Crédit photo Jean-François Agnèse 2012

SEBKHAT (RÉGION DAKHLA-OUED EDDAHAB) UNE ZONE HUMIDE SAHARIENNE RELIQUE

Abdeljebbar QNINBA, Mohamed Lamine SEMLALI, Antoine PARISELLE & Oumnia HIMMI

- 2020 -

Région de Dakhla-Oued Eddahab Institut Scientifique, Université Mohammed V de Association Nature Initiative de Dakhla Institut de Recherche pour le Développement (IRD-France)

Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

PREFACE

A l’instar du patrimoine naturel du sud du Maroc, celui de la Région de Dakhla-Oued Eddahab est resté longtemps très peu ou pas suffisamment étudié. En effet, après les investigations pionnières de naturalistes comme H. Heim de Balsac durant les années 1930 et 1940, J.A. Valverde durant les années 1950 et R. de Naurois durant les années 1960, les recherches scientifiques ont marqué un temps d’arrêt. Ce n’est que durant ces deux dernières décennies que des naturalistes professionnels et amateurs ont commencé à explorer le vaste territoire de cette Région. Leurs découvertes, ajoutées à celles des auteurs pré-cités, ont mis en évidence une diversité remarquable et insoupçonnée de paysages, de systèmes écologiques, de flore et de faune. Grâce à l’action militante de l’Association "Nature-Iniative" de Dakhla et de ses partenaires régionaux, provinciaux et locaux, une partie non négligeable des richesses naturelles de la Région d’Oued Eddahab a été dévoilée scientifiquement mais qui reste à valoriser et à conserver. L’exemple le plus démonstratif est représenté par Sebkhat Imlili, une zone humide saharienne originale. Bien que l’écosystème "Sebkha" soit largement représenté au niveau de toute l’Afrique du Nord, celui d’Imlili est très particulier, notamment avec ses nombreuses (plus de 160) poches d’eau permanente et hypersalée et une espèce de poisson relique tropicale (probablement une nouvelle espèce pour la Science) et qui serait endémique d’un seul site au monde : la Sebkha d’Imlili. Valoriser ce site exceptionnel nécessite au préalable sa profonde connaissance sur le plan scientifique. C’est le but que se sont assignés des chercheurs de divers établissements de recherche nationaux et internationaux (coordonnés par ceux de l’Institut Scientifique de Rabat), aidés en cela par l’Association "Nature-Initiative" qui s’est chargée en plus de chercher le financement pour mener à bien les diverses études pluridisciplinaires envisagées. Le Conseil de la Région de Dakhla-Oued Eddahab, conscient de son rôle dans la valorisation du patrimoine naturel et culturel du territoire dont il a la responsabilité, a appuyé financièrement et par ses encouragements incessants ce projet d’études pluridisciplinaires, depuis son lancement en 2012 et jusqu’à l’élaboration du présent document. Les secrets et énigmes que posait la Sebkha d’Imlili commencent à être levés ; le présent ouvrage présente les principales données acquises à ce jour, sachant que de nombreuses recherches sont en cours ou programmées. Parallèlement, et au vu des potentialités naturelles du site, ce dernier a été inscrit comme zone humide d’importance internationale sur la liste de la Convention de Ramsar.

Mr. Yanja EL KHATTAT Président de la Région de Dakhla-Oued Eddahab Dakhla, le 10 octobre 2019

Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

PREFACE

Le Maroc héberge une grande diversité de zones humides qui constituent un réseau d’une importance capitale pour la conservation des ressources naturelles. Ces zones humides présentent de nombreux enjeux socio-économiques et de biodiversité associés à de multiples services éco-systémiques tels que la mise à disposition de l’eau potable et d’irrigation, de ressources naturelles (végétales, animales) ainsi que la régulation hydrologique ; ce qui justifie la mise en place de mesures de conservation. Elles connaissent malheureusement des pressions anthropiques et naturelles très importantes : changement climatiques intensification de l’agriculture, pollutions diverses, aménagements inadaptés, tourisme de masse... Par ailleurs, les Sebkhas dont celle d’Imlili, sont des zones humides naturelles en milieu désertique qui présentent des intérêts très diversifiés. Ces systèmes sont considérés comme des indicateurs de l’évolution biologique, géochimique et hydrologique naturelles, et ils constituent des biotopes très intéressants, ayant contribué à la préservation d’une biodiversité particulière. Malheureusement ces systèmes sont très fragiles et menacés par plusieurs pratiques. Une meilleure compréhension de leur fonctionnement complexe apparaît nécessaire, quasi vitale surtout dans ces milieux sahariens où elles représentent l’espoir à l’image des Oasis surgissant dans le désert. Telle a été l’approche retenue pour l’expertise collégiale réalisée par l’Institut Scientifique (Université Mohammed V de Rabat) et l’Association "Nature-Initiative" de Dakhla, avec la collaboration de plusieurs établissements de recherche : Faculté des Sciences de Rabat, Institut de Recherche pour le Développement (IRD – France), Faculté des Sciences Semlalia de Marrakech, École Normale Supérieure de Marrakech et Faculté des Sciences de Tétouan, pour répondre à plusieurs problématiques scientifiques telles que l’histoire naturelle de la Sebkha, les éléments à l’origine de la permanence de l’eau, le fonctionnement hydrologique, le statut taxonomique de quelques espèces animales et, particulièrement, le poisson d’Imlili etc. C’est tout l’intérêt du programme de recherche multidisciplinaire "Sebkhat Imlili (Région de Dakhla- Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique" financé par les Conseils de la Région de Dakhla- Oued Eddahab, de la Province d’Oued Eddahab et de la Commune d’Imlili, ainsi que par l’Agence de Développement et de Promotion des Provinces du Sud du Royaume du Maroc. Grâce à cette somme importante d’études, la Sebkha d’Imlili a commencé à révéler ses secrets et énigmes fonctionnels. Tel est notamment le message de ce magnifique ouvrage qui représente un appel poignant à des mesures scientifiques adaptées et à des politiques régionales adéquates. La Sebkha d’Imlili a fourni, pour sa part, une contribution pour répondre à la première partie de ce tableau diptyque. Au-delà du recueil et de la formalisation des connaissances, cette étude a eu aussi des effets structurants. Elle a eu le mérite d’inscrire ce site comme Zone Humide d’Importance Internationale sur la liste de la Convention de Ramsar. Cette initiative reste porteuse d’espoir pour l’avenir de cette région, terre de connaissance et berceau de richesses naturelles et humaines exceptionnelles.

Pr. Mohamed FEKHAOUI, Directeur de l’Institut Scientifique Rabat, le 19 octobre 2019

Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………………..……………………… 1 Mohamed Hilali, Said Baki, Lakhlifa Benaissi, Anas Emran, Tarik Bahaj & Lhou Eddahby. Caractérisation hydrologique et hydrogéologique d’une Sebkha soumise à un climat de type saharien : cas de la Sebkha d’Imlili (Province Oued Eddahab, Maroc).…………...…………………………………….…………..…….... 3 Anas Emran, Abdeljebbar Qninba, Taoufik El Balla, Antoine Pariselle, Jean-Paul Rudant, Fatima Hara & Mohamed Hilali. Le fonctionnement de la Sebkha d’Imlili dévoilé par les images Radar Palsar. Un reliquat de passé dans le Sahara marocain témoin de la dernière variation climatique dans des conditions géologiques improbables……………..…. 19 Abdellatif Bayed, Oumnia Himmi, Mohamed Aziz El Agbani, Mohamed Lamine Samlali, Hammadi Mhimdate, Mohamed Radi, Fatima Hara & Abdeljebbar Qninba. Caractérisation morphométrique et physico-chimique des poches d’eau de la Sebkha d’Imlili (Sud marocain)…….. 33 Nadia Mhammdi, Rachid Cheddadi, Hamid Slimani & Abdeljebbar Qninba. Histoire Holocène de la Sebkha d’Imlili (Sahara Marocain)….…………………………..…………………………... 41 Mohammed Ibn Tattou. Contribution à l'étude de la flore et de la végétation de la Sebkha d’Imlili (Sahara océanique)…………………..………… 49 Frédéric Médail, Frédéric Guiter, Philippe Ponel & Abdeljebbar Qninba. Le genre Echiochilon (Boraginaceae), une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili (Sahara océanique)……………………………………………………………………………………………..…………………….. 63 Oumnia Himmi, Abdellatif Bayed, Mohammed Aziz El Agbani, Fatima Hara, Taoufik El Balla, Mohamed Laghdaf Khayya & Abdeljebbar Qninba. Biodiversité aquatique de la Sebkha d'Imlili………………………………………..……………………………………………. 71 Mohamed Ghamizi, Khadija Boulaassafer, Oumnia Himmi & Abdeljebbar Qninba. Les Mollusques de la Sebkha d’Imlili…………………………………………..……………………………...…………..……… 85 Halima Louizi, Jean-François Agnèse, Ouafae Berrada Rkhami, Arnold R. Bitja Nyom, Abdelaziz Benhoussa, Abdeljebbar Qninba & Antoine Pariselle. Différenciation morphologique de deux populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae) du Maroc………………………………………………………………………………………………...……………………………… 93 Jean-François Agnèse, Halima Louizi, Ouafae Berrada Rkhami, Abdelaziz Benhoussa, Abdeljebbar Qninba & Antoine Pariselle. Des poissons dans le désert : les Tilapias de la Sebkha d’Imlili……………..……………………………..………..………. 101 Isaure de Buron, Abdeljebbar Qninba, Abdelaziz Benhoussa, Jean-François Agnèse, Halima Louizi & Antoine Pariselle. Parasites des poissons de la Sebkha d’Imlili…………………………………..…………………………………………..…….. 107 Mohamed Mediani. El Hassan El Mouden, Tahar Slimani & Abdeljebbar Qninba.

Reptiles de la Sebkha d’Imlili (Sahara Atlantique Marocain) : Etat des lieux et perspectives de conservation 113 Mohamed Radi, Abdelaziz El Idrissi Essougrati, Taoufik El Balla, Mohammed Aziz El Agbani, Mohamed Lamine Samlali & Abdeljebbar Qninba. Inventaire commenté des oiseaux de la Sebkha d’Imlili et de ses environs immédiats……………..……………….……. 117 Abdeljebbar Qninba, Hicham El Brini, Mohamed Radi, Hammadi Mhimdate, Mohamed Lamine Samlali & Mohamed Laghdaf Khayya. Inventaire commenté des Mammifères des environs de la Sebkha d’Imlili…………..………………..………………….… 127 Aïcha Oujaa, Mustapha Nami & Naïma Oulmakki. Occupations humaines aux abords de la Sebkha d’Imlili (Dakhla, Maroc)…………………………………..………….… 135

Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

INTRODUCTION

Le terme "Sebkha" désigne un type de zones humides largement répandu en Afrique du Nord ; il correspond à une large dépression sableuse et plate, couverte de sel ou d’eau salée. Certaines dépressions endoréiques (c.à.d. sans exutoire) communiquent avec la mer ou sont alimentées par des oueds ; d’autres correspondent à d’anciens lacs ou marais asséchés. En 1957, Valverde décrivait une Sebkha très originale située à une quarantaine de kilomètres au Sud de la Baie de Dakhla (ou Baie d’Oued Eddahab) ; cette Sebkha a été revisitée en janvier 2009 (Qninba et al., 2009) sur recommandation du Directeur Régional des Eaux & Forêts (Monsieur Hamid Bensouiba) en poste dans la ville de à l’époque. Grâce à l’Association "Nature-Initiative" de Dakhla, dont les membres avaient une parfaite connaissance du terrain, notamment Monsieur Mohamed Laghdaf Khayya, des prospections ont été faites pour mieux connaitre cet écosystème original et unique au Maroc. Cette zone humide saharienne présente les originalités suivantes : (1) présence de plusieurs dizaines de poches d’eau hypersalée et permanente dans sa partie septentrionale, alors que les pluies dans la région sont rares et faibles (20 à 30 mm de précipitations annuelles en moyenne), que le site n’est pas en communication avec l’Océan et que le taux d’évaporation de l’eau est assez élevé ; (2) origine mixte marine/estuarienne et continentale des peuplements aquatiques vivants dans les poches d’eau ; (3) co- existence d’invertébrés aquatiques des eaux stagnantes avec quelques éléments caractéristiques des eaux courantes ; (4) présence d’une population de poissons apparentés au Tilapia de Guinée, inconnu jusqu’alors au Maroc et dont l’aire de distribution était confinée aux écosystèmes estuariens/marins d’Afrique de l’Ouest. La Sebkha d’Imili et ses multiples originalités ont soulevé parmi la communauté scientifique plusieurs questionnements : (a) quelle est son histoire naturelle ? (b) quels sont les éléments à l’origine de la permanence de l’eau ? (c) comment fonctionne la Sebkha sur le plan hydrologique ? (d) quelle est la position systématique du poisson d’Imlili et quelles sont ses relations avec les populations d’Afrique de l’Ouest ? (e) s’agit-il d’une métapopulation ou d’une entité homogène ? (f) quel est son régime alimentaire ? (g) quelle biodiversité caractérise cette Sebkha et ses alentours ? etc. Afin de répondre à toutes ces questions, un projet d’études multidisciplinaires a été mis en place, conjointement, par l’Institut Scientifique (Université Mohammed V de Rabat) et l’Association "Nature- Initiative" de Dakhla, avec la collaboration de plusieurs établissements de recherche : Faculté des Sciences de Rabat, Institut de Recherche pour le Développement (IRD – France), Faculté des Sciences Semlalia de Marrakech, Ecole Normale Supérieure de Marrakech et Faculté des Sciences de Tétouan. Ce projet a reçu des financements de la part des Conseils de la Région de Dakhla – Oued Eddahab, de la Province de Dakhla et de la Commune d’Imlili, ainsi que de la part de l’Agence de Dévelopement et de Promotion des Provinces du Sud du Royaume du Maroc. Suite à la signature au début de l’année 2012 de conventions de collaboration entre les principaux partenaires, les études pluridisciplinaires sur la Sebkha d’Imlili ont pu démarrer en juin de la même année, grâce notamment à la logistique mise à disposition par l’Association "Nature-Initiative" de Dakhla, et les recherches se sont poursuivies dans les divers laboratoires impliqués dans le projet. Par la suite, des missions de terrain ont été organisées grâce au soutien financier de l’IRD, de l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie (IMBE, UMR Aix-Marseille Univ./CNRS/IRD/Avignon Univ.) ou du College/Université de Charleston (Département de Biologie - Caroline du Sud –USA) dans le cadre du Programme Fulbright. Les principaux résultats obtenus jusqu’à présent dans les diverses thématiques développées sur le site de la Sebkha d’Imlili sont présentés dans cet ouvrage. Précisons que les auteurs des divers chapitres assument la responsabilité de leurs interprétations et conclusions.

1 Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Les premiers chapitres sont consacrés aux aspects physiques (Géomorphologie, Géologie, Hydrogéologie, Morphométrie) ; les aspects biologiques et de biodiversité (Plantes et Végétation, Invertébrés, Vertébrés, Parasites internes de Poissons) sont traités dans les chapitres suivants. Un dernier chapitre est consacré à l’occupation humaine. Nous remercions tous les partenaires (organismes nationaux et internationaux, conseils élus et autorités locales, scientifiques et administrateurs) qui ont participé d’une manière ou d’une autre aux diverses étapes du projet multidisciplinaire sur la Sebkha d’Imlili. C’est grâce à la contribution de tous que ce projet a vu le jour et que les recherches se poursuivent. Espérons que l’étape ultime sera le classement du site en tant qu’aire protégée (il est déjà classé RAMSAR depuis 2018) ; lequel classement permettra de préserver les valeurs exceptionnelles de ce système écologique saharien relique.

Pr. Abdeljebbar QNINBA Coordinateur du projet d'études pluridisciplinaires sur la Sebkha d'Imlili

2 Sebkhat Imlili (Région de Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Caractérisation hydrologique et hydrogéologique d’une sebkha soumise à un climat de type saharien : cas de la Sebkha d’Imlili (Province Oued Eddahab, Maroc)

Mohamed HILALI1*, Said BAKI2, Lakhlifa BENAISSI1, Anas EMRAN3, Tarik BAHAJ2 & Lhou EDDAHBY4

1. Université Moulay Ismail, Faculté des Sciences et Techniques, Equipe de Génie des Mines, de l’Eau et de l’Environnement (GMEE), Boutalamine-Errachidia, Maroc. *([email protected]) 2. Mohammed V University in Rabat, Faculté des Sciences, Laboratoire d’Océanologie, Géodynamique et Génie Géologique. Av. Ibn Batota, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. 3. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Rabat Agdal, Maroc. 4. Mohammed V University in Rabat, Ecole d’Ingénieurs, LIMEN, Département de Génie Minéral, Av. Ibn Sina., Rabat, Maroc.

INTRODUCTION La Sebkha d’Imlili est située à l’extrémité sud marocaine à une quarantaine de kilomètres au sud de la Baie de Dakhla. Elle s’étend sur une superficie de près de 18 km2 et présente une forme allongée sensiblement NNE-SSW d’une longueur d’environ 13 km et d’une largeur variable comprise entre 500 m et 2500 m (Fig. 1). L’altitude moyenne varie de 40 à 50 m (Fig. 2). Plus d’une centaine de cavités d’eau permanente sont inventoriées dans la dépression de la Sebkha. Certaines de ces cavités abritent une espèce de poisson identifiée comme étant un Tilapia de Guinée Coptodon guineensis (Qninba et al. 2009). La présence d’une population nomade est souvent en rapport avec la pluviométrie. Cette population est concentrée dans les périmètres des principaux puits situés à l’ouest de la Sebkha d’Imlili. Ces puits sont la source de vie pour les hommes et le cheptel. Ainsi, l’élevage constitue la principale activité agricole dans la zone d’étude. Cette activité constitue une source de revenu non négligeable pour les éleveurs. Le système pastoral extensif transhumant est le mode d’élevage le plus fréquent dans la région. Il concerne les élevages camelins, caprins et ovins.

CLIMATOLOGIE Le climat de la Sebkha d’Imlili se caractérise par une aridité accentuée et une rareté des précipitations. L'influence de la proximité de l'Océan Atlantique n'est ressentie que sur la frange côtière ; le reste de la région devient de plus en plus aride à mesure que l'on s'enfonce vers l'intérieur. L’analyse des séries pluviométriques disponibles au niveau de la station de Dakhla montre un régime extrêmement irrégulier, typique du Sahara et des régions hyperarides, caractérisé notamment par des valeurs maximales pouvant représenter plusieurs fois la valeur moyenne interannuelle. A l’opposé, les pluies minimales extrêmes peuvent être quasi-nulles sur une ou plusieurs années consécutives. Les épisodes pluvieux sont fortement concentrés dans le temps, généralement en quelques jours dans l’année. Ces épisodes sont d’ailleurs à l’origine des crues qui surviennent dans la région. La pluviosité est faible et irrégulière, les précipitations sont aléatoires à caractère bref, violent et orageux. Les précipitations se concentrent sur deux périodes de l’année (fin été-début automne et hiver). Pendant ces périodes, on enregistre plus du 90% du total de la hauteur d’eau précipitée annuellement. La moyenne annuelle des précipitations oscille entre 20 et 100 mm. L’année 1998 était celle où on a enregistré le maximum de pluie annuelle, soit 101 mm. Les courtes périodes d’observation analysées (1996-2005) rendent difficile la différenciation de périodes pluvieuses. Toutefois, le mois le plus pluvieux à Dakhla durant la période observée est celui de septembre (Tab. 1).

HYDROGRAPHIE D’IMLILI Le bassin versant de la Sebkha d’Imlili se situe entièrement dans le domaine saharien. Il se caractérise par un réseau hydrographique peu développé dont les principaux affluents prennent naissance essentiellement dans les parties Nord et Est de la Sebkha. Le réseau hydrographique de la région d’Imlili est représenté par les Oueds d’Al Hawli, Chalkhat

3 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Oum Lbayna, La’rad, Tougba et leurs affluents (Fig. 3). Le réseau hydrographique est moins dense et relativement rectiligne renseignant sur le caractère perméable du sol au voisinage des dépendances des cours d’eau le constituant. Les altitudes du bassin varient de 60 m jusqu’à près de 249 m (Fig. 4 & Tab. 2). Le lit de l’oued principal est large. Au voisinage de la Sebkha d’Imlili, ce lit présente une largeur d’une dizaine de mètres avec une pente globale faible (Fig. 5). Selon nos observations sur le terrain, les lits des cours d’eau sont constitués d’alluvions, les méandres sont faiblement développés, renseignant sur l’absence des courants de surface et de fond ce qui confère au cours une forme relativement large avec des hauteurs des berges naturellement faibles. Au niveau de la dépression de la Sebkha, le lit est formé de terrains imperméables salifères qui font place à des formations perméables un peu plus en s’approchant de l’entrée de la Sebkha. Il est aussi tapissé par des dunes de sable dont la hauteur dépasse souvent 5 m, surtout au niveau de l’entrée de la Sebkha du côté Nord et Nord-Ouest. La température varie de 5° en hiver à 48° en été. La région est aussi exposée aux vents et tempêtes de sable. La faible pluviométrie, le brouillard et la rosée sont suffisants pour maintenir une végétation de type semi-désertique dans les lits des petits oueds et de la Sebkha.

Figure 1. Situation géographique de la Sebkha d’Imlili.

Figure 2. Topographie et limites d’extension de la Sebkha d’Imlili.

4 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Tableau 1. Paramètres statistiques des précipitations moyennes mensuelles en mm pour la période 1996-2005.

Sept Oct. Nov. Déc. Janv. Févr. Mars Avril Mai Juin Juill. Août Moyenne 10.7 2.2 0.7 2.4 4.2 1.8 3.0 2.0 1.1 0.1 0.0 2.5 Minimum 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 Maximum 57.3 17.1 6.0 12.6 12.4 8.5 28.1 9.8 9.8 0.7 0.4 13.0

REGIME HYDROLOGIQUE DE LA SEBKHA Dominance des cours d’eau intermittents Les oueds généralement sous forme de "chaâbas" ne coulent que lors d’épisodes pluvieux intenses générant des crues sur les sous-bassins amonts et qui parcourent parfois la dépression de la Sebkha d’Imlili en y déposant du matériel fin. Le régime hydrologique des oueds est marqué par une forte irrégularité saisonnière et interannuelle des débits. Le maximum des apports intervient lors des crues importantes provenant des sous-bassins versants amont. Les cours d’eau coulent quelques jours par an, dans les meilleures conditions ; mais le plus souvent tous les trois ou quatre ans. Le réseau est endoréique. Les eaux des averses orageuses qui surviennent s’accumulent ainsi dans la dépression en constituant des plans d’eau. Aussi ne subsistent-t-ils pas longtemps à cause de l’intense évaporation et de l’infiltration. Le ruissellement débute dans ces régions sahariennes abritant la Sebkha d’Imlili lorsque la chute de pluie atteint généralement près de 5 mm (avec une intensité d’au moins 1 mm/heure). Ces pluies sont surtout groupées en automne, mais peuvent aussi survenir en hiver. La valeur de la réserve facilement utilisable (RFU) maximale utilisée est de 25 mm (DRHS 2005). Sur la presque totalité des années, l’excédent hydrique est inexistant. L’évaporation réelle puise toujours dans les pluies et dans la réserve facilement utilisable qui n’a presque jamais atteint sa capacité maximale. Ce qui signifie que les précipitations n’atteignent que rarement le réservoir sauf en périodes de crues exceptionnelles.

Figure 3. Réseau hydrographique de la région d’Imlili avec ordre des cours d’eau.

5 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Figure 4. Répartition spatiale des altitudes du bassin (en m) générées à partir du modèle numérique de terrain (MNT).

Figure 5. Répartition des pentes des bassins d’Imlili.

6 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili. Tableau 2. Principales caractéristiques morphométriques des sous-bassins de la Sebkha d’Imlili.

Paramètre Bassin de la sebkha O. Twarachit O. Al Hawli O. Khanfrat Al Atf O. La'rad O. Chelkhat Oum Al Nayna Twifat Entourage Sebkha Observation

Surface (km2) 2023,1 84,6 734,3 260,6 377,2 243,7 51,1 271,6

Périmètre (km) 398,2 108,4 284,9 166,5 178,4 152,5 48,2 190,7

Indice de Gravelius Kg 2,5 3,3 2,9 2,9 2,6 2,7 1,9 3,2 Kg > 1 : Bassin allongé Longueur du rectangle 188,4 52,6 137,1 80,0 84,7 72,9 21,8 92,4 équivalent (km) Largeur du rectangle 10,7 1,6 5,4 3,3 4,5 3,3 2,4 2,9 équivalent (km)

Indice de forme d'Horton KH 0,06 0,03 0,04 0,04 0,05 0,05 0,11 0,03 KH< 1 : Bassin allongé

Altitude minimale (m) 60 62 68 65 60 62 62 60

Altitude maximale (m) 249 180 249 159 182 197 141 124

Altitude moyenne (m) 125 116,5 159,7 109,1 103,7 147,7 88,8 67,8

Altitude médiane (m) 131 127 162 120 98 151 82 62

Pente minimale (%) 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

Pente maximale (%) 167,0 48,3 52,3 34,9 167,0 40,7 37,5 61,6 Pente forte (faible durée de Pente moyenne (%) 2,9 3,4 2,9 2,7 3,3 3,0 3,8 2,1 concentration des eaux) Densité de drainage moyenne 0,34 0,41 0,36 0,37 0,39 0,34 0,47 0,09 (km/km2) Nombre de cours d'eau 187 5 83 25 38 21 7 8 Longueur total des cours d'eau 678,1 34,8 266,9 95,8 147,2 84,0 23,9 25,5 (km) Densité faible (bassin à Densité hydrographique (km-2) 0,09 0,06 0,11 0,10 0,10 0,09 0,14 0,03 substratum perméable)

7 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Estimation des débits de pointe L’estimation des débits de pointe a été effectuée pour deux sous-bassins versants qui alimentent probablement la dépression en eaux de crues (d’après nos observations de terrain de 2014, à l’occasion de crues survenues dans la région d’Imlili) ; ces sous-bassins sont ceux de l’Oued Al Hawli et Khanfrat Al Atf, situés successivement à l’Est et au NW de la Sebkha d’Imlili. Dans ce qui suit sont présentées les principales méthodes utilisées pour l’estimation des débits de pointe (Q) :

- Formule de Mallet Gauthier (In Coutagne., 1951) : S Q  2k log10 (1 a H)  1 4log10 (T)  log10 (S) L Avec : S : Superficie du sous-bassin, soit 734 km2 pour le sous-bassin d’Al Hawli et 261 km2 pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf ; L : Longueur d’écoulement, soit 60 km pour le sous-bassin d’Al Hawli et 30 km pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf ; H : hauteur de pluie en m/an (sachant que la moyenne annuelle d’Imlili est de 30 mm) ; k et a : coefficients caractéristiques de Mallet Gauttier ; k= 1.30 et a= 20 et T : Période de retour en années.

- Formule de Fuller II (Fuller, 1914) :

0.8 8 4 N Q(T )  (1 alog10 (T ))(S   S )  3 3 100 Avec : S : Superficie du sous-bassin, soit 734 km2 pour le sous-bassin d’Al Hawli et 261 km2 pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf ; N et a : coefficients caractéristiques de Fuller ; N= 85 et a= 0.80 et T : Période de retour en années.

Les résultats obtenus en appliquant les méthodes de Mallet Gauthier et Fuller II (Tab. 3) montrent que le débit de pointe moyen du sous-bassin de l’Oued Al Hawli varie de 311 m3/s pour une période de retour de 10 ans jusqu’à 597 m3/s pour une période de retour de 1000 ans ; tandis que pour le sous-bassin de l’Oued Khanfrat Al Atf, le débit de pointe oscille entre 152 m3/s pour une période de retour de 10 ans et 289 m3/s pour une période de retour de 1000 ans. Ces valeurs de débits de pointe restent approximatives (faute de jaugeage des crues) ; néanmoins, ils donnent une idée sur le régime hydrologique des oueds sahariens pouvant renseigner sur l’importance des débits de crues dans l’alimentation de la Sebkha d’Imlili et également des nappes d’eaux souterraines, en particulier les nappes superficielles. Il est à rappeler également que l’évaluation du temps de concentration Tc (temps nécessaire à l’eau pour s’écouler depuis le point le plus éloigné du bassin jusqu’à son exutoire (sebkha)) est basée en général sur l’hypothèse que les gouttes de pluie se déplacent perpendiculairement aux lignes de niveau. Il existe plusieurs équations pour le calcul du temps de concentration, parmi lesquelles figure la formule de Giandotti, rappelée comme suit : Tc = (4*A0,5+1,5*L) / (0,8*(H-H0)0,5) Avec A : Surface du bassin versant de la Sebkha (soit 734 km2 pour le sous-bassin d’Al Hawli et 261 km2 pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf); H : Altitude moyenne en m (soit 160 m pour le sous-bassin d’Al Hawli et 109 m pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf); H0 : Altitude de l'exutoire en m (soit 68 m pour le sous-bassin d’Al Hawli et 65 m pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf) et L : Longueur du talweg (Km) (soit 60 km pour le sous-bassin d’Al Hawli et 30 km pour le sous-bassin de Khanfrat Al Atf).

En appliquant la formule de Giandotti, le temps de concentration est évalué à près de 26 heures pour le sous-bassin de l’Oued Al Hawli et 20.6 heures pour le sous-bassin de l’Oued Khanfrat Al Atf. Pour mieux comprendre l’hydrogéologie et les ressources en eau souterraine de la région d’Imlili, il est primordial d’étudier le contexte géologique de la zone d’étude et également l’exploitation des résultats des travaux de forage et des enquêtes de terrain sur les points d’eau qui sont d’une grande utilité en ce qui concerne l’identification des niveaux aquifères potentiels et de leurs caractéristiques hydrodynamiques.

8 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Tableau 3. Débits de pointe estimés par les méthodes de Mallet Gauthier & Fuller II.

Débit en m3/s Sous-bassin versant T (années) Moyenne (m3/s) Mallet Gauthier Fuller II 10 73,5 547,5 310,5 50 111,6 717,6 414,6 Oued Al Hawli 100 124,5 790,8 457,7 1000 160,1 1034,2 597,1 10 40,6 262,8 151,7 50 58,6 344,5 201,6 Oued Khanfrat Al Atf 100 64,8 379,7 222,3 1000 82,3 496,5 289,4

Figure 6. Partie Nord-Ouest de la Sebkha dominée par des dunes de sable entre lesquelles s’opèrent des chaâbas.

Tracé d’anciennes crues

Figure 7. Entrée de la Sebkha dans sa partie amont (Nord et Nord-Ouest), montrant les tracés d’anciennes crues.

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HYDROGEOLOGIE DE LA SEBKHA D’IMLILI

Géologie de la région d’Imlili La Sebkha d’Imlili appartient en grande partie au bassin méso-cénozoïque de -Laayoune-Dakhla, constitué d'un ensemble de petits bassins allongés parallèlement à la côte, formés durant le Mésozoïque et le Cénozoïque dans la direction marine du Craton stable Ouest Africain ; alors que sa partie Sud-Est fait partie du domaine d’Oulad Dlim appartenant à la dorsale Réguibate, située à l’extrême Sud du Maroc (Menchikoff 1949, Lasserre & Lameyre, 1969 ; Rjimati & Zemmour,i 2011). La zone côtière présente des entablements liés aux lignes de rivages d’altitudes variables. Vers l’intérieur, le caractère tabulaire se perd à la faveur de dépressions ou sebkhas continentales (Sebkha d’Imlili) et de reliefs déprimés d’Aguerguer allongés dans la direction moyenne NE-SW. La partie Sud-Est a été affectée par plusieurs orogénies : archéenne, éburnéenne, panafricaine et hercynienne (Sougy & Bronner, 1969 ; Villeneuve et al., 2006). Elle est constituée d’un socle granito-migmatitique nommé, suite de Oum Lbayna, résultant de plusieurs phases tectoniques dont les premières sont attribuées à l’Archéen, et qui ont consisté en un plissement synmétamorphique représenté par des plis millimétriques à hectométriques, à axes très variables et serrés. Ces structures ont fait l’objet par la suite de plissements et rotations liés à deux phases successives dont la première est marquée par des plis moins serrés et des charnières plus courbes ; la deuxième par des plis kilométriques à axes subhorizontaux probablement responsables des structures ellipsoïdales qui pourraient évoluer en structures de type "mantled gneiss dome". A l’extrémité Sud-Est de la région d’Imlili, affleurent des dépôts néoprotérozoïques liés à une extension néoprotérozoïque responsable de la formation d’un bassin-graben NNE-SSW qui se prolonge sur toute la zone étudiée depuis Sebkha Lahwida jusqu’à La’Titabiiyine avant de passer sous la couverture crétacée au Nord, située à l’Est d’Imlili. Vers la marge côtière et au centre, affleure une formation attribuée à l’Eocène, constituée de marnes, craie, argiles et silexite. Cette formation est surmontée, au niveau des falaises côtières ainsi qu'aux dépressions et sebkhas, par une formation marine, attribuée au Miocène, qui montre des variations latérales de faciès et d'épaisseur, constituée généralement de marnes sableuses, lumachelles et quartzites. Une formation, marine transgressive, d’âge moghrébien, constituée de lumachelles à Pectinidés à sa base, surmontée de grès calcaires coquilliers et d'une alternance gréso-marneuse à hélix repose en discordance stratigraphique sur les formations antérieures (Rjimati & Zemmouri, 2011). L’évolution structurale méso-cénozoïque de la région est surtout marquée par une tectonique cassante responsable du re-jeu des failles majeures de direction N40 à N50 et des failles de direction N70 de moindre importance, rappelant respectivement les structures NE-SW à NNE-SSW (direction Atlantique) et ENE-WSW (direction Atlasique), ayant contrôlé l'évolution tectonique régionale du bassin de Tarfaya- Laayoune-Dakhla plus au Nord. Apport de la prospection géophysique à l’identification des réservoirs aquifères L’analyse des résultats des prospections géophysiques réalisées dans la région d’Imlili par la Direction Régionale de l’Hydraulique (2005) montre un plongement général des formations géologiques de l’Est vers l’Ouest en direction de Dakhla. Les sables fins à moyens du Paléogène sont atteints à 88 m de profondeur avec 222 m d’épaisseur. Les sables à silex de la base du Paléogène et les sables blanchâtres de la partie sommitale du Crétacé inférieur sont atteints à 310 m de profondeur avec une épaisseur de 250 m. Le Crétacé inférieur est argileux à partir de 560 m de profondeur avec une épaisseur de 950 m et repose sur un substratum précambrien au forage d’Imlili N° 35/125. Le Paléogène est caractérisé par une abondance de silex dans les différentes formations de sables, argiles et marnes, témoignant d’un climat typique au Paléogène. Les résultats de la prospection géophysique ont montré des niveaux résistants (généralement des sables, grès et calcaires formant des réservoirs aquifères potentiels (R0, R1, R2, Rs) et des niveaux conducteurs (marnes, argiles, etc. (C0, C1, C2)) (Tab. 4). Au niveau de la région d’Imlili, le toit du Paléogène et le toit de la partie basale du Paléogène et sommitale du Crétacé inférieur plongent en direction du Nord-Ouest, et s’épaississent notablement. Le toit du Paléogène serait entre 350 et 400 m de profondeur dans la Péninsule de Dakhla alors que le toit de la partie basale du Paléogène et sommitale du Crétacé inférieur serait entre 650 et 700 m.

10 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Tableau 4. Résultats de la prospection électrique réalisée dans la région d’Imlili ; sondage électrique vertical-Forage 35/125 (DRHS 2005). N° de la Résistivité Epaisseur Profondeur Cote du toit Niveau Identification litho-stratigraphique couche° (Ohm.m) (m) (m/sol) (m) identifié 38 12 0 63 Grès, marno-calcaires, Quaternaire + Paléogène 1 R0 220 76 12 51 sables, marnes sup. 2 7 120 88 -25 C0 Argiles, sables et marnes 3 40 62 208 -145 R1 Sables fins à moyens Paléogène 4 3 40 270 -207 C1 Marnes grises Sables à silex et sables Base Paléogène et Crétacé 5 28 250 310 -247 R2 blanchâtres inf. sableux 6 2 950 560 -497 C2 Argiles Crétacé inf. argileux 7 95 inf. 1510 -1447 Rs Précambrien

Figure 8. Carte géologique de la région de la Sebkha d’Imlili (extrait de la carte géologique d’Imlili à 1/100000).

11 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

CARACTERISATION HYDROGEOLOGIQUE ET RESSOURCES EN EAU Etude des cavités d’eau situées dans la dépression de la Sebkha 161 cavités d’eau permanente ont été inventoriées dans la dépression de la Sebkha d’Imlili (Bayed et al., 2020). Ces cavités présentent des formes généralement variables, mais avec dominance de formes sub-arrondies. Une grande partie de ces cavités abrite des populations de poissons et de gastéropodes et certaines hébergent des crevettes et autres macro-invertébrés (Himmi et al., 2020). Des mesures de température et de conductivité électrique ont été effectuées sur un nombre assez important de cavités d’eau. Ces cavités possèdent des lames d’eau présentant des épaisseurs pouvant atteindre 3,5 m par endroits ; les épaisseurs les plus fréquentes oscillent autour de 1 m en moyenne. La température de l’eau des cavités varie de 17 à 22 °C et la salinité oscille entre 30 et 100 g/l. La nature lithologique de la dépression de la Sebkha d’Imlili et des affleurements voisins influence sur la chimie des eaux des cavités. En effet, aux pourtours de la Sebkha, dominent des terrasses alluvionnaires et regs récents ; il s'agit de terrasses récentes constituées de conglomérats non cimentés, de dépôts actuels et de dépôts de flancs. Alors que le fond de la Sebkha et les lits des oueds, qui atteignent la dépression de la Sebkha, sont remplis de dépôts limoneux salifères, rougeâtres et d’évaporites. Ces dépôts ainsi chargés en sels modifient la composition chimique des eaux des cavités entraînant une augmentation de la teneur en sel. Un exemple de cavités d’eau permanente est présenté ci-après (Fig. 9). On remarque la présence parfois de dépôts de sel aux alentours ce qui témoigne de la salinité importante des eaux et de l’évaporation intense. Caractérisation hydrogéologique des réservoirs aquifères Deux principaux domaines hydrogéologiques sont distingués dans la région d’Imlili : le domaine du socle cristallin et le domaine du bassin sédimentaire (dit Laâyoune-Dakhla) (DRHS 2005). Aquifères du domaine du socle cristallin Les nappes généralisées sont inexistantes dans les formations anciennes qui caractérisent ce domaine. L’écoulement souterrain se fait généralement au sein de zones de fractures et dans des lits de cours d’eau. Les nappes profondes sont également absentes dans le socle et dans la couverture infracambrienne et paléozoïque. Vues la nature magmatique dominante des terrains couvrant la partie SE de la région d’Imlili et la présence de systèmes de fracturation, on distingue un domaine fracturé et plissé sans nappe apparente, sinon la nappe captive se présenterait en poches liées à des zones d’intense fracturation (intersection des différents systèmes). La mobilisation des ressources en eau souterraine se fait essentiellement par des puits destinés à l’approvisionnement en eau potable. L’eau est captée à de faibles profondeurs avec des débits faibles et une qualité de l’eau médiocre à acceptable. Plusieurs puits se trouvent asséchés et abandonnés après quelques années d’exploitation (selon les témoignages de terrain). Cependant, des débits relativement importants peuvent être soutirés dans des ouvrages recoupant plusieurs failles. Domaine du bassin sédimentaire Le bassin sédimentaire contient d’importantes ressources en eau souterraine de qualité variable circulant dans un complexe aquifère comprenant des aquifères superficiels et d’autres profonds. Dans la région d’Imlili, on distingue d’une part un domaine multicouche à dominance carbonatée, à porosité d’interstices, à nappe phréatique saumâtre, lié aux formations mio-pléistocène-quaternaires et d’autre part un domaine multicouche imperméable au sommet et à base poreuse, à nappe artésienne, lié aux formations du Crétacé (DRHS 2008, Hilali & Emran 2014). Les principaux aquifères de la région peuvent se présenter comme suit :  formations du Plio-Quaternaire contenant des nappes superficielles ;  formations du Continental Terminal (Mio-Pliocène) renfermant une nappe circulant dans des sables argileux ;  formations du Paléogène (Paléocène-Eocène) contenant une nappe profonde circulant dans des grès et sables ;  formations du Crétacé inférieur renfermant une nappe profonde circulant dans des dépôts montrant une grande variabilité au niveau du bassin. Aquifère superficiel de la Sebkha d’Imlili Il s’agit d’un aquifère libre superficiel contenu dans des formations peu épaisses (sables, sable argileux, grès, etc.). Ces dernières sont d’intérêt local, de faible étendue, de faibles productivités et généralement avec une eau légèrement

12 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili. salée. La nappe est exploitée localement par puits pour l'approvisionnement en eau potable des populations rurales et pour l’abreuvement du cheptel (en particulier les dromadaires). Des mesures ont été effectuées sur trois puits situés aux alentours immédiats de la Sebkha d’Imlili (Fig. 10, 11, 12 & 13) ; il s’agit de la profondeur de l’eau par rapport au sol, de la température et de la conductivité électrique des eaux (Tab. 5). L’interprétation des données des puits montre que le niveau de l’eau par rapport au sol n’excède pas 3,5 m, la température oscille autour de 23 °C et la conductivité électrique varie de 5380 à 6840 µS/cm. Cette dernière indique une salinité relativement élevée ce qui classe les eaux de la nappe parmi les eaux salées de la région du Sud marocain.

Tableau 5. Caractéristiques des puits captant la nappe phréatique de la Sebkha d’Imlili.

Situation par rapport Profondeur de l’eau Conductivité électrique Numéro du puits Température (°C) à la Sebkha par rapport au sol (m) (µS/cm)

Puits P1 NNW 2 23,17 5430

Puits P2 NW 3 23,5 6840

Puits P3 W 3,5 23,2 5380

Aquifère du Continental Terminal (Mio-Pliocène) Le système aquifère du Continental Terminal est multicouche, à nappe supérieure libre et à nappe inférieure captive. Ces nappes sont continues et probablement communicantes par drainance (DRHS 2008). Le réservoir aquifère est constitué de formations sablo-argileuses du Mio-Pliocène avec des intercalations de calcaires. Sa puissance augmente du Nord vers le Sud en passant de 200 m à 800 m. La nappe du Continental Terminal se développe en grande partie dans la région de Bir Gandouz à l’extrémité Sud du bassin. Elle est captée à des profondeurs qui varient entre 50 et 100 m avec des épaisseurs d’environ 30 m. Le niveau de l’eau varie entre 15 et 50 m. Les débits des ouvrages oscillent entre 1 et 10 l/s. La qualité de l’eau est généralement bonne avec une salinité qui varie de 0.5 à 2 g/l dans la partie Est de la nappe et qui devient plus élevée à l’Ouest. Nappe du Paléogène Le Paléogène constitue le deuxième aquifère en importance dans le bassin du Sahara après celui du Crétacé inférieur. Le réservoir aquifère du Paléocène-Eocène superposé à celui du Crétacé inférieur, est représenté par une épaisse série de sables fins et de marnes sableuses à silex, puissante de 200 m. Cette série devient plus marneuse et argileuse en s’épaississant vers l’Ouest (Dakhla), et s’amincit en direction de l’Est. Il est généralement rencontré à des profondeurs qui varient entre 150 et 300 m (DRHS 2005). Le niveau de la nappe du Paléocène-Eocène varie entre 30 et 50 m. Les forages deviennent artésiens dans le bassin de Dakhla. La productivité des ouvrages est généralement bonne avec des débits qui varient entre 5 et 40 l/s. Nappe profonde du Crétacé inférieur La nappe profonde du Crétacé inférieur est la plus importante dans la région par son extension, sa lithologie et sa puissance qui ont permis la constitution d’une réserve d’eau souterraine considérable. Le gisement constitué par les sables blanchâtres et les argiles sableuses rouges présente de grandes variations de profondeur, de lithologie, de productivité et de qualité. On note un plongement régulier des formations constituant le réservoir aquifère de l’Est vers l’Ouest reflétant une structure monoclinale. Une épaisse série détritique du Crétacé inférieur, représentée par des sables à intercalations argileuses, repose en discordance sur un substratum précambrien reconnu par les forages pétroliers. Le toit de ces sables a été atteint par le forage profond de Laârgoub (région Dakhla) à 500 m de profondeur. La puissance de la nappe varie de 200 à 500 m. Il est à signaler que les forages deviennent artésiens dans la région de Dakhla, à une altitude inférieure à 100 m avec des pressions pouvant atteindre 10 bars (DRHS, 2008). Les résultats des travaux de forages réalisés dans la région d’Imlili-Dakhla (Tab. 6) montrent que la profondeur totale des ouvrages varie de 100 à 350 m, le niveau d’eau par rapport au sol oscille entre 12 et 35 m et peut devenir aussi artésien par endroit. Le débit des forages captant le Crétacé varie de 3 à 14,6 l/s et la salinité des eaux fluctue entre 2,5 et 19 g/l.

13 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Figure 9. Exemples de formes de cavités d’eau inventoriées dans la dépression de la Sebkha.

14 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Abreuvoir

Puits captant les eaux de la nappe phréatique de la Sebkha Imlili

Entrée principale de la Sebkha du côté NNW

Figure 10. Puits P1 du secteur NNW de la Sebkha utilisés pour l’abreuvement du bétail et des nomades.

Figure 11. Puits P1 du secteur NNW de la Sebkha : Opération de mesure du niveau piézométrique.

Dunes de sable dominant la limite ouest de la Sebkha

Puits Abreuvoir

Figure 12. Puits P2 du secteur nord-ouest de la Sebkha utilisé pour l’abreuvement du bétail et l’usage domestique.

Puits

Figure 13. Puits P3 du secteur ouest de la Sebkha utilisé pour l’abreuvement du bétail (camélidés).

15 Hilali et al. Hydrologie et hydrogéologie de la Sebkha d’Imlili.

Tableau 6. Caractéristiques des forages d’eau captant le Crétacé inférieur.

N°IRE du forage Profondeur totale (m) Niveau d’eau (m) Débit (l/s) Résidu sec (g/l) 35/125 280 12,5 3 2,5 83/125 100 21 4,5 6,5 90/125 350 Artésien 17,6 3,2 99/125 250 35 - 11,6 116/125 230 12 15 3,2 123/125 120 Artésien 4,4 19

L’analyse de l’esquisse piézométrique de la nappe profonde du Crétacé montre que l’écoulement souterrain suit une direction NE-SW et les isopièzes affichent des valeurs, variant entre +40 et +60 m/mer, à l’origine de l’artésianisme observé dans la région (Fig. 14). Elle permet de mieux appréhender la structure des écoulements d’eau souterraine et d’apprécier la relation hydraulique probable entre les cavités de la Sebkha d’Imlili et la nappe crétacée. La salinité de l’eau dégagée est généralement variable dans le bassin et l’eau peut devenir saumâtre en direction des affleurements à l’Est (3 à 5 g/l) et devient encore plus salée en direction de l’Ouest. La minéralisation de cette eau est acquise principalement par la dissolution des minéraux de l’encaissant. L’augmentation de la salinité en direction de l’Est est expliquée par la disparition du niveau des sables blanchâtres, constituant le principal aquifère au centre du bassin, relayé par un niveau d’argiles sableuses rouges. Vers l’Ouest, les sables blanchâtres deviennent plus argileux suite au changement de milieu de sédimentation (passage du continental franc à un milieu deltaïque) et l’on assiste à une dégradation de la qualité de l’eau. L’aquifère du Crétacé inférieur serait un aquifère fossile dont la recharge remonte à plusieurs milliers d’années et qui pourrait correspondre à des conditions plus humides et plus froides que celles de l’actuel. Ceci est confirmé par l’appauvrissement des eaux souterraines en isotopes lourds (DRHS 2005). Cependant, il existe un rajeunissement sensible de ces eaux près de la zone d’affleurement de l’aquifère (Zone Est). Ce rajeunissement met en évidence une contribution récente à la recharge de cette nappe et par conséquent des cavités d’eau permanentes de la Sebkha d’Imlili.

Figure 14. Esquisse piézométrique de la nappe profonde du Crétacé de la région d’Imlili (Etat de 2014).

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CONCLUSION La Sebhka d’Imlili est unique en son genre et renferme des cavités ou "poches" d’eau permanente qui s’alimentent probablement par l’infiltration des eaux de surface et/ou des nappes profondes. Les terrains géologiques dominants sont d’âge Mio-Plio-Quaternaire. Le bassin versant qui domine la dépression d’Imlili est assez vaste ce qui peut contribuer à des apports en eau de surface relativement importants en période de crues. Les nappes d’eau souterraines sont celles des nappes mio-plio- quaternaires et des nappes profondes du Crétacé. La qualité de l’eau souterraine dégagée est généralement acceptable avec une salinité qui varie entre 2 et 3 g/l. Cette salinité est cependant variable : l’eau est saumâtre en direction des affleurements à l’Est (3 à 5 g/l) et devient plus salée en direction de l’Ouest. L’augmentation de la salinité en direction de l’Est est expliquée par la disparition du niveau des sables blanchâtres, constituant le principal aquifère au centre du bassin, relayé par un niveau d’argiles sableuses rouges. Vers l’Ouest, les sables blanchâtres deviennent plus argileux suite au changement de milieu de sédimentation (passage du continental franc à un milieu deltaïque) et l’on assiste à une dégradation de la qualité de l’eau. L’aquifère du Crétacé inférieur de la région d’Imlili serait un aquifère fossile dont la recharge remonte à plusieurs milliers d’années et qui pourrait correspondre à des conditions plus humides et plus froides que celles de l’actuel. Ceci est confirmé par l’appauvrissement des eaux souterraines en isotopes lourds. Cependant, il existe un rajeunissement sensible de ces eaux près de la zone d’affleurement de l’aquifère (Zone Est). Ce rajeunissement met en évidence une contribution récente à la recharge de cette nappe. Des recommandations sont émises à l’issu de la présente étude et intéresseront les études géophysiques poussées (telle que la prospection électrique avec des distances AB assez importantes pour atteindre les niveaux les plus profonds et la sismique pour mieux étudier la structure de la dépression d’Imlili). D’autres études complémentaires sont aussi recommandées, notamment l’installation d’un réseau de suivi piézométrique pour l’étude de l’état dynamique de la nappe et celles des cavités d’eau. Dans le but de préserver la pérennité des ressources en eau souterraine de la Sebkha, particulièrement les cavités d’eau permanente, il est primordial d’instaurer un périmètre de sauvegarde et d’interdiction de la Sebkha et ce en concertation avec les services de l’Agence du Bassin Hydraulique de Sakia Hamra-Oued Eddahab, les associations actives dans le domaine de l’environnement et les autorités locales.

REMERCIEMENTS Nos vifs remerciements s’adressent à l’association "Nature-Initiative" de Dakhla, à l’équipe de recherche de l’Institut Scientifique de Rabat et aux services de l’Agence du Bassin Hydraulique de Sakia Hamra Oued Eddahab pour leur assistance fructueuse et leur mise à notre disposition de données et documents, base fondamentale au bon déroulement de la présente étude.

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18 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Le fonctionnement de la Sebkha d’Imlili dévoilé par les images Radar Palsar. Un reliquat de passé dans le Sahara marocain témoin de la dernière variation climatique dans des conditions géologiques improbables

Anas EMRAN1, Abdeljebbar QNINBA1, Taoufik EL BALLA2, Antoine PARISELLE3, Jean Paul RUDANT4, Fatima HARA1 et Mohamed HILALI5

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc.*([email protected]). 2. Association Nature-Initiative de Dakhla, Avenue Mohamed Fadel Semlali, BP 79, 73000, Ad-Dakhla, Maroc. 3. IRD Institut de recherche pour le développement, France. 4. Université de Paris-Est-marne-La-Vallée, France. 5. Université Moulay Ismail, FST Errachidia, .

INTRODUCTION L’eau, c’est la vie. Sa disponibilité à la surface de la terre est essentielle à tous les être vivants. Cependant, elle est très rare et représente à peine 0,7 % du volume des océans. Le volume d’eau disponible dans les fleuves est encore cent fois plus petit. L’équilibre souvent fragile de tous les écosystèmes repose sur la ressource en eau. Cet équilibre est aujourd’hui profondément compromis par l’intervention de l’Homme à travers deux principaux facteurs, la pollution et l’explosion démographique, ainsi que par un autre facteur dont nous subissons déjà les effets, le changement climatique global. Les zones arides subissent le changement climatique de plein fouet par la baisse de 10% en précipitations et une réduction de 40 à 70 % de la masse des eaux lacustres et fluviales qui se manifeste déjà sur des cas emblématiques, comme dans le cas de la région du Lac Tchad et de la Mer d’Aral (Gachet, 2015). Ces trois facteurs représentent, pour chacun d’entre eux, une menace inédite de la crise de l’eau qui s’accentue de plus en plus. Toutefois, les variations des paramètres climatiques ont précédé l’existence de l’Homme moderne et sa révolution industrielle ; elles sont à l’échelle historique et géologique. Milankovitch, en 1941, explique par sa théorie astronomique comment l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre n’affecte pas la quantité totale de chaleur solaire sur terre, mais plutôt sa distribution. Ceci explique naturellement et de façon satisfaisante les grandes variations climatiques des cycles glaciaires. Elle rend compte de l'alternance des cycles glaciaires et interglaciaires durant le Quaternaire. Une glaciation se produit lorsque les hautes latitudes de l'hémisphère Nord reçoivent un minimum de rayonnement solaire durant l'été. Trois paramètres astronomiques jouent un rôle important dans la distribution de l'insolation sous les hautes latitudes : l'excentricité de l'orbite terrestre, l'obliquité de l'axe de rotation de la Terre par rapport au plan de l'écliptique et la précession des équinoxes. On se demande alors qu’elle est la part du changement climatique produit par l’Homme par rapport à celle de la variabilité climatique sur la distribution spatiale et temporelle de l’eau de surface et quelles sont les conséquences sur l’habitat biologique et sur le biotope? La Sebkha d’Imlili au sud du Maroc (Fig. 1) représente sans doute un exemple pédagogique, témoin rare de la dernière variation climatique du Quaternaire, juste avant le début de l’influence de l’Homme sur son environnement. Une zone humide en plein désert avec plus de 160 poches d’eau salée renfermant une faune originale, crevettes, algues, mais essentiellement un poisson d’origine tropicale, le Tilapia de Guinée Coptodon guineensis (Qninba et al., 2009), dont l’aire de répartition se limitait du côté septentrional au Fleuve Sénégal, avant sa découverte dans le Bassin de l’Oued Chbeyka à 700 km au nord d’Imlili (Qninba et al., 2012) et dans le Banc d’Arguin mauritanien à 700 km au sud d’Imlili (Kide et al., 2016). Le contexte original de la Sebkha, sa morphologique actuelle, son humidité, l’existence des poches d’eau salée avec une faune aquatique naturellement présente dans les estuaires, les lagunes et les cours inférieurs des bassins côtiers allant du Sénégal jusqu’en Angola (Ouattara, 2005 ; Qninba et al., 2009) posent des problèmes sur les conditions existentiales de cette faune dont le besoin de la ressource hydrique permanente serait celui des latitudes plus basses dans des climats plutôt tropicaux humides.

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Figure 1. Localisation de la Sebkha d’Imlili au sud du Maroc. Il est évident qu’il ne serait pas envisageable de fournir une explication plausible au fonctionnement de la Sebkha d’Imlili, dans sa position tropicale aride actuelle, sans la lier avec le passé. Ici, la notion d’hérédité est fondamentale, hérédité géologique et géomorphologique en relation avec la variabilité climatique des temps quaternaires. Trouver l’origine de l’eau qui alimente les poches d’eau de la Sebkha pour reconstituer un milieu équivalent aux lagons et estuaires des temps révolus qui permet aux poissons et aux crevettes de vivre en plein Sahara reste une question fondamentale et énigmatique. Il est probable que l’eau présente dans les poches d’eau ne constituerait que la partie émergée de l’iceberg d’un volume d’eau enfoui en profondeur, qui trouve le sel dans son passé de lagune. Lever le secret des eaux des zones arides enfouies dans les profondeurs n’est pas aisé. En effet, les eaux souterraines représentent 30% de l’eau potable liquide de la planète, or nous ignorons comment la plus grande partie de ces ressources se répartit dans le sous-sol.

CADRE DE L’ETUDE : OBSERVATION ET ANALYSE DES DONNEES

Si on s’attache à la Sebkha d’Imlili dans sa forme actuelle (Fig. 2), nous remarquons déjà qu’elle a une forme particulière, qui ressemble plutôt à une fente de tension en forme de ‘S’, de direction NE-SW, qui a une signification particulière pour les géologues structuralistes, et qui s’explique par un relâchement et une extension de direction NW-SE, révélatrice d’une zone effondrée basse prédisposée à accueillir des eaux et reconstituer des étendues d’eau (lacs, lagunes, etc.), chaque fois que le niveau de mer a eu la hauteur nécessaire pour l’envahir et lorsque les apports d’eaux sont suffisants.

Figure 2. Extrait pris des images Goole Earth montrant la forme de la Sebkha d’Imlili en couleur foncée. Les flèches indiquent les contraintes majeures.

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La Sebkha correspond donc à une dépression continentale allongée dans la direction moyenne NE-SW, bordée par un relief modéré de l’Aguerguer. Le réseau hydrographique qui borde la Sebkha est très épars et endoréique ; il l’alimente du côté Est avec deux principaux cours d’eau : Oued Al Hawli au nord et Chalkhat Oum Lbayna au Sud, tous les deux disparaissant en profondeur sous les dalles lumachelliques des Aguerguer avant d’arriver à la Sebkha (Fig. 3A). Les conditions climatiques sahariennes actuelles de la Sebkha d’Imlili sont très difficiles ; celles d’un milieu caractérisé par une extrême aridité et exposé aux vents et aux tempêtes de sable pour des températures qui peuvent atteindre les 48°C en été. Mais ce qui nous intéresse le plus c’est d’où vient l’eau qui alimente en permanence la Sebkha et ses poches d’eau salée donnant vie à la faune aquatique d’Imlili. Les seuls apports en eau de surface actuels sont les précipitations souvent à caractère violent et orageux, qui sont très rares, brèves, irrégulières et de l’ordre de 20 à 30 mm par an. La question qui reste posée et l’énigme à résoudre est comment cette eau est-elle emmagasinée et acheminée jusqu’à la Sebkha et ses poches d’eau sans faiblir ou disparaître au cours des temps. Qu’elle que soit sa quantité, cette eau paraît provenir des terrasses situées à l’Est, circule à travers un réseau hydrographique endoréique avant de disparaitre en profondeur et atteindre la Sebkha. Mais comment ? Ce n’est pas toujours simple à comprendre. A ce jour, les réserves souterraines profondes mondiales sont très importantes, mais restent, pour la plus grande partie, largement inconnues. Leur cartographie à l’échelle mondiale ainsi que leur mécanisme de recharge et leur protection représentent donc un enjeu stratégique majeur. Les quantités d’eau potable qui disparaissent sous terre, happées par les fractures, les cavités, les sols et roches poreuses, sont trente fois supérieures à l’eau potable connue en surface, mais où personne n’est capable de la localiser (Gachet, 2015). Dans les zones désertiques, plusieurs fleuves déversent leurs crues annuelles alimentées par les pluies et leur course se poursuit à travers le désert avant de disparaître absorbées en profondeur : c’est cette eau perdue qu’il faudrait chercher pour expliquer l’alimentation en eau de la Sebkha d’Imlili et ses poches d’eau. La région d’Imlili se trouve à la marge d’un ancien bouclier, le Craton Ouest Africain d’âge protérozoïque, voire archéen de plus de 2,5 milliards d’années. Néanmoins, les formations géologiques qui affleurent aux environs de la Sebkha d’Imlili sont d’âge récent, essentiellement néogènes et quaternaires (moins de 2.5 millions d’années). Et c’est à travers ces dernières formations géologiques qu’il faudra chercher le fonctionnement de la Sebkha et son évolution à travers les temps géologiques. En effet, l’histoire de chaque formation géologique commence par une variation climatique et se termine par une crise climatique. Les principales formations géologiques présentes aux environs de la Sebkha sont chacune témoin d’un paléoclimat passé et un livre ouvert pour étudier la chronologie environnementale au cours des temps passés. Les structures morphologiques récentes qui résultent de l’érosion différentielle influencent la circulation de l’eau en surface ; la perméabilité relative des roches en profondeur assure la circulation des eaux vers la profondeur et l’alimentation de l’aquifère. Les formations géologiques les plus anciennes d’âge Crétacé et Paléogène sont de nature argileuse ou marneuse imperméables (Fig. 4 & 5). Ce sont des couches trappes qui permettent le confinement de l’eau infiltrée de la surface. Ces couches contiennent localement des traces de roches évaporitiques, du sel et du gypse, qui témoignent déjà de l’existence d’anciennes lagunes il y a au moins une trentaine de millions d’années. Pour les formations géologiques plus récentes, à part les formations néogènes d’Infelflen dont l’âge est antérieur à 2,5 millions d’années et qui sont constituées de quartzites, grès quartzitiques et de conglomérats avec une bonne perméabilité et donc permettant un bon acheminement de l’eau en profondeur, l’essentiel des roches éponges permettant de stocker l’eau en profondeur sont d’âge Quaternaire, allant du Pléistocène à l’Actuel, formant un livre qui permet d’ausculter la chronologie des dernières variations climatiques qu’a connu la région. En effet, le Maroc a connu durant le Quaternaire de grandes variations climatiques, avec des périodes pluviales caractérisées par l’augmentation des précipitations et la diminution des températures, périodes propices qui présentent un bilan hydrique excédentaire, et des périodes interpluviales où le climat devenait plus chaud et plus sec (Beaudet et al., 1967). Les périodes pluviales, correspondant aux périodes glaciaires européennes, ont permis la mise en place des terrasses. En revanche, les conditions interpluviales, correspondant aux périodes interglaciaires européennes et aux transgressions marines, sont caractérisées par une forte aridité, provoquent l’encroutement des dépôts fluviaux, avec un ralentissement de la météorisation et du ruissellement diffus où les oueds entaillaient leur lit. Au total, les périodes pluviales façonneraient les versants et édifieraient les terrasses fluviatiles tandis que les périodes interpluviales engendreraient les croûtes puis les incisions linéaires. Ce sont ces informations qu’il faudra ausculter dans les différentes dalles et terrasses qui bordent la Sebkha d’Imlili pour pouvoir tracer le fil de l’histoire de la Sebkha, des poches d’eau salée et de la faune aquatique vivant encore dans les conditions d’aridité extrême du Sahara.

21 Emran et al. - Fonctionnement de la Sebkha d’Imlili

B

Chalkhat Oum Lbayna

A

Figure 3. Extrait de la carte topographique au 1/100.000 couvrant la région d’Imlili.

Figure 4. Environnement géologique de la Sebkha d’Imlili (Rjimati & Zemmouri, 2011).

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On peut subdiviser les formations quaternaires d’Imlili en deux périodes (Fig. 6) : - Quaternaire ancien à partir du Pléistocène (Moghrébien) : enregistré par la formation marine transgressive de Tiniguir lors d’une période interfluviatile et une remontée du niveau de la mer qui a laissé deux membres : le Membre d’Imlili PVtn1 avec des lumachelles à Pectinidés conglomératique à sa base, surmontée par le Membre d’Aguerguer PVtn2 formé par des grés calcaires coquilliers, une alternance gréso-marneuse et une abondance vers le sommet de microconglomérat et grès, parfois de calcaires d’encroûtement finement lités, moulant un paléo relief témoignant de la formation d’une calcarénite lagunaire riche en moules d’hélix. Ceci sous-entend aussi un caractère lagunaire de la Sebkha déjà au Moghrébien, il y a plus de 2 millions d’années. Les roches du Quaternaire ancien dominent la Sebkha à travers des petits abrupts qui marquent la morphologie locale. Elles sont très perméables et permettent une très bonne infiltration des eaux en profondeur. - Quaternaire récent (Holocène) : c’est un bon marqueur des variations climatiques récentes et dans lequel nous pourrons lire, à travers ses terrasses, les phases fluviatiles qu’ont connu Imlili et son voisinage. Nous pourrons lire du plus ancien au plus récent : q5 - La dalle gréso-carbonatée à hélix : il affleure à l’extrême est de la Sebkha formant des buttes témoins d'une dalle hamadienne qui se trouve dans les altitudes les plus élevées vers 130 m, et qui repose en abrupt sur les formations imperméables du Crétacé (Cpo). Elle est constituée de grès carbonatés perméables d’une épaisseur moyenne de 1m, coiffant généralement la lumachelle du membre d'Imlili (PVtn1) et le membre d’Aguerguer (PVtn2). q3 - Les terrasses et regs anciens : ils sont constitués de conglomérats mal cimentés par des argiles et des sables des terrasses anciennes d’Oued Al Hawli et de Chalkhat Oum Lbayna à l’Est de de la Sebkha d’Imlili. Les terrasses forment un léger relief en plateau avec des altitudes voisines de 90 m et une perméabilité moyenne avec un drainage souvent vers le Nord. q2 - Les terrasses alluviales et regs moyens : ils sont constitués de conglomérats mal cimentés par des argiles et des sables des terrasses moyennes de l’Oued Al Hawli et de regs éoliens de la Sebkha d’Imlili. Les terrasses q2 forment également un léger relief en plateau avec des altitudes de 90 m et une perméabilité moyenne avec un drainage souvent vers le Nord. q1- Les terrasses alluvionnaires et regs récents : il s'agit de terrasses récentes constituées de conglomérats non cimentés, de dépôts actuels et de dépôts de flancs. Ici les formations quaternaires apparaissent plutôt en creux avec un relief négatif et des altitudes moyennes inférieures à 70 m. A - Les limons et évaporites : ils apparaissent dans les lits d’oueds et le fond des dépressions relatives aux grayers (ou graras : dépressions de faible profondeur), notamment dans la Sebkha d’Imlili qui sont remplis de dépôts limoneux salifères, rougeâtres et d’évaporites. A partir de la lecture des formations quaternaires, nous pourrons conclure qu’il existe une cyclicité des conditions climatiques. Des périodes pluviales permettent la formation de roches relativement perméables construisant des dalles et terrasses dominant le paysage et permettant une bonne infiltration des eaux en profondeur pour former un aquifère avec les formations imperméables du Crétacé et du Néogène. Des périodes interpluviales caractérisées par des transgressions marines et une remontée du niveau de la mer, responsables des dépôts marins au Pléistocène avec des formations carbonatées qui apparaissent dans des dalles qui surplombent la Sebkha. Elles sont très perméables et alimentent aussi l’aquifère. Toutefois, il est possible que pendant les périodes interpluviales, les eaux des transgressions marines aient pu envahir les zones basses et former des lagunes probablement ouvertes sur la mer. Une analyse morphostructurale du paléorelief permettra sans doute d’étudier les zones d’effondrement susceptibles d’accueillir les eaux des transgressions et chercher les raisons géomorphologiques et structurales de leur formation. Une fois les paramètres physiques sont posés en termes de l’héritage géologique, de la géomorphologie (modelé) et des variations climatiques, l’analyse des documents cartographiques permet de faire une étude spatiale globale. Le géoréférencement, en longitudes-latitudes, des données cartographiques dans un même système de projection géographique GCS_WGS_1984, a permis de superposer les différentes cartes disponibles aux données prises sur le terrain recalées au GPS. On se rend compte, partir de la carte géologique au 1/100.000 publiée en 2012 par le service géologique du Maroc (Fig. 5), que malgré la qualité cartographique des différentes formations lithologiques, les structures géologiques présentes sur la carte ne permettent d’expliquer, ni la genèse de la Sebkha, ni la présence des poches d’eau qui abritent la faune aquatique. Nonobstant, l’attribution des niveaux de perméabilité aux formations géologiques présentes sur la carte géologique donnent une idée sur la circulation des eaux en profondeur et permet de localiser l’aquifère souterrain. La carte topographique au 1/100.000 apporte des informations précieuses sur l’élévation et la morphologie de terrain (Fig. 3).

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Les courbes de niveaux, les abrupts et les points côtés permettent de positionner les formations géologiques les unes par rapport aux autres et de déceler d’éventuelles anomalies géomorphologiques qui seraient derrière la formation de la Sebkha d’Imlili. L’étude du réseau hydrographique nous donne une idée sur la circulation superficielle des eaux qui alimenteraient la Sebkha, fonctionnelle à l’occasion des événements météorologiques orageux. Nous pouvons apprécier sur la carte topographique un réseau hydrographique endoréique, dispersé, très mal connecté et donc très difficile à suivre pour sortir de l’information sur l’alimentation des aquifères. D’autre part, dans les zones désertiques, les images des satellites radar sont très adaptées aux études géologiques et géomorphologiques. D’abord par leur sensibilité aux petites variations dans le relief, ce qui permet d’observer les petites anomalies géomorphologiques et détecter des accidents tectoniques récents. En plus, le signal radar dépend de la rugosité des milieux et discrimine ainsi les formations géologiques d’une autre manière. En outre, le signal radar est capable de pénétrer le sol et de découvrir l’humidité enfouie sous la terre. C’est grâce à la sensibilité géométrique des images radar du satellite Alos-Palsar et son pouvoir pénétrant que nous avons pu élucider la structuration récente de la Sebkha d’Imlili et comprendre la circulation superficielle et profonde des eaux qui alimentent la Sebkha. Nous avons pu découvrir pour la première fois au Maroc un réseau hydrographique souterrain à partir des images radar de grande longueur d’onde. C’est une information capitale, la pièce manquante au puzzle hydrographique qui permet d’expliquer l’alimentation de l’aquifère de la Sebkha et probablement des poches d’eaux abritant la faune aquatique. L’image du satellite américain Landsat-ETM+ couvrant la Sebkha d’Imlili montre clairement un contraste élevé entre la signature spectrale de cette Sebkha (Fig. 7), qui présente de faibles valeurs de réflectance avec des tonalités très foncées à cause de son taux d’humidité très élevé, et son environnement immédiat qui présente de fortes valeurs d’albédo, en clair, ne permettant pourtant pas de faire des distinctions nettes entre les différentes formations géologiques bordant la Sebkha. La carte topographique au 1/100.000 montre que le réseau hydrographique se concentre au Sud-Est de la Sebkha d’Imlili (Fig. 3 et 8), avec deux principaux affluents, Oued Al Hawli au nord et Chalkhat Oum Lbayna au sud, prenant naissance dans les reliefs précambriens plus au Sud-Est et passant entre les dalles hamadiennes q5 (Fig. 5), avant de se disperser au niveau des terrasses alluvionnaires et regs récents q1 en relief négatif (Fig. 8 et 9), entre les terrasses et les regs quaternaires plus anciens q3 et q2 qui sont en relief positif. Il est très difficile de faire le suivi du réseau hydrographique dans sa partie aval au niveau des regs récents q1, qui disparaît par ailleurs sous les formations moghrébiennes pléistocènes PVtn2 et PVtn1 avant d’atteindre la Sebkha d’Imlili. Les observations faites sur la carte topographique montrent un léger relief en escalier et des effondrements répétés vers la zone de la Sebkha. L’analyse des abrupts qui limitent les plateaux horizontaux et l’étude de leur relation avec les différentes couches géologiques permet de faire des correspondances entre les abrupts et les variations brusques dans la nature des couches géologiques (Fig. 3B). Il faudra donc savoir si les abrupts correspondent à des limites de couches géologiques ou plutôt à des lignes structurales qui provoquent des déplacements verticaux en gradin, ce qui expliquerait la formation même de la Sebkha d’Imlili.

DISCUSSION : INTERPRETATION DES IMAGES RADAR ET MODELE DE FONCTIONNEMENT DU SYSTEME IMLILI L’interprétation de l’image radar a permis de ressortir une information structurale nouvelle et surprenante pour un bouclier très ancien (Fig. 10) : la détection de failles à jeu récent qui ont provoqué des déplacements verticaux en gradin des différentes terrasses et dalles quaternaires ce qui a abouti à l’effondrement du terrain à l’emplacement de la Sebkha d’Imlili. Le pouvoir pénétrant de l’image radar a permis de détecter le prolongement du réseau hydrographique enfoui sous le terrain et une réserve en eau intéressante (en bleu sur la figure 10), informations absentes dans la carte topographique et impossible à voir sur le terrain. Il s’agit d’une information très précieuse pour la recherche en eau dans le Sud marocain. L’image radar montre que le réseau hydrographique enfoui est en relation directe avec le réseau de surface des Oueds Al Hawli et Chalkhat Oum Lbayna et vient en leur continuité, se dirige vers la Sebkha avant de disparaitre sous les formations moghrébiennes PVtn2 et PVtn1. La circulation de l’eau en direction de la Sebkha est probablement forcée par les terrasses et les regs quaternaires q3 et q2 qui se trouvent en relief comme l’indique les fortes valeurs du signal enregistré par les images radar et empêcheraient donc l’eau de partir vers le Sud-Ouest en direction de l’océan.

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Imlili

C C

Figure 5. Extrait de la carte géologique spatialisée au 1/100.000 couvrant la région d’Imlili (Rjimati & Zemmouri 2011). Cpo : Crétacé ; Mgt2 : Néogène ; pvtn1 : Pléistocène (Moghrébien) Membre d’Imlil ; pvtn2 : Pléistocène (Moghrébien) Membre d’Aguerguer ; q5 : dalle gréso-carbonatée à hélix ; q3 : terrasses et regs anciens ; q2 : terrasses alluviales et regs moyens ; q1 : terrasses alluvionnaires et regs récents ; D : dunes et sables de plage ; A : limons et évaporites.

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Figure 6. Colonnes stratigraphiques géolocalisées montrant la position des formations quaternaires par rapport aux formations néogènes et crétacé (d’après Rjimati & Zemmouri, 2011).

Figure 7. Extrait de l’image Landsat couvrant la région d’Imlili.

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Figure 8. Extrait de la carte topographique d’Imlili montrant le caractère endoréique du réseau hydrographique à l’Est.

Figure 9. Panorama géomorphologique des formations sableuses et des terrasses q1, avec absence apparente du réseau hydrographique en surface.

L’interprétation visuelle de l’image radar appuyée par les données d’élévation générées des données SRTM (Shuttle Radar Topography Mission) de la navette spatiale Endeavour fournies par la NASA et de la carte topographique, notamment les points côtés, en association avec la nature lithologique des formations géologiques extraites de la carte géologique ont permis de relever des informations déterminantes sur les causes probables de l’effondrement de la Sebkha d’Imlili. L’image radar montre une série de failles récentes avec un jeu apparent normal en forme de gradins bordant la Sebkha, notamment dans sa partie orientale (en rouge sur la Fig. 10). Ces failles décalent verticalement les formations pléistocènes, ce qui nous permet de déduire un jeu de 2 millions d’années au maximum, voire plus récent. Cette information qui est nouvelle pourrait expliquer l’alimentation des grands aquifères du Sud marocain qui ne trouvent pas encore d’explication. Un autre élément capital dans cette étude sont les poches d’eau présentes à l’intérieur même de la Sebkha et dans lesquels est abritée la faune particulière d’Imlili dans un milieu aquatique très salé. Les différentes campagnes GPS faites sur le terrain ont permis de géolocaliser les 161 poches d’eau (voir Bayed et al., 2020). Leur projection dans le système géographique GCS_WGS_1984 a permis de les superposer sur l’image Landsat-ETM+ avec les failles détectées sur l’image radar (Fig. 11). Les poches d’eaux en rouge sur la figure 10 sont réparties selon un axe orienté WS-NE en prolongement d’une faille de même direction mise en évidence par l’image radar. La présence des poches d’eau, qui est une manifestation de cette faille dans la Sebkha, atteste d’un jeu tectonique encore plus moderne qui date du Quaternaire récent. Et c’est une information nouvelle qui révèle un régime néotectonique tout à fait nouveau dans cette zone du sud localisée dans un bouclier ancien comme le craton ouest-africain. Finalement, la figure 12 qui représente les formations géologiques avec leur niveau de perméabilité, les poches d’eau avec leur positionnement géographique, les failles détectées par l’image radar, le réseau hydrographique superficiel et enfoui détecté par l’image radar, permet de donner une explication réaliste d’un habitat miracle de la nature qui a permis de préserver une biodiversité rare gardant les traces de la dernière période interpluviale qu’a connu le Sahara dans un milieu à priori très hostile même pour les espèces adaptées à l’extrême aridité.

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B

B B

q1 A A A Figure 10. Photo-interprétation de l’image radar SAR Alos-Palsar : à droite en bas, détection du réseau hydrographique et des réserves en eaux enfouies et traits géomorphologiques majeurs ; à gauche et à droite en haut interprétation des failles quaternaires responsables de l’effondrement de la Sebkha d’Imlili.

Figure11. Projection des poches d’eau recensées sur l’image Landsat-ETM+ couvrant la zone d’étude : cercles rouges (poches d’eau) ; ligne barbelée (faille normale).

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Pour élucider le modèle, nous remarquons que le réseau hydrographique prend son origine du côté Est, au niveau de la dalle gréso-carbonatée à hélix (q5). En fait, la dalle q5 s’associe avec la formation carbonatée du Membre d’Aguerguer Pvtn2, et sont toutes les deux fortement perméables laissant s’écouler l’eau vers l’Ouest en surface et en profondeur, lors des événements pluvieux. Les formations crétacées Cpo, argileuses et marneuses imperméables affleurant au niveau des Oueds Al Hawli et Chalkhat Oum Lbayna, présentent une couche trappe qui permet la formation de l’aquifère en profondeur. A partir de ce point, sur un léger abrupt, le réseau circule de manière diffuse et se disperse dans la terrasse d’alluvions et regs de l’Holocène q1 qui se trouve en contrebas des terrasses anciennes q3 et q2 très consolidées qui se trouvent en relief et constituent une barrière infranchissable pour le réseau hydrographique. Ce dernier continue son chemin vers l’Ouest en direction de la Sebkha et accumule de l’eau en profondeur comme le montre l’image Radar SAR Alos-Palsar, avant de disparaître sous les formations carbonatées du Pléistocène Pvtn1 et Pvtn2. On pourra imaginer alors qu’au moment des événements pluvieux, le réseau hydrographique contraint par les terrasses q3 et q2, accumule de l’eau dans les dalles moghrébiennes PVtn2 et PVtn1, ce qui permet d’alimenter aussi l’aquifère formé à la limite entre les formations perméable-imperméable Pvtn/Cpo et constituer une réserve en eau pour la Sebkha protégée de l’évaporation par les mêmes formations géologiques moghrébiennes Pvtn1 et Pvtn2. Nous avons distingué deux écoulements différents : un écoulement vers le NNW en direction du Nord de la Sebkha et un écoulement vers le WNW en direction de la partie Ouest de la Sebkha. Cette eau joue un rôle crucial dans le maintien de l'humidité de la Sebkha d’Imlili et l’alimentation lente des poches d’eau, vu la faible valeur de la pente et le niveau piézométrique qui se trouve à la hauteur de la Sebkha, à peu près 50 mètres. Cependant, l’eau au voisinage de la Sebkha d’Imlili, douce à saumâtre, sert d’abreuvoir au cheptel, tandis que les poches d’eau présentent une forte concentration en sel. Le sel est probablement puisé dans des formations du sous- sol du Crétacé et du Néogène qui s’est concentré lorsque l’eau marine s’est retirée de la Sebkha, si on suppose que cette Sebkha correspondait à une zone d’effondrement, comme le montre les failles normales détectées par l’image radar, et donc une ancienne lagune des périodes interfluviales, comme le témoigne déjà le Pléistocène par les formations lagunaires du Pvtn2 riche en moules d’hélix. Le recule de la lagune laisserait assez de sel pour qu’il se dépose dans la Sebkha et se concentre dans les poches d’eau.

CONCLUSION Pour comprendre la présence des tilapias, des crevettes et autres composants d’origine marine et/ou estuarienne vivant encore dans les poches d’eau de la Sebkha d’Imlili, il faudra analyser les événements internes de l’Holocène et le changement climatique global. Des changements climatiques importants se sont produits au cours de l’Holocène, pendant la dernière période interfluviale. La température s‘est élevée, les précipitations avaient augmenté en zone tropicale, entraînant une diminution des zones désertiques et le décalage des zones habitables vers le Nord avec une remontée du niveau marin. Il y a 8000 ans, le Sahara se couvrait de végétation et de multiples lacs s'y créent. Les troupeaux de grands herbivores quittent les zones tropicales où les forêts s'étendent, pour se diriger vers les savanes apparues dans les déserts du Nord et du Sud. L’installation d’une population humaine de chasseurs-cueilleurs laisse des peintures et des gravures rupestres dans le Sahara (Weisman, 2007 ; Germonpré et al., 2009). Nous avons trouvé une industrie riche autour de la Sebkha d’Imlili qui est en cours d’étude. Cependant, le retour ultérieur du désert, entre -3000 et -1000 ans a eu un impact négatif sur la faune et la flore. Celles- ci ne semblent pas avoir significativement évolué, mais la répartition des espèces a été fortement modifiée. Dans ce contexte, en supposant que la Sebkha d’Imlili, qui correspondait à une zone basse alimentée par l’océan, a aussi subit les mêmes effets. L’aire de répartition des espèces estuariennes/lagunaires devrait reculer, comme c’est le cas aujourd’hui, entre le Sénégal et l’Angola. Cependant des conditions particulières ont permis à la faune d’Imlili de s’adapter. Un apport de la ressource en eau, qui viendrait des pluies occasionnelles, permet l’emmagasinement de l’eau entre les formations perméables pléistocènes (Pvtn) et imperméables crétacées et paléogènes, ce qui permet d’éviter la forte évaporation de la ressource hydrique. Une pente faible vers la Sebkha et une faille récente crée des trous dans lesquels émerge une eau permanente directement des aquifères superficiels, avec une forte salinité. Tout cela constitue un abri exceptionnel pour cette ancienne faune estuarienne/lagunaire et un refuge qui lui permet de s’adapter dans un nouveau régime hydrique inhabituel. Ce qui fait que la faune présente dans les poches d’eau d’Imlili constitue un témoin extraordinaire de la dernière période interfluviale juste avant la dernière crise climatique de l’Holocène qui a démarré il y a plus de 3000 ans. Sa valeur patrimoniale est inestimable, pour une faune qui survit actuellement dans un régime exceptionnel très fragile dépendant d’un concours de circonstances insolites.

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Chalkhat El Hawli

Chalkhat Oum Lbayna

Figure 12. Carte des formations géologiques représentées par leur niveau de perméabilité : en rouge les formations imperméables (Cpo) ; en jaune les formations perméables (Pvtn1, Pvtn2 et q5) ; q1, q2 et q3 : terrasses et regs ; points rouges : poches d’eau salée ; lignes avec barbelés : failles normales ; flèches : sens d’écoulement.

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En s’intéressant à l’évolution de la Sebkha d’Imlili dans un contexte géologique à long terme, des milliers d’années peut être, il est très probable que la faune disparaîtrait lorsque les formations holocènes q3 et q2, qui permettent l’alimentation en eau de la Sebkha, seraient atteintes par l’érosion. Mais pour la nature rien n’est sûr, le climat pourrait bien changer et nous pourrions facilement nous retrouver dans des conditions favorables dans un nouveau cycle climatique et la faune d’Imlili pourrait bien en profiter pour s’adapter à nouveau. En revanche, l’Homme pourrait en décider autrement et changer très vite le fil de l’histoire, par le changement climatique global qui pourra modifier les paramètres climatiques normaux du milieu, notamment la fréquence des précipitations. Mais surtout au niveau local, en modifiant l’équilibre par des interventions malencontreuses sur les facteurs favorisant l’alimentation en eau de la Sebkha. Ainsi, il suffirait de changer un seul paramètre pour rompre définitivement l’équilibre fragile de la Sebkha et faire disparaître le biotope présent dans les poches d’eau à jamais. Si la valeur des précipitations n’a pas un effet direct sur la Sebkha et ses poches d’eau, puisque le système est bien adapté aux conditions climatiques rudes et sait comment garder des ressources permanentes, le facteur anthropique pourrait bien modifier cet équilibre, en faisant appel à l’aquifère superficiel par exemple ou à la matière première des terrasses quaternaires q2et q3 à l’Est de la Sebkha. La baisse du niveau de l’aquifère aurait un impact direct sur la faune abritée dans les poches d’eau et sa disparition serait rapide et imminente. Et un patrimoine naturel exceptionnel qui disparaît et un livre de l’histoire de la terre qui se ferme définitivement.

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Caractérisation morphométrique et physico-chimique des poches d’eau de la Sebkha d’Imlili (Sud marocain)

Abdellatif BAYED1, Oumnia HIMMI1, Mohamed Aziz EL AGBANI1, Mohamed Lamine SAMLALI2, Hammadi MHIMDATE2, Mohamed RADI3, Fatima HARA1 & Abdeljebbar QNINBA1

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Rabat Agdal, Maroc. *([email protected]). 2. Association Nature Initiative (ANI). Avenue Mohamed Fadel Semlali Dakhla Maroc B.P. 79, Ad-Dakhla 73 000. 3. Ecole Normale Supérieur, BP 2400 Marrakech.

INTRODUCTION Depuis sa redécouverte en 2009 (Qninba et al., 2019), la Sebkha d’Imlili n’a cessé de susciter la curiosité de chercheurs de plusieurs horizons et de plusieurs spécialités des sciences et des ressources naturelles. Ce travail, réalisé dans le cadre d’un projet multidisciplinaire visant un diagnostic exhaustif des milieux physique, biologique et archéologique de cet écosystème saharien très particulier, présente les premiers résultats d’une description exhaustive de la distribution des poches d’eau de la Sebkha, de leur morphologie et de leur qualité physico-chimique durant deux campagnes de description, de cartographie et de mesures des paramètres du milieu. A travers les résultats de notre étude et leurs confrontations avec ceux obtenus lors des travaux inédits des autres études du milieu physique, notamment les études d’hydrogéologie, de sédimentologie et de télédétection, nous essayerons de dégager les premières explications quant aux processus qui régissent (1) la forme, les dimensions et l’évolution des poches d’eau, (2) le fonctionnement hydrologique de cette Sebkha et tout particulièrement la circulation sous-jacente des eaux.

MATERIEL ET METHODES La Sebkha d’Imlili est une dépression localisée dans le Sahara au sud de la Baie d’Oued Eddahab (ou d’Ad-Dakhla) et à une quinzaine de kilomètres du rivage océanique de l'Atlantique marocain (Fig. 1). Elle a une forme allongée orientée NNE-SSW et la superficie de la zone inondable est d'environ 1775 ha. Les coordonnées géographiques de ses limites NNE et SSW sont respectivement : 23°17’33’’N - 15°53’46’’O et 23°12’08’’N - 15°56’27’’O pour une altitude moyenne de 45 m. Elle se distingue des autres Sebkhas connues dans la région par la présence d'une multitude de poches (ou de cuvettes) remplies d'eau permanente dans une région où la pluviométrie moyenne annuelle ne dépasse pas 30 mm. La bordure Nord-Ouest de la Sebkha présente une ceinture de végétation halophile mixte (Arthrocnemum, Juncus et Phragmites). Le climat de la région est sous l'influence des vents alizés qui soufflent du secteur Nord-Est et dont la caractéristique se traduit par l'atténuation des amplitudes thermiques annuelles en rehaussant les températures minimales et en abaissant les températures maximales le long de la bande côtière. Ainsi, à Dakhla, la température moyenne annuelle est de 20,8°C. Les cuvettes ont été identifiées au préalable à l'aide de photos satellites (Google Earth). Sur le terrain, les cuvettes ont été localisées et caractérisées en fonction de leur forme, leur profondeur et la physico-chimie de leur eau, pendant deux campagnes de prospection en juin et novembre 2012. La position exacte de chaque cuvette a été relevée à l'aide d'un GPS Marque "Garmin", modèle C270.

Morphométrie En général, les cuvettes ont une forme ronde, mais certaines sont allongées. Deux mesures ont été relevées à l'aide d'un décamètre : la plus grande longueur et la plus petite longueur (=largeur). La profondeur a été mesurée dans la partie centrale de la cuvette à l'aide d'une perche graduée, et pour les profondeurs dépassant 1 mètre, la mesure a été obtenue à l'aide d'un profondimètre électronique. La forme de la cuvette a été également notée.

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Physico-chimie Les mesures ont été effectuées in situ à l'aide d'un analyseur multi-paramètres Marque HANNA modèle HI9828 muni d'une sonde. Les paramètres mesurés sont : température, pH, potentiel Redox, oxygène dissous, salinité, conductivité électrique, résistivité, solides dissous totaux, densité et pression de l'eau.

Analyse des données Les corrélations entre paramètres ont été calculées à l'aide du logiciel Statistica 6.1 (Statsoft Inc. 1984-2003). Leurs significations ont été mesurées par l'utilisation du coefficient de corrélation de Bravais-Pearson.

RESULTATS Durant la campagne de juin 2012, 161 poches (cuvettes) ont été identifiées, pour lesquelles des mesures morphométriques et physico-chimiques ont été effectuées. La figure 1 illustre la répartition des cuvettes étudiées au sein de la Sebkha d’Imlili. La zone prospectée, et qui comporte des cuvettes, couvre une superficie d’environ 400 ha, soit près de 22,5% de la surface totale de la Sebkha. Les poches d’eau se répartissent selon deux grands axes parallèles dans le sens de l'allongement de la Sebkha.

Morphométrie Le tableau 1 donne les valeurs minimales, maximales et moyennes des mensurations horizontales (=latérales) et verticales des cuvettes. Les longueurs montrent une très grande variabilité (entre 0,5 et 55 m) avec un écart-type supérieur à la moyenne (39,8±51,3 m), tandis que les largeurs varient dans des proportions moindres (entre 0,4 et 13,5 m), pour un écart-type de même grandeur que la moyenne (2,9±2,1 m) (Tab. 1).

Figure 1. Distribution des poches d’eau et des puits (points noirs en dehors de la Sebkha) inventoriés lors de la campagne de juin 2012.

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Tableau 1. Paramètres morphométriques des poches (cuvettes) de Sebkhat Imlili en juin 2012. Nombre obs. Moyenne Ecart-type Minimum Maximum Longueur (m) 161 39,8 51,3 0,5 55,0 Largeur (m) 161 2,9 2,1 0,4 13,5 Rapport Longueur/largeur 161 1,2 0,5 1,0 6,1 Surface (m²) 161 17,9 48,1 0,2 495,0 Profondeur (m) 161 0,7 0,6 0,4 4,15 Volume (m3) 161 18,8 71,8 0,02 742,5

Le rapport Longueur/largeur (L/l) permet d'évaluer le degré d'allongement des cuvettes. Ce rapport varie entre 1 (forme circulaire) et 6,11 (forme très allongée). Les cuvettes circulaires sont au nombre de 57 et celles qui sont légèrement allongées (1,2

Figure 2. Superficies (en m2) des poches d’eau et des puits inventoriés lors de la campagne de juin 2012.

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Figure 3. Profondeurs (en cm) des poches d’eau et des puits (points rouges en dehors de la Sebkha) inventoriés lors de la campagne de juin 2012.

Paramètres physico-chimiques En juin 2012, la température de l'eau des cuvettes variait entre 20,0 et 32,8°C (Fig. 4) pour une moyenne de 24,8±2,5°C (Tab. 2) et 80% des cuvettes ont une température entre 22 et 28°C. Elle ne montre pas de corrélation significative avec la salinité. Celle-ci présente une forte variabilité (Fig. 5) entre 24 PSU à plus de 70 PSU (limite supérieure de lecture par l'analyseur (après dilution de l'eau nous l'avons estimée à 350 PSU)). La moyenne est de 39,6±8,6 PSU et 88% des cuvettes ont une salinité comprise entre 30 et 50 PSU. La salinité a présenté une corrélation significative positive avec la conductivité électrique et les solides dissous totaux (r=0,87 ; p<0,05 dans les deux cas) et négative avec la résistivité de l'eau (r=-0,96 ; p<0,05). Hormis un pH égal à 5,44 enregistré dans la cuvette 20, les valeurs variaient entre 7,6 et 9,5 pour une moyenne de 8,3±0,4 (Tab. 2). Le pH est inférieur à 8,0 dans 15% des cuvettes, compris entre 8,0 et 8,5 dans 57% des cas et supérieur à cette gamme dans 27% des cuvettes. L'oxygène dissous, avec une moyenne égale à 3,9±1,30 mg/l, variait entre 0,09 et 7,71 mg/l (Tab. 2) ; il a montré une corrélation significative avec la température et le potentiel redox (respectivement r=0,42 et r=0,19 ; p<0,05). Ce dernier varie entre -397 mV et 206 mV (Tab. 2). Il est à noter que les valeurs les plus négatives du potentiel redox (entre -217 et 352 mV) ont été observées dans les cuvettes très riches en matière organique en décomposition (cuvettes 109, 118, 136, 149, 130 et 137). Le potentiel redox qui dépend du contexte chimique est corrélé significativement avec le pH (r=-0,26 ; p<0,05). Une seconde campagne de mesures physico-chimiques effectuée en novembre 2012, juste après une période pluvieuse, et qui a concerné une centaine de cuvettes, montre que la gamme de variation des valeurs des différents paramètres physico-chimiques est plus réduite par rapport à celle enregistrée au mois de juin précédent (Tab. 3). Les plus remarquables réductions sont relatives à l'effet de dilution par les eaux douces de la pluie et concernent la salinité, la conductivité, les solides dissous totaux et la densité. Il est à noter que la moyenne du pH est passée de 8,07 à 6,13.

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Figure 4. Températures (°C) des poches d’eau et des puits (points verts en dehors de la Sebkha) inventoriés lors de la campagne de juin 2012.

Figure 5. Salinités (PSU) des poches d’eau et des puits (points bleus en dehors de la Sebkha) inventoriés lors de la campagne de juin 2012.

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Tableau 2. Paramètres physico-chimiques des poches (cuvettes) de la Sebkha d’Imlili en juin 2012. Nombre obs. Moyenne Ecart-type Minimum Maximum Température (°C) 161 24,8 2,5 20,0 32,8 Salinité (PSU) 161 39,6 8,6 24,0 >70,0 Conductivité (µs/cm) 161 60201 17294 37850 212600 Solides dissous totaux (ppm) 161 30100 8647 18920 106300 Résistivité (Ohm cm) 161 17,3 3,0 5,0 26,0 Densité (g/m3) 161 359,1 466,1 15,0 1014,5 pH 161 8,3 0,4 5,4 9,5 Potentiel Redox (mV) 161 -62 95 -397 206 Oxygène dissous (mg/l) 161 3,92 1,30 0,09 7,71 Oxygène dissous (%) 161 60,08 21,12 1,10 129,90 Pression (mbar) 161 1008,97 4,06 996,60 1014,80

Tableau 3. Comparaison des paramètres morphométriques et physico-chimiques des poches (cuvettes) de la Sebkha d’Imlili entre les campagnes de juin et novembre de l'année 2012. Juin 2012 Novembre 2012 Nombre obs. Test t p Moy. ± ET Moy. ± ET Surface (m²) 93 25,31 ± 63,87 32,96 ± 83,15 -2,53 0,01 Profondeur (m) 93 0,74 ± 0,71 0,82 ± 0,66 -2,59 0,01 Volume (m3) 93 29,40 ± 101,58 39,95 ± 132,33 -2,38 0,01 Température (°C) 83 26,31 ± 2,65 23,67 ± 2,27 4,29 0,00 Salinité (PSU) 85 38,97 ± 9,25 36,60 ± 8,93 3,54 0,00 pH 18 8,07 ± 0,68 6,13 ± 0,60 10,14 0,00 Potentiel Redox (mV) 21 -32,73 ± 66,90 7,22 ± 1,31 -1,76 0,09 (ns) Oxygène dissous (mg/l) 76 4,04 ± 1,26 1,27 ± 0,74 15,62 0,00

Dans le but de comparer les valeurs des paramètres entre les campagnes de juin et novembre 2012, nous avons considéré les cuvettes pour lesquelles nous avions des valeurs pour les deux campagnes. Les moyennes ont été comparées pour huit paramètres à l'aide du test t de Student. L'arrivée des pluies a eu un effet notable sur la qualité physico-chimique des eaux qui ont montré des différences significatives entre juin et novembre, à l'exception du potentiel redox. L'augmentation du niveau piézométrique dans les cuvettes en novembre s'est accompagnée par une différence significative pour la surface, la profondeur et le volume en eau (Tab. 3). Il est à noter également que certaines cuvettes qui ont enregistré des valeurs particulières de leurs paramètres physico- chimiques en juin ont maintenu cette caractéristique en novembre. Ainsi, la cuvette 20 a maintenu son pH à 5,4. La cuvette 109 dont la salinité était de 24,0 PSU en juin et de 29,3 PSU en novembre avait la particularité de contraster par rapports aux cuvettes mitoyennes (cuvettes 108, 110 et 111) dont la salinité était de l'ordre de 350 PSU en juin et novembre.

Gradients La recherche de corrélations entre les paramètres étudiés en fonction de la latitude et de la longitude a été suggérée par l'orientation du grand axe de la Sebkha NNE-SSW et la disposition des cuvettes le long de cet axe. Ceci permet de vérifier s'il y a ou non des gradients morphométriques et physico-chimiques en fonction de la position géographique.

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Figure 6 : Direction privilégiée des failles dans la Sebkha d’Imlili.

Des corrélations significatives ont été enregistrées en juin entre la latitude, d'une part, et la plupart des paramètres physico-chimiques. Ainsi, la salinité, le pH, la conductivité et les solides dissous totaux augmentent du Nord-Est vers Sud-Ouest, tandis que la température, le potentiel redox, l'oxygène dissous, la résistivité et la densité montrent un gradient inverse. DISCUSSION L’analyse des résultats de l’étude morphométrique des poches d’eau et de leurs caractéristiques physico-chimiques nous permettent d’énoncer un certain nombre de constats fondamentaux. (1) Les poches d’eau se répartissent selon deux axes : un grand axe principal d’orientation NNE-SSW et un deuxième axe secondaire d’orientation NW-SE, pratiquement perpendiculaire au premier. Cette configuration correspond exactement à l’orientation du complexe des failles majoritaires dans la Sebkha et pourrait constituer les zones de faiblesses favorables à l’apparition des poches d’eau ; d’ailleurs, les résultats des études de télédétection par radar de la Sebkha réalisées dans le cadre du même projet ont démontré une forte corrélation entre la distribution des poches d’eau et l’orientation des systèmes de failles dans la Sebkha (Emran et al., 2020). (2) Il faut noter la dominance globale des poches d’eau de faible dimension avec la présence d’une diversité de formes. Ceci pourrait s’expliquer par l’apparition de poches d’eau de petite dimension et de forme plus ou moins régulière selon l’axe majoritaire de la faille NNE-SSW. La présence de poches de formes diverses et irrégulières pourrait être expliquée par leur position au niveau des zones de faiblesse où joueraient de manière conjuguée les deux groupes de failles d’orientation quasi-perpendiculaire. (3) Sachant que la Sebkha d’Imlili est alimentée essentiellement par les eaux souterraines du bassin de l’Oued Al Hawli et de celui de l’Oued Oum Lbayna, l’étude hydrogéologique (Hilali et al., 2020) et celle réalisée par télédétection (Emran et al., 2020) ont montré que la structure géologique du Paléocène constitue un barrage naturel à l’écoulement des eaux superficielles vers la mer et les amène à prendre une direction vers le Nord et l’Ouest ce qui favoriserait le stockage et l’alimentation des eaux au niveau de la nappe phréatique de la Sebkha d’Imlili proche de la surface. Ce sont ces eaux qui joueraient un rôle primordial dans la mise en eau des poches d’eau de manière permanente.

39 Bayed et al. Caractérisation morphométrique et physico-chimique

Cette hypothèse est confortée par la comparaison de nos données de la campagne de juin 2012 (consécutive à une période de sècheresse) par rapport à celle de novembre 2012 (survenue juste après une période de crue). Durant cette dernière période, il y a eu une augmentation significative du niveau piézométrique des poches, de leur volume d’eau et de leurs superficies et une baisse parallèle des paramètres de salinité et de conductivité selon un gradient NNE- SSW. Dans le même ordre d’idée, le gradient progressif dans le sens NNE-SSW des paramètres physico-chimiques peut s’expliquer par le phénomène d’évaporation progressivement croissante de l’amont vers l’aval et en s’éloignant des sources d’alimentation en eau douce, mais également par la nature du substrat du haut cours à base de roche perméable non salifère et du bas cours à substrat non perméable à substrat salifère. Des observations réalisées au cours de nos visites successives au site, depuis 2012, ainsi que des témoignages de la population locale montrent qu’un certain nombre de poches d’eau se comblent tandis que d’autres apparaissent. Cela démontre que le jeu de failles, à l’origine de la formation des poches d’eau, est toujours actif. (4) Enfin, l’étude sur la biodiversité aquatique de la Sebkha (Himmi et al., 2020, Ghamizi et al., 2020) a prouvé la présence de deux espèces de Mollusques inféodées aux eaux continentales douces localisées au niveau de la partie amont de la Sebkha ; il s’agit de Planorbarius metidjensis connue pour préférer les eaux douces calmes et de faible profondeur et Ancylus fluviatilis inféodée aux eaux douces courantes. La présence de ces deux composantes conforte l’hypothèse d’une alimentation régulière des poches d’eau de la Sebkha à partir d’une nappe phréatique plus ou moins douce et peu profonde.

REFERENCES Emran A., Qninba A., El Balla T., Pariselle A., Rudant J.P., Hara F. & Hilali M. 2020. Le fonctionnement de la sebkha d’Imlili dévoilé par les images Radar Palsar. Un reliquat de passé dans le Sahara marocain témoin de la dernière variation climatique dans des conditions géologiques improbables. In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 19-31. Ghamizi M., Boulaassafer K., Himmi O. & Qninba A. 2020. Les Mollusques de la Sebkha d’Imlili. In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 85-91. Hilali M., Baki S., Benaissi L., Emran A., Bahaj T. & Eddahby L. 2020. Caractérisation hydrologique et hydrogéologique d’une sebkha soumise à un climat de type saharien : Cas de la Sebkha d’Imlili (Dakhla, Maroc). In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 03-18. Himmi O., Bayed A., El Agbani M.A., Hara F., EL Balla T., Khayya M.L. & Qninba A. 2020. Biodiversité aquatique de la Sebkha d'Imlili. In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 71-83. Qninba, A., Ibn Tattou M., Radi M., El Idrissi Essougrati A., Bensouiba H., Ben Moussa S., Ougga T., Bouzrou J., Azaguagh I., Bensbai J. & Khayya M. L. 2009. Sebkhet Imlili, une zone humide originale dans le Sud marocain. Bulletin de l’Institut Scientifique, Rabat, section Sciences de la Vie, 31, 1, 51-55.

40 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Histoire Holocène de la Sebkha d’Imlili (Sahara Marocain)

Nadia MHAMMDI1, Rachid CHEDDADI2, Hamid SLIMANI1 & Abdeljebbar QNINBA1

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. *([email protected]) 2. Centre National de la Recherche Scientifique, UMR 5554, Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier, Université Montpellier, Bat. 22, CC061, Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier, France.

INTRODUCTION La Sebkha d’Imlili a une grande valeur dans la connaissance des changements environnementaux qui ont affecté le Sud du Maroc durant les derniers millénaires. La Sebkha d’Imlili représente une archive des changements climatiques passés et de l'évolution de la biodiversité dans l'un des milieux les plus hostiles du continent africain. Son environnement extrêmement aride lui a permis de préserver son écosystème quasi naturel pendant plusieurs millénaires. Aujourd'hui, l'intérêt touristique qu'elle suscite et l’extension de la zone urbaine autour de la ville de Dakhla commence à exercer une pression humaine menaçant sa préservation. Peu de travaux scientifiques se sont intéressés à cet écosystème. La succession de climats qu’a connue la région au cours de l’Holocène (derniers 10 millénaires) sera mise en évidence à travers nos reconstitutions paléoclimatiques et paléoécologiques. Sur le plan de la recherche fondamentale, toute reconstitution climatique dans cette région serait très fortement appréciée pour la validation des modèles climatiques dans les zones sahariennes et donc de la projection des changements futurs qui pourraient l’affecter. Nous ne disposons actuellement d'aucune donnée climatique quantifiée dans cette région hyperaride. La reconstitution des paléoclimats basée sur les pollens fossiles sera probablement difficile car les pollens sont mal préservés dans les sédiments sableux. A cela, il faut ajouter le fait que les plantes dominantes autour de la Sebkha sont des graminées, chénopodiacées, composées et cypéracées, qui sont souvent extrêmement difficiles à identifier au niveau générique et encore plus au niveau spécifique alors que ce sont les espèces qui nous renseignent de manière précise sur le climat auxquelles elles se sont adaptées Les sebkhas que l’on trouve en milieux désertiques sont des dépressions temporairement inondées, en général salées et où se forment des évaporites. Ceci est le cas de celle d’Imlili. Les eaux proviennent d'infiltrations marines, de pluies aléatoires durant l’année, mais également d'une alimentation par les nappes phréatiques. Ces dépressions fermées, constituent un des traits majeurs et des plus austères des paysages arides côtiers. Leur origine est essentiellement tectonique, mais leur évolution ultérieure est liée aux changements du niveau marin (transgressions/régressions). Si les sebkhas rappellent les garâas (sebkhas de climats plus humides) par l’uniformité de leurs surfaces planes, elles s’en différencient nettement par leur régime hydrologique et leur géométrie d’ensemble. Leur trait caractéristique est sans conteste l’extraordinaire abondance de sels solubles : chlorures et sulfates concentrés à la surface.

CARACTERISTIQUES GENERALES La Sebkha d'Imlili est située au Sud de la Baie de Dakhla dans le Maroc méridional (Fig.1). Son fonctionnement hydrologique particulier (immense sebkha avec des trous d'eau permanente (Fig.2)) a fait d’elle une zone humide unique et inconnue jusqu'à nos jours en Afrique du Nord. La Sebkha d’Imlili a une superficie de 13 x 2 km entourée d’une végétation caractéristique des milieux arides. Elle présente dans sa partie septentrionale 161 trous d’eau (Bayed et al., 2020) de diamètres variables allant de moins d’un mètre à plusieurs dizaines de mètres, d’une profondeur d’une vingtaine de centimètres à plusieurs mètres et d’une salinité elle aussi variable de 24 à 70 ‰ (la salinité de l’Océan Atlantique est de ~33‰) sans lien apparent avec une proximité spatiale.

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Figure 1. Situation géographique de la Sebkha d’Imlili.

Figure 2. Présence de trous d’eaux dans la Sebkha.

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La dépression est entourée d’une formation dunaire sableuse sur laquelle se développe une végétation de type désertique assez dense. On note la présence d’une pellicule de sel qui recouvre la Sebkha d’Imlili ; celle-ci est dite à plancher mou (ce qui représente un piège, parfois, mortel pour les animaux qui viennent s’abreuver dans les trous d’eau). Les bordures Ouest et Nord de la dépression sont humides et comprennent une formation végétale mixte en forme de bande continue, large de 20 à 30 mètres. La zone médiane de la partie septentrionale présente plusieurs dizaines de poches d’eau permanentes. Les trous d’eau suivent un réseau de failles (Fig. 3) dans la direction NNE-SSW et dans la direction Est-Ouest en suivant les écoulements d’eau temporaires. Le climat de la région est de type aride saharien tempéré par l'humidité marine sur la frange côtière, n'excédant pas 50 km de large. Il est caractérisé par un ensoleillement prolongé et des sécheresses sévères. Les vents dominants sont de direction NNW et occasionnellement des vents forts et chauds venant de l'Est accompagnés de tempêtes de sable pouvant durer quelques jours.

Figure 3. Vue satellitaire du réseau de failles.

43 Mhammdi et al. Histoire Holocène de la Sebkha d’Imlili

ETUDE DES ENVIRONNEMENTS PASSÉS En juin 2012, nous avons effectué un sondage de 4,5 m à l'aide d'un carottier russe (Fig. 4). Chaque section du sondage (9 sections de 50 cm) a ensuite été sous-échantillonnée pour l'analyse granulométrique (90 échantillons), pour l’analyse en fluorescence à rayons X (XRF) (70 échantillons) et pour des études micropaléontologiques et palynologiques. Outre cette analyse multi-proxy, six échantillons ont été datés au 14C. Une combinaison de bio- et géo-indicateurs (pollen, isotopes stables, granulométrie, XRF) issus de ce sondage continu et bien daté au 14C permet d’obtenir un cadre chronologique fiable.

Figure 4. Carottier russe utilisé pour le prélèvement d'une séquence sédimentaire de 5m de longueur.

Les données granulométriques et l'analyse de la matière organique sont fondamentales pour identifier les périodes hyper-arides, ou des dépôts inorganiques et grossiers comme des sables qui se seraient déposés, et les périodes où des précipitations auraient existé et auraient permis des dépôts plus argileux avec une accumulation de matière organique dans les sédiments.

Lithologie et minéralogie La description des lithofaciès est basée sur la nature lithologique, la granulométrie ainsi que la variation de la couleur du sédiment. Le sondage effectué à Imlili couvre les 4 derniers millénaires et montre que les dépôts sont formés essentiellement de silts argileux vaseux, de sables et de sédiments évaporitiques (Fig 5). La Sebkha a enregistré une alternance de dépôts argileux et sableux avec une forte concentration de sel. La succession de ces faciès indique qu’Imlili a connu une alternance de périodes arides (dépôts sableux) ainsi que des périodes moins arides (dépôts organiques) qu'aujourd'hui. L’épaisseur des couches dépend des quantités d’eaux disponibles pendant les inondations et de la durée de sa persistance dans le site. Les alternances que nous observons dans la séquence sédimentaire ne permettent pas d'obtenir des informations climatiques annuelles ou séculaires mais elles nous indiquent que cette région a bien connu une alternance de périodes de sécheresse et d'humidité relative dont les durées sont également difficiles à évaluer compte tenu des faibles teneurs en matière organique qui permettraient de dater de manière plus précise les différents dépôts. Les périodes humides ont permis l'extension d'un couvert végétal plus important et donc une production de biomasse qui a généré des accumulations de matière organique. L’analyse de la teneur en matière organique des sédiments est fondamentale pour identifier les périodes hyper-arides où des dépôts inorganiques et grossiers comme des sables se sont déposés et les périodes de précipitations qui ont permis des dépôts plus argileux avec la présence de matière organique. La séquence sédimentaire d'Imlili pourrait représenter une archive continentale unique des changements climatiques durant l'Holocène. La communauté paléoclimatique ne possède aucun enregistrement climatique continental dans cette région dont la résolution d'analyse pourrait être inférieure à 50 ans. L'analyse granulométrique a révélé la présence de deux fractions avec des proportions différentes : vases et sable. Il existe quatre phases dominées par des vases respectivement de 75 à 110 cm de profondeur, de 175 à 255, de 320 à

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330 et de 380 à 405 cm, correspondant à des périodes plus ou moins humides, et six phases à dominance sableuse de 10 à 40 cm, de 130 à 170, de 265 à 310, de 345 à 375 et de 410 à 450 cm de profondeur, qui elles, indiqueraient des périodes plus sèches. De plus, quelques couches mixtes (50% vase et 50% sable) sont intercalées entre les couches vaseuses ou sableuses qui doivent correspondre à des périodes de transition climatique. L’épaisseur de ces couches varie entre 2 et 15 cm et nous informent sur les périodes de transition. Dans les régions où l'évaporation est importante (cas d’Imlili), l'eau s'évapore en partie ou totalement pendant la saison sèche. Le milieu devient sur-salé où l'eau s'évapore en laissant sa charge dissoute qui précipite sous forme d'évaporites. Les sels sont mélangés à de nombreux matériaux détritiques apportés par les écoulements temporaires (Fig. 6). La Sebkha d’Imlili a enregistré des cycles d’inondation et d’assèchement. La croûte de sel (gypse et halite) se forme après inondation de la Sebkha suivie d’une évaporation. Son épaisseur est fonction de la quantité d’eau mobilisée durant l’inondation. Les croûtes sulfato-organiques au contraire, extrêmement fragiles, ne peuvent se former que durant des périodes sans pluie car elles sont facilement détruites par l’impact des gouttes de pluie. Elles se forment grâce à l’humidité atmosphérique et la rosée, la matière organique étant produite par les bactéries sulfatogènes. Les lamines sont organisées en trois types principaux : des couches détritiques, gypseuses et sulfato-organiques. Les couches détritiques correspondent à des épisodes de crues lors d’événements pluvieux exceptionnels. Les apports hydriques nécessitent un écoulement laminaire où les eaux restent peu chargées en matériaux sur les glacis. L'inondation de la Sebkha se produit lorsque la nappe phréatique est saturée durant les saisons plus humides. L’assèchement de la surface de la Sebkha après une inondation favorise la précipitation de gypse, puis la cristallisation d’halite. Les niveaux sulfato-organiques correspondent à des épisodes favorables à la prolifération de cyano-bactéries. La succession de ces dépôts ne se réalise bien que dans des conditions où les bactéries ne sont pas perturbées par des crues, des inondations ou l’impact de précipitations et où la biominéralisation est possible. Les dépôts sédimentaires n’enregistrent pas une cyclicité annuelle, mais des événements climatiques. Les lamines de sels (gypse, halite) enregistrent des épisodes d’inondation suivies de l’assèchement du plan d’eau. Les lamines détritiques enregistrent les périodes d’apports des oueds par les crues, lors de pluies exceptionnelles. Les lamines sulfato-organiques enregistrent des séquences sans pluie, mais avec une humidité et de la rosée. Cette phase est interprétée comme une période climatique globalement sèche, accompagnée par une forte activité cyclonique. Des lits de vase organique noire, qui indiquent une tranche d’eau plus importante et une anoxie, s’intercalent périodiquement dans cette séquence. Ils suggèrent des variations pluri-décennales significatives du bilan hydrique de la Sebkha. Le modèle d'âge permet de situer cette phase entre 4200 et 2310 ans BP. Entre 2310 et 1150 ans BP, des vases organiques sont accumulées et traduisent une période globalement humide mais avec une faible fréquence des cyclones.

Étude de pollens Les données palynologiques indiquent des changements de la végétation et du climat au cours des 4500 ans passés. Le rapport Artemisia / Artemisia + Chenopodiaceae est utilisé dans les zones arides pour évaluer le degré d'aridité. Ce rapport, issu des données palynologiques de la séquence d’Imlili, indique des changements importants de l’humidité avec une période aride entre 3500 et 4500 ans BP et une période plus humide entre 2400 et 2950 ans BP (Lebedeva, 2014).

CONCLUSIONS L'étude de la séquence sédimentaire d’Imlili suggère qu’il y a eu des changements environnementaux significatifs au Sahara durant les 5 derniers millénaires avec une certaine instabilité. Ces variations d’humidité pourraient être liées soit aux fluctuations des températures océaniques qui influencent la quantité d’humidité disponible au-dessus de la Sebkha, soit à des déplacements latitudinaux de la zone de convergence intertropicale tels que ceux observés à partir de carottes marines au large du Maroc (Tierney et al., 2017). Plusieurs travaux sont en cours pour préciser ces hypothèses de changements environnementaux et pour comprendre le mécanisme de fonctionnement de la Sebkha, de la forme circulaire des trous d'eau, de la disparition de certains trous d'eau, de leur alignement selon des directions de faille et de leur formation.

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Figure 6. Fleuves temporaires de la Sebkha d’Imlili.

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REFERENCES Bayed A., Himmi O., El Agbani M.A., Samlali M.L., Mhimdate H., Radi M. & Qninba A. 2020. Caractérisation morphométrique et physicochimique des poches d’eau de la sebkha d’Imlili (Sud marocain). In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 33-40. Lebedeva A. 2014. Reconstitution des changements paléoenvironnementaux durant l'holocène récent dans le Sahara marocain. Rapport de stage Master Eco Biodiversité, Université Montpellier II (Institut des Sciences de l’Évolution –Montpellier). Tierney, J. E., Pausata, F. S. R., & de Menocal, P. 2017. Rainfall regimes of the Green Sahara. Science Advances, 3 (January), 1–9.

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Contribution à l'étude de la flore et de la végétation de la Sebkha d’Imlili (Sahara océanique)

Mohammed IBN TATTOU

Mohammed V University in Rabat, Institut scientifique, Département de Botanique et Ecologie Végétale, Av. Ibn Battota, B.P. 703, 10090, Rabat Agdal. *([email protected])

INTRODUCTION La Sebkha d’Imlili est un milieu unique en son genre au Maroc (Qninba et al., 2009) et probablement dans le monde. Ce milieu peu étudié auparavant se présente sous la forme d'une vaste dépression humide salée, de forme générale orbiculaire, orientée grossièrement NNE-SSO. La Sebkha est parsemée de nombreuses poches d’eau plus ou moins salée. Ces poches sont disposées selon des lignes orientées dans le sens longitudinal de la Sebkha. Elles varient par leur forme, leur taille, leur profondeur, leur constitution (formes de vie présentes ou pas) et leur taux de salinité (Emran et al., 2020 ; Himmi et al., 2020). Lors des grandes pluies, la communication et les échanges sont possibles entre différentes poches.

MATERIEL ET METHODES L'étude de la flore et de la végétation de la Sebkha d’Imlili, réalisée en 2 missions en 2010 et 2012, a intéressé la partie humide représentée par la surface de la dépression humide et les poches d'eau qu'elle contient et les bords, mais aussi la partie terrestre matérialisée par les pentes, les regs et les dunes de sable environnantes. Pour des raisons sécuritaires, seule la moitié nord a été prospectée. Différents manuels ont été utilisés pour déterminer les plantes récoltées, la Flore pratique du Maroc (Fennane et al., (ed.) ; 1999 ; 2007 ; 2014), la flore de la Mauritanie (Barry & Celles, 1991), la Flore du Sahara (Ozenda, 2004), et Flora of West Tropical (Hutchinson et al., 1954-1972). La nomenclature adoptée suit celle de Fennane & Ibn Tattou (2005) et Ibn Tattou & Fennane (2008) ainsi que celle de Dobignard & Chatelain (2010-2013). Les familles végétales sont prises dans le sens d'"Angiosperm Phylogeny Group IV" (2016).

RESULTATS

Richesse floristique Murat (1939) dont les données ont été reprises par Guinea (1945, 1948), tout en soulignant la particularité de la Sebkha, décrit sommairement le milieu physique et ne cite que les quelques plantes suivantes Tamarix sp., Nitraria retusa, Atriplex glauca, A. halimus, Juncus rigidus et Phragmites australis. La richesse floristique totale qui se dégage de la présente étude est de 68 taxons (espèces et sous-espèces), appartenant à 54 genres et 29 familles de plantes vasculaires. La famille cosmopolite des Amaranthaceae (englobe ici la famille des Chenopodiaceae) avec 13 taxons, soit 19% de la richesse totale, occupe la première place. La prédominance des Amaranthacées s'explique en partie par le fait qu'il s'agit d'une famille de plantes adaptées aux conditions extrêmes d'aridité et de salinité. Les familles des Asteraceae, Poaceae et Leguminosae suivent respectivement avec 9, 6 et 5 taxons (Fig. 1, Annexe 1). La famille des Zygophyllaceae, famille de souche méditerranéenne mais qui a développé dans la zone saharienne septentrionale une flore riche et endémique, n'est représentée ici que par 3 espèces. Au sein de la famille des Boraginaceae, le genre Echiochilon est représenté par deux espèces. E. simonneaui est une endémique du Sahara océanique marocain. Il s'agit là de la station la plus méridionale de l’espèce, connue par ailleurs dans, seulement, quelques autres sites plus au Nord (Médail et al., 2020). E. chazaliei largement répandue sur la frange littorale est une endémique commune avec la Mauritanie.

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Polygala arenaria, espèce tropicale, trouvée dans la prairie du reg sablonneux qui limite la partie Nord orientale de la Sebkha, est citée pour la première fois dans le Sahara océanique. La présence de Sporobolus spicatus est également confirmée pour la première fois dans le Sahara océanique ; cette espèce occupe les zones interdunaires dans la partie Nord occidentale de la Sebkha.

Coefficient générique Ce coefficient qui exprime le nombre de genres par rapport à celui des espèces s'élève à 79 % pour la Sebkha d’Imlili. Ce pourcentage très élevé indique une flore peu diversifiée. Les conditions de milieu très sévères par le taux élevé de salinité au niveau de la Sebkha et par la sécheresse ambiante dans la partie en dehors de la zone humide entrainent l'uniformisation des formes de vie et la monotonie du paysage. Une diversification relativement importante est cependant notée au niveau des limites immédiates de la Sebkha.

Spectre biologique Le spectre biologique indique la participation de chaque type biologique à la composition floristique d'un milieu donné. Les types biologiques sont considérés ici au sens de Raunkiaer (1934). Si l'on fait exception du pourcentage relativement important (31%) des Thérophytes, lié au fait que les prospections ont eu lieu après les pluies, les regs sablonneux et rocailleux autour de la Sebkha sont surtout caractérisés par la steppe basse constituée de Chaméphytes et de Nanophanérophytes représentés respectivement par 20 (25%) et 18 (22%), soit 47 % du total (Tab. 1).

Tableau 1. Spectre biologique de la flore d'Imlili

Th Hém Ph NPh Ch G HyF 25 (31%) 9 (11%) 3 (4%) 18 (22%) 20 (25%) 5 (6%) 1 (1%)

Ruppia maritima, présente dans une dizaine de poches d'eau est la seule hydrophyte de la Sebkha. Cette espèce en plus d'autres, formant des ceintures de végétation (Cressa cretica, Juncus rigidus et Phragmites australis) ou des nappes (Arthrocnemum macrostachyum) à la périphérie de la Sebkha, supportent les taux les plus élevés de salinité dans le site. Les Phanérophytes au nombre de 3 (Tamarix amplexicaulis, T. gallica et Acacia tortilis subsp. raddiana) ne représentent que 4 %. Les Hémicryptophytes avec 9 taxons représentent 11 % du total. Les Géophytes avec 5 taxons (Pancratium, Cynomorium, Citrullus, etc.) représentent 6 % du total.

Affinités biogéographiques Par sa position géographique, le Maroc appartient à 2 Empires biogéographiques (Ozenda, 1982). L'holarctique contient 2 régions floristiques (méditerranéenne et saharo-arabique). La région d'Imlili est située à l'extrême sud de la région saharo-arabique. Le paléotropique, contenant toute la partie située au sud du Tropique du Cancer, est représenté par la seule région floristique Soudano-angolane. En plus de l'élément local présent dans la flore d'Imlili, les autres affinités variées sont un témoin de l'histoire complexe de ce milieu (Fig. 2).

Taxons endémiques La flore d'Imlili compte une endémique spéciale au Sahara océanique marocain: Echiochilon simonneaui. La Sebkha d’Imlili abrite trois endémiques communs au Maroc et à la Mauritanie : Echiochilon chazaliei, Limonium chazaliei et Teucrium chardonianum. Polycarpaea nivea est endémique commune aux Canaries, à la Mauritanie et au Maroc. Opophytum theurkauffii est endémique des Canaries, de l’Algérie, de la Mauritanie et du Maroc. Pulicaria burchardii subsp. burchardii est une endémique macaronésienne, commune au Maroc et aux Canaries. Toutes ces espèces à l’exception d’Echiochilon simonneaui sont caractéristiques de la frange littorale du Sahara océanique. Ononis tournefortii est une endémique commune à l’Algérie, à l’Ibérie, aux Canaries, au Maroc et à la Mauritanie.

50 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Médit., saharo-arab. & Maroc; 1; 2% Soudano-Angol.; 1; 1% Autres endémiques Soudano-angolane/saharo- (Algérie, Mauritanie, arabique; 2; 3% Canaries, Ibérie); 7; 10%

Médit. & Saharo-arab.; 8; 12% Afrique du Nord; 7; 10%

Cosmopolites; 8; 12%

Soudano-angolane; 5; 7% Méditerranée; 12; 18%

Europe-Médit.; 1; 1% Saharo-Arabique; 16; 24%

Figure 2. Affinités biogéographiques de la flore d'Imlili.

Parmi les endémiques en dehors de ceux du Maroc et de ceux que le Maroc partage avec les pays directement voisins (Algérie, Mauritanie, Canaries et Ibérie), il y a lieu de citer: - Les 6 taxons (soit 9% du total) dont l'aire de répartition est circonscrite à l'Afrique du Nord : Caroxylon tetragonum, Suaeda monodiana, Atractylis aristata, Endoppappus macrocarpus, Acanthorrhinum ramosissimum et Tamarix amplexicaulis. - La zygophyllacée Tetraena gaetula subsp. waterlotii est spéciale à la frange occidentale de l’Afrique du Nord. - Nucularia perrinii, largement repartie dans le Sahara océanique, est spéciale à l’Afrique du Nord et aux Madères.

Autres affinités biogéographiques Au sein de la flore d'Imlili, 16 taxons (soit 24 % de l’ensemble des espèces) représentent le cortège floristique saharo- arabique. Ce cortège contient Cleome africana, Euphorbia calyptrata, Bassia muricata, Cotula cinerea, Launaea capitata, Eremobium aegyptiacum subsp. longisiliquum, Euphorbia granulata, Salvia aegyptiaca, Crotalaria sahara, Lotus glinoides, Lotus jolyi, Neurada procumbens, Nitraria retusa, Kickxia aegyptiaca, Centropodium forskalii, Acacia tortilis subsp. raddiana. Il est à préciser que Crotalaria sahara et Lotus jolyi sont des espèces sahariennes. Le cortège représentant l'élément méditerranéen est de 12 taxons, soit 18% du total. Il englobe les taxons à large répartition méditerranéenne (Atriplex glauca, Caroxylon tetrandrum, Periploca angustifolia, Launaea fragilis, L. nudicaulis, Sonchus tenerrimus, Cynomorium coccineum, Emex spinosa et Lycium intricatum) en plus de ceux spéciaux à la Méditerranée occidentale (Launaea arborescens, Frankenia corymbosa et Tamarix gallica). Cette dernière espèce englobe la Macaronésie dans son aire de répartition. Suaeda vera a une aire qui s’étend sur l’Europe et la Méditerranée. Dans le cortège soudano-angolane, on trouve Tetraena simplex, auquel il faudra également ajouter les quatre éléments tropicaux: Pancratium trianthum, Sporobolus robustus, S. spicatus et Fagonia latiflolia. Les éléments de liaison entre les deux régions floristiques représentant les espèces à aire de répartition en même temps méditerranéenne et saharo-arabique, sont au nombre de huit espèces, soit12 % du total. Ce sont Anabasis articulata, Traganum nudatum, Gymnocarpos decandrus, Heliotropium crispum, Citrullus colocynthis, Rumex simplicifolius et Caroxylum vermiculatum. Il est à noter que Heliotropium crispum ne s’étend au Nord que dans la Macaronésie, alors que Caroxylum vermiculatum n'occupe dans la méditerranée que sa partie occidentale.

51 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Panicum turgidum et Polygala arenaria sont les deux espèces qui représentent l'élément de liaison entre le soudano- angolane et le saharo-arabique. Polygala arenaria, espèce de l'Afrique tropicale occupe à Imlili sa position la plus septentrionale. Aizoon canariensis est une espèce poly-régionale ; elle est présente en même temps dans la Méditerranée, le Saharo- arabique, le Soudano-angolane et l'Australie. Les cosmopolites sont bien représentés avec 12 % du total. Ce cortège compte Arthrocnemum macrostachyum, Atriplex halimus, Suaeda maritima, Cressa cretica, Juncus rigidus, Heteropogon contortus, Phragmites australis et Ruppia maritima. L'ensemble de ces faits indique que la Sebkha d’Imlili occupe une zone de transition avec la région soudano-angolane.

Taxons rares ou menacés Selon les critères établis par Fennane & Ibn Tattou (1998) pour évaluer le degré de vulnérabilité des taxons marocains, 5 espèces sont considérées comme très rares (Atractylis aristata, Echiochilon simonneaui, Polygala arenaria, Sporobolus robustus et S. spicatus), 3 taxons seraient rares (Limonium chazaliei, Tetraena simplex, Teucrium chardonianum), 11 taxons seraient soupçonnés rares (Anabasis articulata, Caroxylon tetrandrum, Centropodia forskalii, Cotula cinerea, Echiochilon chazaliei, Endopappus macrocarpus, Fagonia latifolia, Pancratium trianthum, Panicum turgidum, Suaeda monodiana et Tetraena gaetula subsp. waterlotii) et 2 seraient vulnérables (Ruppia maritima et Tamarix amplexicaulis). Selon Fennane (2017-2018) dans les " Eléments pour un Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc" (Fennane, 2017) qui s'appuie sur des critères adaptés pour le Maroc à ceux de l'IUCN, 3 espèces sont "en danger critique d'extinction" [CR] : Echiochilon simonneaui, Limonium chazaliei et Sporobolus robustus; 5 taxons "vulnérables" [VU] : Echiochilon chazaliei, Polycarpaea nivea, Pulicaria burchardii, Tamarix amplexicaulis et Teucrium chardonianum ; 5 espèces "quasi menacées [NT] : Centropodia forskalii, Cotula cinerea, Ononis tournefortii, Pancratium trianthum et Panicum turgidum ; 6 espèces classées dans la catégorie "données insuffisantes" [DD] : Anabasis articulata, Atractylis aristata, Caroxylon tetrandrum, Opophytum therurkauffii, Ruppia maritima et Suaeda monodiana. 47 taxons sont listés dans la catégorie "à préoccupation mineure" [LC] dont Acacia tortilis subsp. raddiana, Acanthorrhinum ramosissimum, Aizoon canariensis, Arthrocnemum macrostachyum, Atriplex glauca, A. halimus, Bassia muricata, Caroxylon tetrandrum, C. vermiculatum, Citrullus colocynthis, Cleome africana, Cressa cretica, Crotalaria saharae, Cynomorium coccineum, Emex spinosa, Endopappaus macrocarpus, Eremobium aegyptiacum, Euphorbia calyptrata, E. granulata, Fagonia latifolia, Frankenia corymbosa, Gymnocarpos decandrus, Heliotropium crispum, Heteropogon contortus, Juncus rigidus, Kickxia aegyptiaca, Launaea arborescens, L. capitata, L. fragilis, L. nudicaulis, Lotus glinoides, L. jolyi, Lycium intricatum, Neurada procumbens, Nitraria retusa, Nucularia perrenii, Periploca angustifolia, Phragmites australis, Rumex simpliciflorus, Salvia aegyptiaca, Sonchus tenerrimus, Suaeda maritima, S. vera, Tamarix gallica, Tetraena gaetula subsp. waterlotii, T. simplex et Traganum nudatum. Sporobolus spicatus dont la présence est confirmée pour la première fois au Maroc est listé par Fennane sous la catégorie NA avec l’indication présence douteuse. Les listes IUCN ne retiennent que 4 espèces, toutes dans la catégorie "à préoccupation mineure" [LC] : Cressa cretica, Juncus rigidus, Phragmites australis et Ruppia maritima.

Comparaison avec la flore de la Baie de Dakhla D'après nos travaux sur la Baie de Dakhla encore inédits, la flore est riche de 76 taxons. Le nombre de taxons communs entre les flores de la Baie de Dakhla et d'Imlili est de 37, alors que les chiffres des taxons uniques à chacun des deux milieux sont respectivement de 39 et de 31. L'indice de similarité de Jaccard Is, qui permet de tester la similarité entre deux habitats, calculé selon la formule ci- dessus donne une valeur moyenne de 0,35 (Tab. 2). Is = a/(a + b + c) Is = indice de similarité a : représente le nombre d’espèces communes entre deux habitats, b : représente le nombre d’espèces uniques pour l’habitat 1 c : représente le nombre d’espèces uniques pour l’habitat 2.

52 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Tableau 2. Données quantitatives des flores de la Baie de Dakhla et de la Sebkha d’Imlili.

Baie de Dakhla Sebkha d’Imlili Nombre total de taxons 76 68 Taxons uniques 39 31 Taxons communs 37

Cet indice indiquerait une origine comparable des deux flores. La Sebkha d’Imlili aurait été à l'origine une baie ouverte sur l'océan. Parmi les taxons communs aux deux sites, il y a lieu de citer à titre d'exemples Arthrocnemum macrostachyum, Echiochilon chazaliei, Nitraria retusa, Juncus rigidus, Opophytum theurkauffii, Polycarpea nivea, Gymnocarpos decandrus, Tetraena getula subsp. waterlotii, Cynomorium coccineum.

Formations végétales et habitats Les poches d’eau saumâtres peuvent être : • sans vie apparente, • à formes de vie animale (poissons, etc.), • avec plantes : seule Ruppia maritima est présente dans une dizaine de poches. Les bords de la Sebkha montrent tour à tour : • des nappes plus ou moins étendues d'Arthrocnemum macrostachyum, • des rideaux constitués de Phragmites australis, • des rideaux plus ou moins allongés de Juncus acutus, accompagnés de quelques espèces herbacées, notamment de Cressa cretica. Les formations dunaires montrent une végétation relativement diversifiée. Tamarix amplexicaule domine par endroits. Acacia tortilis montre une présence discrète dans la partie Nord-Ouest des dunes autour de la Sebkha. Les autres plantes rencontrées rappellent une origine littorale comme Nitraria retusa, Atriplex halimus, Echiochilon chazaliei, Limonium chazaliei, Cynomorium coccineum, etc. Un microhabitat s'individualise dans les petites dépressions interdunaires dont le sol reste relativement longtemps humide à la suite de précipitations. C'est une formation dominée par Sporobolus spicatus. Les formations qui peuplent les regs et les pentes à substrat sableux, sablo-caillouteux, rocailleux sont comme les formations ligneuses basses les plus dominantes ailleurs dans le Sahara océanique. On y trouve Nucularia perrinii, Crotalaria saharae, etc. Teucrium chardoninum et Echiochilon chazaliei sont présents et rappellent les affinités avec la végétation littorale. L’annexe 2 présente quelques images des espèces patrimoniales (a) et quelques habitats (b) de la Sebkha d’Imlili.

CONCLUSION La salinité élevée au niveau de la dépression et la sécheresse ambiante font de la Sebkha d’Imlili un milieu à biodiversité peu riche et peu variée. En plus de l'endémisme local et régional, les données recueillies montrent nettement que la Sebkha est avant tout un carrefour des régions floristiques : méditerranéenne, saharo-arabique, soudano-angolane. Les éléments obtenus de la comparaison des deux flores de la Sebkha d’Imlili et la Baie de Dakhla mettent en évidence une ressemblance des deux flores, ce qui pourrait indiquer que la flore de la Sebkha d’Imlili est très probablement d'origine marine. Toutes ces données montrent que la Sebkha d’Imlili est un milieu exceptionnel qu'il faudra conserver pour ses valeurs paysagères et patrimoniales et lui donner un statut national et international en l'inscrivant comme "Aire protégée" ; elle est déjà inscrite comme un site RAMSAR.

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53 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

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54 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

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55 Ibn Tattou – Végétation de la sebkha d’Imlili

Annexe 1. Liste des taxons d'Imlili. Taxon Famille Aizoon canariensis L. Aizoaceae Opophytum theurkauffii (Maire) Maire Aizoaceae Anabasis articulate (Forssk.) Moq. Amaranthaceae Arthrocnemum macrostachyum (Moric.) K. Koch Amaranthaceae Atriplex glauca L. Amaranthaceae Atriplex halimus L. Amaranthaceae Bassia muricata (L.) Asch. Amaranthaceae Caroxylon tetragonum (Del.) Moq. Amaranthaceae Caroxylon tetrandrum (Forssk.) Akhani & Roalson Amaranthaceae Caroxylon vermiculatum (L.) Akhani & Roalson Amaranthaceae Nucularia perrinii Batt. Amaranthaceae Suaeda maritima (L.) Dumort. Amaranthaceae Suaeda monodiana Maire Amaranthaceae Suaeda vera Forssk. Ex J.F. Gmelin Amaranthaceae Traganum nudatum Delile Amaranthaceae Pancratium trianthum Herb. Amaryllidaceae Periploca angustifolia Labill. Apocynaceae Atractylis aristata Batt. Asteraceae Cotula cinerea Delile Asteraceae Endopappus macrocarpus Sch. Bip. Asteraceae Launaea arborescens (Batt.) Murb. Asteraceae Launaea capitata (Spreng.) Dandy Asteraceae Launaea fragilis (Asso) Pau Asteraceae Launaea nudicaulis (L.) Hook. f. Asteraceae Pulicaria burchardii Hutch. subsp. burchardii Asteraceae Sonchus tenerrimus L. Asteraceae Echiochilon chazaliei (H. Boissieu) I.M. Johnston Boraginaceae Echiochilon simonneaui Faurel & Dubuis Boraginaceae Eremobium aegyptiacum (Spreng.) Asch. & Schweinf. Brassicaceae Gymnocarpos dedcandrus Forssk. Caryophyllaceae Polycarpaea nivea (Ait.) Webb Caryophyllaceae Cleome africana Botsch. Cleomaceae Cressa cretica L. Convolvulaceae Citrullus colocynthis (L.) Schrad. Cucurbitaceae Cynomorium coccineum L. Cynomoriaceae Euphorbia calyptrata Coss. & Kralik Euphorbiaceae Euphorbia granulata Forssk. Euphorbiaceae Frankenia corymbosa Desf. Frankeniaceae Heliotropium crispum Desf. Heliotropiaceae

56 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Juncus rigidus Desf. Juncaceae Salvia aegyptiaca L. Lamiaceae Teucrium chardonianum Maire & Wilczek Lamiaceae Acacia tortilis subsp. raddiana (Savi) Brenan Leguminosae Crotalaria saharae Coss. Leguminosae Lotus glinoides Boiss. & Spruner Leguminosae Lotus jolyi Batt. Leguminosae Ononis tournefortii Coss. Leguminosae Neurada procumbens L. Neuradaceae Nitraria retusa (Forssk.) Asch. Nitrariaceae Acanthorrhinum ramosissimum (Coss. & Durieu) Rothm. Plantaginaceae Kickxia aegyptiaca (L.) Nábělek Plantaginaceae Limonium chazaliei (Boiss.) Maire Plumbaginaceae Centropodia forskalii (Vahl) Cope Poaceae Heteropogon contortus (L.) Roem. & Schult. Poaceae Panicum turgidum Forssk. Poaceae Phragmites australis (Cav.) Steud. Poaceae Sporobolus robustus Kunth Poaceae Sporobolus spicatus (Vahl) Kunth Poaceae Polygala arenaria Willd. Polygalaceae Emex spinosa (L.) Campd. Polygonaceae Rumex simpliciflorus Murb. Polygonaceae Ruppia maritima L. Ruppiaceae Lycium intricatum Boiss. Solanaceae Tamarix amplexicaulis Ehrenb. Tamaricaceae Tamarix gallica L. Tamaricaceae Fagonia latifolia Delile Zygophyllaceae Tetraena gaetula subsp. waterlotii (Emb. & Maire) Beier & Thulin Zygophyllaceae Tetraena simplex (L.) Beier & Thulin Zygophyllaceae

57 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Annexe 2a. Espèces patrimoniales de Sebkhat Imlili.

Echiochilon simonneaui Sporobolus spicatus

Limonium chazaliei Echiochilon chazaliei

58 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Teucrium chardonianum Tetraena simplex

Endopappus macrocarpus Polycarpaea nivea

Opophytum theurkauffii Ruppia maritima

59 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Annexe 2b. Habitats de Sebkhat Imlili.

Vue à partir des dunes nord sur Sebkhat Imlili, avec les formations dunaires à Tamarix amplexicaulis et les nappes de végétation des bords de la Sebkha à Arthrocnemum macrostachyum, Phragmites australis, Juncus rigidus et Nitraria retusa.

Mosaïque d’habitats des bords d’eau dans la partie nord de la Sebkha avec des formations à Phragmites australis, des ceintures de Juncus rigidus, des nappes d’Arthrocnemum macrostachym et quelques pieds de Tetraena gaetula subsp. waterlotii.

60 Ibn Tattou - Flore et végétation de la Sebkha d’Imlili

Mosaïque d’habitats des chenaux d’eau dans la partie nord de la Sebkha avec des formations à Phragmites australis, Juncus rigidus, Arthrocnemum macrostachyum.

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Le genre Echiochilon (Boraginaceae), une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili (Sahara océanique)

Frédéric MEDAIL1*, Frédéric GUITER1, Philippe PONEL1 & Abdeljebbar QNINBA2

1. Aix Marseille Université, Avignon Université, CNRS, IRD, IMBE, Aix-en-Provence. Technopôle de l'Arbois- Méditerranée, BP 80, 13 545 Aix-en-Provence cedex 4, France. *([email protected]) 2. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, Avenue Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc.

INTRODUCTION La Sebkha d'Imlili (= Sebkhet Imlily ou Sebkhat Imlili) constitue une zone humide très originale, située à une quinzaine de kilomètres de l'océan Atlantique, au sud de la Baie de Dakhla (= Baie d’Oued Eddahab). Longue de 13 km et large de 2,5 km, elle occupe le fond d'une dépression tectonique d'orientation générale NNE-SSW (centre approximatif de la dépression : N 23°15, W 15°55'). Sa singularité biotique a été mise en évidence depuis une dizaine d’années (Qninba et al., 2009 ; 2017), notamment avec la présence d’une population relicte d’un poisson Cichlidé d’origine tropicale, le Tilapia de Guinée Coptodon guineensis (Agnèse et al., 2018). Si la majorité des études ont concerné la biodiversité animale, la flore vasculaire vient de faire l’objet d’une première analyse, qui a permis de recenser 68 espèces et sous-espèces dans la Sebkha elle-même mais surtout sur le reg plus ou moins ensablé qui la ceinture (Ibn Tattou, 2020). Une prospection réalisée en février 2019 a mis en exergue l’intérêt biogéographique et écologique de deux espèces d’échiochilons, végétaux de la famille des Boraginaceae (tribu Echiochileae), endémiques du Sahara occidental : l’échiochilon de Chazalie (Echiochilon chazaliei) et l’échiochilon de Simonneau (Echiochilon simonneaui)1, et des communautés végétales qu’ils déterminent. L’objectif de cette contribution est de présenter une première analyse de la biogéographie, de l’écologie et de la biologie de ces deux espèces en vue d’initier la conservation in situ de deux des éléments les plus remarquables de la flore de la Sebkha d'Imlili.

DISTRIBUTION ET INTERET BIOGEOGRAPHIQUE Le genre Echiochilon comporte 16 espèces occupant les habitats arides (http://www.theplantlist.org), depuis le Sahara occidental et l’Afrique du Nord jusqu’à la Corne de l’Afrique, l’Arabie, l’île de Socotra, l’Iran, le Pakistan et l’Inde (Lönn, 1999 ; Långström & Oxelman, 2003). En Afrique du Nord et au Sahara, se rencontrent trois espèces (Lönn, 1999) : Echiochilon chazaliei (H. Boissieu) I.M. Johnst endémique du Sahara océanique, Echiochilon fruticosum Desf. présent depuis le Maroc jusqu’au Nord-Ouest de l’Arabie Saoudite, et Echiochilon simonneaui Faurel & Dubuis endémique du Sahara occidental. Ce dernier comporte, d’ailleurs, ces trois espèces puisque Echiochilon fruticosum vient d’être découvert dans la région du Tirs, sur le reg ensablé des piedmonts entourant le massif de Derramane (C. Chatelain et al. III., 2017 ; F. Médail II., 2019). Dans les proches abords de la Sebkha d’Imlili, se rencontrent deux espèces d’échiochilons : - L’échiochilon de Chazalie, Echiochilon chazaliei : cette espèce est distribuée depuis la presqu’île du Cap Blanc (Nouâdhibou) en Mauritanie où elle a été décrite (Boissieu, 1896) jusqu’au Sud de Sidi Ifni (Sud Marocain) ; elle se localise sur la frange littorale correspondant au Sahara océanique où elle est assez fréquente (Fig. 1). L’espèce est

1. La nomenclature des plantes vasculaires est celle de la Base de données des plantes d’Afrique : https://www.ville-ge.ch/musinfo/bd/cjb/africa/index.php?langue=fr

63 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili présente aux abords de la Sebkha d’Imili, disséminée dans le secteur Nord-Ouest, mais la population la plus abondante, comptant plusieurs centaines d’individus, se localise à l’extrémité nord de la Sebkha. - L’échiochilon de Simonneau, Echiochilon simonneaui : cette espèce a été décrite (Faurel & Dubuis, 1959) en 1959 suite à sa découverte par P. Simonneau en amont de la Seguiet el Hamra à Hassi Janguet Quesat, en lisière Sud-Ouest de la Hammada du Draâ c’est-à-dire dans un secteur bien plus interne que celui du précédent taxon et qui correspond au Sahara occidental sensu stricto. Durant plusieurs décennies, seule la localité-type était connue avant que M. Fennane ne découvre une nouvelle station en avril 1988, à 45 km de vers Laâyoune (Fennane, 1989). Depuis, l’espèce a été à nouveau observée aux environs de Smara par A. Garcin (IV.2015, in www.teline.fr), puis par C. Chatelain et al. (obs. inéd., III.2017) près de Laâyoune, dans des dunes en direction de la côte, et plus au sud entre Dakhla et Bir Anzarane. Elle vient d’être découverte à l’extrême Nord-Ouest de la Mauritanie, à Oudeiat el Kiam par C. Chatelain (obs. inéd. XII.2018). L’échiochilon de Simonneau a été découvert sur le site de la Sebkha d’Imilili par M. Ibn Tatou lors de ses missions de 2010 et 2012 (Ibn Tattou, 2020), et nous l’avons revu en février 2019 dans deux stations situées de part et d’autre de la Sebkha. Chacune de ces deux stations ne semble comporter qu’une vingtaine d’individus disséminés dans le reg ensablé, mais une prospection approfondie serait nécessaire afin de réaliser un recensement démographique adéquat. À ce jour, l’Echiochilon simonneaui apparaît donc un peu moins rare que ne le laissent supposer les indications de la littérature récente (Fennane, 2017), puisqu’au moins sept localités ont été recensées depuis sa description (Fig. 1). Il est probable que d’autres stations seront découvertes car le territoire du Sahara occidental est immense, et encore bien peu prospecté du point de vue botanique.

Figure 1. Carte de distribution d’Echiochilon chazaliei (points rouges) et d’Echiochilon simonneaui (points verts) au Sahara atlantique, d’après les données de la littérature et des indications inédites (notamment de C. Chatelain, comm. pers.).

64 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

Sur le plan évolutif, l’origine des diverses espèces d’échiochilons a été postulée à partir d’un taxon ancestral à vaste aire de distribution, depuis le Sahara occidental et l’Afrique du Nord jusqu’à l’Arabie et l’Inde (Långström & Oxelman, 2003). Du point de vue phylogénétique (séquences ITS de l’ADN ribosomal), seul E. chazaliei a pu être pris en compte dans l’étude précédente, et l’arbre phylogénétique montre la proximité de ce taxon avec E. fruticosum. La différenciation des diverses espèces a dû se réaliser suite à plusieurs événements de vicariance et d’isolement des lignées génétiques mais le tempo évolutif reste à préciser, notamment par rapport aux fluctuations environnementales si contrastées qu’a connu le Sahara depuis quelques millions d’années (Médail & Quézel, 2018).

MORPHOLOGIE Les deux espèces d’échiochilons présentes à Imlili se distinguent assez aisément sur le plan morphologique (Faurel & Dubuis, 1959 ; Lönn, 1999) (Fig. 2).

a b Figure 2. (a) Echiochilon chazaliei : A, habitus. B, corolle. C, stigmate et extrémité stérile du style. D, nucule. E, calice. (b) Echiochilon simonneaui : A, habitus. B, corolle et calice. C, stigmate et extrémité stérile du style. D, nucule. E, poil foliaire en forme de cône (d’après Lönn, 1999 modifié).

Chez E. simonneaui, les feuilles sont assez épaisses et coriaces, plates, triangulaires-allongées à plus grande largeur basale, avec des poils épais et coniques seulement sur les marges et la nervure principale dorsale (Fig. 3), alors que chez E. chazaliei les feuilles sont très épaisses, charnues, rapprochées, linéaires-oblongues ou obovales-spatulées (Fig. 4f), avec des poils apprimés très nombreux surtout sur la face inférieure ; la corolle est rose lilacin, longue de 12-15 mm, avec un tube gibbeux dorsalement chez E. simonneaui, mais elle est bleue, longue de 12-20 mm, à tube cylindracé chez E. chazaliei ; le calice comporte 5 sépales dont l’un est plus fin et de moitié plus court chez E. simonneaui, tandis que chez E. chazaliei les cinq sépales sont inégaux dont l’un est très petit ou absent ; la nucule est brun-fauve et finement granuleuse chez E. simonneaui, tandis que chez E. chazaliei elle est blanc-jaunâtre et irrégulièrement tuberculée vers l’apex.

ECOLOGIE D’après les indications de la littérature, Echiochilon chazaliei est lié aux sables et falaises du littoral, aux vallées ensablées à nebkhas, aux sables superficiels sur dalle calcaire de la Hamada littorale (Emberger & Maire, 1941, Lebrun, 1998). Echiochilon simonneaui est une espèce qualifiée de "subdésertique" par Faurel & Dubuis (1959), dont l’habitat principal est constitué par les substrats caillouteux avec galets siliceux et calcaires et un voile sableux fixé

65 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

(Fennane, 1989 ; A. Garcin in https://www.teline.fr) et par les rochers ensablés (A. Dobignard comm. pers.) ; toutefois, l’espèce a aussi été notée sur des dunes littorales (C. Chatelain et al. obs. inéd., III.2017). Mais contrairement aux indications précédentes, les deux espèces d’échiochilons des abords de la Sebkha d’Imlili ont une écologie voisine, au point qu’elles co-existent au sein de la station du Nord-Ouest de la Sebka (sympatrie) où elles se retrouvent dans le même habitat (syntopie). E. chazaliei est toutefois un peu plus liée aux sables vifs (espèce psammophile) que E. simonneaui qui affectionne les sables fixés à éléments plus grossiers et enrichis de cailloutis.

a b Figure 3. L’échiochilon de Simonneau (Echiochilon simonneaui) de la station située au Nord-Est de la Sebkha d’Imlili, 06.II.2019 (clichés F. Médail /IMBE).

Au sein des deux stations bordant la Sebkha d’Imlili, l’écologie de l’échiochilon de Simonneau est la suivante : - Dans la station du Nord-Est de la Sebkha, elle est disséminée sur un reg ensablé (Fig. 3a) près d’une discontinuité avec la dalle à calcaire coquiller qui forme un petit plateau ; le substrat est du sable fixé parsemé de cailloutis. La structure de la végétation est une steppe à Panicum turgidum, Launaea arborescens et Tetraena gaetula subsp. waterlotii. Parmi les autres espèces vivaces mentionnons Crotalaria saharae, Farsetia stylosa, Gymnocarpos decandrus, Heliotropium erosum, Polycarpaea nivea, Traganum nudatum, et Teucrium chardonianum, endémique du Sahara océanique. Le reste de la végétation est composé d’espèces annuelles, notamment des Fabacées (Lotus glinoides, Lotus jolyi, Ononis cf. tournefortii) et Brocchia cinerea. - Dans la station du Nord-Ouest de la Sebkha, elle apparaît très ponctuellement (i) dans un reg ensablé colonisé par une steppe clairsemée basse à Tetraena gaetula subsp. waterlotii et Polycarpaea nivea, et (ii) dans une dépression sableuse occupée par une steppe à Tetraena gaetula subsp. waterlotii, Sporobolus cf. spicatus, Salsola vermiculata et Polycarpaea nivea ; dans ces deux ensembles, certaines plantes annuelles (Brocchia cinerea, Lotus glinoides, Neurada procumbens) ont un recouvrement temporaire assez important. À l’extrémité Nord-Est de la Sebkha, l’échiochilon de Chazalie structure avec Launaea arborescens une communauté végétale originale, de sorte qu’il reste envisageable de décrire une association phytosociologique particulière déterminée par ces deux espèces. Cette communauté se rencontre sur des replats inter-dunaires de sable fixé présents entre les nebkhas à Tamarix amplexicaulis et Nitraria retusa. Parmi les autres espèces pérennes, Panicum turgidum est ponctuellement présente tout comme Tetraena gaetula subsp. waterlotii, Heliotropium erosum et Polycarpaea nivea. Le voile sableux est colonisé temporairement par diverses annuelles : Ononis cf. tournefortii et Lotus glinoides ont le recouvrement le plus important et sont associées à Brocchia cinerea, Launaea amal-aminiae, Lotus jolyi et Mesembryanthemum cryptanthum. Dans cette remarquable station, l’échiochilon de Chazalie forme par endroit un faciès quasi monospécifique (Fig. 4a) avec une forte régénération et des individus âgés au tronc bien apparent (Fig. 4d, e). Cette communauté à échiochilon de Chazalie, située déjà à l’intérieur des terres, diffère sensiblement de celles du littoral atlantique. Au Nord-Est de Dakhla, une telle formation sur dune littorale est dominée par Lotus assakensis

66 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

(Fig. 4b), avec deux autres psammophytes (Cyperus capitatus et Frankenia corymbosa), espèces absentes des relevés effectués à la Sebkha d’Imlili (F. Médail, obs. pers).

a b

c d

e f Figure 4. L’échiochilon de Chazalie (Echiochilon chazaliei) ; (a) habitat de l’espèce en faciès dominant, station du nord-est de la Sebkha d’Imlili, 08.II.2019 ; (b) habitat de l’espèce sur une dune littorale avec Lotus assakensis au nord-est de Dakhla, 13.II.2019 ; (c) individu sur reg ensablé de la station au nord-ouest de la Sebkha d’Imlili, 07.II.2019 ; (d et e) individus au tronc apparent, étendue sableuse de la station au nord-est de la Sebkha d’Imlili, 08.II.2019 ; (f) détail des rameux fleuris et feuillés d’un individu de la station du nord-est de la Sebkha d’Imlili, 07.II.2019 (clichés F. Médail /IMBE).

67 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

BIOLOGIE Les deux espèces d’échiochilons fleurissent de janvier à début mai selon les secteurs et les pluies reçues. Il s’agit de sous-arbrisseaux dont la durée de vie reste inconnue. De nombreux individus de E. chazaliei de la station du Nord- Est de la Sebkha d’Imlili étaient visiblement assez âgés (quelques décennies ?) avec un "tronc" tortueux bien individualisé de 50-60 cm de hauteur, parfois à port rampant (Fig. 4d, e). La déflation éolienne peut dégager la base de certaines tiges lignifiées. Dans cette station, là où il est nettement dominant, Echichilon chazaliei est activement pollinisé par divers insectes appartenant à plusieurs ordres (Fig. 5) : (i) des Lépidopères, notamment la Belle-Dame ou Vanesse des chardons, Vanessa cardui (Linnaeus, 1758) (famille des Nymphalidae), et plus surprenant deux papillons hétérocères, le Sphinx livournien, Hyles livornica (Esper 1780) (famille des Sphingidae) et une noctuelle indéterminée (famille des Noctuidae). Le sphinx est une espèce africaine migratrice qui semble assez polyphage à l'état larvaire (Robineau, 2007) ; au vu de son abondance à Imlili, il doit jouer un rôle important dans la pollinisation de l’échiochilon ; (ii) trois Hyménoptères dont deux abeilles solitaires : Colletes lacunatus (Dours, 1872) (famille des Colletidae), espèce saharo-sindienne largement distribuée depuis le Sahara, la Péninsule arabique et les régions xériques du Nord- Ouest de l’Inde (M. Kuhlmann, comm. pers.), et la mégachile Megachile jeanneli (Benoist, 1934) à distribution restreinte à l’Afrique du Nord-Ouest (famille des Megachilidae) ; (iii) un Diptère bombyle (famille des Bombyliidae).

a b

c d

Figure 5. Quatre insectes pollinisateurs principaux de l’Echiochilon chazaliei à la Sebkha d’Imlili : (a) le Sphinx livournien, Hyles livornica (Esper 1780) (d’après http://sphingidae-haxaire.com) ; (b) la Vanesse des chardons, Vanessa cardui (Linnaeus, 1758) (d’après https://fr.wikipedia.org/wiki/Belle-Dame_(papillon)) ; (c) l’abeille solitaire Colletes lacunatus (Dours, 1872) (cliché Ph. Ponel/IMBE) ; (d) l’abeille solitaire Megachile jeanneli (Benoist 1934) (cliché Ph. Ponel/IMBE).

68 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

Par manque de temps, il n’a pas été possible d’observer des pollinisateurs sur l’Echiochilon simonneaui, la plante étant plus rare et disséminée. Mais certains pollinisateurs ubiquistes et fréquents sur le site comme la Vanesse, le Sphinx, ou certains Hyménoptères qui visitent l’échiochilon de Chazalie, doivent sans doute aussi polliniser cet autre échiochilon. Toutefois, la présence d’un tube gibbeux (i.e. avec une bosse) dorsalement, au niveau de la corolle d’Echiochilon simonneaui (Faurel & Dubuis, 1959) doit empêcher les abeilles à langue courte de le polliniser et une disparité de la guilde des pollinisateurs entre les deux échiochilons paraît donc envisageable. Il n’en reste pas moins que ces deux végétaux sous-frutescents, à l’abondante floraison dans des régions aussi rudes, sont très attractifs pour les Rhopalocères, les Hétérocères et les abeilles sauvages.

CONSERVATION La présence de deux espèces d’échiochilons aux abords de la Sebkha d’Imlili constitue un élément remarquable de la biodiversité du site, et à ce titre il mérite d’être intégré aux planifications futures visant à la conservation de cet écocomplexe très original. En effet, l’échiochilon de Simonneau est une espèce végétale endémique qui semble très rare du Sahara occidental puisque seulement sept localités sont connues à ce jour au niveau mondial (Fig. 1). Il est considéré dans le récent Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc comme "en danger critique d’extinction" (catégorie CR de l’UICN) par Fennane (2017). Mais au vu des récentes stations découvertes, cette cotation de menace mérite sans doute d’être revue à la baisse. Au Nord-Ouest de la Sebka d’Imlili, l’espèce est associée à l’échiochilon de Chazalie dont il partage le même habitat, une situation jusqu’alors non signalée. La communauté dominée par Echiochilon chazaliei au Nord-Est de la Sebkha est de fort intérêt écologique car le peuplement est dense, avec de vieux individus au port caractéristique mais aussi une bonne régénération et une structure démographique équilibrée. Il s’agit sans doute d’une des stations les plus internes connues et, de fait, cette formation est originale sur le plan de la composition floristique, comparée aux communautés plus littorales où se rencontre en général cet échiochilon. De plus, il constitue un élément fonctionnel clé pour l’entomofaune pollinisatrice qui est très abondante sur les individus couverts de fleurs. Cette espèce endémique du Sahara océanique est considérée comme "vulnérable" (catégorie VU de l’UICN) dans le Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc (Fennane, 2017). Au vu de ces éléments préliminaires, il conviendrait de recenser et délimiter plus précisément les diverses stations existant de ces deux échiochilons aux abords de la Sebkha d’Imlili, et d’en assurer leur protection. À ce titre, il est nécessaire d’empêcher toutes "divagations" de 4x4 qui détruiraient immanquablement certains pieds et altéreraient le recrutement de la population. Des traces anciennes de 4x4 ont d’ailleurs été constatées dans la formation exceptionnelle d’échiochilon de Chazalie du Nord de la Sebkha. Les nomades sahraouis connaissent bien l’échiochilon de Chazalie, nommé El Halem (Zolotarevsky & Murat, 1938), El Halma (Guinea, 1948), lhálmœ (Monteil, 1953). Mais d’après toutes les études ethnobotaniques consultées, ils ne semblent pas utiliser cette espèce, ni l’échiochilon de Simonneau, à des fins médicinales ou autre. Ces deux échiochilons, et les communautés qu’ils déterminent, mériteraient des études ultérieures afin de mieux connaître leur biologie (analyse précise de la guilde des pollinisateurs et de l’entomofaune associée, analyse des modalités de recrutement et de la longévité maximale des individus, mode de dissémination des graines, examen des possibilités d’hybridation) et de définir plus précisément leur niche écologique, gage d’une meilleure préservation.

REMERCIEMENTS Nous remercions l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie (IMBE, UMR Aix-Marseille Univ./CNRS/IRD/Avignon Univ.) qui nous a octroyé un financement (ligne budgétaire IRD "Soutien aux missions au Sud" 2018) pour réaliser la mission de février 2019 au Sahara océanique marocain, à l’origine de ce travail. Merci à Mhammed Alifal (Tribu Sahraoui des Tidrarine), notre guide, chauffeur et cuisinier pour sa gentillesse et ses compétences durant toute la mission. Merci au Dr. Cyrille Chatelain (Conservatoire et jardin botaniques de la Ville de Genève) pour nous avoir communiqué plusieurs localités inédites d’Echiochilon du Sahara occidental.

69 Médail et al. Le genre Echiochilon, une originalité biogéographique majeure de la flore de la Sebkha d’Imlili

Merci au Prof. Dr. Michael Kuhlmann (Zoological Museum of Kiel University, Allemagne) pour la détermination de l’abeille solitaire du genre Colletes, et à Christophe Praz pour la détermination de la mégachile. Merci au Dr. Agathe Leriche (IMBE) pour son aide dans la réalisation de la carte de distribution des deux échiochilons.

REFERENCES Agnèse J.-F., Louizi H., Gilles A., Berrada Rkhami O., Benhoussa A., Qninba A. & Pariselle A. 2018. A euryhaline fish, lost in the desert: The unexpected metapopulation structure of Coptodon guineensis (Günther, 1862) in the Sebkha of Imlili. Comptes Rendus Biologies, 341, 75-84. Boissieu de H. 1896. Contribution à la connaissance du littoral saharien. Étude sur la flore du Cap Blanc. Journal de Botanique, 10, 218-221. Emberger L. & Maire R. 1941. Catalogue des plantes du Maroc (Spermatophytes et Ptéridophytes). Volume IV. Imprimerie Minerva, Alger, 915-1181. Faurel L. & Dubuis A. 1959. Remarques à propos d’un nouvel Echiochilon d’Afrique du Nord : E. Simonneaui. Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de l’Afrique du Nord, 50, 315-322. Fennane M. 1989. Note floristique : récoltes botaniques au Nord du Sahara occidental (Maroc). Bulletin de l'Institut Scientifique de Rabat, 13, 95-97. Fennane M. 2017. Eléments pour un Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc. Fasc. 4. Basellaceae - Buxaceae (version 1, octobre 2017). Edit. Tela-Botanica. Licence CC-BY NC ND, 29 p. Guinea E. 1948. Catálogo razonado de las plantas del Sáhara español. Anales del Jardin Botánico de Madrid, 8 : 357-442 + 1 pl., 1 carte et 10 pl. photos. Ibn Tattou M. 2020. Contribution à l'étude de la flore et de la végétation de Sebkhat Imlili (Sahara océanique). In : Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique. Qninba A., Semlali M.L., Pariselle A. & Himmi O. (éds.). AZ Editions, Rabat. 49-61. Långström E. & Oxelman B. 2003. Phylogeny of Echiochilon (Echiochileae, Boraginaceae) based on ITS sequences and morphology. Taxon, 52, 725-735. Lebrun J.-P. 1998. Catalogue des plantes vasculaires de la Mauritanie et du Sahara occidental. Boissiera, 55, 1-322. Lönn, E. 1999. Revision of the three Boraginaceae genera Echiochilon, Ogastemma and Sericostoma. Botanical Journal of the Linnean Society, 130, 185-259. Médail F. & Quézel P. 2018. Biogéographie de la flore du Sahara. Une biodiversité en situation extrême. IRD Éditions & Éditions des Conservatoire et jardin botaniques de Genève, Marseille, 366 p. Monteil V. 1953. Contribution à l'étude de la flore du Sahara occidental. De l'arganier au karité. Catalogue des plantes connues des Teknas, des Rguibats et des Maures. Tome II. Institut des Hautes Études Marocaines, Notes & Documents n° 6. Éditions Larose, Paris, 147 p. Robineau R. (coord.) 2007. Guide des papillons nocturnes de France. Delachaux et Niestlé, Paris, 288 p. Qninba A., Ibn Tattou M., Radi M., El Idrissi Essougrati A., Bensouiba H. & Ben Moussa S. 2009. Sebkhet Imlily, une zone humide originale dans le Sud marocain. Bulletin de l’Institut Scientifique, Section Sciences de la Vie (Rabat), 31, 51-55. Qninba A., Benhoussa A., Samlali M.L., Pariselle A., Agnèse J.-F. & de Buron I. 2017. Observations ornithologiques du 14 au 16 avril 2017 à la Sebkha d’Imlili (Sud marocain). Go-South Bulletin, 14, 37-42. Zolotarevsky B. & Murat M. 1938. Rapport scientifique sur les recherches de la mission d’études de la biologie des Acridiens en Mauritanie (A.O.F.). Première mission oct. 1936-mars 1937. Bulletin de la Société d’Histoire naturelle de l’Afrique du Nord, 29, 29-103 + 1 carte et 7 pl. h.t.

70 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Biodiversité aquatique de la Sebkha d'Imlili

Oumnia HIMMI1, Abdellatif BAYED1, Mohammed Aziz EL AGBANI1, Fatima HARA1, Taoufik EL BALLA2, Mohammed LAGHDAF KHAYYA2 et Abdeljebbar QNINBA1

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. *([email protected]). 2. Association Nature Initiative de Dakhla (ANI). Avenue Mohamed Fadel Semlali, Dakhla, Maroc, B.P. 79, Ad-Dakhla 73 000, Maroc.

INTRODUCTION En 2012, la Sebkha d'Imlili a été décrite par Qninba et al. (2009) comme un écosystème original situé dans la province d’Oued Eddahab, à l'extrême Sud du Maroc. Ce premier travail a permis d’y identifier le Tilapia de Guinée Coptodon guineensis (Bleeker 1862), espèce de poisson de la famille des Cichlidés, inconnue jusqu’alors de toute l’Afrique du Nord et du Sahara, avant sa découverte dans le bassin de l’Oued Chbeyka (Qninba et al., 2012) puis dans le Banc d’Arguin en Mauritanie (Kide et al., 2016). Dans le but de faire un diagnostic écologique exhaustif, une étude scientifique pluridisciplinaire a été initiée par l'équipe Zones Humides de l'Institut Scientifique et l'Association Nature-Initiative ; la biodiversité aquatique du site a pu être étudiée, sachant que d'autres volets de l'étude pluridisciplinaire vont permettre d'élucider la genèse de cette Sebkha, son fonctionnement hydrologique et son évolution. Notons que la biodiversité aquatique constitue avec les algues, le maillon inférieur de la chaine trophique. Sa connaissance nous permettra de comprendre la source trophique des Tilapia, de connaitre la répartition de la faune en fonction des différents paramètres, notamment physico- chimiques, et de rechercher des indications biologiques sur le fonctionnement de la Sebkha. Par ailleurs, ce diagnostic va permettre d'assoir une base de données pour la mise en valeur naturelle et écotouristique de cet écosystème afin de pouvoir le valoriser et le protéger.

MATERIEL ET METHODES

Milieu physique La Sebkha d'Imlili est une zone humide saharienne qui peut s’assécher complètement, à l'exception de poches d'eau permanente. Elle se situe à une quarantaine de kilomètres au Sud de la Baie de Dakhla et à plus de 300 km de la frontière avec la Mauritanie (Fig. 1). A vol d'oiseau, elle se trouve à 15 km du littoral atlantique. C’est une dépression continentale peu profonde (moins d’une dizaine de mètres), allongée (environ 13 km de long sur 2,5 km de large) et d’orientation générale NNE-SSW (Qninba et al., 2009) ; elle est caractérisée par l’existence dans sa partie nord de plus de 160 poches d’eau permanente salée à hypersalée (Bayed et al., 2020), dont la pérennité est assurée par des résurgences de la nappe phréatique superficielle, elle-même alimentée par les crues occasionnelles dans la région (Emran et al., 2020 ; Hilali et al., 2020). En effet, la formation des zones humides salées dans ces régions est généralement contrôlée en grande partie par les changements temporels des précipitations à l’intérieur du bassin (Bryant, 1999). Le sol est sableux de couleur rougeâtre mélangé à des particules de sel cristallisé. Le fond des poches est sablonneux avec apparition de concrétions de sable et de sel sur les pourtours. Cette Sebkha est bordée dans sa partie Nord et Ouest par une ceinture (large de 20 à 30 m) de végétation aquatique mixte à base d'émergentes hautes. Elle est entourée de dunes de sable recouvertes de végétation désertique assez dense.

71 Himmi et al. – Biodiversité aquatique

Figure 1. Localisation géographique de la Sebkha d'Imlili. De point de vue géologique, la Sebkha d'Imlili appartient au bassin méso-cénozoïque de Tarfaya-Laayoune-Dakhla, constitué d’un ensemble de petits bassins allongés parallèlement à la côte, formés durant le Mésozoïque dans la direction marine du craton stable Ouest Africain ; alors que sa partie Sud-Est fait partie du domaine d’Oulad Dlim appartenant à la dorsale Réguibate, située à l’extrême Sud du Maroc (Rjimati & Zemmouri, 2011). L'étude morphométrique (Bayed et al., 2020) a révélé que les poches d'eau ont des formes et des dimensions très variables ; leur profondeur peut atteindre 4,5 m et leur superficie varie entre 20 cm2 et 495m2. La salinité suit un gradient NE-SW et peut atteindre 350 PSU.

Echantillonnage Au départ, la Sebkha a été prospectée en se basant sur les cartes de Google Earth. Une fois les poches identifiées, leurs coordonnées géographiques ont été relevées avec précision à l'aide d'un GPS et une numérotation a été adoptée pour reconnaitre ces poches. Notre objectif étant l'étude de la biodiversité aquatique de ces poches d'eau permanente, le choix pour l'échantillonnage a été guidé par leur répartition, la variabilité de leur morphométrie et leur physicochimie ainsi que la nature de l'habitat écologique. Pour toutes les poches, des paramètres morphométriques ont été relevés, notamment la longueur, la largeur et la profondeur grâce à un décamètre pour les deux premiers paramètres et une perche graduée ou un profondimètre pour la profondeur. De même, la température, le pH, l’oxygène dissous, la conductivité, la résistivité, la salinité, la SDT, la Sigma t et le potentiel Redox ont été mesurés à l’aide d’un multi paramètres (HI 9828). Les résultats de cette étude morphométrique, ont fait l'objet d’un article à part (Bayed et al., 2020). Lors de la mission de juin 2012, 161 poches d’eau ont été prospectées en plus des 3 puits du côté Ouest de la Sebkha. Afin de ne pas trop modifier ou altérer le milieu, toutes les poches répertoriées n'ont pas été sujet à l'échantillonnage. 44 poches ont été choisies pour effectuer un prélèvement de faune aquatique et ce à l’aide d’un filet troubleau de 0,5 mm de vide de maille (25 cm de diamètre et profondeur de 45cm). L'échantillonnage a été fait de manière qualitative afin de prélever le maximum d'espèces. Cependant, les coups de filets (5 à 6) se faisaient de la même manière afin de rendre les résultats comparables. La présence de végétation aquatique, de poissons, de crevettes, de mollusques (et autres) a été notée. Lors de la mission de décembre 2012, seules 114 poches dont 14 étaient nouvelles ont pu être prospectées à cause de l’inaccessibilité de plusieurs poches après les précipitations d’octobre 2012 qui ont provoqué une submersion temporaire de la Sebkha. En avril 2016, 11 poches dont 5 nouvelles ont été échantillonnées dans le but de confirmer la présence de certaines espèces.

72 Himmi et al. – Biodiversité aquatique

Conservation et tri Les échantillons prélevés ont été transvasés dans une bassine en plastique, débarrassés des débris in situ puis conservés dans de l'alcool à 70°. Au laboratoire, le contenu des bocaux a été trié à l'œil nu et/ou sous loupe binoculaire afin de séparer les différentes familles.

Identification Le tri et la détermination des spécimens récoltés ont été réalisés en faisant appel à des ouvrages spécialisés dans l’identification des macroinvertébrés en général (Tachet et al., 1986) ; les Mollusques ont été identifiés par Pr Ghamizi (MNHN de Marrakech), les Diptères par Pr Kettani, les Hétéroptères et les Coléoptères par Pr Bennas (Faculté des Sciences de Tétouan). La liste des espèces est établie en précisant les principaux niveaux systématiques (Phylum, classe, Ordre, Famille, Genre, Espèce) auxquelles appartient chaque taxon. Notons que l’identification se limite pour certains groupes aux niveaux des Embranchement, Ordres, Familles ou Genres. La flore aquatique a été identifiée par Pr Ibn Tattou (Institut Scientifique).

RESULTATS

Flore aquatique La flore aquatique est caractérisée par la présence dans quelques poches d’eau d'espèces halophytes, principalement Ruppia maritima, caractéristique des eaux littorales. Les émergentes hautes sont représentées par des espèces adaptées aux zones humides salées. C'est ainsi que nous avons relevé Arthrocnemum macrostachyum, Phragmites australis et Juncus rigidus dans 10 poches sur les 161 prospectées soit une présence de ces espèces dans 6% des poches. Des algues ont été notées au niveau de 46 poches sur les 161 soit 28,5%. Enfin, plus de la moitié (59,5%) des poches prospectées étaient aphytiques. Le travail d’Ibn Tattou (2015, 2020) apporte plus de données quant à la végétation de la Sebkha et son périmètre immédiat.

Faune aquatique

Inventaire global La liste faunistique de la Sebkha d'Imlili comprend 45 taxons répartis entre 5 classes, 10 ordres, 16 familles et 30 genres représentant 4 Phylums (Chordés, Némathelminthes, Mollusques et Arthropodes). En effet, l’inventaire exhaustif de la faune aquatique au niveau de poches de la Sebkha d'Imlili (Tab. 1) a permis d'estimer l'importante biodiversité de cette Sebkha. Les poissons sont représentés par un seul taxon appartenant à la famille des Cichlidae (voir Louizi et al., 2020) Les Mollusques sont représentés par 3 taxons répartis entre 2 ordres et 2 familles constituant ainsi 6% de la faune aquatique présente dans les poches d'eau de la Sebkha. Le groupe des Arthropodes domine largement le peuplement d’invertébrés aquatiques avec 40 taxons au moins soit 88,89% des taxons rencontrés, alors que les Mollusques constituent 6,67% avec 3 espèces réparties entre 2 familles (Fig. 2). Les Némathelminthes et les Cichlidés, représentés par une seule espèce, constituent chacun 2,22% de la richesse spécifique globale. Les Arthropodes comptent à eux seuls 40 espèces réparties entre 3 classes, 7 ordres, 14 familles et 26 genres au moins. Cet inventaire montre la prédominance classique des Insectes qui comptent 92.5% de la richesse spécifique des Arthropodes recensés avec 37 taxons. La classe des Crustacés est représentée par 2 espèces, soit 5% et la classe des Arachnides avec 1 espèce au moins soit 2.5% (Fig. 3). Au sein de la classe des Insectes (Fig. 4), notons que le groupe dominant est celui des Diptères avec 23 taxons au moins (soit 62,2%) répartis entre 5 familles, suivi par les Coléoptères avec 11 espèces avec 3 familles soit 29,7%, puis les Hétéroptères avec 2 espèces (5,4%) et enfin les Homoptères avec 1 seule espèce (2,7%). Pour la répartition de ces taxons dans les poches de la Sebkha, il a été constaté que sur les 167 poches prospectées lors des différentes campagnes de prélèvements, seules 143 hébergeaient une faune aquatique (Poisson, crevette ou autre). 97 poches hébergent un seul taxon, 16 poches hébergent 2 taxons, 8 poches hébergent 3 taxons, 5 poches avec 4 taxons, et 4 poches avec 5 taxons, 5 poches avec 6 et 7 taxons chacune et une poche avec 8 et 9 taxons (Fig.5).

73 Himmi et al. – Biodiversité aquatique

Tableau 1. Inventaire faunistique des poches de la Sebkha d'Imlili

Orthocladius sp. Phylum Nemathelmintes Cricotopus sp. Cricotopussylvestris(Fabricius) Phylum Mollusca Cricotopusbicinctus (Meigen) Rheocricotopusatripes (Kieffer)

CL. GASTROPODA s. Fam. Chironominae O. Littorinimorpha tr.Chironomini Fam. Hydrobiidae ChironomusprasinusMeigen Ecrobia ventrosa sl Chironomus nuditarsus Keyl O. Pulmonata Chironomus plumosus (L.) Fam. Planorbidae Chironomus salinarius Kieffer Chironomus riparius Meigen Planorbarius metidjensis Forbes, 1838 Ancylus fluviatilis (Müller) Dicrotendipes sp. tr. Tanytarsini Phylum Arthropoda Tanytarsus heusdensis Goeghtbuer CL. Crustacea Tanytarsus sp. O. Ostracoda Virgatanytarsus sp. Fam. Cytherideidae Fam.Culicidae Cyprideis torosa Culiseta longiareolata O. Decapoda Culex hortensis Fam. Palaemonidae Aedes vexans Palaemonetes varians Fam. Tabanidae

CL. Arachnida O. Coleoptera O. Hydracarina Fam. Hydrophilidae CL. INSECTA Berosus hispanicus Küster, 1847 Berosus guilielmi Knisch, 1924 O. Heteroptera Enochrus bicolor (Fabricius, 1792) Fam. Corixidae Paracymus aeneus (Germar, 1824) Sigara selecta (Fieber, 1848) Paracymus relaxus (Rey, 1884) Sigara stagnalis (Leach, 1818) Paracymus sp. Sigara sp. Helochares lividus (Forster, 1771) O. Diptera Fam.Dytiscidae Fam. Ephydridae Nebrioporus ceresyi (Aubé, 1836) s.Fam. Ephydrinae Hygrotus (Coelambus) pallidulus (Aubé, 1850) tr. Ephydrini Fam. Hydraenidae Ephydra sp. Ochthebius (Ochthebius) cuprescens Guillebeau, 1893 tr. Scatellini Ochthebius notabilis Rosenhauer, 1856 Limnellia sp Ochthebius (Ochthebius) bifoveolatus Waltl 1835 s.Fam. Hydrellinae Ochthebius sp. tr. Hydrellini O. Homoptera Hydrellia sp. Fam. Dolichopodidae PhylumChordata Fam. Syrphidae Cl. Actinopterygii Fam. Chironomidae O. Perciformes s. Fam. Orthocladiinae Fam. Cichlidae tr. Orthocladiini Coptodon guineensis(Günther, 1862)

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RS 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Nemathelminthes Chordata Mollusca Arthropoda

Figure 2. Richesse spécifique (RS) par Phylum au niveau des poches de la Sebkha d'Imlili.

RS 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Arachnida Crustacea Insecta

Figure 3. Richesse spécifique (RS) par Classe systématique chez les Arthropodes au niveau de la Sebkha d'Imlili.

RS 25

20

15

10

5

0 Diptera Coleoptera Heteroptera Homoptera

Figure 4. Richesse spécifique (RS) par Ordre systématique chez les Insectes de la Sebkha d'Imlili. De même, la figure 6 montre que le Tilapia de Guinée est rencontré dans 109 poches ; les Mollusques ont été trouvés dans 30 poches et les Crustacés dans 25 poches. Pour les Insectes, les Hétéroptères et les Diptères ont été rencontrés dans 18 poches et les Coléoptères dans 16 poches. Les Némathelminthes, les Hydacariens et les Homoptères n'ont été rencontrés qu'au niveau d'une seule poche. La confrontation de la distribution de la Crevette et du Poisson au niveau des poches d’eau de la Sebkha en juin 2012 et en novembre 2012 (Fig. 7 & Fig. 8) met en évidence que ces deux composants ne se retrouvent pas dans les mêmes poches en juin, alors qu'en novembre-décembre, ces deux éléments de la faune ont coexisté dans au moins 6 poches.

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Figure 5. Richesse taxonomique par poches au niveau de la Sebkha.

Nombre de poches

100

80

60

40

20

0 Tilapia Diptères Crustacés Homoptera Mollusques Hydracarina Coléoptères Heéteroptères Nemathelminthes

Figure 6. Répartition des différents groupes zoologiques dans les poches de la Sebkha

1,2

1

0,8

0,6

0,4

0,2

0

S6 S2 S4 S7 S9

S59 S91 S50 S23 S32 S36 S38 S40 S53 S56 S64 S66 S68 S72 S74 S76 S79 S81 S83 S85 S93 S99 S12 S14 S16 S18 S20 S22 S25 S28 S30 S33 S42 S44 S46 S48 S52 S58 S78 S87 S89 S96 S98

S127 S113 S100 S102 S104 S107 S119 S121 S123 S125 S129 S131 S133 S136 S138 S140 S143 S145 S147 S150 S153 S109 S111 S115 S118 S141 S151 S155 S157 S159 S105b Crevettes Poissons Figure 7. Répartition de Coptodon guineensis et de Palaemonetes varians dans les poches d’eau lors de la campagne de juin 2012.

2,5

2

1,5

1

0,5

0

Poissons Crevettes Figure 8. Répartition de Coptodon guineensis et de Palaemonetes varians dans les poches d’eau lors de la campagne de novembre-décembre 2012.

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DISCUSSION La région saharienne est généralement caractérisée par de faibles et irrégulières précipitations ainsi que par une évaporation importante réduisant encore plus l'humidité dans cette zone. Ce qui induit une pauvreté en écosystèmes humides voire leur absence. Les Sebkhas et Chotts constituent les seules zones humides pouvant héberger une biodiversité aquatique très originale (Boutin et al., 2009). L'intérêt de l'étude des macroinvertébrés de la Sebkha d'Imlili est dû au fait qu'ils contribuent au flux d'énergie du réseau alimentaire dominé par le Tilapia vivant dans cet écosystème et constituent ainsi une source de nourriture en tenant un rang non négligeable dans l'équilibre écologique et la chaine trophique maintenus dans ce milieu extrême. Cette étude a permis de dresser un premier inventaire des espèces de macroinvertébrés aquatiques de la Sebkha d’Imlili. Pour beaucoup d’espèces, il s’agit des premières citations dans le domaine saharien et les plus méridionales au Maroc. Notons que la Sebkha d'Imlili héberge 2,5% des espèces de faune aquatique signalée au Maroc lors de l'Étude Nationale de Biodiversité (Dakki, 1998), 4,3% des genres et 8,5% des familles. Ce sont des pourcentages faibles, mais qui s’expliquent par la nature extrême de cet écosystème. De même, la comparaison de la faune aquatique de la Sebkha d'Imlili à la faune de certains sites littoraux au Nord du Maroc (Tab. 2) révèle que la Sebkha héberge 25% et 19,7% des familles retrouvées respectivement à Tahaddart et dans le complexe du bas Loukkos. De même, nous retrouvons 16,5% et 19,8 respectivement pour le nombre d'espèces rencontrées. Ces chiffres, s’ils montrent une certaine richesse relative par rapport à ces écosystèmes du Nord du Maroc, ils corroborent le phénomène de l’appauvrissement de la Biodiversité du Maroc vers le Sud du Maroc sous climat désertique (Dakki, 1979 ; 1986 ; 1998). Notons que la diversité biologique retrouvée au niveau des poches d'eau de la Sebkha d'Imlili est relativement très importante et particulièrement adaptée à un milieu extrême hypersalé. L'originalité de cet écosystème est d'autant plus intéressante par la présence d’un poisson d’origine tropicale, d’une espèce de crevette, d’ostracodes et de mollusques ainsi que par celle d’une végétation généralement inféodée à des écosystèmes littoraux ou estuariens. Tableau 2. Comparaison des taxons de macroinvertébrés relevés au niveau de la Sebkha d'Imlili avec d'autres sites au Nord du Maroc Familles Genres Espèces

BVZCT 63 139 229

CZHBL 81 12 192

Maroc 187 622 1531

Sebkha d'Imlili 16 27 38

Imlili / Maroc 8,5 4,3 2,5 (%)

En effet, la présence des crevettes (Palaemonetes varians Leach 1813) est exceptionnelle dans la mesure où c'est une espèce connue normalement des milieux saumâtres littoraux, voire marins et estuariens. Lagardère (1971) la décrit au Maroc comme une espèce euryhaline fréquentant les estuaires, les chenaux, les mares et les lagunes communiquant plus ou moins régulièrement avec la mer. D'après Turquier (1962), en Europe, elle vit dans des eaux saumâtres proches de la mer de façon à ce que les pontes se fassent en milieu marin. Mais c'est une espèce qui peut survivre à des salinités très basses. Par contre, au Sud de l'Europe, elle peut survivre dans des eaux douces. Au Nord du Maroc, El Kaim (1972) a cité la présence de femelles qui incubent dans des affluents à plusieurs kilomètres de l'embouchure de l’Oued Bou Regreg. Le régime alimentaire de cette espèce est omnivore (Kemp, 1910). Ce qui explique sa survie dans un milieu extrême comme la Sebkha d'Imlili. Sa présence au niveau de cette Sebkha témoigne de sa grande valence écologique et climatique. En effet, c'est une espèce connue de l'Atlantique à partir du Sud de la Norvège (Dolmen 1997). En Méditerranée, elle est présente tout le long du littoral d'Afrique du Nord et arrive au Nord-Ouest de la Tunisie (Jayachandran, 2001), en passant par l’Algérie (Falciai, 2001). Rosecchi et al. (1998) et Bordegat et al. (1991) l’ont également signalée en Camargue (France) et dans la région de Santa-Pola (Sud-Est de l'Espagne). De même, elle est signalée sur la côte occidentale du Maroc et sur les bords de la Mer Noire (Sollaud, 1919).

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Sur la côte atlantique marocaine, elle est signalée dans les oueds et les mares des environs de Larache (Ferrer Galdiano, 1924) et dans l'estuaire du Bou Regreg (El Kaïm, 1972). De même, sur la côte méditerranéenne, elle a été décrite comme commune dans la lagune de Melilia (Zariquey Alvarez, 1952 ; 1968). Pour les Mollusques, l'échantillonnage de Planorbarius metidjensis, connue pour préférer les eaux douces, calmes et de faible profondeur, et Ancylus fluviatilis, inféodée aux eaux douces et courantes, soulève des questionnements quant à cette présence insolite et laisse penser que la Sebkha passe, ne serait-ce que temporairement, par un régime hydrologique courant et un écoulement d'eaux douces ! La présence de la troisième espèce, Ecrobia ventrosa, inféodée aux eaux salées des côtes méditerranéennes et atlantiques et abondante au niveau des poches de la Sebkha, enregistre une citation nouvelle pour le Sud du Maroc (Ghamizi, 1998 ; Ghamizi et al., 2020). La présence de l'Ostracode Cyprideis torosa, signalé comme espèce marine, représente également une originalité quant à la biodiversité aquatique de la Sebkha d'Imlili. En effet, cette espèce généralement rencontrée dans une large gamme de salinités dans des écosystèmes littoraux, peut être rencontrée dans des milieux marins marginaux, jusqu'à une profondeur de 30 mètres. (http://www.marinespecies.org/aphia.php?p=taxdetails&id=127986). De même, l’espèce semble préférer un substrat boueux ou sableux et peut se rencontrer sur des algues. C'est une espèce spécifique aux environnements côtiers (marges marines), très euryhaline, opportuniste et très eurytherme, colonisant les milieux à salinités extrêmes. C. torosa est connue pour s'adapter à des conditions stressantes telles que les variations rapides et fréquentes de la salinité, la sursalure-désalure et l'évaporation. Dans la base de données ‘World register of Marine ’ (WORMS), elle est signalée comme espèce fossile au niveau de la mer du Nord en Belgique (Wouters, 2010), en Pologne au niveau de la mer baltique (Kedra, 2010) et au niveau de l’atlantique Nord (Horne et al., 2001) ainsi qu’en Angleterre, en Irlande et en Afrique centrale (Athersuch et al., 1989). Les seules formes vivantes sont signalées en grande Bretagne et en Irlande. Dernièrement, Scharf et al. (2016) l’ont signalée pour la première fois en Allemagne. Au Maroc, C. torosa est une espèce commune qui est retrouvée au niveau d’un certain nombre d’estuaires au Nord du pays, notamment à Tahaddart (Nachite et al., 2010), au niveau de Merja Zerga (Bayed et al., 1987) ainsi que dans beaucoup de dayas temporaires (Ramdani, 1986 ;1988). Ces milieux extrêmes, à forte euryhalinité et eurythermie et longue période d’émersion, sont colonisés presque exclusivement par des espèces opportunistes très euryhalines (Carbonel, 1980 ; Carbonel & Pujos, 1982 ; Lachenal, 1989 ; Lachenal & Bodergat, 1990). Par ailleurs, dans les Chotts d’Algérie, Mouelhi et al. (2000), Zemmouri (1991), Samraoui & Dumont (2002), Samraoui et al. (2006), Kara et al. (2004) et Amarouayache et al. (2010) ont recensé un nombre important de Crustacés, regroupant de grandes familles (Anostraca, Nostraca et Spinicaudata), sans pour autant signaler cette espèce dans ces milieux ! Concernant les Diptères, à part Tanytarsus heusdensis et Chironomus plumosus, citées auparavant dans le Sud marocain dans Dra-Tal par Reiss (1977), toutes les autres espèces sont des citations nouvelles pour cette région (K. Kettani, comm. pers.). Au Nord du Maroc, elles ont été déjà retrouvées dans plusieurs localités, principalement dans les lacs du Moyen-Atlas, dans des merjas de la plaine atlantique et dans le Rif (Reiss, 1977 ; Ramdani & Tourenq, 1982 ; El Mezdi & Guidicelli, 1985 ; Azzouzi & Laville, 1987 ; Naya, 1988 ; Fekhaoui et al., 1993 ; Dakki, 1979 ; 1986 ; 1998 ; Kettani et al., 1994 ; 1995 ; 1996 ; 2001 ; 2010 ; 2011 ; 2012 ; Dakki & Himmi, 2008). De même pour les Ephydridae, selon la littérature, c’est une famille très répandue au Maroc, principalement dans les lacs du Moyen-Atlas selon les travaux de Vitte (1988, 1989, 1991). Toutefois, aucune espèce n’a été citée auparavant dans cette région d’Oued Eddahab. Au Sud marocain, les seules espèces signalées proviennent du Haut-Atlas, de l’Oued Souss, de Tarfaya, du Lac de barrage Al Mansour Eddahbi et de Ouarzazate (Dahl, 1964 ; Pârvu et al., 2006 ; Zatwarnicki & Mathis, 2011). Donc, cette famille est citée pour la première fois dans cette région. Du point de vue écologique, toutes les espèces de Diptères retrouvées dans la Sebkha d’Imlili préfèrent normalement les eaux calmes à stagnantes (Kettani, 1998). En outre, le genre Chironomus, dont les espèces Chironomus plumosus, Ch. riparius et Ch. salinarius, se retrouvent essentiellement dans les eaux calmes, assez chargées en matières organiques et minérales (Williams & Feltmate, 1992). De même, selon Cartier et al. (2011), Chironomus salinarius est une espèce commune des milieux saumâtres comme les lagunes côtières caractérisées par une large gamme de salinité. Cette espèce peut tolérer d'importantes variations de salinité ; celle-ci influence le temps de développement qui augmente proportionnellement à ce paramètre. Pour les Hétéroptères, les espèces retrouvées dans la Sebkha d’Imlili constituent les premières citations de ces espèces dans le domaine saharien et leur citation la plus méridionale non seulement au Maroc, mais dans l’ensemble de son aire de répartition (Bennas et al., 2016).

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Pour les Coléoptères, nos découvertes des huit espèces représentent les premières citations pour la région d’Oued Eddahab et dans le domaine saharien. Il s'agit de l'extension de leur aire de distribution vers le Nord (Bennas et al., 2016). Le fait de retrouver des Insectes dans les poches en majorité végétalisées laisse penser que c'est une colonisation progressive des poches qui ont été comblées partiellement par l'avancée du sable des dunes et l'installation d'une végétation halophyte où les poissons sont en général absents. Au niveau des poches aphytiques, nous retrouvons surtout des Mollusques et des Crustacés cohabitant ou non avec des Tilapias. Lors de nos prospections de juin 2012, nous n'avons recensé que 9 poches abritant des crevettes. De même, il a été constaté qu'en général, les poches où étaient présents des poissons, les crevettes n'étaient pas échantillonnées. Par contre, lors de la campagne de novembre-décembre 2012, nous avons échantillonné 16 poches avec des crevettes parmi lesquelles 6 hébergeaient aussi des poissons. Notons que la mission de novembre-décembre 2012 a été effectuée après un épisode pluvieux dans la région et qui a entrainé une crue et des inondations de la Sebkha. D'après Emran et al. (2020), Mhammdi et al. (2020) et Hilali et al. (2020), les analyses des données spécifiques convergent vers l'existence d'une structure géologique au niveau de la Sebkha et son bassin versant ce qui fait que les écoulements lors des crues se font du Nord-Est vers le Sud-Ouest. Ceci pourrait expliquer la présence surprenante, au niveau d'une poche du Nord-Est de la Sebkha, d'une espèce de Mollusque (Ancylus fluviatilis), normalement inféodée aux eaux courantes douces et qui ne tolère que des eaux très pures ! De ce fait, les inondations seraient à l'origine de l'expansion des poissons et crevettes dans le sens des écoulements des eaux du Nord-Est vers les poches du Sud-Ouest de la Sebkha où ils n'étaient pas présents avant l'épisode pluvieux. La cohabitation observée entre poissons et crevettes serait temporaire, le temps que le stock alimentaire soit épuisé.

CONCLUSIONS La Sebkha d'Imlili est une zone humide originale grâce d’abord à la pérennité des poches d’eau qui s’y trouvent et aussi à la flore et la faune aquatiques qui comportent des éléments généralement inféodés aux habitats littoraux/estuariens et dont certains sont d’origine tropicale. Cela confirme l’hypothèse selon laquelle la Sebkha d'Imlili est une zone humide relique tropicale qui a permis la survie d'espèces littorales et/ou marines et leur adaptation à des conditions extrêmes de salinité avec des ressources trophiques limitées. De ce fait, la Sebkha d’Imlili abrite simultanément des espèces caractéristiques de milieux tempérés et tropicaux et permet la persistance d’espèces inféodées aux milieux estuariens et/ou lagunaires. Toutefois, les résultats obtenus dans cette étude mettent en évidence la nécessité d’effectuer des inventaires faunistiques spatiotemporels et des études hydrobiologiques plus poussées qui permettraient d’expliquer le développement des communautés animales qui y vivent. Enfin, un effort de sensibilisation auprès des communautés autochtones usagères des ressources hydriques du site doit être fait ainsi que des campagnes d’information concernant l’importance de ces ressources pour la population locale et la biodiversité qu’ils abritent et son rôle dans le maintien des chaînes trophiques. Pour cette Sebkha, un intérêt particulier devrait être porté aux conséquences des changements climatiques qui pourraient non seulement accentuer les processus d'érosion du bassin versant et le comblement des poches d'eau, mais aussi augmenter le risque de générer des hausses de température dans les poches d'eau et une augmentation de la salinité́ consécutive à l'évaporation.

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Les Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Mohamed GHAMIZI1, Khadija BOULAASSAFER1, Oumnia HIMMI2 et Abdeljebbar QNINBA2

1- Université cadi Ayyad, Faculté des Sciences Semlalia, Laboratoire d’Hydrobiologie, Ecotoxicologie, Assainissement et Changements Climatiques & Muséum d’Histoire Naturelle de Marrakech, Maroc 2- Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire GEOBIO, GEOPAC Research Center, Rabat Agdal, Maroc.

CARACTERISTIQUES DU MILIEU La Sebkha d'Imlili est une zone humide saharienne qui se situe à une quarantaine de kilomètres au sud de la Baie de Dakhla, à plus de 15 km de l'océan atlantique et à environ 200 km de la frontière avec la Mauritanie (Fig. 1). C’est une dépression peu profonde (moins d’une dizaine de mètres), allongée (environ 13 km de long sur 2,5 km de large) et d’orientation générale NNE-SSW (Qninba et al., 2009). Elle est caractérisée par la présence, dans sa partie Nord, de plus de 160 poches d'eau permanente et hypersalée (Bayed et al., 2020). Cette Sebkha est bordée dans les parties Nord et Ouest par une végétation aquatique mixte à base d'émergentes hautes et, dans certaines poches, nous notons la présence de la Ruppie maritime Ruppia maritima. L'étude morphométrique (Bayed et al., 2020) a révélé que les poches d'eau ont des formes et des dimensions très variables ; leur profondeur peut atteindre 4,5 m et leur superficie varie entre 20 cm2 et 495 m2. La salinité suit un gradient NE-SW et peut atteindre 350 PSU. Le fond des poches est généralement sablonneux avec apparition de concrétions de sable et de sel sur les pourtours. Du point de vue faunistique, en plus des Mollusques, les poches hébergent une biodiversité parfois importante constituée d’un Poisson (Coptodon guineensis), d’une Crevette (Palaemonetes varians) et d'Insectes (Coléoptères, Diptères, …). Les Mollusques ont été échantillonnés dans 23 stations. C'est le groupe qui colonise le plus de poches après les poissons (Himmi et al., 2020).

Figure 1. Localisation de la Sebkha d'Imlili (Qninba et al., 2009).

85 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

LISTE DES ESPECES DE MOLLUSQUES Dans le cadre de l’étude pluridisciplinaire sur la Sebkha d'Imlili, des échantillonnages de la faune aquatique au niveau des poches d'eau de la Sebkha ont révélé l'existence de sept morphotypes de Mollusques différents, dont cinq appartiennent au genre Ecrobia. Les trois espèces dont les identifications sont confirmées par l’analyse des coquilles et de l’anatomie de l’ sont : 1. Planorbarius metidjensis (Forbes, 1838), Gastéropode pulmoné de la Famille des Planorbidae. (Fig. 2) Localité type : La Sebkha de Metidjah en Algérie. Distribution : Portugal, Espagne, Maroc, Algérie (Brown, 1994). Au Maroc, d’anciennes citations le rapportent de Rabat (Gaud, 1958) dans des dayas temporaires, et des canaux d’irrigation du Nord (Southgate et al., 1984). La carte de distribution de l’espèce est fournie par Ghamizi (1998). La limite méridionale est située près de Guelmim. La présence de cette espèce dans la Sebkha d’Imlili est nouvelle et retrace la limite méridionale de la répartition de cette espèce. Elle est connue par son potentiel de servir d’hôte intermédiaire pour les parasites du genre Schistosoma (en particulier S. bovis touchant le bétail). Bien que d’anciens rapports indiquent la transmission de S. haematobium au Portugal (Azevedo et al., 1948 ; Brown, 1994), plusieurs auteurs n’ont pas réussi à obtenir un développement normal du parasite au sein de ce Mollusque (Oliveira et al., 1974 ; Kechemir & Combes, 1982 ; Southgate et al.,1984 ; Brown 1994). 2. Ancylus fluviatilis (Muller, 1774), Gastéropode pulmoné de la Famille des Ancylidae (Fig. 3) Localité type : Thuringia en Allemagne Espèce largement distribuée. Accrochée aux pierres et au substrat rocheux, elle renseigne sur le courant ou les mouvements de l’eau. Espèce absente dans les eaux stagnantes. En forme de chapeau comme les patelles du milieu marin. Distribution large, des côtes marocaines aux côtes tunisiennes (Hubendick, 1970). Des populations reliques vivent dans des gueltas au Sud-Est algérien, trouvées en 1961 dans le Hoggar et en 1978 dans le Tassili (Van Damme, 1984). Au Maroc, sa récolte à Imlili est nouvelle pour la carte de distribution fournie pour l’espèce par Ghamizi (1998) et cette collecte lui donne une nouvelle limite méridionale. Sa présence dans un milieu salé est également assez étonnante. Les populations récoltées jusqu’à présent ont été trouvées dans de l’eau douce, courante, principalement des amonts des rivières et des cours d’eau des Atlas et du Rif.

Figure 2. Planorbarius metidjensis (Forbes, 1838). Figure 3. Ancylus fluviatilis (Muller, 1774).

3. Ecrobia ventrosa (Montagu, 1803), Gastéropode prosobranche de la Famille des Hydrobiidae (Fig. 4). Boeters (1976) révisait les Hydrobiidae de la Tunisie et concluait que toutes les espèces du Genre Hydrobia des eaux continentales de la Tunisie aussi bien que celles du Maroc appartiennent à la même espèce : Hydrobia aponensis (Boeters, 1976 ; Van Damme, 1984). Boeters (1976) considère H. aponensis comme espèce distincte, sans pour autant trouver des divergences entre les espèces d’Europe et celles du Nord de l’Afrique au niveau de l’anatomie ou de la forme et la structure de la radula ; il garde le nom H. aponensis duveyrieri (Bourguignat) pour les espèces Nord africaines car leurs coquilles tendent à être plus longues et plus minces (Van Damme, 1984).

86 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Des spécimens vivants dans l’oasis Messeïd près d’Al Ayoun au Sud marocain ayant des ressemblances avec H. acuta (Drapanaud, 1805), H. macei (Pallary) et H. aponensis (Martens) ont été considérées par Van Damme comme étant des morphes d’Hydrobia acuta vivant dans les eaux douces (Van Damme, 1984). Les spécimens d’Ecrobia récoltées à Imlili présentent des variations au niveau de la coquille correspondant à cinq morphotypes (Fig. 4). Les coquilles sont élancées. Le nombre de spire varie de cinq à six tours étagés, avec des sutures profondes chez les morphotypes 1, 2 et 4 et peu profondes chez les morphotypes 3 et 5. La plupart des échantillons étant mal conservés, seules les dissections du morphotype 1 ont permis de l’attribuer à l’espèce Ecrobia ventrosa caractérisée par la diagnose suivante de l’animal : Tête et manteau tachetés de noir, tentacules longues et cylindriques avec un filet pigmentaire médian ; yeux nettement pigmentés et proéminents ; trompe avec une mélanisation ordonnée. Chez la femelle, l'utérus est zoné et présente un gonopore subterminal ; glande à albumine plurilobée ; bourse copulatrice réniforme, plus longue que large, réceptacle séminal tubuleux ; oviducte pigmenté et forme 2 à 3 boucles avant de rejoindre le canal ventral de l’utérus. Chez le mâle : le pénis non pigmenté est en forme de fouet filiforme avec une petite expansion latérale gauche au niveau de son tiers proximal. Ces caractères permettent de différencier les spécimens d’E. ventrosa de Potamopyrgus antipodarum, Hydrobia acuta, Semisalsa aponensis et Hydrobia minoricensis dont la forme des coquilles est comparable aux spécimens des eaux salées d’Imlili. D’autre part S. aponensis récoltée dans le Sud marocain est une espèce des eaux douces (Van Damme, 1984 ; Ghamizi, 1998). Une analyse génétique est nécessaire pour statuer sur la taxonomie des différents morphes d’une façon plus approfondie. Distribution large sur la côte atlantique et présence sporadique au niveau de la Méditerranée (Gofas et al., 2011) ; collectée dans les zones saumâtres, dayas et marécages salés des côtes atlantiques et méditerranéennes (Ghamizi, 1998). Sa présence à Imlili est une nouvelle station pour l’espèce.

Figure 4. Les différents morphes d’Ecrobia ventrosa. a. morphotype 1, b. morphotype 2, c. morphotype 3, d. morphotype 4 et e. morphotype 5 (forme juvénile). Echelle= 1mm.

87 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Chonchiométrie Nous avons effectué les mensurations suivantes au niveau des coquilles pour les différents morphotypes du genre Ecrobia récoltés à Imlili. Nous donnons juste des indications sur les mensurations des cinq morphotypes. Les mesures doivent être réalisées sur plusieurs spécimens et comparées à l’aide de tests statistiques appropriés. Tableau 1. Mensurations des coquilles des spécimens d’Imlili du genre Ecrobia.

SH (mm) SW (mm) AH (mm) AW (mm) SW/SH (mm) AW/AH (mm) AH/SH (mm)

Morphotype 1 3,22 1,60 1,08 0,92 0,50 0,85 0,34 Morphotype 2 3,02 1,38 1,02 0,82 0,46 0,80 0,34 Morphotype 3 3,42 1,57 1,10 0,97 0,46 0,88 0,32 Morphotype 4 2,43 1,23 0,75 0,62 0,51 0,82 0,31 Morphotype 5 1,82 1,03 0,67 0,58 0,58 0,88 0,37 SH : Longueur de la coquille ; AH : Longueur de l’ouverture de la coquille ; SW : Largeur de la coquille ; AW : Largeur de l’ouverture de la coquille ; SW/SH: rapport de la largeur de la coquille sur la longueur de la coquille ; AW/AH: rapport de la largeur de l’ouverture de la coquille sur la longueur de l’ouverture de la coquille ; AH/SH: rapport de la longueur de l’ouverture de la coquille sur la longueur de la coquille.

Nombre de spécimens récoltés Le nombre de spécimens récoltés renseigne sur l’abondance de chaque morphotype. Nous constatons une fréquence importante du morphotype 1 de l’espèce Ecrobia ventrosa largement présente dans la zone d’Imlili avec une abondance variable (Fig. 5). Alors que les autres morphotypes sont peu fréquents (Fig. 6).

Nombre de spécimens

Stations (poches d’eau) Figure 5. Abondance du morphotype 1 : Ecrobia ventrosa à Imlili. Les autres espèces de Mollusques : P. metidjensis et A. fluviatilis, ne sont présentes que dans deux stations (A. fluviatilis dans S1 et P. metidjensis dans S1 et S2) et elles sont peu abondantes par rapport aux autres espèces de mollusques (Fig. 7). Les racines des plantes existantes au niveau de la station n°1 ont constitué un substrat auquel s’accrochent les spécimens de P. metidjensis. Du point de vue physico-chimique, les stations 1 et 2 sont celles ayant les valeurs les plus faibles de salinité (24,84 en S1 et 27 en S2 alors que la moyenne des autres stations est de 37.3) (Annexe 1) et du pH (7,74 à S1 et 7,79 a S2 alors que la moyenne des autres stations est de 8.31) (Annexe 2), d’oxygène dissous (31,9% en S1 et 63.1 en S2 et la moyenne de autres stations est de 66,1%) et de conductivité (38940 µS/cm en S1 et 41980 µS/cm en S2 alors que la moyenne des autres stations est de 55988 µS/cm) (Annexe 3) comparées aux autres stations d’Imlili. Ce qui pourrait expliquer l’existence de ces espèces des eaux douces dans cette Sebkha salée.

88 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Nombre de spécimens

Stations (poches d’eau)

Figure 6. Répartition des morphotypes (2, 3, 4, 5) dans les différentes stations d’Imlili.

Morphotype Morphotype Morphotype Morphotype Morphotype Planorbarius Ancylus 1 2 3 4 5 metidjensis fluviatilis

Figure 7. Répartition des deux autres espèces de mollusques et des spécimens d’autres taxa trouvés dans les échantillons.

CONCLUSION La Sebkha d’Imlili est une zone humide particulière dont les poches d’eau pérenne et salée constituent un habitat souhaitable pour les espèces d’Ecrobia ventrosa. Ce Mollusque Hydrobiidae généralement rapporté sur les côtes atlantiques est ainsi signalé à la Sebkha d’Imlili dans le Sud marocain. Des analyses génétiques sur des spécimens frais sont nécessaires pour savoir si on est confronté à différentes espèces distinctes ou bien s’il s’agit d’un polymorphisme au sein d’une même espèce. La présence d’Ancylus fluviatilis dans ce milieu salé mérite d’être soulignée et d’autres missions d’échantillonnages sont nécessaires pour statuer sur la microrépartition de cette espèce dans ce milieu et de son degré d’adaptation. Des mouvements d’eau sont probablement favorables à sa présence dans ce milieu. Au Maroc la Sebkha d’Imlili est la première zone humide à eaux salée où l’espèce P. metidjensis a été trouvée. Sa localité type est également une Sebkha, celle de Metidjah en Algérie. En général, elle ne se trouve que dans les eaux douces à faible courant (Ghamizi, 1998). La présence de Mollusques et de Vertébrés (poissons) constitue les deux composantes clé du système de transmission des Trématodes. Ces parasites ont obligatoirement dans leur cycle un Mollusque et un Vertébré. Il serait intéressant de chercher si des Trématodes parasites du Poisson Coptodon guineensis abondant dans la Sebkha d’Imlili utilisent comme hôte intermédiaire l’une des espèces de Mollusques rapportées dans cette étude.

89 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

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90 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Annexes

Annexe 1. Taux de salinité dans des stations représentatives dans la Sebkha d'Imlili. S1 : Ecrobia + P. metidjensis, S2 : Ecrobia + P. metidjensis+ A. fluviatilis

Annexe 2. pH dans des stations représentatives dans la Sebkha d'Imlili.

91 Ghamizi et al. Mollusques de la Sebkha d’Imlili

Annexe 3. Taux d’oxygène dissous dans des stations représentatives dans la Sebkha d'Imlili.

Annexe 4. Conductivité dans des stations représentatives dans la Sebkha d'Imlili.

92 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Différenciation morphologique de deux populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae) du Maroc

Halima LOUIZI¹, Jean-François AGNESE2, Ouafae BERRADA RKHAMI¹, Arnold R. BITJA NYOM3, Abdelaziz BENHOUSSA¹, Abdeljebbar QNINBA4 & Antoine PARISELLE1,2

1. Mohammed V University in Rabat, Faculté des Sciences, Laboratoire de Biodiversité, Ecologie et Génome, 4 Avenue Ibn Batouta, B.P 1014 Agdal, Rabat, Maroc. 2. ISEM, CNRS, Université de Montpellier, IRD, EPHE, Montpellier, France. 3. Université de Ngaoundéré, PO Box 454 Ngaoundéré, Cameroun. 4. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIO), Avenue Ibn Batouta, B.P. 703 Agdal, 10090, Rabat, Maroc.

INTRODUCTION Coptodon guineensis (Bleeker 1862) est un poisson Cichlidae endémique de l’Afrique de l’Ouest et Centrale. C'est une espèce euryhaline ; elle peut vivre et se reproduire dans une gamme de salinité très large allant de l’eau douce (0 g/L) à l’eau de mer (36 g/L) et peut même survivre dans une eau atteignant une salinité de 90 g/L (Albaret, 1987). Elle est eurytherme (14–33°C). Son régime alimentaire est omnivore à forte tendance phytophage (Fagade, 1972). C. guineensis est un pondeur sur substrat, au moment de la ponte, le mâle édifie un nid au niveau duquel les œufs sont pondus et fécondés ; puis, les alevins font l’objet d’une garde biparentale vigilante (Legendre, 1986). Cette espèce n’était pas signalée au Maroc jusqu’à ce que des populations isolées aient été récemment découvertes dans les trous d’eau salés de la Sebkha d’Imlili (salinité de 24 à plus de 70 g/L - Bayed et al., 2020), puis trois ans plus tard dans les gueltas des Oueds Aabar et Chbeyka (salinité 0 g/L) (Qninba et al., 2009 ; 2012) (Fig. 1). Ces deux populations présentant des différences évidentes dans leur coloration (critère important dans la systématique de cette famille de poissons) (Fig. 2), nous avons donc étudié leur variabilité morphologique à l'aide des caractères métriques (21 mensurations) (Fig. 3) et méristiques classiques (7 variables) afin de déterminer si nous sommes en présence d'une ou de deux entités distinctes.

MATERIEL ET METHODES Les poissons ont été collectés à l’aide de filets maillants dans l’Oued Aabar (affluent principal de l’Oued Chebyka) 27°56’09,9’’N 11°25’24,1’’W et dans 2 trous d’eau qui portent les numéros (35) : 23°16'35,21’’N-15°54'55,47’’W et (121) : 23°16'21,35’’N-15°55'17,42’’W parmi 161 poches d’eau présentes dans la Sebkha d’Imlili. Les mensurations et les comptages sont effectués sur le côté gauche du poisson, ou exceptionnellement sur le côté droit si l'individu est abîmé du côté gauche. Les mensurations (exprimées en millimètres), sont effectuées à l’aide d’un pied à coulisse (Mitutoyo), les acronymes de différents caractères (Tab. 1 et 2) sont dans le texte placés entre parenthèses (Barel et al., 1977 ; Snoeks, 1988 ; 2004 ; Teugels & Thys van den Audenaerde, 2003). Les valeurs observées des caractères métriques d'une part et des caractères méristiques d'autre part, ont fait l'objet d'une Analyse en Composantes Principales (ACP) à l'aide du programme statistique "XLSTAT". Dans ces analyses les valeurs des données méristiques ont été analysées directement, alors que les valeurs des mensurations (métriques) ont subi une transformation logarithmique. Nous avons trié les individus selon des gammes de tailles différentes : [60,8-90,2 mm] Longueur Standard (LS) et [70,3-90,3 mm] (LS) respectivement du trou 35 et du trou 121 d’Imlili ; pour ceux de l’Oued Aabar nous avons sélectionné de grands individus [120-160 mm] (LS) et des petits [70.3-90,2 mm] (LS). Par ailleurs, 2 individus de la F1 (première génération) issus d’une expérience de reproduction en aquarium des poissons du trou 121 de la Sebkha (taille de 50 et 50,4 mm (LS)) ont été intégrés dans cette analyse pour suivre l'évolution des caractères typiques (caractéristiques morphométriques et dentition) au cours du développement.

93 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

Figure 1. Localisation géographique des stations d’échantillonnage (Oued Aabar et Sebkha d’Imlili).

Figure 2. Spécimens de C. guineensis capturés dans l’Oued Aabar (a) et la Sebkha d’Imlili (b).

Figure 3. Mensurations relevées sur les spécimens de Cichlidae. La correspondance des numéros sur la figure avec les caractères métriques analysés se trouve dans le Tableau 1.

94 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

Tableau 1. Caractères métriques utilisés dans cette étude.

Numéros Variables métriques Définitions 1 Standard Length (SL) Longueur standard= la distance entre le bout du museau et le milieu de la ligne marquant l’origine de la nageoire caudale. 2 Head Length (HL) Longueur de la tête= la distance entre le bout du museau et le point le plus postérieur de l’opercule. Diamètre de l’œil= la longueur maximale entre le point le plus antérieur et le point le plus postérieur de l’orbite ; la membrane recouvrant parfois 3 Eye Diameter (ED) la marge de l’orbite est exclue. Longueur du museau= la distance du bout du museau et le point en forme d’encoche situé sur le bord antérieur de l’os orbitaire (parfois visible 4 Snout Length (SnL) chez certaines espèces). 5 Preorbital Bone Length (PoL) Longueur pré-orbitale= la distance entre le bord postérieur de l'os orbitaire et l'extrémité antérieure de l'opercule. 6 Interorbital Width (IOW) Largeur minimale= la marge dorsale entre les os orbitaires. Longueur prédorsale= la distance entre le bout antérieur du museau et le bord antérieur de la nageoire dorsale, légèrement en amont de point 7 Predorsal Distance (PrD) d'insertion externe de la première épine. 8 Preanal Distance (PrA) Longueur prépectorale= la distance entre le bout antérieur du museau et le bord antérieur de la nageoire pectorale. 9 Prepelvic distance (PrV) Longueur préventrale= la distance entre le bout antérieur du museau et le bord antérieur de la nageoire ventrale. Longueur préanale= la distance entre le bout antérieur du museau et le bord antérieur de la nageoire anale, légèrement en amont de la partie 10 Prepectoral distance (PrP) externe de la première épine de cette dernière. Longueur du pédoncule caudal= la distance entre la ligne verticale marquant la base de la nageoire caudale et la ligne verticale qui passe par le 11 Caudal Peduncle Length (CPL) bord postérieur de la nageoire anale. 12 Caudal Peduncle Depth (CPD) Hauteur du pédoncule caudal= la distance minimale entre les bords horizontaux de ce pédoncule. Longueur de la base de la dorsale= la distance entre le bord antérieur (légèrement en amont de la première épine) et le bord postérieur de la base 13 Dorsal Fin Base Length (DFB) de cette nageoire. Longueur de la base de la pectorale= la distance entre le bord antérieur (légèrement en amont de la première épine) et le bord postérieur de la 14 Pectoral Fin Base Length (PFL) base de cette nageoire. Longueur de la base de la ventrale= la distance entre le bord antérieur (légèrement en amont de la première épine) et le bord postérieur de la base 15 Ventral Fin Base Length (VFL) de cette nageoire. Longueur de la base de la nageoire anale= la distance entre le bord antérieur (légèrement en amont de la première épine) et le bord postérieur de 16 Anal Fin Base Length (AFL) la base de cette nageoire. Longueur de la nageoire caudale= la distance entre le bord antérieur (légèrement en amont de la première épine) et le bord postérieur de la base 17 Caudal Fin Base Length (CFL) de cette nageoire. 18 Body Depth (BD) Hauteur maximale du corps= la distance entre la base de la nageoire pelvienne et la base de la nageoire dorsale. 19 Caudal peduncle Length (CPL) Hauteur du pédoncule caudal= la distance minimale entre les bords horizontaux de ce pédoncule. 20 Length of the Dorsal-Fin Spine (LDFS) Longueur d'épine dorsale= longueur de la première épine dorsale de la nageoire dorsale. 21 Length of the Anal-Fin (L3SAF) Longueur d'épine anale= longueur de la troisième épine de la nageoire anale. 22 Lower Pharyngeal Length (PhJL) Longueur de l’os pharyngien inférieur= la distance entre le bout des cornes postérieures de cet os au bout de la lamelle antérieure. 23 Lower Pharyngeal Width (PhJW) Largeur de l’os pharyngien inférieur= la distance entre les bouts des deux cornes postérieures de cet os. 24 Dentigerous Area Length (DeAL) Longueur de l’aire dentifère de l’os pharyngien inférieur= la distance entre les extrémités antérieures et la plus postérieure de la zone dentifère. 25 Dentigerous Area Width (DeAW) Largeur de l’aire dentifère de l’os pharyngien inférieur= la distance entre les marges latérales gauche et droite de cette zone dentifère.

95 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

Tableau 2. Caractères méristiques utilisés dans cette étude

Numéros Variables méristiques Définitions Upper and Lower Jaw Teeth Dents des mâchoires supérieure et inférieure= nombre de dents externes comptées 1 (UPPER ; LOWER) respectivement sur les mâchoires supérieure et inférieure. Inner Tooth Rows (ROWSUP ; Rangées de dents internes= nombre de rangées de dents internes respectivement sur les 2 ROWLOW) mâchoires supérieure et inférieure. 3 Gill Rakers (GRTOTAL) Branchiospines= nombre de branchiospines présentes sur le premier arc branchial. Formule de la nageoire dorsale= respectivement le nombre de rayons épineux et de 4 Dorsal Fin Formula (NDS ; NDR) rayons mous comptés sur la nageoire dorsale. Formule de la nageoire anale= respectivement le nombre de rayons épineux et de 5 Anal fin formula (NAR ; NAS) rayons mous comptés sur la nageoire anale. Lateral Line (LATUP ; 6 Ligne latérale= nombre d’écailles comptées en ligne latérale supérieure et inférieure. LATLOW)

RESULTATS Le diagramme de dispersion des scores (Fig. 4) de l’Analyse en Composantes Principales permet de distinguer deux grands groupes. Le premier groupe comprend les spécimens de l’Oued Aabar (grands et petits), le second groupe est constitué des individus provenant des deux trous (35 et 121) de la Sebkha d’Imlili et des 2 individus de la F1 obtenus en élevage. L'axe 1 est défini par une combinaison de caractères incluant la longueur de la nageoire dorsale (DFL), la longueur de l'os pharyngien inférieur (PhJL) et la largeur de l'os pharyngien inférieur (PhJW). L'axe 2 est défini par la nageoire caudale (CFL) et la longueur de la plus longue épine dorsale (LDFS) (Fig. 5). L'ACP des données méristiques brutes (Fig. 6) sépare les quatre populations en quatre groupes principaux : les deux populations de la Sebkha d’Imlili, les grands individus de l’Oued Aabar, les petits individus de cet Oued, et ceux de la F1. La limite inférieure du nuage de points représentant les spécimens de l’Oued Aabar (grands) est légèrement entrelacée avec le diagramme de dispersion des populations de la Sebkha d’Imlili trous 35 et 121. L'axe 1 est alors structuré principalement par le nombre de dents externes comptées sur la mâchoire supérieure (UPPER), le nombre de rangées de dents internes sur la mâchoire inférieure (ROWLOW), le nombre de rangées de dents internes sur la mâchoire supérieure (ROWSUP) et le nombre d'écailles de la ligne latérale supérieure (LATUP). L'axe 2 est supporté par le nombre total de branchiospines sur le premier ceratobranchial (GRTOTAL) (Fig. 7). La majorité de ces caractères méristiques dépendent de la taille (e.g. la variable GRTOTAL). En effet, les plus petits individus ayant généralement le plus grand nombre de branchiospines et les plus grands individus avec le plus petit nombre de branchiospines (par exemple, les grands et les petits individus de la même population de l'Oued Aabar), ce qui explique la séparation de ces populations étudiées en 4 entités.

Figure 4. Analyse en composantes principales des caractères métriques log-transformés sur les axes 1 et 2 (populations marocaines) : a= Sebkha d’Imlili (trou 35), b= Sebkha d'Imlili (trou 121), c= Oued Aabar (grands), d= Oued Aabar (petits) et e= F1.

96 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

Figure 5. Cercle des corrélations des variables métriques étudiées dans le plan des axes F1xF2 de l’ACP.

Figure 6. ACP des caractères méristiques à l’état brut sur les axes 1 et 2 : a= Sebkha d’Imlili (trou 35), b= Sebkha d’Imlili (trou 121), c= Oued Aabar (grands), d= Oued Aabar (petits) et e= F1.

Figure 7. Cercle des corrélations des variables méristiques étudiées dans le plan des axes F1xF2 de l’ACP.

97 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

DISCUSSION ET CONCLUSION Les différenciations morphologiques mises en évidence entre les populations de la Sebkha d'Imlili (trou 35, 121 et F1) et celle de l’Oued Aabar peuvent être dues aux différences de conditions environnementales, et notamment à la nature et à la quantité de nourriture disponible. En effet, Coptodon guineensis dans son milieu d’origine (estuaires et mangroves d’Afrique de l’Ouest) est une espèce qui se nourrit surtout de crevettes, de bivalves, de plancton et de détritus (Diouf, 1996). À la Sebkha d'Imlili, les poissons semblent se nourrir en broutant le fond et les bords des poches d’eau, ingérant ainsi le sable et les organismes périphytiques (algues ou bactéries) qui s’y développent, ainsi que les Ostracodes et Copépodes qui y vivent. Cette différence pourrait expliquer pourquoi les poissons d’Imlili ont une forme de tête et de dentition différente (adaptée à ce mode de nutrition) et une petite taille maximale [peu de nourriture et contraintes environnementales fortes (salinité, température, etc.)]. Ces adaptations morphologiques au régime alimentaire sont rendues possibles grâce à l’extraordinaire plasticité du crâne et de la mâchoire des Cichlidae qui semble à l’origine des "species flocks" observés chez cette famille (Bitja Nyom, 2012). Par ailleurs, dans les installations d’élevage, les F1 qui ne se nourrissent que de granulés d’aquaculture présentent la même forme et le même type de dents que leurs parents de la Sebkha. Seuls le nombre de dents sur les mâchoires supérieure et inférieure, le nombre de rangées de dents internes et la taille de l'os pharyngien inférieur diffèrent entre ces individus ; mais il convient de noter que ces caractères dépendent probablement de la taille et de l'âge du poisson. La forme des dents est donc un caractère génétiquement déterminé. C’est pour cette raison que les 2 individus F1 obtenus en élevage se regroupent (Fig. 4) avec les poissons des deux trous de la Sebkha d’Imlili (35 et 121) malgré leurs différences de taille (les F1 ne mesuraient que 50 et 50,4 mm de SL). Par conséquent, la différenciation morphologique des individus de la Sebkha semble donc bien liée à une adaptation à cet habitat très particulier rendue possible par un isolement complet. De plus, l'évolution de la coloration au cours du développement semble identique chez les individus F1 et chez ceux d’Imlili (et différente de la population de l’Oued Aabar), indiquant également une origine génétique de cette différenciation phénotypique.

REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier le personnel de l'association Nature Initiative (A.N.I.), une ONG basée à Dakhla (Sud du Maroc), pour nous avoir facilité l’accès à la Sebkha d’Imlili. Nous remercions également R Dugué et C Cochet de l'IRD Montpellier (France) pour leur aide dans l'expérience d'élevage.

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98 Louizi et al. Populations de Coptodon guineensis (Teleostei, Cichliformes : Cichlidae)

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100

Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Des poissons dans le désert : les Tilapias de la Sebkha d’Imlili

Jean-François AgnèseAGNESE1, Halima LOUIZI2, Ouafae BERRADA RKHAMI2, Abdelaziz BENHOUSSA2, Abdeljebbar QNINBA3 & Antoine PARISELLE1,2,4.

1. ISEM, CNRS, Université de Montpellier, IRD, EPHE, 34005 Montpellier, France. 2. Mohammed V University in Rabat, Faculté des sciences, Laboratoire de Zoologie et Biologie Générale, 4 Avenue Ibn Battouta, B.P 1014 Agdal, Rabat, Maroc. 3. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Avenue Ibn Battota, B.P. 703, 10090, Rabat Agdal, Maroc. 4. Institut des Sciences de l'Évolution, IRD, B.P. 1857, Yaoundé, Cameroun.

INTRODUCTION La Sebkha d’Imlili n’est pas une simple curiosité géomorphologique unique en son genre, c’est aussi une zone humide qui joue un rôle important dans un environnement désertique comme l’est la région de Dakhla. En effet, on y trouve une faune et une flore tout à fait particulières pour lesquels elle constitue un refuge, comme le sont aussi les oueds et les gueltas par exemple. Mais l’originalité de la Sebkha d’Imlili réside dans le fait que les trous d’eau qu’elle renferme (Fig. 1) sont remplis d’eau salée, voire sur-salée, et que certains de ces trous d’eau sont habités par des animaux aquatiques (gastéropodes, crevettes et surtout poissons). C’est ce qui frappe le visiteur lorsqu’il s’approche : une nuée de petits poissons sombres (Fig. 2) s’éloignent tous ensemble pour aller se cacher et quelques instants plus tard reviennent sur les bords semblant tolérer ces intrus.

Figure 1. Deux des nombreux trous d’eau de la Sebkha d’Imlili.

101 Agnèse et al. Les poissons de la Sebkha d’Imlili

Figure 2. Population de poissons du trou n° 136.

Dès qu’ils ont été découverts en 2009 (Qninba et al., 2009), ces poissons ont tout de suite attisé la curiosité des chercheurs : de quelle espèce s’agit-il ? Quelle est leur histoire ? Comment sont-ils venus ici ? Combien sont-ils ? Que mangent-ils ? Les premiers éléments de réponses n’allaient pas tarder, suite à l’expédition pluridisciplinaire menée en 2012 sur le terrain grâce à un financement d'un projet piloté par une ONG locale "Nature et Initiative".

Qui sont-ils ? C’est la première question à laquelle on a envie de répondre lorsque l’on trouve pour la première fois des poissons dans un endroit aussi singulier. Les découvreurs ont tout d’abord pensé à Coptodon zillii (Gervais, 1848). L’aspect général ainsi que la tache caractéristique à la base de la nageoire dorsale font en effet tout de suite penser à une espèce du groupe des tilapias. Les Coptodon zillii sont originaires d’Afrique subtropicale mais on en compte quelques populations en zone sahélienne, y compris au Maroc dans l’Oued Draâ (Fig. 3). Cette présence est à mettre en lien avec la période où le climat au Sahara était de type tropical, comme en atteste les nombreuses peintures rupestres que l’on rencontre dans le désert et qui représentent des girafes, des éléphants ou des antilopes aujourd’hui seulement présents bien plus au sud du continent.

Figure 3. Coptodon zillii capturé dans la Guelta Zerga (30 km en amont de l’embouchure de l’Oued Drâa).

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Mais un réexamen des échantillons ramenés au laboratoire a permis de rattacher les poissons de la Sebkha d’Imlili à une autre espèce, proche de C. zillii, Coptodon guineensis (Günther, 1862). Cette espèce est aussi d’origine afrotropicale, sa zone de répartition s’étend de la Mauritanie (le banc d’Arguin) jusqu’en Angola. Depuis, d’autres C. guineensis ont été trouvés dans l’Oued Aabar (Qninba et al., 2012), ce qui confirme la présence de cette espèce au Maroc (Fig. 4) (Qninba & Mataame, 2009).

Figure 4. Coptodon guineensis capturé dans l’Oued Aabar (photo M. Radi).

Une étude génétique, portant sur l’ADN mitochondrial, est venue confirmer ce choix et a clairement montré que les poissons de la Sebkha d’Imlili comme ceux de l’Oued Aabar étaient très proches de C. guineensis. Cependant, à bien y regarder, la coloration de ces poissons n’est identique à aucune autre ; alors que les Coptodon guineensis de l’Oued Aabar, comme ceux de Mauritanie ou de Dakar, présentent un fort dimorphisme de couleur entre les mâles et les femelles, ces dernières sont moins colorées, alors que les mâles arborent une grande zone rouge au niveau du menton et du ventre, des lèvres bleues et une dominante qui tire sur le jaune sur le reste du corps (Fig. 4). Rien de tout cela à la Sebkha d’Imlili où les deux partenaires mâle et femelle sont difficiles à distinguer l’un de l’autre, et sont tous deux très sombres (Fig. 5). En période de reproduction, ils présentent une bande noire qui part du menton et va jusqu’au ventre, les individus deviennent alors presque entièrement noirs, (Fig. 6). Chez les tilapias, la coloration, et notamment celle des mâles, est très importante pour la reproduction. C’est un critère de reconnaissance des partenaires au moment de l’accouplement, le mâle séduisant la femelle lors d’une parade sexuelle codifiée où les couleurs que revêt le mâle jouent un très grand rôle.

Figure 5. C. guineensis de la Sebkha d’Imlili.

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Figure 6. C. guineensis de la Sebkha d’Imlili en livrée de reproduction.

On peut donc légitimement se demander si les poissons de la Sebkha d’Imlili n’appartiennent pas en fait à une espèce voisine mais différente de C. guineensis, et endémique de la seule Sebkha d’Imlili. De nouvelles analyses sont en cours afin de répondre définitivement à cette question.

D’où viennent-ils ? L’hypothèse la plus vraisemblable c’est qu’autrefois la Sebkha d’Imlili formait une lagune d’eau saumâtre ou salée, en contact avec le littoral et donc l’Océan Atlantique. Elle devait alors être peuplée de nombreuses espèces de poissons, mollusques et crustacés marins. Lorsque la mer s’est retirée, ces espèces se sont retrouvées enfermées dans la Sebkha d’Imlili (altitude de 40 m environ aujourd’hui). Seules certaines d’entre elles ont pu survivre jusqu’à aujourd’hui, dont nos tilapias.

Que mangent-ils ? Lorsqu’on visite les trous d’eau de la Sebkha d’Imlili, on est surpris par l’apparent dénuement de ces biotopes. Dans les trous où il y a des poissons, il n’y a pas d’algues, rarement des crevettes ou des mollusques. Les poissons semblent avaler du sable et ont pour cette raison un ventre rebondit (Fig. 5-6). Ils semblent donc se nourrir des bactéries qui prolifèrent à la surface des grains de sable et qui prospèrent dans ces eaux chaudes et salées.

Les poissons de la Sebkha d’Imlili sont-ils en danger ? Lorsqu’on voit la zone très limitée des trous d’eau dans lesquels on trouve ces poissons, on peut facilement imaginer qu’un changement, même limité, des conditions environnementales pourrait faire disparaître la population dans son ensemble en un rien de temps. Ainsi, la survie des poissons est de toute évidence subordonnée à la hauteur de la nappe phréatique qui permet à l’eau d’affleurer au niveau du sol. Si ce niveau venait à baisser de manière significative, il est certain que les poissons ne pourraient survivre. Depuis quelques années, une autre menace est venue s’ajouter, celle des touristes. Venant en masse, attirés par la Baie de Dakhla à quelques heures seulement de voiture, des centaines de touristes (en autres des kite-surfers) en profitent pour visiter la Sebkha et ses poissons, détruisant les bords des trous d’eau et donc les sites de ponte des poissons, leur lançant de la nourriture, perturbant les cycles écologiques. La pression est telle qu’aujourd’hui la pérennité de la Sebkha n’est plus assurée. Un autre élément qui permet d’apprécier les menaces qui pèsent sur ces poissons est la connaissance de l’interconnectivité des trous. En effet, ce n’est pas la même chose, en termes de capacité de résilience (survie), si les trous sont interconnectés (les poissons peuvent se déplacer de l’un à l’autre) ou s’ils sont comme des isolats. On sait peu de choses en effet sur les capacités des poissons de passer d’un trou à l’autre. C’est très vraisemblable lorsque les trous sont relativement proches (quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres), les poissons doivent pouvoir passer de l’un à l’autre. Dans le cas où ces trous sont éloignés de plusieurs dizaines à des centaines de mètres, ils doivent sans doute attendre les fortes pluies qui se produisent de temps en temps et qui inondent la Sebkha d’Imlili quelques heures ou quelques jours.

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Le font-ils ? Afin d’avancer dans notre compréhension de cet écosystème particulier, une analyse génétique a été réalisée pour déterminer les flux géniques entre divers trous de la zone centrale, de la zone Nord et du marais (Agnèse et al., 2018). L’analyse a révélé l’existence d’une structuration assez forte, puisqu’on peut déterminer par exemple si un poisson vient de la zone du marais ou d’un trou central simplement en étudiant son ADN. Cela veut dire que les poissons passent rarement d’un endroit à l’autre ce qui aurait eu pour effet d’homogénéiser les variations génétiques. Il existe donc des barrières importantes au flux génique entre les trous. Il reste maintenant à savoir dans le détail en combien de "zones différentes" la Sebkha d’Imlili est découpée de ce point de vue et si cette répartition est stable dans le temps ou simplement transitoire à une échelle de temps donnée. Si nous en savons déjà beaucoup sur ces poissons de la Sebkha d’Imlili, il nous reste encore beaucoup à apprendre. De nouvelles analyses génétiques sont nécessaires. Il faudra procéder à un suivi dans le temps de la variabilité génétique dans chaque trou d’eau. Il faudra également réaliser des études de leur comportement alimentaire, de leur taux de croissance, de leur espérance de vie, etc. Toutes ces données devront aller de paire avec des études sur les autres animaux aquatiques qui peuplent ces trous d’eau et ainsi nous permettre de mieux comprendre l’organisation de cet écosystème très particulier et ce afin de pouvoir le protéger efficacement.

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Parasites des poissons de la Sebkha d’Imlili

Isaure de BURON1, Abdeljebbar QNINBA2, Abdelaziz BENHOUSSA3, Jean-François AGNESE4, Halima LOUIZI3 & Antoine PARISELLE3,4

1. Department of Biology, College/University of Charleston, Charleston, South Carolina, USA. 2. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIO), Avenue Ibn Batouta, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. 3. Mohammed V University in Rabat, Faculté Des Sciences, Laboratoire de Biodiversité, Ecologie et Génome, 4 Avenue Ibn Batouta, B.P 1014 Agdal, Rabat, Maroc. 4. ISEM, CNRS, Université de Montpellier, IRD, EPHE, Montpellier, France.

INTRODUCTION Le parasitisme est le mode de vie le plus répandu sur terre (Poulin & Morand, 2000 ; Combes, 2001), et, alors que les parasites ont souvent à raison une mauvaise réputation, leur présence dans un environnement donné peut en fait être un signe de bonne santé écologique (Hechinger & Lafferty, 2005 ; Hudson et al., 2008 ; Lafferty, 2013). En effet, un simple changement dans la dynamique des populations de parasites, en particulier des macro-parasites, peut être le signe d’un déséquilibre de l’écosystème dans son ensemble. Ceci est principalement dû au rôle primordial que jouent ces parasites dans les chaînes alimentaires et à leur capacité à altérer les réseaux d’interactions entre animaux libres qui cohabitent dans chaque milieu (Kuris et al., 2008 ; Lafferty et al., 2008 ; Lafferty & Kuris, 2012 ; Lafferty, 2013). De nombreux parasites ont un cycle de vie complexe, dit hétéroxène, qui implique une série d’invertébrés ou de vertébrés (les hôtes) qui sont infestés successivement, le plus souvent via ingestion ou pénétration des stades infestants, et dans lesquels ils se reproduisent et/ou se développent. Ces hôtes sont considérés définitifs ou intermédiaires selon la phase de développement1. Dans d’autres cas, l’hôte (paraténique) ne sert qu’à transporter ou accumuler les larves/spores des parasites, favorisant ainsi une meilleure dispersion et/ou survie. Cette succession d’hôtes, qui est risquée pour ces parasites dont certains stades de vie (par exemple les œufs, spores, ou autres stades larvaires libres) peuvent ‘se perdre’ ou tomber dans une impasse quand ils quittent un hôte pour infester le suivant, peut être cependant favorisée (Combes, 1991) quand les parasites manipulent directement ou indirectement le comportement de certains de leurs hôtes (e.g. Thomas et al., 2005 ; Lefèvre et al., 2009 ; Moore, 2013 ; Herbison et al., 2018). Si des larves sont perdues au cours du cycle, elles peuvent elles-mêmes avoir un rôle écologique non négligeable en pouvant servir de nourriture, et donc de source d’énergie pour d’autres espèces animales sans, pour autant, les infester (Johnson et al., 2010 ; Thieltges et al., 2013 ; Selbach et al., 2019). Par conséquent, l’étude des parasites dans toute biocénose apporte non seulement des données supplémentaires dans un inventaire de biodiversité, mais aussi des informations sur les réseaux d’interactions qui assurent l’équilibre écologique de ce système. Dans la Sebkha d’Imlili, on trouve un certain nombre d’animaux libres qui pourraient tous être des hôtes possibles de parasites. Les missions exploratoires se sont concentrées sur les poches d’eau de la Sebkha et ont permis de découvrir deux espèces de parasites (un Acanthocéphale et un Trématode, Figs. 1 & 2) qui infestent le seul poisson présent dans la zone, le Tilapia Coptodon guineensis. Ces deux parasites sont fréquents, mais ne semblent pas poser de graves problèmes pathologiques. Bien qu’ils restent encore à être identifiés au niveau spécifique, leur présence chez le seul vertébré aquatique local de la Sebkha nous renseigne déjà sur les réseaux d’interactions alimentaires dans cet écosystème qui impliquent ce Tilapia ; ils pourraient également servir d’indicateurs pour mieux comprendre l’origine de cette formation géologique si particulière.

1. Rappelons que l’hôte définitif est celui où a lieu la reproduction sexuée du parasite ; dans l’hôte intermédiaire, le parasite est en période de développement larvaire et parfois subit une multiplication asexuée.

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Figure 1. Acanthocéphale parasite de l’intestin de Coptodon guineensis : A. Mâle adulte in toto, B. Partie antérieure d’une femelle adulte gravide.

Figure 2. Métacercaires parasites de la cavité générale de Coptodon guineensis : A. Deux individus enkystés; B. Larves se libérant de leurs kystes.

Les Acanthocéphales (Phylum Acanthocephala) sont des vers qui deviennent adultes et se reproduisent dans le tube digestif de leurs hôtes définitifs, qui sont toujours des vertébrés. Ils ont un cycle de vie complexe, qui implique des Arthropodes comme hôtes intermédiaires, dans lesquels ils se développent à l’état larvaire (cystacanthe). Le cycle est bouclé lorsque l’hôte définitif ingère l’hôte intermédiaire (Fig. 3). Le taux d’infestation par ces Acanthocéphales est de ~60% chez les Tilapias examinés. Ces parasites ont habituellement un cycle saisonnier et une durée de vie

108 de Buron et al. Parasites des poissons de la Sebkha d’Imlili d’un an dans le poisson hôte définitif. A Imlili, les crustacés, probablement les copépodes, qui sont très abondants dans les trous d’eau, permettent certainement le maintien du cycle de vie de ces Acanthocéphales, démontrant que ces crustacés font partie du régime alimentaire des Tilapias dans la Sebkha.

Figure 3. Cycle probable de l’Acanthocéphale parasite de Coptodon guineensis.

Les Trématodes (Phylum Plathelminthes) sont également des vers qui deviennent adultes et se reproduisent dans des vertébrés hôtes définitifs, mais contrairement aux Acanthocéphales, ils peuvent occuper une grande variété d’organes. Ils ont aussi un cycle de vie plus complexe : les adultes pondent leurs œufs qui, une fois dans le milieu naturel, éclosent en libérant une larve (miracidium), qui à son tour infeste le premier hôte intermédiaire, le plus souvent, un mollusque. Le parasite subit alors une multiplication asexuée (sous forme de sporocystes et ou rédies), qui produit des cercaires, stade libre infestant l’hôte suivant, qui selon les espèces, peut être soit l’hôte définitif, soit un second hôte intermédiaire dans lequel elles s’enkystent et deviennent alors des métacercaires. Ce deuxième hôte intermédiaire, qui peut être un invertébré ou un vertébré selon l’espèce de Trématode, est ingéré par l’hôte définitif dans lequel les métacercaires se libèrent de leur kyste et se développent en stade adulte dans l’organe cible. Un tel cycle à trois hôtes se déroule dans les poches d’eau de la Sebkha d’Imlili où les Tilapias infectés par des métacercaires, sont donc deuxième hôte intermédiaire (Fig. 4). Les métacercaires sont abondantes dans la cavité générale, le mésentère, mais aussi dans le rein et plus rarement dans les muscles des Tilapias. Une des trois espèces d’escargot présentes dans les trous d’eau de la Sebkha doit certainement être le premier hôte intermédiaire de cette espèce de Trématode, l’hôte définitif devant être un mammifère ou un oiseau piscivore, dont des représentants ont été observés dans cette zone (Qninba et al., 2009 ; Qninba et al., 2017 ; Radi et al., 2020). L’infestation par des larves de Trématodes pouvant durer toute la vie des hôtes intermédiaires, que ce soit chez les mollusques (sporocyste/rédie) ou chez les poissons (métacercaires), la présence de ces parasites dans les Tilapias d’Imlili n’implique donc pas

109 de Buron et al. Parasites des poissons de la Sebkha d’Imlili obligatoirement une présence régulière de l’hôte définitif, celle-ci pouvant être erratique ; il est en effet possible que cet hôte soit un oiseau migrateur ou un mammifère qui ne viendrait pêcher des poissons qu’occasionnellement. La détermination de l’espèce de ce parasite devrait nous permettre d’identifier rapidement les hôtes qui se succèdent pour compléter ce cycle. L’intégration des Tilapias des poches d’eau dans le réseau alimentaire d’animaux migrateurs soutiendrait l’argumentation que cette Sebkha est une zone écologique importante et que son rôle dans le maintien de la biodiversité de la région justifie de déployer tous les efforts possibles pour assurer sa conservation.

Figure 4. Cycle probable du Trématode parasite de Coptodon guineensis.

Bien qu’on ne soit pas certain de l’origine de la Sebkha, les animaux qui y vivent correspondent en partie à des espèces marines et/ou estuariennes qui se sont adaptées aux conditions environnementales extrêmes (salinité, etc.) qui prévalent dans les trous d’eau. L’hypothèse la plus probable à ce jour, est que cette Sebkha aurait été une ancienne lagune ouverte sur l’Océan Atlantique (Emran et al., 2019), qui à la suite de changements climatiques se serait isolée. Les animaux d’origine marine et/ou estuarienne qui l’occupent aujourd’hui sont les seuls qui ont pu s’adapter aux changements et ont donc survécu. Ces évènements expliqueraient la faible biodiversité actuellement observée dans la Sebkha d’Imlili, que ce soit pour les espèces libres, ou pour les parasites, d’autant plus que ces derniers ont dans la nature une richesse spécifique supérieure à celle des espèces libres (Dobson et al., 2008). La présence de seulement deux espèces de macro-parasites témoigne donc de la simplification que cet écosystème a sans doute subit et dans lequel les poissons ont dû perdre la plupart de leurs parasites à cause de l’incapacité de leurs stades libres, ou de celle de leurs hôtes intermédiaires ou définitifs, à s’adapter à cet environnement si particulier. Par exemple, la présence d’Annélides dans les trous d’eau pourrait laisser présager la présence de parasites tels que les Myxosporidies qui les utilisent comme hôtes en alternance avec les poissons dans leur cycle de vie complexe ; leur absence indique donc sans doute une sensibilité de leurs stades libres infestant aux conditions du milieu. Ceci explique aussi probablement l’absence de parasites à cycles simples (holoxènes), qui n’impliquent aucun hôte intermédiaire. Par exemple, les Monogènes, qui sont présents chez la plupart des Cichlidés africains, et en particulier chez C. guineensis qui en héberge une vingtaine d’espèces (Pariselle & Euzet, 2009), sont totalement absents d’Imlili, probablement à cause de la salinité élevée à laquelle ils sont souvent sensibles.

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Le Tilapia Coptodon guineensis est donc, dans cette Sebkha, infesté par les deux seules espèces parasites qui ont pu surmonter ou contourner tous les obstacles associés à l’évolution de ce milieu. On pourrait évoquer trois scénarii pour expliquer le maintien de ces cycles, pourtant complexes et donc en théorie, plus difficiles à réaliser que les cycles simples : - Ces parasites avaient une spécificité2 très large et se trouvaient donc à l’origine chez plusieurs espèces hôtes (définitives et intermédiaires). La diminution drastique de la diversité de ces derniers n’aurait pas entrainé la disparition des parasites. - Les parasites avaient une spécificité plus stricte, et si un des hôtes (définitif ou intermédiaire) n’a pas pu se maintenir, il a été remplacé par une autre espèce ; dans ce cas, le cycle du parasite a pu se maintenir en étant modifié par un transfert latéral d’un des hôtes d’origine à un nouvel hôte. - Les parasites avaient une spécificité étroite, et tous les hôtes originels (définitifs et intermédiaires) impliqués dans les cycles observés ont été piégés en même temps, et se sont tous adaptés au fur et à mesure aux changements du milieu ; le cycle d’origine du parasite a été maintenu tel quel. La première hypothèse n’est pas vraiment envisageable dans la mesure où les Acanthocéphales et les Trématodes sont connus pour avoir des phases de développement pendant lesquelles ils sont spécifiques, les premiers au niveau des deux hôtes (de Buron & Golvan, 1986 ; Golvan & de Buron, 1988), les seconds au niveau du mollusque hôte intermédiaire (e.g., Ward ,1994 ; Adema & Loker, 1997). Dans tous les cas cependant, la présence de parasites dans la Sebkha d’Imlili, même si elle est très peu diversifiée, met en évidence la résilience surprenante des parasites à cycles complexes et leur incroyable capacité à s’adapter aux changements de milieu. Ces deux parasites, tout comme les espèces libres, peuvent témoigner du passé de la Sebkha, et leur identification ainsi que la détermination de leurs cycles de vie sont nécessaires à la compréhension du fonctionnement écologique de ce milieu et de l’importance de leur contribution à son équilibre.

REMERCIEMENTS Les auteurs tiennent à remercier l’Association Nature-Initiative pour l’aide apportée lors des missions de terrain, l’Institut de Recherche pour le Développement et le Département de Biology, College/University of Charleston, South Carolina, U.S.A. pour leur soutien financier, et le Programme Fulbright MENA qui a accordé une bourse à IdB.

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2. Par définition la spécificité (Euzet & Combes 1980) illustre la diversité du spectre d’hôte qu’un parasite peut infester à chaque stade de son cycle de vie: large ou euryxène = hôtes très différents, sténoxène = hôtes liés phylogénétiquement, stricte ou oioxène = une seule espèce d’hôte.

111 de Buron et al. Parasites des poissons de la Sebkha d’Imlili

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112 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Reptiles de la Sebkha d’Imlili (Sahara Atlantique Marocain) : Etat des lieux et perspectives de conservation

Mohamed MEDIANI1 EL Hassan El MOUDEN2, Tahar SLIMANI2 et Abdeljebbar QNINBA3

1. Université Abdelmalek Essaâdi, Faculté des Sciences de Tétouan, Laboratoire d’Ecologie, Biodiversité et Environnement, , BP 2121, El Mhannech, Tétouan, Maroc. 2. Université Cadi Ayyad, Faculté des Sciences Semlalia, Laboratoire Biodiversité et Dynamique des Ecosystèmes, BP 2390, Marrakech, Maroc. 3. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIO), Avenue Ibn Battouta, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc.

INTRODUCTION

Au Maroc, les Reptiles présentent un fort intérêt écologique et patrimonial. D’importants développements évolutifs ont effectivement favorisé le rayonnement de certains groupes dans la région (Bons & Geniez, 1996 ; Schleich et al,. 1996). Toutefois, ces espèces, de mœurs discrètes, peuvent subir des destructions importantes sans qu’on ne s’en rende compte. Elles sont menacées soit d’une manière directe à travers la dégradation et la fragmentation de leurs habitats naturels ou indirecte par l’impact des changements climatiques (Böhm et al., 2013). La conservation de cette diversité passe en premier lieu par un diagnostic de l’état des lieux des populations. En effet, l’étude des Reptiles, espèces sédentaires et donc véritables bio-indicateurs de leurs habitats, peut apporter des informations essentielles sur l’état de leurs milieux de vie. La présente étude réalisée dans la Sebkha d’Imlili s'insère dans cette perspective et a eu pour objectifs : (1) d’établir la liste des Reptiles présents dans la Sebkha et ses environs immédiats et (2) d’identifier les espèces clés dans la zone avec une caractérisation de leurs habitats et une évaluation des menaces potentielles.

PERIODE ET METHODES D’ETUDE

L’expertise écologique de terrain a été menée lors de plusieurs visites ponctuelles au cours des années 2011 et 2012 par le premier auteur (MM). Une prospection plus approfondie a été réalisée durant une semaine en décembre 2012 par les autres membres de l’équipe. La prospection s’est effectuée sur l’ensemble du site et ses environs immédiats, par contact visuel ou sous tout ce qui peut servir d’abris (cache) aux animaux : pierres, matériaux divers, végétation. La prospection s’est faite également par une recherche ciblée dans les zones favorables à la thermorégulation et par la recherche des indices de présence (mues).

RESULTATS

Inventaire des Reptiles dans la Sebkha d’Imlili La Sebkha d’Imlili abrite 10 espèces de Reptiles (Tab. 1 et 2). Ce peuplement est composé essentiellement d’espèces d’origine saharienne (9 espèces sur 10 inventoriées) avec la présence d’une seule espèce d’origine méditerranéenne, le Caméléon commun Chamaeleo chamaeleon (Fig. 1). Cette dernière s’aventure dans l’étage saharien à la faveur du littoral océanique tout en profitant des conditions écologiques localement favorables, notamment l’important couvert végétal dans la Sebkha qui constitue un habitat vital pour cette espèce arboricole typique ne descendant à terre que pour se reproduire. Par ailleurs, sa découverte dans la Sebkha d’Imlili étend encore plus vers le sud son aire de répartition actuellement connue au Maroc (Qninba et al., 2013).

113 Mediani et al. Reptiles de la Sebkha d’Imlili

Tableau 1. Liste des Lézards inventoriés dans la Sebkha d’Imlili accompagnés de leurs statuts IUCN. Famille Nom scientifique Nom commun Catégorie* Tarentola chazaliae (Mocquard, 1895) casqué LC sthenodactylus (Liechtenstien, 1823) Sténodactyle commun LC Geckonidae Stenodactylus petrii (Anderson, 1896) Gecko de Petri LC Tropiocolotes algericus loveridge, 1940 Gecko à écailles carénées LC Chamaeleonidae Chamaeleo chamaeleon (Linnaeus, 1758) Caméléon commun LC aureus Günter, 1803 Acanthodactyle doré LC Chalcides sphenopsiformis (Duméril 1856) Sphénops occidental LC Scincidae Chalcides delislei (Lataste 1876) Sphénops d’Isle LC * LC : Préoccupation mineure - IUCN (2006).

Tableau 2. Liste des Serpents inventoriés dans la Sebkha d’Imlili accompagnés de leurs statuts IUCN. Famille Nom scientifique Nom commun Catégorie* Colubridae Psammophis schokari (Forskal, 1775) La Couleuvre de Schokar LC Viperidae Cerastes vipera (Linnaeus, 1758) La Vipère de l’erg LC * LC : Préoccupation mineure - IUCN (2006).

Figure 1. Photo du Caméléon commun Chamaeleo chamaeleon (Photo T. Slimani).

Principales caractéristiques écologiques de la Sebkha La diversité des Reptiles dans la Sebkha d’Imlili peut être expliquée principalement par la diversité de ses habitats : - La présence d’une végétation dense aux alentours de la Sebkha constitue un habitat important pour le Caméléon commun. - Les dunes de sables couplées à l’importante densité de la végétation représentent un habitat de prédilection pour plusieurs espèces (exemples : Cerastes vipera - Fig. 2 et Psammophis schokari - Fig. 3). - Les marges caillouteuses et/ou sableuses de la Sebkha avec des lits d’oueds, le plus souvent à sec hormis lors des grosses crues, hébergent sept espèces de Lézards dont quatre Geckonidés (Tarentola chazaliae - Fig. 4, Stenodactylus sthenodactylus - Fig. 6, Stenodactylus petrii, Tropiocolotes algericus - Fig. 7), deux Scincidés (Chalcides sphenopsiformis et Sphenops delislei) et un Lacertidé (Acanthodactylus aureus - Fig. 5).

114 Mediani et al. Reptiles de la Sebkha d’Imlili

Figure 2. Vipère de l’erg ou vipère des sables Figure 3. Couleuvre de Schokar (Photo T. Slimani). (Photo T. Slimani).

Figure 4. Gecko casqué (Photo T. Slimani). Figure 5. Acanthodactyle doré (Photo T. Slimani).

Figure 6. Sténodactyle commun (Photo T. Slimani). Figure 7. Gecko à écailles carénées (Photo T. Slimani).

- Aperçu sur le statut des espèces identifiées. Si toutes les espèces identifiées à la Sebkha d'Imlili lors de cette expertise scientifique sont classées dans la catégorie "Préoccupation Mineure ; LC" (UICN 2006) (Geniez et al., 2018 ; Vogrin et al., 2012 ; Wilms et al., 2013a, 2013b, 2018), nous estimons, à la lumière de l'important développement que connait cette zone saharienne, que des mesures de conservation devront accompagner le développement éco-touristique de la zone afin de minimiser l'impact des changements spatiaux potentiels. En effet, nous avons constaté qu'au niveau de la Sebkha d’Imlili, la principale menace qui pèse sur l'unique espèce typiquement arboricole (Caméléon commun), en plus de la dégradation du couvert végétal, est représentée par le

115 Mediani et al. Reptiles de la Sebkha d’Imlili prélèvement illicite des animaux et de leurs pontes. Il est évident que cette menace va entraîner une réduction des effectifs de cette espèce, voire sa disparition si des mesures de conservation ne sont pas prises au plus tôt. La dégradation du couvert végétal pourrait également priver les populations des autres espèces de l'abri, de sites de thermorégulation et de ressources trophiques dans ce secteur où les conditions écologiques sont précaires. Cet impact se manifeste en premier lieu chez les espèces rares et de mœurs discrètes (exemples : Gecko casqué, Sphénops d’Isle, Vipère des sables).

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116 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Inventaire commenté des oiseaux de la Sebkha d’Imlili et de ses environs immédiats

Mohamed RADI1, Abdelaziz EL IDRISSI ESSOUGRATI2, Taoufik EL BALLA3, Mohammed Aziz EL AGBANI4, Mohamed Lamine SAMLALI3 & Abdeljebbar QNINBA4

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. 2. HCEFLCD (DLCDPN/DPRN), n°3, Rue Haroun Errachid, Agdal - Rabat, Maroc. 3. Association ‘Nature-Initiative’ Avenue Mohamed Fadel Semlali, BP 79, 73000, Ad-Dakhla, Maroc. 4. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIO), Avenue Ibn Battouta, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc.

INTRODUCTION L’extrême sud marocain était resté très peu exploré sur le plan naturaliste, notamment ornithologique. De très rares recherches y ont été menées ; celles-ci étaient très limitées dans le temps et l’espace (in Bergier et al., 2017). Les plus importantes contributions à l’étude des oiseaux du Sahara Atlantique ont été celles de Heim de Balsac & Heim de Balsac (1954), de Valverde (1957) et de de Naurois (1960, 1967). Ce territoire a commencé à intéresser les ornithologues travaillant notamment sur les oiseaux aquatiques au niveau des grandes zones humides littorales sahariennes (Vandenbulcke, 1976 ; Pienkowski, 1975 ; Baouab, 1988 ; Beaubrun et al., 1988 ; Thévenot et al., 1988, etc.) ; de rares missions ont concerné l’intérieur des terres (Congost-Tor, 1976 ; Peris, 1981). L’intensification des recherches ornithologiques dans le Sahara Atlantique a lieu à partir des années 1990 ; mais elles ne concernent, pour la plupart, que les provinces du Nord du Sahara Atlantique et/ou littorales (Dakki et al., 1991 ; El Agbani & Dakki, 1992 etc.). L’extrême sud marocain a commencé à être exploré plus régulièrement à partir des années 2000 (Copete et al., 2008 ; Albergger et al., 2010 ; Qninba et al., 2005 ; 2007 ; 2009a ; 2011a ; b & c ; 2012a ; b & c ; Amezian et al., 2011…). Cependant, la région d’Imlili est restée pratiquement inexplorée, mise à part la courte visite de Valverde (1957) en 1955, jusqu’au lancement du projet d’étude pluridisciplinaire qui a intéressé la Sebkha d’Imlili et sa région après la redécouverte de cet écosystème original (Qninba et al., 2009b). Plusieurs missions de prospection naturalistes ont été alors organisées à Imlili et sa région (les résultats de l'une d'elles a fait l'objet d'une courte note - Qninba et al., 2017) ; de plus, le site a commencé à attirer des naturalistes professionnels et amateurs (Bergier et al., 2011 ; 2012 ; 2013a & b ; 2014 ; 2016 & 2017a). Les données ornithologiques ainsi collectées sur le site font l’objet du présent travail qui se propose de dresser une première liste exhaustive et commentée des oiseaux observés jusqu’à présent dans la zone d’Imlili.

MATERIEL ET METHODES

Présentation de la Sebkha d’Imlili La Sebkha d’Imlili est une zone humide située dans la Province d’Oued Eddahab à une quarantaine de kilomètres au sud d’ et à une dizaine de kilomètres de l’Océan Atlantique (Fig. 1). C’est une dépression peu profonde (moins d’une dizaine de mètres), allongée (environ 13 km de long sur 2,5 km de large) et d’orientation générale NNE-SSW. La dépression est entourée d’une formation dunaire sableuse sur laquelle se développe une végétation de type désertique assez dense. La caractéristique la plus importante de la végétation réside dans la présence d’une ceinture mixte, plus ou moins large selon les endroits, constituée de Phragmites australis, Juncus rigidus et Arthrocnemum macrostachyum (Photo 1, 2). Cette bande se continue le long des bordures humides Ouest et Nord de la partie septentrionale de la Sebkha. Les bordures dunaires et les environs de cette zone humide présentent une végétation constituée d’Acacia tortilis subsp. raddiana, Tamarix africana, Limonium tuberculatum, Nitraria retusa, Zygophyllum waterlotii et Panicum turgidum.

117 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Figure 1. Localisation géographique de la Sebkha d’Imlili (d’après Qninba et al., 2009).

Méthodologie Notre première visite à la Sebkha d’Imlili a été effectuée en janvier 2009. Avec le lancement du projet de l'étude pluridisciplinaire, plusieurs missions ont été organisées couvrant les différentes saisons de l’année. Les données sur les oiseaux fréquentant la région en toutes saisons et sur leurs comportements ont été ainsi collectées ; elles ont été enrichies par celles des ornithologues professionnels et amateurs ayant visité le site. Cela a permis de dresser une liste, aussi exhaustive que possible, des oiseaux fréquentant le site et ses environs immédiats, de bien préciser leurs statuts phénologiques dans la zone et d'émettre quelques commentaires, notamment sur les faits ornithologiques les plus marquants.

RESULTATS Les données récoltées montrent que cette Sebkha est fréquentée par 71 espèces (au moins), réparties en 28 familles (Annexe 1), mais dont seulement une dizaine représente des oiseaux aquatiques. Plus de la moitié (43 espèces) correspond à des populations essentiellement migratrices, contre seulement 17 espèces nicheuses sédentaires strictes. De plus, ni la Sebkha ni ses environs immédiats ne représentent des sites de nidification pour la plupart de ces dernières. Seules cinq espèces trouvent dans la Sebkha et/ou ses environs immédiats des lieux de nidification favorables (Œdicnème criard, Gravelot à collier interrompu, Courvite isabelle, Traquet du désert et Cochevis de Thékla) ; auxquelles peuvent être ajoutés le Traquet à tête grise et la Pie-grièche du désert ; cette dernière espèce se reproduit sur des acacias à quelque distance de la Sebkha.

118 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Le Cochevis de Thékla représente l’espèce reproductrice omniprésente et la plus abondante de l'avifaune nicheuse locale ; le Gravelot à collier interrompu est, quant à lui, le seul oiseau parmi les reproducteurs locaux qui peut être qualifié réellement d’espèce aquatique. Les deux espèces de Ganga (tacheté et couronné), très communes dans toute la région, font des apparitions brèves autour de la Sebkha, notamment près des abreuvoirs quand ceux-ci sont remplis d’eau par les bergers lors des saisons sèches et chaudes durant lesquelles leurs cheptels de camelins, notamment, ont besoin de boire. Mis à part, le Cochevis de Thékla, aucune autre espèce sédentaire ne s'est montrée remarquablement abondante ; en revanche, plusieurs espèces migratrices survolent le site ou y font des escales en nombres conséquents : Vautour fauve, Busard des roseaux, Milan noir, Martinet pâle, Hirondelles, Pouillots… Des oiseaux piscivores (Hérons cendré et pourpré, Aigrette garzette et Grand Cormoran) font des apparitions plus ou moins régulières dans le site mais n’y sont jamais très nombreux. Les deux Cigognes (blanche et noire) ont été également observées ; elles sont cependant encore moins fréquentes. Occasionnellement, lors d’épisodes de vents d’Est (Chergui), des espèces migratrices dont les couloirs de migration sont habituellement plus orientaux peuvent être poussées vers l’Ouest et faire ainsi des apparitions sporadiques si ces vents ont lieu lors des passages migratoires des espèces considérées ; c’est le cas par exemple de la Bondrée apivore.

CONCLUSION La présence d’habitats humides, notamment les nombreux plans d’eau et les grandes surfaces marécageuses, au sein d’un environnement saharien (très peu productif, rappelons-le), exerce quand même une grande attractivité pour les oiseaux migrateurs notamment. Ceci explique la relative bonne richesse avienne du site et aussi l’abondance remarquable d’un certain nombre d’oiseaux migrateurs. Le peuplement sédentaire ou reproducteur local n’est pas très diversifié sans doute à cause des conditions de vie très contraignantes ; en fait, l’eau est sursalée et ne permet pas une très bonne productivité capable d’attirer une avifaune locale riche et diversifiée. Notamment, le peuplement est très pauvre en oiseaux aquatiques reproducteurs ; seul le cas du Gravelot à collier interrompu représente une exception. La Sebkha d'Imlili joue un rôle important pour la conservation des oiseaux migrateurs pour lesquels elle représente un site-clé lors des passages migratoires à travers un territoire peu accueillant. Cette zone humide, peut aussi, constituer un piège mortel pour un certain nombre d'espèces d’oiseaux migrateurs poussées à boire de l'eau sursalée de la Sebkha ce qui est à l’origine des hécatombes observées en particulier chez les Rapaces, lors des épisodes secs et chauds de Chergui (Photos 5 & 6).

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120 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Photos 1 & 2. Habitat à Phragmites australis, Juncus rigidus et Arthrocnemum macrostachyum.

Photo 3. Dunes de sable avec Tamarix africana, Limonium Photo 4. Habitat très lâche à Acacia tortilis subsp. raddiana au tuberculatum, Nitraria retusa, Zygophyllum waterlotii, Panicum sein d’un reg sableux, localement caillouteux. turgidum.

Photo 5. Cadavres de Bondrées apivores et de Percnoptère Photo 6. Milan noir mourant en bordure d'une poche sursalée d'Egypte trouvés morts à Sebkhat Imlili le 21 mai 2015. de Sebkhat Imlili le 16 avril 2017.

121 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Annexe 1. Liste des Oiseaux relevés à Imlili et dans ses environs immédiats accompagnés de leurs statuts phénologiques au Maroc et dans la région d'Imlili (RB : sédentaire, BM : estivant nicheur, RB/BM : sédentaire/estivant nicheur, OB : nicheur occasionnel, FB : nicheur disparu, PM : migrateur au long cours, WV : hivernant, OW : hivernant occasionnel, AV : espèce accidentelle).

Statut phénologique Statut phénologique Nom scientifique Nom français au Maroc dans la région d'Imlili Anatidae Anas acuta Canard pilet WV, PM, OB AV Anas crecca Sarcelle d’hiver WV, PM AV Columbidae Streptopelia decaocto Tourterelle turque RB RB Spilopelia senegalensis Tourterelle maillée RB RB Oena capensis Tourterelle masquée ATAV, OB AV Pteroclidae Pterocles senegallus Ganga tacheté RB, BM RB Pterocles coronatus Ganga couronné RB RB Apodidae Apus pallidus Martinet pâle BM, PM PM Ciconiidae Ciconia nigra Cigogne noire PM, OW PM Ciconia ciconia Cigogne blanche PM, BM, WV PM Ardeidae Bubulcus ibis Héron garde-bœufs RB, PM, WV AV Ardea cinerea Héron cendré PM, WV, OB PM Ardea purpurea Héron pourpré PM, BM, OW PM Egretta garzetta Aigrette garzette RB, PM, WV PM Phalacrocoracidae Phalacrocorax carbo Grand cormoran RB, WV AV Burhinidae Burhinus oedicnemus Oedicnème criard RB, WV, PM RB, PM Charadriidae Charadrius alexandrinus Gravelot à collier interrompu RB, PM, WV RB, PM Scolopacidae Calidris temminckii Bécasseau de Temminck PM, WV PM Calidris alpina Bécasseau variable WV, PM PM Tringa nebularia Chevalier aboyeur PM, WV PM Tringa ochropus Chevalier culblanc PM, WV PM Glareolidae Cursorius cursor Courvite isabelle RB, BM RB Strigidae Athene noctua Chevêche d’Athéna RB RB Otus scops Petit-duc scops PM, BM, OW ? PM Asio flammeus Hibou des marais WV, PM WV, PM Bubo ascalaphus Grand-duc ascalaphe RB RB Accipitridae Pernis apivorus Bondrée apivore PM PM Neophron percnopterus Vautour percnoptère PM, BM, OW PM Gyps fulvus Vautour fauve PM, WV, FB PM Circus aeruginosus Busard des roseaux RB, WV, PM PM Milvus migrans Milan noir PM, BM, OW PM Buteo rufinus Buse féroce RB RB Meropidae Merops apiaster Guêpier d’Europe PM, BM, OW PM Coraciidae Coracias garrulus Rollier d’Europe PM, BM PM Falconidae Falco tinnunculus Faucon crécerelle RB, PM, WV PM Falco biarmicus Faucon lanier RB RB

122 Sebkhat Imlili (Région Dakhla-Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Statut phénologique Statut phénologique Nom scientifique Nom français au Maroc dans la région d'Imlili Oriolidae Oriolus oriolus Loriot d’Europe BM, PM PM Laniidae Lanius elegans Pie-grièche du désert RB RB Lanius senator Pie-grièche à tête rousse BM, PM PM Corvidae Corvus ruficollis Corbeau brun RB RB Corvus albus Corbeau pie ATAV, OB AV Alaudidae Alaemon alaudipes Sirli du désert RB RB Ramphocoris clotbey Alouette de Clotbey RB/BM RB/BM Ammomanes cinctura Ammomane élégante RB RB Ammomanes deserti Ammomane isabelline RB RB Calandrella brachydactyla Alouette calandrelle PM, BM, OW PM, BM Eremophila bilopha Alouette bilophe RB/BM RB/BM Galerida theklae Cochevis de Thékla RB RB Acrocephalidae Hippolais polyglotta Hypolaïs polyglotte BM, PM, OW PM Hirundinidae Delichon urbicum Hirondelle de fenêtre PM, BM, OW PM Cecropis daurica Hirondelle rousseline PM, BM, OW PM Hirundo rustica Hirondelle rustique PM, BM, OW PM Riparia riparia Hirondelle de rivage PM, FB PM Phylloscopidae Phylloscopus sibilatrix Pouillot siffleur PM PM Phylloscopus trochilus Pouillot fitis PM, OW PM Phylloscopus ibericus Pouillot ibérique PM, BM/RB, WV PM, H Phylloscopus collybita Pouillot véloce WV, PM WV, PM Sylviidae Sylvia cantillans Fauvette passerinette BM, PM, OW PM Muscicapidae Ficedula hypoleuca Gobemouche noir PM, OW PM Monticola saxatilis Monticole merle-de-roche BM, PM, OW PM Saxicola rubetra Tarier des prés PM, OW PM Oenanthe oenanthe Traquet motteux PM, OW PM Oenanthe deserti Traquet du désert RB/BM RB/BM Oenanthe hispanica Traquet oreillard BM, PM PM Oenanthe moesta Traquet à tête grise RB/BM RB Motacillidae Anthus cervinus Pipit à gorge rousse PM, WV PM Motacilla flava Bergeronnette printanière PM, BM/RB, WV PM Motacilla alba Bergeronnette grise WV, RB, PM WV, PM Fringillidae Bucanetes githagineus Roselin githagine RB RB Calcariidae Plectrophenax nivalis Bruant des neiges AV AV Emberizidae Emberiza hortulana Bruant ortolan PM PM

123 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Annexe 2. Espèces observées au niveau de Sebkhat Imlili et ses environs.

Milan noir Milvus migrans migrateur de passage (MP). Buse féroce Buteo rufinus nicheur sédentaire (NS).

Faucon lanier Falco biarmicus nicheur sédentaire (NS). Faucon crécerelle Falco tinnunculus migrateur de passage (MP).

Chevêche d’Athéna Athene noctua nicheur sédentaire (NS). Hibou des marais Asio flammeus migrateur de passage et hivernant (MP, H).

Alouette bilophe Eremophila bilopha nicheur sédentaire (NS). Sirli du désert Alaemon alaudipes nicheur sédentaire (NS).

124 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Alouette clotbey Rhamphocoris clotbey nicheur sédentaire (NS). Traquet du desert Oenanthe deserti nicheur sédentaire (NS).

Pouillot ibérique Phylloscopus ibericus migrateur de passage et Guêpier d’Europe Merops apiaster migrateur de passage (MP). hivernant (MP, H).

Hirondelle rustique Hirundo rustica migrateur de passage (MP). Martinet noire Apus apus migrateur de passage (MP).

Aigrette garzette Egretta garzetta migrateur de passage (MP). Héron cendré Ardea cinerea migrateur de passage (MP).

125 Radi et al. Les oiseaux de la Sebkha d’Imlili

Grand Cormoran marocain Phalacrocorax carbo maroccanus Héron pourpré Ardea purpurea migrateur de passage (MP). nicheur sédentaire (NS).

Bécasseau variable Calidris alpina migrateur de passage (MP). Gravelot à collier interrompu Charadrius alexandrinus nicheur sédentaire et migrateur de passage (NS, MP).

126 Sebkhat Imlili (Région Dakhla- Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Inventaire commenté des Mammifères des environs de la Sebkha d’Imlili

Abdeljebbar QNINBA1, Hicham EL BRINI2, Mohamed RADI3, Hammadi MHIMDATE4, Mohamed Lamine SAMLALI4 & Mohamed Laghdaf KHAYYA4

1. Mohammed V University in Rabat, Institut Scientifique, Laboratoire de Géo-Biodiversité et Patrimoine Naturel (GEOBIOL), Geophysics, Natural Patrimony and Green Chemistry Research Center (GEOPAC), Av. Ibn Battota, BP 703, 10090, Agdal, Rabat, Maroc. 2. Mohammed V University in Rabat, Faculté des Sciences, Laboratoire de Zoologie et de Biologie Générale, Avenue Ibn Battota, B.P. 1014 Agdal, Rabat, Maroc. 3. Université Caddi Ayyad, Faculté des Sciences, Laboratoire "Biodiversité et Dynamique des Écosystèmes", B.P. 2390, 40000 Marrakech, Maroc. 4. Association Nature-Initiative de Dakhla, Avenue Mohamed Fadel Semlali, BP 79, 73000, Ad-Dakhla, Maroc.

INTRODUCTION Les Mammifères des environs de la Sebkha d’Imlili n’ont jamais fait l’objet de recherches spécifiques ; seules quelques observations ponctuelles réalisées durant les années 1950 par Valverde (1957) ont été rapportées. Depuis la redécouverte sur le plan scientifique de la Sebkha d’Imlili (Qninba et al., 2009), plusieurs naturalistes amateurs ou professionnels ont prospecté ce site exceptionnel et y ont fait des observations ou des relevés floristiques et faunistiques. Ces observations vont s’intensifier à partir du lancement en 2012 sur le site du projet d’études pluridisciplinaires par une équipe scientifique mixte avec le soutien logistique de l’Association Nature-Initiative de Dakhla et le financement de l’Agence de Développement et de Promotion des Provinces du Sud et des Conseils Régional, Provincial et Communal. Le présent article dresse une liste commentée des Mammifères identifiés jusqu’à présent dans le site et ses environs.

MATERIEL ET METHODES

Présentation de la Sebkha d’Imlili et de ses environs Située à une quarantaine de kilomètres au sud de la Baie de l’Oued Eddahab (ou Baie de Dakhla) et à une dizaine de kilomètres de l’Océan Atlantique, la Sebkha d’Imlili se présente sous forme d’une dépression au fond plat et sablonneux d’environ 13 kilomètres de long sur 2,5 kilomètres de large et d’orientation générale NNE-SSW (Fig. 1). Cette dépression, présentant dans sa partie septentrionale plusieurs dizaines de poches d’eau permanente et hypersalée, est entourée, du côté Nord et Nord-Ouest, par une ceinture végétale halophile mixte (Phragmites australis, Juncus rigidus et Arthrocnemum macrostachyum) à laquelle succède une formation dunaire sableuse sur laquelle s’est développée une végétation dominée par le Tamaris (Tamarix africana) (Fig. 2 & 3). Les alentours du site présentent tour à tour des affleurements ou même des escarpements rocheux, des regs caillouteux ou sablonneux sur lesquels poussent une végétation clairsemée comportant, notamment, des pieds d'Acacia raddiana (sous sa forme rampante vue la proximité de l'Océan), de Nitraria retusa et de Limonium tuberculatum ainsi que des tâches de Zygophyllum waterlotii et de Panicum turgidum (Fig. 4 & 5).

METHODOLOGIE Depuis la redécouverte de la Sebkha d'Imlili en janvier 2009, plusieurs visites de terrain ont été organisées (couvrant les différentes saisons de l’année) durant lesquelles toute espèce de Vertébrés vue ou entendue de jour comme de nuit aussi bien dans le site que dans ses environs immédiats a été notée. Afin de compléter l’inventaire des mammifères du site et de ses environs, des pièges grillagés et de Shermann pour rongeurs et musaraignes (Fig. 6) ont été posés au niveau de deux points, l'un tout près de la Sebkha et l'autre à environ 5-6 kilomètres à l'Ouest du site. Des pièges photographiques ont été également utilisés.

127 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

Figure 1. Localisation géographique de la Sebkha d’Imlili (d’après Qninba et al., 2009).

Figure 2. Fond de Sebkha plat, sablonneux et Figure 3. Habitat à Phragmites australis, Juncus rigidus présentant des poches d'eau permanente et hypersalée. et Arthrocnemum macrostachyum.

128 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

Figure 4. Dunes de sable fixées par une végétation Figure 5. Reg sablonneux avec une végétation clairsemée ligneuse à Tamarix africana, Nitraria retusa etc. à base d'Acacia raddiana (rampant), Zygophyllum waterlotii etc.

Figure 6. Piège Shermann posé pour la capture de rongeurs.

Les résultats d’enquêtes réalisées auprès de visiteurs réguliers dans la région (bergers et propriétaires de cheptels, naturalistes amateurs ou professionnels etc.) ont été également intégrés. Nous avons aussi utilisé les rares documents publiés ou inédits afin de compléter l'inventaire des espèces qui ont fréquenté plus ou moins régulièrement le site et/ou ses environs. L’importance du site pour les Mammifères a été évaluée en considérant les espèces présentant un intérêt patrimonial en tant qu’éléments menacés, rares ou remarquables. Enfin, les traits biologiques les plus marquants se rapportant au peuplement des mammifères de la Sebkha d’Imlili et de ses environs immédiats ont été discutés.

RESULTATS Une vingtaine d'espèces fréquentent la Sebkha et ses environs (Tab. 1), mais la Gazelle dorcas ne le ferait que sporadiquement par quelques individus erratiques ; l'espèce aurait en fait disparu de toute la région depuis plusieurs années. La Sebkha s.s. n'est pas fréquentée par toutes les espèces listées ; le Chat des sables, le Fennec, le Zorille, la Petite Gerboise d'Egypte ont été relevées à quelques distances (parfois à plusieurs kilomètres) du site.

129 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

Tableau 1. Liste des espèces de Mammifères dans la région de la Sebkha d’Imlili et ses environs, accompagnées de leurs statuts de conservation UICN et au Maroc : EN: en danger ; VU : vulnérable ; LC : préoccupation mineur ; NE : non évalué ; P : protégé par décret de la chasse ; SS : sans statut ; DD : données insuffisantes. Nom scientifique Nom français Statut UICN Statut au Maroc Paraechinus aethiopicus Hérisson du désert DD Crocidura tarfayaensis Crocidure de Tarfaya DD Endémique marocaine Felis libyca Chat ganté LC Felis margarita Chat des sables NT Canis anthus Loup doré africain LC Vulpes rueppellii Renard famélique LC Vulpes zerda Fennec LC Poecilictis libyca Zorille de Libye LC Gazella dorcas* Gazelle dorcas VU EN Lepus microtis** Lièvre des savanes LC Eliomys munbyanus Lérot du Maghreb LC Jaculus jaculus Petite Gerboise d'Egypte LC Gerbillus amoenus Gerbille naine d'Egypte LC Gerbillus henleyi Gerbille pygmée LC Gerbillus occiduus Gerbille occidentale DD Pachyuromis duprasi Gerbille à queue en massue LC Meriones crassus Mérione du désert LC Psammomys obesus Rat des sables diurne LC Mus musculus Souris grise LC Mus spretus Souris d'Afrique du Nord LC * Ne ferait que des apparitions ponctuelles dans la zone, d'après l'enquête auprès des bergers. ** Tous les lièvres du Sahara Atlantique seraient des microtis selon Moores et al. (2012).

Notons la présence d’une espèce endémique marocaine (la Crocidure de Tarfaya) et la richesse en rongeurs. En effet, dix espèces de ce groupe ont été relevées au niveau de la Sebkha et de ses environs immédiats. L’abondance du Lérot du Maghreb, de deux Souris, de la Gerbille naine, du Mérione du désert et, surtout, du Rat des sables diurne est remarquable. Parmi les Grands Mammifères, seul le Loup doré africain s’est montré relativement abondant comme en témoignent les nombreuses traces de pattes laissées à travers toute la Sebkha et ses environs ainsi que les images prises par des appareils photographiques posés, à l’occasion, certaines nuits (Fig. 7 ; Annexe 1).

Figure 7. Piège photographique pour contrôle nocturne.

130 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

CONCLUSIONS Le site ne présente donc pas de valeur écologique importante pour le groupe des Mammifères ; en revanche, la Sebkha et ses environs connaissent des abondances remarquables du Loup doré africain et du Rat des sables diurne ; celle de ce dernier serait-elle à l’origine, au moins en partie, de celle du Canidé sachant que le Rat est diurne alors que le Loup est essentiellement nocturne. Ce qui est sûr, c’est que le Loup doré africain profite des charognes de dromadaires piégés au niveau de certaines poches d’eau autour desquelles le sable est mouvant. Mise à part la Musaraigne de Tarfaya (endémique marocaine), seules deux autres espèces présentent un intérêt patrimonial : la Gazelle dorcas est vulnérable et le Chat des sables est quasi-menacé (Statuts IUCN). Cependant, ces deux Mammifères ne fréquentent pas le site de la Sebkha d’Imlili s.s. Le Chat des sables n’a pas été observé tout près de la Sebkha, mais à quelques kilomètres aux alentours (comme d’ailleurs le Zorille et le Fennec). La Gazelle dorcas n’y fait plus que des apparitions sporadiques d’après une enquête réalisée auprès des bergers. Par ailleurs, la présence simultanée des deux espèces de Souris (grise et d’Afrique du Nord) dans un milieu aussi marginal pour les deux espèces serait en faveur de l’hypothèse d’un transport involontaire par l’Homme (Aulagnier et al., 2017). Les alentours de la Sebkha ont effectivement connu une occupation humaine jusqu’à récemment ; des exploitants de joncs pour la fabrication de nattes résidaient de manière assez régulière en bordure de la Sebkha comme en témoigne le cimetière situé sur une colline caillouteuse à l’Ouest du site.

REFERENCES Aulagnier S., Cuzin F. & Thévenot M. 2017. Mammifères sauvages du Maroc : peuplement, répartition, écologie. Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères, Paris, 339 p. Bergier P., Thévenot M. & Qninba A. 2013. Notes naturalistes au Sahara Atlantique marocain – 5. Go-South Bull., 10, 113-196. Bergier P., Thévenot M. & Qninba A. 2014. Notes naturalistes au Sahara Atlantique marocain – 6. Go-South Bull., 11, 113-211. Bergier P., Thévenot M. & Qninba A. 2016. Notes naturalistes au Sahara Atlantique marocain – 7. Go-South Bull., 13, 93-187. Bergier P., Qninba A. & Thévenot M. 2011. Notes naturalistes au Sahara Atlantique marocain – 3. Go-South Bull., 8 : 67-103. Qninba A., Ibn Tattou M., Radi M., El Idrissi Essougrati A., Bensouiba H. Ben Moussa S., Ougga T., Bouzrou J., Azaguagh I., Bensbai J. & Khayya M.L. 2009. Sebkhet Imlily, une zone humide originale dans le Sud marocain. Bull. Inst. Sci., Rabat, Section Sciences de la Vie,31, 1, 51-55. Moores R., Brown D., Martin R. and Lees A.C. 2012. Status and identification of hares Lepus sp. in Western Sahara and Southern Morocco. Go-South Bull., 9, 126-130. Valverde J.A. 1957. Aves del Sahara espanol. Estudio ecologico del desierto. Instituto de Estudios Africanos, Consejo Superior de Investigacion centificas. Madrid. 487 p.

131 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

Annexe 1. Quelques Mammifères relevés au niveau de la Sebkha d’Imlili et de ses environs.

Musaraigne de Tarfaya Crocidura tarfayaensis. Lérot du Maghreb Eliomys munbyanus.

Rat de sable diurne Psammomys obesus. Fennec Vulpes zerda (Photo G. Schmitt).

Loup doré africain Canis anthus. Loup doré africain Canis anthus (Photo F. Chevalier).

132 Qninba et al. - Mammifères de la Sebkha d’Imlili

Lièvre des savanes Lepus microtis Hérisson du désert Paraechinus aethiopicus (Photo F. Chevalier). (Photo F. Chevalier).

Chat des sables Felis margarita Chat ganté Felis libyca. (Photo F. Chevalier).

Zorille de Libye Poecilictis libyca (Photo F.Chevalier). Petite Gerboise d'Egypte Jaculus jaculus (Photo F.Chevalier).

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Sebkhat Imlili (Région Dakhla- Oued Eddahab), une zone humide saharienne relique

Occupations humaines aux abords de la Sebkha d’Imlili (Dakhla, Maroc)

Aïcha OUJAA1, Mustapha NAMI2 et Naïma OULMAKKI1

1. Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat. 2. Direction du Patrimoine Culturel, Rabat.

Dans le cadre du programme de recherche élaboré par des chercheurs de l’Institut Scientifique de Rabat en collaboration avec l’Association Nature-Initiative de Dakhla, une prospection archéologique a été effectuée dans l’environnement immédiat de la Sebkha d’Imlili, dans le but principal d'y vérifier la présence ou non d'éventuelles occupations humaines préhistoriques ou protohistoriques. A cet effet, une prospection systématique au sol y a été réalisée. La prospection a concerné, plus particulièrement, les environs immédiats du Puits d'eau "Hassi" situé du côté Nord-Ouest de la Sebkha (Fig.1).

Figure 1. Localisation de la zone prospectée autour de la Sebkha d’Imlili (d’après Qninba et al., 2009).

135 Oujaa et al. Aspects culturels

Cette intervention visait l’identification des indices tangibles d’occupations humaines anciennes et l’évaluation de l’importance de telles occupations, tant dans le temps que dans l’espace. L’existence d’importants points d’eau au sein de l’actuelle Sebkha laisserait supposer que la région a connu des conditions bien plus favorables aux installations humaines à différentes époques préhistoriques et historiques. La prospection des petites collines, limitant la Sebkha du côté Nord-Ouest (Fig.2), a montré une grande richesse en artéfacts lithiques (éclats, nucléus et quelques outils) qui pourraient être considérés comme un ensemble groupé de plusieurs ateliers de taille à ciel ouvert (Fig. 3). Par contre du côté Est (zone à lumachelles), nous n’y avons récupéré que quelques éclats en silex non retouchés.

Figure 2. Sebkha d’Imlili : emplacement (flèches) des zones riches en matériel lithique.

Figure 3. Vue sur la surface du site avec la diversité du matériel archéologique.

136 Oujaa et al. Aspects culturels

Le matériel lithique, recueilli d'une façon plus ou moins sélective dans ces secteurs (Fig. 4), est évalué à 150 objets (pièces lithiques, tessons de céramiques décorés ainsi que des éléments de parure façonnés en rondelles de test d'œufs d'autruche). Le matériel lithique façonné à partir de deux types de silex, est essentiellement caractérisé par la présence d’innombrables débris de taille et de produits de débitage bruts lamellaires et laminaires, ce qui justifie l’attribution du site à un énorme atelier de taille ayant fonctionné pour une assez longue période. Quelques éléments présentent encore un bout de cortex brut sous forme de gangue calcaire blanchâtre permettant de caractériser les dimensions et les formes des matières premières utilisées. Elles se rapportent ainsi à de petits rognons de silex disponible en grande quantité dans l’espace immédiat de la zone prospectée (Fig. 5). Cet assemblage lithique, même en nombre réduit, nous a permis d’évaluer et de cadrer chronologiquement l’occupation humaine de cette zone et d’en tirer ces quelques constatations préliminaires : - La grande diversité de la matière première (Fig. 6) constituée principalement de plusieurs variétés de silex (10 types décomptés). Cette diversité suggère la poursuite des recherches et des prospections en vue d’identifier les sources primaires de ces matières premières et donc le lieu d’approvisionnement. La localisation de ces sources de matière première permettra de restituer l’étendue du territoire de mobilité des populations préhistoriques et protohistoriques ayant, au cours des temps, occupé le site.

Figure 4. Quelques objets lithiques ramassés. (1 – 4 : différents produits de débitage laminaire ; 5 : nucléus).

137 Oujaa et al. Aspects culturels

Figure 5. Grattoir avec persistance du cortex brut

Figure 6. Différents types de silex utilisés pour le débitage des outils à Imlili.

138 Oujaa et al. Aspects culturels

- Le nombre très réduit des outils retouchés (Tab. 1) prouve que l’occupation de l’espace était occasionnelle mais que le débitage se faisait sur place. La présence d’éclats bruts en grand nombre corrobore ce constat. Tableau 1. Décompte des pièces lithiques recueillies à Imlili.

Zone de ramassage Typologie du matériel lithique recueilli Effectif

- Nucléus Levallois 1 - Nucléus bipolaire 1 - Nucléus 9 - Lames 29 (28,7%) - Grattoirs 2 La bordure ouest de la sebkha - Burins 2 (5,9%) - Racloir sur lame 1 - Racloir sur éclat 1 - Pièce à coches 1 - Eclats bruts 48 (47%) - Pointes de flèches 3

CONCLUSION PRELIMINAIRE L’analyse préliminaire de la typologie du mobilier lithique recueilli lors des prospections au sol effectuées aux environs immédiats de la Sebkha d'Imlili permet d’attribuer l’occupation humaine à l’époque néolithique compte tenu de certains types d’outils identifiés caractéristiques de cette période et en rapport avec la nature du débitage de l'ensemble des pièces lithiques. Le nombre réduit d’outils et le grand nombre d’éclats bruts et de nucléus prouvent que le débitage se faisait sur place et que le site ainsi identifié a essentiellement fonctionné comme atelier de taille pour une assez longue durée. La présence de cortex brut sur certaines pièces montre bien que la matière première est amenée sur place puis débitée localement. Ce qui suggère qu’il est fort possible que la source primaire de cette matière première ne soit pas lointaine. La localisation de cette origine permettrait de tracer la nature des déplacements de ces Hommes pendant le Néolithique.

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Impression AZ Editions Dépôt Légal : 2020MO3887 ISBN : 978‐9920‐32‐185‐3