Comment Faut-Il Entendre Les Films ? Pour Une Éducation À L’Écoute
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Comment faut-il entendre les films ? Pour une éducation à l’écoute Simon BAÏCHOU Mémoire sous la direction de M. Guillaume BOULANGÉ Université Paul Valéry 2018 Avant-propos Le doublage, la « synchro », les doubleurs, j’ai mis longtemps à y revenir. C’est bien simple quand j’ai terminé mon précédent écrit l’an dernier sur l’histoire du doublage en France des années 1980 à nos jours1, je pensais en avoir terminé avec cette branche un peu délaissée du métier. Ma volonté était de m’éloigner le plus possible du doublage. J’avais déjà travaillé depuis presque deux ans sur le sujet, j’avais l’impression d’en avoir fait le tour et j’avais surtout envie d’écrire sur autre chose. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si je terminais mon étude, l’an dernier, sur un mouvement paradoxal : plus j’avais travaillé sur la version française, moins je voyais de films doublés. Je vais au moins cinq fois par semaine voir des films, majoritairement français et américains, pour en parler dans une émission sur « Radio Campus Montpellier », et vois donc une quantité astronomique de longs-métrages, souvent en version originale, parfois en version française. Encore maintenant, je me dis que je pourrais écrire sur un cinéaste comme James Gray, sur des œuvres totales (extrêmement riches) aussi éloignées que Prisoners (Denis Villeneuve, 2013) et Traque à Boston (Peter Berg, 2017), sur mes propres créations comme je le souhaitais ou encore sur la différence scénaristique qu’implique un « twist » (ou « retournement de situation ») et une « chute ». Mon problème, tous ces thèmes m’emmèneraient sur des terrains déjà vus, déjà connus, déjà conquis. « Quid du doublage ? » pourrait-on se dire. Même si j’ai pensé avoir tout dit, ou du moins, pensé avoir tout dit de ce que j’avais à exprimer, je pense revenir avec un propos neuf, bien sûr. En effet, en faisant une histoire du doublage en France de l’âge d’or à son déclin, j’avais commencé à esquisser une « esthétique » du doublage. Car oui, je pense qu’il en existe une et c’est d’ailleurs à partir de cette hypothèse que nous débuterons notre étude. J’ai donc commencé à analyser et comparer certaines séquences en version originale et française. Ce fut notamment le cas de Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985) dans mon précédent travail de rédaction. J’en avais alors déduit que certaines traductions et certains jeux de mots apportaient plus de sens en français qu’en langue originale. Je trouvais cela vraiment intéressant comme position, moi qui maintenant regarde essentiellement de la version originale (bien influencée en cela par ma petite amie et mon entourage socioculturel). Dans cette optique, c’est comme si un nouvel artisan s’ajoutait à la fin de la postproduction d’un 1 BAÏCHOU Simon, Âge d’or et déclin : la synchronisation en France de la fin des années 1970 à nos jours, Mémoire de l’université Paul Valéry dirigé par M. Guillaume BOULANGÉ, 2017. 2 film, en l’occurrence l’adaptateur. Le doublage serait alors la dernière étape du scénario en quelque sorte ! Ces écarts de langues entre VO et VF m’ont conduit à m’intéresser aux langues et donc par quels moyens / subterfuges un adaptateur français pouvait traduire certaines choses qu’un adaptateur allemand traduirait par d’autres. Ces questions m’ont donné envie d’écrire à nouveau sur le doublage et aussi sur la réception de celui-ci puisque cela découle du premier élément. « Comment faut-il entendre un film ? », voilà le titre et la question (un peu polémique puisqu’elle sous-entend que pour certains films, la VF serait préférable) que je me pose. Je préfère le préciser ici, je ne me place dans aucun camp. Je ne suis ni pour la version française à outrance ni un puriste de la version originale qui rejetterait le travail de doublage (de qualité) effectué en France. Je trouve intéressant de pouvoir se dire qu’un film américain avec des protagonistes français devrait s’entendre - logiquement - en version française au vu de la diégèse mise en place et à l’inverse, un film qui contiendrait plusieurs langues parlées devrait être vu en version originale. Ce sont ces problématiques – auxquelles se confronte inconsciemment le spectateur lors du visionnage d’un film - qui m’ont intéressé et qui m’ont donné envie de « redoubler ». On l’oublie souvent, un film s’entend autant qu’il se voit. Et si l’écoute est parfois omise des études universitaires, le doublage l’est encore plus… 3 SOMMAIRE Comment faut-il entendre les films ? Pour une éducation à l’écoute I ) Introduction .......................................................................................................................... 5 II) Pour une version française ............................................................................................... 10 a. Un « pacte d’écoute inconscient » ............................................................................... 11 b. Un Américain à Paris ................................................................................................... 15 c. La facilité de l’accent ................................................................................................... 19 d. La perte de croyance du spectateur au récit ................................................................. 21 e. Réussir à s’adapter ....................................................................................................... 27 III) Pour une version originale .............................................................................................. 32 a. Les « écarts de langue » ............................................................................................... 33 b. Une œuvre unique ........................................................................................................ 39 c. Le spectateur-traducteur ............................................................................................... 44 d. Le passage VO / VF ..................................................................................................... 47 e. La pluralité des langues ............................................................................................... 49 IV) Pour une remise en question ......................................................................................... 54 a. Des cas particuliers ...................................................................................................... 55 b. Un réel affrontement VO / VF ..................................................................................... 61 c. Comment entend-on les films ? ................................................................................... 64 d. Un vrai choix ? ............................................................................................................. 68 V) Conclusion .......................................................................................................................... 74 a. Se permettre la VF pour mieux apprécier la VO .......................................................... 75 b. Une éducation à l’écoute, une éducation au son .......................................................... 76 Bibliographie ........................................................................................................................... 78 Annexes .................................................................................................................................... 80 Sources photos ......................................................................................................................... 82 Index ......................................................................................................................................... 83 4 I Introduction 5 Il nous est tous arrivé, une après-midi, un matin, en deuxième partie de soirée, de tomber sur une chaîne obscure de la télévision qui diffuse un film / téléfilm en version française et de le regarder... On est alors plus souvent happé par le mauvais jeu des acteurs que par l’absence de scénario et de mise en scène. L’acteur est de toute façon le premier vecteur par lequel s’identifie le spectateur quand il regarde une fiction. Ce n’est donc pas un hasard si le public de masse s’arrête et décrypte celui-ci plutôt qu’une mise en scène. Demandez à une personne dans la rue « Quelles sont les traits de caractéristiques d’un réalisateur comme Christopher Nolan ? ». Au mieux, il vous répondra qu’il fait des films à gros budget à chute. Au pire, cette personne ne sera même pas que Nolan est derrière des longs-métrages comme The Dark Knight (2008), Inception (2010) ou encore Interstellar (2014). Des films dont ce cinéphile est peut-être fan. À l’inverse, demandez à cette même personne « Qui est Jim Carrey ? ». Elle saura tout de suite vous dire que c’est un acteur comique qui a joué dans tel ou tel film, qui est connu pour son jeu en mouvement, loufoque. C’est ici que repose le premier paradoxe du doublage. Bien qu’un comédien français rejoue la performance vocale d’un acteur hollywoodien connu, il sera toujours un « Christopher Nolan » et non un « Jim Carrey ». Le doublage est un métier de l’ombre. Pourtant, lorsque l’on tombe sur ces films de deuxième partie de soirée en version française (pour revenir au commencement), c’est bien souvent le doublage qui sonne faux, qui fait toc (sûrement comme la version originale). C’est le doublage qui révèle aux spectateurs le mauvais jeu des comédiens. Le doublage a donc son mot à dire, pour le meilleur comme pour le pire… En effet, la synchronisation (l’autre nom que l’on peut donner au doublage) pose