait ainsi – m'a donné ce soir la consigne de passer à la Croix, j'y passerai. – Et si vous n'en revenez pas ? – Bast, j'en ai vu bien d'autres, je reviendrai. Espérez-moi seulement au chemin de la Grange.

Et Garde-à-vos, se détachant du groupe, s'avança résolument vers la Croix, tandis que le pas des autres s'affaiblissait dans l'éloignement.

Bientôt dans le silence s'éploraient les voix enfantines, indistinctes encore. A mesure que le vétéran progressait dans l'ombre noire, les gémissements se rapprochaient, plus nets. Ainsi guidé par les lamentations incessantes, il atteignait la Croix. C'est là, sous ce lourd piédestal, que des créatures s'affligeaient, que des êtres avaient besoin de secours. Que faire !

Immobile et tout ému, le vétéran écoutait les sanglots qui sortaient des profondeurs de la pierre. Comme si sa présence était connue des êtres qui se désolent, les cris de douleur redoublaient entremêles des appels mystérieux : “moun piri, moun piri, mon parrain, mon parrain”.

Garde-à-vos : “Qui êtes-vous ? Que me demandez-vous ?”

Les plaintes déchirantes seules lui répondirent. Il insista : “Introduisez-moi de quelque façon sur ce que vous attendez de moi !”. Toujours des larmes et la même supplication. Ah ! Ces voix entrecoupées, quel désespoir elles révélaient ! Jamais le vieux soldat qui a foulé tant de champs de bataille couverts de blessés et de mourants, n'avait surpris de tels accents de douleur. Certes, il ignorait la peur, mais ce qu'il souffrait en lui-même de son impuissance était indicible !

Tout à coup lui vint une inspiration subite, et c'est le Petit Colonel, bien sur, qui la lui envoyait. Aux cris toujours répétés de Moun piri, moun piri, il répondit brusquement :

– Piri di toutis ! Parrain de tous !

A cet instant, les gémissements cessèrent, une lumière douce enveloppa la Croix, le piédestal s'entrouvrit sans bruit, livrant passage à deux enfants. Des pleurs mouillaient leurs cils, des sanglots leur contractaient encore la gorge, mais un sourire s'épanouissait sur leurs lèvres et une expression de bonheur était peinte sur leurs visages. Se tenant par la main, ils s'agenouillaient devant Garde-à-vos, le front baissé dans une attente.

Toujours sous l'impulsion du Petit colonel, l'homme n'hésita pas, il courut au fossé voisin, puisa de l'eau dans ses larges paumes et la versa sur les têtes inclinées, en disant par deux fois : “je te baptise, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit”. Le vieil enfant de chœur n'avait rien oublié de la formule nécessaire et il avait bien réellement fait deux chrétiens. Aussitôt le baptême administré, la clarté s'éteignit, les enfants disparurent. C'est en vain que leur sauveur les appela et le chercha à tâtons dans les ténèbres pour les emmener. Seulement du piédestal partaient des chants d'une allégresse suave !

54 – Hé ! Garde-à-vos ! Garde-à-vos !

Ce sont les compagnons du vétéran qui, inquiets de n'être point rejoints, s'informaient de leur amis.

– J'arrive ! J'arrive, patience !

Et quelques minutes après, Garde-à-vos rattrapa son groupe et raconta la scène, tout en cheminant vers Journiac.

– Quand je vous disais que j'avais la consigne du Colonel de la crèche ! Les autres ne savent trop que penser. Est-elle réelle cette vision merveilleuse ou simplement l'effet du réveillon ? – Vous croyez que j'invente ? Eh bien !, proposa le vieux soldat, voulez-vous que nous retournions à la Croix quand il sera jour ? J'ai idée que nous trouverons quelque trace de l'événement de la nuit.

Le lendemain, tous les six se rendirent à la Croix de la Pagis. Quelle n'est pas leur surprise d'apercevoir deux enfants couchés côte à côte sur les degrés du piédestal. Garde-à-vos reconnut ses jeunes amis. Ils semblaient dormir d'un sommeil heureux, souriants, les traits calmes et reposés. Comme ils étaient beaux, frais et charmants, ces frères des anges dont les boucles blondes étaient encore humides du récent baptême. On s'approcha, on leur parla, on s'efforça de les réveiller. Mais il n'y avait plus là que leurs froides dépouilles, leurs âmes régénérées par la grâce, après des siècles d'attente, s'étaient hâtées de prendre leur essor vers le Paradis !

Le soir de ce même jour, les petits corps s'étaient ensevelis très pieusement en terre sainte, et le parrain Garde-à-vos conduisait le deuil.

Maintenant, à nuit close, le passant n'a point à éviter la Croix de la Pagis : les esprits à jamais délivrés se sont envolés vers un monde où les enfants ne pleurent plus.

Paulin MALGA

Le violoneux et le loup

Un violoneux des alentours de Riom, Monsieur Chabrier des Trémouillères, venait de jouer pour une noce. En rentrant chez lui, il fut suivi de très près par un énorme loup, il eut peur, ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Alors, il prit le violon et se mit à jouer le plus fort possible. Et le loup partit.

Un autre paysan mit deux loups en fuite en frottant les sabots (la semelle cloutée) l'un contre l'autre.

Par la grand-mère d'Hugues JAROUSSE

55 Le Trésor des Routisses

Aux Routisses, très vieux quartier de Riom-ès-Montagnes, sur les pentes raides qui descendent de Giou et de Rignac, la tradition parle d'un trésor enfoui dans un souterrain muré au milieu des ruines dont le gardien est un féroce serpent reconnaissable à l'anneau d'or dont il est entouré.

Recueilli auprès de M. BLANC, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane

Un jour, un cultivateur aperçut trois couleuvres qui buvaient à la fontaine Saint-Georges. Or, chacune avait déposé sur le gazon, pour ne pas laisser choir dans l'eau, l'anneau que portent les serpents à qui est confiée la garde de quelque trésor. L'homme trompa leur surveillance, les épia et creusant à l'endroit où elles s'étaient réfugiées, il y découvrit une marmite pleine d'or.

Annette LAURAS-POURRAT, Guide de l'Auvergne mystérieuse

Un trésor était enterré au pied d'un grand arbre majestueux où coule une source d'eau claire. Deux hommes étaient sur le point de trouver le trésor mais ils furent mordus par un serpent qui portait un anneau autour du corps et qui gardait le trésor. L'un mourut, l'autre agonisa. Les gens, apeurés, en sont jamais revenus.

Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

La légende suivante, dont nous devons la communication à l'obligeance de M. L. Robin, greffier de la justice de paix du canton, se rattache à ces ruines; elle a pour titre : La Marmite aux pièces d'or.

Le chef d'une honnête famille de cultivateurs, qu'on citait dans tout le pays pour sa probité et son amour du travail, possédait au terroir des Routisses une petite pièce de terre qu'il cultivait avec un soin tout particulier. La bénédiction céleste est acquise aux hommes de bien ; aussi la beauté de ses récoltes faisaitelle l'admiration de tous ses voisins ; mais Dieu lui ménageait une plus grande récompense encore. Un jour que, plus matinal que de coutume, il s'était rendu sur son champ pour s'y livrer à ses travaux habituels, il aperçut

56 sur les bords de la fontaine de St-Georges trois couleuvres, et à côté d'elles trois anneaux d'or déposés sur le gazon. Or, le bonhomme savait parfaitement, comme tout le monde sait dans les montagnes, que la garde des trésors enfouis est confiée à des serpents qui portent au cou, en marque de leur mission, un anneau d'or qu'ils ont soin de déposer sur le bord des fontaines, lorsqu'ils viennent s'y désaltérer , de peur de l'y laisser tomber; il ne put douter que ceux-ci ne fussent chargés de veiller sur les richesses enterrées sous les décombres des Routisses. Mais le difficile était de découvrir leurs retraites ; car il savait aussi que ces animaux, choisis à bon droit comme symbole de la prudence, étaient d'une méfiance extrême.

Il fut assez heureux pour parvenir, à force de précaution, à échapper à leur vigilance, et lorsqu'elles eurent repris leurs anneaux et qu'elles rentrèrent dans les ruines, a les suivre pas à pas sans être aperçu d'elles; il ne tarda pas à les voir disparaître dans les décombres d'une vieille masure.

Un trésor était donc caché dans ces ruines. Ivre de joie, il se met aussitôt à l'œuvre; il fouille avec une ardeur que décuple l'espérance; longtemps ses efforts sont sans su6cès; il met enfin à découvert de vastes dalles; il en soulève une; il donne un dernier coup de pioche. Oh bonheur! un son métallique a frappé ses oreilles et il aperçoit une petite marmite, un oletou d'airain ; elle contient sans doute le trésor qu'il cherche; il la retire, le cœur palpitant, il la découvre; elle est en effet remplie de pièces d'or. Mais ces pièces ont une figure étrange et qui lui est inconnue; ont-elles quelque valeur ? Il l'ignore. Plein d'incertitude, il court chez l'intendant du château de St-Angeau et les lui montre : Mon ami, lui dit celui-ci, après les avoir examinées avec soin, ces pièces sont romaines ; mais elles n'en sont pas moins en bel et bon or, et vous êtes riche désormais.

La légende ajoute que cet homme de bien fit un sage emploi des richesses que Dieu lui avait ainsi procurées, et qu'il les employa à acquérir des propriétés d'un bon rapport que possèdent encore ses descendants.

Jean-Baptiste DERIBIER DE CHATELIER, d'après ML ROBIN, Dictionnaire statistique du département du Cantal

Le souterrain des Routisses mystérieuse d'annette pourrat La légende veut que lorsque le seigneur d' attaquait le seigneur d'Apchon, celui-ci recevait du renfort du seigneur de Rignac. Ce renfort arrivait par le souterrain qui passe par les Routisses, le plus vieux quartier de Riom, et le Sard.

Recueilli auprès de la grand-mère d'Hugues JAROUSSE Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane

Le ruisseau des Sarrazins

La tradition orale nous dit que l'ancien Riom se situait aux Routisses, à l'ouest, dont les ruines ont inspiré de multiples légendes puisque ce village aurait été incendié par les

57 Sarrasins en 734 et les habitants auraient massacré la troupe Sarrasine dont le sang aurait rougi le ruisseau nommé par la suite "ruisseau des Sarrasins ".

Le Pays de Riom-ès-Montagnes, journal historique

Le ruisseau des Sarrazins a donné son nom à une rue qui part de la gare vers l'est. La légende veut qu'en 733, la ville fut détruite par les Sarrazins rescapés de la bataille de Poitiers. Bon nombre d'entre eux furent massacrés après qu'ils aient détruit la ville et le sang coula tellement que le ruisseau voisin devint tout rouge... Et prit le nom de ruisseau des Sarrazins. Il n'a été recouvert qu'il y a une dizaine d'années.

Recueilli auprès de la grand-mère d'Hugues JAROUSSE, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane

La pierre de la Silhol

Dans le temps, sur la route de la Silhol, on disait que sous une pierre étaient enterrés des enfants, et tous les ans, le jour de Noël, à la même heure, la pierre bougeait et l'on entendait les enfants pleurer. Recueilli par Sophie RISPAL, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys

58 Les tranchades de Laquairie

Dans des temps reculés, bien avant l'apparition des hommes, l'Auvergne était le territoire des Trolls. Ces Trolls étaient des géants, tellement grands que les plus grands arbres de nos contrées actuelles ne leur arrivaient qu'à la cheville. Les trolls étaient des êtres très belliqueux et de ce fait solitaires. La rencontre de deux Trolls finissaient toujours en querelle et

Saint-Amandin souvent en batailles.

Face à une telle violence, les dieux les domptèrent et les firent travailler, enchaînés, dans les forges infernales situées dans les bouches des volcans. Et il y en avait beaucoup, en Auvergne dans ces temps reculés. Mais leur gardien, le dieu "Héphaïstos", n'arrivait pas à surveiller en permanence toutes les forges et certains de ces Trolls s'échappèrent. Deux de ces êtres se rencontrèrent à proximité de Laquairie. Un terrible combat en suivit. Durant ce combat qui dura certainement des jours, des coups d'épée manqués frappèrent la terre. Il en résulta les profondes entailles que l'on peut parcourir de nos jours.

Ce combat irrita fortement les dieux, qui voyant que ces êtres ne pouvaient décidément pas être domptés, décidèrent d'éteindre les forges d'Auvergne en bouchant les volcans et d'emmurer les Trolls à l'intérieur. Mais méfiez vous, pauvres humains, car ces Trolls ne sont qu'endormis et leurs ronflements parviennent de temps en temps à faire trembler la terre.

Mais peut-être que ces entailles ont été réalisées par quelque enchanteur, qui pour impressionner le peuple a frappé le sol de son bâton, le faisant se fendre. Ou alors, un quelconque saint chrétien a combattu ici le diable provoquant ces formidables Tranchades.

Ce qui est certain, c'est qu'elles n'ont pas été réalisées par l'érosion d'un torrent, car aucun cours d'eau n'est visible à leur proximité. L'intérieur de ces gorges est cependant extrêmement humide, du fait de l'absence totale de soleil au fond des gorges, d'une température glaciale. Il n'y a pas si longtemps, la neige et la glace s'y conservaient au plus fort de l'été.

lieux-insolites.fr

59 Le loup-garou de Laquairie

En 1869, il y avait une grande frayeur au village de Laquairie, à Saint-Amandin. Les pauvres habitants groupés autour de ces énormes rochers du bois de Font-Sainte grelottaient de peur. Les enfants étaient terrifiés et les grandes personnes elles-mêmes n'osaient plus sortir la nuit de leurs demeures où elles se verrouillaient. Plusieurs fantômes avaient répandu cette terreur.

Un soir de janvier, une femme, la Catou de Biron, tomba malade subitement. Il était nuit noire et le médecin résidait à Condat-en-Feniers. Que faire ? Laisser mourir une chrétienne sans secours ou s'exposer à être occis par l'esprit malin ?

Michel, le sabotier, prit son courage à deux mains et, malgré les conseils de sa femme, se mit en route pour Condat. Bravement, il prit les sentiers du bois qui devaient le conduire aux Quatre-Chemins, la station particulièrement dangereuse où fantômes, loup-garous et farfadets, dirigés par Satan en personne, prenaient habituellement leurs ébats diaboliques. Le premier vendredi de chaque mois, à minuit sonnant, c'est là qu'avait lieu le marché aux âmes. Quiconque avait con âme à vendre n'avait qu'à s'y présenter avec une poule noire et à dire :

– L'argent de ma poule, s'il vous plaît ? ».

Aussitôt le diable apparaissait sous la forme d'un gentilhomme et répondait :

– Combien en veux-tu, de ta poule ? ». Et le marché se traitait. Quand il était conclu, Satan ajoutait :

– Frère, demain tu reviendras ici, à cette heure. En attendant, tape dans ma main, afin qu'à l'avenir nous soyons frères pour l'éternité. »

Le lendemain, le vendeur d'âme revenait. Il trouvait au rendez-vous la berline du démon qui l'attendait et le conduisait au château de Grillardare, la résidence de sa majesté satanique :

– Frère, lui-disait-elle, signe le pacte et, en retour, je vais te compter la somme convenue pour le prix de ton âme. Puis, tu prendras ce manteau (une peau d'ours) que je te donne. Chaque nuit tu parcourras huit paroisses à la ronde : Saint- Amandin, Chanterelle, Condat, Mongreleix, Marcenat, , Saint-Saturnin et Lugarde. Fais bien attention à ce manteau. Si quelqu'un ou quelque chose te le perce, je te percerai la peau en même temps. A partir de ce moment, tu ne seras plus bon à rien et, en échange, tu devras m'offrir ta femme, ta fille ou ton fils. Ceci bien entendu, va, fais le mal et souviens-toi que tu t'engages avec le roi des ténèbres pour la vie et la mort.

Notre brave sabotier alla d'un pas ferme jusqu'aux Quatre-Chemins. Mais à peine arrivé, il entendit un sabbat effroyable : diables, diablotins et sorciers, loup-garous et fantômes de toutes formes tapaient, hurlaient, bêlaient, miaulaient et beuglaient en une farandole infernale. Michel s'arrêta net et saisit tous ses esprits et tous ses sens pour ne point

60 s'apeurer et s'évanouir. Vers lui, un énorme loup-garou se dirigea et lui demanda son âme comme s'il lui avait demandé l'heure.

L'homme ne s'émut pas ; il planta son couteau trois fois dans la terre « pour purifier la matière par les trois mystères », puis donna un coup sur la peau du loup-garou qui se perça et se détacha aussitôt du corps qu'elle enveloppait. Malgré l'obscurité, Michel, qui avait de bons yeux, avait reconnu le père Garaud, le meunier sans farine du Moulin- Rouge, lequel s'était ainsi vendu au diable depuis que son métier ne nourrissait plus sa famille. Il pria Michel de l'épargner et lui expliqua longuement son malheureux sort :

– Voici neuf ans, lui dit-il que mon âme est livrée à Satan pour trente mille francs. Depuis cette époque, chaque nuit je cours pour lui recruter d'autres âmes. Mon engagement allait finir dans un an. La besogne que je fais m'indique et ce n'est qu'avec grande répugnance que j'exécute les ordres qu'il me donne. Ainsi, tout à l'heure, j'étais d'autant moins décidé à t'accoster que je t'avais reconnu. Mais une force invisible m'a poussé jusqu'à toi. Ma peau d'ours a été percée. Pour l'esprit malin, je ne suis plus bon à rien. En échange, je vais être obligé de lui donner ma fille pour un an.

– Tranquillise-toi, répliqua Michel. Il ne faut pas faire une besogne qui répugne et il n'est jamais trop tard pour bien faire. Les gens de Laquérie sont moins peureux qu'on ne pense ; nous saurons venir à bout du diable. Il y a José, le forgeron, l'amoureux de ta fille Antoinette, qui est capable de le terrasser.

– Jamais ! Mon pauvre Michel, on voit que tu ne le connais pas. Mais pourquoi vas- tu à Condat, à une pareille heure ?

– C'est la Catou de Biron qui est très malade, pécayré ! Je vais quérir le médecin.

– La Catou ! Elle n'a pas besoin de médecine ! Je l'ai rencontrée hier, à minuit, au pont de l'Arche. Je lui ai fait prêter serment de vendre son âme à Satan. C'est de frayeur qu'elle a de la fièvre. Sitôt que j'aurai annulé son engagement, elle sera guérie.

– En ce cas, rentrons tous deux au village.

La Catou revint à la santé en apprenant qu'on lui laissait son âme, mais le père Garaud était toujours lié à l'esprit malin, malgré son infidélité.

Michel, le sabotier, Charlot, le charpentier, José, le forgeron, Camillou, le sacristain et Antoinette Garaud, conseillés par M. Bernard, le curé de Saint-Amandin, résolurent une expédition hardie afin de le délivrer.

Au préalable, le bon pasteur fit une neuvaine pour la prochaine délivrance de l'âme en litige ; tous les habitants de la paroisse y assistèrent et répondirent aux litanies qu'il récita le plus dévotement possible.

Le père Garaud, dont la vaillante escorte se dissimulait dans le taillis voisins, se présenta aux Quatre-Chemins, à l'heure habituelle. En cachette, le charpentier portait le cordon de saint François emprunté à sœur Mathilde de Soubrevège, le sacristain portait l'aspersoir et

61 l'eau bénite et Michel la lanterne. Antoinette ne portait que sa beauté. Satan apparut au meunier :

– Tu m'amènes ta fille pour réparer ta maladresse, n'est-ce pas ?

Celle-ci se montra, en effet, mais à l'instant précis où il allait l'entraîner dans le gouffre sans fonds, Charlot le saisit avec le cordon de saint François et le serra si vigoureusement qu'il en sortit sa langue ; Camillou l'aspergea trois fois en souvenir des trois mystères. En même temps qu'il jeta l'eau bénite, il dit :

– Que cette eau sainte efface le pacte de notre ami Garaud et le délivre à tout jamais.

– Lâchez-moi, lâchez-moi ! Hurlait Satan qui se débattait comme si on lui avait vidé le bénitier de Condat sur la tête.

– Délivre notre ami, lui cria José. Efface à l'eau sainte les traces de votre pacre, ou nous tirons le cordon à nous tous, jusqu'à ton étranglement complet.

Ainsi pris au piège, Satan dut s'exécuter et déclarer publiquement :

– Le père Garaud, ci-devant meunier du Moulin-Rouge, paroisse de Saint-Amandin, n'est plus mon esclave ainsi que toutes les victimes qu'il a faites en tant qu'âme damnée. A tous et à toutes, j'accorde la liberté.

Le lendemain, la commune fut en fête. Le bon pasteur chanta une action de grâces où la population entière assista. Neuf jours après, il célébra le mariage de José et d'Antoinette.

Antonin MEYNIEL

62 Le Cimetière des enfants

Sur le sentier botanique de Chassagne-Rochemur, on trouve, en sous-bois, un amas de pierres. Ce lieu a été baptisé « le cimetière des enfants ». La tradition orale raconte que l'on enterrait à cet endroit les enfants décédés avant d'être baptisés. Mais selon certains, c'est une épidémie de peste qui en serait à l'origine. Saint-Etienne-de-Chomeil

Béatrice CHAUMEIL

Le rocher d'Urlande et le cabrettaire Burlafer

La légende raconte que Burlafer, cabretaïre d’Antignac, eut le courage de monter une nuit sur le sommet du rocher d’Urlande pour danser avec les fées ; le lendemain, on découvrit au pied de la roche son cadavre, sa cabrette encore gonflée mais jamais son chapeau enlevé par la plus jolie danseuse.

A. TRIN, Camille VIGOUROUX, Saignes et ses environs

Aux horizons de Menet, La Monsélie, Saint-Étienne-de-Chomeil et Antignac se dresse un promontoire rocheux, gigantesque, pachydermique, à l'échine bombée et grisâtre ; des millénaires de millénaires en ont ridé la peau de pierres volcaniques. Le bloc énorme envoûte le regard des hommes d'en-bas et d'alentour qu'il domine des 920 mètres.

La Terre-mère le mit au monde quand, sur 12 millions d'années, elle accoucha du volcan du Cantal, il est impossible de ne pas être saisi à l'œil jusqu'à l'âme par le rocher d'Urlande.

Urlande ne serait-il pas dérivé du verbe « hurler » : Urlande, la roche hurlante ? Une légende dit que les gens d'Urlande, au Moyen Age et bien au-delà, eurent l'obsession de

63 la présence du diable : lui et ses « filles blanches » hantaient le pays, et certaines, à la lumière lunaire, dansaient un sabbat échevelé au bord de l'à-pic. Aussi perverses que belles, les filles du démon essayaient d'attirer les jeunes hommes ; ils résistaient à leur appel car, disait-on, leurs corps recélaient les âmes des damnés ; et si par malheur « d'imprudents jeunes gens les saisissaient par la taille, elles se transformaient aussitôt en vieilles mégères affreuses, ou en squelettes hideux ». Ainsi s'exprimait un certain aspect sévère de la croyance chrétienne, brièveté de la jeunesse, tentation de pêcher, fatalité du vieillissement et de la mort, risque de l'enfer.

Un seul osa, délibérément, entreprendre la conquête d'une fille du démon : le cabrettaire Burlafer, défié par un rival. Il promit aux gars d'entre les vallées, de la Sumène, du Soulou et de la Rhue, de leur rapporter un morceau de robe des « Fées ». Une heure plus tard, Burlafer était au sabbat, les filles démoniaques étaient là, plus belle l'une, plus belle l'autre ; il leur fit danser sa plus enivrante bourrée.

Ce furent elles qui l'enivrèrent. L'une d'elles l'entraîna jusqu'au bord de l'abîme, il l'enlaçait quand « une main sèche s'abattit sur son visage » et il chut dans le vide. Cette nuit là, paysans et paysannes, dans le silence angoissé des cantons, écoutaient les bourrées sabbatiques quand un ricanement diabolique suivi d'un hurlement de terreur percèrent la nuit... Le cabrettaire ne revint pas : comme le signifie son nom en patois, il « hurla », il brûla le reste de son éternité. Le lendemain, on découvrit au pied de la roche son cadavre, sa cabrette encore gonflée mais jamais son chapeau, enlevé par la plus jolie danseuse.

Longtemps, la peur des loups hanta les chaumières ; des histoires de loups vieilles de plus de cent ans, circulent toujours. À Urlande, on piégeait les loups, on y voit encore les « tombarelles ». Les gens d'Urlande ont chassé les hurleurs contre le Démon, ils ont planté la croix sur les hauteurs, contre les loups, ils ont creusé les « tombarelles ». Le vent reste seul à hurler.

Les fées cependant, il faut le dire, ne se montrent pas toujours aussi cruelles que nous l'avons déjà vu. Soumises aux règles de l'équité, elles proportionnent leur vengeance à l'offense commise et à l'intention plus ou moins blessante de leur provocateur. S'aperçoivent-elles, par exemple, que l'homme qui les trouble dans leurs réunions l'a fait, non par une curiosité coupable, mais sans le vouloir et en quelque sorte par hasard, alors leur colère s'épanche dans une punition dont les suites n'ont rien de dangereux.

Gilbert LACONCHE, Légendes et diableries du Cantal

64 Le miracle du rocher d'Urlande

La légende nous rapporte qu'Urlande d'Avignon tenta de se suicider, pour une histoire d'amour, du haut du rocher qui domine la vallée du Soulou. Alors que la jeune femme voulait épouser un chevalier, ses parents refusaient cette union.

Désespérée, Urlande monta sur le rocher, puis se jeta dans le vide. Or, en bas, il y avait un bosquet d'arbres : dans sa chute, les branches d'un arbre accrochèrent ses jupons et elle resta coincée. Un peu plus tard, on la descendit. Le destin avait voulu qu'Urlande d'Avignon continue à vivre.

Voilà pourquoi le rocher porte aujourd'hui le nom de rocher d'Urlande.

D'après Simon VEYSSIERE de Chavaillac, et Roger VEYSSIER, de Romeix La femme et le loup

Par une nuit froide d'hiver et sous un violent clair de lune, une brave femme ramassait du bois mort dans la foret d'Algères, près de Mont-de-Bélier. Soudain, elle tombe dans la fosse à loups que le camouflage lui avait cachée. Quelques instants plus tard, alors qu'elle somnolait au fond du trou, un grand bruit la réveille. Dans l'obscurité, elle aperçoit alors les deux yeux rouges du deuxième locataire de la fosse : un loup en quête de pitance. La pauvre femme va passer tout le reste de la nuit le dos contre le muret de pierre sèche face à la bête féroce ; inutile de dire qu'elle n'a pas retrouvé le sommeil.

Le lendemain matin, ses voisins de l'ayant pas aperçue et pensant toute de suite qu'il lui était arrivé un malheur dans la foret, effectuent les recherches. Finalement, ils la retrouvent avec son compagnon. Mais comment la faire sortir sans que le loup l'attaque au moment du sauvetage ? Un dégourdi de la bande suggère qu'on lui lance une corde et qu'on lui conseille de dégrafer tous ses vêtements et jupons, de telle sorte qu'elle puisse abandonner ses effets au moment où on la hissera. Sitôt dit, sitôt fait, la pauvre vieille a passé une corde sous ses épaules, deux solides gaillards le remontent. Le loup, attentif dans son coin, se jette alors sur les vêtements de la femme, la gueule ouverte. Surprise pour lui ! Sa proie lui échappe bien qu'il ait solidement cramponné les vêtements qui lui retombent sur la tête.

La fin de l'histoire se passe au coin du cantou, le soir même où la victime qui a retrouvé sa pudeur et ses vêtements, remercie ses sauveteurs à l'aide de gobelets de vin chaud sucré.

Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane Le Champ de la Croix

Une personne, qui montait de Romeix à Saint-Étienne-de-Chomeil, entendit des voix qui disaient : “Un parrain pour moi ! Un parrain pour moi !”. C'était au niveau de la parcelle aujourd'hui appelée “le Champ de la Croix”, située à proximité de la voie ferrée.

65 Spontanément, le passant répondit “Un parrain pour tous”. Et les voix s'éteignirent, en signe de satisfaction.

Recueilli auprès de Roger VEYSSIER (Romeix)

Mangé par le gros méchant loup

C'est l'histoire d'un commerçant, sans doute, qui venait d'Espagne, peut-être, et qui passa à Neuvialle. Il s'arrêta à l'hôtel, consomma et ne voulant pas perdre de temps, il décidait de reprendre la route aussitôt :

– Je vais monter sur Riom, dit-il au personnel.

Les employés lui conseillèrent de rester la nuit à l'hôtel, car il y avait des loups, et qu'il risquait d'être attaqué. Le passant de les écouta pas et reprit sa route. Mais le lendemain, on le retrouva, en bien mauvais état. Le loup, n'ayant pu manger les bottes du passant, avait du se résoudre à mettre son repas entre parenthèses... Avait-il été aidé par un homme mal-intentionné qui avait, auparavant, assommé le commerçant pour récupérer ses sous ? Le mystère reste entier...

Recueilli auprès de Roger VEYSSIER (Romeix)

Le mouton qui n'était autre que... lou drà !

Un jour, un voyageur trouva un mouton et l'emporta avec lui. Après plusieurs kilomètres, proche du but, le mouton décida subitement, et sans raison particulière, de quitter son compagnon. Il s'agissait du drac !

Recueilli auprès de Roger VEYSSIER (Romeix)

66 ...Et ainsi naquit la Font Sainte !

Accompagnant les pâtres en procession dans la vallée comme dans les hauts-pâturages, la « Vierge des Bergers » a fait la légende de la Font-Sainte. On raconte qu'un jour, la Vierge frappa la pierre de ses doigts, faisant jaillir par trois endroits une fontaine d'eau limpide.

Ainsi naquit la Font-Sainte, source abondante et fraîche « qui jamais mal ne fit et qui souvent guérit ! »

Légendes d'Auvergne, La Font-Sainte, éditions Bos D'après Antoine TRIN Saint-Hippolyte De l'autre côté du vallon, face à la Font Sainte, existe une autre source, qui ne fut jamais sanctifiée par des cérémonies chrétiennes, c'est la Font de las Fadas (source des fées).

Michèle et Edmond BROCARD, Éloge et pratique des saints guérisseurs

L'apparition de la Vierge

Vers 1740, suivant son habitude, Marie Galvain, paysanne de Rastoul, faisait son pèlerinage à la Font Sainte. Elle se tenait à genoux auprès de la fontaine et faisait ses prières, lorsque tout à coup elle aperçut la Très-Sainte Vierge, sous la forme d'une grande dame, richement vêtue. Elle avait un air de majesté céleste qui inspirait la confiance et l'amour. La pauvre paysanne, comme on peut bien le penser, fut saisie d'un tremblement, et cette vision fit sur elle une impression si profonde, qu'elle ne pouvait ensuite en parler sans verser des larmes. Cependant la Sainte Vierge s'était mise à parler et elle disait ceci : « Marie j'étais bien plus honorée sur cette montagne autrefois qu'aujourd'hui. Mon oratoire n'existe plus et plusieurs de mes enfants oublient leur mère parce qu'ils ne voient plus mon sanctuaire. Il faut, ma fille, que vous fassiez rebâtir ce petit oratoire. Je vous ai choisie pour cette bonne œuvre. Vous le ferez reconstruire sur le fontaine et vous direz que je veux même que, plus tard, on m'élève une chapelle au-dessus de ce lieu, à droite, sur la plaine, à l'endroit où vous trouverez une pierre marquée d'un signe.

Cette pierre est actuellement placée devant la porte de la chapelle et ce signe indiqué par la Sainte Vierge serait, dit la légende, l'empreinte de ses pieds.

Marie Galvain alla voir l'évêque de Clermont, Monseigneur Massillon, qui lui donna l'autorisation de recueillir des offrandes qui permirent de construire la niche puis l'oratoire en 1743/1744. On y plaça une statue de la Vierge présentant son fils, statue cachée chez un habitant de Saint-Hippolyte durant la Révolution.

C'est en 1835 que commença la construction d'une première chapelle, elle fut bénie le 8 septembre 1837. Le pèlerinage de la Font-Sainte devint alors l'un des sanctuaires les plus visités du diocèse.

D'après COMBES, Manuel du pèlerin de la Font Sainte

67 La fontaine miraculeuse

À gauche, la croix celte témoignant d'un ancien lieu de culte druidique lié à l'eau Les gastous

Saint-Hippolyte, appelé aussi en patois San Chipogue, est un saint très pauvre et très âgé, il recueille la Vierge des Bergers pour les mauvais jours, dans sa petite église chenue et décrépite, toute chancelante et vieillesse.

Selon la tradition, les paroissiens offraient des gates (pois) à leur saint, le jour de sa fête. Un jour, on lui refusa son tribut séculaire. Le saint disparut. Il était dans un champ de pois, la bouche remplie de ces légumes. De là vient le surnom de gastous qui fut donné aux habitants de Saint-Hippolyte.

Annette LAURAS-POURRAT, Guide de l'Auvergne mystérieuse

68 L'invité de Rastoul

Il y avait, un soir, grande « veillée » à Rastoul. Tout le village s'en donnait à cœur joie. Tout à coup, un grand et beau jeune homme entra. Vous pensez s'il fit sensation avec ses grands yeux, ses cheveux blonds et ses habits extraordinairement riches. Il invita la plus jolie fille du village à danser avec lui. Elle accepta, et la danse recommença de plus belle. Chose étrange ! Le « cabretaïre » sentait peu à peu ses doigts s'animer – c'est lui-même qui l'a raconté depuis – et la musique s'envolait, étourdissante. Les groupes tournoyaient, emportés par on ne sait quel souffle. Puis l'on tourna plus vite encore. Bientôt, ce fut une course effrénée, au milieu d'un bruit infernal de plancher battu, de coups de pieds formidables, de respirations haletantes. Un âpre ricanement éclata tout à coup. Comme par enchantement, les danseurs s'arrêtèrent. Blêmes d'épouvante, ils virent alors que l'inconnu – qui tournait toujours et toujours plus vite – avait des pieds de cheval et que de grandes flammes sortaient de sa bouche. Une vieille de la maison fit le signe de la croix, et le beau jeune homme qui tournoyait et ricanait toujours, disparut, emportant avec lui la jeune fille toute effarée. C'était le diable.

Pierre BESSON, Un Pâtre du Cantal

69 L'étable hantée

Le père Toinille – c'était le nom du vieillard – était vacher à la ferme de Trizac Vals. Cet important domaine de la vallée de la Sumène possédait, sur le territoire de la commune de Trizac, de vastes pâturages où les vaches passaient l'été, du début de juin au 15 octobre.

Son lit formé de planches de chêne mal équarries, était dissimulé sous l'escalier de la grange. Il n'y dormait que d'un œil, attentif aux mille bruits de la nuit et aux gémissements suspects des bêtes...

Le soir, Toinille avait calfeutré la plupart des lucarnes, au risque de s'asphyxier avec les bêtes. Puis retiré dans son alcôve, il « ferrait » une paire de sabots à la lueur fumeuse d'un « calel » à l'huile.

Soudain, un hurlement lugubre troubla le silence de la nuit... Toinille n'y prêta pas autrement attention, certain d'avoir verrouillé les portes et d'être en sécurité dans l'étable bien close... Mais son chien fidèle hérissa le poil et gronda sourdement à côté de lui. Les bêtes montrèrent bientôt des signes d'inquiétude et secouèrent furieusement leurs chaînes... L'une d'entre-elles poussa un beuglement lamentable qui mit l'étable en effervescence. Toutes firent chorus et cherchèrent à se libérer de leur licol...

La situation devint extrêmement grave : dans leur frayeur, les bêtes étaient capables de s'éventrer mutuellement. Toinille alluma sa lanterne et se leva pour se rendre compte de la cause de leur émoi.

Dans le rectangle de clarté blafarde formé par le soupirail, il aperçut deux yeux phosphorescents et un museau allongé qui flairait les proies inaccessibles. Autour de l'étable, les loups affamés rôdaient et s'enhardissaient jusqu'à regarder à l'intérieur.

Il fallait les éloigner à tout prix, sous peine d'assister, impuissant, à la panique des bêtes affolées. Toinille saisit la fourche à fumier, grossière, en fer forgé, la seule arme qu'il possédât, siffla son chien qui grondait sourdement et monta dans la grange, non sans avoir soigneusement verrouillé la porte de l'escalier derrière lui. De cette façon, il pouvait tenter une sortie sans livrer directement à l'assaillant l'accès de l'écurie.

La clarté de sa lanterne fit scintiller des myriades de diamants sur la neige gelée. Alors, il aperçut, à quelques pas, un couple de loups qui semblaient hésiter sur l'attitude à prendre. Toinille se dirigea vers eux en poussant de sauvages clameurs. Une seconde, les fauves le fixèrent de leurs yeux phosphorescents puis, jugeant sans doute la partie inégale, disparurent dans la nuit, le ventre creux et la queue basse...

70 Il ne poussa pas la témérité jusqu'à les poursuivre et regagna rapidement l'abri de la grange, qu'il barricada solidement. La retraite des fauves ramena le calme dans l'étable. Il était temps : une bête avait rompu son licol et distribuait à ses voisines de terribles coups de cornes.

Ayant vérifié toutes les attaches, Toinille regagna son lit avec la joie secrète qu'on éprouve quand on vient d'échapper à un grave danger...

Il ne se reposa pas longtemps. Les loups, hélas ! N'étaient que les avant-coureurs d'un autre visiteur beaucoup plus désagréable et que nulle barrière n'arrête... A peine commençait-il à s'assoupir, qu'un vacarme effroyable le fit sursauter : la jument poulinière, détachée de son box, filait ventre à terre sur le pavé de l'étable, comme harcelée par un invisible cavalier.

Toinille fit vivement de la lumière et le vacarme cessa aussitôt. La jument avait regagné son box comme par enchantement, mais elle était littéralement trempée de sueur et toute tremblante encore de la cavalcade échevelée qu'elle venait de fournir... A quelques pas de la jument, deux vaches avaient le cou emprisonné dans le même licol. Ces deux méfaits surnaturels portaient le signe caractéristique de l'intervention du Drac, sorte de démon spécialisé dans la hantise des étables.

Nulle force humaine ne serait capable d'accoupler deux vaches de la même chaîne, et si étroitement qu'il est difficile ensuite de les délivrer. C'est pourtant là un fait qu'on a souvent constaté et jamais expliqué...

Seul en pleine montagne, Toinille ne manifesta nulle frayeur et dégagea vivement les deux bêtes qui étouffaient dans leur carcan. La tradition lui avait appris que c'était là la manifestation d'une âme en peine. Il se jura de rapporter la chose à M. le curé à son retour au village et résolut séance tenante de rendre au Drac la monnaie de sa pièce...

Tout d'abord, il boucha hermétiquement tous les soupiraux de l'étable et les moindres interstices de la porte d'entrée, mais il eut soin de ménager une ouverture, une seule, non pas comme on pourrait le croire, pour donner de l'air, mais pour permettre au Drac d'entrer librement... Dans l'embrasure du soupirail béant, il déposa une poignée de graines de foin, puis il se cacha dans une crèche et attendit.

Au bout d'un instant, un léger frôlement le fit tressaillir, en même temps qu'une légère odeur de soufre emplissait ses narines. Dans le profond silence de l'étable, il entendit un être, homme ou esprit, proférer des jurons et des imprécations. C'était le Drac qui avait entraîné au passage les graines de foin et s'efforçait de les ramasser une à une pour les remettre en place. Ce travail était malheureusement long et minutieux, même pour un esprit malin, et mettait sa patience à rude épreuve. Son passage, en effet, devait rester inaperçu aux termes des règlements démoniaques...

Alors, Toinille se dressa brusquement dans sa crèche et ricana : « Ah ! Ah ! Ah ! Je t'y prends à compter mes graines... ».

Le Drac fut si vexé qu'il s'engouffra dans le soupirail en heurtant violemment ses cornes contre les parois de pierre et disparut dans la nuit glacée...

71 Depuis cette soirée mémorable, jamais plus le Drac ne remit ses pieds fourchus dans l'étable de Vals et les loups eux-mêmes qui pullulaient dans la montagne en hiver, évitaient de regarder par le soupirail avec leurs yeux de braise...

Justin BOURGEADE, Tintinou, Paysan d'Auvergne

Les fées du Champ des demoiselles

Les vestiges celtiques et gaulois abondent, qui attestent la présence d'une population relativement importante de pasteurs et d'agriculteurs. Témoin ces ruines mélancoliques, connues sous le nom de Cotteughes, qui se situent à six kilomètres de Trizac, dans la haute vallée du ruisseau Marilhou, à l'altitude 1 200, au pied du "Puech Redoun" (le suc de Rond).

Le 16 juin 1838, "L'Écho du Cantal" offrait un long poème dont voici un extrait :

Quoi ! Toute entière morte en une nuit ! Disparue, éclipsée, éteinte, évanouie, Mise à niveau de terre, effacée, enfouie, Avec ses dieux, son peuple, et sa gloire, et son bruit ! Quoi ! Rien n'est resté ! Quoi ! Sous ces froides neiges Pas une seule voix qui vibre en un gosier, Qui déchire les airs et sorte pour crier : Halte ! Passant ! Ci-gît Cotteughes !

Cette plainte aux accents déchirants s'accorde parfaitement avec la sauvage désolation du lieu. La foret de hêtres tapisse les flancs de la vallée glaciaire, s'arrête brusquement à la crête.

De nombreuses ruines d'habitations - on les appelle ici des "cases" - affleurent le sol, certaines aux fondations encore intactes, d'autres bouleversées par les racines de hêtre séculaires qui se sont glissées entre les pierres. Le nom de Cotteughes viendrait d'un mot celtique signifiant "clairière".

72 Sous la cité de Cotteughes, près du ruisseau, s'étend un petit terrain plat, déboisé, appelé "Le champ des demoiselles". "Lais fades" (les fées) qui hantent ce lieu ont l'aspect séduisant de jeunes filles gracieuses, mais en réalité ce sont des créatures malfaisantes et malignes. Nul n'a jamais pu saisir leur corps vaporeux, qui se dissout à mesure que l'on approche, pour se métamorphoser en une affreuse mégère exhalant un souffle enflammé.

L'une d'elles, sans doute la reine, porte de magnifiques bijoux et danse autour d'une table où s'entassent mille joyaux.

Les fées tiennent conseil en présence d'un envoyé du démon, à la lumière cendrée de l'astre des nuits. Suivent, dans un silence de tombeau, des danses échevelées qui ne cessent qu'à l'aube. Malheur à qui s'approche ! Les "fades" se jetteraient sur l'intrépide, lui laboureraient le visage de leurs ongles, lui calcineraient les cheveux de leur haleine infernale !

Une nuit, un jeune pâtre de Trizac, revenant du Suc de Rond, surprend les ébats des fées de Cotteughes. Brûlant d'amour, il va vers la plus belle, qui porte une robe couleur d'aurore, et dont les tresses blondes flottent jusqu'à terre. Elle se jette sur lui, mutilant son visage. Les blessures ne guérissent pas, l'infection gagne. Il en mourra.

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary Les trésors de Cotteughes

À Trizac, les paysans racontent que dans le bois de Marilhou, où se trouvent plusieurs entassements de terrain, restes d'une cité gauloise, Cotteughes, d'invisibles trésors ont été laissées à la garde des couleuvres. Un jeudi saint, une pauvre femme, appelée Cattine Leybros, vit deux serpents sortir de ces décombres, portant chacun un anneau d'or au cou : c'étaient évidemment deux génies. La vieille, les ayant laissés s'éloigner, fouilla juste au point où elle les avait aperçus d'abord et découvrir un grand vase rempli de pièces d'argent. Cattine porta toute tremblante ce vase à l'église, et le posa sur l'autel. Le lendemain, on retrouva le trésor intact, mais les couleuvres, qui avaient voulu aller le reprendre pendant la nuit, furent trouvées mortes près du bénitier.

Le paysan et la sorcière

Cotteughes fut jadis habité par des fées ; obligées de l'abandonner sans qu'on puisse savoir bien pourquoi, elles y ont laissé des trésors immenses qu'elles viennent rechercher au milieu de ses débris. Il y a quelques années, un montagnard, égaré dans la foret, se trouva tout-à-coup en présence d'une petite vieille, toute décrépite, qui traînait à grand'peine une énorme marmite de bronze, sans doute remplie d'or, et qui disparut dès qu'elle l'aperçut. On sait même où gisent ces trésors et les conditions auxquelles il serait possible de les trouver. Dans la foret est une vaste dalle portant un anneau de bronze : elle recouvre l'entrée du souterrain où il sont enfouis ; mais elle est cachée avec soin sous des pierres et des broussailles, et il n'est donné de la découvrir que le jeudi saint ou le dimanche de Pâques, pendant la célébration des offices.

Jean-Baptiste DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique du département du Cantal

73 Le paysan et la sorcière (bis)

Il y a peut-être trois siècles de cela. L'hiver, cette année-là, a été rude et fort long. Le bûcher est vide. Un pauvre paysan de Trizac part un dimanche matin pour le bois de Marilhou, dans le but de ramasser des branches mortes. Il s'égare dans la foret, et aperçoit tout-à-coup une vieille femme décrépite qui traîne à grand-peine une énorme marmite de bronze remplies de pièces d'or. Il entreprend de la suivre sans se faire remarquer. Elle chemine lentement, arrive dans les ruines de Cotteughes, erre longuement dans les venelles mortes, et, se retournant brusquement, pousse une plainte rauque, déchirante. Lançant en avant ses mains crochues, elles ressemble à une sorcière jetant un sort au malheureux paysan, muet et immobile de saisissement. Puis la maléfique vision disparaît, comme engloutie par quelque souterrain.

L'homme ne manque pas de courage ! S'étant approché, il voit une lourde dalle de basalte qui bouche l'entrée de la galerie. Il tente de la soulever, grâce à l'anneau de bronze dont elle est munie. En vain ! De retour à sa chaumine, il est atteint d'un mail mystérieux et meurt la nuit suivante. Avant de rendre le dernier soupir, il a prononcé ces mots : « vous trouverez l'emplacement de la dalle si vous traversez Cotteughes pendant l'Office des ténèbres du Jeudi-Saint, ou pendant la messe du dimanche de Pâques ».

La table d'or

Selon la tradition, de grandes calamités devaient s'abattre sur toute la contrée lorsque serait retrouvé à Cotteughes une table en or massif. Vers 1830, un « étranger », dont l'histoire n'a pas retenu le nom, l'apprit à ses dépens. Ayant entrepris des fouilles, il dût battre en retraite précipitamment, devant l'attritude hostile et résolue des bergers, des paysans des fermes de la montagne et même des habitants de Trizac !

Le veau d'or

N'est-ce point également l'amour du lucre qui, vers 1900, poussa une quinzaine d'hommes de la commune de Valette, recrutés par le baron de La Veyssière, propriétaire du château de Tautal-Soutro, à effectuer des recherches ! Ils devaient découvrir, non plus une table, mais... un beau d'or massif ! Hélas, le Suc de Gramont n'est pas le Sinaî. L'ardeur des participants bénévoles tomba devant l'écrasante tâche qui les attendait. Peu à peu, l'enthousiasme fébrile des premiers jours fit place au découragement, et le résultat de l'expédition s'avéra nul.

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary et « La Montagne », 1er août 1971

74 La chèvre noire

Si on allait à Cotteughes par une nuit bien noire, une chèvre tout aussi noire apparaissait devant vous. Elle courait pour vous mener au trésor de Cotteughes. Mais, si vous prenez soin de la suivre, elle disparaissait...

Propos recueillis les 2 juillet et 27 octobre 1997 par Didier HUGUET, Centre Joseph Canteloube, Aurillac, auprès de Mme Raymonde CHAMBRE de Saint-Vincent-de- Irène de Cotteughes

Un certain E. Baudouin nous conte la légende d'Irène, une jeune suzeraine de seize ans, vivant cloîtrée dans la tour qui flanquait autrefois l'aile gauche du château de Cotteughes, « austère manoir d'architecture romane, membre de la vieille cité gauloise détruite par une convulsion volcanique, un soir d'automne ».

Un matin de printemps, un troubadour jouant de la théorbe s'arrête au pied de la tour, s'agenouille et chante le trouble de son cœur à la jolie châtelaine. Irène reconnaît dans le jeune homme son ami d'enfance et déclare : – Ami, sois le bienvenu ! Dans cent nuits, je serai ta dame. Reviens quand le temps aura ôté sa robe d'or aux blés et que commencera à souffler l'aquilon. Sur la croix, j'engage mon âme de te prendre pour époux...

Un mois à peine s'est écoulé, depuis cette entrevue, qu'un soir de mai arrive au château un jeune seigneur, monté sur un superbe genet gris. Il prétend venir d'une île lointaine où une voix lui aurait dit : – Va vers l'Auvergne ! Tu trouveras là-bas la femme dont tu rêves pour épouse. Elle s'appelle Irène, et tu reconnaîtras son domaine à la bannière blasonnée de sept hermines, aux écussons brodés en pal, qui flotte sur le donjon.

Après une nouvelle révérence, le visiteur ajoute : – Je me nomme Védrines de Saint-Loup.

Subjuguée par la prestance du chevalier, Irène oublie son serment et consent à l'épouser. Les noces ont lieu le jour de la Toussaint, dans un faste inouï.

Dès le lendemain, les malheurs commencent pur la jeune mariée. Savez-vous qui elle a épousé ? Le diable en personne ! En effet, Satan, s'ennuyant dans son triste royaume, a résolu un jour de s'amuser. Il a choisi sur une carte le château de Cotteughes pour un séjour passager, et pour dame, la suzeraine. Cette dernière, depuis le mariage, est enfermée dans son oratoire, et erre comme une ombre de feu, tandis que son misérable époux organise tous les jours des battues aux loups et aux sangliers, depuis l'aube jusqu'au delà du crépuscule. On peut voir cette chasse infernale traverser le bois de Marilhou, chaque année, à l'heure où le prêtre entonne le chant des trépassés, dans la deuxième soirée de novembre... Après le passage de la meute et des cavaliers, montent les virelais éplorés du pauvre troubadour. Une odeur de soufre flotte à l'entour.

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

75 76 Les Cinq Chemins

Existe-t-il un mond lieu plus maudit que celui se situant dans la commune de Valette, à portée de voix du bourg ? Évoquer son seul nom – « lais cinq charreiros » (les cinq chemins) – me Valette donne encore la chair de poule ! Les récits oraux des anciens « Valettous » racontaient que l'un des chemins était le lieu de réunion favori des sorcières et autres créatures maléfiques de la contrée.

Vers Marcombes et ses rochers régnait un peuple de géants, occupés depuis toujours à bâtir un cromlech. Un mauvais sort s'acharnait sur eux : ils devaient terminer leur entreprise nocturne avant que le coq ne chantât. Or, à chaque aube, il manquait une pierre, et leur tâche n'était jamais achevée, car le soleil levant entassait en chaos les monolithes déjà dressés. Imaginez leur fureur !

Les trois autres chemins aboutissant à ce carrefour étaient fréquentés par de non moins redoutables créatures. Celui conduisant au moulin « de vès Croucon » était le domaine incontesté des naïades de la Sumène. Le deuxième se perdait dans le bois de Roche, royaume d'un loup-garou que d'intrépides chasseurs n'avaient jamais réussi à abattre, même avec des balles de plomb bénites par le curé de la paroisse. Quant au dernier, menant au hameau de Roche-Haut, il passait à proximité d' « uno sergo » (petite mare) où des fées lavandières étaient occupées chaque nuit à laver les âmes des enfants morts sans baptême et celles des adultes trépassés sans avoir reçu le sacrement de confirmation.

Certaines nuitées de pleine lune et de grand gel, tout ce petit monde se réunissait au carrefour « des cinq charreïros », véritable centre de gravité des « peurs » de la région.

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

Surpris par le loup

Il y avait encore des loups dans Haut-Cantal, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La Marie-Petite racontait volontiers que, dans son enfance, par les soirs d'hiver, les hurlements des loups s'entendaient à proximité du bourg, sur la colline appelée « Lo Redoundèiro ». Les habitants fermaient soigneusement toutes les issues de la maison et de l'étable et ne dormaient que d'un œil.

Une fois, vers 1850, les loups firent irruption dans le bourg. Une quinzaine de moutons étaient parqués « chez la Marie-Jeannette », à l'entrée de l'étable, sous « lou croupoun », de chaume, partie du toit recouvrant le pignon et débordant largement en auvent. Les pauvres animaux sans défense furent attaqués et, au petit matin, on retrouva seulement

77 un agnelet miraculeusement rescapé du massacre. Alors que les moutons s'étaient enfuis dans la montagne et avaient été dévorés, lui s'était réfugié sur la margelle d'un puits que l'on peut encore voir de nos jours, à l'amorce de la route de la Pierre-Grosse. Son inaptitude à la course, inhérente à son jeune âge, l'avait paradoxalement sauvé d'une mort certaine !

Un paysan nonagénaire, digne de foi, m'a affirmé avoir vu un loup en 1894, alors qu'âgé de dix ans, il gardait les vaches au lieu-dit « Les Lignes ». Une noce se déroulait au village de Tautal-Soubro, et les convives avaient mené un tel tapage, le cabrettaire et le violoneux avaient tiré de leur instrument des sons si puissants et aigus, qu'un loup, effrayé par le tintamarre, quitta son repaire des bois de Groce pour gagner la foret « del Gour », en traversant les pâtures des Grands-Champs. Il passa à vingt pas du gamin qui, mort de peur, n'eut même pas le réflexe d'appeler et courut se réfugier dans la grange.

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary

Le chien qui parlait

Il était une fois, entre Dordogne et Puy Mary [...] un aubergiste du nom de Pierrounel. [...] Un soir de l'été finissant, entra dans la salle d'auberge un homme au teint basané, vêtu de curieuse façon : sans doute quelque gitan, errant sur les routes du haut pays cantalien, dans une vieille roulotte tirée par une haridelle.

Le bohémien s'assit à une table, près de la fenêtre. Le caniche qui l'accompagnait sauta sur un tabouret, près de son maître. Le derrière posé sur le siège, il fit le beau, puis posa ses pattes antérieures sur le bord de la table, dans une attitude digne, inhabituelle chez un chien. Les autres consommateurs, interloqués par ce spectacle, ne pipaient mot.

Pierrounel s'approcha du romanichel et questionna :

– Qu'est-ce que je vous sers ?

– Une bouteille de bière, répondit l'homme.

L'aubergiste se dirigeait déjà vers le comptoir, quand une voix toute drôle le héla :

– Pour moi, ce sera... une saucisse crue, avec un os !

Muet et pâle de saisissement, Pierrounel se retourna. Les autres buveurs observaient un mutisme poli, quasi religieux. Quant à lo Lisouno (l'épouse de Pierrounel), la mine ahurie, elle laissa choir le verre qu'elle essuyait. Dans la salle régnait un pesant silence, que rompit heureusement le gitan.

– Ne faites pas attention, dit-il. C'est mon chien...

– …

78 – Oui, je lui ai appris à parler, voilà tout !

[...]

Lo Lisouno retrouva retrouva vite ses esprits, et, méfiante, alla vers le chien.

– Qu'est-ce qu'il faut te servir ? demanda-t-elle.

– Je vous l'ai déjà dit : une saucisse crue, avec un os !, répondit le chien.

Le doute n'était plus permis. Le caniche parlait. Les buveurs firent cercle autour de la table occupée par le romanichel, poussant des "Ah, quelle affaire" et des "Oh ! Mais c'est qu'il parle !"

L'inconnu s'impatientait visiblement. Il s'écria :

– Allez vous nous servir, à la fin ?

Pierrounel disparut dans la cuisine, en revint bientôt, portant la bouteille de bière et un verre d'une main, dans l'autre, sur une assiette, une saucisse crue et un os de belle taille.

Le gitan se versa à boire, avala avec une visible satisfaction. Le chien se jeta goulûment sur la saucisse, la croqua en un éclair. Puis il se mit à ronger l'os, qu'il maintenait dans l'assiette, avec ses pattes.

Soudain, lo Loisouno, par amour du lucre, comprit tout parti d'un chien savant. Elle entraîna son époux dans l'arrière-cuisine et, à voix basse, lui tint ce langage :

– Il faut acheter ce chien ! Nous ferons faire une enseigne pour notre auberge. "AU CHIEN QUI PARLE". Ça ne désemplira pas, chez nous ! Il y a de l'or à gagner !

L'air dubitatif, Pierrounel se gratta longuement le sommet du crâne, ce qui, chez lui, était signe de profonde réflexion. Il dit enfin :

– Femno, sègur que tus a rèsous ! Chau lou croumpà ! (Ma femme, c'est sur que tu as raison ! Il faut l'acheter !)

Et ils se rendirent dans la salle [...]. S'approchant du gitan, l'aubergiste dit :

– Je vous l'achète, votre chien. Je vous en donne... vingt pistoles.

Le quidam fit non, de la tête.

– Vingt-cinq pistoles !, renchérit Pierrounel.

L'homme au chien, devant le désir immodéré de l'aubergiste pour son caniche, devina qu'il pouvait faire une bonne affaire.

79 – Allez ! Quarante pistoles, et les consommations ! Tant pis pour moi, je vous le laisse !, déclara le bohémien.

[…]

Du regard, Pierrounel interrogea sa femme qui, d'un hochement de tête, lui fit signe d'accepter. Une tape mutuelle dans la main conclut le marché. Cela ne sembla pas du goût du chien, qui s'écria :

– Ce n'est pas gentil de me vendre ! Puisque c'est comme ça, je ne parlerai plus pendant une semaine !

– Bah ! Une semaine, c'est vite passé !, pensa lo Lisouno.

L'aubergiste attira le chien dans la cuisine, grâce à une deuxième saucisse, et ferma la porte à double tour. Puis il s'en fut quérir la somme, que le gitan vérifia avant de l'empocher et... de s'enfuir !

Une semaine passa, puis une autre encore, sans que le chien daignât parler. Il ne prononça pas un mot, pas même une virgule. Vous avez maintenant compris que son ancien maître était ventriloque.

Que croyez-vous qu'il advint ? Ce marché de dupes fut à l'origine d'homériques scènes de ménage entre Pierrounel et sa femme, s'accusant mutuellement de s'être laissés gruger par le gitan. Le comble, ce fut quand le chien, profitant d'une porte laissée malencontreusement ouverte, s'enfuit à toutes pattes, pour aller retrouver son maître. Celui-ci faisant le saltimbanque à la foire de la Saint-Michel, à Riom-ès-Montagnes, et fêta comme il se doit le retour de son compagnon. Quant à Pierrounel, il faillit de désespoir s'arracher les quelques cheveux qui lui restaient.

On dit même qu'il conta son aventure au curé de Valtignac, lequel faillit mourir d'apoplexie, tant il rit. Il conseilla à l'aubergiste de ne pas porter plainte : le gitan avait cédé à son insistance, mais l'escroquerie n'était pas établie, car il n'avait pas proposé la vente de son chien.

Nul ne revit jamais le bohémien et son caniche. Si Dieu leur prêtait vite, ils courraient encore ! Pierrounel, lui, est parti depuis longtemps au royaume des pauvres en esprit. Là- haut, il en est encore à espérer ses quarante pistoles !

Étonnez-vous, après cela, que les bêtes aient parlé autrefois, quand nous voyons plus bêtes qu'elles qui parlaient également, et qui parlent encore, de nos jours !

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary La petite fée des fleurs

Sur l'adret de La Redoundèiro, ce petit suc volcanique qui protège Valette des vents du nord et de l'est, s'étend un champ, « Lou Prat Flourit » (le pré fleuri). Une vieille légende s'attache à ce lieu.

80 C'était vers la fin du Moyen-Age, dans les dernières années du règne de Philippe VI, roi de France. […] En ce temps-là, dans une chaumine bâtie en lisière de la pinède ourlant le sommet de La Redoundeiro, vivait le vieux Jérémie, ancien boscatier (bûcheron). C'était un brave homme, usé par l'âge, les privations et la dure vie dans les bois. Pourquoi, au soir de son existence, le sort s'acharna-t-il sur lui ? Pourquoi, en l'espace d'une semaine, la peste lui ravit-elle son fils et sa bru, ne lui laissant, pour apaiser son chagrin, que sa petite fille Florence ?

– C'était à moi de « partir » !, se lamentait-il.

Jérémie dut se remettre au travail, cultivant le minuscule champ et récoltant de quoi survivre. Âgée de quinze printemps, Florence s'occupait du logis et, en bonne petite ménagère, préparait les maigres repas, rapetassait les misérables hardes, menait ses quatre moutons au pâturage. Elle trouvait encore le temps de filer la laine et allait le vendre au village voisin. Surtout, pendant les longues rêveries solitaires que lui permettait la garde de son insignifiant troupeau, elle avait appris à observer les fleurs, leur couleur changeant selon l'heure et la lumière, leur torpeur sous la chaleur épaisse des jours d'orage, leur frémissement sous la caresse du vent, leur épanouissement au premier rai du soleil, leur rétraction quand apparaît au ciel l'étoile du berger. Par dérision, les habitants du village voisin nommèrent Florence « la petite fée des fleurs ». Or, dans notre Haut-Cantal, les fées n'avaient pas bonne presse, mais était au contraire chargée de toutes les vices !

Un matin de printemps, il advint que l'aïeul ne put se lever. Des douleurs lancinantes accablaient ses vieux membres roides, durcissant sa nuque, pesaient à l'étouffer sur sa poitrine maigre. Faiblement, il héla Florence, occupée à la traite matinale des brebis. Elle s'approcha de la couche et embrassa son grand-père.

– Ma Florence !, soupira le vieillard, Mon heure est venue. Je sens que je vais passer. Tu es encore jeunette, mais vaillante en diable, et je ne porte pas peine pour toi. – Vous êtes fol, père-grand !, s'écria Florence. Ne perdez point courage. Ce n'est que mal-être, qui sera tôt passé. – A quoi bon tricher ! Je m'affaiblis d'un instant à l'autre. Il est temps de partir. Mais auparavant, descends au village et va quérir notre curé. Je veux mettre un peu d'ordre dans mes affaires... Avant le grand voyage.

Sanglotante, ivre de douleur, atterrée à la pensée de perdre son bon papa, Florence courut d'une seule traite au village. Elle n'eut pas un regard pour ses chères fleurs. Si elle s'était arrêtée, elle eût pu voir, dans les corolles, des gouttes de rosée matinale qui étaient peut-être des larmes de chagrin.

Dans la venelle du village, en passant devant la chaumière de Césarie, la jeune fille se ravisa. Si, au lieu d'aller trouver le prêtre, elle consultait cette vieille femme, qui passait pour sorcière et avait le don de guérir tous les maux ? Elle paierait, bien sûr !

Anxieuse, Florence heurta l'huis. La Césarie entrouvrit la porte, le cheveu en bataille et la bouche mauvaise :

– Que me veux-tu ?, lança-t-elle d'une voix acariâtre.

81 – Père-grand est bien malade. Voulez-vous le venir visiter ? – Diantre non ! Crois-tu que je vais me déranger pour des loqueteux comme vous ?

Puis, doucereuse et ironique :

– Mais, adresse-toi donc à tes fleurs !

Et la vieille femme éclata d'un rire sarcastique avant de claquer la porte au visage de Florence désemparée. Le curé était absent, invité à une réception donnée par le châtelain. Que faire ? Florence s'en revenait tristement vers sa chaumine, en traversant Lou Prat Flourit.

– Père-grand est à l'article de la mort, murmura-t-elle entre deux sanglots.

Alors, un frémissement parcourut toute la prairie. Une voix, semblant venir d'une touffe de grandes herbes, appela. C'était celle de la reine des prés, qui régnait sur Lou Prat Fleurit :

– Approche, Florence ! Sèche tes pleurs et m'écoute. Ce soir, au jour mourant, quand Phébus aura basculé sous l'horizon, dépose à mes pieds une simple écuelle. Demain, foi de souveraine, ton grand-père sera guéri ! – Majesté, je n'entends rien à votre discours ! – Peu importe ! Va, et fais comme je t'ai dit !

Entre chien et loup, Florence revint et, comme convenu, déposa le récipient près de la reine des prés. Il se passa alors une chose extraordinaire, que nul, plus jamais, ne reverra. Ce furent les campanules qui s'agitèrent les premières, battant le rappel à grands coups de leurs clochettes mauves. Aussitôt, des lucioles firent un cercle phosphorescent autour de l'écuelle de bois, tandis que, de chaque corolle, de chaque calice, de chaque racine des innombrables espèces s'exhalèrent les vertus bienfaisantes des fleurs. D'abord diaphane, la quintessence subtile des plantes fonça, prit forme, se transforma en une sorte de génie aérien, un elfe éthéré, qui vola jusqu'au vase pour y déposer une brillante perle liquide.

– Florence !, dit la reine des prés, porte cette potion à ton aïeul. Qu'il la boive en trois fois, avant le lever du jour ! Demain, tu sauras me dire si ton cher papa se rétablit. Encore un mot : à aucun prix, ton grand-père ne doit connaître la provenance de ce breuvage !

Il fut ainsi. Le miracle s'accomplit. Le lendemain, dès l'aube, débarrassé de toutes ses douleurs, le vieux Jérémie sauta de sa couche, se vêtit, gagna le seuil de la chaumine. La lumière printanière était douce. Cela valait encore la peine de vivre !

Tout ragaillardi, il reprit ses occupations, et vécut longtemps, très longtemps, à en venir trisaïeul ! Son seul regret était d'ignorer la source de cette potion de jouvence. Il eut beau interroger, Florence ne pipa jamais...

Jacques MALLOUET, Jours d'Auvergne

82 La Croix de la Belle (Cruz de la Bella)

Sous le bois de Roche, à quelques hectomètres de Marcombes6, se dresse une croix, la « Crouz de la Bella ». Ici s'est déroulé un drame.

C'était vers la fin du Moyen-Age, par certains soirs d'automne. A l'heure crépusculaire, quand le vent mauvais harcelait le feuille oubliée au sommet du rameau de l'églantier, quand l'ombre gagnait à la corne du bois, et qu'on ne savait plus, de l'animal qui passait, s'il était chien ou bien loup ; une voix s'élevait. Ou plutôt une plainte, déchirante, changeante, tour à tour désolée ou implorante : « Parrain ! Parrain ! »

Les bergers qui s'en revenaient à leur chaumine était pris d'une peur panique. Le chien montrait les crocs. La maîtresse vache, qui marchait en tête du troupeau, bramait de terreur. Et sous l'insignifiant croissant de la lune nouvelle, la voix esseulée, abandonnée des hommes, psalmodiait son éternel : « Parrain ! Parrain ! »

Certains passants, plus réceptifs que d'autres, ou simplement plus imaginatifs, apercevaient une forme blanche, diaphane, qui errait dans le « pradoun » (petit pré). Et toujours cette clameur éplorée, lancinante : « Parrain ! Parrain ! »

Quelle était cette âme en peine, venue de l'au-delà ? Tout simplement celle d'une jeune fille, à l'admirable beauté, qu'on appelait partout « la Bella ». Un siècle auparavant, elle était née à Marcombes. Vers la fin d'un après-midi de septembre, la Bella glanait sur l'éteule, dans la partir du pradoun alors cultivé, à proximité du bois de Roche. Surgi de la hêtraie, survint Satan, qui avait coutume de faire de fréquents séjours en Haute-Auvergne. Ce jour-là, il avait pris l'aspect d'un séduisant chevalier et montait une hument noire dont les naseaux exhalaient des vapeurs de soufre. Il s'approcha de la jeune fille courbée sur la glèbe et l'apostropha de ces termes :

– C'est toi qu'on appelle la Bella ? – Oc, messire !, dit-elle, émue. – Très bien ! Je suis fort aise de te rencontrer. Pour l'heure, cesse ton manège, désormais inutile. Les quelques épis que tu peux ramasser ne te seraient d'aucun secours, car voici l'instant venu de quitter cette terre. Là où je désire t'emmener, toute nourriture est superflue. – Que signifie ce discours ? – Ne fais point l'innocente. Je suis Satan. Il est grand temps que tu te prépares pour le long voyage. Tu n'as pas reçu le Sacrement de baptême, ce dont je me

6 À Marcombes, emprunter le chemin en direction de Roche, jusqu'au premier croisement. La croix se situe à gauche, sur le pré bordé par ces deux chemins.

83 réjouis fort. Ton âme m'apparient. Nous partons dès ce soir pour le royaume des Enfers. – Pitié ! Pitié !, supplia Bella, dans un souffle. – Que nenni !, coupa brutalement le Diable.

Et s'approchant, il fit mine de saisir, de ses mains crochues, le cou gracile de la jeune fille. Épouvantée, elle se laissa choir sur le sol, mourut de frayeur. Satan s'empara de son âme et s'enfuit au triple galop.

Bien plus tard – combien de siècles ? - un homme de grand cœur et de profonde piété fit élever la croix de pierre que l'on peut voir aujourd'hui.

Jacques MALLOUET, Jours d'Auvergne

Le spectre du cimetière

Une légende raconte qu'autrefois, sur le parcours de Valette-Riom, à la nuit tombée, aucun attelage ne voulait passer devant le cimetière. Il fallait que le cocher prenne la bête par la bride pour passer. D'après la légende, c'est Satan qui rôdait.

Grand-mère d'Hugues JAROUSSE, Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Racines de gentiane

84 La gentiane

L'histoire raconte que c'est un roi d'illyrie (L'Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l'Adriatique, correspondant à peu près à l'Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l'Albanie actuelle) du nom de Gentius, qui l'aurait vue pour la première fois dans nos moyennes montagnes européennes. Par sa trouvaille, il lui donna donc le nom de gentiane et vanta les mérites de cette plante en colportant des mythes si près de la sorcellerie, qu'au fil des ans, elle fut enfin utilisée et entra dans la composition de remèdes miracles.

D'après PLINE L'ANCIEN, Histoire naturelle Livre XXV Aux origines de la gentiane...

85 Bibliographie

Ouvrages et monographies

Jacques MALLOUET, Entre Dordogne et Puy Mary, Badel, Chateauroux, 1973

Dans son premier ouvrage, Jacques Mallouet, jusqu'alors professeur de mathématiques, raconte quelques scènes de la vie quotidienne en Auvergne jusqu'à la seconde guerre mondiale, se remémore ses souvenirs d'enfance, Bibliographie nous fait partager son amour pour la langue occitane, mais surtout quelques récits, usages, croyances, contes et légendes du haut-Cantal.

Justin BOURGEADE, Tintinou, Paysan d'Auvergne, De Borée, Riom, 1997

Justin Bourgeade décrit la vie rurale quotidienne telle qu'elle se déroulait dans un village montagnard au début du XXe siècle. Un témoignage authentique de cette époque, lorsque le coeur des campagnes battait au rythme des traditions et des usages... Une peinture vivante d'un proche passé qui est cher au Cantal.

Gilbert LACONCHE, Légendes et diableries du Cantal, contes des veillées d'autrefois, éditions Verso, Guéret, 1993

Le Cantal s'écoute autant qu'il se regarde, en témoignent ce recueil de légendes, croyances, superstitions, sercrets anciens et pratiques diverses du Cantal.

Jacques MALLOUET, Jours d'Auvergne, Imprimerie Lienhart, Aubenas, 1992

Avec une certaine nostalgie, Jacques Mallouet nous emmène à la (re)découverte d'un patrimoine oral et immatériel que la société "a laissé périr, par dédain". Il défend avec hargne le passé de son terroir.

Annette LAURAS-POURRAT, Guide de l'Auvergne mystérieuse, Tchou, Paris, 2000

Les mystères de l'Auvergne profonde, ses mythes et ses légendes, avec des itinéraires insolites.

Paul SEBILLOT, Henri POURRAT, Félix REMIZE, Contes d'Auvergne, éditions Ouest France, Rennes, 2001

A la fin du XIXe siècle, âge d'or de la collecte folklorique, le plus éminent folkloriste français, Paul Sébillot (1843-1918), fondateur et directeur de la prestigieuse Revue des traditions populaires se livre à une enquête sur la littérature orale de l'Auvergne, lui qui a recueilli des centaines de contes en Haute-Bretagne s'étonne qu'une région encore très isolée n'ait fourni qu'une si maigre collecte. Quelques années plus tard, un tout jeune homme, Henri Pourrat (1887-1959) engage une recherche dont il publie les premières pièces dans La semaine auvergnate en 1913. La guerre éclate : la publication

86 s'interrompt. Cependant, la collecte de Pourrat donnera lieu au Trésor des contes, un monument du conte français. Au même moment, en Aubrac, Félix Remize (1865-1941) poursuit dans l'Armanac de Louzero par lui fondé en 1899 une belle collecte de contes en occitan qui nous permet de découvrir le Planpougnet, lou Ratou et ces personnages sentencieux qui font le charme des récits de l'Aubrac, comme du Cantal et du Puy-de-Dôme. A eux trois, ils nous permettent de remonter à la source du conte d'Auvergne en ce qu'il a de plus vrai.

Valrhue, Contes et poèmes de la vallée de la Petite Rhue, février 2000

L'association de la vallée de la Petite Rhue milite et agit pour la sauvegarde du patrimoine local, par le biais de l'organisation d'expositions, de manifestations culturelles et l'édition d'ouvrages et recueils comme celui-ci.

Pierre BESSON, Un Pâtre du Cantal, De Borée, Riom, 2004

Cet instituteur originaire de Cheylade nous conte quelques-uns de ses souvenirs d'enfance et nous replonge quelques décennies en arrière. L'ouvrage, incontournable, a été réédité à maintes reprises depuis 1928.

JP SIMEON, La Gentiane d'Or, Le Poisson Soluble, Le Puy-en-Velay, 1994

Un conte imaginé à partir de légendes collectées dans le pays de Riom-ès- Montagnes.

JP SIMEON, Contes et légendes d'Auvergne, Nathan, 1999

En Auvergne depuis toujours, trois choses poussent et ne cessent de fleurir : « la gentiane, le genêt et le mystère surtout ». Dans la région, les gens côtoient ogres, diables et géants qui, sans relâche, essaient de gâcher leur vie.

« Volcan Cantalien », balades et randonnées, 4e édition, Editions Chamina, Clermont- Ferrand, 2002

Ce livret, illustré de nombreuses données historiques, géographiques et patrimoniales, offre Une large palette de sentiers de randonnée qui prennent alors tout leur sens.

Association Valrhue, Des figures qui ont marqué la vallée, juillet-août 2008

A. TRIN, Camille VIGOUROUX, Saignes et ses environs, G. de Bussac, Clermont- Ferrand, p. 10.

Pierre-François FOURNIER, Magie et sorcellerie, Editions Ipomée, Moulins, 1979

Antonin MEYNIEL, Auvergne et Auvergnats, librairie G. Ficker, Paris, 1909

Jean-Baptiste DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique et historique du Cantal, Imprimeurs de la Préfecture, Aurillac, 1855

87 Paulin MALGA, Contes de chez nous, Imprimerie Moderne, Aurillac, 1920

Jacques MALLOUET, Auvergne de nos racines, éd. Jean-Pierre Gyss, Hayange, 1998

Antoine TRIN, Essai de répertoire et Fontaines sacrées du Cantal, Revue de la Haute- Auvergne, octobre-décembre 1967

Jean ANGLADE, Les Puysatiers, Presses de la Cité, Paris, 2001

A. VAN GENNEP, Le folklore de l'Auvergne et du Velay, éd. Maisonneuve, Paris, 1942

Marcel JUILLARD, Contes du pays d'Artense, Imprimerie du Progrès, Aurillac, 1953

Paul SEBILLOT, La littérature orale de l'Auvergne, Maisonneuve, Paris, 1898

Alix DE LACHAPELLE D'APCHIER, Contes d'Auvergne et du Massif Central, De Borée, Clermont-Ferrand, 2000

Adolphe CHALVET DE ROCHEMONTEIX, Guide de la vallée de Cheylade, Syndicat d'initiative de la vallée de Cheylade, Aurillac, 1937

Guide de la vallée de Cheylade, Syndicat d'initiative de la vallée de Cheylade, Aurillac, 1921

Honorin VICTOIRE, Les mystères de l'Auvergne, éd. Sud Ouest, Bordeaux, 2000

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Henri DURIF, Guide historique, archéologique et pittoresque du Voyageur dans le départemental du Cantal, Libr. Ferary, Aurillac, 1861

Louis ARMAGIER, Histoires et légendes de l'Auvergne mystérieuse, Tchou, Paris, 1969

Mathias DE GIRALDO, Histoire curieuse et pittoresque des sorciers, devins, magiciens, astrologues, B.Renault éditeur, Paris, 1846

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Collège nationalisé mixte de Riom-ès-Montagnes, Au bord des puys ; contes, légendes, dictons, recettes de cuisine locale du pays de Riom-ès-Montagnes, 1983

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89 Littérature grise

Le patrimoine culturel immatériel : les enjeux, les problématiques, les pratiques. Actes du colloque organisé par la Fondation du Forum d'Assilah et la Maison des cultures du monde, Paris, Maison des cultures du monde et Arles, Actes Sud, 2004

Isaac CHIVA, Une politique pour le patrimoine culturel rural. Rapport présenté à M. Jacques TOUBON, Ministre de la culture et de la francophonie, Ministère de la culture et de la francophonie, 1994

Magali GONDAL, Diagnostic des patrimoines de la Communauté de communes du Pays Gentiane, rapport de synthèse, Communauté de Communes du Pays Gentiane, 2007

Pierre RIO, Diagnostic du patrimoine archéologique du Pays Gentiane, Communauté de communes du Pays Gentiane, Septembre-novembre 2007

Documents sonores et audiovisuels, par C. Blanc, N. Laparra et F. Bianchi, sous la direction de E. Bouyé, Archives départemental du Cantal, Aurillac, 2006

Paul ARMAND, Ecrits sur Riom et sur le pays d'alentour par des écrivains de Riom et d'ailleurs, Volumes 1 et 2

Articles et revues

Une légende du Haut Pays Cantalien, Jacques MALLOUET, Le Réveil de Mauriac, vendredi 23 mai 2003

La légendaire cité disparue de Cotteughes, Jacques MALLOUET, La Montagne, édition de Clermont Ferrand, 1er août 1971

Les trésors de Cotteughes, Justin BOURGEADE, La Montagne, édition de Clermont Ferrand, 1954

Articles en ligne

LEXPRESS.FR, Arnaud MALHERBE, Les Tranchades, 1er août 2002 http://www.lexpress.fr/informations/les-tranchades_648927.html

LIEUX-INSOLITES.FR, La légende des Tranchates de Laquairie http://www.lieux-insolites.fr/cantal/laquairie/laquarie.htm

AC-GRENOBLE.FR, Collège Jean Rostand de Moutiers, Contes d'Auvergne http://www.ac- grenoble.fr/college/moutiers.jeanrostand/LesMatieres/Matieres/Captures/Contes/auv107.ht m

CANTALCROIX.FREE.FR, Pierre MOULIER, Rôle et emplacement des croix http://cantalcroix.free.fr/pages%20html/role.htm

90 Sitographie (tous les liens actifs et vérifiés le 23 juillet 2010)

Collectivités locales

PAYS DE BROCELIANDE http://www.broceliande-pays.com

COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS MELUSIN http://www.cc-paysmelusin.fr

COMMUNAUTE DE COMMUNES DE BROCELIANDE http://www.cc-broceliande.fr

OFFICE DE TOURISME DE BROCELIANDE http://www.tourisme-broceliande.com

BROCELIANDE ET MOI, L'HISTOIRE PEUT COMMENCER, TOURISME BROCELIANDE http://www.tourisme-broceliande.com/IMG/pdf/BROCELIANDE-ET-MOI.pdf

LEGENDES D'ARTENSE, COMMUNE DE TREMOUILLE http://www.tremouille.fr/legende-artense-tremouille.htm

Sites ressource en patrimoine oral

CALLIXTE, DESSINATEUR ET ILLUSTRATEUR DE BANDE-DESSINEE http://www.callixte.com

LIEUX INSOLITES, CHEFS-D'OEUVRE DU PATRIMOINE NATUREL FRANCAIS http://www.lieux-insolites.fr

CARTES POSTALES ANCIENNES DU SANCTUAIRE DE LA FONT SAINTE, CANTAL http://stephlafontsainte15.skyrock.com

SUR LA D49, PHOTOGRAPHIES DU PAYS D'APCHON, CANTAL http://surlad49.skyrock.com

CANTAL CASCADES http://cantalcascades.free.fr

RECUEIL DE CONTES, LEGENDES ET AUTRES RECITS D'AUVERGNE http://www.recits-occitan.com

MARCHASTEL, ECOLE DE MARCHASTEL http://pagesperso-orange.fr/ecole.marchastel15/page2.html

BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE DE JACQUES MALLOUET http://jacques.mallouet.free.fr

91 LE VILLAGE AUX SERPENTS, JOURNALISTES REPORTERS D'IMAGES FRANCE 2 http://journalistes-reporters-dimages.france2.fr/mois.php3?id_rubrique=75

Multimédia

Contes, histoires et récit de vie. Informateur : François Loubeyre. Enquêteur : Didier Huguet. 1983. Document sonore. Archives départementales du Cantal.

Contes, légendes et chansons. Informateur : Alexis Pichot. Enquêteurs : Frédéric Bianchi, Didier Huguet. Document sonore. Archives départementales du Cantal.

“Les croix du Cantal” par Pierre MOULIER, in Echappées Belles, Le Massif Central. Samedi 29 mai 2010, 20 h 35, France 5

Entretiens

Edouard BOUYÉ, directeur des Archives départementales du Cantal, et Frédéric BIANCHI, responsable de la section audiovisuelle, mercredi 28 avril 2010, Archives départementales du Cantal, Aurillac

Dominique MALTHIEU, directrice et documentaliste de la Bibliothèque de Riom-ès- Montagnes, vendredi 30 avril 2010, bibliothèque de Riom-ès-Montagnes

Béatrice CHAUMEIL, Maire de Saint-Etienne-de-Chomeil, lundi 3 mai 2010, Communauté de communes du Pays Gentiane (Riom-ès-Montagnes)

Simon VEYSSIERE, Chavaillac, jeudi 6 mai 2010, Chavaillac (Saint-Etienne-de-Chomeil)

Lucienne ESCOUROLLES, bar-café Escourolles, lundi 10 mai 2010, le bourg (Marchastel)

Roger VEYSSIER, Romeix, mardi 18 mai 2010, Mairie de Saint-Etienne-de-Chomeil

Paule ESCOUROLLES, La Miallet, mardi 25 mai 2010, La Miallet (Marchastel)

Marcelle JOURNIAC et son fils Jean-Pierre, La Vidal, mardi 25 mai 2010, La Vidal (Apchon)

Pierre POUGET, Maire d'Apchon, lundi 31 mai 2010, Communauté de communes du Pays Gentiane (Riom-ès-Montagnes)

Charles RODDE, Maire de Collandres, mercredi 2 juin 2010, Mairie de Collandres

Jean-Marie BLANC, Valette, lundi 7 juin 2010, Communauté de communes du Pays Gentiane (Riom-ès-Montagnes)

Jean-Pierre ANDRAUD, La Coulard, mardi 8 juin 2010, La Coulard (Le Claux)

92 Madame ANDRAUD, La Coulard, mardi 15 juin 2010, Communauté de communes du Pays Gentiane (Riom-ès-Montagnes)

Entretiens téléphoniques

Jean-François BENOIT (Saint-Etienne-de-Chomeil), mercredi 12 mai 2010

Jean-Claude FESTAS (Menet), mercredi 19 mai 2010

Félix VERDIER (Trizac), mercredi 19 mai 2010

Didier HUGUET (Aurillac), jeudi 20 mai 2010

Nicole MARONNE (Cheylade), jeudi 27 mai 2010

Maryse et Jean-Marie BLANC (Valette), lundi 7 juin 2010

Odette LAPEYRE (Antignac), mercredi 9 juin 2010

93 Remerciements

La Communauté de communes du Pays Gentiane tient à remercier l'ensemble des acteurs qui ont collaboré à cet inventaire des contes et légendes du pays de Riom-ès- Montagnes.

Ces remerciements vont d'une part aux élus des douze communes du territoire qui, grâce à leur connaissance du terrain et de leurs habitants, ont été d'une précieuse aide et, d'autre part, aux organisations à but culturel : les Archives départementales du Cantal (Édouard BOUYÉ, Frédéric BIANCHI), la bibliothèque municipale de Riom-ès-Montagnes (Dominique MALTHIEU), l'IEO (et en particulier Didier HUGUET) et tous les acteurs associatifs pour leur très grande disponibilité. Remerciements

Nous tenons également à exprimer notre vive reconnaissance à toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à ce travail de collecte, en nous transmettant leurs témoignages oraux, ouvrages, articles et contacts : Jean-François BENOIT, Roger VEYSSIER et Simon VEYSSIERE de Saint-Etienne-de-Chomeil, Lucienne ESCOUROLLES et Paule ESCOUROLLES de Marchastel, Marcelle et Jean-Pierre JOURNIAC d'Apchon, Maryse et Jean-Marie BLANC de Valette, Anne-Marie et Jean- Pierre ANDRAUD du Claux, Jean-Claude FESTAS de Menet, Félix VERDIER de Trizac, Nicole MARONNE de Cheylade, Isabelle DIEUX de Saint-Amandin, Odette LAPEYRE d'Antignac.

Enfin, pour avoir aimablement accepté de nous prêter leurs illustrations, nous n'oublions pas de mentionner l'illustrateur Damien SCHMITZ de Cheylade, le collectionneur Stéphane POUGET, les photographes Hélène POUGET et Jean-Jacques CASSES, tous trois résidants à Apchon, ainsi que Sébastien BOUCHET, graphiste amateur.

94 Inventaire réalisé par Anthony BORDIEC pour la Communauté de communes du Pays Gentiane avril/juin 2010

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