1940-45 témoignages « La guerre leur a volé leurs plus belles années » Edmond, c’était « Monsieur François » Edmond Leroy, de Pour ses 493 hommes répartis IL A DIT Nassogne, a été le chef de dans les cantons de Nassogne, 493 agents répartis. Civil , Saint-Hubert, Tillet et Marius navigue bien Lavacherie, Edmond n’existait «Nous écoutions Radio Londres en 1940, il est devenu pas. Ils avaient tous affaire à qui devait nous prévenir de «Monsieur François». capitaine de la Résistance l’imminence du Débarquement par le message « Marius navigue à la fin de la guerre. bien ». Cette annonce est arrivée à la fin de l’année 1943». Philippe CARROZZA ● « SS not good » n 1940, Edmond Leroy est di­ «Mes hommes ont capturé plômé de l’école de mécanique quatre Allemands à la fin du mois Ede Seraing. Il trouve du travail à d’août 1944 : trois soldats heureux la saboterie mécanique de Nasso­ de voir la guerre se terminer et gne. Il y entretient les machines. Il un SS. Une sorte de sale type qui, fera même un remplacement de et on ne le savait pas au fortune chez l’imprimeur local : moment de son arrestation, avait « C’était à l’automne 1940. Les trois participé activement à des fils de l’imprimerie avaient été faits massacres à Oradour-sur-Glane, prisonniers. J’étais mécanicien et le près de Limoges (France). Il a clerc de notaire est venu me deman­ essayé de s’évader du camp de der de faire une affiche pour une Mormont. J’ai décidé de l’enfermer vente. J’ai accepté mais j’en ai vu du dans une étable sans fenêtre. temps ! J’ai sué. Cette expérience al­ Quand les Américains sont lait me servir quelques mois plus arrivés, on leur a remis les tard ». prisonniers. Les G.I.’s ont emmené En 1941, le Nassognard trouve un job de traceur dans les ateliers du les trois soldats en disant « eux prisonniers ». Par contre ils

Chemin de fer, à Salzinnes (Na­ 1053359058 – ÉdA mur). Il dessine des pièces pour le disaient du SS : « not good, not matériel roulant. Il comprend vite Bruxelles crée un groupe en pro­ était « Amand des Gaules » et moi, il n’y avait pas que les sabotages. good ». Ils l’ont attrapé et qu’il a les moyens d’enquiquiner les vince de . Léo Kauten, « solitaire de Freÿr ». On s’est vite D’ailleurs, je n’étais pas d’accord quelques minutes plus tard on a Allemands : « Bah, un trou au lieu de Warnach () et Émile rendu compte que c’était trop com­ avec ces actions qui pouvaient avoir entendu claquer un coup de feu de deux, des mesures qui ne collent Benoît,deNassogne,deuxétudiants pliqué. Léo Kauten est devenu des conséquences graves sur la po­ dans le bois. C’en était terminé. » pas, etc. C’était ma façon de faire de en droit qui se sont connus sur les Pierre Marca, Émile signait Joseph pulation. Choses bizarres la résistance. » bancs de l’université de Liège vont y et moi, François.» Monpassageunpeuforcéparl’im­ Godefroid de jouer un rôle important : « Émile À Wellin, se souvient Edmond Le­ primerie m’a bien servi . J’ai réussi à « La région était tellement m’a contacté. Il voulait que je l’aide. roy, le chef de brigade était le curé créer des affiches clandestines, des dangereuse, que nous avons Toujours en 1941, en septembre, le Tout est donc parti de Nassogne. de Chanly, l’abbé François : pamphlets et un petit journal. Nous conduit les Américains, évitant Nassognard est contacté par le ser­ Puis, quelques semaines plus tard, « Quand il participait à une mis­ avonsaussiréussiàcacheretàenrô­ avec précaution les choses qui vice du renseignement de Salzin­ Léo Kauten a déménagé le QG de sion de sabotage, il enlevait sa sou­ ler des réfractaires au travail obliga­ nous semblaient bizarres, comme nes:« Pourmemettreàl’épreuve,je Nassogne à Bure () qui était à tane et revêtait une salopette. Mais toire en Allemagne ». ■ un abri qui se dressait à tel ou tel devais faire le relevé des fortins le l’époque en province de Namur ! endroit alors qu’on ne l’avait longdelaMeuse.Surlecoup,j’igno­ J’avais toujours souhaité prendre jamais remarqué auparavant.» rais que c’était une sorte d’examen. une part active dans la Résistance. J’ai compris plus tard que le Rensei­ J’ai donc accepté.» Un beau collier d’oreilles Pas de femmes gnement n’avait absolument pas Edmond Leroy était le chef du sec­ tondues besoin de ces informations. J’ai visi­ teur 1 NMB­Lux qui englobait les e 11 mai 1940, Edmond À Nassogne, nous n’avions blement passé le test puisqu’on m’a cantons de Nassogne, Wellin, Saint­ Leroy et son copain Émile pas l’habitude de voir des « À la Libération, nous avons confié ensuite de véritables mis­ Hubert, Tillet et Lavacherie : L Benoît arrivent à Bray, où gens de couleurs. On a dû se capturé des collabos. Pas sions : signaler les trains qui trans­ « J’étais responsable de 493 agents. ils sont censés être accueillis faire une petite place sur les question de faire justice nous- portaient des troupes, le nombre de Dans chaque canton, il y avait un par l’armée. Il n’y a per­ bancs qui n’étaient occupés mêmes. J’ai ordonné qu’ils soient véhicules sur chaque convoi, etc. Je chef de brigade. Aucun d’eux ne me sonne.Il y a par contre des que par des tirailleurs séné­ conduits à Marche et remis à la transmettais ces données sur des connaissait. Pour eux et pour tout le tas de jeunes de leur âge, par­ galais ! Justice. De même, je me suis papiers. Ça me plaisait. Je n’ai plus monde, j’étais le secrétaire de Fran­ tout dans les rues, cherchant Chemin faisant, nous nous opposé à ce qu’on tonde les eu aucun contact en 1942 parce que çois. Ce François n’ayant jamais un endroit où loger. Tou­ demandions d’où venait femmes qui auraient eu des les trois chefs qui étaient au­dessus existé, ils n’en croyaient pas leurs jours pas d’Allemands en l’odeur atroce qui régnait rapports avec l’occupant. Qui de moi avaient été arrêtés. Je ne les yeux à la fin de la guerre quand je vue. Juste des colonnes de dans tout l’habitacle. On a étions-nous pour juger ces connaissais pas. Juste leur pré­ leur ai présenté François, c’est­à­dire soldats, en majorité des vite compris quand un des femmes ? Sans doute y en avait-il nom. » moi­même. En 1942, pendant quel­ Chasseurs ardennais qui se soldats a montré fièrement qui s’étaient rendues coupables À la fin de l’année 1942, le Mouve­ que temps, Léo Kauten signait « Go­ replient vers la Flandre. Ils un collier d’oreilles à un de d’avoir couché avec l’ennemi. ment national belge (MNB) de defroid de Bouillon » ; Émile Benoît attendent jusqu’au jour où ses collègues qui n’était pas Mais qui sait combien, parmi un envoyé militaire leur en reste d’ailleurs. Ils avaient elles, avaient fait cela pour donne l’ordre de traverser la coupé les oreilles des soldats obtenir des renseignements ? Il y Il n’a jamais vu «Joséphine» frontière. allemands qu’ils avaient avait des agents secrets chez les «Nous avions un itinéraire tués. Ils les exhibaient en femmes aussi. C’était à la Justice En 1944, Edmond Leroy quitte son monté à l’arrière de la moto pilotée à suivre pour gagner Abbe­ guise de trophées ! de faire son travail. Mes hommes poste de traceur à Salzinnes. De par Émile, direction la Werbestelle de ville et son centre d’instruc­ Nous étions aussi estoma­ ont suivi les ordres à la lettre. » retour à Nassogne, il se consacre Marche. Émile n’a pas bronché. À tion. Une fois en France, on qués qu’effrayés ! Comment davantage à la Résistance. Un jour de Marche, à la rue Porte Haute, il a devait être pris en charge par sortir de ce guêpier ? Fort juillet, il se rend à vélo à Harsin, chez désarçonné le soldat allemand et l’armée française qu’on n’a heureusement, quelques ki­ Émile Benoît prendre les ordres. Il s’est enfui à pied. Il a frappé aux deux jamais vue non plus ! lomètres plus loin, un avion était prévu d’aller chez le curé de premières maisons. Il n’y avait On croisait des convois de ennemi a pris notre camion Petit-Han. Il s’agissait de Joséphine, personne. La troisième porte s’est soldats. En passant dans un pour cible. Tout le monde a son nom de Résistant trésorier. Il ouverte quand il a frappé. Il était déjà village, un camion militaire été prié de sortir se mettre à fallait aussi aller à Lavacherie : « Émile trop tard. L’Allemand avait eu le temps s’est arrêté à notre hauteur. l’abri. Je dois avouer qu’une

est allé chez « Joséphine ». Sur le de se redresser avec son arme. Il a Le chauffeur nous a autori­ fois dehors, nous n’avons pas - chemin du retour, un feldgendarme fait feu. Émile s’est écroulé. J’ai appris sés à monter. On a été sur­ demandé notre reste. On Ce reportage a bénéficié du soutien l’a arrêté près d’. L’Allemand est sa mort par les jeunes de Nassogne.» pris. s’est enfui ! » ■ Ph. C. du Fonds pour le journalisme en Communauté française.