SEUTSURTAHAUTE ROUTE DUTUIOIfiBTATIC à ski ne paraîtpas Pasgrand monde danslc massif: le par- Traverserle massifdu Mont-Blanc king du Cugnon, aux Contamines, est simple.Jean-Pierre Bernard, guide Chablaisien, I'a cons- ride. I e rar estrite sorti.rharge et le rève devient réalité, dure sous 16 kg, plus les taté sur placeau printempsdernier. skis.Le sentierdéneigé me conduit rapide ment au refuge de Tré-la-Têle, ou Je m'arrête pour saluer la gardienne.Sur le glacler, une vague trace me mel en con- fiance, mais rapidementla neigeI'efface. Je dois so ir boussole,altimètre et carles. Je balaiedu regardI'avant de messkis, car /r' j'ai peur que mon attention diminue devant I'uniformité du paysageet que ma f'' coursese termine prématurément dans une crevasse.Aucune visibilité; j'ai pris mon mâtérielde bivouac,mais je préfèrequand méme les refuge:. Celui des Con.critr n'est pasloin, maisje me méfiedes crevas- sesqui le défendenti alors je préfèrefaire un grand détour et arriver par le haut. Après avoir traverséune sériede crevas- \e.. je pen.eque. pour ma .anlé immé- diate, il vaut mieux un bivouac. Le lende- main, il fait grand beau et le refuge est à 50 mètaesau-dessous de ma tente. Beau joueur. je me paie un peril dejeunera Je.ln-Pierre Bemard. I'abri de sesmurs et c'est seulementvers 7 h que je reprendsle qhemin des cimes. C'est magnifiqu€! Je suis seul et je me ujourd'hui, soyons grand sei- un après-midientre deux courses,le ver- sensbien. Au Coldes Dômes,je chargeles gneur:je prendsI'autoroute. Un santNord de la brèchede la Meije, la des- skis sur le sacet.,'attaque la traverséedes comble pour une 2 CV de qentedu Plateaudu Couloir versantSud, Dômes, crampons aux pieds. Quelle vue 120000 kilomètres ! J'ai enviede plus un après-midi pendant la Haute- sur le ! La descentesur le Col m'isolerdes tracas de lâ conduite.Ainsi, à Roure.ça !a: je ne m'allolepar trop.ie de Miage est raide, en neige mêlée de je R0lm h, j'ai l'e.prirlibre pour me prepa- m'habitue ainsi à skier avec un sac et sur rochers.Au col, cherchevainement clu je rer à cette fantastiquechevauchée. des pentesraides à n'importe quelleheure regard le refuge Durier et chausseles Je suis prêt. Depuis deux saisons,je de la journée, souvent fatigué. De la skis. La descentedu versantsud du col esl la cogitec€tte traverséedu Mont-Blanc. Eté folie ? Non, de I'entraînement. coupéed'un passageraide; il est tard, quelques commehiver, je regardece massifavec des Le mois de mai est Ià et ie suis prêl. Le neigeest instable.Après hésita- je yeux neufs. Au débul, ce fut une idée stade de I'attente: il lait régulièrement tions sur la techniqueà adopter, choisis fugace,le côté merveilleux,puis la techni- mauvais et je maintiens difficilement la moins latigantei une longue glissadeà que du bonhomme prit le dessr.ts:où pas- Icnrrainement.^lor\, four tmcliorel la limite du dérapage. ser? Quellespentes aborder ? Quelleest la mon cârâctère,et aprèsune sortiehumide Mont Blanc, meilleurepériode? Etude des cartes, cles du côté du refugede I eschaux,je m'offre jours premier temps fort nhoro\.Anre\. ce ful l aition. I enlraine- quatre de dérenle en Ardèche. Je ment. Pour cela, je suis gâté par mon retrouveune vieille passion : la descentede Surle glacierde Bionassay,je mets les métier de guide qui m'enlraîne naturelle- rivièreen canoëet kayak. peauxde phoqueet les élévateurs.De ment, mais ce n'est pas encore sulfisant. L ne brutale ra[ale r.levent me ramènei gigante.que.(rerd.\es m'obligent à un Alors j'ai combiné trois raids à Pâques, la réalité:il pleut.Le mauvaistemps est cheminementsinueux et c'est seulemenlà donc l6 jours consécutifspour festerà la loujours là, malgré les confidences de 18 h que je reprends pied sur I'arête de je fois la machineet le matériel. C'esl O.K. I'ingénieurmétéo. ll doir être suivi d'une Biona\.ay. Au Dôme du Coûter. pour la condition physique,mais il restele periodede beâu.Il laul .e laire une rai- rechausse pour gagner vallol. Quelle problemedc la pente.Alors. j'improvise son: pour âvoir cinq jours de temps cor- ambiance,avec en prime, un coucher ale pendant mes sorties: la descentede [a rect, il faut accepterde partir même par soleil fabuleux! Le refuge, quoique déla- FaceNord du Ciarforon au Grand Paradis mauvaistemPs. bré, offre encore quatre couchettes et

82 montagnesmagazine no35 qu€lquescouvertures, mais, avantde pro- pentue; la rimayedonne accèsà despen- tes du télécabine)au refugeTorino. Quel fiter de ceconfort, je m'imposede faire de tes poudreusesmerveilleuses. Au Mont changement! Avec lesnouveaux gardiens, I'eau pour me réhydrateraprès les quel- Blanc du Tacul, je croisePatrick Vallen- il a fait peauneuve. ques 2500 mètres de montée, Avec des çant partant en balladeà la FaceNord du Après une nuit réparatrice, un petit gesteslents, en harmonieavec cette quié- Mont Blancavec son fils. Je restequelques déjeunerachève les scrupulesqui me res- tude,je m'installe, instantsà regarderce gamin se confron- taientaprès I'abandon de mon matérielde Le lendemain,changement: il souffle taût à la montagne,à ll ans. Quelle bivouac.Un rapidecoup d'æil à l'exté- un vent froid et violent. Je préfèreatten- santé! L'avenir est assuré. rieur me permetde choisir le couvre-chef dre que de m'épuiser dans cette tour- La descente du Tacul me permet de circonstance;la cagouleI'emporte sur mente.J'ai pris la décisionde m'allégerde d'apprécier la gentillessed'un alpiniste. le chapeaude paillepourranr si efficace ma tente et du sac de couchage; je ne Une largecrevasse horizontale me barrela sur le glacier de Miage. Il neige; là ma gardeque la survieet la nourriture,avec le routeet je nepeux pas prendre de l'élanà belle confiances'étiole. A 7 h, je me réchaud,Avec beaucoupde gentillesse,un skis. Je me décideà la sauter,après avoir décideà tenterau moinsle pied de la Dent grouped'alpinistes faisant la voie normale lancésac et skis. Au moment d'effectuer du Géant. acceptede descendrece matérielà Jean,le mon saul, il me proposede m'assurerà Des tracesen mauvaiseneige me con- gardien des Crands Mulets. Enfin, vers I'aide de ss corde. Je n'ose refuser une duisentà la Salleà Manger,mais j'ai beaù 8 h, le venrest tombé et à l0 h, je suisau offre aussiaimable er j'accepte.Mais. ô regarder,on n'a pas fait I'effort d'aller sommet.Je ne traîne pas, en pensantaux surprise,il sort de son sacun morceaude jusqu'àI'. Après une pentesavalancheuses du Mont Blanc du cordede 5 à 6 mètresde long... Je préfère estimationtrès sérieuse et un oubli total de Tacul. La descenteest magnifique, mais le courir ma chanceseul. l'effet de pesanteursur les corniches,je Mur de la Côte qui domine le Col de la Après avoir rejoint le col du Midi, la m'engage.Et d'une. et de deux,I'une à Brenvaest en neigecroûtée et j'apprécie, descentede la premièrepartie de la vallée droite, I'autreà gauche,celle-ci à califour- dansles virages sautés, mon sacplus léger. Blanchem'amène, après une çourte mon- chon,ou deboutsur le fil, j'arrive, pur La descentedu Col du Mont Blanc est lée.(er fortement encouragé par les rouris- produit de la lévitation, au moins par I'esprit,au pied du ressautterminal. Le rocherétant verglacé,le choix est rapide: o:Y------.a^^ce neÉt je me placeen tête de la cordée,mon sac avecles skis formant un secondtrès atten- rif. Plusieursfois, le secondrefuse énergi- quement le passage.Enfin, avec de la bonne volonté, je débarqueau sommet. Derrière,une autre cordées'est engagée sur I'arête,mais mes traces ne lesinspirent pas,et ils font demi-tour. On ne se refait pas! Une dernièrevérification du matérielet je m'aperçoisde l'oubli d'une peau de ^ phoque.Cênant, mais cela me décontracte É9'r.",o""e pour aborderla descentedu . Fichetechnique Rappelou non rappel? That's the ques- tion. Après une traverséeau-dessus de I. - Mstériel séracsoil j'essaiede me souvenirexacte- (Duret ment de la longueurde la corde, un cou- Skislégers (nid d'abeille),accrocheurs 8300). pro- Fixationsmon!ée-descente. Couteaux fixes. Calesamovibles (Emery Altitude Plus). loir rive gauchemet un terme à mes Peauxde phoqueauto-collantes (tendeur avant et crochet). blèmesd'arpenteur. Pas de rappel,mais ChaussuresDolomite Transalp. une très belle pente presqueaccueillante Bâtonsréglables (servant de piquerde reme).(Leki). Pelle. me coûduit au plateausupérieur. Là, Tenteisothermique. excusez-moi,les mols sonl de trop et je Matelasmousse-aluminium. Sac de couchagealtitude (Topiol). savouredéjà le restede la descente.Très Rechaudspecial tous temps + recharges(Emery). viteje m'aperçoisde mon erreur,le soleil, Nourriture lyophilisée. qui est revenu,risque de causerma perte. Salopete + veste+ gânts + passe-montagne,veste duvel, La reige fraîcheest réchauffée : elledévale Il. - Itinérâire de toutesles facesavoisinantes; c'est du grand sport. La techniqueest simple: une 1..jour (14 h): glissade,un virage sauté, un regard vers Contamines-Montjoie(le Cugnon) I180m. Clacier de Tréla-Tête. Refuge des Conscrits (bivouac). I'amont pour contrôlerI'importance de la 2. jour: couléedéclenchée et on continue. Je fais Refugedes Conscrits. Dôme de Miage.Col de Miage.Descente du Col. Clacierde Bionnassayita' unearrivée très remarquée sur le glacierde lien. Col de Bionnassay.Arête de Bionnassay.Dôme du Goûter- RefugeVallot. Leschaux,ma traceayant déclenchë une 3. joul I immenseplaque. Le groupe, qui casse- RefugeVallot. Moni Blanc. (col). Monl Blancdu Tacul. Col du Midi. clacier du croûtait, a dû en tirer desconclusions sur Géant.Refuge Torino. joul l'imprudeûce des alpinistes modernes; 4. : mais, fois une telle des- RefugeTorino. Salleà mangerCéant. Arêtes de Rocheforl.Aiguille de Rochefort.Clacier de Les- une engagédans chaux.Glacier de Talèfre. Refugedu Couvercle. cente,la philosophien'est plus de mise. 5. jour: Quoiqu'il en soit, le creuxqui me tiraille Refugedu Couvercle.Clacier de Talèfre. Col des Cristaux. clacier d'Argentière.Glacier des le ventre,a peut-êtreses origines dans le Améthystes.Col du . Glaci€rde Saleina.Fenêtre de Saleinaz.Plateau du Trient. Col des peu de consciencedu danger qu'il me Chamois.Combe des Ecandies. Val d'Arpette. . reste.Près de deux heuresde pausesolu- On peuttronçonner certaines étapes paa des arrêls aux refugesDurier, du Coûter, desCosmiques, tionnent les aspectsphysiques et moraux. de Leschaux. Aprèsun départdélicat pour surmonter Attention: ce(teHaute-Route du Mont Blanc comporteà skisdes pentes supérieures à 45'. je Ixnivelées: Montée: 8 100m. Descente: 7 800m. la zoned'éboulis de la moraine, suisla rive gauchedu glacierde Talèfre et gagne

84 montagnesmagazine no35 ce chef d'ceuvreen péril, je cite, qu'est rimayese montrecoopérative. Le glacier dérape les premiers mètres, la neige glisse I'ancienrefuge du Couvercle.Dans ce d'Argentièreatteint, je souffle.Je pose en plaque( d'une maniere régulière. je lieu,l'alpiniste est le secondinvité, les pre- mon sacet sorsle camembert. peux passer, mais uniquement avec des miersétant les rats. Mais oui, la nuit, tous Aujourd'hui,le bassind'Argentière €st virages longs et ne recoupant pas la pente lesfrôlements n'appartienneni pas au sexe lugubre:tout estgris, un amasde nuages traversée.Très tendu, je descendsrapide- opposé. masquele fond de la valléeet un autre ment. Vers la fin de la pente,la neiges'est La rencontred'un anciencompagnon ferme le décor à 3 500m. De tempsen ramollie sur 20cm et, plusieurs fois, je me permetde fairedu lroc: de la nourri- temps, des rafales mêléesde grésil et de dois me cramponner pour ne pas être ture lyophiliséetrès légère, très pratique, pluie. Riende folichon.tl est midi. J'ai embarqué par une coulée. Enfin, la nécessilanttrès peu d'ènergiecalorifique doncencore de la marge,et la qualitéde la rimaye : ellebarre toute la pente. Haute de et très chère, contre des tripes et un neigene pourrapas s'améliorer. Par con- trois mètreset largementouverte. Je n'ose camembert...On ne serefait pas. tre, la moindreerreur serait dramatique; la sauter dan( une neige aussi mauvaise. Le matin,après un rapidecoup d'ceil à je sensque la montagnea poséses jalons Avec beaucoupde précautions,je la longe l'altimètre,je me senscoincé. Il fait fran- pour ce hùis-clos.J'en acceptele défi et pour trouver son point faible. Un pro- chementmauvais et je ne vois pas com- j'adoptela mêrnetactique que précédem- montoire de neige me permet de sauter la mentje peuxterminer ce raid. Je tourne ment.Je monte,je vois,je décide. difficulté, aprèsavoir lancémon matériel. dansma têtetoutes les données: il pleut, Je repars,mais la fatigue,dans les pre- < Vous venez du Mont Blanc 2 Par un plafondà 3 500m, deuxdescentes pentues mièrespentes du glaciersdes Améthystes, teûps pareil ? >. Le patron de I'auberge de au programme,toutes deux inconnues calme vite mes ardeurs. Je comprends Champexn'en revientpas, mais la réserve pour moi. Oui, je peuxrevenir terminer, rapidementque le tempsest venu pour suisseI'empêche d'émettre tout jugement mais c'est trop bête, alors j'attends. moi d'arrondirau mieuxma trace.Il faut sur mon imprudence. Sur la terrasse Quoi? Je n'en saisrien. Un miracle. queJe me cramponne à ellede toutesmes déserte,une bière et un sandwich achèvent Aprèsun petirdéjeuner copieur lmerci forces,je dois faire corps avec elle. de me convaincre de mon retour. Mon les amis),le phénomènebien connu de J es(aiede ne plusressenrir le froid, mais regardse pert dans le Val d'Arpette, mon l'euphoriealimentaire (il ne faut pas en d'êtrefroid. Je nemesure plus ce qu'il me esprit est encore là haut. Dans la Fenêtre abuser)I'emporte. Je peuxme remuerun resteà faire, je fais. Progressivement,de Saleinaoù la qualitéde la neigem'obli- peuet gagnerle pieddu Col desCristaux. toute notion d'avenirs'estompe. Que le gea à déchausser, sur le glacier de Tnent Et c'estcomme cela que je me trouveà la présentcompte. Je suisen harmonieavec oir j'ai dû me transformeren fondeur mal- basedu passage;j'essaie une goulorte et. la nature,I'idée mêmed'une fin m'est gré la pente, et devant moi, le Val miracle,elle est gelée. Alors, là, ça va très étrangère,Depuis un moment,je suisdes d'Arpette où d'énormesblocs d'avalanche vite: si la montéeest assurée, la descente traces fraîches de skis, et bientôr un transformèrent mon parcours en slalom on verra.C'est de l'expéditif,mais, sur le groupeme croise,très pressé de rejoindre acrobatique. Oui, c'était fantastique, et la terrain, terriblementefficace. Aucun pro- Ie refuged'Argentière. Rapidement, les montagneune partenairehors-pair.O blèmed'itinéraire, la goulotte me conduit tracess'effacent. Les nuages s'abaissent et Jean-Pi€rr€Bernard directementau col, au pied de l'Aiguille estompentcomplètement le col. Enfin, le Ravanel.Là je dois tailler une plate-forme voilà; il ventetrès fort et je dois faire pour pouvoir chausser.Le départest raide attentionque rien ne glisse.A l'abri d'un Dons les pentes de lo face et la neigeacceptable. La descentese laisse bloc,je chausse.Dessous, c'est I'inconnu. charmerpar tant d'ardeur et même la Je vois à peineà lom devantmoi. Je Blqncdu Tqcul. montagnesmagazine no35