<<

CHANSON textes malins qui donne aussitôt à la petite chan- teuse une nouvelle dimension. C'est : « Poupée de cire, poupée de son. » Un triomphe devant deux cents millions de téléspectateurs. France Gall a trouvé sa personnalité : sa voix sucrée prend un goût de sel, l'innocence se fait un rien match retour perverse, les fossettes deviennent mutines, la fille à papa si mignonne apparaît un peu salope par en dessous. Gainsbourg a trouvé sa vocation Plaquée pr insbfurg au rn aient de provocateur, France Gall vend encore plus de où elle volait vers la gloire, talonnée ensuite par l'échec, 45-tours. Leur association est un coup de génie. Elle durera une quinzaine de chansons. arriver -t-elle cette f Ris •I sortir enfin de la mêlée ? « Il me terrorisait, raconte-t-elle aujourd'hui, il me faisait peur, je le voyais dix jours avant l'enregistrement des disques et ça collait comme ça. » Le sommet : ces « sucettes à l'anis d'Annie », qui « coulent dans la gorge d'Annie » et « l'emmènent au paradis ». Elle assure aujourd'hui n'avoir compris le double sens de ses chansons que longtemps après. Nor- mai: France, depuis qu'elle a abandonné le lycée en troisième, plane. C'est elle qui le dit. « A l'époque, tout était organisé pour moi. Au point que, quand j'avais besoin d'argent, je devais demander un billet de cent francs à mon père chez qui j'habitais. Alors, pour le reste, je ne comprenais pas grand-chose. » « J'ai la pêche » Et puis, soudain, c'est fini : France Gall en a marre d'être une petite fille. Elle a vingt-trois ans. La dernière chanson que Gainsbourg lui a écrite : « Tiny Winnie Bopee est morte de L.S.D. », a fait un bide. Chacun reprend ses billes, et elle essaie de se débrouiller seule. Ça ne va plus du tout. Plus de bon parolier, plus de style, crac, dépression nerveuse. Les années noi- res de l'après-68. Elle se met à peindre, de très jolies petites choses naïves, mais les disques qu'elle enregistre ne plaisent plus, même plus aux enfants. Elle ne s'aime plus non plus. Exit France Gall. Maintenant, petite revue de presse. Nous som- mes en janvier 1982. Quatre pages dans « Paris- Match ». Titre : « , tout pour son bonheur, tout pour son mari. » Son mari, c'est , qu'elle a rencontré en 1974 et qui, depuis, compose toutes ses chan- sons. « Ils étaient faits l'un pour l'autre », cons- tate, attendri, Philippe Labro. Six pages et la couverture d' « Elle ». Titre : « L'amour lui a redonné le succès. » Ici, comme ailleurs, tout le mélo y est : la femme comblée, le couple idéal, l'amour et le succès. Que demander de plus ? Elle a vendu cent mille disques de « la Déclara- tion », la première chanson que Michel ait écrite (2 pour elle. Et quatre cent mille d' « Il jouait du piano debout ». Ni Johnny, l'éternel rescapé du rock français, ni Sylvie, à qui elle succède aujourd'hui au Palais des Sports, ne France Gall chez elle font autant ,de fric. Ni Johnny ni Sylvie ne font autant de fric « Michel me pousse en avant », dit-elle. C'est IIII Longtemps, à cause d'elle, la France resta Le message de France Gall, alors, était sim- vrai : il l'accompagne dans toutes ses répéti- coupée en deux. Une bonne moitié du pays ple : « Ne sois pas si bête », chantait-elle. Et tions, ce qui ne l'empêche pas de préparer découvrait les joies du rugby à la télévision et ne puis : « et « Sacré l' pour son propre compte, en avril pro- voyait dans ces deux noms accolés que le match .». La beatlemania n'avait pas chain, et de rêver de monter une comédie musi- vedette du tournoi des Cinq Nations. Le reste, encore déferlé sur le monde et Richard Antony cale avec Strehler ou Patrice Chéreau. Tous les qui ne jurait que par la découverte récente du n'en finissait pas d'entendre siffler le train. deux, ils vont aller très haut : « Je sais transistor, écoutait « Salut les copains ». Pour 1965 : France Gall avait dix-huit ans. Depuis qu'aujourd'hui, jubile-t-elle, je peux remplir le ceux-là, France Gall était « la vedette qui mar- deux ans déjà, elle vendait ses 45-tours les uns Palais des Sports pendant trois semaines. Je ne che ». C'était une petite blonde avec fossettes. après les autres. Sans se poser plus de questions. le pouvais pas il y a quinze ans. Je ne le pour- Sa voie acidulée ravissait les classes de seconde Survient Gainsbourg. Lui est à l'époque le rais plus dans quinze ans. J'ai la pêche. » de Janson-de-Sailly. Ses chansonnettes rythmées représentant le plus créatif, le plus novateur de Profitez-en : entourée des meilleurs musiciens collaient avec le temps, ce temps béni où la la chanson française. On lui commande une du moment, elle a toujours son air de femme- guerre d'Algérie déjà oubliée les enfants gâtés chanson. France Gall la présentera à l'Eurovi- enfant. Et toutes ses chansons semblent dire du baby-boom songeaient davantage à fumer sion, ce « machin » qui donna tant de charme « J'ai trente-quatre ans, mon vieux Gainsbourg, des cigarettes Kool en tapant sur Johnny Hally- aux soirées télévisées des années soixante. Gains- et je t'emmerde en attendant. » day qu'à ériger des barricades. bourg en profite lâchement et pond un de ces ANTOINE SILBER

64 Samedi 9 janvier 1982