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BIMESTRIEL - CENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME - N˚ ISSN 0996-9624 à toutfaire Maires JANVIER 2008 - N°92 -3EUROS JANVIER 2008-N°92 MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE des électionsmunicipales. de leurspremiers magistratsàdeuxmois de 500habitants.Plongéedanslequotidien En ,314communesontmoins N des électionsmunicipales. de leurspremiers magistratsàdeuxmois de 500habitants.Plongéedanslequotidien En Alsace,314communesontmoins J MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE à toutfaire Maires N ANVIER 2008 - N°92 -3EUROS ANVIER 2008-N°92 E E W W S S D D ' ' I I L L L L NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 2

SOMMAIRE Ma vie quotidienne PAGES 4-5 de « chef » de village

Au tribunal pour des réverbères PAGES 6-7 Dialogue de sourds

La politique du porte-à-porte PAGE 8 A , les élus ne s’entendent plus

Parité : l’Alsace à la traîne PAGE 9 Les Diss, maire de père en fils

« VRP » de l’intercommunalité PAGE 10 Avec la Com’com, « les impôts décollent »

LÉGENDE Un petit rien les sépare Parmi la centaine de communes que nous avons visitées, les 28 recensées PAGE 11 ici font l’objet d’un éclairage particulier dans ce numéro. La renaissance de Bosselshausen 1. Kesseldorf 15. 2. Fort-Louis 16. Goldbach-Altenbach 3. Issenhausen 17. Sickert 4. Bosselshausen 18. Bretten 5. Landersheim 19. Ça surfe à Magstatt-le-Haut 6. Flexbourg 20. PAGE 12 7. Rorschwihr 21. Saint-Cosme 8. Heidolsheim 22. Bréchaumont Petite commune cherche grosse subvention 9. 23. Magstatt-le-Haut 10. 24. 11. 25. Stetten 12. 26. Lucelle 13. 27. 14. 28. Tegernau Auf Wiedersehen, Bürgermeister PAGE 13 Et au milieu passe une frontière NEWS D'ILL CENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME UNIVERSITÉ ROBERT SCHUMAN 11, rue du Maréchal Juin BP 13 67043 Strasbourg Tél : 03 88 14 45 34 Le club des Cinq Fax : 03 88 14 45 35 PAGE 14 Courriel : [email protected] Internet : cuej.u-strasbg.fr et mcsinfo.u-strasbg.fr Une écharpe et des quilles DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Alain Chanel ENCADREMENT : Alain Chanel, José-Alain Fralon, Christian Losson, Christian Massol RÉDACTEUR EN CHEF : Tiphaine Reynaud RESPONSABLE ICONOGRAPHIQUE : Louise Fessard RÉALISATION : Manon Aubel, Roman Bernard, Loup Besmond de Senneville, Marion Bonnet, Sarah Brock, Pierre Demoux, Louise Fessard, Arthur Frayer, Guillemette Jolain, Dave Kou- liche, Pierre-Louis Lensel, Guilhem Martin Saint Léon, Fabien Mollon, Mathilde Morandi, Les Marianne de Madeleine Victor Nicolas, Solina Prak, Tiphaine Reynaud, Maria Wimmer PAGE 15 ILLUSTRATION DE UNE : Grégoire Pierre ([email protected]) INFOGRAPHIES : Fabien Mollon IMPRESSION : Realgraphic, Belfort

Chaque semaine, l’actualité des universités en Alsace Faxo téléchargeable sur le site de Bleu Alsace La recherche, les filières, des invités, la vie des campus, le sport, les expositions, toutes les facs d’Alsace sont dans Faxo, un magazine préparé par les étudiants du CUEJ. Podcast à télécharger sur www.radiofrance.fr .

2 - JANVIER 2008 - n°92 - NEWS D’ILL NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 3 DANS L’OMBRE

EAN-PAUL ILTIS, Yvette s’évanouissent aussi pour autori- Ehlinger ou Gérard Janus, ser, par exemple, les projets ces noms ne vous disent transfrontaliers entre villages peut-être rien. Pourtant, suisses et français. Une évolu- Jcomme Fabienne Kel- tion fédératrice nécessaire, en- ler ou Jean-Marie core loin de l’exemple alle- Bockel, ils sont les premiers mand, tout proche, où les très magistrats de leur commune. petites communes disparais- Des communes de moins de sent en fusionnant. 500 habitants certes – on en Majoritairement des hommes, compte 314 en Alsace –, mais quinquagénaires ou plus, actifs qu’il faut administrer, nuit et comme retraités, tous ces maires jour, au plus près des citoyens, témoignent d’une expérience sin- seul ou presque. Pour un salaire, gulière. Il y a les « pros », maires pardon, une indemnité symbo- à tout faire, qui entretiennent les 8 recensées lique. cimetières, initient d’importants Dans l’ombre des élus projets d’équipements et écou- nationaux ou des tent patiemment les do- h métropoles, sou- léances. Moins dispo- vent ignorés des nibles, nombreux statistiques sont ceux qui, en- et des seignants, études agricul- so- teurs ou chefs

ciolo- giques, ils représentent d’en- pourtant le premier treprise, – et souvent le seul – mènent une rouage de la République de double vie. Maires à proximité. Spécificité française, mi-temps, ils ne pourraient rien ces villages parfois minuscules, faire sans leur secrétaire de mai- avec leur clocher et leur mairie rie, véritable cheville ouvrière face à face, image d’Epinal de la d’une municipalité. Enfin, il y a « France éternelle », ne sont pas les déçus, découragés par les pour autant figés dans le passé. procès à répétitions, l’inflation Câblage Internet haut débit, wifi, législative ou les bisbilles picro- réseau d’assainissement d’eau à la Face à l’isolement, les maires se cholines. Pour eux, l’aventure pointe du progrès et de l’écologie : regroupent. Communautés de s’arrêtera en mars. Là où elle ils développent des solutions inno- communes, pays, associations continuera ou commencera pour vantes pour pallier leur manque de ponctuelles prennent le pas sur d’autres. ressources et investir à moindre les vieux découpages administra- coût. tifs. Les frontières nationales TIPHAINE REYNAUD NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 3 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 4

Ma vie quotidienne de « chef » de village

Administrer une petite commune, c’est d’abord jongler entre travail, mandat et vie personnelle. Certains s’y épanouissent, d’autres jetteront l’éponge en mars. l est celui qui détient les clés du destin communal, qui se consacre, de jour comme de nuit, au bien-être de ses admi- nistrés, souvent au détriment de sa vie fa- Imiliale. A quelques semaines de la fin de leur mandat, les maires se confient et re- viennent sur leur parcours, leurs attentes et leurs espoirs déçus.

A Goldbach-Altenbach, « un score digne d’une république bananière » Chef de site pétrolier à Bâle, Marcel Girard veille depuis 15 ans sur la tranquillité des 252 habitants de Goldbach-Altenbach, un petit village des Vosges. Grandes mous- taches et yeux pétillants, ce maire de 55 ans jouit d’une belle popularité. Aux munici- pales de 2001, il a réalisé le meilleur suf- frage des onze conseillers munici- paux : « 92,7%, un score digne d’une république bananière ! » 100 kilomètres de trajet aller-retour quoti- dien et des journées de douze à quinze heures : Marcel Girard est responsable, au sein de la société Satram Huile, des stocks de carburants de l’Etat suisse. Au déjeuner, il lui arrive de discuter « mairie » avec le PDG de la division énergie de Bolloré, maire d’une petite commune bretonne. Les dimanches d’été, il met « des cerises en tonneau » en prévision de la visite du sous- préfet qui « veut distiller » sur l’alambic communal. Le reste de la semaine, il traite les affaires municipales depuis son bureau de Bâle. « Ma secrétaire de mairie peut me joindre par mail 24 heures sur 24. Je com- munique beaucoup par Internet. Si un maire a une bonne secrétaire, c’est un bon maire ! » Présent à la mairie pour ses quatre heures de permanence hebdomadaires, Marcel Girard a

630 euros manqué pour la première fois un conseil De gauche à droite, de haut en bas : Tiphaine Reynaud, Dave Kouliche, Louise Fessard, Pierre-Louis Lensel/CUEJ de « salaire » muncipal en octobre 2007, à cause d’un dé- mensuel placement professionnel. En cas de pro- tion de maire est devenue très ingrate. » Re- dans la commune, il vendra sa maison en blème, ses administrés savent qu’ils peuvent traité depuis 1999, il regrette aussi que sa vie mars 2008, juste après les élections aux- Le maire sonner à la porte de sa maison bleue, à côté familiale pâtisse de sa fonction électorale. quelles il ne se représentera pas. de chaque du Dorfhüss, la nouvelle maison communale. « Chaque jour, je consacre plusieurs heures commune à la commune, explique-t-il. Mais cela ne française suffit pas, les gens nous croient à leur dispo- «A Stetten, je suis maire. A , je touche une A Wasserbourg, « j’ai l’impression d’être sition. Quelqu’un est même venu rouspéter suis secrétaire de mairie » indemnité un larbin » chez moi le soir de la Saint-Etienne, alors mensuelle que je dînais en famille. Et tout ça pour une Pascal Turry est à la fois maire de Stetten et dont Assis derrière la grande table du conseil mu- histoire de permis de construire ! » Son suc- secrétaire de mairie à Sierentz. « Secrétaire le montant nicipal de Wasserbourg, Jean-Paul Iltis, 65 cesseur ? « Je me fous de savoir qui ce sera. de mairie, c'est mon métier tandis que ma varie selon ans, soupire. Maire depuis 1989, il affiche Tout ce qui compte pour moi, c’est que je se- fonction, c'est maire », explique-t-il. Même le nombre sa lassitude : « Je ne sais pas pourquoi je rai enfin tranquille... » s'il y a des similitudes, les deux tâches n'ont d’administrés. suis encore là. Quand je viens à la mairie, pas grand chose en commun : « D'un côté, je Dans c’est avec la peur au ventre. » Pourtant, sa suis maire d'un village de 300 personnes, et les villages commune, il la connaît bien et il ne manquait A Issenhausen, « ils chuchotent de l'autre, je dirige une équipe de trente em- de moins de pas d’enthousiasme lorsqu’il a pris ses fonc- dans mon dos » ployés municipaux pour gérer une ville de 500 habitants, tions. « Je voulais servir mon village en réa- 3000 habitants. » Sa fonction de maire lui le premier élu lisant des projets qui me tenaient à cœur. Georges Roth, lui aussi, voulait couler une demande beaucoup de présence sur le ter- reçoit ainsi J’ai fait ce pour quoi on m’a élu mais à pré- retraite heureuse. Depuis 2001, il est le rain : « Je me suis déjà déplacé un dimanche 632,85 euros sent je n’ai plus l’impression de pouvoir maire d’Issenhausen, une commune de 95 après-midi pour des nuisances sonores », ra- par mois avancer. » âmes coincée entre la plaine d’Alsace et le conte-t-il. En tant que secrétaire de mairie, maximum, Aujourd’hui, il compte les jours qui le sépa- contrefort vosgien. Originaire de Haguenau, au contraire, il chapeaute les différents ser- contre rent de la fin de son mandat. « Ce sera un il a vécu 30 ans à Strasbourg, avant de vices sociaux, financiers, d'urbanisme, etc., une indemnité soulagement et même une libération. » prendre sa retraite et de venir s’installer dans un véritable travail de bureau. de 5397,83 Le manque d’écoute et de reconnaissance le village. Une dizaine d’années après son Après des journées de dix heures, ce père de euros pour des autres échelons administratifs, les res- arrivée, le constat est amer : « Dans le vil- deux enfants consacre en partie ses soirées à ses pairs ponsabilités grandissantes et les nombreuses lage, je ne suis pas aimé. Je l’ai ressenti dès sa municipalité. « Je gagne beaucoup de à la tête plaintes des administrés : voilà ce que ne la troisième année de mon mandat. Les gens temps grâce à mon poste de secrétaire de supporte plus Jean-Paul Iltis. « Tout cela de- sont hypocrites. Ils chuchotent dans mon mairie, car je sais comment remplir des do- des communes . de plus de vient pesant, insiste-t-il. Dans une petite dos » Issenhausen est habité par quelques cuments administratifs. » Autre avantage : il 100 000 commune, le maire est censé tout connaître familles présentes depuis plusieurs généra- s'inspire de ce qui marche à Sierentz pour sa habitants. et tout faire. C’est de pire en pire. J’ai sou- tions. Difficile donc, pour Georges Roth, de commune. Pascal Turry est entré comme vent l’impression d’être un larbin. La fonc- se faire entendre. Jamais vraiment intégré conseiller à la mairie de Sierentz en 1983, à

4 - JANVIER 2008 - n°92 - NEWS D’ILL NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 5 e de « chef » de village ndat et vie personnelle. Certains s’y épanouissent, d’autres jetteront l’éponge en mars. Son « sacerdoce » peut alors commencer. « J’ai découvert le goût des nuits blanches, réveillée parce qu’il neige ou pour un coup de frein trop brusque dans la descente du col, quand il faut aller constater une sortie de route. J’ai aussi appris à être assistante sociale, agent d’entretien... » Geneviève Foltzer n’a pas d’emploi, « pas le temps ». Conséquence : sa mairie est l’une des seules à être ouverte du lundi au vendredi, de 13h30 à 16h30. Une petite dizaine de per- sonnes passent chaque après-midi, « parfois plus quand il pleut et qu’ils ont besoin de parler ». De tout, de rien, du prochain tour- noi de belote, de la chasse ou du temps qu’il fait. Pour l’aider, elle peut compter sur les conseillers municipaux, qui s’impliquent dans les travaux de la commune, et sur les appels aux habitants pour des journées de travaux collectifs. Souvent courtisée pour les élections régionales, elle a toujours décliné l’offre, afin « d’être toujours présente dans la commune ». Mais le dévouement et la passion ne suffisent pas éternellement, et elle ne briguera pas de cinquième mandat, « pour pouvoir faire ce que je n’ai pas pu faire pendant 25 ans. » Ce que sa longue ex- périence lui a appris ? « A relativiser tous les petits soucis, les querelles. A être philo- sophe. »

A Kesseldorf, « le village natal de ma femme » De gauche à droite et de haut en bas : Geneviève Foltzer, Guy Callegher, 72 ans, est arrivé à Kessel- dans le salon de la mairie de Wildenstein sous la neige; dorf pour une histoire de cœur. « Je suis Guy Callegher, maire de Kesseldorf, sous les portaits des venu m’installer ici dans les années 1960 anciens présidents de la République; Marcel Girard car c’était le village natal de ma femme », se prépare l’alambic communal de Goldbach-Altenbach souvient-il. Un village qu’il a fait sien, au pour rendre service au sous-préfet; Jean-Paul Iltis, lui, point d’en devenir le premier magistrat un n’attend qu’une chose : la fin de son mandat à la tête du jour de mars 1977. « Je suis Mosellan, né de village de Wasserbourg. mère italienne, avec une formation de tailleur de pierre. J’ai fini à Kesseldorf, tra- l'âge de 21 ans. Trois ans plus tard, il devient quand je vais rendre visite aux deux vaillant à Rastatt en Allemagne dans l’ar- directeur général des services d'une com- doyennes du village. Mais prenez le 11 no- mée française. » Il briguera son sixième mune voisine, puis revient à Sierentz en vembre, par exemple. A Paris, on rédige un mandat au printemps. 1988, où il accède au poste de secrétaire de discours qui doit être lu par tous les maires mairie. A l'entendre, c'est presque par hasard de France. Mais c’est sans tenir compte de qu'il est élu à la tête de Stetten en l’Alsace ! » Et de rappeler que les Alsaciens A Heidolsheim, « le village stagnait, 2001 : « On m'avait proposé de devenir morts pendant la Première Guerre mondiale conseiller municipal en 1995. Je me suis dit : sont tombés du côté allemand. il fallait que ça bouge » pourquoi ne pas passer le cap ? » A 45 ans, « Faire venir les jeunes pour que le village le plus jeune maire de la communauté de avance », c’est la devise d’Alex Jehl, nou- communes du pays de Sierentz sera candidat A Wildenstein, « il faut être assistante veau maire de Heidolsheim, un village de aux municipales de 2008. Et n'exclut pas de 450 habitants situé en bordure de nationale, devenir maire d'une plus grosse commune sociale, agent d’entretien... » entre Marckolsheim et l’Allemagne. Assis dans le futur. Après vingt-quatre ans et quatre mandats à sur un petit bureau, ce moustachu aux che- la tête de Wildenstein, la chose publique n’a veux courts est fier de son bilan : sa com- aujourd’hui plus beaucoup de secret pour mune a gagné presque cent habitants depuis A Flexbourg, « ne pas être Alsacienne Geneviève Foltzer. « Quand j’ai commencé, 1999. Alex Jehl a débuté son combat pour TEXTE : je ne savais même pas ce qu’était la gestion accéder à la mairie en 1989. Il avait alors 27 LOUP est un avantage » communale. » Elle est arrivée en plein hiver ans. « Le village stagnait, explique-t-il. BESMOND DE En mars, Elisabeth Vierling achèvera son 1979 dans ce village de la vallée de la Thur 80% des conseillers étaient en place depuis SENNEVILLE, premier mandat aux commandes de Flex- pour suivre son mari forestier et seule son 1983. Il fallait que ça bouge. » Son esprit LOUISE bourg. Cette ancienne prof de biologie, Pari- absence d’accent trahit aujourd’hui ses ori- rebelle énerve ses adversaires : « J’étais la FESSARD, sienne d’origine, s’est installée au village gines savoyardes. En 1983, lorsque le précé- bête noire. » Il est pourtant élu conseiller ARTHUR pour suivre son mari. « Ne pas être Alsa- dent maire décide de ne pas se représenter, municipal. FRAYER, cienne est un avantage : je n’ai ni clan, ni ti- aucun des 211 villageois ne veut le rempla- Sur un tract distribué à la population, Alex GUILLEMETTE raillement, explique-t-elle. Je n’ai pas cer. « Je n’en avais pas particulièrement en- Jehl promeut son projet : créer un bulletin JOLAIN, d’amis d’enfance pour qui je prendrais vie, mais j’ai été tellement démarchée que communal, abaisser les taxes, bâtir une salle PIERRE-LOUIS parti. » Et pourtant, il lui a fallu devenir Al- j’ai fini par accepter », glisse-t-elle avec un associative et une nouvelle école, actuelle- LENSEL, sacienne. Etudier l’histoire du village. Sa petit sourire timide. Alors enceinte, elle est ment en construction. En 2001, il parvient VICTOR dernière grande action : l’édition d’un livret élue – « J’ai été maire et mère dans la même enfin à réaliser son but : il est élu maire. Il NICOLAS, sur l’église du village. semaine » – et se retrouve confrontée à cette crée un site Internet intitulé « Fan de Hei- TIPHAINE Et puis il faut faire siennes les spécificités de nouvelle tâche, seule, puisque « l’ancien se- dolsheim », sur lequel il apparaît avec ses REYNAUD, la région. « Je ne parle pas l’alsacien, mais crétaire de mairie a arrêté en même adjoints, à côté du slogan : « des gens MARIA cela ne me pose aucun problème. Sauf temps ». comme vous et moi ». WIMMER NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 5 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 6

Au tribunal pour des réverbères

Depuis les lois de décentralisation de 1982, les maires sont confrontés à une législation de plus en plus contraignante. Certains, écœurés, ne se représenteront pas. D’autres se résignent. NCLAVÉE au milieu d’une forêt Le riverain, un agent immobilier, reproche Vosges de 135 habitants. « Les normes de conifères, à quelques enca- à la municipalité de ne pas avoir eu l'aval changent sans cesse. Jusqu’à il y a cinq blures du château du Haut-Koenig- pourtant indispensable des Monuments ans, il existait des modalités spécifiques sbourg, rencontre historiques pour ces travaux, qui concer- pour l’assainissement individuel. Aujour- Edes soucis avec ses reverbères. nent un « site classé ». «Même la Direc- d’hui, ça a changé et il faut mettre tout le Pascal Bosshardt, 50 ans, à la tête tion départementale de l’équipement, village aux normes. Dans ce cas, on a jus- de cette commune touristique de 449 ha- pourtant maître d'œuvre du chantier, ne qu’au 31 décembre 2012. » bitants, se retrouve devant le juge à la savait pas qu'il fallait obtenir cette autori- Face à cette avalanche de décrets, certains suite d’une plainte déposée par un habi- sation ! », se défend Pascal Bosshardt. maires craignent l’immobilisme. « Quand tant, très critique sur l'allure et la couleur Il a été mis en examen le 12 juin pour in- les projets risquent de stagner, je les fais bordeaux des nouveaux lampadaires ins- fraction au code de l'urbanisme. Bien que quand même avancer. Puis je régularise tallés devant chez lui. le parquet ait requis un non-lieu, le maire, après coup. Quitte à être à la limite de la écœuré, ne briguera pas un second mandat. Des dizaines de lois chaque année. Du vignoble au Ried, de l’Alsace bossue à la vallée de Munster, ils sont des dizaines, comme Pascal Bosshardt, à être confron- tés à un cadre juridique de plus en plus complexe. Des histoires de procès que les maires vous racontent avec passion. Un peu comme si le ciel leur tombait sur la tête. Depuis 1982 et les lois de décentrali- sation, les édiles sont confrontés à de plus en plus de responsabilités. Législation eu- ropéenne, lois nationales, décrets, règle- ments : autant de textes qu’ils doivent connaître en détail. Pour réduire le risque d’être mis en cause, les maires multiplient les arrêtés munici- paux. A Issenhausen, village de 95 âmes situé dans le Kochersberg, Georges Roth est actuellement en procès pour avoir dé- cidé de couper des arbres qui gênaient la visibilité aux abords d’un carrefour. Une mesure déplaisante pour la propriétaire desdits arbres, qui a porté plainte. « Il s’agit d’une disposition de sécurité pu- blique, se défend le maire. S’il y a un ac- cident, cela retombera sur la commune. » Pour s’informer des nouvelles réglemen- tations, les élus épluchent journaux offi- ciels et bulletins en tous genres. « Ce qui pèse le plus, aujourd'hui, ce sont les rè- glements », explique Alice Morel, maire Louise Fessard/CUEJ de Bellefosse, un village des Hautes- Louise Fessard/CUEJ

Cinq absences, « Est-ce que j’ai bien fait de les marier... »

Les loiset et lesc’est règlements l’exclusion sont les mêmes pour tout le territoire national. Il y a cependant quelques ex- « Couteaux suisses » de la République, les élus sont à la fois pompiers, juges de paix ceptions en Alsace-Moselle en raison du droit local. « Par exemple, explique René Danesi, maire de et médiateurs. A Geishouse, Yvette Ehlinger a appris à concilier ces différentes fonctions. et président de l’association des maires du UAND Yvette Ehlinger se d’intervention. « Les maires qu’un qui est en colère. Mais Haut-Rhin, si un conseiller municipal n’assiste pas Qsouvient de cette journée n’ont pas forcément conscience maintenant, je suis habituée et je à cinq conseils sans excuse, cela peut lui coûter sa de 2000 qui a vu sa maison de l’importance d’avoir des suis carrée, même si c’est mon place. » La procédure est simple : après constata- détruite par les flammes, les pompiers dans un petit village. cousin ou mon tonton. » Quand tion des absences, le maire peut exclure l’élu fautif larmes lui montent aux yeux. Moi, je le sais, et je peux m’ap- la situation dégénère, ou devient par courrier. La maire de Geishouse, com- puyer sur quelqu’un de trop complexe, elle « les Dans ce cas, le conseiller renvoyé n’est pas forcé- mune de près de 500 habitants compétent », affirme-t- envoie au tribunal de ment remplacé. « Tant que le conseil municipal située sur les contreforts de la elle. Thann ». compte au moins six membres, il n’y a aucun pro- vallée de la Thur, a saisi cette A Geishouse, tout le monde blème légal », précise André Deneuville, maire occasion pour exercer de plein se connaît, et amis ou pa- Une constante remise en d’. Or, le plus souvent, les conseils mu- droit sa mission de sécurité rents n’habitent jamais à question. Parmi les obliga- nicipaux des petites communes comptent onze élus. publique. plus de quelques centaines tions méconnues du maire, la Si le conseil décide le remplacement, il doit choisir de mètres. Une proximité pose du bracelet d’identifica- le nouveau conseiller parmi les personnes présentes Composer avec les conflits. et une intimité parfois dif- tion mortuaire est l’une des sur les listes mais non élues lors des élections mu- Elle recrute l’adjudant Michel ficiles à gérer pour l’élue, plus éprouvantes. Yvette Ehlin- nicipales précédentes. S’il n’y avait qu’une liste et Arnold, pompier professionnel, qui doit sans cesse compo- ger se souvient de la mort de que tout le monde a été élu, un nouveau suffrage en tant que chef de corps. Dans ser avec les conflits. Le maire son père. « J’ai d’abord réagi peut être organisé. la foulée, elle fait voter l’agran- rechigne parfois à jouer le juge en tant que maire. J’ai fait mon PIERRE-LOUIS LENSEL dissement de la caserne et de paix. « Au début, c’est diffi- devoir et ensuite seulement j’ai l’achat d’un nouveau camion cile d’être seule devant quel- pu pleurer. »

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réverbères

à une législation t pas. D’autres se résignent. légalité », tranche Pierre Lutman, maire de -le-Bas. Les administrés deviennent, eux aussi, de plus en plus exi- geants. « Les citoyens demandent au maire d'appliquer les textes, toujours plus nombreux, explique Jean Muckensturm, le directeur juridique du conseil général du Bas-Rhin. Par exemple, avec la médiati- sation de la loi sur les chiens dangereux, les administrés demandent au maire d’as- surer leur sécurité. »

2500 requêtes chaque année. Les ad- ministrés n’hésitent plus à aller devant les tribunaux. A Riedwihr, au nord-est de Col- mar, Bertrand Dirninger se bat pour que les 382 habitants du village profitent de la sonnerie des cloches de l’église. Un rive- rain les a jugées trop assourdissantes et a porté plainte contre la commune, avec le soutien d’une association de lutte contre le bruit. Une réaction que le maire ne com- prend pas : « Chaque heure est annoncée par les cloches de cette église, c’est un usage immémorial. Je ne comprends pas qu’on fasse intervenir une association

mulhousienne. Nous sommes très attachés Manon Aubel / CUEJ à nos traditions. » Les procès s’accumulent, et la solitude Tous les mercredis, des adolescents de Biltzheim se réunissent sous l’abribus, à quelques pas de la maison pèse dans la charge des élus. « Depuis que de Gilbert Vonau. je suis maire, j’ai été devant le tribunal ad- ministratif à trois reprises, explique André Deneuville, maire d’Appenwihr. En 1995, j’étais un jeune maire, je ne savais rien et je me suis formé seul. Pendant ces procès, Dialogue de sourds je n’ai reçu aucun soutien. J’ai dû me tour- ner vers mon assurance pour avoir un avo- cat. » Environ 2500 requêtes arrivent chaque an- née sur le bureau des sous-préfets alsa- ciens, qui conseillent les élus dans leurs dé- A Biltzheim, les relations entre le premier élu marches juridiques. Parmi elles, beaucoup viennent des petites communes, qui ne sont pas dotées de services spécialisés. de la commune et les jeunes sont un éternel malentendu. GUILLEMETTE JOLAIN E mercredi après-midi, ils sont cinq adolescents vienne pas un lieu de débauche. S’il y a un pro- LOUP BESMOND DE SENNEVILLE Cde 14 et 15 ans, à discuter dans le froid, sous blème, c’est ma responsabilité qui est engagée. » l’abribus qui longe la route. Ils ne mâchent pas De quoi nourrir l’incompréhension des adoles- leurs mots à l’encontre de leur maire, un homme cents. « Ils ont détruit le terrain de basket pour y dont ils ne connaissent même pas le nom. « On ne le construire une maison. On a fait une pétition pour les marier... » voit jamais ! Il ne fait rien pour nous. » avoir un skate-park, mais au lieu de ça, la A Biltzheim, pas de bar, et très peu de bus mairie a installé une aire de jeux pour en- pour . L’abri en béton est le seul lieu où fants où on n’a même pas le droit d’aller. ils peuvent se réunir. Assise sur un casque de Et les seules activités ici, c’est du genre pé- moto, Mélanie s’insurge : « On nous a enlevé tanque… », soupire Harold, une bouteille de ompiers, juges de paix les bancs de l’arrêt de bus, et on a nulle part coca vide à la main. ailleurs où aller. » « On préfèrerait peut-être er ces différentes fonctions. nous voir rester chez nous devant la télé ?», Un mal-vivre qui ne dure pas. Pourtant, le La fonction se révèle donc suggère Arnaud. maire de Biltzheim a en tête une série de pro- beaucoup plus poignante que A quelques dizaines de mètres de là, la mai- jets. Il pense à « un local informel, sous forme ne le laisserait supposer la pu- rie. Juste en face, la maison du maire. Gilbert de cabane construite par les jeunes eux-mêmes, blication des arrêtés munici- Vonau, 58 ans, se veut ouvert au dialogue. Il re- à condition que cela soit un espace ouvert et ac- paux régissant l’heure de tonte connaît un certain malaise avec la quinzaine cessible à tous ». des pelouses, le stationnement d’adolescents de ce village de 334 habitants : La commune a déjà acquis un terrain qui pour- ou les chiens en liberté. Et de- « C’est un vrai sujet de préoccupation. La se- rait accueillir cet aménagement. Plus ambitieux, mande une constante remise en maine dernière, mon adjoint est allé les voir, et ça un projet de « terrain de loisirs » partagé avec le question. Les mariages sont s’est mal passé. » Rendez-vous a tout de même village voisin, Niederentzen, est aussi envisagé. pour Yvette Ehlinger un autre été pris entre les élus et les jeunes, pour discuter Mutualiser les moyens permettrait de voir plus sujet sensible, surtout quand ce de leurs revendications. « Même si on ne répon- grand, en construisant par exemple le skate-park sont des jeunes qu’elle connaît. dra toujours qu’à un dixième de leurs tant désiré. « Est-ce qu’ils vont rester en- attentes… », concède Gilbert Vonau. Face à ce qu’il nomme « le mal-vivre de l’adoles- semble ? Est-ce que j’ai bien cence », Gilbert Vonau se sent impuissant. Mais il fait de les marier ? » Elle s’ap- Incompréhension des adolescents. La ques- sait que cela ne dure pas : « L’autre jour, un jeune plique pourtant constamment à tion d’un foyer n’est plus à l’ordre du jour. « J’en de 22 ans, qui a acheté un terrain sur Biltzheim, garder la distance qui sied à sa avais moi-même créé un quand j’étais adjoint, m’a avoué : “Qu’est-ce qu’on était con à cet âge- fonction de maire. mais j’ai dû le fermer en 1998. Le billard avait été là!”» LOUISE FESSARD saccagé et le plafond du local était rempli de MANON AUBEL TIPHAINE REYNAUD trous. Ma préoccupation, c'est qu’un local ne de- FABIEN MOLLON NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 7 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 8

La politique du porte-à-porte

de la politique nationale perdent autant plus facile de gérer une pâturage : ils ont créé un comité de leur importance. « On ne rai- municipalité en gardant sa neu- de défense en allant jusqu’à dire Les élus préfèrent passer sonne pas en terme de gauche- tralité ? Sans camp politique éta- qu’ils aimaient y entendre les droite », dit Roger Gaugler, pre- bli, il n’y a ni consigne de vote, sangliers. » mier magistrat de Sickert, dans ni solidarité partisane. Des sujets qui fâchent ? « Je leurs convictions poli- la vallée de la Doller. La plupart « Dans nos petits villages, la ré- mets tout de suite un frein aux des édiles, par frilosité ou par partition définie entre majorité discussions car il ne faut pas ou- tiques sous silence pour désintérêt, refusent de se pro- et opposition comme dans les blier qu’on est là avant tout pour noncer en faveur de telle ou telle grandes villes, n’existe pas », les gens du village », répond Lu- formation politique. explique Thierry Roy, élu en cien Richard, maire de Magny, privilégier le consensus 2001 à la tête de Bellemagny, à village de 188 habitants proche « Entretenir le consensus. » quelques kilomètres du Terri- de la Franche-Comté. Son et les enjeux locaux. «Cette volonté de ne pas s’im- toire de Belfort. Ce dernier conseil municipal regroupe aussi pliquer relève de l’hypocrisie et ajoute : « La majorité change bien des sympathisants du Front U dernier recensement du manque de courage », estime sur chaque sujet. Il faut national que de l’extrême- effectué par la secrétaire Guy Callegher, 72 ans, locataire convaincre tout le monde à gauche. «Si on veut parler de de mairie, Geishouse, de la mairie de Kesseldorf de- chaque fois. » Quand plusieurs politique, on attend la fin du dans les Vosges alsa- puis 30 ans. Longtemps délégué élus se joignent pour former une conseil. » Aciennes, dépassait les RPR du canton de Wissem- dissidence affirmée, cela se 500 habitants. Un seuil bourg, il est encarté à l’UMP et passe plutôt mal. A Geishouse, Séisme au sein du conseil. qui signifie normalement le pas- En revanche, à l’heure des par- sage de onze à quinze rainages pour l’élection prési- conseillers municipaux. Au dentielle, les maires des petites grand soulagement du maire, communes hésitent moins à Yvette Ehlinger, le nouveau s’engager. Et pour cause : « Une chiffre ne sera pas pris en signature n’est pas un vote ! », compte pour les élections muni- s’exclame Lucien Richard. Il est cipales de mars : «Trouver onze un des maires qui ne se privent conseillers municipaux, c’est pas de parrainer un candidat. En déjà difficile, alors quinze ! » 2001 et en 2007, sa signature est Yvette Ehlinger, 50 ans, a fait allée grossir le nombre des sou- ses comptes : la moitié de son tiens recueillis par Jean-Marie équipe ne se représente pas. Il Le Pen. Un geste qu’il justifie lui faut trouver cinq nouveaux par un souci de pluralisme dé- candidats. Elle a élaboré « une mocratique : « Je ne suis pas liste de femmes et d’hommes d’extrême-droite, mais j’estime chez qui on peut aller frapper. » que tous les candidats doivent Ce soir d'octobre, elle a juste- être présents. » A Magny, « de- ment rendez-vous chez un can- puis 20 ans, près de 80 % de la didat potentiel et se prépare plus commune vote Le Pen », affirme à convaincre qu’à argumenter. Lucien Richard, qui vise sa ré- élection en 2008. « C’est sûr que Programme en deux mots. si j’avais parrainé Arlette La- Les élections dans les petits vil- guiller, j’aurais eu droit à lages alsaciens se jouent en effet quelques remarques de la part sur des relations personnelles de mes administrés. » plus que sur des sensibilités poli- Pour d’autres, le retour de mani- tiques. Faire du porte-à-porte, velle est beaucoup plus violent. respecter la proportion des diffé- AWasserbourg, 473 habitants, rentes populations : voilà le lot dans le canton de Munster, l’an- de la tête de liste en campagne. nonce du parrainage de Jean- D’autant plus que les pro- Paul Iltis en faveur de Jean-Ma- grammes sont rarement sujets à rie Le Pen a provoqué un séisme

polémiques. En 2001, l’essentiel Louise Fessard/CUEJ au sein du conseil municipal. du programme de Marcel Girard, « Trois conseillers se sont mis en élu de Goldbach-Altenbach, 252 colère », raconte cet élu, déçu de âmes, tenait en deux la politique et certain de ne pas mots : aménagement (d’une ne s’en cache pas : « J’ai tou- Yvette Ehlinger ne digère tou- se représenter en mars. « L’un maison communale) et rénova- jours été gaulliste et je n’ai ja- jours pas la fronde menée par d’eux a même quitté la réunion tion (de l’extérieur de la mairie mais changé de cap, assène-t-il. « trois méchants qui [l’]embê- et démissionné sur le champ. » attaquée par un champignon, la Ceux qui se disent sans étiquette tent et qu’[elle a] repérés depuis MARION BONNET mérule). Dans ces villages où mentent, ils tiennent avant tout à 1996. Ils sont systématiquement PIERRE DEMOUX tout le monde connaît tout le ne pas prendre parti, à entrete- contre ce que l’on fait. On vou- LOUISE FESSARD monde, les clivages traditionnels nir le consensus. » Est-il pour lait transformer une friche en DAVE KOULICHE A Rorschwihr, les élus ne s’entendent plus

La chambre régionale des comptes a décidé du budget de la commune. la tête de l’unique liste, Marie-Line tion de l’école, réalisée au cours des deux tenté d’apaiser les tensions en recevant AKreyer a été élue maire de Rorschwihr, derniers étés. « Nous avons été de moins chez lui Marie-Line Kreyer et ses 372 habitants, en 2001. Cette ensei- en moins conviés aux réunions de chan- opposants, sans succès. Aucun vote gnante de 50 ans n’imaginait pas devoir com- tier, où le maire ne nous laissait pas nous n’étant intervenu avant le 15 avril poser avec une opposition. exprimer. Elle est très autoritaire », af- 2007, date légale butoir, le préfet du Pourtant, après deux ans de mandat, ses rela- firme Jean-Marie Eichholzer, membre du Haut-Rhin a saisi la chambre régionale tions avec les conseillers municipaux se sont conseil municipal. des comptes. Celle-ci a décidé du budget peu à peu envenimées. « Ils n’ont pas com- La crise a atteint son apogée fin mars courant de la commune fin mai. pris que le rôle du conseil municipal n’est 2007 lorsque sept conseillers ont refusé Découragée par « les conditions de travail pas de commander le maire. Pour eux, j’au- d’adopter le budget primitif. « C’était difficiles » qu’elle a connues au cours de rais dû être le pantin qui exécute, mais je ne la seule manière d’arrêter le passage son mandat, Marie-Line Kreyer ne se re- me suis pas laissée faire », explique Marie- en force de madame le maire », assure le présentera pas en mars 2008. Line Kreyer. Objet de la discorde : la rénova- conseiller. Le sous-préfet de Ribeauvillé a GUILHEM MARTIN SAINT LÉON

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Parité : l’Alsace à la traîne

Moins de 7% des communes alsaciennes sont administrées par des femmes. Deux d’entre elles racontent les difficultés de leur parcours. LLE n’avait pas le profil cinq ans pour m’imposer. Dans faire ! Mais je dirais que la plu- mari, elle a renoncé à son poste idéal pour être maire, l’Education nationale, il n’y a part du temps, elles sont plus à la Chambre de consommation d’autant plus dans une pas de sexes, j’ai découvert les pragmatiques et ont plus d’en- d’Alsace. Elle ne regrette pas petite commune d’Al- préjugés avec ce métier, assure durance. » Anne-Marie ce choix et compte se re- Esace. Mais Elisabeth Elisabeth Vierling. La société Wies, 52 ans, maire présenter aux élections Vierling a su combattre française, et plus particulière- d’Eschwiller, est la «Les gens municipales. « Ce qui les préjugés. Ancien professeur ment alsacienne, considère que seule femme élue à la attendent me plaît dans cette acti- de biochimie aujourd’hui retrai- les femmes ne sont pas compé- tête d’une commune en toujours vité, c’est de voir la pro- tée, elle arrive à Flexbourg en tentes. Les gens attendent tou- Alsace Bossue. Elle se que l’on gression au cours d’un 1985. En 2001, elle devient jours que l’on montre ce que souvient avoir eu « des montre ce mandat : la mise en maire des 484 habitants de ce l’on peut faire, ils ont un a moments difficiles au que l’on place du regroupement petit village viticole du Bas- priori négatif. » cours de ce mandat. peut faire, scolaire, d’une salle in- Rhin, au pied des collines sous- Être maire, c’est un dur ils ont formatique… » Elisa- vosgiennes. Faire des choix. A Gold- combat à mener ». un a priori beth Vierling n’a qu’un En Alsace, sur 904 communes, bach-Altenbach, commune du Elisabeth Vierling est négatif. » seul regret : le manque 60 sont administrées par des Haut-Rhin de 252 habitants, sur aujourd’hui fière de de reconnaissance. femmes (38 dans le Bas-Rhin, les 11 conseillers municipaux, s’être investie. « C’est « C’est vrai que je m’at- 22 dans le Haut-Rhin), soit une seule femme est élue. Le un métier passionnant et usant tendais à avoir plus de remer- 6,6% (10,9% à l’échelle natio- maire, Marcel Girard, explique : en même temps. Il n’est pas ciements », dit-elle, un peu dé- nale). « Je ne pensais pas « Leur temps est toujours plus toujours facile de concilier sa çue. Malgré tout, l’élue a encore qu’être maire serait plus diffi- compté : le travail, en plus des fonction avec sa vie de plein de projets en tête. cile que d’être prof. Il m’a fallu enfants à garder, et du ménage à famille. » A la demande de son SOLINA PRAK Mathilde Morandi / CUEJ

Anne-Marie Wies, 52 ans, maire de la commune agricole d’Eschwiller, est la seule femme à avoir été élue en Alsace Bossue. Les Diss, maire de père en fils

A Landersheim, les héritiers d’une lignée d’élus continuent à se passer le flambeau. Landersheim, être maire pas battu en 1967 pour que le Tanton, la secrétaire de mai- présenter aux dernières élec- Aest une affaire de famille. siège d’Adidas France s’im- rie. Pris dans l’engrenage peu tions municipales, c’est trop « Nous sommes des des- plante sur le ban communal ? avant 28 ans, alors qu’il se- de travail, il faudrait être là cendants de bourgmestres Cette installation avait condait son frère aîné au se- tous les jours », rappelle Alain depuis la Révolution », permis à Landersheim crétariat de mairie, cet infor- Pfister, lui même ancien assure Jean-Marc Diss, d’autofinancer ses tra- maticien est soutenu dans sa conseiller municipal. Jean- qui, à tout juste 40 ans, vaux d’aménagement tâche par sa famille. « S’il a Marc Diss annonce pourtant achève son deuxième man- grâce à la taxe profession- vraiment un problème, il va que 2008 sera sa dernière élec- dat. Veste en velours, voix nelle. demander à son père », lance tion. « Trois mandats à la ri- grave, ce fils de maire ne Maire de père en fils Alain Pfister, 57 ans, villa- gueur, mais après j’arrête », rougit pas d’avoir pris la donc – le grand-père occupait geois et ancien chauffeur de répète ce dernier, actuellement relève paternelle. « Si déjà la fonction pendant poids-lourd à la retraite. célibataire. La fin de la dynas- l’héritage de mon père l’entre-deux-guerres – les tie Diss est annoncée. A moins avait été un poids, j’aurais Diss, se transmettent plus Vers une fin de règne? que l'un des autres descen- refusé de lui succéder », qu’un titre : « Mon père m’a Mais une ombre plane sur la dants refuse in extremis de soutient-il. D’autant que c’est légué un savoir-faire », reven- succession des Diss. Candidat voir l’écharpe tricolore s’en- grâce à ce dernier, Xavier dique Jean Marc Diss, le fils. sans adversaire, Jean-Marc voler de l’armoire familiale : Diss, agriculteur, et maire de « Il y a certaines choses innées Diss est devenu maire par la quatre frères sont encore pré- 1959 à 1995, que la commune chez lui, des règles qu’il force des choses. « Personne sents dans le village. a si fière allure. Ne s’était-il connaît », confirme Denise d’autre que lui ne voulait se MATHILDE MORANDI NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 9 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 10

Roger Gaugler, maire de Sickert et président de la communauté de communes de la vallée de la Doller et du Soultzbach. « VRP » de l’intercommunalité Louise CUEJ Fessard/

A Sickert, Roger Gaugler loue la coopération entre les communes. AIRE de Sickert, ments économiques ces der- touche à l’éducation, surtout une seule vallée ou un seul 317 âmes, dans la nières décennies. « Dans les dans la haute vallée où « il y a belvédère, tout aussi remar- vallée de la Doller, années 1960, 1970 et 1980, on un déficit d’enfants pour gar- quable soit-il. C’est au Pays Roger Gaugler, a pris de plein fouet la crise der ouverte une école dans que revient ce rôle d’ambassa- Msexagénaire tout en des usines textiles. Et une pe- chaque commune, déplore-t- deur. Mais l’élu, pourtant di- rondeurs, résume à tite commune ne peut pas toute il. A Sickert, il n’y a plus que thyrambique sur les résultats lui seul l’ensemble des ni- seule pratiquer une politique sept élèves alors que le seuil obtenus par ces divers niveaux veaux de coopération existants industrielle, sociale ou cultu- exigé est de neuf ». La solu- d’organisation, n’ignore pas entre communes. Elu depuis relle, alors qu’on le peut en- tion : un RPI – re- qu’ils manquent encore de vi- 1983 de son petit village, il semble. Grâce à l’intercom- groupement pédago- sibilité pour les citoyens. préside également la commu- munalité, on s’est battu gique intercommunal nauté de communes de la val- pour redonner aux gens les – entre huit communes Cantons inutiles. Pour Ro- lée de la Doller et du Soultz- services dont ils ont besoin. » qui conserveront leur ger Gaugler, la faute incombe bach. Soit 17 communes et école, chacune dévolue à au « Meccano français, trop 15 000 habitants, répartis le Internet haut débit. une seule classe. Le rai- compliqué. Il y a des entités long de la rivière qui s’écoule A l’actif de la mise en com- sonnement est similaire administratives, comme les du Ballon d'Alsace. A cela, il mun des moyens et des pour le sport et les activi- cantons, qui ne servent à rien, faut ajouter son siège de pre- compétences, il cite notam- tés culturelles : chaque vil- si ce n’est à élire un conseiller mier vice-président du Pays ment la création de la zone in- lage a sa propre salle, puis, général ». La méconnaissance Thur-Doller. Le Pays, der- dustrielle du Pont d’Aspach, ceux qui veulent évoluer à des citoyens envers ces institu- nière-né des structures de re- qui offre des perspectives plus haut niveau, sont orientés tions devrait s’estomper avec groupement, créées à l’initia- d’emplois aux habitants, la vers des structures intercom- l’habitude, car l’Alsace « se tive de Dominique Voynet, participation aux frais de fonc- munales moins nombreuses, développe de plus en plus sur alors ministre de l’Environne- tionnement du collège de Ma- mais plus importantes. « C’est la notion de pays. Avant, les ment, en 1999, peut rassem- sevaux. Ou encore, réalisation une logique pyramidale », ré- découpages administratifs se bler plusieurs communautés de plus surprenante mais dont il sume Roger Gaugler. faisaient de Paris, sans au- communes, quatre dans le cas n’est pas moins fier, la Autre domaine où le rassem- cune cohérence géographique. présent. Pour lui, la question connexion depuis 2000 de blement est particulièrement Aujourd’hui, ils se font sur la de l’intercommunalité ne se toute la vallée à l’Internet intéressant, le tourisme. Dans volonté des gens de vivre en- pose pas : « Un maire tout haut débit. cette région de montagne, de semble ». Une évolution natu- seul, ça ne peut plus exister. » La coopération entre petits vil- forêts et de lacs, la promotion relle pour ce « VRP » de l’in- Surtout dans sa région, qui a lages se montre également très touristique, notamment à tercommunalité. TIPHAINE REYNAUD connuAvec de profonds la bouleverse Com’com,- précieuse pour tout ce« qui lesl’étranger impôts, ne peut se limiter à décollent »

ANS le sud de l’Alsace, bougé depuis vingt ans, fustige- munes. » Les premiers magis- munes du pays de Sierentz, Dentre le Rhin et les col- t-il. Tout le monde paie trats regrettent parfois que l’Etat lui verse les dotations de lines du Sundgau, le pays pour des services qui ne l’adhésion les prive de la res- fonctionnement des com- de Sierentz est un territoire de bénéficient qu’à un petit ponsabilité de gérer seuls leurs munes. plaines et de villages, regrou- nombre, comme les classes de budgets. Même s’ils ne sont A Brinckheim, Jean- pés en une communauté de neige par exemple. » pas satisfaits, ils ne peuvent à Georges Weber regrette que 21 communes, « Com’com », ce jour plus envisager de quit- ces fonds ne servent pas à em- dans le jargon municipal. Engagés pour vingt ans. ter la communauté : ils se sont baucher des ouvriers munici- Pour ses habitants, l’intercom- « Beaucoup dans les petits vil- engagés financièrement pour paux. En leur absence, il s’oc- munalité se matérialise entre lages se plaignent que cer- plus de vingt ans. cupe de tout, ou presque : « Je autres par une taxe. Des dé- taines dépenses sont de trop, répare les fuites d’eau, change penses que certains édiles mais il faut satisfaire tout le Pas d’ouvrier municipal. les ampoules, tout ça pour éco- comme Jean-Georges Weber à monde !, rétorque Guy Picquet, Transports scolaires, balayage nomiser le salaire d’un ouvrier Brinckheim, 300 habitants, ne président de la communauté de et gestion des déchets entre communal », dit-il. Avant de trouvent pas toujours justifiées. communes du pays de Sierentz. autres sont pris en charge par s’éclipser pour réparer un « Les impôts ont décollé dès L’intercommunalité se charge l’intercommunalité. Depuis compteur d’électricité. notre adhésion à la Com’com’, des dépenses qui étaient aupa- janvier 2002, date de création SARAH BROCK alors qu’ils n’avaient pas ravant à la charge des com- de la communauté de com- VICTOR NICOLAS

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Un petit rien les sépare

René Mathias et Jean-Pierre Widmer, à la tête d’Oberentzen et Niederentzen, deux communes accolées, ne font rien l’un sans l’autre. N passe d’une com- mune à l’autre sans s’en apercevoir. Une succession de maisons Ocernées par les champs, avec pour seule fron- tière un double panneau d’en- trée : « Ober » au recto, « Nie- der » au verso. « Depuis plus de 500 ans, les deux communes ont toujours été accolées mais dis- tinctes », assure Jean-Pierre Widmer, maire de Niederentzen. Son homologue du village ju- meau, René Mathias, lui sert un café. Assis autour d’une table de la mairie d’Oberentzen, les deux hommes se connaissent bien. Même génération : une cinquan- taine d’années. Jeunes, ils fai- saient partie de la même équipe de foot, et les casernes où ils étaient pompiers étaient à deux

pas l’une de l’autre. Aujour- Aubel/CUEJ Manon d’hui, ils se tutoient et passent le jour de l’An ensemble. « Depuis plus de 500 ans, les deux communes ont toujours été accolées mais distinctes. » Un contact permanent. S’ils Au delà des rendez-vous de tra- coiffeur, c’est la boulangerie qui couple : « A partir du moment se voient régulièrement, c’est vail, les deux maires sont en a fermé cette année. « On où on s’entend et où on es- d’abord pour des raisons profes- contact permanent, conscients n’est pas mieux loti que des saye d’aller dans le sionnelles. « On travaille très que l’attractivité d’une com- petites communes isolées, même sens, on gagne en étroitement ensemble dans le mune est intimement liée au dé- déplore le maire d’Ober. Mais dynamisme. » Un couple cadre du syndicat intercommu- veloppement de l’autre. « Si ce n’est pas qu’une question qui fait cependant chambre nal scolaire, du syndicat mixte des gens veulent s’installer à de taille, c’est aussi une ques- à part : pas question de re- de l’Ill, de l’union des associa- Oberentzen et voir nos struc- tion de situation. » Jean- grouper les constructions tions foncières... », énumère tures, je leur parlerai aussi de Pierre Widmer enchaîne : emblématiques des deux com- René Mathias. De façon plus ex- celles de Nieder, pas vrai Jean- « L’échangeur autoroutier munes. « C’est vrai que ça clusive, Ober et Nieder ont aussi Pierre ?, lance René Mathias. prévu sur la commune de coûterait moins cher en fonc- en commun un comité de jume- Un sucre ou deux ?» Nieder en 2008 va changer tionnement », reconnaît René lage avec D’Hanis, au Texas. la donne. On a déjà des de- Mathias. Mais l’école et L’été prochain, ils accueilleront Les difficultés des petites. La mandes d’installation de maga- l’église, demeurent l’âme de une quarantaine d’Américains proximité des deux villages ne sins. » chaque village. MANON AUBEL de ce village fondé par dese émi- suffit pas à attirer les commerces. Le maire de Niederentzen com- grants alsaciens au XIX siècle. Après la boucherie, l’épicerie, le pare leur entente à celle d’un FABIEN MOLLON La renaissance de Bosselshausen Intégré à Kirrwiller durant 33 ans, le village s’est émancipé d’un « mariage arrangé ». ENAÎTRE après un divorce, voilà le mairie partagée entre les deux com- payer un agent communal. « Au niveau des Rpari de la commune de Bosselshausen. munes. Village rural et agricole, Bossel- impôts locaux, nous avons besoin de racler Accolée pendant 33 ans à sa voisine, shausen n’aura partagé que le nom avec les fonds de tiroirs », constate Laurence Kirrwiller, que séparaient deux collines, Kirrwiller, village-rue d’essence plutôt Jost. Râteaux à la main, écharpes au vent, la une route, et trois kilomètres et demi de ouvrière. Une dissymétrie accentuée par nouvelle équipe a décidé de se serrer les terres cultivées, Bosselshausen a repris sa la taille du village. Plus petite, Bossel- coudes et veille ensemble à l’entretien du liberté. Porté à bout de bras par Laurence shausen était la parente pauvre de Kirr- village. « S’il neige, je me charge de désen- Jost, 41 ans, alors maire déléguée, le willer. « Aux réunions du conseil, combrer et de sabler les rues avec mon projet de rupture avait fini par aboutir seuls quatre membres venaient de tracteur », explique Jean-George Berst, 41 en janvier 2007. Bosselshausen. Ils n’obtenaient ja- ans, deuxième adjoint et exploitant agri- mais la majorité », confirme t-elle. cole. Mariage arrangé. « Il n’y avait Selon Michel Blondel, 63 ans, commis- jamais vraiment eu de projets en saire chargé de se prononcer sur la sépa- Baptême politique. « On est en période commun entre les deux villages », ration, il était nécessaire que la rupture de sur-régime, mais c’est provisoire », se justifie Laurence Jost, élue maire de soit consommée : « On ne peut pas le dé- console Laurence Jost. Investie depuis plus Bosselshausen en février 2007 au crire mais ça se sentait. Les habitants ne d’un an dans la vie du village, cette ensei- cours d’élections exceptionnelles. souhaitaient pas poursuivre ensemble. gnante au collège et au lycée de Bouxwiller Cheveux courts, énergique et réa- Entre Bosselshausen et Kirrwiller, il y a a plutôt réussi son baptême politique. liste, cette agrégée d’histoire évoque deux mentalités différentes. » Franco-suisse élevée en Normandie, elle a le « mariage arrangé » de ces villages su s’imposer par son travail et sa ténacité et qui avaient accolé leurs noms sur le pa- Refaire sa vie. Dans l’élan de sa créa- s’est toujours placée au-dessus des que- pier en 1974. « Une salle des fêtes n’était tion, la commune retrouvée de Bosselshau- relles de clans au sein du village. Ravie jamais commune. Elle était toujours sur sen s’est dotée d’une équipe municipale qui d’avoir réussi à réunir autour d’une table le ban de l’une, et pas sur celui de n’a pas tardé à investir les deux salles va- des familles en froid depuis des généra- l’autre. Une partie de la population se cantes de l’ancienne école. Rapidement tions, elle sera candidate à sa réélection en sentait toujours lésée », confirme Anna- rodé, le peloton commence à faire ses mars 2008. belle Hirlimann, 35 ans, secrétaire de preuves. Mais n’a pas les moyens de se MATHILDE MORANDI NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 11 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 12

Ça surfe à Magstatt-le-Haut

En installant le wifi et une rhizosphère, Bernard Sutter parie sur l’avenir. ANS la mairie de Mag- Sa commune de 286 habitants même titre qu’un fournis- taine fierté de son aménage- statt-le-Haut, il ne fait n’est pas reliée au réseau seur comme Free, Alice ment, surtout depuis que le pas plus chaud que de- qui donne accès aux ou Neuf. conseil municipal de Rantz- hors. « C’est inutile de fournisseurs habituels « On ne voulait pas at- willer est venu s’inspirer de Dmettre le chauffage si d’internet haut débit. Pour tendre l’initiative du Dépar- son initiative. Cette ville de la secrétaire n’est là résoudre ce problème, tement pour permettre aux presque mille habitants attend que deux jours par semaine. conseillé par le pâtissier du habitants d’accéder à l’inter- toujours l’ADSL. Comme ça, on peut faire des village, il installe sur le net haut débit », se souvient Autre choix singulier : la rhizo- économies », s’excuse le maire toit de l’église un émet- Bernard Sutter. sphère. Contrainte par la loi de Bernard Sutter, retraité de 72 teur wifi. Le projet permet entre autres à rénover son système d’assainis- ans. Malgré son budget mo- Depuis 2005, la com- deux infographistes de tra- sement d’eau, la commune a deste, cet élu propose des ini- mune fournit internet sur vailler depuis leur domicile. opté pour une solution écolo- tiatives originales. abonnement à 39 foyers, au Le maire avoue tirer une cer- gique d’épuration, fondée sur le filtrage de l’eau par le sable. « Cela nous revient deux à trois fois moins cher que si nous avions contribué à la station d’épuration intercommunale », explique le maire, qui ne se re- vendique pourtant pas « Vert ». Grâce à ce système, sa com- mune gagne 60 centimes par litre d’eau vendu. Selon Ber- nard Sutter, les habitants de la voisine Magstatt-le-Bas convoitent le prix de l’eau de son homologue du Haut. Pas d’éclairage à Noël. Sur un budget total d’un million d’euros pour 2007, une moitié est consacrée au fonctionne- ment, l’autre à l’investisse- ment. Les ressources propres de la petite commune provien- nent en particulier de l’exploi- tation des forêts et de la vente de bois. Pour faire des économies, le maire a décidé de supprimer les éclairages de Noël. Cette année, les habitants du village se contenteront d’un petit sapin près de l’église. Sarah Sarah Brock/CUEJ VICTOR NICOLAS L’émetteur wifi est installé sur le clocher de l’église de Magstatt-le-Haut, à la grande satisfaction de Bernard Sutter. SARAH BROCK Petite commune cherche grosse subvention

Du conseil général à l’Union européenne, les sources de financement sont multiples. ERCHÉE à plus de 800 importante de la commune, la conjointement par l’Agence de 25% » lors de la construction de Pmètres d’altitude, Aubure vente de bois, une filière en crise l’environnement et de la maî- la maison communale pour est la plus haute commune depuis la tempête de 1999, ne trise de l’énergie (Ademe), le 550 000 euros il y a cinq ans. d’Alsace, entre Ribeauvillé et rapporte qu’entre 10 000 et conseil général et le conseil ré- Mais ce dont il est le plus fier, Fréland. Son maire, Claude 15 000 euros par an. gional ». En revanche, la com- c’est du camion de pompier Humbrecht, 55 ans, évoque déjà Le faible potentiel fiscal d’Au- mune située dans un canton ru- tout-terrain inauguré en no- les chantiers phares de son pro- bure lui donne accès à des sub- ral éligible aux crédits vembre qui « n’a pas coûté un bable troisième mandat : la ventions maximales ve- européens n’en bénéfi- sou à la commune ». Il l’a ob- construction d’un foyer d’héber- nant des collectivités L’impor- ciera pas cette fois-là : « tenu du SDIS (service départe- gement pour handicapés, d’un locales : « Pour l’atelier, tant ce En 1999, quand nous mental d’incendie et de secours) atelier communal et d’une le Département couvre « n’est pas avons aménagé l’ancien avec l'aide du conseil général et chaufferie au bois qui fournira 40% des dépenses et la l’étiquette presbytère en périsco- de son président UMP Charles de la chaleur à la mairie-école, la Région prend en charge politique laire pour la garde des Buttner. Le véhicule était ré- salle polyvalente, l’église et le 20% du coût de la struc- mais enfants, Bruxelles avait formé au niveau du départe- périscolaire. « Les travaux débu- ture en bois du bâtiment. d'avoir des payé 20% des travaux ment, mais parfaitement apte teront le 28 mars 2008 et il fau- J’ai aussi sollicité l’en- relations car il s’agissait d’un ser- pour le corps local. Un joli coup dra que tout soit fini avant l’hi- veloppe parlementaire pour être vice à la population », se pour Marcel Girard, ancien ver suivant. » Coût des projets : auprès de mon député, toujours souvient Claude Hum- membre du RPR qui « n’a pas près de 700 000 euros. A priori mais là, rien n’est aux brecht. repris sa carte à l’UMP, plus as- hors de prix pour Aubure, dé- sûr… », explique Claude premières Marcel Girard, son ho- sez gaulliste ». Pour lui, l’im- pourvue d’industrie, où les deux Humbrecht. loges ». mologue de Golbach- portant « n’est pas l’étiquette derniers agriculteurs permettent Altenbach, 252 habi- politique mais d'avoir des rela- juste d’entretenir les prés et dont Le soutien des collectivités. tants, à 75 kilomètres au sud tions pour être toujours aux pre- le budget 2007 n’excède pas Quant à la chaufferie au bois, un d’Aubure en suivant la route des mières loges. Comme on dit : 550 000 euros pour le fonction- équipement écologique, « je ne crêtes, se rappelle également c'est celui qui est le plus près du nement et 150 000 euros pour sais pas qui paye quoi mais elle avoir profité d’une « forte aide fourneau qui se chauffe ». l’investissement. Jadis ressource sera financée à hauteur de 60% européenne, à hauteur de GUILHEM MARTIN SAINT LÉON

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Auf Wiedersehen Bürgermeister

En Allemagne, les petites communes Gerhard Wagner, maire de Tegernau, est pour sont en voie de disparition. un regroupement

des petites communes. Sarah Brock/CUEJ

IN octobre, la Badische phie, les villages du « Kleines jeu est double, explique Ge- percevoir ces revenus. » Le Zeitung, quotidien de la Wiesental », comme toutes les rhard Wagner : « Ils craignent jeune maire de Böllen, Bruno région, lance un défi petites communes de mon- de se faire reprocher par leurs Kiefer, est convaincu que le aux huit maires de la tagne, n’ont pas été concernés électeurs de vouloir sort de ses collègues du Fcommunauté de com- par le regroupement. vendre leur commune. « Kleines Wiesental » A l’étranger munes « Kleines Wie- Pourtant, les habitants décidera aussi du sien. sental » au milieu de la Forêt- La fusion en question. De- de Tegernau m’ont Bien que son village ne Noire : bâtir en une soirée la puis une trentaine d’années, confirmé qu’ils préfè- connaisse pas de pro- Allemagne : « maison de l’unité ». Les huit ces communes de montagne rent payer moins d’im- blèmes financiers, il ne Suivant les lois édiles ont remporté le pari. sont endettées et subsistent pôts que garder à tout se fait guère d’illu- du Land, le Une fois la cabane en bois grâce aux subventions du prix leur maire. » sions : « A mon avis, Bürgermeister construite, ils y ont entonné la Land. Ce dernier a décidé de dans 20 ans, Böllen est élu chanson traditionnelle : « Ja- mettre fin à ses aides finan- Peu d’illusion. La n’aura plus de directement mais on ne se séparera ». cières en 2010. La solution la résistance au regroupe- maire. » Sa commune par les Derrière l’anecdote se joue la plus économique selon Ge- ment probable tient à de 103 habitants, la habitants de la souveraineté des huit petits rhard Wagner, président du des arguments plus plus petite du Land, se commune ou villages de 200 à 600 habi- « Kleines Wiesental » et maire égoïstes, suppose Gerhard situe à 13 kilomètres de Teger- par le conseil tants. En 1973, le Land de de son chef-lieu Tegernau de- Wagner : « L’un des maires nau, mais fait pour l’instant communal. Bade-Wurtemberg a lancé une puis 1994, serait de fusionner est retraité, l’autre est paysan. toujours partie d’une autre in- réforme visant à créer des en- les huit communes. Mais la Pour eux, 700 euros de salaire tercommunalité. Belgique : tités d’au moins 8000 habi- majorité de ses collègues s’y par mois, c’est important. Ils SARAH BROCK Le bourgmestre, tants. Du fait de leur topogra- oppose. Pour les maires, l’en- veulent avant tout continuer à MARIA WIMMER équivalent du maire français, est directement élu par la Et au milieu passe une frontière... population. États-Unis et Canada A Lucelle, village suisse et alsacien, les élus tentent de mener à bien des projets communs. anglophone: Le mayor est UCELLE. Ses 47 habitants, son an- Ce jour-là marque le début des travaux de et vice-versa. On se donne des coups de désigné par le Lcienne abbaye cistercienne, ses trois réparations du réseau d’eau. « Nos canali- main. Pour notre réseau d’assainissement conseil pour restaurants et sa borne frontière, plan- sations alimentent aussi les cinq maisons par exemple, j’ai demandé un avis à mes un mandat tée au beau milieu de la principale du hameau suisse. Mais les collègues suisses », souligne-t-il. restreint, voire rue du village. Avec d’un côté Lu- conduites qui vont en Suisse doi- de façon celle, commune française, et de vent être changées car elles sont en Pointe d’admiration. Les caisses des tournante. l’autre... Lucelle, hameau suisse ap- mauvais état », explique Bernard villages helvétiques sont en revanche da- Il n’a qu’une partenant à la commune helvétique de Fankhauser, agriculteur et pre- vantage remplies que celles de leurs fonction Pleignes, située sept kilomètres plus mier élu de Lucelle depuis 1982. « Même voisins français du fait de taxes cérémoniale loin. « C’est un dossier important. De- un village communales plus élevées. « Même et protocolaire. Un trait tiré en 1815 sur la carte de puis le mois de juin, on s’est vus de 50 un village de 50 habitants possède l’Europe lors de la signature du une dizaine de fois avec le maire habitants son propre réseau d’assainisse- Québec : Traité de Vienne fait qu’aujourd’hui de Pleignes car pour pouvoir tra- a son ment, son bureau de poste... », Le maire est l’accès principal menant à Lucelle-la- vailler en Suisse, il nous faut une propre constate, légèrement envieux, Jean- élu Française nécessite d’abord un crochet convention spécifique. » réseau Luc Bringia. Avant de noter : « De distinctement de quelques centaines de mètres par le ter- Les Suisses n’étant pas membres de d’assainis- leur côté, ils nous envient notre cul- des conseillers ritoire suisse. l’Union européenne, les projets sement, son ture du patriotisme. Chez nous, dès municipaux. transfrontaliers sont lourds à mon- bureau de qu’il y a une passation de grade Une cohabita- « Collègues suisses ». Dans cette zone, ter. « Beaucoup de choses se règlent poste... » d’un pompier, cela fait venir le tion est la plus méridionale d’Alsace, les relations au niveau informel », tempère Jean- conseiller général, le conseiller ré- possible entre internationales sont forcément étroites, Luc Bringia, le maire de la commune gional, le député et on joue la Mar- un maire et un intérêts communs obligent : le ramassage française de Kiffis, à quelques kilomètres seillaise ». conseil des poubelles est assuré par les services de Lucelle. L’honneur est sauf. municipal français, l’entretien des routes se fait en « On a les mêmes problèmes, alors quand MARION BONNET opposés. collaboration... l’un fait quelque chose, on va voir chez lui PIERRE DEMOUX NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 13 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 14

Le club des Cinq

Amis d’enfance et de terrains de foot, ils se retrouvent après les matchs pour discuter de leurs communes. RETTEN, Eteimbes, Bellemagny, rapproche toujours. Et les vieilles habi- l’utile à l’agréable », selon l’expression Saint-Cosme et Bréchaumont, cinq tudes demeurent : « Au foot, on parle de ce dernier, les réunions se déroulent villages voisins aux portes de la souvent des affaires de la mairie. Et souvent autour d’un verre ou dans le res- Franche-Comté, cinq maires, cinq quand on se voit en mairie, il arrive taurant du coin. Bamis qui se connaissent depuis l’en- aussi fréquemment que l’on parle du fance, et surtout depuis le football. foot », confie Joël Wies, maire depuis Village gaulois. Cette communauté de Pendant de nombreuses années, ils ont usé 2001. communes informelle prend parfois des leurs crampons sur le terrain de l’AS Du coup, les cinq élus préfèrent airs de petit village gaulois qui se plaît à Bréchaumont, tous en attaque. régler entre eux les affaires de faire un peu de résistance. Depuis juin 2007, Joël Wies, la qua- leurs communes. Ils partagent A la dernière élection présidentielle, les rantaine dynamique, ancien milieu de tout : le même employé municipal, parrainages de ces cinq maires sont tous terrain, a même pris la tête du club de l’école, située dans le village allés dans l’escarcelle d’ « Arlette », foot en plus de celle de sa commune, d’Eteimbes et inaugurée il y a trois comme ils l’appellent, la candidate de Saint-Cosme. Son ancien coéquipier et ans, le matériel communal, leur expé- Lutte ouvrière. « Le plus drôle c’est que homologue de Bréchaumont, François rience… sans oublier la traditionnelle nous ne nous sommes pas du tout concer- Elsaesser, est aujourd’hui avocat à fête de la carpe frite, spécialité culi- tés », précise Thierry Roy, le maire de . Le premier élu naire de la région. Et les projets sont lé- Bellemagny. d’Eteimbes, Jean-Luc Fink, chapeau de gion : agrandissement de l’école à la Mêmes idées, mêmes combats. Ils évo- cow-boy vissé sur la tête, encadre au- rentrée prochaine, construction d’une quent avec malice la bataille épique et jourd’hui une équipe de jeunes en plus de salle des fêtes… victorieuse, menée il y a quelques années son travail chez Peugeot. « Nous nous voyons régulièrement. On contre l’installation d’un aérodrome à est bien ensemble, et quand on prend Fontaine, dans le Territoire de Belfort. Et Mélange de genres. Son ancien cama- des décisions, elles vont souvent dans le plus récemment, celle menée pour modi- rade de classe, Christophe Poulet, aujour- même sens », estime Joël Wies. « C’est fier le tracé du futur TGV. « On fait un pe- d’hui maire de Bretten, continue de suivre sûr que cela a facilité les choses de se tit peu îlot de résistance, souligne Joël les affaires du club, mais de loin. Le benja- connaître avant, ajoute Christophe Pou- Wies. Mais grâce à cela, il arrive que min du groupe, Thierry Roy, élu de Belle- let dans un large sourire. On bosse l’on pèse sur les décisions de la commu- magny, a rejoint la bande grâce à son cou- beaucoup mais il y a aussi beaucoup de nauté de communes. » sin, qui n’est autre que Christophe Poulet. troisièmes mi-temps ! » Comme toutes MARION BONNET Aujourd’hui, la passion du ballon rond les les occasions sont bonnes de « lier PIERRE DEMOUX Une écharpe et des quilles

Premier magistrat de Fort-Louis, Gérard Janus est un singulier sélectionneur national. ORT-LOUIS, village forti- mètres. Le Racing l’amène Ffié de 300 habitants, à aussi à parcourir l’Europe. Il proximité de Haguenau, est s’est récemment rendu à Bu- sans doute la seule commune dapest, pour assister à la dé- d’Alsace à pouvoir s’enor- faite des Strasbourgeois en gueillir d’être administrée par huitièmes de finale de la un entraîneur national. Ligue des champions. Son maire, Gérard Janus, 54 ans, solide gaillard de près de Apolitisme de rigueur. deux mètres au crâne dégarni, Gérard Janus a parrainé Jean- est le sélectionneur de Marie Le Pen lors de la der- l’équipe de France de quilles. nière élection présidentielle, A l’âge de 12 ans, il a fait ses ce qui lui avait valu les re- premiers pas avec son frère proches de certains de en ramassant les quilles ses pairs. Il explique de ses aînés, dans le club son acte non par une de son village, Pfaffenhof- adhésion aux thèses du fen. Il commence la compé- Front national mais par tition à quatorze ans, pour « une exigence démocra- intégrer quelques années tique ». « Il était au second plus tard l’équipe de tour en 2002 avec six mil- France et en devenir le lions de voix, explique-t-il. capitaine. Il prend en- Il était donc normal qu’il suite le poste de sélec- puisse se présenter. Cela a tionneur national et la tête d’ailleurs permis de voir du Racing club de Strasbourg que contrairement à ce qu’il omnisports. En 2001, Gérard prétendait, il ne représentait Janus accède à la tête de sa plus 18% des électeurs. » commune. Gérard Janus, qui se repré- A la retraite, il était « plus dis- sente en 2008, revendique son ponible » que ses colistiers. apparente neutralité par l’im- Au cours de son mandat, il a portance de ses fonctions réussi à concilier ses fonctions sportives. « Quel que soit le politiques et sportives. « Il y a vainqueur de la prochaine 17 heures entre sept heures du élection municipale à Stras- matin et minuit », dit-il pour bourg, je devrais travailler expliquer comment il arrive à avec lui pour le Racing. Je me Arthur Frayer/CUEJ partager son temps entre le dois de rester neutre. » Racing et la mairie de Fort- ROMAN BERNARD Gérard Janus et son Racing de Strasbourg ont remporté 14 fois le championnat national. Louis, éloignés de 50 kilo- ARTHUR FRAYER

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Les Marianne de Madeleine

Madeleine Zinck, 85 ans, dont 50 comme secrétaire de mairie

de Kesseldorf, revient sur l’histoire de son village. 1922 dra attendre 1975 pour qu’elle Naissance à traduise son dernier document. Kesseldorf Témoin privilégié de l’évolu- tion du village, la vieille dame, 1945 au fil des années, observe le Devient goudronnage des rues, la réno- institutrice du vation du clocher, l’arrivée de village et lignes de bus desservant Ha- secrétaire de guenau et Wissembourg, la mairie auprès nouvelle école... Revers de la d’Emile Ger- médaille, elle assiste aussi à la bert fermeture des deux restaurants de la commune, la disparition 1959 des petits commerces et l’arri- Joseph Kern vée de l’autoroute à proximité remplace du village, avec son lot de nui- Emile Gerbert sances sonores. 1965 « Pas de politique ». Made- Adolphe leine a su traverser les époques Schroeder bat en se gardant de s’immiscer Joseph Kern dans la vie politique de la cité. « Quand on est secrétaire de 1977 mairie il faut s’abstenir de tout Guy Callegher ça, on ne fait pas de poli- entame son Collection personnelle tique », affirme l’ancienne ins- premier man- titutrice. Elle se souvient des dat Le jour où Madeleine Zinck achève sa carrière d’institutrice, en 1981, Guy Callegher, maire de Kesseldorf, périodes électorales. « Un mo- lui remet « 3000 francs de disques ». Elle sera secrétaire de mairie jusqu’en 1994. ment difficile à passer. J’aurais 1981 aimé avoir un passage souter- Prend sa rain entre la mairie, l’école et retraite UJOURD’HUI, je seule voix. L’après-midi Et nombre de documents admi- ma maison pour ne pas avoir à d’institutrice connais plus de monde même, nous sommes partis nistratifs sont manquants. Ma- croiser les gens dans les rues. » au cimetière que dans dans des voitures tirées par deleine doit se rendre réguliè- La vieille dame n’aime pas 1994 le village », sourit Ma- des chevaux avec le peu de rement à Strasbourg pour tenter évoquer les querelles de per- Quitte son Adeleine Zinck, un rien biens que nous pouvions em- de les retrouver. Certains sont sonnes. Pourtant son amie poste de désabusée. A 85 ans, porter, en laissant nos mai- en allemand, d’autres en fran- Marthe, fille de Joseph Kern, le secrétaire elle a passé plus de la moitié de sons ouvertes et les bêtes dans çais, une langue que ne maîtri- maire sortant en 1965, lui rap- de mairie sa vie à la mairie de Kessel- les étables. Quelques jours sent ni le maire, ni les pelle une anecdote survenue dorf, 430 habitants, commune plus tard, des wagons à bes- conseillers municipaux. La po- quatre décennies auparavant. du canton de Seltz, aujourd’hui tiaux nous ont emmenés en pulation encore moins. Joseph Kern brigue coincée entre l’autoroute me- Haute-Vienne. » L’alsacien est roi. Dans la son second mandat et nant à Lauterbourg et la forêt Un an plus tard, elle revient cour de récréation de Adolphe Schroeder, de Haguenau. Celle qui fut, 50 dans son village. Elle endurera l’école, un système contraint jeune conseiller municipal, ans durant, se- pendant quatre les enfants à parler français. présente une deuxième liste crétaire de mai- longues années « Il y avait un jeton, se sou- tout en lui donnant « sa pa- rie, est la mé- les privations vient-elle. Celui qui enten- role d’honneur » de ne pas moire vive du de l’Occupa- dait un camarade parler postuler à la fonction de village. Elle a tion, avant alsacien lui passait le je- maire. Parole qu’il ne tiendra

connu au cours Dave Kouliche/CUEJ d’accueillir en ton. A la fin de la récré, pas. Cette petite trahison res- de sa fonction héros les sol- le dernier à écoper de la tera le seul fait politique no- onze élections dats français du patate chaude recevait une table de l’histoire de la com- e punition : il restait le soir municipales, 3e bataillon du mune. Deux mandats plus tard, quatre maires 4 RTT, le 19 pour conjuguer des verbes. Au- en 1977, Adolphe Schroeder différents et mars 1945. jourd’hui, on fait l’inverse. Les sera battu par Guy Callegher. autant de prési- « Sous un so- enfants sont encouragés à ap- Ce dernier est sans nul doute, dents de la Ré- leil radieux », prendre l’alsacien. » pour Madeleine, celui qui a fait publique. Tous se remémore-t- Pendant plusieurs années, Ma- le plus pour la commune. les après-mi- elle, des san- deleine seule sera capable de L’homme est énergique et vo- dis, elle re- glots dans la traduire les documents. Elle est lontaire, un brin directif. A son trouve son Madeleine Zinck, novembre 2007. voix. A 23 ans, le lien unique entre la popula- actif, la construction de la salle amie Marthe déjà institutrice tion du village et l’administra- polyvalente dès son arrivée à la dans le salon de son petit pa- du village, elle devient logique- tion française. A côté de ses mairie, la réfection de la voie- villon de la rue de Hatten. En- ment secrétaire de mairie avec deux fonctions officielles, elle rie, la mise en place d’un pre- semble, elles n’en finissent pas pour tout équipement une devient l’écrivain public de mier système d’assainissement de ressasser la mémoire endor- vieille machine à écrire. Elle Kesseldorf. ou encore la création du Sivom mie de Kesseldorf, cette com- prend son poste auprès d’Emile Dès 19h, après ses heures de (syndicat intercommunal à vo- mune de la région agricole de Gerbert, un sexagénaire autori- service, elle accueille les villa- cations multiples) en 1980. la plaine du Rhin, proche des taire « qui impose souvent son geois dans sa propre maison et « C’est le plus moderne. Il était rives de la Sauer. point de vue aux autres ». Tous traduit, lit, rédige actes de nais- le premier à parler couram- deux font face à une lourde sance, de décès ou de mariage, ment le francais. » Ecrivain public. Irrémé- tâche. Le village est à recons- parfois jusque tard dans la soi- En 1994, Madeleine a définiti- diablement, l’évacuation des truire. Les routes et les ponts rée. « Madeleine était toujours vement pris sa retraite et expé-

habitants revienter dans leurs ré- sont détruits, les maisons joignable et sûrement plus dé- dié sa vieille machine à écrire en cits : « Le 1 septembre 1939, pillées. Il faut prendre son vélo rangée en dehors des heures de Afrique, « pour une œuvre cari- Bernard, l’appariteur, a an- et s’armer de courage pour par- travail que lors des perma- tative ». En 50 ans, jamais elle noncé au son de sa cloche la courir les 30 kilomètres qui sé- nences », raconte le maire ac- n’aura touché un ordinateur. triste nouvelle de l’évacua- parent le petit bourg de Hague- tuel, qu’elle accompagnera ARTHUR FRAYER tion, racontent-elles d’une nau. pendant près de 20 ans. Il fau- DAVE KOULICHE NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 15 NDI92_rassemblé.qxd 14/10/09 15:58 Page 16