ENJEUX SOCIAUX ENVIRONNEMENTAUX ET DE GOUVERNANCE D’ENTREPRISE

2019

LETTRE AUX LECTEURS

Chers clients, partenaires, collaborateurs et enthousiastes lecteurs, Nous avons le grand plaisir de vous présenter la 17e édition du Rapport des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance des entreprises. Devenu une tradition que nous chérissons, ce rapport s’établit comme la référence en la matière au Québec, décuplant ainsi notre motivation à le produire. On me demande souvent quels sont les enjeux de l’heure dans le monde de l’investissement responsable. C’est une question assez difficile, parce que les enjeux de premier plan dépendent de la perception des marchés de ce qui est important, des priorités de tout un chacun, sans oublier qu’ils sont tous interreliés. Cependant, il y a des tendances qui sont indéniables et qu’il convient de souligner. Parmi celles-ci, il y a leur complexification. Il est en effet hasardeux en 2019 de segmenter les enjeux au point de les catégoriser dans la case « social », « environnement » ou « gouvernance » stricto sensu sans admettre qu’à plusieurs égards, ceux-ci se recoupent. Prenons par exemple le cas de la représentation des minorités au sein des conseils d’administration. Lorsque l’on constitue un conseil d’administration représentatif de nos parties prenantes, on le fait pour doter l’entreprise de toute l’expertise nécessaire à son développement en souhaitant éviter toute forme de discrimination des segments de la société. Évidemment, on sait aujourd’hui qu’une meilleure diversité au conseil augmente les performances et constitue l’une des meilleures pratiques de gouvernance. Autre démonstration simple : l’enjeu du gaspillage alimentaire. Les conséquences environnementales de l’agriculture sont bien connues. La réduction du gaspillage alimentaire permet de nourrir plus de gens en optimisant l’utilisation de nos ressources. En s’attaquant à cet enjeu, on mitige à la fois notre impact environnemental et on nourrit davantage de personnes, contribuant ainsi à réduire les inégalités sociales. Par complexité des enjeux, on peut aussi avancer qu’à une époque, les actionnaires réclamaient simplement la production de rapports de développement durable… alors que maintenant, ils demandent aux entreprises de leur expliquer comment elles vont se conformer à des plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre (et de leur fournir un plan de mitigation pour leurs activités), de se fixer des objectifs quantitatifs, voire d’inclure ces critères dans la rémunération des dirigeants. Voilà un exemple de complexification et d’interconnexion que nous n’aurions pas imaginé lors des premières éditions du rapport. D’autre part, cette année marquera un tournant pour le rapport des enjeux. En effet, après toutes ces années — et bien des suggestions en ce sens — nous passons en version électronique uniquement et abandonnons le papier. Il faut effectivement que les « bottines suivent les babines » ! Nous savons que bon nombre de lecteurs aiment les copies papier, mais vous contraindre à faire face aux nouvelles réalités fait partie de notre cœur de métier ! Afin de compenser cette migration, nous avons mis sur pied un site Internet qui permet de retrouver facilement les sujets traités cette année. Il vous sera aussi possible de télécharger une version complète du document en question. En terminant, je tiens à souligner le travail hors pair de notre équipe qui, chaque année, se dévoue corps et âme dans la production de ce rapport. Le GIR compte parmi les meilleurs spécialistes au Québec et j’en suis très fier. Bonne lecture et bonne saison des assemblées à tous ! Olivier Gamache Président- directeur général RÉALISATION DU RAPPORT ET REMERCIEMENTS

Le Groupe investissement responsable inc. (GIR) tient à souligner le travail de tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de ce rapport et à les remercier.

À la recherche, aux bases de données et à la rédaction : Alexis Devroede-Languirand, analyste en gouvernance Thomas Estinès, analyste en chef Salma Ktat, analyste en environnement Étienne Lamy, analyste en gouvernance Johanne Therrien, analyste en problématiques sociales, rédactrice et correctrice

À la mise en page et à la recherche photographique :

Sous la coordination de : Jocelyn Caron, directeur des opérations

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET MISE EN GARDE

ISBN : 978-2-9815813-3-4

Dépôt légal : 1er trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Le lecteur convient que l’ensemble des droits, notamment tous les droits de propriété intellectuelle et autres droits exclusifs à l’égard du Rapport sur les enjeux 2019 y compris tout document, donnée ou renseignement, appartiennent à Groupe Investissement Responsable inc. Le lecteur reconnaît notamment ne pas pouvoir disséminer ou reproduire en tout ou en partie ce document sans le consentement préalable écrit de Groupe investisse- ment responsable inc. Tous droits réservés 2019.

L’information contenue dans ce document a été obtenue de sources que nous croyons fiables, mais nous ne pouvons en garantir ni la précision ni l’intégralité. Ce rapport n’est pas et ne doit pas être perçu comme une offre de vente ni comme une sollicitation d’une offre d’achat de quelque titre. Ce rapport est fourni sur la base et avec la compréhension que le Groupe investissement responsable inc. n’engage aucune responsabilité. Ce rapport ne peut être copié ou reproduit, en tout ou en partie, de quelque façon que ce soit sans l’autorisation préalable du Groupe investissement responsable inc.

4 © Groupe investissement responsable inc. Tous droits réservés 2019. SOMMAIRE

ENJEUX DE GOUVERNANCE 6 | 7

ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX 8 | 9

ENJEUX SOCIAUX 10 | 11

LA DIVERSITÉ AU CONSEIL D’ADMINISTRATION 12 | 18

IMPACT DES FRAIS DE DÉCOUVERT BANCAIRE 19 | 24

LOBBYING ET CONTRIBUTIONS POLITIQUES 25 | 32

INTÉGRATION DES CRITÈRES ESG DANS LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS 33 | 38

DROITS DES ACTIONNAIRES 39 | 44

CYBERSÉCURITÉ ET PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS 45 | 50

#MOIAUSSI 51 | 54

SUIVI D’AUTRES ENJEUX DE GOUVERNANCE 55 | 62

OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES 63 | 70

UTILISATION D’ANTIBIOTIQUES DANS UN BUT NON THÉRAPEUTHIQUE DANS LA CHAÎNE S’APPROVISIONNEMENT 71 | 76

RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE MÉTHANE 77 | 83

ÉNERGIES RENOUVELABLES 84 | 92

POLLUTION DE L’EAU PAR LE PLASTIQUE 93 | 98

RISQUES RELATIFS À L’APPROVISIONNEMENT EN EAU 99 | 103

IMPACT DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE 104 | 110

SUIVI D’AUTRES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX 111 | 115

TRAVAIL CARCÉRAL DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT 116 | 124

CRISE DE L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS 125 | 132

SALAIRE VITAL 133 | 137

ÉCARTS SALARIAUX EN FONCTION DU SEXE OU DE L’APPARTENANCE ETHNIQUE 138 | 145

DÉSINFORMATION, CONTENUS HAINEUX ET INGÉRENCE POLITIQUE 146 | 153

PRATIQUES DE TRAVAIL INÉQUITABLES 154 | 163

CRISES DES OPIOÏDES 164 | 171

SUIVI D’AUTRES ENJEUX SOCIAUX 172 | 179

RÉFÉRENCES 180 | 190

5 ENJEUX DE GOUVERNANCE En 2018, le nombre de propositions d’actionnaire relatives à la gouvernance d’entreprise a augmenté, une première depuis 2015i. Néanmoins, la tendance selon laquelle les propositions de type classique sont de moins en moins nombreuses semble se confirmer. Grâce aux améliorations apportées à la gouvernance d’entreprise en général, les propositions sur la possibilité de convoquer une assemblée extraordinaire, sur le consentement écrit ou sur le droit de présenter des candidats au conseil d’administration à même la circulaire de l’entreprise se font plus rares. Les propositions seront ainsi plus variées cette année. En effet, celles-ci traiteront entre autres d’une gestion de risques plus large, d’une diversification des instances des sociétés qui va plus loin que l’augmentation de la représentation féminine, des contributions politiques et du lobbying, de l’impact des frais de découvert bancaire, ainsi que de l’établissement d’une démocratie actionnariale plus juste. Pour vous donner une meilleure idée des enjeux à venir, voici le résumé de trois de ceux-ci. L’une des responsabilités centrales des conseils d’administration est la gestion de risques, puisqu’elle est indispensable pour la création de valeur à long terme. Pourtant, plusieurs propositions relatives à cet enjeu ont été déposées par les investisseurs en vue de la nouvelle saison des assemblées d’actionnaires. Deux des enjeux de gouvernance que nous avons traités cette année portent d’ailleurs sur l’élargissement de la gestion de risques par les entreprises. Évidemment, nous ne pouvions pas passer sous silence les différents enjeux entourant les scandales de nature sexuelle qui ont ébranlé plusieurs entreprises américaines. Il est important de souligner que le phénomène du harcèlement sexuel au travail touche près d’une femme sur deux et le tiers des hommes. Cet enjeu, qui a commencé à émerger dans des propositions en 2018, devrait faire encore plus de vagues cette année. Les risques relatifs au harcèlement sexuel et au mouvement #Metoo sont tellement élevés que CalPERS a même affirmé qu’il les considère comme des risques financiers. D’autres propositions s’intéresseront à la gestion des risques informatiques, y compris ceux liés à la cybersécurité, à la protection de la vie privée et aux innovations technologiques. Ce n’est pas la première fois que le rapport des enjeux aborde la question de la gestion de risques, mais la nouveauté cette année réside dans la multiplicité des enjeux soulevés. Gageons que dans les prochaines années, les propositions à ce sujet augmenteront en nombre. Par ailleurs, les efforts se multiplient pour mettre fin au « old boys’ club » dans les conseils d’administration, pour passer de l’unicité à la diversité ! Ces dernières années, des progrès considérables ont été réalisés pour améliorer la représentation des femmes dans les conseils d’administration. Par exemple, le taux de conseils exclusivement masculins à la Bourse de Toronto a chuté de 44 % à 3 % en 5 ans. Énormément d’études ont démontré l’apport substantiel de la diversité à la croissance des entreprises. Pourtant, il reste encore beaucoup de travail à faire pour diversifier les instances des entreprises, ce dont bien des investisseurs responsables sont conscients. Ceux-ci déposeront ainsi des propositions en vue d’amener plus de membres de minorités ethniques et raciales, de jeunes ou bien de simples employés dans les conseils d’administration. De plus, si les femmes sont désormais plus présentes dans les conseils, elles demeurent largement sous-représentées au sein de la direction des entreprises. De plus en plus de propositions visent donc à corriger cette situation. Finalement, nous devons souligner le dépôt de propositions portant sur la démocratie actionnariale par le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). En effet, ce dernier va soumettre cette année, pour la première fois de son histoire, une proposition requérant l’abolition du régime d’actions à droit de vote multiple d’une société ouverte, soit Bombardier. D’autres propositions demanderont de divulguer les résultats des votes selon la classe d’actions ou d’établir un seuil de participation minimal pour les actionnaires de contrôle. Nul doute que l’assemblée d’actionnaires de Bombardier sera des plus intéressantes à observer cette année ! Nous espérons que la lecture des enjeux de gouvernance suscitera de nombreuses réflexions pour aborder de front la saison 2019 des assemblées d’actionnaires. ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX Le changement climatique demeure l’un des défis environnementaux les plus importants de notre époque et un enjeu prédominant des propositions d’actionnaire pour la saison des assemblées générales annuelles de 2019. Bien qu’une entente sur la mise en pratique de l’Accord de Paris de 2015 ait été conclue lors de la 24e conférence annuelle des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP24), qui s’est tenue en Pologne en décembre 2018, la manière dont les pays comptent renforcer leurs objectifs actuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) a été absente des discussions. Pourtant, plusieurs études récentes, comme le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, démontrent clairement que le réchauffement climatique pourrait atteindre 3 °C par rapport aux niveaux préindustriels si les États ne se fixent pas des objectifs beaucoup plus ambitieux que ceux adoptés lors de l’Accord de Paris et n’accélèrent pas la transition vers une économie sobre en carbone. Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas que les investisseurs soient de plus en plus préoccupés par la fixation d’objectifs quantitatifs de réduction des émissions de GES par les entreprises. Ainsi, sur 62 propositions relatives au changement climatique en 2018, 11 portaient sur l’adoption de tels objectifs et ont obtenu un taux d’approbation moyen de 32 %. Au moins 8 propositions à ce sujet devraient être soumises en 2019. Outre les propositions d’actionnaire, une pression accrue est exercée sur les sociétés afin de cesser le financement des énergies fossiles, dont la combustion pour les transports, l’électricité et le chauffage représentait la principale source d’émissions de GES aux États-Unis en 2016 . À titre d’illustration, l’initiative Divest-Invest, qui compte un millier d’investisseurs institutionnels dans le monde détenant 6 240 milliards de dollars d’actifs sous gestion, a annoncé le retrait des énergies fossiles et le réinvestissement de 5 % de leur portefeuille dans des énergies renouvelables. L’approvisionnement en énergies vertes est ainsi devenu un enjeu d’une importance majeure, qui arrive cette année en deuxième position en nombre de propositions (4 en 2018 et au moins 6 à venir en 2019), avec un taux d’approbation moyen de 29 % en 2018. Il faut dire que ces énergies semblent offrir des avantages indéniables sur le plan environnemental, tout en ayant désormais un coût plus concurrentiel. En parallèle à ces demandes, de plus en plus d’investisseurs exhortent les sociétés à se fixer des objectifs de réduction des émissions de méthane. Étant donné que ce dernier est un puissant GES, avec un impact sur la température 30 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone sur une période de 100 ans, des diminutions importantes auraient un effet rapide et significatif sur le potentiel de réchauffement climatique. De plus, avec des fuites de méthane qui représentent 30 milliards de dollars de revenus perdus (3 % du gaz produit en provenance d’activités pétrolières et gazières dans le monde) en 2012, un nombre grandissant d’investisseurs s’intéressent aux effets des fuites de méthane et aux mesures prises pour atténuer ces émissions. Ainsi, 5 propositions déposées en 2018 auprès de sociétés pétrolières ont obtenu un taux d’approbation moyen fort honorable de 35,8 %. Notons aussi que la proposition soumise à Range Resources a été la deuxième résolution liée au méthane à avoir remporté un vote à la majorité aux États-Unis. Si les entreprises pétrolières et gazières demeurent la principale source d’émissions de méthane aux États-Unis (29 %), les animaux d’élevage arrivent en deuxième position (26 %). Malgré cette énorme empreinte écologique de la viande, aucune société du secteur n’a été visée par ce genre de propositions jusqu’à présent, mais elles pourraient bientôt devenir la cible d’investisseurs responsables. Cela étant dit, les entreprises de ce secteur font l’objet d’un autre type de propositions : l’élimination de l’utilisation d’antibiotiques pour la prévention de maladies. Il faut rappeler que 80 % des antibiotiques employés au Canada et aux États-Unis sont administrés d’une façon inappropriée à des animaux d’élevage. Cette pratique est responsable de l’apparition de nouveaux mécanismes de résistance des bactéries à ces médicaments. Dans le contexte d’une réglementation de plus en plus contraignante sur l’utilisation d’antibiotiques importants pour la santé humaine par Santé Canada, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) et le Parlement européen, à laquelle s’ajoutent des campagnes par des groupes environnementaux, la pression ressentie par les entreprises de ce secteur est là pour rester ! Soulignons enfin que ce rapport des enjeux environnementaux les plus captivants de l’année 2019 n’est pas exhaustif et qu’il n’inclut donc pas certains enjeux jugés de moindre importance strictement sur la base du nombre de propositions d’actionnaire soumises au moment de la rédaction du rapport, comme l’impact de la chaîne d’approvisionnement sur la déforestation et les répercussions de l’utilisation de pesticides sur les pollinisateurs. ENJEUX SOCIAUX Encore une fois, les crises sociales et politiques qui secouent les États-Unis ont façonné en bonne partie le nouveau programme social des investisseurs responsables. Des enjeux d’une grande actualité seront ainsi débattus lors des assemblées générales d’actionnaires en 2019, comme le soutien à la politique de tolérance zéro en matière d’immigration de l’administration Trump et la gestion de contenus par les sociétés du secteur technologique. D’autres enjeux fondamentaux récurrents, mais tout aussi passionnants se retrouveront également au cœur de nombreuses démarches actionnariales cette année. Dans le présent rapport, nous avons retenu des enjeux reliés à trois thèmes principaux : la diversité et la lutte contre la discrimination en emploi, les droits de la personne et des travailleurs, ainsi que la santé. Les questions relatives à la diversité suscitent toujours un grand intérêt chez les investisseurs responsables, qui continuent de réclamer plus de transparence de la part des entreprises, notamment en ce qui concerne la répartition des employés en fonction de leur sexe et de leur race dans différentes catégories d’emploi. D’autre part, on remarque que les investisseurs raffinent leurs demandes concernant les écarts salariaux et s’intéressent désormais non seulement à ceux entre les sexes, mais aussi à ceux fondés sur la race ou l’appartenance ethnique. Arjuna Capital, qui a fait plier les géants de Wall Street et de la Silicon Valley grâce à sa pugnacité et à sa détermination, ira encore plus loin cette année et réclamera des entreprises la divulgation de la rémunération médiane des hommes et des femmes pour l’ensemble de leur personnel dans le monde. Il s’agit en fait de l’écart salarial brut, qui ne tient pas compte de facteurs comme le poste occupé. Tandis que l’écart ajusté révèle si une société respecte le principe de l’égalité salariale, l’écart brut peut être un bon indicateur de la sous-représentation des femmes (ou de membres de minorités) dans les postes de responsabilités et bien payés. Par ailleurs, de nombreux enjeux relatifs aux droits de la personne et aux droits des travailleurs devraient provoquer de vifs débats en 2019, à commencer par la crise de l’immigration aux États-Unis. Les investisseurs ne sont pas restés indifférents au scandale de la séparation des familles d’immigrants clandestins qui a résulté de la politique de tolérance zéro de l’administration Trump. Celle-ci a d’ailleurs été dénoncée avec vigueur par plusieurs entreprises sur la place publique. Dans le cadre d’une nouvelle campagne actionnariale, six sociétés recevront des propositions sur les risques découlant de contrats avec le gouvernement fédéral qui soutiennent cette politique inhumaine. Les pratiques de travail inéquitables constituent un autre enjeu émergent, qui a été mis en lumière par le mouvement #MeToo et la déferlante d’accusations publiques de harcèlement et d’agression à caractère sexuel. L’usage abusif de ces pratiques par les entreprises américaines aurait notamment permis de maintenir des comportements et des actes répréhensibles dans l’ombre. Ajoutons que la présence de travail carcéral forcé dans les chaînes d’approvisionnement, les scandales des fausses nouvelles, des messages haineux et de l’ingérence politique en ligne, de même que le versement d’un salaire de subsistance aux employés et la lutte contre le travail forcé par l’adoption et la mise en œuvre de pratiques équitables de recrutement constituent d’autres enjeux sociaux qui devraient retenir l’attention des investisseurs en 2019. Enfin, l’accès aux médicaments et la crise des opioïdes vont rester à l’ordre du jour de nombreuses assemblées d’actionnaires, la situation sur ces deux fronts demeurant des plus problématiques aux États-Unis. Il va sans dire que ce rapport n’a pas la prétention d’être exhaustif et que bien des enjeux sociaux intéressants et importants n’y ont pas été traités cette année. De douloureux choix ont dû être effectués, en fonction de la nouveauté des sujets ou du nombre de propositions où ils sont abordés. Il en va ainsi, par exemple, du droit fondamental à l’eau et des droits des peuples autochtones, qui ont été traités dans de précédents rapports. Sans compter qu’il faudra surveiller comment American Outdoor Brand’s (Smith & Wesson) et Sturm Ruger vont répondre aux propositions d’actionnaire sur la sécurité des armes à feu qui ont été adoptées à la majorité en 2018. Bref, la nouvelle saison des assemblées générales d’actionnaires devrait être exaltante et, si elle est à l’image de la précédente, elle devrait permettre à plusieurs entreprises d’améliorer leurs pratiques sociales, au profit de l’ensemble de leurs parties prenantes.

DIVERSITÉ AU CONSEIL D’ADMINISTRATION LA DIVERSITÉ AU CONSEIL D’ADMINISTRATION

En 2019, les investisseurs seront appelés à voter de nombreuses propositions d’actionnaire sous le thème de la diversité. Plusieurs demanderont ainsi aux entreprises de s’engager activement à faire plus de place aux femmes et aux membres de minorités dans les conseils d’administration. De plus, nous constatons que certaines propositions auront une portée plus large en incluant également les équipes de direction.

Depuis plusieurs années, des entreprises sont visées par des propositions d’actionnaire pour accroître la diversité au sein des conseils d’administration. En 2018, ce sont plus de 5 entreprises qui ont reçu une telle proposition, avec un taux d’approbation moyen de 18,39 %.

Cette année, aux États-Unis, Trillium Asset Management compte présenter des propositions aux assemblées d’actionnaires de Marathon Petroleumi, Bank of New York Mellonii, Cambrex Corporationiii, Borg Warneriv et IQVIA Holdingsv pour demander une plus grande divulgation des données reliées à la diversité des équipes de direction ou plus de diversité au conseil d’administration. Il est intéressant de noter que la proposition visant Marathon Petroleum traite en particulier de la diversité raciale dans les équipes de direction, un élément qui semble attirer de plus en plus l’attention et qui devrait faire l’objet de plusieurs propositions dans les prochaines années.

Pendant ce temps, au Canada, nous pouvons nous attendre à ce que le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) poursuive ses démarches concernant cet enjeu et demande à des entreprises d’adopter une politique pour accroître la représentation féminine au sein de leur conseil d’administration et de leur haute direction.

i La diversité est un sujet très large qui fait, encore cette année, l’objet de plusieurs textes. Dans celui-ci, nous nous concentrerons sur la diversité dans les conseils d’administration et les équipes de direction. La question de la transparence par rapport à la diversité en emploi et celle de la diversité sexuelle (droits des membres de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre et autres) seront traitées dans la section Suivi d’autres enjeux sociaux, tandis que l’enjeu des écarts salariaux en fonction du sexe ou de l’appartenance ethnique est analysé dans la section éponyme du présent rapport.

14 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les proposeurs rappellent qu’une plus grande diversité au conseil d’administration et dans L’argument principal des conseils d’administration les postes de direction génère une meilleure est qu’il est préférable de sélectionner les performance financière. En effet, les proposeurs se administrateurs et les membres des diverses rapportent à plusieurs études qui démontrent des équipes de direction sur leurs compétences, leurs rendements sur les fonds propres et des résultats connaissances de l’entreprise et de l’industrie plutôt supérieurs pour les entreprises comportant plus de que sur des considérations relatives au sexe ou à diversité dans les postes décisionnelsvi. Par exemple, la race. Selon eux, l’imposition de quotas ou de une étude McKinsey & Companyvii démontre un cibles ne permettrait pas d’avoir les équipes les bénéfice avant intérêts et impôts (BAII) plus élevé de plus performantes et, conséquemment, de créer 0,83 % pour 10 % de diversité supérieure. De plus, un niveau de croissance optimalviii. Certains vont les différents investisseurs responsables pensent en outre avancer que leur comité des mises en qu’avoir des conseils d’administration et, plus candidature tient déjà compte de la diversité dans largement, des équipes de direction variés permet ses critères de sélection. aux entreprises de mieux comprendre les besoins de leur clientèle potentielle et d’offrir des biens et services mieux adaptés.

ANALYSE DU GIR

D’année en année, les arguments des proposeurs comme ceux des conseils d’administration ne changent que marginalement. Cependant, À Toronto, entre 2012 et cela nous permet de mettre à jour les multiples 2018, le taux d’entreprises statistiques sur la diversité au sein des différentes entreprises et de raffiner notre analyse. sans administratrice a chuté de 44 % à 3 %, En 2018, le Gender Diversity Index (GDI) établissant le taux de rapportait qu’au sein des entreprises composant l’indice Russell 3000, le taux d’administratrices présence féminine à a progressé de 16,6 % à 17,7 % entre 2017 16,4 %. et 2018. Dans le même ordre d’idées, 17,1 % des entreprises ont un conseil d’administration

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 15 exclusivement masculin. De plus, le pourcentage gouvernance sont une plus grande créativité, de conseils comportant au moins 40 % de une meilleure compréhension du marché et une femmes atteint maintenant 50 %ix. Pour le S&P meilleure résolution de problèmesxvi. D’ailleurs, 500, celui-ci est de 21,2 %, selon les données de en considérant les femmes pour les postes au Catalystx. Finalement, à Toronto, entre 2012 et conseil d’administration, on augmente le nombre 2018, le taux d’entreprises sans administratrice global de candidatsxvii. Finalement, à long terme, a chuté de 44 % à 3 %xi, établissant le taux de les administratrices procurent un avantage présence féminine à 16,4 %xii. Plusieurs raisons comparatif pour l’entreprise. expliquent les avancées dans le dossier de la diversité dans les conseils d’administration. Cependant, même si les femmes sont de plus en plus présentes dans les conseils Tout d’abord, certaines lois obligent les d’administration, cela ne veut pas dire qu’elles entreprises à avoir des femmes à leur conseil. En détiennent davantage de postes décisionnels effet, en 2018, nous avons fêté le 10e anniversaire au sein des entreprises. Dans le cas de l’indice de l’entrée en vigueur de la loi norvégienne Russell 3000, le nombre de femmes occupant demandant un pourcentage minimum de le poste de chef de la direction a augmenté de femmes dans les conseils d’administrationxiii. façon constante, passant de 3 % en 2008 à 5 Depuis l’adoption de cette loi, plusieurs autres % en 2018. Dans les sociétés de l’indice S&P 500 et les sociétés inscrites à la Bourse de Toronto, elles représentent respectivement 4,8 %xviii et 3 % des chefs de la direction. Une étude réalisée par ISS démontre qu’au Canada, même si près de 20 % des postes dans les conseils d’administration sont occupés par des femmes, c’est seulement le cas de 3 % des postes de chef de la direction. Même en élargissant notre angle d’analyse aux postes les plus susceptibles de fournir des candidats à la succession de l’actuel chef de la direction, comme le chef des finances et le chef de l’exploitation, on constate que les femmes n’occupent que 9 % de ceux-cixix.

pays européens ont suivi cet exemple. De plus, Par ailleurs, les avancées faites par la diversité en 2017, la Californiexiv a promulgué une loi sexuelle marquent le pas pour un élargissement pour contraindre les compagnies à intégrer des de la définition de diversité. En effet, en 2017, sir femmes à leur conseil d’administration. C’était John Parkerxx a publié son étude sur la diversité une première en Amérique. Enfin, il est impossible ethnique des conseils d’administration anglais. de passer sous silence la campagne « Fearless On y apprend qu’en juillet 2017, seulement 8 % Girls » menée par State Street Global Advisors des administrateurs de l’indice FTSE 100 n’étaient en 2017xv pour augmenter la représentation des pas blancs et que 51 entreprises n’avaient femmes dans les conseils d’administration. aucune personne de couleur à leur conseil. Qui plus est, 40 % des administrateurs de couleur D’autre part, la diversité apporte énormément provenaient de seulement 7 compagniesxxi. Après aux entreprises. Par conséquent, ces dernières la publication du rapport, l’initiative « One Beyond cherchent à intégrer plus de diversité au sein 21 » a été lancée. Elle a comme objectif d’inclure de leur conseil d’administration. Les principaux un administrateur issu d’une minorité ethnique avantages de la diversité dans les structures de pour les entreprises du FTSE 100 d’ici 2021.

16 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — Diversité générationnelle Un événement qui a retenu notre attention en 2018 est la désignation de David Knopf, qui est âgé de seulement 29 ans, comme chef des finances de Kraft-Heinz. Cette nomination a mis en lumière l’augmentation de l’âge moyen des chefs de la direction américains, qui est maintenant de 65 ans. Un administrateur américain est généralement âgé de plus de 60 ans. Dans une Amérique vieillissante, il est à parier que le concept de diversité des âges apparaîtra sur les radars des investisseurs responsables prochainement. Ultimement, les données devraient aussi traiter d’autres formes de diversité comme celle associée à l’âgexxix.

L’idée d’inclure des personnes plus jeunes peut sembler saugrenue, mais en plus des avantages liés à la diversité générationnelle, les entreprises pourraient aussi bénéficier des avantages liés à l’expérience qu’acquerront ces nouveaux venus, qui pourrait les préparer à occuper d’autres fonctions de direction au sein de l’organisation. Rappelons qu’en 2016, le gouvernement du Québec a adopté une modification législative obligeant les sociétés d’État à inclure, d’ici 2021, un administrateur de moins de 35 ans à leur conseil d’administration.

D’autres recherches viennent appuyer le rapport visibles constituaient 22 % de la population et de M. Parker. En effet, on peut observer le même représentaient 4,5 %xxiii des administrateurs. phénomène dans d’autres pays. En 2016, la situation en Afrique du Sud était particulièrement Sans surprise, il est encore plus difficile de se alarmante, alors que les citoyens de couleur tailler une place dans les postes de direction si composaient 79 % de la population, mais l’on est une femme issue d’une minorité ethnique. occupaient seulement 32 % des postes dans les Selon les données de 2015, celles-ci occupent conseils d’administration. Pour la même année, moins de 5 %xxiv des postes de cadres. En 2009, aux États-Unis, la proportion d’Américains le S&P 500, avec la nomination d’Ursula Burns de couleur avoisinait les 40 %, tandis que les à la tête de Xerox, a vu sa première femme noire personnes noires ne représentaient que 12 % des accéder aux plus hautes fonctions. Avec son administrateursxxii. Toujours selon les données départ du groupe en 2016, elle a laissé les plus de 2016, au Canada, les membres de minorités grandes compagnies américaines sans femme

Bourse de Tokyo La diversité fait des progrès partout dans le monde. En revanche, certains bougent moins rapidement que d’autres. En écrivant un texte sur la diversité, nous ne pouvons passer sous silence les efforts de la Bourse de Tokyo. Le Japon est réputé pour n’avoir que très peu de diversité dans les conseils d’administration des sociétés ouvertes. En effet, la Nikkei Asian Review rapporte que les femmes occupent seulement 3,7 % des postes de direction, incluant les administrateurs, dans les entreprises ouvertes, selon un sondage mené en 2017xxx. Le gouvernement japonais a d’ailleurs proposé d’atteindre un seuil d’au moins 10 % de femmes dans les postes de direction d’ici 2020xxxi. De plus, la Bourse nippone a réformé son code de gouvernance en 2018 et exhorte les entreprises à ouvrir leur conseil d’administration aux femmes et aux administrateurs non japonaisxxxii. Celles qui refuseront d’agir devront exposer les raisons de leur inaction au public.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 17 de couleur comme chef de la directionxxv. Très cotées en Bourse, réparties dans 34 pays. Elle peu de diversité peut être observée dans les démontre que les sociétés avec le plus haut taux plus hauts postes des plus grandes compagnies de représentation féminine ont un rendement américaines. En effet, avec le départ d’Indra du capital investi plus élevé. Deux constats Nooyi (PepsiCo) en octobre 2018 et de Geisha importants peuvent être tirés de cette étude. Williams (PG&E) en janvier 2019, les femmes Premièrement, il y a une association positive entre issues de minorités ethniques à la tête d’une la diversité sexuelle dans les équipes de direction entreprise sont Safran A. Catz (Oracle) et Joey et la performance financière, principalement Wat (Yum China)xxvi. Elles représentent moins de dans les industries où les femmes composent 0,5 % des patrons du S&P 500. une proportion importante de la main-d’œuvre. Deuxièmement, les entreprises qui travaillent Maintenant que nous avons esquissé un portrait dans les hautes technologies ou demandent global de la représentation des femmes et des plus de connaissances bénéficient encore plus minorités ethniques, qu’en est-il de leur impact sur d’une diversité dans les équipes de directionxxviii. la performance des entreprises ? Pour répondre Bref, l’ensemble de la littérature scientifique sur à cette question, une étude très importante le sujet pointe dans la même direction et diffère est celle de McKinsey & Company. Celle-ci seulement d’amplitude par rapport aux retours part de l’hypothèse selon laquelle la diversité, potentiels d’une plus grande diversité. définie comme une plus grande représentation de femmes et de membres de minorités En conclusion, c’est avec l’ensemble des chiffres ethniques et culturelles, aurait des répercussions en main que nous sommes en mesure de bien importantes sur la performance des entreprises. analyser la situation. À la vue des différentes Pour ce faire, l’étude a analysé 1 000 sociétés statistiques, il est évident que les entreprises se réparties dans 12 pays en 2015. La performance privent de précieuses ressources, comme les financière des entreprises a été définie par le femmes et les personnes issues de minorités BAII, mais aussi par la création de valeur à long ethniques, qui constituent une arme stratégique terme. L’analyse des données démontre que très puissante pour mieux comprendre les les entreprises les plus diversifiées réalisent une contextes complexes dans lesquels les meilleure performance que leurs pairs. En effet, entreprises exercent leurs activités. Plus de en 2014, celles faisant le plus de place aux diversité amène une hétérogénéité dans les femmes avaient une performance supérieure valeurs, les croyances et les compétences, ce de 15 %, tandis que les mêmes entreprises, en qui élargit les perspectives, renforçant du même 2017, enregistraient une performance supérieure coup la pensée critique. Il est donc décevant de 21 %. Dans le cas de la diversité ethnique, de voir le manque de diversité dans les lieux de des résultats similaires ont été obtenus. En 2014, pouvoir des entreprises. les entreprises les plus diversifiées surpassaient leurs pairs par 35 %, tandis qu’en 2017, elles Pour toutes ces raisons, le GIR recommande un obtenaient un rendement supérieur de 33 %xxvii. vote pour ce type de proposition.

De plus, une autre étude du Fonds monétaire international a évalué la performance de plus de 2 millions d’entreprises européennes cotées et non IMPACT DES FRAIS DE DÉCOUVERT BANCAIRE IMPACT DES FRAIS DE DÉCOUVERT BANCAIRE

La proposition demande que le conseil d’administration produise un rapport évaluant les politiques et les pratiques de l’entreprise en matière de frais de découvert ainsi que leur impact sur les consommateurs.

Trillium Asset Management déposera cette proposition auprès de JPMorgan Chase et de Bank of America. Il s’agit de la première fois qu’une proposition est déposée à ce sujet.

Soulignons que le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a soumis une proposition aux sept grandes banques canadiennes en 2018 quant au respect des principes de loyauté, d’intégrité et d’honnêteté par les dirigeants dans les relations avec la clientèle, laquelle a finalement été retirée grâce au dialogue tenu avec chacune des banques. La proposition présentée cette année par le gestionnaire américain fait écho à celle du MÉDAC, dans la mesure où elle vise aussi la transparence dans les pratiques bancaires.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS alors qu’une utilisation à cette fin est nettement désavantageuse pour ces derniers. Les proposeurs affirment qu’au cours de l’année 2018, les grandes banques américaines Des risques juridiques découlant des pratiques en ont récolté 11,45 milliards de dollars américains place chez JPMorgan Chase et Bank of America se provenant des frais de découvert et des chèques sont matérialisés au cours des dernières années. sans provision, lesquels sont en moyenne de Bank of America a d’ailleurs dû débourser environ 35 dollars américains. JPMorgan Chase a amassé 88 millions de dollars américains afin de conclure 1,8 milliard de dollars américains grâce à ces frais, des ententes à l’amiable à la suite de l’institution soit 2 % de ses revenus totaux et 39 % des revenus d’actions collectives. de frais de service. Quant à Bank of America, cela représente 2,2 % de ses revenus totaux et 34 % des Enfin, Citibank ne facture pas de tels frais, ce qui revenus hors intérêts, soit un total de 1,6 milliard de devrait inciter les entreprises visées par la proposition dollars américains. à adopter des pratiques similaires afin d’être plus concurrentielles. Les frais pouvant être facturés sont obscurs, difficilement prévisibles pour le commun des mortels et touchent les citoyens les plus vulnérables. Le Les banques américaines ont récolté recours à des protections contre les découverts 11,45 milliards de dollars américains résulte de pratiques de marketing agressives et provenant des frais de découvert. trompeuses qui incitent les consommateurs à utiliser cet instrument comme un véhicule de crédit,

20 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION

Puisque la proposition est nouvelle et que les assemblées générales annuelles d’actionnaires des entreprises visées devraient se tenir plus tard cette année, il est pour l’instant impossible d’accéder aux arguments des conseils d’administration, qui sont habituellement dévoilés dans la circulaire de sollicitation des procurations.

ANALYSE DU GIR Alors que ces services sont annoncés comme permettant à un client de disposer de liquidités Au cours des dernières décennies, les acteurs ou d’honorer des paiements préautorisés dans du secteur bancaire ont dû faire face à une un compte chèques dans l’éventualité où le solde baisse marquée de la profitabilité des revenus traditionnels résultant de la déréglementation du système financier, des innovations technologiques Le montant médian des frais prélevés ainsi que de la diminution des revenus d’intérêts. est de 34 dollars américains. Dans ce contexte, les banques ont développé des solutions pour diversifier leurs sources de revenusii. Ainsi, les frais de service, c’est-à-dire les frais de découvert, les frais de retrait des de ce dernier serait négatif, les frais facturés guichets automatiques et les frais de tenue de sont disproportionnés par rapport au montant compte, se sont avérés être leur outil privilégié. mis à la disposition des consommateurs. En L’augmentation importante des frais facturés effet, le montant médian des frais prélevés aux clients, qui ont plus que doublé en 30 ans, est de 34 dollars américains, alors que les l’illustre. En 2015, les frais de service provenant transactions générant des frais de découvert sont des frais de découvert (utilisation de la carte de généralement inférieures à 24 dollars américains, débit lorsque le compte de banque est négatif ce qui correspondrait à un prêt au taux annuel de ou chèque sans fonds) correspondaient à près 17 000 %iv. Le montant facturé est entièrement du tiers des revenus découlant des frais facturés discrétionnaire et n’a aucun lien avec les risques pour l’utilisation de compte chèquesiii. occasionnés aux institutions financières.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 21 Répartition du montant des frais de découvert facturés par les grandes banques américaines en 2016 T OUVE R

18 AIS DE DÉ C 15 13

ANT DES F R 12 TU R C

A 9

7 AINES F 6 6 6 MÉRI C 3 3 2 2 1 1 1 1 1 0 Non Non applicable divulgué 15 25 30 33 34 35 36 37 38 39

ANDES BANQUES A MONTANT EN DOLLARS AMÉRICAINS

2016 NOMBRE DE G R

Source : The PEW Charitable Trusts, « Consumers Need Protection From Excessive Overdraft Costs », réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2Rrwfqx.

De plus, les banques font preuve d’opacité quant à la possibilité pour leur clientèle de faire refuser certaines transactions plutôt que de les honorer moyennant le paiement de frais. D’après un sondage réalisé par The Pew Charitable Trusts en 2017, près de 3 personnes sur 4 affirment ignorer la discrétion dont elles jouissent à ce sujetv.

Bien que le Consumer Financial Protection Bureau oblige maintenant les banques à obtenir le consentement de leurs clients pour avancer des fonds lors de retraits à des guichets automatiques et de transactions par débit, des frais de découvert peuvent tout de même être facturés sans préavis afin d’honorer les chèques sans provision, certaines transactions électroniques ainsi que les transactions récurrentes effectuées par débit (telles que le paiement automatique de frais d’abonnement mensuel).

Les banques ont mis en place des mesures créatives afin de maximiser les revenus provenant des frais de découvert. La pratique la plus répandue consiste à débiter les comptes bancaires selon le montant des transactions, et ce, par ordre décroissant plutôt que par ordre chronologique des transactions. Prenons l’exemple d’un compte ayant un solde de 50 dollars qui est débité par 3 transactions consécutives de 10 dollars, suivies d’une quatrième de 40 dollars. Alors que nous

22 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — pourrions penser que des frais de découvert seront uniquement appliqués à la dernière transaction, les pratiques bancaires consistent plutôt à débiter d’abord la transaction de 40 dollars, puis les 3 suivantes. Dans cet exemple, les frais de découvert seraient donc doublés puisque deux transactions seraient effectuées après que le solde du compte devienne négatif. Choquant, n’est-ce pas ? C’est pour cette pratique que des poursuites ont été engagées aux États-Unis contre Bank of America, JPMorgan Chase, la Banque TD, Wells Fargo et TCF National Bank.

Ces pratiques sont d’une moralité d’autant plus discutable qu’elles touchent les personnes les plus vulnérables au sein du système bancaire. Une étude du Consumer Financial Protection Bureau a révélé que moins du cinquième des détenteurs de comptes bancaires assument plus de 90 % de l’ensemble des frais de découvert. Cette disproportion suscite d’autant plus l’indignation que ces clients font partie des personnes les plus à risque financièrement, c’est-à-dire ayant un revenu sous la moyenne américaine, étant célibataires, de race autre que blanche et locataires. Ajoutons qu’environ 70 % des clients payant le plus de frais de découvert disposent d’un revenu annuel inférieur à 50 000 dollars américains, soit principalement des personnes d’âge collégial ainsi que des aînés dont la seule source de revenus est la sécurité socialevi. Cette clientèle n’a souvent pas accès à des instruments de prêt ou de crédit. En effet, plus du tiers des personnes payant des frais de découvert affirment utiliser les découverts pour emprunter des fonds lorsqu’elles sont en manque de liquiditésvii.

Qui plus est, les frais de découvert assumés annuellement par cette clientèle représentent en Moins du cinquième moyenne l’équivalent d’une semaine de salaire, des détenteurs de ce qui ne fait que contribuer à limiter les fonds disponibles pour les dépenses vitales, accentuer comptes bancaires l’insécurité financière ainsi que la détresse assument plus de 90 % psychologique qui l’accompagne. de l’ensemble des frais L’imposition de frais de découvert mène des millions de personnes à quitter le système de découvert. bancaire. En 2014, il a été rapporté que plus du quart des Américains ayant payé de tels frais ont fermé un compte chèquesviii. Les pratiques bancaires actuelles engendrent donc, outre les aspects sociaux, des conséquences financières concrètes en privant les institutions de sources de revenus et en accroissant les risques d’atteinte à la réputation auxquels elles sont exposées, notamment en générant de l’insatisfaction auprès d’une clientèle fortement sollicitée par les nombreux acteurs du milieu.

Des mesures concrètes peuvent être mises en place afin d’encadrer les pratiques bancaires, principalement par une réglementation accrue du système. À cet effet, un projet de loi a été déposé au Sénat américain par le sénateur démocrate Cory Booker le 1er août 2018 qui vise à interdire la facturation de frais de découvert pour les transactions réalisées par carte de débit et à des guichets automatiques, ainsi qu’à plafonner les frais facturés pour les chèques sans provisioniv.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 23 Il est important d’avoir le juste portrait des procédures et pratiques en place dans chacune des institutions financières pour déterminer les mesures les plus aptes à protéger les consommateurs et inciter ces institutions à assumer leur responsabilité sociale. De plus, un accroissement de la transparence favoriserait la gestion des risques financiers, juridiques et d’atteinte à la réputation résultant des pratiques actuelles, ce qui permettrait de protéger, voire d’augmenter, la valeur actionnariale.

Pour ces raisons, le GIR recommande de voter pour ce type de propositions.

The Pew Charitable Trusts a émis certaines recommandations en vue de limiter les effets néfastes des frais de découvert, soit :

• permettre aux banques et aux instituts de crédit d’offrir des programmes de microprêts abordables ; • plafonner le montant et la fréquence des frais pouvant être facturés ; • interdire les pratiques visant à maximiser la facturation de frais ; et • obliger les institutions bancaires à fournir à leur clientèle de l’information claire, compréhensible et facilement accessiblex. LOBBYING ET CONTRIBUTIONS POLITIQUES LOBBYING ET CONTRIBUTIONS POLITIQUES

Cette année encore, les propositions d’actionnaire portant sur la divulgation des activités de lobbying et les contributions politiques figurent parmi les plus nombreuses en matière de gouvernance.

Deux types de propositions seront présentés lors de la prochaine saison des assemblées générales annuelles.

D’abord, certaines propositions viseront spécifiquement les activités de lobbying et demanderont la production d’un rapport mis à jour sur une base annuelle contenant les informations suivantes :

1. les politiques et les procédures régissant les activités de lobbying, tant directes qu’indirectes, ainsi que les communications relatives au lobbying populaire, incluant le montant des contributions et les bénéficiaires ;

2. la divulgation des adhésions et contributions aux organisations, associations exonérées d’impôt ou groupes d’intérêts dont les activités visent à rédiger, appuyer ou s’opposer à des textes législatifs, que ceux-ci soient locaux, étatiques, fédéraux ou étrangers ;

3. la description des processus décisionnels et de surveillance de la haute direction et du conseil d’administration liés au versement des sommes mentionnées ci-dessus.

D’autres propositions s’intéressent plutôt aux contributions politiques et demanderont la production d’un rapport additionnel, mis à jour deux fois par an, contenant les informations suivantes :

1. les politiques et les procédures régissant les contributions et les dépenses directes ou indirectes visant :

a. la participation ou l’intervention dans toute campagne visant à élire un candidat à une charge publique, que celle-ci constitue un appui ou une opposition à une candidature ;

b. à influencer le public quant à une élection ou un référendum ;

2. le montant des contributions et dépenses directes ou indirectes, incluant l’identité du destinataire et le titre de la personne responsable de la prise de décision au sein de la compagnie.

Le lobbying direct résulte du fait d’exercer ou de tenter d’exercer une pression sur les pouvoirs publics selon des intérêts financiers, politiques ou professionnels particuliers. Le lobbying indirect réfère plutôt à des démarches de même nature engagées par les associations, les organisations ou les groupes d’intérêts dont une entreprise ou un particulier est membre. Quant au lobbying populaire, il consiste en des communications qui visent directement le grand public, ciblent une loi particulière, reflètent un point de vue et incitent à l’action, ce qui tend à influencer le processus démocratique.

26 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — Les actionnaires expriment cette année encore qu’ils De nombreuses entreprises sont visées par les propositions souhaitent une plus grande transparence au sujet du portant sur les activités de lobbying, dont Altria Group, financement des activités de lobbying et des contributions Bank of America, BlackRock, Boeing Company, Comcast politiques. Tandis que les propositions des deux dernières Corporation, Duke Energy Corporation, Equifax, General années visaient plus particulièrement le lobbying lié aux Motors Corporation, Honeywell International, JPMorgan changements climatique ainsi que l’analyse des coûts- Chase, Morgan Staley, Intel Corporation, Tyson Foods, bénéfices des contributions politiques, les investisseurs United Parcel Services, Walt Disney, Verizon, ExxonMobil semblent cette année revenir à la base en demandant une et Pfizer. divulgation large plutôt que spécifique. Les propositions sur la divulgation des contributions En juillet 2018, il a été rapporté que 739 propositions ont politiques sont notamment dirigées vers Alexion été soumises à des compagnies américaines, dont 86 Pharmaceuticals, Centene Corporation, Devon Energy, relatives à la divulgation des activités de lobbying et des Ford Motor Company, General Electric Company, Loews contributions politiques, soit près de 12 % de l’ensemble Corporation, Macy’s, Mondelez International et American des propositionsi, une hausse de plus de 2 % par rapport Water Works. à 2017ii. Soulignons qu’une douzaine de propositions ont été retirées en raison des engagements pris par les Au Canada, les démarches actionnariales pour obtenir sociétés visées à la suite d’un dialogue. Par ailleurs, l’appui une divulgation accrue ont porté des fruits. En effet, la moyen à ces propositions a connu une hausse en 2018 firme de génie SNC-Lavalin a publié son premier rapport par rapport à 2017, passant de 27,8 % à 29,5 %iii. La annuel relatif aux activités de lobbying et aux contributions tendance porte à croire que près du tiers des investisseurs politiques à la suite d’un dialogue avec le Fonds de appuieront ces propositions cette année. solidarité FTQ et la Shareholder Association for Research & Educationiv.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS Dépenses directes pour des activités de Les actionnaires encouragent la transparence et la lobbying responsabilisation en ce qui concerne l’utilisation des ressources d’un émetteur dans le but d’influencer le programme législatif fédéral, étatique, local ou international, ainsi que le processus démocratique.

Bien que des règles rendent obligatoire la divulgation de certaines activités de lobbying, la transparence quant aux sommes consacrées à influencer les élus ou les électeurs à l’échelle fédérale, étatique ou locale est inégale, voire nulle dans la majorité Dépenses indirectes pour des activités de des cas. Puisque les dépenses indirectes en cette lobbying matière sont bien plus importantes que les dépenses directes, il est impossible de connaître de façon précise les sommes allouées par les entreprises au domaine politique. Les actionnaires se trouvent donc dans le brouillard quant aux gouvernements visés, au

Source : CENTER FOR POLITICAL ACCOUNTABILITY. «The Risks Compagnies Face When Their Political Spending and Core Values Conflick and How to Address Them », 19 juin 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bitly2TOox.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 27 corpus législatif ciblé et aux dépenses engendrées.

De plus, les investisseurs mettent à nouveau l’accent La transparence quant sur l’importance de la divulgation des organisations, aux sommes consacrées associations, groupes d’intérêts, candidats et partis politiques dont les entreprises sont membres ou à influencer les élus ou les électeurs à l’échelle fédérale, contributrices. Ils soulignent l’incohérence entre les positions exprimées publiquement par les entreprises et étatique ou locale est inégalev, celles défendues par ces entités, une réalité qui génère voire nulle dans la majorité des d’importants risques d’atteinte à la réputation et ayant cas. une incidence significative sur la valeur de l’avoir des actionnaires.

ARGUMENTS DES chef de la direction de BlackRock, être déployés afin de CONSEILS D’ADMINISTRATION rendre publiques des données visant essentiellement à maximiser la valeur actionnariale. Les entreprises visées par ces propositions avancent qu’elles se conforment à la législation en vigueur en En outre, les conseils d’administration justifient ces divulguant les informations exigées et que les ressources dépenses, car elles permettent de ne pas se laisser qui seraient consacrées à la publication de rapports ne distancer par la concurrence. Ils avancent également constitueraient pas un emploi optimal de leurs fonds. que la compagnie se doit de « participer activement aux processus législatifs afin de protéger et de promouvoir Elles soutiennent qu’il est important de financer des les intérêts des actionnaires en contribuant avec activités de lobbying et de faire des contributions politiques prudence aux organisations de lobbying qui défendent afin de participer activement au débat public, ce qui leur de manière constructive les positions favorisant les permettrait de se démarquer au sein de leurs marchés objectifs commerciaux de la société et les intérêts respectifs. En ce sens, ces dépenses font et devraient des actionnairesv. » Ils ajoutent que le financement continuer à faire partie des stratégies d’entreprise et d’associations et de coalitions de l’industrie leur permet relèvent donc exclusivement du pouvoir de gestion. Des de bénéficier de l’expertise commerciale, technique et efforts particuliers ne devraient pas, comme l’exprime le normative de ces organisationsvi.

ANALYSE DU GIR

Il est dans l’intérêt des actionnaires de disposer d’un maximum d’informations sur les activités de lob- bying et les contributions politiques, celles-ci occasionnant des risques pouvant avoir une incidence substantielle sur la valeur boursière.

28 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — À ce sujet, au cours des derniers mois, une 2018. La réputation de la société pharmaceutique nouvelle forme de risque d’atteinte à la réputation Novartis a elle aussi été salie en raison de liens avec s’est matérialisée au regard des controverses l’avocat. Ces vvcas, qui rappellent la façon dont le touchant la présidence américaine. Alors que le mandat attribué à l’homme politique Newt Gingrich trafic d’influence exercé par Michael Cohen, avocat par la Federal Home Loan Mortgage Corporation du président américain et promoteur de projets (Freddie Mac) a nui à la réputation de cette dernière de la Trump Organization, a fait les manchettes, au début des années 2010, nous portent à croire certaines entreprises ont été éclaboussées à cause que les émetteurs devront mettre en place des de mandats attribués à ce dernier. Rappelons lignes directrices claires et transparentes pour la que Me Cohen est directement visé par l’enquête sélection des lobbyistes œuvrant à leur compte, menée par le procureur Robert Mueller visant à tant à l’interne qu’à l’externe, afin de limiter les démontrer l’ingérence russe dans le processus conséquences découlant de révélations au sujet démocratique américain et ayant mené à l’élection de ces derniersvii. du président en 2016. Prenons le cas d’AT&T, qui a versé 600 000 dollars américains à l’avocat en Dans un autre ordre d’idées, les entreprises 2017 en vue d’obtenir des informations privilégiées, partenaires de certains groupes lobbyistes influents notamment afin de faciliter la fusion avec Time ou qui interviennent dans le processus démocratique Warner Inc., une transaction dont la valeur est par du financement politique s’exposent à un évaluée à 85 milliards de dollars américains. Bien risque d’atteinte à la réputation étant donné que le géant américain des télécommunications ait les positions controversées défendues par ces plaidé la légalité des services offerts par Me Cohen, groupes ou par les candidats et partis politiques ceux-ci semblent à tout le moins discutables d’un soutenus. Alors que de nombreuses sociétés point de vue éthique, ce qui a obligé le chef de la ouvertes déploient d’importantes ressources en direction de l’entreprise, Randall L. Stephenson, à matière de responsabilité sociale dans l’objectif reconnaître publiquement que l’embauche de Me d’attirer des capitaux, des contradictions peuvent Cohen fût une importante erreur de jugement de être observées entre les positions exprimées la haute direction. Outre les incertitudes entourant publiquement et celles réellement appuyées. toujours la fusion, cette situation pourrait expliquer la baisse de près de 20 % du titre d’AT&T en

À la suite de démarches actionnariales dirigées par Robeco et le conseil des pensions de l’Église anglicane, Royal Dutch Shell a reconnu l’importance de veiller à ce que son appartenance à des associations professionnelles ne compromette pas son soutien aux objectifs de l’Accord de Paris. Par conséquent, Shell a entrepris un examen de ses adhésions afin d’évaluer leur conformité avec ses prises de position sur les changements climatiquesv . Les résultats de cette évaluation seront rendus publics au premier trimestre de 2019.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 29 Paris, alors qu’elles contribuent au financement de la chambre de commerce des États-Unis, une Des entreprises ont appuyé publiquement organisation qui a dépensé plus de 1,4 milliard l’Accord de Paris, alors qu’elles de dollars américains en lobbying depuis 1998 et contribuent au financement de la chambre de commerce des États-Unis, une qui s’oppose farouchement à la mise en œuvre organisation qui s’oppose farouchement de cette entente. Qui plus est, cette dernière à la mise en oeuvre de cette entente. milite contre le droit des actionnaires de déposer des propositions, alors que ses membres ne se vantent évidemment pas de tenter de censurer leurs investisseurs. Mentionnons aussi l’appui Prenons l’exemple des changements climatiques, de sociétés cotées en Bourse au retrait de du régime de droits des actionnaires et des droits protections anti-discrimination destinées à la des membres de la communauté lesbienne, gaie, communauté LGBT+ en Caroline du Nord et au bisexuelle, transgenre et autres (LGBT+). De Mississippi par le financement de campagnes grandes entreprises telles que Bank of America, électorales, et ce, malgré des prises de position ExxonMobil, JPMorgan Chase, UPS, Pfizer et contraires en public. Walt Disney ont appuyé publiquement l’Accord de

Avoir des actionnaires

Organisations à but Associations Associations civiques Partis politiques non lucratif exonérées professionnelles et locales de salariés d’impôts

Publicités de nature politique Publicités de nature politique

Candidats

Source : CENTER FOR POLITICAL ACCOUNTABILITY. « The Risks Companies Face When Their Political Spending and Core Values Conflict and How To Address Them », 19 juin 2018, réf du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2TOoxbu.

30 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — De l’ensemble des entreprises constantes la défense d’intérêts en matière de politiques de l’indice S&P 500, le Center for Political publiques demeurent donc pour le moins Accountability (CPA) n’en a répertorié que 10 vagues. Ce sérieux manque de transparence, qui interdisent l’utilisation de leurs ressources à jumelé à la matérialisation des risques résultant des fins de contributions politiques directes ou de révélations dans les médias, peut avoir indirectes. Toutefois, les politiques en place ne d’importantes conséquences négatives pour les couvrent pas les activités de lobbying directes, investisseurs en raison d’une baisse des revenus indirectes ou de base, lesquelles présentent des ou de la valeur du titre. Qui plus est, l’adoption risques inhérents. Dans un contexte où, selon les de meilleures pratiques de divulgation par un données du CPA, les sommes consacrées aux nombre grandissant d’entreprises met en place activités de lobbying de toute nature sont bien plus une nouvelle norme qui met de la pression sur les importantes que les contributions politiquesviii, sociétés faisant preuve d’opacité, tout en nuisant les activités d’entreprise destinées à financer à leur réputation.

Le Dark Money (argent obscur) réfère au financement provenant de donateurs et de sources inconnues et qui est destiné à influencer le processus électoral. Les organisations sans but lucratif exonérées d’impôts, les associations civiques, les associations locales de salariés, les comités d’action politique (PAC) et les Super PAC sont considérés comme étant des Dark Money Groups.

D’après le Center for Responsive Politics, des sommes colossales provenant du Dark Money ont financé les élections de mi-mandat tenues à l’automne 2018, soit plus de 150 millions de dollars américains, ce qui correspond à près de 4 % de l’ensemble des sommes dépensées par les candidats et partis politiques.

Au début de l’année 2019, les démocrates ont déposé à la Chambre des représentants un projet de loi dont l’objectif est de réduire l’influence de ces fonds sur le processus électoral, une véritable menace à la démocratie. Il contient notamment des dispositions visant à obliger certains Dark Money Groups à rendre public le nom des donateurs de plus de 10 000 dollars américains, à interdire l’utilisation de sociétés fictives à des fins de financement, tout comme les contributions et les dépenses effectuées par les personnes morales d’intérêt étranger. Un amendement de la Constitution visant à restreindre la portée de décisions rendues par la Cour suprême des États-Unis est suggéré. Il sera intéressant de suivre les développements entourant ce projet de loi, notamment dans le contexte de la prochaine élection présidentielleix.

Le statu quo est dorénavant inacceptable dans que 57 sociétés provenant de l’ensemble des la mesure où de plus en plus d’entreprises font principaux secteurs de l’économie ont obtenu preuve de transparence quant à ces questions. des notes supérieures à 90 %, dont 3 ayant En effet, le CPA-Zicklin Index, principal indice mérité une note parfaite, soit HP Inc., Edwards évaluant la qualité de la divulgation des membres Lifesciences Corporation et Becton, Dickinson constants du S&P 500 quant à la publication de and Companyx. Signe encourageant, il a été données relatives aux contributions politiques, démontré qu’il existe une forte corrélation entre rapporte une progression de plus de 8 % de la l’engagement actionnarial et la hausse de la note note moyenne entre 2015 et 2018, celle-ci étant moyenne attribuée. désormais de 49,7 %. Soulignons par ailleurs

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 31 Contributions politiques : chefs de file en matière de divulgation et de reddition de compte (notes attribuées en vertu du CPA Zicklin Index)

Entreprises qui ne versent aucune contribution politique

100 Accenture PLC Becton, Dickinson & Co. HP Inc. Automatic Data Processing Inc. Edwards Lifesciences Corp. Goldman Sachs Group Inc. Praxair Inc. Schlumberger Ltd.

98.6 International Business Machines Corp.

97.1 Mettler-Toledo Inernational Edison International PG&E Corp. Inc. International Paper Co. Sempra Energy Nielsen Holdings NV McKesson Corp. State Street Corp. Noble Energy Inc. Walgreens Boots Alliance Inc. Northrop Grumman Corp.

95.7 Ralph Lauren Corp. Alphabet Inc. United Parcel Service Inc. Capital One Financial Corp. Unum Group Microsoft Corp. Visa Inc.

94.3 Altria Group Inc. Intel Corp. Public Storage Ameren Corp. JPMorgan Chase & Co. American International Kellogg Co. Group Inc. Norfolk Southern Corp. Exelon Corp. Union Pacific Corp. Express Scripts Inc. United Technologies Corp. Gilead Sciences Inc. Wells Fargo & Co. Host Hotels & Resorts Inc.

92.9 Apache Corp. Intuit Inc. AFLAC Inc. Symantec Corp. Bank of America Corp.

91.4 Bank of New York Mellon Corp. Dominion Energy Inc. Biogen Inc. General Mills Inc. Bristol-Myers Squibb Co. Morgan Stanley CVS Health Corp. Navient Corp. Tiffany & Co. U.S. Bancorp 90.0 AbbVie Inc. Merck & Co. Inc. Boeing Co. Prudential Financial Inc. Coca-Cola Co. Qualcomm Inc. Hartford Financial Services Salesforce.com Inc. Group Inc. Johnson & Johnson

Source : CENTER FOR POLITICAL ACCOUNTABILITY. « The 2018v CPA Zicklin Index of Corporate Political Disclosure and Accountability », 2 octobre 2018, réf du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2CondoY.

Alors que les élections présidentielles de 2016 d’où la pertinence d’autant plus importante des ont occasionné des dépenses de près de 7 propositions à cet effet qui seront soumises milliards de dollars américains, les élections de lors de la prochaine saison des assemblées mi-mandat de novembre 2018 ont quant à elles d’actionnaires. engendré des dépenses excédant 4 milliards de dollars américains, un record pour de telles Compte tenu de tout ce qui précède, le électionsxi. Nous envisageons que le scrutin de GIR recommande de voter pour ce type de 2020 entraînera des dépenses d’entreprise sans propositions. précédent au cours des deux prochaines années, INTÉGRATION DES CRITÈRES ESG DANS LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS INTÉGRATION DES CRITÈRES ESG DANS LA RÉNUMÉRATION DES DIRIGEANTS

La proposition demande que le comité de rémunération dépose, dans le compte-rendu de ses activités, un rapport sur l’importance qu’il accorde à l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans l’évaluation de la performance des dirigeants et dans la fixation de leur rémunération incitative.

Les indicateurs strictement financiers et économiques ne suffisent plus pour donner un portrait fiable de la performance d’une entreprise. Ces dernières années, plusieurs dialogues et propositions d’actionnaire ont demandé à des sociétés d’intégrer des critères ESG dans les pratiques de rémunération afin d’encourager les dirigeants à privilégier les intérêts des actionnaires à court et à long terme.

Dans le cadre de l’établissement des critères de performance et de la fixation de la rémunération incitative, les investisseurs et les parties prenantes s’entendent pour prendre en considération certains critères, dont le taux de présence de femmes et de membres de minorités au sein des instances de l’entreprise, le taux d’intégration de représentants de diverses communautés socioculturelles au sein des équipes de travail, les initiatives visant la réduction de la consommation de papier, d’énergie, d’eau et de matières premières, l’établissement et l’atteinte de cibles pour les émissions de gaz à effet de serre (GES), les actions déployées pour assurer l’employabilité durable dans un contexte d’automatisation des tâches, d’essor des nouvelles technologies et de recours à l’intelligence artificielle, ainsi que les différents programmes mis de l’avant afin de favoriser la santé et le bien-être des ressources humaines et du public en général.

Alors que, par le passé, les propositions visaient l’intégration de facteurs essentiellement environnementaux et sociaux, la gouvernance fait maintenant partie intégrante des propositions soumises, ce qui symbolise l’évolution des préoccupations des investisseurs. Par ailleurs, certaines propositions portent sur l’intégration dans la rémunération d’enjeux ESG précis, tels que l’accès aux médicaments et la gestion des risques en matière de cybersécurité1.

En 2019, les sept grandes banques canadiennes seront visées par des propositions du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). Des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR), dont Trillium Asset Management et Walden Asset Management, déposeront pour leur part des propositions auprès d’entreprises américaines, soit Alphabet Inc., Amazon Inc., Biogen Inc., Bristol-Myers Squibb Company, CoreCivic, Eli Lilly and Company, Johnson & Johnson, Merck & Co. Inc., Pfizer Inc., Pinnacle West Capital Corporation et Verizon Communications Inc. Les propositions soumises à Alphabet et Bristol-Myers Squibb en 2018 ont recueilli des taux d’approbation de près de 9 % et de près de 23 %, respectivement.

Soulignons qu’à la suite de démarches actionnariales dirigées par Robeco et le conseil des pensions de l’Église anglicane, la société pétrolière Royal Dutch Shell s’est engagée à soumettre au vote des actionnaires en 2020 une proposition liant la rémunération des dirigeants à l’atteinte d’objectifs ESG, notamment en matière environnementale.

1Il est à noter que les propositions sur la commercialisation des opioïdes, l’accès aux médicaments et la gestion des risques relatifs à la cybersécurité sont traitées dans les sections « Crise des opioïdes », « Suivi d’autres enjeux sociaux » et « Cybersécurité et protection des renseignements personnels ».

34 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les proposeurs soulignent que les directives que l’on retrouve dans les Principes pour l’investissement Les conseils d’administration affirment tenir compte responsable des Nations Unies (PRI) et le Pacte de certains facteurs ESG dans l’élaboration de leurs mondial des Nations Unies précisent que l’intégration stratégies. de critères ESG pertinents dans les objectifs de gestion et dans les mesures incitatives relatives à Les sociétés visées par ce genre de proposition la rémunération des dirigeants peut être un facteur soutiennent aussi que leur comité de rémunération important dans la création et la protection de la a mis en place un régime de rémunération valeur pour les actionnaires à long terme. des dirigeants structuré autour des mesures de performance considérées comme les plus Les proposeurs soutiennent qu’en général, les importantes afin d’assurer la croissance de entreprises dotées d’orientations ESG précises l’entreprise à long terme de façon responsable. jouissent d’une meilleure réputation auprès de Les conseils jugent que les mesures incitatives que leur clientèle, s’adaptent avec plus d’agilité aux l’on retrouve dans la rémunération des dirigeants changements, gèrent mieux leurs risques, sont plus permettent déjà d’atteindre leur objectif de mener innovantes et mieux outillées pour développer une leurs activités de manière responsable afin de créer valeur ajoutée. de la valeur pour les actionnaires.

Ils soulignent qu’il ne fait aucun doute que Par conséquent, les conseils ne croient pas que le l’intégration de critères ESG dans l’évaluation de la rapport demandé soit nécessaire et recommandent performance et la fixation de la rémunération des un vote contre la proposition. dirigeants joue un rôle crucial dans l’atteinte de tels objectifs. C’est pourquoi ils estiment qu’il est important de rassurer les actionnaires et les parties prenantes en démontrant que ces critères servent de guide dans l’évaluation du rendement du chef de la direction et de son équipe et de considérer ceux-ci comme des éléments-clés en matière de rémunération.

Les entreprises dotées d’orientations ESG précises jouissent d’une meilleure réputation auprès de leur clientèle, s’adaptent avec plus d’agilité aux changements, gèrent mieux leurs risques, sont plus innovantes et mieux outillées pour développer une valeur ajoutée.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 35 ANALYSE DU GIR

La prise en considération de critères ESG dans les stratégies d’entreprise est de plus en plus d’actualité. Elle bénéficie d’un intérêt grandissant de la part des investisseurs et offre des avantages économiques substantiels. En effet, il est établi que l’intégration de ces facteurs constitue un avantage concurrentiel puisqu’elle génère une hausse de la croissance ainsi que des bénéfices, bonifiant par le fait même la valeur actionnariale. Elle permet aussi de limiter les risques juridiques, d’atteinte à la réputation et de conformité, tout en augmentant la responsabilité sociale des entreprises.

Une étude réalisée par la firme Semler Brossy, publiée par la Harvard Business Review, démontre que l’incorporation de facteurs ESG aux régimes de rémunération des dirigeants permet de :

• stimuler la réputation d’une entreprise auprès de sa clientèle, de ses employés, des analystes, des gestionnaires de portefeuille et du public en général ; • favoriser ses intérêts auprès des régulateurs de façon à ce que ceux-ci établissent éventuellement des règles en la matière et anticiper ces changements ; • créer de nouveaux produits rentables et contribuer à la gestion d’enjeux environnementaux et sociaux majeurs, tels que l’approvisionnement en eau et l’impact sur les réserves mondiales de matières premières, la famine et les émissions de GES ; et • financer les investissements dits durables par la diminution de la consommation énergétique et la production de déchets à long termeii.

En ce sens, la considération de critères ESG dans les facteurs de rémunération des dirigeants est un élément important afin de donner de la Une récente étude de la crédibilité aux mesures ESG déployées par Deutsche Bank a démontré les entreprises. De plus, lier la rémunération à que les entreprises dont la l’atteinte d’objectifs ESG favorise l’inclusion de ces critères dans les stratégies de gestion. La rémunération des dirigeants dernière publication des PRI déclare d’ailleurs est rattachée aux facteurs que les avantages économiques résultant de ESG ont de meilleures l’intégration de facteurs ESG à la rémunération des dirigeants ne font plus de douteiii. Une récente performances que celles étude de la Deutsche Bankiv a démontré que qui ne le font pas, et ce, tant les entreprises dont la rémunération des à long qu’à court terme. dirigeants est rattachée aux facteurs ESG ont de meilleures performances que celles qui ne le font pas, et ce, tant à long qu’à

36 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — court termev. Ses données suggèrent que les Au sein de l’indice S&P 500, 2 % des entreprises entreprises qui intègrent ces facteurs aux critères lient des indicateurs environnementaux à la de performance et à la fixation de la rémunération rémunération et 2,6 % à des indicateurs sociaux, des dirigeants réalisent une performance qui notamment en matière de diversitéix. Par ailleurs, surpasse celle des sociétés qui ne le font pas de la divulgation des critères et indicateurs pris 1 à 20 % sur une période de 3 ans et de 4 à 30 % en considération ainsi que leur pondération sur une période de 5 ans, et ce, dans 6 secteurs demeure problématique. Parmi les 146 sociétés américaines qui rattachent des facteurs ESG à la rémunération des dirigeants, seulement 34 % d’entre elles dévoilent les critères et indicateurs utilisés. Qui plus est, seuls les chefs de file en la matière révèlent la part de la rémunération des dirigeants qui est à risque en cas de non-respect des objectifs fixés. À la lumière de ces chiffres, nous constatons que des efforts importants doivent encore être déployés afin que des critères ESG soient liés à l’évaluation de la performance et contribuent à la fixation de la rémunération des dirigeants.

Les critères ESG sont intégrés dans la portion variable de la rémunération, soit le volet incitatif. Puisqu’ils sont généralement considérés comme générant de la valeur à long terme, il est intuitif de penser qu’ils devraient être reliés à la de l’indice S&P 500, soit ceux de l’énergie, de rémunération incitative à long terme. Toutefois, la santé, des technologies de l’information, la tendance observée au sein des entreprises des produits de consommation de base, de la divulguant les données pertinentes est plutôt finance et de l’immobiliervi. Il est attendu que contraire. En effet, ces critères sont inclus ces avantages perdureront malgré la réduction dans la portion court terme de la rémunération de certaines obligations réglementaires touchant incitative dans 84 % des compagnies exerçant des questions environnementales et sociales qui leurs activités dans divers pays, contre 97 % pourrait résulter de décisions gouvernementales, pour les entreprises américaines. L’explication notamment aux États-Unis. la plus logique quant à cette pratique veut que cela permette de décomposer des objectifs à D’après les données de la société de conseil long terme en des cibles annuelles et d’inciter HCM Hostettler & Companyvii, en 2016, 49 % l’atteinte, voire le dépassement, de celles-ci. des compagnies à l’échelle internationale divulguaient, d’une façon ou d’une autre, des Deux pratiques sont observées en matière informations établissant un lien entre des critères d’intégration de facteurs ESG à la rémunération ESG et la rémunération des dirigeants. Aux États- variable à court et long terme : l’attribution de Unis, une faible proportion d’entreprises (15 %) récompenses ponctuelles par une hausse rattache ces facteurs à la rémunération en raison de la rémunération en cas de performance d’obligations de conformité, alors que seulement jugée satisfaisante et l’atteinte d’objectifs ESG 8 % d’entre elles ont des pratiques allant au-delà préétablis comme facteur de déclenchement du de telles obligationsviii. droit de recevoir certains montants. La première approche est considérée comme favorisant

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 37 Afin de déterminer si la structure d’un régime de rémunération intègre adéquatement des critères ESG, la société de conseil HCM Hostettler & Companyx suggère, sur la base des lignes directrices des PRI, cinq aspects à prendre en considération :

1. l’admissibilité : puisque la haute direction est le groupe ayant la plus grande influence sur les stratégies utilisées par une entreprise, les mesures incitatives doivent d’abord s’adresser à cette catégorie d’employés ; une fois incorporés à leur rémunération, les critères ESG devraient ensuite s’étendre au personnel des autres niveaux ; 2. la façon dont les critères ESG sont rattachés à la rémunération doit être clairement divulguée ; 3. les critères ESG pris en compte au regard des activités de l’entreprise en matière d’évaluation de la performance ; 4. la qualité et la clarté de la divulgation quant au processus suivi afin d’évaluer la performance en matière ESG ; 5. la structure de gouvernance relative à l’intégration de facteurs ESG à la rémunération doit être robuste.

la création de valeur, alors que la seconde et les atteintes aux droits de la personne, en encourage une amélioration des performances particulier aux États-Unis, il est impératif que le ESG. monde des affaires emboîte le pas et agisse de façon exemplaire en matière de responsabilité La discrétion exercée par le comité de sociale en intégrant des critères ESG aux rémunération doit être encadrée par des principes stratégies d’entreprise. Le moyen le plus concret clairement divulgués. La démarche de celui- pour inciter les acteurs du milieu à s’adapter ci dans l’attribution de la portion variable de la aux changements à venir est sans aucun doute rémunération doit être transparente et s’appuyer l’actualisation des critères de performance des sur des facteurs préétablis. Par ailleurs, il est régimes de rémunération des dirigeants. Après pertinent que des événements déclencheurs liés tout, l’argent est roi ! à des enjeux ESG soient intégrés aux clauses de récupération de la rémunération incitative en cas Le GIR recommande donc un vote pour les d’inconduite d’un membre de la direction ayant propositions de cette nature, qu’elles visent entraîné un retraitement des états financiers ou l’intégration de critères ESG dans un régime de une perte importante pour l’entreprise. rémunération des dirigeant sous la production d’un rapport à ce sujet. À l’heure où une mobilisation sans précédent de la société civile s’organise afin de lutter contre le dérèglement climatique, les inégalités sociales DROITS DES ACTIONNAIRES DROITS DES ACTIONNAIRES

En 2019, les actionnaires d’une société canadienne devront se prononcer sur une proposition demandant que les droits de vote multiple rattachés aux actions de catégorie A soient convertis en un seul et unique droit de vote par action. Accessoirement, il est aussi proposé que la société divulgue les résultats de vote d’une manière distincte selon la classe d’actions, soit celle conférant un seul droit de vote et celle en conférant plusieurs.

Il est aussi demandé que l’ensemble des personnes physiques détenant directement ou indirectement le contrôle de la société par l’exercice de droits de vote multiple rattachés aux actions de catégorie A détiennent un cumul minimal d’actions dépassant 15 %, voire 20 %, du total des actions en circulation, toutes les catégories confondues.

Pour la première fois de son histoire, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) réclame formellement l’abolition du régime d’actions à droit de vote multiple d’une société ouverte, soit Bombardier Inc., une proposition qui défend le principe d’« une action, un vote. » De plus, un membre de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) soumettra des propositions en ce sens à Alphabet et Facebook. Des propositions similaires ont été soumises à ces dernières en 2018, lesquelles ont, respectivement, obtenu un taux d’approbation de 28,9 % et de 21,3 %.

Notons qu’en 2018, le MÉDAC avait soumis une proposition à Bombardier demandant la divulgation des résultats de vote d’une manière distincte selon la classe d’actions, qui a été appuyée par 15,8 % des voix exprimées, une hausse sensible par rapport à 2016, où le taux d’approbation était de 12,2 %. Selon le rapport des résultats de votes exercés à l’assemblée annuelle 2018, plus de 90 % des votes indépendants ont soutenu la proposition, soit 59,4 % des votes exprimés si les actionnaires de contrôle avaient eu des actions ordinaires comportant un seul droit de vote plutôt que des actions à droit de vote multiple. Soulignons qu’en 2016, les démarches du MÉDAC auprès de Québecor sur cette question ont amené le fleuron québécois à adopter une telle pratique.

40 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ARGUMENTS DES PROPOSEURS diverger. Il souligne que les actions à droit de vote multiple comportent certains avantages, pour autant Le MÉDAC affirme que le : « très peu de considération que le respect des grands principes de gouvernance des actionnaires de contrôle pour l’intérêt des assure une protection adéquate des droits et parties prenantes, le démantèlement progressif de intérêts des actionnaires minoritaires ainsi que de la société au fil des ans, la divergence croissante l’ensemble des parties prenantes. Pour cela, tous les entre les intérêts de la famille et ceux des autres actionnaires doivent avoir accès, de manière directe [investisseurs], ainsi que l’augmentation constante et rapide, aux résultats de votes afin d’être assurés de l’importance accordée aux considérations à court que leur voix soit entendue. terme ne sont plus à démontrer depuis longtemps. Les objectifs visés par le présent régime d’actions Il ajoute qu’il est communément admis dans le monde à droit de vote multiple peuvent être atteints par le financier que l’existence d’actions à droit de vote truchement d’autres instruments. Il faut désormais multiple dans la structure d’actionnariat de sociétés les mettre en place. À terme, la société doit changer ouvertes devrait nécessairement s’accompagner de mains. » de mesures réglementaires visant à mitiger le plus possible l’effet de distorsion démocratique qu’elle Le proposeur estime que les préoccupations des provoque de manière inhérente. détenteurs de différents types d’actions peuvent

ARGUMENTS DES investisseurs des renseignements utiles et pourrait, CONSEILS D’ADMINISTRATION de plus, donner aux détenteurs d’actions de classe B l’impression trompeuse qu’ils ont le droit de voter Puisque les propositions sur l’abolition du régime séparément en tant que catégorie sur des questions d’actions à droit de vote multiple et le seuil de contrôle ne donnant aucunement ce droit. Cette position est sont nouvelles et que l’assemblée générale annuelle conforme aux lois applicables, lesquelles n’exigent des actionnaires de Bombardier devrait se tenir plus pas la divulgation des résultats des votes selon la tard cette année, il est pour l’instant impossible catégorie d’actions, mais contiennent plutôt des pour le GIR d’accéder aux arguments du conseil sections traitant de la protection des actionnaires. À d’administration, qui sont habituellement dévoilés tout événement, les administrateurs ont l’obligation dans la circulaire de sollicitation des procurations. fiduciaire de veiller à ce que les intérêts de tous les actionnaires soient bien protégés, peu importe la En ce qui concerne la divulgation des résultats des catégorie d’actions qu’ils détiennent. votes selon les catégories d’actions, Bombardier affirme que les détenteurs d’actions de classe A et Le conseil indique que les actions de classe B font en les détenteurs d’actions à droit de vote subalterne de général l’objet d’une rotation nettement plus élevée classe B votent ensemble les questions soumises pour que celles de classe A. Par conséquent, le fait de délibérations à chaque assemblée d’actionnaires de présenter de façon séparée les résultats des votes la société. Par conséquent, le conseil d’administration exprimés par les détenteurs d’actions de classe est d’avis que la déclaration des résultats de votes B pourrait donner une impression trompeuse en selon la catégorie d’actions ne procurerait pas aux mettant en évidence, notamment, les voix exprimées

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 41 par des actionnaires ayant une vision à court terme et entre Bombardier et ses actionnaires permettent ne serait pas nécessairement représentatif des voix à chaque actionnaire qui le souhaite de se faire exprimées par les actionnaires ayant une perspective entendre. Enfin, il avance que la société respecte, à long terme à l’endroit de la société. voire surpasse dans certains cas, les exigences applicables des lois sur les valeurs mobilières. Le conseil estime également que les intérêts de la grande majorité des actionnaires de la société sont bien alignés et que l’interaction et la communication

ANALYSE DU GIR quelques mains et l’impossibilité pour la majorité des actionnaires d’avoir une influence sur les Dans l’analyse suivante, nous aborderons les décisions prises lors des assemblées générales trois questions soulevées par le MÉDAC, en qui leur sont normalement consacrées. commençant par la conversion des actions à droit de vote multiple en actions ne comportant Il est communément admis par un très grand qu’un seul et unique droit de vote. nombre d’investisseurs institutionnels importants et de grands joueurs du monde financier que Nous constatons ainsi que par le truchement des actions à droit de vote multiple, la famille Beaudoin-Bombardier exerce le contrôle de Ne pas permettre aux Bombardier (53,23 % des droits de vote), grâce à la possession de 79,5 % des actions actionnaires ordinaires de de catégorie A à droit de vote multiple, qui posséder des actions avec attribuent à leur détenteur 10 votes par action droit de vote implique une au lieu d’un seul pour les actions de catégorie B. Les structures actionnariales avec plusieurs concentration du pouvoir catégories d’actions sont souvent utilisées entre quelques mains. par les entreprises familiales, car elles leur permettent de garder un certain contrôle sur les décisions concernant leur entreprise en adoptant ou bloquant les propositions qu’elles souhaitent. l’existence d’actions à droit de vote multiple dans les entreprises doit être justifiée par la fixation de Ces structures de capital sont indubitablement nombreux objectifs précis, dont le rendement problématiques pour la démocratie actionnariale. à long terme et la protection du siège social. Autoriser quelques investisseurs à détenir Elle doit aussi être encadrée par des règles de des actions à droit de vote multiple ou ne gouvernance strictes et exemplaires visant à pas permettre aux actionnaires ordinaires mitiger les effets négatifs d’un tel régime, entre de posséder des actions avec droit de vote autres l’iniquité de traitement démocratique des implique une concentration du pouvoir entre actionnaires quant à leurs droits et intérêts.

42 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — Parmi les règles privilégiées en la matière, on retrouve souvent des dispositions crépusculaires prévoyant la disparition des actions à droit de vote multiple à une date donnée, au-delà d’un certain délai, à l’atteinte d’un objectif particulier, au moment d’un événement particulier ou lorsque ces actions sont négociées. Il existe également des règles visant à protéger les actionnaires minoritaires, notamment le fait que ces derniers puissent élire des représentants au conseil d’administration. Cependant, aucun mécanisme de la sorte n’est en place chez Bombardier.

À la lumière des controverses qui ont touché Bombardier au cours des dernières années, dont l’utilisation discutable de fonds publics et le déclenchement d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers du Québec en raison d’allégations de délits d’initiés, la société donne l’impression persistante de privilégier les intérêts des actionnaires de contrôle au détriment de ceux de l’ensemble des parties prenantes, dont les actionnaires minoritaires, les travailleurs, les fournisseurs et la collectivité.

De nombreuses organisations se sont positionnées pour l’abolition des régimes d’actionnariat à deux classes d’actions, dont la Fédération des caisses Desjardins, l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, l’Office d’investissement des régimes de pension du secteur public du Canada, le Fonds de solidarité FTQ, le régime de retraite de la fonction publique de la Californie (CalPERS), Glass Lewis et ISS. Le Council of Institutional Investors (CII), appuyé par l’International Corporate Governance Network, et l’Investor Stewardship Group, militent aussi pour la suppression de tels régimes. Ajoutons que les dirigeants des indices S&P 500 et Russell 3000, qui regroupent respectivement 500 et 3 000 des plus importantes entreprises états-uniennes, ont décidé de refuser l’ajout à leur indice de toute société qui émet des actions conférant des droits de vote inégaux pour le premieri et de toute société qui ne laisse pas au moins 5 % des droits de vote aux actionnaires ordinaires pour le secondii.

Il faut toutefois émettre une réserve sur l’abandon ou le refus systématique d’une telle structure, car la décision de différencier les droits de vote peut Des dirigeants qui regroupent être justifiée pour les entreprises naissantes. En respectivement 500 et effet, une société en phase de développement 3 000 des plus importantes doit assurer une certaine stabilité de sa stratégie, entreprises états-uniennes, ce dont les fondateurs sont généralement garants, et alors éviter d’exposer la prise de ont décidé de refuser l’ajout à décision aux investisseurs à court terme, parmi leur indice. lesquels pourraient figurer des fonds spéculatifs prédateurs. Il est ainsi nécessaire de distinguer

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 43 ces entreprises en démarrage de celles qui sont établies depuis plusieurs décennies et qui conservent des actions à droit de vote inférieur pour permettre à quelques actionnaires de garder le contrôle. Étant donné qu’une large majorité des propositions d’actionnaire à ce sujet sont soumises à des sociétés longuement établies, il est le plus souvent dans l’intérêt des actionnaires de faire disparaître ce genre de structure.

Si nous étudions maintenant la proposition du MÉDAC demandant la ventilation des résultats de vote par catégories d’actions, nous devons d’abord signaler que Bombardier divulgue les résultats des votes sans faire aucune distinction. Cette pratique pose un problème dans la mesure où les intérêts des détenteurs de différentes catégories d’actions peuvent s’opposer. Des propositions soumises à Bombardier au cours des dernières années ont d’ailleurs mis en lumière cette réalité. Pensons à l’implantation du vote consultatif sur la rémunération des dirigeants, au renouvellement du mandat d’un ou de plusieurs administrateurs ou à la promotion de la diversité au sein du conseil d’administration.

La ventilation des résultats de vote en fonction des catégories d’actions permettrait aux actionnaires minoritaires d’exercer un meilleur suivi des actions entreprises par la société pour répondre à leurs attentes et pourrait favoriser un dialogue plus soutenu entre les deux catégories d’actionnaires. Elle pourrait même permettre de fidéliser les actionnaires minoritaires et ainsi développer une harmonie de pensée et une confiance mutuelle pouvant être des plus utiles dans les moments difficiles que traverse toute organisation. L’enjeu revêt une certaine importance, à commencer par la transparence, d’autant plus qu’une divulgation séparée ne demande pas un investissement exagéré. De surcroît, il est intéressant pour les actionnaires minoritaires de voir le pouvoir réel dont ils disposent ainsi que l’intérêt des autres groupes d’actionnaires.

Finalement, si nous analysons la dernière proposition du MÉDAC, il est intéressant de noter que selon la Caisse de dépôt et placement du Québec, il n’existe pas de critère objectif pour déterminer ce qui représente un intérêt appréciable. Cependant, elle estime qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un actionnaire de contrôle conserve à long terme un intérêt d’au moins 15 % dans le capital de son entrepriseiii. De son côté, l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) milite plutôt pour l’adoption d’un seuil de participation de 20 % afin d’exercer un contrôle absolu sur une entreprise. Cela s’explique par le fait que ce seuil est celui à partir duquel l’acheteur d’un bloc d’actions doit obligatoirement déposer une offre à tous les autres actionnaires et également celui à compter duquel les dividendes intersociétés sont exonérés d’impôt et que la consolidation des filiales devient effective. Ce taux minimum de participation semble raisonnable pour exercer le contrôle sur une société ouverte, celui-ci offrant aux entrepreneurs une importante latitude afin d’assurer la croissance des entreprises qu’ils fondentiv. Soulignons que dans le cas de Bombardier, les familles fondatrices contrôlent la société avec seulement 13,26 % du total des actions en circulation.

Le GIR recommande donc de voter pour ces types de propositions. CYBERSÉCURITÉ ET PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CYBERSÉCURITÉ ET PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

Deux propositions portant sur la cybersécurité et la protection des renseignements personnels seront soumises en 2019. La première demande que le conseil d’administration publie un rapport sur la possibilité d’inclure une mesure de performance reliée à la cybersécurité et à la protection de la vie privée dans le régime de rémunération incitative à long terme des membres de la haute direction. La seconde propose la création d’un comité des nouvelles technologies visant à anticiper les enjeux découlant des innovations technologiques.

En avril 2016, le Council of Institutional Investors (CII) a publié un outil destiné aux investisseurs afin de leur permettre d’être informés sur la façon dont les conseils d’administration priorisent la gestion des risques relatifs à la cybersécurité et protègent les données et les actifs critiques des sociétés qu’ils administrenti. Cet outil prend la forme d’une liste de questions qui se lit comme suit :

1. Comment les risques informatiques de la société sont-ils communiqués au conseil, par qui et à quelle fréquence ?

2. Est-ce que le conseil a évalué et approuvé la stratégie en matière de cybersécurité de la société ?

3. Comment le conseil s’assure-t-il que la société est organisée de manière appropriée pour faire face aux risques relatifs à la cybersécurité ? La direction dispose-t-elle des compétences dont elle a besoin ?

4. Comment le conseil évalue-t-il l’efficacité des efforts de la société en matière de cybersécurité ?

5. Quand le conseil a-t-il examiné pour la dernière fois la conformité de la divulgation des cyber risques et cyber incidents avec les directives de la commission des valeurs mobilières des États-Unis (SEC) ?

En 2019, Trillium Asset Management va présenter une proposition à Verizon afin de lier la rémunération des dirigeants à la cybersécurité et à la protection de la vie privée, comme l’ont fait certaines entreprises américaines, dont Consolidated Edison. La même proposition soumise en 2018 avait obtenu un taux d’approbation de 11,6 %. De son côté, le contrôleur financier de l’État de New York a soumis une proposition à Express Scripts Holding Company demandant l’examen des cyber risques et la publication d’un rapport présentant les mesures prises pour les atténuer, laquelle a été approuvée par près de 30 % des actionnaires en 2018.

Au Canada, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) va déposer cette année une proposition aux sept grandes banques canadiennes visant à intégrer l’impact des innovations technologiques à même les stratégies d’entreprise par l’attribution d’un mandat portant spécifiquement sur ces questions à un nouveau comité. Cette proposition est intimement liée à la protection des renseignements personnels et à la confidentialité des données.

46 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Selon Trillium, la cybersécurité et la confidentialité des données sont des questions essentielles pour Le conseil d’administration de Verizon soutient les acteurs de l’ensemble des secteurs d’activité, en que l’intégration des indicateurs de performance particulier celui des technologies de l’information. proposés n’aurait pas l’effet recherché, soit de Alors que les compagnies de ce secteur refusent prévenir une atteinte à l’intégrité des réseaux et habituellement d’analyser les courriels des à la protection des renseignements personnels, utilisateurs afin de recueillir de l’information destinée puisqu’il n’existerait pas de corrélation entre les à être vendue aux annonceurs, cette pratique actions posées par les membres de la haute fait partie intégrante du mandat d’une unité de direction et la prévention de cyberattaques. De plus, Verizon qui est toujours active à l’heure actuelle. contrairement aux indicateurs en matière de diversité En raison des importants risques générés par une ou de réduction de l’empreinte carbone, aucune telle pratique, il est recommandé que le conseil méthodologie reconnue ne permet de mesurer le d’administration explore la possibilité d’intégrer succès dans le domaine de la cybersécurité. aux régimes de rémunération des dirigeants des indicateurs de performance relatifs à la cybersécurité Par ailleurs, puisque la propositiondu MÉDAC est et à la protection des renseignements personnels. nouvelle et que les assemblées générales annuelles Cela inciterait les membres de la haute direction à des actionnaires des entreprises visées devraient réduire les risques, à améliorer les performances se tenir plus tard cette année, il est pour l’instant financières età renforcer la responsabilité ainsi que impossible pour le GIR d’accéder aux arguments des la transparence. conseils d’administration, qui sont habituellement dévoilés dans la circulaire de sollicitation des En ce qui concerne l’intégration des technologies procurations. de l’information au sein du secteur bancaire, le MÉDAC soutient que la création d’un comité particulier permettrait de limiter les risques liés à la cybersécurité et à la protection des renseignements personnels et constituerait une valeur ajoutée.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 47 ANALYSE DU GIR sont victimes d’intrusion ont des performances 40 % moindres que celles du marché sur une La criminalité liée à la cybersécurité est une période de trois ans et que l’ensemble des menace grandissante qui présente des défis entreprises du Fortune 100 ont intégré cet enjeu uniques résultant de la complexité d’un à leurs stratégies de gestion des risquesiv. Le écosystème commercial interconnecté et de National Institution of Standards and Technology l’évolution rapide de la technologie. Les crimes suggère d’ailleurs aux émetteurs d’incorporer de cette nature sont de plus en plus fréquents, des objectifs relatifs à la cybersécurité dans la ils ont des conséquences financières d’une planification stratégique et les structures de importance croissante et ils violent de façon gouvernance afin d’assurer que la cybersécurité inégalée le droit à la vie privée d’actionnaires, fasse partie intégrante des stratégies de gestion clients et autres parties prenantes. Dans ce de risques des compagnies ouvertes. Dans contexte, les investisseurs et les autorités réglementaires s’intéressent de plus en plus à la manière dont les entreprises se protègent contre les incidents de cybersécurité, les planifient et y La SEC affirme que les répondentii. menaces et les incidents

La SEC affirme que les menaces et les incidents liés à la cybersécurité font liés à la cybersécurité font partie des plus grands partie des plus grands risques auxquels les investisseurs et le secteur risques auxquels les des valeurs mobilières sont exposés. De plus, elle souligne que les risques relatifs à la cybersécurité investisseurs et le secteur constituent une grave menace pour les des valeurs mobilières investisseurs, les marchés boursiers et le pays. sont exposés. Qu’il s’agisse des entreprises qui composent leurs portefeuilles, de leurs comptes auprès de sociétés de services financiers, des marchés sur lesquels ils négocient ou des infrastructures ce contexte, des ressources de plus en plus sur lesquelles ils comptent quotidiennement, les importantes sont consacrées à la cybersécurité, investisseurs, et de façon plus large l’économie une croissance annuelle de 8,7 % des dépenses américaine, dépendent de la sécurité et de la y étant associées étant envisagée pour 2019v. fiabilité des technologies de l’information et de la communication, des systèmes et des réseauxiii. L’identification des mécanismes appropriés au regard de la cybersécurité et de la protection La cybersécurité et la protection des des renseignements personnels ainsi que la mise renseignements personnels représentent en place de mesures de surveillance pertinentes dorénavant un risque important, une atteinte font parties intégrantes du mandat des à la sécurité des données pouvant avoir des administrateurs. Ceux-ci doivent comprendre la conséquences financières substantielles. En nature des risques en matière de cybersécurité effet, une étude rapporte que les entreprises qui existants ou susceptibles de toucher les sociétés

48 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — qu’ils administrent et prioriser la surveillance, marchés sont détectées par des tierces parties, la préparation aux incidents, la détection ce qui démontre l’inadéquation des mesures de des intrusions, la détermination des mesures surveillance qui ont été mises en place par les à déployer en cas d’intrusion ainsi que la émetteurs à l’interneix. divulgation des mesures destinées à assurer la confidentialité des données, tout comme de la Nous remarquons par ailleurs un resserrement violation de celles-ci. Au sein du Fortune 100, des exigences en matière de déclaration des risques et des incidents relatifs à la cybersécurité, aussi bien aux États-Unis qu’au Canada. Le 21 février 2018, la SEC a ainsi publié un document Une étude rapporte que intitulé Compliance and Disclosure Interpretation les entreprises qui sont visant à actualiser et étendre les obligations quant victimes d’intrusion ont à la divulgation des risques et incidents relatifs à la cybersécuritéx. Ce document ayant été publié des performances 40 % après la préparation des rapports annuels 2017 moindres que celles du et tout juste avant l’échéance de la période de marché sur une période de production de ceux-ci en vue de la saison 2018 des assemblées d’actionnaires, l’année 2019 trois ans. marque le début d’une nouvelle ère quant à la transparence dont devront faire preuve les émetteurs en ce qui concerne la cybersécurité 41 % des entreprises incluent maintenant et la protection des renseignements personnels. l’expérience quant à la cybersécurité à même les qualifications requises par un candidat au conseil Le document de la SEC renforce les obligations d’administrationvi. de divulgation auxquelles sont assujettis les émetteurs à ce sujet, les contraignant à faire Alors que certaines entreprises attribuent la preuve d’une transparence accrue quant aux responsabilité de ces questions à l’ensemble risques importants relatifs à la cybersécurité. du conseil d’administration, d’autres ont mis Les compagnies devront entre autres inclure en place un comité particulier, élargi le mandat l’information pertinente dans leurs rapports du comité de vérification, mandaté un membre annuels et périodiques, ainsi que dans les de la haute direction ou créé des postes de états financiers, notamment en ce qui a trait direction, comme le chef des technologies aux coûts occasionnés par la prévention ou le chef de la sécurité informatique. Il est ou la réalisation d’incidents, qu’ils résultent rapporté que 70 % des sociétés du Fortune 100 d’enquêtes, de réclamations ou de la perte de mandatent le comité de vérification, 20 % un revenus. Un émetteur devra par exemple révéler autre comité (risques ou technologie) et environ toute information pertinente concernant des 5 % l’ensemble du conseil d’administrationvii. risques et incidents importants relativement à Dans le même échantillon, nous avons relevé la cybersécurité préalablement à toute offre ou que moins de la majorité des émetteurs, soit vente de titres. La détermination de l’importance 41 %, divulguent la façon dont la haute direction est toutefois sujette à interprétation, laquelle rapporte au conseil d’administration les incidents dépendra de la nature, de l’étendue, de en matière de cybersécurité et moins du quart l’ampleur potentielle ainsi que des dommages ont nommé une personne ressource au sein de qu’un incident pourrait causer. L’impact sur les la haute directionviii. Malgré le déploiement de activités, la réputation, la clientèle, les employés ces ressources, Deloitte note que jusqu’à 70 % et les investisseurs d’une entreprise devra faire les violations de données observées dans des partie intégrante de cette analyse.

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 49 En cas de manquement, la SEC pourra infliger compagnies canadiennes à prendre conscience des amendes aux émetteurs fautifs, tel que de l’importance de déployer les ressources l’illustre le cas de Yahoo (maintenant Altaba nécessaires afin de remplir leurs obligations de Inc.), où l’omission de déclarer les circonstances divulgation relativement à la cybersécurité et à la entourant l’accès non autorisé aux comptes protection des renseignements personnelsxii. et renseignements personnels de millions d’utilisateurs a justifié l’imposition d’une amende Bien que les pénalités auxquelles les entreprises de 35 millions de dollars américains. Dans ce pourraient faire face constituent une incitation de cas, la SEC a particulièrement mis l’accent sur taille à respecter les obligations de divulgation, l’insuffisance des procédures visant à garantir l’intégration de cette dimension aux indicateurs que les rapports de l’équipe informatique de de performance analysés lors de la détermination l’entreprise, qui avait détecté l’intrusion, soient de la rémunération incitative des membres correctement et rapidement analysés aux fins de la haute direction amènerait certainement de divulgation. Cet exemple montre l’importance les émetteurs à faire preuve d’encore plus de devant être accordée aux structures de reddition transparence. Les investisseurs seraient alors de compte par la haute direction au conseil mieux informés, les risques d’incidents seraient d’administration ainsi qu’à la divulgation de réduits, contribuant ainsi à la croissance de ces mécanismes. Prenons aussi le cas de la valeur actionnariale. Ajoutons que tant le Voya Financial Advisors qui fait l’objet d’une président de la SEC qu’un comité parlementaire enquête de la SEC pour avoir omis de mettre en britannique considèrent qu’une partie de la œuvre le contenu des politiques en matière de rémunération des chefs de la direction devrait cybersécurité et des procédures de gouvernance, être liée à la qualité des mécanismes mis en démontrant l’importance d’utiliser et de tenir à place afin de limiter la matérialisation des risques jour les outils pertinents, plutôt qu’uniquement en matière de cybersécurité et de protection des les mettre en place. renseignements personnels, ce qui permettrait de prévenir l’éclatement d’une crise. Au Canada, des amendements à la Loi sur la protection des renseignements personnels et Par ailleurs, la complexité des risques découlant les documents électroniquesxi sont entrés en des innovations technologiques justifie une vigueur le 1er novembre 2018, obligeant plus attention accrue des compagnies ouvertes, d’où de 18 000 entreprises à divulguer la violation la pertinence de créer un comité destiné à se des mesures de sécurité visant la protection pencher spécifiquement sur ces questions, et ce, de renseignements personnels, à informer les dans la mesure où la structure de gouvernance personnes touchées et à tenir des registres sous ainsi que les politiques et les pratiques d’une peine d’importantes amendes. Les intrusions entreprise ne seraient pas adaptées ou devront être communiquées au Commissariat à la suffisantes. protection de la vie privée du Canada, les individus concernés devront être avisés, tout comme les Le GIR recommande donc en général de voter organisations susceptibles de contribuer à la pour ces types de propositions. mitigation des risques résultant d’un incident, et des registres devront être tenus à jour. En cas de manquement aux obligations de déclaration, des amendes pourront être infligées aux entreprises et les administrateurs pourraient être tenus personnellement responsables. Compte tenu de la similarité entre les régimes canadiens et américains, les recours institués et les amendes imposées par la SEC amèneront certainement les #MOIAUSSI #MOIAUSSI

Au moins une entreprise devrait être visée par une proposition demandant au conseil d’administration d’analyser l’efficacité des différentes politiques pour contrer le harcèlement sexuel au travail et d’en faire rapport avant décembre 2019.

À l’automne 2018, le National Legal and Policy Center a ainsi déposé une proposition chez Alphabet concernant ses politiques relatives au harcèlement sexueli.

Cette proposition n’est évidemment pas la première à aborder cet enjeu. La question de la violence à caractère sexuel, qui est souvent traitée dans des propositions plus larges portant également sur d’autres types de violations des droits de la personne et des droits des travailleurs, préoccupe de plus en plus les investisseurs. Par exemple, en juin 2018, les actionnaires de Twitter ont voté une proposition portant notamment sur les risques posés par les controverses liées à la gestion de contenu, incluant le harcèlement sexuel, sur les finances, les activités et la réputation de l’entreprise. Celle-ci a obtenu un taux d’approbation de 38 %. Des propositions similaires ont été soumises par Arjuna Capital à Facebook et Googleii.

De plus, Trillium Asset Management a demandé en 2018 au comité de rémunération de Nike d’évaluer la possibilité d’intégrer des indicateurs liés à l’amélioration de la culture et de la diversité dans les mesures de performance pour les cadres supérieurs dans le cadre des régimes de rémunération incitative. La question de la prévention du harcèlement sexuel était l’un des éléments importants de la propositioniii. Après un processus de dialogue, la proposition a été retirée, car Nike s’est engagée à revoir ses pratiques.

Finalement, au début de l’année 2019, une proposition a été déposée chez McDonald’s par des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) demandant la publication d’un rapport sur l’impact potentiel sur la société des politiques fédérales et étatiques émergentes visant à prévenir entre autres le harcèlement sexueliv.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les proposeurs demandent une réévaluation des différentes politiques pour contrer les violences Puisque la proposition est nouvelle et que à caractère sexuel en milieu de travail, car ils l’assemblée générale annuelle des actionnaires estiment qu’elles ne sont pas efficaces et que cela d’Alphabet devrait se tenir plus tard cette année, il génère un risque. De plus, ils affirment qu’offrir est pour l’instant impossible pour le GIR d’accéder un environnement sain au personnel est de la aux arguments du conseil d’administration, qui responsabilité des entreprises. sont habituellement dévoilés dans la circulaire de sollicitation des procurations.

52 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — ANALYSE DU GIR comme agresseurs, des milliers d’employés ont décidé de débrayer pendant une journée Les dernières années ont été marquées par symbolique. Google a alors revu sa politique une vague sans précédent de dénonciations de gestion des plaintes. Rapidement, d’autres d’inconduite sexuelle. En effet, les investisseurs compagnies telles que Facebook, eBay et ont été secoués par plusieurs scandales qui ont Airbnb ont emboîté le pasix. C’est dans cet ordre fait vaciller les marchés boursiers. Autant du côté d’idées que le National Legal and Policy Center a déposé sa proposition chez Alphabet. La gestion des risques est une responsabilité centrale des conseils d’administration. Les risques liés au harcèlement sexuel deviennent de plus en plus préoccupants et les entreprises se doivent d’agir avec célérité.

Deux principales raisons nous incitent à soutenir ce genre de proposition. Pour commencer, le nombre de personnes touchées par le harcèlement sexuel est démesuré et il est de la responsabilité sociale des entreprises d’en restreindre la portée. Ensuite, la gestion de Guessv que de Wynn Resortvi, les entreprises des risques juridiques et d’atteinte à la ont subi d’énormes pertes financières après réputation relève de la responsabilité du conseil que des accusations d’inconduite sexuelle aient d’administration. été lancées contre leur fondateur. La valeur des titres des sociétés a chuté respectivement de Tout d’abord, selon la commission états-unienne 21 % et de 16 %. De plus, après les révélations sur l’égalité des chances (EEOC), 25 % des concernant Harvey Weinstein, The Weinstein femmes sont victimes de harcèlement sexuel au Compagnie a frôlé la faillite avant de trouver un acheteur de façon in extremisvii.

L’afflux de dénonciation a été d’une telle ampleur L’afflux de dénonciation a été que le régime de retraite de la fonction publique d’une telle ampleur que le de la Californie (CalPERS), le plus important régime de retraite de la fonction fonds de pension américain, a déclaré que publique de la Californie le mouvement #MeToo constituait un risque (CalPERS), le plus important financierviii. fonds de pension américain, Le mouvement #MeToo a officiellement basculé a déclaré que le mouvement dans le monde de l’investissement responsable #MeToo constituait un risque avec Google. En novembre 2018, après plusieurs financier. allégations selon lesquelles l’entreprise avait couvert des gestionnaires ayant été dénoncés

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 53 travail. Néanmoins, selon un sondage conjoint investisseurs pourraient en outre envisager du Wall Street Journal et de la BBC, ce taux un retrait. Nous pouvons penser au scandale serait plutôt de 50 %x. Les proportions semblent du Presidents Clubxvii, cette soirée-bénéfice similaires pour les entreprises européennes, exclusivement pour les hommes où plusieurs avec un taux se situant entre 45 et 55 %xi. Il faut serveuses ont rapporté avoir été harcelées. À la par ailleurs souligner qu’il est faux d’associer suite de ces allégations, la filiale immobilière de le harcèlement sexuel exclusivement aux la Caisse de dépôt et placement du Québec a femmes. En effet, plusieurs études montrent mis sur la glace ses investissements futurs avec que les délinquances sexuelles touchent aussi la firme de gestion immobilière Residential Land, les hommesxii. Ceux-ci seraient victimes de qui est liée au Presidents Club. Dans les deux harcèlement dans 30 % des cas. Il y a urgence exemples précédents, les administrateurs se font d’agir puisque les conséquences du harcèlement reprocher de ne pas avoir su protéger l’entreprise au travail sont importantes autant pour les et devront assumer une diminution de sa valeur. victimes que pour les employeurs. En effet, les employés qui subissent du harcèlement, en plus d’être moins productifs, souffrent plus souvent L’année 2018 a été difficile pour xiii de dépression, d’anxiété et d’autres troubles . Nike, alors que des actionnaires D’autres études ont révélé que les femmes ont déposé une poursuite victimes de harcèlement au travail sont plus susceptibles de changer d’emploi. Il en découle contre des dirigeants et des une perte pour l’entreprise qui est incapable de administrateurs de l’entreprise retenir les talentsxiv et qui doit assumer plusieurs à la suite de l’éclatement de congés de maladie. Par conséquent, une plusieurs scandales sexuels. révision des différentes politiques pour contrer le harcèlement pourrait être bénéfique sur le plan financier pour les entreprises et permettre Ajoutons que les entreprises doivent aussi ultimement une meilleure création de valeur. composer avec un resserrement des lois sur le harcèlement sexuel. Par exemple, en Californie, D’autre part, il est primordial pour les conseils la loi prévoit maintenant une formation sur d’administration de contrôler les risques le harcèlement sexuel pour l’ensemble des juridiques et d’atteinte à la réputation qui entreprises ayant plus de 5 employésxviii. Par peuvent découler du harcèlement sexuel. À conséquent, les entreprises n’auront pas d’autre titre d’exemple, l’année 2018 a été difficile pour choix que d’aborder le sujet. Nike, alors que des actionnaires ont déposé une poursuite contre des dirigeants et des En conclusion, les propositions qui demandent administrateurs de l’entreprisexv à la suite de d’élargir la gestion de risques pour inclure ceux l’éclatement de plusieurs scandales sexuels. relatifs au harcèlement sexuel sont fondées Les demandeurs, qui réclament 20 millions en sur plusieurs arguments cohérents, logiques dédommagement, argumentent qu’il est de la et raisonnables. Le harcèlement constitue une responsabilité du conseil d’administration de atteinte inacceptable à la dignité humaine. De gérer les risques auxquels l’entreprise s’expose. plus, la gestion de risques est la pierre angulaire Ils affirment que le conseil a manqué à ses de la responsabilité des conseils d’administration. obligations fiduciaires en ignorant « sciemment » Une définition plus large des risques est bénéfique un environnement de travail hostile, qui menace pour les raisons mentionnées plus haut et c’est de ternir et de détériorer davantage la situation pourquoi nous soutenons ce type de proposition. financière de Nike, ainsi que sa réputationxvi. Face à une gestion de risques qui n’inclurait Pour toutes ces raisons, le GIR recommande un pas les potentiels scandales sexuels, certains vote pour ce type de proposition. SUIVI D’AUTRES ENJEUX DE GOUVERNANCE SUIVI D’AUTRES ENJEUX DE GOUVERNANCE

Assemblées virtuelles Les arguments avancés par les conseils d’administration pour justifier les assemblées En 2018, des investisseurs membres de l’Interfaith virtuelles sont certes recevables, quoique discutables. Center on Corporate Responsibility (ICCR) ont En tenant une telle assemblée, l’empreinte soumis deux propositions demandant de proscrire les environnementale est-elle réellement inférieure ? Il assemblées exclusivement en ligne, aussi appelées faudrait mettre en balance les émissions générées assemblées virtuelles, pour conserver également par l’utilisation de serveurs avec celles attribuables une assemblée physique. Comcast a obtenu de la aux déplacements pour se présenter à l’assemblée. commission des valeurs mobilières des États-Unis Il est certain qu’une assemblée virtuelle engendrera (SEC) le droit d’omettre la proposition déposée toujours moins de coûts qu’une assemblée hybride, par les sœurs de St-Francis de Philadelphie, Trinity mais comparée à une assemblée en personne, la Health, Needmor Fund et la congrégation des sœurs démonstration reste à faire. Or, il y a fort à parier que la du Saint Enfant Jésus. Pour sa part, ConocoPhillips, plupart des actionnaires préféreraient conserver une qui a reçu la même proposition de la part des sœurs assemblée en personne plutôt qu’une assemblée de St-Francis de Philadelphie, du Needmor Fund et exclusivement en ligne. Le point crucial demeure les du Church of Brethren Benefit Trust, a accepté de droits des actionnaires qui n’ont pas toujours été modifier sa politique en revenant à une assemblée respectés lors de ces assemblées virtuelles. En effet, hybride, c’est-à-dire une assemblée à la fois en ces derniers n’ont pas constamment la possibilité de personne et en lignei. poser des questions. L’argument du public touché qui serait plus grand avec une assemblée virtuelle Au Canada, depuis 2001, la Loi canadienne ne tient pas vraiment par rapport à une assemblée sur les sociétés par actions permet la tenue hybride. Enfin, la question de la sécurité des données, d’assemblées virtuelles et hybrides à condition que même si elle est peu abordée, demeure trop délicate l’entreprise l’autorise dans ses règlements et que la pour être négligée. technique offre la possibilité à tous les participants de communiquer de manière adéquate durant Rappelons par ailleurs qu’en novembre 2017, l’agence l’assemblée. Toutefois, devant les risques et les de conseil de vote Glass Lewis a annoncé qu’à partir désavantages des assemblées strictement en ligne, du 1er janvier 2019, elle évaluerait les procédures des les entreprises canadiennes tendent à préférer les entreprises tenant des assemblées exclusivement assemblées hybridesii. en ligne et qu’elle pourrait recommander de voter contre les membres du comité de gouvernance s’il Malgré les réticences exprimées par plusieurs apparaît que les actionnaires n’ont pas explicitement investisseurs, le nombre d’assemblées virtuelles les mêmes droits que s’ils avaient participé à une est encore en augmentation. D’après les données assemblée en personne. Il est notamment suggéré fournies par Broadridge, on comptait déjà 212 de permettre aux investisseurs de tester leur accès assemblées exclusivement en ligne pour les 6 avant l’assemblée et de fournir une ligne d’assistance premiers mois de l’année 2018, contre seulement techniqueiv. 180 à la même période un an plus tôtiii. Notons aussi qu’en 2018, la compagnie SSR Mining a consulté ses De son côté, Broadridge continue d’accompagner actionnaires lors de l’assemblée générale annuelle les entreprises souhaitant se tourner vers l’assemblée afin de déterminer si elle devait adopter un format virtuelle. Elle a d’ailleurs diffusé un livre blanc préparé exclusivement en ligne. La proposition a été rejetée par un groupe de travail composé d’investisseurs par 78 % des actionnaires. institutionnels et particuliers, de sociétés ouvertes, ainsi que de fournisseurs de services juridiques et

56 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — de vote. Ce rapport met en avant cinq principes Étant donné la progression du nombre d’assemblées et douze meilleures pratiques pour les entreprises virtuelles, il est fort probable que nous retrouverons qui songent à adopter l’assemblée virtuelle. Ce cette année des propositions d’actionnaire sur le sujet. document a pour but de s’assurer que l’entreprise Soulignons que le Council of Institutional Investors dispose de la technologie adéquate pour tenir ce (CII), le contrôleur financier de la ville de New York genre d’assemblée, que les actionnaires auront les ainsi que le fonds de retraite public de la Californie mêmes droits lors de l’assemblée virtuelle et que (CalPERS) figurent parmi les opposants ouvertement les raisons ayant motivé la décision de se tourner déclarés aux assemblées exclusivement en ligne. vers ce type d’assemblées ont été comprises par la plupart des actionnairesv.

Chef de la direction/président du conseil dirigeant à servir en tant que chef de la direction et président du conseil, depuis l’introduction de la Bien que 59 % des entreprises de l’indice S&P 500 compagnie en Bourse en 1944. aient séparé les rôles de chef de la direction et de président du conseil d’administration, les Du reste, il n’est pas surprenant qu’aujourd’hui propositions demandant que ces fonctions soient ce type de propositions vise des personnalités scindées reviennent encore fréquemment. Walmart a marquantes. Par exemple, Marc Zuckerberg, reçu cette proposition lors des cinq dernières années. chef de la direction et président du conseil de Toutefois, la dernière fois qu’une proposition Facebook, fait l’objet d’une proposition de Trillium à ce sujet a été approuvée par une majorité Asset Management, qui demande que le président d’actionnaires remonte à 2014vi. Malgré ce taux du conseil soit indépendant. Trillium rappelle que de succès plutôt faible, certains contextes justifient M. Zuckerberg détient 60 % des droits de vote et que le dépôt de cette proposition. Par exemple, chez cela limite les pouvoirs de surveillance du conseil sur Johnson & Johnson, Alex Gorsky est le septième la direction. Il estime que cette situation a contribué

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 57 à la participation de Facebook dans des scandales Indirectement, l’arrestation du chef de la direction tels que l’ingérence de la Russie dans les élections de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, va permettre américaines ; le partage des données personnelles de changer la culture de l’alliance Renault-Nissan- de 87 millions d’utilisateurs avec Cambridge Mitsubishi. La concentration de pouvoirs dans les Analytica ; le partage de données avec les fabricants mains de M. Ghosn commençait à être critiquée, d’appareils, y compris Huawei, signalé par les mais le statu quo a prévalu pendant longtemps, en services de renseignements des États-Unis comme partie en raison de la réussite commerciale de ces une menace à la sécurité nationale ; la prolifération entreprises. M. Ghosn cumulait les fonctions de chef de fausses nouvelles ; la propagation de la violence de la direction de Renault, de président du conseil au Myanmar (Birmanie), en Inde et au Soudan du d’administration de Nissan et de Mitsubishi, ainsi que Sud ; et l’autorisation accordée aux annonceurs de chef de la direction de l’alliance Renault-Nissan- d’exclure les minorités noires et hispaniques, entre Mitsubishi (partenariat stratégique). autres, de la diffusion de certaines annonces. À cela, il faut aussi ajouter les études montrant la corrélation Au Canada, le syndicat des employés du existante entre l’utilisation de la plateforme de média gouvernement et des services de Colombie- social avec des cas de dépression et d’autres Britannique (BCGEU) a soumis une proposition de problèmes de santé mentale, y compris le stress et cette nature au conseil d’administration de Loblaw la dépendancevii. afin que le PDG, Galen Weston fils, cesse d’occuper le poste de président du conseil. Les actionnaires Le chef de la direction et président du conseil l’ont rejetée à hauteur de 85 %xi. d’administration d’Exxon Mobil, Darren Woods, sera également visé en 2019 par une proposition de la De façon générale, le principal argument avancé par fondation Kestrel du Maine. Le 1er janvier 2017, les proposeurs est l’existence d’un conflit d’intérêts M. Woods a succédé à Rex Tillerson, qui a quitté entre la direction et le conseil d’administration, surtout l’entreprise après 41 années de services, dont les 10 au moment de déterminer la rémunération. De plus, dernières en tant que chef de la direction et président cette pratique affaiblit la structure de gouvernance du conseil. en raison de l’influence que peut avoir le chef de la direction sur le conseil d’administration. Autre personnalité critiquée, Elon Musk a fait l’objet d’une proposition d’actionnaire en juin 2018, qui Les conseils d’administration rétorquent que a été rejetée par 83 % des actionnaires de Tesla. cette combinaison de postes revêt des aspects Il était demandé que le président du conseil soit pratiques sur le plan opérationnel et est parfois indépendant en raison des conflits d’intérêts justifiée par l’histoire de l’entreprise. Ils ajoutent que existants autour du chef de la directionviii. Outre leurs dirigeants ont la spécificité de posséder une Kimball Musk, le frère d’Elon Musk, cinq des sept connaissance unique de leur secteur, en plus d’avoir autres administrateurs ont un lien avec le chef de des relations particulières avec des parties prenantes la direction ou avec son autre société, SpaceXix. importantes. S’ils ne sont pas toujours contre la Rappelons que le 16 octobre 2018, un juge de séparation de ces deux rôles, les conseils sont district américain a approuvé l’entente conclue entre réticents à l’idée d’adopter une politique écrite, car la commission des valeurs mobilières des États- ils expriment le besoin de disposer d’une structure Unis (SEC) et Elon Musk par laquelle ce dernier flexible leur permettant d’associer ou non ces postes s’est engagé à quitter ses fonctions de président du en fonction de la situation dans laquelle se trouve conseil pour au moins 3 ans et à verser 20 millions l’entreprise. Enfin, ils considèrent que l’influence du de dollars. Deux administrateurs indépendants vont chef de la direction et président du conseil peut être se joindre au conseil d’administration, dont un à contrebalancée par l’administrateur principal. titre de président du conseil. La SEC allègue que M. Musk a perpétré une fraude en déclarant avoir Toutefois, dans les cas où le fondateur occupe obtenu le financement nécessaire pour privatiser simultanément les rôles de chef de la direction et de Tesla. M. Musk n’a ni admis ni nié avoir commis tout président du conseil, l’influence de l’administrateur acte répréhensiblex. principal reste inférieure à celle exercée par le

58 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — fondateur. En outre, ce dernier a souvent un fort avancées sur cet enjeu en Europe finissent par avoir engagement émotionnel vis-à-vis de son entreprise une incidence de l’autre côté de l’Atlantique, comme et n’est pas près de la laisser entre n’importe quelles ce fut le cas pour d’autres pratiques de gouvernance mains. par le passé.

Parmi les principales entreprises canadiennes Dans la plus récente révision de son code de combinant les rôles de chef de la direction et de gouvernancexiii, le Financial Reporting Council président du conseil, on retrouve : ATCO, BlackBerry, du Royaume-Uni recommande d’intégrer un Dorel Industries, Fairfax Financial Holdings, First administrateur issu des employés autres que Quantum Minerals, George Weston, Imperial Oil, les membres de la haute direction. La première Onex, Power Corporation, Saputo, TFI International, ministre britannique Theresa May s’est d’ailleurs Transat AT et Yamana Goldxii. prononcée en 2016 quant à la pertinence d’une telle représentation au sein des conseils d’administration. Du côté des États-Unis, en analysant les sociétés Au Canada, le plus haut tribunal du pays a de l’indice S&P 500, on observe que les secteurs affirmé dans l’arrêt Peoples rendu en 2004 que la financier et industriel figurent parmi ceux qui comptent nomination d’employés à un conseil d’administration le plus grand nombre de chefs de la direction est une pratique susceptible de promouvoir l’intérêt ayant aussi le mandat de présider le conseil, avec supérieur des sociétésxiv. respectivement 60 % et 62 % des entreprises de ces secteurs. On y retrouve entre autres : 3M, American La question est aussi d’actualité en France, où des Airlines, American Express, Bank of America, Bank of changements législatifs renforçant les obligations New York Mellon, Berkshire Hathaway, BlackRock, actuellement en place devraient entrer en vigueur en Boeing, Capital One, Deere, FedEx, General Electric, 2019, tout comme aux États-Unis. Dans le premier Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Lockheed cas, l’obligation de nommer des salariés au sein Martin, MetLife, Morgan Stanley, MSCI, State Street, des conseils d’administration serait étendue aux UPS et US Bancorp. À l’opposé, les secteurs des mutuelles et les seuils seraient abaissés pour que technologies de l’information et de la consommation l’obligation de nommer des administrateurs salariés discrétionnaire ont tendance à davantage séparer soit applicable aux entreprises comptant plus de ces rôles, avec respectivement 27 % et 36 % de chefs de la direction qui président le conseil.

Étant donné le nombre de sociétés concernées Une étude menée au par cette situation, il n’est pas possible d’affirmer Danemark, en Suède et clairement que la performance des entreprises est en Norvège a d’ailleurs directement touchée par la réunion de ces rôles. Le rejet de ce type de propositions exprimé par une démontré que la présence grande majorité des actionnaires semble être motivé d’employés dans les par le besoin d’assurer la stabilité et de posséder une combinaison complexe de connaissances et conseils d’administration a d’expérience. permis de réduire les coûts Représentation des employés au conseil de main-d’œuvre. d’administration

La question de la représentation des employés dans 1 000 salariés en France ou plus de 5 000 dans les conseils d’administration, si elle n’est guère le monde. Le nombre d’administrateurs salariés présente dans les propositions d’actionnaire au serait également renforcé et porté à 2 à partir de Canada et aux États-Unis, n’en suscite pas moins 8 administrateurs non-salariésxv. Dans le second un grand intérêt du côté des législateurs dans cas, Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts différents pays. Il ne serait guère étonnant que les et candidate aux primaires présidentielles du parti

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 59 démocrate, a récemment proposé une vaste les conseils d’administration a permis de réduire les réforme en matière de gouvernance d’entreprise en coûts de main-d’œuvre lors de la plus récente crise prônant notamment l’élection d’employés au conseil financière, limitant ainsi les mises à pied massivesxvii. d’administration des entreprises générant des En Allemagne, la participation d’employés aux revenus de plus de 1 milliard de dollars américainsxvi. conseils de surveillance est considérée comme un facteur important ayant permis de limiter le taux de En plus de favoriser des relations harmonieuses entre chômage observé dans ce pays au cours de cette ressources humaines et patronat, la participation même crise financière. Le maintien d’un lien de des employés à la gestion d’entreprise favorise confiance entre employés et employeurs ainsi que les l’établissement et le maintien d’un lien de confiance bonnes relations de travail ont donc un impact direct entre ces parties. Les relations entre les parties sur l’emploixviii. Dans un autre ordre d’idées, nombre prenantes sont facilitées, favorisant largement d’entreprises offrent à leurs employés la possibilité l’atteinte du consensus. Les conflits de travail ainsi que de participer à l’actionnariat, leur conférant ainsi le les conséquences qui en découlent sont ainsi limités statut de partie prenante. Ils ont donc d’autant plus et les employés bénéficient d’une meilleure stabilité intérêt à contribuer à la création de valeur pour les d’emploi. Par ailleurs, la représentation des employés actionnaires et à bénéficier d’une voix au sein des au sein des instances de l’entreprise permet à ces structures de gouvernance. derniers d’obtenir l’information pertinente quant aux contraintes auxquelles une entreprise fait face et aux La participation active des employés à la raisons qui sous-tendent les décisions de la direction gouvernance d’entreprise est non seulement dans et de proposer des pistes de solution qui seront à leur l’intérêt fondamental des travailleurs, mais aussi avantage, ce qui permettra ensuite à l’ensemble du dans celui des entreprises et de la société dans son conseil d’adopter des solutions qui favoriseront un ensemble. En effet, il est démontré qu’une structure plus grand nombre de parties prenantes. Une étude décisionnelle collaborative et diversifiée permet la menée au Danemark, en Suède et en Norvège a prise de meilleures décisions et une redistribution d’ailleurs démontré que la présence d’employés dans plus équitable des profits.

L’exemplarité du modèle allemand

Depuis plus de 40 ans, les employés participent à la gouvernance des grandes sociétés allemandes. Le modèle en place en est un de codétermination et il prône le principe selon lequel tous ceux qui sont directement concernés par les décisions de l’entreprise doivent avoir la possibilité d’y prendre part. Il est considéré comme exemplaire par certains en raison du contre-pouvoir offert aux employés.

Les entreprises allemandes sont régies par deux structures, soit un directoire, c’est-à-dire la direction, et un conseil de surveillance, soit l’instance exerçant le rôle de contrôleur des actes de gestion et à laquelle le directoire rend compte. Ce conseil a notamment le pouvoir de nommer et destituer les membres de la haute direction, de valider leurs actes, d’approuver les choix d’investissement ainsi que les restructurations. Les représentants des employés siègent au sein de la seconde structure selon une proportion d’un tiers ou de la moitié, d’après la taille des effectifs de l’entreprise. Vu les importants pouvoirs dont dispose le conseil de surveillance, les employés sont à même d’influencer directement les questions d’ordre économique et disposent ainsi d’un fort pouvoir de gestionxix.

60 — ENJEUX DE GOUVERNANCE — Mécanique du vote par procuration lesquelles des votes ont été enregistrés), ainsi que les difficultés associées au décompte, à la confirmation Le 15 novembre 2018, la commission des et à l’appariement. Ces complications seraient en valeurs mobilières des États-Unis (SEC) a tenu réalité attribuables au système d’immobilisation des une consultation sur le processus de vote par actions où la plupart des actions sont immatriculées procurationxx. au nom du courtier. Les actions apparaissent dans les positions enregistrées auprès d’un dépositaire La table ronde comportait trois panels : centralisé, mais ne sont pas associables à un détenteur en particulier. Il s’agit d’une masse • mécanisme de vote et technologie : comment d’actions non distinctes. Ce système présente l’exactitude, la transparence et l’efficience l’avantage de rendre les transactions plus facilement du vote par procuration et le système de réalisables. C’est le nombre d’intermédiaires (agent sollicitation peuvent-ils être améliorés ? de transfert, gardien de valeurs, sous-gardien de valeurs) qui rend le processus de vote opaque. • propositions d’actionnaire : quelles pistes d’engagement actionnarial sont les plus Parmi les exemples cités par les panélistes, deux efficaces ? Quelles sont les impressions sur sont particulièrement marquants. Dans le premier le processus de proposition d’actionnaire, les cas, un agent de transfert s’étant rendu compte règles et les lignes directrices de la SEC ? qu’il avait voté plus d’actions qu’il n’en représente a essayé de rectifier son erreur, mais a été informé • agences de conseil de vote : leur rôle et leur qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer la correction relation avec les entreprises et les investisseurs puisque les actions inscrites dans le registre du institutionnels peuvent-ils être améliorés ? dépositaire central constituent une masse fongible et D’après les propos rapportés, il y a consensus pour dire que le système actuel est inefficace, opaque et trop souvent erroné. La question primordiale est de Étant donné que le système déterminer si la SEC doit bâtir un nouveau système en partant de zéro ou s’il est possible de réparer le actuel d’intermédiaires est système actuel. utile pour la négociation et le règlement des opérations, il D’après les vérifications effectuées par la Securities Transfer Association, sur les 183 assemblées apparaît peu probable qu’un observées, 130 avaient des problèmes de survote, nouveau système soit mis bien qu’il y ait eu appariement par la suite. Le survote arrive lorsqu’un courtier enregistre des votes pour sur pied. davantage d’actions qu’il n’en représente. Il peut également se produire à l’occasion d’un prêt de titres si le propriétaire et le bénéficiaire enregistrent que tout le monde ne votait pas. Dans le second cas, tous les deux des votesxxi. un léger changement du nom du gardien de valeurs a eu pour conséquence que les votes d’un important D’autres problèmes ont aussi été relevés : le détenteur d’actions n’ont pas été exercés pendant sous-vote (lorsqu’un courtier mentionne dans le 10 ans, sans que personne s’en rende compte. système que ses clients exerceront les votes et que certains d’entre eux ne le font pas), le vote vide Étant donné que le système actuel d’intermédiaires (vote enregistré sans instruction), les incertitudes est utile pour la négociation et le règlement des concernant les totaux (lorsque le nombre de votes opérations, il apparaît peu probable qu’un nouveau reçus ne correspond pas aux nombres d’actions pour système soit mis sur pied. L’intérêt que pourrait

— ENJEUX DE GOUVERNANCE — 61 représenter la technologie de la chaîne de blocs, année, 6 % la deuxième et 10 % la troisièmexxiii. Des qui permettrait la traçabilité des actions, a tout de participants plus conservateurs, comme la Business même été abordé sans que cela apparaisse comme Roundtable et la chambre de commerce, estiment la solution miracle. Le système pourrait quand que de nombreuses propositions servent de tribune même être amélioré à court terme, notamment en politique au programme de certains investisseurs et fournissant une confirmation fiable que le vote a bien confèrent trop de pouvoir à des actionnaires ayant été enregistré et en s’assurant que l’appariement un intérêt financier dans l’entreprise. Finalement, la soit fidèle à la réalité. plupart des panellistes se sont accordés pour dire que la SEC devrait apporter plus de précisions dans ses La discussion sur les propositions d’actionnaire a réponses aux lettres de non-intervention envoyées essentiellement tourné autour du seuil à atteindre par les entreprises pour demander l’autorisation de pour pouvoir soumettre de nouveau une proposition. ne pas inclure certaines propositions d’actionnaire La plupart des panellistes étaient satisfaits des dans leur circulaire. seuils actuels, car ils sont suffisamment bas pour permettre aux petits actionnaires de participer quand les investisseurs institutionnels peuvent contacter directement la directionxxii. Les taux d’approbation minimaux qu’il faut actuellement obtenir pour resoumettre une proposition sont de 3 % la première OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES

Des investisseurs demandent que les entreprises adoptent des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) conformément à l’Accord de Paris sur le climat. Dans certains cas, ils précisent que ces objectifs devraient être alignés sur les connaissances scientifiques. Les sociétés devraient également publier des rapports sur leurs plans et les progrès réalisés dans l’atteinte de leurs objectifs.

D’autres investisseurs sont inquiets que les cibles fixées par certaines entreprises ne soient pas assez ambitieuses pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris, compte tenu de leur appartenance à des secteurs d’activité à haute intensité de carbone. Ils leur demandent donc d’adopter des objectifs intérimaires pour les inciter à contribuer à la décarbonisation du secteur et à l’accomplissement des engagements de leur pays en matière de réduction des émissions de GES.

Dans un contexte d’accélération de la transition vers une économie sobre en carbone, les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par l’enjeu de la fixation d’objectifs quantitatifs de réduction des émissions de GES. D’ailleurs, en 2018, sur les 73 propositions à caractère environnemental déposées, 62 portaient sur des questions liées au changement climatique. Au total, 11 propositions relatives à l’adoption d’objectifs de réduction des émissions de GES ont été soumises l’an dernier, avec un taux d’approbation moyen de 32 %. Dans le cas de l’entreprise de transport Genesee & Wyoming, la proposition a même obtenu l’appui d’une majorité d’actionnaires (57 %).

En 2019, la fondation As You Sow et des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) comptent présenter des propositions à Acuity Brands, Charter Communications, MAA Apartment Communities, Middleby Corporation, Quanta Services, Chevron, Devon Energy et ExxonMobil, pour ne citer que quelques entreprises visées. Une proposition similaire qui devait être soumise à Emerson a par ailleurs été retirée grâce à un dialogue fructueux avec la direction de la compagnie.

Notons que plusieurs investisseurs ont uni leurs forces afin d’accroître la transparence des entreprises et les inciter à lutter contre le changement climatique, notamment dans le cadre du Climate Action 100+. Cette initiative mondiale, qui a été lancée en décembre 2017 lors du One Planet Summit, est soutenue par 310 investisseurs provenant de 29 pays avec plus de 32 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ces investisseurs se mobilisent pour encourager les plus grandes entreprises émettrices de GES à agir et à profiter d’importantes occasions d’affaires liées à la transition vers une économie verte. Plusieurs sociétés qui sont ciblées par l’initiative ont commencé à progresser vers la réalisation de leurs objectifs de réduction des émissions et à améliorer leur transparence à ce sujet, certaines ayant d’ailleurs apporté leur soutien aux recommandations du groupe de travail sur les informations financières liées au climat (TCFD)i. Ces entreprises, qui sont exposées aux risques relatifs à la transition énergétique et aux risques physiques du changement climatique, possèdent aussi le potentiel de conduire la transition vers une économie sobre en carbone, de profiter des importantes occasions d’affaires qui y sont liées et d’éviter des risques réglementaires, financiers et d’atteinte à la réputation.

64 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les proposeurs rappellent que pour éviter les pires impacts du dérèglement climatique, le Groupe En général, les conseils d’administration d’experts intergouvernemental sur l’évolution du recommandent un vote contre la proposition. climat (GIEC) croit nécessaire de diminuer les Ils estiment que les entreprises fournissent déjà émissions mondiales de GES de 55 % d’ici 2050, suffisamment d’informations en effectuant des soit un objectif de 80 % pour les États-Unis. Ces divulgations au CDP concernant leurs émissions de réductions devraient permettre de contenir la hausse GES et jugent que la fixation d’objectifs quantitatifs de la température de la planète en dessous des 2 de réduction de ces émissions n’est d’aucune degrés Celsius, comme prescrit par l’Accord de utilité significative. Certains conseils argumentent Paris. Or, avec l’actuelle administration américaine que l’acceptation de ce type de propositions et sa réticence à l’égard de cette entente, les serait prématurée et qu’il serait plus prudent de investisseurs s’attendent à ce que les entreprises mieux comprendre les programmes législatifs et jouent un rôle plus actif dans la réalisation des réglementaires avant de s’engager à atteindre de tels objectifs pour les États-Unis. Les proposeurs objectifs. Ils considèrent aussi que l’évaluation du indiquent d’ailleurs que de plus en plus de sociétés, succès des initiatives environnementales par rapport dont 60 % de celles du Fortune 100 et 50 % de à des objectifs préétablis est susceptible de donner celles de l’indice S&P 500, adoptent des objectifs une idée trompeuse de leur efficacité, compte tenu de réduction des émissions de GES. Parmi elles, de leur portefeuille d’activités en évolution continue. nous retrouvons des concurrentes des entreprises visées.

Selon les proposeurs, il est dans l’intérêt financier des entreprises de se doter de tels objectifs. Ainsi, 53 sociétés du Fortune 100 économisent 1,1 milliard de dollars par an grâce à leurs initiatives pour atténuer leur empreinte carbone. De plus, une étude du WWF, du CDP et de McKinsey & Company a révélé que les sociétés ayant des objectifs relatifs aux GES ont obtenu un retour sur investissement supérieur de 9 % en moyenne à celui des entreprises dépourvues de cible. Une autre étude du CDP et du WWF montre que 80 % des sociétés du S&P 500 réalisent un meilleur rendement des investissements visant à réduire les émissions de carbone relativement à d’autres investissements. La même étude a établi qu’une croissance de l’efficacité énergétique est susceptible de générer un retour sur investissement moyen de 196 %.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 65 ANALYSE DU GIR Face à l’urgence d’agir, plusieurs entreprises ont pris conscience de l’importance de cet enjeu, comme Selon une étude du Forum pour l’investissement en témoigne le nombre croissant de sociétés qui responsable, l’empreinte environnementale de se dotent d’objectifs quantitatifs de réduction des l’activité humaine a atteint un seuil de durabilité égal émissions de GES. En janvier 2019, l’initiative à 1,6 planète en 2015. Cela veut dire qu’il faut les Science-Based Targets (ISBT) a annoncé que ressources d’une planète et demie pour subvenir 515 entreprises dans le monde ont entrepris des aux besoins de notre modèle actuelii. Il est ainsi actions climatiques basées sur les connaissances impératif de ramener cette empreinte à une planète, scientifiques, dont 164 ont des objectifs de réduction ce qu’on désigne par la transition écologique et des émissions qui ont été approuvés, c’est-à- énergétique. La transition vers une économie sobre dire qu’ils ont été jugés conformes à l’Accord de en carbone, qui en est l’un des piliers, signifie une Paris, et s’emploient désormais à les atteindre économie moins intense en émissions de GES afin de prévenir un réchauffement planétaire au- afin que le réchauffement climatique n’excède delà duquel le dérèglement climatique pourrait pas 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux s’emballer et engendrer des effets irréversibles. préindustriels. Parmi elles, 46 sociétés nord-américaines, incluant Les négociations dans le cadre de la 24e Procter & Gamble, Kraft Heinz, Best Buy, Aldo conférence annuelle des parties à la convention- et Clif Bar, ont adopté (ou se sont engagées à le cadre des Nations Unies sur les changements faire) des objectifs quantitatifs de réduction de leurs climatiques (COP24) en Pologne se sont terminées émissions de GES de niveau 1 (émissions directes), le 14 décembre 2018 par un accord sur la mise en 2 (émissions indirectes liées à la consommation pratique de l’Accord de Paris de 2015. La manière d’énergie) et, dans certains cas, 3 (autres émissions dont les pays comptent renforcer leurs objectifs indirectes)iii. À titre d’illustration, Procter & Gamble a déjà économisé 500 millions de dollars durant les

Les négociations dans le cadre de la 24e conférence annuelle des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP24) en Pologne se sont terminées le 14 décembre 2018 par un accord sur la mise en pratique de l’Accord de Paris de 2015. 4 dernières années grâce à l’utilisation de mesures d’efficacité énergétique susceptibles de réduire ses émissionsiv.

de réduction des émissions a été absente des Cependant, plusieurs entreprises manquent encore discussions. Pourtant, les objectifs actuels risquent de vision, d’ambition et de transparence à ce sujet. d’entraîner un réchauffement de 3 °C par rapport Elles demeurent ainsi fortement exposées à des aux niveaux préindustriels, ce qui provoquerait risques réglementaires, juridiques et financiers liés des bouleversements énormes tels que des au climat, de même qu’à d’importants risques sécheresses, des inondations, une élévation du d’atteinte à la réputation, voire de désinvestissement. niveau de la mer et une baisse de la productivité agricole.

66 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Le secteur de la viande et des produits laitiers, prochaine cible des investisseurs responsables ?

Parmi les 11 propositions d’actionnaire relatives à l’adoption d’objectifs de réduction des émissions de GES déposées en 2018, 6 visaient des entreprises du secteur du transport ou du secteur du pétrole et du gaz. Comparativement à ces secteurs généralement connus pour leurs effets dommageables sur l’environnement, les grandes entreprises de viande et de produits laitiers ont jusqu’à présent échappé à la surveillance du public par rapport à leur contribution au changement climatique.

Si tous les autres secteurs continuent de suivre la même voie afin de diminuer leurs émissions de GES pendant que la croissance de l’industrie de la viande et des produits laitiers se poursuit comme prévu, le secteur de l’élevage pourrait absorber 80 % du budget de GES autorisé en seulement 32 ans, sachant que les émissions mondiales doivent être réduites de 38 milliards de tonnes d’ici 2050 pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius. En l’absence ou l’incomplétude de divulgation sur les émissions de ces entreprises, deux organismes à but non lucratif, GRAIN et IATP, ont effectué un calcul approximatif à l’aide des données sur les volumes de production de ces entreprises. Les chiffres sont choquants : les émissions combinées des cinq plus grandes entreprises mondiales de viande et de produits laitiers sont comparables à celles d’ExxonMobil, de Shell ou de BPv. Une augmentation de la taxe sur la viande rouge et transformée serait susceptible d’alléger l’empreinte écologique énorme de la viande et de réduire les émissions de GES de près de 100 millions de tonnes métriquesvi. Alors qu’il n’existe pas encore d’entreprises du secteur qui sont visées par ce genre de propositions, elles pourraient bientôt devenir la cible d’investisseurs responsables.

Une étude du fournisseur de données financières de l’OCDE. L’adoption par les gouvernements Trucost, publiée en octobre 2010, illustre bien les d’un principe plus vigoureux du pollueur-payeur risques réglementaires, juridiques et financiers est ainsi susceptible de forcer les entreprises à auxquels les sociétés sont exposées. Elle considérer les coûts sociaux qu’elles engendrent montre ainsi que l’impact financier annuel des et à internaliser leurs externalités négatives. dommages environnementaux causés par les émissions de GES, la pollution et l’épuisement Il faut souligner que les risques juridiques des ressources naturelles pourrait atteindre 28 pour les grands émetteurs de carbone, telles billions de dollars en 2050 ou 23 % de moins les entreprises de combustibles fossiles, se si des technologies propres sont implantéesvii. concrétisent de plus en plus. Ainsi, au cours des Une autre étude de Trucost, publiée en janvier dernières années, deux États américains ont 2018viii, indique que pour inciter les entreprises mené des enquêtes sur ExxonMobil concernant à investir dans des technologies à faibles des questions de fraudes relatives au changement émissions de carbone et ainsi à réduire leurs climatique ; l’une d’elles a mené à un procès. Ce émissions, la tarification du carbone devrait dernier, renforcé par des arguments scientifiques, passer de 40 à 120 dollars américains par tonne recommande le passage aux énergies durables de dioxyde de carbone d’ici 2030 pour les pays et attire l’attention sur la vulnérabilité des

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 67 communautés et des infrastructures côtières mesures efficaces pour les atteindre risquent à l’élévation du niveau de la mer. Neuf villes et de subir des dommages à leur réputation et comtés américains ont poursuivi d’importantes même de faire l’objet de désinvestissement sociétés pétrolières, gazières et houillères de la part d’investisseurs qui, par choix ou dans le but d’obtenir des indemnisations pour par obligation, tentent de réduire l’empreinte les dommages causés par le dérèglement carbone de leurs portefeuilles et leur exposition climatiqueix. Ces litiges pourraient avoir un aux risques climatiques. À l’inverse, et toujours impact important s’ils réussissent à obtenir que dans ce contexte, les entreprises qui sont bien ces entreprises soient tenues responsables des engagées dans la lutte contre le changement dommages qu’elles prévoyaient depuis plusieurs climatique et qui travaillent activement à réduire décennies, mais pour lesquels elles n’ont donné leurs émissions de carbone pourraient jouir d’un aucun avertissement qui aurait permis la mise en avantage concurrentiel auprès d’investisseurs place de mesures préventives. responsables et rehausser leur image et leur réputation. Il est par ailleurs intéressant de Par ailleurs, dans un contexte où les exigences souligner que, selon le TCFD, la divulgation en matière de transparence tendent à se d’émissions de GES relativement importantes resserrer, tant du côté des investisseurs que des est susceptible d’entraîner des réglementations autorités réglementaires et des gouvernements, plus strictes, notamment en matière de prix du les entreprises qui négligent d’adopter des carbone, et ainsi de compromettre la capacité de cibles ambitieuses de réduction de leurs gains futurs des entreprises. émissions de GES et de mettre en place des

La transparence, une exigence essentielle

Force est de constater que la transition vers une économie sobre en carbone nécessite une première étape qui consiste à imposer une transparence En septembre 2018, 513 organisations ont exprimé sur les émissions de GES. Outre l’engagement de leur soutien au TCFD fonds de pension sur ces questions, des innovations (comparativement à 237 en législatives, comme l’article 173 de la Loi relative à décembre 2017), approuvant la transition énergétique pour la croissance verte ainsi la divulgation des cibles en France, visent à stimuler le financement de la pour les émissions directes transition énergétique en poussant les entreprises et indirectes de GES afin de à divulguer leurs émissions et les investisseurs à mieux gérer les risques liés au évaluer leur risque d’exposition aux sociétés à haute changement climatique. intensité de carbone.

Des regroupements économiques internationaux, tel le Conseil de stabilité financière, ont aussi divulgué en juin 2017 des recommandations visant à inciter les entreprises à fournir à titre volontaire des informations sur leurs risques financiers liés au changement climatique, connues sous le nom des recommandations du TCFD. En septembre 2018, 513 organisations ont exprimé leur soutien au TCFD (comparativement à 237 en décembre 2017), approuvant ainsi la divulgation des cibles pour les émissions directes et indirectes de GES afin de mieux gérer les risques liés au changement climatique.

68 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Ainsi, nous constatons que plusieurs investisseurs à forte intensité de carbonexi. Cela a pour institutionnels se sont engagés volontairement conséquence que ces fonds vont faire pression dans la lutte contre le changement climatique et sur les entreprises pour obtenir ces informations qu’ils ont besoin de davantage d’informations de et pour qu’elles s’engagent dans la lutte contre la part des entreprises. Certains participent à des le changement climatique. initiatives qui requièrent qu’ils évaluent l’empreinte carbone de leur portefeuille. Par exemple, en Un autre exemple est celui du Royaume-Uni, où décembre 2017, la Caisse de dépôt et placement le ministère du Travail et des Pensions a annoncé, du Québec et les gestionnaires d’actifs Sarasin le 11 septembre 2018, qu’il va mettre à jour le and Partners et SURA Asset Management ont règlement de 2005 sur les régimes de retraite adhéré à la Portfolio Decarbonization Coalition. afin d’accroître leurs obligations fiduciaires Celle-ci réunit 32 investisseurs chargés de et y inclure la prise en compte de facteurs superviser la décarbonisation progressive de environnementaux, sociaux et de gouvernance plus de 800 milliards de dollars américains d’entreprise (ESG), y compris le changement d’actifs sous gestion, dépassant ainsi de 8 climatique. Le gouvernement entend imposer fois l’objectif fixé initialement, qui était de 100 aux régimes de retraite la responsabilité de milliards de dollarsx. En rejoignant la coalition et comprendre les implications financières de en s’engageant à gérer leurs investissements l’intégration de certains enjeux ESG pertinents, en vue de réduire leur empreinte carbone, ces plutôt que de les considérer simplement investisseurs envoient un message fort aux comme des questions d’éthique ou des options entreprises, c’est-à-dire que les risques sont supplémentairesxii. En effet, les marchés financiers plus élevés pour les investissements à plus forte ont besoin de cette information afin d’identifier intensité en carbone, qu’il s’agisse des prix les compagnies qui gèrent le mieux les risques potentiels du carbone, des risques relatifs aux associés au changement climatique et qui sont actifs délaissés ou des risq ues réglementaires. les mieux positionnées pour saisir les occasions d’affaires liées à la transition vers une économie Des pressions sont également exercées pour sobre en carbone. que les investisseurs tiennent compte des risques relatifs au changement climatique. Par D’autres initiatives réglementaires ou législatives exemple, la Californie a adopté en septembre visent directement les entreprises. À titre 2018 un projet de loi (SB 964) exigeant que les d’illustration, un rapport du projet d’examen deux plus grands fonds de pension des États- de l’information fournie sur le changement Unis, soit le fonds de pension des employés du climatique publié par les Autorités canadiennes secteur public de la Californie (CalPERS) et le en valeurs mobilières (ACVM) en avril 2018 a fonds de pension des enseignants de la Californie dévoilé la réticence des entreprises à l’imposition (CalSTRS), rendent compte de leurs analyses des d’une divulgation d’information à ce sujet, risques associés au changement climatique. Les qui constituerait à leurs yeux un nouveau risques liés au climat peuvent inclure les risques fardeau réglementairexiii. Face à cette réaction, financiers importants causés par les effets du le personnel des ACVM ont annoncé qu’ils dérèglement climatique dont certains sont déjà allaient poursuivre l’évaluation des pratiques perceptibles, comme les tempêtes intenses, des entreprises en matière de divulgation l’élévation du niveau de la mer, l’augmentation d’information relative au changement climatique, des températures dans le monde, les dommages ainsi que des besoins des investisseurs pour économiques liés aux émissions de carbone, les certains types d’informations, notamment en ce risques associés aux politiques publiques de lutte qui concerne les émissions de GES. Aux États- contre le changement climatique, les attitudes Unis, une nouvelle loi connue sous le nom de changeantes des consommateurs et l’évolution Climate Risk Disclosure Act a été proposée au de l’économie des industries traditionnelles Sénat le 17 septembre 2018 afin d’appuyer les

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 69 efforts déployés relativement à la divulgation GES, leurs actifs liés aux combustibles fossiles, des risques climatiques des sociétés ouvertes. ainsi que leurs stratégies de gestion des risques. Si elle était adoptée, la commission des valeurs Les exigences de divulgation seraient adaptées mobilières des États-Unis (SEC) aurait un an pour aux différents secteurs. La loi vise à aider les édicter des règles obligeant les sociétés ouvertes investisseurs à identifier les entreprises les mieux à révéler leurs émissions directes et indirectes de positionnées pour réussir dans une économie

Des références pour la divulgation d’informations relatives au changement climatique

Afin d’obtenir des informations pertinentes, le CDP a mis au point un nouveau système de classification des activités (CDP-ACS). Il s’agit d’une approche sectorielle en matière de divulgation et de notation. Ce système de demande d’informations s’appuie sur des indicateurs recommandés par le TCFD, tels que la tarification du carbone et les objectifs basés sur les connaissances scientifiques. Cet alignement de la demande d’informations du CDP sur les recommandations du TCFD a pour objectif d’optimiser le processus de divulgation pour les entreprises et de les inciter à se fixer des objectifs basés sur les connaissances scientifiques. La vérification de ces cibles par l’ISBT est aussi considérée comme l’une des meilleures pratiques, et le CDP en tiendra compte dans ses classementsxv. Ainsi, les entreprises devront se doter d’objectifs basés sur les recherches scientifiques afin de mieux tirer profit des informations transmises au CDP.

à faibles émissions de carbone et stimuler compris des entreprises, pour lutter contre le l’innovationxiv. dérèglement climatique constitue une condition essentielle pour développer des technologies Avec les plus récents rapports du GIEC qui porteuses d’espoir, mieux allouer les ressources démontrent clairement que nous sommes en et réaliser la transition vers une économie sobre en train de rater la cible idéale de l’Accord de Paris, carbone. Elle passe inévitablement par l’adoption qui est de limiter le réchauffement à 1,5 degré d’objectifs ambitieux de réduction des émissions Celsius, un scénario qui comporte de nombreux de GES, conjuguée à une meilleure divulgation bouleversements est très plausible. Toutefois, d’informations et l’établissement de liens avec la contenir la hausse de température sous la barre question de la performance financière. des 2 degrés Celsius est encore possible, à condition de se fixer des objectifs de réduction Pour toutes ces raisons, le GIR recommande en des émissions de GES beaucoup plus élevés général un vote pour ce type de propositions. que ceux adoptés par la plupart des États dans le cadre de l’Accord de Paris. La poursuite de ces efforts des différentes parties prenantes, y UTILISATION D’ANTIBIOTIQUES DANS UN BUT NON THÉRAPEUTIQUE DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT UTILISATION D’ANTIBIOTIQUES DANS UN BUT NON THÉRAPEUTIQUE DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

Des investisseurs militants demandent à des sociétés américaines d’adopter des politiques et de mettre en place des plans d’action visant à éliminer l’utilisation d’antibiotiques pour la prévention de maladies dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Deux propositions d’actionnaire ont été déposées en 2018 auprès des sociétés américaines Denny’s Corp. et Darden Restaurants Inc., qui ont obtenu des taux d’approbation de 16 % et 41 %, respectivement. La même année, un dialogue fructueux avec McDonald’s a permis l’abandon d’une proposition sur l’administration d’antibiotiques aux animaux dans un but non thérapeutique. Pour As You Sow et les autres investisseurs institutionnels qui, depuis des années, font pression sur les sociétés pour qu’elles éliminent les antibiotiques importants pour la santé humaine de leurs chaînes d’approvisionnement en viande, l’annonce de McDonald’s a représenté une percée majeure.

Des propositions similaires annoncées par As You Sow, qui devaient être votées cette année par les actionnaires de Costco Wholesale et de Sanderson Farms, ont par ailleurs été retirées après que ces entreprises aient acquiescé aux demandes des actionnaires. Costco a ainsi accepté de publier une politique qui vise à mettre fin à l’utilisation d’antibiotiques dans un but non thérapeutique dans sa chaîne d’approvisionnement en viande. L’entreprise va aussi poursuivre le dialogue avec As You Sow ; des discussions deux fois par an lui permettront de communiquer ses progrès dans l’application de cette politique et de discuter du renforcement de ses politiques sur l’utilisation d’antibiotiques dans ses chaînes d’approvisionnement en volaille et en viande.

Sanderson, quant à elle, a annoncé sa nouvelle politique qui interdit le recours à deux antibiotiques considérés comme médicalement importants pour la santé humaine pour la prévention de maladies chez les poulets. Cependant, l’entreprise continue à utiliser ces antibiotiques pour le traitement et le contrôle de maladies diagnostiquées sous la supervision de vétérinairesi. Malgré ce progrès, la position de Sanderson sur cet enjeu demeure accablante. Troisième plus grande productrice de volaille aux États-Unis, l’entreprise continue de défendre son utilisation continue d’antibiotiques non importants pour la santé humaine dans la prévention de maladies et déclare que sa stratégie constitue un compromis responsable pour mieux préserver l’efficacité des antibiotiques importants pour la santé humaine, tout en évitant les effets néfastes des systèmes sans antibiotiques sur la santé et le bien-être des poulets d’élevage. En réponse à cette nouvelle politique de Sanderson, As You Sow a retiré sa proposition, mais demande des éclaircissements supplémentaires sur la position de la compagnieii.

Enfin, les actionnaires de Domino’s Pizza Inc. et de McDonald’s devront se prononcer en 2019 sur une proposition soumise par des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) portant sur l’utilisation d’antibiotiques dans leurs chaînes d’approvisionnement.

72 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES PROPOSEURS observent qu’au moment où McDonald’s veut mettre en place des essais pilotes régionaux pour Les proposeurs rappellent les risques liés au avoir des données sur l’utilisation d’antibiotiques par problème de la résistance aux antibiotiques, qui ses fournisseurs, des concurrentes de la compagnie est considérée comme l’une des principales comme Shake Shack, BurgerFi, Panera Bread, menaces pour la santé humaine. Les antibiotiques Chipotle Mexican Grill et Subway ont déjà adopté perdent leur efficacité en raison notamment de des politiques et des engagements importants en leur surexploitation imprudente dans la production matière d’antibiotiques pour leur approvisionnement d’animaux d’élevage. En effet, plus les antibiotiques en viande. Ils estiment par conséquent que, malgré sont utilisés, plus les bactéries résistantes évoluent les efforts de McDonald’s, son utilisation continue rapidement. Une telle résistance cause déjà 23 000 d’antibiotiques compromet sa part de marchéiv. morts prématurées chaque année aux États- Unis et jusqu’à 35 milliards de dollars de pertes économiques. Si cette tendance se poursuit, cette résistance est susceptible de causer 300 millions de morts prématurées et jusqu’à 100 000 milliards de dollars de pertes économiques d’ici 2050.

Les proposeurs soulignent que les producteurs ARGUMENTS DES utilisent essentiellement les antibiotiques pour CONSEILS D’ADMINISTRATION prévenir les maladies chez les animaux qui sont causées par des conditions insalubres dans Plusieurs arguments sont avancés par les conseils les fermes, plutôt que pour traiter des maladies d’administration afin de justifier leur position déjà diagnostiquées. Consciente de ces risques, par rapport à l’utilisation des antibiotiques dans l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a un but non thérapeutique dans les chaînes publié des directives qui recommandent une d’approvisionnement. La plupart des conseils réduction globale de l’utilisation de toutes les rejettent la proposition, estimant que la politique classes d’antibiotiques chez les animaux d’élevage, réclamée pourrait désavantager leur entreprise par y compris une interdiction complète pour la rapport à ses pairs en créant une possibilité de stimulation de la croissance et la prévention de pénurie d’approvisionnement pour ses principaux maladies sans diagnostic. Face aux inquiétudes des produits protéinés ou des coûts accrus pour les consommateurs, la majorité des 25 plus grandes clients. D’autres mettent de l’avant leurs efforts chaînes de restauration des États-Unis, comme afin d’interdire à leurs fournisseurs d’utiliser des McDonald’s, Burger King et Subway, ont déjà antibiotiques en vue de stimuler la croissance. adopté des politiques pour réduire l’utilisation jugée Dans le contexte d’une réglementation de plus inutile d’antibiotiques chez les animaux en santé. en plus contraignante relativement à cet enjeu, certains conseils argumentent qu’ils s’apprêtent à Dans le cas de la proposition visant McDonald’s, il produire des rapports en conformité avec le guide faut noter que, bien que l’entreprise ait annoncé une de l’industrie 213 (GFI 213) de l’administration nouvelle politique en décembre 2018 pour diminuer américaine des denrées alimentaires et des le recours aux antibiotiques importants pour la santé médicaments (FDA), qui porte sur les normes humaine dans 10 pays où la compagnie se procure d’élevage et d’utilisation des antibiotiques entrées plus de 85 % de sa viandeiii, elle ne l’a pas encore en vigueur en janvier 2017, et demandent aux mise en œuvre à cause du manque de données actionnaires d’attendre ces publications. disponibles sur l’utilisation de ces médicaments dans l’industrie mondiale du bœuf. Les proposeurs

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 73 ANALYSE DU GIR

En 2016, les Nations Unies ont déclaré que la résistance aux antibiotiques est la plus importante menace pour la santé humaine et la sécurité alimentaire. Selon les estimations, elle sera l’une des principales causes de mortalité et tuera 10 millions de personnes par année d’ici 2050 si des progrès ne sont pas réalisés. Actuellement, l’utilisation des antibiotiques continue d’augmenter, avec un taux de croissance de 30 % entre 2000 et 2010, et ce, malgré l’apparition de nouveaux mécanismes de résistance des superbactéries. Pire encore, plus de 80 % des antibiotiques employés au Canada et aux États-Unis ne sont pas administrés à des humains, mais à des animaux d’élevagev.

En 2017, l’OMS a répertorié une liste de 12 superbactéries résistantes aux antibiotiques. Cette liste avait pour but d’inciter à mener des activités de recherche et de développement de pointe, mais surtout de lutter contre la résistance en optimisant l’emploi des antibiotiques existants chez l’être humain et les animaux, ainsi que l’utilisation appropriée des antibiotiques à venirvi.

En Chine, la résistance à un antibiotique de dernier recours provoquée par son utilisation inappropriée chez les animaux

Le 18 novembre 2015, la revue Lancet Infectious Diseases a publié une étude qui a constaté une nouvelle forme de résistance à la colistine, un antibiotique de dernier recoursvii. Des bactéries résistantes étaient présentes chez des animaux d’élevage en Chine, mais aussi chez des humains. On a déterminé que la cause de la prolifération de cette résistance était l’utilisation agricole excessive de cet antibiotique.

Introduite pour la première fois en 1959, la colistine n’avait pas été beaucoup employée à cause de ses effets secondaires toxiques entre autres pour les reins, ce qui lui a permis de conserver son efficacité, les bactéries n’ayant pas développé beaucoup de résistance à cet antibiotique.

Cette utilisation rare de la colistine s’est avérée utile lorsque des superbactéries ont commencé à montrer une résistance aux carbapénèmes, une classe d’antibiotiques considérés comme une dernière ligne de défense contre des bactéries complexes. C’est ainsi que le recours à la colistine a commencé à augmenter. Étant un vieil antibiotique, la colistine est bon marché et constitue ainsi un supplément abordable pour favoriser la croissance rapide des animaux d’élevage et les protéger contre les conditions insalubres de l’élevage intensif. La Chine est l’un des plus grands producteurs, mais aussi utilisateurs de la colistine dans l’agricultureviii.

Les résultats de l’étude montrent d’abord un E. coli résistant à la colistine en 2013 chez un porc dans une ferme située près de Shanghai, puis une résistance accrue à cet antibiotique sur plusieurs années. Des tests effectués sur des échantillons d’animaux abattus et de viande vendue au détail, ainsi que sur des échantillons prélevés sur des patients de 2 hôpitaux ont montré que le gène responsable de la résistance à la colistine était présent dans 15 % des échantillons de viande de porc et de poulet, 21 % des échantillons de porcs dans les abattoirs et dans 1 % des échantillons prélevés sur des patients hospitalisés présentant des infections. Cette dernière statistique est importante : ces superbactéries causent déjà des infections chez les humains. Selon des données du Laboratoire européen de biologie moléculaire, des gènes résistants en provenance de la Malaisie plutôt que de la Chine ont été découverts au moment de la publication de cette étude.

L’administration de la colistine à de grands nombres d’animaux d’élevage afin de favoriser leur croissance semble avoir joué un rôle important dans la prolifération et la dispersion de cette nouvelle résistance à cet antibiotique. Le pire est que cette résistance des bactéries chez les animaux commence à se manifester chez les êtres humains sans être remarquée.

74 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Selon des groupes environnementaux comme le Natural Resources Defense Council, l’arrêt des Actuellement, l’utilisation antibiotiques à des fins de production ne résout pas des antibiotiques le problème. En effet, la stimulation de la croissance ne représente que 10 à 15 % de l’utilisation continue d’augmenter, d’antibiotiques chez les animaux d’élevage, selon avec un taux de l’Animal Health Institute. La question critique est plutôt le recours aux antibiotiques pour prévenir des croissance de 30 % maladies. Ce processus est susceptible de favoriser entre 2000 et 2010, et ce, la résistance en permettant à des souches de bactéries résistantes aux antibiotiques, qui auraient malgré l’apparition de été tuées par des doses plus élevées, de survivre. nouveaux mécanismes Le dernier guide de l’industrie de la FDA publié de résistance des superbactéries. La stimulation de la croissance ne représente Les bactéries peuvent être transmises entre que 10 à 15 % de l’utilisation humains, des humains aux animaux et vice- versa par le contact humain, la nourriture ou d’antibiotiques chez les l’environnement contaminé. Plusieurs études animaux d’élevage. (dont celles susmentionnées) ont montré que l’usage d’antibiotiques chez les animaux d’élevage est susceptible de causer une résistance des bactéries chez les humainsix. Sachant que les antibiotiques sont des outils nécessaires pour la réduction des maladies et des infections en janvier 2017 (GFI 213) prend en considération bactériennes chez les animaux d’élevage, leur ces risques. Par exemple, les éleveurs ne pourront gestion et leur mode d’utilisation doivent être bien employer des antibiotiques dans les aliments ou surveillés en prenant en considération leur impact dans l’eau des animaux d’élevage pour la prévention potentiel sur la santé humaine. Généralement, de maladies que sous contrôle vétérinaire (sur toute utilisation d’antibiotiques peut entraîner une autorisation ou sur ordonnance de médicaments). résistance. Cependant, leur emploi dans un but Outre la surveillance vétérinaire, l’utilisation non thérapeutique en administrant de faibles doses judicieuse des antibiotiques devrait être liée à un sur une longue période peut favoriser l’apparition agent étiologique spécifique et l’antibiotique devrait et la croissance de bactéries multirésistantes, être administré pendant une période bien définie. ce qui constitue manifestement une utilisation De plus, l’utilisation des antibiotiques pour des fins inappropriée d’antibiotiques. de production a été éliminée, ce qui est considéré par l’agence comme un changement significatif par Face à ces divers risques, la FDA prend des rapport à la manière avec laquelle les antibiotiques mesures pour aider à éliminer progressivement ont été utilisés pour les animaux d’élevage durant l’usage d’antibiotiques pour améliorer la croissance les décennies passéesxi. ou l’efficacité de l’alimentation chez les animaux d’élevage. Cependant, elle considère que les Par ailleurs, l’adoption et l’étude de mesures utilisations thérapeutiques pour traiter, contrôler réglementaires par des États américains créent une ou prévenir des maladies précises, incluant nouvelle source de pression sur les entreprises, l’administration sur de longues périodes de faibles qui s’ajoute à celle de la FDA. En Oregon, par doses par les aliments et l’eau aux troupeaux, sont exemple, une loi entrée en vigueur le 1er janvier nécessaires afin d’assurer la santé de ces animauxx.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 75 2019 interdit l’administration d’antibiotiques Les autorités de réglementation et les comités médicalement importants aux animaux d’élevage, d’antibiogouvernance jouent un rôle essentiel sauf sur recommandation d’un vétérinaire agréé pour contrôler les utilisations inappropriées pour des fins bien déterminéesxii. Des projets de d’antibiotiques administrés au bétail et ainsi réduire loi sur l’utilisation systématique d’antibiotiques, (ou retarder) l’apparition de nouveaux mécanismes semblables à la loi de l’Oregon, ont déjà été de résistance chez les bactéries. Toutefois, cela introduits dans les États du Maryland, de la ne constitue qu’une première étape pour faire Californie, de New York, du Minnesota, du New face à la menace de l’antibiorésistance. Dans un Jersey et de la Virginie-Occidentale.

À l’extérieur des États-Unis, d’autres pays prennent des mesures pour lutter contre l’antibiorésistance. Depuis le 1er décembre 2018, Le 25 octobre 2018, le Parlement européen a les producteurs canadiens ont adopté une loi visant à restreindre l’utilisation ainsi besoin d’une ordonnance d’antibiotiques dans les élevages pour combattre la propagation de la résistance aux antibiotiques. vétérinaire pour se procurer La loi, qui entrera en vigueur d’ici 2022, interdit des antibiotiques importants l’administration aux animaux d’antibiotiques pour la médecine humaine importants pour la santé humaine ; il reviendra à la dans les points de vente de Commission européenne de sélectionner ceux qui devront être réservés aux traitements pour les êtres médicaments pour le bétail. humainsxiii. En outre, l’usage d’antibiotiques pour des fins de prévention de maladies sera réservé à des cas individuels de risque élevé d’infection contexte où des mesures et actions communes dans les troupeaux et nécessitera l’autorisation sont requises à l’échelle mondiale, il est clair d’un vétérinaire. Cette loi aura des répercussions que l’attitude proactive de certaines sociétés par sur les producteurs américains et sur les chaînes rapport à l’utilisation d’antibiotiques dans leurs de restauration rapide internationales qui mènent chaînes d’approvisionnement, comme Panera des activités dans l’Union européenne, puisque les Bread, Subway et Chick-fil-A, accroît le risque de denrées alimentaires importées devront respecter perdre des parts de marché pour celles qui tardent les nouvelles règles. à répondre aux demandes des actionnaires et qui défendent encore la non-causalité entre leur usage Au Canada, le gouvernement fédéral déploie une continu d’antibiotiques dans les élevages et la nouvelle approche afin de ralentir la propagation création d’une résistance à ces médicaments. de la résistance des bactéries chez les humains et les animaux : l’antibiogouvernance, soit la Ainsi, le fait que les compagnies visées soient gouvernance des antibiotiques. Se basant sur encore liées à cette pratique controversée les le principe que ces médicaments sont précieux, expose à des risques financiers, juridiques et des comités d’infectiologues, de pharmaciens d’exploitation. L’adoption de la proposition pourrait et d’infirmières révisent les pratiques dans les rendre plus crédible leur objectif de fournir des unités des hôpitaux afin de diminuer la quantité aliments de qualité et sécuritaires. d’antibiotiques prescrits. Dans ce contexte, Santé Canada a annoncé des mesures visant à réduire Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de leur utilisation chez les animaux et à renforcer la voter pour ce type de propositions. surveillance vétérinaire. Depuis le 1er décembre 2018, les producteurs canadiens ont ainsi besoin d’une ordonnance vétérinaire pour se procurer des antibiotiques importants pour la médecine humaine dans les points de vente de médicaments pour le bétaixiv. RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE MÉTHANE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE MÉTHANE

Des investisseurs demandent aux entreprises qu’elles divulguent des informations sur leurs émissions de méthane incluant les taux d’émission en pourcentage du gaz produit et les mesures de gestion des risques. D’autres réclament la publication d’un rapport sur les politiques et les plans de l’entreprise pour mesurer, surveiller, atténuer et divulguer les émissions de méthane, ainsi que la fixation d’objectifs quantitatifs de réduction de ces émissions provenant des installations de stockage.

En 2018, des propositions ont été déposées auprès de Chevron, Kinder Morgan, Range Resources et la société australienne Santos Limited. Elles ont obtenu un taux d’approbation moyen fort honorable de 35,8 %. Dans le cas de Chevron et Kinder Morgan, ces taux ont atteint respectivement 45 % et 38 %. Quant à la proposition soumise à Range Resources, elle est la deuxième résolution liée au méthane à avoir remporté un vote à la majorité aux États-Unis (50,3 %1). Ajoutons que plusieurs propositions ont été retirées après que les entreprises aient acquiescé aux demandes des actionnaires. Ce fut notamment le cas d’UGI Corporation, Dominion Energy, Exelon Corp. et DTE Energy.

En 2019, des propositions plus poussées visent principalement des entreprises du secteur du pétrole et du gaz, entre autres Atmos Energy, EOG Resources et UGI Corporation, et demandent la fixation d’objectifs de réduction des émissions de méthane, de même que la divulgation des plans des sociétés pour réaliser ces objectifs ainsi que leurs progrès à ce sujet.

Les campagnes lancées par des actionnaires militants exercent également une pression sur les sociétés. Le 5 décembre 2018, un groupe de 61 investisseurs représentant des actifs sous gestion de 1,9 billion de dollars américains a annoncé une campagne qui cible 30 sociétés et les exhorte à déclarer publiquement leur soutien à la poursuite de la réglementation sur les émissions de méthane de l’agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA), ainsi que leur opposition à l’élimination de la réglementation directe de ces émissionsi. Les investisseurs espèrent que ces entreprises, qui représentent 35 % de la production de pétrole et de gaz aux États-Unis, vont exprimer haut et fort leur appui à une réglementation stricte, judicieuse et équitable afin de rassembler l’ensemble du secteur et d’atténuer les risques d’un marché non réglementéii.

1 En comparaison, une proposition similaire soumise à l’entreprise en 2014 n’avait reçu l’appui que de moins de 10 % des actionnaires.

78 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES PROPOSEURS de plus de 800 millions de dollars à ce jour, et des procédures pénales et des poursuites au Les proposeurs rappellent les divers risques civil sont toujours en cours contre la compagnie. d’atteinte à la réputation auxquels les entreprises Cet incident a compromis les objectifs de la sont exposées par rapport à leurs émissions de Californie en vertu de sa loi sur les solutions au méthane. Celui-ci est un puissant gaz à effet de réchauffement climatique AB-32iii. En vue d’éviter serre (GES) avec un impact sur la température 84 des risques législatifs et réglementaires pouvant fois plus important que celui du dioxyde de carbone toucher tout le secteur pétrolier et gazier, les (CO2) sur une période de 20 ans. À elles seules, proposeurs recommandent que les entreprises les sociétés pétrolières et gazières des États-Unis divulguent des cibles quantitatives de réduction contribuent à 31 % des émissions de méthane du des émissions de méthane provenant des pays. Afin de limiter la hausse de la température de installations de stockage, ainsi que les taux de la planète à 2 degrés Celsius, conformément aux fuite de méthane en pourcentage du gaz produit objectifs de l’Accord de Paris, les émissions de et des mesures de mitigation des risques méthane doivent suivre une tendance à la baisse. potentiels. Selon les perspectives énergétiques mondiales de 2017 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions de méthane provenant de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz sont parmi les émissions anthropiques les moins coûteuses à réduire. Malgré cela, l’EPA estime que les émissions de méthane de l’industrie pétrolière et gazière devraient croître de 26 % entre 2010 et 2030. Selon une étude publiée dans Nature en 2016, les émissions de méthane ARGUMENTS DES du secteur pétrolier sont déjà de 20 à 60 % plus CONSEILS D’ADMINISTRATION élevées que prévu. Les conseils d’administration rejettent la proposition, Par ailleurs, certains proposeurs évoquent la fuite car ils considèrent que l’entreprise fait assez d’efforts massive de 80 000 tonnes métriques de méthane pour réduire ses émissions et rendre publiques d’un puits d’injection de gaz du champ pétrolifère les informations sur ses performances dans ce d’Aliso Canyon, exploité par Southern California Gas domaine. Certaines sociétés soulignent qu’elles Company. Cette fuite de gaz, survenue en octobre participent au STAR Methane Challenge Program 2015, est considérée comme la pire de l’histoire ONE Future Emissions Intensity Commitment des États-Unis, avec une empreinte carbone jugée Framework. Ce programme de l’EPA vise à atteindre supérieure à celle de Deepwater Horizon, dans le un taux d’émissions de méthane équivalant à 1 % golfe du Mexique. Les proposeurs estiment que ce (ou moins) de la quantité de gaz naturel produit et désastre a révélé les vulnérabilités importantes des transporté. Ces entreprises affirment que leurs taux installations de stockage de gaz naturel. Rappelons de fuite sont inférieurs à l’objectif de 1 %. que la valve de sécurité du puits avait été retirée en 1979, car ce puits, foré en 1953, était considéré De plus, certains conseils argumentent qu’ils comme vieux et peu dangereux. Cette fuite viennent de mettre à jour leurs politiques sur le provenant du second plus grand réservoir de gaz changement climatique et de publier des rapports naturel américain a causé des coûts de nettoyage sur cet enjeu, incluant les risques, les possibilités

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 79 d’affaires et les objectifs, le tout en conformité développement durable, mais aussi en fournissant avec les recommandations du groupe de travail sur un deuxième rapport de gestion des émissions de les informations financières liées au climat (TCFD). méthane avec des données sur les émissions issues D’autres estiment qu’ils publient assez d’informations des installations de stockage, comme le requiert sur la gestion du méthane dans leurs rapports de l’EPA.

ANALYSE DU GIR

Bien que le méthane représente le deuxième GES le plus émis aux États-Unis après le CO2, il a un effet de réchauffement nettement plus intense, avec un impact estimé à 30 fois celui du CO2 sur une période de 100 ansiv. Avec des fuites de méthane qui représentent 30 milliards de dollars de revenus perdus (3 % du gaz produit en provenance d’activités pétrolières et gazières mondiales) en 2012, de plus en plus d’investisseurs s’intéressent aux effets de fuites « inutiles » de méthanev. Celles-ci constituent non seulement un problème énorme pour l’environnement, mais aussi une occasion d’affaires ratée et un précieux produit perdu. Or, avec de bonnes pratiques, ce méthane peut être capturé, comme le déclare Jeffery W. Perkins, directeur général de la société Friends Fiduciary Corporationvi.

Des entreprises représentant 31 % de la production mondiale de pétrole et de gaz et 11 % des réserves perdent en moyenne 3,3 % de leur production de gaz naturel par le brûlage à la torche, la ventilation et les fuites de méthane, pour une valeur de près de 5 milliards de dollars, selon une étude du CDP publiée en novembre 2018vii. Parmi les 24 sociétés étudiées, certaines comme Anadarko et Noble Energy s’avèrent plus résilientes à la transition vers des énergies sobres en carbone grâce à diverses stratégies, notamment l’investissement dans des actifs à faibles émissions de carbone, l’adoption de technologies innovantes et l’inclusion d’objectifs de réduction des émissions dans la rémunération des dirigeants. Ces entreprises devraient ainsi prendre conscience que le gaz naturel peut être aussi nocif pour le climat que le charbon si le taux de fuite de méthane dans la chaîne de production est de 3 % ou plus, et reconnaître ainsi la nécessité de réduire leurs fuites et de protéger la réputation de gaz naturel que plusieurs considèrent encore comme un carburant propre.

Le Québec n’évaluera pas les émissions de GES du projet Énergie Saguenay

La quantification des émissions de GES, dont le méthane, pose un problème lors de l’évaluation de projets gaziers. Le 16 janvier 2019, le ministre de l’Environnement Benoit Charrette a affirmé que le gouvernement du Québec tiendrait compte des émissions de GES de la production du gaz naturel albertain qui sera liquéfié au Québec avec le projet Énergie Saguenay, avant de se rattraper pour affirmer que l’évaluation se limiterait au seul territoire québécoisviii. Inclure les émissions liées à l’exploitation du gaz naturel (en amont) qui sera transporté de l’Alberta constitue un défi additionnel pour le Québec, qui devrait réduire ses émissions de GES de 37,5 % d’ici 2030 par rapport à 1990 (la réduction avoisine presque 10 % aujourd’hui). La méthode de calcul retenue par le gouvernement est considérée comme controversée par les écologistes, sachant que les activités d’exploitation gazière génèrent des fuites de gaz, y compris de méthane, lequel est connu pour ses effets beaucoup plus intenses que le CO2.

80 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Selon une étude publiée dans Science en juin ciblant d’autres polluants atmosphériquesxii. 2018, les émissions de méthane du secteur pétrolier américain sont 60 % plus élevées que les Au moment où ces mesures de déréglementation estimations de l’EPAix. Au lieu de passer du puits sont encore au stade de révision par l’EPA, la au pipeline, le gaz s’échappe par des bouches Californie est en cours d’adopter des normes plus strictes. Le 11 octobre 2018, la California Public Utilities Commission a approuvé un nouveau plan issu de la loi SB 1371 de 2014, Le gaz naturel peut être qui va obliger les entreprises ouvertes de pétrole aussi nocif pour le climat et de gaz à appliquer les meilleures pratiques pour détecter, réparer et prévenir les fuites dans que le charbon si le taux leurs systèmes. Étant donné que les estimations de fuite de méthane dans d’émissions pour les fuites de gaz en Californie atteignent plus de 100 000 tonnes de méthane la chaîne de production par année (des émissions supérieures à celles est de 3 % ou plus. issues de la fuite de gaz majeure à Aliso Canyon), le plan va obliger les sociétés à non seulement réparer et prévenir les fuites de gaz à risque d’explosion, mais aussi à prioriser la réparation d’aération ou d’autres ouvertures du système, ce de celles qui ne posent pas un tel risque, mais qui génère annuellement 13 millions de tonnes qui ont un impact important sur le changement métriques de méthane provenant principalement climatiquexiii. La mise en œuvre de ce plan est de fuites, de défaillances d’équipement et susceptible de modifier complètement la façon d’autres conditions d’exploitation « anormales ». dont les entreprises gazières traitent leurs fuites Cela représente un taux de fuite de 2,3 % de méthane, mais surtout de réduire de 16 à de la production brute de gaz américain, 18 % leurs émissions de méthane d’ici 2020 et comparativement à 1,4 % comme l’estime de 40 % d’ici 2030. La Virginie a aussi annoncé l’EPAx. Comme le méthane est un puissant GES, qu’elle se joignait à la Californie, au Colorado et à les scientifiques affirment que les émissions d’autres États pour réglementer les émissions de non comptabilisées pourraient avoir des effets méthane provenant du secteur pétrolier et gazier. importants sur le climat et l’économie du pays, le gaz perdu à lui seul représentant environ 2 Face à la pression d’organismes réglementaires, milliards de dollars par an, ajoute l’article publié de plus en plus de grandes sociétés pétrolières dans Science. et gazières américaines se joignent à des groupes internationaux pour réduire leurs Cette étude a été publiée un an après l’annonce émissions. Par exemple, le groupe Oil and de l’EPA qu’elle allait retarder l’application du Gas Climate Initiative (OGCI) a annoncé en règlement qui vise à réduire les émissions de septembre 2018 qu’il s’engage à réduire de méthane produites par les activités de forage 20 % ses émissions de méthane d’ici 2025. pétrolier et gazierxi. Ce règlement, introduit sous L’OGCI regroupe actuellement ExxonMobil, la présidence de Barack Obama, n’entrera en Chevron, BP, Royal Dutch Shell, Total ainsi que vigueur qu’en 2019. Les environnementalistes des sociétés pétrolières nationales, comme ont critiqué non seulement ce retard, mais aussi la celles de la Chine, du Mexique, du Brésil et de décision de l’EPA de proposer ultérieurement un l’Arabie saoudite, et représente près du tiers projet de règlement moins exigeant basé sur une de la production mondiale de pétrole et de gaz. règle distincte relative à la pollution atmosphérique D’autres entreprises comme EOG Resources, publiée en 2012. Ce projet, qui comprend un EQT Resources et Southwestern Energy, qui éventail d’options réglementaires, permettra font partie de la campagne sur le méthane de de réduire le méthane plutôt indirectement, en l’Interfaith Center on Corporate Responsibility

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 81 (ICCR), jouissent déjà d’avantages concurrentiels position de l’entreprise sur les réglementations en divulguant des mesures relatives au méthane relatives au méthane, aident les investisseurs à jugées comme pertinentes par les investisseurs. mieux évaluer la capacité de ces sociétés à faire Ces indicateurs, tels que la fixation d’objectifs face aux risques financiers, réglementaires et de réduction des émissions, la participation à d’atteinte à la réputation liés au méthane. des initiatives volontaires et la divulgation de la

Engagement volontaire d’ExxonMobil à l’égard des principes directeurs de la CCAC

En septembre 2018, ExxonMobil a déclaré que même si l’EPA modifie la réglementation sur le méthane promulguée par l’administration Obama, elle va maintenir son engagement de réduire ses émissionsxiv. Exxon affirme que l’existence d’une réglementation fédérale efficiente pour la gestion des émissions de méthane des installations de pétrole et de gaz est primordiale. Le 22 novembre 2018, l’entreprise a en outre signé avec huit autres sociétés du secteur de l’énergie les principes directeurs rédigés par la Climate and Clean Air Coalition (CCAC), qui sont axés, entre autres, sur la réduction continue des émissions de méthane, l’amélioration de la précision des données sur ces émissions et l’appui des politiques et réglementations pour une meilleure gestion de ces émissionsxv. Ce nouvel engagement vient renforcer les efforts volontaires d’Exxon annoncés dans le cadre de la campagne sur le méthane de l’ICCR pour réduire ses émissions d’ici 2020, notamment par une diminution de 15 % des émissions de méthane et de 25 % des torchèresxvi. « Une véritable action visant à réduire les émissions de méthane est essentielle à la réalisation des objectifs climatiques mondiaux et aux perspectives du gaz naturel », a déclaré Tim Gould, chef de la division des perspectives d’approvisionnement énergétique de l’AIE, partenaire dans la rédaction des principes directeurs. Il ajoute que l’engagement des entreprises envers ces principes est une étape très importante. Il souligne que la mise en œuvre de mesures efficientes de réduction du méthane à l’échelle mondiale aurait le même effet sur le changement climatique à long terme que la fermeture de toutes les centrales au charbon existantes en Chine.

Pendant que ces sociétés démontrent des efforts et réglementations à venir de l’EPA et sont ainsi indéniables en matière de réduction et de gestion susceptibles d’accroître les risques d’adoption des émissions de méthane, d’autres entreprises de réglementations plus strictes par des États. faisant partie de secteurs à haut risque d’incidents Par exemple, des sociétés comme Chevron de fuite comme celui d’Aliso Canyon manifestent qui disent disposer des meilleures pratiques et leur préférence pour une réglementation moins technologies pour minimiser leurs émissions de rigoureuse, agissent en conséquence des lois méthane, comme des détecteurs de fuite et des

82 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — dispositifs pneumatiques à faibles émissions, dans les universités sous le prétexte de mieux refusent de divulguer les informations requises comprendre les émissions de méthane. qui permettraient de mieux juger l’efficacité Cependant, leur subventionnement peut être de ces mesures et technologies. D’autres perçu comme de l’écoblanchiment et risque de choisissent de subventionner la recherche biaiser les résultats de recherche.

Le secteur de pétrole et du gaz pourrait réduire de moitié ses émissions de méthane sans coût net

Malgré le scepticisme des sociétés pétrolières et gazières à l’égard des conséquences du changement climatique, l’AIE estime que la diminution des émissions provenant de leurs équipements reste parmi les moyens les moins coûteux pour réduire les émissions mondiales de GES. Encore mieux, le secteur mondial du pétrole et du gaz pourrait baisser environ de moitié ses émissions de méthane sans coût net, simplement en utilisant les technologies existantesxvii.

Dans le cadre des efforts de gestion du manifestement une réponse aux divers risques méthane sur une plus grande échelle, 5 000 réglementaires et économiques liés à ces chefs d’État, d’entreprise, investisseurs, émissions qui leur permettra d’assumer leurs scientifiques et environnementalistes seresponsabilités envers leurs investisseurs, sont réunis pour le Global Climate Action mais aussi la société et l’environnement. Summit afin de proposer et de mettre en œuvre de nouveaux engagements pour Pour toutes ces raisons, le GIR recommande atténuer les effets du changement climatique de voter pour ce type de propositions. et examiner les domaines dans lesquels des investissements favorables au climat peuvent être réalisés. Des partenariats et initiatives en matière de partage de données lancés lors du sommet, notamment la Climate Data Initiative, permettront aussi d’utiliser les informations les plus récentes provenant de sources multiples afin de trouver et mitiger rapidement les fuites de méthane. Ces efforts font partie d’une stratégie susceptible de générer des réductions d’émissions mondiales équivalant à 1 000 millions de tonnes métriques de CO2 par an ou à l’élimination de 200 millions de véhicules chaque annéexviii.

Enfin, une meilleure gestion des émissions de méthane des entreprises constitue

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 83

ÉNERGIES RENOUVELABLES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Des investisseurs militants demandent aux conseils d’administration de plusieurs entreprises américaines de publier des rapports évaluant la manière dont celles-ci comptent adapter leur modèle d’affaires pour s’aligner sur une économie qui tend à devenir sobre en carbone, soit en adoptant des objectifs quantitatifs d’approvisionnement en énergies renouvelables, soit en réduisant de façon substantielle leur dépendance aux combustibles fossiles ou en développant leur propre portefeuille d’énergies renouvelables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la société et protéger la valeur pour les actionnaires.

En 2018, des propositions d’actionnaire déposées auprès de Chevron, Kroger Co., Michael Kors Holdings Limited et Entergy Corp. ont obtenu un taux d’approbation moyen de 28,9 %. Cette année, des sociétés appartenant aux secteurs de l’énergie et de l’automobile, telles que Chevron, Goodyear Tire & Rubber Company, Harley-Davidson, Verizon Communications, Yum! Brands et MGE Energy seront visées par des propositions portant sur l’enjeu des énergies renouvelablesi.

86 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les proposeurs constatent une accélération de la transition vers une économie à faibles émissions de Généralement, les conseils d’administration carbone et de la tendance vers une réduction de rejettent ce type de propositions. Certaines sociétés la demande en sources d’énergie qui émettent de mettent de l’avant leurs positions de pionnières en grandes quantités de carbone. La Carbon Tracker matière de responsabilité environnementale et de Initiative (CTI) estime que des projets de l’industrie divulgation sociétale. Elles font souvent référence à pétrolière d’une valeur totalisant 2,3 billions de des programmes environnementaux qui visent, entre dollars américains sont incompatibles avec les autres, à abaisser leurs émissions de GES dans le engagements mondiaux de l’Accord de Paris visant cadre de stratégies environnementales holistiques. à limiter les risques liés au changement climatique Elles disent aussi divulguer des informations sur leurs et à faire progresser les technologies propres. Selon stratégies d’affaires pour réduire leurs émissions ces estimations, une bonne partie des dépenses dans des rapports intégrés ou sur leur site Internet. en capital prévues par ces entreprises pourraient se transformer en actifs délaissés en raison des D’autres conseils estiment que les rapports objectifs de l’Accord de Paris et constituent donc demandés sont inutiles, puisqu’ils produisent déjà un gaspillage d’investissements. des rapports sur le changement climatique décrivant leur processus de gestion des risques liés aux Pour certaines propositions déposées auprès de actifs délaissés. D’autres encore affirment prendre producteurs d’électricité, les proposeurs expliquent des initiatives en matière d’énergies renouvelables que les centrales font face à des bouleversements et d’efficacité énergétique sans pour autant sans précédent de leur modèle d’affaires à cause de communiquer de l’information à ce sujet dans leurs l’augmentation des sources d’énergie verte et des rapports annuels ou sur leur site Internet. politiques climatiques visant à restreindre la hausse de la température de la planète à deux degrés Celsius. Le besoin de changement de ces centrales est évident. Selon une étude de PwC Global Power & Utilities, 97 % des représentants de l’industrie internationale de l’énergie électrique s’attendent à ce que le modèle d’entreprise de services d’électricité subisse des perturbations moyennes à élevées d’ici 2020.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 87 ANALYSE DU GIR for Sustainable Energyiv, les contrats d’achat d’électricité les plus concurrentiels ont atteint un Dans un contexte de sensibilisation aux pires effets peu plus de 20 USD/MWh pour l’énergie solaire, du changement climatique, 2018 sera reconnue tandis que ceux pour l’énergie éolienne ont atteint comme l’année durant laquelle les scientifiques en moyenne 17 USD/MWh en 2017. Les prix d’un ont émis leur dernier avertissement sur les effets contrat d’achat d’électricité pour les énergies d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré solaire et éolienne ont ainsi chuté respectivement Celsiusii. Le rapport spécial du Groupe d’experts de 60 % et de 15 % entre 2015 et 2017iv. intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en amont de la vingt-quatrième édition de la On constate par ailleurs que des initiatives visant Conférence des Parties à la Convention-cadre des à promouvoir les grandes entreprises qui se sont Nations Unies sur les changements climatiques engagées à s’approvisionner à 100 % en électricité (COP24) est considéré comme le rapport le plus renouvelable, notamment le groupe RE100, se sévère sur les effets du réchauffement planétaire. mondialisent, avec une demande en électricité de Il montre qu’on est en train de rater la cible 188 TWh en 2017 de la part des 155 membres idéale de l’Accord de Paris, qui est de limiter la du groupe RE100, une demande supérieure à celle hausse de température à 1,5 degré Celsius, une de l’Argentine et du Portugal réunis et en hausse cible au-delà de laquelle les risques associés à de 29 TWh comparativement à 2016. Près d’un certains écosystèmes uniques et menacés sont quart des membres de l’initiative RE100 (37) ont susceptibles d’augmenter d’élevés à très élevésiii. atteint un approvisionnement de plus de 95 % en énergies renouvelables en 2017 et près de la moitié Comparativement à plusieurs sociétés qui vivent des membres ont dépassé un taux de 50 %. Ces encore dans le déni ou pensent tout simplement derniers réalisent plus que la moyenne mondiale que les combustibles fossiles seront nécessaires de 26,5 % et encore plus que des pays pionniers encore pour plusieurs dizaines d’années pour comme l’Espagne (33,7 %) ou le Royaume-Uni répondre à la demande en énergie, d’autres (26 %)vi. Vodafone Group et Telefonica S.A., des profitent des occasions d’affaires liées aux énergies concurrentes de certaines entreprises visées par renouvelables. Ces entreprises constatent que la proposition demandant de fixer des objectifs les mesures visant à réduire les émissions de d’approvisionnement en énergies renouvelables, GES, telles que l’établissement d’objectifs en comme Verizon Communications, participent à matière d’approvisionnement ou de production cette initiative. d’énergies renouvelables, bénéficient souvent à leurs résultats économiques en plus d’être socialement responsables. Par comparaison avec la production d’énergie par des méthodes On est en train de rater la cible idéale conventionnelles, l’utilisation de sources éolienne, de l’Accord de Paris, qui est de limiter solaire ou océanique durables ou de technologies la hausse de température à 1,5 degré à faibles émissions de carbone dans la production Celsius, une cible au-delà de laquelle d’électricité ne génère pratiquement pas de GES les risques associés à certains ou de déchets radioactifs. De plus, le faible coût écosystèmes uniques et menacés de ces énergies renouvelables sobres en carbone sont susceptibles d’augmenter les rend concurrentielles. Selon le Factbook 2018: d’élevés à très élevés. Sustainable Energy in America Factbook 2018 de Bloomberg Finance L.P. et du Business Council

88 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Google, chef de file mondial en approvisionnement en énergies renouvelables

En tant que membre de l’initiative RE100, Google a pris l’engagement de s’approvisionner uniquement en électricité issue de sources renouvelables. L’entreprise a atteint en 2017 son objectif de couvrir 100 % de sa consommation mondiale d’électricité en s’approvisionnant suffisamment en énergie verte et vise à maintenir cet objectif au fur et à mesure de son évolution. Google est considérée comme la plus grande acheteuse mondiale d’énergies vertes, avec un investissement total de plus de 3,5 milliards de dollars dans 26 projets d’énergie. Encore mieux, la compagnie a annoncé durant le sommet Global Climate Action de septembre 2018 sa collaboration avec la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie (GCoM) afin de créer un outil qui utilise les données cartographiques de Google et les facteurs d’émission de GES dans le but d’estimer les émissions de carbone des bâtiments et des transports, ainsi que le potentiel en énergies renouvelables des villesvii. Cet outil vise à établir des bases de référence mondiales à partir desquelles les villes pourront élaborer des politiques et mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de leurs objectifs.

Du côté des investisseurs, certaines nouvelles Du côté des États, le Parlement européen a doivent aussi être soulignées. Le 13 septembre confirmé, le 13 novembre 2018, un accord 2018, le maire et le contrôleur financier de la provisoire relatif aux énergies renouvelables, à ville de New York ont annoncé que l’objectif l’efficacité énergétique et à la transition vers des d’investissement des fonds de pension publics biocarburants de deuxième générationx. L’accord new-yorkais dans les énergies renouvelables, conclu vise à fixer un objectif contraignant de l’efficacité énergétique et d’autres projets reliés 32 % d’énergies renouvelables d’ici 2030, avec au climat a été doublé pour atteindre 4 milliards une clause de révision à la hausse d’ici 2023. de dollars américains pour les 3 prochaines Les biocarburants de deuxième génération sont annéesviii. Cette initiative a été entamée dans susceptibles de jouer un rôle primordial dans le cadre de l’atteinte de l’objectif antérieur des fonds de pension de désinvestir 5 milliards de dollars américains de plus de 190 entreprises On compte désormais un millier du secteur des combustibles fossiles d’ici 5 ans. Avec un mouvement d’exclusion des énergies d’investisseurs institutionnels fossiles qui continue de s’étendre dans tous dans le monde, détenant 6 240 les secteurs — fonds de pension, fondations, milliards de dollars américains églises et même des États comme l’Irlande —, d’actifs sous gestion, qui ont on compte désormais un millier d’investisseurs décidé de cesser de financer institutionnels dans le monde, détenant 6 240 les énergies fossiles. milliards de dollars américains d’actifs sous gestion, qui ont décidé de cesser de financer les énergies fossilesix.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 89 la réduction des émissions de carbone des renouvelable pour leur propre usage et de vendre transports, et au moins 14 % des carburants la production excédentaire. Les États membres utilisés pour le transport devront être issus de devraient aussi présenter des plans nationaux sources renouvelables d’ici 2030. Aussi, pour la intégrés en matière d’énergie et de climat sur première fois, les États membres se sont engagés dix ans avec des objectifs, des stratégies et des à mettre en place des mesures précises relatives mesures sur le plan national. à l’efficacité énergétique et à s’assurer que les citoyens ont le droit de produire de l’énergie

Les biocarburants de deuxième génération, successeurs des biocarburants actuels

La consommation de biocarburants de première génération a connu une grande croissance en Europe, favorisée par le cadre réglementaire établi par la directive 2009/28/CE du Parlement européen concernant la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelablesxi. Par biocarburants de première génération, on entend l’éthanol, qui est issu de matières premières agricoles comme la canne à sucre, les betteraves sucrières ou les céréales, et le biodiesel, qui provient d’huiles végétales comme le colza et le tournesolxii.

La directive européenne prévoit une part de 20 % de l’énergie provenant de sources renouvelables dans la consommation totale d’énergie et une part de 10 % de ce type d’énergie dans les transports. Or, pour pouvoir respecter les objectifs en ligne avec la directive ainsi que d’autres engagements internationaux visant à diminuer les émissions de GES, le recours à d’autres carburants renouvelables, tels les biocarburants de deuxième génération, est nécessaire.

Les biocarburants de deuxième génération sont considérés comme des biocarburants plus avancés. Ils sont issus de résidus ou d’autres matières lignocellulosiques comme les pailles de céréales, le miscanthus, le bois et les résidus forestiers et les cultures dédiées, sans concurrence avec les usages alimentaires. Tandis que les biocarburants actuels présentent des limites en matière de concurrence avec les usages alimentaires, ceux de deuxième génération offrent des avantages indéniables, notamment un coût de matière première plus faible et un meilleur bilan environnemental que les carburants fossiles. Cependant, ils devront relever de nombreux défis économiques et technologiques, entre autres la réduction des coûts de la biomasse et la garantie d’accès à un volume pérenne. Malgré le développement de certains projets de biocarburants de deuxième génération et de nouvelles technologies, des mesures réglementaires plus incitatives seront primordiales pour favoriser l’investissement dans les biocarburants et assurer l’approvisionnement des projets à venir.

90 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Aux États-Unis, la production d’énergie en des centrales électriques, qui se sont établies provenance de sources renouvelables comme à environ 6,4 gigatonnes d’équivalents de CO2 le vent, le soleil et l’hydroélectricité est en en 2017, leur plus bas niveau depuis 1991. Au croissance continue. Les nouvelles constructions moment où le pourcentage de la production éoliennes et solaires aux États-Unis ont fait d’électricité issue de sources renouvelables aux États-Unis devrait poursuivre sa montée, compte tenu du rôle accru que le secteur devra jouer Cette hausse combinée avec une pour atteindre les objectifs de décarbonisation amélioration de l’efficacité énergétique à plus long terme, les coûts de ces différentes et le remplacement du charbon par le sources d’énergie continuent de s’ajuster en gaz naturel et les sources d’énergie xiv renouvelable a entraîné une diminution conséquence . des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des centrales électriques, qui se Un autre facteur susceptible de favoriser les sont établies à environ 6,4 gigatonnes énergies renouvelables est l’application d’un d’équivalents de CO2 en 2017, leur plus prix sur le carbone qui va faire croître le coût des bas niveau depuis 1991.

Un prix sur le carbone qui passer la production d’énergie renouvelable de va faire croître le coût des 15 % à 18 % du mix électrique total entre 2016 et 2017, tandis que les parts du gaz naturel énergies fossiles et inciter et du charbon diminuaient progressivementxiii. les entreprises des secteurs Cette hausse combinée avec une amélioration réputés comme de grands de l’efficacité énergétique et le remplacement émetteurs de carbone à mieux du charbon par le gaz naturel et les sources gérer leurs émissions. d’énergie renouvelable a entraîné une diminution des émissions de dioxyde de carbone (CO2)

L’impact des projets d’énergie renouvelable sur les droits des peuples autochtones

De nombreuses communautés autochtones manifestent une résistance croissante aux grands projets d’énergie renouvelable. Certaines ne possèdent pas de titres fonciers officiels pour leurs terres. Or, on observe que des gouvernements qui détiennent ces titres vont les accorder à des sociétés pour qu’elles développent des projets relatifs aux énergies renouvelables, et ce, sans respecter le principe reconnu internationalement du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones concernés. Pour réaliser une transition équitable vers une économie sobre en carbone, il est indispensable de tenir compte des droits des peuples autochtones. Les producteurs d’énergie renouvelable doivent être vigilants quant à l’impact potentiel qu’un manque de respect de ces droits pourrait avoir sur l’avenir de leur projet énergétique, son acceptabilité sociale, son financement, voire sur la pérennité de leurs activités d’exploitation. Soulignons qu’en plus de prendre position pour la lutte contre le changement climatique, les peuples autochtones plaident souvent pour une transition « équitable » vers une économie sobre en carbonexvii.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 91 énergies fossiles et inciter les entreprises des énergies renouvelables et deviendront de plus secteurs réputés comme de grands émetteurs en plus concurrentielles. Aussi, leur attitude de carbone à mieux gérer leurs émissions. Une proactive en matière de soutien des cadres taxe sur le carbone est une taxe fixe sur les politiques favorables aux énergies vertes fera émissions de carbone. Elle est généralement en sorte que l’accès aux énergies renouvelables facturée à la tonne et cible les combustibles fossiles qui libèrent du CO2 lorsqu’ils sont brûlés — principalement du charbon, du pétrole et du Leur attitude proactive en gaz naturel —xv. L’augmentation de cette taxe matière de soutien des cadres par les gouvernements s’avère un mécanisme important en matière de réduction des émissions politiques favorables aux de GES. À titre d’illustration, la fixation d’une énergies vertes fera en sorte taxe optimale sur le carbone, qui commencerait que l’accès aux énergies par un taux d’imposition initial de 16 $ par tonne renouvelables va devenir une d’équivalents de CO2 à compter de 2014 et question de compétitivité augmenterait annuellement de 4 % jusqu’en économique, ce qui jouera en 2050, est susceptible de réduire les émissions de 12 % en 20 ansixvi. leur faveur.

Ajoutons qu’outre ce mécanisme de prix du carbone, l’utilisation de sources d’énergie va devenir une question de compétitivité renouvelable semble être l’une des approches économique, ce qui jouera en leur faveur. Dans un les plus propres et les moins coûteuses pour contexte où la transition énergétique devient plus atteindre les objectifs de décarbonisation. concrète et souhaitable que jamais, et ce, afin Cependant, les projets relatifs aux énergies d’éviter les pires conséquences du changement renouvelables risquent de poser des défis, climatique, une action collective de la part des notamment en matière de consultation auprès États, des organismes de réglementation, des des communautés locales et de respect des organisations non gouvernementales, ainsi que droits de la personne. des entreprises et des investisseurs est requise afin d’assurer une transition équitable vers une Tandis que les gouvernements du monde entier économie sobre en carbone. se sont engagés à agir, les entreprises et les investisseurs ont également un rôle crucial à Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de jouer afin d’atteindre les objectifs de transition voter pour ce type de propositions. vers une économie sobre en carbone. Avec la présence de nombreux outils, d’un mix de solutions et de pratiques novatrices à reproduire par ces entreprises, leur rôle est de plus en plus décisif dans la conception de l’avenir du système énergétique. Au fur et à mesure que les entreprises atteindront leurs objectifs de production ou d’approvisionnement en énergies renouvelables, elles seront en mesure d’éviter les risques réglementaires, financiers et d’atteinte à la réputation liés à leurs stratégies relatives aux POLLUTION DE L’EAU PAR LE PLASTIQUE POLLUTION DE L’EAU PAR LE PLASTIQUE

Plusieurs propositions seront déposées en 2019 pour contrer la pollution de l’eau causée par l’utilisation du plastique. On demande notamment à des entreprises d’étendre et d’accélérer le déploiement de leurs politiques concernant le recyclage des contenants de plastique.

La pollution engendrée par les plastiques n’est pas nouvelle. En 2015, l’ancien président américain Barack Obama a d’ailleurs signé un décret pour bannir l’utilisation de microbilles de plastique dans les produits cosmétiquesi, arguant que celles-ci échappaient aux systèmes d’assainissement des eaux et se retrouvaient directement dans les cours d’eau. En 2016, nous avons traité ce sujet dans notre rapport sur les enjeux. Cependant, la pression s’accentue d’année en année et nous pensons qu’il est important de faire une mise au point. Justement, en 2018, le fonds de pension public norvégien a publié un communiqué appelant notamment les producteurs de plastique à repenser leur production pour migrer vers une économie circulaireii. Le débat semble se recentrer sur la pollution des océans par les plastiques.

Depuis plusieurs années, des entreprises sont visées par des propositions concernant leurs efforts pour rendre leurs activités conformes aux principes du développement durable. Tout d’abord, des propositions ont été déposées pour leur demander d’adopter des cibles pour le recyclage ou de les revoir. La première fut celle soumise par As You Sow à Starbucks en 2011 ; elle avait obtenu un taux d’approbation de 8,1 %iii. Depuis 2014iv, les propositions se sont surtout centrées sur l’emploi de matériaux non recyclables dans les emballages. Cette année-là, As You Sow a déposé aux assemblées annuelles de Safeway, Mondelez, Kroger et Procter & Gamble une proposition demandant que les entreprises produisent des rapports sur la possibilité d’augmenter le recyclage des emballages post-consommation. Toutefois, aucune des propositions n’avait été adoptée. En revanche, dans le domaine de l’utilisation de matériaux non recyclables, d’importantes avancées se doivent d’être soulignées. En 2013, les investisseurs responsables ont poussé McDonald’s et Dunkin’ Brands à délaisser les verres de café en mousse de polystyrène. En 2014, Procter & Gamble a promis de rendre 90 % de ses emballages recyclablesv. Finalement, en 2017, Unilever s’est engagée à rendre 100 % de ses emballages recyclables d’ici 2025vi.

La saison dernière, plusieurs compagnies ont été visées par des propositions similaires, dont Heinz-Kraft, Kroger, Mondelez et Starbucks, qui ont obtenu des taux d’approbation entre 13 et 31 %. De plus, les investisseurs ont retiré la proposition soumise à McDonald’s après que l’entreprise se soit engagée à publier l’ensemble des matériaux utilisés dans ses emballages. En 2019, Kroger, PepsiCo, Restaurant Brands International, Starbucks et Yum! devraient recevoir une proposition d’As You Sow portant sur le recyclage ou les matériaux employés dans leurs emballages et contenants.

Ajoutons qu’une nouvelle campagne a été lancée par As You Sow auprès de quatre des plus grands fabricants de résines de plastique, afin qu’ils publient des rapports annuels faisant état des déversements de granulés de plastique dans les eaux durant la production ou le transport, ainsi que des mesures prises pour les prévenir et les nettoyer. Les tentatives de dialogue ayant échoué, As You Sow présentera en 2019 des propositions à ce sujet à Chevron, Dow-Dupont, ExxonMobil et Phillips 66vii.

94 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Les arguments des proposeurs sont principalement d’ordre environnemental et parfois sanitaire. En Les conseils d’administration soulignent qu’ils effet, ceux-ci affirment que les contenants de se préoccupent tout autant du recyclage que plastique sont une catastrophe environnementale, les proposeurs. En fait, la majorité des sociétés en s’appuyant sur plusieurs statistiques-chocs qui visées ont des programmes de recyclage avec montrent qu’en maintenant le rythme actuel, les des échéances et des cibles quantitatives. Par océans compteront en 2050 plus de plastiques conséquent, les conseils rejettent la proposition en que de poissons, et que 8 millions de tonnes de affirmant qu’ils encouragent déjà le recyclage des plastiques se retrouvent dans les océans chaque emballages. année. Dans le cas de Starbucks, l’entreprise a présenté Si nous prenons l’exemple de la proposition qui sera plusieurs de ses initiatives, comme l’installation de soumise à Starbucks, les proposeurs s’inquiètent bacs de recyclage dans les magasins canadiens du taux de recyclage des différents contenants et américains. De plus, elle a rappelé ses objectifs de plastique, affirmant que près de la moitié des en la matière, qui sont de doubler le nombre de boissons vendues par l’entreprise sont maintenant magasins ayant accès au recyclage et d’explorer servies froides. De plus, ils soutiennent qu’elle a diverses options de matériaux plus respectueux des cibles seulement au Canada et aux États-Unis. de l’environnement pour les contenants dédiés aux Rappelons que Starbucks est la plus grande chaîne boissons froides. de cafés au monde et qu’elle ouvre un établissement De façon générale, les entreprises s’opposent à ce en Chine toutes les 15 heuresviii, un pays qui genre de proposition, car elles prétendent que refaire compte pour 28 %ix de l’ensemble des déchets de plastique dans les océans. Finalement, l’an passé, les différentes analyses et produire davantage de les proposeurs rappelaient que l’entreprise n’a pas rapports serait redondant. Elles arguent aussi qu’en été en mesure d’atteindre son objectif pour les augmentant la quantité de matières à récupérer, boissons servies dans des contenants réutilisables elles ne pourront pas atteindre leurs objectifs, en 2015 et en 2016 et qu’elle a arrêté de publier entraînant du même coup des efforts financiers et cette statistique en 2017. d’exploitation non concertés et inutiles.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 95 ANALYSE DU GIR présent autour de nous que certains scientifiques ont commencé à dire que nous pourrions en Nous considérons qu’il y a trois principales respirerxvi. On peut donc en conclure que les raisons pour soutenir ce type de propositions1. programmes de recyclage sont déficients et que Tout d’abord, la pollution par le plastique porte les entreprises pourraient faire mieux. atteinte aux écosystèmes de la planète et pourrait nuire à la santé humaine. Ensuite, le recyclage de D’autre part, on constate que les activités liées contenants de plastique est une façon efficace au recyclage des matériaux sont un apport de réduire les coûts. Enfin, les entreprises qui ne indéniable à l’économie américaine. En 2016, travaillent pas à diminuer leur consommation de l’agence de protection de l’environnement plastiques s’exposent à des risques d’atteinte à des États-Unis (EPA) a publié un rapport sur la la réputation et juridiques. situation du recyclage. On y apprend que près de 1 % du PIB américain provient d’activités Pour commencer, c’est un fait connu et bien de recyclage et qu’environ 750 000 emplois documenté que les plastiques se retrouvent dépendent de ce secteur d’activitéxvii. L’utilisation dans les différents écosystèmes, notamment les écosystèmes marins. D’ailleurs, l’enjeu est à ce point alarmant que l’Organisation des Nations 1,5 million d’animaux étaient Unies a déclaré que la pollution des océans par tués par des déchets de les plastiques constitue une crise planétairex. Au sein des océans, les contenants de plastique plastique chaque année. sont brisés en particules et se retrouvent dans l’alimentation des animaux. En 2019, Novethic rapportait que 1,5 million d’animaux étaient tués de contenants recyclables est donc une question par des déchets de plastique chaque année, que de bonne gestion. Les revenus empochés par 1 milliard de pailles de plastique non recyclables les employés des entreprises de recyclage étaient consommées tous les jours et que 1,6 peuvent servir à la consommation de biens et million de kilomètres carrés de déchets de services. Rappelons aussi que nous vivons sur plastique flottaient dans l’océan Pacifiquexi. En une planète où les ressources naturelles sont comparaison, le Québec s’étend sur 1,5 million finies. Il en découle une rareté de celles-ci. Dans de kilomètres carrés. cette logique, si les entreprises ne récupèrent pas les différents matériaux à long terme, il en Le plastique est omniprésent dans notre résultera nécessairement une hausse des prix. environnement et finit par se retrouver dans En fin de compte, les entreprises qui optimisent notre assiettexii. Bien qu’il ne soit pas encore l’utilisation de matières recyclables participent à démontré que la quantité de plastique qui entre la création d’une économie circulaire permettant dans notre alimentation est néfaste pour la santé de générer des emplois et de tenir les coûts des humaine, des scientifiques n’excluent pas cette matières premières au plus bas. possibilité et affirment que dans 5 à 10 ans, ils pourront possiblement trancherxiii xiv. Pour le Cela entraîne donc la maximisation des moment, l’Organisation des Nations Unies pour ressources financières et pourrait amener l’alimentation et l’agriculture (FAO) ne s’inquiète une meilleure performance financière pour pas outre mesure du phénomène, mais reste l’entreprise. vigilantexv. Enfin, le plastique est tellement

1 Précisons que l’analyse présentée est principalement axée sur la proposition relative au recyclage, bien que plusieurs éléments de cette analyse puissent s’appliquer aux autres propositions visant à lutter contre la pollution par le plastique.

96 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — L’économie circulaire

Comme la définit l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC), l’économie circulaire est un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un servicexviii. Concrètement, ce système permet de créer une valeur ajoutée sans devoir extraire plus de ressources.

Plusieurs avantages en découlent. La revalorisation des ressources permet de réduire la pression sur l’augmentation des prix de celles-ci, de diminuer la quantité de ressources dans les sites d’enfouissement et de créer des emplois locaux. L’économie circulaire s’inscrit dans une perspective de développement durable.

Un exemple québécois éloquent pour expliquer ce système est l’entreprise Loop. Cette PME montréalaise produit des jus pressés à froid à partir des invendus du grossiste de fruits et légumes Courchesne Larose, qui autrement seraient jetés. Par la suite, la pulpe, qui est un déchet de la production des jus, est utilisée pour concevoir des croquettes pour chiens. En un an, Loop a valorisé plus de 400 tonnes de fruits et légumes, soit 40 camions à orduresxix.

Pour aller plus loin : en 2018, le Conseil du patronat et le Conseil patronal de l’environnement du Québec ont publié une note sur l’économie circulaire qui s’attardait sur les possibilités et les impacts économiques de cette nouvelle tendancexx.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 97 De plus, les entreprises qui n’ont pas de système Au Canada, la ville de Montréal s’est dotée d’une de recyclage concurrentiel font face à des politique pour interdire aux commerces de détail risques d’atteinte à la réputation et juridiques. En d’offrir aux consommateurs des sacs de plastique effet, celles-ci peuvent être facilement identifiées léger à usage unique à partir de 2018xxvii, tandis par les déchets trouvés, comme ce fut le cas que Vancouver a adopté un plan pour devenir de PepsiCo, Coca-Cola et Nestlé en 2018. Les la première ville sans déchet d’ici 2040xxviii, en sociétés qui ont été épinglées comme de grands plus de prohiber la distribution de pailles en pollueurs peuvent faire face à des campagnes de boycottage. Déjà, plusieurs ont ciblé les bouteilles d’eau. En se basant sur l’exemple Montréal s’est dotée d’une célèbre de l’industrie du tabac, il serait sage pour politique pour interdire aux les entreprises de faire preuve de précaution et commerces de détail d’offrir d’investir massivement dans le développement de solutions de remplacement. Ultimement, aux consommateurs des sacs dans le cas où l’utilisation de plastique se de plastique léger à usage révélerait nocive pour l’organisme humain, unique à partir de 2018. pourrait-on envisager une action collective contre les embouteilleurs d’eau qui emploient des contenants de plastique ? Considérant que plastique ainsi que de contenants pour emporter 75 % de la valeur d’une entreprise est liée à sa et de gobelets de polystyrène à partir du 1er juin réputationxxi, il y a fort à parier que si une telle 2019. Avec les nouvelles lois, les entreprises action était engagée, cela nuirait à la valeur des n’auront d’autre choix que de s’adapter. Celles titres. qui prendront de l’avance auront un avantage non négligeable sur les autres. Rapidement, on Ajoutons que les entreprises qui mettent sur pied pense à la compagnie aérienne United Airlines, les meilleurs programmes de recyclage seront qui a décidé de se débarrasser des pailles, et au mieux outillées pour faire face aux nouvelles brasseur Carlsberg, qui a banni les porte-canette réglementationsxxii. Par exemple, en Europe, en plastiquexxix. deux projets de loi ont été discutés récemment, un pour protéger l’eau potable et renforcer la Dans cette optique, le GIR est favorable aux confiance des consommateurs en l’eau du différentes démarches des investisseurs robinetxxiii et l’autre pour interdire l’emploi de responsables relatives à l’utilisation d’emballages plastiques jetablesxxiv. Au début 2019, le Conseil non recyclables. et le Parlement européens se sont entendus sur un texte final. Cette loi va proscrire l’utilisation des plastiques à usage unique d’ici 2021xxv. Ceux-ci représentent 70 % des déchets se retrouvant dans les océans. Sur le plan législatif, l’Amérique n’est pas en reste. À titre d’illustration, le gouverneur de la Californie a signé un règlement pour interdire la distribution automatique de pailles de plastique à partir du 1er janvier 2019xxvi. RISQUES RELATIFS À L’APPROVISIONNEMENT EN EAU RISQUES RELATIFS À L’APPROVISIONNEMENT EN EAU

En 2019, des entreprises américaines seront visées par une proposition d’actionnaire demandant au conseil d’administration de préparer un rapport sur les enjeux que soulèvent les changements climatiques pour leur approvisionnement en eau. Ce rapport devrait contenir entre autres des données relatives à la gestion des eaux usées et des informations sur les fuites.

L’accès à l’eau est un sujet sensible puisque cette ressource est fondamentale à la vie. Sans surprise, plusieurs groupes d’investisseurs responsables vont mener des démarches à ce sujet cette année. Mentionnons rapidement la campagne de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) contre le manque de divulgation des sociétés pétrolières par rapport aux risques liés à l’utilisation de larges quantités d’eau potablei et celle d’As You Sow contre la pollution par le plastique de nos océansii.

En 2018, Tyson Food et Pilgrim’s Pride ont été visées par des propositions qui montrent bien l’étendue des questions que soulève la gestion de l’eau. L’une d’elles avait pour sujet l’utilisation de cette ressource dans les activités des sous-traitants de la société, en particulier celles reliées à l’agriculture, tandis que l’autre s’intéressait aux risques de contamination rattachés aux activités d’élevage de l’entreprise. La saison 2018 n’était pas la première à mettre en lumière cet enjeu. En effet, nous en discutions déjà dans le rapport des enjeux de 2013. À l’époque, en réaction aux sévères épisodes de sécheresse de l’été 2011, plusieurs investisseurs avaient fait pression sur les compagnies agricoles américainesiii.

Même si le sujet n’est pas nouveau, les propositions de 2019 présentent un élément original. En effet, les sociétés visées par As You Sow, soit Energen et Chevron, n’œuvrent pas dans le secteur agricole ou de l’alimentation, mais bien dans l’industrie pétrolière. Il sera intéressant de bonifier notre argumentaire avec ce nouvel angle d’approche.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS

Les proposeurs soulignent que le dérèglement climatique va accroître la fréquence des périodes de sécheresse, qui vont exposer les sociétés à des risques d’exploitation. Dans le cas d’Energen, les proposeurs affirment que contrairement à l’entreprise, de nombreuses sociétés similaires ont déjà divulgué leurs différentes actions au sujet de la gestion de l’eau et les scénarios potentiels liés à la gestion du risque. Les proposeurs lui demandent donc de publier des informations qui leur permettront de mieux comprendre les risques encourus par leurs investissements. En se basant sur plusieurs autres situations, les investisseurs estiment qu’outre de possibles problèmes d’approvisionnement en eau, l’entreprise pourrait aussi faire face à des problèmes juridiques si elle ne peut pas prouver qu’elle prend soin des ressources en eauiv.

100 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION

Puisque les propositions sont nouvelles et que les assemblées générales annuelles des actionnaires des entreprises visées devraient se tenir plus tard cette année, il est pour l’instant impossible pour le GIR d’accéder aux arguments des conseils d’administration, qui sont habituellement dévoilés dans la circulaire de sollicitation des procurations.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 101 ANALYSE DU GIR De plus, les entreprises pourraient faire face à de nouvelles réglementations. À l’heure actuelle, les Pour commencer, il importe de mentionner que lois encadrant l’exploitation pétrolière au Texas nous avons toujours accueilli positivement les et au Nouveau-Mexique sont peu restrictives propositions d’actionnaire sur la gestion de l’eau et les risques liés à sa contamination, puisque l’accès à l’eau potable est un droit fondamental Ce questionnaire du CDP a reconnu pour chaque être humain. Dans ce sens, une plus grande divulgation de l’utilisation de la pour effet que les entreprises ressource nous semble hautement importante. qui refusent d’y répondre se Plusieurs raisons nous poussent à prendre voient montrer du doigt. cette position. Premièrement, une analyse des différents scénarios des conséquences du changement climatique nous laisse entrevoir de nombreux problèmes relatifs la consommation en ce qui a trait à la protection des ressources d’eau. Deuxièmement, la gestion des ressources en eau. L’organisation non gouvernementale hydriques pourrait se complexifier avecEnvironmental Defense Fund explique que le l’arrivée de nouvelles normes et règlements. Texas ne demande pas aux compagnies de Troisièmement, les mécanismes actuels de divulguer le nombre de litres d’eaux usées gestion de l’eau des entreprises visées ne nous qu’elles rejettent dans la nature, tandis que semblent pas efficaces. le Nouveau-Mexique a adopté en août 2018 des normes parmi les plus faibles au pays Tout d’abord, il est indéniable que les concernant le nettoyage de déversements de conséquences du dérèglement climatique vont produits chimiques comme le chlorure et le bouleverser diverses industries en modifiant de benzènevi. Pourtant, en 2010, l’accès à l’eau a façon radicale leur accès aux ressources. On été reconnu comme un droit fondamental par peut penser, par exemple, à l’industrie forestière l’Assemblée générale des Nations Uniesvii. Pour et aux feux de forêt ou encore au secteur de la protéger ce droit, surtout dans un contexte où pêche et à l’acidification des océans. De même, l’eau se raréfie, on peut s’attendre à l’adoption l’industrie pétrolière ne sera pas épargnée. prochaine de règlements plus stricts. De plus, D’après le CDP Water, la quantité d’eau va bien des groupes s’organisent pour protéger diminuer de 40 % d’ici 2030v. Dans le cas précis les ressources hydriques, comme c’est le cas d’Energen, l’entreprise exerce ses activités d’Environment Texas. Cet organisme mène principalement dans le bassin Permien, dans déjà deux campagnes sur la qualité de l’eau viii l’ouest du Texas, à la limite du Nouveau-Mexique. + ix. Cela aura un impact important sur l’industrie Or, cette portion des États-Unis devrait subir pétrolière. Les compagnies qui auront développé de nombreuses sécheresses dans les futures des processus plus performants que la moyenne années, ce qui pourrait perturber les activités pourront sortir leur épingle du jeu. des grands consommateurs d’eau, comme les producteurs de pétrole. Il nous apparaît essentiel Enfin, l’utilisation de l’eau nous semble peu de qualifier et quantifier les risques potentiels. efficiente dans la production d’hydrocarbures. Pour ce faire, nous préconisons une analyse par En effet, l’utilisation des ressources hydriques scénarios. est fort simple, mais requiert une multitude de

102 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — manipulations. En amont, elle doit être pompée, pour effet que les entreprises qui refusent d’y puis conditionnée pour son emploi dans le répondre se voient montrer du doigt. Soulignons processus de production. Cette étape consiste qu’en 2017, 2 025 entreprises, représentant principalement à enlever les contaminants, par une capitalisation boursière d’environ 20 000 exemple le sel, mais d’autres contaminants milliards de dollars américains, ont répondu à ce solides ou chimiques peuvent aussi être présents questionnaire, contre 1 432 l’année précédente. dans l’eau. En aval, l’eau doit être traitée une Les données recueillies sont utilisées par 639 deuxième fois pour pouvoir en disposer. Or, investisseurs institutionnels, qui représentent des les sociétés pourraient réduire leurs coûts actifs de 69 000 milliards de dollars américains, d’exploitation en traitant les eaux usées vers afin d’établir des relations avec les entreprises une seconde utilisation dans leurs processus qui font partie de leur portefeuille, de prendre industriels. Il ne faut pas oublier qu’avec le des décisions d’investissement plus éclairées et changement climatique, l’approvisionnement de catalyser le changementx. On remarquera que en eau deviendra plus coûteux. Il faudra que pour une huitième année consécutive, le secteur plusieurs entreprises creusent de nouveaux de l’énergie a été le moins transparent. puits ou déplacent même certaines opérations d’approvisionnement. Cependant, celles qui Bref, à la lumière des risques associés au auront développé des processus industriels dérèglement climatique, du resserrement permettant de recycler les eaux usées ou tout probable des lois et réglementations, ainsi que simplement d’en employer moins pourraient des occasions d’affaires possibles en revoyant contrôler l’explosion des coûts d’exploitation. les processus industriels, le GIR recommande de Notons que les sociétés qui utilisent l’eau voter pour ce type de propositions. Ajoutons que comme une ressource première, comme les la proposition pourrait amener les entreprises à embouteilleurs, pourraient être plus durement s’inscrire dans un système d’économie circulaire, touchées. Elles devront sans doute déplacer ce qui augmenterait leur efficacité à long terme. certaines installations. Dans le cas précis d’Energen, les installations pétrolières dans la région du bassin Permien sont de plus en plus imposantes et si l’eau se raréfie, il sera hautement Les données recueillies important de savoir où elles s’approvisionnent, sont utilisées par 639 mais surtout quelle quantité elles consomment. investisseurs institutionnels, Finalement, les sociétés invitées à divulguer qui représentent des actifs leurs données relatives à l’eau pourraient le faire de 69 000 milliards de dollars facilement et à moindre coût. En effet, depuis américains, afin d’établir des quelques années déjà, le CDP demande aux relations avec les entreprises entreprises de révéler des informations sur leur utilisation et leur gestion de l’eau. Bien qu’il ne soit qui font partie de leur pas le seul modèle de divulgation, la popularité portefeuille. grandissante de ce questionnaire du CDP a

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 103 IMPACT DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE IMPACT DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE IMPACT DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE

La proposition demande au conseil d’administration de préparer un rapport sur les impacts environnementaux et sociaux du gaspillage alimentaire.

En 2019, deux investisseurs se sont associés pour déposer cette proposition auprès d’Amazon. Il s’agit de JLens Network et de Clean Yield Group, tous deux membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR).

En 2018, Green Century Capital Management avait soumis une proposition similaire, mais Amazon avait obtenu de la commission des valeurs mobilières des États-Unis (SEC) de pouvoir l’exclure de sa circulaire de sollicitation de procurations.

106 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — grâce aux investissements dans son service de livraison d’épicerie, Amazon Fresh, et à l’acquisition de Whole Foods Market pour 13,7 milliards de dollars américains en août 2017ii.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS Les proposeurs concluent en avançant qu’une divulgation renforcée des efforts de réduction Les proposeursi rappellent que 14 % des ménages du gaspillage alimentaire pourrait aider américains éprouvent des difficultés à s’offrir des Amazon à atteindre ses objectifs sociaux et repas sains sur une base régulière, alors que 40 % environnementaux, à lutter contre le changement de la nourriture produite aux États-Unis est gaspillée. climatique et la faim, ainsi qu’à renforcer la réputation de sa marque sur un marché en La décomposition de nourriture dans les décharges mutation rapide. à ciel ouvert est responsable de 23 % des émissions de méthane. La production de cette nourriture qui finira par être gaspillée nécessite 25 % de la consommation d’eau douce aux États-Unis et 19 % des engrais, et elle utilise 18 % des terres cultivées. D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), si l’on parvenait ARGUMENTS DES à enrayer le gaspillage alimentaire, cela permettrait CONSEILS D’ADMINISTRATION de nourrir 2 milliards d’individus, soit 2 fois le nombre de malnutris. Il s’agit de la deuxième année consécutive qu’Amazon reçoit ce type de proposition. En 2018, elle avait obtenu la permission de la SEC de l’exclure 40 % de la nourriture produite aux de sa circulaire. Au moment où nous rédigeons ce États-Unis est gaspillée. rapport, les documents annuels d’Amazon n’ont pas encore été publiés. Nous pouvons toutefois anticiper certains arguments.

Les proposeurs mentionnent que d’autres Dans sa demande auprès de la SEC en 2018, Amazon détaillants alimentaires (Hello Fresh, Kroger, affirmait que l’alimentation ne représentait que 1 % Walmart, Wegmans, Ahold USA et Weis Markets) de ses frais d’exploitation et, par conséquent, que révèlent ou se sont engagés à divulguer la quantité la question soulevée par les actionnaires n’était pas de déchets alimentaires qu’ils produisent, se sont importante pour l’entrepriseiii. fixé des objectifs de réduction de ces déchets et publient des informations sur les progrès accomplis Par ailleurs, Amazon a indiqué que « la proposition dans la réalisation de ces cibles. ne soulève pas d’enjeux politiques importants qui transcendent les activités ordinaires de la sociétéiv. » Les proposeurs précisent que la prise de mesures pour réduire le gaspillage alimentaire est encore Enfin, dans la section « Durabilité » de son site plus impérative pour les détaillants en ligne, car ils Internet, Amazon déclare travailler sur des initiatives risquent davantage de se retrouver avec des taux visant à réduire la quantité de nourriture envoyée élevés de gaspillage, étant donné la complexité à des sites d’enfouissement et à mieux utiliser la des systèmes de distribution et l’impossibilité de nourriture excédentaire. En 2016, l’entreprise a noué s’appuyer sur les solutions habituellement utilisées un partenariat avec la banque alimentaire Feeding par les détaillants classiques. America afin que celle-ci récupère les excédents de nourriture de ses centres de distribution en Amérique Avec une part de marché des dépenses d’épicerie du Nord. Amazon mentionne des initiatives similaires en ligne avoisinant les 30 %, Amazon est le chef en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie de file de ce secteur. Cette position a été obtenue et Espagne)v.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 107 ANALYSE DU GIR ReFED avance plusieurs solutions considérées comme efficaces pour minimiser le gaspillage : Tout d’abord, il apparaît important de distinguer tarification dynamique, standardisation des le gaspillage alimentaire, c’est-à-dire la nourriture étiquettes de dates de péremption et gestion comestible qui est perdue ou jetée au moment avancée des stocks. ReFED estime en outre que de la distribution et de la consommation finale, la quantité de nourriture récupérée pourrait être des pertes alimentaires qui correspondent à doublée en utilisant la traçabilité offerte par la la nourriture sortant de la chaîne alimentaire technologie de la chaîne de blocs (blockchain)x. au moment de la production, de l’après- récolte et de la transformation. L’un et l’autre D’ailleurs, il semblerait qu’Amazon tirerait concernent uniquement les produits destinés avantage à considérer les excédents alimentaires à une consommation humaine. Ce sont là comme une occasion d’affaires et non comme les définitions utilisées par la FAOvi. Bien que un fardeau. ReFED évalue que la nourriture les pertes alimentaires présentent des défis gaspillée représente un marché de 18,2 milliards pour l’industrie, il est ici question du gaspillage de dollars américains pour les détaillantsxi. alimentaire. Amazon a consenti des efforts et aurait ainsi Il y aurait 1,3 milliard de tonnes d’aliments donné près de 8 000 tonnes de nourriture à gaspillés par an dans le monde, autrement dit 41 Feeding America en 2017xii. Cependant, il est tonnes qui sont jetées à chaque secondevii. Aux possible que ces dons aient été nécessaires en États-Unis, les épiceries, les restaurants et les raison des législations locales. En effet, Amazon entreprises de services alimentaires accumulent gère des centres de traitement et d’entreposage chaque année l’équivalent de 55 milliards de dans plusieurs États qui ont des règlements dollars de déchets alimentairesviii. En ajoutant les déchets alimentaires domestiques, ce chiffre dépasse les 130 milliards de dollars. Les ménages La nourriture gaspillée sont d’ailleurs les plus gros contributeurs à ce représente un marché de 18,2 gaspillage, avec une moyenne de 1 500 dollars de nourriture jetée chaque annéeix. Ces chiffres milliards de dollars américains permettent d’amorcer plusieurs réflexions. pour les détaillants.

Si l’on pouvait éviter ce gaspillage, les sommes économisées constitueraient un budget non limitant la quantité de déchets alimentaires négligeable, que ce soit pour les particuliers ou que les particuliers et les entreprises peuvent pour les entreprises. Évidemment, il paraît peu envoyer à la décharge, comme la Californie, le réaliste de l’éviter entièrement. Toutefois, il existe Connecticut, le Rhode Island, le New Jersey, des solutions relativement faciles à mettre en le Massachusetts et le Vermontxiii. Ces derniers place afin de corriger cette dérive. pourraient d’ailleurs être rejoints par trois autres États, soit New York, Washington et le Missouri Dans son guide d’actions pour réduire le XIV + XV + XVI. Dans ce contexte, Amazon pourrait gaspillage alimentaire de la grande distribution, devoir s’adapter plus tôt que prévu à une publié en partenariat avec la Food Waste nouvelle donne en ce qui a trait au traitement des Reduction Alliance, l’organisme à but non lucratif excédents alimentaires.

108 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — Jusqu’alors, Amazon a toujours évité d’aborder le sujet du gaspillage alimentaire, ce qui contraste avec sa volonté de vouloir sans cesse optimiser ses activités. Par ailleurs, d’autres entreprises visées par une proposition d’actionnaire similaire ou par un dialogue, comme Target, Walmart et Ahold Delhaize, ont répondu aux inquiétudes des investisseurs en prenant des mesures pour atténuer le gaspillage au sein de leurs activités et ont rendu publics les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de réduction de celui-cixvii.

La firme de Seattle va devoir réviser sa chaîne logistique pour traiter, ne serait-ce qu’en partie, ce problème. En effet, ses revenus issus de la boisson et de l’alimentation sont parmi ceux qui connaissent la croissance la plus rapidexviii. Si elle atteint son objectif de devenir un des cinq plus grands détaillants alimentaires d’ici 2025, son impact environnemental va considérablement augmenter.

Le gaspillage alimentaire est responsable de 6,7 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) aux États-Unisxix. À l’échelle mondiale, ce chiffre avoisine les 4 %, d’après les données de la FAO. Cela signifie que si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième principal émetteur de GES, derrière la Chine et les États-Unisxx.

Dépenses directes pour des activités de lobbying

10

8

6

4

2

0 CHINE ÉTATS UNIS GASPILLAGE INDE ALIMENTAIRE

Source : FAREHSARE. « The environmental impact of food waste », 13 septembre 2018, réf. du 31 janvier 2019, http://bit.ly/2HH5wql.

Lorsqu’on pense au gaspillage alimentaire, des images de la nourriture jetée dans les foyers nous viennent en tête. Toutefois, il intervient aussi en amont : des erreurs d’étiquetage peuvent rendre certains aliments invendables par les détaillants, tandis que des dates de péremption trop conservatrices peuvent conduire un produit à la poubelle alors qu’il est encore comestible.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 109 Avec l’acquisition de Whole Foods et le développement d’Amazon Fresh, son service de livraison d’épicerie, le géant d’Internet doit faire face aux mêmes problèmes que les distributeurs traditionnels. Le rapport demandé par les actionnaires permettrait à la société de trouver des pistes d’amélioration et offrirait une meilleure information aux actionnaires quant aux actions entreprises en interne.

Comme cela est sous-entendu par les proposeurs, la réduction du gaspillage alimentaire permettrait aussi de réduire les émissions de GES ainsi que la pression exercée sur les sols cultivés. Malgré cela, il semblerait que la baisse de la demande résultant d’une réduction du gaspillage n’a qu’un effet modéré sur l’offre, qui devrait rester à des niveaux similaires à ceux actuels. Cela devrait forcer une meilleure répartition des aliments produits, ce qui réglerait, en théorie, la question de l’insécurité alimentaire, autrement dit l’accessibilité à une nourriture saine et variée. De nombreux observateurs lient le problème du gaspillage alimentaire à l’obésité croissante, en particulier aux États-Unis, en partie attribuable à une quantité abondante de nourriture de faible qualité, mais bon marché.

Néanmoins, cette évolution ne se fera pas d’elle-même et nécessitera une part importante d’éducation auprès des ménages, car une alimentation plus saine est souvent associée à une plus grande quantité de déchets alimentaires et un plus grand gaspillage d’eau, mais à moins de perte de terres cultivées. Effectivement, la consommation de fruits et de légumes, rattachée à un meilleur régime alimentaire, nécessite moins de terres, mais plus d’irrigation et de pesticidesxxi.

Par son influence, Amazon a un rôle à jouer pour améliorer les connaissances de ses clients sur la préparation et la conservation des aliments, ce qui est vu comme un élément essentiel pour réduire le gaspillage alimentairexxii.

Pour ces raisons, le GIR recommande de voter pour ce type de proposition. SUIVI D’AUTRES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX SUIVI D’AUTRES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

Publication de rapports de développement des taux de croissance importants. Au Canada, durable par exemple, la stratégie de l’investissement à retombées sociales a connu un taux de croissance La publication de rapports de développement durable de 123 % entre 2014 et 2016, pour atteindre un par les sociétés demeure un enjeu important pour la actif sous gestion de 6,7 milliards de dollars, selon la saison des assemblées d’actionnaires 2019, avec Global Sustainable Investment Alliancei. des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR), Ceres et As You Sow qui Par ailleurs, le rapport sur les tendances américaines comptent déposer un bon nombre de propositions en matière d’ISR du Forum for Sustainable and à ce sujet. Parmi les entreprises visées, nous Responsible Investment (US SIF) publié en octobre retrouvons entre autres Acuity Brands, Advance 2018 a révélé l’importance grandissante de l’ISR, Auto Parts, Activision Blizzard, American Financial avec une valeur de 12 000 milliards de dollars Group, Berkshire Hathaway, CarMax, Charter d’actifs sous gestion par les fonds institutionnels Communications, Chubb Corporation, Crown Castle et les gestionnaires d’actifs, soit 26 % du total des actifs sous gestion aux États-Unis ou 1 dollar sur 4 des actifs investisii, comparativement à une valeur de 8 720 milliards de dollars ou 1 dollar sur 5 des actifs investis en 2016. Cela représente un taux de croissance de 38 % entre 2016 et 2018.

La revue la plus étendue sur l’ISR, qui a été menée par la Deutsche Bank en 2015 et porte sur 2 200 études, a révélé que la majorité de ces études ont établi une relation positive entre l’engagement ESG et la performance financière des entreprises International, Dollar Tree Stores, Essex, Intuitive et que 90 % d’entre elles montrent une Surgical, MAA Apartment Communities, Middleby relation non négative. Corporation et Paccar.

Les demandes persistantes d’actionnaires pour une meilleure divulgation des pratiques socialement À l’échelle internationale, plus de 1 700 investisseurs responsables des entreprises sont attribuables à institutionnels gérant plus de 70 000 milliards de l’importance accrue du mouvement d’investissement dollars d’actifs sous gestion ont adhéré aux Principes socialement responsable (ISR) avec ses nombreuses pour l’investissement responsable (UN PRI) et se sont stratégies, comme l’intégration de critères ainsi engagés à exiger une meilleure divulgation par environnementaux, sociaux et de gouvernance les entreprises des considérations ESG et à intégrer d’entreprise (ESG) dans le processus d’évaluation ces facteurs dans leurs décisions d’investissement. des titres, le tamisage par le recours à l’exclusion ou à des filtres positifs, l’investissement à retombées Cette importance accrue des investissements sociales (impact investment) et l’engagement responsables est en grande partie justifiée par le lien actionnarial. Ces stratégies continuent d’afficher entre une meilleure gestion des pratiques socialement

112 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — responsables des entreprises et la création de valeur. et environnementaux et de leur appartenance Ce lien est d’ailleurs plus évident que jamais. La sectorielle, et ainsi de déclarer ces informations de revue la plus étendue sur l’ISR, qui a été menée par manière uniforme. Cette standardisation des données la Deutsche Bank en 2015 et porte sur 2 200 études, permet aux investisseurs et aux grandes institutions a révélé que la majorité de ces études ont établi financières d’évaluer de manière exhaustive les une relation positive entre l’engagement ESG et la risques et les occasions d’affaires associés à leurs performance financière des entreprises et que 90 % investissements. d’entre elles montrent une relation non négativeiii. Ainsi, en refusant de divulguer de façon adéquate De plus, un article d’Ernst & Young publié en leurs performances ESG, les sociétés risquent novembre 2018 dévoile que 97 % des investisseurs d’encourir des risques financiers, réglementaires institutionnels procèdent à une évaluation des et d’atteinte à la réputation, mais aussi de ne pas informations ESG fournies par les sociétés cibles, pouvoir tirer profit des possibilités liées à la publication ce qui a souvent un impact sur leurs décisions de ces rapports. Loin d’être un gaspillage de d’investissement. Il révèle aussi que 59 % estiment ressources comme le prétendent ces entreprises, la publication des rapports de développement durable leur permettrait de tirer profit de leurs pratiques ESG, de rendre publiques leurs innovations en matière Un nombre croissant de propositions d’engagement ESG et d’adopter une pratique jugée d’actionnaire demandent la préparation comme courante pour 75 % des sociétés à forte et à de rapports en respectant de moyenne capitalisation, selon KPMGv. nouvelles normes, comme celles du groupe de travail sur les informations Risques liés au stockage des cendres de financières liées au climat (TCFD), de la Sustainability Accounting Standards charbon Board (SASB) ou de la Global Reporting En 2019, au moins deux sociétés devraient être Initiative (GRI). visées par des propositions d’actionnaire portant sur les cendres de charbon, soit Duke Energy Corp. et PNM Resources. que de meilleures normes comptables pour les divulgations ESG sont extrêmement utiles pour En janvier 2009, l’association Robin des Bois a comparer les entreprises et 70 % estiment que remis à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française les organismes de réglementation doivent jouer une étude sur les dépôts de cendres de charbon un rôle plus important pour inciter les sociétés à aux États-Unis, dans le cadre de l’établissement fournir des informations ESG fiables, transparentes d’un plan national de gestion des matières et des et comparables afin de combler les besoins des déchets radioactifs par l’ASNvi. Selon le rapport, la investisseursiv. principale organisation non gouvernementale (ONG) qui s’occupe du suivi des dépôts de cendres de Fait intéressant, un nombre croissant de propositions charbon, Earthjustice, juge insuffisante la surveillance d’actionnaire demandent la préparation de rapports de ces cendres par l’agence de protection de en respectant de nouvelles normes, comme celles l’environnement des États-Unis (EPA). En effet, du groupe de travail sur les informations financières lors de la détermination des dépôts à risque, cette liées au climat (TCFD), de la Sustainability Accounting dernière va considérer les teneurs en substances Standards Board (SASB) ou de la Global Reporting toxiques supérieures aux valeurs d’alerte seulement Initiative (GRI). L’adoption de ces normes facilite le si « un dommage est prouvé ». suivi et la comparaison entre les entreprises. Ces normes fournissent aussi des cadres permettant Le rapport de Robin des Bois fait aussi état du plus aux sociétés de déterminer les enjeux ESG grand déversement de cendres de charbon de pertinents compte tenu de leurs impacts sociaux l’histoire des États-Unis. L’incident a eu lieu le 22

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 113 décembre 2008 à la centrale thermique Kingston, Cet incident révèle les risques majeurs liés propriété de la Tennessee Valley Authority, lorsqu’un à ces déchets, mais aussi les risques d’une merlon de confinement de 6 millions de tonnes déréglementation potentielle. Dans ce contexte, de cendres s’est fissuré. Les cendres se sont le règlement de 2015 de l’EPA sur les cendres de répandues sur 300 acres avant d’atteindre la Clinch charbon a permis à plus de 630 bassins de cendres River, entraînant la mort de milliers de poissons par de continuer à fonctionner malgré des preuves enlisement ; les scientifiques auraient par ailleurs accablantes de fuites toxiques dans les eaux souterraines, les lacs et les rivièresix. Consciente de ces risques, la Cour d’appel des États-Unis pour le Le règlement de 2015 de l’EPA sur les circuit du District de Columbia a rendu une décision cendres de charbon a permis à plus de en août 2018 qui exige que l’EPA renforce la sûreté 630 bassins de cendres de continuer de près de 750 bassins à risque. Elle offre aussi une à fonctionner malgré des preuves protection accrue aux communautés locales situées accablantes de fuites toxiques dans à proximité de bassins qui pourraient être touchées x les eaux souterraines, les lacs et les par d’éventuelles fuites . rivières. Outre les risques réglementaires et d’atteinte à la réputation pour les entreprises, ainsi que les dommages bien établis pour la santé, les activités exprimé des inquiétudes sur la bioaccumulation de stockage de cendres de charbon génèrent de métaux par les organismes aquatiques et sur manifestement des conséquences financières pour la potabilité des eaux des environs. En mars 2009, les compagnies et leurs actionnaires en cas de fuites 109 groupes environnementaux, parmi lesquels et de poursuites judiciaires par les communautés Greenpeace, le Sierra Club et le Natural Resources touchées. Defense Council (NRDC), ont demandé à l’EPA que des normes réglementaires nationales soient édictées D’autre part, certaines publications des entreprises afin de mieux gérer l’élimination des cendres et que relativement à la toxicité des matières issues des les centrales thermiques assument la responsabilité résidus de la combustion du charbon révèlent une d’une élimination sécuritaire de leurs cendresvii. banalisation des risques d’intoxication pour l’être humain. Pourtant, une étude publiée en 2015 dans Dix ans après l’incident, le bilan comprend des frais de le journal Environmental Science and Technology nettoyage de 64 millions de dollars américains, plus montre que les cendres de charbon contiennent de 30 morts parmi les travailleurs qui ont nettoyé le de hauts niveaux de contaminants radioactifs : déversement et plus de 250 malades ou mourantsviii. leurs niveaux de radioactivité seraient cinq fois plus Le 7 novembre 2018, le jury d’un tribunal fédéral importants que pour un sol normal et dix fois plus américain a rendu un verdict en faveur des centaines importants que pour le charbon lui-même avant qu’il de travailleurs qui se seraient rendus malades lors ne soit brûlé. Ce phénomène serait attribuable au fait du nettoyage. Jacobs Engineering, l’entrepreneur que la combustion concentre la radioactivitéxi. responsable de ces travaux, avait déjà une mauvaise réputation et un long historique de poursuites pénales Selon le Sierra Club, les centrales au charbon des intentées contre lui. Fait intéressant, l’entreprise a États-Unis produisent 140 millions de tonnes de assuré faussement aux travailleurs que l’exposition cendresxii par année. Tandis que des événements aux cendres de charbon était sans danger et a comme le déversement de la centrale thermique refusé une directive de l’EPA visant à leur fournir les Kingston attirent l’attention du public, les cendres mesures de protection nécessaires pour effectuer le de charbon continuent d’être stockées dans des nettoyage. Ainsi, non seulement le déversement a sites qui ne disposent pas de mesures de sécurité été le pire de l’histoire américaine, mais le nettoyage adéquates. En 2012, les données divulguées par lui-même a représenté la plus grande exposition des l’EPA indiquaient que sur 562 bassins de cendres travailleurs aux cendres de charbon. enregistrés comme ayant des mesures de sécurité, seul un nombre « très faible » d’entre eux fonctionnent

114 — ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — avec un revêtement isolant suffisant pour empêcher la fuite de contaminants dangereuxxiii. Tandis que des événements comme le déversement de la Ainsi, face à ces constats et à ces preuves scientifiques, il est clair que les entreprises centrale thermique Kingston visées sont exposées à des risques juridiques, attirent l’attention du public, les réglementaires, financiers et d’atteinte à la réputation cendres de charbon continuent liés à leurs activités de stockage de cendres de d’être stockées dans des sites charbon. Par conséquent, nous considérons que la production de rapports évaluant la manière dont qui ne disposent pas de mesures elles comptent mitiger les risques pour la santé de sécurité adéquates. publique associés aux activités relatives au charbon et leur coût financier permettra aux entreprises de rassurer leurs actionnaires tout en permettant à ces derniers de mieux évaluer leurs propres risques d’investissement.

— ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX — 115

TRAVAIL CARCÉRAL DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT TRAVAIL CARCÉRAL DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

En 2019, des sociétés cotées en Bourse aux États-Unis seront visées par une proposition portant sur la présence de travail pénitentiaire, légal ou non, dans leur chaîne d’approvisionnement. Dans au moins un cas, il est demandé que le conseil d’administration publie chaque année un rapport à l’intention des actionnaires sur les informations connues de l’entreprise concernant la conformité de ses fournisseurs avec sa politique mondiale sur le travail carcéral.

Voilà quelques années, des investisseurs responsables ont commencé à s’intéresser d’un peu plus près à la question du travail pénitentiaire dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises et aux risques qui y sont rattachés. Par exemple, en 2015, la firme NorthStar Asset Management a lancé un projet de recherche visant à comprendre et cartographier le travail carcéral dans les chaînes d’approvisionnement des sociétés dans lesquelles elle investit.

Par ailleurs, les discussions entre Zevin Asset Management et Intel ont permis plusieurs avancées ces dernières annéesi. En 2016, l’entreprise s’est engagée à vérifier si des détenus participaient à la fabrication de ses produits et à en rendre compte à la firme de gestion d’actifs. Puis, en 2018, elle a modifié ses politiques afin d’interdire explicitement le travail carcéral à des fins d’exploitation dans sa chaîne d’approvisionnement. Zevin souligne qu’Intel a créé des précédents en matière de transparence par rapport à cet enjeu et qu’elle est devenue l’une des premières sociétés à s’attaquer aux abus du travail dans les prisons dans des contextes où il est légal. Enfin, Zevin a pu travailler avec Intel pour étendre ces bonnes pratiques à d’autres sociétés : les responsables d’Intel auraient en effet convaincu la Responsible Business Alliance1 d’adopter cette politique, ce qui signifie que cette dernière pourrait toucher plus de 120 entreprises des secteurs de l’électronique, du détail et du jouet.

Finalement, c’est en 2018 que cet enjeu a fait son apparition dans des propositions d’actionnaire. Costco Wholesale et TJX Companies ont ainsi reçu une proposition de NorthStar qui requérait que leur conseil d’administration adopte une politique les engageant à sonder tous leurs fournisseurs afin de relever les sources de travail pénitentiaire dans leur chaîne d’approvisionnement, qu’il développe et applique des critères ou des directives supplémentaires pour les fournisseurs sur l’utilisation du travail de détenus et qu’il rende compte aux actionnaires des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la politique. Dans un cas comme dans l’autre, la proposition a obtenu un faible taux d’approbation, respectivement de 4,8 % et de 7,8 %.

Cette année, NorthStar revient à la charge avec cet enjeu, après avoir publié en avril 2018 un livre blanc sur le travail carcéral aux États-Unis qui comprend des recommandations pour les entreprises et les investisseursii. Costco demeure sa cible privilégiée, car il estime que la société, qui a déjà adopté une politique progressiste sur la question du travail carcéral et mené des vérifications pour s’assurer de son respect, pourrait aller encore plus loin en offrant le leadership nécessaire à son secteur par rapport à cette question et en gérant mieux ses risques d’atteinte à la réputation. Le 24 janvier 2019, les actionnaires de Costco se sont ainsi prononcés sur une proposition demandant la publication d’informations sur la conformité des fournisseurs avec sa politique mondiale sur le travail carcéral, qui a obtenu un taux d’approbation de 28,7 %, un résultat élevé pour une proposition à caractère social. Notons que parmi les autres entreprises qui devraient être visées par une proposition sur le travail carcéral en 2019, nous retrouvons Home Depot, IBM, TJX Companies et Walmart Stores.

1 Connue anciennement sous le nom de l’Electronic Industry Citizenship Coalition (EICC).

118 — ENJEUX SOCIAUX— ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Le proposeur note que la vente de biens produits par des détenus expose les entreprises à des risques Dans leur réponse à la proposition soumise en financiers, juridiques, d’atteinte à la réputation et 2018, les conseils d’administration reconnaissaient d’exploitation pouvant nuire à la valeur actionnariale. l’importance de l’enjeu du travail carcéral dans Il souligne que le travail carcéral, qu’il soit volontaire ou la chaîne d’approvisionnement, tout en estimant non, implique souvent la maltraitance des prisonniers que les risques qui y sont associés sont déjà bien et est fréquemment comparé à l’esclavage moderne. gérés. Ils ont ainsi mis de l’avant leurs politiques Il indique qu’aux États-Unis, les détenus peuvent qui interdisent le travail carcéral forcé et volontaire être rémunérés entre 0,23 et 1,15 dollar l’heure, ou qui encadrent le travail carcéral légal. De plus, pour un travail qui est parfois exécuté dans des ils jugeaient que la demande du proposeur de conditions dangereuses ou insalubres ; dans certains sonder chacun des quelque 20 000 fournisseurs établissements, les prisonniers sont menacés de de l’entreprise dans le monde serait coûteuse, punitions s’ils refusent de travailler. Le proposeur fastidieuse, inutile et impraticable, à la lumière de estime par conséquent qu’un examen attentif de la ses politiques, de ses pratiques et de son modèle chaîne d’approvisionnement par rapport à cet enjeu d’approvisionnement existants. permettrait aux entreprises de réduire les risques pour leur image et la valeur actionnariale. D’autre part, pour justifier son rejet de la proposition en 2019, le conseil de Costco a exposé les Dans le cas de la proposition visant Costco, le améliorations apportées à sa politique mondiale proposeur a félicité la société pour les normes sur le travail carcéral. Il précise que les milliers minimales qu’elle a établies dans sa politique de vérifications menées depuis l’adoption de la mondiale sur le travail carcéral, tout en déplorant politique l’an dernier ont montré que l’utilisation du qu’il ne semble pas nécessaire de vérifier travail de détenus est « extrêmement rare » dans la régulièrement si les fournisseurs qui ont recours à chaîne d’approvisionnement de Costco, puis il a cette forme de travail respectent la politique. À la présenté le résultat des inspections où cette forme suite de la publication de la circulaire de sollicitation de travail a été relevée. Il conclut que l’entreprise a de procurations de Costco, le proposeur a diffusé agi avec diligence et de manière responsable en ce une nouvelle déclarationiii dans laquelle il se réjouit qui concerne la détection et l’élimination du travail des inspections menées par l’entreprise, dont pénitentiaire lorsque celui-ci ne répond pas à ses les résultats sont divulgués dans sa réponse à la normes. proposition. Il estime que ces informations sont cruciales pour les actionnaires et qu’elles améliorent leur capacité à évaluer les risques potentiels et les bénéfices liés à l’association de Costco avec des fournisseurs qui utilisent le travail de prisonniers. Il ajoute que cette divulgation dans la circulaire démontre que la publication annuelle d’informations similaires ne constituerait pas un fardeau trop lourd pour l’entreprise.

— ENJEUX SOCIAUX— 119 ANALYSE DU GIR faut-il le rappeler, aussi bien des meurtriers que des petits criminels, de même que des individus Certains soutiennent que les programmes légaux détenus arbitrairement, sans procès, pour des de travail en détention favorisent la réinsertion crimes qualifiés de « désobéissance civile » par le sociale des prisonniers, tout en leur offrant un gouvernement, dont des défenseurs des droits revenu et une occupation plus intéressante de la personne. que l’oisiveté durant leur peine. D’autres

Il apparaît clairement que le travail carcéral, légal ou non, constitue, dans certains pays, un terreau fertile pour les violations des droits de la personne et des droits des travailleurs.

rétorquent qu’il est difficile de s’assurer que la Outre le travail forcé et d’autres violations participation des détenus est volontaire, que le des droits de la personne et des droits des travail est souvent effectué dans des conditions travailleurs relevées dans les enquêtes menées dangereuses ou insalubres, que la rémunération par des médias sur le travail dans les centres de est infime, lorsqu’il y en a une, et que cette forme détention chinois, il ressort de leurs articles qu’il de travail s’apparente à de l’esclavage moderne. est très difficile d’empêcher les produits issus du Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que le travail forcé carcéral chinois de s’infiltrer dans les travail carcéral, légal ou non, constitue, dans chaînes d’approvisionnement mondiales, et ce, certains pays, un terreau fertile pour les violations même si leur exportation est interdite par les lois des droits de la personne et des droits des sur le commerce national et international et que travailleurs. l’importation de biens provenant du travail forcé soit illégale aux États-Unis. Un aperçu de la situation en Chine et aux États-Unis

Si nous prenons l’exemple de la Chine, un pays où Il est très difficile d’empêcher les un grand nombre d’entreprises occidentales ont produits issus du travail forcé carcéral des fournisseurs, nous pouvons constater qu’en chinois de s’infiltrer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, et ce, 2018, plusieurs scandales ont éclaté sur le travail même si leur exportation est interdite forcé dans les prisons (voir l’encadré). La Chine a par les lois sur le commerce national et la plus importante population carcérale au monde international. après les États-Unis, avec environ 2,3 millions de prisonniers, parmi lesquels nous retrouvons,

120 — ENJEUX SOCIAUX— Travail forcé dans les prisons chinoises et chaînes d’approvisionnement mondiales

En août 2018, le Financial Timesiv a fait état de la présence de travail carcéral dans plusieurs chaînes d’approvisionnement chinoises, qui vont de l’ail aux sacs à main, en passant par les décorations de Noël et les machines à laver. Certains de ces produits se retrouvent ensuite dans des magasins en Amérique du Nord. D’après un responsable de l’organisation non gouvernementale China Labor Watch, qui est cité par le quotidien, des fournisseurs de détaillants américains lui ont confié qu’ils devaient rediriger certaines de leurs commandes vers des prisons pour réduire les coûts à la suite de nouvelles pressions sur les prix par les entreprises acheteuses. Quant aux conditions de travail que décrit le Financial Times à partir de témoignages d’anciens détenus et de défenseurs des droits des travailleurs, elles sont effroyables : travail forcé, mauvais traitements, absence d’équipement de protection, rémunération infime, voire inexistante, journées de labeur pouvant comprendre jusqu’à 16 heures…

Puis, en décembre 2018, ce fut au tour de l’Associated Pressv et de l’Independentvi de dénoncer le travail forcé dans les prisons chinoises. L’agence de presse a notamment révélé que des vêtements de l’entreprise américaine Badger Sportwear avaient été cousus par des prisonniers d’un camp d’internement où des membres de minorités, principalement des musulmans, seraient « forcés d’abandonner leur langue et leur religion et soumis à de l’endoctrinement politique », en vue de leur permettre d’accéder, selon les autorités chinoises, à un monde « moderne civilisé ». Quant au journal anglais, son article portait sur les décorations de Noël fabriquées dans des prisons qui ont recours au travail forcé, aux mauvais traitements et à la torture. Ces ornements sont ensuite vendus dans différents pays, notamment aux États-Unis.

Si les conditions de travail ne sont pas aussi ainsi ouverte. Plusieurs, y compris le professeur horrifiantes dans les établissements pénitentiaires Garcia, estiment toutefois que cette pratique qui américains, elles sont néanmoins problématiques. consiste à faire travailler des détenus pour un Du 21 août au 9 septembre 2018, des détenus salaire insignifiant, voire aucun, peut enfreindre aux États-Unis ont d’ailleurs fait la grève, avec plusieurs engagements juridiques américains, le soutien de plusieurs associations de défense dont le treizième amendement qui met fin des droits civiquesvii. Ils réclamaient entre autres à l’esclavage, et même violer les codes de la fin du travail contraint en échange d’un salaire conduite volontaires de certaines des entreprises dérisoire, qu’ils considèrent comme une forme impliquées. d’esclavage. Comme le souligne le professeur de droit Ruben J. Garciaviii, de l’Université du Il faut d’ailleurs souligner que des détenus ont Nevada à Las Vegas, si le treizième amendement lancé plusieurs poursuites, y compris des actions de la Constitution américaine permet la servitude collectives, contre des organismes publics et des involontaire à titre de punition pour un crime pour sociétés qui exploitent des prisons privées, soit lequel une personne a été dûment condamnée, CoreCivic et Geo Group, qu’ils accusent d’avoir il n’aborde en aucune façon la question de la contrevenu aux lois sur le salaire minimum. Dans rémunération pour ce travail forcé, qui demeure certains centres de détention pour les immigrants

— ENJEUX SOCIAUX— 121 de ces entreprises, des détenus cuisineraient, les produits de fournisseurs ou pour assurer des feraient du ménage, laveraient des vêtements services à des entreprises, comme les centres ou travailleraient à la bibliothèque pour un dollar d’appels, est beaucoup plus répandu que ce par jour ou moins. Les plaignants soutiennent qui est publiquement admis. Elle note enfin qu’il que le travail n’est pas volontaire puisqu’il est n’existe qu’une réglementation minimale autour nécessaire pour payer des articles comme du du travail pénitentiaire, qui laisse le traitement dentifrice ou pour téléphoner à des êtres chers. des détenus à la discrétion du client (entreprise Dans certaines poursuites, on parle carrément privée, agence à but non lucratif, organisme de travail forcéix. public étatique ou fédéral, etc.) ou de la prison, qui tirent tous deux des avantages financiers de De son côté, NorthStar expose dans son livre cet arrangement. blanc comment le travail carcéral aux États- Unis, qui est omniprésent dans tout le système Une question de responsabilité sociale pénal, est devenu un problème majeur relié aux et de gestion de risques

Nous ne pouvons que constater que la présence dans les chaînes d’approvisionnement de « Notre économie capitaliste est travail carcéral, légal ou non, peut exposer les fermement basée sur l’exploitation entreprises à des risques financiers, juridiques, des esclaves et de leurs d’exploitation et d’atteinte à la réputation, qui descendants, et notre système peuvent nuire à la valeur actionnariale. de justice pénale a toujours été soumis à une discrimination Au fil des ans, l’image de bien des sociétés a été raciale en faveur de l’incarcération entachée après que des médias aient révélé que de personnes de couleur. Le certains de leurs produits avaient été fabriqués, travail en prison aujourd’hui est parfois à leur insu, par des détenus. Le cas de une extension de cet abus. » Victoria’s Secret, qui tente encore aujourd’hui de distancier son nom du travail carcéral après qu’il y ait été associé dans les années 1990, est Julie Goodridge directrice générale de NorthStar Asset Management. éloquent. D’autres comme Walmart et Whole Foods ont aussi subi les contrecoups négatifs de leur association au travail de prisonniers. Dans son livre blanc, NorthStar affirme que bien qu’il inégalités économiques, à la justice raciale et aux existe peu de données sur l’opinion du public droits de la personne. Sa directrice générale, Julie par rapport au travail carcéral, elle n’a trouvé Goodridge, déclare ainsi que « notre économie aucun exemple où la connaissance du public capitaliste est fermement basée sur l’exploitation de la présence de cette forme de travail a été des esclaves et de leurs descendants, et bénéfique pour l’entreprise ; en revanche, lorsque notre système de justice pénale a toujours été le travail de détenus a été relevé et rattaché à des soumis à une discrimination raciale en faveur sociétés, celles-ci en ont souffert. de l’incarcération de personnes de couleur. Le travail en prison aujourd’hui est une extension de Par ailleurs, comme il a été mentionné cet abusx. » On se souviendra que les membres précédemment, il est illégal d’importer aux États- des communautés noire et hispanique sont Unis des biens fabriqués en partie ou en totalité surreprésentés dans les prisons américaines. par des personnes réduites à la servitude, ce qui La firme de gestion de patrimoine a également est le cas des détenus dans les prisons chinoises. constaté que le recours aux prisonniers pour créer Comme l’indique le Financial Times, cela signifie

122 — ENJEUX SOCIAUX— que si une plainte est déposée contre un site façon méticuleuse, idéalement, pour ne pas de production étranger, l’agence des douanes dire impérativement, par des tiers indépendants et de la protection des frontières des États-Unis crédibles. Bref, l’entreprise devrait avoir un (CBP) pourra conserver à la frontière les envois système de vérification indépendante rigoureux provenant de cette source et qu’elle pourra ouvrir et efficace pour s’assurer du respect de ses une enquête pénale sur l’importateurxi. politiques sociales et de son code de conduite pour les fournisseurs. Les actionnaires devraient Plusieurs entreprises semblent avoir conscience ensuite être informés des résultats de ces des risques rattachés à cet enjeu et, par inspections et des mesures prises lorsque des conséquent, interdisent dans leur code de violations du code de conduite ou de la politique conduite pour les fournisseurs le recours au ont été relevées. travail forcé ainsi qu’au travail carcéral légal ou illégal. Dans le cas de Costco, la société a Ajoutons que pour pouvoir gérer les risques même adopté une politique dédiée au travail associés au travail carcéral, les entreprises pénitentiaire, qui établit des normes minimales doivent savoir s’il est présent dans leurs chaînes pour le traitement des détenus. Elle permet ainsi d’approvisionnement. Celui-ci étant souvent cette forme de travail seulement si : secret, caché, il importe de lui porter une attention toute particulière. Or, selon NorthStar, • il est en conformité avec les lois en vigueur là les démarches qu’elle a menées jusqu’à présent où la marchandise est fabriquée ; lui ont permis de réaliser que les entreprises ne savent tout simplement pas si leur chaîne • le prisonnier consent volontairement à d’approvisionnement renferme du travail travailler selon les conditions proposées, y pénitentiaire. De là sa demande de sonder tous compris la rémunération ; les fournisseurs.

• le salaire brut du détenu est égal au salaire À ce sujet, nous estimons que la méthode proposée des travailleurs non incarcérés pour le (sondage) pour évaluer la présence du travail même type de travail dans la même zone carcéral dans la chaîne d’approvisionnement géographique ; en vue d’en mesurer et mitiger le risque ne semble pas la plus appropriée. Les entreprises • les vérificateurs indépendants peuventvisées par cette proposition ont d’ailleurs critiqué s’assurer du respect des exigences l’ampleur de l’exercice. On peut aussi douter de précédentes ; son efficacité et de la valeur des réponses qui seront données par chacun des fournisseurs. • les exigences du code de conduite de Comme nous l’avons déjà souligné, parmi les Costco s’appliquent intégralement à toutes meilleures pratiques pour assurer le respect les personnes, quel que soit leur statut ; et d’un code de conduite, on retrouve le recours à des vérificateurs indépendants qui vont faire le travail est conforme aux lois sur les • des visites surprises et parler aux employés en importations et les exportations en vigueur. dehors de la présence de cadres. Un sondage peut être un outil complémentaire utile, mais Toutefois, le fait de se doter d’une bonne probablement pas celui qui permettra de politique ne constitue que le premier pas, certes découvrir les problèmes les plus graves dans une essentiel, pour gérer efficacement les risques usine. Les entreprises obtiendraient sûrement associés aux violations des droits de la personne une image plus exacte de la situation grâce à et des droits des travailleurs. Pour avoir une des vérifications indépendantes qui pourraient quelconque valeur, la politique doit ensuite être inclure une collaboration avec des organisations appliquée et son respect doit être vérifié de

— ENJEUX SOCIAUX— 123 non gouvernementales de défense des droits de Dans le cas de la proposition visant Costco, la personne dans certains pays, comme la Chine. nous ne pouvons qu’encourager l’entreprise à poursuivre ses efforts en matière de transparence. Malgré cette réserve et le fait que les entreprises Il serait dans l’intérêt des actionnaires qu’elle visées en 2018 semblaient sur la bonne voie divulgue régulièrement des informations similaires pour traiter cet enjeu, nous croyons que les à celles qu’elle a publiées cette année dans sa actionnaires devraient appuyer la proposition, circulaire de sollicitation de procurations, ce qui ne serait-ce que pour exprimer leur intérêt à leur permettrait d’évaluer avec plus de justesse l’égard des conditions de travail dans la chaîne les risques potentiels auxquels l’entreprise est d’approvisionnement et maintenir la pression sur exposée et de mieux comprendre les mesures les entreprises pour qu’elles gèrent de manière prises pour les surveiller et les atténuer. efficace les risques associés au travail carcéral, qu’elles s’assurent du respect de leurs politiques Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de et codes de conduite et qu’elles rendent compte voter pour ce type de propositions. aux actionnaires de leurs progrès, ce qui contribuerait à protéger leur image, de même que la valeur actionnariale.

CRISE DE L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS CRISE DE L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS CRISE DE L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS

En 2019, des entreprises américaines seront visées par une proposition sur les risques relatifs aux droits de la personne découlant de contrats avec le gouvernement fédéral qui soutiennent la politique de tolérance zéro en matière d’immigration de l’administration Trump. Selon la société visée, les investisseurs demandent de :

• publier un rapport expliquant comment l’entreprise met en œuvre la partie de sa politique qui traite du respect des droits fondamentaux des détenus ;

• incorporer le respect des droits fondamentaux des détenus dans les programmes de rémunération incitative des dirigeants ;

• créer un comité sur les droits de la personne ;

• rendre compte de la façon dont les risques relatifs aux droits de la personne inhérents à la politique agressive de la Maison-Blanche en matière d’immigration sont détectés et gérés ;

• préparer un rapport sur les systèmes et les processus de gestion pour mettre en œuvre la politique sur les droits de la personne ; et

• interdire la vente de dispositifs de reconnaissance faciale à des organismes gouvernementaux, à moins que des experts indépendants garantissent au conseil d’administration que cette technologie ne cause ni ne contribue à des violations réelles ou potentielles des droits civils et des droits fondamentaux.

À la suite de l’éclatement du scandale de la séparation JPMorgan Chase, a publié une déclaration réclamant d’immigrants clandestins de leurs enfants, qui a l’abolition de la politique controversée de la Maison- découlé de la politique de tolérance zéro du président Blanchei. Trump en matière d’immigration, des investisseurs responsables, dont des membres de l’Interfaith Center Pour sa part, l’Alliance des investisseurs pour les on Corporate Responsibility (ICCR), ont engagé un droits de la personne (IAHR), une initiative de l’ICCR, dialogue avec des entreprises sur la question des droits a publié des directives sur le devoir de diligence de la personne. Par exemple, les sœurs franciscaines raisonnable en matière de droits de la personne de Philadelphie ont entrepris des démarches en 2018 concernant la détention d’immigrants et la séparation auprès de JPMorgan Chase et Wells Fargo, afin de les des familles. Ce document a pour objectif de fournir inciter à faire preuve de diligence raisonnable à l’égard un aperçu des risques pour les droits de la personne du financement de prisons. Les religieuses soulignent liés à la séparation des familles et à l’emprisonnement qu’à la suite de l’envoi de lettres à une demi-douzaine d’immigrants pour une durée indéterminée. Il offre de sociétés, dont ces deux banques, la Business en outre une aide aux entreprises pour déterminer, Roundtable, une organisation patronale qui regroupe évaluer et gérer ces risques aux États-Unis et ailleurs les grandes sociétés américaines et qui compte dans le mondeii. parmi ses administrateurs le chef de la direction de

126 — ENJEUX SOCIAUX— Enfin, à l’approche de la nouvelle saison des et GEO Group, une société du secteur des hautes assemblées annuelles d’actionnaires, les membres de technologies, Amazon, les institutions financières l’ICCR ont annoncé qu’ils allaient soumettre en 2019 SunTrust et Wells Fargo, ainsi qu’un fournisseur de des propositions à six entreprises qui, en raison de la défense américaine, Northrop Grumman. Depuis, leurs contrats avec le gouvernement fédéral américain la Bank of America a été ajoutée à cette liste. Des qui sont reliés à l’identification ou à la détention dialogues se poursuivent aussi avec Microsoft, d’immigrants, sont exposées à des risques relatifs aux Accenture, General Dynamics et JPMorgan Chase. droits de la personneiii. Parmi elles, nous retrouvons deux entreprises gérant des prisons privées, CoreCivic

ARGUMENTS DES PROPOSEURS Dans le cas des sociétés CoreCivic et GEO Group, qui ont des contrats avec le service de l’immigration Bien que les propositions d’actionnaire varient et de l’application des règles douanières des États- grandement d’une société à l’autre, on retrouve Unis (ICE), les investisseurs précisent qu’elles font au cœur de chacune d’elles la conviction que l’objet de poursuites et d’allégations concernant des les risques pour les droits de la personne liés à la atteintes aux droits de la personne, y compris des politique de tolérance zéro en matière d’immigration accusations de travail forcé dans des centres de de l’administration Trump sont à la fois sérieux et détention pour les immigrants. La sécurité et l’accès importants, et qu’ils appellent à une diligence accrue aux soins de santé pour les détenus constituent de la part des entreprises visées pour évaluer et d’autres problèmes importants qui ont été relevés traiter les impacts réels et potentiels sur les droits dans des prisons gérées par ces sociétés. Les de la personne auxquels elles peuvent contribuer investisseurs soulignent aussi que deux grands fonds ou être directement associées, par l’intermédiaire de pension publics aux États-Unis ont désinvesti de de leurs contrats avec le gouvernement américain. CoreCivic et relié leur décision à des préoccupations Ils rappellent que les Principes directeurs relatifs aux en ce qui a trait aux droits de la personne.

Pour ce qui est de SunTrust, Wells Fargo et la Bank of America, les investisseurs mentionnent qu’elles Les Principes directeurs relatifs aux ont été critiquées pour avoir financé les activités entreprises et aux droits de l’Homme de GEO Group ou CoreCivic. Wells Fargo a même des Nations Unies définissent la été ciblée par la campagne « Corporate Backers of responsabilité des entreprises de Hate », qui tente d’inciter les entreprises à modifier respecter les droits de la personne leurs pratiques commerciales afin d’éviter d’être et de fournir réparation aux victimes, liées au programme d’application de la politique que l’État respecte ou non son sur l’immigration de l’administration Trump. Les obligation de protéger ces droits. investisseurs mentionnent que des banques, y compris la Bank of America, ont reconnu que les relations commerciales avec des entreprises dont le comportement est largement condamné par la société peuvent nuire à leur réputation. La Bank entreprises et aux droits de l’Homme des Nations of America a d’ailleurs annoncé en 2018 qu’elle Unies définissent la responsabilité des entreprises n’accorderait plus de prêt à des entreprises qui de respecter les droits de la personne et de fournir fabriquent des armes à feu de style militaire à l’usage réparation aux victimes, que l’État respecte ou non de civils. son obligation de protéger ces droits.

— ENJEUX SOCIAUX— 127 Les investisseurs sont par ailleurs inquiets semblables à l’égard des entités commerciales qui qu’Amazon puisse fournir une technologie de vendent des systèmes de reconnaissance faciale. reconnaissance faciale (Rekognition) à des organismes gouvernementaux, notamment à l’ICE, Quant à Northrop Grumman, les investisseurs qui pourrait faciliter la surveillance des immigrants et rapportent qu’en 2017, ses contrats avec le le profilage racial. Ils estiment que cette technologie gouvernement américain ont représenté 85 % de représente un risque pour les droits civils, les droits ses ventes. Ils affirment que le développement de de la personne, ainsi que pour la valeur actionnariale. produits et services pour le ministère de la Défense, Ils notent que des organisations de défense des les services de renseignements ainsi que le bureau libertés civiles, des universitaires, des actionnaires de gestion de l’identité biométrique du ministère et des centaines d’employés ont demandé à de la Sécurité intérieure (DHS), dont les activités l’entreprise d’interrompre la vente de Rekognition pourraient être liées à des violations des droits de au gouvernement américain, craignant qu’Amazon la personne, expose l’entreprise à des risques permette ainsi la mise en place d’un système de juridiques, financiers et d’atteinte à la réputation. Par surveillance « facilement disponible pour violer les conséquent, ils considèrent qu’il est essentiel que droits et cibler les communautés de couleur. » Les Northrop Grumman exerce un devoir de diligence investisseurs affirment aussi qu’ils ont peu de preuves raisonnable en matière de droits de la personne pour qu’Amazon limite l’utilisation de sa technologie pour évaluer et atténuer les risques pour ces droits liés à protéger la vie privée et les droits civils, ajoutant que ses contrats avec le gouvernement américain. des législateurs ont déjà exprimé des préoccupations

ARGUMENTS DES de diligence raisonnable accru à l’égard de toute CONSEILS D’ADMINISTRATION activité de transport involontaire de personnes dans laquelle elle est impliquée en tant que fournisseuse Puisque les propositions sont nouvelles et que les de services du ministère australien des Affaires assemblées générales annuelles des actionnaires intérieures. Les investisseurs affirmaient que des entreprises visées devraient se tenir plus tard plusieurs autorités internationales ont constaté cette année, il est pour l’instant impossible pour que le système de droit des réfugiés australien le GIR d’accéder aux arguments des conseils contrevenait à plusieurs égards au droit international d’administration, qui sont habituellement dévoilés en matière de droits de la personne. Le conseil dans la circulaire de sollicitation des procurations. d’administration avait rétorqué que Qantas Airways a pris des engagements envers les droits de la Toutefois, la réponse du conseil d’administration personne, y compris d’aligner ses activités sur les de Qantas Airways à une proposition d’actionnaire Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux soumise en 2018 peut nous donner un avant-goût droits de l’Homme des Nations Unies, et affirmait des arguments qui pourraient être avancés par que le gouvernement et les tribunaux sont mieux les conseils d’administration américains. Dans le placés qu’elle pour prendre des décisions sur le même esprit que les propositions de l’ICCR, des statut d’immigrant des personnes cherchant à rester investisseurs demandaient à la société aérienne en Australie. australienne de s’engager dans un processus

128 — ENJEUX SOCIAUX— ANALYSE DU GIR Donald Trump a entraîné la séparation d’immigrants clandestins de leurs enfants et que la découverte Il est désormais largement admis que les sociétés de cette pratique a semé la consternation et associées directement ou indirectement à des l’indignation un peu partout sur la planète. En mai violations des droits de la personne reconnus et juin 2018, plus de 2 500 mineurs ont été enlevés sont exposées à des risques financiers, juridiques, à leurs parents. Cette politique inhumaine a suscité d’exploitation et d’atteinte à la réputation, voire de un tollé international et a été dénoncée avec vigueur boycottage et de désinvestissement, qui peuvent par de nombreux États, ainsi que par les Nations nuire à la valeur actionnariale. Il importe donc Unies. qu’elles prennent des mesures appropriées pour se prémunir contre ces risques et protéger la valeur Le 5 juin 2018, le Haut-commissariat aux droits de pour l’actionnaire. l’Homme a affirmé que le recours à la détention d’immigrants et à la séparation des familles va Il est aussi de leur responsabilité sociale de prendre à l’encontre des normes et des principes relatifs des mesures pour déceler, évaluer et mitiger aux droits de la personne. Il rappelait aussi que efficacement les risques de violation de ces droits l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours être une dans leurs activités. Les Principes directeurs priorité, que la détention n’est jamais dans son relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme intérêt supérieur et qu’elle constitue toujours une requièrent d’ailleurs qu’elles mettent en place une violation de ses droitsiv. Puis, le 18 juin, le haut- procédure de diligence raisonnable en matière de commissaire aux droits de l’Homme a déclaré qu’il droits de la personne et des procédures permettant est « inadmissible » qu’un État cherche à dissuader de remédier à toutes les incidences négatives sur des parents en infligeant de mauvais traitements ces droits qu’elles peuvent avoir ou auxquelles elles pareils à des enfants, citant l’association américaine contribuent. de pédiatrie des États-Unis qui considère que « la maltraitance d’enfants sanctionnée par le Il est évident que les entreprises ne peuvent pas se gouvernement » est une « pratique cruelle » pouvant contenter de se conformer aux lois d’un pays pour causer un « préjudice irréparable », avec des s’assurer du respect des normes internationales en matière de droits de la personne dans le cadre de leurs activités. Les États-Unis ne font pas exception Le Haut-commissariat aux droits à la règle et la crise de l’immigration a exposé des de l’Homme a affirmé que le pratiques dans ce pays qui sont loin de correspondre recours à la détention d’immigrants aux normes internationales. Personne n’aura oublié qu’en 2018, la politique de tolérance zéro de et à la séparation des familles va à l’encontre des normes et des principes relatifs aux droits de la Les entreprises ne peuvent pas personne. Il rappelait aussi que se contenter de se conformer l’intérêt supérieur de l’enfant doit aux lois d’un pays pour toujours être une priorité, que s’assurer du respect des normes la détention n’est jamais dans internationales en matière de son intérêt supérieur et qu’elle droits de la personne dans le constitue toujours une violation cadre de leurs activités. de ses droits.

— ENJEUX SOCIAUX— 129 « conséquences à vie ». Il enjoignait donc le pays Depuis des années, les entreprises qui gèrent des à mettre fin immédiatement à cette politique, ainsi prisons à but lucratif et des centres de détention qu’à ratifier enfin la Convention relative aux droits pour les immigrants essuient de sévères critiques de l’enfantv. À ce sujet, on notera qu’en date du pour les mauvaises conditions des détenus, 24 février 2019, les États-Unis sont encore le seul incluant des atteintes aux droits de la personne. pays au monde à ne pas avoir ratifié cet accord L’administration Obama avait d’ailleurs décidé de international. cesser progressivement de recourir à ces prisons pour l’incarcération de détenus fédéraux, car elles Les images d’enfants en pleurs et de parents sont moins performantes que les établissements désespérés, de même que leurs conditions de publics, notamment en ce qui a trait à la sécurité et détention déplorables, ont également choqué les aux services de réhabilitation. Un rapport du Bureau Américains de toute allégeance politique et amené de l’inspecteur général du Ministère avait d’ailleurs le monde des affaires à se dresser une fois de montré qu’en plus d’être moins sécuritaires, plus contre l’administration Trump. Si plusieurs les prisons privées ne permettent même pas entreprises s’étaient déjà opposées à son décret d’économiser des coûts importants. Cette directive migratoire controversé, il va sans dire qu’elles a été abrogée peu de temps après l’arrivée au furent nombreuses à réprouver avec véhémence pouvoir des républicains à la Maison-Blanche, sa politique de tolérance zéro. La Business mais les problèmes qui la sous-tendaient n’ont Roundtable a ainsi déclaré que la séparation des pas pour autant été réglés. Notons en outre que familles est une pratique « cruelle » et « contraire aux des poursuites, y compris des actions collectives, valeurs américaines »vi. De son côté, la chambre ont récemment été engagées contre CoreCivic et de commerce des États-Unis a accusé la Maison- Geo Group, qui sont accusées d’avoir contrevenu Blanche d’aller à l’encontre d’une valeur américaine aux lois sur le salaire minimum, voire de recourir au fondamentale selon laquelle on ne doit pas punir travail forcé pour le fonctionnement interne de leurs des enfants pour les crimes de leurs parents, et prisons. d’utiliser les séparations comme un levier pour obtenir du Congrès d’autres changements de Le scandale de la séparation des familles a eu politique sur l’immigrationvii. Des entreprises sont un effet non négligeable sur le mouvement de aussi intervenues à titre individuel pour exiger désinvestissement des prisons privées aux États- l’abandon de cette politique brutale et la réunification Unis. À titre d’illustration, on se souviendra qu’en des familles, dont Airbnb, American Airlines, Apple, juillet 2018, le directeur des investissements du Cisco, Dropbox, Facebook, Google, Goldman fonds de pension public des enseignants de la Sachs, JPMorgan Chase, Microsoft, Twitter, Uber, Californie (CalSTRS) avait lancé une politique United Airlines et YouTube. de désinvestissement concernant les prisons privées, après que la politique de tolérance zéro Or, comme le précisent les membres de l’ICCR de l’administration Trump à l’égard des immigrants dans leur argumentation, certains contrats des clandestins ait mené à la séparation d’enfants entreprises visées pourraient aider le gouvernement de leur famille. Il estimait en effet qu’il existait un américain à poursuivre des politiques qui menacent risque accru de violations des droits de la personne les droits de la personne, y compris les droits de par les prisons privées qui servaient désormais à l’enfant. Des contrats qui pourraient permettre de loger des immigrants et des enfants d’immigrants les associer à des violations de ces droits et les séparés de leurs parents. Après un dialogue avec exposer aux risques mentionnés précédemment. CoreCivic et Geo Group, ainsi que des visites de Déjà, certaines sociétés ont été prises à partie centres de détention, CalSTRS a conclu que, sur la place publique pour leur collaboration avec même s’il n’a pas été prouvé que ces entreprises l’administration Trump ou le fait qu’elles profitent portaient atteinte aux droits de la personne, les de ses politiques intransigeantes à l’égard des prisons privées faciliteraient la mise en place d’un immigrants. L’exemple des prisons privées est système qui, lui, pourrait violer certains éléments éloquent. de sa politique d’investissement, qui incluent le respect des libertés civiles et des droits politiques.

130 — ENJEUX SOCIAUX— Par conséquent, CoreCivic et Geo Group ont été utilisation est conforme à nos principes et à nos exclues de ses portefeuilles. valeurs, et qu’elle évite les abus et les conséquences néfastes. » Toujours en décembre, Microsoft a lancé CalSTRS n’a pas été le premier et ne sera sans un appel à une meilleure réglementation pour cette doute pas le dernier à désinvestir pour des motifs technologieviii. Quant à Amazon, elle a finalement éthiques des prisons privées. Notons que le fonds admis en février 2019 que la reconnaissance de pension public de l’État de New York a été le faciale devait être réglementée et elle a proposé premier à se débarrasser de ses investissements des lignes directrices pour guider les réflexions des dans ces établissements en juillet 2018, suivi du législateursix. fonds de pension du New Jersey, de Trenton, du fonds de pension des professeurs de la ville Ces prises de position n’ont toutefois pas rassuré les de Chicago, ainsi que des villes de New York et organisations de défense des droits de la personne Philadelphie. et des libertés civiles. Un collectif de 85 ONG a ainsi écrit à ces entreprises pour les exhorter à cesser Il est intéressant de voir que les entreprises qui gèrent la vente d’outils d’identification biométrique aux des prisons privées ne sont pas les seules à être organismes gouvernementaux américains. Le site ciblées par des investisseurs responsables. Celles d’informations Clubic rapporte que, d’après Nicole qui les financent sont aussi exposées à d’importants Ozer, de l’union américaine pour les libertés civiles risques d’atteinte à la réputation. Ce phénomène de la Californie (ACLU of California), « Nous sommes n’est du reste pas nouveau. Les institutions à la croisée des chemins avec l’identification financières sont désormais la cible d’organisations faciale. Les décisions prises actuellement par ces non gouvernementales (ONG) qui s’intéressent à compagnies vont déterminer si les personnes de la différents enjeux sociaux ou environnementaux. prochaine génération devront, ou non, se soucier Celles qui financent des fabricants d’armes d’être surveillées par le gouvernement pour avoir particulièrement inhumaines ou des projets qui se participé à une manifestation, pour s’être rendues heurtent à l’opposition de peuples autochtones se dans un lieu de culte, ou tout simplement pour font ainsi régulièrement épingler par des ONG sur vivre leurs vies ». Elle ajoute que « L’Histoire nous a la place publique et rappeler leurs responsabilités clairement appris que le gouvernement exploitera sociales et leurs engagements envers les droits des technologies comme la reconnaissance faciale de la personne. Il en va de même pour celles qui pour cibler des communautés ethniques, des financent des prisons privées, comme SunTrust, minorités religieuses ou des immigrantsx. » Pour Wells Fargo et la Bank of America. En fait, même ce qui est d’Amazon, le collectif a écrit que : « En des investisseurs institutionnels se sont récemment continuant à vendre ce produit de surveillance faciale fait reprocher d’investir dans des prisons à but aux gouvernements, Amazon menace gravement la lucratif. sécurité des citoyens, ignore les protestations de ses propres employés et perd la confiance que lui Finalement, dans le cas d’Amazon et Northrop porte le public », a rapporté le journal Le Mondexi. Grumman, les contrats problématiques d’après les investisseurs concernent des technologies qui, selon les desseins de leur utilisateur, pourraient contribuer à bafouer les droits civils et les droits de la personne. Si nous prenons l’exemple de la technologie de reconnaissance faciale, nous devons d’abord souligner qu’elle génère beaucoup d’inquiétudes, incluant dans le secteur même des hautes technologies. En décembre 2018, le journal Les Échos rapportait que Google a refusé de participer à un appel d’offres du Pentagone, contrairement à Amazon, et a déclaré qu’elle ne vendra pas de services de reconnaissance faciale tant qu’elle ne pourra pas « s’assurer que son

— ENJEUX SOCIAUX— 131 La reconnaissance faciale, un outil à manier avec soin

Comme toute technologie, la reconnaissance faciale n’est ni bonne ni mauvaise en soi, tout dépend de l’usage que l’on en fait. Par exemple, le journal Les Échosxii indique que l’application TrackChild développée par le gouvernement indien a permis de retrouver 3 000 enfants portés disparus en seulement 4 jours. En revanche, à l’autre bout du spectre, l’univers cauchemardesque de 1984, de George Orwell, semble prendre vie en Chine, du moins en ce qui concerne l’espionnage des citoyens. Grâce à la reconnaissance faciale, cet État a en effet placé sous surveillance permanente 1,4 milliard de personnes et leur attribue une note sociale…

Une partie des employés des entreprises de hautes faciale étudient des groupes sociodémographiques technologies ont également pris position dans traditionnellement défavorisés, plus le taux de faux le débat, appelant leur employeur à prendre des positifs augmentexv. » précautions par rapport à la reconnaissance faciale et à abandonner certains projets ou contrats avec le Dans ce contexte, nous jugeons qu’il est important gouvernement américain, entre autres à la suite du que les entreprises visées gèrent efficacement les scandale de la séparation des familles d’immigrants risques relatifs aux droits de la personne, qu’elles clandestins. Toutefois, si les salariés ont réussi adoptent des mesures appropriées pour se à faire reculer Google et Microsoft, Amazon n’a prémunir contre ces derniers et protéger la valeur pas encore cédé à la fronde et accepté de laisser actionnariale, et qu’elles mettent en place une tomber la vente de Rekognition à l’ICE. procédure de diligence raisonnable en matière de droits de la personne et des procédures permettant Du côté des législateurs, plusieurs sont aussi de remédier à toutes les incidences négatives sur préoccupés par la technologie d’Amazon. Huit ces droits qu’elles peuvent avoir ou auxquelles elles membres démocrates du Congrès des États-Unis contribuent. Les différentes avenues proposées ont écrit à l’entreprise en novembre 2018, pour lui par les membres de l’ICCR nous apparaissent demander des précisions sur le fonctionnement et pertinentes et devraient contribuer à atténuer les l’utilisation de Rekognitionxiii. Il faut souligner qu’un risques pour les entreprises d’être associées à des test réalisé par l’ACLU sur les membres du Congrès atteintes aux droits de la personne. Répétons enfin a mis en lumière des failles et biais importants de ce que le fait de se limiter à suivre les lois d’un État programme : celui-ci a comparé les portraits de 535 ne peut en aucune façon assurer à une entreprise élus avec 25 000 portraits de criminels. Or, le logiciel que ses activités ne nuiront pas aux droits de la a confondu 28 élus avec des criminelsxiv. Pire : alors personne et la protéger contre les différents risques que les personnes de couleur ne représentent que liés à ces droits. 20 % des membres du Congrès, elles apparaissaient dans 40 % des résultats. Selon Matthieu Dugal, Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de chroniqueur techno à Radio-Canada, « La littérature voter pour ce type de propositions. scientifique existante à ce propos tend à démontrer que plus les programmes de reconnaissance SALAIRE VITAL SALAIRE VITAL

En 2019, des entreprises canadiennes pourraient recevoir une proposition portant sur le salaire vital pour leurs employés et ceux de leurs chaînes d’approvisionnement.

Le concept du salaire vital, ou salaire de subsistance, est assez nouveau et n’a pas fait l’objet d’énormément de propositions d’actionnaire jusqu’à présent. En revanche, plusieurs événements d’envergure doivent être mentionnés. En 2013, H&M avait affirmé que 850 000 employés recevraient un salaire vital en 2018i. Depuis, plusieurs groupes de pression ont essayé de déposer des propositions pour forcer H&M à divulguer de l’information sur les progrès réalisés par rapport à cette promesse. Malheureusement, ils n’ont pas été en mesure d’imposer un débat à l’assemblée annuelle de l’entreprise.

Néanmoins, l’an dernier, une première proposition sur cet enjeu a été soumise à l’assemblée générale d’actionnaires de Loblaws par Vancity Investment Management. Cette société canadienne a fait du salaire vital le thème central d’une de ses campagnesii. Sans surprise, la proposition n’a recueilli qu’un très faible appui, avec un taux d’approbation de 2,3 %, et Loblaws n’étudiera pas la questioniii.

Plus largement, plusieurs groupes revendiquent une réforme ou une augmentation du salaire minimum. Ces demandes se sont retrouvées au cœur de plusieurs assemblées annuelles. En 2016, Trillium Asset Management avait essayé de déposer une proposition chez Chipotle Mexican Grill, mais la commission des valeurs mobilières des États-Unis (SEC) a tranché que celle-ci ne respectait pas les règles en vigueur. En 2017, Trillium a visé plusieurs entreprises, dont Home Depot et Chipotle, avec des propositions demandant l’adoption et la publication de principes pour une réforme du salaire minimum, afin que celui-ci soit assez généreux pour soutenir les besoins de base d’un travailleur et de sa famille. La proposition visant Chipotle a été retirée après que l’entreprise se soit engagée à publier un communiqué public sur le sujet.

Même si la terminologie diverge, ces propositions vont dans le même sens que celles portant sur le salaire de subsistance. Plusieurs personnalités du monde des affaires ont même appuyé une réforme du salaire minimum américain pour que celui-ci soit augmenté, dont les chefs de la direction de Subwayiv, McDonald’sv et Costco Wholesalevi.

Bref, même si aucune proposition n’a encore été déposée sur le sujet, celui-ci est fortement discuté et il ne serait pas étonnant que des propositions tournant autour de la rémunération de base des travailleurs soient soumises pendant la saison des assemblées d’actionnaires 2019.

134 — ENJEUX SOCIAUX— ARGUMENTS DES PROPOSEURS ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION Dans l’argumentation accompagnant la proposition soumise à Loblaws l’an dernier, les investisseurs En réponse à la proposition soumise en 2018, présentaient les divers avantages de verser des le conseil d’administration de Loblaws a salaires qui correspondent au niveau de revenu rappelé que la rémunération est fixée selon nécessaire pour subvenir aux besoins d’une plusieurs critères et que de nombreuses parties famille dans une collectivité donnée. Parmi eux, prenantes (syndicats, sous-traitants, etc.) sont on retrouve le maintien des effectifs, une bonne impliquées dans la fixation de ceux-ci. De réputation pour l’entreprise et une amélioration de plus, il estimait que l’instauration d’un salaire la productivité et du moral des employés. Le salaire vital pour l’ensemble des employés diminuerait vital permettrait aussi aux familles de prospérer et la compétitivité de l’entreprise et la priverait au capital humain de s’épanouir en favorisant la de la flexibilité nécessaire pour profiter des réussite des enfants. différentes possibilités d’affaires. De surcroît, l’administration d’une telle mesure pourrait être compliquée.

— ENJEUX SOCIAUX— 135 ANALYSE DU GIR d’employés, d’une capacité accrue d’attirer des travailleurs qualifiés, ainsi que d’une amélioration de Pour commencer, rappelons que le salaire vital, la productivité, de l’engagement, de la motivation et qui devrait être gagné en effectuant une semaine de la loyauté des employés. Concrètement, dans normale de travail ne comptant pas un nombre un contexte de pénurie de main-d’œuvre, cela excessif d’heures supplémentaires, doit permettre pourrait offrir une position avantageuse à plusieurs de couvrir les besoins de base de l’employé et de entreprises. Plusieurs grandes sociétés américaines sa famille, tout en lui laissant une part de revenu n’ont d’ailleurs pas attendu une hausse du salaire discrétionnaire. minimum local pour améliorer la rémunération de

Dans l’analyse suivante, nous traiterons d’abord de la question du salaire de subsistance au Canada et aux États-Unis sous l’angle du salaire minimum Au Canada, nous savons et des pressions exercées pour le hausser. Nous que le salaire minimum varie nous intéresserons ensuite au salaire vital dans la énormément d’une province à chaîne d’approvisionnement des entreprises, en l’autre. Au Québec, il est de 12 $ particulier dans les pays exportateurs où il existe un l’heure. Selon des chercheurs écart considérable entre le salaire de subsistance et de l’Institut de recherche le salaire minimum. et d’informations socio- Au Canada, nous savons que le salaire minimum économiques (IRIS), ce salaire varie énormément d’une province à l’autrevii. Au est insuffisant pour permettre à Québec, il est de 12 $ l’heure. Selon des chercheurs un Québécois travaillant à temps de l’Institut de recherche et d’informations socio- plein de sortir de la pauvreté. économiques (IRIS), ce salaire est insuffisant pour permettre à un Québécois travaillant à temps plein de sortir de la pauvretéviii. La situation est similaire dans le reste du Canada et aux États-Unis. Par leur personnel, ce qui leur a conféré entre autres conséquent, plusieurs groupes ont entrepris de un avantage concurrentiel en matière d’embauche réclamer une hausse du salaire minimum. C’est et de rétention des meilleurs candidats et employés dans la foulée des débats entourant cette hausse par rapport à des sociétés concurrentes qui que certains ont commencé à parler du concept continuent d’offrir des salaires extrêmement bas. de salaire de subsistance en Amérique du Nordix. Par exemple, Amazon a annoncé l’an dernier Un salaire minimum à 15 $ l’heure semble faire qu’elle allait augmenter son salaire de base à 15 $ consensus parmi plusieurs parties prenantes, l’heure, même s’il est encore trop tôt pour mesurer comme les organisations non gouvernementales l’ensemble des impacts de la mesure. Ici, Simons (ONG) et les syndicats, pour permettre aux a relevé les salaires de ses employés à 16 $. D’un travailleurs de subvenir à leurs besoins. côté comme de l’autre de la frontière, ces mesures ont été accueillies favorablement par plusieurs Or, nous constatons qu’il existe des avantages intervenantsx. indéniables à offrir un salaire vital aux employés, sans compter l’atténuation des risques qui découleraient Par ailleurs, les pressions exercées par les vagues d’un changement législatif visant à hausser le de protestations pour augmenter les salaires des salaire minimum. Ainsi, en haussant la rémunération moins nantis en Occidentxi, comme la campagne des employés au salaire minimum, les entreprises Minimum 15xii ou bien Living Wage for Familiesxiii, pourraient jouir d’une réduction du roulement de leur ont amené plusieurs municipalités canadiennes à personnel et des coûts associés au remplacement se pencher sur la question. En effet, les villes de

136 — ENJEUX SOCIAUX— Quesnelxiv, Port Coquitlam, New Westminster, Si plusieurs se tournent vers les gouvernements Vancouverxv et Pitt Meadow sont devenues des afin qu’ils haussent le salaire minimum, d’autres employeurs certifiés Living Wage. De plus, la critiquent les pratiques d’approvisionnement des Colombie-Britannique a aussi instauré une hausse entreprises et la pression qu’elles exercent sur leurs massive du salaire minimum pour atteindre 15 $ fournisseurs pour obtenir de très bas prix, ce qu’ils l’heure d’ici 2021. Au Québec, aucune ville n’a ne peuvent accorder qu’en rognant sur les salaires. encore adopté une telle politique. Néanmoins, Rappelons que la découverte de conditions de travail Montréal en a discuté pendant la dernière campagne pitoyables dans la chaîne d’approvisionnement peut électorale municipale, mais l’administration Plante nuire à l’image et à la réputation des entreprises. a écarté sa promesse en avril dernierxvi. Aux États- Unis, la situation est similaire et plusieurs villes ont Si nous prenons l’exemple du Bangladesh, il déjà adopté un salaire minimum supérieur à celui faut d’abord noter que plusieurs entreprises ont de leur État. En août 2018, Washington était celle déjà entrepris des démarches pour améliorer les qui avait établi le taux le plus élevé pour l’ensemble conditions des travailleurs en signant l’accord des travailleurs, à 13,25 $ l’heurexvii. En seulement multipartite contre les incendies et pour la sécurité quelques années, le mouvement s’est tellement des usines de vêtements. Toutefois, les membres amplifié qu’il a débordé des grandes villes où les de la Bangladesh Investor Initiative, qui regroupe loyers sont plus chers. En fait, il s’est répandu partout 250 investisseurs institutionnels détenant plus en Amérique du Nord. Le mouvement ne semble de 4,5 billions de dollars américains d’actifs sous pas s’étouffer et certains syndicats préparent déjà gestion, demandent aussi aux sociétés de signer des accords avec leurs fournisseurs dans lesquels les prix de leurs vêtements permettront aux usines de payer des salaires équitables aux employés et Certains syndicats préparent de se conformer aux normes en matière de droits déjà la prochaine offensive qui de la personne, et d’inciter l’État bangladais à pourrait demander des salaires relever le salaire minimum pour que les ouvriers aussi élevés que 20 $ l’heure. puissent combler leurs besoins essentiels et ceux de leur famille. De l’avis des investisseurs, le salaire minimum dans ce pays est très loin du salaire vital. la prochaine offensive qui pourrait demander des salaires aussi élevés que 20 $ l’heurexviii. Ultimement, Il serait pertinent qu’un plus grand nombre tous les différents gouvernements seront appelés d’entreprises se penchent sur l’enjeu du salaire vital, en à étudier cette question. De ce fait, les entreprises particulier dans leurs chaînes d’approvisionnement. qui décideront d’augmenter la rémunération de Les sociétés ont une responsabilité envers les leurs plus bas salariés avant d’y être contraintes conditions de travail chez leurs fournisseurs, et par la réglementation seront mieux outillées pour il serait dans l’intérêt de tous qu’elles s’assurent faire face à une hausse du salaire minimum. Il que leurs pratiques d’approvisionnement ne ne fait aucun doute que la question du salaire nuisent pas aux employés et qu’elles évaluent la minimum va rester d’actualité et que la pression possibilité d’adopter une politique sur le salaire pour l’augmenter risque de s’accentuer encore plus vital s’appliquant à leurs fournisseurs. Cela pourrait dans les prochaines années. atténuer les risques d’atteinte à la réputation liés à la mise au jour de piètres conditions de travail En ce qui a trait au salaire vital dans les chaînes dans la chaîne d’approvisionnement. Soulignons au d’approvisionnement, bien des ONG et des passage que certaines entreprises requièrent déjà investisseurs responsables s’y sont intéressés ces le versement d’un salaire de subsistance dans leur dernières années, alors que des mouvements de code de conduite pour les fournisseurs. protestation ont éclaté pour dénoncer les salaires de misère dans plusieurs secteurs. Des ONG ont Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de publié des études révélant un écart considérable voter pour ce type de proposition. entre le salaire vital et le salaire minimum dans des pays exportateurs.

— ENJEUX SOCIAUX— 137

ÉCARTS SALARIAUX EN FONCTION DU SEXE OU DE L’APPARTENANCE ETHNIQUE ÉCARTS SALARIAUX EN FONCTION DU SEXE OU DE L’APPARTENANCE ETHNIQUE

En 2019, des investisseurs responsables demanderont à des sociétés cotées en Bourse aux États-Unis de publier un rapport sur les inégalités en matière de revenu reliées au sexe, à la race ou à l’origine ethnique. Dans certains cas, le rapport devrait porter sur les politiques et les objectifs pour réduire les écarts salariaux. Dans d’autres, il devrait indiquer si de telles disparités existent au sein de l’entreprise et, le cas échéant, les mesures prises pour les atténuer. Enfin, des investisseurs réclament un rapport sur les risques associés aux nouvelles politiques publiques visant à diminuer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, y compris les risques d’atteinte à la réputation, concurrentiels, d’exploitation, ainsi que les risques liés au recrutement et à la rétention de femmes de talent.

En moins de cinq ans, la question des inégalités de revenus entre les femmes et les hommes s’est hissée parmi les enjeux sociaux les plus populaires chez les investisseurs responsables américains. Leurs efforts pour accroître la transparence des entreprises à ce sujet ont d’ailleurs connu d’importants succès l’année dernière, notamment dans les secteurs de la finance, de l’assurance et de la santé, où les différences de rémunération sont particulièrement élevées.

Arjuna Capital a ainsi réussi à persuader les géants de Wall Street de publier leurs écarts salariaux entre les sexes pour des emplois comparables, comme elle l’avait fait précédemment avec les principaux chefs de file du secteur des technologies de l’information. En fait, depuis 2016, ce sont 23 sociétés qui ont commencé à communiquer de telles informations en réponse à ses pressions, dont Apple, Amazon, Intel, Microsoft, Google, Facebook, eBay, Adobe, Expedia, Texas Instruments, Citigroup, JPMorgan Chase, Wells Fargo, Bank of America, Bank of New York Mellon, American Express, MasterCard, Reinsurance Group et Progressive Insurance.

De leur côté, les fonds de pension publics de la ville de New York, qui mènent des démarches pour combattre les iniquités salariales dans les secteurs de l’assurance et de la santé, ont aussi remporté des victoires en 2018i. Abbott Laboratories, Aetna, Baxter International, Edwards Life Sciences, MetLife, Principal Financial Group, Progressive Corporation et The Travelers Companies ont ainsi accepté de divulguer de nouvelles informations sur la façon dont elles décèlent et éliminent les écarts salariaux entre les sexes au sein de leur organisation. Seule Express Scripts a refusé d’accroître sa transparence et a donc fait l’objet d’une proposition d’actionnaire à ce sujet, et ce, pour une deuxième année consécutive. Celle-ci a obtenu un taux d’approbation de 15,1 %, ce qui est amplement suffisant pour pouvoir la présenter de nouveau cette année.

Quant aux membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR), ils ont retiré les propositions soumises à American Express, Costco Wholesale, Discover Financial, Hewlett-Packard, KeyCorp et Marriott, car ces entreprises ont accepté d’améliorer la divulgation de leurs écarts salariaux et de déployer des efforts pour les réduire. De plus, une proposition déposée auprès de TJX Companies a reçu un taux d’approbation tout à fait honorable de 26,2 %.

En 2019, les investisseurs responsables vont poursuivre leurs démarches par rapport à cet enjeu. Arjuna va demander aux entreprises d’évaluer les risques associés aux politiques publiques en émergence qui s’attaquent aux écarts de rémunération. Elle va en outre axer sa campagne sur la divulgation du salaire médian des hommes et des femmesii. Pour l’instant, les sociétés n’ont révélé que des écarts ajustés qui, par conséquent, tiennent

140 — ENJEUX SOCIAUX— compte de différents facteurs, comme le poste occupé. Arjuna réclame désormais la publication des écarts bruts, qui comparent le salaire médian de toutes les femmes à celui de tous les hommes. Cette campagne, qui devrait toucher une douzaine de grandes sociétés financières et technologiques, compte déjà un succès à son actif. Après avoir été la première grande banque américaine à révéler des données quantitatives sur ses disparités salariales à la demande d’Arjuna en janvier 2018, Citigroup a encore une fois montré la voie à ses pairs en répondant positivement à la nouvelle requête de la firme d’investissement. En janvier 2019, elle a ainsi rendu public son écart de rémunération brut pour les femmes dans l’ensemble de son personnel à l’échelle mondiale et pour les membres de minorités raciales ou ethniques aux États-Unis.

Pour leur part, des membres de l’ICCR comptent déposer des propositions sur les inégalités salariales basées sur le sexe, la race ou l’origine ethnique auprès d’Alphabet, Analog Devices, CIGNA Corporation, Citizens Financial Group, Pfizer et TJX Companies.

ARGUMENTS DES PROPOSEURS Les proposeurs affirment aussi que les risques réglementaires s’accentuent aux États-Unis, certains Cette année encore, les proposeurs rappellent États ayant durci leurs lois sur l’égalité salariale. qu’il existe un écart important et stable entre la Finalement, ils mettent en valeur les avantages d’une rémunération des femmes et celle des hommes aux plus grande diversité dans les milieux de travail et États-Unis. En fait, le revenu médian des femmes soulignent que d’autres entreprises ont commencé à travaillant à temps plein correspond seulement à accroître leur transparence par rapport aux disparités 80 % du salaire de leurs homologues masculins. salariales ou se sont engagées à le faire. Arjuna Capital remarque aussi que le concept d’écart brut est encore largement ignoré par les entreprises. À l’exception notable de Citigroup, celles-ci n’ont publié jusqu’à présent que leur écart ajusté aux États- Unis, qui compare la rémunération des femmes et celle des hommes pour des emplois similaires. Or, le Royaume-Uni exige depuis l’an dernier que les entreprises rendent public leur écart non ajusté. Les données recueillies en 2018 ont d’ailleurs révélé un ARGUMENTS DES écart brut de 22 % pour les institutions financières. CONSEILS D’ADMINISTRATION

D’autre part, les proposeurs soulignent que les Les arguments des conseils d’administration n’ont secteurs auxquels appartiennent les sociétés visées guère changé au fil des ans. Les sociétés visées ont des écarts salariaux plus élevés que dans insistent en général sur leur engagement à favoriser l’ensemble de la population. Ils observent également la diversité et sur leur bonne performance à ce que les femmes sont sous-représentées dans les sujet. Certaines vont présenter leurs pratiques et postes de direction des entreprises visées. Or, les programmes pour promouvoir la diversité et l’égalité preuves de l’existence d’un lien entre la diversité salariale entre les sexes et éviter la discrimination dans les équipes de direction et une meilleure involontaire. D’autres affirment que leur philosophie performance financière s’accumulent, et le suivi et de rémunération, leurs meilleures pratiques ou l’élimination des écarts de rémunération entre les leurs analyses annuelles de l’équité salariale leur sexes figurent parmi les meilleures pratiques pour permettent de s’assurer qu’elles paient leurs augmenter la diversité à tous les échelons des employés de façon juste et équitable. entreprises.

— ENJEUX SOCIAUX— 141 ANALYSE DU GIR entre 1960 et 2017, les femmes devraient atteindre l’égalité salariale d’ici 2059iii. La question des écarts de rémunération soulève non seulement l’enjeu plus vaste de la discrimination sur Lorsqu’on prend en compte des facteurs comme la base du sexe ou de l’appartenance à une minorité l’expérience, la formation, le secteur et les heures de raciale ou ethnique, mais également celui de la travail, l’écart s’amenuise, mais demeure important. diversité en emploi. Plusieurs recherches suggèrent Plusieurs chercheurs et économistes sont parvenus en effet un lien entre le suivi et la suppression de à la conclusion que cet écart inexpliqué pourrait être ces écarts et une plus grande diversité au sein des attribuable à une discrimination salariale basée sur entreprises. le sexeiv. D’après Glassdoorv, l’écart ajusté serait de 5,4 %, tandis que l’AAUW indique qu’une étude D’ailleurs, si l’existence d’écarts ajustés peut récente de la population active américaine dans son être révélatrice de la présence de discrimination ensemble a révélé un écart de 8 %vi. salariale, consciente ou non, les écarts bruts peuvent en outre constituer un bon indicateur de la sous-représentation des femmes ou de membres de minorités raciales ou ethniques dans D’après l’étude de l’AAUW, les les postes de responsabilités bien rémunérés. On écarts salariaux touchent les se souviendra que les écarts ajustés sont établis femmes de tous les milieux, en tenant compte de différents paramètres comme de tous les âges et de tous les l’expérience, le niveau d’instruction ou le poste niveaux d’éducation, même si les occupé, contrairement aux écarts bruts. gains et l’écart varient en fonction de la situation de chaque femme. Des disparités salariales qui touchent Comme d’autres recherches toutes les femmes l’ont montré précédemment, les Aux États-Unis, un écart important persiste entre femmes de couleur sont les plus la rémunération des femmes et celle des hommes désavantagées. travaillant à temps plein, même si son ampleur varie légèrement d’une source à l’autre. L’American Association of University Women (AAUW) a rapporté D’après l’étude de l’AAUW, les écarts salariaux touchent les femmes de tous les milieux, de tous les Si cet écart continue de diminuer âges et de tous les niveaux d’éducation, même si au rythme observé entre 1960 les gains et l’écart varient en fonction de la situation et 2017, les femmes devraient de chaque femme. Comme d’autres recherches atteindre l’égalité salariale d’ici l’ont montré précédemment, les femmes de couleur 2059. sont les plus désavantagées. Leur rémunération diffère considérablement de celle des hommes blancs. En fait, dans tous les groupes raciaux et qu’il était de 20 % en 2017, le revenu médian ethniques, les femmes travaillant à temps plein sont annuel des femmes étant de 41 977 dollars, contre en général moins bien payées que les hommes du 52 146 dollars pour les hommes. Elle ajoute que si même groupe. De plus, les femmes hispaniques, cet écart continue de diminuer au rythme observé amérindiennes, autochtones de l’Alaska, noires

142 — ENJEUX SOCIAUX— ou afro-américaines, indigènes d’Hawai ou remarquera aussi que les femmes noires remportent d’autres îles du Pacifique ont des revenus annuels tristement la palme de la sous-représentation dans médians inférieurs à ceux des femmes blanches les postes de directionviii. non hispaniques et des femmes asiatiquesvii. On

Quelles sont les causes des écarts salariaux ?

L’étude de l’AAUW présente divers éléments qui pourraient expliquer le maintien de différences de revenu entre les hommes et les femmes aux États-Unis, même si ces dernières ont un niveau d’éducation plus élevé. Le rapport souligne ainsi que cet écart résulte des normes et préjugés sexistes qui sont imbriqués dans les expériences des femmes sur le marché du travail, mais qu’on ne peut pas imputer l’écart de rémunération inexpliqué à la seule discrimination salariale directe. Il faut aussi tenir compte de l’impact de la ségrégation professionnelle, des sanctions1 liées à la maternité et des préjugés raciaux sur la carrière et les revenus des femmes. On se doit d’ailleurs de noter deux phénomènes troublants. D’abord, un écart entre le revenu médian des femmes et celui des hommes subsiste même dans les dix emplois les plus occupés par les femmes, comme ceux de secrétaires et d’assistantes administratives, d’infirmières et de professeures dans les écoles primaires et intermédiaires. Ensuite, comme cela a déjà été observé par d’autres chercheurs, l’AAUW indique que lorsque les femmes arrivent en grand nombre au sein d’une profession auparavant dominée par les hommes, les salaires moyens dans l’ensemble de la profession vont diminuer, y compris pour les hommes.

Par ailleurs, certains facteurs exacerbent l’écart de rémunération tout au long de la carrière d’une femme. Le rapport de l’AAUW donne l’exemple de la pratique fort répandue qui consiste à baser le salaire de départ et les augmentations sur les antécédents salariaux de l’employé, ce qui a pour effet de perpétuer tout écart antérieur d’un emploi à l’autre.

Pour combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, l’AAUW préconise une approche multidimensionnelle et multipartite afin de s’attaquer à toutes ses causes en modifiant les normes culturelles, en améliorant le comportement des employeurs et en mettant en œuvre des initiatives de politique publiqueix. Voilà qui pourrait inspirer de futures démarches actionnariales relatives à cet enjeu !

Si les écarts salariaux perdurent et stagnent qu’elles continuent d’être largement sous- presque au même niveau depuis des années, on représentées à tous les niveaux hiérarchiques constate sans surprise qu’il en va de même de et que la situation est pire pour les femmes de la progression des femmes dans les postes de couleur. Une femme sur cinq occuperait un poste responsabilités. La quatrième édition du rapport de haut rang ; pour les femmes de couleur, cette de LeanIn.Org et McKinsey & Company sur la proportion tombe à une sur vingt-cinq. Le rapport place des femmes dans les milieux de travail aux note que les progrès ne sont pas simplement États-Unis2, publiée en octobre 2018, montrent lents, ils sont carrément bloquésx. On ne peut que

1 Par exemple, la réduction des heures de travail et le retrait du marché du travail pendant un certain temps pour prendre soin des enfants sont plus fréquents pour les mères que pour les pères, ce qui a des conséquences sur leurs revenus et peut les désavantager face aux employeurs et industries qui privilégient les horaires de travail longs, continus et traditionnels, plutôt que les horaires flexibles.

2 Cette étude est basée sur l’examen des données de 279 sociétés américaines employant plus de 13 millions de personnes, ainsi que sur les réponses de plus de 64 000 employés qui ont participé à une enquête visant à explorer leurs expériences dans les milieux de travail.

— ENJEUX SOCIAUX— 143 le répéter : cette sous-représentation des femmes financière. Par exemple, en 2017, le Credit dans les postes de direction bien rémunérés a Suisse Research Institute indiquait que : « il a une incidence directe sur l’écart salarial brut. été clairement démontré que les sociétés où les D’ailleurs, lorsque Citigroup a dévoilé ses écarts femmes sont plus nombreuses à occuper des non ajustés pour les femmes dans son personnel postes à responsabilité — que ce soit au sein à l’échelle mondiale (71 %) et pour les membres du conseil d’administration ou de la direction de minorités raciales et ethniques aux États- — enregistrent de meilleures performancesxiv. » Unis (7 %), l’entreprise a aussi déclaré que ces Une étude publiée par McKinsey & Company résultats confirment l’importance des objectifs en janvier 2018xv a aussi confirmé la corrélation qu’elle a adoptés pour accroître la représentation entre la diversité ethnique, culturelle et sexuelle des femmes et des membres de minorités dans dans les équipes dirigeantes et une performance ses postes de responsabilités mieux rémunérés, financière accrue. ce qui permettra de réduire progressivement ses écarts salariaux brutsxi. Pour sa part, Glassdoor a souligné que la recherche indique que les politiques d’entreprise Les avantages de la lutte contre les qui encouragent la transparence par rapport aux écarts salariaux salaires peuvent contribuer à éliminer les écarts difficiles à justifier et jouer un rôle important pour La lutte contre les iniquités salariales n’est aider à équilibrer les salaires des femmes et des pas seulement une question de justice, c’est hommesxvi. Bref, une gestion active de l’égalité également bon pour les affaires. En effet, des salariale pourrait permettre d’atténuer les risques études montrent que les sociétés qui font preuve liés à la discrimination à l’égard des femmes et des membres de minorités raciales ou ethniques, laquelle peut entraîner de coûteuses poursuites, nuire à l’image et à la réputation des sociétés, ainsi qu’à leur capacité de recruter et retenir des employés talentueux.

De plus, les risques juridiques et réglementaires liés aux écarts de rémunération s’accentuent. En janvier 2019, un projet de loi visant à modifier la loi sur l’égalité salariale de 1963 (Paycheck Fairness Act) a été réintroduit au Congrès américain afin d’obliger les employeurs de transparence par rapport à leurs écarts de à prouver que les écarts salariaux sont liés à rémunération, qui les traquent et mettent tout en la performance et non au sexe des salariésxvii. œuvre pour les supprimer favorisent du même Les États de la Californie, du Massachusetts, coup une meilleure représentation des femmes de New York et du Maryland ont durci leur loi à tous les échelons de leur organisationxii + xiii, à ce sujet et exigent des sociétés faisant affaire ce qui leur permet de bénéficier des nombreux avec eux des données sur la rémunération ou la avantages associés à la diversité en emploi. certification qu’elles offrent l’égalité salariale. Des Rappelons que parmi eux, nous retrouvons États tels que le Massachusetts, la Californie, l’apport de perspectives variées, l’augmentation l’Oregon, le Delaware et ont aussi de la productivité et du moral des employés, ainsi interdit aux employeurs de demander à des que l’élimination des limitations de la pensée de employés potentiels des informations sur leurs groupe. Plusieurs études ont aussi établi que précédentes conditions salariales, afin d’éviter la diversité a un effet positif sur la performance de perpétuer des différences de rémunération entre les femmes et les hommesxviii. En Islande,

144 — ENJEUX SOCIAUX— les sociétés ayant au moins 25 salariés à temps De même, il est essentiel qu’ils puissent juger de plein doivent prouver qu’elles paient un salaire la pertinence des politiques qu’elles ont adoptées égal pour un travail égal, sans égard au sexe pour prévenir la discrimination. En combattant les de l’employé, sous peine d’amende. Enfin, au écarts salariaux et en diffusant plus d’informations Royaume-Uni, les entreprises qui comptent à ce sujet, les entreprises mitigeront les risques plus de 250 employés doivent publier et justifier juridiques, financiers et d’atteinte à la réputation chaque année les écarts salariaux entre les liés aux pratiques discriminatoires. Du même sexes. Soulignons que des sociétés américaines coup, elles augmenteront leur capacité à présentes au Royaume-Uni ont révélé leurs attirer et retenir une main-d’œuvre qualifiée écarts bruts dans ce pays en 2018. pour la constitution d’équipes diversifiées et innovatrices, en démontrant que leurs employés Mentionnons par ailleurs que plusieurs sociétés sont rémunérés de façon juste et équitable, sans n’ont pas attendu l’adoption de lois pour rehausser égard à leur sexe, à leur race ou à leur origine leurs normes et améliorer leur transparence par ethnique. rapport aux disparités salariales, isolant ainsi les entreprises récalcitrantes et accroissant les risques pour elles.

Dans ce contexte, nous croyons qu’il est dans l’intérêt des actionnaires que les sociétés fassent preuve de plus de transparence et publient les informations demandées. Sans une divulgation exhaustive, les investisseurs ne peuvent évaluer ni les risques auxquels les entreprises sont exposées ni l’efficacité de leurs efforts. Ils ne peuvent pas davantage mesurer leurs progrès.

— ENJEUX SOCIAUX— 145

DÉSINFORMATION, CONTENUS HAINEUX ET INGÉRENCE POLITIQUE DÉSINFORMATION, CONTENUS HAINEUX ET INGÉRENCE POLITIQUE

Il est demandé au conseil d’administration de rédiger un rapport évaluant ses stratégies et politiques de gouvernance de contenus, notamment dans quelle mesure elles traitent des violations des droits de la personne, des menaces à la démocratie et à la liberté d’expression, ainsi que des risques d’atteinte à la réputation, réglementaires et financiers posés par les controverses sur la gouvernance des contenus.

Ce rapport devrait notamment inclure les éléments suivants :

• le nombre de publications supprimées et de comptes suspendus ;

• les avis de suppression de contenu et de suspension de compte ;

• les appels de la part d’utilisateurs touchés par la modération de contenu ou la suspension de leur compte.

En 2019, Arjuna Capital et les fonds de pension publics de l’État de New York déposeront une proposition à l’assemblée générale annuelle de Facebook demandant d’évaluer la gouvernance des contenus de sa plateforme. Les proposeurs suggèrent que le rapport examine la pertinence de l’évaluation des contenus au regard de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, des rapports du rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et des Principes de Santa Clara. Ces principes, adoptés en mai 2018 par plusieurs organisations prônant la protection des libertés sur Internet, constituent « les premières étapes pour les entreprises engagées dans la modération du contenu en vue de mettre en place une procédure régulière sérieuse et pour mieux garantir que les directives relatives au contenu soient appliquées de manière juste, impartiale, proportionnelle et respectueuse des droits des utilisateursi. »

Depuis 2017, Facebook, Alphabet et Twitter reçoivent des propositions traitant des fausses nouvelles et de la gestion des contenus.

En 2018, la proposition du contrôleur financier de l’État de New York requérant que le conseil d’administration de Twitter révise ses pratiques concernant la propagation de fausses nouvelles a recueilli l’appui de près de 36 % des voix exprimées. La même année, Alphabet recevait une proposition d’Arjuna Capital demandant de revoir ses politiques sur la gestion des contenus, qui a obtenu le soutien de 13 % des votes enregistrés. Enfin, les actionnaires de Facebook ont pu se prononcer sur ces 2 propositions en 2018 et les ont approuvées à hauteur de 10 %. Toutefois, ces résultats peuvent être trompeurs puisqu’il faut se rappeler que Mark Zuckerberg détient près de 60 % des droits de vote de Facebook.

148 — ENJEUX SOCIAUX— ARGUMENTS DES PROPOSEURS 2016 récidivent en 2020 et qu’ils seront à même de s’adapter à n’importe quel moyen qui sera mis en Les controverses autour des fausses nouvelles, de œuvre pour les contrer. la violence sur les réseaux sociaux et de l’immixtion dans les élections attirent rapidement l’attention du Les investisseurs ont jugé la réaction des entreprises public et des investisseurs, pouvant provoquer au insuffisante et craignent que cette relative passivité passage une chute du prix de l’action, comme ce fut entraîne des risques réglementaires, juridiques et le cas pour Facebook à la suite de la révélation du d’atteinte à la réputation qui pourraient nuire à la scandale Cambridge Analytica. Son action a perdu valeur pour les actionnaires. près de 18 % de sa valeur entre le 16 et le 27 mars 2018. Quant aux législateurs, ils envisagent de légiférer pour obliger les sociétés œuvrant sur Internet à Parmi les principaux reproches adressés à Facebook, divulguer davantage d’informations sur les achats de les actionnaires retiennent que les Nations Unies publicités à caractère politique. estiment que le réseau social a contribué à la prolifération de messages haineux au Myanmar (Birmanie) au moment du génocide des Rohingyas. Il est plus que probable que les agents Ils mentionnent également la corrélation observée russes qui ont acheté des publicités entre les commentaires d’extrême droite en Google pour interférer dans l’élection Allemagne et les violences envers les réfugiés, ainsi présidentielle américaine de 2016 que la confirmation que des groupes armés libyens récidivent en 2020. ont utilisé Facebook pour localiser leurs opposants et des armes au marché noir.

Pour eux, les discours de haine ne sont pas tous traités Plus particulièrement, Twitter a été montrée du de manière cohérente et identique. Par exemple, les doigt pour avoir autorisé des publicités à caractère commentaires racistes ou sexistes peuvent passer raciste en septembre 2017. Le mois suivant, des à travers les contrôles, car la définition de Facebook plaintes de harcèlement sexuel ont conduit à un n’est pas des plus strictesii. boycottage. Dans la foulée, les législateurs ont écrit au chef de la direction, Jack Dorsey, pour lui De leur côté, Alphabet et Twitter ont été critiquées faire part de leur préoccupation que la plateforme à la suite de la controverse sur l’ingérence signalée Twitter serve à propager des propos racistes et par la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016 sectaires. Ils ont prévenu qu’en cas d’absence de aux États-Unis et notamment sur la distribution réaction, ils n’auraient d’autre choix que de créer de désinformation ou de fausses nouvelles et de une réglementation plus stricte. Par ailleurs, un discours de haine pouvant menacer des groupes comité parlementaire britannique a accusé Twitter marginalisés et miner la démocratie. Les mêmes de privilégier le profit à la sécurité en continuant à reproches reviennent pour ces deux entreprises : héberger des contenus illégaux. leurs divulgations sont insuffisantes et leurs politiques sur le contenu sont réactives et non proactives. Les investisseurs citent l’exemple de la loi allemande qui prévoit une amende pouvant s’élever à 50 D’après les experts en cybersécurité auprès des millions d’euros (76,2 millions de dollars canadiens) présidents Bush et Obama, Richard Clark et Robert si les plateformes de médias sociaux ne retirent pas Knake, il est plus que probable que les agents les publications avec des contenus illégaux ou des russes qui ont acheté des publicités Google pour discours haineux. interférer dans l’élection présidentielle américaine de

— ENJEUX SOCIAUX— 149 De plus, les annonceurs ont déclenché des alarmes découvert 203 591 sources de fausses informations, au sujet de faux comptes d’utilisateurs. Twitter contre 256 725 provenant de sources crédiblesiii. estime que les comptes envoyant des pourriels représentent moins de 5 % des comptes. Or, un D’après la firme d’investissement Nomura Securities, chercheur de l’Université d’Oxford a déclaré que YouTube, filiale d’Alphabet, a pu perdre jusqu’à ce pourcentage pourrait atteindre 20 %. Sur un 750 millions de dollars de revenus en raison de la échantillon de 7 millions de gazouillis en novembre peur des annonceurs d’être associés à un contenu 2016, des chercheurs de l’Université d’Oxford ont choquantiv.

ARGUMENTS DES locale et des informations sur les perturbations CONSEILS D’ADMINISTRATION d’Internet ainsi que les questions relatives à la propriété intellectuelle. Du reste, Facebook est Les conseils d’administration des entreprises plus transparente sur les publicités et a élevé visées rappellent que celles-ci publient les règles, ses exigences pour les annonces rattachées aux les politiques de confidentialité et les conditions électionsv. d’utilisation employées pour aider leurs utilisateurs à comprendre quel type de partage est autorisé et Globalement, les entreprises visées par ce type quel type de contenu peut être signalé et supprimé. de propositions estiment qu’étant donné les informations divulguées auprès de la commission des Au fil des années, ces normes sont devenues plus valeurs mobilières des États-Unis (SEC) et les efforts transparentes et les politiques ont été appliquées continus pour accroître la transparence, le rapport plus rigoureusement, notamment en ce qui demandé par les actionnaires ne leur apporterait pas concerne ce qu’ils appellent les images intimes non de valeur ni d’informations supplémentaires. consensuelles.

Les conseils détaillent les actions mises en œuvre récemment pour améliorer leurs pratiques, restreindre les conduites et les utilisations indécentes de leurs plateformes.

Dans le cas de Facebook, l’entreprise a mis en place des outils pour prévenir les cas de suicide en se basant sur les publications de certains utilisateurs. Elle a également lancé un blogue pour fournir des détails sur la façon dont elle traite des enjeux complexes tels que le terrorisme, les discours de haine et les publicités politiques provenant de l’étranger. Une adresse courriel recueille aussi tous les signalements concernant ces sujets.

L’entreprise publie en outre un rapport semestriel sur la transparence où figurent les informations sur les demandes de données émanant du gouvernement, les restrictions de contenu fondées sur la législation

150 — ENJEUX SOCIAUX— ANALYSE DU GIR journal La Presse rapporte que Maria Ressa, la fondatrice de Rappler, a découvert que le Est-il nécessaire de rappeler l’influenceprésident Dutertre s’est fait élire en payant des que peuvent exercer les grandes sociétés abonnés qui sont maintenant à son service technologiques que sont Alphabet ou Facebook ? pour intimider et menacer toute opposition. Les Google est le moteur de recherche employé par Philippines constituent un contexte particulier, plus de 90 % des internautesvi. Quant au nombre car un programme local, intitulé Free Basics, d’utilisateurs de Facebook, il s’élève à 2,3 donne accès gratuitement à Internet à condition milliards et est encore en croissance malgré les de passer par Facebook. Par conséquent, 97 % récents scandalesvii. Étant donné la position et des internautes utilisent Facebook. Mme Ressa le pouvoir que détiennent ces entreprises, il est précise que : « Facebook, c’est l’internet aux de leur responsabilité d’encadrer et de maîtriser Philippines » et de nombreux utilisateurs ne voient les contenus de leurs sites, qu’ils proviennent pas la différence entre Internet et Facebook. d’utilisateurs ou d’annonceurs. Jusqu’à récemment, la firme de Menlo Park ne mesurait pas l’ampleur de son impact dans la Le phénomène des fausses nouvelles qui frappe vie réelle. En septembre 2016, Mme Ressa a les sociétés du secteur technologique n’est pas rencontré trois dirigeants de Facebook pour leur récent, si l’on en croit le professeur de journalisme montrer les données qu’elle et son équipe avaient à l’Université du Sussex (Royaume-Uni), Ivor récoltées au sujet de la prolifération de fausses Gaber, qui rappelle que : « La désinformation a nouvelles par des comptes insidieux. En rigolant, toujours existé, et cela depuis qu’on a réalisé elle leur avait dit de se méfier, car les élections l’influence des médias sur l’opinion publique. arrivaient aux États-Unis et que Donald Trump Ce qui est nouveau, et réellement préoccupant, pourrait être élu. Le lendemain de l’élection, les c’est l’ampleur et la vitesse inouïes avec laquelle dirigeants de Facebook ont rappelé Mme Ressa elle se propage grâce aux médias sociaux et à pour revoir son rapportx. des plateformes comme Google ou Facebookviii. » En ce sens, ces entreprises se trouvent dans une En septembre 2017, Facebook a reconnu avoir position inédite en raison de leur portée et de la vendu plus de 3 000 publicités à de faux comptes rapidité à laquelle l’information est partagée. russes à son insu, pour un revenu global de 100 000 dollars américains. Lors de l’audition des D’après une enquête sur la propagation des principaux annonceurs sur Internet (Facebook, fausses nouvelles aux Philippines, menée par Twitter et Alphabet) le 1er novembre 2017 devant Rappler, un réseau de médias sociaux dédié la commission d’enquête de la Chambre des au journalisme d’investigation, un faux compte représentants des États-Unis, la firme dirigée peut être suivi par 3,8 millions de personnesix. par Mark Zuckerberg a montré pour la première Les Philippines ont d’ailleurs été le premier pays fois les publicités élaborées en Russie pour à expérimenter la force de Facebook dès 2016. influencer certains électeurs américains. Comme Katie Harbath, la responsable des politiques le souligne le Washington Post, il est édifiant internationales du réseau social, a même de voir à quel point les influenceurs russes « se reconnu que les Philippines étaient le « patient sont approprié les codes du débat politique zéro » dans l’épidémie de désinformation qui américain et ont su viser les bons publics. » Il allait toucher l’ensemble de la planète. Le ne s’agissait pas seulement de publications

— ENJEUX SOCIAUX— 151 attaquant l’un ou l’autre des candidats, mais Un scénario similaire a vu le jour au Sri Lanka, où également de pages de soutien sur des sujets une fausse nouvelle qui prétendait que la police clivants comme l’immigration, le port d’armes, avait saisi des pilules stérilisantes a provoqué les tensions raciales ou encore la communauté une vague de violence envers la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenrexi. Dès musulmane (minoritaire). Comme le résume l’été 2016, des soupçons ont commencé à le directeur média auprès du président sri- naître concernant l’implication de l’entourage de lankais, Harindra Dassanayake, : « La haine des Donald Trump avec les dirigeants russes, mais musulmans n’a pas été amenée par Facebook aucune preuve n’a pu être apportée. au Sri Lanka. Ce sont nos semences, mais Facebook est le vent qui les transportexv. » Le 27 novembre 2018, Facebook reconnaissait Effectivement, Facebook n’est pas à l’origine des que dès octobre 2014, des ingénieurs ont envoyé conflits ou des divisions entre les populations, des courriels à la direction pour prévenir que des mais le réseau fait office de porte-voix à ceux qui adresses IP russes accédaient quotidiennement savent s’en servir et qui ont un dessein précis à plus de 3 milliards de points de donnéesxii. Une en tête. semaine plus tôt, le New York Times révélait que Facebook avait induit le public en erreur sur ce Paradoxalement, le réseau social qui a divisé les que l’entreprise savait de l’ingérence de la Russie Sri-Lankais au début de 2018 leur a également dans la campagne américaine. Le quotidien permis de s’unir à l’automne de la même année, précisait que les dirigeants ont ensuite fait appel lorsque le président a démis de ses fonctions le à un cabinet de relations publiques pour diffuser premier ministre Ranil Wickremesinghe afin de le des informations négatives sur d’autres sociétés remplacer par l’ancien président Rajapakse, qui a de la Silicon Valley et ainsi détourner la colère tenu le pays avec fermeté entre 2005 et 2015. Les qu’elle avait généréexiii. Quelques jours après la soutiens de M. Rajapakse se sont assurés que la publication de l’article, Facebook a mis fin à son presse valide cette nomination. Devant ce coup contrat avec cette société de relations publiques. d’État camouflé, les citoyens se sont mobilisés grâce aux réseaux sociaux en se moquant de Facebook a également été l’instrument par lequel l’ex-président, ce qui a permis à la Cour suprême un groupe de moines bouddhistes extrémistes de faire front et d’annuler la dissolution de a véhiculé des messages de haine à l’encontre l’assemblée et de réaffecter M. Wickremesinghe. de la minorité musulmane rohingya au Myanmar. Le constat est le même dans tous les pays aux Cette communauté est persécutée depuis les prises avec des scènes de violence déclenchées années 1960, mais c’est entre 2016 et 2017 par les réseaux sociaux : les citoyens ne veulent que la situation s’est aggravée. Le sentiment pas s’en passer, car ces plateformes constituent d’hostilité ainsi propagé a fait plus de 6 000 un rare lieu de liberté d’expression. Les réseaux victimes et près de 700 000 réfugiés. Ces actions sociaux tels que Facebook ne sont que le ont été appuyées par les militaires birmans qui reflet de la société et plus particulièrement de ont créé des centaines de faux comptes ainsi ses utilisateurs. C’est ce qu’a réalisé Mark que des pages de célébrités pour inciter au viol, Zuckerberg, qui a reconnu que : « L’une des au meurtre et à l’exode forcé. La rapporteuse leçons les plus douloureuses que j’ai apprises, spéciale des Nations Unies sur la situation des c’est que lorsque vous connectez 2 milliards de droits de l’Homme au Myanmar, Yanghee Lee, a personnes, vous verrez toute la beauté et toute jugé que Facebook avait joué un rôle déterminant la laideur de l’humanitéxvi. » dans la crise. Fin 2018, Facebook commençait à supprimer des comptes et des pages de D’après un employé de Facebook ayant divulgué propagandexiv. un document interne de 1 400 pages concernant la modération des contenus, les préoccupations

152 — ENJEUX SOCIAUX— sont multiples. Tout d’abord, les lignes directrices soulevé des interrogations auprès d’une grande de modération sont rédigées par des ingénieurs partie des utilisateursxviii. C’est la nouvelle réalité ou des avocats aux États-Unis qui ont une avec laquelle les sociétés Internet doivent connaissance limitée des contextes propres à composer. Amazon devra d’ailleurs faire face à chaque pays. Ces règles sont ensuite envoyées une proposition déposée par les sœurs de St- à des compagnies tierces qui engagent des Joseph de Brentwood et les sœurs de Maryknoll modérateurs dans chaque pays. Ceux-ci sont demandant d’interdire la vente de technologies recrutés dans des centres d’appels et ont en de reconnaissance faciale à des organismes général une compréhension restreinte des publics. règles, car elles sont traduites depuis l’anglais, ce qui peut laisser la place à des erreurs de Tous ces exemples prouvent que les entreprises transposition et, bien sûr, d’interprétation. Il faut du secteur technologique doivent agir en considérer que les modérateurs disposent de 8 adéquation avec leur statut et mettre en œuvre à 10 secondes par message pour déterminer tous les moyens pour contrôler ce qui est publié s’il est susceptible de violer les normes de la sur leur plateforme. Cela passe par garantir communauté Facebook, sachant que les règles la sécurité et le respect des utilisateurs, ainsi changent ou sont mises à jour régulièrementxvii. qu’avoir une meilleure connaissance de l’identité et des objectifs des annonceurs. Tout comme Désormais, Facebook et, par extension, les les institutions financières doivent désormais autres géants d’Internet savent que chacun de questionner les clients auxquels elles accordent leur geste sera analysé. Cela a été le cas de des prêts afin de prévenir le financement du la campagne « 10-year challenge », qui invitait terrorisme et du blanchiment d’argent, les les utilisateurs du réseau social à publier une entreprises offrant des espaces publicitaires sur photo d’eux récente et une datant d’il y a dix Internet devraient s’assurer que les annonceurs ans. Très vite, les observateurs ont compris avec qui elles font affaire ne sont pas mal que ces photos permettraient d’affiner les intentionnés. logiciels de reconnaissance faciale. Même si cette campagne était née d’un utilisateur, elle a Le rapport demandé par les actionnaires fournirait de nombreuses informations et des éléments de contexte à l’ensemble des investisseurs et au Les modérateurs disposent de 8 grand public sur la façon dont ces entreprises font face au mensonge et à la violence qui tentent à 10 secondes par message pour de se répandre sur leurs plateformes. déterminer s’il est susceptible de violer les normes de la Pour ces raisons, le GIR recommande de voter communauté Facebook. pour ce type de proposition.

— ENJEUX SOCIAUX— 153

PRATIQUES DE TRAVAIL INÉQUITABLES PRATIQUES DE TRAVAIL INÉQUITABLES

En 2019, les actionnaires d’au moins deux sociétés américaines devront se prononcer sur une proposition exhortant le conseil d’administration à adopter une politique interdisant à l’entreprise de s’engager dans des pratiques d’emploi inéquitables, soit l’arbitrage obligatoire des revendications liées à l’emploi, les accords de non-concurrence avec les employés, les ententes avec d’autres entreprises pour ne pas recruter d’employés les unes des autres, ainsi que les clauses de non-divulgation involontaires.

En décembre 2018, le contrôleur financier de la ville de New York, Scott M. Stringer, a annoncé le lancement d’une nouvelle initiative actionnariale des fonds de pension publics new-yorkais, qui vise à mettre fin aux pratiques de travail qui « maintiennent les abus dans l’ombre » aux États-Unis et qui « obligent les employés à renoncer à leur capacité de contester la discrimination et le harcèlement illégauxi. » Dans sa mire, nous retrouvons CBS et Alphabet, la maison mère de Google, qui recevront des propositions à ce sujet cette année.

156 — ENJEUX SOCIAUX— ARGUMENTS DES PROPOSEURS expériences, ce qui peut contribuer à dissimuler des schémas de mauvaise conduite et favoriser Les proposeurs affirment qu’au cours des dernières l’épanouissement d’une culture toxique au sein de années, les entreprises ont eu de plus en plus recours l’organisation. à des pratiques de travail inéquitables qui pèsent sur l’économie, entravent la mobilité de la main-d’œuvre Les proposeurs jugent aussi que les clauses de non- et empêchent de découvrir et de mettre fin à des concurrence nuisent à la capacité des travailleurs de comportements et à des actes répréhensibles, y prendre leurs propres décisions en matière d’emploi. compris le harcèlement sexuel. Ils ajoutent qu’il est prouvé qu’elles entravent l’innovation et l’esprit d’entreprise, ce qui cause du Ils précisent que l’arbitrage obligatoire des tort à l’économie en général. revendications liées à l’emploi ne permet pas aux travailleurs d’engager des poursuites pour des actes Enfin, les pactes avec d’autres sociétés pour punissables comme le vol de salaire, la discrimination ne pas recruter d’employés les unes des autres et le harcèlement. Ils soulignent qu’il a en outre été introduiraient des inefficacités sur le marché du montré que l’arbitrage privé favorise les entreprises travail et freineraient l’innovation. et décourage les plaintes. Les proposeurs notent que ces pratiques font Pour ce qui est des accords de non-divulgation l’objet d’un large débat aux États-Unis et que des involontaires, les proposeurs indiquent qu’ils législateurs et organismes de réglementation veulent empêchent les employés de parler en public les interdire ou mieux les encadrer. des violations dont ils ont fait l’objet et de leurs

ARGUMENTS DES CONSEILS D’ADMINISTRATION

Puisque les propositions sont nouvelles et que les assemblées générales annuelles des actionnaires des entreprises visées devraient se tenir plus tard cette année, il est pour l’instant impossible pour le GIR d’accéder aux arguments des conseils d’administration, qui sont habituellement dévoilés dans la circulaire de sollicitation des procurations.

— ENJEUX SOCIAUX— 157 ANALYSE DU GIR L’arbitrage obligatoire

En octobre 2017, le New York Times publiait Les clauses d’arbitrage obligatoire pour les un article qui allait devenir le déclencheur d’un revendications liées à l’emploi, de même que les mouvement mondial de libération de la parole ententes de non-divulgation involontaires, ont été des victimes de harcèlement et d’agressions à particulièrement contestées au cours des derniers caractère sexuel au travail. Dans les jours qui mois, plusieurs jugeant qu’elles ont permis ont suivi la diffusion de l’article, qui contenait de réduire au silence les victimes présumées les témoignages d’actrices qui accusaient le d’atteintes aux droits des travailleurs et de régler producteur hollywoodien Harvey Weinstein de les litiges derrière des portes closes. Les clauses harcèlement sexuel, les campagnes en ligne d’arbitrage forcé empêchent ainsi les employés #balancetonporc et #MeToo (#MoiAussi) ont été de s’adresser aux tribunaux pour des plaintes lancées. L’un des effets collatéraux de cette vague de harcèlement sexuel, de discrimination, de vol d’accusations publiques de violences sexuelles de salaire, de non-respect des lois encadrant les contre des individus en situation d’autorité a été heures supplémentaires, etc. Enfouies dans les d’attirer l’attention sur certaines pratiques qui ont contrats de travail, parfois à l’insu des employés, contribué à dissimuler ces actes illégaux, comme ces dispositions les obligent à passer devant un les clauses de confidentialité que l’on peut arbitre privé, qui est souvent plus favorable à retrouver dans des accords à l’amiable entre les l’employeur qu’aux travailleursii. victimes présumées et l’accusé. Dans une lettre ouverte au New York Times, la C’est dans ce contexte que s’inscrit, sans directrice du projet sur l’application des lois par toutefois s’y limiter, la nouvelle campagne les États et les localités du programme sur le actionnariale du contrôleur financier et des fonds travail et la vie au travail de la faculté de droit de pension publics de la ville de New York. Les de l’Université Harvard, Terri Gerstein, expose pratiques auxquelles ils s’attaquent forceraient les raisons pour lesquelles l’arbitrage forcé est les employés à renoncer à leur capacité de injuste pour les employés : contester le harcèlement sexuel, la discrimination et d’autres actes illégaux, en plus de nuire à la • ces derniers gagnent moins souvent en mobilité de la main-d’œuvre et à l’économie en arbitrage que devant les tribunaux, et général. De façon plus précise, ils demandent aux lorsqu’ils l’emportent, ils reçoivent moins entreprises de mettre fin à l’arbitrage obligatoire d’argent que devant les tribunaux ; des revendications liées à l’emploi, aux accords de non-concurrence avec les employés, aux • l’arbitrage est secret et dissimule au public ententes avec d’autres sociétés pour ne pas les actes répréhensibles ; recruter d’employés les unes des autres, ainsi qu’aux accords de non-divulgation involontaires. • il n’y a pas de droit d’appel ;

158 — ENJEUX SOCIAUX— • les dispositions relatives à l’arbitrage forcé a été introduit au Congrès des États-Unis. Ce interdisent en général les actions collectives ; projet de loi jouit de l’appui des 56 procureurs généraux des États et des territoires américains, • les travailleurs ne consentent pas réellement qui affirment qu’en imposant l’arbitrage pour à l’arbitrage ; ils se voient habituellement les cas de harcèlement sexuel, on perpétue la présenter un contrat avec cette clause, qui culture du silence qui protège les agresseurs est à prendre ou à laisseriii.

Il est à noter que cette pratique est vivement En imposant l’arbitrage pour les dénoncée sur la place publique par des employés de Google, dont la société mère est visée par cas de harcèlement sexuel, on la proposition, qui estiment qu’elle est injuste perpétue la culture du silence et qu’elle les empêche de se battre pour leurs qui protège les agresseurs au droits en cas de discrimination sur les lieux de détriment de leurs victimes. travail. On notera que Google ainsi que plusieurs autres sociétés du secteur des technologies ont aboli cette pratique pour les cas de harcèlement au détriment de leurs victimesvii. De plus, le 30 sexuel, tout en la maintenant pour d’autres octobre 2018, des représentants démocrates litiges relatifs à l’emploi. Comme le souligne la ont déposé un projet de loi encore plus ambitieux professeure Gerstein, en mettant fin à l’arbitrage devant la Chambre des représentants des forcé uniquement pour les cas de harcèlement États-Unis, qui vise à « restaurer la justice pour sexuel, Google, Facebook et les autres sociétés les travailleurs » en interdisant aux entreprises de technologie ont réagi à la pression publique, d’obliger leurs employés à signer des clauses au cycle des actualités du jour. Il n’existe d’arbitrage et d’exercer des représailles contre cependant aucune logique à le conserver intact ceux qui choisissent de ne pas le faire. Si elle était pour les autres cas iv. D’ailleurs, en janvier 2019, adoptée, la nouvelle loi empêcherait également un groupe d’employés, les Googlers for Ending les employeurs de bannir la participation à une Forced Arbitration, a lancé une campagne sur action collective devant la justice. Une version Instagram et Twitter pour convaincre Google et similaire de ce projet de loi a été introduite devant les autres sociétés de la Silicon Valley d’abolir le Sénat par des démocratesviii. les clauses d’arbitrage obligatoire pour tous les litiges liés à l’emploi, un geste qu’il juge nécessaire Les accords de non-divulgation involontaires pour pouvoir remédier en toute transparence aux inégalités dans les lieux de travailv. Depuis l’éclatement de l’affaire Weinstein et le lancement du mouvement #MeToo, les clauses de Enfin, si l’arbitrage forcé est encore légal, confidentialité rattachées à l’arbitrage ou incluses certains législateurs veulent le faire disparaître. dans les accords à l’amiable suscitent de vives Ainsi, les États du Maryland, de New York, du critiquesix. Plusieurs sont en effet d’avis qu’elles Vermont et de Washington ont décidé de limiter la capacité des employeurs de contraindre les employés à recourir à l’arbitrage pour les plaintes Les clauses de confidentialité relatives au harcèlement sexuelvi. Du côté rattachées à l’arbitrage ou incluses fédéral, le contrôleur financier de la ville de New dans les accords à l’amiable [...] York rappelle qu’en décembre 2017, un projet favorisent le plus fort au détriment du de loi bipartisan requérant la fin de l’arbitrage plus faible. obligatoire pour les cas de harcèlement sexuel

— ENJEUX SOCIAUX— 159 pourraient avoir permis à Harvey Weinstein, pour l’amener à accepter de signer un règlement accusé par une cinquantaine de femmes de à l’amiable incluant une telle clausexii. harcèlement ou d’agression à caractère sexuel, de perpétuer pendant des années les actes Encore une fois, cette pratique est dans la mire reprochés. D’après Ariela Gross, professeure de législateurs, qui souhaitent mieux l’encadrer. de droit à l’Université USC, qui est citée par L’Associated Press rapportait, en août 2018, l’AFP, ces clauses ont « joué un très grand rôle que 16 États ont déposé des projets de loi en puisqu’on voit qu’il y a eu de nombreux accords 2018 afin de restreindre son utilisation par des amiables dans lesquels des femmes auraient pu employeurs privés dans les cas de harcèlement porter plainte pour harcèlement sexuel ou parler publiquementx. »

Il est vrai que, dans certains cas, ces clauses À la base du harcèlement peuvent être légitimes, par exemple pour sexuel ou de tout autre abus empêcher des employés de dévoiler des dans les milieux de travail, nous secrets industriels s’ils quittent l’entreprise. Il est retrouvons l’abus de pouvoir. également possible qu’une victime veuille éviter que sa vie privée et les violences dont elle a fait l’objet se retrouvent en première page des sexuelxiii. Des lois ont finalement été adoptées journaux. par l’Arizona, la Californie, le Maryland, New York, le Tennessee, le Vermont et Washingtonxiv. Néanmoins, il est en général admis que ces Par exemple, dans l’État de New York, les clauses favorisent le plus fort au détriment du règlements reliés au harcèlement sexuel ne plus faible, et que dans des cas de harcèlement peuvent plus inclure de clauses de confidentialité ou d’agression à caractère sexuel, elles ont à moins que le plaignant le veuille. Au Vermont, littéralement bâillonné des victimes et permis à les employeurs ne peuvent plus exiger des l’agresseur de préserver sa réputation. Après employés, comme une condition d’emploi, tout, comme le rappelle la professeure Gerstein qu’ils signent des accords qui les empêchent dans son texte sur l’arbitrage forcé, à la base de divulguer ou de signaler du harcèlement du harcèlement sexuel ou de tout autre abus sexuel ; la nouvelle loi ne prohibe toutefois pas dans les milieux de travail, nous retrouvons les accords volontaires de non-divulgation dans l’abus de pouvoirxi. Ainsi, pour obtenir un les règlements. Mentionnons aussi qu’en juillet dédommagement financier et éviter d’affronter 2018, un projet de loi bipartisan a été déposé un supérieur hiérarchique, souvent plus riche devant la Chambre des représentants des États- et plus puissant, ainsi que sa horde d’avocats, Unis afin d’interdire aux employeurs d’imposer au risque de tout perdre, bien des victimes aux travailleurs la signature d’accords de non- vont préférer signer un accord à l’amiable divulgation relatifs au harcèlement sexuel. Si la comprenant des clauses de confidentialité. Dans loi était adoptée, elle les obligerait en outre à ce cas, il faut bien admettre que l’acceptation révéler chaque année le nombre de plaintes de « volontaire » de ces clauses est toute relative. harcèlement réglées et le montant versé. De Si nous revenons à l’affaire Weinstein, l’AFP a plus, les accords volontaires que les travailleurs d’ailleurs rapporté que l’une des accusatrices du signent dans le cadre d’un règlement juridique producteur déchu, Zelda Perkins, a pris le risque seraient permisxv. Notons enfin qu’au Royaume- de briser son accord de confidentialité et déclaré Uni, ces clauses de confidentialité sont également au Financial Times qu’elle avait subi de grandes sous surveillance et le gouvernement pourrait les pressions psychologiques et des nuits à se faire interdire dans les cas de harcèlement sexuelxvi. interroger par « l’armée » d’avocats de Weinstein

160 — ENJEUX SOCIAUX— Les clauses de non-concurrence dans constate aux États-Unis que ces clauses sont les contrats de travail de plus en plus utilisées dans les contrats d’employés débutants, à bas salaire ou ayant peu Les clauses de non-concurrence dans les accès aux informations sensibles de l’entreprise. contrats de travail figurent également parmi les Certains employeurs n’hésitent plus à les insérer pratiques qui peuvent être considérées comme dans les contrats de travail de réceptionnistes, inéquitables pour les travailleurs. Comme le de membres du personnel d’entretien ou souligne le contrôleur financier de la ville de New d’employés ayant pour tâche d’assembler des York, elles limitent la mobilité de la main-d’œuvre sandwiches, même s’il est improbable qu’ils et peuvent empêcher des employés de quitter un puissent menacer leurs intérêts légitimes s’ils milieu de travail hostile. quittent leur emploi… The Economist rapportait en mai 2018 qu’environ 15 % des employés Eve I. Klein et Katelynn M. Gray expliquent, américains sans diplôme universitaire et une dans le New York Law Journal, que la raison proportion similaire de ceux gagnant moins de d’être de ces clauses est d’abord de défendre 40 000 dollars par an sont liés par des clauses de les intérêts légitimes de l’employeur, par non-concurrencexviii. exemple en empêchant la divulgation de The Economist s’est intéressé à ces clauses et à leur prolifération dans les contrats de travail des xix Les clauses de non-concurrence Américains . Il a constaté que certains arguments dans les contrats de travail limitent des défenseurs de ces clauses sont bien étayés, la mobilité de la main-d’œuvre et comme le fait qu’elles peuvent encourager peuvent empêcher des employés de l’innovation en empêchant des sociétés rivales quitter un milieu de travail hostile. de s’approprier des secrets commerciaux et inciter les employeurs à investir dans la formation en rendant moins probable le départ d’employés nouvellement qualifiés, qui pourraient permettre à des concurrents de profiter de ce qu’ils ont secrets commerciaux, de listes de clients et appris. Toutefois, évalue le magazine, les contre- d’informations confidentielles, en protégeant la arguments sont plus forts. Ainsi, selon une étude propriété intellectuelle et en prévenant la perte au Michigan, la mobilité des travailleurs chuterait d’employés hautement qualifiés et spécialisésxvii. de 8 % quand ces clauses sont autorisées, avec En fonction des lois, différentes conditions comme corollaire une limitation de leur capacité à devront être respectées pour que ces clauses réclamer des salaires plus élevés. The Economist soient jugées valides. Ainsi, dans l’État de souligne que les personnes obtiendraient leurs New York, la durée et l’étendue territoriale plus importantes hausses de rémunération de la restriction doivent être raisonnables, les lorsqu’elles changent d’employeur. Ces clauses doivent être nécessaires à la protection clauses nuiraient aussi aux sociétés qui tentent des intérêts légitimes de l’employeur et elles ne d’entrer dans des industries à forte intensité de doivent pas imposer de contraintes excessives à connaissances, freinant ainsi l’entrepreneuriat. l’employé. Par ailleurs, les opposants à ces clauses notent Traditionnellement, ces clauses se retrouvaient qu’elles se retrouvent parfois dans les contrats dans les contrats de travailleurs expérimentés, de travail à l’insu de l’employé. Ajoutons que d’employés pouvant avoir accès à des secrets même si plusieurs critères doivent être respectés commerciaux ou qui ont pu développer une pour qu’une clause de non-concurrence soit relation personnelle avec les clients. Or, on considérée comme valide, peu de travailleurs à

— ENJEUX SOCIAUX— 161 faible revenu auront les ressources nécessaires brimant potentiellement les travailleurs qui n’ont pour lutter contre les équipes d’avocats que peut pas conscience de leurs droitsxxi. Enfin, au fédéral, s’offrir l’entreprise. Encore une fois, l’employeur des sénateurs démocrates ont déposé un projet jouit du déséquilibre des forces en présence, de de loi en avril 2018 afin d’interdire les clauses de l’avantage du plus puissant, comme dans le cas non-concurrence. des clauses de non-divulgation. Les ententes de non-concurrence entre En réaction à cette sur-utilisation des clauses les entreprises concernant la main- de non-concurrence, en particulier auprès d’œuvre d’employés à faible revenu, comme dans le secteur de la restauration rapide, des législateurs Le contrôleur financier de la ville de New York fédéraux, étatiques et locaux ont commencé à et les fonds de pension publics new-yorkais ne proposer des lois et règlements afin d’empêcher sont pas les seuls à s’intéresser et à critiquer les une application trop large de ces clauses. Eve accords entre sociétés concurrentes pour ne pas I. Klein et Katelynn M. Gray donnent quelques recruter d’employés les unes des autres. Cette exemples de projets de loi ou de réglementation pratique est aussi dans la mire de travailleurs, de à l’étude ou de lois adoptées par des États. gouvernements et de législateurs. Ainsi, le code administratif de la ville de New York pourrait être modifié pour interdire ces En général, les entreprises qui ont recours à de clauses pour les employés gagnant moins de tels accords veulent retenir les talents et protéger 75 000 dollars par année. En Illinois, les accords les investissements qu’elles ont faits dans leur de non-concurrence avec des travailleurs à faible personnel, comme la formation. Toutefois, revenu sont considérés comme illégaux et non comme l’explique le New Jersey Law Journal, valides, et ils sont défendus pour certaines sous- certains perçoivent ces accords comme une catégories d’employés, comme les animateurs. nuisance pour l’économie, car ils limitent les Les lois du Massachusetts les prohibent dans le possibilités d’emploi et le potentiel de gains pour les travailleurs à faible rémunération. Ils soulèvent en outre des préoccupations en ce qui concerne Les accords entre sociétés les lois antitrust, la loi Sherman interdisant aux concurrentes pour ne pas recruter entités de conclure des ententes qui restreignent d’employés les unes des autres indûment le commercexxii. limitent les possibilités d’emploi et le potentiel de gains pour les Par conséquent, les employeurs qui ont recours travailleurs à faible rémunération. à de telles ententes s’exposent au risque de faire l’objet d’enquêtes et de poursuites. En octobre 2018, le cabinet d’avocats Skadden a d’ailleurs cas des travailleurs sociaux, des médecins, des présenté les récents efforts de différents États et infirmières, des psychologues et des animateurs. du gouvernement fédéral américain pour mettre Cet État exige aussi que les employeurs fin à ces accords en raison de leurs impacts rémunèrent leurs anciens employés liés par un potentiels sur l’économiexxiii. Le procureur général accord de non-concurrence durant la période où de l’État de Washington, Bob Ferguson, semble ils ne peuvent pas travaillerxx. De plus, selon Matt avoir été particulièrement actif sur ce front. En Marx, professeur associé à l’école de commerce janvier 2018, son bureau a commencé à enquêter de l’Université de Boston, les États de la Californie, sur l’utilisation de ces ententes par des chaînes du Dakota du Nord et de l’Oklahoma n’appliquent de restauration rapide basées sur des franchises. pas les clauses de non-concurrence, mais celles- La stagnation des salaires dans cette industrie ci continuent d’apparaître dans des contrats, serait à l’origine de l’investigation. En date du 15

162 — ENJEUX SOCIAUX— octobre 2018, il avait déjà réussi à conclure des brimer leurs droits, ainsi que contribuer à accords avec 30 chaînes nationales pour qu’elles maintenir dans l’ombre des violations graves suppriment les clauses de non-concurrence de des droits des travailleurs. Pour les entreprises leurs contrats de franchise aux États-Unis. Des qui les utilisent, il existe des risques financiers, poursuites ont été engagées contre les chaînes juridiques, réglementaires et d’atteinte à récalcitrantes. Le 9 juillet 2018, une coalition de la réputation qui peuvent nuire à la valeur procureurs généraux des États de New York, actionnariale. Ajoutons que dans le cas des de la Californie, de l’Illinois, du Massachusetts, clauses d’arbitrage obligatoire, des entreprises du Maryland, du Minnesota, du New Jersey, de comme Google pourraient avoir de la difficulté l’Oregon, de la Pennsylvanie et du Rhode Island, à justifier leur élimination uniquement pour les ainsi que du District de Columbia, ont à leur tour cas de harcèlement sexuel et leur maintien pour décidé de se pencher sur ces accords dans trancher les autres litiges liés à l’emploi, comme l’industrie de la restauration rapide. Toujours le harcèlement, l’intimidation, la discrimination à l’avant-garde, le bureau de M. Ferguson a ou les agressions reliés à la race ou l’origine annoncé en juillet 2018 que son enquête allait ethnique, qui constituent autant d’atteintes à la désormais s’étendre à plusieurs autres secteurs. dignité humaine.

Du côté du gouvernement fédéral, des efforts Il serait dans l’intérêt des investisseurs et des sont aussi déployés pour éliminer les accords entreprises que ces dernières réévaluent leur de non-concurrence, car on estime que certains recours à des pratiques largement dénoncées sont illégaux en vertu des lois antitrust. En avril dans la société américaine et qui attirent un 2018, le ministère de la Justice a ainsi annoncé intérêt grandissant de la part de législateurs qui qu’il avait lancé des enquêtes et des poursuites veulent les interdire ou mieux les circonscrire, à ce sujet et qu’il avait déjà conclu des accords à en vue d’éviter des abus, comme cela semble l’amiable avec des sociétés ferroviairesxxiv. être le cas par exemple des accords de non- concurrence dans les contrats d’employés à Il est à noter que d’anciens employés ont faible rémunération ou des accords de non- aussi engagé des poursuites contre des divulgation lorsqu’ils sont imposés et n’ont pas entreprises impliquées dans des accords de pour dessein de protéger des secrets industriels, non-concurrence. Par exemple, en 2015, Apple, mais plutôt de bâillonner un employé qui allègue Google, Intel et Adobe ont accepté de verser que ses droits ont été bafoués et de préserver 415 millions de dollars américains pour mettre l’image de l’accusé ainsi que de l’entreprise un terme à une action collective intentée par où il occupe un poste haut placé. Les sociétés des ingénieurs. Ces derniers soutenaient que les devraient ainsi se montrer proactives et agir ententes conclues entre ces entreprises limitaient avant que des lois, des règlements ou la pression leur capacité à progresser dans le secteur et populaire alimentée par les plaintes de leurs étouffaient leurs tentatives d’obtenir des salaires employés ne les y contraignent. plus élevés, a rapporté le site Internet cnet. comxxv. Pour toutes ces raisons, le GIR recommande de voter pour ce type de propositions. Gestion de risques et responsabilité sociale

En résumé, nous pouvons constater que les pratiques ciblées par les proposeurs sont en général défavorables aux employés et peuvent

— ENJEUX SOCIAUX— 163

CRISE DES OPIOÏDES CRISE DES OPIOÏDES

Des investisseurs demandent au conseil d’administration de faire rapport aux actionnaires sur les mesures de gouvernance prises pour surveiller et gérer plus efficacement les risques financiers et d’atteinte à la réputation liés à la crise des opioïdes aux États-Unis.

En 2018, des votes ont eu lieu à AmerisourceBergen (proposition déposée par les sœurs de St-Francis de Philadelphie), Rite Aid (proposition du UAW Retiree Medical Benefits Trust) et Depomed, maintenant appelée Assertio Therapeutics (proposition de Calvert Research & Management). Ils ont recueilli l’appui respectivement de 41 %, 57 % et 62 % des voix. Depuis, la fondation Rite Aid a lancé une initiative sur la sécurité des médicaments sur ordonnance destinée à certaines écoles de Pennsylvanie, mais rien n’a été annoncé concernant l’entreprise directement. Assertio n’a pas davantage communiqué de modifications à la suite de l’approbation de la proposition par plus de la majorité des actionnaires. Par conséquent, ces deux entreprises devront être surveillées à l’approche de leur prochaine assemblée générale annuelle.

Par ailleurs, comme nous l’écrivions dans la Note du 16 novembre 2018, la coalition de 53 investisseurs institutionnels nommée Investors for Opioid Accountability (IOA) a annoncé son intention de viser en 2019 d’autres pharmacies de détail comme Walgreens Boots Alliance et CVS. Rite Aid a été la première chaîne de pharmacies concernée par une telle proposition. Jusqu’alors, seuls les fabricants, comme Assertio, et les distributeurs d’opioïdes, comme AmerisourceBergen, étaient visés par ce type de propositions. Par ailleurs, les membres de l’IOA ont obtenu en 2018 de la société pharmaceutique Endo International PLC qu’elle produise un rapport sur les risques liés aux opioïdes, qu’elle élargisse la portée de sa politique de récupération de la rémunération et qu’elle améliore la communication d’informations sur ses activités de lobbyingi.

Les propositions dont il est ici question concernent les opioïdes de prescription et les opioïdes de synthèse fabriqués légalement, comme le fentanyl ou le tramadol. Aujourd’hui, la majorité des décès sont dus au fentanyl, qui est 50 fois plus fort que l’héroïne. Cette substance est aussi plus facile à produire et moins chère.

Outre Walgreens et CVC, AmerisourceBergen, Mallinckrodt, Mylan Laboratories et Teva Phamaceuticals seront visées en 2019 par une proposition portant sur l’enjeu des opioïdes. Dans le cas de Walgreens, dont l’assemblée annuelle s’est tenue le 25 janvier 2019, la proposition a été adoptée par une majorité d’actionnaires, ce qui traduit bien l’inquiétude de ces derniers par rapport à cet enjeuii.

Au Canada, aucune entreprise ne fait l’objet de ce genre de proposition, bien que l’on recense déjà plus de 9 000 morts depuis que l’Agence de la santé publique du Canada a commencé à comptabiliser ces décès en 2016iii.

166 — ENJEUX SOCIAUX— ARGUMENTS DES PROPOSEURS ville de Miami et la nation cherokee pour distribution inappropriée d’opioïdes. Walgreens est d’autant Les proposeurs rappellent qu’il s’agit d’une crise plus concernée par l’enjeu des opioïdes, car elle de santé publique et évoquent le nombre de morts détient 26 % d’AmerisourceBergen, qui fait elle- attribuables aux opioïdes aux États-Unis. Le coût même face à de nombreuses poursuites, étant un économique avoisinerait les 1 000 milliards de dollars des principaux distributeurs d’opioïdes. américains. Une analyse réalisée par Goldman Sachs confirme Les investisseurs sont préoccupés par les risques que la crise des opioïdes touche la main-d’œuvre en engendrés par une mauvaise supervision du réduisant son bassin de population et en abaissant commerce des opioïdes, car récemment, ces sa productivité, en plus d’augmenter les coûts de pratiques commerciales ont commencé à faire l’objet soins de santé et de justice. d’enquêtes gouvernementales plus rigoureuses. C’est le cas de Rite Aid, qui a été ciblée par la Pour les proposeurs, les réformes de gouvernance police antidrogue américaine (Drug Enforcement mises en place par le conseil d’administration jouent Administration) pour distribution irresponsable de un rôle important dans la gestion des risques liés aux substances contrôlées. opioïdes. De plus, la publication du rapport demandé permettrait aux actionnaires de mieux comprendre Parallèlement, ces entreprises sont visées par des les mécanismes en jeu. poursuites émanant de municipalités et de comtés. Le 18 mars 2019, le premier procès contre des Enfin, les proposeurs s’interrogent sur les moyens fabricants et des distributeurs d’opioïdes devrait mis en œuvre pour gérer le risque financier et s’ouvrir. Parmi les accusés, on retrouve les fabricants d’exploitation, car les documents des entreprises d’opioïdes LP, Johnson & Johnson, ne permettent pas de déterminer quel comité a Teva Pharmaceutical Industries Limited et Endo la responsabilité de surveiller les risques liés aux International PLC, ainsi que les distributeurs de opioïdes. médicaments AmerisourceBergen, Cardinal Health et McKesson, qui ont tous nié avoir commis un acte répréhensible. Notons que ces trois derniers sont les plus gros grossistes en médicaments d’ordonnance aux États-Unis. Ils sont accusés d’avoir commercialisé de manière trompeuse des opioïdes et d’avoir ignoré les signaux d’alerte indiquant que les analgésiques étaient détournés pour des usages inappropriésiv.

Les proposeurs soulignent par ailleurs que Walgreens, qui est la deuxième plus grande chaîne de pharmacies aux États-Unis derrière CVS Health, a payé en 2013 une amende record de 80 millions de dollars américains pour mettre fin à une enquête de la police antidrogue américaine sur des allégations selon lesquelles elle aurait permis à des millions de substances contrôlées, y compris l’, un analgésique très addictif, d’atteindre le marché noir. Walgreens est également poursuivie par les États de l’Ohio, du Delaware, du Kentucky, par la

— ENJEUX SOCIAUX— 167 ARGUMENTS DES risques auxquels la société est exposée. CONSEILS D’ADMINISTRATION Les conseils affirment que les entreprises De manière générale, les conseils d’administration maintiennent un dialogue constructif avec leurs considèrent que la proposition n’est pas nécessaire parties prenantes, notamment par l’intermédiaire de et n’apporte pas de valeur aux actionnaires. l’administrateur principal indépendant.

Cela dit, ils reconnaissent les effets de la crise, mais Enfin, ils énoncent plusieurs stratégies ou actions estiment que leurs chartes et leurs divulgations entreprises pour faire face à cette crise, parmi décrivent adéquatement leur approche vis-à-vis de lesquelles : cet enjeu. • s’assurer que les patients reçoivent des conseils Ils rappellent qu’ils surveillent cinq types de risque : efficaces sur l’utilisation et la manipulation opérationnel, performance financière, information correctes des opioïdes ; financière, juridique et réglementaire, stratégie et réputation. Aussi, ils croient que le code d’éthique • soutenir les directives des centres de contrôle et de conduite des affaires outille efficacement les et de prévention des maladies des États-Unis dirigeants pour réduire ces risques et se plier aux (CDC) en matière de prescription d’opioïdes, lois. notamment en limitant les ordonnances ;

Ils avancent également que les plans de prévention • éduquer et former de façon continue les et d’intervention sont revus annuellement. Le pharmaciens sur les risques, les abus et les conseil reçoit des mises à jour régulières de la surdosages ; part des services de conformité et d’assurance concernant l’efficacité des programmes de gestion • participer aux programmes de surveillance des des risques. Ils ajoutent que chaque comité a le médicaments d’ordonnance ; et devoir de rendre compte régulièrement des risques qui lui apparaissent pertinents. Plus généralement, • fournir des ressources sur l’élimination des c’est le comité de vérification qui a la responsabilité médicaments et soutenir des initiatives explicite de surveiller la gestion des risques et reçoit encourageant les patients à retourner leurs fréquemment des rapports de la direction sur les médicaments non utilisés.

168 — ENJEUX SOCIAUX— ANALYSE DU GIR

Le 24 octobre 2018, le président des États-Unis, Donald Trump, signait une loi sur les opioïdes. Un an plus tôt, la crise des opioïdes était déclarée urgence de santé publique en vertu de la loi fédérale. Bien que les experts estiment que la nouvelle loi est insuffisante, elle injecte 500 millions de dollars annuellement pour affronter cette crise et donne de la flexibilité aux États pour utiliser ces fonds.

État de la situation aux États-Unis

Les opioïdes ont été responsables de la mort de près de 49 000 personnes aux États-Unis pour la seule année 2017v. D’après les CDC, 400 000 Américains sont morts d’une surdose impliquant un opioïde entre 1999 et 2017, ce qui excède le nombre de victimes d’accidents de la route ou par armes à feu VI + VII.

En analysant les décès mettant en cause des opioïdes, les CDC distinguent trois vagues séparées :

• Années 1990 : hausse des morts impliquant les opioïdes de prescription • Depuis 2010 : forte augmentation des cas de décès liés à l’héroïne, un opioïde • Depuis 2013 : hausse des morts attribuables aux opioïdes de synthèse, en particulier du fentanyl fabriqué illicitement

En outre, un autre phénomène se démarque, soit l’augmentation du nombre de nourrissons nés avec une dépendance à ces médicaments. Une étude menée auprès de toutes les maternités aux États-Unis indique que le nombre de femmes enceintes ayant une dépendance aux opioïdes a quadruplé entre 1999 et 2014viii.

Comme l’a souligné Brett Giroir, secrétaire bas prix et très puissants, ainsi que le rôle de adjoint à la santé et conseiller principal pour la l’État et de la sociétéix. politique en matière d’opioïdes au ministère de la Santé et des Services sociaux des États- De leur côté, les entreprises du secteur Unis, la crise est le résultat de l’accumulation de tentent de prouver que le lien entre la crise et facteurs sur plusieurs années, parmi lesquels : leur responsabilité n’est pas si évident qu’il la surprescription et la prescription inappropriée y paraît. Toutefois, on compte déjà plusieurs d’analgésiques opioïdes aux patients, la ententes ayant abouti à des amendes. Certaines disponibilité et l’importation de médicaments à sociétés reconnaissent d’ailleurs les risques juridiques et réglementaires associés à la crise.

— ENJEUX SOCIAUX— 169 Opana afin de limiter son exposition juridique. Dans tous les cas, ces entreprises espèrent que La crise est le résultat de ces gestes permettront d’éviter un règlement l’accumulation de facteurs à l’échelle de l’industrie comme cela a pu être sur plusieurs années, parmi le cas avec le tabac à la fin des années 1990, lesquels : la surprescription et où toutes les compagnies se sont engagées à la prescription inappropriée verser collectivement 206 milliards de dollars sur d’analgésiques opioïdes aux 25 ansx. patients, la disponibilité et l’importation de médicaments à bas prix et très puissants, ainsi Ces entreprises espèrent que que le rôle de l’État et de la ces gestes permettront d’éviter société. un règlement à l’échelle de l’industrie comme cela a pu être le cas avec le tabac à la fin des années 1990, où toutes les Dans son rapport annuel, Assertio admet ainsi compagnies se sont engagées que : « les modifications apportées aux lois à verser collectivement 206 et réglementations applicables à l’industrie milliards de dollars sur 25 ans. pharmaceutique, y compris le marché des opioïdes, pourraient avoir une incidence défavorable sur nos activités, notre situation financière et notre résultat d’exploitation. » Pas moins de 30 États américains et plus de 1 400 villes allèguent que les distributeurs d’opioïdes, Jusqu’à présent, les entreprises visées semblent incluant les pharmacies, n’ont pas signalé les tenir un double discours. Elles font preuve de commandes suspectes, ce qui a entraîné la bonne foi en offrant des solutions pour tenter vente de médicaments à des fins illégitimes et d’enrayer la crise, tout en rejetant la part de non médicalesxi. Les sociétés pharmaceutiques responsabilité dans la crise qui leur est imputée sont aussi montrées du doigt, car elles auraient dans différentes poursuites. encouragé les médecins à prescrire plus de médicaments que nécessaire, entraînant ainsi Cela n’a pas empêché certaines entreprises une dépendance chez les patients et facilitant du secteur de conclure des ententes avec les par le fait même la vente de ces opioïdes dans administrations locales. On peut citer les exemples la rue. de Cardinal Health, qui a donné au moins 3 millions de dollars à environ 70 organisations, Des chercheurs de la Harvard Business School tandis que McKesson a créé un organisme à qui ont étudié les actions en justice contre but non lucratif dédié à la lutte contre la crise des entreprises ouvertes pendant 20 ans ont de l’abus d’opioïdes, avec une dotation de 100 découvert que la publicité ciblée localement avait millions de dollars. Purdue Pharma, le fabricant augmenté de 23 % après le dépôt de poursuites de l’OxyContin, a offert des doses gratuites d’un dans la région, accroissant ainsi la probabilité traitement pour l’abus d’opioïdes, souhaitant d’une issue favorable pour ces sociétés. ainsi aider à résoudre plus de 1 000 poursuites judiciaires l’accusant d’alimenter la crise. De Les indemnités recherchées par les plaignants son côté, Endo International tente également serviront à recouvrir une partie de la hausse des de trouver une entente pour mettre fin à toutes coûts engendrés par les soins à donner aux les poursuites engagées contre son analgésique victimes de l’abus d’opioïdes.

170 — ENJEUX SOCIAUX— Le rapport demandé par les proposeurs aurait le devrait permettre de mieux contrôler l’ensemble mérite d’informer les actionnaires des mesures de la chaîne. Cette mesure serait notamment prises pour encadrer leurs pratiques et enrayer caractérisée par la prise en compte d’indicateurs les vagues de décès dus à la surconsommation liés à la crise des opioïdes dans la rémunération de leurs médicaments. Il est important que des dirigeants. les changements s’effectuent en haut de la hiérarchie, car l’inaction des directions et des Pour ces raisons, le GIR recommande donc de conseils d’administration semble avoir joué un voter pour ce type de proposition. rôle dans la crise actuelle. Comme il s’agit d’une approche descendante, la supervision du conseil

— ENJEUX SOCIAUX— 171

SUIVI D’AUTRES ENJEUX SOCIAUX SUIVI D’AUTRES ENJEUX SOCIAUX

Accès aux médicaments aux États-Unis sur Twitter que dans la pratique. Par exemple, en mai 2018, il a annoncé un plan d’action moins ambitieux L’accès aux médicaments d’ordonnance demeure que ce qu’il évoquait durant sa campagne électorale. un enjeu crucial aux États-Unis. Leurs prix y sont Il a ainsi évité d’y inclure la possibilité de permettre plus élevés qu’ailleurs et continuent de croître à des au programme Medicare de négocier directement taux bien supérieurs à l’inflation. Lors des premiers avec les sociétés pharmaceutiques, une mesure que jours de janvier 2019, les prix de plusieurs centaines plusieurs considèrent pourtant comme essentielle de médicaments ont ainsi été majorés de 6,7 % en pour parvenir à obtenir des prix concurrentielsiv. Puis, moyenne, selon Elsevieri. Fait significatif, les sociétés à la mi-octobre, il a dévoilé un plan où l’on retrouve, pharmaceutiques auraient fait preuve de plus de parmi les différentes pistes envisagées, l’affichage retenue cette année, espérant peut-être échapper du prix de catalogue des médicaments dans les à la vindicte présidentielle. Peine perdue, Donald publicités et l’alignement des prix sur une moyenne Trump les a tancées sur Twitter, le 5 janvierii. Il les a de 14 pays, principalement européens, pour les accusées de ne pas respecter leurs engagements personnes couvertes par Medicare. Le journal Les sur les prix, ajoutant que « Ce n’est pas juste vis-à- Échos a rapporté que l’association commerciale vis des consommateurs ou de notre pays ! » des sociétés pharmaceutiques aux États-Unis, Pharmaceutical Research and Manufacturers of Pour les investisseurs responsables qui détiennent America (PhRMA), s’est vivement opposée à cette des actions de ces entreprises, la situation est dernière mesure en dénonçant le système européen. inquiétante, tant sur le plan humain, les conséquences D’après son président, « La négociation des prix des prix exorbitants des médicaments pouvant être avec les agences gouvernementales conduit à désastreuses pour les patients, que sur le plan retarder l’accès aux traitements innovants pour les financier. Comme nous l’avons montré dans les patientsv. » éditions précédentes du rapport des enjeux du GIR, les prix élevés des médicaments et les hausses de Doutant de l’efficacité de l’approche de prix importantes et non justifiées peuvent exposer l’administration Trump dans ce dossier, le sénateur les sociétés pharmaceutiques à des risques indépendant Bernie Sanders (nouvellement candidat législatifs, réglementaires, financiers et d’atteinte à la à l’investiture démocrate) et le représentant réputation qui peuvent nuire à la valeur actionnariale. démocrate Elijah Cummings ont déposé trois projets Or, ces risques ne se sont pas dissipés au cours de de loi pour réduire le prix des médicaments devant le l’année 2018, bien au contraire. Congrès américain en janvier 2019vi. Il faut rappeler que les élections de mi-mandat ont changé la donne Si les hausses vertigineuses du prix de certains au Congrès, la balance du pouvoir à la Chambre des médicaments ont retenu l’attention des médias représentants reposant désormais entre les mains et alimenté les critiques envers l’ensemble de des démocrates. Cela devrait encore accroître la l’industrie — la décision de Bayer de gonfler de plus pression sur les sociétés pharmaceutiques, en plus de 1 000 dollars par mois le prix de 2 produits contre d’accentuer le risque de l’adoption de mesures plus le cancer déjà fort coûteux aura fait couler beaucoup contraignantes. L’un des nouveaux projets de loi d’encreiii —, il a aussi été question des mesures à prévoit d’ailleurs d’autoriser Medicare à négocier les adopter pour réduire les prix. Il faut toutefois noter prix. On se souviendra qu’une majorité d’Américains que le président Trump semble plus agressif à l’égard appuient cette mesurevii et estiment que la réduction des sociétés pharmaceutiques dans ses messages des prix des médicaments devrait être une priorité

174 — ENJEUX SOCIAUX— pour la Maison-Blanche et le Congrèsviii. Alors que médicaments existants et fixé des prix de lancement tous se préparent pour les prochaines élections plus élevés pour les nouveaux médicaments, tout présidentielles, les candidats auront assurément en réalisant des profits exceptionnels. » L’objectif de avantage à écouter la voix d’une majorité d’électeurs. l’enquête sera de déterminer pourquoi les entreprises À tout le moins, de nombreux débats publics haussent les prix de manière si spectaculaire, porteront sur cet enjeu. comment elles utilisent les sommes recueillies et quelles mesures peuvent être prises pour réduire les D’autre part, on constate que les risques juridiques prixxi. reliés aux hausses de médicaments se concrétisent. À titre d’illustration, en octobre 2018, la procureure générale de l’État du Minnesota a déposé une plainte au New Jersey contre Sanofi, Novo Nordisk « Pendant des années, les sociétés et Eli Lilly pour une augmentation jugée abusive pharmaceutiques ont augmenté des prix de l’insuline, tandis que les États de de façon agressive les prix des Washington et du Nouveau-Mexique poursuivent médicaments existants et fixé des des enquêtes à ce sujetix. De plus, le 15 février 2019, prix de lancement plus élevés pour un juge fédéral a autorisé une action collective liée les nouveaux médicaments, tout en la flambée des prix de l’insuline, qui a été intentée réalisant des profits exceptionnels. » par 67 personnes diabétiques au New Jersey. Ainsi, Sanofi, Novo Nordisk et Eli Lilly devront répondre à Elijah Cummings, président du comité de surveillance de la Chambre des accusations selon lesquelles elles ont escroqué des représentants des États-Unis, 2019

Sanofi, Novo Nordisk et Eli Lilly Dans ce contexte, on comprendra que les devront répondre à des accusations investisseurs responsables vont poursuivre leurs selon lesquelles elles ont escroqué démarches pour que les sociétés pharmaceutiques des patients diabétiques en leur rendent les médicaments essentiels plus accessibles proposant des prix trompeurs pour et abordables. Préoccupés par les répercussions des médicaments d’une importance des hausses perpétuelles des prix des médicaments vitale. Ces prix auraient bondi de sur les patients, mais également sur la valeur à plus de 150 % en 5 ans. long terme de leurs placements, des membres de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR) ont soumis une proposition à ce sujet à Abbvie, Amgen, Biogen, Bristol-Myers Squibb et des patients diabétiques en leur proposant des prix Eli Lilly en 2018. La proposition demandait que le trompeurs pour des médicaments d’une importance comité de rémunération rapporte annuellement vitale. Ces prix auraient bondi de plus de 150 % en dans quelle mesure les risques liés aux inquiétudes 5 ansx. du public par rapport aux stratégies de fixation des prix des médicaments sont intégrés aux politiques, Ajoutons enfin que la Chambre des représentants plans et programmes de rémunération incitative et le Sénat des États-Unis ont entamé en 2019 des des dirigeants. Elle a obtenu un taux d’approbation auditions sur les pratiques de tarification des grands oscillant entre 21 et 28 %, ce qui représente un très laboratoires. Le 14 janvier, le président du comité bon résultat pour une proposition à caractère social de surveillance de la Chambre, Elijah Cummings, a soumise pour une première fois. annoncé le lancement d’une enquête approfondie sur le prix des médicaments. Il a affirmé que : En 2019, des membres de l’ICCR vont déposer « Pendant des années, les sociétés pharmaceutiques des propositions auprès d’Abbvie, Biogen, ont augmenté de façon agressive les prix des Bristol-Myers Squibb, Celgene Corporation, Eli

— ENJEUX SOCIAUX— 175 Lilly, Johnson & Johnson, Merck & Co., Pfizer et les camionneurs font partie des professionnels du Vertex Pharmaceuticals. En plus de resoumettre la transport qui ont davantage de chances de croiser proposition de l’an dernier, ils vont en présenter une des victimes de la traite et qui devraient être formés nouvelle qui recommande au conseil d’administration et incités à reconnaître ces victimes pour contribuer de prendre les mesures nécessaires pour renforcer à les secourir, selon le secrétariat d’État américainxii. sa surveillance des risques associés au prix des médicaments d’ordonnance en officialisant la Par ailleurs, plusieurs entreprises seront visées par responsabilité de cette surveillance. Pour ce faire, une proposition réclamant la production d’un rapport différentes voies sont suggérées par les investisseurs, sur leur processus de détection et d’analyse des comme de créer un nouveau comité du conseil ou risques réels et éventuels de violation des droits de d’attribuer cette responsabilité à un comité existant, la personne dans l’ensemble de leurs activités et de ainsi que d’ajouter une expertise par rapport aux leurs chaînes d’approvisionnement. Si la proposition risques liés à la tarification des médicaments à la porte sur les droits de la personne en général, matrice de compétences des administrateurs. l’argumentation des investisseurs est principalement axée sur les risques de travail forcé chez leurs Lutte contre le travail forcé et frais de fournisseurs. Amphenol Corporation, Corning recrutement Incorporated, Hanesbrands, Texas Instruments et Kraft Heinz figurent d’ailleurs parmi les sociétés qui Le travail forcé demeure un enjeu fondamental partout recevront cette proposition en raison des résultats dans le monde, d’une triste et aberrante actualité. peu reluisants qu’elles ont obtenus dans les études Les membres de l’Interfaith Center on Corporate comparatives réalisées par KnowTheChain en 2018. Responsibility (ICCR), qui sont engagés depuis des Celles-ci portaient sur les efforts publics déployés décennies dans la lutte contre cette atteinte aux par des géants des secteurs des technologies de droits fondamentaux de la personne, vont poursuivre l’information et de la communicationxiii, des aliments leurs démarches cette année auprès de nombreuses et des boissonsxiv, ainsi que de la chaussure et du sociétés, y compris dans le cadre de leur campagne vêtementxv, en vue de protéger les employés de sur les frais de recrutement, lesquels condamnent leurs chaînes d’approvisionnement contre le travail bien souvent les travailleurs à la servitude pour dettes. forcé. Les lacunes relevées dans ces rapports ont On se souviendra que la campagne « No Fees » vise fait de ces entreprises des cibles de choix pour les à inciter les entreprises à adopter des politiques qui investisseurs responsables. Il faut en outre souligner stipulent que les travailleurs ne doivent jamais payer que l’ensemble des sociétés étudiées ont obtenu de frais de recrutement pour un emploi, qu’ils doivent une note moyenne extrêmement basse en ce qui avoir un contrat écrit clair et qu’ils doivent conserver a trait à la voix des travailleurs et au recrutement, l’accès à leurs papiers d’identité. qui font pourtant partie des domaines qui ont le plus d’impacts sur la vie des travailleurs et qui ont un Les propositions soumises en 2019 par des membres rôle déterminant à jouer dans l’éradication du travail de l’ICCR qui sont rattachées au travail forcé seront forcé. assez variées. Ainsi, les investisseurs demanderont à la société de transport Hub Group de produire un Macy’s et TJX Companies font également l’objet rapport sur la mise en œuvre d’un programme afin d’une proposition portant sur leur processus de de lutter contre la traite de personnes au sein de diligence raisonnable en matière de droits de la ses activités et de sa chaîne d’approvisionnement. Il personne. Pour sa part, Amazon sera visée par faut dire que Hub Group tire de l’arrière par rapport une proposition demandant qu’elle réalise une à plusieurs sociétés de transport par camion. Par évaluation de l’impact sur les droits de la personne exemple, Ryder, CR England, J.B. Hunt, Werner pour au moins trois produits alimentaires vendus et Landstar se sont attaquées à ce problème en par l’entreprise qui présentent des risques élevés de formant leurs conducteurs pour déceler les cas répercussion négative sur les droits de la personne. possibles de traite d’êtres humains, en s’associant Parmi ces produits, nous retrouvons les crevettes publiquement à des organisations telles que produites en Asie du Sud-Est, de triste réputation Truckers against Trafficking et en fournissant des pour ce qui est des droits de la personne. ressources pour lutter contre la traite. Rappelons que

176 — ENJEUX SOCIAUX— Enfin, pour une deuxième année consécutive, les de diligence raisonnable pour éviter de violer les actionnaires de Monster Beverage Corporation droits de la personne, comme la loi française sur le devront se prononcer sur une proposition demandant devoir de vigilance. que l’entreprise publie un rapport contenant les critères et la méthodologie analytique utilisés qui Transparence par rapport à la diversité en lui ont permis d’arriver à la conclusion qu’il existait emploi un « risque minimal » d’esclavage et de traite de personnes dans sa chaîne d’approvisionnement Depuis de nombreuses années, des investisseurs en canne à sucre. En 2018, celle-ci a obtenu un demandent aux entreprises de divulguer des données taux d’approbation de 19,9 %, ce qui est très bon sur la répartition de leurs employés en fonction de pour une nouvelle proposition à caractère social. la race et du sexe dans les principales catégories Soulignons au passage que Monster Beverage a d’emploi définies par la commission états-unienne obtenu la note 0 dans la première étude comparative sur l’égalité des chances (EEOC), et de décrire leurs de KnowTheChain, tandis que Coca-Cola, Nestlé et politiques et programmes pour accroître la présence PepsiCo avaient reçu 58, 57 et 45 points. L’entreprise de femmes et de membres de minorités dans leur a fait peu de progrès depuis et n’a recueilli que 4 organisation. Cette année ne fera pas exception et points dans l’étude de 2018. plusieurs sociétés seront encore une fois visées par cette proposition, dont Analog Devices, Fastenal, Rappelons que, comme toutes les violations Home Depot, O’Reilly Automotive, SEI Investments graves des droits de la personne, la découverte Company et Travelers Companies. de travail forcé au sein des activités ou de la chaîne d’approvisionnement d’une société peut La firme d’investissement responsable Trillium Asset exposer cette dernière à d’importants risques Management a par ailleurs annoncé, le 7 février financiers, juridiques, d’atteinte à la réputation et 2019, qu’elle avait retiré la proposition soumise à de désinvestissement qui peuvent nuire à la valeur F5 Networks, car la société s’est engagée à renforcer actionnariale. Il importe donc que les entreprises la divulgation de ses pratiques et programmes visant prennent des mesures appropriées pour se prémunir à créer un milieu de travail plus inclusif. Elle va aussi contre ces risques. publier des données complètes sur la composition de ses effectifs, ainsi que son rapport annuel EEO-1 Il est aussi de leur responsabilité sociale d’œuvrer sur la diversité de la main-d’œuvrexviii. à l’éradication du travail forcé et de la traite de personnes dans leurs activités et leurs chaînes Cette première victoire pour l’année 2019 ne devrait d’approvisionnement, comme l’indiquent les pas être la dernière, si on se fie aux succès remportés Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux en 2018. Trillium indique en effet que les propositions droits de l’Homme des Nations Unies. Des lois exigent déposées auprès de Priceline Group, Stifel Financial, également qu’elles révèlent les actions prises pour KeyCorp, CVS Health, Cigna Corporation et contrer la traite d’êtres humains, comme la loi sur la PNC Financial Services ont finalement été retirées, transparence dans les chaînes d’approvisionnement puisque ces entreprises ont promis de révéler plus de la Californie et la loi sur l’esclavage moderne du de données pertinentes sur la diversité de leur Royaume-Uni. En Australie, la loi sur l’esclavage moderne est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 et impose aux sociétés dont le chiffre d’affaires excède 100 millions de dollars australiens qu’elles publient Un rapport de McKinsey & Company, chaque année une déclaration décrivant le risque de publié en 2018, a confirmé la travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement corrélation entre la diversité et leurs efforts pour le combattrexvi. Au Canada, un ethnique, culturelle et sexuelle projet de loi privé sur le travail forcé et le travail des dans les équipes dirigeantes et une enfants a été déposé par le député fédéral libéral performance financière accrue. John McKay en décembre 2018, devant la Chambre des communesxvii. Ajoutons que d’autres États demandent aux entreprises qu’elles fassent preuve

— ENJEUX SOCIAUX— 177 main-d’œuvre. De plus, les propositions soumises rapport de McKinsey & Company, publié en 2018, à Travelers Companies, First Republic Bank et a confirmé la corrélation entre la diversité ethnique, Starbucks ont obtenu des taux d’approbation non culturelle et sexuelle dans les équipes dirigeantes et une performance financière accruexix.

La progression des femmes dans Malgré cela, on constate que si le « plafond de les postes de responsabilités, en verre » qui empêche les femmes et les membres de minorités d’accéder à des postes de haut niveau particulier des femmes de couleur, s’est fissuré, il demeure très solide. Le plus récent apparaît tout simplement bloquée. rapport de LeanIn.Org et McKinsey & Companyxx sur la place des femmes dans les milieux de travail aux États-Unis, publié en octobre 2018, indique négligeables, respectivement de 36,38 %, 28,7 % que les grandes déclarations des entreprises sur et 34,7 %, ce qui témoigne de l’intérêt d’un grand l’importance de la diversité ne se sont pas traduites nombre d’investisseurs envers cet enjeu. Dans le cas par des progrès sensibles. La progression des de Home Depot, qui fait l’objet d’une telle proposition femmes dans les postes de responsabilités, en chaque année depuis 1998, celle-ci a presque été particulier des femmes de couleur, apparaît tout adoptée en 2018, avec 48,3 % des actionnaires qui simplement bloquée. McKinsey souligne que les l’ont approuvée. experts considèrent que la fixation d’objectifs, la communication d’informations sur les progrès et la Les résultats positifs de ces démarches actionnariales récompense des succès sont des éléments-clés sont d’autant plus réjouissants qu’il est désormais pour favoriser un changement organisationnel. Or, largement reconnu qu’il existe maints avantages seulement 38 % des entreprises étudiées ont défini rattachés à la diversité en emploi, comme l’apport des cibles pour la représentation des hommes et des de perspectives variées, l’augmentation de la femmes, 12 % partagent une majorité de paramètres productivité et du moral des employés, l’élimination sur la diversité sexuelle avec leurs employés, 42 % des limitations de la pensée de groupe, ainsi que tiennent leurs cadres supérieurs responsables des l’atténuation des risques financiers, juridiques, progrès réalisés en matière de parité, contre 16 % d’atteinte à la réputation et de désinvestissement qui attribuent cette responsabilité à leurs dirigeants liés à la discrimination en emploi. Différentes études et administrateurs. À la lumière de ces données, montrent aussi que la diversité aurait un effet positif McKinsey conclut qu’il est difficile d’imaginer une sur la performance financière. Par exemple, un vague de changement lorsque les dirigeants ne sont

Pourcentage de femmes et d’hommes à chaque niveau hiérarchique dans les entreprises en 2018

Source : Leanln.Org et McKinsey & Company, 2018

178 — ENJEUX SOCIAUX— pas censés la conduire. dévoilent les mesures et les programmes mis en place pour accroître la diversité et contrer la discrimination. Une étude publiée par Vigeo Eiris en mars 2018, Une divulgation exhaustive leur permettra de portant sur plus de 3 800 sociétés cotées en Bourse mieux évaluer les risques auxquels l’entreprise est dans le monde, est parvenue à un constat similaire. exposée, d’apprécier l’efficacité de ses efforts et la De l’avis de la firme de recherche, « les principes pertinence de ses mesures et programmes, ainsi que de non-discrimination et de promotion de l’égalité de mesurer ses progrès. Rappelons en outre que avancent lentement, principalement en Europe et en Amérique du Nord. » Elle ajoute que : « Si le thème de l’égalité entre les sexes a beaucoup gagné en « Le thème de l’égalité entre les termes de visibilité parmi les engagements affichés sexes relève encore davantage, par les entreprises dans leurs codes de conduite, dans de nombreux cas, du gender- dans les faits les inégalités demeurent prégnantes et washing que d’un exercice concret de l’information reste limitée sur les mesures concrètes responsabilité sociale. » destinées à les réduire. Le thème de l’égalité entre les sexes relève encore davantage, dans de nombreux Vigeo Eiris, mars 2018 cas, du gender-washing que d’un exercice concret de responsabilité socialexxi. » D’après cette étude, les femmes ne représentaient que 19 % des membres des conseils d’administration et 17 % des membres cette divulgation peut se faire à moindre coût, par de la direction des sociétés américaines étudiées en la publication des données du rapport EEO-1 sur la 2016. diversité de la main-d’œuvre que les sociétés doivent remettre chaque année à l’EEOC. C’est d’ailleurs Bref, il reste encore bien du travail à faire pour que ce que font plusieurs grandes entreprises. D’après les entreprises passent du discours à l’action et Calvert Research and Managementxxii, 41 sociétés abattent les obstacles qui nuisent à l’avancement de l’indice S&P 100 publiaient ainsi une partie des des femmes et des membres de minorités raciales données du rapport EEO-1 en 2016, tandis que 25 et ethniques dans leurs instances. Compte tenu dévoilaient toute l’information. des avantages liés à la diversité, il est dans l’intérêt des actionnaires que les sociétés fournissent des données détaillées sur la présence des femmes et des membres de minorités dans leur organisation, et

— ENJEUX SOCIAUX— 179 RÉFÉRENCES

ENJEUX DE GOUVERNANCE

i. FARIENT ADVISORS. ESG Shareholder Proposal Findings That Will Surprise You, 5 décembre 2018, réf. du 6 février 2019, https://farient.com/esg-shareholder-proposal/.

ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

i. ÉTATS-UNIS. ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY. Sources of Greenhouse Gas Emissions, réf. du 6 février 2019, http://bit.ly/2t9pkIP. ii. ÉTATS-UNIS. ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY. Importance of Methane, réf. du 6 février 2019, http://bit.ly/2UNKqZh.

LA DIVERSITÉ AU CONSEIL D’ADMINISTRATION

i. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Marathon Petroleum – Racial Diversity in Executive leadership (2019), réf. du 23 novembre 2018, http://bit.ly/2QdJPRT. ii. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Bank of New York Mellon – Executive Diversity (2019), réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2Q9Y4Y3. iii. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Cambrex Corporation – Board Diversity, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2QeAUiX. iv. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Borg Warner – Diversity in executive leadership, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2QhH2qW. v. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. IQVIA Holdings – Board Diversity, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2SaJO1X. vi. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. F5 Networks – Workforce Diversity (2019), réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2QhGqRW. vii. HUNT, Vivian, Dennis LAYTON et Sara PRINCE. Why diversity matters, McKinsley & Company, janvier 2015, réf. du 22 novembre 2018, https://mck.co/2DE6bFm. viii. THE TRAVELERS COMPANIES, INC. Circulaire de sollicitation des procurations, 6 avril 2018, réf. du 22 novembre 2018, p. 60, http://bit.ly/2SdAkTJ. ix. BATISH, Amit et autres. « 2018 Q2 Gender diversity index », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 3 octobre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DDaP6x. x. CATALYST. Women in S&P 500 Companies, 3 octobre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DHauQa. xi. FREEDMAN, Amy, Ian ROBERTSON et Wes HALL. « 2018 Canadian Proxy season review », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regula tion, 28 octobre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DDMU6Y. xii. MACDOUGALL, Andrew et autres. Report: Diversity Disclosure Practices 2018 – Women in leadership roles at TSX-listed companies, Osler, 14 septembre 2018, réf du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DFxNKv. xiii. THE ECONOMIST. « Ten years on from Norway’s quota for women on corporate boards », 17 février 2018, réf. du 22 novembre 2018, https://econ.st/2DAVS4S. xiv. SHIVDASANI, Anil, Elena SIMINTZI et Sunwoo HWANG. « Mandating women on boards evidence from the United States », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 8 novembre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DFodY5. xv. STATE STREET CORPORATION. « State Street Global Advisors Reports Fearless Girl’s Impact: More than 300 Companies Have Added Female Directors », 27 septembre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2QeBFIP. xvi. GALIA, Fabrice et Emmanuel ZENOU. « La diversité au conseil d’administration influence-t-elle l’innovation ? L’impact de la diversité de genre et d’âge sur les différents types d’innovation », Management & Avenir, 2013/8 no 66, réf. du 15 janvier 2019, p. 152-181, http://bit.ly/2HcIB6b. xvii. PEI COALITION FOR WOMEN IN GOVERNMENT. Benefits of gender and diversity on boards, 2015, réf. du 15 janvier 2019, http://bit.ly/2HdvqSr. xviii. CATALYST. Women CEOs of the S&P 500, 3 octobre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DC7Uv4. xix. PAPADOPOULOS, Kosmas. « Women in the C-Suite: The Next Frontier for Gender Diversity », ISS Analytics, 28 juillet 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2S9ob PI. xx. ERNST & YOUNG. Final recommendations of the Parker review published, 12 octobre 2017, réf. du 22 novembre 2018, https://go.ey.com/2DFSUwi. xxi. ERNST & YOUNG. Parker review Infographic, septembre 2017, réf. du 22 novembre 2018, https://go.ey.com/2DDJaCr. xxii. MCKINSEY & COMPANY. Delivering through Diversity, janvier 2018, réf. du 22 novembre 2018, https://mck.co/2DBgAlj. xxiii. MACDOUGALL, Andrew et John M. VALLEY. The inclusion imperative: In 2018, building a better board means building a board that look like Canada, OSLER, 30 mai 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DD5s7q. xxiv. CATALYST. Women in S&P 500 companies by Race/Ethnicity and Level, 12 octobre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DEEoEY. xxv. MCGIRT, Ellen. « The Black-Ceiling: Why African-American Women Aren’t making it to the top in corporate America », Fortune, 27 septembre 2017, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DEvqHO. xxvi. FORTUNE. « These are the Women CEOs leading Fortune 500 companies », 7 juin 2017, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DEy7ZH. xxvii. HUNT, Vivian, Lareina YEE, Sara PRINCE et Sundiatu DIXON-FYLE. Delivering through diversity, McKinsey & Company, janvier 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://mck. co/2SgwAAK. xxviii. CHRISTIANSEN, Lone et autres. « Gender Diversity in Senior Positions and Firm Performance: Evidence from Europe », IMF Working Paper, Fonds monétaire international, mars 2016, réf. du 22 novembre 2018, https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2016/wp1650.pdf. xxix. STALEY, Gray. « How the average age CEO has changed since 2012 », Quartz, 11 septembre 2018, réf. du 22 novembre 2018, http://bit.ly/2DF9AUj. xxx. NIKKEI ASIA REVIEW. « Boardroom diversity moves forward in Japan », 19 juin 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://s.nikkei.com/2HgTDY2. xxxi. NIKKEI ASIA REVIEW. « Japan pushes to put more women in the boardroom », 28 février 2018, réf. du 29 janvier 2019, https://s.nikkei.com/2RlWyi1. xxxii. BOURSE DE TOKYO. Japan’s Corporate Governance Code, 1er juin 2018, réf. du 15 janvier 2019, http://bit.ly/2HnZcno.

180 RÉFÉRENCES IMPACT DES FRAIS DE DÉCOUVERT BANCAIRE i. FELDMAN, Ron J. et Jason SCHMIDT. « Noninterest Income: A Potential for Profits, Risk Reduction and Some Exaggerated Claims », Fedgazette, 1er octobre 1999, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2Deb3AE. ii. DEYOUNG, Robert et Tara RICE. « How Do Banks Make Money? », Economic Perspectives, vol. 28, no 4, 4 novembre 2004, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2Rzscxi. iii. CONSUMER FINANCIAL PROTECTION BUREAU. « CFPB Study of Overdraft programs », livre blanc, juin 2013, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2ssg6Hm. iv. DOUGLAS-GABRIEL, Danielle. « What that $34 overdraft fee is really costing you », The Washington Post, 31 juillet 2014, réf. du 16 janvier 2019, https://wapo.st/2RKf3kv. v. THE PEW CHARITABLE TRUSTS. « Overdraft Does Not Meet the Needs of Most Consumers », 20 décembre 2017, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2swdA2J. vi. CENTER FOR RESPONSIBLE LENDING. « The State of High-Cost Overdraft Practices in 2017 », août 2018, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2QQSoyg. vii. BOURKE, Nick et Andrew SCOTT. « Millions Use Bank Overdraft as Credit, The Pew Charitable Trusts », 21 mars 2018, réf. du 16 janvier 2019, https://bit.ly/2VZqLqn. viii. THE PEW CHARITABLE TRUSTS. « What Do Consumers Without Bank Accounts? Think About Mobile Payments », juin 2016, réf. du 16 janvier 2019, https://bit. ly/2T0Aprc.

ix. BOOKER, Cory. S.3343, « Stop Overdraft Profiteering Act» , 2e session, 115e législation, Congrès des États-Unis, 1er août 2018, réf. du 16 janvier 2019, http://bit. ly/2UFjSZS.

LOBBYING ET CONTRIBUTIONS POLITIQUES

i. MISHRA , Subodh. « An early look at US 2018 Proxy Season Trends », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 15 mai 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2GsmDGF. ii. MUELLER, Ronald O. et Elizabeth ISING.« Shareholder Proposal Developments During the 2017 Proxy Season », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 12 juillet 2017, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2CIcBEc. iii. GIBSON DUNN. « Shareholder Proposal Developments », 12 juillet 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2MgiGZY. iv. SHAREHOLDER ASSOCIATION FOR RESEARCH & EDUCATION. « SNC-Lavalin Lobbying & Political Activities report builds greater corporate transparency », 13 décem bre 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2TTozix. v. AT&T INC. Schedule 14A, 12 mars 2018, réf. du 6 février 2019, p. 26, http://bit.ly/2UIJSDK. vi. Ibid. vii. CENTER FOR POLITICAL ACCOUNTABILITY. « The Risks Companies Face When Their Political Spending and Core Values Conflict and How to Address Them », 19 juin 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2TOoxbu. viii. Ibid. ix. CENTER FOR RESPONSIVE POLITICS. « Dark Money Basics », OpenSecrets.org, 2019, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2DcA6nC. x. CENTER FOR POLITICAL ACCOUNTABILITY. « The 2018 CPA-Zicklin Index of Corporate Political Disclosure and Accountability », 2 octobre 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2CondoY. xi. Ibid.

INTÉGRATION DES CRITÈRES ESG DANS LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS

i. BURCHMAN, Seymour et Barry SULLIVAN. « It’s Time to Tie Executive Compensation to Sustainability », Harvard Business Review, 17 août 2017, réf. du 17 janvier 2019, https://bit.ly/2x7Z6q2. ii. BURCHMAN, Seymour. « How to Tie Executive Compensation to Sustainability », Harvard Business Review, 12 novembre 2018, réf. du 17 janvier 2019, https://bit. ly/2OFHREX. iii. ORGANISATION DES NATIONSUNIES. PRINCIPES POUR L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE. « How to Integrate ESG Issues Into Executive Pay », 20 avril 2016, réf. du 17 janvier 2019, https://bit.ly/2U049EH. iv. DEUTSCHE BANK. « Can Active Ownership/ESG Performance Targets Drive Value? », 13 octobre 2017, réf. du 17 janvier 2019, https://bit.ly/2HjjBdz. v. CERES. « Turning Point Corporate Progress on the Ceres Roadmap for Sustainability », 28 février 2018, réf. du 17 janvier 2019, https://bit.ly/2TQC9Dk. vi. DEUTSCHE BANK. Op. cit. vii. HMC HOSTETTLER & COMPANY. GLOBAL GOVERNANCE AND EXECUTIVE COMPENSATION GROUP. « Pay-for-Sustainability: How to reflect ESG in modern compen- sa tion systems », HCM Viewpoint, mai 2018, réf. du 17 janvier 2019, https://bit.ly/2TYtEpY. viii. CERES. Op cit. ix. DEUTSCHE BANK. Op. cit. x. HMC HOSTETTLER & COMPANY. GLOBAL GOVERNANCE AND EXECUTIVE COMPENSATION GROUP. Op. cit.

DROITS DES ACTIONNAIRES

i. BULLOCK, Nicole. « Investors hait S&P 500 move over multiple class shares », Financial Times, 1er août 2017, réf. du 18 janvier 2019, https://on.ft.com/2FwwZsU. ii. Ibid. iii. CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC. Principes régissant l’exercice du droit de vote dans les sociétés cotées en Bourse, 2018, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2spEnxI. iv. INSTITUT SUR LA GOUVERNANCE D’ORGANISATIONS PRIVÉES ET PUBLIQUES. Les actions multivotantes : quelques modestes propositions, Document de politique no 1, 2006, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2RQAJLC.

181 CYBERSÉCURITÉ ET PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

i. COUNCIL OF INSTITUTIONAL INVESTORS. « Prioritizing Cybersecurity - Five Investor Questions for Portfolio Company Boards », avril 2016, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2Fsdfqs. ii. ERNST & YOUNG LLP. EY CENTER FOR BOARD MATTERS. « Cybersecurity disclosure benchmarking », 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://go.ey.com/2RqUSIK. iii. ÉTATS-UNIS. SECURITY AND EXCHANGE COMMISSION. SEC Announces Enforcement Initiatives to Combat Cyber-Based Threats and Protect RetailInvestors », 25 sep tembre 2017, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2fnysCF. iv. BISCHOFF, Paul. Analysis: How data breaches affect stock market share prices, Comparitech, 11 juillet 2017, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2thfdiR. v. GARTNER. « Gartner Forecasts Worldwide Information Security Spending to Exceed $124 Billion in 2019 », 15 août 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://gtnr.it/2OIkhYz. vi. ERNST & YOUNG LLP. Op. cit. vii. Ibid. viii. Ibid. ix. AMJAD, Adnan, Mark NICHOLSON, Christopher STEVENSON et Andrew DOUGLAS. « From security monitoring to cyber risk monitoring - Enabling business-aligned cyber security », Deloitte Review, no 19, 2016, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2CoUfoU. x. ÉTATS-UNIS. SECURITY AND EXCHANGE COMMISSION. « Commission Statement and Guidance on Public Company Cybersecurity Disclosures », 26 février 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2EIHPfF. xi. L.C. 2000, ch. 5. xii. PIOVESAN, Carole J., Charles S. MORGAN et Jade BUCHANAN. « Mandatory Breach Notification Rules now in Effect », CyberLex, 2 novembre 2018, réf. du 15 janvier 2019, https://bit.ly/2RwrYXE.

#MOIAUSSI

i. NATIONAL LEGAL AND POLICY CENTER. Google shareholder files resolution on sexual harassment, 15 novembre 2018, réf. du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2GRsquU. ii. MAURER, Allan. « Durham partner at Arjuna Capital takes concerns over hate speech, sexual harassment to Google shareholder meeting », TechWire, 6 juin 2018, réf. du 22 janvier 2019, http://bit.ly/2Hrl7dI. iii. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Nike inc. — Sexual Misconduct Risk Management – (2018), réf. du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2QhFugo. iv. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Use of NDAs/Mandatory Arbitration in Sexual Harassment Cases 2019 – McDonald’s Corp., janvier 2019, réf. du 22 janvier 2019, http://bit.ly/2HoEiEH. v. BACH, Natasha. « Model Kate Upton Accused Paul Marciano of Sexual Harassment. Now the Guess Co-Founder Has Left the Company », Fortune, 13 juin 2018, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2RwuFHY. vi. « Casino mogul Steve Wynn resigns as CEO after sexual harassment claims », Reuters, The Guardian, 7 février 2018, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2RnzljB. vii. DESTA, Yohana. « After Months-Long Death Rattles, the Weinstein Company Is Officially Kaput », Vanity Fair, 16 juillet 2018, réf. du 4 janvier 2019, http://bit.ly/2RyeKZI. viii. FABRE, Marina. « #METOO devient un risque financier pour les entreprises », Novethic, 25 juin 2018, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2RsiBHP. ix. NATIONAL LEGAL AND POLICY CENTER. Op. cit. x. KIM, Crystal, Leslie P. NORTON et Lauren R. RUBLIN. « Sexual Harassment Is Becoming a Serious Investment Risk », Barron’s, 4 novembre 2017, réf du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2H1xD34. xi. WINKLER, Matteo. « Sexual Harassment At Work: What The Law Says », Forbes, 22 octobre 2018, réf. du 22 janvier 2019, http://bit.ly/2HseN5s. xii. BAILEY, Robin. « Many men are sexually harassed in the workplace – so why aren’t they speaking out? », The Conversation, 13 mars 2018, réf. du 2 janvier 2019, http:// bit.ly/2GTxS08. xiii. Idem. xiv. SCHMOUKER, Olivier. « Le coût ahurissant du harcèlement sexuel au travail », Les Affaires, 23 novembre 2018, réf. du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2GSOOUN. xv. JONES, Riley. « Nike Sued by Shareholders Over Sexual Harassment Allegations », Sole Collector, 5 septembre 2018, réf. du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2GRCBj8. xvi. KISH, Matthew. « New lawsuit targets Phil Knight, Nike board over ‘boys’ club’ culture », Portland Business Journal, 4 septembre 2018, réf. du 5 février 2019, https://bit. ly/2t4ceg0. xvii. KOLLEWE, Julia. « Presidents Club scandal: property firm loses major backer », The Guardian, 28 janvier 2018, réf. du 2 janvier 2019, http://bit.ly/2GPUKhd. xviii. STARKMAN, Jay. « Is your company ready for the new California law on sexual harassment training? », L.A. Biz, 22 janvier 2019, réf. du 23 janvier 2019, http://bit.ly/2S1C qGk.

182 SUIVI D’AUTRES ENJEUX DE GOUVERNANCE i. THE SISTERS OF ST. FRANCIS OF PHILADELHIA. Annual Summary of Shareholder Activity 2017-2018, réf. du 4 décembre 2018, http://bit.ly/2QxCT28. ii. DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG. Rapport sur la gouvernance 2018, 3 octobre 2018, réf. du 4 décembre 2018, https://bit.ly/2DG9Imt. iii. TAHMINCIOGLU, Eve. « Virtual Shareholders Meetings Still Rising Despite Pushback », Directors & Boards, 9 juillet 2018, réf. du 4 décembre 2018, http://bit.ly/2Qw3igQ. iv. MCPHERSON, Kern. « Changes to the 2019 Glass Lewis Proxy Advice Guidelines », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 6 novembre 2018, réf. du 4 décembre 2018, http://bit.ly/2QyG7Cp. v. TAHMINCIOGLU, Eve. Op. cit. vi. KIEFFER, Joseph. « Separation of CEO-Chair Roles Rejected by Shareholders », Equilar, 6 juillet 2018, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2SDdulb. vii. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. Facebook, Inc. — Independent Board Chairman (2019), réf. du 4 décembre 2018, http://bit.ly/2DYmFIK. viii. FERRIS, Robert. « Tesla shareholders strike down proposals to remove Musk as chairman and shake up board », CNBC, 5 juin 2018, réf. du 4 décembre 2018, https:// cnb.cx/2Jvzj5e. ix. SWEET, Ken et Tom KRISHER. « Experts say Tesla board may have too many ties to CEO Musk », KALB avec Associated Press, 20 août 2018, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2SCHBJr. x. FERRIS, Robert. « Judge approves Elon Musk’s settlement with SEC », CNBC, 16 octobre 2018, réf. du 4 janvier 2019, https://cnb.cx/2RWWczZ. xi. THE CANADIAN PRESS. « Loblaw shareholders to vote on union proposal for independent chair », Financial Post, 26 avril 2018, réf. du 3 décembre 2018, http://bit. ly/2DY3HSm. xii. SPENCER STUART. Canadian Spencer Stuart Board Index 2017, février 2017, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2Sybniw. xiii. FINANCIAL REPORTING COUNCIL. The UK Corporate Governance Code, juillet 2018, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2K5mvig. xiv. CANADA. COUR SUPRÊME. Jugement de la Cour suprême dans l’affaire Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise (2004 CSC 68), Lexum, 29 octobre 2004, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2RlpM0v. xv. FRANCE. ASSEMBLÉE NATIONALE. Projet de loi no1088 : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, 15e législature, 19 juin 2018, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2AyxqOF. xvi. SADUN, Raffaella. « Worker Representation on Boards Won’t Work Without Trust », Harvard Business Review, 17 août 2018, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2FBzhXb. xvii. ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Employment Outlook 2017, 2017, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2RuB7Ac. xviii. GARNERO, Andrea. « What We Do and Don’t Know About Worker Representation on Boards », Harvard Business Review, 6 septembre 2018, réf. du 14 janvier 2019, https://bit.ly/2x1yubM. xix. HILDWEIN, Fabien. « La cogestion allemande : un révélateur des structures du capitalisme allemand », Cadres, revue no 450-451, 2012, réf. du 14 janvier 2019, https://bit. ly/2B9TVdF. xx. POSNER, Cydney. « What Happened at the SEC’s Proxy Process Roundtable? », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 21 novembre 2018, réf. du 28 novembre 2018, http://bit.ly/2DSYMlA. xxi. ÉTATS-UNIS. SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Roundtable on Proxy Voting Mechanics, 23 mai 2007, réf. du 8 décembre 2018, http://bit.ly/2UsgLFI. xxii. Ibid. xxiii. ZAGOROFF, Dimitri. Legislative Update: — 5756 Threatens Shareholder Proposal Resubmission Thresholds, Glass Lewis, 25 mai 2018, réf. du 5 janvier 2019, https://bit. ly/2ktfDke.

OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES i. CLIMATE ACTION 100+. Focus List of Companies, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2QIX6lP. ii. FORUM POUR L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE. Article 173-VI : extension du domaine de la lutte contre le changement climatique, septembre 2016, réf. du 1er décembre 2018, http://bit.ly/2Sbn95F. iii. SCIENCE BASED TARGETS. Companies Taking Action, 28 janvier 2019, réf. du 28 janvier 2019, http://bit.ly/2QRthiK. iv. SCIENCE BASED TARGETS. Case study: Proctor and Gamble, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2QLR5oj. v. GRAIN. Emissions impossible: How big meat and dairy are heating up the planet, 18 juillet 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2QQmHZS. vi. SPRINGMANN, Marco et autres. « Health-motivated taxes on red and processed meat: A modelling study on optimal tax levels and associated health impacts », PLOS ONE, 6 novembre 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2QOo6jJ. vii. TRUCOST. Putting a price on global environmental damage, 5 octobre 2010, réf. du 2 décembre 2018, http://bit.ly/2QOizJX. viii. TRUCOST. Carbon Pricing: Discover Your Blind Spots on Risk and Opportunity, 17 janvier 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2DC5PPM. ix. HASEMYER, David. « Fossil Fuels on Trial: Where the Major Climate Change Lawsuits Stand Today », Inside Climate News, 6 janvier 2019, réf. du 10 janvier 2019, http:// bit.ly/2SF510y. x. THE PORTFOLIO DECARBONIZATION COALITION. CDPQ, Sarasin and SURA join Portfolio Decarbonization Coalition: Members now oversee more than US$800 billion in decarbonization strategies, 12 décembre 2017, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2SDes0q. xi. CALIFORNIE. GOUVERNEMENT. SB-964 Public Employees’ Retirement Fund and Teachers’ Retirement Fund: investments: climate-related financial risk, California Legis lative Information, 23 septembre 2018, réf. du 2 décembre 2018, http://bit.ly/2SFXMW7. xii. ROBINSON-TILLETT, Sophie. « UK Government changes investor duties and stewardship rules to include ESG », Responsible Investor, 11 septembre 2018, réf. du 5 décembre 2018, https://bit.ly/2UZ2xLM. xiii. CANADA. AUTORITÉS CANADIENNES EN VALEURS MOBILIÈRES. Avis 51-354 du personnel des ACVM : Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique, 5 avril 2018, réf. du 10 décembre 2018, https://bit.ly/2IcG4Jz. xiv. BRADFORD, Hazel. « Climate risk disclosure bill introduced in Senate », 17 septembre 2018, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2QQiNAq. xv. CDP. Using CDP’s disclosure platform for disclosure on climate change, forests, water security and supply chain, réf. du 28 janvier 2019, http://bit.ly/2SfUbBy.

183 UTILISATION D’ANTIBIOTIQUES DANS UN BUT NON THÉRAPEUTIQUE DANS LA

CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

i. SANDERSON FARMS. Sanderson Farms, Inc. Announces Change in Antibiotic Use Program, 30 novembre 2018, réf. du 25 janvier 2019, http://bit.ly/2H0Cfqh. ii. AS YOU SOW. Withdrawal Letter, 10 décembre 2018, réf. du 25 janvier 2019, http://bit.ly/2HbnlNU. iii. MCDONALD’S. Helping lead a global movement for Beef Sustainability, réf. du 20 janvier 2019, http://bit.ly/2HvnGeD. iv. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. ICCR’s Shareholder Resolutions, réf. du 25 janvier 2019, http://bit.ly/2Htz3ng. v. AS YOU SOW. Antibiotics & Factory Farms, réf. du 19 janvier 2019, http://bit.ly/2GXd6ge. vi. ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ. WHO publishes list of bacteria for which new antibiotics are urgently needed, 27 février 2017, réf. du 25 décembre 2018, http://bit.ly/2HebSgX. vii. YI-YUN, Liu et autres. « Emergence of plasmid-mediated colistin resistance mechanism (MCR-1) in animals and human beings in China: A microbiological and molecular biological study », The Lancet Infectious Diseases, 18 novembre 2015, réf. du 18 décembre 2018, http://bit.ly/2GV3AKG. viii. MCKENNA, Maryn. « Apocalypse Pig: The Last Antibiotic Begins to Fail », National Geographic, 21 novembre 2015, réf. du 10 décembre 2018, https://on.natgeo. com/2GS1mLW. ix. ÉTATS-UNIS. CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION. Antibiotic Resistance, 26 octobre 2016, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2GSjjKd. x. ÉTATS-UNIS. FOOD AND DRUG ADMINISTRATION. Guidance for Industry The Judicious Use of Medically Important Antimicrobial Drugs in Food-Producing Animals, 13 avril 2012, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2RA2p7o. xi. ÉTATS-UNIS. FOOD AND DRUG ADMINISTRATION. Supporting Antimicrobial Stewardship in Veterinary Settings: Goals for Fiscal Years 2019 – 2023, septembre 2018, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2RtDjar. xii. OREGON. LEGISLATIVE ASSEMBLY. Senate Bill 785, 2017, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2RwAF3H. xiii. REILHAC, Gilbert. « UE — Vers une réduction des antibiotiques dans l’élevage », Reuters, Boursorama, 25 octobre 2018, réf. du 20 décembre 2018, http://bit. ly/2S7H716. xiv. ONTARIO VETERINARY MEDICAL ASSOCIATION. Farmed Animal Antimicrobial Stewardship, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2H0FJcB.

RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE MÉTHANE

i. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Strong Methane Regs Needed to Safeguard the Planet, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2H6YevN. ii. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Investors see proposed rollback of methane regs as threat to long-term viability of oil & gas sector, 5 décembre 2018, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2H308h1. iii. CALIFORNIE. CALIFORNIA AIR RESOURCES BOARD. Assembly Bill 32 Overview, 5 août 2014, réf. du 20 janvier 2019, http://bit.ly/2SLmbdd. iv. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. As EPA Seeks Regulatory Rollbacks, Energy Cos Move Forward on Methane Management, 12 septembre 2018, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2QoUxVL. v. LARSEN, Kate, Michael DELGADO et Peter MARSTERS. Untapped Potential: Reducing Global Methane Emissions from Oil and Natural Gas Systems, Rhodium Group, avril 2015, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2H0VJLH. vi. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Op. cit. vii. FLETCHER, Luke, Tom CROCKER, James SMYTH et Kane MARCELL. Beyond the cycle: Which oil and gas companies are ready for the low-carbon transition?, CDP, novembre 2018, réf. du 15 décembre 2018, http://bit.ly/2DTjlOU. viii. SHIELDS, Alexandre. « Québec n’évaluera pas les GES de la production gazière albertaine pour GNL Québec », Le Devoir, 16 janvier 2019, réf. du 25 janvier 2019, http:// bit.ly/2Hi8rpt. ix. ALVAREZ, Ramón A. et autres. « Assessment of methane emissions from the U.S. oil and gas supply chain », Science, vol. 361, no 6398, 13 juillet 2018, réf. du 20 décem bre 2018, http://bit.ly/2DNX3OK. x. GUGLIELMI, Giorgia. « Methane leaks from US gas fields dwarf government estimates », Nature, 21 juin 2018, réf. du 20 décembre 2018, https://go.nature.com/2DQqv6s. xi. TOLLEFSON, Jeff. « US government seeks to cut methane emissions from oil and gas industry », Nature, 18 août 2015, réf. du 10 janvier 2019, https://go.nature.com/2D QHEgl. xii. ÉTATS-UNIS. ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY. Reducing Air Pollution from the Oil and Natural Gas Industry, 17 avril 2012, réf. du 10 janvier 2019, http://bit. ly/2DQ0zrL. xiii. CONLEY, S. et autres. « Methane emissions from the 2015 Aliso Canyon blowout in Los Angeles, CA », Science, vol. 351, no 6279, 18 mars 2016, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2DMNorL. xiv. ORTWEIN, Sara. Our commitment to methane reduction won’t change, ExxonMobil, 4 septembre 2018, réf. du 20 décembre 2018, https://exxonmobil.co/2GoHmAu. xv. EXXONMOBIL. Eight energy companies commit to reduce methane emissions within natural gas industry, 22 novembre 2017, réf. du 20 décembre 2018, https://exxon mobil.co/2GoK60K. xvi. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Methane disclosure in the Oil & Gas industry: Tracking the impact of shareholder engagement, septembre 2018, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2QYwEED. xvii. MARSHALL, Dale. New research finds that methane emissions can be reduced at little to no cost, Environmental Defence, 24 octobre 2017, réf. du 10 janvier 2019, http:// bit.ly/2R5sV8i. xviii. GLOBAL CLIMATE ACTION SUMMIT. Governor Brown Closes Global Climate Action Summit: We’re Launching Our Own Damn Satellite, 14 septembre 2018, réf. du 21 décembre 2018, http://bit.ly/2H08plZ.

184 ÉNERGIES RENOUVELABLES

i. CERES. Climate and Sustainability Shareholder Resolutions Database, réf. du 28 janvier 2019, http://bit.ly/2Gs8kqG. ii. RE100. RE100 Progress and Insights: Annual Report, novembre 2018, réf. du 25 janvier 2019, http://bit.ly/2QKMlzv. iii. GROUPE D’EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR L’ÉVOLUTION DU CLIMAT. Special report: Global Warming of 1.5 ºC, octobre 2018, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2QAD78S. iv. BLOOMBERG FINANCE L.P. et THE BUSINESS COUNCIL FOR SUSTAINABLE ENERGY. 2018 Factbook: Sustainable Energy in America, 15 février 2018, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2Gu8HB6. v. JAFFE, Mark. « Corporate power purchase agreements are rapidly growing », Energize Weekly, 2 août 2017, réf. du 1er février 2019, http://bit.ly/2t8UNet. vi. RE100. Op. cit. vii. MOORE, Rebecca. The more you know: Turning environmental insights into action, Google, 10 septembre 2018, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2RYXKvP. viii. VILLE DE NEW YORK. Mayor and Comptroller Announce Pension Fund Goal to Invest $4 Billion in Climate Change Solutions by 2021, bureau du contrôleur financier, 13 septembre 2018, réf. du 5 décembre 2018, https://on.nyc.gov/2HqgsIW. ix. ALVAREZ, Concepcion. « Un millier d’investisseurs à travers le monde pesant 6 240 milliards de dollars ont désinvesti les énergies fossiles », Novethic, 16 septembre 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2Gr7n1P. x. PARLEMENT EUROPÉEN. Énergies renouvelables et efficacité énergétique : nouveaux objectifs ambitieux, 13 novembre 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit. ly/2QzwA xi. PARLEMENT EUROPÉEN. Directive 2009/28/CE du parlement européen et du conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, 23 avril 2009, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2R7St4T. xii. « Les biocarburants de 2e génération proches de l’industrialisation », IFP Énergies nouvelles, mars 2018, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2RaqKjW xiii. BLOOMBERG FINANCE L.P. et THE BUSINESS COUNCIL FOR SUSTAINABLE ENERGY. Op. cit. xiv. TAWNEY, Letha, Célina BONUGLI et Daniel MELLING. 6 Graphics Show How U.S. Utilities Are Turning Corporate Demand into Renewables Growth, World Resources Institute, 17 mai 2017, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2S4eUZ7. xv. HUNT, Kristin. What is a carbon tax?, World Economic Forum et Green Matters, 21 août 2018, réf. du 21 décembre 2018, http://bit.ly/2E4sTXF. xvi. MORRIS, Adele. The Many Benefits of a Carbon Tax, The Brookings Institution, 26 février 2013, réf. du 5 décembre 2018, https://brook.gs/2E4JzhL. xvii. SHAH, Radhika et Phil BLOOMER. « Respecting the Rights of Indigenous Peoples as Renewable Energy Grows, Stanford Social Innovation Review », 23 avril 2018, réf. du 10 décembre 2018, http://bit.ly/2QIzf5P.

POLLUTION DE L’EAU PAR LE PLASTIQUE i. IMAM, Jareen. « Microbead ban signed by President Obama », CNN, 31 décembre 2015, réf. du 16 janvier 2019, https://cnn.it ii. ALVAREZ, Concepcion. « Le fonds souverain norvégien, le plus puissant au monde, s’engage contre la pollution plastique des océans », Novethic, 6 septembre 2018, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DU75h9. iii. CERES. Adopt recycling goals (SBUX, 2011 Resolution), 2011, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2E3SUGf. iv. AS YOU SOW. Shareholder Proposal to Kraft Foods Report on Packaging Recyclability, 2014, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DTTary. v. MBAPOLYMERS. Procter & Gamble set to double recycled plastics in its packaging, 4 décembre 2014, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2E3sjZW. vi. AS YOU SOW. Ocean Plastics, réf. du 16 janvier 2019, http://bit.ly/2RT3bwm. vii. AS YOU SOW. Plastic Pellet Pollution, réf. du 11 février 2019, https://bit.ly/2N0XTtR. viii. « Starbucks to open new China store every 15 hours until 2022 », Bloomberg, The Star, 16 mai 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.l ix. GUILFORD, Gwynn. « China is responsible for a quarter of the plastic clogging our oceans », Quartz, 12 février 2015, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2E4nQGJ. x. « La pollution de l’océan par les plastiques, une crise planétaire, dit l’ONU », Radio-Canada avec les informations de BBC et l’AFP, 5 décembre 2017, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DWwkPM. xi. FABRE, Marina. « [Danger Plastique] Les 10 chiffres chocs de ce fléau planétaire », Novethic, 9 janvier 2019, réf. du 16 janvier 2019, http://bit.ly/2RSyis3. xii. FABRE, Marina. « L’humanité mange son plastique », Novethic, 13 juin 2018, réf. du 16 janvier 2019, http://bit.ly/2RMtx3h. xiii. « Microplastiques : quels risques pour la santé ? », National Geographic, 5 juin 2018, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DR0Xq2. xiv. HARVARD HEALTH PUBLISHING. « Microwaving food in plastic: Dangerous or not? », 20 septembre 2017, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DTS52I. xv. LUSHER, Amy, Peter HOLLMAN et Jeremy MENDOZA-HILL. « Microplastics in fisheries and aquaculture », FAO, 2017, réf. du 7 février 2019, http://bit.ly/2D xvi. JOHNSTON, Ian. « Scientist warns we could be breathing in microplastic particles laden with chemicals », The Independent, 9 mai 2016, réf. du 30 novembre 2018, https://ind.pn/2DR3pNg. xvii. ÉTATS-UNIS. ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY. Recycling Economic Information (REI) Report, 2016, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DU2jQY. xviii. INSTITUT EDDEC. Économie circulaire, 2018, réf. du 8 février 2019, http://bit.ly/2UMZQg7. xix. MAISONNEUVE, Vincent. « Un jus fait à base de fruits rejetés par l’industrie », Radio-Canada, 6 octobre 2017, réf. du 8 février 2019, http://bit.ly/2UMMQqT. xx. CONSEIL PATRONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU QUÉBEC. Économie circulaire au Québec : opportunités et impacts économiques, mars 2018, réf. du 8 février 2019, http://bit.ly/2UMtyBW. xxi. CLIENTEARTH. « Risk unwrapped: plastic pollution as a material business risk », juillet 2018, réf. du 16 janvier 2019, http://bit.ly/2RPFvZT. xxii. LE CONSEIL CANADIEN DES MINISTRES DE L’ENVIRONNEMENT. Stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique, novembre 2018, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DR0AM9. xxiii. EUROPE. PARLEMENT. BUREAU DE LIAISON EN FRANCE. Eau potable : des projets pour améliorer la qualité de l’eau du robinet et réduire les déchets plastiques, 25 octobre 2018, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DScoOc. xxiv. EUROPE. PARLEMENT. BUREAU DE LIAISON EN FRANCE. Les députés pour l’interdiction des plastiques jetables dans l’UE d’ici 2021, 25 octobre 2018, réf. du 7 février 2019, http://bit.ly/2DU8a8H. xxv. LÉVEILLÉ, Jean-Thomas. « L’UE interdira les plastiques à usage unique à compter de 2021 », La Presse, 20 décembre 2018, réf. du 16 janvier 2019, http://bit.ly/2tbVvHK.

185 xxvi. « La Californie ne distribuera plus de pailles automatiquement », AFP, La Presse, 20 septembre 2018, réf. du 30 novembre 2018, http://bit.ly/2DTrqTJ. xxvii. VILLE DE MONTRÉAL. Bannissement des sacs de plastique, 23 août 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2E3WnVB. xxviii. CITY OF VANCOUVER. Zero Waste 2040, 20 avril 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit.ly/2DZia0m. xxix. HOWARD, Brian Clark et autres. « A running list of action on plastic pollution », National Geographic, 11 janvier 2019, réf. du 16 janvier 2019, https://on.natgeo.com/2RP shwe.

RISQUES RELATIFS À L’APPROVISIONNEMENT EN EAU

i. FRIEDER, Jules. « Shareholder pressure is forcing companies to address their water risk », The Guardian, 18 avril 2013, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2Scz3MJ. ii. AS YOU SOW. Ocean Plastics, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2RT3bwm. iii. FRIEDER, Jules. Op. cit. iv. OIP INVESTMENT TRUST. Pilgrim’s Proxy Memorandum, 18 avril 2018, réf. du 20 janvier 2019, https://sforce.co/2RYw8ak. v. CDP. Water, réf. du 21 janvier 2019, http://bit.ly/2S5mEdC. vi. PELTZ, Adam et Nichole SAUNDERS. « How Oil & Gas States Did (And Did Not) Protect Land And Water In 2018 », Environmental Defense Fund, Energy Exchange Blog, 11 janvier 2019, réf. du 21 janvier 2019, http://bit.ly/2Hq0zCi. vii. « L’eau, un droit humain », AFP, Radio-Canada, 28 juillet 2010, réf. du 21 janvier 2019, http://bit.ly/2HktJ5E. viii. ENVIRONMENT TEXAS. The Clean Water Network, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2Shx0qw. ix. ENVIRONMENT TEXAS. Environmental Defense: Our Water, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2SfzWnE. x. CDP. A Turning Tide: Tracking corporate action on water security, CDP Global Water Report 2017, novembre 2017, réf. du 7 février 2019, p. 4, https://bit.ly/2mno818.

IMPACT DU GASPILLAGE ALIMENTAIRE

i. ONLINE ETHICAL INVESTOR. Reduce Food Waste, 2019 – Amazon.com, Inc., janvier 2019, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2Rmw6Vx. ii. Ibid. iii. BOTELER, Cody. « UPDATE : SEC approves Amazon request to block shareholder proposal for food waste report », Waste Dive, 12 avril 2018, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2HH1TAG. iv. GREEN CENTURY CAPITAL MANAGEMENT. SEC Sides with Amazon.com, Inc.* in Omitting Shareholder Proposal, 23 avril 2018, réf. du 31 janvier 2019, https://bit. ly/2t5JsLX. v. AMAZON.COM. « What is Amazon doing to minimize food waste? », Sustainability Bank Question, réf. du 30 janvier 2019, https://amzn.to/2Wu6wl3. vi. ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE. Pertes et gaspillages alimentaires dans le monde, 2011, réf. du 31 janvier 2019, http://www.fao.org/docrep/016/i2697f/i2697f.pdf. vii. BOYER, Marianne et Eugénie DUMAS. « En France, le gaspillage alimentaire en chiffres », Le Monde, 7 juin 2018, réf. du 31 janvier 2019, https://lemde.fr/2HHfMyR. viii. FOOD LOGISTICS. « Investors Want Amazon to Discuss Food Waste », 2 mars 2018, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2RkJ9Xf. ix. KINCAID, Erika. « Amazon investors petition SEC to get answers on wasted food », Food Dive, 5 mars 2018, réf. du 29 janvier 2019, http://bit.ly/2RnWU7N. x. REFED. Retail Food Waste Action Guide, 2018, réf. du 30 janvier 2019, https://www.refed.com/downloads/Retail_Guide_Web.pdf. xi. REFED. Op. cit. xii. BOTELER, Cody. Op. cit. xiii. MAGILL, Bobby. « New Jersey Is Cutting Food Waste to Help the Climate », Climate Central, 25 juillet 2017, réf. du 30 janvier 2019, https://shar.es/amm2Pd. xiv. COATS, Madeline. « Lawmakers aim to create plan to cut food waste by 50 percent », Peninsula Daily News, 23 janvier 2019, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2Shrp3A. xv. SPIVAK, Lexi. « Pre-filed bill would create the Missouri Food Waste Law and help charities », KY3, 3 janvier 2019, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2ShtpJ8. xvi. ROSENGREN, Cole. « ReFED: Tackling food waste is an $18.2B opportunity for retailers », Waste Dive, 24 janvier 2018, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2SkOemW. xvii. GREEN CENTURY CAPITAL MANAGEMENT. Op. cit. xviii. Ibid. xix. Ibid. xx. FAREHSARE. « The environmental impact of food waste », 13 septembre 2018, réf. du 31 janvier 2019, http://bit.ly/2HH5wql. xxi. CONRAD, Zach et autres. « Relationship between food waste, diet quality, and environmental sustainability », PLoS ONE, 18 avril 2018, réf. du 31 janvier 2019, http://bit. ly/2Sg34LH. xxii. Ibid.

SUIVI D’AUTRES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

i. GLOBAL SUSTAINABLE INVESTMENT ALLIANCE. 2016 Global Sustainable Investment Review, 27 mars 2017, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2HjeD0t. ii. US SIF FOUNDATION. 2018 Report on US Sustainable, Responsible and Impact Investing Trends, 31 octobre 2018, réf. du 25 janvier 2019, http://bit.ly/2REGBaN. iii. FRIEDE, Gunnar, Timo BUSCH et Alexander BASSEN. « ESG and financial performance: aggregated evidence from more than 2000 empirical studies », Journal of Sustainable Finance & Investment, 15 décembre 2015, réf. du 20 janvier 2019, http://bit.ly/2HkLjXs. iv. THOMAS, Jessica. Nonfinancial disclosures are essential to most institutional investors, Ernst & Young, 29 novembre 2018, réf. du 30 janvier 2019, https://go.ey.com/2HbuVZ5. v. KPMG. The road ahead: The KPMG Survey of Corporate Responsibility Reporting 2017, 12 octobre 2017, réf. du 20 janvier 2019, http://bit.ly/2HdaeMt. vi. FRANCE. AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE. L’association Robin des Bois a remis à l’ASN une étude sur les dépôts de cendres et de phosphogypses, 1er avril 2009, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2RSp6DQ. vii. FRANCOEUR, Louis-Gilles. « États-Unis : Des millions de tonnes de cendres de charbon menacent l’environnement », Le Devoir, 6 mars 2009, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2HeTi86.

186 viii. PIERCE, Charles P. « The People Sickened by America’s Largest Coal Ash Spill May Finally Get Some Justice », Esquire, 9 novembre 2018, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2HdrwJr. ix. EVANS, Lisa. Huge Win for Communities Threatened by Toxic Coal Pollution, Earthjustice, 29 août 2018, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2H9oOo4. x. ÉTATS-UNIS. COURT OF APPEALS FOR THE DISTRICT OF COLUMBIA CIRCUIT. 2018-08-21 CCR petition for review Opinion, 21 août 2018, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2HbKW1i. xi. « Les cendres de charbon contiennent de hautes doses de contaminants radioactifs », AFP, Les Affaires, 2 septembre 2015, réf. du 20 décembre 2018, http://bit.ly/2How umz. xii. SIERRA CLUB. Coal Waste in America, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2Hrj6Os. xiii. EARTHJUSTICE. New EPA Data Show Coal Ash Problem Much Worse, 27 juin 2012, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2HmSlLi.

TRAVAIL CARCÉRAL DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT i. TOMAINO, Miguel. Advocacy Update: Quarter 3, 2018, Zevin Asset Management LLC, 18 octobre 2018, réf. du 6 janvier 2019, https://bit.ly/2CT6Odw. ii. NORTHSTAR ASSET MANAGEMENT INC. Shareholder Rebuttal to Costco Wholesale Corporation’s Opposition Statement Regarding a Report on Prison Labor in the Supply Chain, 2 janvier 2019, réf. du 6 janvier 2019. iii. GOODRIDGE, Julie et autres. Prison Labor in the United States: an Investor Perspective, Northstar Asset Management Inc., 17 avril 2018, réf. du 9 janvier 2019, https://bit.ly/2RAhLJf. iv. YANG, Yuan. « Supply chains: the dirty secret of China’s prisons », Financial Times, 29 août 2018, réf. du 8 janvier 2019, https://on.ft.com/2N3XMQG. v. « U.S. sportswear traced to Chinese detention camps holding minorities », Associated Press, CBS News, 20 décembre 2018, réf. du 8 janvier 2019, https://cbsn.ws/2CXeQ53. vi. COX, David. « How inmates in Chinese prisons are forced to make the world’s Christmas decorations », Independent, 22 décembre 2018, réf. du 8 janvier 2019, https://ind.pn/2RfJkrH. vii. « États-Unis : les détenus demandent la “fin de l’esclavage en prison” », RFI, 9 septembre 2018, réf. du 8 janvier 2019, https://bit.ly/2TzsOj1 viii. GARCIA, Ruben J. « U.S. prisoners’ strike is a reminder how common inmate labor is », CBS News, 3 septembre 2018, réf. du 8 janvier 2019, https://cbsn.ws/2oAzmAD. ix. HOLPUCH, Amanda. « Private prison companies served with lawsuits over using detainee labor », The Guardian, 25 novembre 2018, réf. du 28 novembre 2018, https://bit.ly/2AsNyAZ. x. NORTHSTAR ASSET MANAGEMENT INC. Prison Labor in the Corporate Supply Chain, 17 avril 2018, réf. du 17 mai 2018, https://bit.ly/2Iogilb. xi. YANG, Yuan. Op. cit.

CRISE DE L’IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS i. NORTON, Leslie P. « Investors Grapple With the Immigration Crisis », Barron’s, 21 juin 2018, réf. du 26 juin 2018, https://bit.ly/2KniTcb. ii. INVESTOR ALLIANCE FOR HUMAN RIGHTS. Guidance on Corporate Human Rights Due Diligence Related to Immigration Detention and Family Separation, 26 juillet 2018, réf. du 22 février 2019, https://bit.ly/2OUiDUP. iii. INTERFAITH CENTER ON CORPORATE RESPONSIBILITY. Corporate Support for Trump’s Zero Tolerance Immigration Policy Prompts Shareholder Resolutions in 2019, 18 décembre 2018, réf. du 22 février 2019, https://bit.ly/2LtdzWc. iv. ONU. HAUT-COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME. Press briefing note on Egypt, United States and Ethiopia, 5 juin 2018, réf. du 22 février 2019, https://bit. ly/2TiuEZ2. v. ONU. UN rights chief slams ‘unconscionable’ US border policy of separating migrant children from parents, UN News, 18 juin 2018, réf. du 22 février 2019, https://bit .ly/2K2c02V. vi. BRODY, Ben. « Top Business Lobby Groups Oppose Trump’s Border Separations », Bloomberg, 19 juin 2018, réf. du 5 juillet 2018, https://bloom.bg/2zd04Y5. vii. Ibid. viii. MÉDIAVILLE, Lucas. « Reconnaissance faciale : Google et Microsoft appuient sur le frein », Les Échos, 14 décembre 2018, réf. du 24 février 2019, https://bit.ly/2U6nYdJ. ix. « La reconnaissance faciale doit être réglementée, selon Amazon », Radio-Canada avec les informations de MIT TechnologyReview et ZDNet, 8 février 2019, réf. du 25 février 2019, https://bit.ly/2BMjban. x. LE GOHLISSE, Nathan. « La reconnaissance faciale d’Amazon, Google et Microsoft dans le collimateur de 90 associations », Clubic, 17 janvier 2019, réf. du 24 février 2019, https://bit.ly/2EwgX0r. xi. « Reconnaissance faciale : Amazon, Microsoft et Google sommés de ne pas vendre leur technologie aux États », Le Monde, 16 janvier 2019, réf. du 25 février 2019, https://lemde.fr/2Me8ZeI. xii. MÉDIAVILLE, Lucas. Ibid. xiii. LASSERRE, Clément. « La reconnaissance faciale d’Amazon inquiète des élus américains », Slate.fr, 3 décembre 2018, réf. du 25 février 2019, https://bit.ly/2NrDvCp. xiv. « Le système de reconnaissance faciale d’Amazon confond des élus avec des criminels », Radio-Canada avec les informations de The Verge et Mashable, 27 juillet 2018, réf. du 24 février 2019, https://bit.ly/2IzXn7v. xv. DUGAL, Matthieu. « Amazon, reconnaissance faciale et profilage », Gravel le matin, Radio-Canada, 25 octobre 2018, réf. du 25 février 2019, https://bit.ly/2GYY7ka.

187 SALAIRE VITAL

i. CLEAN CLOTHES CAMPAIGN. Workers and activists call on H&M’s shareholders to fulfill the living wage commitment, 7 mai 2018, réf. du 5 décembre 2018, http://bit. ly/2E5t0SQ. ii. VANCITY INVESTEMENT MANAGEMENT. From minimum wage to the living wage, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E4cdPT. iii. « Loblaw Shareholders Shoot Down Proposal For Living Wage », La Presse Canadienne, The Huffington Post, 3 mai 2018, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E48HFe. iv. LITTLE, Katie. « Subway CEO: How I’d solve the minimum wage debate », CNBC, 7 mai 2014, réf du 6 décembre 2018, https://cnb.cx/2E59uWq. v. GONGLOFF, Mark. « McDonald’s CEO: ‘We Will Support’ A Minimum Wage Hike », The Huffington Post, 4 juin 2014, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E60z7i. vi. KAVOUSSI, Bonnie. « Costco CEO: Raise The Minimum Wage To More Than $10 Per Hour », The Huffington Post, 6 mars 2013, réf. du 6 décembre 2018, http://bit. ly/2E75STZ. vii. PAYWORKS. Législation sur la paie — Salaire minimum au Canada et par province ou territoire, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2HGGyrg. viii. MARSOLAIS, Michel. « Le salaire minimum ne suffit plus à sortir de la pauvreté », Radio-Canada, 30 avril 2015, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E5tTul. ix. HURTEAU, Philippe et Minh NGUYEN. Les conditions d’un salaire viable Québec en 2017, IRIS, avril 2017, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2SCO3A9. x. FISMAN, Ray et Michael LUCA. « How Amazon’s Higher Wages Could Increase Productivity », Harvard Business Review, 10 octobre 2018, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2SxMGTe. xi. KOZHAYA, Norma. « Salaire minimum : l’équation simpliste de l’IRIS », Le Devoir, 2 mai 2018, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E2qKeZ. xii. MINIMUM 15 $. Joignez le mouvement, réf. du 30 janvier 2019, http://bit.ly/2HAIwJA. xiii. LIVING WAGE. Living Wage for families campaign, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E4b9vq. xiv. « Le salaire vital officiellement adopté à Quesnel », 8 septembre 2016, réf. du 6 décembre 2018, Radio-Canada, http://bit.ly/2E3Bp9a. xv. « Un salaire minimum vital envisagé à la mairie de Vancouver », Radio-Canada, 21 septembre 2016, réf. du 6 décembre 2018, http://bit.ly/2E3xDg1. xvi. SCHUÉ, Romain. « L’administration Plante reporte la hausse du salaire minimum à 15 $ pour ses employés et sous-traitants », Radio-Canada, 12 avril 2018, réf. du 7 décembre 2018, http://bit.ly/2SyExh8. xvii. DEPIETRO, Andrew. « The Best Cities To Be A Minimum Wage Worker », Forbes, 24 août 2018, réf. du 6 février 2019, https://bit.ly/2MTLKqO. xviii. SALTSMAN, Michael. « The Fight For $15 Sets Its Sights On A $20 Minimum Wage », Investor’s Business Daily, 4 novembre 2018, réf. du 30 janvier 2019, http://bit. ly/2HFc3lA.

ÉCARTS SALARIAUX EN FONCTION DU SEXE OU DE L’APPARTENANCE ETHNIQUE

i. VILLE DE NEW YORK. BUREAU DU CONTRÔLEUR FINANCIER. Comptroller Stringer Equal Pay Initiative Drives Transparency at Eight Major US Companies, 9 août 2018, réf. du 21 août 2018, https://on.nyc.gov/2BjjyLC. ii. ARJUNA CAPITAL. Arjuna Capital commends Citi for being first U.S. company to disclose “global median gender pay gap” data, 16 janvier 2019, réf. du 26 janvier 2019, https://bit.ly/2B39vYE. iii. MILLER, Kevin et Deborah J. VAJINS. The Simple Truth about the Gender Pay Gap, American Association of University Women, octobre 2018, réf. du 13 février 2019, p 5, https://bit.ly/2DyZpiK. iv. ÉTATS-UNIS. MINISTÈRE DU TRAVAIL. BUREAU DE LA FEMME. Le salaire égal. Guide des employeurs pour un salaire égal, avril 2012, réf. du 11 décembre 2015, p. 1, http://www.dol.gov/equalpay/EqualPayEmployerFrench.pdf. v. CHAMBERLAIN, Andrew. Demystifying the Gender Pay Gap: Evidence from Glassdoor Salary Data, Glassdoor, 23 mars 2016, réf. du 12 janvier 2018, http://bit. ly/1S5L7Ed. vi. MILLER, Kevin et Deborah J. VAJINS. Op. cit., p. 17. vii. Ibid., p. 9. viii. Ibid., p. 17. ix. Ibid., p. 18. x. THOMAS, Rachel et autres. Women in the Workplace 2018, Leanin.Org et Mckinsey & Company, octobre 2018, réf. du 15 février 2019, https://bit.ly/2d3Dzuj. xi. WECHTER, Sara. Global Pay Equity at Citi, Citigroup, 16 janvier 2019, réf. du 30 janvier 2019, http://citi.us/2BbPChU. xii. MILLIGAN, Patricia A. et autres. When Women Thrive, Businesses Thrives, MERCER, 2014, http://bit.ly/2yzCHnD. xiii. TYSON, Laura D’Andrea. Promoting gender parity in the global workplace, McKinsey Global Institute, janvier 2015, réf. du 12 janvier 2018, http://bit.ly/2yDRHTk. xiv. CREDIT SUISSE RESEARCH INSTITUTE. Diversité hommes-femmes. L’Europe en tête, 14 juin 2017, réf. du 10 janvier 2018, http://bit.ly/2FqN1l1. xv. HUNT, Vivian, Lareina YEE, Sara PRINCE et Sundiatu DIXON-FYLE. Delivering through diversity, McKinsey & Company, janvier 2018, réf. du 23 janvier 2018, http://bit. ly/2DPv3YP. xvi. CHAMBERLAIN, Andrew. Op. cit. xvii. CAMPBELL, Alexia Fernández. « How Democrats plan to shrink the gender pay gap », Vox, 12 février 2019, réf. du 15 février 2019, https://bit.ly/2GGIy0u. xviii. Ibid.

188 DÉSINFORMATION, CONTENUS HAINEUX ET INGÉRENCE POLITIQUE i. THE SANTA CLARA PRINCIPLES. 7 mai 2018, réf. du 7 février 2019, https://santaclaraprinciples.org/. ii. FACEBOOK INC. Circulaire de sollicitation des procurations, 13 avril 2018, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2H1NE9k. iii. TWITTER INC. Circulaire de sollicitation des procurations, 11 avril 2018, réf. du 9 janvier 2019, http://bit.ly/2H3q38l. iv. ALPHABET INC. Circulaire de sollicitation des procurations, 27 avril 2018, réf. du 10 janvier 2019, http://bit.ly/2H2REXa. v. FACEBOOK INC. Op. cit. vi. STATCOUNTER. Search Engine Market Share Worldwide, décembre 2018, réf. du 9 janvier 2019, http://bit.ly/2RCXjra. vii. FACEBOOK INC. Stats, 30 septembre 2018, réf. du 9 janvier 2019, http://bit.ly/2RKphkU. viii. UNESCO. Fake news : ce qu’en pensent les journalistes, juillet 2017, réf. du 11 janvier 2019, http://bit.ly/2VIEthm. ix. Ibid. x. HACHEY, Isabelle. « Quand Facebook propage la haine », La Presse, 13 janvier 2019, réf. du 15 janvier 2019, http://bit.ly/2QS5Ce3. xi. SEIBT, Sébastien. « Facebook : ces publicités russes qui visaient à polariser les États-Unis », France24, 2 novembre 2017, réf. du 17 janvier 2019, http://f24.my/22We.T. xii. « Facebook was warned of alleged Russian meddling back in 2014 », AFP, Rappler, 28 novembre 2018, réf. du 11 janvier 2019, http://bit.ly/2VKnKdK. xiii. FRENKEL, Sheera et autres. « Delay, Deny and Deflect: How Facebook’s Leaders Fought Through Crisis », The New York Times, 14 novembre 2018, réf. du 11 janvier 2019, https://nyti.ms/2DlsGPi. xiv. « Facebook supprime des comptes de propagande liés aux militaires du Myanmar », Radio-Canada, 15 octobre 2018, réf. du 17 janvier 2019, http://bit.ly/2QT9Br1. xv. HACHEY, Isabelle. Op. cit. xvi. Ibid. xvii. « Facebook employee leaks 1400 page rulebook for content management, exposes faultlines », OpIndia, 28 décembre 2018, réf. du 12 janvier 2019, http://bit.ly/2QI0jxV. xviii. RANDALL, Patrick. « Facebook : le 10-year challenge et la reconnaissance faciale, folklore ou réalité ? », Frenchweb.fr, 17 janvier 2019, réf. du 17 janvier 2019, http://bit. ly/2HfMHdS.

PRATIQUES DE TRAVAIL INÉQUITABLES i. VILLE DE NEW YORK. BUREAU DU CONTRÔLEUR FINANCIER. Comptroller Stringer, NYC Funds Call on Portfolio Companies to Immediately End Exploitative La bor Practices, 14 décembre 2018, réf. du 11 janvier 2019, https://on.nyc.gov/2H8h2uM. ii. COLVIN, Alexander J.S. An Empirical Study of Employment Arbitration: Case Outcomes and Processes, École des relations industrielles et du travail de l’Université Cornell, 2011, réf. du 18 janvier 2019, https://bit.ly/2sBJlHT. iii. GERSTEIN, Terri. « End Forced Arbitration for Sexual Harassment. Then Do More », The New York Times, 14 novembre 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://nyti. ms/2QhZ8sR. iv. GERSTEIN, Terri. Ibid. v. NGRAM, David. « Google employees launch campaign to end all forced arbitration », NBC News, 15 janvier 2019, réf. du 17 janvier 2019, https://nbcnews.to/2SVF8u5. vi. GANJOO, Shweta. « Google employees launch a social media campaign to end forced arbitration », India Today, 16 janvier 2019, réf. du 17 janvier 2019, https://bit. ly/2swJWdK. vii. WELLS, Porter. « States Take Up #MeToo Mantle in Year After Weinstein », Bloomberg BNA, 3 octobre 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://bit.ly/2EQZwcn. viii. CAMPBELL, Alexia Fernández. « House Democrats have a sweeping plan to protect millions of workers’ legal rights », Vox, 14 novembre 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://bit.ly/2qPCcCY.Ibid. ix. KOREN, James Rufus. « Weinstein scandal puts nondisclosure agreements in the spotlight », Los Angeles Times, 23 octobre 2017, réf. du 18 janvier 2019, https://lat. ms/2AMr9Qj. x. « Harcèlement sexuel : les clauses de confidentialité accusées d’avoir prolongé l’omerta », AFP, Le Journal de Montréal, 27 octobre 2017, réf. du 18 janvier 2019, https:// bit.ly/2sCDVw0. xi. GERSTEIN, Terri. Op. cit. xii. « Harcèlement sexuel : les clauses de confidentialité accusées d’avoir prolongé l’omerta », AFP, Le Journal de Montréal, 27 octobre 2017, réf. du 18 janvier 2019, https:// bit.ly/2sCDVw0.« States move to limit workplace confidentiality agreements », Associated Press, CBS News, 27 août 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://cbsn.ws/2rU8htR. xiii. WELLS, Porter. Op. cit. xiv. CAMPBELL, Alexia Fernández. « A new House bill would bar companies from using nondisclosure agreements to hide harassment », Vox, 18 juillet 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://bit.ly/2LzwZYN. xv. MENDICK, Robert et Gordon RAYNER. « Non-disclosure agreements: Everything you need to know about NDAs (and their misuse) », The Telegraph, 25 octobre 2018, réf. du 18 janvier 2019, https://bit.ly/2FK2lvG. xvi. KLEIN, Eve I. et Katelynn M. GRAY. « Are Non-Compete Agreements Getting Kicked to the Curb? », New York Law Journal, 2 novembre 2018, réf. du 19 janvier 2019, https://bit.ly/2CxJUXO. xvii. « The case against non-compete clauses », The Economist, 19 mai 2018, réf. du 19 janvier 2019, https://econ.st/2FDCKFb. xviii. Ibid. xix. KLEIN, Eve I. et Katelynn M. GRAY. Ibid. xx. BENNET, Jared. « ‘Money and greed’: how non-compete clauses force workers to fight for rights », Center for Public Integrity, The Guardian, 24 octobre 2018, réf. du 20 janvier 2019, https://bit.ly/2JonsmY. xxi. WIGGINS, Sheila Raftery. « No-Poach Agreements Are Targeted by Government, Employees and Legislators », New Jersey Law Journal, 16 août 2018, réf. du 20 janvier 2019, https://bit.ly/2W2JeCC. xxii. ECKLES, Paul M. et autres. Spotlight on No-Poach Agreements Continues, Expands to New Industries, Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP, 17 octobre 2018, réf. du 20 janvier 2019, https://bit.ly/2MlTphc. xxiii. Ibid. xxiv. WHITNEY, Lance. « Apple, Google, others settle antipoaching lawsuit for $415 million », cnet.com, 3 septembre 2015, réf. du 20 janvier 2019, https://cnet.co/2AXVgnT.

189 CRISE DES OPIOÏDES

i. INVESTORS FOR OPIOID ACCOUNTABILITY. Investors for Opioid Accountability Commends Endo International plc for Board of Directors’ Opioid Oversight Report, 6 décembre 2018, réf. du 18 janvier 2019, http://bit.ly/2Hn4Nuj. ii. LAVITO, Angelica. « Investors demand Walgreens explain how it’s managing opioid crisis risks », CNBC, 25 janvier 2019, réf. du 28 janvier 2019, https://cnb.cx/2G5q6yb. iii. GOUVERNEMENT DU CANADA. Aperçu des données nationales sur les méfaits et les décès liés aux opioïdes, 12 décembre 2018, réf. du 3 janvier 2019, http://bit. ly/2GUvNBn. iv. RAYMOND, Nate. « U.S. judge schedules 2019 trial in opioid litigation », Reuters, 11 avril 2018, réf. du 3 janvier 2019, https://reut.rs/2v6o2lU. v. DURKIN, Erin. « US drug overdose deaths rose to record 72,000 last year, data reveals », The Guardian, 16 août 2018, réf. du 31 août 2018, https://bit.ly/2Bs3ebu. vi. ÉTATS-UNIS. CENTER FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION. Understanding the Epidemic, réf. du 3 janvier 2019, http://bit.ly/2RswUME. vii. LEBRUN, Anne-Laure. « Aux États-Unis, les opioïdes tuent plus que les armes à feu », Le Figaro, 9 août 2018, réf. du 4 janvier 2019, http://bit.ly/2QpWA7Q. viii. Ibid. ix. BELMONTE, Adrianna. « “It didn’t happen overnight”: How the U.S. opioid crisis got so bad », Yahoo Finance, 9 décembre 2018, réf. du 19 décembre 2018, https://yhoo. it/2GzYeUM. x. FEELEY, Jef et Jared S. HOPKINS. « Purdue Includes Free Opioid Treatment Drugs in Settlement Offer », Insurance Journal, 14 septembre 2018, réf. du 4 janvier 2019, http://bit.ly/2QnLoZs. xi. NIESSE, Mark. « Georgia sues drug companies for allegedly causing opioid deaths », Atlanta Journal Constitution, 3 janvier 2019, réf. du 4 janvier 2019, https://on-ajc. com/2QoPe4K.

SUIVI D’AUTRES ENJEUX SOCIAUX

i. MOUTOT, Anaïs. « Prix des médicaments : les laboratoires pharmaceutiques à l’offensive aux États-Unis », Les Échos, 9 janvier 2019, réf. du 19 février 2019, https://bit.ly/2GS1gCC. ii. MOUTOT, Anaïs. « Prix des médicaments : les laboratoires pharmaceutiques à l’offensive aux États-Unis », Les Échos, 9 janvier 2019, réf. du 19 février 2019, https://bit.ly/2GS1gCC. iii. JOHNSON, Carolyn Y. « Two weeks after Trump unveiled plan to lower drug prices, two cancer drugs got a $1,000-per-month price hike », The Washington Post, 8 juin 2018, réf. du 20 février 2019, https://wapo.st/2NhFDg2. iv. « Trump annonce un programme pour réduire le prix des médicaments aux États-Unis », AFP, Le Journal de Montréal, 11 mai 2018, réf. du 19 février 2019, https://bit.ly/2tCvfql. v. MOUTOT, Anaïs. Op. cit. vi. ABUTALEB, Yasmeen. « Sen. Sanders, Rep. Cummings introduce bill to lower U.S. drug prices », Reuters, 10 janvier 2019, réf. du 19 février 2019, https://reut.rs/2SOSZGq. vii. KAISER FAMILY FOUNDATION. Poll: Majorities of Democrats, Republicans and Independents Support Actions to Lower Drug Costs, Including Allowing Americans to Buy Drugs from Canada, 1er mai 2017, réf. du 11 février 2018, http://kaiserf.am/2H847oG. viii. LANGRETH, Robert. « Drug Prices », Bloomberg, 5 février 2019, réf. du 19 février 2019, https://bloom.bg/2GWA998. ix. « Insuline : le Minnesota porte plainte contre Sanofi, Novo, Eli », Reuters, 16 octobre 2018, réf. du 19 février 2019, https://bit.ly/2BTg8gL. x. FEELEY, Jef et Robert LANGRETH. « Novo Nordisk, Lilly, Sanofi Must Face Insulin Drug Pricing Suit », Bloomberg, 15 février 2019, réf. du 19 février 2019, https://bloom.bg/2SaFYSE. xi. ÉTATS-UNIS. HOUSE COMMITTEE ON OVERSIGHT AND REFORM. Oversight Committee Launches Sweeping Drug Price Investigation, 14 janvier 2019, réf. du 19 février 2019, https://bit.ly/2QNm9zR. xii. ÉTATS-UNIS. U.S. DEPARTMENT OF STATE. Trafficking in Persons Report 2013, réf. du 1er février 2018, http://www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/2013/210544.htm#. xiii. KNOWTHECHAIN. 2018 Information and Communications Technology Benchmark Findings Report, 18 juin 2018, réf. du 6 juillet 2018, https://bit.ly/2lgwHtY. xiv. KNOWTHECHAIN. 2018 Food and Beverage Benchmark Report, octobre 2018, réf. du 14 novembre 2018, https://bit.ly/2ydKg3B. xv. KNOWTHECHAIN. 2018 Apparel and Footwear Benchmark, 3 décembre 2018, réf. du 21 février 2019, https://bit.ly/2GW0cNO. xvi. ORE, Adeshola. « Australian companies ‘significantly exposed’ to slavery risk - investors », Thomson Reuters Foundation, 15 février 2019, réf. du 19 février 2019, https://tmsnrt.rs/2V8Nmjm. xvii. PARENT, Jean-François. « Une loi anti-esclavage au Canada ? », Droit-Inc, 8 janvier 2019, réf. du 21 février 2019, https://bit.ly/2txhI3i. xviii. TRILLIUM ASSET MANAGEMENT. F5 Networks Commits to Greater Transparency of Diversity and Inclusion Strategies and Metrics, 7 février 2019, réf. du 18 février 2019, https://bit.ly/2GP1sCr. xix. HUNT, Vivian, Lareina YEE, Sara PRINCE et Sundiatu DIXON-FYLE. Delivering through diversity, McKinsey & Company, janvier 2018, réf. du 23 janvier 2018, http://bit.ly/2DPv3YP. xx. THOMAS, Rachel et autres. Women in the Workplace 2018, LeanIn.Org et McKinsey & Company, octobre 2018, réf. du 15 février 2019, https://bit.ly/2d3Dzuj. xxi. VIGEO EIRIS. La part des femmes dans les organes de gouvernance et les structures de direction reste médiocre en Europe (moins de 20 %) et encore plus limitée dans le reste du monde, 7 mars 2018, réf. du 20 mars 2018, http://bit.ly/2u7IhyU. xxii. CALVERT RESEARCH AND MANAGEMENT. Calvert Diversity Report 2017: Examining the Cracks in the Ceiling, 19 mai 2017, réf. du 2 juin 2017, http://bit.ly/2qcu6X3.

190 POUR NOUS CONTACTER :

Groupe Investissement Responsable inc. 4820, boul. Saint-Laurent Montréal (Québec) H2T 1R5

Téléphone : 514 448-5400

Télécopieur : 438-771-9941

Courriel : [email protected]

191